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« Le feu qui tombe goutte à goutte »ou les métamorphoses <strong>de</strong> la lumièredans Le tombeau <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles 1Julie Gallego(Université <strong>de</strong> <strong>Pau</strong> <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Pays</strong> <strong>de</strong> l’Adour)Le tombeau <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles est considéré comme unchef-d’œuvre ; le film d’Isao Takahata est <strong>de</strong>venu un« classique » <strong>de</strong> l’animation mondiale, par la richesse <strong><strong>de</strong>s</strong>on scénario, par son animation <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong> qualité <strong>et</strong>surtout par l’émotion qui saisit tout spectateur. Ce filmest l’adaptation d’une nouvelle d’Akiyuki Nosaka, enpartie autobiographique, parue en 1967, La tombe <strong><strong>de</strong>s</strong>lucioles 2 , une nouvelle écrite en une langue familière,voire argotique, qui se révèle noire, crue, assez froi<strong>de</strong>,cynique <strong>et</strong> désabusée, laissant une impression horrifiée <strong>de</strong>vi<strong>de</strong>, d’écœurement <strong>et</strong> peut-être <strong>de</strong> désespoir chez lelecteur. En France, le film a été inscrit à « Collège aucinéma » <strong>et</strong> la nouvelle est au programme <strong><strong>de</strong>s</strong> lycéens enlangue <strong>et</strong> littérature japonaises, en tant que classiquecontemporain.Les studios Ghibli sortent simultanément au Japon en1988 <strong>de</strong>ux chefs-d’œuvre : Le tombeau <strong><strong>de</strong>s</strong> luciolesréalisé par Takahata <strong>et</strong> Mon voisin Totoro par soncomplice Miyazaki (personnage qui <strong>de</strong>vient le symbole1 Isao TAKAHATA, Hotaru non haka – Le tombeau <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles(1988), DVD collector, Kaze, 2002. Les photogrammes sont© Studio Ghibli All Rights Reserved.2 Akiyuki NOSAKA, La tombe <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles, Arles, Picquier, 1995(trad. Patrick <strong>de</strong> Vos).1


du studio), une tragédie historique <strong>et</strong> un conte mo<strong>de</strong>rne,<strong>de</strong>ux œuvres poétiques différentes mais qui ont encommun les thèmes <strong>de</strong> l’enfance <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> lamère. Les choix faits par les <strong>de</strong>ux réalisateurs <strong>c<strong>et</strong></strong>te mêmeannée sont révélateurs <strong>de</strong> ce qui les rapproche mais aussi<strong>de</strong> ce qui les distingue : Miyazaki fait <strong><strong>de</strong>s</strong> films d’abordpour les enfants, Takahata fait <strong><strong>de</strong>s</strong> films aussi pour lesenfants. Mais il fallait que ce <strong>de</strong>rnier modifie certainsaspects très sombres <strong>de</strong> la nouvelle <strong>de</strong> Nosaka pour queson œuvre ne soit pas visible seulement pas un publicadulte.Et <strong>c<strong>et</strong></strong>te profon<strong>de</strong> métamorphose <strong>de</strong> la nouvelle passepar un traitement original <strong>de</strong> la lumière dans tout le filmd’animation. Après avoir analysé les idéogrammesHotaru non haka, nous verrons comment les affichesren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> la polysémie du titre japonais <strong>et</strong>augurent <strong>de</strong> la richesse <strong>de</strong> l’anime, dont nous étudieronsensuite les sources lumineuses (artificielles, naturelles <strong>et</strong>surnaturelles). Nous verrons comment elles structurentl’œuvre, se mêlent <strong>et</strong> s’entremêlent, faisantmétaphoriquement <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants <strong>de</strong>ux fragiles lucioles.Nous terminerons par une réflexion sur le traitement <strong>de</strong> lalumière comme lueur d’espoir dans l’anime <strong>de</strong> Takahata<strong>et</strong> dans leurs adaptations live, face à la noirceur <strong>de</strong> lanouvelle <strong>de</strong> Nosaka. Nous essaierons donc <strong>de</strong> montrer, àtravers <strong>c<strong>et</strong></strong>te étu<strong>de</strong>, comment la lumière <strong>de</strong>vient unemodalité <strong>de</strong> réécriture <strong>de</strong> la nouvelle dans son adaptationcinématographique : thème déjà important dans lanouvelle, elle <strong>de</strong>vient un procédé majeur d’écriturepoétique qui sublime l’œuvre animée.1. Le titre mis en images2


1.1. Le titre du film <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nouvelleLe titre japonais 火 垂 るの 墓 (Hotaru no haka, « L<strong>et</strong>ombeau / La tombe <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles ») m<strong>et</strong> en relationoxymorique <strong>de</strong>ux mots, luciole <strong>et</strong> tombe ; l’idéogrammechoisi par le romancier pour les lucioles va orienterTakahata vers une vision plus poétique <strong>de</strong> l’œuvre, moinssombre <strong>et</strong> plus émouvante. Les thèmes <strong>de</strong> la lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong>la mort sont donc manifestes, dès le titre choisi parNosaka. Mais nous verrons que, chez Takahata, lalumière, sous ses différentes formes, est conçue commela trame même du film.Le japonais peut recourir à trois systèmes d’écriture :la notation par syllabe (syllabaires hiragana <strong>et</strong> katakana)<strong>et</strong> celle par idéogramme ou logogramme (les kanji), à lafois ambiguë <strong>et</strong> riche puisqu’un kanji peut parfois être lu<strong>et</strong> donc compris <strong>de</strong> plusieurs manières ; sa prononciationpeut alors être précisée avec <strong><strong>de</strong>s</strong> furigana, comme c’est lecas lors <strong>de</strong> l’apparition du titre au début du générique duTombeau <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles (1).1 23


***L’un <strong><strong>de</strong>s</strong> apports majeurs <strong>de</strong> Takahata dans sonadaptation <strong>de</strong> la nouvelle <strong>de</strong> Nosaka est la création d’unevéritable poétique <strong>de</strong> la lumière, à la fois réaliste <strong>et</strong>onirique, quand l’œuvre originale reposait sur unepoétique <strong>de</strong> la noirceur : la trivialité s’est alorsmétamorphosée en sublime. Chez Takahata, la lumière,sous ses différentes formes <strong>et</strong> à la fois temps <strong>et</strong> espace,est conçue comme la trame même du film <strong>et</strong> comme lapart <strong>de</strong> vie à laquelle le spectateur peut se raccrocherpour ne pas sombrer dans le désespoir que porte en elle lanouvelle <strong>de</strong> Nosaka.Julie Gallego est maître <strong>de</strong> conférences à l’Université <strong>de</strong> <strong>Pau</strong> <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><strong>Pays</strong> <strong>de</strong> l’Adour, où elle enseigne la langue <strong>et</strong> la linguistique latines,ainsi que la ban<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sinée.MOTS-CLÉS :Japanimation - Takahata – lumière – adaptation – guerreRÉSUMÉS :FrançaisLe tombeau <strong><strong>de</strong>s</strong> lucioles – Hotaru no haka est l’adaptation d’unenouvelle mêlant fiction <strong>et</strong> autobiographie. Passant d’une esthétique<strong>de</strong> la noirceur structurant l’œuvre d’Akiyuki Nosaka à une esthétique<strong>de</strong> la lumière dans son film d’animation, Isao Takahata plonge lespectateur dans le <strong><strong>de</strong>s</strong>tin bouleversant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants victimes <strong>de</strong> laguerre, en utilisant toutes les ressources propres au <strong><strong>de</strong>s</strong>sin animé,pour un réalisme supérieur à celui <strong>de</strong> films en prise réelle.AnglaisGrave of the Fireflies – Hotaru no haka is the adaptation of a shortnovel, mixting fiction and autobiography. From an aesth<strong>et</strong>ic of the25


dark structuring the work of Akiyuki Nosaka to an aesth<strong>et</strong>ic of lightin his animated film, Isao Takahata plunges the viewer into thepoignancy fate of two children victims of the war, using all resourcesspecific to the cartoon, for a b<strong>et</strong>ter realism than in real movies.EspagnolLa tumba <strong>de</strong> las luciérnagas – Hotaru no haka es la adaptación <strong>de</strong>una noticia que mezcla ficción y autobiografía. Pasando <strong>de</strong> estética<strong>de</strong> la negrura que estructura la obra <strong>de</strong> Akiyuki Nosaka a estética <strong>de</strong>la luz en su película <strong>de</strong> dibujos animados, Isao Takahata hun<strong>de</strong> alespectador en el <strong><strong>de</strong>s</strong>tino que trastorna <strong>de</strong> dos niños víctimas <strong>de</strong> laguerra, utilizando todos los recursos consustanciales al dibujoanimado, para un realismo superior al <strong>de</strong> películas en toma real.26

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