[ p a s d e f ê t e s a n s p u b ? ]Quand la prévention part en campagnemesurer mieux la portée. On peut distinguer deux grands genres, expliqueThierry Desmedt. Celui de la publicité à visée réellement sociale et celui dontle caractère social, bien que porteur d’un réel potentiel éducatif, n’est en faitque prétexte à l’amélioration d’une image de marque.Qui est l’émetteur de la campagne Bob ? Il s’agit de l’Institut belge pour lasécurité routière (IBSR). La campagne est fi nancée à 50 % par le groupeArnoldus de la Fédération des brasseurs belges. Mais quel est donc l’intérêtd’Arnoldus ? Certes, BOB atteint réellement des objectifs de réduction desaccidents provoqués par l’ivresse au volant et notamment celle des jeunes.Et il faut saluer ce changement de mentalité auquel ont contribué les cam-pagnes BOB. Il faut dire également que le cadre légal joue un rôle importanten faveur des changements de comportements. La peur du gendarme etles amendes ont un réel effet.Cette campagne déclinée depuis plusieurs années, propose un modèle parfait,analyse Xavier Scheuer : Bob, joyeux, plébiscité par ses pairs, est capablede s’amuser sans boire. La campagne est répétée, à grand renfort debudgets, depuis des années. Mais elle peut également aller à l’encontred’autres objectifs éducatifs liés à la consommation d’alcool. Lorsque Bob estdésigné, les autres fêtards peuvent vraiment se bourrer la… et se retrouverconfrontés à d’autres risques.Bob ne boit pas, mais que font les autres ?QUELLE EFFICACITÉ ÉDUCATIVE ?Quant aux brasseurs, derrière leur slogan « Une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse », ils ontun objectif clair : éviter l’ivresse de quelques-uns, qui nuit à l’image du produit, et prôner la consommationmodérée du plus grand nombre. Une bière par jour, en forme toujours. L’objectif commercial est très clair.Quel qu’en soit l’émetteur, conclut Thierry Desmedt, la question importante à se poser est celle de la réussitedu dispositif en terme d’effi cacité sociale et éducative. Laquelle des missions est-elle la mieux remplie :la mission de marketing qui consiste à faire parler de soi ou la mission éducative ?On pourrait ajouter un troisième genre, la campagne pseudo-sociale, à visée réellement commerciale.Ainsi, l’industrie du tabac a mené des campagnes d’affi chage destinées aux adolescents, signifi ant quele tabac leur était interdit. En première lecture, on se dit qu’il s’agit d’une campagne venant en soutienà l’interdiction légale de vente de tabac aux mineurs. Mais lorsqu’on analyse l’effet sur les jeunes, il apparaîtque le public-cible, l’adolescent, ne peut s’identifi er aux adolescents mal fagotés représentés surl’affi che. Un effet contre-productif est obtenu sur le public-cible : l’interdiction ne concerne pas les adolescents« normaux ». Il suscite donc plutôt l’envie de fumer que de ne pas fumer pour ne pas ressemblerà ces ados.D’autres actionsLa publicité sociale par voie d’affichage,de spot radio, télé, dépli ants,etc., n’est certainement pas le seulmode d’action visant la réductiondes risques liés à la consommationd’alcool ou de drogues. Dansd’autres circonstances, des « ResponsibleYoung drivers » reconduisentles fêtards . Demême, des jeux de rôle menésavec des jeunes animateurs enmouvements de jeunesse sur lethème « Je bois, je fume, j’anime »en partant de leur situation et deleur responsabilité sont aussi desoutils de sensibilisation très efficaces*.L e s d o s s i e r sd e l ’ é d u c a t i o na u x m é d i a sP a g e 3 6* Je bois, je fume, j’anime, Fédérationdes guides catholiques de Belgique,Bruxelles, 1999.
[ p a s d e f ê t e s a n s p u b ? ]UN CADRE LÉGAL ETFISCALDes mesures fiscales— aug menter le prix de labière —, et mesures légales— interdire la publicitépour l’alcool et la distributiongratuite d’alcool auxmineurs — constituent desmoyens d’action complé-mentaires aux actions desensibilisation. MichelGraf, directeur de l’Institut<strong>Les</strong> stewards ou stadiers : une présence active et rassurante au cœur de la fête.suisse de prévention del’alcoolisme et autres toxicomanies(ISPA), explique la nécessaire complémentarité entre des campagnes éducatives et le cadre législatif.<strong>Les</strong> mesures législatives sont, dit-il, peu coûteuses, effi caces, mais peu populaires. À contrario, lescampagnes éducatives sont coûteuses, pas toujours effi caces, mais très populaires. Dès lors, c’est souventune complémentarité des deux qui s’avère nécessaire.Ainsi, à côté de l’ensemble des campagnes éducatives, l’ISPA fait pression en faveur d’une augmentationde l’impôt sur la bière au profi t de la protection de la jeunesse et de la santé. « Il convient, argumentel’ISPA, de fi xer un taux d’imposition suffi samment haut pour qu’une bouteille de boisson sucrée sans alcoolsoit nettement moins chère qu’une bouteille de bière de même contenance. Plus le taux d’imposition estélevé, plus la prévention est effi cace. À l’inverse un taux trop bas annule tout effet préventif. »À une toute autre échelle, celle d’un évènement tel que les 24h vélo de Louvain-la-Neuve, l’ordonnance depolice constitue un cadre légal sans lequel une action de prévention d’une consommation excessive d’alcoolserait beaucoup moins effi cace. L’ordonnance de police promulguée annuellement pour l’évènementlimite le nombre de points de vente d’alcool et la teneur en alcool des boissons proposées. Elle interdit les« cocktails maison » dont la teneur en alcool est incontrôlable ainsi que les contenants en verre ou en fer(canettes) qui deviennent des projectiles potentiels. En parallèle avec ce cadre légal, une série d’actions deprévention des risques sont mises en œuvre : des stewards ou stadiers, jeunes parmi les jeunes, assurentune présence active et rassurante. Ils sont vigilants aux faits de violence qui ont lieu afi n de permettre uneintervention rapide. Ils distribuent de l’eau, permettant aux jeunes de se désaltérer. Ils proposent un hébergementpour qu’aucun jeune ne reprenne son véhicule en état d’ébriété. Des boissons non alcoolisées sontvendues à un prix inférieur à celui de la bière 2 . Ces actions sont soutenues par un slogan : « Pour que la fêtereste la fête ».Slogan qui pourrait sans doute servir de base line à de nombreuses actions de prévention en matièred’alcool.2. Opération stadiers, Pour que la fête reste lafête, UCL, Louvain-la-Neuve, 2001.L e s d o s s i e r sd e l ’ é d u c a t i o na u x m é d i a sP a g e 3 7