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Lettre spéciale n°1 - Gens de la Caraïbe

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La <strong>Lettre</strong> du Forum Transcultureld’Art Contemporain 2006Par <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong> – Partenaire d’AfricAméricA - <strong>n°1</strong> – 28 juin 2006www.gens<strong>de</strong><strong>la</strong>caraibe.org et www.africamerica.orgSommaire-Edito 1- L’inauguration 2- … les temps fortsSculpture en direct 2- La parole est aux artistesMaxence Denis 3- Conférence à FOKAL 3- La parole est aux artistesPoésie et confi<strong>de</strong>nces 4- La parole est aux artistesÉlodie Barthélemy 5- La parole est aux artistesKossi Assou 7- Films à FOKAL 8- Temps fortsYane Mareine 9- Croix-<strong>de</strong>s-Bouquets 9- Partenaires 10EditoMettre à l’honneur <strong>la</strong> création contemporaine,interroger <strong>la</strong> diversité culturelle, sortir <strong>de</strong>s sentiersbattus voici ce que se propose <strong>de</strong> faire <strong>la</strong>Fondation AfricAméricA <strong>de</strong>puis maintenant six ans.Dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> 4 ème édition du Forum,désormais Transculturel, d’Art Contemporain, lesdifférents lieux culturels <strong>de</strong> Port-au-Prince et <strong>de</strong>svilles environnantes, accueillent <strong>de</strong>s artistes venus<strong>de</strong> <strong>la</strong> Gua<strong>de</strong>loupe, du Togo, <strong>de</strong> Cuba, du Canada,<strong>de</strong> France métropolitaine ou encore <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> LaRéunion.Ce Forum, qui permet aux artistes locaux <strong>de</strong>présenter leurs créations dans un cadrerésolument international, mais aussi d’échangeravec les artistes invités, constitue une belleoccasion <strong>de</strong> rompre l'isolement auquel l'île setrouve parfois confrontée, barrières réelles ouimaginaires …Le corps comme support, le corps objet, le corpsinstrument, le corps social ou transcendé, maisaussi le corps individuel ou collectif… les artistesnous ont offert quelques pistes <strong>de</strong> réflexion etsurtout <strong>de</strong> grands moments d’émotion autour <strong>de</strong>sconférences, expositions, ateliers, performancesmusicales et théâtrales qui ont eu lieu.Vous retrouverez donc dans cette lettre,quelques temps forts du Forum Transculturel2006, ainsi que <strong>de</strong>s entrevues et portraitsd’artistes invités.Anaïs JonesAnaïs JonesResponsablecommunicationLe thème « Corps Exploités » fait écho aux« Co<strong>de</strong>s Noirs » <strong>de</strong> l’édition 2004. Il a permis àcertains d’abor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s problèmes tels que <strong>la</strong>muti<strong>la</strong>tion, à l’instar du photographe réunionnaisLaurent Zitte. D’autres, comme <strong>la</strong> p<strong>la</strong>sticienneElodie Barthélémy, abor<strong>de</strong>nt le sujet sous un toutautre angle : celui du transfert d’énergie et <strong>de</strong> <strong>la</strong>communion <strong>de</strong>s individus.Tiré <strong>de</strong> <strong>la</strong> série Dechoukaj<strong>de</strong> Myriam MihindouNéanmoins, quelqu’en soient les différentesapproches ou les multiples perceptions, le corpsreste toujours le médiateur privilégié entre le« je » et le « nous », ce lien, qui, même si il doits’établir par <strong>la</strong>souffrance, nous fait prendreconscience d’appartenir à un tout, <strong>de</strong> faire partieintégrante du Mon<strong>de</strong>.


Page 2La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong>L’INAUGURATIONC'est dans les nouveaux locauxd'AfricAméricA, avenue Wilson à Pacotqu'a été donné le coup d'envoi <strong>de</strong> <strong>la</strong>4 ème édition du Forum Transcultureld'Art Contemporain.La cérémonie d'ouverture s'estdéroulée en présence <strong>de</strong>s nombreuxartistes, du grand public et <strong>de</strong>spartenaires : l'Institut Français d'Haïti(IFH), l'Institut Haitiano-Allemand etLa Fondation Connaissance et Liberté(FOKAL), lieux où se déroulent cetteannée <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s activités, étaientprésents. RFI, venue couvrir le Forum,était également <strong>de</strong> <strong>la</strong> partie, toutcomme Marie-Laurence Lassègue,nouvelle Ministre à <strong>la</strong> conditionféminine.Après avoir présenté le programmed'activités <strong>de</strong> l'édition 2006, BarbaraPrézeau, directrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> FondationAfricAméricA, a invité le public àdécouvrir les séries photographiques<strong>de</strong> Fred Koenig (Paris) et <strong>de</strong> René-PaulSavignan (Ile <strong>de</strong> La Réunion).Une première journée p<strong>la</strong>céeincontestablement sous le signe <strong>de</strong>l'échange. Les artistes présentsétaient là pour en témoigner : lescréations naissent bien souvent d'unerencontre, rencontre avec une cultureou avec l'autre, avec <strong>la</strong> matière ou leséléments mais toujours à <strong>la</strong> fin, cedésir <strong>de</strong> partager avec nous, avecvous…Bienvenue au Forum AfricAméricA !FOCUS – Retrouvez les temps forts <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestationSculptures en direct pour <strong>la</strong> Paix - Instal<strong>la</strong>tions sur l’esp<strong>la</strong>na<strong>de</strong> duMUPANAH« Sculptures pour <strong>la</strong> Paix », a réuni le lundi 19 juin 2006une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s médias locaux : <strong>de</strong> nombreusestélévisions, dont Télé Haïti et Télémax, avaient fait ledép<strong>la</strong>cement ainsi qu'une vingtaine <strong>de</strong> radios et diversjournalistes indépendants. Le togo<strong>la</strong>is Kossi Assou,Andrée Eugène, Céleur Jean Hérard, et Gyodo, tous troissculpteurs du centre ville <strong>de</strong> Port-au-Prince, étaientprésents pour répondre aux questions <strong>de</strong>s journalistes etdu grand public. Les riverains étaient là aussi, pressés<strong>de</strong>rrière les grilles <strong>de</strong> l'esp<strong>la</strong>na<strong>de</strong>.Tout au long <strong>de</strong> <strong>la</strong> semaine, <strong>de</strong> nombreuses personnes ont rendu visite aux artistes etnotamment <strong>de</strong>s groupes sco<strong>la</strong>ires venus <strong>de</strong>s environs.Organisé en col<strong>la</strong>boration avec <strong>la</strong> MINUSTAH, le programme du PNUD pour ledésarmement, DDR (Programme Désarmement, Démobilisation et Réintégration),l'objectif <strong>de</strong> ce projet était <strong>de</strong> donner libre cours à <strong>la</strong> créativité <strong>de</strong>s artistes qui,jusqu’au 26 juin ont pu penser, concevoir et finaliser leurs créations sous les yeux <strong>de</strong>spassants. Ces sculptures, qui intègrent notamment <strong>de</strong>s armes préa<strong>la</strong>blementdétruites et toute sorte <strong>de</strong> ferrailles récupérées, visent à sensibiliser un <strong>la</strong>rge publicsur le rapport complexe qu'entretient le peuple haïtien avec l'armement. En effet, <strong>la</strong>libre circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s armes à feu est <strong>de</strong>venue un problème d’actualité en Haïti. SelonBarbara Prézeau, directrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fondation AfricAméricA, ce phénomène peuts’expliquer par trois motifs :- <strong>la</strong> dissolution <strong>de</strong> l'armée sans désarmement préa<strong>la</strong>ble (décrétée par Aristi<strong>de</strong> en1995),- l'impunité qui sévit en Haïti : environ 75% <strong>de</strong>s personnes ayant perdu un membre<strong>de</strong> leur famille renonce à porter p<strong>la</strong>inte soit par peur <strong>de</strong>s représailles soit parce que lesystème judiciaire est quasi inexistant dans le pays,- enfin, <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s policiers haïtiens ne bénéficient pas d'une formationconséquente. 30% d'entre eux, baigneraient d'ailleurs dans <strong>de</strong>s affaires criminelleset/ou <strong>de</strong> corruption.Ces quelques éléments nous permettent donc <strong>de</strong> mieux saisir cette re<strong>la</strong>tion« rapprochée » voire « forcée » du civil haïtien face aux armes car tant que legouvernement ne sera pas en mesure <strong>de</strong> garantir <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> sécurité« décentes », certains continuerons à considérer <strong>la</strong> possession d'une arme commeune protection minimum.C'est d'ailleurs très tôt que les enfants se sentent concernéspar <strong>la</strong> question, comme le révèle le témoignage <strong>de</strong>s troisécoliers interrogés par le service <strong>de</strong> presse <strong>de</strong> <strong>la</strong>MINUSTAH* : <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> caméra ils ont confié que leursparents leur interdisaient formellement <strong>de</strong> jouer avec <strong>de</strong>sobjets représentant <strong>de</strong>s armes. C’est dire si ce problème estenraciné dans le quotidien <strong>de</strong>s haïtiens.* La MINUSTAH réalise actuellement un film sur ce projet.


Page 4La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong>La parole est aux artistes : poésie et confi<strong>de</strong>ncesLaurent Zitte, photographe <strong>de</strong>l'île <strong>de</strong> La Réunion, n'est restéque quelques jours, le temps <strong>de</strong>présenter son exposition « Ceciest mon corps » et <strong>de</strong> nous livrerses impressions…"Vers quel territoire mal engagé, versquel pays mal oublié al<strong>la</strong>it meconduire le chemin du 4 ème ForumTransculturel d’Art Contemporaind’AfricAméricA ; vers peut-être, cetteHaïti mal aperçue <strong>de</strong> chez moi, dontles accords <strong>de</strong> <strong>la</strong> créativité et <strong>de</strong>l’horreur <strong>de</strong> son inhumanité cou<strong>la</strong>ientdéjà dans mes veines.J’y trouvais pourtant, en cours duchemin, un pays radiant eténigmatique, rempli <strong>de</strong> similitu<strong>de</strong>shistoriques et <strong>de</strong> faux-semb<strong>la</strong>nts avecLa Réunion. Mais ce chemin futsurtout rempli <strong>de</strong> rencontres fertiles,riches en réflexion, où il était question<strong>de</strong> noir et <strong>de</strong> b<strong>la</strong>nc, <strong>de</strong> présencessalutaires et d’absences regrettables,<strong>de</strong> production manquée et <strong>de</strong>reproduction atypique, <strong>de</strong> véritémontrée et <strong>de</strong> solutions à démontrer,d’absence <strong>de</strong> moyen pour <strong>la</strong> créationet <strong>de</strong>s nombreux moyens <strong>de</strong> violence,<strong>de</strong>s distances <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie et <strong>de</strong><strong>la</strong> trop gran<strong>de</strong> proximité <strong>de</strong> l’anarchie,mais surtout du temps qui passe etqui ne passe pas.Enfin, au bout du chemin parcouru, leForum me conduisit vers cette Haïtiengagée, vers cette Haïti« hallucinante » où l’expérience ducorps mutilé se noue au Mal, maispourtant y sort victorieux.Il faut aussi se souvenir <strong>de</strong> l’Haïtienqui a oublié où mène le chemin…"Laurent ZitteLitanie pour HaïtiTu dis honneur,on te répond respectTu dis Haïti,on te répond chérieTu dis liberté,on te répond marronTu dis sacré,on te répond érodéTu dis guédé,on te répond reggaeTu dis <strong>de</strong>ssalines,on te répond bois-rondTu dis rue-<strong>de</strong>s-miracles,on te répond rue-<strong>de</strong>-l’enterrementTu dis mémoire,on te répond exilTu dis glin-glin,on te répond gin-glindoTu dis agricole,on te répond ravineTu dis vévé,on te répond raraTu dis cité-soleil,on te répond chimèreTu dis caoutchouc,on te répond loup-garouTu dis créole,on te répond kreyolTu dis respect,on te répond tonnerreTu dis honneur,on te répond comme-il-fautTu dis chérie,on te répond si-dieu-veutTu dis adieu,on te répond pourquoi... ... ... ...et tout à coup,tu ne dis plus rien,car tu sais qu’on ne vient pasen Haïti sans impunité…et que si tu t’avises<strong>de</strong> quitter le pays,Haïti continue à t’habiterjusqu’à l’ultime parabole<strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté enfin apaisée*********Sans-titreCroix-<strong>de</strong>s-Bouquets, 24 juin 2006Là-bas au pays <strong>de</strong>s neiges feutrées,là-bas au pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière-qui-dansesur les g<strong>la</strong>ciers en transeau son <strong>de</strong>s échos du silencelà-bas au pays <strong>de</strong>s sapinages du firmament,<strong>de</strong>s aurores boréales en transhumancesur l’échine <strong>de</strong>s caribous en radiancelà-bas au pays <strong>de</strong>s manitouves et <strong>de</strong>s loups-garousayant présidé à <strong>la</strong> dérive <strong>de</strong>s continentslà-bas au pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre erranteentre le camp d’hiver et le camp d’étésur <strong>la</strong> dorsale du précambrien…tu penses soudain à Haïtiet tu te racontes une histoire inéditequ’un chamane attrape au volpour l’emporter au pays <strong>de</strong>s Grands Esquimauxà jamais évanouis…puisse <strong>la</strong> Croix-<strong>de</strong>s-Bouquetsen restituer <strong>de</strong>ux ou trois giboulées insolitesJean Morisset


La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong>Page 3PERFORMANCES - La parole est aux artistes …C’est à Jacmel que nous avons retrouvé Maxence Denis, réalisateur et vidéo-artiste haïtien. Il nous parle <strong>de</strong> soninstal<strong>la</strong>tion « Kawoutchou », exposée actuellement à <strong>la</strong> Fondation FOSAJ.Comment crées-tu tes œuvres etcomment y parviens-tu dans lecontexte haïtien?D’abord je conçois l’instal<strong>la</strong>tion et jecherche ce qui est nécessaire au niveautechnique pour <strong>la</strong> réaliser. J’ai plusieursprojets déjà prêts que je soumets lorsquej’ai <strong>de</strong>s propositions.Dans une instal<strong>la</strong>tion trois choses sontessentielles : l’instal<strong>la</strong>tion p<strong>la</strong>stique ellemême,l’aspect technique et le contenuqui apparaît dans les moniteurs. Ce sonttrois conditions sine qua non <strong>de</strong>réalisation <strong>de</strong> l’oeuvre.Je travaille constamment les vidéos : parséquences, par recherche expérimentalesur <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ns et bien après le montage àproprement dit.En Haïti je suis tributaire <strong>de</strong> diversimpératifs à commencer par l’électricité.C’est pour moi un vrai « challenge ».L’instal<strong>la</strong>tion « kawoutchou », que j’aiégalement montrée au Mexique, m’a<strong>de</strong>mandé un travail intense. L’électricitéétait coupée régulièrement et je n’ai putravailler qu’à partir <strong>de</strong> 21h chaque nuit,pendant 1 semaine. Un vrai marathon.Est-ce que ce<strong>la</strong> expliquerait le peu<strong>de</strong> vidéo-artistes en Haïti ?Les conditions techniques et matériellesfont que c’est effectivement difficile pourun artiste vidéo <strong>de</strong> créer.Comment le public haïtien réagit-il àtes instal<strong>la</strong>tions ?Les gens sont réceptifs. Beaucoup m’ontdit qu’ils avaient imaginé <strong>de</strong>s choses <strong>de</strong>ce genre mais qu’ils ne pensaient pas quec’était possible à réaliser. Il y a unepremière réaction quand le spectateur estface à plusieurs écrans. Il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>vers lequel regar<strong>de</strong>r et comment regar<strong>de</strong>rl’instal<strong>la</strong>tion p<strong>la</strong>stique…Tu es l’un <strong>de</strong>s pionniers <strong>de</strong> l’artvidéoen Haïti, te sens-tu un rôled’éducateur ?Mon travail n’est pas fait pour éduquer, ils’agit <strong>de</strong> questionner <strong>la</strong> vidéo elle-mêmesur le <strong>la</strong>ngage vidéo souvent associé à <strong>la</strong>télévision. C’est pourquoi dans certainesinstal<strong>la</strong>tions j’enlève l’embal<strong>la</strong>ge p<strong>la</strong>stique<strong>de</strong>s téléviseurs pour mettre à nu le tubecathodique. C’est une façon <strong>de</strong> dire« regar<strong>de</strong>z, l’image vidéo n’est qu'uneprojection <strong>de</strong> photons et d’électrons.C’est <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière et <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur ».Quel sens donnes-tu à« Kawoutchou »?Cette instal<strong>la</strong>tion montre le quotidienhaïtien dans lequel on trouve beaucoupd’images ou <strong>de</strong> situations surréalistescomme le fou qui se dép<strong>la</strong>ce en pleineville sans qu’on ne le remarque. Quantau pneu (le kawoutchou) il est le symbole<strong>de</strong> <strong>la</strong> violence politique et <strong>de</strong> <strong>la</strong> misère età chaque fois qu’on brûle <strong>de</strong>skawoutchou dans <strong>la</strong> rue on sentl’angoisse chez les gens. Leskawoutchouman, ceux qui réparent lespneus, ont un travail ingrat, ils travaillentdur pour quelques sous à peine donc icile quotidien est intimement lié à uneforme d’oppression.En fin <strong>de</strong> compte, cette instal<strong>la</strong>tioncomme le reste <strong>de</strong> mon travail vidéotraduit un sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité toutsimplement.Propos recueillis par Anne LescotMaxence Denis exposera du 1 er septembre au26 octobre aux Migrations Culturelles AquitaineAfriques (MC2a) <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux (France) dans lecadre <strong>de</strong> l’exposition “Présences Africaines”.Conférence à FOKALMoi seule. L’œuvre d’Anna MendietaAnimée par <strong>la</strong> critique d'art cubaine,Yo<strong>la</strong>nda Wood, Moi seule. L’œuvre d’AnnaMendieta, a parfaitement illustré le thème<strong>de</strong> ce 4ème Forum, « Corps Exploités ».En effet, chez l’artiste, le corps – le sienen l’occurrence – constitue toujours lepoint <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> sa démarche artistique.Un instrument constant d'exploration et<strong>de</strong> transmutation, d'interrogation vis-à-vis<strong>de</strong> soi et <strong>de</strong> l'autre.Mardi 20 juin, le public <strong>de</strong> FOKAL a puvoir <strong>de</strong> nombreuses images <strong>de</strong>sperformances <strong>de</strong> l'artiste. De son travail,se dégage une certaine violence qui nepeut <strong>la</strong>isser indifférent même si elle ne vapas à l'encontre <strong>de</strong>s autres mais plutôt <strong>de</strong>sa personne, comme par exemple, <strong>la</strong>quête permanente <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité – entant que femme, mais aussi en tantqu’individu – qui passe par <strong>la</strong>transmutation obsessionnelle <strong>de</strong> sonimage.La série « Silhouettes » évoque elle, unrapport avec <strong>la</strong> Terre, le maternel, lepassé (individuel et commun àl'humanité). Certains y verront unecommunion avec <strong>la</strong> Nature, d'autres undésir <strong>de</strong> désintégration, <strong>de</strong> dissolution ducorps. Dans <strong>la</strong> salle les avis étaientpartagés....Ana Mendieta ? Une artiste qui a vécupour et par l'art, jusqu'à <strong>la</strong> fin. Sadisparition constitue en quelque sorte sa<strong>de</strong>rnière œuvre puisqu'elle s'est jetée du34ème étage d'un building à New York :« La mort, et seulement <strong>la</strong> mort, assureconstamment le renouvellement <strong>de</strong> <strong>la</strong>vie » avait-elle dit.Yo<strong>la</strong>nda WoodCritique d’art cubaine


La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong>Page 5PERFORMANCES - La parole est aux artistes …Avec Je tisse mes cheveux aux tiens, l'artiste franco-haïtienne, Elodie Barthélémy se propose <strong>de</strong> nous faire partagerun moment particulier où le corps et l'imaginaire se rejoignent.Rencontre avec une femme généreuse qui privilégie l'art comme moyen d'expression.Comment est née en toi cette idée <strong>de</strong> chevelurecollective ?De <strong>la</strong> figure du double sur <strong>la</strong>quelle jetravail<strong>la</strong>is <strong>de</strong> façon récurrente. Autravers <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture d’abord, puis jeme suis tournée vers le volume etl’utilisation <strong>de</strong> divers matériaux, tels lemohair, le crin et, maintenant, lescheveux synthétiques. En 2004, àl’occasion d’une exposition du Collectif2004 Images (1), j’ai coiffé une racined’arbre, <strong>la</strong> chevelure m’évoquant les racines aériennes <strong>de</strong> l’être.J’’ai éprouvé alors le besoin <strong>de</strong> coiffer mon double directementavec ma chevelure et me suis rendue chez une coiffeuse duquartier Barbès (2), munie d’un croquis <strong>de</strong> <strong>la</strong> coiffure que j’avaisimaginée. La coiffeuse, béninoise, n’a pas compris mon <strong>de</strong>ssin ;c’est une <strong>de</strong>s ses amies qui lui a permis <strong>de</strong> le décrypter ennommant les différents types <strong>de</strong> tresses présentes dans monmodèle, à savoir <strong>de</strong>s « féfé », <strong>de</strong>s « Kota » et <strong>de</strong>s « anangoda ».Je lui ai proposé <strong>de</strong> nommer mon invention, ce qu’elle a fait <strong>de</strong>bonne grâce, en m’offrant le nom <strong>de</strong> Ayikofénan composé d’unesyl<strong>la</strong>be prise dans chaque terme technique et en y ajoutant Ayipour Haïti (Ayiti).Et que signifie Ayikofénan ?En béninois, <strong>la</strong> signification <strong>de</strong> « ayi » c’est « <strong>de</strong> caractère » ;« Kofé », femme qui refuse le mariage ; et, « nan », femme <strong>de</strong> <strong>la</strong>cour. J’avais donc une coiffure divinatoire sur <strong>la</strong> tête !J’ai pu expérimenter <strong>la</strong> première forme <strong>de</strong>ma performance, lors d’un vernissage.De manière spontanée, 7 personnesinconnues, enfants, femmes et hommes<strong>de</strong> tout âge ont accepté <strong>de</strong> se connecter àma coiffure, à l’ai<strong>de</strong> d’une tresse que jefaisais dans leurs cheveux et qui sepoursuivait dans les miens.J’ai perçu alors que quelque chose me dépassait, comme uneconnexion transmettant non pas un message mais <strong>de</strong> l’indicible,<strong>de</strong>s parcelles <strong>de</strong> nos imaginaires, <strong>de</strong>s sensations neuves…Lorsque Barbara Prézeau m’a proposé <strong>de</strong> participer à ce Forum,sur le thème <strong>de</strong> « Corps Exploités », je n’ai pas eu envie <strong>de</strong>l’abor<strong>de</strong>r avec une charge négative mais plutôt <strong>de</strong> mettre en avant<strong>de</strong>s valeurs positives <strong>de</strong> ce pluriel <strong>de</strong>s corps.Au départ, tu as vraiment eu du mal à trouver <strong>de</strong>sparticipants et puis finalement tu t’es retrouvée avec unevingtaine <strong>de</strong> personnes….Oui, je me suis dit que même si il n’y avait personne, au moinsJenny Mezile (2), et moi serions là ! J’ai donc décidé <strong>de</strong> me<strong>la</strong>ncer <strong>la</strong> première. Immobilisée, exposée au regard <strong>de</strong> tous,j’offrais, en quelque sorte, un spectacle qui était du domaineprivé, qui pouvait même sembler ridicule au regard du public et<strong>de</strong>s passants.Ce<strong>la</strong> a sans doute contribué à ce queles personnes intéressées viennent àmoi. Peu à peu, principalement <strong>de</strong>sjeunes filles et quelques jeunes gensont accepté <strong>de</strong> se faire tresser. Lescoiffeuses se sont également jointes ànous en se tressant mutuellement, cequi n’était pas du tout évi<strong>de</strong>nt audépart.Raconte nous les jours qui ont précédé cette expérienceet qui, finalement faisaient, eux aussi, partie intégrante<strong>de</strong> cette performance.Ça a été progressif. Peu à peu le groupe a pris corps, le liens’est établi mais ça a été lent car les filles étaient vraiment dansl’attente. Il a fallu du temps pour que chacune prenne sacoiffure en main. Ce n’était pas à moi <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r… je ne vou<strong>la</strong>ispas. Il fal<strong>la</strong>it qu’elles soient capables <strong>de</strong> faire ce travail sur ellesmêmes.A partir <strong>de</strong> là, les coiffures ont pris plus d’ampleur et <strong>de</strong>personnalité. Les individualités ont pu s’affirmer, enfin, et ça,c’était un point fondamental dans ma démarche. Quant à <strong>la</strong>participation <strong>de</strong>s garçons, les motivations étaient autres. Ilsétaient là, moins pour se faire coiffer que pour être présents etvivre ce moment <strong>de</strong> complicité.La présence <strong>de</strong> Jenny Mezile a aussi été importante, surtout pourles filles qui ont pu s’i<strong>de</strong>ntifier à elle. Il y a eu une appropriationqui s’est faite par son intermédiaire <strong>de</strong> manière beaucoup plusévi<strong>de</strong>nte et immédiate. Jenny a d’ailleurs donné à <strong>la</strong>performance un côté plus gestuel, théâtral. De <strong>la</strong> façon dont jepercevais cette chevelure collective, il n’était par exemple pasquestion <strong>de</strong> parler. Pour moi, il s’agissait avant tout d’unequestion <strong>de</strong> connexion mais j’ai <strong>la</strong>issé faire comprenant quec’était vers cette direction que tendait le groupe.(suite en page 6)


Page 6La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong>PERFORMANCES - La parole est aux artistes …suite <strong>de</strong> <strong>la</strong> page 5Et le jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> performance ?Le groupe s’est connecté à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> nosmultiples tresses, et on a formé uncercle. Chaque coiffure était unique etrecherchée. La chevelure collective arésisté une soixantaine <strong>de</strong> minutes,palpitant <strong>de</strong> poèmes, <strong>de</strong> paroles, <strong>de</strong><strong>de</strong>ssins communs au sol, <strong>de</strong> rires et aexplosé par <strong>la</strong> danse finale <strong>de</strong> Jenny.Pour <strong>la</strong> petite anecdote, une chose assezcurieuse s’est produite à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong>performance. J’avais acheté un tas <strong>de</strong>ciseaux pour couper les liens qui nousunissaient. Et bien, au moment <strong>de</strong> lefaire, ils avaient disparus ! Or c’étaitimportant pour moi <strong>de</strong> couper ces lienscar c’est <strong>de</strong> ça dont il s’agit aussi : savoirque l’on existe dans un groupe maiségalement en tant qu’individu. Une foisque le lien est établi et que l’on aconscience <strong>de</strong> ce qui nous relie les unsaux autres, il est fondamental <strong>de</strong>retrouver son individualité. Ce qui a étéparticulier aussi, c’est que lorsque nousnous sommes détachés, nous avions tousune autre perception <strong>de</strong> l’espace, lecorps ne réagissait plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> mêmemanière. En fait, les liens étaient encoretrès sensibles. Je n’avais jamais vécu çaauparavant.Tu n’étais pas venue en Haïti <strong>de</strong>puis16 ans. Est-ce que ce<strong>la</strong> prend unesignification particulière pour toi,qui est franco-haïtienne, <strong>de</strong> réalisercette performance ici ?Oui tout a fait. Je vou<strong>la</strong>is vivre ici <strong>de</strong>smoments d’intimité que je n’ai pas vécu.Des liens essentiels du quotidien. Ne pasvivre le moment public mais partager <strong>la</strong>sphère <strong>de</strong> l’intime. C’était certainementune façon <strong>de</strong> combler un manque…Les réactions du public ?L’étonnement surtout <strong>de</strong> voir qu’un sigrand nombre <strong>de</strong> personnes ait pris partà <strong>la</strong> performance. Celle-ci répondaitpeut-être finalement à un besoin d’êtreensemble, <strong>de</strong> faire lien…Les dé<strong>la</strong>is n’étaient-ils pas un peucourts pour réaliser cetteperformance ?Et bien, Le tressage a duré <strong>de</strong>ux jours, letemps nécessaire pour nous connaître unpeu et se sentir en confiance. Par contre,il est vrai que le temps nous acruellement manqué pour <strong>la</strong> mise enespace <strong>de</strong> <strong>la</strong> connexion même, <strong>de</strong> ce quepouvait engendrer ce corps collectif… letroisième jour était déjà le <strong>de</strong>rnier, celui<strong>de</strong> <strong>la</strong> performance. Ce<strong>la</strong> a vraiment été àl’arrachée. Nous étions 20 et les idées,les désirs fusaient <strong>de</strong> toute part, mais,nous n’avons pas pu travailler toutes cesmatières fabuleuses… Nous l’avonsregretté, même si l’accueil a été empreint<strong>de</strong> complicité.Propos recueillis par Anaïs Jones__________________(1) Haïti en Seine, octobre/novembre 2004(2) quartier popu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> Paris(3) danseuse haïtienne qui vit à Paris__________________Dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> performance d’ElodieBarthélémy, nous avons rencontré JennyMezile, artiste résolument contemporaine,qui se bat au travers <strong>de</strong> son art contre lesidées reçues.Voici ses impressions …Comment en es-tu venue àparticiper à <strong>la</strong> performance d’ElodieBarthélémy ?J’étais en tournée à Miami <strong>de</strong>puis 2 moiset avec pas mal <strong>de</strong> performances àassurer, notamment ma <strong>de</strong>rnière piècechorégraphique « Miayé » qui signifie lesouffle <strong>de</strong> vie en yoruba.Je n’étais absolument pas au courant duprojet d’Elodie, ni <strong>de</strong> sa participation auForum.C’est un ami qui m’en a parlé. Du coup,c’est moi qui l’ai contactée car son idée<strong>de</strong> « Chevelure collective » m’a vraimentséduite.Je travaille beaucoup sur l’esthétique etsur <strong>la</strong> femme. Inutile <strong>de</strong> te dire qu’entant que femme noire, je me sensgran<strong>de</strong>ment concernée par les cheveux…les heures passées à se faire tresser,tisser, défriser, je connais ça !Et puis c’est un sujet qui n’est passouvent traité dans l’art. Le concept m’adonc semblé très intéressant….Enfin, participer à ce Forum, constituaitpour moi l’occasion <strong>de</strong> retourner en Haïtioù je n’étais pas venue <strong>de</strong>puis quinzeans !Elodie nous a dit que tu avaisapporté <strong>de</strong> nombreuses idées quiont été incluses dans <strong>la</strong>performance, notamment l’aspectthéâtral, <strong>la</strong> gestuelle alors que cen’était pas prévu au départ…(Rires). Oui, tout à fait. Je travaille auniveau du corps, <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestuelle et pourmoi, cette performance ne peut se faireen <strong>de</strong>hors du corps, il faut que les lienspassent par là aussi : le geste, le toucher,le ressenti sont très importants, toutcomme l’occupation <strong>de</strong> l’espace,l’enracinement du corps dans le sol. Çadonne <strong>de</strong>s artistes <strong>de</strong>bout sur scène etnon en équilibre.Comment expliques-tu que <strong>la</strong>plupart <strong>de</strong>s gens ayant participé àcette chevelure collective étaient<strong>de</strong>s collégiens ou lycéens. Lespersonnes plus « matures » avaientellespeur, selon toi, du ridicule ?Pas forcément du ridicule, il y a <strong>la</strong> peur<strong>de</strong> l’art tout simplement, <strong>de</strong> se voir dansle corps d’un artiste. Et ça, c’est untravail d’éducation. Un travail qu’il estimportant <strong>de</strong> faire car nous revenons <strong>de</strong>loin.(suite en page 7)


La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong> Page 7PERFORMANCES - La parole est aux artistes …suite <strong>de</strong> <strong>la</strong> page 6Toi aussi tu as ressenti <strong>de</strong>s liensparticuliers qui se sont créés avec lereste du groupe ?Oui bien sûr, être attaché n’est pasanodin. C’est une autre dimension, <strong>la</strong>prise <strong>de</strong> conscience que l’on n’est passeule. Pour moi, c’était comme uncordon ombilical qu’il fal<strong>la</strong>it couper à <strong>la</strong>fin car il est important <strong>de</strong> retrouver saliberté. Quand on a coupé les liens,c’était comme si <strong>la</strong> connexion étaittoujours présente. Et je ne parle pas <strong>de</strong>quelque chose d’imaginaire mais <strong>de</strong> trèsphysique, vraiment !D’autres personnes ayant participé à <strong>la</strong>performance sont d’ailleurs venues mevoir pour savoir si je ressentais <strong>la</strong> mêmechose.Tu nous par<strong>la</strong>is tout à l’heure <strong>de</strong>l’importance <strong>de</strong> l’occupation <strong>de</strong>l’espace. Est-ce que tu penses quelors <strong>de</strong> <strong>la</strong> performance vous êtesarrivés à quelque chose d’abouti, àcette maîtrise <strong>de</strong> l’espacejustement ?Non pas vraiment. Elodie vou<strong>la</strong>it que cesoit quelque chose <strong>de</strong> nature. Mais cettenature, il faut qu’elle soit dirigée, sinonon prend <strong>de</strong>s risques. C’est vrai qu’i<strong>la</strong>urait fallu plus <strong>de</strong> temps, plus <strong>de</strong> vécu.Elodie et moi sommes d’accord sur cepoint. Nous allons nous revoir, c’est sûr,car il y a vraiment quelque chose <strong>de</strong>formidable à faire autour <strong>de</strong> cetteperformance. C’est un spectacle quiaura définitivement une suite !Propos recueillis par Anaïs JonesDans le cadre <strong>de</strong> Sculptures pour La Paix,Kossi Assou, p<strong>la</strong>sticien-<strong>de</strong>signer répond ànos questions.C’Comment en es-tu venu à participer àce Forum et, notamment, au projet« Sculptures pour <strong>la</strong> Paix » ?Tout a commencé en décembre <strong>de</strong>rnierlorsque j’ai rencontré Barbara Prézeau àNiamey dans le cadre <strong>de</strong>s 5 ème Jeux <strong>de</strong> <strong>la</strong>Francophonie. Nous faisions tout <strong>de</strong>uxpartie <strong>de</strong>s membres du jury et, très vite,les affinités sont nées.A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> notre séjour, un ami nous aproposé <strong>de</strong> nous emmener voir le chef d’unvil<strong>la</strong>ge musulman, situé à quelquescentaines <strong>de</strong> kilomètres <strong>de</strong> Niamey. Je mesouviens alors que dans <strong>la</strong> pièce, Barbara,m’a montré un poteau mitan, je lui aimontré un objet au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong> porte, àson tour elle m’a montré un autre objet etainsi <strong>de</strong> suite… ce jeu là a duré quelquesminutes. C’est cette autre perception <strong>de</strong>l’espace, une vision animiste qui nous arapproché alors que par exemple, leseuropéens et africains présents ne voyaientqu’un espace vi<strong>de</strong>.C’est donc assez naturellement queBarbara m’a proposé <strong>de</strong> participer auForum Transculturel d’Art Contemporain etnotamment à l’instal<strong>la</strong>tion « Sculpturespour <strong>la</strong> Paix ».Et puis il s’agissait également d’établir unpont entre l’Afrique et <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong> : je suis làen tant que créateur mais aussi en tantqu’opérateur culturel afin <strong>de</strong> renforcer lepartenariat entre <strong>la</strong> Fondation AfricAméricAet « Artistik », structure que je dirige.En ce qui concerne l’instal<strong>la</strong>tion,comment l’as-tu abordée ? Avais-tudéjà une idée en tête ?Non, à ce moment là, je ne savais pasconcrètement en quoi consistait le projet.Ma démarche a donc été générale. Enfait, j’essaie toujours <strong>de</strong> voir comment jepeux rendre un thème p<strong>la</strong>stiquement.J’explore mentalement les différentspossibilités ; quelle allure donner à <strong>la</strong>chose ; est-ce que ça va être unesculpture, quels vont être les différentsmatériaux…Pour cette instal<strong>la</strong>tion, je me suis offertun petit temps sur p<strong>la</strong>ce afin <strong>de</strong>m’imprégner <strong>de</strong>s réalités du pays, meba<strong>la</strong><strong>de</strong>r, observer, voir les matériauxdominants : le béton, le ciment… le métalet le bois aussi, très présents ici. J’avaisdécidé <strong>de</strong> travailler sur ces <strong>de</strong>uxmatières, malheureusement avec lesdé<strong>la</strong>is, j’ai dû renoncer à l’utilisation dumétal.Ton œuvre est terminée et exposéeau regard du public ? Qu’elle en està présent sa signification ?J’ai choisi <strong>de</strong> l’abor<strong>de</strong>r sous l’angle <strong>de</strong>l’espoir : qui dit espoir dit renouveau, quidit renouveau évoque le cyclemort/naissance. Pour qu’il y aitnaissance, il faut qu’il ait mort. C’est leprocessus <strong>de</strong> germination. C’est d’ailleurscomme ça que j’ai intitulé mon œuvre.J'ai réalisé trois piliers. Le nombre troisreprésente <strong>la</strong> stabilité, le nombre <strong>de</strong> <strong>la</strong>création, <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation…en mêmetemps, l'œuvre isolée se tient aussi. C'estcomme si à chaque étape elle pouvaitêtre exposée. Dans ma démarche, il y aune recherche permanente d'équilibre carje considère que l'œuvre d'art est unprocessus : il y a un point <strong>de</strong> départ et unpoint d'arrivée et ce processus n’estpossible que grâce au déséquilibre. C'estlà, où le mouvement se fait…Tu étais le seul artiste togo<strong>la</strong>is. Lesautres sculpteurs sont <strong>de</strong>s artisteslocaux. Des synergies ouinteractions ont-elles pu se créer ?Malheureusementtravail individuel.non ! Ca a été un(suite à <strong>la</strong> page suivante)


La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2006 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong> Page 9Temps forts <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestationSPECTACLE/CONCERT - Yane MareineChants Graffitis, chants d’HaïtiLa prestation <strong>de</strong> Yane Mareine, comédienne et chanteusegua<strong>de</strong>loupéenne, restera un <strong>de</strong>s temps forts <strong>de</strong> ce 4 ème ForumTransculturel d'Art Contemporain.Le jeudi 22 juin, l'artiste a fait vibrer un public conquis à FOKAL.D'un « rien » en fer, au « merveilleux »CROIX-DES-BOUQUETS – Visite d’ateliersLa journée du 24 juin a permis aux participants du Forum <strong>de</strong>s’immerger dans une autre ambiance, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> petite ville <strong>de</strong>Croix-<strong>de</strong>-Bouquets située à une trentaine <strong>de</strong> kilomètres <strong>de</strong> Portau-Prince.Une ville au charme certain dontl’un <strong>de</strong>s emblèmes est <strong>la</strong> sculpturesur fer découpé, art qui sedéveloppe <strong>de</strong>puis maintenant un<strong>de</strong>mi siècle en Haïti.Au programme, <strong>la</strong> visite d’ateliers <strong>de</strong> différents sculpteurs dans<strong>la</strong> localité <strong>de</strong> Noailles : Serge Jolimeau, artiste mondialementconnu et qui est à l’origine <strong>de</strong> nombreuses vocations mais aussiFa<strong>la</strong>ise Péralte. Si dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s sculptures, lespersonnages du panthéon vodou sont récurrents, ce <strong>de</strong>rnierapporte un regard plus contemporain où influences aztèques etformes géométrique s’entremêlent.Lorsque l’on assiste au spectacle <strong>de</strong> Yane Mareine on constateinvariablement <strong>la</strong> même réaction chez un public néophyte :pendant quelques minutes, le silence fait foi. Intrigué, médusé,impressionné, peut-être même choqué, le spectateur ne restejamais indifférent lorsque <strong>la</strong> chanteuse entre en scène. Puis,progressivement, <strong>la</strong> salle se charge d'émotion, <strong>de</strong> vibration etd'énergie jusqu'à que s’établisse une sorte <strong>de</strong> communion entrel'artiste et son public.Le 22 juin, à <strong>la</strong> Fondation Connaissance et Liberté, <strong>la</strong> prestation<strong>de</strong> Yane Mareine, n'a pas fait exception à <strong>la</strong> règle. C'est en Haïti,un pays qu'elle affectionne <strong>de</strong>puis son enfance, qu'elle nous alivré une <strong>de</strong> ses plus belles prestations. Comme si, ici, sonspectacle prenait d'avantage <strong>de</strong> sens.Avec « Chants d'Haïti, Chants graffitis » Yane Mareine, sepropose <strong>de</strong> nous faire revivre <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong>s esc<strong>la</strong>ves déportésau travers d'un répertoire musical qui puise aussi bien dans lesmusiques sacrées que dans les chants popu<strong>la</strong>ires d'Haïti. Lachanteuse reprend notamment <strong>de</strong>s chansons interprétées parToto Bissainte (et <strong>de</strong>s arrangements <strong>de</strong> Lina Mathon B<strong>la</strong>nchet,musicienne haïtienne, elle aussi disparue). Une démarcheanthropologique, fruit <strong>de</strong> nombreuses années <strong>de</strong> travail, oùl'artiste restitue <strong>de</strong> façon symbolique <strong>de</strong>s chants rituels faisantappel à <strong>de</strong>s cultes venus d'Afrique.Sur <strong>la</strong> scène <strong>de</strong> FOKAL, Yane Mareine, était entourée <strong>de</strong>sélèves <strong>de</strong> l'atelier « Cop'Art » du groupe « Amaw<strong>la</strong> »(percussions), et du danseur Bwoulo, « parolier du corps »exceptionnel. On salue cette formation « éphémère », qui, enquelques jours seulement, est parvenue à atteindre unesymbiose totale sur scène.Nous livrer, dans un contexte musical mo<strong>de</strong>rne, <strong>de</strong>s chants issus<strong>de</strong>s racines ? Tel est le pari <strong>de</strong> Yane Mareine C'est peut-êtrepour ça que le spectacle, Chants d'Haïti, Chants Graffitis réunittoutes les générations. La semaine <strong>de</strong>rnière à FOKAL ce sont lesplus jeunes qui exprimaient leur enthousiasme tandis qu'uneautre partie du public, émue, a eu besoin <strong>de</strong> quelques minutespour digérer le moment intense qu'elle venait <strong>de</strong> vivre…Mais à Croix-<strong>de</strong>-Bouquets il n’est pasrare non plus <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s enfantss’atteler à <strong>la</strong> tâche, ponçant <strong>de</strong> façonrépétitive, <strong>de</strong>s formes déjà définies. Laville, « victime » <strong>de</strong> son succès, produitaussi <strong>de</strong>s pièces formatées, exportéespar <strong>la</strong> suite dans le mon<strong>de</strong> entier.En revanche, pour Eddy Rémy, jeune sculpteur haïtien, leprocessus <strong>de</strong> création doit rester un acte sacré : Mon inspirationprovient surtout <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie quotidienne, manifestationspopu<strong>la</strong>ires, enfants qui jouent dans les rues <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville oupaysannes revenant au vil<strong>la</strong>ge chargées <strong>de</strong>s produits agricoles.Tout est prétexte à sculpter… Mon style vient <strong>de</strong> <strong>la</strong> spontanéité,<strong>de</strong> <strong>la</strong> vibration et <strong>de</strong> l'état d'âme du moment. Tout ce<strong>la</strong> donneun certain sens et une vie au côté mystique <strong>de</strong> mes œuvres ; iln'y a pas <strong>de</strong> conditions spécifiques pour créer.Ren<strong>de</strong>z-vous au Centre Culturel SELIDEPour ceux qui aiment l’art et <strong>la</strong> culture, un détour par leCentre Culturel SELIDE s’impose. Situé au cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville,dans un cadre rural préservé, ce petit bijou regroupe <strong>de</strong>sartistes <strong>de</strong> toute tendance.Le 24 juin au soir, dans le cadre du Forum AfricAméricA, <strong>la</strong>salle était pleine, pleine <strong>de</strong> vie et d’authenticité pour unesoirée où théâtre, danse, musique et poésie se sontrejoints, une soirée où les artistes locaux nous ont faitpartager, l’espace d’un moment, leur réalité…


Page 10La <strong>Lettre</strong> du Forum AfricAméricA 2004 N°1 – 28/06/2006 – <strong>Gens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Caraïbe</strong>Avec <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>La <strong>Lettre</strong>Forum Transculturel d’ArtContemporain 2006Edition tirée à 50 ex.et diffusée sur Internet(60.000 connexions par mois)Anaïs JonesRédactrice en chefanais@gens<strong>de</strong><strong>la</strong>caraibe.orgBernard ChancySecrétaire <strong>de</strong> rédaction+509 510-8095info@africamerica.orgFondation AfricAméricABarbara Prézeau StephensonCommissaire générale+509 463-9540barbara@prezeau.comAvec l’aimable participation <strong>de</strong> :Anne LescotPrési<strong>de</strong>ntedu Collectif2004 Imageswww.collectif2004images.orgJean MorissetÉcrivain - GéographeEdition :Ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cultureet <strong>de</strong> <strong>la</strong> CommunicationNos partenairesFondasyon Konesans ak Libète (FOKAL)La Fondation Connaissance et Liberté, FOKAL, est une organisation non gouvernementale,travail<strong>la</strong>nt au développement <strong>de</strong> l'éducation, <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture et <strong>de</strong> l’environnement.AFAAL’Association française d’action artistique (AFAA), est l’opérateur délégué du ministère<strong>de</strong>s Affaires étrangères et du ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Culture et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Communication pour leséchanges culturels internationaux et l’ai<strong>de</strong> au développement, dans les domaines <strong>de</strong>s arts<strong>de</strong> <strong>la</strong> scène, <strong>de</strong>s arts visuels, <strong>de</strong> l’architecture, du patrimoine, <strong>de</strong>s arts appliqués et <strong>de</strong>l’ingénierie culturelle.L’IFHL'Institut français d'Haïti (IFH) est le carrefour <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité culturelle et est à l'origine<strong>de</strong> nombreuse manifestations phares <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Port-au-Prince. Il accueillerégulièrement <strong>de</strong>s expositions, films, conférences et concerts dans ses locaux.Commission Nationale <strong>de</strong> l’UNESCOPour cette agence spécialisée <strong>de</strong>s Nations Unies, le plus important n'est pas <strong>de</strong> construire<strong>de</strong>s salles <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse dans <strong>de</strong>s pays dévastés ou <strong>de</strong> restaurer <strong>de</strong>s sites du Patrimoinemondial. L'objectif que s'est fixé l'Organisation est vaste et ambitieux : construire <strong>la</strong> paixdans l'esprit <strong>de</strong>s hommes à travers l’éducation, <strong>la</strong> science, <strong>la</strong> culture et <strong>la</strong> communication.RFIRadio publique française à vocation internationale. RFI assure <strong>la</strong> diffusion mondiale <strong>de</strong>ses émissions par tous les vecteurs <strong>de</strong> transmission existants.OIFLa Francophonie, consciente <strong>de</strong>s liens que crée entre ses membres le partage <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>la</strong>ngue française et <strong>de</strong> valeurs universelles, œuvre au service <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix, <strong>de</strong> <strong>la</strong>coopération, <strong>de</strong> <strong>la</strong> solidarité et du développement durable.DDR / MINUSTAH / PNUDLe Programme National <strong>de</strong> Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) <strong>de</strong>sNations Unies appuie le Gouvernement, en particulier <strong>la</strong> Police Nationale Haïtienne, dans<strong>la</strong> mise en oeuvre <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> désarmement, <strong>de</strong> démobilisation et <strong>de</strong> réinsertioncomplets et durables en Haïti.Support <strong>de</strong> :Collectif 2004 ImagesSa vocation est <strong>de</strong> donner en priorité une visibilité au travail <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>sticiens et <strong>de</strong>sréalisateurs d'Haïti et <strong>de</strong> sa diaspora. De leur apporter soutien moral et matériel afin <strong>de</strong>leur permettre <strong>de</strong> développer et <strong>de</strong> faire connaître leur art dans les meilleures conditions.AfriculturesRevue sur les cultures africaines qui offre un point <strong>de</strong> vue critique (d'analyse et non <strong>de</strong>pur jugement) sur les événements proposant <strong>de</strong>s repères au public comme aux déci<strong>de</strong>ursculturels, une revue qui abor<strong>de</strong> toutes les disciplines artistiques, ce qui évite <strong>la</strong> dispersiond'information et ouvre le lecteur aux domaines qu'il connaît moins bien.Ont également apporté leur concours à <strong>la</strong> réalisation du Forum :FOSAJ, le centre culturel SELIDE, l’Institut Haïtiano-Allemand, <strong>la</strong> Galerie Monnin, le Groupe Médialternatif,l’Association <strong>de</strong>s Amis <strong>de</strong>s Archives, Bibliothèques et Musées <strong>de</strong> La Réunion, Cop’Art, Artawak, Famyo<strong>la</strong>,CEP, Gui<strong>de</strong>s Panorama, le Café Terrasse, …

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