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III - Centre de Recherche en Gestion - Ecole Polytechnique

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SOMMAIREActes du SéminaireContradictions et Dynamique <strong>de</strong>sOrganisationsAvant-propos.CONDOR1Pour une sociologie <strong>de</strong> la régulation socialeJean-Daniel REYNAUD.1- <strong>III</strong> -(Octobre 1990 - Juin 1991)<strong>III</strong>IINSocio-Economics : Sorne Policy ImplicationsAmitai ETZIONI.Le désordre dans l'<strong>en</strong>trepriseNorbert ALTER.Essai sur l'urg<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> gestionClau<strong>de</strong> RIVELINE.173751vLa formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiquesHervé LAROCHE.65VIHypocrisie organiséeNils BRUNSSON.99Novembre 1992V<strong>III</strong>tinéraires d'appr<strong>en</strong>tissage dans l'organisation.La fiabilité dans une unité robotiséeFlor<strong>en</strong>ce CHARUE.109V<strong>III</strong>Conv<strong>en</strong>tions <strong>de</strong> coordination et organisationsLaur<strong>en</strong>t THEVENOT.139IXIndividual and Organizational LeamingDonald SCHON.179XIndividual Properties ofthe CEO as DeterminantsofOrganization Design: An Integrated Mo<strong>de</strong>lArie Y. LEWIN, Carroll U. STEPHENS.185Le Séminaire CONDOR est organisé par le <strong>C<strong>en</strong>tre</strong> <strong>de</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>en</strong> <strong>Gestion</strong> <strong>de</strong> l'<strong>Ecole</strong> <strong>Polytechnique</strong>(CRG)et l'<strong>Ecole</strong> Supérieure <strong>de</strong> Commerce <strong>de</strong> Paris (ESCP)


I. POUR UNE SOCIOLOGIE DE LA REGULATION SOCIALEJean-Daniel REYNAUDProfesseur au Conservatoire National <strong>de</strong>s Arts et MétiersAVANT-PROPOSCe volume réunit les contributions <strong>de</strong>s confér<strong>en</strong>ciers à la troisième année du séminaireCONDOR.Fidèle à son ori<strong>en</strong>tation initiale, le séminaire a continué à multiplier les points <strong>de</strong> vues etles angles d'analyse sur les organisations. Plusieurs thématiques nouvelles apparaiss<strong>en</strong>tici, mais <strong>de</strong>s discussions déjà abordées précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t font égalem<strong>en</strong>t l'objetd'approfondissem<strong>en</strong>t.La richesse du séminaire, c'est aussi d'être un lieu <strong>de</strong> débats rigoureux sanscomplaisance, et <strong>de</strong> haute t<strong>en</strong>ue. Ce volume, malheureusem<strong>en</strong>t, n'<strong>en</strong> r<strong>en</strong>d pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>tcompte car il n'a pas été possible pour différ<strong>en</strong>tes raisons, in<strong>de</strong>p<strong>en</strong>dantes <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong>la Rédaction, <strong>de</strong> réunir toutes les contributions <strong>de</strong>s discutants et les comptes r<strong>en</strong>dus <strong>de</strong>discussionsNous nous <strong>en</strong> excusons auprès <strong>de</strong> nos lecteurs.Rapporteur:Hervé DUMEZ, CRGSéance du 24 octobre 1990


Pour dresser un bilan et <strong>de</strong>ssiner les perspectives <strong>de</strong> la sociologie du travail, ne faut-il pasd'abord décrire à quel point elle s'est ét<strong>en</strong>due, diversifiée, démultipliée dans les domainescouverts, les question posées, les démarches adoptées? Au départ, quelques thèmessimples: les tâches et les qualifications ouvrières face à la technologie; les effets et leslimites <strong>de</strong> l'organisation sci<strong>en</strong>tifique du travail, ou <strong>de</strong> la bureaucratie; un schéma simpledu marché du travail et <strong>de</strong>s affrontem<strong>en</strong>ts sociaux qui se nou<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> lui. A l'arrivée,l'extrême diversité <strong>de</strong>s technologies, <strong>de</strong>s catégories professionnelles et <strong>de</strong>s professions,<strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces et <strong>de</strong>s carrières; la diversité <strong>de</strong>s organisation, <strong>de</strong> leurs produits, <strong>de</strong> leursstructures, <strong>de</strong> leur dynamique; la balkanisation <strong>de</strong>s marchés du travail, l'individualisationet la dynamique incertaine <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> relations professionnelles (et <strong>de</strong> leurs rapportsavec le système politique).Cep<strong>en</strong>dant, plutôt que <strong>de</strong> passer <strong>en</strong> revue cette extrême variété (il y faudrait sans doute untraité plutôt qu'un article, et plus d'un auteur), nous souhaitons, dans cet article, cherchersi s'esquiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s ori<strong>en</strong>tations communes ou un rapprochem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s démarches; plusexactem<strong>en</strong>t, si l'on peut malgré la multiplicité <strong>de</strong>s intérêts et <strong>de</strong>s ori<strong>en</strong>tations, trouver,inv<strong>en</strong>ter, ou ajuster à cette <strong>en</strong>treprise collective que constitue une discipline un paradigmeacceptable.Réflexion personnelle, certes, bi<strong>en</strong> que toute faite d'emprunts. T<strong>en</strong>tative subjective, maispeut-être non arbitraire. L'idée simple <strong>en</strong> est que les résultats <strong>de</strong> la sociologie du travailpermett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> définir une nouvelle forme <strong>de</strong> la sociologie <strong>de</strong> l'action, posant comme unecaractéristique majeure <strong>de</strong> l'acteur social son autonomie, c'est-à-dire sa capacité àconstruire <strong>de</strong>s règles sociales et à y cons<strong>en</strong>tir.Ce paradigme n'introduit pas <strong>de</strong> révolutions. Il est prés<strong>en</strong>t, au moins à l'état d'intuitiondirectrice, dans les oeuvres <strong>de</strong>s fondateurs. Mais il est d'autant plus nécessaire <strong>de</strong> ler<strong>en</strong>dre plus explicite que <strong>de</strong>s embardées théoriques s'<strong>en</strong> sont largem<strong>en</strong>t détournées et cequi est plus important, que la pratique <strong>de</strong> l'organisation et <strong>de</strong> l'administration est souv<strong>en</strong>tpartie <strong>de</strong> postulats contraires. Sa validité n'est pas limitée aux problèmes du travail: lamanière dont il compr<strong>en</strong>d la structure <strong>de</strong> l'action sociale emprunte aux exemples les plusclassiques. Mais les problèmes du travail permett<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t d'apprécier sapertin<strong>en</strong>ce et sa fécondité.Le travail a un produit (dans le cas du travail artisanal ou industriel, un objet matériel,objectivem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> défini). Les contraintes qui s'exerc<strong>en</strong>t sur l'activité <strong>de</strong> travail sontjustifiées et légitimées par le succès <strong>de</strong> la production: aboutir à un objet v<strong>en</strong>dable (ou dumoins accepté par le <strong>de</strong>stinataire). Il est donc nécessaire <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre ces contraintes,qui sont celles <strong>de</strong> l'objet, et il est t<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> réduire l'acteur à ces contraintes. Il est t<strong>en</strong>tant<strong>de</strong> réduire la division du travail et la définition <strong>de</strong>s tâches à la satisfaction d'exig<strong>en</strong>cestechnologiques, d'imposer une unique solution d'organisation à partir <strong>de</strong>s exig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>l'efficacité, et <strong>de</strong> poser que ce qui se v<strong>en</strong>d et ce qui s'achète sur le marché du travail estune marchandise comme les autres. Il est t<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> suivre la logique <strong>de</strong> l'objet (duproduit, <strong>de</strong> la marchandise) et d'oublier celle <strong>de</strong> l'acteur (du producteur, du travailleur, <strong>de</strong>l'échangiste).Mais le producteur, s'il obéit à la nature, lui comman<strong>de</strong> aussi. L'homme <strong>de</strong> l'organisationne se borne pas à occuper la place qui lui a été désignée, il mainti<strong>en</strong>t l'organisation <strong>en</strong> état<strong>de</strong> marche. Le salarié déf<strong>en</strong>d et perd sa qualification. Le négociateur participe à la fixation<strong>de</strong>s règles du travail et <strong>de</strong> sa rémunération.L'acteur social ne se borne pas à choisir la meilleure év<strong>en</strong>tualité, il inv<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s solutions.Il ne se borne pas à choisir le meilleur coup à jouer et la meilleure stratégie dans un jeusocial, il mainti<strong>en</strong>t ou transforme les règles du jeu. C'est ce que l'étu<strong>de</strong> du travail (<strong>de</strong> laproduction et <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> travail) ne permet pas d'oublier.1. A LA RECHERCHE D'UN PARADIGME1.1. LE MARCHE DU TRAVAILQu'il n'existe pas un seul marché du travail, mais un très grand nombre <strong>de</strong> petits marchésséparés les uns <strong>de</strong>s autres, régionaux ou locaux, <strong>de</strong> métier ou d'industrie, voilà qui nedoit pas choquer l'économiste le plus classique. Et non plus que ce qui les sépare, ce nesoit pas seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s distances physiques (ou <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> transport), mais aussi<strong>de</strong>s distances culturelles ou <strong>de</strong>s institutions. Quand Clark Kerr parle <strong>de</strong> balkanisation <strong>de</strong>smarchés du travail (1), il introduit une idée beaucoup plus neuve: chaque petit marchén'est pas un marché <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce, r<strong>en</strong>du imparfait par sa petite taille et plusgénéralem<strong>en</strong>t par les obstacles à l'<strong>en</strong>trée. C'est un marché organisé et arrangé.L'expéri<strong>en</strong>ce dont il parle, il l'a lui-même rappelé, est celle du contrôle administratif<strong>de</strong>ssalaires p<strong>en</strong>dant la secon<strong>de</strong> guerre mondiale. Les administrateurs voulai<strong>en</strong>t s'appuyer surla constatation <strong>de</strong>s prix du travail fixés par le marché. Ce que leur <strong>en</strong>quête leur découvrit,c'est que, là où il y avait un prix bi<strong>en</strong> établi, ce n'était pas un prix d'équilibre issu <strong>de</strong>transactions libres, mais l'effet d'une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te ou d'une conv<strong>en</strong>tion.Les petits marchés sont aussi, au moins pour une partie d'<strong>en</strong>tre eux, <strong>de</strong>s marchésinternes, c'est-à-dire <strong>de</strong>s unités où les conditions d'emploi (salaire, promotion,affectation) sont soumises à <strong>de</strong>s règles (2). L'unité couverte peut être, comme une unité <strong>de</strong>négociation, une <strong>en</strong>treprise, ou une partie d'<strong>en</strong>treprise, ou un métier, voire une branched'industrie. Les règles peuv<strong>en</strong>t être traditionnelles (coutumes du métier, par exemple) oucontractuelles (fixées par un accord d'<strong>en</strong>treprise). Un marché interne peut-être plus oumoins fermé (on n'y <strong>en</strong>tre et on n'<strong>en</strong> sort qu'au début et à la fin <strong>de</strong> la vieprofessionnelle), il ne peut pas être totalem<strong>en</strong>t ouvert. Même l'accès <strong>en</strong> est réglé.Le marché interne est généralem<strong>en</strong>t favorable aux salariés <strong>en</strong> améliorant la stabilité <strong>de</strong>l'emploi et <strong>de</strong> la rémunération, mais souv<strong>en</strong>t aussi <strong>en</strong> élevant cette <strong>de</strong>rnière. Faut-il doncy voir la simple conséqu<strong>en</strong>ce d'un monopole qu'ils déti<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t (soit qu'ils contrôl<strong>en</strong>tl'<strong>en</strong>trée, soit par la capacité <strong>de</strong> refuser leur travail) ? Il est assurém<strong>en</strong>t vrai qu'il ya liaison<strong>en</strong>tre l'exist<strong>en</strong>ce d'un marché interne et la capacité <strong>de</strong> coalition <strong>de</strong>s salariés; et aussi quebi<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> conv<strong>en</strong>tions collectives ont été <strong>de</strong> l'initiative <strong>de</strong>s employeurs. Mais ceux-cipeuv<strong>en</strong>t aussi avoir intérêt à la régulation du marché: par un effet <strong>de</strong> sélection, qui leurpermet <strong>de</strong> choisir les salariés les plus qualifiés ou les plus zélés (<strong>en</strong> haute conjoncture, lemarché interne stabilise la main-d'oeuvre et ce sont les meilleurs qui s'<strong>en</strong> irai<strong>en</strong>t d'abord); mais aussi par un effet d'investissem<strong>en</strong>t (la stabilité permet d'accroître l'expéri<strong>en</strong>ce,d'acquérir une formation).Le développem<strong>en</strong>t du marché interne est peut-être conforme à ce que nous appr<strong>en</strong>dl'analyse du contrat <strong>de</strong> travail. Les relations d'incertitu<strong>de</strong> qui l'affect<strong>en</strong>t (l'employeur nepeut pas être sûr que la force <strong>de</strong> travail qu'il achète sera bi<strong>en</strong> employée, le salarié ne peutêtre sûr d'être payé à son "juste prix", un contrat exhaustifest impossible) lui donn<strong>en</strong>t lastructure d'un dilemme <strong>de</strong>s prisonniers dont on ne peut sortir que par un pari, uneconfiance mutuelle, une "poignée <strong>de</strong> main invisible" (3) (et qui, bi<strong>en</strong> sûr, n'est possibleque parce qu'il s'agit d'un jeu répété). Il faut simplem<strong>en</strong>t ajouter que ce pari, ou cecontrat implicite, peut être à moy<strong>en</strong> ou long terme : il est aussi un pari sur ledéveloppem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise et sa maîtrise <strong>de</strong> la production et du marché, d'une part,sur le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s qualifications et <strong>de</strong> la compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s salariés, <strong>de</strong> l'autre.Il faut donc parler moins <strong>de</strong> marchés internes que d'internalisation. Et, réciproquem<strong>en</strong>t, lemarché externe, dans la mesure où il semble séparé du secteur primaire par <strong>de</strong>s obstaclesdifficiles à franchir, est-il autre chose que le produit <strong>de</strong>s cercles vicieux <strong>de</strong> l'instabilité et<strong>de</strong> la non-qualification (voire <strong>de</strong>s cercles vicieux <strong>de</strong> la pauvreté) (4) ? Le processusd'internalisation ne crée pas <strong>de</strong>s équilibres stables, ne serait-ce que parce qu'il est lié à lacroissance <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise et <strong>de</strong> son marché. Par exemple, par les avantages accordés àl'anci<strong>en</strong>neté ou par une politique systématique <strong>de</strong> promotions, il élève le coût salarial sans<strong>en</strong>traîner automatiquem<strong>en</strong>t une augm<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> la valeur ajoutée. L'<strong>en</strong>treprise répondra23


soit par l'innovation, soit par l'externalisation <strong>de</strong>s services <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us trop coûteux. Leprocessus n'est ni régulier, ni monotone.L'analyse du marché du travail nous donne un premier exemple <strong>de</strong> processus <strong>de</strong>régulation (5).1.2. LA TECHNOLOGIE ET L'OPERATEURLa technique comman<strong>de</strong>-t-elle l'organisation et le travail lui-même, dans le détail <strong>de</strong>stâches 7 De toute évi<strong>de</strong>nce, la production doit satisfaire <strong>de</strong> très fortes contraintes qui sont<strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong>s lois physiques: un haut-fourneau doit d'abord permettre, par les lits <strong>de</strong>coke et <strong>de</strong> minerai comme par la v<strong>en</strong>tilation, d'atteindre la température <strong>de</strong> fusion duminerai. De toute évi<strong>de</strong>nce aussi, les différ<strong>en</strong>tes opérations nécessaires pour fabriquerune tôle impos<strong>en</strong>t une première division du travail (le haut-fourneau, le four qui affinel'acier, le laminoir) et <strong>de</strong>s groupes professionnels correspondants.Les nouvelles technologies (qui n'ont pas cessé d'être nouvelles <strong>de</strong>puis cinquante ans)ont durci certaines <strong>de</strong>s contraintes. De même ont-elles eu <strong>de</strong>ux effets principaux. Toutd'abord, elles ont acc<strong>en</strong>tué la séparation <strong>de</strong> la conception et <strong>de</strong> l'exécution, <strong>en</strong> remplaçantl'homme <strong>de</strong> métier, au profit <strong>de</strong> l'ingénieur, du sci<strong>en</strong>tifique, voire <strong>de</strong> l'expert extérieur.La part <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t prépondérante. Ce ne sont pas les ouvriers spécialisés <strong>de</strong>fabrication qui inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t les robots. De l'autre, les automatismes permett<strong>en</strong>t nonseulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>r les opérations, mais <strong>de</strong> les coordonner, <strong>de</strong> les contrôler,d'<strong>en</strong>rayer les déviations, <strong>de</strong> surveiller la réalisation <strong>de</strong>s programmes: à la limite,d'éliminer toute tâche d'exécution.A partir <strong>de</strong> ces quelques faits, peut-on déduire quelques gran<strong>de</strong>s t<strong>en</strong>dances et prédirehardim<strong>en</strong>t un av<strong>en</strong>ir inéluctable 7 L'important, pour nous, c'est moins <strong>de</strong> peser lesargum<strong>en</strong>ts qui conclu<strong>en</strong>t à l'inévitable déqualification <strong>de</strong>s exécutants face au capital (mais<strong>de</strong> quel côté faut-il loger les cadres et les technici<strong>en</strong>s qui se multipli<strong>en</strong>t 7) ou qui croi<strong>en</strong>tplutôt à la polarisation <strong>en</strong>tre une couche <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus qualifiée (ou, <strong>en</strong> tout cas, quimonopolise les connaissances professionnelles) et une couche <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plusdéqualifiée, ou <strong>en</strong>core à ceux qui font une loi <strong>de</strong> la "reprofessionnalisation" à partir <strong>de</strong>sannées 1975 - 1980 (6). Nous voudrions plutôt nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette manière <strong>de</strong> poserla question est la bonne. A-t-on le droit <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s prédictions sur un déterminismetechnologique (fût-ce par l'intermédiaire d'un raisonnem<strong>en</strong>t économique) 7Alain Touraine l'avait montré dès 1955 (7) : il est impossible <strong>de</strong> séparer les machines <strong>de</strong>leur usage ou <strong>de</strong> leur <strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t, les techniques <strong>de</strong> production <strong>de</strong> l'organisation. Unemachine-transfert ne se définit pas seulem<strong>en</strong>t par sa vitesse ou sa puissance, mais par lefait qu'elle lie les opérations. Et c'est <strong>en</strong> suivant la même logique que Joan Woodwarddéfinissait la technologie non par les équipem<strong>en</strong>ts, mais par les partis-pris d'ingéniérie(fabrication à l'unité, <strong>en</strong> gran<strong>de</strong> série, <strong>en</strong> continu) (8).L'organisation est donc le résultat d'un choix parce que, même du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>l'efficacité à court terme, il faut optimiser non le système technique seul mais le systèmesocio-technique (9). Mais qui fait ce choix 7 L'optimisation conjointe <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux systèmespeut-elle être faite unilatéralem<strong>en</strong>t par la direction ou par les spécialistes 7 Les réponsessont <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus claires.Tout d'abord une organisation ne peut pas prét<strong>en</strong>dre à éliminer tout imprévu, tout aléa,toute incertitu<strong>de</strong> dans l'exécution. Elle ne peut non plus <strong>en</strong> c<strong>en</strong>traliser totalem<strong>en</strong>t letraitem<strong>en</strong>t. Elle est donc acculée à déléguer ce traitem<strong>en</strong>t, à confier à l'exécution unemarge <strong>de</strong> liberté pour l'assurer. A cette marge est liée une compét<strong>en</strong>ce (10). De quelleampleur 7 C'est une décision, qui dép<strong>en</strong>d notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces et <strong>de</strong>s bonnesvolontés disponibles. Mais, bi<strong>en</strong> qu'elle soit d'une ampleur variable, la délégationcomporte bi<strong>en</strong> aussi une participation à l'organisation (et si elle n'est pas offerte par lesorganisateurs, elle est conquise par les exécutants).4En second lieu, l'introduction d'une technologie nouvelle exige (peut-être <strong>de</strong> plus <strong>en</strong>plus, avec la croissance <strong>de</strong> la complexité) la participation <strong>de</strong>s exécutants. L'ét<strong>en</strong>due etl'objet <strong>de</strong> cette participation peuv<strong>en</strong>t varier. Elle est indisp<strong>en</strong>sable, au minimum, à la.mise<strong>en</strong> oeuvre, qui est rarem<strong>en</strong>t une pure mise <strong>en</strong> marche. Certains choix, au moins, sontpartagés.Enfin, l'adoption d'une nouvelle technologie n'est pas un acte isolé et bi<strong>en</strong> découpé.C'est une opération progressive et longue (sinon continue) parfois <strong>de</strong> plusieurs années.Les réseaux qui li<strong>en</strong>t le spécialiste interne au concepteur et au fabricant, le servicetechnique et le service comman<strong>de</strong>, les pilotes <strong>de</strong> l'opération et les exécutants sontinterdép<strong>en</strong>dants et la "bonne" solution ne se découvre que peu à peu. Bi<strong>en</strong> plus, ondécouvre plutôt, étape par étape, <strong>de</strong> meilleures solutions à chaque fois. L'appr<strong>en</strong>tissageest collectifet il est quasi perman<strong>en</strong>t.Les contraintes <strong>de</strong> la technologie sont fortes. Mais ce qui y répond, c'est un appr<strong>en</strong>tissagesocial.1.3. L'ORGANISATION ET LA RATIONALITEPlus généralem<strong>en</strong>t, peut-on prêter aux organisations une logique interne, une dynamiquepropre 7 La fascination qu'a exercée la théorie <strong>de</strong> la bureaucratie que prés<strong>en</strong>te MaxWeber (plus <strong>en</strong>core dans la sci<strong>en</strong>ce politique que dans celle <strong>de</strong>s organisations) s'expliquepar cette ambition: construire le type idéal <strong>de</strong> la bureaucratie à partir du rassemblem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>faits historiques fort disséminés, revi<strong>en</strong>t à définir les traits fondam<strong>en</strong>taux <strong>de</strong> touteorganisation "mo<strong>de</strong>rne". Puisque la bureaucratie est la forme d'organisation la plusefficace, au moins dans un certain contexte social et économique (l'économie capitaliste),non seulem<strong>en</strong>t les gran<strong>de</strong>s administrations s'<strong>en</strong> rapprocheront, mais aussi les <strong>en</strong>treprises;et même toutes les gran<strong>de</strong>s organisations (l'Eglise, l'armée, le parti, le syndicat ).L'efficacité supérieure se mesure moins par la victoire dans une concurr<strong>en</strong>ce que par laconformité à un type dominant <strong>de</strong> légitimité: la légitimité légale-rationnelle. Ce qui assuréla diffusion <strong>de</strong> la bureaucratie, c'est qu'elle est une forme concrète <strong>de</strong> la rationalisation. Etl'on pourrait ajouter: c'est la même conception <strong>de</strong> la rationalité, unique et impérieuse,qui, sous forme plus technique, inspira à Taylor la théorie du "one best way".La rationalisation taylori<strong>en</strong>ne est-elle une vraie rationalisation ou procè<strong>de</strong>-t-elle parréduction abusive 7 Est-il cohér<strong>en</strong>t, n'est-il pas contradictoire d'affirmer à la fois dans cetype idéal <strong>de</strong> la bureaucratie, le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces et un strict principehiérarchique 7 N'y a-t-il pas plusieurs types <strong>de</strong> bureaucratie, notamm<strong>en</strong>t selon la naturedu pouvoir politique dont elle procè<strong>de</strong> 7 L'organisation décrite par Weber n'a-t-elle pas,par définition même, <strong>de</strong> graves dysfonctions 7 Si justifiées que soi<strong>en</strong>t ces questions, ellesne sont pas les plus importantes pour notre propos. La discussion c<strong>en</strong>trale est celle quiporte sur la rationalisation et sur la rationalité elles-mêmes.Une bureaucratie se définit par un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> règles, règles <strong>de</strong> structure et <strong>de</strong>fonctionnem<strong>en</strong>t qui édifi<strong>en</strong>t une énorme machine <strong>de</strong> décision. Elles s'impos<strong>en</strong>t, uniqueset nécessaires, parce qu'elles procè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la raison. Le retournem<strong>en</strong>t qu'introduit MichelCrozier, c'est au contraire d'<strong>en</strong> faire le résultat, <strong>en</strong> partie involontaire, <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>sacteurs <strong>de</strong> l'organisation, le produit, <strong>en</strong> partie imprévu, <strong>de</strong> leurs stratégies, laconstruction, nécessairem<strong>en</strong>t particulière, qui correspond à un certain état <strong>de</strong> leursrapports (Il).Construction singulière: dans un jeu <strong>de</strong> coopération, le bon choix n'est pas la conclusiond'un calcul rationnel mais suppose aussi une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te, ou une conv<strong>en</strong>tion (12). La culturecommune, dans laquelle les acteurs peuv<strong>en</strong>t trouver <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> converg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> leursatt<strong>en</strong>tes mutuelles, est donc très généralem<strong>en</strong>t l'instrum<strong>en</strong>t d'une solution. Cultur<strong>en</strong>ationale, qui fournit <strong>de</strong>s cadres généraux pour les décisions acceptables; culture <strong>de</strong>métier ou <strong>de</strong> profession qui permet la collaboration dans l'atelier ou le bureau; cultured'<strong>en</strong>treprise qui autorise l'élaboration d'un projet (13). Cette culture ne dicte pas ladécision, comme l'imposerait une coutume. Elle lui donne le moy<strong>en</strong> d'être prise et d'êtreacceptée. Mais il suffit d'<strong>en</strong> énoncer le mécanisme pour conclure que la rationalité d'une5


organisation est toujours singulière, ne serait-ce que parce qu'elle est toujours réinv<strong>en</strong>téelocalem<strong>en</strong>t.Réinv<strong>en</strong>tée par qui? Comme nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> le voir pour la technologie, pas seulem<strong>en</strong>tpar ceux qui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t officiellem<strong>en</strong>t les décisions et qui établiss<strong>en</strong>t officiellem<strong>en</strong>t lesrègles. La tradition sociologique oppose le système officieux (ou "informel") et les règlesofficielles (ou affichées). Ne faudrait-il pas plutôt voir dans les règles effectives, lerésultat, incertain et fluctuant, <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>contre (du compromis, <strong>de</strong> l'affrontem<strong>en</strong>t) <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxsources <strong>de</strong> régulation, régulation autonome et régulation <strong>de</strong> contrôle? La négociationexplicite, <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s interlocuteurs bi<strong>en</strong> définis (et "représ<strong>en</strong>tatifs") et aboutissant à <strong>de</strong>sconclusions claires et approuvées par les <strong>de</strong>ux parties, est une forme très particulière <strong>de</strong>ces r<strong>en</strong>contres. Les quasi-négociations, les conflits, le jeu avec <strong>de</strong>s tiers-garants ouarbitres sont d'autres figures <strong>de</strong> ces interactions qui aboutiss<strong>en</strong>t à une forme complexe <strong>de</strong>régulation conjointe (14).lA. L'ACTION COLLECTIVEDes rapports <strong>de</strong> travail (dans la production, sur le marché) naiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s acteurs collectifs:classes ou catégories professionnelles, groupes <strong>de</strong> métier ou d'industrie. Certains <strong>de</strong> cesacteurs collectifs peuv<strong>en</strong>t se constituer <strong>en</strong> associations ou <strong>en</strong> organisations: amicales,mutuelles, syndicats. L'explication la plus traditionnelle <strong>de</strong> leur naissance est dansl'i<strong>de</strong>ntité ou la converg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s intérêts: agiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> commun ceux qui poursuiv<strong>en</strong>tchacun les mêmes fins. Ou <strong>en</strong>core dans la communauté <strong>de</strong> situation: la même place dansles rapports <strong>de</strong> production, l'appart<strong>en</strong>ance commune à une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux collectivités queconstitue l'exploitation (on remarquera que la secon<strong>de</strong> réponse est, dans les faits, peudiffér<strong>en</strong>te <strong>de</strong> la première : les exploités, pour agir <strong>en</strong> commun, doiv<strong>en</strong>t "pr<strong>en</strong>dreconsci<strong>en</strong>ce" <strong>de</strong> l'exploitation). Dans les <strong>de</strong>ux cas, l'action n'est collective que parrésultat, non par projet.On peut même p<strong>en</strong>ser que sa spontanéité s'accommo<strong>de</strong> mal <strong>de</strong>l'organisation qui, si fidèle qu'elle soit à l'élan initial, introduit d'autres contraintesCette interprétation a une faiblesse majeure, que l'analyse <strong>de</strong> Mancur OIson adémontrée (15): ce n'est que dans <strong>de</strong>s conditions exceptionnelles qu'il est rationnel pourun individu <strong>de</strong> participer aux coûts <strong>de</strong> la production d'un bi<strong>en</strong> collectif. Puisque, pardéfinition, il n'est pas réservé aux souscripteurs, pourquoi souscrire? Pour mobiliser lesintéressés, il faut soit quelque passion, soit <strong>de</strong>s incitations sélectives, soit une contrainte.On peut contester certains postulats et certaines conclusions <strong>de</strong> Mancur OIson (ladéfinition <strong>de</strong> la décision rationnelle n'est-elle pas trop étroite, par exemple pour analyserla décision <strong>de</strong>s militants du noyau originel 7). Mais l'ess<strong>en</strong>tiel, pour nous, est que sonraisonnem<strong>en</strong>t induit un changem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> paradigme.Tout d'abord, le rappel à l'individualisme méthodologique (tout naturel pour unéconomiste) oblige non seulem<strong>en</strong>t à ne pas multiplier les êtres collectifs, praeternecessitatem, mais à ne pas les poser comme <strong>de</strong>s données, à obliger <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong>leur constitution et à expliquer comm<strong>en</strong>t ils peuv<strong>en</strong>t agir. Une classe n'existe pas <strong>en</strong><strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> classe que peuv<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>er <strong>de</strong>s individus groupés ou organisés.C'est le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> leur action, ce n'<strong>en</strong> est pas la cause.Ensuite et surtout, l'action collective repose sur la création d'une contrainte sociale:contrainte physique (du piquet <strong>de</strong> grève sur le non-gréviste), juridique (du syndicat quifait prélever automatiquem<strong>en</strong>t la cotisation) et morale (appel à la solidarité). Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du,le calcul <strong>de</strong>s intérêts n'est pas remplacé par la pression normative: le syndicat disparaîtvite s'il ne rapporte pas aux salariés les avantages promis. Mais la définition <strong>de</strong> cesintérêts est une contrainte sociale, normative comme les catégories juridiques parlesquelles elle s'exprime fréquemm<strong>en</strong>t (aucune loi naturelle n'impose les accords <strong>de</strong>classification). C'est à l'intérieur du système social créé par cette construction que lesintérêts individuels sont bi<strong>en</strong> définis et elle <strong>en</strong>cadre donc leur poursuite. Le premier effet<strong>de</strong> la contrainte sociale qui est liée consubstantiellem<strong>en</strong>t à l'action collective est <strong>de</strong> définirl'acteur collectif dans son ét<strong>en</strong>due et dans ses objectifs (ou les <strong>en</strong>jeux qu'il découvre dansune situation). La règle commune, la communauté réunie par la règle et le projet quetoutes <strong>de</strong>ux vis<strong>en</strong>t sont étroitem<strong>en</strong>t interdép<strong>en</strong>dantes (16).Cela n'implique nullem<strong>en</strong>t que la constitution <strong>de</strong> l'acteur collectifsoit instantanée, commesi à un individu défini naturellem<strong>en</strong>t correspondait un groupe lat<strong>en</strong>t qui se mobiliserait partout ou ri<strong>en</strong>. Au contraire, la constitution peut être progressive et différ<strong>en</strong>ciée. Ce quemontre l'expéri<strong>en</strong>ce, ce que confirme l'analyse (17), c'est plutôt qu'apparaît d'abord unnoyau initiateur (un petit groupe d'individus dont les ressources leur ont permisd'atteindre la masse critique) qui définit une action ou un objectif(auquel ils attach<strong>en</strong>t unprix élevé et pour lequel ils cons<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un coût élevé). Puis ce noyau peut mobiliser, parcouches conc<strong>en</strong>triques ou par essaimage, <strong>de</strong>s individus autour <strong>de</strong> lui, soumis à <strong>de</strong>scontraintes plus faibles (et d'une autre nature), attachant un autre prix aux résultats etcons<strong>en</strong>tant une contribution plus mo<strong>de</strong>ste. L'acteur collectifest le plus souv<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>tdiffér<strong>en</strong>cié et hiérarchisé.L'action collective est une <strong>en</strong>treprise sociale <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s collectifs, qui n'existe que par lesrègles qu'elle crée et qu'elle fait accepter.1.5. LES SYSTEMES DE RELATIONS PROFESSIONNELLESDans la plupart <strong>de</strong>s pays développés, les salaires et les conditions <strong>de</strong> travail, les formesd'emploi et les garanties <strong>de</strong> l'emploi, les avantages sociaux sont fixés ou <strong>en</strong>cadrés par <strong>de</strong>srègles, d'origine légale et surtout d'origine négociée. La négociation elle-même est trèsfortem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>cadrée par <strong>de</strong>s règles, juridiques ou coutumières, qui <strong>en</strong> définiss<strong>en</strong>t l'accès,le déroulem<strong>en</strong>t et les résultats. Le droit s'efforce <strong>de</strong> donner une cohér<strong>en</strong>ce à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>ces règles. Faut-il y voir le reflet <strong>de</strong> la cohér<strong>en</strong>ce d'un système global, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>srégulations macro-économiques et macro-institutionnelles qui n'ont pas d'autre auteurque le système lui-même, dans sa logique (18), ou peut-on, doit-on les rapporter à <strong>de</strong>sacteurs sociaux réels et à l'agrégation <strong>de</strong> leurs décisions?La théorie <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> relations professionnelles, telle qu'elle s'est développée àpartir <strong>de</strong> John Dunlop (19) nous paraît opter clairem<strong>en</strong>t pour le second membre <strong>de</strong>l'alternative. Là aussi, les questions et les critiques peuv<strong>en</strong>t être nombreuses: la variété<strong>de</strong>s systèmes n'est-elle pas très gran<strong>de</strong> et leur converg<strong>en</strong>ce possible très incertaine? Est-ilpossible d'affirmer la fonctionnalité d'un système à l'égard <strong>de</strong> l'industrialisation (20) 7Les frontières d'un tel système sont-elles bi<strong>en</strong> définies (ne produit-il pas <strong>en</strong> partie son"contexte" économique ou son "contexte" technique; les échanges avec le systèmepolitique ne sont-ils pas plus complexes) 7 Les systèmes <strong>de</strong> relations professionnelles nesont-ils pas moins stables que ne l'ont cru les premiers analystes 7 Comm<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dreleur dynamique 7Mais ces questions, qui s'adress<strong>en</strong>t surtout au s<strong>en</strong>s très parsoni<strong>en</strong> que Dunlop a donné auterme <strong>de</strong> système ne doiv<strong>en</strong>t pas empêcher <strong>de</strong> voir les nouveautés majeures qu'apportaitce paradigme et qui ont fait sa fécondité (21).Traiter les relations professionnelles <strong>de</strong> système, c'est d'abord reconnaître la forteinterdép<strong>en</strong>dance <strong>de</strong> leurs élém<strong>en</strong>ts (par exemple, <strong>de</strong> la définition du syndicat,représ<strong>en</strong>tativité ou accréditation, et <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> la négociation). Mais cetteinterdép<strong>en</strong>dance ne se ramène pas à une cohér<strong>en</strong>ce du type <strong>de</strong> celle qu'introduit ladoctrine juridique. Elle est plus celle d'une stratégie, ou <strong>de</strong> stratégies réciproques ouconjointes <strong>de</strong>s acteurs : la négociation dynamique se distingue <strong>de</strong> la négociationcontractuelle par l'usage même qu'elle fait du droit, réservant le cont<strong>en</strong>tieux auxnégociateurs eux-mêmes et refusant <strong>de</strong> distinguer l'interprétation <strong>de</strong>s règles et leurr<strong>en</strong>égociation (22).Bi<strong>en</strong> plus, les règles ont <strong>de</strong>s auteurs. On peut référer à une loi, à une décision <strong>de</strong>jurispru<strong>de</strong>nce, à une conv<strong>en</strong>tion collective l'origine d'une nouvelle règle. On peut aussi,quelle que soit la complexité du processus qui aboutit à une décision explicite; <strong>en</strong>compr<strong>en</strong>dre le s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> la rapportant aux stratégies d'acteurs réels. Le droit d'expression,67


<strong>en</strong> France, est défini par <strong>de</strong>ux lois. Il ne se compr<strong>en</strong>d qu'<strong>en</strong> examinant la politique d'uncertain nombre <strong>de</strong> syndicats et d'organisations d'employeurs et d'<strong>en</strong>treprises.Les acteurs sociaux ont donc bi<strong>en</strong> une autonomie, au s<strong>en</strong>s propre du terme. Avec cetteconséqu<strong>en</strong>ce paradoxale que la hiérarchie <strong>de</strong>s textes est incertaine: aux Etats-Unis,l'arbitre ne doit pas nécessairem<strong>en</strong>t se référer à la loi pour trancher <strong>de</strong> l'application d'untexte <strong>de</strong> contrat collectif; <strong>en</strong> France (comme <strong>en</strong> Italie), l'ordre public social est trèsimparfait, malgré les affirmations du co<strong>de</strong> du travail, et les dérogations, prévues ouimprévues, explicites ou tolérées, ouvr<strong>en</strong>t une liberté croissante à la négociationd'<strong>en</strong>treprise.Les t<strong>en</strong>dances au développem<strong>en</strong>t d'accords-cadres, d'accords <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>, d'accordsfixant une politique et <strong>de</strong>s objectifs plutôt que <strong>de</strong>s droits les écart<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> France, <strong>de</strong>sformes très explicites et <strong>de</strong>s obligations strictem<strong>en</strong>t énoncées qui ont caractérisé, dans lesannées 50 et 60, une partie dominante <strong>de</strong> la négociation aux Etats-Unis. De même, lesacteurs collectifs apparaiss<strong>en</strong>t, notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis la nouvelle donne économique à partir<strong>de</strong> 1975, plus mal définis et plus instables. Faut-il rappeler le reflux <strong>de</strong>s syndicats et plus<strong>en</strong>core la définition fluctuante <strong>de</strong> la représ<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s salariés <strong>en</strong> France ?L'accord non contractuel, la définition <strong>de</strong>s acteurs par l'action elle-même, sont fortdiffér<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la pratique américaine dominante <strong>de</strong>s années 60. Ne sont-elles pas,cep<strong>en</strong>dant, conformes à un paradigme qui pose <strong>de</strong>s acteurs capables <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s règles et<strong>de</strong> se lier mutuellem<strong>en</strong>t par une régulation?2. L'ACTEUR ET LA REGULATIONLes cinq domaines que nous v<strong>en</strong>ons d'examiner sont loin <strong>de</strong> couvrir tout le territoire <strong>de</strong> lasociologie du travail. Mais peut-être suffis<strong>en</strong>t-ils pour nous fournir les élém<strong>en</strong>ts d'unparadigme cohér<strong>en</strong>t. Un paradigme <strong>de</strong> l'action et <strong>de</strong> l'interaction sociales <strong>en</strong> général, sil'on veut bi<strong>en</strong> admettre que les caractéristiques propres du travail et <strong>de</strong> l'organisation ­une forte finalisation, une coordination consci<strong>en</strong>te et même hautem<strong>en</strong>t calculée, un<strong>en</strong>égociation multiforme et perman<strong>en</strong>te - sont, non <strong>de</strong>s particularités, mais l'acc<strong>en</strong>tuation<strong>de</strong>s traits généraux <strong>de</strong> l'action sociale (23).2.1. L'ACTEUR ET LA REGLEL'action sociale est une interaction réglée et finalisée. Elle produit ses propres règles etdéfinit ses fins. Elles constitue la collectivité, la communauté <strong>de</strong> règle qui la conduit (24).Un <strong>en</strong>semble d'interactions réglées peut bi<strong>en</strong> être appelé un système, pourvu que l'onn'oublie pas que c'est un système imparfait (ou mieux: <strong>en</strong> transformation, <strong>en</strong> voie <strong>de</strong>constitution ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction). Ses frontières sont floues: on passe presquecontinûm<strong>en</strong>t, dans une <strong>en</strong>treprise, du salarié perman<strong>en</strong>t au temporaire ou à l'occasionnel,puis à l'intérimaire et au sous-traitant. Sa cohér<strong>en</strong>ce est faible et souv<strong>en</strong>t locale: les règles<strong>de</strong> collaboration ne sont pas les mêmes dans la production quotidi<strong>en</strong>ne ou dans un cercle<strong>de</strong> qualité. Les "bouclages" ne sont pas rigoureux: sans cesse, la discipline se perd ou seresserre, ou il faut stimuler la motivation. L'image est cep<strong>en</strong>dant juste t<strong>en</strong>danciellem<strong>en</strong>t :une organisation (un système social) s'efforce d'être un système (et beaucoup <strong>de</strong> sesmembres s'y efforc<strong>en</strong>t consciemm<strong>en</strong>t).Quel que soit le poids <strong>de</strong>s contraintes à satisfaire, aucun <strong>de</strong> ces systèmes sociaux n'estsimplem<strong>en</strong>t le produit naturel <strong>de</strong> ces contraintes. Aucun système <strong>de</strong> production oud'échange n'est le résultat simple <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> la technologie ou du marché. Le bonfonctionnem<strong>en</strong>t du marché suppose non seulem<strong>en</strong>t qu'il est protégé contre les pillards etles voleurs, ce qui implique bi<strong>en</strong> un certain contrôle <strong>de</strong> l'accès au marché, et quel'honnêteté <strong>de</strong>s échanges soit garantie; mais aussi que s'impose un certain nombre <strong>de</strong>conv<strong>en</strong>tions comme la monnaie, les poids et mesures, l'étiquetage <strong>de</strong>s qualités etl'affichage <strong>de</strong>s prix - voire l'exist<strong>en</strong>ce d'un crieur pour permettre d'atteindre le prixd'équilibre. C'est seulem<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong> ces conv<strong>en</strong>tions et <strong>en</strong> les respectant que les8décisions individuelles d'achat et <strong>de</strong> v<strong>en</strong>te peuv<strong>en</strong>t, par simple agrégation, aboutir à unprix d'équilibre. Et qui souti<strong>en</strong>drait que ces conv<strong>en</strong>tions sont fixées une fois pour toutes?C'est cep<strong>en</strong>dant dans la mesure où elle est stable et où il y a une gran<strong>de</strong> distance <strong>en</strong>tre lesdécisions d'organisation du marché d'une part, celles <strong>de</strong>s nombreux producteurs etconsommateurs individuels <strong>de</strong> l'autre que la distinction <strong>en</strong>tre effets simples d'agrégationet effets <strong>de</strong> conv<strong>en</strong>tion est claire. Si la distance se réduit, si <strong>de</strong>s décisions prises dans lesystème contribu<strong>en</strong>t à modifier le système lui-même, si <strong>de</strong>s formes particulières d'achat et<strong>de</strong> v<strong>en</strong>te vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t nuancer l'acceptation du système marchand (comme c'est le cas dans laconstitution d'un réseau "particulariste" <strong>de</strong> recrutem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> main-d'oeuvre), la différ<strong>en</strong>ces'affaiblit <strong>en</strong>tre la décision par calcul rationnel et la décision par soumission à une règle.C'est le cas dans la plupart <strong>de</strong>s systèmes sociaux concrets. D'une part, les décisions d'unindividu, parce qu'elles doiv<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir compte <strong>de</strong>s décisions év<strong>en</strong>tuelles <strong>de</strong>s autres, sontplus assimilables au choix d'une stratégie dans un jeu qu'à l'achat sur un marché. Del'autre et surtout, la rationalité <strong>de</strong> la décision ne peut être comprise comme unemaximisation immédiate, mais comme cherchant un avantage à terme (dans un jeu répété)et, ce qui est plus important <strong>en</strong>core, un avantage fondé sur une réciprocité ou un<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t mutuel. Dans le jeu <strong>de</strong>s prisonniers répété, la stratégie du tac au tac peutpermettre aux <strong>de</strong>ux prisonniers du dilemme <strong>de</strong> choisir la solution coopérative. L'analysedu marché du travail nous <strong>en</strong> a fourni un exemple.Cette rationalité qui suppose la réciprocité <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, c'est ce que l'on peut appelerune règle sociale. Elle n'est pas un contrat détaillé qui établirait <strong>de</strong> manière exhaustive etpour tous les cas possibles les obligations <strong>de</strong> l'un et <strong>de</strong> l'autre. Bi<strong>en</strong> plutôt, elle fournitles critères d'un choix stratégique <strong>en</strong> permettant la participation à un jeu <strong>de</strong> coopération.Les règles fondam<strong>en</strong>tales, les règles du jeu, sont constitutives d'un jeu social. Elles ontl'attrait qu'a ce jeu lui-même. Elles fix<strong>en</strong>t les conditions nécessaires pour appart<strong>en</strong>ir à unsystème social (réciproquem<strong>en</strong>t: leur infraction fait courir <strong>de</strong>s risques d'exclusion) : lacontrainte qu'elles exerc<strong>en</strong>t est proportionnelle à l'attachem<strong>en</strong>t au système, à la loyautéqu'il inspire, ou est liée à l'interdiction <strong>de</strong> le quitter (25) la rationalité qu'elles exprim<strong>en</strong>test instrum<strong>en</strong>tale par rapport au système social considéré.Elles ne sont cep<strong>en</strong>dant pas purem<strong>en</strong>t instrum<strong>en</strong>tales puisque l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans unsystème social n'a pas un objectif rigoureusem<strong>en</strong>t défini (du moins, le résultat ne peut <strong>en</strong>être rigoureusem<strong>en</strong>t prévu), qu'il est à durée indéterminée, que le développem<strong>en</strong>t du jeu<strong>de</strong> coopération est <strong>en</strong> partie imprévisible (il comporte une confiance mutuelle ou un parisur l'av<strong>en</strong>ir, mais une indétermination fondam<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> cet av<strong>en</strong>ir).Les règles sont aussi <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tions, au moins <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s que, quel que soit le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong>contrainte qui s'exerce, elles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt aussi un cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t. Abstraitem<strong>en</strong>t, parce quese soumettre à la norme, c'est aussi l'anticiper et <strong>en</strong> prévoir la réalisation. Concrètem<strong>en</strong>t,parce que les lacunes du contrôle et les opportunités <strong>de</strong> défection sont le plus souv<strong>en</strong>t trèsgran<strong>de</strong>s.Les règles ont <strong>de</strong>s auteurs. Non parce que les systèmes sociaux aurai<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>tleur architecte. Mais parce que l'exercice d'un pouvoir se traduit très généralem<strong>en</strong>t parl'imposition d'une règle et que le cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t peut y être marchandé ou négocié. Sisoli<strong>de</strong> que soit leur formulation, si fort l'appareil <strong>de</strong> contrôle qui <strong>en</strong> garantit l'application,elles sont aussi instables que les systèmes sociaux eux-mêmes (et cette instabilité semblecroître avec la complexité). Elles sont sans cesse produites, corrigées, affaiblies our<strong>en</strong>forcés par les acteurs sociaux.Il n'y a pas <strong>de</strong> règles stables mais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> régulation.2.2. LA REGULATIONParce que la régulation est un processus, la règle effective n'est pas toujours facile ài<strong>de</strong>ntifier. La "véritable" limite <strong>de</strong> vitesse sur l'autoroute est-el1e celle qui est inscrite dansles textes réglem<strong>en</strong>taires, celle à partir <strong>de</strong> laquelle la g<strong>en</strong>darmerie relève une infraction ou9


celle que les conducteurs p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t avoir le droit d'atteindre sans risquer <strong>de</strong> sanction?Outre que les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières sont variables selon la date (les g<strong>en</strong>darmes reçoiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sinstructions plus sévères lesjours <strong>de</strong> grand départ), voire l'heure <strong>de</strong> la journée, il peut yavoir discussion au moins sur les formes <strong>de</strong> contrôle, et le tribunal peut <strong>en</strong> être saisi.Le mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong>s règles effectives ne se réduit donc pas au contrôle social <strong>de</strong> la dévianceindividuelle. La déviance peut être collective, au moins par agrégation, et elle peut êtreplus qu'une déviance, la rev<strong>en</strong>dication d'une autre règle (les "bons" conducteurs ont droità une marge <strong>de</strong> tolérance). Mais, comme nous l'a montré l'analyse <strong>de</strong>s organisations, la"négociation" <strong>en</strong>tre ceux qui ont le monopole <strong>de</strong> la régulation légitime et ceux à qui ilstâch<strong>en</strong>t d'appliquer la règle est nécessairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> partie clan<strong>de</strong>stine et implicite. Dansl'histoire du syndicalisme, "l'action directe" a été la formulation d'une stratégie du faitaccompli. L'infraction massive est une autre manière <strong>de</strong> ruiner la règle officielle. Face àune off<strong>en</strong>sive, l'autorité doit reconquérir le terrain, rétablir l'ordre, faire table rase dupassé pour redéfinir la situation. Elle doit rationaliser et rectifier les pratiques coutumièresqui se développ<strong>en</strong>t localem<strong>en</strong>t, déréglem<strong>en</strong>ter pour arrêter la croissance <strong>de</strong>s contraintes. Ilest rare que les répliques se limit<strong>en</strong>t à réaffirmer la règle off<strong>en</strong>sée. Elles la remani<strong>en</strong>t, lacorrig<strong>en</strong>t, la r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t. La contre-off<strong>en</strong>sive cherche à répondre aux difficultés qu'arévélées l'off<strong>en</strong>sive, voire à satisfaire certaines <strong>de</strong>s exig<strong>en</strong>ces qu'elle a plus ou moinsexplicitem<strong>en</strong>t révélées. Elle cherche à reconquérir le cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t qu'on luimarchan<strong>de</strong> (26).Maint<strong>en</strong>ir l'ordre est impossible. Il faut sans cesse l'inv<strong>en</strong>ter et l'imposer (ou le faireaccepter).Par rapport à cette négociation "informelle" la négociation <strong>en</strong> forme (mais aussi le conflitinstitutionnalisé par rapport à la conflictualité lat<strong>en</strong>te et aux fonnes "irrégulières" duconflit) est bi<strong>en</strong> un cas particulier. Le conflit ouvert, comme la négociation, oblige àformuler <strong>de</strong>s rev<strong>en</strong>dications (ou <strong>de</strong> objectifs) explicites. Tous <strong>de</strong>ux oblig<strong>en</strong>t aussi à yintroduire une cohér<strong>en</strong>ce, au moins partielle, à la rationaliser, à <strong>en</strong> offrir une justification.Ou plutôt, pour corriger cette simplification, le conflit oblige à rechercher et à formulerune définition commune et mutuellem<strong>en</strong>t acceptable <strong>de</strong> son <strong>en</strong>jeu. La négociationdécouvre ou inv<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> converg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>tes mutuelles.Mais, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, cette forme <strong>de</strong> régulation conjointe ne supprime pas la concurr<strong>en</strong>ce<strong>de</strong>s régulations. La négociation explicite ne peut tout couvrir, elle intervi<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>tpour trancher un débat déjà ouvert (plus exactem<strong>en</strong>t, pour transformer un conflit lat<strong>en</strong>t <strong>en</strong>débat) plutôt que pour le prév<strong>en</strong>ir. Enfin, la règle conjointe qu'elle établit peut poser, etd'autant plus qu'elle est plus contractuelle et plus c<strong>en</strong>tralisée, tous les problèmes <strong>de</strong>l'institutionnalisation.Les processus <strong>de</strong> régulation sont souv<strong>en</strong>t cumulatifs. Le cercle vertueux du succès estbi<strong>en</strong> connu (nothing succeeds, like success) : le succès sur le marché fortifie l'autorité <strong>de</strong>la direction et favorise le cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s salariés. L'efficacité <strong>de</strong> la production peut <strong>en</strong>être améliorée. Le cercle vicieux bureaucratique est l'exemple le mieux analysé duphénomène inverse (27). Peut-être pourrait-on distinguer plusieurs versions du cerclevicieux <strong>de</strong> la c<strong>en</strong>tralisation: juridique par le développem<strong>en</strong>t, circulaire lui aussi, du poidset <strong>de</strong> la complexité <strong>de</strong>s règles juridiques; autoritaire par le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t circulaire <strong>de</strong>scontrôles et <strong>de</strong>s injonctions, <strong>de</strong> la passivité et <strong>de</strong> l'évasion.Ces cercles ne sont pas une fatalité ou un automatisme. Non seulem<strong>en</strong>t le réformateurautoritaire peut remettre <strong>en</strong> marche pour quelque temps l'administration bloquée, mais ilarrive que la t<strong>en</strong>dance se r<strong>en</strong>verse. L'<strong>en</strong>treprise qui perd, avec son marché, la confiance etle zèle <strong>de</strong> ses salariés, peut se redresser. Elle peut aussi se stabiliser à un niveaud'efficacité (et <strong>de</strong> récomp<strong>en</strong>se pour les salariés) médiocre. L'<strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t n'est pasinéluctable. Mais il y a bi<strong>en</strong> une inertie du processus, peut-être simplem<strong>en</strong>t - nous yrevi<strong>en</strong>drons - parce que les salariés anticip<strong>en</strong>t le développem<strong>en</strong>t du cycle <strong>en</strong>cl<strong>en</strong>ché (<strong>de</strong>même que la crainte <strong>de</strong> l'inflation alim<strong>en</strong>te l'inflation).L'instauration d'une nouvelle régulation ne peut donc guère aller sans déchirure et sansopposition. Mais on peut la considérer comme un appr<strong>en</strong>tissage collectif. Appr<strong>en</strong>tissage,parce qu'elle est l'inv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> nouveaux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coopération que légitime un nouveauproduit. Collectif, parce que, quelle que soit l'importance <strong>de</strong>s contributions individuelles,il s'agit bi<strong>en</strong> d'inv<strong>en</strong>ter une règle partagée. Ce qui n'implique ni la douceur <strong>de</strong> lacontinuité ni l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> conflits. L'appr<strong>en</strong>tissage se fait le plus souv<strong>en</strong>t par rupture etpar crise. Il n'exclut pas la contrainte, ou la viol<strong>en</strong>ce (particulièrem<strong>en</strong>t la viol<strong>en</strong>cesymbolique).3. TROIS REFLEXIONSUn tel paradigme ne permet évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> construire une sci<strong>en</strong>ce sur le modèle <strong>de</strong> laphysique classique. A quel g<strong>en</strong>re <strong>de</strong> sci<strong>en</strong>ce conduit-il? Sans <strong>en</strong>trer dans une longuediscussion épistémologique, nous nous bornerons à trois réflexions.3.1. LE COMPTAGE ET LA QUANTITESi le marché du travail est fait d'un très grand nombre <strong>de</strong> marchés internes dont chacun, àla limite, a sa structure propre, que signifie exactem<strong>en</strong>t le comptage <strong>de</strong>s lic<strong>en</strong>ciem<strong>en</strong>ts oule calcul d'un taux <strong>de</strong> chômage. Si le nombre <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> gestion qui constitue chacuneun marché interne est très élevé (l'atelier, le départem<strong>en</strong>t aussi bi<strong>en</strong> que l'établissem<strong>en</strong>t oul'<strong>en</strong>treprise), si leurs territoires se recoup<strong>en</strong>t (le métier ou la spécialité, le service, lalocalité), quelles sont les unités statistiques pertin<strong>en</strong>tes et à supposer qu'on puisse lesdéterminer, correspon<strong>de</strong>nt-elles suffisamm<strong>en</strong>t à celles dont dispose <strong>en</strong> fait la statistique(28) 1? A fortiori, la multiplicité et l'<strong>en</strong>chevêtrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s systèmes d'action concrets dansune organisation laiss<strong>en</strong>t-ils un s<strong>en</strong>s au comptage <strong>de</strong>s opinions et <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s et à leursmo<strong>de</strong>s d'analyse traditionnels?Pour faire <strong>de</strong>s systèmes sociaux une théorie bi<strong>en</strong> fondée (29), il faut r<strong>en</strong>oncer à postulerun espace social homogène, où les mêmes indicateurs aurai<strong>en</strong>t le même s<strong>en</strong>s dans toutesles régions, un découpage stable fixé a priori, <strong>de</strong>s actions dont le s<strong>en</strong>s serait i<strong>de</strong>ntifiableindép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> celui que leur prêt<strong>en</strong>t les acteurs.Faut-il <strong>en</strong> conclure que les comptages et les comptabilités permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> constater lesrésultats d'une action, mais non <strong>de</strong> l'analyser ni <strong>de</strong> la gui<strong>de</strong>r? La mo<strong>de</strong>, <strong>en</strong> matière <strong>de</strong>managem<strong>en</strong>t, est <strong>de</strong> privilégier l'expéri<strong>en</strong>ce ou l'intuition par rapport à la sci<strong>en</strong>ce ou à laconnaissance. Faut-il refuser toute autre théorie que celle que l'indigène construit, dansson langage, pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> son action?Il faut <strong>en</strong> tout cas ret<strong>en</strong>ir que les catégories dans lesquelles on peut classer ces donnéesdoiv<strong>en</strong>t être rapportées au système qu'on cherche à analyser et, si possible, <strong>en</strong> fonction<strong>de</strong> sa structure propre; et que les simplifications institutionnelles qui s'impos<strong>en</strong>t à lastatistique doiv<strong>en</strong>t être prises comme <strong>de</strong>s opérations administratives, <strong>de</strong>s outils permettantl'interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s pouvoirs publics, et non pas seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s opérations intellectuellesservant à la connaissance. Les statistici<strong>en</strong>s sont les premiers à <strong>en</strong>seigner qu'unecorrélation n'a <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s que dans une population suffisamm<strong>en</strong>t homogène et que l'établir,c'est poser un problème plutôt que fournir une explication. Ils sav<strong>en</strong>t aussi ce qu'il <strong>en</strong>tred'arbitraire dans leurs catégories.3.2. LES PROCESSUS ET LES EQUILIBRESLes systèmes sociaux sont instables et leurs frontières fluctuantes. Il est souv<strong>en</strong>t pluséclairant d'<strong>en</strong> faire l'histoire qu'une analyse instantanée. L'étu<strong>de</strong> du mouvem<strong>en</strong>td'internalisation fait mieux compr<strong>en</strong>dre les limites <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise et la signification <strong>de</strong>srègles qu'elle adopte que ne le fait l'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> la structure, à un mom<strong>en</strong>t donné, dumarché interne (30). Les échanges <strong>en</strong>tre régulation autonome et régulation <strong>de</strong> contrôle fontmieux compr<strong>en</strong>dre le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'organisation que le constat <strong>de</strong>s règles effectivesà un mom<strong>en</strong>t donné.1011


Ces processus sont historiques. Ils comport<strong>en</strong>t donc <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts, c'est-à-direl'interv<strong>en</strong>tion d'élém<strong>en</strong>ts exogènes (le bouleversem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s techniques navales et <strong>de</strong>stechniques <strong>de</strong> l'imprimeur, par exemple). Mais ils ont aussi une logique interne. Bi<strong>en</strong>qu'on ne puisse réduire l'histoire au développem<strong>en</strong>t d'un concept, les phases historiquessont aussi les étapes d'un processus (<strong>de</strong> régulation ou <strong>de</strong> dérégulation) ou les partiessuccessives d'un jeu répété qui se déform<strong>en</strong>t avec la répétition.Vaut-il la peine d'essayer <strong>de</strong> formaliser ces processus et d'<strong>en</strong> construire <strong>de</strong>s modèles oul'instabilité <strong>de</strong>s systèmes sociaux r<strong>en</strong>d-elle cette t<strong>en</strong>tative vaine? Assurém<strong>en</strong>t, nousv<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> le voir, les processus sociaux ne sont pas déterminés et les équilibres sont plussouv<strong>en</strong>t atteints par <strong>de</strong>s corrections successives que par une simple composition <strong>de</strong>forces, ils sont un effet <strong>de</strong> régulation plutôt que le résultat "naturel" d'une agrégation.Mais bi<strong>en</strong> que la réalité finisse par échapper au modèle, le modèle a bi<strong>en</strong> une efficacitéexplicative majeure. Des mesures habiles ou fortes peuv<strong>en</strong>t arrêter la panique boursière.Mais cette panique a bi<strong>en</strong> son inertie propre. Une reprise <strong>en</strong> main vigoureuse peut arrêterla démoralisation d'une <strong>en</strong>treprise. Mais la démoralisation a bi<strong>en</strong> t<strong>en</strong>dance à gagner d' ellemême.Cette inertie est moins un effet mécanique qu'un effet d'anticipation; plus exactem<strong>en</strong>t uneffet <strong>de</strong> l'anticipation du processus lui-même. L'anticipation <strong>de</strong> l'équilibre le conduit àl'équilibre. Elargissons (avec un peu d'excès) l'usage du mot: dans la mesure où une<strong>en</strong>treprise sociale cherche un résultat, atteindre ce résultat légitime l'<strong>en</strong>treprise. Le partipolitique qui gagne une élection r<strong>en</strong>force la conviction <strong>de</strong> ses électeurs et <strong>de</strong> ses membreset "légitime" son programme et ses propositions. Dans une <strong>en</strong>treprise qui réussit à lancerun nouveau produit, ce n'est pas l'accord préalable et le cons<strong>en</strong>sus qui permett<strong>en</strong>tl'innovation, c'est plutôt, un peu paradoxalem<strong>en</strong>t, le succès qui permet le cons<strong>en</strong>sus; ouplutôt l'anticipation du succès (31).Ce qui permet l'accord dans une négociation sociale, c'est rarem<strong>en</strong>t la découverte d'unesolution pleinem<strong>en</strong>t satisfaisante (comm<strong>en</strong>t y<strong>en</strong> aurait-il dans un marchandage ?) maisplus généralem<strong>en</strong>t la capacité <strong>de</strong> faire une anticipation commune (32).Les processus ont <strong>de</strong>s équilibres parce que les acteurs anticip<strong>en</strong>t ces équilibres.3.3. UNE SOCIOLOGIE CRITIQUEUne sociologie qui se donne pour tâche <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t les acteurs sociaux,individuellem<strong>en</strong>t et collectivem<strong>en</strong>t, produis<strong>en</strong>t la régulation sociale reste-t-elle unesociologie critique ou ne peut-elle que justifier l'ordre existant?La question est-elle bi<strong>en</strong> posée? Pourquoi le sociologue -ou tout autre spécialiste <strong>de</strong>ssci<strong>en</strong>ces sociales- déti<strong>en</strong>drait-il un privilège d'objectivité? Pourquoi serait-il capable <strong>de</strong>dire aux acteurs sociaux le "vrai" s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ce qu'ils font et <strong>de</strong> le fixer définitivem<strong>en</strong>t? Sicette énonciation du vrai s<strong>en</strong>s est la fonction critique, nous cherchons tous, tous les jours,sociologues ou non, à l'exercer. Mais personne n'<strong>en</strong> a le monopole. Nous y réussissonsà quelque <strong>de</strong>gré pour le passé. Mais même 1'histoire ne r<strong>en</strong>d pas <strong>de</strong> jugem<strong>en</strong>ts définitifs.Et c'est moins facile <strong>en</strong>core pour le prés<strong>en</strong>t et pour les décisions d'av<strong>en</strong>ir.En outre, si notre analyse a quelque fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, l'ordre social a plus d'un auteur. Il n'y apas une seule source <strong>de</strong> pouvoir, ni <strong>de</strong> régulation. Il n'y a pas non plus un seul lieu socialoù sont déposés la vérité ou le pouvoir critique, que ce soit une classe, une catégoriesociale ou une position. Et, <strong>en</strong>tre ces différ<strong>en</strong>ces sources <strong>de</strong> régulation, l'échange, lanégociation, le conflit sont quasi perman<strong>en</strong>ts. La fonction critique, si elle est l'effort parles uns <strong>de</strong> démasquer la vérité <strong>de</strong>s autres, s'exerce constamm<strong>en</strong>t. Là non plus, lesociologue n'a aucun privilège. Une société peut être plus ou moins démocratique, c'està-direouverte au débat et à la négociation. Mais cela ne dép<strong>en</strong>d que faiblem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lui, etbeaucoup plus <strong>de</strong> ses vertus <strong>de</strong> citoy<strong>en</strong> que <strong>de</strong> ses qualités <strong>de</strong> spécialiste.Assurém<strong>en</strong>t, tous les acteurs sociaux n'ont pas le même accès à la discussion et àl'énoncé <strong>de</strong>s règles. Tout au plus le sociologue peut-il se flatter que la contribution qu'il12apporte à la discussion sociale, à la décision conjointe qui <strong>en</strong> résulte n'éclaire passeulem<strong>en</strong>t ceux qui ont déjà le plus d'information et ne se fait pas l'écho <strong>de</strong> ceux quiparl<strong>en</strong>t le plus fort.NOTES ET REFERENCES1 - CLark KERR, Labor Markets and Markets: The Balkanisation of Labor Markets and other Essays,Berkeley, Universityof California, 19772 -John DUNLOP, "Wage Determination un<strong>de</strong>r Tra<strong>de</strong> Unions", New-York, Kelley-Macmillan, 19443 - Pour une revue <strong>de</strong> la littératuresur ce sujet, voir Olivier GARNIER, "La théorie néo-classiqueface aucontrat <strong>de</strong> travail: <strong>de</strong> la "main invisible" à la "poignée <strong>de</strong> main invisible", dans Robert SALAIS etLaur<strong>en</strong>t THEVENOT, eds, Le travail, marchés, règles, conv<strong>en</strong>tions, Paris, INSEE et Economica, 1986.Il va sans dire qu'il n'est pas responsable<strong>de</strong>s très fortes simplifications que nous avons introduites.4 - Nous ne pouvons développer ici la théorie<strong>de</strong> la segm<strong>en</strong>tation.Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, nous empruntons à PeterB. DOERINGER et Michael J. PIORE, Internai Labor Markets and Manpower Analysis, Lexington(Mass.), Heath 19715 - Nous nous appuyons tout particulièrem<strong>en</strong>t sur Olivier FAVEREAU, "Marchés internes, marchésexternes", Revue Economique, 2 mars 1989, pp. 273-3286 - Horst KERN et Michael SCHUMAN,La fin <strong>de</strong> la division du travail?, Paris, Ed. <strong>de</strong> la Maison <strong>de</strong>sSci<strong>en</strong>ces<strong>de</strong> l'homme, 19897 - Alain TOURAINE,L'évolution du travail ouvrier aux usines R<strong>en</strong>ault, Paris, CNRS, 1955.8 - Joan WOODWARD, Industrial Organization .' Theory and Practice, Oxford, Oxford UniversityPress,1965. C'est surtout dans le second volume, IndustrialOrganization, Behavior and control, Ibid, 1970, quel'idée<strong>de</strong> parti-pris est clairem<strong>en</strong>taffirmée9 - E.L. TRIST, G.W. HIGGIN, H. MURRAY, A.B. POLLOCK, Organizational Choice. Capabi/itiesofGroups at the Coal Face un<strong>de</strong>r Changing Technologies, Londres, Tavistoek Publ. Ltd, 1963.10 - Gilbert <strong>de</strong> TERSSAC, Travail et autonomie. Division du travail et régulations sociales, Paris,L'Harmattan, 1991.Il - Michel CROZIER, Le phénomène bureaucratique, Paris, Seuil, 1963; Michel CROZIER et ErhardFRIEDBERG, L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977.12 - Thomas SCHELLING,The Strategy ofConflict, Cambridge, Harvard University Press, 1965.13 - Nous utilisons, avec quelque liberté, les travaux <strong>de</strong> R<strong>en</strong>aud SAINSAULIEU, Sociologie <strong>de</strong>l'organisation et <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, Paris, Fondation nationale <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces politiques et Dalloz, 1987 etMichel LIU, Approche socio-technique <strong>de</strong> l'organisation, Paris, Ed. d'Organisation, 1983.14 - Christian MOREL,La grève froi<strong>de</strong>, Paris, Ed. d'Organisation, 1981. Gérard ADAM et Jean-DanielREYNAUD, Conflits du travail et changem<strong>en</strong>t social, Paris, P.U.P., 1978.15 - Mancur OLSON, The Logic ofCollective Action, Cambridge, Harvard University Press, 1965.16 - Nous empruntons beaucoup à D<strong>en</strong>is SEGRESTIN, "Les communautés pertin<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> l'actioncollective", Revue française <strong>de</strong> sociologie, XXI, 1980, pp. 171-203 ; Le phénomène corporatiste .. Essaissur l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s systèmes professionnels fermés <strong>en</strong> France, Paris, Fayard, 1985.17 - Nous nous appuyons tout particulièrem<strong>en</strong>t sur Pamela E. OLIVER et Gerald MARWELL, "TheParadox of Group Size in Collective Action: A Theory of the Critical Mass, II'', American SociologicalReview, 53/1, 1988, pp.. 1-8"18 - Ces régulations sans auteur sont évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> celles que nous analysons. Cf.Robert BOYER,La théorie <strong>de</strong> la régulation. Une analyse critique, Paris, La Découverte, 1987.13


19 - John T. DUNLOP, Industrial Relations Systems, Carbondale, Southern Illinois University Press,1970 (sa première édition est <strong>de</strong> 1958).20 - Clark KERR, John T. DUNLOP, Fre<strong>de</strong>rick H. HARBISON, Charles A. MYERS, Industrialism andIndustrial Man, Cambridge, Harvard University Press, 196021 - Jean-Daniel REYNAUD, François EYRAUD, Catherine PARADEISE, Jean SAGLIO, éds., Lessystèmes <strong>de</strong> relations professionnelles" Exam<strong>en</strong> critique d'une théorie, Lyon, Ed. du CNRS, 1990.22 - Otto KAHN-FREUND, Labour and the Law, Londres, Stev<strong>en</strong>s & Sons, 1977 (la première éditionest <strong>de</strong> 1972).23 - Une telle conception du travail doit beaucoup à Georges Friedman, par exemple dans son"Introduction" à: Georges FRIEDMANN et Pierre NAVILLE (avec le concours <strong>de</strong> Jean-R<strong>en</strong>éTREANTON), Traité <strong>de</strong> Sociologie du Travail, Paris, Armand Colin, t l, 1961.24 - J'ai développé ces idées dans "Les règles du jeu. L'action collective et la régulation sociale", Paris,Armand Colin, 1989. Je m'appuie évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t sur Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L'acteuret le système, Paris, Seuil, 1977 mais aussi sur les travaux d'Anselme STRAUSS, particulièrem<strong>en</strong>tNegotiations ,,' Varieties, Contexts, Processes and Social Or<strong>de</strong>r, San Francisco, Jossey-Bass, 1978.25 - Robert O. HIRSCHMAN, Exit, Voice and Loyaltie, Cambridge, Harvard University Press, 1990.26 - Comme ci-<strong>de</strong>ssus, nous empruntons beaucoup à Christian MOREL, ouvr. cité.27 - Michel CROZIER, ouvr. cité.28 - André BEAUCAGE, "Quelques approches <strong>de</strong> la segm<strong>en</strong>tation du marché du travail", polygr.,docum<strong>en</strong>t LEST, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce, 1988.29 - Barney G. GLASER et Anselme L. STRAUSS, The Discovery ofGroun<strong>de</strong>d Theory : Strategies forQualitative Research, Chicago, Aldine, 1967.30 - Catherine PARADEISE, "La marine marchan<strong>de</strong> française: un marché du travail fermé T", Revuefrançaise <strong>de</strong> sociologie, XXV, 1984, pp. 3.52-37.5.31 - J'emprunte l'exemple et l'idée à Michel CROZIER, L'<strong>en</strong>treprise à l'écoute, Paris, Inter-Editions,1989.32 - Nous prolongeons l'idée <strong>de</strong> "Mu tuai expectation" <strong>de</strong> Thomas SCHELLING, ouvr, cité. Nousempruntons aussi, du même auteur, à Micromotives and Maerobehavior, New-York-Londres,W.W.Norton, 1978.1. Hervé DUMEZRAPPORTLe texte prés<strong>en</strong>té par Jean-Daniel Reynaud est à la fois ambitieux et mo<strong>de</strong>ste. Ambitieux parson objectif, fon<strong>de</strong>r "une nouvelle forme <strong>de</strong> la sociologie <strong>de</strong> l'action", autour <strong>de</strong> la notiond'


concevoir qu'un échange qui a lieu puisse reposer sur une inégalité, un effet <strong>de</strong> domination, àadmettre que l'équilibre <strong>de</strong> l'échange puisse cacher un déséquilibre.Dans le texte prés<strong>en</strong>té, il y a quelques allusions au pouvoir, à la viol<strong>en</strong>ce, notamm<strong>en</strong>tsymbolique. Mais, globalem<strong>en</strong>t, le concept d'autonomie, les référ<strong>en</strong>ces à Axelrod, la notiond'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t mutuel, r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t plutôt à un partage équilibré <strong>de</strong> la régulation. Lorsqu'il y aconflit <strong>en</strong>tre régulation autonome et régulation <strong>de</strong> contrôle, JD. Reynaud pose que le conflitaboutit à "une forme complexe <strong>de</strong> régulation conjointe". Dans les organisations, dans les<strong>en</strong>treprises, la mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong> systèmes d'évaluation <strong>de</strong>s performances, d'instrum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>gestion et <strong>de</strong> contrôle, est rarem<strong>en</strong>t négociée <strong>de</strong> façon équilibrée. Je ne dis pas que lesnotions d'instrum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> gestion, <strong>de</strong> pouvoir, <strong>de</strong> déséquilibre, <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ce sont passées soussil<strong>en</strong>ce, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si l'adoption du paradigme proposé permet <strong>de</strong> leur donner un statutsatisfaisant. La question est donc: quel statut attribuez-vous à ces notions? Vous est-il possible<strong>de</strong> théoriser à la fois la régulation autonome et la régulation <strong>de</strong> contrôle, la régulation autonomeet ce que j'ai appelé la "régulation inégale" ? Par exemple, l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s négociations autour <strong>de</strong>saugm<strong>en</strong>tations <strong>de</strong>s tarifs publics montre que la Direction du budget du Ministère <strong>de</strong>s financesest maîtresse, traditionnellem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>s procédures. L'une <strong>de</strong> ces stratégies consiste,régulièrem<strong>en</strong>t, à édicter <strong>de</strong> nouvelles procédures qui nécessit<strong>en</strong>t, pour ses interlocuteurs, unappr<strong>en</strong>tissage. P<strong>en</strong>dant le temps que dure cet appr<strong>en</strong>tissage, le Budget <strong>en</strong> profite pour fairepasser ce qu'il souhaite, ayant déstabilisé ses interlocuteursê. En termes chers à J. G.Padioleau, certains acteurs ont <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> ressources et <strong>de</strong> contraintes, dontles autres ne dispos<strong>en</strong>t pas, et qui leur r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt possible une manipulation <strong>de</strong> la régulation àleur profit.* Deuxième question, qui rejoint la première: le refus d'une approche trop globale, lepragmatisme analytique local, l'att<strong>en</strong>tion portée à la dim<strong>en</strong>sion créatrice <strong>de</strong>s acteurs,permett<strong>en</strong>t-ils une réelle sociologie critique? Des améliorations à la marge peuv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> êtreproposées, mais la sociologie ne perd-elle pas sa force <strong>de</strong> contestation, <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong>srègles du jeu? Horkheimer disait, pour définir la théorie critique: il faut être pessimiste sur le planthéorique, et optimiste dans la pratique", La théorie prés<strong>en</strong>tée ici est optimiste, peut-être troppour préserver une marge critique forte (cette question s'adresse tout autant, et peut-être<strong>en</strong>core plus, aux chercheurs qui travaill<strong>en</strong>t dans le cadre d'un contact long avec une <strong>en</strong>trepriseou une organisation),II.SOCIO-ECONOMICS: SOME POLICY IMPLICATIONS5Amitai ETZIONIThe George Washington UniversityRapporteur:Daniel SOULIE, Paris IX DauphineSéance du 5 novembre 19903 H, Dumez & A Jeunemaître: "Le jeu <strong>de</strong>s tarifs publics <strong>en</strong> France" Revue Française d'Economie, 1987,vol. 2, 4, pp" 137-1664 Max Horkheimer: Théorie critique, Paris, Payot, 1978, p 36916.5 'This article draws on the author's The Moral Dim<strong>en</strong>sion; Toward A New Economies. (New York: TheFree Press, 1988). The author is in<strong>de</strong>bted ta Darin Levine for providing research assistance.17


Socio-economics is a new paradigm that emerges out of many works that seek tocombine the kinds ofvariables typically <strong>en</strong>compassed by neo-classical economies withthose contained in other social sci<strong>en</strong>ces. The work of Albert Hirschman, HarveyLeib<strong>en</strong>stein, Herbert Simon and Amartya S<strong>en</strong>, for instance. It is not so much seeking toreplace the kind of analysis associated with neo-cIassical economies (and f~und thesedays also in other branches ofthe social sci<strong>en</strong>ces, for example exchange sociology andPublic Choice political sci<strong>en</strong>ce) as to <strong>en</strong>compass these works in a broa<strong>de</strong>r framework,one that systematically adds the study of institutions, values and emotion~ to. that ofmarkets, rationality and choice behavior. (For additional discussion, see Etzioni 1988).While socio-economics is clearly less parsimonious than neo-cIassical analysis, andclaims to be able to predict and explain better as weIl as stand on firmer ethical groun?s,these cIaims are not evaluated here. Instead the discussion focuses on the kind ofpohcyanalysis, suggestions and insights the new paradigm leads to. In the process, these arecompared with those provi<strong>de</strong>d by neo-classical analysis.As socio-economics is a new discipline, oft<strong>en</strong> we need to indicate not only what itrecomm<strong>en</strong>ds, but also the lines of research nee<strong>de</strong>d to further support the suggested linesofpolicy analysis.A quick example will serve to illustrate this approach. Neo-cIassical works in laboreconomies that summarize the state-of-the-art, oft<strong>en</strong> discuss efforts to increase inc<strong>en</strong>tivesfor work performance. These books focus almost exclusively on monetary inc<strong>en</strong>tivessuch as differ<strong>en</strong>ces betwe<strong>en</strong> wages and salaries, pay-for-time vs. piecemeal pay, and soon (see, for example, Bloom and Northrup, 1981 ; Reynolds, Masters & Moser, 1986 ;Marshall, Briggs, and King, 1984). Socio-economics adds to such analyses the conce~tof refer<strong>en</strong>ce groups, that is, the observation that people are also concerned with theirrelative (or nominal) wages and not only with their absolute (or real) ones (Frank, 1985).The same may be said about recognizing the intrinsic appeal of work (vs. leisure),employees' dèsire for dignity and i<strong>de</strong>ntity, the merits of employee participation in<strong>de</strong>cision making for certain categories of work, and the significant role of corporateculture. The article next explores other major areas that seem to b<strong>en</strong>efit fromincorporating studies ofsocial factors. We shall discuss policy implications, but not thetheoretical, paradigmatic issues involved.1. POLICY IMPLICATIONS OF ALLOWING SHIFTING PREFERENCESMany neo-cIassical analyses take prefer<strong>en</strong>ces as giv<strong>en</strong> and stable (Stigler and Becker,1977), assuming that individuals have a particular and constant set of "tastes", "value~"or "aspirations.". Changes in behavior are assumed to result from changes. ln"constraints" or income, but not in prefer<strong>en</strong>ces. Thus, for example, a neo-classicalanalyst investigating the reasons that consumption of alcohol in the USA has <strong>de</strong>clinedsince 1980 will typically ask if the priee of alcohol has increased, whether the age ofdrinking has be<strong>en</strong> raised and so on, but not whether the <strong>de</strong>sire to consume alcohol hasbe<strong>en</strong> reduced due to changes in the valuation of"drinking". The neo-classical explanatoryconceptions do not really accommodate the fact that these changes are due largely to twosocial movem<strong>en</strong>ts, the heaIth-and-fitness movem<strong>en</strong>t and a neo-temperance movem<strong>en</strong>t,especially MADD and SADD.The reasons that neo-classicists treat prefer<strong>en</strong>ces as fixed should be briefly expIicated andargum<strong>en</strong>ts for disregarding these reasons provi<strong>de</strong>d. Information about prefer<strong>en</strong>cechanges, neo-classicists assert, is "epherneral'', based on "soft", nonbehavioral data suchas surveys of attitu<strong>de</strong>s; further, prefer<strong>en</strong>ce changes involve nonobservable states ofmind. Without asking if or how such data can be used or ma<strong>de</strong> reliable, let us note th~tthe same tools that are used to study economie factors can be used to study noneconorrncvariables, as they are reflected in actual behavior. For example, following Lancaster(1966), one may disaggregate the attributes ofa car to <strong>de</strong>termine the priee purchasers arewilling to pay for each of the attributes, such as speed, <strong>de</strong>sign and color. The samedisaggregation can be used to <strong>de</strong>termine the amount people are wiIIing to pay for a car tobe American or non-Japanese (say, after World War II) and the change (presumably the18<strong>de</strong>cline) in this prefer<strong>en</strong>ce over the postwar years, Or, any other values (e.g, a car that is"beautifuIly" <strong>de</strong>signed, <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tally sound, and so on.)Neo-classicists argue that incorporating prefer<strong>en</strong>ce changes in the explanation ofbehaviorprecIu<strong>de</strong>s use fui analysis, because wh<strong>en</strong>ever behavior changes, presumably we shallstate that prefer<strong>en</strong>ces have changed. There is, however, a satisfactory rebuttal for thisargum<strong>en</strong>t. Ifwe have several-or, preferably, numerous- observations over time, we cantest hypotheses about changes in constraints and in prefer<strong>en</strong>ces (including value changesthat oft<strong>en</strong> cause prefer<strong>en</strong>ce changes). For instance, tax compliance has be<strong>en</strong> shown to beaffected both by the level of taxation (basicaIly, the higher the tax rates, the lower thelevel of compliance) and by whether or not taxes are viewed as fairly imposed (Lewis,1982). Thus, if an increase in compliance follows a period in which tax rates have notbe<strong>en</strong> reduced, and ifin that same period numerous loopholes were cIosed, th<strong>en</strong>, aIl otherthings being equal, we would expect that the change is due, in fact, to an <strong>en</strong>hanced s<strong>en</strong>seof fairness.The argum<strong>en</strong>t ofsorne neo-classicists- that they need not study prefer<strong>en</strong>ce changes, or thevalue changes that drive them, because these ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>a belong to "differ<strong>en</strong>t" disciplines(namely psychology and sociology)- may, in<strong>de</strong>ed, be correct. It is an argum<strong>en</strong>t thatfavors the <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t of a more <strong>en</strong>compassing paradigm, one that <strong>en</strong>compasses bothsocial and economie factors, socio-economics.A key policy implication of a paradigm <strong>en</strong>compassing the study of changes both inconstraints and in prefer<strong>en</strong>ces is that wh<strong>en</strong> we <strong>de</strong>sign public poIicies, we need not limitour efforts only to providing information (action which relies on the assumption thatpeople have fixed prefer<strong>en</strong>ces, but need to un<strong>de</strong>rstand better the costs and b<strong>en</strong>efits ofthechoices they face). Rather, we may also seek to appeal to people's values and affect newprefer<strong>en</strong>ces by, for example, drawing on public education campaigns and on communitylea<strong>de</strong>rs. Several rec<strong>en</strong>t social movem<strong>en</strong>ts catalyzed changes in the American public'svalues, changes that came about years or <strong>de</strong>ca<strong>de</strong>s after relevant information wasavailable. The civil rights movem<strong>en</strong>t ofthe 1960s brought both institutional reforms and ag<strong>en</strong>eral change in the beliefs Americans held ; blacks have come to be viewed morewi<strong>de</strong>lyas fulI-fledged citiz<strong>en</strong>s, <strong>de</strong>serving social justice. The woman's movem<strong>en</strong>t thatfollowed the black's push for civil rights, also achieved significant changes in America'svalues. Large segm<strong>en</strong>ts of American society now consi<strong>de</strong>r the old adage, "a woman'splace is in the home", not only outmo<strong>de</strong>d but off<strong>en</strong>sive. The rec<strong>en</strong>t shift in attitu<strong>de</strong>stowards <strong>de</strong>ath further attests to changes in American values. Previously, a person wasconsi<strong>de</strong>red <strong>de</strong>ad iftheir heart and breathing had stopped. Today, the i<strong>de</strong>a ofbrain <strong>de</strong>athhas assumed primacy, largely because the health care cornmunity adopted the standard.Other significant changes occur mainly wh<strong>en</strong> the social web of emotive forces found inpeer groups supports behavioral changes, such as in the rec<strong>en</strong>t con<strong>de</strong>mnation ofsmoking.Rec<strong>en</strong>tly, the distinction betwe<strong>en</strong> informing individuals and seeking ways to appeal tovalues in other behavior has be<strong>en</strong> highlighted by the efforts to slow the spread ofAIDS.In 1989 the Surgeon G<strong>en</strong>eral s<strong>en</strong>t a brochure to every home in the United States andpamphlets were han<strong>de</strong>d out to drug addicts in the back streets, informing Americansabout the danger ofAIDS, and what can be done. While this campaign <strong>de</strong>monstrates thegovemm<strong>en</strong>t's concem and interest in changing American's behavior to stem the ti<strong>de</strong> ofAIDS, it is difficult to imagine the psychological processes that would cause an addict tochange his or her ways because ofa piece of paper. Beyond this information campaign,finding means to involve such addicts in supportive social groups similar to AlcoholicsAnonymous are nee<strong>de</strong>d (the nation's homosexuals, much more of a corn munity thanaddicts, have be<strong>en</strong> much more successful in changing their behavior).In response to the argum<strong>en</strong>t for appealing to values in or<strong>de</strong>r to modify prefer<strong>en</strong>ces, neocIassicistsraise an ethical objection, They state that individuals ought to <strong>de</strong>termine theirown conduct, not the govemm<strong>en</strong>t, and that those who object to consumer sovereigntyand seek to influ<strong>en</strong>ce individual tastes are elitist snobs who wish to impose their "tastes''on others. Socio-economics takes a differ<strong>en</strong>t normative stance, arguing that sorne "tastes"19


clearly ought to be modified, for instance, those which cause harm to others (e.g.,smoking and reckless driving) and those which <strong>de</strong>monstrate op<strong>en</strong> disregard forcommunity needs (e.g., dumping toxic wastes into lakes). In other instances, it is properto appeal to values people have, e.g. for fairness.Nor is governm<strong>en</strong>t the only instrum<strong>en</strong>t to seek to influ<strong>en</strong>ce tastes, or coercion the propermeans ; the community is oft<strong>en</strong> the most effective ag<strong>en</strong>t, and voluntary appeals is a maintoo1. H<strong>en</strong>ce, community lea<strong>de</strong>rship and education by par<strong>en</strong>ts, neighbors, peers, andchurches should be inclu<strong>de</strong>d in one's policy <strong>de</strong>sign. For example, smoking has be<strong>en</strong>significantly curtailed as its social valuation changes. Peer pressure plays a key role ing<strong>en</strong>erating the emotive force nee<strong>de</strong>d to help mobilize people to overcome this addiction.While socio-economists have i<strong>de</strong>ntified many of the variables that affect prefer<strong>en</strong>ces,there is no parsimonious conception of the factors that cause prefer<strong>en</strong>ce changes.Numerous factors are cited, but there is little cons<strong>en</strong>sus about the list. To illustrate, in avery preliminary way, the kind of propositions that are nee<strong>de</strong>d it might be stated thatsocial movem<strong>en</strong>ts t<strong>en</strong>d to have a set "natural history" : they rise rapidly and th<strong>en</strong>gradually <strong>de</strong>cay, both through "secularization" (Joss of cornmitrn<strong>en</strong>t) and throughsectarianism (internaI divisions and strife). They rarely last. H<strong>en</strong>ce, value changes basedonly on a social movem<strong>en</strong>t, ifnot followed by institutionalization, will have limited longruneffects and much smaller effects than is wi<strong>de</strong>ly assumed at the height of the socialmovem<strong>en</strong>t.If these propositions are correct, the longer-run effects of a social-religious movem<strong>en</strong>tsuch as fundam<strong>en</strong>talist Islam, wi<strong>de</strong>ly assumed to be a major factor in the Middle East inthe coming <strong>de</strong>ca<strong>de</strong>s, are likely to be quite limited. The same pattern is visible in theUnited States, where one can already witness the cresting and the beginning <strong>de</strong>cline ofthe neo-temperance movem<strong>en</strong>t and perhaps ev<strong>en</strong> the health-and-fitness movem<strong>en</strong>t. The"couch potato" tr<strong>en</strong>d, a new movem<strong>en</strong>t of acquiesc<strong>en</strong>ce that celebrates the cornforts ofhome as an andidote to a perceived harshness in the economie <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t, may beslowly asc<strong>en</strong>ding only to follow the same pattern ofother social movem<strong>en</strong>ts- a rapid riseand a graduaI <strong>de</strong>cline.It is not argued here that these propositions about the patterns ofsocial movem<strong>en</strong>ts havebe<strong>en</strong> suffici<strong>en</strong>tly validated or are close <strong>en</strong>ough to the data to be relied upon in policymaking. Rather, the propositions are used to illustrate the kind of parsimonious theorywe need which would <strong>en</strong>hance the inclusion of the factors that shape prefer<strong>en</strong>ces insocio-economic analyses and are used for policy analysis.2. EDUCATIONThe disregard of education (as distinct from teaching skills and transmitting knowledge,or training) leads many educational reformers in the USA to focus their ag<strong>en</strong>da toonarrowly. They leave out the need for basis psychological preparation, especiallycharacter formation, an ess<strong>en</strong>tial prerequisite for acquiring basic skills, an ess<strong>en</strong>tial in itsown right to be an effective employee.Plans to reform schools t<strong>en</strong>d to overlook that about halfofyoung Americans grow up infamilies that are not viable from an educational viewpoint. Frequ<strong>en</strong>t divorces, rotations ofboyfri<strong>en</strong>ds or girlfri<strong>en</strong>ds, and par<strong>en</strong>ts who come home exhausted both physically andm<strong>en</strong>tally, have left many homes with a trem<strong>en</strong>dous par<strong>en</strong>ting <strong>de</strong>ficit. Instead ofprovidinga stable home <strong>en</strong>viron m<strong>en</strong>t and the kind ofclose, loving supervision character formationrequires, many child care facilities, grandpar<strong>en</strong>ts, and baby sitters <strong>en</strong>sure mainly thatchildr<strong>en</strong> will stay out ofharm's way, but contribute little to their education.As a result, personality traits ess<strong>en</strong>tial for the acquisition of specifie skills (math,"English", and vocationaI) oft<strong>en</strong> remain un<strong>de</strong>r<strong>de</strong>veloped. Childr<strong>en</strong> come to schoollacking self-discipline; they cannot <strong>de</strong>fer gratification, conc<strong>en</strong>trate, or mobilize att<strong>en</strong>tionto the tasks at hand. It is futile to pump into these yougsters more math, foreignlanguages, long hours ofsci<strong>en</strong>ce or liberal arts, as various commissions favor.20Typing, is a case in point. One can teach a person the mechanics in less than one hour(where to place the fingers, how to adjust the margins). The "rest" is simply a matter ofpati<strong>en</strong>ce, the ability to repeat the same drill oft<strong>en</strong> <strong>en</strong>ough, long <strong>en</strong>ough. Many studies findstu<strong>de</strong>nts cannot do math or write <strong>en</strong>glish. They do not concern such advance matters aswhether stu<strong>de</strong>nts can craft a powerful essay or analyze a calculus problem ; at issue is theability to do arithmetic and write a clear memo. Again, close examination ~ to what isrequired points in the same direction. The elem<strong>en</strong>tary rules can be taught quickly, Wh<strong>en</strong>Vou subtract A from Band get C, tally Band C to verify that they make A ; a s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce<strong>en</strong>ds with a period ; they typically have a noun, and so on. The "rest" is a matter of selfdiscipline,the ability to adhere to these rules and not to jump to conclusions or ramble onin a paper.One ofthe best bodies ofdata is that collected on a nation-wi<strong>de</strong> basis by James Colemanand his colleagues at the University ofChicago. The data shows that childr<strong>en</strong> who studyweIl , also have well <strong>de</strong>veloped characters. The youngsters in "high performance"schools had two main attributes : they did great <strong>de</strong>al of homework and they i<strong>de</strong>ntifiedwith their teachers, teaching and school. Hornework is the giveaway eue ; those who cando a great <strong>de</strong>al of it, largely unsupervised, have acquired self-discipline. And, stu<strong>de</strong>ntsneed to respect their teachers, and see their assignm<strong>en</strong>ts as meaningful. Otherwise theydo not "internalize" self-discipline, do not make it part oftheir own character.Several other studies (especially Rutter, et al., 1979) reach similar conclusions.However, the strongest evi<strong>de</strong>nce is found in the success of programs such as theConservation Corps, and sorne ofthe drug treatm<strong>en</strong>t programs. These take young peoplethat oft<strong>en</strong> are disori<strong>en</strong>ted, lacking in motivation and skills, and <strong>de</strong>velop-first and foremosttheir self-discipline, psychic stamina, the ability to mobilize and make commitm<strong>en</strong>ts.Once these are achieved, acquisition ofspecific skills and employm<strong>en</strong>t become relativelyeasy.Beyond being a prerequisite for good study habits, self-discipline is ess<strong>en</strong>tial for makingan employee show up for work regularly, be responsible for the quality of his or herproduction, and take initiative- for work ethics.What socio-economic policy would <strong>en</strong>hance the <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t ofcharacter ? It is importantto start early. Companies might offer their employees (mothers and fathers) more leave inthe first two years ofthe child's <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t. Par<strong>en</strong>ts ought to be advised that prematureemphasis on cognitive achievem<strong>en</strong>ts (Iearning to read, multiply, etc.) and neglect ofhuman <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t, is self-<strong>de</strong>feating. One presupposes the other.Recognizing that such a transformation in child care policy is unlikely, and that manypar<strong>en</strong>ts probably will continue to sp<strong>en</strong>d relatively little time <strong>de</strong>veloping their child'scharacter, public policy requires that schools step in. Schools may have to start earlier,sayat age four, and be op<strong>en</strong> longer during the day and into the summer, to make up forsorne ofthe lost par<strong>en</strong>ting.FinaIly, resources must be shifted from the top-heavy <strong>en</strong>d ofthe educational structure!othe lower levels - early education. Curr<strong>en</strong>tly we oft<strong>en</strong> prepare youngsters poorly Inprimary schools, mistrain them in high school, and th<strong>en</strong> graduate them with poorworking habits. For aIl too many of them, we th<strong>en</strong> sp<strong>en</strong>d the first two years ofcollegetrying to correct what w<strong>en</strong>t wrong in the lower schools, teaching remedial <strong>en</strong>glish,catching up on math, and above all, trying to instill better working habits. It is muchmore effective, from a sheerly economie viewpoint and a human one to help yong peoplelearn things right the first time around.3 TOWARD A SOCIO-ECONOMICS OF INCENTIVESPolicies are concerned more with "hierarchies" (such as within corporations and of thegovernm<strong>en</strong>t) than the market; markets are said to be best left to their own built-in selfregulatingmechanisms. Here the question ofthe most effective policies for comp<strong>en</strong>sating21


people subject to control and guidance by hierarchies, is consi<strong>de</strong>red. Neo-classicalanalysis favors paying for performance rather than for time units (as is the case in payingby wages or salaries rather than by piece ofwork accomplished). The elem<strong>en</strong>tary reasonis that wh<strong>en</strong> paying for time one does not know what level ofperformance, if any, onepays for (Baker, et al., 1988, p. 595). This is more than a mere theory as the wi<strong>de</strong> spreadcriticism ofbureaucracies indicates.The fact, however, is that pay for performance is rarely used (ibid p. 595). Two studiesillustrate the point. Medoffand Abram (cited by Baker, et al., 1988) found that in the twolarge corporations they studied, there was little financial reward for superiorperformance. In one corporation employees whose work was ranked "not acceptable",the lowest ranking, were paid only 7.8% less than the very best ("outstanding"). Inanother corporation, the differ<strong>en</strong>ce betwe<strong>en</strong> the pay of those whose work was"unacceptable" was only 6.2% less than of those who topped six ranks, employeeeswhose work was ranked as "excell<strong>en</strong>t". There was also a strong t<strong>en</strong><strong>de</strong>ncy to rank mostemployees as high performers. For example, in one corporation 95% of the employeeswere ranked "good" or better. Citing six differ<strong>en</strong>t studies ofthe relationship betwe<strong>en</strong> payand performance, Lawler finds that, "evi<strong>de</strong>nce indicates thatpayis not very closelyrelatedto performance in manyorganizations that c1aim to have meritincrease selsrysystems....The studies suggest that many business orgnizations do not do a verygoodjob oftyingpay to performance. This conc1usion is rather surprising in Iight ofmany companies'very Frequ<strong>en</strong>t c1aims that their pay systems are based on metit. It is surprising that paydoes not seem to be releted to performance at the managerial lever. (Lawler, 1971, p.158.)Socio-economics shows that the factor most important in explaining comp<strong>en</strong>sation isrank, not performance. While rank is indirectly linked to performance, bonuses would bemore effective (Baker, et. al., 1988, p. 601.) However, employees seeking relief fromanxiety, and wishing for power and visibility, are more motivated by rank, which helpsto explain why ranks and not bonuses are by far the most common and important mo<strong>de</strong>ofdiffer<strong>en</strong>tial comp<strong>en</strong>sation. The same factors account for the observation that wh<strong>en</strong> onetries to shift to greater reliance on pay for performance, the result is a very sharp drop inproductivity, att<strong>en</strong>dance and other measures of performance. One group of primarilypsychologists and behaviorists found that monetary rewards are counterproductive. Oneexplanation "argues that money actually lowers employee motivation, by reducing the'intrinsic rewards' that an employee receives from the job." (Deci, 1972 cited in Baker,et. al., 1988, p. 596). Slater (1980) similarly conclu<strong>de</strong>s that "[ujsing money as amotivator leads to a progressive <strong>de</strong>gradation in the quality of everything produced."(Baker, et al., 1988, p. 596.) Kohn (1988) offers further explanation on the counterproductivityof monetary rewards stating : "First, rewards <strong>en</strong>courage people to focusnarrowly on a task, to do it as quickly as possible, and to take few risks... Second,extrinsic rewards can ero<strong>de</strong> intrinsic interest... [Finally], people come to see themselvesas being controlled by a reward." (ibid).Socio-economics does not disallow modification ofcompetition policies to be somewhatmore performance ori<strong>en</strong>ted. However, a major shift may neither by possible norb<strong>en</strong>eficial because ofnon-economie needs ofthe employees, including professionals andmanagers, not just blue collar workers. All ofthe studies cited here <strong>de</strong>al with these kindsofemployees.4. ENCAPSULATED MARKETS: A CASE OF CHOICE IN EDUCATIONNeo-classical policy analysts oft<strong>en</strong> favor privatization, which in another way of statingthat they wish to introduce market forces (and "roll back" the governm<strong>en</strong>t) from variousareas. These inclu<strong>de</strong> <strong>de</strong>regulation of airlines, banks, and communication or the use ofprivate contractors to run services previously provi<strong>de</strong>d by the governm<strong>en</strong>t (e.g. towing ofboats in non-emerg<strong>en</strong>cy situations, in sorne cases ev<strong>en</strong> managem<strong>en</strong>t of prisons.) Aninteresting issue raised by Donahue (1989) is whether certain functions ought to beturned over to the market ev<strong>en</strong> if it is more effici<strong>en</strong>t, because of the att<strong>en</strong>dant symbolicimplications (e.g. should we introduce for-profit hangm<strong>en</strong> ?)22Socio-economics takes the position that much ofthe <strong>de</strong>bate betwe<strong>en</strong> those who favor themarket and those opposed to it is inappropriately positioned. It contrasts two abstractionswith features not found in reality. We can only work with systems that are fusedchemically, not mechanically, that is systems which have combined elem<strong>en</strong>ts from boththe market and the govemm<strong>en</strong>t. They differ from the market and the govemm<strong>en</strong>t the waywater differs from the hydrog<strong>en</strong> and oxyg<strong>en</strong> elem<strong>en</strong>ts which make up its composition.The proper question, h<strong>en</strong>ce, is not which system is "best" but which socio-economicalloy ? Thus, introducing sorne competitive elem<strong>en</strong>ts into an area in which there arehighly <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>ched bureaucracies may be quite b<strong>en</strong>eficial. However, privatization withoutprovisions for moral integrity of the competitors, rules of the games, <strong>en</strong> forcem<strong>en</strong>tmechanisms, and provisions for the most vulnerable members of the community, oft<strong>en</strong><strong>de</strong>livers unaccceptable results.Rather than continue here on the g<strong>en</strong>eral level of abstraction, we zero in on one policyarea, that of"choice" in public education. Choice has be<strong>en</strong> rec<strong>en</strong>tly advocated by severalpolicy analysts ; it is being introduced in Minnesota, Boston and sorne other areas, andwas <strong>en</strong>dorsed by Presi<strong>de</strong>nt Bush in the 1989 Educational Summit with the govemors asone of his three priorities for national education. In a comparative analysis of publicschools (which are subordinates in a hierarchical system ofpolitics) and private schools(which are autonomous actors "controlled" by the market), Chubb and Moe (1988) foundthat "private schools are more likely to possess the characteristics wi<strong>de</strong>ly believed toproduce effectiv<strong>en</strong>ess." Thus, education is another area in which neo-classical analystsfavor market forces over governm<strong>en</strong>t (politicaI) authority.While it is difficult to separate out the effect ofthe introduction ofchoice from the effectsofother pressures to reform, there seems to be sorne indications that the fears ofloosingstu<strong>de</strong>nts, and with them public support, has had sorne expected results. Public schools inareas in which choice is or might be introduced, seem ke<strong>en</strong>er to introduce changes thanothers (or the same schools before choice became the vogue.) Becker (1986) <strong>de</strong>scribedthe dangers ofa voucher system stating :"A compreh<strong>en</strong>sive voucher system would require public schools to compete for stu<strong>de</strong>ntsand to coyer their costs with tuition rev<strong>en</strong>ue. Public schools could compete effectivelyonly if they suppressed viol<strong>en</strong>ce, instilled discipline, involved par<strong>en</strong>ts, offered achall<strong>en</strong>ging curriculum, and controlled costs. Ifa public school could not attract suffici<strong>en</strong>tstu<strong>de</strong>nts with tuition that covered costs, it would have to close or be sold to a privateowner."At the same time, the experi<strong>en</strong>ce with vouchers shows the dangers of the simplisticintroduction of competition into human services areas. In such cases the consumer'sknowledge is limited (it is more difficult for par<strong>en</strong>ts to evaluate education th<strong>en</strong>, say, a canofbeans.) There are also qualities, not just statistical achievem<strong>en</strong>ts that must be preserved(voucher systems t<strong>en</strong>d to focus on results that can be measured, to the neglect of thesubtler, <strong>de</strong>eper aspects of education.) Additionally, evi<strong>de</strong>nce shows, the danger offabricating results (you can make a lot of profit if you can coach stu<strong>de</strong>nts aboutforthcoming tests.)The preceding analysis does not point to the conclusion that there is no room forcompetition among schools (in effect, sorne always existed, for instance on prestige).However, it must be specifically recognized that competitions take place within societalcapsules and these prescribe part ofthe conditions for competitive integrity. We mean thatsociological structures must be found or introduced that would att<strong>en</strong>d to the pot<strong>en</strong>tialpitfalls. Giving more information to the "consumers" is a necessary but not suffici<strong>en</strong>tstep. Consumers have a hard time evaluating large amounts and complex information.Thus, giving them scores on how various schools compare on numerous measures islikely to have little b<strong>en</strong>eficial effects. Consumers are already overwhelmed by the muchsimpler information found on cereal boxes and do not <strong>en</strong>gage in proper comparativeshopping. H<strong>en</strong>ce, they need in<strong>de</strong>xed or summary information. An example from another23


area illustrates how this need might be <strong>de</strong>alt with. Sorne restaurants provi<strong>de</strong> cli<strong>en</strong>ts withlittle heart markers on their m<strong>en</strong>us. These markers indicate that the specifie dishes have<strong>de</strong>sired scores in severaI areas (1ow calories, low salt, low cholesterol, etc.) Thus insteadofhaving to compare dishes on five scales, the cli<strong>en</strong>t can tell at a glanee which dishes, intoto, are appropriate. Schools will require similar summary evaluations for choice towork.Neo-classicists may argue that ifbuyers want such a service the market will respond inthe form of a profit making evaluation ag<strong>en</strong>cy that will charge its customers a fee.However, the profit motive does not guarantee integrity. We h<strong>en</strong>ce find a need for anextra market force to provi<strong>de</strong> evaluations ofintegrity (not always beyond reproach, but atleast typically reliable). Here not-for-profit consumer unions can play such a role.Second, the examiners must be public officiaIs or private ag<strong>en</strong>cies scrutinized by publicofficiaIs, to minimize the inci<strong>de</strong>nts of fabrication of results and tilting of test cont<strong>en</strong>tstowards subjects that a specifie school is good at providing.Last but not least, public educators will need to <strong>de</strong>fine the terms of the competition toinsure that it <strong>en</strong>compasses not mere math scores but also compreh<strong>en</strong>sion of literature ;that it inclu<strong>de</strong>s not only tests in vocabulary but also in essay writing ; and thattransmission of skills and knowledge does not drive out education in the broa<strong>de</strong>r and<strong>de</strong>eper s<strong>en</strong>se of human <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t and character formation. To the ext<strong>en</strong>t that theseattributes cannot be readily measured, provisions will have to be mandated rather than leftto choice. Thus, for instance, competing schools should not be allowed to provi<strong>de</strong> morehours of home economies or basketball and not civics, on the condition that these arewhat the cli<strong>en</strong>ts want to "buy".Last but not least, the market per se never provi<strong>de</strong>s for the weaker members because itdoes not respond to one person one vote, but to voting by purchase power. H<strong>en</strong>ce,unless externally affected, the market simply caters to the rich and neglects the poor. Theess<strong>en</strong>ce of public education is, of course, an effort to overcome this market bias. Themore market forces are relied upon, the greater the danger that the poor will receive lessthan the rich. H<strong>en</strong>ce, choice should be combined with efforts to increase the resourcesavailable to public schools in poorer areas.Other mechanisms surely can be <strong>de</strong>vised. The preceding analysis seeks only to illustratethe i<strong>de</strong>a that, far from being able to tum a human service over to the market and leave it toits own <strong>de</strong>vises, market forces need to be continuously gui<strong>de</strong>d, directed, corrected,channeled and improved.5. INSTITUTIONAL CHANGENeo-classical analyses t<strong>en</strong>d to focus on transactions among individuals or small units~such as households and small firms), and their aggregation in anonymous markets, thatIS, markets that are assumed to have no collective controls. To the ext<strong>en</strong>t that institutionsare studied at aIl within this paradigm, they are g<strong>en</strong>erally perceived as reflectingarrangem<strong>en</strong>ts ma<strong>de</strong> voluntarily and knowingly by individuals, in line with their interestsand goals. Traditionally, other social sci<strong>en</strong>ces t<strong>en</strong><strong>de</strong>d to view institutions as reflectinghistorical (macro) processes, society-wi<strong>de</strong> values, and power relations. Socio-economicsseeks to <strong>en</strong>compass the influ<strong>en</strong>ce of both individuals and that of society. It attempts tocombine aggregative analysis with collective analysis by assuming that collective factorsprovi<strong>de</strong> the context and are "priors" within which individuals act, and which in tum areaffected by them.The significance of systematically including institutional analyses lies in that theirexist<strong>en</strong>ce hin<strong>de</strong>rs or assists policy and, h<strong>en</strong>ce, ev<strong>en</strong> if one does not seek to modify theinstitutions, their effects on policy must be tak<strong>en</strong> into account. For example, a multi-yeareconomie policy formed within the United States (say like a corporate <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t plan)that ignored the well-established economie effects ofthe four-year political cycle driv<strong>en</strong>by presi<strong>de</strong>ntial elections, is less likely to succeed than an economie policy that takes the24cycle into account. AlI other things being equal, the expansive policies ofelection yearsprovi<strong>de</strong> a much more hospitable economie <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t for a new product, or newlyexpan<strong>de</strong>d production capacities, than the first year of a new administration. "Bittermedicine" is usually prescribed during this first year ; h<strong>en</strong>ce, the period t<strong>en</strong>ds to beeconomically restrictive. The cycle, in turn, reflects the Constitution and not anaggregation ofindividual <strong>de</strong>cisions. Similarly, one must expect little success for a policythat ignores differ<strong>en</strong>ces among institutions- e.g., shifting law <strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t functions fromthe FBI to local governrn<strong>en</strong>ts- because ofthe wi<strong>de</strong>spread corruption institutionalized inmany local police forces. The same must be said about a policy that shifts responsibilitiesfrom the IRS or the Social Security Administration to local tax collection or welfareag<strong>en</strong>cies.Beyond accounting for the established features ofexisting institutions and the powerful1inertia and vested interests they t<strong>en</strong>d to g<strong>en</strong>erate, one must also recognize that institutionscan be changed and policy advanced via such changes. Thus, instead of, or in additionto, using educational campaigns to <strong>en</strong>courage many millions of Americans to increasetheir saving, one can <strong>en</strong>hance saving by changing the tax laws, un<strong>de</strong>r sorne conditions byreducing corporate outlays of divi<strong>de</strong>nds (i.e., by increasing retained earnings) or, moreeffectively, by reducing governm<strong>en</strong>t exp<strong>en</strong>ditures.Segregating Social Security from the unified budget, and investing its surpluses into aportfolio ofAmerican corporate and governm<strong>en</strong>t bonds will do as much or more for theAmerican savings rate than will, say, doubling the size of funds individuals can saltaway, tax <strong>de</strong>ferred, in their IRAs. While a constitutional am<strong>en</strong>dm<strong>en</strong>t to balance thebudget may weIl create several new problems, it would modify significantly theinstitutional context of the struggle to reduce fe<strong>de</strong>ral <strong>de</strong>ficits.Similarly, asi<strong>de</strong> from working on individual inc<strong>en</strong>tive schemes, corporations oft<strong>en</strong>b<strong>en</strong>efit wh<strong>en</strong> they also introduce institutional changes such as increased cooperation withlabor unions (GM-UAW, in rec<strong>en</strong>t years), quality circles, or participatory <strong>de</strong>cisionmaking. (None ofthese are automatically sure to have the <strong>de</strong>sired result ; more research isnee<strong>de</strong>d about the conditions of success vs. failure). One may argue whether individualsor institutions are more powerful ; however, one conclusion is clear : policy analysisshould consi<strong>de</strong>r both individual, aggregative factors and institutional factors.6. POWER CONCENTRATION: INDUSTRIAL ORGANIZATION ANDECONOMIC-POLITICAL ORGANIZATIONFor the most part, neo-cl.assical economies recognizes no power differ<strong>en</strong>ces (Stigler,1968) ; the market dominates firms and not vice versa. However, the exist<strong>en</strong>ce ofmonopolistic behavior by sorne firms has be<strong>en</strong> <strong>de</strong>monstrated, giving evi<strong>de</strong>nce ofpowerstructures within markets. In the economies literature, these structures are referred to as"Industrial Organization" (Scherer, 1980). The literature on Industrial Organizationfocuses almost exclusively on intramarket, economie, power conc<strong>en</strong>trations. Forexample, the power offirms is measured by their <strong>de</strong>gree ofmarket control, their ability to<strong>de</strong>ter <strong>en</strong>try of rivals into the markets, and so on. Evi<strong>de</strong>nce shows that there areconc<strong>en</strong>trations of economie power within the American (and other) economie systems(Shepherd, 1982).Socio-econornics stresses the need to see the economy as set within a societal capsule(Polanyi, 1957 ; Parsons and Smelser, 1956), a capsule composed of shared values,social bonds, and the politY(Etzioni, 1988, ch. 12-13). Here we focus on one elem<strong>en</strong>t,the polity. The politYis a source ofconsi<strong>de</strong>rable power used by sorne economie actors toadvance their goals against other market rivaIs.There are countless examples ofpowerful economie actors using the politYto affect othereconomie actors within the market: the introduction of quotas and tariffs to save anAmerican motorcycle manufacturer from Japanese competitors ; the creation of a"voluntary" quota limiting the importation ofJapanese automobiles to the United States,favored by the UAW and American automobiles manufacturers ; and the use of25


congressional contacts by sorne aerospace corporations (e.g., Rockwell International,G<strong>en</strong>eral Dynamics, and Lockheed) to obtain large military con tracts at the exp<strong>en</strong>se oftheir competitors. Corporations also oft<strong>en</strong> use their power within the politYto become theexclusive provi<strong>de</strong>rs ofcable television, local telephone services, or electricity in a giv<strong>en</strong>jurisdiction. In other words, companies use the governm<strong>en</strong>t, rather than large capitaloutlays or R&D, to create a monopoly.The means by which sorne corporations build up their power to the disadvantage ofothers range from the legitimate to the illicit to the outright illegal. Petitioning a memberof Congress to <strong>en</strong>act a law in effect according one corporation advantages over others,say, on the grounds that the preferred corporation provi<strong>de</strong>s jobs in the Congressmember's district, is part and parcel ofthe American political process, and is consi<strong>de</strong>redlegitimate. Concocting elaborate briefs in favor of a particular corporation, based ontwisted facts and fanciful interpretations ofthe evi<strong>de</strong>nce, is not illegal, but not particularlyethical, either. Bribes are rare but not unknown. Campaign contributions, a major factor,inclu<strong>de</strong> aIl.of the above : those that are proper, those that are technically legal, and thosethat are neither,Socio-economic analysis seeks to <strong>de</strong>termine the structure of markets, to study thedynamics of relations among economie actors and their effects on priees, innovation, andconc<strong>en</strong>tration ; in short, the same subjects the economie literature on IndustrialO~g~nization typically explores. However, socio-economics consi<strong>de</strong>rs not only actswithin the market, but aiso acts by market contestants within the polity.One major policy implication ofthe socio-economic approach is the recognition that it isinsuffici<strong>en</strong>t to curb the conc<strong>en</strong>tration of economie power; one must also limit theinflu<strong>en</strong>ce over the politY ofpowerfui economie actors. Thus, instead of relying heavilyon antitrust policies, one must aiso look for ways to curb corporate political power. Onekey strategy is to induce voluntary public financing ofcongressionai campaigns, the samefinancing system used for presi<strong>de</strong>ntial elections. In this way, elected officiaIs become less<strong>de</strong>p<strong>en</strong><strong>de</strong>nt on powerful economie (and other) actors. Other measures inclu<strong>de</strong> prohibitingoutright the campaign contributions of corporations and labor unions (a regulationcurr<strong>en</strong>tly in place) ; disallowing the use ofcorporate infrastructure to helm organize PACs(no such regulation exists) ; and limiting the size ofPAC contributions (regulation existsbut is easily circumv<strong>en</strong>ted).7. CRIMINALS ARE JUST LIKE USNeoclassical economists analyze crime in terms ofcosts and b<strong>en</strong>efits. They argue that theprobability of being arrested and convicted, the size ofthe p<strong>en</strong>alty and the size of theloot, i.e., costs and "b<strong>en</strong>efits", correlate with the frequ<strong>en</strong>cy ofthe large variety ofcrimesbeing committed, including mur<strong>de</strong>r and rape (Andreano and Siegfried 1980 ; Rott<strong>en</strong>berg1979). The data are subject to consi<strong>de</strong>rable methodological controversies, but these neednot concern us here. To the ext<strong>en</strong>t that these data have <strong>de</strong>monstrated that self-interestplays an important role in situations previously consi<strong>de</strong>red the domain of impulsivebehavior, neoclassical economists provi<strong>de</strong> an important correction to the over-socializedview of crime, a view that focuses almost exclusively on the role of education,subculture, peer pressure and other such factors. However, to the ext<strong>en</strong>t neo-classicistssug.gest t~at self-interest accounts for aIl or most of the variance, they vastly overstatetheir flndings (Cook 1980), and their conclusions will t<strong>en</strong>d to mislead policy makers.Thus, for instance, Rubin's statem<strong>en</strong>ts (I980, p. 13) that "the <strong>de</strong>cision to become acriminaI is in principle no differ<strong>en</strong>t from the <strong>de</strong>cision to become a brick layer... Theindividual consi<strong>de</strong>rs the net costs and b<strong>en</strong>efits ofeach alternative and makes his <strong>de</strong>cisionon this basis, "and" tastes are constant and a change in [criminal] behavior can beexplained by changes in priees [such as p<strong>en</strong>alty], "t<strong>en</strong>d to mislead. They ignore the factthat <strong>de</strong>spite whatever correlations are found betwe<strong>en</strong> "priees" and level of criminality,much ofthe variance (in crime rates) remains unexplained, most likely because moral andother social factors are at work. Second, such statem<strong>en</strong>ts overlook the fact that the "taste"for crime, like aIl others, is affected by normative and other social factors e.g., by the26ext<strong>en</strong>t to which the relevant subculture disapproves of the particular kinds of crimeinvolved (Grasmick and Gre<strong>en</strong> 1981).Similarly, statem<strong>en</strong>ts such as Murray's (1984, p. 168) that "crime occurs wh<strong>en</strong> theprospective b<strong>en</strong>efits suffici<strong>en</strong>tly outweigh the propective costs, "are not only formulatedin a way that makes falsification impossible (if no crime occurs un<strong>de</strong>r a giv<strong>en</strong> set ofconditions, un<strong>de</strong>r which it is expected to occur, the b<strong>en</strong>efits might be said to not"suffici<strong>en</strong>tly" outweigh the costs), but also t<strong>en</strong>d to mislead policy makers intodisregarding the role of education, subculture, lea<strong>de</strong>rship, and role-mo<strong>de</strong>ls. Of specialinterest in this context is Wilson's (1985) discussion of the role of various "impulsecontrol" movem<strong>en</strong>ts and organizations in ninete<strong>en</strong>th c<strong>en</strong>tury America. Wilson point outthat as industrialization advanced, youngsters who once left their homes only to work inhomes un<strong>de</strong>r the supervision of other farmers or artisans, th<strong>en</strong> started to resi<strong>de</strong> inboarding houses in the cities, without any family bonds or authority. The result waswi<strong>de</strong>spread disor<strong>de</strong>rly conduct. This was followed by numerous efforts to advancecontrol of impulse and build up inner control, self-discipline, and "character", Theseinclu<strong>de</strong>d sunday schools, YMCAs, temperance movem<strong>en</strong>ts, and various religious andsecular voluntary associations. Sorne had other goals, but impulse control was a byproduct; others were aimed directly at instilling self-discipline.The policy point is that one needs to work not merely on the cost-b<strong>en</strong>efit, <strong>de</strong>terr<strong>en</strong>ce,inc<strong>en</strong>tive, and police si<strong>de</strong> but also on the formation of prefer<strong>en</strong>ces si<strong>de</strong>, via moraleducation, peer culture, cornmunity values, and the mobilization of appropriate publicopinion. These are factors that neo-classicists t<strong>en</strong>d to ignore because they takeprefer<strong>en</strong>ces for granted, and their theories provi<strong>de</strong> no analytical framework toconceptualize the ways in which prefer<strong>en</strong>ces are formed and might be reformed. Thetrouble with theories that fit into a <strong>de</strong>ontological paradigm is that they inclu<strong>de</strong> numerous,complex, propositions that are difficult to quantify. They may have to be synthesized,ma<strong>de</strong> more parsimonious and more operational, before they can effectively play their rol<strong>en</strong>ext to economie analysis.8. WHITE-COLLAR CRIMENeo-classical analysis of crime is largely based upon work pioneered by Gary Becker(1968). Becker's economie approach to white-collar crime is summarized by RichardPosner (1980) : "the white-collar criminaI... should be punished only by monetaryp<strong>en</strong>alties -by fines (where civil damages or p<strong>en</strong>alties are ina<strong>de</strong>quate or inappropriate)rather than by imprisonm<strong>en</strong>t or other 'afflictive' punishm<strong>en</strong>ts (save as they may b<strong>en</strong>ecessary to coerce paym<strong>en</strong>t ofthe monetary p<strong>en</strong>alty)". Becker states that " [ajccording tothe economie approach, criminals, like everyone else, respond to inc<strong>en</strong>tives." (Becker,Business Week, June 10, 1985). By setting fines equal to the harm the corporate crimeinflicts on society, companies will be <strong>de</strong>terred from certain crimes and society will becomp<strong>en</strong>sated for the harm imposed. Thus, Becker poses the question "If guiltycompanies pay for the harm to society, why should we want to discourage white-coIlarcrime that raises a country's wealth ?" (Becker, Business Week, October 28, 1985).Posner furthers this economie analysis of crime by arguing that fines can be an equaIlyeffective <strong>de</strong>terr<strong>en</strong>t and are socially preferable because theyare cheaper to administer thancostly jail terms. He arrives at this conclusion using a social cost-b<strong>en</strong>efit analysis whichweighs the cost of collecting a fine and the cost of imprisonm<strong>en</strong>t. An importantqualification is that the off<strong>en</strong><strong>de</strong>r must be able to pay the fine, and that the fine be set equalto the disutility imposed by a jail s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce (in computing a fine equival<strong>en</strong>t it is importantto take into account aIl ofthe factors that make imprisonm<strong>en</strong>t a source ofdisutility).Another attempt at an ess<strong>en</strong>tially economie analysis of criminal s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>cing is offered byJohn C. Coffee, but Coffee somehow argues that fines are an ineffici<strong>en</strong>t way to <strong>de</strong>terwhite-collar crime. Coffee critiques Becker and Posner's optimal sanctions approach ­which he calls the Free Market Mo<strong>de</strong>l - finding it flawed upon investigating "bothtraditional elem<strong>en</strong>ts ofeconomie analysis (such as uncertainty) and non-economie factorsthat are <strong>de</strong>eply embed<strong>de</strong>d in the structure of our criminal justice system (such as the27


t<strong>en</strong><strong>de</strong>ncy toward nulIification ofextreme p<strong>en</strong>alties)". Whereas neo-cIassicists see fines asthe optimal form ofpunishm<strong>en</strong>t, Coffee asserts that the threat ofincarceration is a greater<strong>de</strong>terr<strong>en</strong>t than a monetary p<strong>en</strong>alty. AIso, Coffee argues that "the certainty ofa sanctionis... more important than its severity".Neo-cIassical analysis in this area is constrained in what seems to be a microcosm ofpareto economie conditions. For example, Coffee critiques the Becker formula for<strong>de</strong>termining an optimal fine by finding too elusive a formula to implem<strong>en</strong>t (there are toomany unknowns left to be solved). Coffee suggests we try to archieve equival<strong>en</strong>cebetwe<strong>en</strong> p<strong>en</strong>alties as opposed to <strong>de</strong>termining precise monetary equival<strong>en</strong>ts for a p<strong>en</strong>alty.Neo-cIassicists do not take into account the macro conditions un<strong>de</strong>r which our criminaljustice system operates. Socio-economists will explain that there are symbols involved incriminal s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>cing as weIl as "eut and dried" costs. For example, Coffee criticizesBecker's mo<strong>de</strong>l ofpunishm<strong>en</strong>t because it fines the rich and jails the poor. Values comeinto play as Coffee states that "[clriminal justice reforms must take into account theproblem of<strong>de</strong>moralization costs." This repres<strong>en</strong>ts an institutional bias, and "some meansof seeking equival<strong>en</strong>ce is necessary". Answering this point, Posner retreats to his logicthat there is a quantifiable fine equival<strong>en</strong>t for every prison s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce and the off<strong>en</strong><strong>de</strong>rshould be imprisoned if the fine is not collected. Posner says that Coffee's argum<strong>en</strong>t is"just a variant ofthe fallacy that imprisonm<strong>en</strong>t is inher<strong>en</strong>tly more punitive than fines". Heis left questioning how the rich are favored un<strong>de</strong>r such a system.9. CRIME AND PUNISHMENTA RAND study is s<strong>en</strong>sitive to the need for a dual perspective. First it <strong>de</strong>als with externalcosts ofdrinking alcohol and smoking cigarettes (costs not reflected in the priee, such asmaking others sick), by itselfa broa<strong>de</strong>rperspective than what many neo-classical studiesuse. Next, it uses the size of these excise taxes imposed, taxes that recoup sorne of thesocial costs not reflected in the pretax, market priee. They conclu<strong>de</strong>d that taxes on alcoholare not high <strong>en</strong>ough, while those on cigarettes are high <strong>en</strong>ough. (Costs are recouped, bythe way, only because the authors do not incIu<strong>de</strong> the costs imposed on other members ofone's family, that are higher, according to the authors, than those induced, and they<strong>de</strong>duct "contributions" smokers make to p<strong>en</strong>sion funds and to social securities (they dieyoung and h<strong>en</strong>ce oft<strong>en</strong> do not collect.)Most important, the RAND study does not stop at evaluation from an economie effici<strong>en</strong>cyviewpoint. It op<strong>en</strong>ly and explicitly calls att<strong>en</strong>tion to factors that might lead to impositionofhigher taxes on cigarettes than called for by economie effici<strong>en</strong>cy. These are: (a) signsthat those who start smoking un<strong>de</strong>revaluate the risk involved ; higher taxes would act as asubstitute for proper evaluations ; (b) smokers show <strong>de</strong>sire to quit and taxes would helpaccomplish their <strong>de</strong>sire ; (c) one might add that smoking oft<strong>en</strong> starts at a young age,before one's prefer<strong>en</strong>ces are formed, and h<strong>en</strong>ce it is proper, as part of the societal reeducationeffort to use taxes to discourage formation of these prefer<strong>en</strong>ces, ev<strong>en</strong> if oneholds that it is wrong to affect people's prefer<strong>en</strong>ces once they have be<strong>en</strong> fonned.Gary Becker, in another context, is quite right wh<strong>en</strong> he suggests on the one hand lessgovernm<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>tion (he suggests repealing the 1984 drinking age act) via higherfe<strong>de</strong>ral excise taxes on alcoholic beverages. However, he also suggests increasedp<strong>en</strong>alties on drunk drivers and more certainty of punishm<strong>en</strong>t- i.e. more governm<strong>en</strong>t(Becker, Business Weeek, November 25, 1985).CONCLUSIONIn this article, we have used as a test criterion the ability to g<strong>en</strong>erate public policies thatseem usefuI. We examined an approach that <strong>en</strong>compasses both economie variables (of thekind neocIassical economists typically study) and other social, psychological and politicaifactors, and found that this combination, called "socio-econornics", may yield moreeffective policies in several ar<strong>en</strong>as. While it seems worthwhile to move toward the28broa<strong>de</strong>r perspective affor<strong>de</strong>d by socio-economics, it is also evi<strong>de</strong>nt that additional workmust be done to <strong>de</strong>velop fully what here has only be<strong>en</strong> outlined.BIBLIOGRAPHYBAKER, George P., Michael C. JENSEN, and Kevin J. MURPHY, 1988, "Comp<strong>en</strong>sation and Inc<strong>en</strong>tives :Practice vs. Theory". Working Paper. Boston: Division of Research, Harvard Business School.BAKER, George P., Michael C. JENSEN, and Kevin J. MURPHY, 1988, "Comp<strong>en</strong>sation and Inc<strong>en</strong>tives :Practice vs. Theory". The Journal ofFinance. Vol. XL<strong>III</strong>, W 3 (July) : 593-616.BAUMOL, William J. and Edwin S. MILLS, 1984, "Inc<strong>en</strong>tives for Solving Social Problems". Chall<strong>en</strong>ge.(November/December) : 47-53.BECKER, Gary S., 1986, "Give AlI Par<strong>en</strong>ts A Say In Choosing Schools". Business Week. (March 24) :19.BECKER, Gary S., 1968, "Crime and Punishm<strong>en</strong>t: An Economie Approach". The Journal of PoliticalEconomy, Vol. 76, N° 2, March/April.BLOOM, Gordon F. and Herbert R. NORTHRUP, 1981, Economies of Labour Relations. Homewood,Illinois: Richard D. IrwinCHUBB, John E. and Terry M. 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Daniel SOULlE6Une question d'importance, débattue <strong>de</strong>puis que la philosophie. exist7 , est ?ell~ <strong>de</strong>s r.apports<strong>de</strong> l'individu et <strong>de</strong> la société, l'<strong>en</strong>jeu est naturellem<strong>en</strong>t celui <strong>de</strong> l'orqanisaticn meme <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong>s hommes dans le cadre <strong>de</strong>s collectivités auxquelles ilsapparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t: Platon, T. Locke, J. Hobbes, A. Smith et J.J. Rousseau, pour ne ci~er qu'eux,ont abordé ce problème et déf<strong>en</strong>du, à son égard, <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue souv<strong>en</strong>t contradlctoires.L'émerg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la sociologie au siècle <strong>de</strong>rnier a permis l'élaboration ?e démar~~e.s. plu~sci<strong>en</strong>tifiques pour traiter <strong>de</strong> ce sujet, sans pour autant apporter <strong>de</strong> reponse déflnitive al'interroqationDans son <strong>de</strong>rnier ouvrage sur la dim<strong>en</strong>sion morale", le sociologue améric~in Am~tai Etzio~isouti<strong>en</strong>t une thèse qu'il prét<strong>en</strong>d situer <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux grands paradigmes sociaux qur, selon lui,s'affront<strong>en</strong>t actuellem<strong>en</strong>t.Le premier d'<strong>en</strong>tre eux est le paradigme néo-classique, qui t<strong>en</strong>d à sortir d~ plus <strong>en</strong> ~Ius <strong>de</strong>. sondomaine d'origine, l'économique, pour s'attaquer aux phénomènes sociaux : fa~I~le: ~nme,mais aussi choix publics 8 . Ce modèle déf<strong>en</strong>d l'idée que le fon~t.ion~em<strong>en</strong>t <strong>de</strong> I~ socl.e!e resulte<strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts individuels, et que ceux-ci repos<strong>en</strong>t sur l'utllltansme et la ratlonafité.Le second paradigme est qualifié par Etzioni <strong>de</strong> "soctal-conservateur". .Sa th~se e~t q~e lesindividus sont moralem<strong>en</strong>t défici<strong>en</strong>ts et souv<strong>en</strong>t irrationnels. Il est alors necessaire d'etabhr uneautorité forte, pour bri<strong>de</strong>r leurs impulsions et garantir la paix sociale.La position d'Etzioni se veut intermédiaire et repos~ .sur le p~.radigme d~ "Je et Nous". L~sindividus sont parfois capables <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s déclstons égolstes et rationnelles (Je), maisleurs comportem<strong>en</strong>ts sont profondém<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cés par leur ancraçe dans un~ communauté(Nous). La société n'est donc pas, contrairem<strong>en</strong>t à ce que souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t certaines analyses,considérée comme imposée et contraignante (Eux).Les trois principaux thèmes développés dans l'ouvrage sont alors les suivants:- Quelles sont les origines <strong>de</strong>s valeurs humaines (ou <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong>s hommes) ?- Comm<strong>en</strong>t sont choisis les moy<strong>en</strong>s d'atteindre ces objectifs?6Ce texte a été publié sous le titre <strong>de</strong> "L'Economique et le Moral", dans les Analyses <strong>de</strong> laSED.E1S, n° 72 novembre 1989, pp" 241-2457 Amitai Etzioni, The Moral Dim<strong>en</strong>sion.: Toward a New Economies, 1988, New York, Free Press, 314pages. .8 Pour ses travaux dans le domaine <strong>de</strong>s choix publics, James Buchaman a obt<strong>en</strong>u le pnx Nobeld'Economie <strong>en</strong> 198630- Quels sont les acteurs clés (qui déti<strong>en</strong>t le pouvoir) ?Sur ces trois points, les valeurs morales, les li<strong>en</strong>s sociaux et les réglem<strong>en</strong>tations publiquesjou<strong>en</strong>t un rôle ess<strong>en</strong>tiel, plus important que celui <strong>de</strong> l'utilitarisme et <strong>de</strong> la rationalité" Com~eEtzioni s'attaque ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t au modèle néoclassique, c'est surtout dans le domaineéconomique qu'il développe son argum<strong>en</strong>tation" Si, dans ce char:np, son par~digme s'~~èremeilleur que celui <strong>de</strong>s néoclassiques, il est évi<strong>de</strong>nt qu'il le sera aussi dans la sphere du politiqueet du socialPlus précisém<strong>en</strong>t, il est sout<strong>en</strong>u que la théorie néoclassique ne traite que <strong>de</strong> sous-systèmes:du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la société, il ne s'intéresse qu'~ux ~archés, et du .~oint ,<strong>de</strong>, vue <strong>de</strong>.l'i~dividu,seule la rationalité <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts est <strong>en</strong>visaçee. Par Opposition a 1ego Unitaire <strong>de</strong>snéoclassiques, le paradigme Je et Nous déf<strong>en</strong>d l'ego multiple, l'individu est <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce lesiège <strong>de</strong> conflits <strong>en</strong>tre ses désirs ou ses besoins d'une part, ses obligations morales et sescontraintes sociales d'autre part, La majorité <strong>de</strong>s décisions auxquelles il adhère sont prises auniveau <strong>de</strong> groupe, et non pas au niveau individuel. Les facteurs normatifs-affectifs (N/R) jou<strong>en</strong>t,dans ces processus <strong>de</strong> décision, un rôle qui relégue au second plan les facteurs loçlquesempiriques(UE) <strong>de</strong> la théorie néoclasslque. Enfin, tout processus d'échange sur le marché estun conflit <strong>en</strong>tre ag<strong>en</strong>ts inégaux. Le pouvoir, économique mais aussi politique, est au coeur <strong>de</strong>smécanismes <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s marchésLe développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la thèse d'Etzioni, et <strong>en</strong> même temps la critique du modèl<strong>en</strong>éoclassique, s'articule <strong>en</strong> trois étapes: au-<strong>de</strong>là du plaisir, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la rationalité, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>l'individualisme,1. SCIENCES SOCIALES ET ECONOMIEL'individu possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux échelles <strong>de</strong> valeurs irréductibles' le plaisir et la morale. Cette situationfait qu'il est <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce le siège <strong>de</strong> conflits internes,La théorie néoclassique, qui suppose <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts strictem<strong>en</strong>t utilitaristes, ne peutdonc pas r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> la réalité <strong>de</strong>s choix individuels.Il existe <strong>en</strong> effet <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ces substantielles <strong>en</strong>tre la morale et le plaisir. Les actes morauxobéiss<strong>en</strong>t à quatre critères: un impératif, une généralisation, une symétrie par rapport auxautres et une motivation intrinsèque. Il <strong>en</strong> résulte notamm<strong>en</strong>t qu'ils suiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s règlesgénérales et souv<strong>en</strong>t explicites, qu'ils sont soumis au principe <strong>de</strong> symétrie ("ne fais pas auxautres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fass<strong>en</strong>t"), et qu'ils ne sont pas toujours ori<strong>en</strong>tés versun simple accroissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la consommation ..La prise <strong>en</strong> considération <strong>de</strong> cette dim<strong>en</strong>sion morale permet, selon Etzioni, d'expliquer <strong>de</strong>sphénomènes dont ne peut pas r<strong>en</strong>dre compte la théorie néoclassique.Les décisions à fort cont<strong>en</strong>u moral sont souv<strong>en</strong>t irréversibles, discontinues et prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>seffets <strong>de</strong> seuil. Elles peuv<strong>en</strong>t, dans le domaine économique, concerner aussi bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>séchanges pour lesquels il n'existe pas ou peu <strong>de</strong> marché (organes humains, par exemple), que<strong>de</strong>s transactions qui se déroul<strong>en</strong>t effectivem<strong>en</strong>t sur un marché (notion <strong>de</strong> "juste prix").On peut aussi, <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte <strong>de</strong> cette dim<strong>en</strong>sion morale, traiter <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la fin et<strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s, alors que dans la théorie néoclassique, seuls exist<strong>en</strong>t les objectifs. Enfin, il<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t possible d'intégrer, dans l'analyse <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts, <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts tels que lasatisfaction du <strong>de</strong>voir accompli, ou au contraire la culpabilité.L'internalisation, par l'individu, <strong>de</strong> ces valeurs morales fait disparaître la nécessité d'associer <strong>de</strong>ssanctions externes (incitatives ou répressives) à son comportem<strong>en</strong>t. Ce qui, dans la démarch<strong>en</strong>éoctasslque, apparaît comme un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> contraintes imposées par l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t ainsi partie intégrante <strong>de</strong>s préfér<strong>en</strong>ces du déci<strong>de</strong>ur.Les individus sont donc soumis à l'influ<strong>en</strong>ce contradictoire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>en</strong>sembles <strong>de</strong> facteurs: larecherche du plaisir d'une part, le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>voir moral d'autre part. Il <strong>en</strong> résulte parfois d~sconflits internes, dont l'exist<strong>en</strong>ce réduit la capacité <strong>de</strong> décision <strong>de</strong>s acteurs, allant parfoisjusqu'à la faire disparaître: ainsi peuv<strong>en</strong>t s'expliquer <strong>de</strong>s situations d'inaction, ou <strong>de</strong> divorce<strong>en</strong>tre le discours <strong>de</strong>s acteurs et leur comportem<strong>en</strong>t réel9. Etzioni cite, à cet égard, le cas <strong>de</strong>s9 "Couvrez ce sein que je ne saurais voir" Tartuffe, Acte <strong>III</strong> Scène IL31


producteurs <strong>de</strong> sucre américain qui ont refusé <strong>de</strong>s subv<strong>en</strong>tions du gouvernem<strong>en</strong>t ne voulantpas d'aumône, mais néanmoins accepté <strong>de</strong>s prêts, garantis par leurs stocks <strong>de</strong> sucre. Laparticularité <strong>de</strong> cette formule, au <strong>de</strong>meurant très coûteuse, était que ces prêts n'étai<strong>en</strong>tremboursables que dans le cas <strong>de</strong> hausse du prix du sucre.Au niveau social, les valeurs morales t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à créer un système <strong>de</strong> relations diffuses, qu'il estdifficile <strong>de</strong> cerner et <strong>en</strong>core plus <strong>de</strong> quantifier, mais qui jou<strong>en</strong>t un rôle certain dans l'organisationet le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la société: les ca<strong>de</strong>aux constitu<strong>en</strong>t un exemple <strong>de</strong> ce phénomène.L'argum<strong>en</strong>tation d'Etzioni sur ce thème n'est pas toujours suffisamm<strong>en</strong>t rigoureuse pouréchapper à toute critique. En particulier, l'auteur <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t une ambiguïté majeure: il traite <strong>en</strong>effet, indifféremm<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> l'utilité-plaisir (B<strong>en</strong>tham), ou <strong>de</strong>s formes plus mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> fonctionsd'utilité dans lesquelles les préfér<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>s acteurs ne coïnci<strong>de</strong>nt pas avec la simple recherchedu plaisir. Or, certains argum<strong>en</strong>ts, fondés dans le premier cas, ne sont plus pertin<strong>en</strong>ts dans lesecond. Il est parfaitem<strong>en</strong>t possible <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s fonctions d'utilité intégrant <strong>de</strong>scomportem<strong>en</strong>ts altruistes, par exemple <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte <strong>de</strong> l'inter-dép<strong>en</strong>dance <strong>en</strong>tre lesacteurs.Etzioni met aussi l'acc<strong>en</strong>t sur un point important, mais ne le traite que <strong>de</strong> manièreinsatisfaisante.Il souligne, à juste titre, que dans la théorie néoclassique, les préfér<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>sindividus sont données et stables. La prise <strong>en</strong> compte <strong>de</strong>s valeurs morales permet d'expliquerl'origine <strong>de</strong>s modifications dans les systèmes <strong>de</strong> préfér<strong>en</strong>ces, et donc les changem<strong>en</strong>ts dansles comportem<strong>en</strong>ts. Il manque malheureusem<strong>en</strong>t à cette démarche une analyse <strong>de</strong> la manièredont évolu<strong>en</strong>t ces valeurs morales et <strong>de</strong>s mécanismes par lesquels elles exerc<strong>en</strong>t uneinflu<strong>en</strong>ce sur les préfér<strong>en</strong>ces. De quelle façon, et avec quelle int<strong>en</strong>sité, par exemple, la prise <strong>de</strong>consci<strong>en</strong>ce, du fait qu'un <strong>en</strong><strong>de</strong>ttem<strong>en</strong>t excessif est "mauvais" contribuera-t-il à réduire laconsommation <strong>de</strong> certains individus?Le second domaine dans lequel Etzioni s'attaque à la théorie néoclassique est celui <strong>de</strong> larationalité.2. DECISIONS, EMOTIONS ET VALEURS MORALESEtzioni s'efforce, <strong>en</strong> effet, <strong>de</strong> dépasser le modèle néoclassique <strong>en</strong> réduisant le rôle <strong>de</strong> larationalité dans les processus <strong>de</strong> décision: ceux-ci repos<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet plus sur <strong>de</strong>s facteursnormatifs-affectifs que sur <strong>de</strong>s facteurs cognitifs. Même lorsque <strong>de</strong>s considérations logiquesempiriquessembl<strong>en</strong>t prévaloir, elles sont <strong>en</strong> fait légitimées par <strong>de</strong>s facteurs normatifs-affectifs.Les émotions (valeurs affectives) diffèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s valeurs normatives <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s que les <strong>de</strong>rnièresont une justification et une portée plus générale. Par exemple, l'amour <strong>de</strong> l'homme est normatifalors que l'amour d'une personne relève <strong>de</strong> l'émotion. Néanmoins, les rapports <strong>de</strong> ces facteursà la rationalité son largem<strong>en</strong>t i<strong>de</strong>ntiques. Ils peuv<strong>en</strong>t être <strong>de</strong> trois types.• Le premier, et le plus fréqu<strong>en</strong>t selon Etzioni, est purem<strong>en</strong>t et simplem<strong>en</strong>t l'exclusion. Desconsidérations <strong>de</strong> type normatif-affectif réduis<strong>en</strong>t, souv<strong>en</strong>t à une seule, le nombre <strong>de</strong>s options<strong>en</strong>visagées par le déci<strong>de</strong>ur: il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors sans objet d'adopter une démarche logiqueempirique.Parmi les exemples du comportem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cette sorte, on peut citer les achatsimpulsifs ou le refus <strong>de</strong> s'<strong>en</strong><strong>de</strong>tter.• Le second rapport est qualifié d'infusion. Les facteurs logiques-empiriques sont réduits àun rôle très secondaire dans le processus <strong>de</strong> décision, <strong>de</strong> la manière suivante. La procédureUE implique <strong>en</strong> effet la réalisation d'au moins une séqu<strong>en</strong>ce pour chaque option possible,compr<strong>en</strong>ant la collecte <strong>de</strong> données, leur traitem<strong>en</strong>t et l'analyse <strong>de</strong> leurs implications. Lecomportem<strong>en</strong>t N/R consiste alors soit à sauter certaines étapes <strong>de</strong> ces séqu<strong>en</strong>ces, soit à leseffectuer <strong>de</strong> manière inadaptée. Dans les <strong>de</strong>ux cas; Etzioni souti<strong>en</strong>t que les argum<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong>appar<strong>en</strong>ce rationnels, serv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait <strong>de</strong> justification ex post à une décision ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>tfondée sur <strong>de</strong>s considérations normatives-affectives"processus <strong>de</strong> décision où intervi<strong>en</strong>t le concept <strong>de</strong> coût <strong>de</strong> la vie humaine, ou, plusprosaïquem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> ce que l'on appelle <strong>en</strong> marketing les produits impliquants. Des facteursaffectifs ou normatifs définiss<strong>en</strong>t les limites d'un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> solutions possibles, à l'intérieurduquel un processus <strong>de</strong> choix rationnel définit l'option la meilleure, sans remettre <strong>en</strong> causel'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s frontières.De cette analyse, et après avoir passé <strong>en</strong> revue la littérature critique, prés<strong>en</strong>tée par lessociologues et les psychosociologues <strong>de</strong> l'hypothèse <strong>de</strong> rationalité, Etzioni arrive à laconclusion que la rationalité ne peut-être qu'instrum<strong>en</strong>tale, c'est-à-dire un moy<strong>en</strong> et non unefin.D'abord, le recours aux procédures rationnelles est coûteux, <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> collecte ettraitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s données, d'organisation et mobilisation <strong>de</strong> ressources. Cette situation expliquele poids <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s dans la prise <strong>de</strong> décision, et le recours au système normatif-affectif, quise justifi<strong>en</strong>t par une réduction <strong>de</strong>s coûts. Dans cette év<strong>en</strong>tualité, il n'existe aucune explicationlogique aux choix effectivem<strong>en</strong>t arrêtés, puisque le système <strong>de</strong> valeurs qui les détermine setrouve <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la sphère <strong>de</strong> la rationalité.En outre, les processus empiriques <strong>de</strong> décision, que certains auteurs essay<strong>en</strong>t <strong>de</strong> justifier <strong>en</strong>termes <strong>de</strong> diminution <strong>de</strong>s coûts <strong>de</strong> collecte et <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'information, apparaiss<strong>en</strong>tétrangers à toute démarche logique. Ils sont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t contradictoires, et souv<strong>en</strong>t imprécis.Il est, par exemple, dit que sur un marché boursier, il faut acheter bas et v<strong>en</strong>dre haut (sanstoujours spécifier à quel indicateur on se réfère), Si celui-ci est, ce qui est souv<strong>en</strong>t le cas, lerapport prix / rev<strong>en</strong>u [priee / earning], comm<strong>en</strong>t expliquer que l'on conseille aussi d'acheter<strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> croissance, dont les rev<strong>en</strong>us courants sont faibles, sinon nuls? Que vaut <strong>en</strong>finune troisième règle selon laquelle il faut conserver les valeurs dont le prix monte, et v<strong>en</strong>drecelle dont le prix diminue? De toute évi<strong>de</strong>nce, aucun <strong>de</strong> ces comportem<strong>en</strong>ts n'a <strong>de</strong> basesrationnelles.Bi<strong>en</strong> plus, les limites <strong>de</strong>s capacités cognitives <strong>de</strong>s individus les conduis<strong>en</strong>t à ne considérer quecertaines <strong>de</strong>s solutions offertes à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s possibilités existantes. Cette procédure <strong>de</strong>sélection ne peut reposer que sur <strong>de</strong>s facteurs normatifs-affectifs qui sont par ess<strong>en</strong>ce <strong>en</strong><strong>de</strong>hors du domaine <strong>de</strong> la rationalité"Sur cet aspect <strong>de</strong>s développem<strong>en</strong>ts proposés par Etzioni, le lecteur ne peut que rester sur sasoif. Il est évi<strong>de</strong>nt que le concept <strong>de</strong> rationalité néoclassique est, dans la très gran<strong>de</strong> majorité<strong>de</strong>s cas, par trop réductionniste. La thèse proposée par l'école behavioriste (H. Simon 10,notamm<strong>en</strong>t) <strong>en</strong> est une illustration incontestable. Le problème est que la démarche <strong>de</strong> l'auteurest, dans ce domaine, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t négative : il remet <strong>en</strong> cause le paradigme <strong>de</strong>snéoclassiques sans avancer <strong>de</strong> réelle explication alternative. En outre, les exemples surlesquels il s'appuie peuv<strong>en</strong>t être, dans la majorité <strong>de</strong>s cas, considérés comme très particuliers.On peut, à cet égard, citer <strong>de</strong>s règles concernant la participation à <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> poker, relevant<strong>de</strong> phénomènes statistiques qui ne s'appliqu<strong>en</strong>t guère dans la réalité <strong>de</strong>s affaires {"il faut <strong>en</strong>trerdans le jeu seulem<strong>en</strong>t si l'on dispose <strong>de</strong> quarante (ou soixante) fois le plafond <strong>de</strong> la table").Le troisième thème proposé par Etzioni est la critique <strong>de</strong> l'individualisme.3. GROUPES, POUVOIRS ET MARCHESLe dépassem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'individualisme néoclassique constitue, sans aucun doute, l'apport le plusintéressant d'Etzioni, notamm<strong>en</strong>t parce qu'il conti<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s propositions qui pourrai<strong>en</strong>t servir <strong>de</strong>base à <strong>de</strong>s recherches ultérieures.Un premier concept, qui mérite <strong>de</strong> ret<strong>en</strong>ir l'att<strong>en</strong>tion est celui <strong>de</strong> rationalité collective. SelonEtzioni, bi<strong>en</strong> que fortem<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cés par <strong>de</strong>s valeurs normatives-affectives, les groupes sontplus rationnels que les individus. Bi<strong>en</strong> plus, la variance <strong>en</strong>tre décisions individuelles s'expliqued'abord par les écarts <strong>en</strong>tre les systèmes <strong>de</strong> valeur <strong>de</strong>s groupes auxquels apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t lesindividus.La rationalité instrum<strong>en</strong>tale supérieure <strong>de</strong>s groupes provi<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> trois facteurs.• Une <strong>de</strong>rnière possibilité consiste à légitimer <strong>de</strong>s zones d'indiffér<strong>en</strong>ces à la décisionrationnelle. Dans ce cas, le processus <strong>de</strong> décision logique se déroule dans un domainepréalablem<strong>en</strong>t défini par <strong>de</strong>s facteurs normatifs ou affectifs. C'est le cas, par exemple, <strong>de</strong>s3210 Prix Nobel d'Economie <strong>en</strong> 1978, Simon a notamm<strong>en</strong>t développé la théorie <strong>de</strong> la rationalité limitée, selonlaquelle les limites <strong>de</strong>s capacités cognitives <strong>de</strong> l'homme et l'imperfection <strong>de</strong> l'information r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt lesprocessus <strong>de</strong> décision réels différ<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ce que décrit le modèle nécclassique.33


D'abord, l'exist<strong>en</strong>ce même du groupe permet <strong>de</strong> refréner le comportem<strong>en</strong>t impulsif <strong>de</strong> sesmembres. Ensuite, la diversité <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces, <strong>de</strong>s connaissances et <strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>cesréunies dans le groupe lui permet d'élargir son champ d'investigation bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> celui d'unindividu isolé. Elle favorise aussi un contrôle croisé <strong>de</strong>s erreurs. Enfin, il est possible <strong>de</strong>procé<strong>de</strong>r à une division du travail intellectuel <strong>en</strong> constituant <strong>de</strong>s équipes.Il est aussi à noter que les structures adoptées par les groupes, <strong>en</strong> particulier <strong>en</strong> matière <strong>de</strong>réseaux <strong>de</strong> communication, influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t leur <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> rationalité. Des échanges systématiquesd'information <strong>en</strong>tre équipes accroiss<strong>en</strong>t, par exemple, l'efficacité <strong>de</strong> la <strong>Recherche</strong>­Développem<strong>en</strong>t.Les comportem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s individus s'expliqu<strong>en</strong>t aussi, dans une large mesure, par les valeurs<strong>de</strong>s groupes auxquels ils apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t: il est, par exemple, normal <strong>de</strong> v<strong>en</strong>dre son sang auxEtats-Unis, alors qu'on le donne <strong>en</strong> Europe. Il faut aussi noter que cette influ<strong>en</strong>ce peut êtreexercée par le groupe dans lequel l'individu aspire à <strong>en</strong>trer.Un second thème développé par Etzioni est celui <strong>de</strong> la concurr<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>capsulée. L'économi<strong>en</strong>'est qu'un sous-système social, et la concurr<strong>en</strong>ce se développe dans une capsule <strong>de</strong> lasociété. La concurr<strong>en</strong>ce est <strong>en</strong> effet ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t conflits <strong>en</strong>tre les acteurs, il convi<strong>en</strong>t donc<strong>de</strong> cont<strong>en</strong>ir ces conflits, pour éviter que leur ext<strong>en</strong>sion remette <strong>en</strong> cause l'ordre social luimême.Mais, <strong>en</strong> même temps, il ne faut pas les étouffer si l'on désire préserver l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>séchanges marchands.Cette analyse conduit Etzioni à proposer <strong>de</strong>ux conclusions. La première est que, du fait <strong>de</strong>l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux pouvoirs, le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'économie américaine est plusfaible qu'on ne le p<strong>en</strong>se habituellem<strong>en</strong>t.La secon<strong>de</strong> est que, pour lutter contre les t<strong>en</strong>dances monopolistiques, il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>séparer la politique <strong>de</strong> l'économie, et <strong>de</strong> réduire l'interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> l'Etat qui fausse laconcurr<strong>en</strong>ce. La tâche n'est, <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce, pas mince.Ces différ<strong>en</strong>tes propositions avancées par Amitai Etzioni mérit<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ret<strong>en</strong>ir l'att<strong>en</strong>tion, car ellessont prometteuses <strong>de</strong> développem<strong>en</strong>ts fructueux. Mais il importe <strong>de</strong> souligner que lesconcepts sur lesquels elles repos<strong>en</strong>t <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt d'abord à être définis <strong>de</strong> manière beaucoupplus rigoureuse qu'ils ne le sont. Une même rigueur est nécessaire à l'analyse <strong>de</strong>sconséqu<strong>en</strong>ces que leur prise <strong>en</strong> considération <strong>en</strong>traîne.En l'abs<strong>en</strong>ce d'un tel effort <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> et <strong>de</strong> raisonnem<strong>en</strong>t, il reste <strong>en</strong>core <strong>de</strong> beaux jours aucourant <strong>de</strong> p<strong>en</strong>sée néoclassique et à ses avatars, qui ont le grand avantage d'être logiques etcohér<strong>en</strong>ts, même s'ils ne peuv<strong>en</strong>t pas expliquer la totalité <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts humains etsociaux.La capsule a donc un double rôle. Elle doit, <strong>en</strong> même temps, <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir la concurr<strong>en</strong>ce et <strong>en</strong>limiter les excès. Les mécanismes qui constitu<strong>en</strong>t cette capsule sont normatifs, sociaux etgouvernem<strong>en</strong>taux.Les valeurs normatives (religieuses, politiques, morales) définiss<strong>en</strong>t le domaine et les modalités<strong>de</strong> la concurr<strong>en</strong>ce. Ces valeurs vari<strong>en</strong>t dans le temps et l'espace: le rôle <strong>de</strong>s marchés est plusgrand dans une économie capitaliste que dans une économie féodale, plus important dans lasociété américaine que dans une société coutumière. Ces valeurs peuv<strong>en</strong>t aussi affecter <strong>de</strong>manière différ<strong>en</strong>te les divers segm<strong>en</strong>ts d'une même économie. Les règles et les modalités <strong>de</strong>la concurr<strong>en</strong>ce ne sont pas les mêmes pour les activités légales et les activités illégales.Les li<strong>en</strong>s sociaux peuv<strong>en</strong>t être personnels, mais aussi reposer simplem<strong>en</strong>t sur la consci<strong>en</strong>ced'appart<strong>en</strong>ir à une collectivité. Leur rôle est d'accroître la confiance, et donc <strong>de</strong> réduire les coûts<strong>de</strong> transaction. S'ils sont trop faibles, les comportem<strong>en</strong>ts égoïstes ne sont plus bridés, et lacapsule risque d'éclater. S'ils sont trop contraignants (il n'y a <strong>de</strong> propriété que collective),l'échange marchand disparaît. Il importe donc <strong>de</strong> se trouver <strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>ux extrêmes.Enfin l'Etat doit disposer d'un pouvoir réglem<strong>en</strong>taire (et l'appliquer) pour interdire l'explosion<strong>de</strong>s conflits. Mais il est un risque certain qu'<strong>en</strong> faussant les règles du jeu, l'Etat mine leprocessus <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce lui-même.Ces trois mécanismes jou<strong>en</strong>t un rôle distinct. Ils sont néanmoins substituables dans certaineslimites, chacune pouvant comp<strong>en</strong>ser les faiblesses ou corriger les excès <strong>de</strong>s autres.La prise <strong>en</strong> considération <strong>de</strong>s mécanismes gouvernem<strong>en</strong>taux conduit Etzioni à s'intéresser aupouvoir politique, et à son influ<strong>en</strong>ce sur le déroulem<strong>en</strong>t du processus économique.La théorie néoclassique, par le biais <strong>de</strong> l'économie industrielle, ne traite que du pouvoiréconomique (conc<strong>en</strong>tration), supposé totalem<strong>en</strong>t séparé du pouvoir politique. Il faudrait,souti<strong>en</strong>t Etzioni, t<strong>en</strong>ir compte d'une autre forme <strong>de</strong> pouvoir qu'il qualifie d'interv<strong>en</strong>tionniste. Ilconsiste, pour un acteur, à utiliser son influ<strong>en</strong>ce politique afin <strong>de</strong> satisfaire ses objectifséconomiques propres.De même qu'il existe plusieurs structures <strong>de</strong> marché, concurr<strong>en</strong>tielles, oligopolistiques,monopolistiques, il y a diverses structures <strong>de</strong> pouvoir interv<strong>en</strong>tionnistes, pluralistes,oligarchiques, hégémoniques. L'auteur affirme alors, mais ne démontre pas <strong>de</strong> manièreconvaincante, qu'il n'y a pas <strong>de</strong> relation systématique <strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> structures.Une différ<strong>en</strong>ce ess<strong>en</strong>tielle <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux pouvoirs est le rôle que ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, dans le pouvoirinterv<strong>en</strong>tionniste, la légitimité et les acteurs non économiques. Il <strong>en</strong> résulte que les bénéficessont répartis plus largem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong> manière moins inégalitaire, ne serait-ce que pour <strong>de</strong>s raisons<strong>de</strong> visibilité. Mais bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, le coût <strong>de</strong> l'interv<strong>en</strong>tionnisme est plus faible que celui dupouvoir économique pour obt<strong>en</strong>ir le même résultat (super profit par exemple).3435


<strong>III</strong>.LE DESORDRE DANS L'ENTREPRISENorbert ALTERConservatoire National <strong>de</strong>s Arts et MétiersSéance du 22 Novembre 19903637


L'organisation du travail ordonne, dans une perspective économiquem<strong>en</strong>t optimale, lesressources et les contraintes <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise pour atteindre <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> production.L'innovation, qu'elle concerne les techniques et les procédés <strong>de</strong> fabrication, les produitsou la répartition <strong>de</strong>s tâches, modifie l'ordre conçu comme optimal à un mom<strong>en</strong>t donné:elle transforme la nature <strong>de</strong>s ressources, <strong>de</strong>s contraintes et <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise.R<strong>en</strong>ouvelée fréquemm<strong>en</strong>t, l'innovation s'accompagne d'une forte mobilité <strong>de</strong>s principesorganisateurs: ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t alors l'objet <strong>de</strong> contradictions à propos <strong>de</strong> leur efficacité et<strong>de</strong> leur légitimité. Le désordre, la confusion, succé<strong>de</strong>rai<strong>en</strong>t ainsi mécaniquem<strong>en</strong>t àl'ordre, pour cause d'innovations répétées: le désordre serait dû à l'inadaptation et àl'incohér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s principes d'organisation.Cette lecture fait cep<strong>en</strong>dant l'impasse sur l'analyse <strong>de</strong>s rapports sociaux qui sous-t<strong>en</strong><strong>de</strong>ntet construis<strong>en</strong>t l'organisation.L'ordre dans l'<strong>en</strong>treprise n'est pas que l'adaptation réussie <strong>en</strong>tre les moy<strong>en</strong>s et les fins <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise: il est aussi un équilibre <strong>de</strong>s rapports sociaux internes, assuré par la légitimité<strong>de</strong> l'institution, par la force <strong>de</strong> sa légalité ou, plus souv<strong>en</strong>t, par une itération <strong>en</strong>tre les<strong>de</strong>ux.Le désordre doit alors être conçu comme un déficit institutionnel, une incapacité à définir<strong>de</strong>s lois, <strong>de</strong>s relations ou une morale assurant l'équilibre <strong>de</strong>s rapports sociaux. C'est ceque montre l'observation d'<strong>en</strong>treprises délibérém<strong>en</strong>t choisies pour leur prop<strong>en</strong>sioninnovatrice (N. Alter 1990).1. LE RETOUR DU PROFESSIONNALISMELes différ<strong>en</strong>ts domaines <strong>de</strong> l'innovation <strong>en</strong> <strong>en</strong>treprise prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s spécificitésévi<strong>de</strong>ntes. Entre la mise <strong>en</strong> oeuvre d'un robot et celle d'un nouveau service financier, ilexiste peu <strong>de</strong> rapport: les objectifs <strong>de</strong>s populations concernées, les processusd'élaboration et <strong>de</strong> diffusion <strong>de</strong> l'innovation sont soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t charp<strong>en</strong>tés dans <strong>de</strong>sregistres différ<strong>en</strong>ts. De même, <strong>en</strong>tre une innovation concernant <strong>de</strong>s procédés <strong>de</strong>fabrication, et une autre concernant la "participation du personnel" les métho<strong>de</strong>s et lesobjectifs différ<strong>en</strong>t.Ces domaines spécifiques ont pourtant <strong>de</strong>s caractéristiques communes.- L'innovation représ<strong>en</strong>te un processus et non un mom<strong>en</strong>t et un objet strictem<strong>en</strong>t définis(E. Latour, 1989). Les usages, les mo<strong>de</strong>s opératoires et la conception même d'un robotévolu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong>s contraintes externes <strong>de</strong> production et <strong>de</strong> la connaissance <strong>de</strong> sonfonctionnem<strong>en</strong>t. Un produit financier s'élabore progressivem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> modifiant, à lahausse ou à la baisse, le nombre <strong>de</strong> cibles, les conditions d'accès, la palette <strong>de</strong>s servicesproposés.- L'innovation charrie un cortège d'incertitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> problèmes aux solutionsindéterminées (M. Crozier et E. Friedberg, 1977), parce qu'elle est un mouvem<strong>en</strong>t danslequel aucun acteur ne dispose durablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s informations suffisantes pour gui<strong>de</strong>rrationnellem<strong>en</strong>t son développem<strong>en</strong>t.- L'innovation apparaît ainsi comme un champ d'action largem<strong>en</strong>t indéterminé: c'est <strong>en</strong>utilisant <strong>de</strong>s robots et <strong>en</strong> plaçant <strong>de</strong>s produits financiers qu'on appr<strong>en</strong>d progressivem<strong>en</strong>tleurs usages, leur valeur et leurs formes d'organisation adéquates. Ni les contraintestechniques, ni les contraintes économiques ne détermin<strong>en</strong>t le cont<strong>en</strong>u d'une innovation;c'est bi<strong>en</strong> plus largem<strong>en</strong>t la r<strong>en</strong>contre <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s logiques d'acteurs et évolutives (P. Veltz1986, A. Jeantet et H. Tiger 1986).- L'innovation, qu'elle concerne les produits, les techniques, les processus oul'organisation suppose <strong>de</strong>s opérateurs, cadres ou non cadres, <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus qualifiés(P.Choffel, A. Echardour et F. Kramarz 1988).38La multiplication <strong>de</strong>s lieux et <strong>de</strong>s séqu<strong>en</strong>ces d'innovation fait ainsi apparaître une "logique<strong>de</strong> l'innovation" une succession nécessaire d'élém<strong>en</strong>ts interdép<strong>en</strong>dants, qui ne peuts'intégrer à celle <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> masse. Celle-ci s'accompagne, avec plus ou moinsd'efficacité, <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> standardisation <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s, <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>s technicoéconomiqueset d'une stricte définition <strong>de</strong>s tâches. La logique <strong>de</strong> l'innovation, aucontraire, suppose une modification perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts. Cette modifications'opère largem<strong>en</strong>t à "l'aveuglette", la célérité et la complexité du mouvem<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong>sembl<strong>en</strong>e permettant pas <strong>de</strong> prévoir et donc <strong>de</strong> définir soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t un type rationalité existante:même <strong>de</strong>s affaires très sérieuses, comme celle d'un investissem<strong>en</strong>t technologique lourdou du développem<strong>en</strong>t d'une politique commerciale, s'élabor<strong>en</strong>t cahin-caha, au fur et àmesure <strong>de</strong>s découvertes <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres (M. Akrich, M. Callon et B. Latour 1988 ;N. Alter 1989).Plus ou moins explicitem<strong>en</strong>t, les opérateurs doiv<strong>en</strong>t alors coopérer à la définition du s<strong>en</strong>set <strong>de</strong>s usages <strong>de</strong>s innovations techniques, organisationnelle ou <strong>de</strong> produits. Ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<strong>de</strong> nouveaux professionnels: la multiplication <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts et <strong>de</strong>sexceptions suppos<strong>en</strong>t, pour être traitées, "<strong>de</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce et <strong>de</strong> l'intuition, autant que <strong>de</strong>sconnaissances formalisées" (D. Monjar<strong>de</strong>t 1980).Ce professionnalisme a un caractère "sauvage" : il n'est pas organisé <strong>en</strong> corporation, il nejouit d'aucune reconnaissance institutionnelle ou d'avantages acquis au cours <strong>de</strong> sesluttes. Il s'agit d'un professionnalisme sans histoire, sans co<strong>de</strong> ou situation juridiqueclairem<strong>en</strong>t établis. Il correspond à un rapport d'autonomie et <strong>de</strong> créativité à la tâche. Plusqu'à un type d'<strong>en</strong>treprise ou <strong>de</strong> rapport au marché il se situe dans les services, fonctionsou postes <strong>de</strong> travail liés à l'innovation : leurs buts, mo<strong>de</strong>s opératoires et règles <strong>de</strong>fonctionnem<strong>en</strong>t sont flous (C. Perrow, 1970).- Dans les ateliers ou les bureaux les opérateurs, cadres et non cadres "bricol<strong>en</strong>t" lesoutils <strong>de</strong> travail informatisés pour les adapter aux circonstances locales. Les automates,contrairem<strong>en</strong>t à ce qu'on a pu croire, ne fonctionn<strong>en</strong>t jamais <strong>de</strong> manière totalem<strong>en</strong>tautomatique, auto-régulée. Ils suppos<strong>en</strong>t au contraire une interv<strong>en</strong>tion perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong>sopérateurs car ils sont fragiles et évolutifs (H. Kern et M. Schumann 1984 ; C. Mathieu1986).- La mobilité et la personnalisation <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s et <strong>de</strong>s services suppos<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s initiatives et<strong>de</strong>s corrections perman<strong>en</strong>tes. Les employés qualifiés d'une banque ou les technicocommerciauxd'une <strong>en</strong>treprise industrielle trouv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s solutions pour régler lesproblèmes <strong>de</strong> leur cli<strong>en</strong>t. Ils "pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leurs responsabilités", il n'exécut<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>sordres pas plus qu'ils ne mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> oeuvre <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s opératoires précis (O. Bertrand etT. Noyelle 1987 ; P.S. Adler 1987).- Les savoirs stables disparaiss<strong>en</strong>t. L'obsolesc<strong>en</strong>ce simultanée <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong>sproduits réalisés contraint un technici<strong>en</strong> ou un cadre d'étu<strong>de</strong>s à se former <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce.Mais disp<strong>en</strong>sée sous forme <strong>de</strong> connaissances formalisées, la formation ne permet pasd'acquérir les savoir-faire assurant <strong>de</strong> pouvoir détecter une panne, un bon cli<strong>en</strong>t, ou unproduit <strong>de</strong> substitution. Ces savoir-faire s'acquièr<strong>en</strong>t "sur le tas" et par la participation àun réseau <strong>de</strong> collègues où l'on échange l'expéri<strong>en</strong>ce professionnelle: il s'agit d'un réseau<strong>de</strong> professionnels.2. L'AMBIVALENCE ORGANISATIONNELLELes directions d'<strong>en</strong>treprise souhait<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant une organisation prévisible. Elles t<strong>en</strong><strong>de</strong>ntdonc à routiniser ces fonctions (C. Perrow, 1970). Ce fonctionnem<strong>en</strong>t ne permet <strong>en</strong> effetpas <strong>de</strong> planifier aisém<strong>en</strong>t le processus <strong>de</strong> production, d'ordonner les ressources et lescontraintes <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises.Les "groupes <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong> problèmes" et les "cercles <strong>de</strong> qualité" sont le <strong>de</strong>rnier avatar<strong>de</strong> cette logique. Ils ont pour objectif <strong>de</strong> traiter "sci<strong>en</strong>tifiquem<strong>en</strong>t" les incertitu<strong>de</strong>s. Detrouver <strong>en</strong> quelque sorte un mo<strong>de</strong> opératoire permettant <strong>de</strong> résoudre <strong>de</strong> manièrealgorithmique les problèmes innombrables résultant <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> l'innovation.39


Mais ce nouveau champ <strong>de</strong> l'organisation du travail développe <strong>de</strong>s dérivesinstrum<strong>en</strong>tales, comme l'a fait l'organisation sci<strong>en</strong>tifique du travail.Une <strong>en</strong>treprise d'assurances, confrontée à <strong>de</strong> nombreux problèmes <strong>de</strong> qualité a ainsi mis<strong>en</strong> place une démarche collective <strong>de</strong> progrès articulée sur la succession <strong>de</strong> douze étapes:reconnaître les problèmes, i<strong>de</strong>ntifier le problème prioritaire, mesurer l'importance duproblème, rechercher et classer les causes, imaginer <strong>de</strong>s solutions, définir les critères <strong>de</strong>choix, expérim<strong>en</strong>ter et définir le système <strong>de</strong> contrôle, déci<strong>de</strong>r avec l'aval <strong>de</strong> la hiérarchie,appliquer et suivre, contrôler, généraliser la solution.A l'évi<strong>de</strong>nce cette démarche ne peut être sérieusem<strong>en</strong>t suivie. D'abord parce qu'elle esttrop lour<strong>de</strong>. Ensuite parce qu'elle t<strong>en</strong>d à traiter <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> plus que du problème luimême.Les procédures plus ou moins novatrices et sophistiquées <strong>de</strong> ce type d'action ont fait longfeu (F. Chevallier, 1987) et pour plusieurs raisons:- Les hérauts du managem<strong>en</strong>t participatif se cont<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t d'un remue-ménagesuperficiel qui "fait parler", et parler d'eux, sans troubler la définition <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong>force, et donc la "paix sociale".- Le caractère souv<strong>en</strong>t sommairem<strong>en</strong>t psychologique <strong>de</strong> ces actions les conduit à ne pastraiter les difficultés d'organisation: elles <strong>en</strong> font problème du moi, plus qu'un problème<strong>en</strong> soi;- L'attachem<strong>en</strong>t qu'elles port<strong>en</strong>t aux principes <strong>de</strong> communication, <strong>de</strong> transpar<strong>en</strong>cemutuelle butte souv<strong>en</strong>t sur la logique <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> pouvoir <strong>en</strong> place ou l'appr<strong>en</strong>tissagetiré <strong>de</strong> vingt années <strong>de</strong> mutisme taylori<strong>en</strong> (D. Martin, 1990) ;- Dans les "meilleurs" <strong>de</strong>s cas, lorsqu'elles parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à réduire les incertitu<strong>de</strong>s, elleslimit<strong>en</strong>t considérablem<strong>en</strong>t les possibilités d'innovation non programmées: l'inv<strong>en</strong>tivité<strong>de</strong>s opérateurs ne peut rimer avec l'application d'une procédure, aussi logique soit-elIe.Les groupes <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong> problèmes laiss<strong>en</strong>t donc ouvert le champ <strong>de</strong> la contrainte <strong>de</strong>gestion <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s. L'écart <strong>en</strong>tre la légitimité <strong>de</strong>s savoir-faire et la légalité <strong>de</strong>s règles<strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t s'accroît considérablem<strong>en</strong>t. Cet écart n'est pas une nouveauté (P.Bernoux, 1981). Mais il pr<strong>en</strong>d ici une autre configuration: il est manifeste et représ<strong>en</strong>teplus une position off<strong>en</strong>sive que déf<strong>en</strong>sive.Pressée par la mobilité perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>ts constitutifs <strong>de</strong>s processusd'innovation, l'<strong>en</strong>treprise, bon gré mal gré, accepte ces écarts à la règle. Elle laisse placeà <strong>de</strong>s pratiques non prévues mais aptes à gérer l'imprévisible. Mais elIe n'acceptel'autonomie <strong>de</strong> ses membres que contrainte et forcée par l'inadaptation <strong>de</strong> ses règles. Ell<strong>en</strong>e délaisse pas pour autant ces <strong>de</strong>rnières. Elle t<strong>en</strong>d à les mo<strong>de</strong>rniser. Il existe donc unecapacité à la débureaucratisation, à la recomposition du travail et à la réduction du nombre<strong>de</strong> niveaux hiérarchiques. Mais cet appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong>meure limité par la volonté <strong>de</strong>planification et d'ordonnancem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises: l'esprit <strong>de</strong> prévision et <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>sactions reste le référ<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral (T. Burns et G. M. Stalker),La situation, classique dans <strong>de</strong>s univers taylori<strong>en</strong>s <strong>en</strong> voie <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation vautégalem<strong>en</strong>t dans <strong>de</strong>s univers qui ont largem<strong>en</strong>t rompu avec les principes <strong>de</strong> l'a.S.T..L'ambival<strong>en</strong>ce ne ti<strong>en</strong>t pas à la nature du modèle d'organisation mais au fait qu'uneorganisation à pour but d'ordonner.Dans certains secteurs high tech les contraintes <strong>de</strong> structure sont par exemple évacuées <strong>en</strong>presque totalité. L'évolution individuelle du travail <strong>de</strong>s opérateurs, par rapport à <strong>de</strong>sobjectifs définis annuellem<strong>en</strong>t, matérialise sous forme <strong>de</strong> contrat une relation <strong>de</strong> typecli<strong>en</strong>t/prestataires d'où est évacuée toute autre forme <strong>de</strong> contrainte. Cette solution"libérale" prés<strong>en</strong>te pourtant bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s problèmes, dont trois majeurs. Le travail est évaluéindividuellem<strong>en</strong>t alors qu'il suppose, pour être réalisé, une coopération perman<strong>en</strong>te: il40s'agit d'une qualification collective (P. Naville, 1963). L'évaluation annuelle ne permetpas <strong>de</strong> tirer parti d'opportunités <strong>de</strong> marchés qui se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t dans le cours <strong>de</strong> l'année. Lecontrat limite, parfois autant qu'une règle bureaucratique, le dépassem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>sprévus, la redéfinition ou l'inv<strong>en</strong>tion d'objectifs. Il faut donc arranger le contrat, à lamarge et <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce.Les <strong>en</strong>treprises, quel que soit leur modèle organisationnel <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce, ordonn<strong>en</strong>t ainsichaque activité comme l'élém<strong>en</strong>t d'un <strong>en</strong>semble cohér<strong>en</strong>t, planifié et prévisible. Elles seheurt<strong>en</strong>t donc <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce aux pratiques professionnelles qui se définiss<strong>en</strong>t par rapportaux circonstances aléatoires <strong>de</strong> leur interv<strong>en</strong>tion et s'appui<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s savoir-faire jamaistotalem<strong>en</strong>t codifiables, prévisibles, ou donc routinisables.Les pratiques observables correspon<strong>de</strong>nt alors à une distorsion <strong>de</strong> l'organisation, tiraillée<strong>en</strong>tre sa volonté rationalisatrice et la pression du professionnalisme. De manièrerécurr<strong>en</strong>te, trois phénomènes traduis<strong>en</strong>t cette situation.- Un mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> recomposition spontanée du travail reflète le libre arbitre importantconcernant les techniques, procédés, produits et services. Ce mouvem<strong>en</strong>t est un faitaccompli au coeur d'une structure qui ne se soumet que pour ne pas se démettre. Il s'agitsurtout d'arrangem<strong>en</strong>ts ponctuels. Par exemple, les professionnels et technici<strong>en</strong>s d'unatelier d'usinage travaill<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t "à l'<strong>en</strong>vers" : dans les situations d'urg<strong>en</strong>ce, ilsprogramm<strong>en</strong>t eux-même <strong>en</strong> totalité les M.a.C.N. (Machines outils à comman<strong>de</strong>snumériques) et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main au bureau <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vérifier le bi<strong>en</strong>-fondé<strong>de</strong> leurs décisions; plus généralem<strong>en</strong>t, ils modifi<strong>en</strong>t ce que cré<strong>en</strong>t les collègues <strong>de</strong>smétho<strong>de</strong>s pour l'adapter aux contraintes locales.- Les hésitations institutionnelles les plus nettes concern<strong>en</strong>t la remise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong> ladivision horizontale du travail. La zone <strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s services, les budgets, lesemplois et les responsabilités <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t définis assez strictem<strong>en</strong>t au niveau <strong>de</strong> chaquedépartem<strong>en</strong>t ou direction. La dérive informelle est d'autant plus gran<strong>de</strong>. L'exist<strong>en</strong>ce duréseau <strong>de</strong> professionnels doit s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ici comme le moy<strong>en</strong> d'oeuvrer <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong>contraintes supposant la participation <strong>de</strong> plusieurs experts, indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurappart<strong>en</strong>ance départem<strong>en</strong>tale. Mais globalem<strong>en</strong>t, la r<strong>en</strong>contre d'une division horizontaleexcessivem<strong>en</strong>t pér<strong>en</strong>ne avec <strong>de</strong>s contraintes supposant une transversalité <strong>de</strong>s fonctions,est rarem<strong>en</strong>t gérée ou tolérée <strong>de</strong> manière quelque peu s<strong>en</strong>sée, pragmatique.- Les procédures d'affectation au poste <strong>de</strong> travail représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un autre pôle <strong>de</strong> distorsion<strong>de</strong> l'organisation. La direction <strong>de</strong>s ressources humaines i<strong>de</strong>ntifie un "profil-type" <strong>de</strong>manière quelque peu mécanique: <strong>en</strong> fonction du type <strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ce et <strong>de</strong> la classificationcorrespondante. Mais le procédé s'avère rarem<strong>en</strong>t opératoire. L'écart <strong>en</strong>tre le travailréellem<strong>en</strong>t effectué et les grilIes <strong>de</strong> classification s'élargit s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t sous la doublepression du développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s savoirs non codifiés et <strong>de</strong> la mobilité <strong>de</strong>s savoirs.L'affectation repose donc aussi sur la capacité à intégrer les normes <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t dugroupe dans lequel l'opérateur va s'intégrer. Le critère culturel, <strong>de</strong> type professionnel, estaussi important que la décision <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong>s ressources humaines. Il s'agit, <strong>de</strong> fait,d'une "cooptation conditionnelle". Elle ménage les procédures <strong>de</strong> sélection "sci<strong>en</strong>tifique",tout <strong>en</strong> assurant l'univers professionnel d'opérer un second tri permettant la cooptation.L'<strong>en</strong>semble indique que c'est le s<strong>en</strong>s plus que la forme <strong>de</strong> l'organisation qui bascule.Celle-ci n'est plus un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> régir <strong>de</strong>s fonction, mais un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> réagir auxcontraintes d'innovation. Dev<strong>en</strong>ant un outil <strong>de</strong> travail, elle échappe largem<strong>en</strong>t auxvolontés unilatérales <strong>de</strong> réglem<strong>en</strong>tation ou <strong>de</strong> transpar<strong>en</strong>ce. L'écart <strong>en</strong>tre sonfonctionnem<strong>en</strong>t réel, quotidi<strong>en</strong>, et l'image que la seule lecture <strong>de</strong>s règles <strong>en</strong> donne,s'accroît donc s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t. Mais l'organisation rationnelle du travail n'opère plus queponctuellem<strong>en</strong>t, comme référ<strong>en</strong>t légal, jamais comme "contrainte pure".C'est, <strong>en</strong> fait, le lieu même <strong>de</strong> la division du travail qui se déplace. D'une césure <strong>en</strong>treexécution et conception, l'innovation conduit à une autre: <strong>en</strong>tre la définition <strong>de</strong>s règles,ou <strong>de</strong>s "lois-cadres" <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t, et l'exercice d'une profession qui les subit et les41


contrecarre. Le rapport à la règle définit ainsi <strong>de</strong>ux positions bi<strong>en</strong> contrastées: l'une sedéfinit par rapport à l'activité réglem<strong>en</strong>taire et l'autre par son rapport à l'activitéprofessionnelle. L'une et l'autre sont <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ce. La "régulation <strong>de</strong> contrôle", a pourobjectif <strong>de</strong> contrôler, canaliser ou limiter les "régulations autonomesé développées ici parles professionnels (J.D. Reynaud, 1988).3. LES ACTEURS DU DESORDRECette multiplication <strong>de</strong>s fonctionnem<strong>en</strong>ts informels repose sur <strong>de</strong>s jeux conflictuelsopposant les acteurs <strong>de</strong> trois rationalités : l'innovation, la règle et l'institution.L'ambival<strong>en</strong>ce organisationnelle n'est donc pas l'effet direct <strong>de</strong> l'incohér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> règlesmais un "construit social" (M. Crozier et E. Friedberg, 1977) inachevé.Les innovateurs ont pour <strong>en</strong>jeu <strong>de</strong> combler l'écart qui sépare leur niveau <strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ce<strong>de</strong> leur niveau <strong>de</strong> reconnaissance et d'influ<strong>en</strong>ce sociale. Dét<strong>en</strong>teurs <strong>de</strong>s connaissances quipermett<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> fonctionner malgré sa conception étroite <strong>de</strong> l'ordre, ils rest<strong>en</strong>tfondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dants d'un statut social relativem<strong>en</strong>t faible et étroit. L'accès auxdécisions, à l'autonomie, aux avantages matériels ou symboliques rest<strong>en</strong>t définis parrapport à leur fonction formelle plus que par rapport à leur contribution effective. Ils setrouv<strong>en</strong>t ainsi dans une sorte <strong>de</strong> quête perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> légitimité.Leur stratégie consiste alors à multiplier les sources et cibles d'innovation. Plus ilsparticip<strong>en</strong>t à une activité c<strong>en</strong>trée sur l'innovation et plus leur compét<strong>en</strong>ce leur influ<strong>en</strong>ce etleur autonomie <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t légitimes.Par exemple, dans une gran<strong>de</strong> <strong>en</strong>treprise d'audiovisuel, les spécialistes <strong>de</strong> la gestionmultipli<strong>en</strong>t, diversifi<strong>en</strong>t et optimis<strong>en</strong>t les usages <strong>de</strong> la bureautique: ils dép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt ainsimoins <strong>de</strong> l'informatique c<strong>en</strong>trale et surtout <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong>gestion c<strong>en</strong>tralisées.Dans une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> matériel <strong>de</strong> sport, les professionnels <strong>de</strong> la GPAO (<strong>Gestion</strong> <strong>de</strong> laProduction Assistée par Ordinateur), <strong>de</strong> la robotique et <strong>de</strong> la finance pervertiss<strong>en</strong>t lemanagem<strong>en</strong>t participatif: ils s'appui<strong>en</strong>t sur son discours pour justifier leur prised'autonomie par rapport à leurs "<strong>de</strong>voirs". Ils utilis<strong>en</strong>t les opérations pilotes pour élargirleur champ d'interv<strong>en</strong>tion et réduire celui <strong>de</strong>s services établis, t<strong>en</strong>ants du statu quoorganisationnel.Ceux qui dispos<strong>en</strong>t d'un statut social avantageux, leur apportant reconnaissance etinflu<strong>en</strong>ce s'oppos<strong>en</strong>t majoritairem<strong>en</strong>t à ce jeu. Ils reprécis<strong>en</strong>t les fonctions et les rôles aufur et à mesure que se développ<strong>en</strong>t les innovations techniques et organisationnelles: ilsmo<strong>de</strong>rnis<strong>en</strong>t l'ordre productifmais ne transform<strong>en</strong>t pas ses fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts.Par exemple, dans l'<strong>en</strong>treprise d'audiovisuel, les déf<strong>en</strong>seurs <strong>de</strong> la règle sont lesresponsables <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong> l'informatique c<strong>en</strong>trale. Ils accept<strong>en</strong>t lesbricolages réalisés sur le terrain et qu'ils jug<strong>en</strong>t opportuns ; ils les transform<strong>en</strong>t <strong>en</strong>applications nationales, ayant un caractère obligatoire. Par ailleurs, ils interdis<strong>en</strong>t d'autresapplications qui leur sembl<strong>en</strong>t trop "déviantes".Dans l'<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> matériel <strong>de</strong> sport le groupe est composé <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s professionnels(bureaux d'étu<strong>de</strong>s, directions administratives). Ils se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t comme les maîtres <strong>de</strong>scompagnons décrits plus haut: ils dénonc<strong>en</strong>t le coût, la redondance et l'impossibleplanification <strong>de</strong> leurs fonctionnem<strong>en</strong>ts. Ils limit<strong>en</strong>t les moy<strong>en</strong>s matériels mis à ladisposition <strong>de</strong>s nouveaux professionnels et oblig<strong>en</strong>t à réaliser <strong>de</strong> simples améliorations<strong>de</strong>s produits existants, ne supposant pas une remise <strong>en</strong> cause du savoir institué.Ces oppositions ne recoup<strong>en</strong>t pas précisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s positions hiérarchiques ou <strong>de</strong>s types<strong>de</strong> fonction. Les innovateurs n'ont ri<strong>en</strong> d'une "nouvelle classe ouvrière" (S. Mallet1963). Il s'agit <strong>de</strong> l'opposition <strong>de</strong> groupes qui, sur un <strong>en</strong>jeu donné dispos<strong>en</strong>t d'un statutsocial par rapport auquel ils per<strong>de</strong>nt ou gagn<strong>en</strong>t à innover. Le cas <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprised'audiovisuel oppose ainsi le c<strong>en</strong>tre à la périphérie, celui <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> sport les42maîtres aux compagnons. Dans d'autres situations l'opposition concerne lescommerciaux dont l'activité ne fait que naître, aux technici<strong>en</strong>s, maîtres <strong>de</strong> longue date dusystème social ; elle concerne souv<strong>en</strong>t la base nouvellem<strong>en</strong>t professionnelle et leshiérarchies intermédiaires. Mais dans tous les cas il existe bi<strong>en</strong> une relation <strong>en</strong>tre un statutsocial avantageux et la déf<strong>en</strong>se <strong>de</strong> l'ordre établi, et l'inverse. Et les nouveauxprofessionnels jouiss<strong>en</strong>t moins souv<strong>en</strong>t d'une statut avantageux que les acteursdominants <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tions organisationnelles antérieures.L'arbitrage <strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>ux forces antagonistes est le fait <strong>de</strong>s directions. Ayant besoin <strong>de</strong>sinnovateurs pour assurer le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise et <strong>de</strong>s légalistes pour assurerun contrôle social sur les turbul<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'innovation, les directions représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t le "tiersgarant" qui permet <strong>de</strong> sortir d'une opposition sans issue (J.D. Reynaud, 1989).Concrètem<strong>en</strong>t elles n'intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plus "par décret" mais par régulations successives.Cet arbitrage est partial. En fonction du mom<strong>en</strong>t ou <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>jeu considéré, les directionsfavoris<strong>en</strong>t l'une ou l'autre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux parties.Dans un premier temps elles incit<strong>en</strong>t à l'innovation, quitte à déroger aux règlesformellem<strong>en</strong>t établies. Elles développ<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s expérim<strong>en</strong>tations pilotes, souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t lesinitiatives locales ou non prévues.Dans un <strong>de</strong>uxième temps elles "laiss<strong>en</strong>t faire" les nouveaux professionnels quis'appropri<strong>en</strong>t les investissem<strong>en</strong>ts et leur donn<strong>en</strong>t un s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> multipliant les opérationsinnovantes <strong>en</strong> profitant du libre arbitre laissé par l'ouverture directoriale.Dans un troisième temps les directions mèn<strong>en</strong>t une politique d'institutionnalisation <strong>de</strong>sinnovations: elles les transform<strong>en</strong>t <strong>en</strong> règles, droits et <strong>de</strong>voirs. Elles s'appui<strong>en</strong>t pour cefaire sur le groupe légaliste : elles rejett<strong>en</strong>t les pratiques qui troubl<strong>en</strong>t trop lefonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'institution. Elles écrêt<strong>en</strong>t donc les t<strong>en</strong>sions excessives <strong>de</strong> la logique<strong>de</strong> l'innovation au mom<strong>en</strong>t même où elles lui donn<strong>en</strong>t droit <strong>de</strong> cité.L'institutionnalisation correspond ainsi à une normalisation <strong>de</strong>s pratiques inv<strong>en</strong>tives.Cette normalisation ne s'exerce pas unilatéralem<strong>en</strong>t: elle doit t<strong>en</strong>ir compte du niveaud'int<strong>en</strong>sité respective <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> l'innovation et <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> la règle. Cett<strong>en</strong>ormalisation est égalem<strong>en</strong>t régressive par rapport aux territoires conquis à un mom<strong>en</strong>tdonné par l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux groupes. Elle a pour objectif d'assurer un équilibre <strong>en</strong>tre les<strong>de</strong>ux parties et ne fait donc pas que transformer <strong>en</strong> loi <strong>de</strong>s pratiques qui étai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ordre<strong>de</strong> l'informel: elle réduit les incertitu<strong>de</strong>s du cadre <strong>de</strong> leur exercice pour le r<strong>en</strong>dre durableet prévisible (J.G. Padioleau, 1987). L'institutionnalisation est donc un appr<strong>en</strong>tissagemais aussi une "remise <strong>en</strong> ordre" plus proche <strong>de</strong> la définition d'une nouvelle règlecoercitive que <strong>de</strong> la transposition fidèle <strong>de</strong>s jeux <strong>en</strong> accord. Les acteurs qui particip<strong>en</strong>t àsa réalisation sont d'ailleurs souv<strong>en</strong>t plus proches <strong>de</strong> l'institution, que ceux qui laprovoqu<strong>en</strong>t initialem<strong>en</strong>t: services d'organisation, directions <strong>de</strong>s ressources humaines ousyndicats par exemple.Pour ces raisons, mais aussi parce que les innovateurs ont découvert au coeur du conflit(A. Touraine, 1965 ; R. Sainsaulieu, 1977 ; E. Raynaud, 1982) l'importance <strong>de</strong>s espaces<strong>de</strong> jeux dont ils dispos<strong>en</strong>t, l'institutionnalisation ne règle pas le problème du désordre. Aumom<strong>en</strong>t même où elle s'opère, l'opposition <strong>en</strong>tre les uns et les autres r<strong>en</strong>aît. L'ordre n'estd'ailleurs jamais qu'une institutionnalisation, sauf à considérer "qu'au départ" il <strong>en</strong>existait un qui fut autre chose qu'un "construit social".4. CULTURE MANAGERIALE ET CULTURE ENTREPRENEURIALELa cohér<strong>en</strong>ce réglem<strong>en</strong>taire <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue impossible, les directions t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t alors d'assurer lacanalisation du désordre par la cohésion culturelle.D'un gouvernem<strong>en</strong>t par les règles les <strong>en</strong>treprises pass<strong>en</strong>t ainsi à celui du gouvernem<strong>en</strong>tpar la culture. Cette autre face du managem<strong>en</strong>t participatif, qu'elle se nomme "projetd'<strong>en</strong>treprise", "politique d'image" ou "dynamique <strong>de</strong> communication interne" a un43


objectif majeur: faire partager à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s salariés une m<strong>en</strong>talité d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurs tout<strong>en</strong> guidant leurs actions dans le s<strong>en</strong>s souhaité par l'<strong>en</strong>treprise. "L'esprit d'équipe" (actionsur les normes), associé au "goût <strong>de</strong> l'efficacité", (action sur les valeurs) représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tainsi les <strong>de</strong>ux axes <strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée managériale,Ces investissem<strong>en</strong>ts vérifi<strong>en</strong>t "malheureusem<strong>en</strong>t" la théorie sociologique: les valeurs nes'inject<strong>en</strong>t pas dans un tissu social comme un liqui<strong>de</strong> anesthésiant dans un muscledouloureux. Les valeurs, les normes <strong>de</strong> relations et les représ<strong>en</strong>tations provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t d'unappr<strong>en</strong>tissage l<strong>en</strong>t, issu <strong>de</strong> la position <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong> pouvoir occupées dansl'organisation (R. Sainsaulieu, 1977).L'effet <strong>de</strong> ces investissem<strong>en</strong>ts est alors paradoxal. Illégitime, et donc r<strong>en</strong>force, l'espritd'initiative <strong>de</strong>s professionnels. Entre les <strong>de</strong>ux groupes il existe ainsi <strong>de</strong>ux référ<strong>en</strong>tscommuns: le refus <strong>de</strong>s fonctionnem<strong>en</strong>ts ritualisée et la recherche <strong>de</strong> l'efficacité <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise, du "profit". Mais d'autres référ<strong>en</strong>ts sont largem<strong>en</strong>t antagoniques:- au cons<strong>en</strong>sus, les innovateurs oppos<strong>en</strong>t la notion <strong>de</strong> "diss<strong>en</strong>sus", moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> négociationet non <strong>de</strong> fusion avec les part<strong>en</strong>aires du jeu social ;- à la volonté <strong>de</strong> créativité "dans l'ordre", ils préfèr<strong>en</strong>t celle <strong>de</strong> créativité dans le désordre,moy<strong>en</strong> pour eux d'assurer la perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> leurs espaces <strong>de</strong> jeu;- à la notion d'efficacité interne ils préfèr<strong>en</strong>t celle d'efficacité externe, réussiteéconomique globale ne croisant pas nécessairem<strong>en</strong>t les seuls objectifs définis par lesdirections;- à l'esprit maison, <strong>de</strong> "la" maison, ils préfèr<strong>en</strong>t l'esprit d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre qui pr<strong>en</strong>d lecontre-pied <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong>stinées à forger <strong>de</strong>s cultures unifiées.La culture <strong>de</strong>s innovateurs n'est donc ni l'objet malléable et passif <strong>de</strong> l'action <strong>de</strong>sdirections ni un héritage pesant qui s'oppose à l'inv<strong>en</strong>tion d'une nouvelle positionstratégique, à l'idée <strong>de</strong> jeu ou à celle "d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre". Elle reflète une logique d'acteurqui consiste à collaborer activem<strong>en</strong>t au fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise sans s'i<strong>de</strong>ntifier àses objectifs. Elle suppose d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre pour redéfinir la place, l'influ<strong>en</strong>ce et lareconnaissance qu'on y ti<strong>en</strong>t. On ne peut ici sérieusem<strong>en</strong>t opposer l'idée <strong>de</strong> culture etcelle <strong>de</strong> stratégie. L'une et l'autre se confort<strong>en</strong>t. Les valeurs, selon M. Weber ne sontd'ailleurs jamais qu'une rationalisation <strong>de</strong>s ressources: on aime et respecte ce qui donne<strong>de</strong> la force.La culture est donc aussi une ressource pour le groupe. Au même titre que les directionsdévelopp<strong>en</strong>t une idéologie managériale (D. Segrestin, 1987 ; P.E. Tixier, 1988), lesinnovateurs développ<strong>en</strong>t une idéologie <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>euriale : ils <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt eux aussi à fairepartager leurs valeurs, leurs normes <strong>de</strong> relations et leur représ<strong>en</strong>tations aux autresmembres <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise.L'exemple <strong>de</strong>s critères d'évaluation <strong>de</strong>s activités, traditionnellem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tés comme unoutil <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s "chefs", est parlant. Ces critères ne permett<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>compte la valeur ajoutée par une organisation moins formaliste mais plus mobile.L'amélioration spontanée <strong>de</strong>s relations commerciales avec fournisseurs et cli<strong>en</strong>ts, la mise<strong>en</strong> oeuvre <strong>de</strong> produits non programmés ou la perversion réussie d'une technologie neparticip<strong>en</strong>t d'aucun registre d'évaluation. Confrontés à la nécessité d'innover, lesprofessionnels sont alors autant confrontés à l'obligation d'inv<strong>en</strong>ter ces registres. Lesnégociations directes avec les dirigeants vont souv<strong>en</strong>t dans ce s<strong>en</strong>s. Il s'agit <strong>de</strong> passerd'évaluations c<strong>en</strong>trées sur la capacité à atteindre les objectifs du service à d'autres,c<strong>en</strong>trées sur la capacité à assurer la r<strong>en</strong>tabilité globale <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise.La force <strong>de</strong>s innovateurs ti<strong>en</strong>t donc à leur jeu off<strong>en</strong>sif mais aussi à la capacité culturellequi consiste à concevoir un nouvel ordre <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurial et à lui apporter un caractèrelégitime. Les indicateurs <strong>de</strong> cette logique d'action sont au moins au nombre <strong>de</strong> cinq.44- L'écart répété <strong>en</strong>tre leurs tâches et les moy<strong>en</strong>s organisationnels dont ils dispos<strong>en</strong>t pourles réaliser, l'obligation d'inv<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s solutions, les amène à disposer <strong>de</strong> richesreprés<strong>en</strong>tations du fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise. L'écart répété <strong>en</strong>tre les solutions qu'ilstrouv<strong>en</strong>t et la capacité institutionnelle à les accepter les conduit à être d'habilesnégociateurs. Ils dispos<strong>en</strong>t ainsi d'un large imaginaire organisationnel. Ils jouiss<strong>en</strong>t d'unecapacité à voir dans une chose ce qu'elle n'est pas <strong>en</strong> soi mais dans ce qu'elle peut êtredans un ordre différ<strong>en</strong>t. L'imaginaire est à ce titre "le complém<strong>en</strong>t, la source <strong>de</strong> laredéfinition <strong>de</strong> l'ordre" (C. Castoriadis, 1975).- La relation inv<strong>en</strong>tive à l'objet technique, aux cli<strong>en</strong>ts ou à l'organisation ne r<strong>en</strong>voie pas àun plaisir ludique, au s<strong>en</strong>s "inné <strong>de</strong> la relation" ou à la volonté <strong>de</strong> "bi<strong>en</strong>" faire. Il s'agitd'une affaire plus sérieuse. Le temps et l'énergie consacrés à l'optimisation d'un systèmetechnique, à l'élaboration d'une stratégie commerciale adaptée, ou à un procédé <strong>de</strong>fabrication nouveau est un investissem<strong>en</strong>t. Il représ<strong>en</strong>te le moy<strong>en</strong> d'inv<strong>en</strong>ter une source<strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ce et d'autonomie. Il permet, dans un <strong>de</strong>uxième temps <strong>de</strong> jouer, <strong>en</strong> acteur,dans le système social. Il s'agit d'une sorte "d'accumulation primitive du capitalstatégique".- L'institution ne supporte ces jeux qu'à la condition <strong>de</strong> les voir porteurs d'avantages"sonnants". La légitimité <strong>de</strong>s professionnels repose alors sur la valeur économique <strong>de</strong>leur action. A cette contrainte correspond une stratégie originale: les innovateurs t<strong>en</strong><strong>de</strong>ntà s'auto-définir une charge <strong>de</strong> travail souv<strong>en</strong>t lour<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s contraintes <strong>de</strong> publicité <strong>de</strong>leurs actions auprès <strong>de</strong>s directions. Ils sont comme <strong>de</strong> petits <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurs auprès <strong>de</strong>l'Etat.- Enfin, les professionnels inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t le risque dans leur activité: ils introduis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sincertitu<strong>de</strong>s "objectives" dans l'organisation. Dans le service international <strong>de</strong> la boursed'une gran<strong>de</strong> banque les cadres "s'arrang<strong>en</strong>t" avec leurs cli<strong>en</strong>ts pour pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>spositions à risque conçues comme "irresponsables" par le siège. Ils se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> chevilleavec les cli<strong>en</strong>ts pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un "accord préalable" à la place <strong>de</strong> "l'accord d'office"préconisé par le siège. L'accord préalable permet <strong>de</strong> se référer aux souhaits du cli<strong>en</strong>t. Il<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors possible <strong>de</strong> court-circuiter la politique du siège. Cette métho<strong>de</strong> est la seulepermettant <strong>de</strong> personnaliser la relation <strong>en</strong>treprise-cli<strong>en</strong>t et <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> lumière, ex post, lalégitimité <strong>de</strong> leurs actions et la valeur <strong>de</strong> leur professionnalisme.Ce fonctionnem<strong>en</strong>t donne à l'<strong>en</strong>treprise son caractère mobile, comme les jeux déf<strong>en</strong>sifscontribu<strong>en</strong>t à verrouiller les systèmes bureaucratiques. Le changem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> logiquedominante reflète une profon<strong>de</strong> transformation: les acteurs jou<strong>en</strong>t autrem<strong>en</strong>t parce qu'ilstrouv<strong>en</strong>t d'autres moy<strong>en</strong>s pour exercer leur propre rationalité.Le r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t s'observe d'abord sur le plan <strong>de</strong> la position <strong>de</strong>s acteurs. L'universbureaucratique (M. Crozier, 1963) confère une sorte <strong>de</strong> toute puissance à <strong>de</strong>s acteursdéfinis par strates statutaires. Les acteurs <strong>de</strong> l'innovation ne peuv<strong>en</strong>t, faute <strong>de</strong> statutsunivoques, se référer à une appart<strong>en</strong>ance administrative pourjouer. Ils doiv<strong>en</strong>t, au moinspartiellem<strong>en</strong>t, définir le champ <strong>de</strong> leur action par rapport à une contribution concrète,visible.Les ressources mêmes <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> l'univers bureaucratique sont <strong>en</strong> quelque sorte "précontraintes"par la position <strong>de</strong> travail et le champ d'interv<strong>en</strong>tion prévu par les règles. Lesouvriers d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> du célèbre "Monopole Industriel" tir<strong>en</strong>t leur influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la protection<strong>de</strong>s connaissances permettant d'assurer la maint<strong>en</strong>ance <strong>de</strong>s machines : il existe uneadéquation <strong>en</strong>tre les fonctions prescrites et les ressources stratégiques.Faute <strong>de</strong> règles d'organisation soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t structurées, les acteurs <strong>de</strong> l'innovationdéfiniss<strong>en</strong>t leurs ressources par itération, <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong> leur champ d'investigation dumom<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> pouvoir qu'ils peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> dégager. Ils inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leursressources, au même titre que <strong>de</strong>s procédures, pour parv<strong>en</strong>ir à jouer. Mais surtout, ils necré<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s "artificielles" (M. Crozier et E. Friedberg, 1977) <strong>en</strong> déf<strong>en</strong>dantun savoir: ils cré<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s "objectives" <strong>en</strong> multipliant <strong>de</strong>s actions innovantes etéconomiquem<strong>en</strong>t légitimes.45


Les jeux bureaucratiques, stables, finis et reproducteurs disparaiss<strong>en</strong>t: l'obsolesc<strong>en</strong>cetouche aussi le système social. Ses différ<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t trop incertains etmobiles pour qu'il soit possible <strong>de</strong> jouer ici les mêmes "coups" avec les mêmes alliances.L'acteur <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> l'innovation doit pouvoir supporter <strong>de</strong>s jeux ouverts. L'artstratégique change alors <strong>de</strong> nature: il ne s'agit plus d'être puissant sur un <strong>en</strong>jeu précis,mais <strong>de</strong> réussir à élaborer <strong>de</strong>s relations dynamiques <strong>en</strong>tre les atouts et les opportunités dumom<strong>en</strong>t.5. LA LASSITUDE DE L'ACTEURLe désordre ainsi prés<strong>en</strong>té correspondrait à une sorte d'auto régulation du système social<strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, à un équilibre parfois comparé à celui <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces du vivant, et d'autresfois prés<strong>en</strong>té comme un nouveau modèle (T. Peters, 1987). Ce serait oublier qu'un acteurne saurait se confondre avec l'élém<strong>en</strong>t constitutif d'un système biologique oucybernétique.Libérés d'une partie <strong>de</strong> leur dép<strong>en</strong>dance verticale, les professionnels viv<strong>en</strong>t uneinterdép<strong>en</strong>dance horizontale, <strong>en</strong>tre collègues et alliés, qui s'avère souv<strong>en</strong>t lour<strong>de</strong>,oppressante. Les actions s'y concoct<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet à l'intérieur d'un milieu caractérisé par safragilité institutionnelle: l'action <strong>de</strong> chacun <strong>en</strong>gageant un peu l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> tous, chacundoit observer scrupuleusem<strong>en</strong>t les contraintes et avis <strong>de</strong> l'autre. La culture du groupe aainsi un rôle à la fois instrum<strong>en</strong>tal, structurant mais égalem<strong>en</strong>t normatif (M. Liu, 1982).Le fonctionnem<strong>en</strong>t interne du groupe <strong>de</strong>s innovateurs se rapproche sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s points <strong>de</strong>celui du "Milieu". La <strong>de</strong>nsité et la clan<strong>de</strong>stinité relative <strong>de</strong>s actions qui s'y nou<strong>en</strong>t r<strong>en</strong><strong>de</strong>ntcet univers parfaitem<strong>en</strong>t adapté pour oeuvrer malgré la loi. La pér<strong>en</strong>nité du groupe reposesur la force <strong>de</strong>s normes implicites <strong>de</strong> comportem<strong>en</strong>t et sur la loyauté: l'une et l'autreassur<strong>en</strong>t la cohésion du groupe. L'appart<strong>en</strong>ance au "Milieu" offre ainsi <strong>de</strong>s atoutssupplém<strong>en</strong>taires, mais oblige à "savoir se t<strong>en</strong>ir" et souv<strong>en</strong>t strictem<strong>en</strong>t (J.G. Padioleau,1987). C'est bi<strong>en</strong> parce qu'il est m<strong>en</strong>acé que le groupe augm<strong>en</strong>te la qualité et la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>ses relations (E. Reynaud, 1982).La transgression <strong>de</strong> ces interdits, l'exercice <strong>de</strong> l'infidélité prés<strong>en</strong>te donc un lourd tribut.Le prix à payer pour changer <strong>de</strong> camp ou transformer ses alliances est élevé, mais pastoujours autant que le "manque à gagner" : celui que représ<strong>en</strong>te la promotion auprès <strong>de</strong>positions légalistes ou directoriales, ou plus simplem<strong>en</strong>t la reconnaissance personnaliséed'une action m<strong>en</strong>ée collectivem<strong>en</strong>t. Quand l'attirance est forte, l'i<strong>de</strong>ntité stratégique <strong>de</strong>sinnovateurs peut donc dominer leur morale et leur s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'appart<strong>en</strong>ance. Le groupecorrespond ainsi autant à un <strong>en</strong>trecroisem<strong>en</strong>t d'alliances qu'à <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> relationssoli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t établies, à une coalition qu'à une culture, à une agrégation d'actionsindividuelles (R. Boudon, 1977) qu'à un "micro" mouvem<strong>en</strong>t social (A. Touraine,1975).Les <strong>en</strong>jeux majeurs du groupe <strong>de</strong>s innovateurs, autonomie, reconnaissance sociale,influ<strong>en</strong>ce sur l'organisation et sur l'<strong>en</strong>treprise, ne peuv<strong>en</strong>t donc se réduire à une volontécollective <strong>de</strong> contrôler l'institution. Ils correspon<strong>de</strong>nt aussi à <strong>de</strong>s <strong>en</strong>jeux à l'intérieur dugroupe: ils sont l'objet <strong>de</strong> tiraillem<strong>en</strong>ts incessants <strong>en</strong>tre ses différ<strong>en</strong>ts membres. Ceux-ciont donc <strong>de</strong>s objectifs et <strong>de</strong>s capacités d'action collectifs, qui se manifest<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>ssolidarités fortes. Mais la culture du groupe, comme sa conception <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise n'ont ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> fusionnel et <strong>de</strong> définitif: elles représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un appr<strong>en</strong>tissagemais aussi les moy<strong>en</strong>s nécessairem<strong>en</strong>t communs <strong>de</strong> négocier avec l'institution, à unmom<strong>en</strong>t donné. Les manoeuvres et les luttes intertines sont donc pratiquées, mais"coupables". Le groupe est à la fois une communauté et une société.Répété, le conflit, interne et externe, représ<strong>en</strong>te un coût psychologique considérable. Lesprofessionnels viv<strong>en</strong>t alors leur position stratégique avec un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t perman<strong>en</strong>t <strong>de</strong>précarité.46A cette situation difficile s'ajoute une autre contrainte, représ<strong>en</strong>tant le prix à payer pour"faire la différ<strong>en</strong>ce" : celle <strong>de</strong> "travailler dur". Il s'agit d'un auto-surm<strong>en</strong>age, lesinnovateurs décidant eux-mêmes d'investir aussi lour<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t dans leur activité. Cephénomène est doublem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>forcé. Il correspond <strong>en</strong> effet à la loi du "Milieu". Ilcorrespond égalem<strong>en</strong>t aux contraintes d'aquisition perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> savoirs nouveaux.La logique <strong>de</strong> l'innovation retrouve ainsi paradoxalem<strong>en</strong>t et souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> façon acc<strong>en</strong>tuée,les effets classiques <strong>de</strong> la fatigue au travail. Le paradoxe ti<strong>en</strong>t au fait que l'institutionlaisse définir partiellem<strong>en</strong>t la charge <strong>de</strong> travail au même titre qu'elle accepte une certainepart d'organisation. Mais le couplage étroit <strong>en</strong>tre l'action <strong>de</strong>s professionnels sur le plan <strong>de</strong>leur métier et la reconnaissance et l'influ<strong>en</strong>ce qu'ils <strong>en</strong> tir<strong>en</strong>t les amène à vivre unprocessus ambigu: plus le groupe travaille, plus il peut jouer et plus il joue, plus il doittravailler. La liberté <strong>de</strong> ces acteurs est à la fois plus large et plus étroitem<strong>en</strong>t délimitée parla logique économique <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise que celle <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong>s univers bureaucratiques(M. Crozier, 1963).Certaines <strong>en</strong>treprises considèr<strong>en</strong>t cette situation d'auto-surm<strong>en</strong>age comme positive ett<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à l'ériger <strong>en</strong> métho<strong>de</strong>. Gilbert Trigano affirme ainsi "je crois qu'il faut vivre dansla pression perman<strong>en</strong>te et je fais tout pour que mes collaborateurs et collaboratrices viv<strong>en</strong>tcomme cela, dans la crainte et dans l'angoisse pour que l'on ne s'<strong>en</strong>dorme pas" (G.Bradfer, 1989).Pr<strong>en</strong>ant à revers la logique d'acteur <strong>de</strong>s professionnels, ce "managem<strong>en</strong>t par le stress", nesemble cep<strong>en</strong>dant pas pouvoir perdurer. Même dans <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises moins volontaristes<strong>en</strong> la matière, l'auto-surm<strong>en</strong>age représ<strong>en</strong>te une source <strong>de</strong> fragilité considérable pourl'acteur et, in fine, pour l'<strong>en</strong>treprise.La lassitu<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre est <strong>en</strong> effet l'autre face <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> l'innovation.L'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t s'avère parfois trop lourd et excessivem<strong>en</strong>t "mobilisateur". L'ordre <strong>de</strong> laproduction fatiguait ses ag<strong>en</strong>ts; le désordre <strong>de</strong> l'innovation risque <strong>de</strong> briser ses acteurs.La lassitu<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre se manifeste selon <strong>de</strong>ux perspective distinctes: baissevolontaire <strong>de</strong> l'activité; intégration à un groupe jouant la règle ou l'institution. Leshistoires <strong>de</strong> vie professionnelle <strong>de</strong> ce type sont nombreuses. Elles éclair<strong>en</strong>t troisdim<strong>en</strong>sions ess<strong>en</strong>tielles:- le coût psycho-sociologique <strong>de</strong> la position d'innovateur peut l'emporter sur lesavantages qu'elle procure; l'appr<strong>en</strong>tissage est alors régressif;- l'acteur dispose d'une liberté <strong>de</strong> choix <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>tes positions permettant <strong>de</strong> réduireces coûts: l'<strong>en</strong>treprise ne peut obliger à <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre, seulem<strong>en</strong>t à travailler;- la lassitu<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre grossit ainsi les rangs <strong>de</strong>s groupes légalistes ou ceux <strong>de</strong>s"bras cassés", plus nombreux ici que dans la douceur amniotique <strong>de</strong>s universbureautiques.Ces situations sont proches <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> la défection, <strong>de</strong> la loyauté (A.O. Hirshmann,1972) et <strong>de</strong> "l'apathie" (G. Bajoit, 1985). Mais ces comportem<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t seconfondre avec une stratégie optimale <strong>de</strong> substitution. Ils mett<strong>en</strong>t surtout <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce leslimites du système social qui butt<strong>en</strong>t sur le système <strong>de</strong> l'acteur (R. Sainsaulieu, 1981). Ilsreflèt<strong>en</strong>t l'incapacité culturelle à optimiser <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s ressources. L'appr<strong>en</strong>tissagerégressif décrit ici s'accompagne par ailleurs d'une difficulté personnelle considérable:celle <strong>de</strong> s'accepter comme incapable <strong>de</strong> participer plus longtemps à la "volee", qui<strong>de</strong>meure la norme du milieu.L'innovateur pour <strong>de</strong> raisons culturelles ou morales profon<strong>de</strong>s peut aussi ne changer ni<strong>de</strong> jeu, ni <strong>de</strong> groupe sans pour autant <strong>de</strong>meurer "sur la brèche", Anomique, il ne disposeplus <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s pour parv<strong>en</strong>ir au type <strong>de</strong> réussite que lui-même et le réseaud'innovateurs valoris<strong>en</strong>t (Merton, 1965). Il doit rompre avec le projet pour lequel il militeet se trouve isolé, exposé aux incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sa situation sans trouver <strong>de</strong> repères et <strong>de</strong>47


s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'appart<strong>en</strong>ance suffisants pour lui donner une cohér<strong>en</strong>ce i<strong>de</strong>ntitaire. L'anomieest aussi le résultat du désordre, d'un déficit <strong>de</strong> régulation (J.D. Reynaud, 1989).Le moy<strong>en</strong> le plus rationnel pour limiter les coûts <strong>de</strong> l'innovation tout <strong>en</strong> préservant lesavantages est <strong>de</strong> créer un espace réglem<strong>en</strong>taire figé. La fermeture <strong>de</strong> leur métier, le microcorporatismepermet ainsi à <strong>de</strong> nouveaux professionnels <strong>de</strong> protéger leurs acquis <strong>de</strong>façon aussi rigi<strong>de</strong> que ceux qu'ils combattai<strong>en</strong>t antérieurem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong> stabiliser leur i<strong>de</strong>ntitéet leur culture: il leur donne droit à une place (D. Segrestin, 1985). Tirant parti <strong>de</strong>sactivités d'innovation, stabilisant leur pouvoir autour <strong>de</strong> règles précises et d'unedéontologie déf<strong>en</strong>sive, ce comportem<strong>en</strong>t permet <strong>de</strong> tirer parti <strong>de</strong>s investissem<strong>en</strong>tsoriginaux, <strong>de</strong>s risques pris à un mom<strong>en</strong>t donné, <strong>en</strong> se protégeant <strong>de</strong>s changem<strong>en</strong>ts.Mécanisme classique dans l'industrie <strong>de</strong> masse, il <strong>de</strong>meure cep<strong>en</strong>dant spécifique dans lalogique <strong>de</strong> l'innovation: il suppose <strong>de</strong> pouvoir préalablem<strong>en</strong>t inv<strong>en</strong>ter sa place; lesprofessionnels ne peuv<strong>en</strong>t se cont<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> se "nicher" dans un métier.L'innovation risque ainsi <strong>de</strong> consommer ses forces au profit <strong>de</strong> celles du retrait, <strong>de</strong>l'anomie ou <strong>de</strong> l'intégration à la logique légaliste. Elle produit simultaném<strong>en</strong>t un flotcontinu <strong>de</strong> nouveaux innovateurs. Mais ce mouvem<strong>en</strong>t n'est ni suffisant ni salutaire pourl'<strong>en</strong>treprise s'il t<strong>en</strong>d à montrer qu'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre ne peut être qu'un mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la vieprofessionnelle, un mom<strong>en</strong>t difficile et mal récomp<strong>en</strong>sé.Les limites <strong>de</strong> l'acteur peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet donner raison à la loi: retrouver une "fonction"faute <strong>de</strong> pouvoir assurer la perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ses capacités d'action. Le désordre <strong>de</strong> lalogique <strong>de</strong> l'innovation n'a ainsi ri<strong>en</strong> à voir avec une auto-régulation du système social.La capacité à innover amène trop souv<strong>en</strong>t à une dilution <strong>de</strong>s acteurs qui la port<strong>en</strong>t.La fragilité <strong>de</strong> cette situation repose sur une double incapacité du managem<strong>en</strong>t: celled'accepter <strong>de</strong> gérer explicitem<strong>en</strong>t son désordre, celle <strong>de</strong> tirer parti <strong>de</strong> sa déviance <strong>en</strong> lasout<strong>en</strong>ant.BIBLIOGRAPHIEADLER P.S., 1987,. "Automation et qualifications. Nouvelles ori<strong>en</strong>tations" Sociologie du travail. n" 3.AKRICH M., CALLON M. et LATOUR B., 1988,. A quoi ti<strong>en</strong>t le succès <strong>de</strong>s innovations? Gérer etCompr<strong>en</strong>dre. n? 11.ALTER N., 1990,. La gestion du désordre, Essai, L'Harmattan, coll. 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IV. ESSAI SUR L'URGENCE EN GESTIONClau<strong>de</strong> RIVELINE<strong>Ecole</strong> Nationale Supérieure <strong>de</strong>s Mines <strong>de</strong> ParisRapporteur:Françoise CHARBIT, Thomson, eRGSéance du 20 Décembre 199050.51


DE L'URGENCE EN GESTION1. LE SILENCE DES LIVRESL'urg<strong>en</strong>ce est omniprés<strong>en</strong>te dans la vie <strong>de</strong>s affaires et totalem<strong>en</strong>t ignorée <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong>sorganisations. Pourtant, tous les auteurs pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t acte <strong>de</strong> la formidable accélération <strong>de</strong>schoses (déplacem<strong>en</strong>ts, flux d'informations, changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> tous ordres) dans ces<strong>de</strong>rnières déc<strong>en</strong>nies, au point qu'AlvinToffler, dans son Choc du futur (1), y voitl'ess<strong>en</strong>ce même <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité. Toutes les <strong>en</strong>quêtes sur la vie <strong>de</strong>s chefs d'<strong>en</strong>treprisesd'aujourd'hui (cf. notamm<strong>en</strong>t H. Mintzberg (2) et J.L. Delpeuch et A. Lauvergeon (3))mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant le fait qu'ils se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t perpétuellem<strong>en</strong>t débordés.Mais accélération et surm<strong>en</strong>age ne suffis<strong>en</strong>t pas à qualifier l'urg<strong>en</strong>ce. Cette notionsuggère <strong>en</strong> effet un manque <strong>de</strong> temps, un état <strong>de</strong> crise, un décalage <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux durées,celle dont on souhaiterait disposer et celle dont on dispose. Or, beaucoup d'accélérationssont bénéfiques, une fois passée la pério<strong>de</strong> d'appr<strong>en</strong>tissage: on n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d plus guère <strong>de</strong>critiques contre les calculettes, le Minitel ou le TGV. Par ailleurs, le fait que le cheftravaille trop à son gré n'<strong>en</strong>traîne pas nécessairem<strong>en</strong>t qu'il travaille plus mal que s'il avaittout son temps.Les auteurs les plus connus <strong>en</strong> matière <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises (P.R. Lawr<strong>en</strong>ce etJ.W. Lorsch (4), H. Mintzberg (5) et T. Peters et R. Waterman (11), par exemple)indiqu<strong>en</strong>t les formes d'organisation les plus adaptées pour faire face à un mon<strong>de</strong> quichange vite: acc<strong>en</strong>tuer la spécialisation et la flexibilité pour être au plus près du cli<strong>en</strong>t etdu produit, favoriser les communications informelles pour se concerter sans délai, monter<strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail légers et souples pour bondir sur les occasions, etc. Leurpréoccupation commune est l'adaptation rapi<strong>de</strong> à un contexte changeant, au même titreque physici<strong>en</strong>s, chimistes et biologistes analys<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t un système naturel réagit à unchangem<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t pour se perpétuer. Ils expliqu<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t réussir, ilsexpliqu<strong>en</strong>t pourquoi on échoue, mais ne se préoccup<strong>en</strong>t jamais <strong>de</strong>s conséqu<strong>en</strong>ces dumanque <strong>de</strong> temps.Je concluerai ce point sur une analogie: l'urg<strong>en</strong>ce est le problème qu'affronte un joueur<strong>de</strong> t<strong>en</strong>nis face à un joueur meilleur que lui: il ne contrôle guère les balles et, au mieux, illes sauve. Or, ce dont trait<strong>en</strong>t ces théories, c'est <strong>de</strong> la manière <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> jouer, et lecomportem<strong>en</strong>t du joueur débordé ne les intéresse guère. Pourtant, dans la vie <strong>de</strong>saffaires, les acteurs débordés abon<strong>de</strong>nt. Pourquoi ce sil<strong>en</strong>ce ?Je chercherai <strong>de</strong>s explications dans le manque <strong>de</strong> matériel d'observation et le manque <strong>de</strong>légitimité épistémologique. J'essaierai <strong>en</strong>suite d'esquisser <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> réflexions quinourriss<strong>en</strong>t ce dossier étrangem<strong>en</strong>t vi<strong>de</strong>.2. LE MANQUE DE MATÉRIEL D'OBSERVATIONJ'ai développé jadis (6) l'idée que l'on n'<strong>en</strong> savait guère plus aujourd'hui sur la marche<strong>de</strong>s organisations que sur celle du corps humain au Moy<strong>en</strong> Age. Ces <strong>de</strong>ux ignorancesrelèv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> causes analogues: <strong>de</strong>s obstacles institutionnels et culturels considérabless'oppos<strong>en</strong>t à l'observation et plus <strong>en</strong>core à l'expérim<strong>en</strong>tation. Si visibles que soi<strong>en</strong>t les<strong>en</strong>treprises, elles choisiss<strong>en</strong>t avec soin ce qu'elles donn<strong>en</strong>t à voir et ne laiss<strong>en</strong>tqu'exceptionnellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer <strong>de</strong>s observateurs extérieurs. A vrai dire, <strong>de</strong> telles exceptionsse sont multipliées dans les années réc<strong>en</strong>tes, notamm<strong>en</strong>t chez les chercheurs <strong>en</strong> gestion,mais ce n'est jamais facile. On conçoit que les situations d'urg<strong>en</strong>ce acc<strong>en</strong>tu<strong>en</strong>tgran<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t les difficultés d'accès car aux problèmes <strong>de</strong> secret s'ajoute le manque <strong>de</strong>temps.Deux exceptions réc<strong>en</strong>tes, toutefois, ont livré <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts d'un grand intérêt sur laphysiologie <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce: les travaux <strong>de</strong> Philippe Roqueplo (7 et 8) sur les cabinetsministériels et la thèse <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> Patrice Bonarelli (9 et 10).52Ces travaux résult<strong>en</strong>t l'un et l'autre <strong>de</strong> circonstances exceptionnelles. Ph. Roqueplo,chercheur accompli, auteur <strong>de</strong> plusieurs ouvrages importants <strong>en</strong> sociologie, s'est trouvécoopté, pour <strong>de</strong>s raisons personnelles, au cabinet d'un ministre. Il a épr~)llvé la fébrilitéqui règne dans un tel lieu, fébrilité qui n'est usuellem<strong>en</strong>t affrontee que par <strong>de</strong>sfonctionnaires très jeunes et élevés dans le sérail. Il a ainsi accumulé <strong>de</strong>s observationsinédites et, quelque temps après, il a m<strong>en</strong>é une <strong>en</strong>quête méthodique auprès d'~utresanci<strong>en</strong>s conseillers techniques afin d'<strong>en</strong>richir ses conclusions personnelles. Du point <strong>de</strong>vue qui nous intéresse, celles-ci peuv<strong>en</strong>t se résumer ainsi: cet univers du pou;voird'Etat,où tant <strong>de</strong> choses se déci<strong>de</strong>nt sous l'empire <strong>de</strong> la plus extrême urg<strong>en</strong>ce, fonctionne selonune logique inéluctable et sert l'intérêt général <strong>de</strong> manière somme toute acceptable comptet<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s contraintes.P. Bonarelli, quant à lui, a conduit une recherche sur la gestion d'une <strong>en</strong>treprise <strong>en</strong> touspoints comparable à celles que magnifie Le prix <strong>de</strong> l'exc~ll<strong>en</strong>ce (ll)~ c:est-à-dire ~ellesqui privilégi<strong>en</strong>t la promptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> réacti~n e! les slogans SImples él;u .<strong>de</strong>tn,m~nt ?es etud~set <strong>de</strong> la réflexion, pratiques auxquelles lui-même, anci<strong>en</strong> polytechnici<strong>en</strong>, etait tres attach~.Il <strong>en</strong> a conclu non sans un effort d'honnêteté digne <strong>de</strong> tous éloges, que cette p<strong>en</strong>seepragmatique se révélait, dans ce contexte, beaucoup plus efficace que les démarchesméthodiques.J'aurai l'occasion <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>ir sur ces <strong>de</strong>ux sources. Notons pour l'instant que ce sont lesseules que j'aie pu repérer dans la littérature pourtant abondante.dont le,s o;ganisati~nsfont l'objet. Cette rareté ne saurait s'expliquer seulem<strong>en</strong>t par les difficultes d observationdu terrain. L'urg<strong>en</strong>ce est <strong>en</strong> effet un phénomène si universel que l'on <strong>de</strong>vrait s'att<strong>en</strong>dre.àce que les auteurs <strong>en</strong> fass<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tion, ne serait-ce que pour regretter <strong>de</strong> ne pas <strong>en</strong> sa~olfplus long sur ses conséqu<strong>en</strong>ces. On peut d'ailleurs faire observer, avec quelque malice,qu'une thèse ou un livre a rarem<strong>en</strong>t été achevé sans l'aiguillon <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce, et que,lesouvrages sur la gestion ne font sûrem<strong>en</strong>t pas exception. Les auteurs donc, <strong>en</strong> proie a ces<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t pour leur propre compte, ont fait mine <strong>de</strong> l'ignorer. C'est - je vais t<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> ledémontrer - parce qu'ils manquai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mots pour <strong>en</strong> parler et même <strong>de</strong> lunettes pour levoir.3. LE MANQUE DE LÉGITIMITÉ ÉPISTÉMOLOGIQUELes sci<strong>en</strong>ces humaines se sont édifiées sur le modèle <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la nature: lessci<strong>en</strong>ces physiques avec la notion d'équilibre, les sci<strong>en</strong>ces naturelles .~vec la n.otiond'adaptation. C'est ainsi que la micro-économie <strong>de</strong> Walras et Pareto, prermere t<strong>en</strong>taüve <strong>de</strong>mise <strong>en</strong> équation du comportem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises, postule que celles-ci maximis<strong>en</strong>t !eurprofit selon une fonction mathématique <strong>de</strong> leurs ressources et <strong>de</strong> leurs v<strong>en</strong>tes, <strong>de</strong> memeque les consommateurs maximis<strong>en</strong>t leur satisfaction selon une foncti~n <strong>de</strong> leursconsommations. Le temps n'intervi<strong>en</strong>t pas: les <strong>en</strong>treprises sont c<strong>en</strong>sees adapterinstantaném<strong>en</strong>t leurs productions aux prix et leurs prix aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s du marché, et lesconsommateurs connaiss<strong>en</strong>t sans délai et sans erreur tout ce qui leur est offert.Dans ce modèle, l'<strong>en</strong>treprise, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d'une innovation, s'adapte ou meurt, mais iln'est pas imaginé qu'elle réagisse avec irréflexion sous l'effet <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce.L'irréalisme <strong>de</strong> cette représ<strong>en</strong>tation a suscité <strong>de</strong> nombreux développem<strong>en</strong>ts qui visai<strong>en</strong>t àmieux pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte le temps, mais très peu ont intégré l'urg<strong>en</strong>ce, et lorsqu'ils l'ontfait, c'est <strong>de</strong> manière exagérém<strong>en</strong>t schématique.L'école <strong>de</strong> p<strong>en</strong>sée qui s'<strong>en</strong> est le plus approchée est celle <strong>de</strong> la "rationalité limitée", quel'on associe au nom <strong>de</strong> Herbert Simon. Le déci<strong>de</strong>ur est supposé n'avoir accès qu'à unepartie <strong>de</strong>s informations pertin<strong>en</strong>tes, et s'arrêter dans son choix, non pas à l'o?timu~,mais à un niveau "satisfaisant" <strong>de</strong> sa fonction <strong>de</strong> préfér<strong>en</strong>ce.Ces limitations sont Imputeesess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t au mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong>s pouvoirs et <strong>de</strong>s informations, et à la natureincertaine <strong>de</strong> celles-ci, mais très peu au manque <strong>de</strong> temps (l2).Lorsque ce facteur estexplicitem<strong>en</strong>t invoqué (13), il opère simplem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> empêchant le déci<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> trouver lasolution optimale faute <strong>de</strong> données et <strong>de</strong> calculs suffisants.53


La "rationalité limitée" a donc pour effet <strong>de</strong> détériorer la qualité <strong>de</strong>s décisions.C'estparticulièrem<strong>en</strong>t explicite dans la branche la plus extrême <strong>de</strong> cette école <strong>de</strong> p<strong>en</strong>sée, celledu "modèle <strong>de</strong> la poubelle" (14). Cette théorie représ<strong>en</strong>te un univers à peu prèsanarchique, où les préfér<strong>en</strong>ces sont imprécises, les solutions mal connues, et lesdéci<strong>de</strong>urs frivoles. Elle propose les universités américaines comme champ d'applicationet les auteurs, tous professeurs, laiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre que, bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong>s décisions finiss<strong>en</strong>tpar se pr<strong>en</strong>dre dans ces conditions, elles <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t <strong>de</strong> scandaleux gaspillages.Mais l'urg<strong>en</strong>ce n'est qu'à peine évoquée, seulem<strong>en</strong>t par le biais <strong>de</strong> la quantité totale"d'énergie" (sans autre précision) que chaque acteur est disposé à consacrer aux décisionscollectives.Une autre branche, l'école du "search", va nous rapprocher du thème <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ceproprem<strong>en</strong>t dite. Dans la suite <strong>de</strong>s travaux d'Ho Simon, J.G. Stigler (15) (clairem<strong>en</strong>trésumé par P. Bonarelli (7)) a supposé qu'un consommateur, convaincu que le bi<strong>en</strong> qu'ilconvoite est v<strong>en</strong>du à <strong>de</strong>s prix variés <strong>en</strong> <strong>de</strong>s points éloignés les uns <strong>de</strong>s autres, vaexaminer successivem<strong>en</strong>t ces prix et s'arrêter lorsqu'il aura le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que chercherplusavant n'<strong>en</strong> vaudrait pas la peine. A la limite, on l'imagine achetant le premier produitv<strong>en</strong>u, et nous voilà <strong>de</strong>vant le comportem<strong>en</strong>t typique du déci<strong>de</strong>ur pressé. Or, Stiglern'invoque pas à proprem<strong>en</strong>t parler l'urg<strong>en</strong>ce, mais attribue <strong>de</strong> tels choix à <strong>de</strong> savantscalculs où le déci<strong>de</strong>ur mettrait <strong>en</strong> balance le coût <strong>de</strong> l'achat le plus avantageux repéréjusque-là et l'espérance mathématique <strong>de</strong> gain procuré par la poursuite <strong>de</strong> soninvestigation. Le temps intervi<strong>en</strong>t par le coût qu'il représ<strong>en</strong>te, et non, pas plus que chezSimon, par ses effets sur la psychologie du déci<strong>de</strong>ur.C'est là, je p<strong>en</strong>se, l'hypothèse commune à tous les travaux évoqués qui les condamne àmal compr<strong>en</strong>dre l'urg<strong>en</strong>ce: si peu que l'on <strong>en</strong> sache sur ses effets, il est évi<strong>de</strong>nt que lafonction d'utilité d'un déci<strong>de</strong>ur doit dép<strong>en</strong>dre du temps dont il p<strong>en</strong>se disposer pourchoisir.Ce point est ess<strong>en</strong>tiel et il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> s'y arrêter. En théorie économique, le déci<strong>de</strong>ur estrésumé, avons-nous dit, par une fonction caractérisant ses préfér<strong>en</strong>ces, par exemple unprofit monétaire, ou un profit plus général incluant par exemple sa sécurité. Il est réputénourrir ses calculs <strong>de</strong> toutes les informations nécessaires.Or, <strong>en</strong> situation d'urg<strong>en</strong>ce, non seulem<strong>en</strong>t le nombre <strong>de</strong> données prises <strong>en</strong> compte par ledéci<strong>de</strong>ur est limité par le temps dont il dispose pour s'informer, mais <strong>de</strong> plus, sespossibilités <strong>de</strong> recevoir <strong>de</strong>s avis et <strong>de</strong> méditer sur son intérêt bi<strong>en</strong> compris se trouv<strong>en</strong>tréduites. Traduites <strong>en</strong> termes mathématiques, ces remarques signifi<strong>en</strong>t que non seulem<strong>en</strong>tles données, mais la fonction elle-même chang<strong>en</strong>t sous l'effet <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce. Selonl'expression connue, l'urg<strong>en</strong>ce remplace la réflexion par <strong>de</strong>s réflexes, manière <strong>de</strong> réagirqui relève a priori <strong>de</strong> tout autre chose que d'une démarche hypothético-déductive,Or, étudier sci<strong>en</strong>tifiquem<strong>en</strong>t un phénomène, c'est y déceler <strong>de</strong>s invariants, trouver, selonle mot <strong>de</strong> R. Ackoff, ce qu'il y a <strong>de</strong> semblable dans <strong>de</strong>s choses apparemm<strong>en</strong>tuniques.Quand on ne dispose pas, comme <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces naturelles, d'un matériel suffisantpour y déceler <strong>de</strong>s régularités ni, comme <strong>en</strong> physique théorique, <strong>de</strong> lois élém<strong>en</strong>taires pourconstruire <strong>de</strong>s modèles, on est dans le domaine <strong>de</strong> ce que j'ai appelé le "mou" (16) et lasci<strong>en</strong>ce est sans moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong>vant le mou.Son approche relève <strong>de</strong> l'anecdote, <strong>de</strong> l'histoireou du roman.L'objet <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>te note est précisém<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong> repousser un peu leslimites.La question est compliquée du fait qu'un état d'urg<strong>en</strong>ce est rarem<strong>en</strong>t une constatationobjective.C'est une impression qui habite le déci<strong>de</strong>ur, une idée qu'il se fait <strong>de</strong>l'av<strong>en</strong>ir. Les animaux affront<strong>en</strong>t eux aussi <strong>de</strong>s dangers soudains, mais leurs réactions sontstrictem<strong>en</strong>t déterminées face à un stimulus donné, alors qu'un joueur <strong>de</strong> t<strong>en</strong>nis, pourrev<strong>en</strong>ir à cet exemple, ne joue pas la même balle <strong>de</strong> la même manière selon l'idée qu'il sefait <strong>de</strong> la suite du match. L'urg<strong>en</strong>ce, à cet égard, est le propre <strong>de</strong> l'homme.Toutefois, si les hommes sont généralem<strong>en</strong>t fiers <strong>de</strong> ce qui les différ<strong>en</strong>cie du reste <strong>de</strong> lanature, il n'<strong>en</strong> est pas ainsi pour l'urg<strong>en</strong>ce. Les hommes d'affaires acquiesc<strong>en</strong>t sans54réserve au fait qu'ils sont surm<strong>en</strong>és, mais ils n'accept<strong>en</strong>t pas d'être accusés <strong>de</strong> tranchermal par irréflexion. L'idée d'urg<strong>en</strong>ce évoque l'imprévoyance et une mauvaiseorganisation. Cette mauvaise image s'ajoute, à n'<strong>en</strong> pas douter, aux obstacles théoriquespour expliquer le sil<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s livres.Pourtant, nous allons le voir, ce sil<strong>en</strong>ce prive les théories d'un concept fort éclairant.4. L'URGENCE NÉCESSAIRELes théorie~ usuelles <strong>de</strong> la,p;ise <strong>de</strong> décisio~ représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t donc un ag<strong>en</strong>t économiquesupputant 1<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s elem<strong>en</strong>ts du ChOIX pour maximiser une fonction. Mais cesthé.ories laisse.nt dans l'omb:e le~ :aisons ~our lesquelles ,ce calcul aboutit <strong>en</strong> un temps~m, ~?mme dis<strong>en</strong>t les. mathem~tICl<strong>en</strong>s. Qu est-~e. qUI empeche le déci<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> tergiverserJusqu a la consommation <strong>de</strong>s siècles ? Toute décision, dans la mesure où elle modifie sipeu que ce soit le cours <strong>de</strong>s choses, a sur l'histoire du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s conséqu<strong>en</strong>cesauxquelles on ne peut associer, a priori, aucun horizon dans l'espace ou le temps.Les. éc~no?Ji.stes no~s assur<strong>en</strong>t que les <strong>en</strong>treprises maximis<strong>en</strong>t leur profit. Si, <strong>de</strong>vant unChOIX, ,Il etait I?o.ssIble <strong>de</strong> calculer sans ambiguïté le profit correspondant à chaquehypothese, le déci<strong>de</strong>ur pourrait peut-être se déterminer sans délai.Mais, même <strong>en</strong> av<strong>en</strong>irc~rtai.n, un te} c,alcul est impossible. On sait <strong>en</strong> effet combi<strong>en</strong> il faut <strong>de</strong> conv<strong>en</strong>tions pourdéfinir un b<strong>en</strong>efice annuel (17), et il est clair que la seule considération <strong>de</strong> l'exerciceco~p~able ,~n cours ne suffit pa~; les .an~ées ultérieures doiv<strong>en</strong>t être prises <strong>en</strong> compte,mais J,usqu a q~and ? ~e plus, } av~mr et~nt plus ou moins inconnu, jusqu'où va-t-ondans 1exploration <strong>de</strong>s divers sc<strong>en</strong>anos <strong>en</strong>visageables ?Par ail~eurs, une in,stitution n'est jamais une <strong>en</strong>tité homogène. Fabricants, commerçants,~n~~clers et. repres<strong>en</strong>tants du personnel considèr<strong>en</strong>t chaque option <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong>sIntere~ d~nt!ls sont respectiveme~t les gardi<strong>en</strong>s, et l'on ne saurait imaginer <strong>en</strong>tre eux unesynthèse indiscutable, L~ profit \a supposer que l'on sache <strong>de</strong> quoi l'on parle), souv<strong>en</strong>tInvoque a cette fin, peut etre considéré tout au plus comme une contrainte dans la mesureo~ ~a dis~arition prolongée mettrait l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, si elle est àbut lucratif, <strong>en</strong>péril. MaI~ la.crainte ~e la mort est commune à tout le règne du vivant, et constitue, à cetegard, un indicateur d un vague imm<strong>en</strong>se.Voilà pour l'intérieur <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise. Mais celle-ci ne saurait <strong>de</strong> surcroît être indiffér<strong>en</strong>te àson ~mage ext~rieure'. C'est ce <strong>de</strong>rnier aspect qui domine dans les actes <strong>de</strong>s pouvoirspublics. ,En d~m~cratle.' t?ut le mon?e .a,le droit d'avoir un avis, et on ne peut guèr<strong>en</strong>ournr 1espoir d aboutir a une unanimité sur quelque sujet que ce soit. Comm<strong>en</strong>t sepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les décisions?Ph. Roqueplo (7 et 8) nous <strong>en</strong> donne une <strong>de</strong>scription très claire. Le tumulte <strong>de</strong>sinterv~~tions,. <strong>de</strong>s p~oblème~ ?e personnes, <strong>de</strong>s négociations et <strong>de</strong>s intrigues quicaract<strong>en</strong>se la VIe <strong>de</strong> l'Etat est regi par <strong>de</strong>ux lois d'airain qui font que les décisions in finese pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tr d'une p.art, ,~es é~héances ,Précises (parlem<strong>en</strong>taires, budgétaires et autres)sont respectee~ q~OI qu Il. ar.nye ~t, d a~tr~ part, toutes les administrations qui ontquelque chose a dire sont invitees a le faire a un sta<strong>de</strong> ou un autre <strong>de</strong> la procédure. Engénéral, elles ~e sont .~as d'~ccord. ~lors, l~ pro!~t <strong>de</strong> décision voyage d'instance <strong>en</strong>In~~nce, par mve~~ hlerarchlque,CI'O Is.sant, jusqu a aboutir s'il le faut chez le premiermrrnstre ou le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République, ou tous les nœuds gordi<strong>en</strong>s restants sonttranchés <strong>en</strong> quelques instants.Il est à noter q~eylus l'<strong>en</strong>.~e~ d'un c,o~0it est po~iti,quem<strong>en</strong>t important, plus l'instance quile tranchera doit etre prestigieuse, légitime, protegee. Une telle instance se trouve assaillied'innombrables sollicitations, donc fort peu disponible pour consacrer du temps àchacune d'elles.~es .r~spon.sa?les d'un tel ?iveal;l' .comme il est naturel, s'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s esprits les pluséclairés, ~InSI se trouve rr:IS. <strong>en</strong> eVI?<strong>en</strong>~e le I?aradoxe qui veut que les meilleurs énarqueset les meilleurs polytechnici<strong>en</strong>s, sélectionnés sur leur tal<strong>en</strong>t à résoudre <strong>en</strong> quatre ou six55


heures <strong>de</strong> savants problèmes administratifs ou sci<strong>en</strong>tifiques, ne dispos<strong>en</strong>t ultimem<strong>en</strong>t que<strong>de</strong> dix minutes pour trancher <strong>de</strong> questions dont l'importance a fait justem<strong>en</strong>t qu'elles sontarrivées jusqu'à eux.Ce même chiffre <strong>de</strong> dix minutes est cité par P. Bonarelli (9) pour indiquer le tempsconsacré à chaque décision dans l'<strong>en</strong>treprise qu'il a étudiée, mais les explicationsinvoquées sont d'une autre nature. Il s'agit d'un fabricant <strong>de</strong> matériel électronique dontles produits se démo<strong>de</strong>nt vite et sont soumis à une vive concurr<strong>en</strong>ce. Avoir le bon produitau bon mom<strong>en</strong>t peut rapporter gros, car le prix joue un faible rôle à côté <strong>de</strong> la rapidité <strong>de</strong>livraison et la qualité. On se trouve donc dans un cas où l'information est une <strong>de</strong>nréepérissable, qui doit être exploitée toute fraîche. Par ailleurs, les articles et les cli<strong>en</strong>ts sontnombreux et variés, <strong>de</strong> sorte que chaque responsable doit se prononcer sur beaucoup <strong>de</strong>choix par unité <strong>de</strong> temps. Dans ces conditions, guère <strong>de</strong> possibilités pour pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>sordres ou pour se concerter. Comm<strong>en</strong>t assurer la cohér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> tous ces choix?La solution adoptée, on l'a vu, consiste à appliquer un petit nombre <strong>de</strong> principes simples;par exemple: "ne faire nous-mêmes que les tâches nobles", "jamais <strong>de</strong> stocks", etc.L'usage s'est établi <strong>de</strong> donner à un tel co<strong>de</strong> <strong>de</strong> conduite le nom <strong>de</strong> "culture d'<strong>en</strong>treprise".Une étu<strong>de</strong> att<strong>en</strong>tive peut montrer, et ce fut le cas ici, que les décisions ainsi ret<strong>en</strong>uespeuv<strong>en</strong>t être à l'occasion très loin <strong>de</strong> l'optimum économique, mais elles ont l'avantaged'être prises rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Aussi bi<strong>en</strong> l'<strong>en</strong>treprise <strong>en</strong> cause connaissait-elle uneremarquable prospérité <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> bénéfices et <strong>de</strong> taux <strong>de</strong> croissance.Voilà donc un cas <strong>de</strong> gestion dans l'urg<strong>en</strong>ce, où les choix font peu <strong>de</strong> place à la réflexionet l'étu<strong>de</strong> et pourtant se révèl<strong>en</strong>t justifiés a posteriori, si l'on s'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>t du moins au critèredu profit comptable. Peters et Waterman et leurs émules érig<strong>en</strong>t ce g<strong>en</strong>re <strong>de</strong> constatation<strong>en</strong> véritable religion, et certains s'<strong>en</strong> indign<strong>en</strong>t. Ainsi, G.Y. Kervern (18) considère quel'apologie du tir réflexe conduit à <strong>de</strong>s mœurs <strong>de</strong> brutes, et à <strong>de</strong>s erreurs aussi tragiquesque la <strong>de</strong>struction, par un porte-avions le .3 juillet 1988, d'un Airbus civil <strong>de</strong> 177 piedsconfondu avec un avion <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> 62 pieds <strong>de</strong> long.A quoi P. Bonarelli répond qu'optimiser au s<strong>en</strong>s classique, c'est <strong>en</strong> réalité sousoptimiser,car le temps passé à réfléchir coûte cher. Il suggère même que la décisionrapi<strong>de</strong> prise sur <strong>de</strong>s critères sommaires constitue un optimum "éco-rationnel" (d'après L.Lévy-Garboua).De la même manière, Ph. Roqueplo considère que la machine gouvernem<strong>en</strong>tale remplitune fonction cruciale: elle empêche les catastrophes. Plutôt qu'un état-major généralmettant <strong>en</strong> œuvre une gran<strong>de</strong> stratégie, il faut la voir comme un service d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, voire<strong>de</strong> sapeurs-pompiers, qui ne fonctionne somme toute pas si mal.A qui donner raison: à G.Y. Kervern, ou à P. Bonarelli, dont l'affrontem<strong>en</strong>t est direct etexplicite?Avant <strong>de</strong> répondre, je voudrais noter que ces réflexions nous conduis<strong>en</strong>t à un changem<strong>en</strong>t<strong>de</strong> perspective radical par rapport aux théories habituelles : bi<strong>en</strong> loin que la décisionsavamm<strong>en</strong>t méditée soit la norme et l'urg<strong>en</strong>ce l'exception pathologique, s'offre à nousl'idée que l'urg<strong>en</strong>ce est un ingrédi<strong>en</strong>t inévitable <strong>de</strong> toute prise <strong>de</strong> décision: seule varie ladose. La décision rationnelle <strong>de</strong>s livres d'où l'urg<strong>en</strong>ce est abs<strong>en</strong>te serait alors un caslimite, asymptotique, improbable <strong>en</strong>core que théoriquem<strong>en</strong>t intéressant, comme <strong>en</strong>résistance <strong>de</strong>s matériaux la poutre <strong>de</strong> Saint-V<strong>en</strong>ant, parfaitem<strong>en</strong>t élastique et homogène,donc utopique, mais commo<strong>de</strong> à mettre <strong>en</strong> équations.Cette omni-prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce est cohér<strong>en</strong>te avec la vision <strong>de</strong> la marche <strong>de</strong>sorganisations que postule la recherche <strong>en</strong> gestion, au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> l'article <strong>de</strong> M. Berry, J.c.Moisdon et C. Riveline <strong>de</strong> 1979 (19) : chaque ag<strong>en</strong>t économique se comporte <strong>de</strong>manière à optimiser les critères sur lesquels il se s<strong>en</strong>t jugé. Ce caractère local <strong>de</strong> chaqueoptimum, qui r<strong>en</strong>d compte <strong>de</strong>s conflits internes évoqués ci-<strong>de</strong>ssus, est une conséqu<strong>en</strong>ce<strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce, car le temps manque pour élaborer sans cesse <strong>de</strong>s compromis. L'urg<strong>en</strong>cecroissante a pour effet <strong>de</strong> réduire <strong>en</strong>core le nombre <strong>de</strong> critères pris <strong>en</strong> compte par chacun.56Cett~ théorie se prés<strong>en</strong>te c0!TIme une physiologie <strong>de</strong>scriptive et eIle peut r<strong>en</strong>dre compte<strong>de</strong>s echecs comme <strong>de</strong>s sucees. EIle va nous ai<strong>de</strong>r, <strong>en</strong> particulier, à éclairer le débat <strong>en</strong>treG.y. Kervern et P. Bonarelli. Ce <strong>de</strong>rnier me paraît impru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> qualifier d'écor~tI~nn~llela gestion <strong>de</strong> son <strong>en</strong>treprise. Cette expression suggère <strong>en</strong> effet une adéquationréfléchie <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s aux fins. Or, parmi les dizaines d'<strong>en</strong>treprises "excell<strong>en</strong>tes" vantéespar Peters et Waterman (1 1), la majorité ont péri ou peu s'<strong>en</strong> faut dans les années qui ontsuivi la publication <strong>de</strong> leur livre. En effet, les critères simples peuv<strong>en</strong>t se révéler adéquatsquelque temps, mais il est très difficile <strong>de</strong> les remettre <strong>en</strong> cause quand ce n'est plus le cas.L'urg<strong>en</strong>ce prés<strong>en</strong>te <strong>en</strong> effet, passés les premiers mom<strong>en</strong>ts d'inquiétu<strong>de</strong> et d'adaptation,<strong>de</strong> redoutables commodités. Souv<strong>en</strong>t associée à <strong>de</strong>s dangers collectifs, eIle constitue uneexcuse idéale pour justifier oukases, mesures d'exception et jugem<strong>en</strong>ts expéditifs. Ellefinit par êt,re invoquée <strong>de</strong> façon rhétorique pour repousser les contestations. De plus,quand le <strong>de</strong>t<strong>en</strong>teur d'un pouvoir r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s succès répétés, il est naturellem<strong>en</strong>t porté às'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir aux mêmes choix quand leur pertin<strong>en</strong>ce a disparu.On voit donc que G. Y. Kervern a raison <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> gar<strong>de</strong> contre ces périls, mais P.Bonarelli n'<strong>en</strong> est pas moins fondé à témoigner <strong>de</strong>s succès qu'il a constatés.Une t<strong>en</strong>tation serait peut-être pour un économiste <strong>de</strong> traduire cette discussion sous formemathématique, <strong>en</strong> imaginant par exemple une fonction croissante du profit avec le temps<strong>de</strong> réflexion, mais décroissante avec le caractère périssable <strong>de</strong> l'information. Ontr,?uve.rait, <strong>en</strong> .fonction ~e .quelques paramètres caractérisant chaque décision, un temps <strong>de</strong>repexIOn optimal. .l\1.ms 1.1 est probable qu'un tel modèle ne nous instruirait guère <strong>en</strong>raison <strong>de</strong> toutes les simplifications auxquelles il faudrait cons<strong>en</strong>tir pour <strong>en</strong> donner uneexpression calculable et il laisserait dans l'ombre bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce que nousavons rec<strong>en</strong>sés chemin faisant.Je voudrais proposer une approche théorique que je croisplus fécon<strong>de</strong>, fondée sur l'évaluation <strong>de</strong>s coûts et la recherche <strong>en</strong> gestion.5. LA BONNE URGENCE EXPLIQUÉELa principale difficulté que la sci<strong>en</strong>ce économique laisse dans l'ombre rési<strong>de</strong> on l'a vudans l'utilité indiscutable <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce, au moins à court terme dans <strong>de</strong> nombreusessituatio,ns.C'est le cas dans les <strong>de</strong>ux exemples précé<strong>de</strong>nts, et c'est ce qu'ont égalem<strong>en</strong>tobserve D. Fixari et F. PaIlez (Petit traité d'urg<strong>en</strong>ce (20)) et J.-c. Moisdon (Grandsprojets, organisation et urg<strong>en</strong>ce (21)), dans <strong>de</strong>s travaux réc<strong>en</strong>ts.L'analyse que je proposerai repose sur <strong>de</strong>ux distinctions:-la distinction <strong>en</strong>tre" l'observateur" et "l'ag<strong>en</strong>t économique";-Ia distinction <strong>en</strong>tre "complexité d'abondance" et "complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s".Constatant qu'il n'est pas possible <strong>de</strong> calculer <strong>de</strong> manière indiscutable le coût d'un bi<strong>en</strong>ou d'un service, j'ai montré (17) qu'il est <strong>en</strong> revanche possible <strong>de</strong> définir avec précisionle coût d'une décision ou d'un événem<strong>en</strong>t pour un observateur déterminé. L'"observateur" est une <strong>en</strong>tité qui rec<strong>en</strong>se tous les effets, quantitatifs et qualitatifs <strong>de</strong> ladécision ou <strong>de</strong> l'événem<strong>en</strong>t considérés. Ri<strong>en</strong> ne dit qu'il se trouvera <strong>de</strong>ux observateurspour ress<strong>en</strong>tir à l'i<strong>de</strong>ntique une alternative déterminée. L'observateur est une consci<strong>en</strong>celibre.Par contraste, "l'ag<strong>en</strong>t économique", je l'ai dit plus haut, est un déci<strong>de</strong>ur logique <strong>en</strong> ceciqu'il optimise les jugem<strong>en</strong>ts dont il se s<strong>en</strong>t l'objet.Ces jugem<strong>en</strong>ts font partie <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>tsqui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans son appréciation personnelle <strong>en</strong> tant qu'observateur, mais ce ne sont pasles seuls, <strong>en</strong> sorte qu'il peut affirmer sans m<strong>en</strong>tir que sa décision lui déplait, mais lesordres sont les ordres et, que voulez-vous, ce n'est pas moi qui fais les réglem<strong>en</strong>ts.La <strong>de</strong>uxième distinction part <strong>de</strong> la remarque que l'appréciation <strong>de</strong> "complexité" portée suru~e sit~ation r<strong>en</strong>voie à <strong>de</strong>s ~.ifficultés <strong>de</strong> natures bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>tes. Un problème peut être~ec!a:e complexe parce qu Il comporte beaucoup <strong>de</strong> solutions et que les moy<strong>en</strong>s sontlimités pour les explorer toutes.Mais cette épithète est aussi employée pour caractériser57


<strong>de</strong>s problèmes qui n'offr<strong>en</strong>t que peu <strong>de</strong> solutions (nommer Untel ou Untel à un poste-clé)mais où les points <strong>de</strong> vue sur le choix sont divers, antagonistes et puissants.La seule considération d'un "profit" ou <strong>de</strong> la "fonction d'utilité" du déci<strong>de</strong>ur revi<strong>en</strong>t àconfondre observateur et ag<strong>en</strong>t économique, et à négliger la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s pour negar<strong>de</strong>r que la complexité d'abondance.Avec ces restrictions, il est clair que moins ledéci<strong>de</strong>ur a <strong>de</strong> temps, plus la décision est mauvaise à ses yeux.En revanche, si l'on reti<strong>en</strong>t les distinctions précé<strong>de</strong>ntes, il apparaît que l'urg<strong>en</strong>ce peut êtrebénéfique, car si l'on peut admettre qu'<strong>en</strong> général elle nuit à la maîtrise <strong>de</strong> la complexitéd'abondance (<strong>en</strong>core que l'urg<strong>en</strong>ce ait souv<strong>en</strong>t pour effet <strong>de</strong> stimuler les recherches et lescalculs), il est clair qu'elle peut souv<strong>en</strong>t diminuer la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s: le manque <strong>de</strong>temps limite les possibilités <strong>de</strong> discussions et pousse à privilégier <strong>de</strong>s <strong>en</strong>jeux simples,comme on le voit à la limite dans les cas d'union sacrée face à une catastrophe collective.Le cheminem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s choix gouvernem<strong>en</strong>taux tel que le décrit Ph. Roqueplo, peut alorss'analyser schématiquem<strong>en</strong>t comme un traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'abondance grâce à la consultationméthodique <strong>de</strong>s administrations compét<strong>en</strong>tes, conclu par un traitem<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>s ausommet.Dans les <strong>en</strong>treprises, à prés<strong>en</strong>t, la bonne urg<strong>en</strong>ce se manifeste notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxmanières: comme moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce au niveau global, comme moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> protectionau niveau <strong>de</strong>s exécutants. Pour le montrer, imaginons un poste <strong>de</strong> travail parfaitem<strong>en</strong>ttaylorisé, et introduisons <strong>de</strong>s perturbations: pannes, changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ca<strong>de</strong>nce, <strong>de</strong> produitou <strong>de</strong> technique.Trois conséqu<strong>en</strong>ces possibles: ou bi<strong>en</strong> les performances se dégra<strong>de</strong>nt,ou bi<strong>en</strong> l'opérateur se débrouille pour faire face sans dommage, ou bi<strong>en</strong> un nouveaudispositif, technique ou organisationnel, apporte un remè<strong>de</strong> perman<strong>en</strong>t.On voit comm<strong>en</strong>tles changem<strong>en</strong>ts rapi<strong>de</strong>s peuv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> compétition, <strong>en</strong> créant l'urg<strong>en</strong>cechez soi et chez les concurr<strong>en</strong>ts et <strong>en</strong> y faisant face mieux qu'eux.C'est manifestem<strong>en</strong>t lecas pour l'<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> P. Bonarelli.La troisième issue, celle <strong>de</strong> la réponse programmée, est évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t la plusdésirable.C'est à cette catégorie que l'on peut assimiler les systèmes automatisés quis'adapt<strong>en</strong>t aux événem<strong>en</strong>ts, les consignes méthodiques et l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t auxquels onsoumet par exemple les pilotes d'avion.A la limite, l'urg<strong>en</strong>ce disparaît si hommes etsystèmes ont le temps <strong>de</strong> réagir à propos.Mais il est à p<strong>en</strong>ser que c'est la <strong>de</strong>uxième issue, celle <strong>de</strong> la débrouillardise locale, quiprévaut le plus souv<strong>en</strong>t dans l'industrie d'aujourd'hui, car il est rare que les perturbationss'y reproduis<strong>en</strong>t avec une perman<strong>en</strong>ce suffisante pour permettre leur résolutionsystématique. Il <strong>en</strong> résulte que la bonne marche repose <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus sur l'habileté et ledévouem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s opérateurs.C'est notamm<strong>en</strong>t ce qu'ont montré V. Rigal et T. Weil àpropos <strong>de</strong>s pannes (22) et Y. Barraquand et P. Maruani à propos <strong>de</strong> la conduite <strong>de</strong>sinstallations <strong>de</strong> haute technologie (23).Par rapport à l'ouvrier taylorisé, l'opérateur voit alors s'accroître à la fois la complexitéd'abondance et la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> son poste. Sa "zone d'incertitu<strong>de</strong>", au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> lasociologie <strong>de</strong>s organisations (23) s'agrandit. Selon sa qualification, son caractère, lesréseaux <strong>de</strong> relations qu'il a pu nouer, il appréciera <strong>de</strong> manière variée cette nouvellecondition, mais on imagine et on observe d'ailleurs <strong>de</strong> nombreuses circonstances (cf. I.­e. Moisdon (21» où les urg<strong>en</strong>ces protèg<strong>en</strong>t son statut et allèg<strong>en</strong>t, à l'instar d'un ministre,les complexités <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s qu'il affronte.Ces remarques invit<strong>en</strong>t à une réflexion plus générale sur la place <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce dans lagestion <strong>de</strong>s organisations d'aujourd'hui, réflexion sur laquelle je voudrais conclure.autour d'un chef d'État d'aujourd'hui, et on ne saurait dire si le téléphone et la télécopieont atténué ou aggravé le phénomène. De même, dans la vie <strong>de</strong>s affaires, s'il ne fait pas<strong>de</strong> doute que les innovations techniques et commerciales se succè<strong>de</strong>nt à un rythme sansprécé<strong>de</strong>nt, les moy<strong>en</strong>s d'y faire face se multipli<strong>en</strong>t à un rythme comparable.Cela étant, les délais propres à l'esprit humain, délais d'appr<strong>en</strong>tissage, <strong>de</strong> compréh<strong>en</strong>sionet <strong>de</strong> contrôle, n'ont pas beaucoup varié, et il <strong>en</strong> résulte <strong>de</strong>s modifications profon<strong>de</strong>s dansla gestion <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises.En particulier, nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> le voir, la vitesse <strong>de</strong>schangem<strong>en</strong>ts est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue un moy<strong>en</strong> privilégié <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce, comme la vitesse <strong>de</strong> balleau t<strong>en</strong>nis, et l'un <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> réussir <strong>en</strong> la matière est <strong>de</strong> déléguer le maximum <strong>de</strong>responsabilités à ceux qui sont confrontés aux faits élém<strong>en</strong>taires.C'est tout l'opposé <strong>de</strong> l'organisation sci<strong>en</strong>tifique du travail selon Taylor pour laquelle lap<strong>en</strong>sée et l'autorité sont <strong>en</strong> haut et l'action pratique <strong>en</strong> bas. L'heure est à la déc<strong>en</strong>tralisation,la souplesse et la convivialité. Les caractéristiques <strong>de</strong>s individus, leursaspirations et leurs affinités sont prises aujourd'hui <strong>en</strong> gran<strong>de</strong> considération, et tout cela<strong>de</strong>ssine les traits d'un nouvel humanisme qui n'est pas sans charme (cf. mon Essai surl'urg<strong>en</strong>ce (24) : chapitre VI : "L'urg<strong>en</strong>ce et les personnes").Toutefois, ces dynamiques républiques <strong>de</strong> camara<strong>de</strong>s ne sont accessibles qu'à ceux quidispos<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tal<strong>en</strong>ts requis.Les autres, qui s'accommo<strong>de</strong>nt souv<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s tâchesrépétitives et <strong>de</strong>s hiérarchies aujourd'hui vilip<strong>en</strong>dées, ont <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus <strong>de</strong> mal à trouverleur place.Pour repr<strong>en</strong>dre la métaphore du t<strong>en</strong>nis, l'écart <strong>en</strong>tre bons et mauvais joueurss'est creusé. Selon l'expression conv<strong>en</strong>ue, c'est l'économie à <strong>de</strong>ux vitesses, économiecruelle aux plus l<strong>en</strong>ts.Le rythme toujours plus trépidant <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s affaires n'est pas homogène; beaucoupd'organisations march<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core au train <strong>de</strong> sénateur du siècle <strong>de</strong>rnier ou <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>tre-<strong>de</strong>uxguerres.C'est le cas notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s administrations publiques, dont la vie est régie par <strong>de</strong>pesants impératifs réglem<strong>en</strong>taires. La cohabitation <strong>en</strong>tre ces divers régimes <strong>de</strong> vitesse estmalaisée et tourne, là aussi, au désavantage <strong>de</strong>s plus l<strong>en</strong>ts: les hommes d'affaires voi<strong>en</strong>tleur prestige s'améliorer d'année <strong>en</strong> année, tandis que celui <strong>de</strong>s fonctionnaires déclinesymétriquem<strong>en</strong>t.L'image <strong>de</strong> l'Etat se dégra<strong>de</strong> et la gestion <strong>de</strong>s intérêts à long terme dont ilest le garant <strong>en</strong> souffre.Cela étant, ri<strong>en</strong> ne dit que le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires soit à l'abri <strong>de</strong> dérives analogues.S'il n'est pas certain que les responsables d'aujourd'hui sont plus surm<strong>en</strong>és que ceux <strong>de</strong>jadis, il y a une différ<strong>en</strong>ce importante: au temps <strong>de</strong>s innovations peu fréqu<strong>en</strong>tes, les milleproblèmes qu'ils réglai<strong>en</strong>t chaque jour changeai<strong>en</strong>t peu <strong>de</strong> libellé, <strong>de</strong> sorte qu'ilss'instruisai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs succès et <strong>de</strong> leurs erreurs, et <strong>de</strong>s doctrines pouvai<strong>en</strong>t servirdurablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> fil conducteur à leurs choix. De nos jours, on n'ose plus guère parler <strong>de</strong>planification, <strong>en</strong>core un peu <strong>de</strong> choix stratégiques, mais sans gran<strong>de</strong> conviction.Unpragmatisme au jour le jour, excusé par l'urg<strong>en</strong>ce, risque <strong>de</strong> nuire aux réflexions sur lemoy<strong>en</strong> et le long terme.Les urg<strong>en</strong>ces d'aujourd'hui sont donc plus dangereuses que celles d'hier, conclusion quidésigne une urg<strong>en</strong>ce particulière: celle <strong>de</strong> réfléchir à ce phénomène. Les recherches, dansce domaine, se heurt<strong>en</strong>t aux difficultés que connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> les chercheurs <strong>en</strong> gestion, àsavoir allier une implication suffisante dans l'action pour observer les faits à undétachem<strong>en</strong>t méthodologique suffisant pour les analyser objectivem<strong>en</strong>t, difficultésaggravées, comme je l'ai noté au début, par la nature même <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce.Mais il faut au préalable que l'urg<strong>en</strong>ce soit considérée comme un objet <strong>de</strong> rechercheacceptable, un aspect normal <strong>de</strong> toute gestion. C'est ce <strong>de</strong>rnier objectif que le prés<strong>en</strong>tarticle a pour objet <strong>de</strong> servir.6. L'URGENCE AUJOURD'HUIBi<strong>en</strong> que tout aille <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus vite, il n'est pas certain, comme je l'ai dit au début, quel'urg<strong>en</strong>ce sévisse <strong>de</strong> nos jours avec une plus gran<strong>de</strong> virul<strong>en</strong>ce que dans les époquesantérieures. Autour du Roi-Soleil, la fébrilité était sans doute analogue à celle qui règne.5859


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L'exercice me permettra <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> vous poser quelquesquestions.L'histoire que je vais raconter se passe dans une unité d'une tr<strong>en</strong>taine <strong>de</strong> personnes, quiapparti<strong>en</strong>t à un grand groupe français du secteur <strong>de</strong> l'électronique. Cette unité met <strong>en</strong> oeuvrece qu'on a coutume d'appeler <strong>de</strong>s hautes technologies et fabrique <strong>de</strong>s composantsoptoélectroniques, utilisés à l'heure actuelle pour les transmissions sur fibres optiques.Plusieurs caractéristiques sur le contexte industriel <strong>de</strong> cette unité mérit<strong>en</strong>t d'être préciséesavant d'aller plus loin:- la technologie est réc<strong>en</strong>te et les produits pas <strong>en</strong>core complètem<strong>en</strong>t au point;- le procédé <strong>de</strong> fabrication n'est pas maîtrisé, au s<strong>en</strong>s où on ne connaît pas toutes lesrelations causes-effets sur les transformations successives;- les r<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> fabrication sont faibles (<strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong> quelques %) et surtoutaléatoires;- le contrôle sur les produits est ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t final;- la complexité <strong>de</strong>s technologies mises <strong>en</strong> oeuvre induit un morcellem<strong>en</strong>t fort <strong>de</strong>s savoirset savoir-faire. Ces compét<strong>en</strong>ces relèv<strong>en</strong>t d'ailleurs souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'expertise (un seulindividu est spécialiste).Malgré une forte incertitu<strong>de</strong> technique, on v<strong>en</strong>d ces produits parce qu'il existe une forte<strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Le marché est d'ailleurs très dynamique (les produits chang<strong>en</strong>t vite) et concurr<strong>en</strong>tiel(la concurr<strong>en</strong>ce est japonaise, comme pour tous ies composants).Un jour, cette unité s'aperçoit qu'elle ne produit plus. En fait, elle fabrique bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s produits,mais aucun ne satisfait le contrôle <strong>en</strong> final: à la fin <strong>de</strong> la chaîne <strong>de</strong> transformation, il ne sort ri<strong>en</strong>.Cela n'est pas si surpr<strong>en</strong>ant: comme on ne mesure pas tous les paramètres <strong>en</strong> cours <strong>de</strong>fabrication (parce qu'on ne les connaît pas ou parce qu'on ne sait pas comm<strong>en</strong>t les mesurer), ilspeuv<strong>en</strong>t très bi<strong>en</strong> être modifiés par une dérive du process.Ne plus produire est grave... Pour résoudre ce problème, il faut détecter l'<strong>en</strong>droit où le processa dérivé sans qu'on s'<strong>en</strong> aperçoive, et pour cela, il faut tester chaque étape: cela implique <strong>de</strong>m<strong>en</strong>er <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces systématiques sur chaque élém<strong>en</strong>t du procédé <strong>de</strong> fabrication.Ici intervi<strong>en</strong>t l'urg<strong>en</strong>ce: si les ag<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> cette unité ne résolv<strong>en</strong>t pas vite ce problème, l'unité neti<strong>en</strong>dra pas ses <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts vis-à-vis <strong>de</strong>s cli<strong>en</strong>ts. Le directeur a d'ailleurs fixé une limite dans letemps: les ingénieurs ont <strong>en</strong>viron 3 mois pour trouver la solution, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette limite,l'unité ferme et avec elle l'usine <strong>de</strong> montage aval (<strong>en</strong> tout: 100 personnes).La première conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cette situation, c'est un changem<strong>en</strong>t radical <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong>gestion : on voit littéralem<strong>en</strong>t se métamorphoser l'organisation. Ceci est d'autant plusremarquable que changer d'organisation pour résoudre un problème technique est un<strong>en</strong>ouveauté dans la culture "technique" <strong>de</strong>s ingénieurs et technici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> cette unité.Ensuite, <strong>de</strong>ux changem<strong>en</strong>ts importants ont lieu:- on a tout à coup une int<strong>en</strong>se activité collective pour résoudre le problème dans le tempsqui est imparti. Les ingénieurs et les spécialistes s'aperçoiv<strong>en</strong>t que la mise <strong>en</strong> commun<strong>de</strong>s savoirs et le partage <strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces sont <strong>de</strong>ux élém<strong>en</strong>ts clés du succès.- le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t très différ<strong>en</strong>t: il reflète bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>ux valeurs importantes <strong>de</strong>s<strong>en</strong>treprises "excell<strong>en</strong>tes" qui n'étai<strong>en</strong>t pas du tout celles <strong>de</strong> l'unité, réactivité et flexibilité.Il ya un suivi <strong>en</strong> temps réel <strong>de</strong>s actions techniques et <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> matière. Le résultat estune amélioration tout à fait s<strong>en</strong>sible <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong> fabrication (par exemple lesdurées <strong>de</strong> fabrication diminu<strong>en</strong>t considérablem<strong>en</strong>t).61


Finalem<strong>en</strong>t, la solution est trouvée et l'unité recomm<strong>en</strong>ce, heureusem<strong>en</strong>t, à produire.J'ai appelé cette situation une situation <strong>de</strong> crise, parce que toutes les référ<strong>en</strong>ces sur le"comm<strong>en</strong>t on fabrique" sont périmées, éliminées, et qu'on <strong>en</strong> cherche <strong>de</strong> nouvelles. Dans cecadre, la dim<strong>en</strong>sion temporelle joue un grand rôle: <strong>de</strong> combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps dispose-t-on pourretrouver le savoir-faire perdu?On voit bi<strong>en</strong> sur ce cas les bi<strong>en</strong>faits <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce:C'est efficace: on a résolu le problème.L'urg<strong>en</strong>ce a effectivem<strong>en</strong>t limité la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s: l'interprétation <strong>de</strong> la situation esti<strong>de</strong>ntique pour tous, les logiques locaies antagonistes s'am<strong>en</strong>uis<strong>en</strong>t, les individus ne seconfront<strong>en</strong>t pas mais se complèt<strong>en</strong>t.Par contre, la complexité d'abondance n'a pas du tout été réduite (ce qui est <strong>en</strong> léger décalageavec votre article) : on n'a pas pris <strong>en</strong> compte moins <strong>de</strong> solutions, mais on s'est organisé pour yfaire face.Enfin, l'urg<strong>en</strong>ce a permis <strong>de</strong> décl<strong>en</strong>cher une dynamique <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t très rapi<strong>de</strong>, ce qui est,à mon avis, bénéfique.Les bi<strong>en</strong>faits ne doiv<strong>en</strong>t toutefois pas faire oublier les méfaits :• l'urg<strong>en</strong>ce met complètem<strong>en</strong>t à l'écart la réflexion à long terme:• <strong>de</strong> plus, l'urg<strong>en</strong>ce impose un cadre <strong>de</strong> réflexion simpliste et extrêmem<strong>en</strong>t rigi<strong>de</strong>.Dans le cas que j'ai étudié, on voit que le processus <strong>de</strong> mise à l'épreuve sur la façon <strong>de</strong>fabriquer effectué par les ingénieurs est très riche. Il révèle une gran<strong>de</strong> quantité d'informations,dans ce cadre, techniques, mais ces informations ne sont pas utiles à l'objectif simpliste qui aété fixé: retrouver un savoir-faire. Par conséqu<strong>en</strong>t, on les élimine, parce qu'on n'a pas le temps<strong>de</strong> s'y attar<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> les interpréter.• <strong>en</strong>fin, un autre méfait <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce, surtout dans un cas <strong>de</strong> mobilisation collective, estincarné par le stress, l'impact sur le bi<strong>en</strong>-être moral <strong>de</strong>s individus. Certains ingénieurs étai<strong>en</strong>tprofondém<strong>en</strong>t remis <strong>en</strong> cause dans leur métier, p-arfois déprimés, parce qu'ils ne compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>tpas le problème auquel ils étai<strong>en</strong>t confrontés et que le temps était compté pour compr<strong>en</strong>dre etagir.:ravaiile sous i'effet <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce. Mais vous avez tout à fait raison la complexité d'abonaanc<strong>en</strong>'est pas aiminuée.:1 y a un oroblème ae métho<strong>de</strong>: ii faut une intégration forte dans les milieux étudiés. C'estabsolum<strong>en</strong>t vrai. et <strong>en</strong>core beaucoup pIUS vrai que aans toutes les autres recherches <strong>en</strong>gestion. Il faut être là auand ca se passe, parce que, après l'événem<strong>en</strong>t, les g<strong>en</strong>s racont<strong>en</strong>ttoute sortes ae contes <strong>de</strong> fées. Sur les horreurs qu'ils ont dû affromer, sur leurs mérites face àces périls. et sur la rare intellig<strong>en</strong>ce aes scrutions qu'ils ont adoptées. C'est bi<strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nt. C'esttoujours apcioqéticue, la gestion, alors <strong>en</strong> cas d'urg<strong>en</strong>ce, ça atteint véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ssommets.A cet égara, d'ailleurs, les chercheurs <strong>en</strong> gestion <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t s'intéresser davantage à l'art <strong>de</strong> laguerre. Je dois dire aue j'ai été absolum<strong>en</strong>t bouieversé par la iecture <strong>de</strong> La guerre <strong>de</strong>Clausewitz. Avant <strong>de</strong> lire ce truc-là j'imaginais que j'allais trouver un manuel prussi<strong>en</strong> <strong>de</strong>discipline. eh bi<strong>en</strong> pas du tout, c'est un livre fascinant, parce que Clausewitz dit qu'un généraine voit ri<strong>en</strong>, ne compr<strong>en</strong>d ri<strong>en</strong>, ne salt pas, est continuellem<strong>en</strong>t, soit dans un insondable <strong>en</strong>nuioù il ne se passe ri<strong>en</strong>, soit dans une urg<strong>en</strong>ce infernaie où il se passe quelque chose. Et quandil se passe quelque chose, il ne sait pas ce qui se passe! Donc il se débrouille. C'est tout à faitremarquable. On <strong>de</strong>vrait relire ces choses-là, parce que, après tout, c'est l'activité organisée laplus anci<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t étudiée qui soit, la guerre! A la limite, gérée par l'urg<strong>en</strong>ce. On <strong>en</strong> a parlé,au <strong>de</strong>rnier séminaire Vie <strong>de</strong>s Affaires '.C'est pas facile <strong>de</strong> faire croire à ses coilaborateurs qu'il y a urg<strong>en</strong>ce, quand on ne peut pas leur<strong>en</strong> donner <strong>de</strong>s preuves. A cet égard, la taille d'une <strong>en</strong>treprise joue un rôle très important. Dansune <strong>en</strong>tité suffisamm<strong>en</strong>t petite pour eue tout le mon<strong>de</strong> soit à l'extérieur, ce n'est pas la peine<strong>de</strong> raconter <strong>de</strong>s crasses. Leur dire 'le cii<strong>en</strong>t nous lâche si...", il faut que ce soit vrai. Ou crédible,au moins. En revanche, dans les mammouths institutionnels, l'urg<strong>en</strong>ce peut être un construitsocial. Les g<strong>en</strong>s orn <strong>de</strong>s notions un peu vagues sur ce qui se passe à côté d'eux, dans d'autres<strong>en</strong>ceintes, et un manager habile peut se débrouiller pour faire croire à tout le mon<strong>de</strong> qu'il y aune urg<strong>en</strong>ce commune, sans que les g<strong>en</strong>s puiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> vérifier. C'est d'ailleurs extrêmem<strong>en</strong>tfréqu<strong>en</strong>t dans l'administration, où on affiche <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers délais: "si vous n'avez pas remplij'état machin avant telle date, vous n'aurez pas un rond sur le prochain budget". Et chacun s'estpris une marge copieuse pour pouvoir faire face à d'autres imprévus. Donc, <strong>en</strong> effet, c'est unpuissant moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> gestion. Voilà ce que m'inspire votre interv<strong>en</strong>tion.Il me reste à vous poser <strong>de</strong>ux questions :1. Si l'urg<strong>en</strong>ce n'a pas été prise <strong>en</strong> compte dans la gestion, est-ce que ça n'est pas aussi pourun problème <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>? Les <strong>de</strong>ux cas que vous pr<strong>en</strong>ez <strong>en</strong> exemple sont clairem<strong>en</strong>t liés àune intégration forte dans le milieu étudié. Les situations d'urg<strong>en</strong>ce ont ceci <strong>de</strong> particulierqu'elles nécessit<strong>en</strong>t d'être observées <strong>en</strong> temps réel : tout récit par les acteurs qui les ontvécues induit obligatoirem<strong>en</strong>t une part <strong>de</strong> rationalisation a posteriori.2. Est-ce qu'on ne peut pas, à la limite, gérer par l'urg<strong>en</strong>ce? En recréant <strong>de</strong>s conditionsartificielles d'urg<strong>en</strong>ce, ou <strong>en</strong> les exacerbant, on peut peut-être att<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s individusimpliqués <strong>de</strong>s réactions forcém<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tes et même souv<strong>en</strong>t plus efficaces.Réponse <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Riveline â Francoise CharbitJe peux peut-être réagir vite, car je trouve votre témoignage extrêmem<strong>en</strong>t intéressant.Vous avez cru percevoir une contradiction, et il n'y<strong>en</strong> a pas. Je n'ai jamais dit que la complexitéd'abondance était réduite par l'urg<strong>en</strong>ce. J'ai dit qu'elle était mieux maîtrisée grâce à l'urg<strong>en</strong>ce.Vous avez cru iire cela dans mon papier.. J'ai dû m'exprimer avec manque <strong>de</strong> clarté, parce quece que j'ai cru dire. c'est que la complexité d'abondance n'est pas atteinte dans son cont<strong>en</strong>u,mais que, tout simplem<strong>en</strong>t quand on est pressé, on travaille davantage et que par conséqu<strong>en</strong>til y a un certain équilibre qui s'installe <strong>en</strong>tre le manque <strong>de</strong> temps et la rapidité avec laquelle on6263


V. LA FORMULATION DES PROBLEMES STRATEGIQUESHervé LAROCHE<strong>Ecole</strong> Supérieure <strong>de</strong> Commerce <strong>de</strong> ParisRapporteurs :Marie-José AVENIER, GRASCEErhard FRIEDBERG, CSOSéance du 10 Janvier 19916465


"(...) nous <strong>de</strong>vrions regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus près comm<strong>en</strong>t les managers cré<strong>en</strong>teux- mêmes les problèmes et les opportunités qui se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à eux, etport<strong>en</strong>t ainsi la responsabilité <strong>de</strong> ce à quoi ils sont confrontés (...)."(WEICK, 1983, p.242)Les problèmes dans les organisations ont donné lieu à bi<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> recherchesspécifiques. Bi<strong>en</strong> plus, à <strong>de</strong> rares exceptions près, les recherches qui aurai<strong>en</strong>t pu s'yintéresser, comme les recherches sur les processus <strong>de</strong> décision, n'<strong>en</strong> ont fait qu'unélém<strong>en</strong>t très marginal <strong>de</strong> leur problématique. Ce papier s'intéresse plus spécifiquem<strong>en</strong>t àla formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques. Il explore les processus par lesquels lesorganisations détect<strong>en</strong>t, reconnaiss<strong>en</strong>t, construis<strong>en</strong>t, se pos<strong>en</strong>t leurs problèmesstratégiques - et tout aussi bi<strong>en</strong> les processus par lesquels elles ignor<strong>en</strong>t, refus<strong>en</strong>t,oubli<strong>en</strong>t leurs problèmes stratégiques.Un bref aperçu <strong>de</strong>s perspectives théoriques sur la décision et les problèmes stratégiquespermettra <strong>de</strong> préciser notre problématique. On exposera <strong>en</strong>suite les résultats d'unerecherche conduite dans une <strong>en</strong>treprise sur une pério<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>viron dix-huit mois. On ferale récit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s problèmes stratégiques qu'on a trouvés dans cette <strong>en</strong>treprise durantcette pério<strong>de</strong>. Puis on proposera un cadre d'analyse, un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> concepts quir<strong>en</strong><strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> ces processus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques. On avancera<strong>en</strong>fin quelques hypothèses sur l'importance <strong>de</strong> ces processus dans la formation <strong>de</strong>sstratégies11.1. PERSPECTIVES SUR LA DECISION ET LES PROBLEMESSTRATEGIQUES.Les approches "classiques" <strong>de</strong> la décision ne s'intéress<strong>en</strong>t aux problèmes que pour se<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r soit comm<strong>en</strong>t les résoudre, soit comm<strong>en</strong>t ils ont été résolus. Une premièreperspective, intrinsèquem<strong>en</strong>t prescriptive et rationalisatrice, adopte le point <strong>de</strong> vue du"déci<strong>de</strong>ur". Celui-ci est confronté à un problème qu'il s'agit <strong>de</strong> résoudre: il faut le fairedisparaître <strong>en</strong> lui associant une solution. La métho<strong>de</strong> rationnelle est généralem<strong>en</strong>tproposée comme gui<strong>de</strong> pour cette opération. Dans cette perspective, les problèmes sont<strong>de</strong>s <strong>en</strong>sembles <strong>de</strong> stimuli décodés, <strong>de</strong> faits collectés dans l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t, rapportés à<strong>de</strong>s objectifs, <strong>de</strong>s normes, <strong>de</strong>s contraintes. Les problèmes donn<strong>en</strong>t lieu à <strong>de</strong>s diagnostics,qui <strong>en</strong> établiss<strong>en</strong>t la nature exacte. La formulation du problème est la phase initiale duprocessus <strong>de</strong> décision. C'est ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t une phase <strong>de</strong> collecte et <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>l'information. Le bon dirigeant est c<strong>en</strong>sé se livrer spontaném<strong>en</strong>t à une activité <strong>de</strong>recherche <strong>de</strong> problèmes. Il peut être aidé <strong>en</strong> cela par <strong>de</strong>s systèmes d'information, <strong>de</strong>planification, etc. Dans le domaine stratégique, "l'école du <strong>de</strong>sign" <strong>de</strong> HARVARDreprés<strong>en</strong>te bi<strong>en</strong> cette perspective. Elle est aujourd'hui perpétuée par nombre <strong>de</strong>s outils etdémarches <strong>de</strong> la stratégie, tels qu'ils sont prés<strong>en</strong>tés dans les manuels.Cette approche <strong>de</strong> la décision a été abondamm<strong>en</strong>t critiquée. De nombreux travauxempiriques ont été réalisés, et <strong>de</strong>s théories ont été construites, pour proposer <strong>de</strong>s<strong>de</strong>scriptions plus réalistes <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision dans les organisations. Une secon<strong>de</strong>perspective s'<strong>en</strong> dégage, qui met <strong>en</strong> avant, pour l'ess<strong>en</strong>tiel, <strong>de</strong>s processusorganisationnels et politiques (ALLISON, 1971), ou "politico-comportern<strong>en</strong>taux"(QUINN, 1980). Parmi les travaux représ<strong>en</strong>tatifs <strong>de</strong> cette secon<strong>de</strong> perspective, citonsLINDBLOM (1959), CYERT & MARCH (1963), CARTER (1971), MINTZBERG,RAISINGHANI, & THEORET (1976), HICKS ON & alii (1986).Que <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les problèmes dans cette secon<strong>de</strong> perspective? Ils disparaiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>tdans l'origine parfois obscure du processus. Les problèmes se trouv<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t réduits àIl Ce papier est un résumé d'une recherche disponible sous la référ<strong>en</strong>ce suivante: Hervé LAROCHE, Laformulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques: ag<strong>en</strong>da stratégique et i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, Thèse <strong>de</strong> Doctorat <strong>en</strong>Sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> <strong>Gestion</strong>, HEC, 1991.66<strong>de</strong> simples "stimuli" dans les conceptions behavioristes <strong>de</strong> la décision, ou bi<strong>en</strong> à <strong>de</strong>s"<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s" dans les conceptions politiques.Notons cep<strong>en</strong>dant les contributions spécifiques <strong>de</strong> POUNDS (1969) et <strong>de</strong> LYLES(1981). POUNDS constate que les problèmes naiss<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux sources:les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s adressées aux managers, et l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s managers (les comparaisonsque font les managers <strong>en</strong>tre la situation existante et les situations passées). Il souligne lefaible rôle <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> planification, et <strong>de</strong> manière générale, déplore le simplisme <strong>de</strong>sdémarches <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong>s problèmes.Plus récemm<strong>en</strong>t, LYLES (1981) a proposé un modèle <strong>de</strong> la "formulation <strong>de</strong>s problèmesstratégiques" à partir d'une étu<strong>de</strong> empirique <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te-trois cas. Il s'agit ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>td'un processus politique qui implique les acteurs dans un certain nombre <strong>de</strong> cycles <strong>de</strong>prise <strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong> collecte d'information, et <strong>de</strong> confrontation, jusqu'à une résolutionqui marque le début <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> solutions.Les travaux <strong>de</strong> cette secon<strong>de</strong> perspective affirm<strong>en</strong>t que les processus <strong>de</strong> décisions'écart<strong>en</strong>t du modèle rationnel, qu'ils ont un impact sur la substance <strong>de</strong>s choix, et queleur maîtrise est difficile. En cela, ils s'oppos<strong>en</strong>t à la première perspective. Mais les <strong>de</strong>uxperspectives sont inspirées par la même conception fondam<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> la décision dans lesorganisations. Elles considèr<strong>en</strong>t le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'organisation comme lajuxtaposition et la succession d'activités <strong>de</strong> décision, ori<strong>en</strong>tées vers la production <strong>de</strong>choix, vers l'attribution <strong>de</strong> solutions à <strong>de</strong>s problèmes; les activités <strong>de</strong>s acteurs sont vuescomme <strong>de</strong>s "contributions" à la formation <strong>de</strong>s choix.Cette vision est à son tour dénoncée par certains auteurs (MARCH, 1981, 1988 ; SFEZ,1981 ; STARBUCK, 1983). Le fameux "modèle <strong>de</strong> la poubelle" (COHEN, MARCH &OLSEN, 1972) donne par exemple une vision éclatée <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision: leschoix advi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus qu'ils ne sont construits.Une troisième perspective peut alors être i<strong>de</strong>ntifiée sous l'étiquette "la décision commeaction". Elle rev<strong>en</strong>dique ou au moins admet que l'action dans les organisations débor<strong>de</strong>largem<strong>en</strong>t le cadre <strong>de</strong>s activités décisionnelles. Les processus sont susceptiblesd'échapper largem<strong>en</strong>t aux acteurs, dans la mesure où les acteurs ne conçoiv<strong>en</strong>t pasnécessairem<strong>en</strong>t leur action dans le cadre <strong>de</strong> processus <strong>de</strong> décision et <strong>en</strong> fonction durésultat att<strong>en</strong>du <strong>de</strong> ce processus.Ces débats sur la décision ont rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t atteint le champ <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s stratégies.Dans une controverse les opposant à PETTIGREW et à BUTLER, MINTZBERG &WATERS souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t que la formation <strong>de</strong>s stratégies ne peut être interprétée <strong>en</strong> termes <strong>de</strong>décisions, dans la mesure où les actions sont au moins partiellem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dantes <strong>de</strong>sdécisions (MINTZBERG & WATERS, PETTIGREW, BUTLER, 1990). Ce n'est quedans le contexte particulier <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> type "bureaucratie mécaniste"(MINTZBERG, 1979) que les décisions sont vraim<strong>en</strong>t repérables, et conduis<strong>en</strong>t l'action.Dans le domaine stratégique, on constate que nombre d'auteurs accept<strong>en</strong>t une perspective<strong>de</strong> type "action", mais <strong>de</strong> manière moins drastique que MARCH ou STARBUCK. Citonsles travaux <strong>de</strong> HUFF (1982), DONALDSON & LORSCH (1983), HALL (1984),PRAHALAD & BETTIS (1986), ou JOHNSON (1987 et 1988). Derrière la diversité <strong>de</strong>scadres théoriques, <strong>de</strong>s concepts utilisés, <strong>de</strong>s méthodologies, ces auteurs sembl<strong>en</strong>tpartager <strong>de</strong>ux idées maîtresses:1. dans toute organisation, une structure cognitive c<strong>en</strong>tralel-, relativem<strong>en</strong>t stable, génère<strong>de</strong>s processus d'action stratégique converg<strong>en</strong>ts ; cette structure cognitive garantit àl'organisation une forte stabilité, tout <strong>en</strong> lui permettant une certaine capacité d'adaptationou au moins un certain <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t ;12 Les dénominations vari<strong>en</strong>t : croyances, cadre stratégique, logique dominante, cartes causales,paradigme..,67


2. lorsque cette structure cognitive est remise <strong>en</strong> cause, un changem<strong>en</strong>t profond et brutalse produit; à d'assez longues pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> stabilité relative succè<strong>de</strong>nt donc <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s<strong>de</strong> bouleversem<strong>en</strong>t, brèves mais int<strong>en</strong>ses.Dès lors, le comportem<strong>en</strong>t "normal" <strong>de</strong>s organisations est un développem<strong>en</strong>t incrém<strong>en</strong>taI.Les actions stratégiques s'ajout<strong>en</strong>t aux actions stratégiques précé<strong>de</strong>ntes, à l'<strong>en</strong>sembleplus ou moins bi<strong>en</strong> consolidé <strong>de</strong>s actions stratégiques passées. L'organisation est dotéed'une dynamique constante, d'un élan ("mom<strong>en</strong>tum", MILLER & FRIESEN, 1980),dont le moteur est cette structure cognitive c<strong>en</strong>trale et relativem<strong>en</strong>t stable, qui inspire lesactions stratégiques.Cep<strong>en</strong>dant, la dynamique induite par la structure cognitive n'est pas nécessairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>phase avec l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. Cela dép<strong>en</strong>d <strong>en</strong> fait <strong>de</strong> la "qualité" <strong>de</strong> la structure cognitivec<strong>en</strong>trale. Elle peut pêcher par sursimplification, par imprécision, par superstition, ou pardésuétu<strong>de</strong>. Il est donc probable que se produis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s ratés ou <strong>de</strong>s actions inadéquates.L'accumulation <strong>de</strong>s difficultés, la répétition <strong>de</strong>s échecs, ou l'apparition d'un problèmegrave (catégorisé comme "crise") provoqu<strong>en</strong>t la remise <strong>en</strong> question <strong>de</strong> la structurecognitive c<strong>en</strong>trale, qui implique la remise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong> ceux qui la port<strong>en</strong>t et la mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>oeuvre. Cela peut am<strong>en</strong>er une redistribution du pouvoir, un changem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dirigeants et,corrélativem<strong>en</strong>t, un changem<strong>en</strong>t drastique <strong>de</strong> nombre <strong>de</strong> variables organisationnelles.C'est, selon l'expression <strong>de</strong> J.P. NIOCHE, le "grand jeu", par lequel se redéfiniss<strong>en</strong>t lanature du jeu stratégique, la règle du jeu interne et externe, et la liste <strong>de</strong>s joueurs(ANASTASSOPOULOS, BLANC, NIOCHE ET RAMANANTSOA, 1985).En plaçant les processus cognitifs au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> sa problématique, cette troisièmeperspective fait un li<strong>en</strong> direct <strong>en</strong>tre l'analyse <strong>de</strong>s processus et les approches <strong>de</strong>sorganisations <strong>en</strong> terme <strong>de</strong> culture ou d'i<strong>de</strong>ntité, approches plus statiques par nature. Lastructure cognitive c<strong>en</strong>trale est <strong>en</strong> effet un élém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la culture ou <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité d'uneorganisationl-'. On peut rapprocher cette vision <strong>de</strong> l'organisation <strong>de</strong> la notion d'i<strong>de</strong>ntitédéveloppée par LARÇON & REITTER (1979) (voir aussi REITTER &RAMANANTSOA (198.5), et STRATEGOR (1988)), qui met <strong>en</strong> relation <strong>de</strong>sproductions symboliques (structure sociale informelle, histoire, mythes, etc) et unimaginaire organisationnel avec un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> facteurs politiques et structurels.L'élargissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la décision stratégique à l'action stratégique modifie considérablem<strong>en</strong>tle rôle supposé <strong>de</strong>s problèmes stratégiques. Ceux-ci ne sont plus comme dans la premièreperspective, <strong>de</strong>s stimuli décodés <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>s faits collectés et analysés <strong>en</strong>regard <strong>de</strong> normes ou d'objectifs à atteindre, et donnant lieu à un diagnostic qui<strong>en</strong>cl<strong>en</strong>chera un processus séqu<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> résolution, se terminant par l'adoption d'unesolution qui éteint le problème. Ce ne sont plus seulem<strong>en</strong>t, comme dans la secon<strong>de</strong>perspective, les sources plus ou moins obscures d'une activité bureaucratique oupolitique égalem<strong>en</strong>t ori<strong>en</strong>tée vers leur extinction. La troisième perspective redonne auxproblèmes une place <strong>de</strong> choix dans l'organisation, mais une place différ<strong>en</strong>te. Lesproblèmes <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t intéressants <strong>en</strong> eux-mêmes, non plus <strong>en</strong> raison <strong>de</strong> leur futurerésolution, c'est-à-dire <strong>de</strong> leur extinction.Cette perspective a-t-elle généré <strong>de</strong>s travaux portant spécifiquem<strong>en</strong>t sur les problèmesstratégiques et leur formulation 7 La contribution la plus marquante est celle <strong>de</strong> JaneDUTTON (1988)14. DUTTON emprunte à la Sci<strong>en</strong>ce Politique le concept d'ag<strong>en</strong>dal t etdéveloppe un modèle reposant sur la conjonction <strong>de</strong> processus politiques et <strong>de</strong> processuscognitifs. Les acteurs pouss<strong>en</strong>t certaines "questions" ou " controverses" ("issues") sur1.3 Cela est explicite chez certains auteurs, et notamm<strong>en</strong>t chez JOHNSON (1987),14 Voir égalem<strong>en</strong>t: DUTION, FAHEY, & NARA YANAN (J 98.3) ; DUITON (J 986) ; DUnON &DUNCAN (J 987a et 1987b) ; DUITON & JACKSON (J 987) ; JACKSON & DUTTON (J 988).15 On trouve dans PADIOLEAU (1982) une synthèse <strong>de</strong> la littérature sur l'ag<strong>en</strong>da politique ainsi qu'uneutilisation du concept dans le domaine public français" L'ag<strong>en</strong>da politique est défini par PADIOLEAUcomme "l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s problèmes perçus comme appelant un débat public, voire l'interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>sautorités politiques légitimes", Pour une recherche <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ampleur sur l'ag<strong>en</strong>da politique, voirKINGDON (J 984)68l'ag<strong>en</strong>da. Mais ces questions s'impos<strong>en</strong>t elles-mêmes à l'att<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s acteurs, avec plusou moins <strong>de</strong> force selon leurs caractéristiques propres (notamm<strong>en</strong>t par rapport à lastratégie suivie par l'organisation). La culture <strong>de</strong> l'organisation est un élém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>contexte, qui influ<strong>en</strong>ce l'év<strong>en</strong>tail <strong>de</strong>s questions stratégiques <strong>en</strong>visageables parl'organisation.Le modèle <strong>de</strong> DUTTON n'a cep<strong>en</strong>dant pas été validé empiriquem<strong>en</strong>t. L'étu<strong>de</strong> <strong>en</strong>profon<strong>de</strong>ur, dans une organisation, <strong>de</strong> ces processus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s problèmesstratégiques et <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da, va nous permettre <strong>de</strong> constater la complexité<strong>de</strong> ces phénomènes, et <strong>en</strong> même temps, <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre la mesure <strong>de</strong> leur richesse. Elle nousconduira à proposer un cadre d'analyse qui, bi<strong>en</strong> que repr<strong>en</strong>ant la notion d'ag<strong>en</strong>da,s'écarte s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t du modèle <strong>de</strong> la Sci<strong>en</strong>ce Politique et <strong>de</strong> ses dérivés.2. L'ETUDE EMPIRIQUE.2.1. METHODOLOGIEL'étu<strong>de</strong> s'est déroulée dans une <strong>en</strong>treprise du secteur parapétrolier, qu'on appelera laCSP. Le coeur <strong>de</strong> la démarche a consisté à interviewer régulièrem<strong>en</strong>t (tous les quatremois à peu près) les dirigeants <strong>de</strong> cette <strong>en</strong>treprise (soit six personnes). La question <strong>de</strong>départ était généralem<strong>en</strong>t : "quels sont selon vous les problèmes qui concern<strong>en</strong>tactuellem<strong>en</strong>t la CSP 7". Une secon<strong>de</strong> question était: "quels sont les problèmes qui vousconcern<strong>en</strong>t, vous-même, actuellem<strong>en</strong>t 7"Chacune <strong>de</strong>s phases d'interviews a donc produit une série datée <strong>de</strong> "photos" <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>dadécisionnel et <strong>de</strong>s problèmes, prises selon les points <strong>de</strong> vue différ<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s participants.Quatre séries ont été réalisées, permettant d'observer les mouvem<strong>en</strong>ts sur l'ag<strong>en</strong>dadécisionnel et les évolutions <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong>s problèmes, un peu à la manière d'uneétu<strong>de</strong> stroboscopique du mouvem<strong>en</strong>t. L'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s données recueillies a ainsi unedim<strong>en</strong>sion synchronique et une dim<strong>en</strong>sion diachronique.En fait, les interviews couvrai<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t les pério<strong>de</strong>s écoulées <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux phasessuccessives, <strong>de</strong> manière à ne pas laisser échapper <strong>de</strong>s "évènem<strong>en</strong>ts" ponctuels surv<strong>en</strong>ussur l'ag<strong>en</strong>da. Il s'agissait donc parfois plus d'un "léger différé" que d'un réel "direct".Les problèmes ayant <strong>de</strong>s rythmes d'évolution très différ<strong>en</strong>ts, on a donc eu <strong>de</strong>sreconstitutions rétrospectives (mais interv<strong>en</strong>ant dans un délai bref), et égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>srecueils <strong>de</strong> données "à chaud".La méthodologie employée ici découle d'une stratégie <strong>de</strong> recherche visant às'accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la complexité, et non à la réduire. En cela elle est similaire à celledéfinie par MINTZBERG (1979) ou suivie par JOHNSON (1987). Cette stratégiecomporte <strong>de</strong>s limites, découlant <strong>de</strong> ce choix initial.La première limite provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la focalisation sur une seule organisation. Il est évi<strong>de</strong>nt quecette organisation n'est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> quoi que ce soit. Il est même clair, aucontraire, qu'elle constitue par <strong>de</strong> très nombreux aspects une exception, un cas limite,une bizarrerie. Ce caractère exceptionnel <strong>de</strong> l'organisation n'a pas été ignoré ouminimisé, au contraire: on a cherché à s'<strong>en</strong> servir, pour observer <strong>de</strong>s phénomènes qui,du fait <strong>de</strong> ce caractère spécial, apparaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> pleine lumière, alors qu'ils jou<strong>en</strong>tprobablem<strong>en</strong>t un rôle plus discret, donc plus obscur, dans d'autres cas.Une <strong>de</strong>uxième limitation est le p<strong>en</strong>dant temporel <strong>de</strong> la première: nous avons étudié unprocessus particulièrem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dant du mom<strong>en</strong>t et du flux temporel. La pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>l'étu<strong>de</strong> a été choisie <strong>de</strong> manière arbitraire. Ri<strong>en</strong> n'indique qu'elle soit représ<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> cequi se passe <strong>en</strong> général dans cette organisation, pour autant que cette idée <strong>de</strong> situation"normale" ait un s<strong>en</strong>s lorsqu'on s'intéresse aux problèmes stratégiques. On p<strong>en</strong>se plutôtque certains problèmes peuv<strong>en</strong>t s'inscrire dans (et <strong>en</strong> même temps produire) la continuitéstratégique, tandis que d'autres vont signaler (et pousser à) la "révolution". Enl'occurr<strong>en</strong>ce, c'est l'hypothèse que l'on est t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> faire sur la situation <strong>de</strong> l'organisation69


étudiée. La même attitu<strong>de</strong> que ci-<strong>de</strong>ssus a donc prévalu: on a cherché à exploiter lescaractères spécifiques du mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong>, plutôt que <strong>de</strong> les relativiser.Une troisième limitation provi<strong>en</strong>t du caractère qualitatif et interprétatif <strong>de</strong> la méthodologie,qui repose largem<strong>en</strong>t sur les capacités propres <strong>de</strong> l'observateur. Il faut noter <strong>en</strong> outrequ'il s'agit d'une <strong>en</strong>treprise qui prés<strong>en</strong>te une très nette phobie <strong>de</strong> l'écrit (immédiatem<strong>en</strong>tassimilé à la plus vile bureaucratie). Les interviews constitu<strong>en</strong>t donc l'ess<strong>en</strong>tiel dumatériau recueilli.2.2. L'ORGANISATION ETUDIEELa COMPAGNIE DE SERVICES PARAPETROLIERS (CSP)16 est une <strong>en</strong>treprisecomptant <strong>en</strong>viron 3.500 personnes et réalisant un chiffre d'affaires d'<strong>en</strong>viron 2,5Milliards <strong>de</strong> Francs. Elle a été fondée il y a une soixantaine d'années. Son siège est situé<strong>en</strong> région parisi<strong>en</strong>ne.L'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> son activité (7.5% du C.A.) consiste <strong>en</strong> la réalisation d'étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinéespour une très large proportion à l'exploration pétrolière. Ces étu<strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>nt à localiser etévaluer les réserves <strong>en</strong> hydrocarbures <strong>de</strong> zones terrestres ou maritimes. Depuis unequinzaine d'années, la CSP a égalem<strong>en</strong>t développé une activité industrielle: elle conçoitet fabrique les matériels très spécifiques nécessaires pour la réalisation <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s; lav<strong>en</strong>te <strong>de</strong> ces matériels représ<strong>en</strong>te <strong>en</strong>viron 25% du C.A.* technologie. Les étu<strong>de</strong>s que réalise la CSP utilis<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> technologiesparticulières, qui sont <strong>de</strong>s applications d'un domaine <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la Terre.Cep<strong>en</strong>dant, l'une <strong>de</strong> ces technologies est largem<strong>en</strong>t dominante, les autres répondant à <strong>de</strong>sbesoins spécifiques ou interv<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> complém<strong>en</strong>t. La technologie principale est utiliséesur terre comme sur mer. Sur mer, elle nécessite <strong>de</strong>s navires spécialem<strong>en</strong>t équipés.La réalisation <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s compr<strong>en</strong>d <strong>de</strong>ux phases: 1) le recueil <strong>de</strong>s données, sous formed'un très grand nombre <strong>de</strong> mesures faites directem<strong>en</strong>t sur le terrain exploré; cette phas<strong>en</strong>écessite <strong>de</strong>s matériels spécialisés et, sur terre, une main d'oeuvre assez nombreuse (<strong>de</strong>l'ordre <strong>de</strong> la c<strong>en</strong>taine <strong>de</strong> personnes, dont beaucoup sont <strong>de</strong>s manoeuvres recrutéslocalem<strong>en</strong>t) ; 2) le traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces données, c'est-à-dire leur mise sous forme <strong>de</strong>docum<strong>en</strong>ts directem<strong>en</strong>t interprétables par les spécialistes <strong>de</strong> l'exploration pétrolière(cartes, graphiques...) ; cette phase nécessite aujourd'hui l'emploi <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>sinformatiques extrêmem<strong>en</strong>t puissants (supercalculateurs). Une troisième prestation peutêtre fournie: l'interprétation <strong>de</strong>s données. Mais elle est marginale, n'étant réclamée quepar <strong>de</strong>s utilisateurs occasionnels ou inexpérim<strong>en</strong>tés.* marché. II ya <strong>en</strong>viron un millier <strong>de</strong> cli<strong>en</strong>ts pot<strong>en</strong>tiels, mais <strong>en</strong> pratique, le marché estdominé par quelques gros cli<strong>en</strong>ts, puisque les acheteurs d'étu<strong>de</strong>s sont principalem<strong>en</strong>t lescompagnies pétrolières, et au premier rang les "majors" : EXXON, BP, SHELL,MOBIL, etc, ainsi que les compagnies françaises: ELF et TOTAL. Le marché estmondial : il se confond avec les zones géographiques dans lesquelles on fait <strong>de</strong>l'exploration pétrolière. La CSP est prés<strong>en</strong>te presque partout dans le mon<strong>de</strong>, avectoutefois une implantation particulièrem<strong>en</strong>t forte <strong>en</strong> Europe et <strong>en</strong> Afrique.* concurr<strong>en</strong>ce. La CSP est la seule gran<strong>de</strong> <strong>en</strong>treprise française <strong>de</strong> son secteur. Ses <strong>de</strong>uxconcurr<strong>en</strong>ts principaux sont nord-américains et, comme elle, occup<strong>en</strong>t chacun <strong>en</strong>viron20% du marché. Au sein <strong>de</strong> ce groupe stratégique dominant, il existe <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>termes d'avantages concurr<strong>en</strong>tiels (selon les zones géographiques, les techniques, etc.),mais ces différ<strong>en</strong>ces ne sont pas considérables. Les autres concurr<strong>en</strong>ts (une cinquantaine)sont s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t plus petits, et sont souv<strong>en</strong>t spécialisés géographiquem<strong>en</strong>t.*personnel. La CSP compte une importante proportion <strong>de</strong> cadres: un millier <strong>en</strong>viron sur3500 personnes employées. Un tiers <strong>en</strong>viron du personnel est "prospecteur", c'est-à-direaffecté à la réalisation <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur le terrain, le plus souv<strong>en</strong>t à l'étranger. Pour les"missions", la CSP utilise temporairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la main d'oeuvre locale peu qualifiée.* actionnariat. La CSP a pour actionnaires principaux, à parts égales, les <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>scompagnies pétrolières françaises. Depuis quelques années, elle est cotée <strong>en</strong> Bourse.* structure. La CSP est organisée <strong>en</strong> quatre gran<strong>de</strong>s Directions; <strong>de</strong>ux opérationnelles:Exploitation (Services Parapétroliers) et Exploitation (Matériels et Ingénierie) ; et <strong>de</strong>uxfonctionnelles : Innovation, <strong>Recherche</strong> & Industrialisation, et Administration etDéveloppem<strong>en</strong>t. Chacune a à sa tête un Directeur Général Adjoint.La Direction <strong>de</strong>s Services regroupe tous les moy<strong>en</strong>s nécessaires pour assurer la v<strong>en</strong>te etla réalisation <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. La Direction du Matériel est constituée <strong>de</strong> filiales qui conçoiv<strong>en</strong>t,fabriqu<strong>en</strong>t et commercialis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s matériels électroniques et électromécaniques décritsplus haut. Les filiales sont implantées <strong>en</strong> province.* dirigeants. La Direction Générale est <strong>en</strong> principe constituée <strong>de</strong> cinq personnes, le PDGet les quatre Directeurs Généraux Adjoints qui sont à la tête <strong>de</strong>s quatre gran<strong>de</strong>sDirections. En fait, le Comité <strong>de</strong> Direction Générale compr<strong>en</strong>d égalem<strong>en</strong>t le DirecteurFinancier (<strong>en</strong> principe sous l'autorité du DGA, Administration; mais <strong>en</strong> pratique rattachédirectem<strong>en</strong>t au PDG). Quatre <strong>de</strong> ces dirigeants sont polytechnici<strong>en</strong>s, le PDG appart<strong>en</strong>ant<strong>en</strong> outre au Corps <strong>de</strong>s Mines. Tous ces dirigeants ont fait l'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> leur carrière à laCSP, et ont <strong>en</strong>viron 60 ans. Le DGA, Services, est un ingénieur. Le Directeur Financierest un diplômé d'école <strong>de</strong> commerce. Ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers dirigeants sont plus jeunes(<strong>en</strong>viron 45 ans).3. LE PROBLEME "GESTION DU PERSONNEL".Le problème "gestion du personnel", paradoxalem<strong>en</strong>t, est un problème qui n'existe pas,<strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s qu'il n'est pas reconnu par l'organisation dans son <strong>en</strong>semble. Le problèm<strong>en</strong>'est m<strong>en</strong>tionné comme tel que par un seul <strong>de</strong>s dirigeants: M. FINANCEI7. Les autresdirigeants n'<strong>en</strong> font pas état spontaném<strong>en</strong>t, et lorsque la question leur est posée, ils ni<strong>en</strong>tl'exist<strong>en</strong>ce d'un problème global et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ampleur, et développ<strong>en</strong>t quelques pointsmineurs, quelques formulations très partielles, <strong>en</strong> <strong>en</strong> minimisant l'importance.Pour l'observateur, cep<strong>en</strong>dant, la somme <strong>de</strong> ces points mineurs et <strong>de</strong> ces formulationspartielles fait un total impressionnant, et les li<strong>en</strong>s nombreux <strong>en</strong>tre ces aspects avancés parles uns et les autres permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> distinguer un problème d'<strong>en</strong>semble. En effet, la liste<strong>de</strong>s formulations partielles <strong>de</strong>s dirigeants porte sur:- le risque <strong>de</strong> manque <strong>de</strong> dirigeants et cadres supérieurs pour m<strong>en</strong>er les opérations <strong>de</strong>développem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>visagées,- le futur r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s DGA,- le manque <strong>de</strong> préparation et <strong>de</strong> formation pour le haut <strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t,- le manque <strong>de</strong> cadres à pot<strong>en</strong>tiel pour pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s responsabilités <strong>de</strong> gestion à laDirection <strong>de</strong> la <strong>Recherche</strong>,- le manque <strong>de</strong> cadres confirmés prêts à pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s responsabilités opérationnelles dansles Services,- <strong>de</strong>s "t<strong>en</strong>sions" liées au manque <strong>de</strong> personnel formé pour les opérations <strong>de</strong>s Services,- une m<strong>en</strong>ace à terme pour la culture CSP, liée aux difficultés d'intégration <strong>de</strong>s futursjeunes opérationnels dans le groupe <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s prospecteurs,- le manque <strong>de</strong> perspectives <strong>de</strong> carrière et la démotivation <strong>de</strong>s ingénieurs <strong>de</strong>s services,- l'écrasem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la pyrami<strong>de</strong> <strong>de</strong>s salaires, décourageant pour les cadres,- l'insuffisance <strong>de</strong> la société-mère <strong>en</strong> personnel compét<strong>en</strong>t <strong>en</strong> finance et <strong>en</strong> administration,- l'insuffisance <strong>de</strong>s salaires pour les jeunes cadres fonctionnels,- le risque d'hémorragie <strong>de</strong> jeunes cadres fonctionnels.16 Il s'agit d'un nom d'emprunt,7017 On dénomme ainsi le Directeur Financier De même, le PDG sera M, PRESIDENT, et les autresDGA porteront le nom <strong>de</strong> leur service,71


On voit que les principales variables <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s ressources humaines sontconcernées, et que les problèmes ne concern<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>s catégories "marginales" dupersonnel. Il est clair égalem<strong>en</strong>t que dans une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> ce type (services nécessitantun personnel hautem<strong>en</strong>t qualifié), les problèmes <strong>de</strong> personnel ont pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t un fortimpact stratégique.Le problème "gestion du personnel" pourrait apparaître simplem<strong>en</strong>t comme un problème"<strong>en</strong> formation" : les individus <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t progressivem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>ce,développerai<strong>en</strong>t séparém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s interprétations locales, <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong> ce que leurposition leur permet <strong>de</strong> constater comme symptômes, <strong>de</strong> soupçonner comme causes, etd'élaborer comme actions. Dans cette optique, M. FINANCE serait simplem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>avance sur les autres, et le problème <strong>de</strong>vrait être reconnu lorsque les consci<strong>en</strong>cesindividueIles y seront suffisamm<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sibilisées.S'il est clair que les différ<strong>en</strong>ts dirigeants donn<strong>en</strong>t du problème une formulation avant toutlocale, il est tout aussi clair que le problème "gestion du personnel" n'est pas simplem<strong>en</strong>tun problème "<strong>en</strong> formation". Plus exactem<strong>en</strong>t, il semble que le processus <strong>de</strong> formulationsoit bloqué à un sta<strong>de</strong> assez peu avancé, interdisant au problème une reconnaissanceréelle, un accès à l'ag<strong>en</strong>da stratégique.Cette hypothèse est justifiée par le fait que le <strong>de</strong>gré d'élaboration, <strong>de</strong> "cristallisation" <strong>de</strong> laformulation du problème, n'a pas évolué s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t tout au long <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> étudiée,tout <strong>de</strong> même assez longue; et cela, alors même que se sont prés<strong>en</strong>tées <strong>de</strong>s occasionspour que les formulations locales se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. Le problème a <strong>en</strong> effet eu une "chance"très nette d'accé<strong>de</strong>r à l'ag<strong>en</strong>da stratégique, une première fois, avec l'annonce <strong>de</strong>sdémissions simultanées, pour <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong> carrière, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cadres <strong>de</strong>s servicesfonctionnels dép<strong>en</strong>dant <strong>de</strong> M. FINANCE. Dans bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises, cela ne serait qu'unfait ordinaire, compte t<strong>en</strong>u du profil <strong>de</strong>s cadres <strong>en</strong> questions (juriste et fiscaliste <strong>de</strong> bonniveau et d'âge moy<strong>en</strong>). A la CSP, la démission <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cadres est un événem<strong>en</strong>texceptionnel par sa rareté. C'est <strong>en</strong> effet traditionneIlem<strong>en</strong>t une <strong>en</strong>treprise où l'on faittoute sa carrière. Les démissions constituai<strong>en</strong>t donc un événem<strong>en</strong>t susceptible d'êtreinterprété comme "significatif', et <strong>de</strong> donner lieu, par exemple, à une discussion au sein<strong>de</strong> la DG. A travers cette discussion, les différ<strong>en</strong>tes formulations partieIles aurai<strong>en</strong>t puêtre exposées, être liées les unes aux autres pour former un problème "gestion dupersonnel" <strong>en</strong> voie <strong>de</strong> reconnaissance.En fait, l'événem<strong>en</strong>t, s'il a bi<strong>en</strong> été ress<strong>en</strong>ti comme tel, n'a donné lieu à ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela.Seul M. FINANCE <strong>en</strong> fait un symptôme grave d'un problème plus vaste. Lesinterprétations <strong>de</strong>s autres dirigeants converg<strong>en</strong>t étonnamm<strong>en</strong>t: 1) ils connaiss<strong>en</strong>t tousbi<strong>en</strong> le contexte <strong>de</strong> ces démissions; 2) ils <strong>en</strong> minimis<strong>en</strong>t tous la portée (c'est local, c'est<strong>de</strong> la vie courante) ; 3) ils formul<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong>s réassurances ("le moral est bon"). Leproblème n'a pas été évoqué <strong>en</strong> Comité <strong>de</strong> Direction Générale, sinon pour <strong>en</strong>visager leremplacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s partants.La <strong>de</strong>uxième opportunité <strong>de</strong> ce type sera, à la fin <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> d'observation, le départ <strong>de</strong>M. FINANCE lui-même, qui suit quelques mois plus tard l'exemple <strong>de</strong> ses subordonnés.Le départ d'un dirigeant est un événem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core plus exceptionnel que le précé<strong>de</strong>nt. Lesconséqu<strong>en</strong>ces directes pour une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> cette taille sont importantes. Pourtant, lemême schéma d'interprétation sera reproduit, et la même abs<strong>en</strong>ce d'effets généralisantssera constatée.Intéressons-nous à M. FINANCE: il est le seul membre <strong>de</strong> l'équipe dirigeante àm<strong>en</strong>tionner un "méchant problème <strong>de</strong> gestion du personnel" ; il représ<strong>en</strong>te donc lui-mêmeune <strong>de</strong>s forces qui aurai<strong>en</strong>t pu faire accé<strong>de</strong>r le problème à l'ag<strong>en</strong>da stratégique. En effet,M. FINANCE fait plus que m<strong>en</strong>tionner le problème: il le dénonce avec vigueur, et sedésole qu'il ne soit pas reconnu au sein <strong>de</strong> la DG. M. FINANCE i<strong>de</strong>ntifie un <strong>en</strong>semblecomplet <strong>de</strong> symptômes du problème, avance <strong>de</strong>s causes, propose <strong>de</strong>s actions. Il apparaîtcomme un "porteur" du problème, qu'il va chercher, sans succès, à faire accé<strong>de</strong>r àl'ag<strong>en</strong>da stratégique. Sa stratégie, cep<strong>en</strong>dant, sera peu efficace, ainsi qu'il le reconnaîtralui-même, pour plusieurs raisons:721. du fait <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s problèmes dans ses propres services (démissions), il apparaîtcomme déf<strong>en</strong>seur <strong>de</strong> son propre domaine (les fonctionnels) plus que comme porteur d'unproblème concernant toute l'<strong>en</strong>treprise;2. parce qu'il redoute <strong>de</strong> ne pas être écouté du PDG avec lequel il a <strong>de</strong>s rapportsdifficiles, il ori<strong>en</strong>te son action ess<strong>en</strong>tieIlem<strong>en</strong>t vers le DGA, Administration, surestimantlargem<strong>en</strong>t le <strong>de</strong>gré d'ouverture <strong>de</strong> celui-ci; il ne cherche pas à mobiliser directem<strong>en</strong>t lesautres dirigeants (par répugnance <strong>en</strong>vers ce type <strong>de</strong> comportem<strong>en</strong>t, selon lui) ;3. au sein <strong>de</strong> la DG, il dispose d'un faible statut formel (il n'est pas membre <strong>de</strong> droit), etinformel (il est jeune, pas polytechnici<strong>en</strong>, même pas ingénieur) ; globalem<strong>en</strong>t, il dispose<strong>de</strong> peu <strong>de</strong> ressources pour promouvoir problème "gestion du personnel" ;4. son approche frontale est incompatible avec les mo<strong>de</strong>s habituels <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>la CSP.Ce <strong>de</strong>rnier point méritera un développem<strong>en</strong>t ultérieur. Précisons pour l'instant que lastratégie <strong>de</strong> M. FINANCE sur le problème "gestion du personnel" est frontale <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>squ'il souhaite un traitem<strong>en</strong>t officiel et global du problème. II estime que le problème<strong>de</strong>vrait être posé et débattu au sein <strong>de</strong> la DG. Une <strong>de</strong>s solutions qu'il avance serait <strong>de</strong>recruter un Directeur <strong>de</strong>s Ressources Humaines, un "expert" qui mettrait <strong>en</strong> place unepolitique, <strong>de</strong>s systèmes, <strong>de</strong>s procédures, toutes choses ignorées <strong>de</strong> la CSP dans cedomaine. Sa manière d'abor<strong>de</strong>r le problème est assez nettem<strong>en</strong>t rationnelle, voirerationaliste.Au final, le problème ne serajamais abordé comme M. FINANCE le souhaitait. II ne serajamais inscrit sur l'ag<strong>en</strong>da stratégique, et les seules actions m<strong>en</strong>ées seront <strong>de</strong>s mesuresponctuelles, pilotées discrètem<strong>en</strong>t par le DGA, Administration.La non-reconnaissance du problème "gestion du personnel" révèle donc bi<strong>en</strong> plus qu'unesimple phase d"'éveiI". Si ce problème ne trouve pas <strong>de</strong> formulation générale ni d'accès àl'ag<strong>en</strong>da stratégique, s'il reste, indéfinim<strong>en</strong>t, semble-t-il, dans une phase <strong>de</strong> lat<strong>en</strong>ce, c'estqu'il ne peut être reconnu par les dirigeants. L'analyse <strong>de</strong>s discours t<strong>en</strong>us par lesdirigeants (à l'exception <strong>de</strong> M. FINANCE) lorsqu'ils expos<strong>en</strong>t leurs formulationspartieIles du problème montre qu'une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> leur p<strong>en</strong>sée est ori<strong>en</strong>tée non pasvers la recherche d'actions <strong>en</strong>visageables, mais au contraire vers la discréditation <strong>de</strong>solutions possibles. On pourrait repr<strong>en</strong>dre la liste ci-<strong>de</strong>ssus et mettre <strong>en</strong> regard le refusexprimé par les dirigeants <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> solutions "natureIles". Est ainsi discréditéd'emblée, par exemple, le recours à la formation externe (le PDG explique ainsi que lacomptabilité <strong>de</strong> CSP est trop particulière pour qu'une formation externe apporte quoi quece soit à qui que ce soit). Les solutions traditionnelles sont souv<strong>en</strong>t avancées commeseules concevables, bi<strong>en</strong> qu'elles ne sembl<strong>en</strong>t plus suffisantes. Par exemple, aurecrutem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cadres expérim<strong>en</strong>tés qui pourrai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir les cadres supérieurs etdirigeants dont manque cruellem<strong>en</strong>t la CSP, on oppose la solution traditionnelle :sélection précoce <strong>de</strong> jeunes embauchés.A l'analyse, on s'aperçoit que c'est l'<strong>en</strong>semble du système traditionnel <strong>de</strong> la CSP qui estremis <strong>en</strong> cause par ces formulations partieIles. Une formulation globale amènerait à<strong>en</strong>visager <strong>de</strong>s actions qui ne sont pas acceptables aux yeux <strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong> la CSP,parce qu'elles violerai<strong>en</strong>t les règles traditionnelles <strong>de</strong> la CSP. Reconnaître le problème"gestion du personnel", ce serait introduire <strong>de</strong>s questions vis-à-vis <strong>de</strong>squelles lesdirigeants <strong>de</strong> CSP sont sans réponse. On va montrer que la source <strong>de</strong> ce refus est dansl'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> CSP, telle qu'eIle est vécue par ses dirigeantsl é. Par la nature <strong>de</strong> soni<strong>de</strong>ntité, la CSP ne peut frontalern<strong>en</strong>t abor<strong>de</strong>r le problème : ce serait toucher auxcomposantes fondam<strong>en</strong>tales <strong>de</strong> son imaginaire et <strong>de</strong> sa culture, et par conséqu<strong>en</strong>t à son18 L'étu<strong>de</strong> suit le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s dirigeants. Chaque fois que l'on m<strong>en</strong>tionnera l'i<strong>de</strong>ntité CSP, il s'agira<strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité telle qu'elle est vécue, portée, par les dirigeants <strong>de</strong> CSP ..73


système <strong>de</strong> pouvoir. L'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> CSP mainti<strong>en</strong>t ainsi un "couvercle" sur le problème"gestion du personnel".En effet, parler <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources humaines, c'est admettre l'hétérogénéité <strong>de</strong>smembres <strong>de</strong> l'organisation. C'est reconnaître l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> catégories différ<strong>en</strong>tes, dotées<strong>de</strong> caractéristiques spécifiques, prés<strong>en</strong>tant <strong>de</strong>s besoins spécifiques et égalem<strong>en</strong>t légitimes.C'est introduire la nécessité <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>ts différ<strong>en</strong>ciés (<strong>en</strong>tre catégories, <strong>en</strong>tre individus),et donc installer une concurr<strong>en</strong>ce interne, pour les ressources, les statuts, les territoires,et finalem<strong>en</strong>t pour la domination.Or la CSP a d'elle-même une image unifiée, pacifiée, presque fusionnelle. Cette imageest organisée autour d'un c<strong>en</strong>tre i<strong>de</strong>ntitaire traditionnel: les services. Cette activité estl'unique source <strong>de</strong> légitimité <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s pratiques. Ce c<strong>en</strong>tre est prolongé dansl'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> l'organisation par la prés<strong>en</strong>ce d'anci<strong>en</strong>s prospecteurs sé<strong>de</strong>ntarisés auxpostes <strong>de</strong> responsabilités dans presque toutes les fonctions. Il n'y a donc pas, dansl'i<strong>de</strong>ntité CSP, diverses catégories <strong>de</strong> personnel. Il y a les ingénieurs et technici<strong>en</strong>s <strong>de</strong>sservices (ou issus <strong>de</strong>s services) et les autres.L'<strong>en</strong>jeu du problème "gestion du personnel" est donc important: il s'agit <strong>de</strong> redéfinir lanature, l'ét<strong>en</strong>due et les modalités <strong>de</strong> la domination <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s prospecteurs, <strong>de</strong> redéfinirla distinction <strong>en</strong>tre le c<strong>en</strong>tre et la périphérie, et <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong> la périphériepar le c<strong>en</strong>tre. Parler <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources humaines, c'est notamm<strong>en</strong>t reconnaîtrel'irruption <strong>de</strong> catégories nouvelles, telles que les spécialistes fonctionnels (financiers,juristes, fiscalistes) ou les informatici<strong>en</strong>s, au sein d'une communauté d'ingénieurs <strong>de</strong>terrain ; c'est faire du métier <strong>de</strong> base <strong>de</strong> la CSP un métier comme un autre, parmid'autres. C'est donc banaliser ce métier, et par là briser l'image d'unicité et d'originalitéprofon<strong>de</strong> que la CSP a d'elle-même.Pour les ingénieurs, c'est l'image même <strong>de</strong> leur métier qui est touchée. Ainsi, uneapproche <strong>en</strong> terme <strong>de</strong> "gestion du personnel" aboutirait nécessairem<strong>en</strong>t à mettre à jour,expliciter et par là remettre <strong>en</strong> question les critères d'excell<strong>en</strong>ce dans le métier. La CSPtraditionnelle n'explicite pas ou peu ces critères. Ils sont cont<strong>en</strong>us dans une épreuveinitiatique, qui est le passage sur le "terrain" (comme prospecteurs, réalisant les étu<strong>de</strong>sdans les déserts, les montagnes, les jungles, les océans ...) <strong>en</strong> tout début <strong>de</strong> carrière. Ilssont résumés dans un "esprit pros"19, acquis sur le "terrain", qui est fait <strong>de</strong>débrouillardise et <strong>de</strong> camara<strong>de</strong>rie virile, et qui perdure bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s missions,véritable co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts légitimes. Ils sont sanctionnés par une l<strong>en</strong>te accessionaux responsabilités. Cela ne peut surpr<strong>en</strong>dre, au regard <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> ces critères: ledévouem<strong>en</strong>t, la disponibilité, la confiance qu'on vous fait, touch<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s qualités qu'onpeut difficilem<strong>en</strong>t évaluer sur une fiche par une note <strong>de</strong> 1 à 5.Par bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s aspects, la CSP se rapproche <strong>de</strong>s "clans" décrit par OUCRI (1980) : lescarrières à vie, la socialisation int<strong>en</strong>se par le "terrain", la solidarité interne, la confiancepersonnelle, etc. De manière un peu simplificatrice, on pourrait dire qu'un clan ne gèrepas ses hommes : il les aime. L'idée même <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources humaines estintrinsèquem<strong>en</strong>t contradictoire avec une culture clanique, avec la force <strong>de</strong>s <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>tsréciproques, avec l'int<strong>en</strong>sité <strong>de</strong> la foi <strong>de</strong> l'individu <strong>en</strong> l'organisation, et <strong>de</strong> l'organisation<strong>en</strong> l'individu. Gérer les ressources humaines, c'est nécessairem<strong>en</strong>t introduire unedistance <strong>en</strong>tre l'organisation et les hommes, sous formes <strong>de</strong> calculs ("combi<strong>en</strong> vautUntel ?") ou <strong>de</strong> règles (règles <strong>de</strong> promotion, <strong>de</strong> carrières... ). C'est introduire dans leclan <strong>de</strong>s mécanismes relevant du "marché" ou <strong>de</strong> la "bureaucratie", pour repr<strong>en</strong>dre lescatégories <strong>de</strong> OUCHI, c'est-à-dire <strong>de</strong>s logiques qui lui sont étrangères. Les règles <strong>de</strong> lagestion du personnel à la CSP sont <strong>de</strong>s règles informelles: on les accepte quand onintègre le clan et parce qu'on intègre le clan. Ce ne sont pas <strong>de</strong>s règles bureaucratiques,qui appell<strong>en</strong>t une adhésion rationnelle, c'est-à-dire <strong>en</strong>core une forme <strong>de</strong> calcul.Rev<strong>en</strong>ons sur les <strong>en</strong>jeux <strong>de</strong> pouvoir. Le système <strong>de</strong> domination <strong>de</strong> la CSP estremarquable par sa stabilité, son homogénéité, et son rôle capital dans la reproduction à19 "Pros" vaut pour "prospecteur" ; prononcer "presse".74l'i<strong>de</strong>ntique et pacifique <strong>de</strong> l'organisation: le groupe dominant est composé <strong>de</strong>Polytechnici<strong>en</strong>s, âgés, anci<strong>en</strong>s prospecteurs, hommes du pétrole; ce groupe préparelongtemps à l'avance son r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t (IO ans à l'avance pour le PDG). Ce systèmeest m<strong>en</strong>acé par certains <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> personnel qui ont été étudiés. Par exemple, lerecours au recrutem<strong>en</strong>t externe équivaudrait à introduire directem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nouveaux critères<strong>de</strong> légitimité, avec le double risque, qu'ils ne soi<strong>en</strong>t pas acceptés par la "base", ou bi<strong>en</strong>qu'ils soi<strong>en</strong>t acceptés au point <strong>de</strong> remettre <strong>en</strong> question les critères traditionnels. Plus quele groupe dominant actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place, c'est la reproduction <strong>de</strong> ce groupe qui estm<strong>en</strong>acée. Or la stabilité du groupe dominant et son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> reproduction sont <strong>de</strong>sgarants <strong>de</strong> la stabilité d'une organisation par ailleurs soumise à <strong>de</strong>s aléas <strong>de</strong> conjoncturequi pouv<strong>en</strong>t mettre l'équipe <strong>de</strong> direction générale à ru<strong>de</strong> épreuve. Derrière ce système <strong>de</strong>domination se profile égalem<strong>en</strong>t le système relationnel traditionnel <strong>de</strong> la CSP (univers dupétrole, public, parapublic et privé, économique et sci<strong>en</strong>tifique) : l'adéquation jusque làmaint<strong>en</strong>ue serait mise <strong>en</strong> question par la modification <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux termes.C'est donc tout un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> facteurs liés à l'i<strong>de</strong>ntité qui bloque l'accès du problème"gestion du personnel" à l'ag<strong>en</strong>da stratégique. Par sa nature même, le problème estlargem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ordre du tabou. Par les actions possibles qu'il évoque, il heurtedirectem<strong>en</strong>t les fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité CSP. Et <strong>en</strong>fin, les processus qui sont à l'oeuvresur ce problème sont eux-mêmes largem<strong>en</strong>t conditionnés par l'i<strong>de</strong>ntité: ainsi, le faiblestatut du seul porteur <strong>de</strong> problème (M. FINANCE), qui par sa position marginale peut"percevoir" le problème et souhaiter <strong>en</strong> faire un objet <strong>de</strong> débat, mais qui est <strong>en</strong> mêmetemps trop marginal pour le faire efficacem<strong>en</strong>t; ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core, le profil du Directeur duPersonnel, qui est incontestablem<strong>en</strong>t un obstacle <strong>de</strong> plus à la reconnaissance duproblème. On aura <strong>en</strong> effet remarqué que cet acteur pot<strong>en</strong>tiel est étrangem<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ces processus. Ce fait est significatif, et d'une certaine manière résume l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>sforces qui s'oppos<strong>en</strong>t à la reconnaissance du problème "gestion du personnel". Selon latradition CSP, le Directeur du Personnel est un anci<strong>en</strong> prospecteur. Sa nominationréc<strong>en</strong>te est égalem<strong>en</strong>t un élém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce non-accès du problème à l'ag<strong>en</strong>da: la question duchoix du titulaire <strong>de</strong> ce poste amène nécessairem<strong>en</strong>t la question du type <strong>de</strong> gestion dupersonnel que l'on souhaite avoir. Ce choix respectueux <strong>de</strong> la tradition réaffirme que lesprospecteurs sont le personnel, que les autres catégories doiv<strong>en</strong>t accepter d'être géréespar un prospecteur, et vraisemblablem<strong>en</strong>t selon les critères, logiques, règles, appliquésaux prospecteurs. Notons <strong>en</strong> outre que la discrétion <strong>de</strong> la personne choisie conforte cettetradition.La fin <strong>de</strong> l'histoire du problème "gestion du personnel" laisse <strong>en</strong>trevoir cep<strong>en</strong>dant que ceproblème puisse être traité, d'une certaine manière. Le successeur <strong>de</strong> M. FINANCE est lefutur PDG <strong>de</strong> CSP, le "dauphin" du PDG actuel, puisqu'à la CSP, on recrute leremplaçant d'un PDG dès que celui-ci accè<strong>de</strong> à ses responsabilités. M. DAUPHIN aclairem<strong>en</strong>t une vision large du problème "gestion du personnel". Cep<strong>en</strong>dant, à ladiffér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> M. FINANCE, il ne scandalise pas <strong>de</strong> son caractère tabou. Il <strong>en</strong>visage uneapproche très incrém<strong>en</strong>tale du problème: selon lui, <strong>en</strong> effet, la crise s'éloignant, lareprise d'un recrutem<strong>en</strong>t régulier <strong>de</strong> personnel nouveau permettra <strong>de</strong> modifierprogressivem<strong>en</strong>t les pratiques. Ilinsiste cep<strong>en</strong>dant sur le fait que l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> CSP estson atout principal, et qu'elle doit être préservée. "On ne peut pas avoir le beurre etl'arg<strong>en</strong>t du beurre", dit-il.4. LE PROBLEME GEOSYSTEMS.Le problème GEOSYSTEMS fait contraste avec le problème "gestion du personnel" parbi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s aspects. Le trait le plus frappant est qu'il s'agit d'un processus beaucoup plusmarqué et visible, puisqu'il pr<strong>en</strong>d un caractère <strong>de</strong> crise et génère <strong>de</strong> l'action rapi<strong>de</strong> etdrastique.GEOSYSTEMS est une filiale <strong>de</strong> la CSP, correspondant à un projet <strong>de</strong> diversificationimportant. GEOSYSTEMS a pour vocation <strong>de</strong> concevoir, fabriquer et commercialiser <strong>de</strong>s"stations <strong>de</strong> travail intégrées et interactives". Une station <strong>de</strong> travail est un <strong>en</strong>semblecohér<strong>en</strong>t <strong>de</strong> matériels et logiciels informatiques qui permet l'interprétation <strong>de</strong> données <strong>de</strong>natures diverses concernant <strong>de</strong>s sites pétroliers <strong>en</strong> exploration ou <strong>en</strong> production. Elle est75


<strong>de</strong>stinée (typiquem<strong>en</strong>t) aux compagnies pétrolières. Le concept <strong>de</strong> station <strong>de</strong> travail sesitue <strong>en</strong> aval <strong>de</strong> la mission traditionnelle <strong>de</strong> la CSP, puisqu'elle concerne l'interprétation<strong>de</strong>s données.Le projet <strong>de</strong> GEOSYSTEMS se situe à la croisée <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>dances technologiques etcommerciales qui façonn<strong>en</strong>t le <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir stratégique <strong>de</strong> la CSP : du traitem<strong>en</strong>t àl'interprétation, <strong>de</strong> la prestation <strong>de</strong> services à la v<strong>en</strong>te <strong>de</strong> produits, <strong>de</strong> l'exploration à laproduction, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s ad hoc à l'information pétrolière, <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s spécialisées àl'informatique... Cep<strong>en</strong>dant, il ne peut s'agir que d'une activité complém<strong>en</strong>taire, lesservices (acquisition et traitem<strong>en</strong>t) <strong>de</strong>meurant l'ess<strong>en</strong>tiel.Le projet "stations <strong>de</strong> travail" est prés<strong>en</strong>té comme un <strong>de</strong>s axes stratégiques majeursarrêtés au début <strong>de</strong> 1988, lorsque la CSP voit v<strong>en</strong>ir la fin <strong>de</strong> la crise sectorielle qui durait<strong>de</strong>puis 1986. Le budget <strong>de</strong> GEOSYSTEMS, rapporté au budget total <strong>de</strong>sinvestissem<strong>en</strong>ts, apparaît important.La g<strong>en</strong>èse <strong>de</strong> GEOSYSTEMS est assez complexe. Pour CSP, les stations <strong>de</strong> travailreprés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t le prolongem<strong>en</strong>t naturel d'un développem<strong>en</strong>t interne <strong>de</strong> logicielsd'interprétation spécialisés. Pour élargir le champ d'application <strong>de</strong> ces logiciels, etpermettre leur intégration à un système global d'interprétation, CSP acquiert une firmed'informatique nord-américaine, SESI, qui développe un logiciel <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> bases <strong>de</strong>données. Enfin, elle conclut avec ses cli<strong>en</strong>ts/actionnaires, ELF et TOTAL, un accordpour utiliser <strong>de</strong>s logiciels développés pour usage interne par ces <strong>de</strong>ux firmes. C'estautour <strong>de</strong> ces accords que GEOSYSTEMS se met <strong>en</strong> place, SESI restant <strong>en</strong> orbite duprojet. La filiale hérite donc ses produits à la fois <strong>de</strong> CSP, <strong>de</strong> ELF et <strong>de</strong> TOTAL; elle tireson personnel, <strong>en</strong> très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s ingénieurs et technici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> haut niveau, <strong>de</strong>smêmes sources. Il s'agit donc d'un part<strong>en</strong>ariat, m<strong>en</strong>é toutefois par CSP, puisqueGEOSYSTEMS est dét<strong>en</strong>u à 100% par CSP, et que son PDG (qu'on appellera M. GEO)est un homme <strong>de</strong> la CSP, <strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce son anci<strong>en</strong> Directeur du Développem<strong>en</strong>t.La mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong> cette filiale est assez difficile: elle donne lieu à un suivi constant(effectué par M. MATERIEL et M. FINANCE) sur les aspects financiers et juridiques.P<strong>en</strong>dant ce temps, GEOSYSTEMS comm<strong>en</strong>ce son activité opérationnelle, qui consiste àmettre <strong>en</strong> place les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> son activité future. Il s'agit donc <strong>en</strong> principe <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong>oeuvre du projet tel qu'il a été défini par la DG.Cette mise <strong>en</strong> oeuvre donne lieu à une surveillance stratégique selon les modalités <strong>en</strong>principe ordinaires <strong>de</strong> la CSP. Concrètem<strong>en</strong>t, l'activité GEOSYSTEMS prés<strong>en</strong>te <strong>de</strong>sbudgets qui sont discutés tous les trois mois dans <strong>de</strong>s Comités <strong>de</strong> <strong>Gestion</strong>Prévisionnelle ; on <strong>en</strong> examine les comptes m<strong>en</strong>suels comme pour toute activité. Cettesurveillance routinière donne lieu à quelques objections, ou avertissem<strong>en</strong>ts, émis parcertains DGA. Mais ces "sonnettes d'alarme" sont timi<strong>de</strong>s, et ne cherch<strong>en</strong>t pas vraim<strong>en</strong>t àdéboucher sur une remise <strong>en</strong> question. L'épiso<strong>de</strong> final <strong>de</strong> cette surveillance routinière alieu <strong>en</strong> juin 1988, quand le PDG <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à M. MATERIEL une note <strong>de</strong> synthèse sur lesori<strong>en</strong>tations <strong>de</strong> GEOSYSTEMS et <strong>de</strong> SES!.Ce sont les résultats <strong>de</strong> juin, examinés début août 1988, qui décl<strong>en</strong>ch<strong>en</strong>t la crise. Lessoupçons accumulés p<strong>en</strong>dant les six mois précé<strong>de</strong>nts se concrétis<strong>en</strong>t soudainem<strong>en</strong>t.L'écart <strong>en</strong>tre les charges liées au développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s produits et les recettes <strong>de</strong> v<strong>en</strong>tesquasi inexistantes fait apparaître, après réévaluation <strong>de</strong>s <strong>en</strong>cours, <strong>de</strong>s pertes nettem<strong>en</strong>tsupérieures aux prévisions. M. MATERIEL est désigné par le PDG pour "fairel'inv<strong>en</strong>taire", d'abord sur un plan strictem<strong>en</strong>t financier: il découvre rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t "un trouimportant", <strong>en</strong>viron trois à quatre fois plus que prévu, que masquai<strong>en</strong>t les comptes et lesprévisions exagérém<strong>en</strong>t optimistes prés<strong>en</strong>tés par la direction <strong>de</strong> GEOSYSTEMS. M.MATERIEL est alors chargé <strong>de</strong> remettre <strong>de</strong> l'ordre dans GEOSYSTEMS.La mission <strong>de</strong> remise <strong>en</strong> ordre <strong>de</strong> M. MATERIEL est suivie par la DG tout au long <strong>de</strong>smois d'août, septembre et octobre. Elle comm<strong>en</strong>ce immédiatem<strong>en</strong>t par la mise à l'écart <strong>de</strong>M. GEO. Un nouveau responsable est nommé. Le budget est amputé <strong>de</strong> 40%, les76effectifs sont réduits, la filiale américaine SESI doit être v<strong>en</strong>due. Les opérationscommerciales <strong>en</strong>gagées sont reconsidérées. Les ori<strong>en</strong>tations stratégiques sont redéfinies.M. MATERIEL mène égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s négociations "délicates" avec lescli<strong>en</strong>ts/actionnaires/part<strong>en</strong>aires. Enfin, il est décidé que l'activité sera désormais rattachéeofficiellem<strong>en</strong>t à M. RECHERCHE. L'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> ces mesures est arrêté dans un délai <strong>de</strong>quinze jours.Cet épiso<strong>de</strong> a indéniablem<strong>en</strong>t un caractère <strong>de</strong> crise, par la soudaineté <strong>de</strong> sondécl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t, l'importance <strong>de</strong> l'att<strong>en</strong>tion qui lui est accordée, et le caractère radical <strong>de</strong>sactions m<strong>en</strong>ées. Il s'agit certes d'une crise limitée, car elle ne m<strong>en</strong>ace pas l'<strong>en</strong>treprisedans son <strong>en</strong>semble, mais elle touche un projet stratégique majeur et peut avoir un impactconsidérable.Enfin, le problème retrouve une secon<strong>de</strong> phase <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> oeuvre, à partir <strong>de</strong>s mesuresprises.Que s'est-il donc passé? Les dirigeants sont remarquablem<strong>en</strong>t converg<strong>en</strong>ts dans leursinterprétations, et dans leur approbation <strong>de</strong>s mesures prises. C'est évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t M. GEOqui supporte la charge <strong>de</strong> la faute, mais <strong>de</strong> manière générale les dirigeants reconnaiss<strong>en</strong>tque la DG a commis une erreur.L'interprétation <strong>de</strong> la DG est la suivante. M. GEO et son équipe avai<strong>en</strong>t une conceptionbi<strong>en</strong> définie <strong>de</strong> la stratégie à suivre pour GEOSYSTEMS : celle d'un projet <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ampleur, nécessitant <strong>de</strong>s investissem<strong>en</strong>ts et <strong>de</strong>s <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ressources importants,visant à mettre <strong>en</strong> place toutes les conditions nécessaires à une activité future (produits,moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> commercialisation, structure...). Cette conception était opposée à la politiqueinitialem<strong>en</strong>t définie (mais pas clairem<strong>en</strong>t, ainsi que tous le concè<strong>de</strong>nt) par la DG : undéveloppem<strong>en</strong>t progressif, une croissance l<strong>en</strong>te, où les coûts <strong>en</strong>gagés aurai<strong>en</strong>t étééquilibrés par <strong>de</strong>s recettes issues <strong>de</strong>s v<strong>en</strong>tes.Telles qu'elles apparaiss<strong>en</strong>t rétrospectivem<strong>en</strong>t, ces <strong>de</strong>ux conceptions stratégiques sontincompatibles. Traduites <strong>en</strong> prévisions, plans et budgets, elles divergerai<strong>en</strong>t rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t.M. GEO est donc am<strong>en</strong>é à prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s plans distordus, <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s qu'ils sontconformes à la vision <strong>de</strong> la DG, mais sans rapport, ou prés<strong>en</strong>tant d'importants écarts,avec la réalité <strong>de</strong> l'action qu'il mène. La nécessité <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s comptes équilibrés (oumodérém<strong>en</strong>t et temporairem<strong>en</strong>t déficitaires) pousse M. GEO à anticiper les premièresv<strong>en</strong>tes et à surestimer leur volume. Les écarts constatés <strong>en</strong>tre ces prévisions et lesréalisations seront comblés par d'autres plans bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tés, par le "brio" <strong>de</strong> M. GEO, etpar <strong>de</strong>s annonces <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>s immin<strong>en</strong>tes. La stratégie voulue par M. GEO sepoursuit donc dans le respect appar<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la stratégie <strong>de</strong> la DG.Cep<strong>en</strong>dant, cette logique est cumulative : les écarts ne peuv<strong>en</strong>t que s'accroître, et la"gestion symbolique" qu'effectue si bi<strong>en</strong> M. GEO <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus délicate, et <strong>de</strong>moins <strong>en</strong> moins convaincante. "Ça ne pouvait que casser".Il faut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi cette issue était inévitable. Il est frappant <strong>de</strong> constater queles membres <strong>de</strong> la DG reconnaiss<strong>en</strong>t comme M. MATERIEL que la stratégie <strong>de</strong> M. GEOétait valable "<strong>en</strong> soi". Si la stratégie <strong>de</strong> GEOSYSTEMS est apparue comme une dériveintolérable, c'est que son caractère radical <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> contradiction avec certains principes<strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> la CSP. Le principe concerné est celui <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce: il interdit les gran<strong>de</strong>smanoeuvres stratégiques, considérées comme pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t déstabilisatrices, et peupayantes dans un métier où le développem<strong>en</strong>t technique et commercial se construitl<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t. La pru<strong>de</strong>nce implique <strong>de</strong> ne jamais perdre le court terme <strong>de</strong> vue, car du courtterme peuv<strong>en</strong>t surgir <strong>de</strong>s problèmes opérationnels graves ou <strong>de</strong>s revirem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>conjoncture. En conséqu<strong>en</strong>ce, la pru<strong>de</strong>nce recomman<strong>de</strong> <strong>de</strong>s stratégies incrém<strong>en</strong>tales,progressives, équilibrées, et si possible réversibles. Notamm<strong>en</strong>t, les <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>ressources sont modérés et fractionnés.Le principe <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce stratégique se traduit <strong>de</strong> manière très directe dans le cas <strong>de</strong>GEOSYSTEMS par la règle qui impose <strong>de</strong> comptabiliser les développem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> logiciels77


comme <strong>de</strong>s dép<strong>en</strong>ses d'exploitation et non comme <strong>de</strong>s investissem<strong>en</strong>ts. "Lesinvestissem<strong>en</strong>ts immatériels, c'est toujours très dangereux", dit M. MATERIEL. Il fautrappeler que cette règle s'applique dans une <strong>en</strong>treprise dont le niveau d'équipem<strong>en</strong>tinformatique est sans commune mesure avec celui d'une <strong>en</strong>treprise industrielle <strong>de</strong> tailleéquival<strong>en</strong>te, qui a construit une partie <strong>de</strong> son avantage concurr<strong>en</strong>tiel sur cet équipem<strong>en</strong>tinformatique, où le développem<strong>en</strong>t du métier lui-même repose <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus sur lacréation <strong>de</strong> logiciels sophistiqués et extrêmem<strong>en</strong>t spécialisés. Cette règle a d'ailleurscontribué à créer le problème GEOSYSTEMS, puisqu'elle a contraint M. GEO à exagérerles prévisions <strong>de</strong> v<strong>en</strong>tes pour équilibrer les dép<strong>en</strong>ses <strong>de</strong> développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> logiciels. Unerègle comptable inverse, ou plus souple, aurait peut-être s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t changé leprocessus décrit ici.L'emprise <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> CSP marque donc la formulation du problème. Certes,GEOSYSTEMS sort du métier traditionnel <strong>de</strong> CSP. Mais les principes qui régiss<strong>en</strong>t lastratégie <strong>de</strong> métier ne sont pas abandonnés pour autant. Cela peut paraître surpr<strong>en</strong>ant, cardans leur énoncé par les dirigeants eux-mêmes, ces principes paraiss<strong>en</strong>t attachés aumétier, sembl<strong>en</strong>t découler <strong>de</strong> la nature même du métier. Des dirigeants luci<strong>de</strong>s <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>téviter cette erreur <strong>de</strong> transférer sans exam<strong>en</strong> les principes acquis dans leur domaine initialà un nouveau champ d'activité. Mais ces principes sont internalisés par les dirigeants,qui, malgré leurs discours, ne contrôl<strong>en</strong>t pas ou peu l'usage qu'ils <strong>en</strong> font. Ces principessont <strong>de</strong>s constituants <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité organisationnelle dont ils sont porteurs.La reprise <strong>en</strong> main <strong>de</strong> GEOSYSTEMS débouche très rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t sur la réaffirmation <strong>de</strong> lastratégie initiale, seule concevable, si évi<strong>de</strong>nte qu'elle n'avait jamais été explicitée: unestratégie incrém<strong>en</strong>tale, ouverte, pru<strong>de</strong>nte, asservie à un principe d'équilibre financier.Quand à M. GEO, son départ sanctionne bi<strong>en</strong> plus que l'échec (d'ailleurs pas avéré) <strong>de</strong>sa stratégie. C'est clairem<strong>en</strong>t, aux yeux <strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong> CSP, parce qu'il a commis unesorte <strong>de</strong> trahison, <strong>en</strong> montrant qu'il n'était pas digne <strong>de</strong> la confiance qu'on avaitnaturellem<strong>en</strong>t mise <strong>en</strong> lui.Repr<strong>en</strong>ons maint<strong>en</strong>ant l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> l'histoire du problème GEOSYSTEMS. On va voirqu'à la différ<strong>en</strong>ce du problème "gestion du personnel", l'i<strong>de</strong>ntité ne bloque pas lesprocessus. Le "couvercle i<strong>de</strong>ntitaire", qui t<strong>en</strong>ait soigneusem<strong>en</strong>t fermé la marmite <strong>de</strong>st<strong>en</strong>sions <strong>en</strong> gestion du personnel, ne se referme vraim<strong>en</strong>t sur "GEOSYSTEMS" qu'à lafin (provisoire) <strong>de</strong> l'histoire, après que se soi<strong>en</strong>t développés <strong>de</strong>s processus largem<strong>en</strong>tincontrôlés.Le contexte originel <strong>de</strong> GEOSYSTEMS est <strong>en</strong> fait marqué par <strong>de</strong> nombreusesambiguïtés. Premièrem<strong>en</strong>t, il s'agit d'un objet technique composite, <strong>en</strong>tre matériel etservice, <strong>en</strong>tre métho<strong>de</strong> et informatique, aux performances et utilisations assez incertaines.Cet objet est aux frontières du métier <strong>de</strong> la CSP, frontières qu'elle s'est toujours gardée<strong>de</strong> franchir. Deuxièmem<strong>en</strong>t, il s'agit d'un projet partiellem<strong>en</strong>t repris aux actionnairescli<strong>en</strong>ts,dans une situation chez ceux-ci peu claire. Elle implique pour CSP une gestionfine <strong>de</strong>s relations avec ces acteurs puissants, une véritable stratégie relationnelle. Ceci estlargem<strong>en</strong>t étranger à la CSP, certes rompue aux relations assez complexes avec lesgroupes pétroliers, mais dans le cadre bi<strong>en</strong> balisé <strong>de</strong>s contrats d'étu<strong>de</strong>s. Troisièmem<strong>en</strong>t,la filiale constituée ne ressemble <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> à la CSP : elle est peuplée <strong>de</strong> personnelsd'origines diverses, et les qualificatifs employés par les dirigeants <strong>de</strong> CSP pour <strong>en</strong> parlermontr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> à quel point c'est un mon<strong>de</strong> étranger: une "mosaïque", un "amalgame","<strong>de</strong> bric et <strong>de</strong> broc"... Le clan CSP est assez choqué par les pratiques <strong>de</strong> merc<strong>en</strong>aires <strong>de</strong>sinformatici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> haut niveau <strong>en</strong>gagés (cher) par GEOSYSTEMS.Au total, ce contexte crée une sorte <strong>de</strong> "flou" général autour <strong>de</strong> GEOSYSTEMS, objetbizarre pour l'i<strong>de</strong>ntité CSP. Celle-ci n'a pas <strong>de</strong> répertoire clair <strong>de</strong> solutions s'appliquant àcet objet bizarre. D'un côté, conformém<strong>en</strong>t à sa culture "action" (BRUNSSON, 1982),elle pousse à l'action immédiate, rapi<strong>de</strong>, informelle, déléguée, sans s'embarrasser <strong>de</strong> trop<strong>de</strong> précautions, sans planifier, sans mettre <strong>en</strong> place <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> coordination. D'unautre côté, effrayée par ce projet d'une ampleur peu commune, elle restreint les ambitionsstratégiques, suggère une conduite progressive, pru<strong>de</strong>nte, incrém<strong>en</strong>tale, du projet. Ces<strong>de</strong>ux principes d'action, qui coexist<strong>en</strong>t à la CSP, cohabit<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manière78relativem<strong>en</strong>t harmonieuse parce qu'ils n'ont à s'appliquer qu'à <strong>de</strong>s projets d'ampleurlimitée, et ne prés<strong>en</strong>tant pas les caractéristiques incertaines <strong>de</strong> GEOSYSTEMS. Mais ilsr<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contradiction sur GEOSYSTEMS, <strong>en</strong> raison <strong>de</strong> son ampleur: l'actionimmédiate ne peut être pru<strong>de</strong>nte, et la conduite maîtrisée du projet ne peut se cont<strong>en</strong>terd'une coordination et d'une planification réduites au minimum.Dans cette phase initiale, l'i<strong>de</strong>ntité agit directem<strong>en</strong>t, "<strong>en</strong> substance", sur la g<strong>en</strong>èse duproblème. Mais c'est sa difficulté à "saisir" le problème, à <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> prise avec lecontexte, qui est importante. L'i<strong>de</strong>ntité est désemparée. Pour utiliser une image un peuaudacieuse, on pourrait dire que l'i<strong>de</strong>ntité "patine" : elle n'arrive pas à produire lemouvem<strong>en</strong>t, à initier l'action <strong>de</strong> manière contrôlée.La question est alors: comm<strong>en</strong>t les dirigeants <strong>de</strong> la CSP, porteurs, voire gardi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> cettei<strong>de</strong>ntité, vont-ils s'accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong> ce flou, <strong>de</strong> cette situation complexe et ambiguë?Ils s'<strong>en</strong> accommo<strong>de</strong>nt mal, et cela conditionne tout le processus qui suit.Tout d'abord, ils puis<strong>en</strong>t dans leur répertoire habituel quelques "solutions". La premièred'<strong>en</strong>tre elle est le recours à un homme à eux, l'un d'<strong>en</strong>tre eux, M. GEO. A cet homme,ils vont, comme c'est la règle, faire confiance. Cela signifie se disp<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> réflexionapprofondie, <strong>de</strong> formulation claire <strong>de</strong> la stratégie, <strong>de</strong> plans, <strong>de</strong> systèmes <strong>de</strong> conduite <strong>de</strong>projet et <strong>de</strong> systèmes <strong>de</strong> surveillance, toutes choses que la CSP pratique peu. Cela évitedu même coup d'avoir à abor<strong>de</strong>r le flou désagréable qui nimbe le projet. La réduction <strong>de</strong>ce flou est la mission <strong>de</strong> M. GEO.Les dirigeants se désintéress<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la question, et se consacr<strong>en</strong>t aux autres problèmes etaux activités opérationnelles. Il ne semble pas que ces comportem<strong>en</strong>ts soi<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>tori<strong>en</strong>tés par <strong>de</strong>s objectifs personnels ou <strong>de</strong>s intérêts particuliers, même <strong>en</strong>visagéslargem<strong>en</strong>t. Ce qui est plutôt frappant, c'est leur répugnance à abor<strong>de</strong>r GEOSYSTEMS.Leurs comportem<strong>en</strong>ts sont très proches <strong>de</strong> l'évitem<strong>en</strong>t (c'est particulièrem<strong>en</strong>t clair <strong>en</strong> cequi concerne le PDG, qui ignorera les quelques t<strong>en</strong>tatives faites pour l'alerter). Laconjonction <strong>de</strong> ces comportem<strong>en</strong>ts négatifs crée une situation étrange. En effet, sur le"fond" du problème, la stratégie <strong>de</strong> GEOSYSTEMS, les DGA et M. FINANCE sontplutôt d'accord <strong>en</strong>tre eux, contre l'action m<strong>en</strong>ée par M. GEO, ou tout au moins ils sontd'accord pour lajuger problématique. Mais ils n'ont pas ou peu consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cet accord,ou ne travaill<strong>en</strong>t pas à le r<strong>en</strong>dre visible, à l'expliciter. Cette situation se rapproche <strong>de</strong>"l'ignorance pluraliste", décrite par PADIOLEAU CI 986) : accord réel, mais ignoré <strong>de</strong>sacteurs. Vis-à-vis <strong>de</strong> M. GEO et <strong>de</strong> M. PRESIDENT, cep<strong>en</strong>dant, ils manifest<strong>en</strong>t plutôtun cons<strong>en</strong>sus <strong>de</strong> faça<strong>de</strong>, probablem<strong>en</strong>t assez pâle, <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> l'action m<strong>en</strong>ée àGEOSYSTEMS ; ce "faux cons<strong>en</strong>sus" (PADIOLEAU, 1986), dont peut-être personn<strong>en</strong>'est dupe, est <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>u par M. GEO, qui fournit <strong>de</strong>s plans, prévisions, justificationsdans lesquels "tout collait, tout fermait bi<strong>en</strong>".Cette situation écarte tout questionnem<strong>en</strong>t. Les traits généraux <strong>de</strong>s instancesdécisionnelles <strong>de</strong> la CSP confort<strong>en</strong>t cette situation: <strong>en</strong> effet, nulle instance spécifiqu<strong>en</strong>'est susceptible <strong>de</strong> s'intéresser à GEOSYSTEMS, <strong>de</strong> faire accé<strong>de</strong>r GEOSYSTEMS àl'ag<strong>en</strong>da stratégique. La seule instance véritablem<strong>en</strong>t active est le Comité <strong>de</strong> DirectionGénérale, qui a pour vocation d'examiner la marche <strong>de</strong>s opérations. En conséqu<strong>en</strong>ce, leproblème GEOSYSTEMS se trouve <strong>en</strong>.concurr<strong>en</strong>ce avec une foule d'autres problèmes,très opérationnels pour la plupart.Le "patinage" <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité produit ainsi le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> processus internes ayant leurdynamique propre, incontrôlée par les acteurs. Le flou général et l'indiffér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>sdirigeants <strong>de</strong> CSP laiss<strong>en</strong>t un vaste champ <strong>de</strong> liberté à M. GEO. Il semble (c'estl'interprétation qu'<strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t les dirigeants <strong>de</strong> CSP) qu'il s'emploie à le conforter, parune stratégie d'isolem<strong>en</strong>t, et t<strong>en</strong>te d'<strong>en</strong> profiter pour réaliser un projet personnel, ou aumoins pour m<strong>en</strong>er selon ses conceptions propres le projet qui lui a été confié. Ce faisant,79


il s'écarte <strong>de</strong> la ligne acceptable, correcte, selon les nonnes implicites <strong>de</strong> la CSP, et<strong>en</strong>traîne GEOSYSTEMS dans une "dérive stratégique'V'',Comm<strong>en</strong>t M. GEO, pourtant largem<strong>en</strong>t socialisé selon les règles CSP et membre du ~lan,a-t-il pu se comporter <strong>de</strong> manière inacceptable pour l~ clan? N'ayant pas re~c?nt~e M.GEO nous ne pouvons que faire <strong>de</strong>s hypothèses. L une est que cette socialisation aéchoué sur M. GEO, et que le clan s'est trompé sur lui. Une autre est que cettesocialisation était réelle mais s'appuyait plus sur l'appart<strong>en</strong>ance à l'élite intellectuelle(polytechnici<strong>en</strong>) valoris'ée par CSP, qu'aux comportem<strong>en</strong>ts concre,:~ ("l'esprit ,p'ros").Quelles qu'elles soi<strong>en</strong>t, et y compris celle <strong>de</strong> M. PRESIDENT ( Il a chan?e), ceshypothèses soulign<strong>en</strong>t l'irréductibilité <strong>de</strong> l'acteur à un modèle i<strong>de</strong>ntitaire, et les limites ducontrôle i<strong>de</strong>ntitaire sur les acteurs.Dans cette phase, donc, l'i<strong>de</strong>ntité joue un rôle bi<strong>en</strong> mo<strong>de</strong>ste. Elle est largem<strong>en</strong>t "hors d~coup", d'autant plus que la stratégie d'isolem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> M. GEO a probablem<strong>en</strong>t coupeGEOSYSTEMS (déjà bi<strong>en</strong> à l'écart) du reste <strong>de</strong> la CSP.La phase suivante est celle <strong>de</strong> la détection <strong>de</strong> la dérive .st.ratégique: Ell~ se f~it trèssimplem<strong>en</strong>t par le moy<strong>en</strong> du système comptable et du SUIVI budgetaIr~ tn~estne~ ".Cesystème assez rudim<strong>en</strong>taire, m,ais appliq~é, avec .rigueur; ?'a p,as <strong>de</strong>tecte la <strong>de</strong>nvelorsqu'elle se traduisait par <strong>de</strong>s ecarts mo<strong>de</strong>res, mais a repere un ecart <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u, avec letemps, important.Dans cette phase, c'est le système <strong>de</strong> gestion qui est le facteur déterminant, c'est-à-direun déterminant <strong>de</strong> nature organisationnelle.La détection décl<strong>en</strong>che alors l'action. La rapidité et la brutalité <strong>de</strong> cette action contrast<strong>en</strong>tavec la longue inaction et les atermoiem<strong>en</strong>ts précé<strong>de</strong>nts. L'action est précise et puissante,dans sa forme comme sur le fond. Elle est sout<strong>en</strong>ue par un cons<strong>en</strong>sus rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t réaliséet soli<strong>de</strong>.L'accumulation <strong>de</strong>s écarts, <strong>en</strong> temps perdu, <strong>en</strong> ressources consommées, <strong>en</strong> insatisfaction<strong>de</strong>s actionnaires-cli<strong>en</strong>ts-part<strong>en</strong>aires, <strong>en</strong> perspectives commerciales et techniques, etc., atransformé le contexte brouillé initial <strong>en</strong> contexte <strong>de</strong> crise. A ce sta<strong>de</strong>, il n'y a plusd'incertitu<strong>de</strong>, l'importance et la gravité du problème sont avérées : l:ac~ion retrouve <strong>de</strong>sbases stables et les dirigeants <strong>de</strong> CSP s'y <strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t sans restriction aucune. Ladramatisationprécise le problème, et le r<strong>en</strong>d du coup appréh<strong>en</strong>dable par l'i<strong>de</strong>ntité CSP.Celle-ci ne "patine" plus, elle "embraye", et au lieu d'inhiber l'action~ elle l'<strong>en</strong>c~urage etla r<strong>en</strong>force. L'i<strong>de</strong>ntité focalise les interprétations du probleme, attnbue lesresponsabilités, et fournit <strong>de</strong>s solutions directem<strong>en</strong>t applicables.La formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques semble ainsi dép<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> la capacité <strong>de</strong>l'i<strong>de</strong>ntité organisationnelle à s'accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'ambiguïté. L'i<strong>de</strong>ntité ~SP n'a pas ~eur<strong>de</strong> l'ambiguïté dans les domaines <strong>de</strong> son métier traditionnel. Au contraire, elle <strong>en</strong> fait unavantage compétitif, puisque le positionnem<strong>en</strong>t stratégique <strong>de</strong> la CSP ~et <strong>en</strong> a~an~ ~acapacité à réaliser <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s dans <strong>de</strong>s conditions technique difficiles. MaIS les ~~?Igultesstratégiques, relationnelles, humaines, organisationnelles, ne lui so~t pas familières. Nesachant les traiter, elle les fuit ou les nie, laissant place à un certain <strong>de</strong>sordre.5. L'ANALYSE DES PROCESSUS DE FORMULATIONDES PROBLEMES STRATEGIQUES.Les <strong>de</strong>ux cas invit<strong>en</strong>t à proposer quelques notions utiles pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong>formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques, processus assez obscurs par nature. Ces notionsconstitu<strong>en</strong>t un cadre d'analyse que l'on peut résumer <strong>de</strong> la manière suivante. Desproblèmes, constructions complexes et subjectives, se form<strong>en</strong>t et vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t (ou non)s'inscrire sur l'ag<strong>en</strong>da décisionnel <strong>de</strong> l'organisation. Il existe différ<strong>en</strong>tes modalitésd'inscription, ou si l'on veut, différ<strong>en</strong>tes rubriques <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da, ou si l'on veut <strong>en</strong>core,différ<strong>en</strong>tes "natures" <strong>de</strong>s problèmes sur l'ag<strong>en</strong>da. Ces modalités d'inscription ne sont pasdéfinies une fois pour toute: non seulem<strong>en</strong>t les problèmes <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t et sort<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da,mais <strong>en</strong>tretemps, leur vie dans l'ag<strong>en</strong>da peut être assez mouvem<strong>en</strong>tée. La composition <strong>de</strong>l'ag<strong>en</strong>da, et le <strong>de</strong>stin d'un problème donné, sont conditionnés par <strong>de</strong>s caractéristiquesstructurelles: la structure d'accès, qui définit la possibilité pratique, pour telproblème, d'accé<strong>de</strong>r à l'ag<strong>en</strong>da; et la structure <strong>de</strong> participation, qui définit lapossibilité pratique, pour tel individu, <strong>de</strong> participer aux processus relatifs à tel problème.Les participants évolu<strong>en</strong>t dans le contexte ainsi créé (mais ils peuv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t chercherà faire évoluer ce contexte), <strong>en</strong> fonction d'une stratégie décisionnelle particulière, quitraduit leur insertion dans les processus. Les stratégies décisionnelles <strong>de</strong>s participants,qui peuv<strong>en</strong>t être évolutives, se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t, créant <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> décision,lesquelles définiss<strong>en</strong>t les conditions d'interaction <strong>de</strong>s participants sur un problème donné.La figure 1 t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> symboliser ce processus.Nous allons maint<strong>en</strong>ant repr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> manière plus détaillée les élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ce cadred'analyse.5.1. LES PROBLEMES.Premièrem<strong>en</strong>t, la notion <strong>de</strong> problème doit s'écarter <strong>de</strong> la notion classique d'écart <strong>en</strong>tre<strong>de</strong>s faits constatés et <strong>de</strong>s normes ou objectifs préexistants. L'idée <strong>de</strong> "molécule",proposée par STARBUCK (1983) capte mieux la "nature" <strong>de</strong>s problèmes: constructionsd'élém<strong>en</strong>ts plus ou moins hétéroclites, compr<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s "faits" (ce qui est considérécomme <strong>de</strong>s faits objectifs), <strong>de</strong>s interprétations, <strong>de</strong>s causes attribuées, <strong>de</strong>s valeurs oucroyances évoquées, <strong>de</strong>s mots chargés <strong>de</strong> connotations, <strong>de</strong>s analogies, métaphores,antécé<strong>de</strong>nts, et <strong>de</strong>s actions <strong>en</strong>gagées, <strong>en</strong>visageables, souhaitables... Lorsqu'un problèmeest partagé, c'est-à-dire lorsque <strong>de</strong>s individus sont d'accord sur son exist<strong>en</strong>ce ou surl'exist<strong>en</strong>ce que certains lui reconnaiss<strong>en</strong>t, la molécule compr<strong>en</strong>d aussi les différ<strong>en</strong>tesinterprétations, les personnes ou groupes impliqués, les intérêts concernés, les évolutionspossibles... Cette molécule n'est pas donnée: elle se construit, elle acquiert une certainesolidité qui provi<strong>en</strong>t, d'une part <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>ts qui lacompos<strong>en</strong>t, et d'autre part, <strong>de</strong> la converg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s participants sur ces différ<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>ts.Lorsque cette converg<strong>en</strong>ce butte sur <strong>de</strong>s oppositions assez claires, le problème pr<strong>en</strong>d lecaractère <strong>de</strong> "question" ou "controverse" ("issue") décrit par DUTTON. Ce processus <strong>de</strong>cristallisation n'a ri<strong>en</strong> d'inéluctable. Les cas rapportés montr<strong>en</strong>t qu'il peut être bloqué,laissant le problème dans un sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> lat<strong>en</strong>ce prolongé, comme il peut être accéléré,lorsque se révèle un cons<strong>en</strong>sus lat<strong>en</strong>t, par exemple.20 Il faut noter que le rôle moteur <strong>de</strong> M. CEO est incertain. Certes, il est netteme~t .affirmé par lesdirigeants <strong>de</strong> CSP, mais on peut p<strong>en</strong>ser qu'il s'agit là d'une interprétation mue par le désir <strong>de</strong> trou~er unresponsable à ce qui apparaît clairem<strong>en</strong>t à tous comme un échec. D'autres explications sont plausibles:notamm<strong>en</strong>t, il est possible que M. CEO lui-même n'ait pas pu maîtriser le ~ro~et, .par exemple ~n, necontrôlant pas les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s actionnaires/cli<strong>en</strong>ts/part<strong>en</strong>aires (on a quelques Indications s~r la réalité <strong>de</strong>pressions concrètes) ou les comportem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> son groupe hétérogène d'ingénieurs <strong>de</strong> haut mveau. ~l r~st~,et c'est l'ess<strong>en</strong>tiel, que s'est produite une dérive stratégique <strong>de</strong> CEOSYSTEMS et que M. CEO a, vis-a-vis<strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong> CSP, pris à son compte cette dérive stratégique, <strong>en</strong> ne la signalant pas, e~ plus e.nco~e,<strong>en</strong> se livrant à une véritable "gestion symbolique" pour la masquer. Là <strong>en</strong>core, cep<strong>en</strong>dant, li est difficile<strong>de</strong> savoir la part exacte <strong>en</strong>tre l'int<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> masquer la réalité et la production <strong>de</strong> rationalisations cherchantsincèrem<strong>en</strong>t à trouver une approbation.8081


Ar3 EN DAL'hypothèse formulée par NUTT (1984), selon laque11e les processus <strong>de</strong> décision sontlargem<strong>en</strong>t "solution-driv<strong>en</strong>", mus par les solutions, est ici vérifiée.5.2. L'AGENDALa secon<strong>de</strong> notion est cel1e d'ag<strong>en</strong>da. L'observation suggère <strong>de</strong> l'approfondir <strong>en</strong>distinguant différ<strong>en</strong>tes dim<strong>en</strong>sions, et tout spécialem<strong>en</strong>t, d'étudier la vie <strong>de</strong>s problèmesdans l'ag<strong>en</strong>da. Les problèmes <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t et sort<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da, et <strong>en</strong>tretemps, ils leparcour<strong>en</strong>t; <strong>en</strong> d'autres termes, ils y subiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s transformations.SITUATIONSDE DEC /Slm·lL'intérêt <strong>de</strong> la notion d'ag<strong>en</strong>da est <strong>de</strong> servir d'intermédiaire <strong>en</strong>tre d'une part lesproblèmes, constructions intellectuelles auxquelles l'organisation attribue une exist<strong>en</strong>ce etune nature, accor<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'att<strong>en</strong>tion, décl<strong>en</strong>che oujustifie l'action <strong>en</strong> fonction d'eux, etc., etd'autre part l'organisation elle-même, <strong>en</strong>semble concret d'individus, <strong>de</strong> groupes, <strong>de</strong>structures, <strong>de</strong> procédures, <strong>de</strong> systèmes. Les problèmes appell<strong>en</strong>t un traitem<strong>en</strong>t parl'organisation: ils sont "saisis" par <strong>de</strong>s individus, <strong>de</strong>s structures, <strong>de</strong>s systèmes, etc. ; etréciproquem<strong>en</strong>t, l'activité organisationnelle produit les problèmes: ils n'exist<strong>en</strong>t queparce qu'ils sont saisis par l'organisation. Les dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da doiv<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>drecompte <strong>de</strong> cette création réciproque.PR OB LE t"'lE ~:;<strong>en</strong> -1O;:uJ> r1:-) c"")(!-1[Tlecn Al[TlCf)STRUCTURE S DEPAF:TI C/PATI ON<strong>en</strong>o:z:z[Tl11[Tl(J1Quatre dim<strong>en</strong>sions caractéris<strong>en</strong>t l'ag<strong>en</strong>da. EI1es s'assembl<strong>en</strong>t par paires. Elles sontcontinues, mais pour la commodité <strong>de</strong> l'exposé, on ne m<strong>en</strong>tionnera que les termesextrêmes.La première dim<strong>en</strong>sion oppose l'ag<strong>en</strong>da operationnel et l'ag<strong>en</strong>da strategique.C'est une distinction classique <strong>en</strong> managem<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong> que donnant lieu à débat. Le traitattribué par l'organisation aux problèmes correspondant à cette distinction recouvrel'importance <strong>de</strong>s <strong>en</strong>jeux pour l'organisation, dans le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> "conséqu<strong>en</strong>tialité". Il.n'estbi<strong>en</strong> sûr pas nécessaire que l'organisation utilise explicitem<strong>en</strong>t ces categories"opérationnel/stratégique". En principe, l'organisation traite les problèmes stratégiques auplus haut niveau hiérarchique (Direction Générale). Le niveau hiérarchique implique estdonc le critère principal, côté organisation, pour distinguer l'ag<strong>en</strong>da stratégique <strong>de</strong>l'ag<strong>en</strong>da opérationnel - et au sein <strong>de</strong> ce critère, le niveau d'att<strong>en</strong>tion que lui accor<strong>de</strong>nt lesplus hauts responsables. D'autres critères peuv<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>ir égalem<strong>en</strong>t, tel quel'introduction du problème dans un système <strong>de</strong> planification stratégique, par exemple.La secon<strong>de</strong> dim<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da est une dim<strong>en</strong>sion courante <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ce Politique. Ondistinguera l'ag<strong>en</strong>da routinier et l'ag<strong>en</strong>da conting<strong>en</strong>t. Les problèmes considéréscomme routiniers sont plutôt répétitifs, ordinaires, habituels; les problèmes conting<strong>en</strong>tsconstitu<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s exceptions, <strong>de</strong>s anomalies, <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts. L'organisation traite lesproblèmes routiniers à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> procédures, <strong>de</strong> systèmes, <strong>de</strong> programmes habituels. Lesproblèmes exceptionnels requièr<strong>en</strong>t un traitem<strong>en</strong>t ad hoc, le recours au chef ou à l'expert,ou à <strong>de</strong>s procédures spéciales.PARTICI PANTSfigure 1 - le processus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques -Ces <strong>de</strong>ux dim<strong>en</strong>sions, les plus évi<strong>de</strong>ntes, peuv<strong>en</strong>t être croisées. On peut <strong>en</strong>visager alorsdiffér<strong>en</strong>ts trajets d'un problème donné sur l'ag<strong>en</strong>da décisionnel. Dans ces trajets, unproblème peut gagner ou perdre <strong>en</strong> "énergie". L'énergie d'un problème peut être définiecomme sa capacité à attirer l'att<strong>en</strong>tion et à évoquer l'action. L'énergie est d'autant plusgran<strong>de</strong> que le problème est placé sur l'ag<strong>en</strong>da stratégique plutôt qu'opérationnel, et surl'ag<strong>en</strong>da conting<strong>en</strong>t plutôt que routinier.Un problème peut s'analyser utilem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> trois <strong>en</strong>sembles: les symptômes, les causesattribuées, et les besoins d'action qui lui sont associés. Ce <strong>de</strong>rnier point semble ess<strong>en</strong>tiel:les actions sont souv<strong>en</strong>t très largem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tes dans les problèmes. L'abs<strong>en</strong>ce d'actionacceptable bloque le processus <strong>de</strong> formulation, ainsi que le montre le cas du problème"gestion du personnel". Le caractère évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s actions nécessaires accélèreconsidérablem<strong>en</strong>t ce même processus, comme le suggère la rapidité du traitem<strong>en</strong>t final <strong>de</strong>la crise à GEOSYSTEMS. Les processus cognitifs producteurs <strong>de</strong>s interprétations <strong>de</strong>sacteurs sont très s<strong>en</strong>sibles à ces actions pot<strong>en</strong>tielles, probablem<strong>en</strong>t parce que cesinterprétations serv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> justifications aux actions lorsque ces <strong>de</strong>rnières se réalis<strong>en</strong>t.82 83


La figure suivante montre les trajets simples possibles.AGENDA OPERAT IONNEL - •• STRATEGI QUEUn problème peut connaître <strong>de</strong>s phases d'activité très contrastées, sans toutefoisdisparaître complètem<strong>en</strong>t. P<strong>en</strong>sons aux processus "sporadiques", marqués par unparcours heurté, i<strong>de</strong>ntifiés par HICKSON et alii (986). L'ag<strong>en</strong>da compte une troisièmedim<strong>en</strong>sion qui r<strong>en</strong>d compte <strong>de</strong> la nature passive ou active d'un problème. L'ag<strong>en</strong>daconti<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s problèmes qui sont plus ou moins actifs, c'est-à-dire plus ou moins prés<strong>en</strong>tsà l'att<strong>en</strong>tion directe, plus ou moins "au premier plan". Un problème passif voit sontraitem<strong>en</strong>t par l'organisation ral<strong>en</strong>ti ou susp<strong>en</strong>du, sans être oublié pour autant. Lesraisons peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> être extrêmem<strong>en</strong>t variées: l'att<strong>en</strong>te d'une autorisation administrativ<strong>en</strong>écessaire à une opération, l'att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> l'avis du PDG, la réalisation d'une étu<strong>de</strong>, lespriorités <strong>de</strong> l'action immédiate, l'abs<strong>en</strong>ce du "porteur" du problème, etc.ROUTI NI ERCONTI NGENT4figure 2 - <strong>de</strong>ux premières dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>daLe problème GEOSYSTEMS a ainsi connu un vie agitée (figure suivante).3La <strong>de</strong>rnière dim<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da r<strong>en</strong>voie au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> reconnaissance <strong>de</strong>s problèmes.Les définitions habituelles <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da mett<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant le caractère "public",reconnu, <strong>de</strong>s problèmes. Clairem<strong>en</strong>t, un ag<strong>en</strong>da qui ne compr<strong>en</strong>drait pas <strong>de</strong> problèmesreconnus, publics, ne signifierait pas grand chose. Cep<strong>en</strong>dant, il semble utile <strong>de</strong> postuler,<strong>de</strong>rrière l'ag<strong>en</strong>da reconnu, un ag<strong>en</strong>da lat<strong>en</strong>t. Dans l'ag<strong>en</strong>da reconnu, il existe uncons<strong>en</strong>sus large sur l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s problèmes, au s<strong>en</strong>s où chacun sait que chacun saitqu"'on" parle <strong>de</strong> tel problème. Certes, il peut y avoir <strong>de</strong>s opinions très tranchées surl'importance <strong>de</strong> ce problème (certains t<strong>en</strong>dant à le minimiser, par exemple), mais lesparticipants pourront "<strong>en</strong>" parler <strong>en</strong>tre eux. Sur le plan organisationnel, les problèmesreconnus sont "saisis" : ils apparaiss<strong>en</strong>t dans les ordres du jour, dans les rapports, dansles discours, par exemple. A l'inverse, l'ag<strong>en</strong>da lat<strong>en</strong>t correspond à un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong>problèmes <strong>en</strong> formation. Pour repr<strong>en</strong>dre la métaphore <strong>de</strong> la molécule, la molécule d'unproblème lat<strong>en</strong>t n'est pas constituée, mais <strong>de</strong>s groupes d'élém<strong>en</strong>ts sont déjà repérables.Des formulations partielles du problème exist<strong>en</strong>t, mais ne sont pas <strong>en</strong>core rapprochées lesunes <strong>de</strong>s autres. Il n'y a pas d'étiquette commune, et il n'y a pas <strong>de</strong> cons<strong>en</strong>sus surl'exist<strong>en</strong>ce d'un problème commun. Le problème lat<strong>en</strong>t n'est pas saisi par l'organisation,il ne donne lieu qu'à <strong>de</strong>s traitem<strong>en</strong>ts locaux, partiels-I.Bi<strong>en</strong> que ces <strong>de</strong>ux dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da, passif-actif et lat<strong>en</strong>t-reconnu, soi<strong>en</strong>t moinsvisibles que les <strong>de</strong>ux premières, elles peuv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t être combinées pour dégager <strong>de</strong>stypes <strong>de</strong> problèmes (figure suivante).AGENDAOPERAT IONNELSTRATEGI QUEAGENDA LATENT ~ MANIFESTEsurveillance 1ROUTI NI ERsurveillance 2PASSIF"<strong>de</strong>ns les 1imbes""<strong>en</strong> et t<strong>en</strong>te"CONTINGENTmise <strong>en</strong>oeuvre 1montagedu projet5mise <strong>en</strong>oeuvre 26crise'rACTIF"<strong>en</strong> t orrnetion""sur le sellette"figure.3 - le cycle <strong>de</strong> vie du problème GEOSYSTEMSfigure 4 - <strong>de</strong>ux autres dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da8421 L'ag<strong>en</strong>da lat<strong>en</strong>t n'est pas la préfiguration <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da reconnu ultérieur, ou seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manièrepartielle.. En effet, la lat<strong>en</strong>ce n'est pas une phase obligatoire <strong>de</strong> la vie d'un problème (une crise, parexemple, n'a pas <strong>de</strong> phase <strong>de</strong> lat<strong>en</strong>ce, au s<strong>en</strong>s qui nous intéresse, mis à part quelques signaux év<strong>en</strong>tuels).En outre, la lat<strong>en</strong>ce ne débouche pas nécessairem<strong>en</strong>t sur la reconnaissance finale du problème.85


Un problème est "dans les limbes" si, par exemple, il ne correspond qu'à unepréoccupation qui assaille quelques personnes séparém<strong>en</strong>t; il est "<strong>en</strong> formation" quandces personnes <strong>en</strong> discut<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre elles ou mobilis<strong>en</strong>t l'att<strong>en</strong>tion d'autres personnes; il estmis "sur la sellette" si par exemple une réunion exceptionnelle lui est consacrée; il est "<strong>en</strong>att<strong>en</strong>te" lorsqu'on a <strong>en</strong>gagé une action dont les résultats ne sont pas <strong>en</strong>core perceptibles.Sur cette figure, tous les trajets sont possibles. Repr<strong>en</strong>ant l'idée d"'énergie" <strong>de</strong>sproblèmes, on dira qu'un problème a d'autant plus d'énergie qu'il est actif plutôt quepassif, et reconnu plutôt que lat<strong>en</strong>t. En résumé,un problème est d'autant plus riche <strong>en</strong>énergie qu'il s'agit d'un problème stratégique, conting<strong>en</strong>t, actif et reconnu.5.3. LA STRUCTURE D'ACCES ET LA STRUCTURE DE PARTICIPATIONL'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s problèmes à la CSP montre que pour qu'un problème s'inscrive surl'ag<strong>en</strong>da, il faut qu'il y ait accès. Cet accès n'est pas évi<strong>de</strong>nt. Notamm<strong>en</strong>t, un problèmedonné aura d'autant moins <strong>de</strong> chances d'accé<strong>de</strong>r à l'ag<strong>en</strong>da stratégique qu'il se trouve <strong>en</strong>concurr<strong>en</strong>ce avec un grand nombre d'autres problèmes susceptibles <strong>de</strong> ret<strong>en</strong>ir l'att<strong>en</strong>tion<strong>de</strong>s dirigeants. La structure d'accès-é est l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s dispositifs qui <strong>en</strong>cadr<strong>en</strong>t etrégul<strong>en</strong>t la possibilité d'évoquer tel problème <strong>en</strong> telles circonstances. L'exemple le plusévi<strong>de</strong>nt est celui <strong>de</strong> l'ordre du jour d'une réunion. A la CSP, l'accès <strong>de</strong>s problèmes àl'ag<strong>en</strong>da stratégique était considérablem<strong>en</strong>t gêné par l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> dispositifsspécifiquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>stinés à leur permettre un accès réservé. De tels dispositifs peuv<strong>en</strong>t être<strong>de</strong>s instances spécialisées (Comité <strong>de</strong> <strong>Gestion</strong> du Personnel, par exemple), ou <strong>de</strong>ssystèmes <strong>de</strong> gestion (contrôle <strong>de</strong> gestion, planification stratégique).On peut égalem<strong>en</strong>t supposer une structure <strong>de</strong> participation, qui définit la capacitépour un individu donné <strong>de</strong> participer à une circonstance donnée. La structure <strong>de</strong>l'organisation est évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t un élém<strong>en</strong>t déterminant <strong>de</strong> cette structure <strong>de</strong> participation,mais ce n'est pas le seul. Notamm<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts informels intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t. A la CSP, laparticipation au Comité <strong>de</strong> Direction Générale est formellem<strong>en</strong>t réservée au PDG et auxDGA, mais elle est informellem<strong>en</strong>t ét<strong>en</strong>due <strong>de</strong> manière perman<strong>en</strong>te au DirecteurFinancier. Celui-ci y est cep<strong>en</strong>dant assis sur un strapontin: il n'a pas la même possibilité<strong>de</strong> participer que les autres membres.5.4. LES STRATEGIES DECISIONNELLESLa quatrième notion utile porte sur le comportem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong>s processus, ou si l'onrepr<strong>en</strong>d le vocabulaire <strong>de</strong> MARCH ou <strong>de</strong> STARBUCK, sur les participants. La littératuresur l'ag<strong>en</strong>da et les problèmes stratégiques voit dans les participants <strong>de</strong>s "porteurs" <strong>de</strong>problème, s'<strong>en</strong>gageant dans une activité politique pour promouvoir les problèmesauxquels ils sont attachés (ou la formulation <strong>de</strong>s problèmes à laquelle ils sont attachés).Cette notion <strong>de</strong> "porteurs" <strong>de</strong> problèmes est utile à condition <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r à l'esprit <strong>de</strong>uxremarques:- les "non-porteurs" ne doiv<strong>en</strong>t pas être oubliés pour autant;- les "porteurs" <strong>de</strong> problème doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core choisir les modalités concrètes <strong>de</strong> leur action<strong>de</strong> promotion, <strong>en</strong> se situant dans les structures <strong>de</strong> participation et d'accès, et <strong>en</strong>s'insérant dans les processus <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t du problème.Appelons stratégie décisionnelle les modalités concrètes d'insertion d'un participantdans le traitem<strong>en</strong>t d'un problème. La stratégie décisionnelle reflète la manière selonlaquelle le participant "mène sa barque" dans les processus, sachant qu'il peut être plusou moins expert à la manoeuvre, et qu'il peut aussi bi<strong>en</strong> la laisser à l'amarre ou profiterdu courant.-------------22 Cette notion et celle <strong>de</strong> structure <strong>de</strong> participation sont dérivées du "modèle <strong>de</strong> la poubelle" (COHEN,MARCH & OLSEN, 1972)86Les stratégies décisionnelles peuv<strong>en</strong>t s'analyser <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong> trois dim<strong>en</strong>sionsl'int<strong>en</strong>sité, l'ouverture et la rationalité.L'i n t e n s i t é d'une stratégie décisionnelle peut s'ét<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> l'abs<strong>en</strong>ce totale àl'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t complet, <strong>en</strong> passant par tous les <strong>de</strong>grés intermédiaires. Elle se mesure parl'allocation d'att<strong>en</strong>tion, <strong>de</strong> temps, et év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ressources.L'ouverture d'une stratégie décisionnelle reflète la tolérance <strong>de</strong> l'acteur vis-à-vis <strong>de</strong>sdéveloppem<strong>en</strong>ts possibles du problème. Un participant est ouvert s'il est disposé àrecevoir toute information sur le problème, à <strong>en</strong>visager différ<strong>en</strong>tes formulations quipourrai<strong>en</strong>t lui être proposées, etc. Le participant a une stratégie décisionnelle fermée s'il aune opinion arrêtée, refuse l'information discordante, et perçoit les autres opinionscomme concurr<strong>en</strong>tes et exclusives <strong>de</strong> la si<strong>en</strong>ne.La rationalité d'une stratégie décisionnelle traduit la métho<strong>de</strong>, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> raisonnem<strong>en</strong>tadopté par le participant par rapport à un problème (ou la préfér<strong>en</strong>ce pour une métho<strong>de</strong>).Le terme "métho<strong>de</strong>" ne doit pas être pris dans un s<strong>en</strong>s trop normatif: il s'agit <strong>en</strong> faitd'une plus ou moins gran<strong>de</strong> t<strong>en</strong>dance ou exig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> rigueur, <strong>de</strong> conformité au modèlerationnel <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s problèmes. La rationalité est maximale quand le participantadopte le modèle rationnel impliquant une recherche poussée d'information, undiagnostic rigoureux, un rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t exhaustif <strong>de</strong>s alternatives, etc. Elle est minimalelorsqu'il accepte n'importe quoi. Entre ces <strong>de</strong>ux extrêmes, la stratégie décisionnelle<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t plus ou moins incrém<strong>en</strong>tale : le participant se cont<strong>en</strong>te d'une définition peufouillée du problème, vise une amélioration marginale par rapport à l'existant, cherche àconcilier les contraintes appar<strong>en</strong>tes, préfère agir sans tar<strong>de</strong>r plutôt que <strong>de</strong> raffiner laformulation du problème, comptant sur l'action et le feedback <strong>de</strong> l'action pour que leproblème se précise ou disparaisse, etc.Int<strong>en</strong>sité, ouverture et rationalité sont trois dim<strong>en</strong>sions largem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dantes. Lastratégie décisionnelle d'un participant peut donc pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s formes très diverses. Parmiles plus typiques, citons:_la stratégie du déci<strong>de</strong>ur rationnel: int<strong>en</strong>sité forte, ouverture forte, rationalité forte;_la stratégie du "suiveur" : int<strong>en</strong>sité faible, ouverture forte, rationalité faible;_la stratégie <strong>de</strong> l"'arbitre" : int<strong>en</strong>sité moy<strong>en</strong>ne, ouverture forte, rationalité forte;_la stratégie du négociateur: int<strong>en</strong>sité forte, ouverture moy<strong>en</strong>ne, rationalité moy<strong>en</strong>ne;_la stratégie du "champion" : int<strong>en</strong>sité forte, ouverture faible, rationalité faible.La stratégie décisionnelle d'un participant est influ<strong>en</strong>cée par sa position (intérêtsconcernés ressources maîtrisées), par sa perception <strong>de</strong> la situation (gravité, urg<strong>en</strong>ce,etc.), et probablem<strong>en</strong>t par un facteur plus stable qui est son style propre <strong>de</strong> décision(DRIVER, 1987 ; ROWE & MASON, 1987). Ce n'est pas un comportem<strong>en</strong>t figé: elle seredéfinit au cours <strong>de</strong> l'action, <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong>s circonstances, <strong>de</strong>s anticipations, <strong>de</strong>sstratégies décisionnelles <strong>de</strong>s autres.L'intérêt <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> stratégie décisionnelle rési<strong>de</strong> dans son caractère ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>tprocessuel. Elle concrétise, par exemple, la notion <strong>de</strong> stratégie d'acteur <strong>de</strong> "l'analysestratégique" (CROZIER & FRIEDBERG, 1977). Les récits ci-<strong>de</strong>ssus montr<strong>en</strong>t que lesprocessus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques sont souv<strong>en</strong>t obscurs. Lescomportem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s acteurs ne se compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> terme <strong>de</strong> jeux politiques.De manière générale, à la CSP, les processus politiques sembl<strong>en</strong>t jouer un rôle bie~mo<strong>de</strong>ste. En revanche, la "qualité <strong>de</strong> la contribution au processus" d'un participant donnejoue un rôle important. La conduite d'évitem<strong>en</strong>t du PDG dans le problème'GEOSYSTEMS est déterminante pour la suite du processus; elle ne résulte pas d'unestratégie délibérée; elle ne peut s'expliquer par un objectif ou un intérêt particulier; <strong>en</strong>revanche, elle semble bi<strong>en</strong> être liée au style <strong>de</strong> l'homme, et à ses réactions émotionnelles.Dans le problème "gestion du personnel", le "porteur <strong>de</strong> problème" - M. FINANCE ­n'arrive à aucun résultat concret. C'est certainem<strong>en</strong>t parce qu'il dispose <strong>de</strong> faiblesressources (<strong>en</strong> pouvoir, <strong>en</strong> temps, <strong>en</strong> statut). Mais c'est aussi parce qu'il "s'y pr<strong>en</strong>d mal": sa stratégie décisionnelle est trop rationnelle, directe, frontale. A la CSP, les acteurs ne87


pos<strong>en</strong>t clairem<strong>en</strong>t que <strong>de</strong>s problèmes mineurs, ou du moins que <strong>de</strong>s problèmes formulés<strong>de</strong> manière mineure; ils ne s'<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t pas dans <strong>de</strong> vastes réformes; ils ne rev<strong>en</strong>diqu<strong>en</strong>tpas une approche "professionnelle" (puisque la CSP est "si particulière" que lesapproches "professionnelles" ne peuv<strong>en</strong>t s'appliquer à son cas). Une stratégie frontal<strong>en</strong>'est <strong>de</strong> manière générale pas une stratégie admise à la CSP, dès qu'il s'agit <strong>de</strong>problèmes internes. C'est <strong>en</strong>core moins une bonne stratégie lorsque le problème a uncaractère quasi tabou. Une stratégie décisionnelle plus incrém<strong>en</strong>tale, oblique, aurait étépréférable. C'est donc <strong>en</strong> partie la "qualité" <strong>de</strong> la contribution <strong>de</strong> l'acteur au processus quiest cause <strong>de</strong> son échec.5.5. LES SITUATIONS DE DECISIONSPlus <strong>en</strong>core, la notion semble intéressante parce que les stratégies décisionnelles <strong>de</strong>sdiffér<strong>en</strong>ts participants contribu<strong>en</strong>t largem<strong>en</strong>t, par leur combinaison, à créer <strong>de</strong>ssituations <strong>de</strong> décision. Cette cinquième idée désigne <strong>de</strong>s contextes mom<strong>en</strong>tanés,naissant <strong>de</strong>s interactions <strong>de</strong>s stratégies décisionnelles, et conditionnant à leur tour cesstratégies décisionnelles. Ainsi, dans le cas <strong>de</strong> GEOSYSTEMS, les stratégies d'évitem<strong>en</strong>tou <strong>de</strong> retrait <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts dirigeants cré<strong>en</strong>t une situation <strong>de</strong> décision ouvrant toute libertéà l'acteur le plus <strong>en</strong>gagé, M. GEO. Cette situation qui ne résulte d'aucune stratégiecollective, s'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t d'elle-même, par le jeu d'une illusion <strong>de</strong> cons<strong>en</strong>sus sur la stratégiem<strong>en</strong>ée par M. GEO. Elle durera jusqu'à ce qu'un "fait" incontournable fournisse uneoccasion <strong>de</strong> détruire cette illusion, et révèle un cons<strong>en</strong>sus inverse bi<strong>en</strong> plus soli<strong>de</strong>.Les processus qui se jou<strong>en</strong>t ainsi, <strong>en</strong>tre problèmes et participants, à travers les situations<strong>de</strong> décision, les filtres <strong>de</strong>s structures d'accès et <strong>de</strong> participation, jusque sur l'ag<strong>en</strong>da, nepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>s que dans un contexte plus large, qui est celui <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>l'organisation, et par rapport à un <strong>en</strong>jeu plus vaste, qui est la stratégie <strong>de</strong> l'organisation.6. FORMULATION DES PROBLEMES STRATEGIQUES,STRATEGIE, IDENTITE.Les problèmes étudiés à la CSP montr<strong>en</strong>t divers cas <strong>de</strong> figure. Dans le cas du problème"gestion du personnel", les processus sont très souterrains, très "contraints" (pourrepr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core la typologie <strong>de</strong> HICKSON & alii, 1986), puisque le problème est trèslargem<strong>en</strong>t lat<strong>en</strong>t et maint<strong>en</strong>u lat<strong>en</strong>t. Dans la mésav<strong>en</strong>ture <strong>de</strong> GEOSYSTEMS, aucontraire, les processus occup<strong>en</strong>t le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la scène, se déploi<strong>en</strong>t largem<strong>en</strong>t, mais <strong>de</strong>manière heurtée, "sporadique". D'autres problèmes, qui n'ont pas été relatés ici, ontconnu un parcours beaucoup moins spectaculaire, beaucoup plus "flui<strong>de</strong>". Pour r<strong>en</strong>drecompte <strong>de</strong> ces différ<strong>en</strong>ces, on pourrait suivre <strong>en</strong>core les conclusions <strong>de</strong>s BradfordStudies et chercher dans la "nature" du problème (dans le "sujet", "matter"), dans les jeuxpolitiques, et dans les incertitu<strong>de</strong>s internes et externes, les déterminants <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong>formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques. Toutefois, si ces facteurs jou<strong>en</strong>t parfoisindéniablem<strong>en</strong>t à la CSP, ils ne sembl<strong>en</strong>t pas constituer l'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> la problématique <strong>de</strong>ces <strong>de</strong>ux cas.Le facteur fondam<strong>en</strong>tal du processus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques ne seraitilpas le rapport du problème à l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l'organisation, telle que cette i<strong>de</strong>ntité estportée par les dirigeants? Lorsque l'i<strong>de</strong>ntité arrive à se "saisir" du problème, lorsque lescontradictions que le problème conti<strong>en</strong>t ou révèle ne sont pas "incompréh<strong>en</strong>sibles" ouinacceptables pour l'i<strong>de</strong>ntité, alors le processus se déroule <strong>de</strong> manière relativem<strong>en</strong>t"flui<strong>de</strong>" : le problème a accès à l'ag<strong>en</strong>da stratégique (sans pour autant qu'il y ait unesituation <strong>de</strong> crise), <strong>de</strong>s stratégies décisionnelles "raisonnables" se développ<strong>en</strong>t, ser<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t, un débat a lieu, <strong>de</strong>s options sont considérées, une ligne <strong>de</strong> conduite à peuprès claire se dégage et se mainti<strong>en</strong>t. La situation ne se ramène pas pour autant à unprocessus strictem<strong>en</strong>t rationnel. Dans ces contextes apaisés, les problèmes sontconstruits, interprétés et traités selon le paradigme, les règles, les croyances, les cartescausales, <strong>de</strong> l'organisation. L'i<strong>de</strong>ntité, support <strong>de</strong> ces règles, croyances, etc., est donctrès directem<strong>en</strong>t à l'oeuvre dans le processus. Elle <strong>en</strong> fournit les élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels, quisont là <strong>de</strong> nature cognitive.Par exemple, la CSP a <strong>en</strong>visagé l'abandon d'une activité lour<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t déficitaire <strong>de</strong>puisplusieurs années. Une telle opération est <strong>en</strong> contradiction avec l'une <strong>de</strong>s règlesstratégiques fondam<strong>en</strong>tales <strong>de</strong> la CSP, qui est le mainti<strong>en</strong>, par <strong>de</strong>vers les aléas <strong>de</strong> laconjoncture, <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s activités relevant directem<strong>en</strong>t du métier principal <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise. Le problème a été plusieurs fois clairem<strong>en</strong>t posé au sein <strong>de</strong> la DirectionGénérale, et le PDG a longtemps hésité. La CSP a finalem<strong>en</strong>t considéré que le mainti<strong>en</strong><strong>de</strong> cette activité était nécessaire, notamm<strong>en</strong>t pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> développem<strong>en</strong>ttechnologique, cette activité étant un <strong>de</strong>s domaines privilégiés <strong>de</strong> perfectionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>smétho<strong>de</strong>s. L'i<strong>de</strong>ntité apparaît là comme un <strong>de</strong>s "points <strong>de</strong> repère", un "ancrage" <strong>de</strong>sdirigeants. Elle ori<strong>en</strong>te leur réflexion et leur action, <strong>en</strong> fixe le cadre et les limites.A l'inverse, lorsque les problèmes sont inacceptables ou incompréh<strong>en</strong>sibles pourl'i<strong>de</strong>ntité, les processus ne sont pas flui<strong>de</strong>s. Le cas <strong>de</strong> la gestion du personnel montre quelorsqu'un problème révèle <strong>de</strong> trop nombreuses ou trop fortes contradictions à l'intérieur<strong>de</strong> l'organisation, les processus ne peuv<strong>en</strong>t se déployer "normalem<strong>en</strong>t" : le problème n'apas accès à l'ag<strong>en</strong>da, les stratégies décisionnelles sont extrêmes, tranchées, les optionssont ignorées, l'action est bloquée. Le problème "gestion du personnel" révèle <strong>en</strong> effetnombre <strong>de</strong> contradictions majeures:- contradiction <strong>en</strong>tre un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t turbul<strong>en</strong>t et une organisation extrêmem<strong>en</strong>t stable;- contradiction <strong>en</strong>tre la position dominante <strong>de</strong>s prospecteurs (actuels et anci<strong>en</strong>s) et leurimportance <strong>de</strong> moins <strong>en</strong> moins gran<strong>de</strong> dans la performance et le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise;- contradiction <strong>en</strong>tre la position dominante <strong>de</strong>s prospecteurs et leur peu <strong>de</strong> pouvoir parrapport à l'organisation, puisqu'il ne peuv<strong>en</strong>t la quitter;- contradiction, pour les rémunérations, <strong>en</strong>tre le marché <strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces, et les pratiquesinternes à la CSP ;- contradiction <strong>en</strong>tre la valorisation <strong>de</strong> qualités <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> dévouem<strong>en</strong>t, etc.,et le besoin <strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ces spécialisées, d'expertise pointue; cette contradiction estinscrite dans le caractère lui-même intrinsèquem<strong>en</strong>t contradictoire du métier, qui mêleartisanat et haute technologie.Le système du clan, les rites et l'imaginaire qui l'accompagn<strong>en</strong>t, étai<strong>en</strong>t la "solution" quipermettait à l'organisation <strong>de</strong> sout<strong>en</strong>ir ces contradictions. La question <strong>de</strong> la gestion dupersonnel m<strong>en</strong>ace directem<strong>en</strong>t, par nature même, le système du clan. Les diversesformulations révèl<strong>en</strong>t les diverses contradictions. Le questionnem<strong>en</strong>t est trop direct, les<strong>en</strong>jeux trop importants, et les dirigeants trop porteurs <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité, pour qu'un espaced'action réfléchie puisse se dégager. Un lourd "couvercle i<strong>de</strong>ntitaire" se referme alors surles processus.Le problème GEOSYSTEMS révèle <strong>de</strong> son côté les contradictions assez classiques d'uneopération <strong>de</strong> diversification (DETRIE & RAMANANTSOA, 1983). Il s'y dévoile <strong>en</strong>outre une contradiction interne à l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> CSP : celle qui oppose la pru<strong>de</strong>ncestratégique à la hardiesse opérationnelle. L'activité traditionnelle <strong>de</strong> la CSP ne permetguère d'hésiter sur les <strong>de</strong>ux niveaux: on sait assez facilem<strong>en</strong>t quand il convi<strong>en</strong>t d'êtrehardi, et quand il convi<strong>en</strong>t d'être pru<strong>de</strong>nt. Lorsque la distinction s'efface à l'occasiond'un grand projet tel que GEOSYSTEMS, un conflit s'ouvre <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux injonctions.Alors que l'i<strong>de</strong>ntité s'était <strong>en</strong> quelque sorte refermée sur le problème "gestion dupersonnel", elle laisse au contraire s'échapper GEOSYSTEMS. Des processus sedévelopp<strong>en</strong>t, incontrôlés, presque anarchiques. Les processus se déploi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manièreautonome, produisant <strong>de</strong>s effets propres; le résultat est une importante dérive dusystème. La dérive apparaît quand elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t détectable par le système <strong>de</strong> contrôlebudgétaire <strong>de</strong> la CSP, assez sommaire, mais appliqué avec rigueur. Dans cette <strong>en</strong>treprisesi peu bureaucratique, si méfiante <strong>en</strong>vers les systèmes <strong>de</strong> gestion, c'est, remarquons-le,un <strong>de</strong>s rares élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> bureaucratie qui sert <strong>de</strong> butoir aux processus incontrôlés.8889


Avançons une hypothèse sur les rapports <strong>en</strong>tre décision et formation <strong>de</strong>s stratégies. Dansquelle mesure la stratégie se forme-t-elle à partir <strong>de</strong>s décisions <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise-- ? On saitque la stratégie ne se déci<strong>de</strong> pas rationnellem<strong>en</strong>t. Mais les théorici<strong>en</strong>s <strong>de</strong>l'incrém<strong>en</strong>talisme (LINDBLOM, 1959 ; QUINN, 1980 ; FREDRICKSON, 1983)conserv<strong>en</strong>t l'idée que la stratégie résulte <strong>de</strong> la somme <strong>de</strong> décisions, même si elles sontlocales, émerg<strong>en</strong>tes, voire incohér<strong>en</strong>tes. Le cas <strong>de</strong> la CSP suggère l'interprétationsuivante: lorsque l'i<strong>de</strong>ntité est "<strong>en</strong> phase" avec les problèmes, lorsque le processus <strong>de</strong>formulation a permis une "saisie" du problème par l'organisation, le processus ressembleassez à une décision, ou si l'on préfère, à une action réfléchie. En revanche, lorsquel'i<strong>de</strong>ntité est m<strong>en</strong>acée par les problèmes, ou qu'elle est désemparée, alors les processuséchapp<strong>en</strong>t aux acteurs. La stratégie se forme <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s décisions: les phénomènesimportants sont <strong>de</strong>s blocages, <strong>de</strong>s non-décisions, <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>tes, <strong>de</strong>s écarts, <strong>de</strong>s dérives,<strong>de</strong>s actions anarchiques.La formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques est peut-être un <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts manquants dupassage <strong>en</strong>tre les micro-processus (décision) et les macro-processus (formation <strong>de</strong> lastratégie). Elle est peut-être le lieu où dans le processus global <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> la stratégiese détach<strong>en</strong>t partiellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s processus mieux bornés, dotés d'une certaine logiquepropre, tout <strong>en</strong> contribuant, in fine, au processus global. Il nous semble que si lesdécisions stratégiques considérées isolém<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t apparaître comme <strong>de</strong>s "épiso<strong>de</strong>s"par rapport à la formation <strong>de</strong> la stratégie, jusqu'à peut-être <strong>en</strong> obscurcir la compréh<strong>en</strong>sion(selon MINTZBERG & WATERS), l'analyse <strong>de</strong>s problèmes stratégiques est davantagesusceptible <strong>de</strong> montrer, sinon la formation <strong>de</strong> la stratégie, du moins la stratégie <strong>en</strong>formation.L'étu<strong>de</strong> a ainsi montré qu'au cours <strong>de</strong> la formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques se<strong>de</strong>ssinai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> possible rupture <strong>de</strong> la continuité stratégique. Lacontinuité stratégique se joue avant l'adoption <strong>de</strong> tel ou tel choix, elle se joue même avantla reconnaissance <strong>de</strong> tel ou tel problème: elle se joue dans le processus <strong>de</strong> formulation duproblème, dans la construction <strong>de</strong> la "molécule", dans le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> cristallisation <strong>de</strong> celleci.Il est possible que, plus que dans les choix stratégiques, la "création" <strong>de</strong> la stratégierési<strong>de</strong> dans les problèmes. La formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques semble un lieuprivilégié du processus d"'<strong>en</strong>actm<strong>en</strong>t" (WEICK, 1969 ; SMIRCICH & STUBBART,1985) par lequel les organisations fabriqu<strong>en</strong>t, ou "mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène"24, à leur propreusage, leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. Les problèmes peuv<strong>en</strong>t apparaître comme <strong>de</strong>s ajouts mineursà cette mise <strong>en</strong> scène, se glissant ainsi dans la toile <strong>de</strong> fond du contexte considéré commehabituel. Les problèmes peuv<strong>en</strong>t aussi, par leur formulation, bousculer cette mise <strong>en</strong>scène et r<strong>en</strong>verser le décor.REFERENCESALLISON, G.T.(l97l), The Ess<strong>en</strong>ce ofDecision, Boston, Little Brown.BRUNSSON, N. (I982), The Irrationality of Action and Action Rationality : Decisions, I<strong>de</strong>ologies andOrganizational Action, Journal ofManagem<strong>en</strong>t Studies; vo1.19, n°l, 29-44.COHEN, M.D, MARCH, .LO .., & OLSEN, LP,. (1972), A Garbage Can Mo<strong>de</strong>l of Organizational Choice,Administrative Sci<strong>en</strong>ce Quater/y, voLl7, n° r, 1-25,CROZIER, M, & FRIEDBERO, E. 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Pourquoi cet intérêt?• Tout d'abord, mais ceci est anecdotique, parce que les situations décrites prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>nombreuses similarités avec <strong>de</strong>s phénomènes que j'ai perçus au cours d'une recherche-actiondans une <strong>en</strong>treprise égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> service "qualifié" à <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises.25 Chargée <strong>de</strong> recherche CNRS au GRASCE (URA CNRS 935) Espace Forbin 23, cours Gambetta 13627AIX EN PROVENCE CEDEX 192• Une raison plus fondam<strong>en</strong>tale provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que Hervé Laroche abor<strong>de</strong> le domaine connusous le nom <strong>de</strong> "Stratégie d'Entreprise" sous un angle différ<strong>en</strong>t <strong>de</strong> celui adopté dans lalittérature managériale traditionnelle:- l'exploration porte sur les processus plutôt que sur leurs "extrants" (c'est-à-dire plutôtque sur le cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong>s processus) ;- l'auteur s'intéresse à la formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques, plutôt que <strong>de</strong> supposerces problèmes donnés et <strong>de</strong> ne se préoccuper que <strong>de</strong> leur résolution.Mais bi<strong>en</strong> sûr comme tout travail qui abor<strong>de</strong> un domaine sous un angle assez peu exploréjusque là, ce texte me parait soulever un certain nombre <strong>de</strong> questions. Pour les commodités <strong>de</strong>l'exposé, j'ai regroupé ces questions <strong>en</strong> <strong>de</strong>ux catégories qui sont évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>tinterconnectées : le "comm<strong>en</strong>t" et le "quoi", c'est-à-dire d'une part sur les aspectsméthodologiques, et d'autre part, sur les aspects "substantifs" ou du cont<strong>en</strong>u proprem<strong>en</strong>t dit.* Je vais comm<strong>en</strong>cer par le "comm<strong>en</strong>t".Mes questions port<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur trois points:- le contexte <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> "terrain",- la métho<strong>de</strong> proprem<strong>en</strong>t dite, et le type <strong>de</strong> connaissance que l'on peut produire avec ceg<strong>en</strong>re <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>,- le 3ème point se situe à l'articulation <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s considérations épistémologiques et lecont<strong>en</strong>u du travail.1. En ce qui concerne le contexte <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> "terrain", j'aurais aimé <strong>en</strong> savoir plus sur:- Pourquoi cette société? Comm<strong>en</strong>t a-t-elle été choisie? Cette recherche était-elle liée àune "interv<strong>en</strong>tion" ?- Qu'est-ce qui a motivé les g<strong>en</strong>s à accepter <strong>de</strong> répondre à <strong>de</strong>s questions généralem<strong>en</strong>tconsidérées comme confi<strong>de</strong>ntielles? Qu'est-ce qui donne à p<strong>en</strong>ser qu'ils ont réponduhonnêtem<strong>en</strong>t?- Hervé Laroche a-t-il pu consulter <strong>de</strong>s docum<strong>en</strong>ts, r<strong>en</strong>contrer d'autres personnes?2. Dans sa prés<strong>en</strong>tation orale, Hervé Laroche à souligné qu'il s'agissait d'une rechercheexploratoire <strong>de</strong>stinée à formuler <strong>de</strong>s hypothèses qu'il convi<strong>en</strong>drait <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r ultérieurem<strong>en</strong>t.Quand il discute sa méthodologie, Hervé Laroche indique <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> "sa stratégie <strong>de</strong>recherche" (telles que la non-représ<strong>en</strong>tativité <strong>de</strong> l'échantillon, la forte dép<strong>en</strong>dancetemporelle, le caractère qualitatif <strong>de</strong>s informations recueillies) : ce sont <strong>de</strong>s limites parrapport à quoi, pour faire quoi ? Découvrir un modèle explicatif, <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong>comportem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>s "lois" ? Ou plutôt concevoir un modèle plausible permettant <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dreintelligibles les phénomènes qu'il a perçus?Ceci conduit à poser <strong>de</strong>ux questions:- avec le type <strong>de</strong> matériau qu'il a récolté qu'est-ce qu'on peut faire (<strong>en</strong> termes <strong>de</strong>production <strong>de</strong> connaissances) et qu'est-ce qu'on ne peut pas faire? Que peut-on <strong>en</strong>retirer comme connaissances "sci<strong>en</strong>tifiques" (le caractère sci<strong>en</strong>tifique dép<strong>en</strong>dantévi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t du référ<strong>en</strong>tiel épistémologique dans lequel on se situe) ?Il est à noter que les critères évoqués par Hervé Laroche, <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tativité, <strong>de</strong> validationempirique, etc., r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t implicitem<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s référ<strong>en</strong>tiels positivistes.- <strong>de</strong> façon plus générale, et au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recherche utilisées, dans ledomaine <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s organisations les référ<strong>en</strong>tiels positivistes n'apparaiss<strong>en</strong>t-ilspas trop contraignants pour permettre <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s connaissances susceptiblesd'être déclarées sci<strong>en</strong>tifiques?3. Bi<strong>en</strong> qu'à plusieurs reprises Hervé Laroche souligne que les problèmes sont <strong>de</strong>sconstructions intellectuelles subjectives, j'ai l'impression que dans ses développem<strong>en</strong>ts il at<strong>en</strong>dance à l'oublier et à implicitem<strong>en</strong>t considérer qu'il existe <strong>de</strong>s problèmes qui à l'évi<strong>de</strong>ncepeuv<strong>en</strong>t être qualifiés <strong>de</strong> stratégiques indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout observateur.L'exemple <strong>de</strong> la gestion du personnel illustre bi<strong>en</strong> ce phénomène: l'auteur considère que lagestion du personnel constituait à l'évi<strong>de</strong>nce un problème stratégique <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, et il93


souligne que ce problème n'a pas été saisi par l'<strong>en</strong>treprise; et pourtant cette <strong>en</strong>treprise est<strong>en</strong>core <strong>en</strong> vie aujourd'hui!...Le rôle <strong>de</strong>s perceptions dans l'appréh<strong>en</strong>sion d'un phénomène comme un problème n'estabsolum<strong>en</strong>t pas abordé.Cette remarque nous amène directem<strong>en</strong>t au 2ème volet: le cont<strong>en</strong>u proprem<strong>en</strong>t dit.* Au niveau du "quoi", je distinguerai égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux familles <strong>de</strong>comm<strong>en</strong>taires :- la première porte sur la question <strong>de</strong>s définitions,- la <strong>de</strong>uxième vise à attirer l'att<strong>en</strong>tion sur ce dont on se prive lorsque, au lieu d'exploiter lesressources que la systémique met à notre disposition, on se cantonne dans uneapproche analytique.1. En ce qui concerne la question <strong>de</strong>s définitions, peut-on considérer que procé<strong>de</strong>r parévocation ou métaphore (par exemple la métaphore <strong>de</strong> la formation d'une molécule pourévoquer l'émerg<strong>en</strong>ce d'un problème) permet <strong>de</strong> faire l'économie <strong>de</strong> définitions lorsque lesconcepts considérés n'ont pas <strong>de</strong> signification universellem<strong>en</strong>t acceptée? Par exemple:- problèmes- stratégiques (problèmes, actions, décisions, etc.)- structure cognitive c<strong>en</strong>trale (et "qualité" <strong>de</strong> cette structure)- culture, i<strong>de</strong>ntité, etc.sont constamm<strong>en</strong>t utilisés sans jamais avoir été définis.En lisant le texte, j'avais parfois l'impression <strong>de</strong> "surfer"...S'il avait donné une définition <strong>de</strong> ce qu'il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par problèmes stratégiques, peut-être HervéLaroche n'aurait-il pas été t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> les traiter comme s'ils avai<strong>en</strong>t une exist<strong>en</strong>ce indép<strong>en</strong>dante<strong>de</strong> tout observateur (cf notamm<strong>en</strong>t la fig 1 P 31 : peut-on dissocier problèmes et participants(qui les ont perçus et qui sont ou non <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> les faire accé<strong>de</strong>r à l'ag<strong>en</strong>da), ou p. 33, pourêtre "saisi" par l'organisation, ne faut-il pas d'abord qu'un problème soit perçu par un participantet que ce participant ait accès à l'ag<strong>en</strong>da ?)Inci<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, j'aurais aimé <strong>en</strong> savoir plus sur les procédures d'accès à l'ag<strong>en</strong>da à la CSP :- A quelle fréqu<strong>en</strong>ce la comité <strong>de</strong> direction se réunissait-il?- Comm<strong>en</strong>t se prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t les ordres du jour? Qui pouvait faire inscrire <strong>de</strong>s questions àl'ordre du jour?- Y avait-il <strong>de</strong>s relevés <strong>de</strong> décision écrits?Egalem<strong>en</strong>t lié à la question <strong>de</strong>s définitions, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si le travail d'Hervé Laroche neporte pas plutôt sur les "processus d'émerg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> (j'utilise délibérém<strong>en</strong>t l'articleindéfini) problèmes perçus stratégiques dans <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises où il n'existe pas <strong>de</strong>processus formalisé <strong>de</strong> réflexion stratégique", que sur les "processus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s(article défini) problèmes stratégiques". En effet, formuler signifie exprimer avec précision,et l'expression "formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques" ne sous-<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d-elle pas qu'il existe<strong>de</strong>s objets (indép<strong>en</strong>dants <strong>de</strong> l'observateur) que l'on appelle "problèmes stratégiques" et quel'auteur se propose d'étudier les processus par lesquels les membres <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise dévoil<strong>en</strong>tces problèmes et les exprim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> façon relativem<strong>en</strong>t précise.Enfin, si on se réfère au modèle simoni<strong>en</strong>, il n'existe pas <strong>de</strong> problème <strong>en</strong> soi: une situation estperçue comme problématique par un sujet connaissant ayant certains projets ou certainesfinalités, dès lors que telle qu'il la perçoit, cette situation ne correspond pas à ce qu'il att<strong>en</strong>dait.Notons que cette conception <strong>de</strong>s problèmes <strong>en</strong> souligne le caractère projectif et passeulem<strong>en</strong>t subjectif.2. L'évocation du modèle simoni<strong>en</strong>, m'amène directem<strong>en</strong>t à la 2ème famille <strong>de</strong> comm<strong>en</strong>tairessur le cont<strong>en</strong>u" J'ai été quelque peu déçue <strong>de</strong> ne pas voir exploitées certaines <strong>de</strong>s ressourcesque la systémique (au s<strong>en</strong>s large) met à notre disposition, et qui aurai<strong>en</strong>t certainem<strong>en</strong>t permisd'assurer <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts plus soli<strong>de</strong>s aux interprétations et constructions proposées.94Parmi les référ<strong>en</strong>ces qui me sont immédiatem<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>ues à l'esprit à la lecture du docum<strong>en</strong>t,j'aimerais <strong>en</strong> évoquer rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux types:- Les travaux qui ont été développés sur autonomie et auto-organisation (cf par exemple,"Entre le cristal et la fumée'; H. Atlan, Seuil, 1979; "La métho<strong>de</strong> - 2. La vie <strong>de</strong> la vie"; E.Morin, Seuil, 1980; "L'auto-organisation'; P" Dumouchel et J.P. Dupuy (Seuil, 1983) etsur i<strong>de</strong>ntité (cf par exemple, "Autonomie et Connaissance'; F. Varela, Seuil, 1989), quipermettrai<strong>en</strong>t certainem<strong>en</strong>t d'éclairer la discussion du §6 sur "formulation <strong>de</strong>s problèmeset i<strong>de</strong>ntité".- Dans le tour d'horizon <strong>de</strong>s travaux sur les processus <strong>de</strong> décision effectué <strong>en</strong> premièrepartie, où la contribution <strong>de</strong> H. Simon se situe-t-elle ? Cet auteur est <strong>en</strong> effetcertainem<strong>en</strong>t l'un <strong>de</strong>s premiers à avoir souligné l'importance <strong>de</strong> concevoir la décisioncomme un processus (itératif) comportant une phase <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong> problème,et pas seulem<strong>en</strong>t dans sa dim<strong>en</strong>sion acte décisif.H. Simon a <strong>en</strong> outre attiré l'att<strong>en</strong>tion sur le phénomène suivant: si dans les sci<strong>en</strong>ces socialeson fait partout l'hypothèse <strong>de</strong> rationalité <strong>de</strong> l'homme, les économistes ont généralem<strong>en</strong>t uneconception beaucoup plus étroite <strong>de</strong> la rationalité que leurs collègues <strong>de</strong>s autres sci<strong>en</strong>cessociales, particulièrem<strong>en</strong>t les psychologues. Et c'est sur cette conception plus riche <strong>de</strong> larationalité qu'ont les psychologues que se sont développées, au moins initialem<strong>en</strong>t, lessci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la cognition et l'intellig<strong>en</strong>ce artificielle"Ainsi, dans son article "From Substantive to Procedural Rationality" (dans "Mo<strong>de</strong>ls ofBoun<strong>de</strong>dRetionellty", vol. 2, The MIT Press, Cambridge, 1982, pp 424-443), il souligne que pour leséconomistes un comportem<strong>en</strong>t est déclaré rationnel lorsqu'il est approprié (voire le plusapproprié) à l'atteinte <strong>de</strong> buts donnés compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s limites imposées par les conditions etcontraintes fixées (le comportem<strong>en</strong>t rationnel est i<strong>de</strong>ntifié à un comportem<strong>en</strong>t rnaxlmisateur).Alors qu'<strong>en</strong> psychologie, "rationalité" est synonyme <strong>de</strong> "processus particulier <strong>de</strong> réflexionappelé raisonnem<strong>en</strong>t". Un comportem<strong>en</strong>t non rationnel étant un comportem<strong>en</strong>t dicté par lespulsions, les affects, sans qu'il y ait recours au raisonnem<strong>en</strong>t.Dans le premier cas (rationalité au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s économistes),il parle <strong>de</strong> rationalité substantive(on se préoccupe du cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s décisions prises: cette décision est-elle bi<strong>en</strong> la solutionoptimale du problème compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s contraintes?). L'acc<strong>en</strong>t est mis sur l'optimisation.Dans le second cas (rationalité au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la psychologie cognitive), il parle <strong>de</strong> rationalitéprocédurale (on se préoccupe <strong>de</strong> comm<strong>en</strong>t sont prises les décisions: les procéduresutilisées sont-elles appropriées compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s capacités et <strong>de</strong>s limites cognitiveshumaines?). L'acc<strong>en</strong>t est mis sur la raisonnabilité, l'argum<strong>en</strong>tabilité a posteriori <strong>de</strong> la procédureutilisée (procédure que l'on a peut-être inv<strong>en</strong>tée pour l'occasion).Voilà donc rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t les quelques points que je voulais soulever pour lancer la discussion.Pour terminer, je dirai que la voie dans laquelle s'est <strong>en</strong>gagé Hervé Laroche me parait à la foisprometteuse et judicieuse:- parce qu'elle peut s'inscrire dans le paradigme simoni<strong>en</strong> <strong>de</strong> la rationalité procédurale(raisonner sur les comm<strong>en</strong>t, et les pourquoi <strong>de</strong>s comm<strong>en</strong>t) sans réduire la rationalité à unseul mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> comportem<strong>en</strong>t possible: l'optimisation.- et parce que, comme l'a souligné Hervé Laroche, l'i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s principauxproblèmes stratégiques d'une organisation est un aspect ess<strong>en</strong>tiel du pilotagestratégique <strong>de</strong> cette organisation, puisque la décision <strong>de</strong> considérer tel phénomènecomme un problème stratégique est déjà une décision stratégique.La voie est prometteuse, mais il reste du travail à faire, et c'est tant mieux parce que le sujet estpassionnant!95


II. Erhard FRIEDBERGL'article <strong>de</strong> H.Laroche qui m'a été communiqué avant le séminaire pose un problème trèsintéressant, celui <strong>de</strong> la façon dont les organisations se pos<strong>en</strong>t, c'est-à-dire perçoiv<strong>en</strong>t,reconnaiss<strong>en</strong>t et construis<strong>en</strong>t leurs problèmes stratégiques. Il rejoint par là une littérature déjàconsidérable dans les étu<strong>de</strong>s sur les organisations qui part<strong>en</strong>t du principe que les problèmescomme les solutions, les participants comme les situations <strong>de</strong> choix dans les organisations sont<strong>de</strong>s construits et non pas <strong>de</strong>s données et qui cherch<strong>en</strong>t donc à étudier les processus cognitifset/ou sociaux par lesquels cette "construction" se réalise.Dans son analyse, H. Laroche s'appuie sur un schéma conceptuel très élaboré, sinon toujourstrès original. La notion d'ag<strong>en</strong>da est ainsi empruntée aux étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s politiques publiques, lesnotions <strong>de</strong> structure d'accès, <strong>de</strong> structure <strong>de</strong> participation et <strong>de</strong> situation <strong>de</strong> décision sontreprises du modèle <strong>de</strong> la poubelle. Le tout permet d'ouvrir <strong>de</strong>s perspectives intéressantes etsouv<strong>en</strong>t stimulantes, car il pousse assez loin la seule bonne analogie ou "métaphore" pourl'étu<strong>de</strong> et la compréh<strong>en</strong>sion d'une organisation, à savoir celle <strong>de</strong> société politique.Au bout <strong>de</strong> son analyse l'auteur est ainsi am<strong>en</strong>é à accor<strong>de</strong>r à ce qu'il appelle après d'autres"l'i<strong>de</strong>ntité" (on pourrait aussi parler <strong>de</strong> culture ou <strong>de</strong> règles du jeu) d'une organisation, un statut<strong>de</strong> variable explicative c<strong>en</strong>trale. Il conclut ainsi que le facteur fondam<strong>en</strong>tal du processus <strong>de</strong>formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques est le rapport <strong>en</strong>tre un problème stratégique etl'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l'organisation telle que cette i<strong>de</strong>ntité est portée par les dirigeants. Et il montre quesi le problème est compatible avec cette i<strong>de</strong>ntité, le processus se déroule <strong>de</strong> façon flui<strong>de</strong> etharmonieuse. Si au contraire il n'est pas compatible avec l'i<strong>de</strong>ntité, s'il révèle trop <strong>de</strong>contradictions à l'intérieur <strong>de</strong> l'organisation (ce qui est le cas dans les <strong>de</strong>ux exemples qu'ilanalyse plus <strong>en</strong> détail), les processus ne peuv<strong>en</strong>t se déployer normalem<strong>en</strong>t: le problème n'apas accès à l'ag<strong>en</strong>da, <strong>de</strong>s stratégies décisionnelles sont extrêmes, <strong>de</strong>s options sont ignorées,l'action est bloquée.Pour intéressant qu'il soit, cet article soulève pour moi une série <strong>de</strong> questions et <strong>de</strong> réservesque je voudrais grouper sous trois points.1. La première série <strong>de</strong> remarques a trait à ce que j'appelerais mes propres étonnem<strong>en</strong>ts<strong>de</strong>vant les analyses <strong>de</strong> l'auteur. Les <strong>de</strong>ux exemples me sembl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet passibles <strong>de</strong> regardstout autres. En ce qui concerne le problème <strong>de</strong> la gestion du personnel, l'auteur ne m'a pasvraim<strong>en</strong>t convaincu qu'il s'agit dans le cas <strong>de</strong> la CSP vraim<strong>en</strong>t d'un problème stratégique. Une<strong>en</strong>treprise qui est capable <strong>de</strong> recruter son PDG futur au mom<strong>en</strong>t ou l'actuel dauphin pr<strong>en</strong>d lescomman<strong>de</strong>s est une <strong>en</strong>treprise dont le personnel est géré. Si cette gestion ne correspond pasaux canons <strong>de</strong>s business-school et <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong>s RH, c'est une autre question. Leproblème n'est donc pas gestion <strong>de</strong> personnel oui ou non, mais gestion <strong>de</strong> personnelcomm<strong>en</strong>t. Et il y a une coalition dominante qui est d'accord sur un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion. Comme lereconnaît Laroche lui-même à un autre mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> son papier, M. Finance est simplem<strong>en</strong>t peuadroit dans sa formulation du problème. Je ne vois pas <strong>en</strong> quoi ce cas permet à l'auteur <strong>de</strong> tirertoutes les affirmations et les conclusions sur "l'i<strong>de</strong>ntité" <strong>de</strong> la CSP. Cette <strong>de</strong>rnière apparaît unpeu comme un <strong>de</strong>us-ex-machina explicatif qui permet <strong>de</strong> tout interpréter. La même critiquepourrait être faite <strong>de</strong> son <strong>de</strong>uxième cas. On ne voit pas <strong>en</strong> quoi le comportem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dirigeantsdans le cas <strong>de</strong> GEOSYSTEMS est tellem<strong>en</strong>t étonnant. Et <strong>en</strong> quoi donc elle permet d'étayerl'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s affirmations <strong>de</strong> l'auteur sur l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> cette organisation.lat<strong>en</strong>t ressemble fort à un truisme. Une critique comparable peut être formulée à l'égard <strong>de</strong>sdim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> la stratégie décisionnelle. Int<strong>en</strong>sité, ouverture et rationalité <strong>de</strong> la stratégiedécisionnelle n'exist<strong>en</strong>t pas indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t les unes <strong>de</strong>s autres, et les stratégies quepermet d'obt<strong>en</strong>ir la combinatoire <strong>de</strong> ces trois dim<strong>en</strong>sions n'ont <strong>de</strong> ce fait pas la mêmeprobabilité" Dans la mesure par exemple où la rationalité présuppose un ~xam<strong>en</strong> approfondi<strong>de</strong>s options, elle suppose aussi un minimum d'ouverture, et on ne VOIt pas pourquoi lastratégie du "suiveur" serait nécessairem<strong>en</strong>t faible <strong>en</strong> rationalité. On touche là un problèmegénéral d'un raisonnem<strong>en</strong>t qui s'appuie trop sur les combinatoires à partir <strong>de</strong> matricesdim<strong>en</strong>sionnelles: celles-ci amèn<strong>en</strong>t à l'abstraction et au jeu <strong>de</strong> l'esprit qui n'a plus <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>strès évi<strong>de</strong>nts avec la réalité que la matrice est c<strong>en</strong>sée représ<strong>en</strong>ter.3. La troisième série <strong>de</strong> remarques, <strong>en</strong>fin, touche à la méthodologie <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong>. Je passerapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t sur une limitation relevée par Laroche lui-même, à savoir la restriction du corpus aune seule <strong>en</strong>treprise. C'est <strong>en</strong> effet une limitation sérieuse, et une comparaison avec une autre<strong>en</strong>treprise aurait certainem<strong>en</strong>t été préférable, ne serait-ce que parce que cela aurait permis <strong>de</strong>comm<strong>en</strong>cer à construire l'amorce d'un modèle qui aurait permis d'étayer empiriquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sli<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre phénomènes.Mais le vrai problème <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>, je le vois dans la disproportion <strong>en</strong>tre le corpus empirique etl'élaboration conceptuelle d'une part, et dans la t<strong>en</strong>dance tautologique du raisonnem<strong>en</strong>t qui <strong>en</strong>résulte d'autre partEn ce qui concerne le premier point, il me semble que le fait <strong>de</strong> disposer <strong>de</strong> six <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s <strong>de</strong>ssix dirigeants répétés quatre fois ne permet pas d'étayer la sophistication du cadre conceptu~1employé, il me semble que par rapport aux résultats empiriques, on assiste à une hypertrophie<strong>de</strong> l'interprétation qui fait que le lecteur se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> constamm<strong>en</strong>t quelles sont les donneesqui permett<strong>en</strong>t à l'auteur d'affirmer ce qu'il affirme et <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ir les raisonnem<strong>en</strong>ts qu'il ti<strong>en</strong>t. C'esttout particulièrem<strong>en</strong>t à propos <strong>de</strong> la notion d'i<strong>de</strong>ntité que l'on se pose cette question. Dans lamesure où cette notion n'est utilisée que pour boucler <strong>de</strong>s interprétations et que ne sont parprés<strong>en</strong>tées indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t les données empiriques qui permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> caractériser cettei<strong>de</strong>ntité, on a du mal à se faire une idée sur l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cette i<strong>de</strong>ntité. Et on peut alors seposer légitimem<strong>en</strong>t la question si cette notion n'est pas plutôt le simple produit <strong>de</strong> la nécessitéd'une interprétation.Et cela m'amène au <strong>de</strong>uxième point, le danger <strong>de</strong> tautologie du raisonnem<strong>en</strong>t. En effet,l'i<strong>de</strong>ntité n'est connue qu'à travers les interviews <strong>de</strong>s seuls dirigeants dont on affirme qu'ilsincarn<strong>en</strong>t cette i<strong>de</strong>ntité. D'autre part on ne considère que <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision et <strong>de</strong>formulation <strong>en</strong>tre ces mêmes six dirigeants. Dès lors, trouver que l'i<strong>de</strong>ntité telle qu'elle ressort<strong>de</strong>s <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec ces six dirigeants affecte la nature <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision <strong>en</strong>tre eux estparfaitem<strong>en</strong>t tautologique et/ou trivial. Le moins que l'on puisse dire c'est que le contraire eûtété surpr<strong>en</strong>ant. Il me semble qu'<strong>en</strong> bonne métho<strong>de</strong> il aurait fallu se construire une idée <strong>de</strong>l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l'organisation par <strong>de</strong>s voies indép<strong>en</strong>dantes pour rev<strong>en</strong>diquer légitimem<strong>en</strong>t lesrésultats <strong>de</strong> recherche que l'auteur rev<strong>en</strong>dique.2. La <strong>de</strong>uxième série <strong>de</strong> remarques se rapporte au schéma conceptuel <strong>de</strong> l'auteur. Il mesemble soulever <strong>de</strong>ux questions.- La première a trait à la définition <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité tant sur un plan conceptuel (qu'est-ce quecompr<strong>en</strong>d cette notion? Les règles et procédures formelles sont-elles incluses? ) que sur leplan <strong>de</strong> sa saisie empirique (Comm<strong>en</strong>t l'auteur s'y est-il pris pour la connaître? Est-cesimplem<strong>en</strong>t une reprise du discours <strong>de</strong>s six dirigeants interviewés, ou est-ce le fruit d'uneétu<strong>de</strong> différ<strong>en</strong>te? A-t-elle été reconstruite simplem<strong>en</strong>t analytiquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> creux du discourset <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong>s six dirigeants, ou a-t-elle été formulée explicitem<strong>en</strong>t par ces sixdirigeants? Comme on le verra, ces questions ont leur importance.-La <strong>de</strong>uxième concerne les dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>da. Ces dim<strong>en</strong>sions sont certesintéressantes, mais ne sont par indép<strong>en</strong>dantes les unes <strong>de</strong>s autres. En outre, on ne voit trèsbi<strong>en</strong> ce que cette combinatoire apporte vraim<strong>en</strong>t comme connaissance; dire qu'un problèmeest d'autant plus riche <strong>en</strong> énergie qu'il s'agit d'un problème stratégique et non pasopérationnel, conting<strong>en</strong>t et non pas routinier, actif plutôt que passif et reconnu plutôt que9697


VI.HYPOCRISIE ORGANISEENils BRUNSSONStockholm School of EconomiesRapporteurs :Alain-Charles MARTINET, IAE Lyon <strong>III</strong>.Werner ACKERMAN, CSO.Séance du 7 Février 19919899


INTRODUCTIONAu sein <strong>de</strong> la société mo<strong>de</strong>rne les organisations formelles jou<strong>en</strong>t un rôle très important.Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> notre vie se passe ou bi<strong>en</strong> est liée a,uprès <strong>de</strong>s organisations quipeuv<strong>en</strong>t être <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ts types, <strong>de</strong>s auto rites c<strong>en</strong>trales et l~c~les ou <strong>de</strong>sgroupes <strong>de</strong> pression. Les organisations sont plus puissantes et plus favonsees que lesindividus. Une question importante est <strong>de</strong> savoir pour quelle raison les organisations sedévelopp<strong>en</strong>t et reçoiv<strong>en</strong>t avec facilité une légitimité extérieure et pour quelles raisonscertaines sont plus légitimes que d'autres. La réponse apportée à celle-ci tant sur le plan<strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s organisations que sur le plan <strong>de</strong> la théorie économique est que la capacité<strong>de</strong>s organisations à produire et à livrer <strong>de</strong>s produits et <strong>de</strong>s services leur permett<strong>en</strong>td'obt<strong>en</strong>ir un souti<strong>en</strong> et <strong>de</strong>s ressources v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> l'extérieur. Ces bi<strong>en</strong>s sont le résultatd'actions coordonnées et organisées. Bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t les organisations sont définies commesystème <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>s actions. Si les organisations se !on~ concu~r<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> v<strong>en</strong>~ant<strong>de</strong>s produits similaires, il est aussi important pour les orgamsations qUI veul<strong>en</strong>t survivreque leurs actions s'effectu<strong>en</strong>t d'une manière efficace ou du moins plus efficacem<strong>en</strong>t quele concurr<strong>en</strong>t le moins efficace.Aussi bi<strong>en</strong> les chercheurs que les pratici<strong>en</strong>s dans le domaine <strong>de</strong> l'organisation tomb<strong>en</strong>td'accord <strong>en</strong> gran<strong>de</strong> partie sur ce qui facilite une coordination efficace dans uneorganisation. On a l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> souligner un certain nombre <strong>de</strong> caractéristiques <strong>de</strong>cohér<strong>en</strong>ce. L'une d'<strong>en</strong>tre elles est la hiérarchie - quelqu'un déci<strong>de</strong> ce que les autresdoiv<strong>en</strong>t effectuer; une autre est l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>te - les conflits sont évités ou bi<strong>en</strong> cont<strong>en</strong>us; unetroisième est la cohér<strong>en</strong>ce - tout le mon<strong>de</strong> travaille pour un objectif commun. Quand ondiscute sur les formes que doiv<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre les organisations on a l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ret<strong>en</strong>ir cescaractéristiques. Cep<strong>en</strong>dant les personnes, qui étudi<strong>en</strong>t ou bi<strong>en</strong> viv<strong>en</strong>t au sein <strong>de</strong>sgran<strong>de</strong>s organisations, remarqu<strong>en</strong>t facilem<strong>en</strong>t que celles-ci dans la pratique, à un <strong>de</strong>gréplus ou moins élevé, conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s caractéristiques contradictoires - peu <strong>de</strong> co~tacts<strong>en</strong>tre la direction et les administrés, contrôle faible <strong>de</strong> la direction, conflits, et i<strong>de</strong>es etactions opposées. De telles observations et leurs analyses constitu<strong>en</strong>t une parti~ ,trèsimportante <strong>de</strong>s recherches sur les organisations réalisées au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnièresdéc<strong>en</strong>nies.1. LES NORMES26On peut trouver <strong>de</strong> nombreuses explications dans le fait que les organisations n'arriv<strong>en</strong>tpas à suivre les idées normatives <strong>de</strong> la cohér<strong>en</strong>ce; dans cet article, je t<strong>en</strong>terai d'<strong>en</strong> donnerune. Il est <strong>en</strong> effet irréaliste <strong>de</strong> concevoir que les organisations, puiss<strong>en</strong>t obt<strong>en</strong>ir unelégitimité exclusivem<strong>en</strong>t par leurs actions et leurs produits.Les organisations ne sont pas uniquem<strong>en</strong>t évaluées d'après leurs produits. Dans lasociété mo<strong>de</strong>rne, il ya <strong>de</strong>s normes qui influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t considérablem<strong>en</strong>t le f?nctionne,m<strong>en</strong>tinterne et externe <strong>de</strong> l'organisation. On peut dire que les organisations repon<strong>de</strong>nt a une<strong>de</strong>man<strong>de</strong> non seulem<strong>en</strong>t par leurs produits mais égalem<strong>en</strong>t par la manière dont elles lesconçoiv<strong>en</strong>t. Les organisations doiv<strong>en</strong>t savoir être rationnelles, effi~aces, démocratiquesetc. C'est-à-dire qu'elles doiv<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir compte et appliquer le systeme <strong>de</strong> v~leur~ ?e lasociété, et qu'elles sont une partie intégrante du projet mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la rationalité, duprogrès et <strong>de</strong> la justice.Il existe <strong>de</strong> fortes normes stipulant les formes <strong>de</strong> constitution <strong>de</strong>s organisations, quifix<strong>en</strong>t la façon <strong>de</strong> travailler et arrêt<strong>en</strong>t les idées qui doiv<strong>en</strong>t être propagées par celles-ci.Par exemple, les lois qui fix<strong>en</strong>t la constitution <strong>de</strong> la forme d'une société anonyme ou bi<strong>en</strong>26 L'essai suivant est basé sur les <strong>de</strong>ux premiers chapitres <strong>de</strong> l'ouvrage <strong>de</strong> Nils Brunsson : "TheOrg<strong>en</strong>izetion of HYPOClisy. Talk, <strong>de</strong>cisions and actions in org<strong>en</strong>izetions", Chichester: !ohn WiI~y..&Sons 1989, C'est une traduction d'un article publié dans un périodique ayant une large audi<strong>en</strong>ce (Tvârsnitt1990: 2), Cela explique son caractère général, le manque <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ces et l'emploi d'exemples tirés <strong>de</strong>sorganisations suédoises, Pour obt<strong>en</strong>ir une étu<strong>de</strong> plus détaillée, il est préférable <strong>de</strong> se référer à l'ouvragecité ci-<strong>de</strong>ssus,100les lois sur la représ<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s employés au conseil d'administration. Il existe égalem<strong>en</strong>t<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s qui détermin<strong>en</strong>t les structures d'organisation. A certaines pério<strong>de</strong>s, il estimportant d'avoir une organisation c<strong>en</strong>tralisée, à d'autres, déc<strong>en</strong>tralisée; actuellem<strong>en</strong>t ilest <strong>de</strong> bon ton que l'organisation soit divisionnalisée, alors qu'il y a dix ans uneorganisation matricielle avait toutes les faveurs. Suivre la mo<strong>de</strong> est important pour gagnerla confiance, par exemple, <strong>de</strong>s actionnaires, <strong>de</strong>s banques ou <strong>de</strong> l'Etat. Une étu<strong>de</strong> réaliséesur l'importante réforme <strong>de</strong> SJ (Sté Nationale <strong>de</strong>s Chemins <strong>de</strong> fer Suédois) montre qu'ilsuffit tout simplem<strong>en</strong>t d'essayer <strong>de</strong> passer à une forme plus mo<strong>de</strong>rne d'organisation pourattirer <strong>de</strong>s capitaux et <strong>de</strong>s hommes. Le passage à une forme qui ressemble plus à celled'une société privée permit, d'une part, d'acquérir 600 millions <strong>de</strong> couronnes etd'améliorer ses relations économiques avec l'Etat et, d'autre part, <strong>de</strong> recruter unpersonnel d'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t compét<strong>en</strong>t.Même les dép<strong>en</strong>ses doiv<strong>en</strong>t être très importantes si l'on veut acquérir une image mo<strong>de</strong>meet progressive. L'organisation qui ne dégage pas une somme d'arg<strong>en</strong>t conséqu<strong>en</strong>te pourla formation et ne pr<strong>en</strong>d pas <strong>de</strong> mesures pour l'amélioration <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t risque <strong>de</strong>s'exposer à <strong>de</strong> nombreuses critiques. Il n'est pas inhabituel que les médias compar<strong>en</strong>t lesorganisations à travers leurs dép<strong>en</strong>ses. Celles qui parrain<strong>en</strong>t la culture ou le sport le fontgénéralem<strong>en</strong>t dans l'int<strong>en</strong>tion d'être populaires.De façon semblable, il existe <strong>de</strong>s normes indiquant les procédures d'organisation qui<strong>de</strong>vront être appliquées. On se doit <strong>de</strong> consulter les employés avant <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre unedécision importante. Depuis les années soixante, la plupart <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s sociétéssuédoises réalis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s budgets. Les étu<strong>de</strong>s montr<strong>en</strong>t qu'elles effectu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus<strong>de</strong> calculs sophistiqués avant <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> leurs investissem<strong>en</strong>ts. L'idée que cesprocédures sont très importantes pour une organisation rationnelle et mo<strong>de</strong>rne estpropagée par les consultants et toutes les grands écoles <strong>de</strong> commerce.Les idéologies, à savoir les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s organisations, sont un instrum<strong>en</strong>t importantpour obt<strong>en</strong>ir une légitimité. Les organisations peuv<strong>en</strong>t ainsi prét<strong>en</strong>dre qu'elles ont <strong>de</strong>scaractéristiques positives comme par exemple qu'elle sont efficaces, satisfont lesconsommateurs, travaill<strong>en</strong>t pour l'intérêt général. Plus utile <strong>en</strong>core, le fait d'afficher unobjectif; dans le cas où les organisations ne sont pas capables <strong>de</strong> remplir les normes danscertains domaines il est important pour elles <strong>de</strong> les prés<strong>en</strong>ter comme <strong>de</strong>s objectifs qu'ellesse promett<strong>en</strong>t d'atteindre.Structures, processus et idéologies sont <strong>de</strong>s instrum<strong>en</strong>ts très importants pour obt<strong>en</strong>ir unelégitimité pour les organisations. Pour certaines cela est décisif - pour celles <strong>en</strong> particulierqui ont <strong>de</strong>s difficultés pour obt<strong>en</strong>ir une légitimité à travers leurs produits - <strong>de</strong> nombreusesorganisations n'ont pas la possibilité <strong>de</strong> montrer un produit, <strong>de</strong> le définir, <strong>de</strong> démontrerqu'il est meilleur que ceux <strong>de</strong>s concurr<strong>en</strong>ts év<strong>en</strong>tuels ou bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> démontrer qu'il estvraim<strong>en</strong>t utile. C'est le cas <strong>de</strong>s organisations telles que les écoles, les universités, leshôpitaux, les bureaux d'audits et les <strong>en</strong>treprises <strong>de</strong> consultants <strong>en</strong> organisation etpourquoi pas, les directions <strong>de</strong>s organisations.2. HYPOCRISIEEu égard aux structures, aux processus et aux idéologies, les normes sont souv<strong>en</strong>tmotivées par le fait qu'elles concour<strong>en</strong>t à r<strong>en</strong>dre les organisations plus efficaces. On doitcréer <strong>de</strong>s divisions, établir un budget, calculer et définir les objectifs à atteindre pourr<strong>en</strong>tabiliser les activités. Mais malheureusem<strong>en</strong>t cela ne dit pas ce que sera le résultat. Etreconv<strong>en</strong>able, rationnel ou mo<strong>de</strong>rne ne signifie pas obligatoirem<strong>en</strong>t être efficace. Ensongeant combi<strong>en</strong> les changem<strong>en</strong>ts fréqu<strong>en</strong>ts sont à la mo<strong>de</strong> dans certains domaines il estpeu probable que les mo<strong>de</strong>s correspon<strong>de</strong>nt toujours à ceux qui sont efficaces. De plus lesnormes sont générales, alors que ce qui est efficace dans une organisation donnée estsouv<strong>en</strong>t lié à la situation et à la production spécifique <strong>de</strong> l'organisation.Quand les normes institutionnelles ne correspon<strong>de</strong>nt pas à celles qui sont <strong>de</strong>mandéespour obt<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s actions efficaces on peut s'att<strong>en</strong>dre à ce que les organisations, là oùl'efficacité est importante, mett<strong>en</strong>t sur pied <strong>de</strong>ux structures, procédures et idéologies -101


une pour coordonner les actions et une autre pour son image externe. Ces différ<strong>en</strong>tesdispositions ne doiv<strong>en</strong>t pas se gêner, doiv<strong>en</strong>t être indép<strong>en</strong>dantes et isolées <strong>en</strong>tre elles.Le principe d'isolation implique <strong>de</strong>ux structures d'organisation. L'une est formelle, qui apour fonction <strong>de</strong> remplir les normes institutionnelles et qui, à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> simples coups <strong>de</strong>crayon, modifie les organigrammes selon les mo<strong>de</strong>s et les lois. Une tout autre structured'organisation aura pour fonction <strong>de</strong> coordonner les actions. Cette <strong>de</strong>rnière structure estsouv<strong>en</strong>t appelée par les observateurs organisation informelle . A quel point il estimportant <strong>de</strong> séparer l'organisation formelle et informelle est démontré, par exemple,jusqu'à la fin du siècle <strong>de</strong>rnier par les ouvriers luttant pour déf<strong>en</strong>dre les normes d'uneorganisation formelle. Suivre à la lettre les règles formelles s'avère souv<strong>en</strong>t impossible,ou bi<strong>en</strong> am<strong>en</strong>e le chaos dans la plupart <strong>de</strong>s organisations.De la même manière on trouve facilem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux groupes <strong>de</strong> procédures organisationnelles,un groupe qui ne coordonne pas les actions mais a pour fonction <strong>de</strong> se montrer àl'extérieur et un groupe qui crée les actions. Le premier type <strong>de</strong> procédure peut s'appelerles rituels. Ces <strong>de</strong>rniers sont courants au sein <strong>de</strong>s organisations. On suit par exemple leslois sur la représ<strong>en</strong>tativité <strong>de</strong>s employés dans les organes <strong>de</strong> direction mais cetteparticipation n'implique pas que le pouvoir <strong>de</strong> décision <strong>en</strong> soit influ<strong>en</strong>cé; on établit <strong>de</strong>plus <strong>en</strong> plus <strong>de</strong> calculs sur les investissem<strong>en</strong>ts, mais ces calculs manqu<strong>en</strong>t d'intérêt pourles investissem<strong>en</strong>ts réellem<strong>en</strong>t réalisés, on réalise <strong>de</strong>s budgets qu'on ne suit pas ou bi<strong>en</strong>on rassemble <strong>de</strong>s informations qu'on n'utilise pas.Les organisations peuv<strong>en</strong>t aussi se référer à différ<strong>en</strong>tes idéologies pour l'utilisationinterne ou externe. Les objectifs fixés à usage externe ne sont pas obligatoirem<strong>en</strong>t ceuxqui sont donnés aux employés. Ce phénomène peut-être facilem<strong>en</strong>t observé par <strong>de</strong>nombreux employés qui compar<strong>en</strong>t les déclarations faites par leurs dirigeants dans lesmédias à celles reçues dans l'organisation. L'organisation possè<strong>de</strong> donc une moraledouble.L'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre organisation formelle et informelle, la production <strong>de</strong>rituels et la pratique d'une morale double sont <strong>de</strong>s formes d'hypocrisie; les imagesextérieures ne correspon<strong>de</strong>nt pas à celles <strong>de</strong> la vie intérieure <strong>de</strong> l'organisation. Cep<strong>en</strong>dantl'hypocrisie est rarem<strong>en</strong>t int<strong>en</strong>tionnelle : c'est plutôt quelque chose qui survi<strong>en</strong>tfortuitem<strong>en</strong>t, alors, que la direction essaie <strong>de</strong> gérer la production. Il est <strong>en</strong> effet trèsdifficile <strong>de</strong> gérer les organisations. A ce propos, il est significatif <strong>de</strong> noter que dans uneorganisation fonctionnant parfaitem<strong>en</strong>t les personnes s'occupant <strong>de</strong> la productions'attach<strong>en</strong>t à donner la priorité à l'efficacité sur les ordres.3. LES NORMES CONTRADICTOIRESLes normes imposées à l'organisation par son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t ne vont pas seulem<strong>en</strong>t àl'<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s impératifs <strong>de</strong> l'efficacité, elles sont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t difficiles ou mêmeimpossibles à concilier. Elles sont contradictoires ou bi<strong>en</strong> incohér<strong>en</strong>tes. Les raisonspeuv<strong>en</strong>t être d'ordre logique, technique ou bi<strong>en</strong> dép<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s ressources. Il peut <strong>en</strong>même temps se trouver <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong>mandant d'un côté une c<strong>en</strong>tralisation <strong>de</strong>l'organisation et <strong>de</strong> l'autre <strong>de</strong>s normes exigeant la déc<strong>en</strong>tralisation. Certains groupes<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt une démocratisation <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> direction, d'autres <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>sautoritaires. Il arrive qu'il soit techniquem<strong>en</strong>t impossible <strong>de</strong> rassembler les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>scli<strong>en</strong>ts sur <strong>de</strong>s produits répondant aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t, ou que lesressources manqu<strong>en</strong>t pour payer tous les groupes qui font appel aux organisations.Les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s et normes contradictoires sont difficiles à manier. Elles sont difficiles àpr~ndre <strong>en</strong> compte <strong>en</strong> même temps et difficiles à lier avec l'action. Il ya <strong>de</strong>s organisationsqUI sont expertes dans l'art <strong>de</strong> générer <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s ressources et la légitimité d'un<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t cont<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s normes fortem<strong>en</strong>t incohér<strong>en</strong>tes. Les différ<strong>en</strong>tes instances<strong>de</strong>s Parlem<strong>en</strong>ts démocratiques ou autres directions paritaires <strong>en</strong> sont <strong>de</strong>s exemplescaractéristiques. Elles essai<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> satisfaire les groupes ayant <strong>de</strong>sexig<strong>en</strong>ces contradictoires.102Mais les organisations mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> toute sorte sont confrontées à <strong>de</strong>s situationscont<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s contradictoires qui les oblig<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s mesuressemblables à celles prises par les assemblées représ<strong>en</strong>tatives. Les organisations peuv<strong>en</strong>tainsi refléter les normes incohér<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t à travers une structure <strong>de</strong>conflit: <strong>en</strong> ori<strong>en</strong>tant les débats sur les problèmes et non sur les solutions, ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>produisant une forme d'hypocrisie supplém<strong>en</strong>taire différ<strong>en</strong>ciant par exemple le discourset l'action.La production d'une action organisationnelle efficace est facilitée par <strong>de</strong>s structuresorganisationnelles basées sur l'unanimité. Dans un contexte où il est nécessaire <strong>de</strong> refléterles incohér<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t les conflits peuv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un principe <strong>de</strong>structuration. Les organisations telles que les administrations nationales ou communalesrecrut<strong>en</strong>t leurs membres dirigeants auprès <strong>de</strong> groupes d'intérêts opposés désignés par"leurs" adhér<strong>en</strong>ts. Dans les <strong>en</strong>treprises dites démocratiques, les représ<strong>en</strong>tants dupersonnel sièg<strong>en</strong>t au conseil d'administration uniquem<strong>en</strong>t parce qu'ils représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sintérêts différ<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s autres membres siégeant dans cette instance.Non seulem<strong>en</strong>t les structures mais aussi les procédures d'organisation sont modifiéessuivant qu'elles s'ori<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t vers l'action ou vers les incohér<strong>en</strong>ces. L'action exige <strong>de</strong> seconc<strong>en</strong>trer sur les solutions, plutôt que sur les problèmes. Mais il est difficile <strong>de</strong> trouver<strong>de</strong>s solutions qui satisfass<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s normes incohér<strong>en</strong>tes. Ces <strong>de</strong>rnières font qu'il est à lafois plus probable et plus passionnant <strong>de</strong> raisonner sur les problèmes, que sur lessolutions. Beaucoup <strong>de</strong> questions <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s problèmes car les normes incohér<strong>en</strong>teset <strong>de</strong>s groupes conflictuels y sont impliqués. Les problèmes insolubles sontparticulièrem<strong>en</strong>t attractifs car personne ne peut <strong>en</strong> exiger une solution définitive.Cep<strong>en</strong>dant les problèmes non résolus sont particulièrem<strong>en</strong>t avantageux: ils donn<strong>en</strong>t lieu à<strong>de</strong>s discussions interminables et à un grand nombre <strong>de</strong> propositions pour différ<strong>en</strong>tesactions contradictoires. En Europe occi<strong>de</strong>ntale par exemple, les assemblées politiquess'intéress<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s problèmes insolubles tels que la drogue ou la criminalité.Certaines organisations, <strong>en</strong> particulier dans le secteur public, sont formées dans le but <strong>de</strong>traiter ces problèmes.Certaines procédures <strong>de</strong> décision amèn<strong>en</strong>t à agir et d'autres reflèt<strong>en</strong>t les incohér<strong>en</strong>ces.Les actions organisées sont facilitées par les processus <strong>de</strong> décision irrationnels. Enpr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte une ou <strong>de</strong>ux possibilités, <strong>en</strong> décrivant les conséqu<strong>en</strong>ces positivesd'une action à <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre et <strong>en</strong> adaptant l'objectif à l'action et non le contraire, il estpossible <strong>de</strong> réduire l'insécurité et par conséqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mobiliser une action organisée. Laprise <strong>de</strong> décision rationnelle offre <strong>de</strong> bonnes possibilités pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong>sincohér<strong>en</strong>ces. Presque toutes les normes portant sur l'élaboration <strong>de</strong>s décisionsrationnelles sont utilisables. En formulant le problème, <strong>en</strong> faisant une déclaration explicitesur les objectifs, <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> considération les différ<strong>en</strong>tes possibilités et <strong>en</strong> décrivant leseffets positifs et négatifs cela permet <strong>de</strong> mieux discerner les différ<strong>en</strong>ts conflits etidéologies. La rationalité est plus facile à combiner avec <strong>de</strong>s problèmes insolubles. Ilspeuv<strong>en</strong>t être le résultat d'une structure <strong>de</strong> conflit.Si l'on veut que les organisations agiss<strong>en</strong>t efficacem<strong>en</strong>t, il est nécessaire d'isoler lesstructures conflictuelles et les procédures rationnelles prov<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>tes parties <strong>de</strong>l'organisation chargées <strong>de</strong> réaliser les actions. C'est-à-dire que l'on doit créer la formed'hypocrisie m<strong>en</strong>tionnée auparavant. En cas d'échec, on peut assister à une paralysiegénérale <strong>de</strong> l'action. Il est ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> séparer les parties dirigeantes. Mais lesorganisations peuv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t répondre aux normes contradictoires <strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ciantdiscours, décisions et actions.4. DISCOURS, DECISIONS ET ACTIONSJ'ai traité ci-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'importance pour les organisations <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ter à l'extérieur leursidées sur leur propre fonctionnem<strong>en</strong>t et leur rôle à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce que nous pouvons appeler<strong>de</strong>s bavardages, ou <strong>de</strong>s discours. Beaucoup d'organisations ont égalem<strong>en</strong>t un besoinpressant <strong>de</strong> publier leurs décisions. Les discours et les décisions peuv<strong>en</strong>t plus facilem<strong>en</strong>tque les actions et les produits refléter <strong>de</strong>s normes contradictoires. Différ<strong>en</strong>ts membres <strong>de</strong>103


l'organisation peuv<strong>en</strong>t exprimer <strong>de</strong>s valeurs différ<strong>en</strong>tes lors <strong>de</strong> débats publics parexemple. Parfois il est possible d'adapter le message selon le public; les cli<strong>en</strong>ts et lesemployés reçoiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s versions différ<strong>en</strong>tes. Différ<strong>en</strong>tes et contradictoires, les décisionspeuv<strong>en</strong>t être exposées dans les différ<strong>en</strong>tes parties <strong>de</strong> l'organisation et à différ<strong>en</strong>tes dates.Pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s décisions incohér<strong>en</strong>tes n'est pas particulièrem<strong>en</strong>t difficile aussi longtempsque les décisions ne sont pas appliquées.Les organisations peuv<strong>en</strong>t produire <strong>de</strong>s normes incohér<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> créant systématiquem<strong>en</strong>t<strong>de</strong>s incohér<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre discours, décisions et actions. Elles peuv<strong>en</strong>t parler <strong>en</strong> conformitéavec un groupe <strong>de</strong> normes, déci<strong>de</strong>r <strong>en</strong> conformité avec un autre et agir <strong>en</strong> conformité avecun troisième. Ceci est la <strong>de</strong>uxième forme d'hypocrisie. Les organisations qui trait<strong>en</strong>t lesincohér<strong>en</strong>ces ont <strong>de</strong> bonnes raisons d'être hypocrites <strong>de</strong> cette façon. Conflits, problèmeset rationalité conduis<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t à l'hypocrisie. Il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t très difficile <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>rtoutes les actions dont on parle et il est difficile d'accomplir toutes les actions décidées.Au sein <strong>de</strong>s organisations suédoises, habituées à faire face aux normes incohér<strong>en</strong>tes, ilest facile <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s exemples d'hypocrisie. Il y a une dizaine d'années nousdécidions la fermeture <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>trales nucléaires, et <strong>en</strong> même temps, nous pr<strong>en</strong>ions <strong>de</strong>smesures pour doubler leur capacité. Il s'est avéré qu'il était plus facile à un gouvernem<strong>en</strong>tsocialiste qu'à un gouvernem<strong>en</strong>t bourgeois d'appliquer une politique <strong>de</strong> droite et <strong>de</strong>même à un gouvernem<strong>en</strong>t bourgeois d'appliquer une politique socialiste. C'est ainsiqu'au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière déc<strong>en</strong>nie on a pu constater qu'un gouvernem<strong>en</strong>t bourgeois,resté <strong>en</strong> place p<strong>en</strong>dant six ans, a socialisé plus qu'un gouvernem<strong>en</strong>t socialiste au pouvoirp<strong>en</strong>dant une cinquantaine d'années et les socialistes ont conduit une <strong>de</strong>s plus importantespolitiques économiques <strong>de</strong> répartition <strong>de</strong> ce siècle allant <strong>de</strong>s travailleurs jusqu'auxdét<strong>en</strong>teurs <strong>de</strong> capitaux. C'est pour cela que R.Nixon, connu par ses attaques <strong>en</strong>vers lescommunistes, a pu <strong>en</strong>tamer <strong>de</strong>s relations diplomatiques avec la Chine populaire. Si l'onveut obt<strong>en</strong>ir un souti<strong>en</strong> significatif auprès <strong>de</strong> groupes ayant <strong>de</strong>s jugem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> valeurscontradictoires, il est difficile d'avoir un discours et une action allant dans la mêmedirection; ce type d'extrémisme n'est pas r<strong>en</strong>table. De bonnes int<strong>en</strong>tions et <strong>de</strong> bonsobjectifs sont importants et sembl<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t être appréciés autant ou mieux que lesbonnes actions.5. PRATIQUE ET PRESENTATIONJ'ai traité jusqu'à maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux sortes d'hypocrisie, celle qui est utilisée lorsque lesorganisations emploi<strong>en</strong>t certaines structures, procédures et idéologies à usage externe; etune autre à usage interne, où elles se voi<strong>en</strong>t obligées <strong>de</strong> gérer <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>scontradictoires à travers <strong>de</strong>s discours, <strong>de</strong>s décisions ou bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s actions, <strong>en</strong> parfait accordavec <strong>de</strong>s normes différ<strong>en</strong>tes. L'hypocrisie est un trait important au sein <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>sorganisations contemporaines dont elle facilite la survie et la croissance. Cela permetd'apparaître <strong>en</strong> conformité avec les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s habituelles <strong>de</strong> conv<strong>en</strong>ance et <strong>de</strong> rationalitéet d'effectuer <strong>de</strong>s actions coordonnées d'une manière efficace. Pourtant les modèles quisoulign<strong>en</strong>t l'hypocrisie, l'incohér<strong>en</strong>ce et le cloisonnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre la vie interne et externe <strong>de</strong>l'organisation ne sont pas populaires lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> décrire une organisation. Laplupart <strong>de</strong>s organisations sont prés<strong>en</strong>tées par les directions, tout du moins à l'occasiond'événem<strong>en</strong>ts officiels, comme <strong>de</strong>s unités coordonnées et cohér<strong>en</strong>tes possédant <strong>de</strong>sobjectifs clairs et cohér<strong>en</strong>ts et dont les discours et les décisions amèn<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s actionsanalogues. En tout cas, toute direction déc<strong>en</strong>te se doit d'avoir pour int<strong>en</strong>tion ou ambitionque l'organisation fonctionne <strong>de</strong> cette façon.La troisième forme <strong>de</strong> 1'hypocrisie <strong>de</strong>s organisations est <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ter les organisationsd'une manière qui ne correspond pas à la réalité ou à une réalité possible. Ce phénomèneest dû à la combinaison, d'une part, <strong>de</strong> ce que nous savons sur le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sorganisations et <strong>de</strong> leurs contradictions et, d'autre part, <strong>de</strong> ce que nous exigeons d'elles àsavoir d'être <strong>de</strong>s unités ori<strong>en</strong>tées malgré tout vers <strong>de</strong>s actions efficaces, possédant soni<strong>de</strong>ntité propre, hiérarchisée et ayant <strong>de</strong>s objectifs légitimes. Il s'agit d'une idée à laquelleles hommes <strong>de</strong>s pays occi<strong>de</strong>ntaux attach<strong>en</strong>t beaucoup d'importance: l'idée que leshommes sont <strong>de</strong>s individus. Les organisations représ<strong>en</strong>tées comme individusconnaiss<strong>en</strong>t, comme les hommes, <strong>de</strong>s difficultés à vivre avec cette idée.104En représ<strong>en</strong>tant les organisations comme <strong>de</strong>s individus, nous donnons la responsabilitéaux dirigeants. Il est très important que quelqu'un pr<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s responsabilité <strong>en</strong> particulierquand les possibilités d'influ<strong>en</strong>cer les événem<strong>en</strong>ts vers une ori<strong>en</strong>tation souhaitée rest<strong>en</strong>tmarginales. Une étu<strong>de</strong> réalisée à propos d'un investissem<strong>en</strong>t important dans le cadred'une politique régionale a montré que les dirigeants politiques prés<strong>en</strong>tèr<strong>en</strong>tl'investissem<strong>en</strong>t comme contribuant largem<strong>en</strong>t à résoudre un problème crucial à propos<strong>de</strong> l'emploi, bi<strong>en</strong> qu'ils fuss<strong>en</strong>t personnellem<strong>en</strong>t convaincus que cette contribution seraitsans effet. Par contre, ils avai<strong>en</strong>t le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que cet investissem<strong>en</strong>t apporterait la preuveque leur responsabilité était <strong>en</strong>gagée et ainsi insufflerait aux électeurs <strong>de</strong> l'optimisme, ducourage et <strong>de</strong> l'esprit d'initiative. C'était particulièrem<strong>en</strong>t important car les problèmes <strong>de</strong>l'emploi ne pouvai<strong>en</strong>t être résolus.6. HYPOCRISIE ET MORALEL'hypocrisie est souv<strong>en</strong>t associée avec la morale, plus précisém<strong>en</strong>t avec celle qui p<strong>en</strong>chedu mauvais côté. Il est facile <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre que l'hypocrisie est quelque chose <strong>de</strong> mal etqui doit être supprimé à tout prix. Mais un <strong>de</strong>s argum<strong>en</strong>ts que l'on oppose à ce type <strong>de</strong>raisonnem<strong>en</strong>t est que l'hypocrisie semble être ce qui est justem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>mandé auxorganisations mo<strong>de</strong>rnes. En <strong>de</strong>mandant aux organisations <strong>de</strong> répondre à nos <strong>de</strong>man<strong>de</strong>scontradictoires, nous <strong>de</strong>vons nous att<strong>en</strong>dre à <strong>de</strong> 1'hypocrisie. La possibilité <strong>de</strong> trouver uncompromis <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s dans une action est une manière <strong>de</strong> ne satisfairepersonne. On peut p<strong>en</strong>ser que les valeurs et les int<strong>en</strong>tions ont une valeur intrinsèque sansse préoccuper du fait qu'elles influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t ou non les actions. Ensuite, l'hypocrisie ainsique le vice, est une condition sine qua non <strong>de</strong> la morale. Pour pouvoir construire,maint<strong>en</strong>ir et propager <strong>de</strong>s valeurs élevées, il faut permettre une différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre ce qui estdit et ce qui est fait. Si nos valeurs étai<strong>en</strong>t conformes aux actes, la morale <strong>en</strong> souffrirait.Le vice et l'hypocrisie sont les conséqu<strong>en</strong>ces naturelles <strong>de</strong> la bonne morale. Cela ne veutpas dire pour autant qu'il faut <strong>en</strong>courager le vice et l'hypocrisie s'ils caractéris<strong>en</strong>t lapratique ils ne doiv<strong>en</strong>t pas pour autant être notre but. On peut donc poser la question:<strong>en</strong>tre une <strong>en</strong>treprise d'automobiles qui a une production fortem<strong>en</strong>t polluante et qui s'<strong>en</strong>déf<strong>en</strong>d <strong>en</strong> argum<strong>en</strong>tant que la pollution est inévitable ou même acceptable, et une<strong>en</strong>treprise telle que Volvo dont la production et les produits sont aussi fortem<strong>en</strong>t polluantsmais qui fait une propagan<strong>de</strong> active pour l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et qui annonce que son but estd'améliorer la nature, laquelle est préférable?1. Alain-Charles MARTINETRAPPORTS1shall be very short because 1received your text four days ago and 1had not 96 hours availableto study and to think <strong>de</strong>eply about it.l'm doing the hypothesis/assumption that there was no organized hypocrisy from you or fromJacques GIRIN to s<strong>en</strong>d me only four days ago a text writt<strong>en</strong> in march 90.1. Hypocrisy much differ<strong>en</strong>t as ambiguity (March)2. About the conting<strong>en</strong>cy of the mo<strong>de</strong>lThe example of SJ seems to me very typical of a mechanist bureaucracy in which :- strong external need of control- complex system of state hol<strong>de</strong>rs- strong separation betwe<strong>en</strong> formulation and implem<strong>en</strong>tation of strategical andorganizational <strong>de</strong>cisions and so on.105


The question is :Does hypocrisy specially goes in such organizations ?OrIs it not an implication of post-mo<strong>de</strong>rnism and specially of g<strong>en</strong>eralized communication whichconduct to "fabulation du mon<strong>de</strong>" (Giami VATTIMO, la société transpar<strong>en</strong>te, BOURRICAUD...)?3. About the skills of the reformersHypocrisy -as <strong>de</strong>fined- appears to be one of the skill necessary to be a strategie manager i-e :A semiotic strategist who pick up in a semiotic tools box to cope with differ<strong>en</strong>t actors anddiffer<strong>en</strong>t points in time and in space to legitimize his prefer<strong>en</strong>ces.4. About the noveltyMay be the surprizing effect of your <strong>de</strong>scription comes more from the dominant i<strong>de</strong>ology ofmanagers and managem<strong>en</strong>t i-e : a manager is a <strong>de</strong>cision maker than from the irrationality ofmanagers and organizations.A manager is paid to manage and must at least speak to satisfy that the society is waiting fromhim.5. About the linkage betwe<strong>en</strong> strategy and organizationThe classical view is that managers must change the strategy to <strong>de</strong>al with <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal changeand th<strong>en</strong> must change organizations to implem<strong>en</strong>t strategie change.We know that in fact there is an <strong>en</strong>actm<strong>en</strong>t of <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t and organization.Strategie change oft<strong>en</strong> don't really change external relations with <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t but justify orlegitimize organizational change and symetrically, organization reforms don't have a great effecton internai behaviour but create effects in external perceptions...déroulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s actions et la prés<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> décisions et <strong>de</strong> réformes qui ne sont guèremises <strong>en</strong> oeuvre"On est <strong>en</strong> droit <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette hypocrisie <strong>de</strong> l'organisation est l'expression d'un écartinévitable ou si elle est plutôt la manifestation d'une stratégie?Dans le premier cas, peut-on parler vraim<strong>en</strong>t d'hypocrisie? Par contre, dans le second, ellesemblerait faire partie, paradoxalem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> scène politique dont Brunsson montreprécisém<strong>en</strong>t les limites" Je suis donc t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> dire qu'il y a <strong>de</strong>ux visions <strong>de</strong> l'hypocrisie qui sontétroitem<strong>en</strong>t mêlées dans la prés<strong>en</strong>tation qui <strong>en</strong> est faite: une vision dramaturgique, oùs'exprime l'écart irréductible <strong>en</strong>tre la norme et l'action, et une vision stratégique, où elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>tun moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus au service <strong>de</strong> certains acteurs.En fait, il n'est jamais indiqué très clairem<strong>en</strong>t qui pratique l'hypocrisie. Les analyses si fines quinous sont proposées ne montr<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>s acteurs confrontés à <strong>de</strong>s problèmes particuliersdans une organisation, mais plutôt <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités abstraites. On peut donc difficilem<strong>en</strong>t aboutir àune analyse stratégique <strong>de</strong> l'hypocrisie, impliquant un acteur qui règlerait ses conduites parrapport à celles, connues ou prévues, <strong>de</strong>s autres membres <strong>de</strong> l'organisation ou <strong>de</strong>sinterlocuteurs <strong>de</strong> son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. Ce modèle stratégique n'est pas applicable. Brunsson vamême plus loin: <strong>en</strong> déconnectant totalem<strong>en</strong>t l'action efficace, intégrée et contrôlée localem<strong>en</strong>tpar un acteur sans distance à son égard, <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> projets mo<strong>de</strong>rnisateurs etrationalisateurs qui satisfont aux exig<strong>en</strong>ces du débat public, mais n'ont aucune inci<strong>de</strong>ncedirecte sur la pratique <strong>de</strong> l'organisation, il prolonge et élargit <strong>en</strong> quelque sorte la ligne d'analysecritique <strong>de</strong> la rationalité organisationnelle déjà introduite par le modèle du "garbage can" <strong>de</strong>March et Coh<strong>en</strong>, où la primauté était donnée aux solutions adoptées sans rapport avec unexam<strong>en</strong> <strong>de</strong>s problèmes. Il continue ainsi le travail d'humiliation <strong>de</strong> la raison - l'expression est <strong>de</strong>Michel Crozier - inscrit déjà dans ce modèle et il aboutit à une autre forme d'irrationalité <strong>de</strong> laraison, lorsqu'elle n'est pas pratique.Dans sa conclusion, Brunsson offre une double issue, morale et cynique. Cynique car il est bon<strong>de</strong> savoir à quoi on a affaire, sans illusion inutile; morale égalem<strong>en</strong>t, car il montre qu'il estpossible d'échapper tout autant au discours rationalisateur qu'à l'emprise <strong>de</strong> l'organisationori<strong>en</strong>tée vers l'action et à son carcan, lorsqu'il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t redoutable.6. About the irrationalityl'm not sure that we can speak of irrationality because we see hypocrisy.May be it's rational conduct - in a type 2 rationality- because : the conditions to be rational -lntype 1ie : substantive -are never realized in the real, complex world of organizations.7. Concluding remarksIf we admit that complex organizations are paradoxical systems th<strong>en</strong> we must consi<strong>de</strong>r thatstrategie behaviour is paradoxical too (compromise, double bind, contradictory in space andtime...Of course it seems unlogical, irrational from an aristotelian point of view but it becomes logical,rational in a heraclitean point of view.II. Werner ACKERMANOn est à la fois fasciné et irrité par le nouveau livre <strong>de</strong> Nils Brunsson et c'est dire tout son intérêt.On voudrait repr<strong>en</strong>dre chacune <strong>de</strong> ses analyses et t<strong>en</strong>ter d'offrir une lecture différ<strong>en</strong>te.L'argum<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral, qu'il vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous exposer, est le suivant: les organisations prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<strong>de</strong>ux modèles (ou types idéaux) <strong>de</strong> structuration <strong>de</strong> leur activité, l'un ori<strong>en</strong>té vers l'action, l'autrevers le débat politique et idéologique. L'organisation produit donc d'une part <strong>de</strong>s solutionspratiques coordonnées et efficaces; elle répond d'autre part aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s variées <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> offrant <strong>de</strong>s discours et <strong>de</strong>s projets conformes aux normes <strong>de</strong> rationalité <strong>en</strong>vigueur. L'hypocrisie est le moy<strong>en</strong> dont dispose l'organisation pour surmonter l'écart <strong>en</strong>tre le106107


VII.ITINERAIRES D'APPRENTISSAGE DANS L'ORGANISATIONLA FIABILITE DANS UNE UNITE ROBOTISEEFlor<strong>en</strong>ce CHARUE<strong>C<strong>en</strong>tre</strong> <strong>de</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>en</strong> <strong>Gestion</strong>Rapporteurs :Albert DAVID, CGSPhilippe D'IRlBARNE, CEREBESéance du 18avril 1991108109


L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'impact d'une mutation technique particulière: la robotique <strong>en</strong> tôlerie, nous apermis <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce le rôle <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> production et <strong>de</strong> leurs acteurs pourconstruire <strong>de</strong> nouveaux modèles <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>r-? . Or aujourd'hui la compétitivité<strong>de</strong>s constructeurs automobiles est très liée à leur capacité à faire face rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>sévolutions technologiques et concurr<strong>en</strong>tielles.Le concept <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel permet <strong>de</strong> formaliser <strong>de</strong>ux caractéristiques,qui nous ont paru ess<strong>en</strong>tielles dans les dynamiques analysées:- La logique <strong>de</strong> construction d'un changem<strong>en</strong>t ne compr<strong>en</strong>d pas une longue phase <strong>de</strong>réflexion suivie d'une implém<strong>en</strong>tation. La réflexion est au contraire assez rapi<strong>de</strong> et trèsaxée sur l'action. C'est la mise <strong>en</strong> oeuvre, la phase c<strong>en</strong>trale du changem<strong>en</strong>t, le sta<strong>de</strong> oùl'on peut observer et analyser l'inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l'impulsion initiale.- Il n'y a pas une dissociation claire <strong>en</strong>tre conception d'un modèle organisationnel idéal etmise <strong>en</strong> oeuvre progressive et planifiée, ces <strong>de</strong>ux phases sont imbriquées suivant leschéma: conception sommaire - mise <strong>en</strong> oeuvre 1 - amélioration - mise <strong>en</strong> oeuvre 2.L'objet <strong>de</strong> cet article est <strong>de</strong> préciser sur un cas concret la notion d'appr<strong>en</strong>tissageorganisationnel et <strong>de</strong> la mobiliser pour comparer plusieurs dynamiques. Nouschercherons alors à proposer une typologie d'appr<strong>en</strong>tissage.Nous abor<strong>de</strong>rons d'abord une dynamique particulière: l'appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> la fiabilité dansla tôlerie <strong>de</strong> Poissy. Nous pourrons affiner notre conception <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage. Nousi<strong>de</strong>ntifierons alors différ<strong>en</strong>ts critères permettant <strong>de</strong> caractériser un processusd'appr<strong>en</strong>tissage. Enfin, nous différ<strong>en</strong>cierons trois types d'appr<strong>en</strong>tissage à partir <strong>de</strong>l'analyse <strong>de</strong> la prise <strong>en</strong> charge <strong>de</strong> la fiabilité par les tôleries automobiles françaises.mutation technologique comme la robotique. On remarquera que les premieresinnovations se compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t par rapport aux "cibles"28 (organisation idéale vers laquellet<strong>en</strong>dre) élaborées par les constructeurs et <strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce ici I.S.O.A.R.2 9 • Nous verrons<strong>en</strong>fin que les évolutions qui suiv<strong>en</strong>t traduis<strong>en</strong>t plus l'adaptation <strong>de</strong>s fonctionnem<strong>en</strong>tsexistants et la construction <strong>de</strong> nouvelles pratiques pour atteindre une meilleure efficacitéque l'application d'une "cible" préexistante.1.1. LA STRUCTURE ET LES ROLESPour chaque équipe, la structure <strong>de</strong> fabrication affectera une cellule <strong>de</strong> production àchacun <strong>de</strong>s secteurs-v et un chef d'atelier pour la coordination <strong>de</strong> ceux-ci sur l'<strong>en</strong>semble<strong>de</strong> la tôlerie.La nouvelle fonction qui apparaît est celle <strong>de</strong> conducteur d'installations. Ce sontd'anci<strong>en</strong>s professionnels d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> qui se trouv<strong>en</strong>t intégrés à l'équipe d'exploitation.Leur mission est <strong>de</strong> surveiller et <strong>de</strong> dépanner au plus vite les installations. Avec ce rôle secrée une maîtrise <strong>de</strong> l'équipe d'exploitation investie d'un rôle nouveau: l'AM 1. Pour ce<strong>de</strong>rnier, il s'agit à la fois d'<strong>en</strong>cadrer <strong>de</strong>s opérateurs non qualifiés et <strong>de</strong>s dépanneurs dansl'objectif d'assurer la production <strong>de</strong>mandée sur son secteur <strong>de</strong> responsabilité. Dansl'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la tôlerie cette vigilance sur le flux <strong>de</strong> production est assurée par les chefsd'atelier. Cette évolution <strong>de</strong> la structure et <strong>de</strong> la mission du service <strong>de</strong> fabrication quiaccompagne la robotique, induit une répartition <strong>de</strong>s activités d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> <strong>de</strong>s installations<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux services: l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et la fabrication. Cette scission <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux typesd'interv<strong>en</strong>tion sur les installations: une maint<strong>en</strong>ance <strong>de</strong> 1er niveau et <strong>de</strong> 2ème niveau, estnouvelle et va <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer différ<strong>en</strong>tes évolutions.1. LA TaLERIE DE POISSYNous voudrions donc prés<strong>en</strong>ter maint<strong>en</strong>ant une dynamique particulière qui nous a am<strong>en</strong>éeà approfondir cette notion d'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel, et à partir <strong>de</strong> laquelle nousillustrerons notre définition.L'unité <strong>de</strong> tôlerie assemble par soudure les différ<strong>en</strong>tes pièces <strong>de</strong> la carrosserie d'unevoiture afin d'obt<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> sortie <strong>de</strong> ligne une "caisse <strong>en</strong> blanc" prête à être peinte. Depuis ledébut <strong>de</strong>s années 80 ces unités <strong>de</strong> production sont passées d'installations manuelles oufaiblem<strong>en</strong>t automatisées à <strong>de</strong>s ateliers compr<strong>en</strong>ant une c<strong>en</strong>taine <strong>de</strong> robots et <strong>de</strong> trèsnombreux automatismes (cf schéma <strong>en</strong> annexe). Nous nous sommes <strong>en</strong> particulierintéressée à la prise <strong>en</strong> charge d'un nouvel objectif, qui apparaît avec les évolutionstechniques soulignées: la fiabilité. En 88, le taux <strong>de</strong> disponibilité <strong>de</strong>s tôleries est compris<strong>en</strong>tre 70 et 75 % alors que les hypothèses prises comme référ<strong>en</strong>ce pour dim<strong>en</strong>sionner lesinstallations prévoyai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s taux compris <strong>en</strong>tre 80 et 85 %. Nous nous interrogerons surles nouveaux rôles définis, les structures dans lesquelles ils s'intègr<strong>en</strong>t, les compét<strong>en</strong>cesnécessaires, l'instrum<strong>en</strong>tation mise <strong>en</strong> place et les résultats obt<strong>en</strong>us. Avant <strong>de</strong> détailler cesévolutions nous repositionnerons le contexte organisationnel dans lequel elles se sontdéveloppées.Nous prés<strong>en</strong>terons cette dynamique <strong>en</strong> nous attachant à un site dont nous connaissons lesévolutions <strong>de</strong> manière très détaillée puisque nous y avons séjourné <strong>en</strong>viron <strong>de</strong>ux ans etavons participé à la mise <strong>en</strong> oeuvre d'une politique fiabilité.Nous prés<strong>en</strong>terons d'abord l'organisation mise <strong>en</strong> place au démarrage <strong>de</strong> la nouvelletôlerie robotisée. Nous insisterons sur les changem<strong>en</strong>ts organisationnels mis <strong>en</strong> oeuvrepour l'arrivée <strong>de</strong> la robotique et t<strong>en</strong>terons <strong>de</strong> préciser les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t pourcompr<strong>en</strong>dre leurs évolutions. On notera l'ampleur <strong>de</strong>s évolutions induites par une27 CHARUE F. & MIDLER C, 1990, "Un processus d'appr<strong>en</strong>tissage à la française: la robotisation <strong>de</strong>stôleries automobile" Communication au colloque Organization of Work and Technology : Implicationsfor International Competitiv<strong>en</strong>ess, Bruxelles.11028 MIDLER C, 1988,"De l'automatisation à la mo<strong>de</strong>rnisation: les transformations dans l'industrieautomobile", Gérer et compr<strong>en</strong>dre, na 13, <strong>de</strong>c 88.29 L S.O.A.R. : Impact social et organisationnel <strong>de</strong> l'automatisation et <strong>de</strong> la robotique. Cette réflexionest m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> coopération <strong>en</strong>tre le c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> production Peugeot <strong>de</strong> Mulhouse, les organisations syndicaleset les pouvoirs publics, cf Coffineau A. et Sarraz .LP., 1985, "ISOAR Peugeot Mulhouse", rapport <strong>de</strong>recherche LEC!.30 La tôlerie est divisée <strong>en</strong> cinq secteurs ayant une homogénéité par rapport au produit, (cf graphique <strong>en</strong>annexe).111


Responsable tôlerie- - - - --1 Responsable 1 Responsable 11 Responsable 1Entreti<strong>en</strong> Fabrication Métho<strong>de</strong>s--tAM2~1 CMIChef d'ateli<strong>en</strong>tôlerie L--1polyval<strong>en</strong>tel, 1 1 li1 AM1 1 AM1 1 AM1 1 AM1 - 1 AMl -crier ce meeq <strong>de</strong> nuit1 régleur 1 régleur 2 régleur 1 régleur -6 cr 8 cr 6 cr 4 CI 7 crtôlerie -"c<strong>en</strong>tre"opérateur opérateur opérateur opérateu opérateurBlocs Avant Côtés <strong>de</strong> Plateforme Soubassem<strong>en</strong>ts ArmaturecaisseMalgré ces premières innovations qui visai<strong>en</strong>t à adapter les principes <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>taux nouvelles technologies <strong>de</strong> production, la montée <strong>en</strong> ca<strong>de</strong>nce-! sera assez difficile, latôlerie ne réussissant pas à produire le volume <strong>de</strong>mandé même avec le recours aux heuressupplém<strong>en</strong>taires.Nous prés<strong>en</strong>terons la dynamique <strong>en</strong>gagée à Poissy autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux questions qui pos<strong>en</strong>tproblème <strong>de</strong>ux ans après le démarrage série-? compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s choix organisationnels. Lapremière concerne l'articulation <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong>s services d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et <strong>de</strong> fabrication. La<strong>de</strong>uxième est la mise <strong>en</strong> place d'une politique fiabilité.1.2. UNE VOLONTE D'ARTICULER ENTRETIEN ET FABRICATION:LA FONCTION D'AM2Dès juillet 1987, une nouvelle fonction est créée : l'AM2. Elle va s'affinerprogressivem<strong>en</strong>t comme nous allons le montrer.Un AM2 est affecté par secteur et le rôle <strong>de</strong> chef d'atelier disparaît. La fonction <strong>de</strong>coordination <strong>de</strong>s secteurs par rapport au flux <strong>de</strong> production est assurée par roulem<strong>en</strong>t parles AM2 (qui sont chacun <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>ux semaines sur cinq).L'AM2 est responsable <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s objectifs, tant <strong>de</strong> court terme: volume <strong>de</strong>production, qualité <strong>de</strong>s voitures fabriquées, que <strong>de</strong> moy<strong>en</strong> terme: fiabilisation <strong>de</strong>smoy<strong>en</strong>s, diminution <strong>de</strong>s dép<strong>en</strong>ses <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t... En effet, jusqu'alors, les AM 1,très liés au flux, avai<strong>en</strong>t peu <strong>de</strong> disponibilité pour suivre <strong>de</strong>s indicateurs un peu décaléspar rapport à l'objectif <strong>de</strong> volume comme: les dép<strong>en</strong>ses, l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> prév<strong>en</strong>tif, la fiabilité,la qualité (souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>globés sous l'appellation objectif<strong>de</strong> moy<strong>en</strong> terme par opposition au31 Lors du lancem<strong>en</strong>t d'un nouveau véhicule l'usine doit passer d'une production nulle avec <strong>de</strong>sinstallations <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> mise au point et mal connues par le personnel, à un volume défini comme lacapacité <strong>de</strong> production du site (pour Poissy: 1050 veh/j <strong>en</strong> <strong>de</strong>ux équipes). Cette pério<strong>de</strong> dite <strong>de</strong> "montée <strong>en</strong>ca<strong>de</strong>nce" dure <strong>en</strong>tre six mois et un an.32 Correspond à la date où l'on comm<strong>en</strong>ce à faire fonctionner les installations dans le but <strong>de</strong> produire etnon pour uniquem<strong>en</strong>t les tester. C'est le début <strong>de</strong> la montée <strong>en</strong> ca<strong>de</strong>nce.112court terme: la production <strong>de</strong> la journée <strong>de</strong> l'équipe, <strong>de</strong> l'heure ou même du quartd'heure). Ce rôle doit permettre d'améliorer pour chaque secteur les relations <strong>en</strong>tre les<strong>de</strong>ux équipes (qui n'existai<strong>en</strong>t formellem<strong>en</strong>t qu'au niveau du responsable <strong>de</strong> fabrication)et les relations avec les autres services: <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, métho<strong>de</strong>s, qualité...Pour la plupart, les AM2 sont d'anci<strong>en</strong>s AM 1 qui ont été promus. Ils n'ont pas suivi <strong>de</strong>formation particulière. Lorsqu'ils <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans leur nouvelle fonction, il n'y a pas nonplus <strong>de</strong> tableau <strong>de</strong> bord précis; c'est à chacun <strong>de</strong> le construire.En mai 88, la fonction d'AM2 est redéfinie compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux exig<strong>en</strong>ces qui sontapparues progressivem<strong>en</strong>t. D'abord, l'animation <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> moy<strong>en</strong> terme et, <strong>de</strong>façon plus générale, celle du secteur nécessite plus que trois semaines sur cinq. Les AM2sont donc dégagés <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> coordination comme <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'équiped'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> <strong>de</strong> nuit qu'ils assurai<strong>en</strong>t par roulem<strong>en</strong>t (<strong>de</strong>ux mois par an). De plus, lesspécificités <strong>de</strong>s secteurs sembl<strong>en</strong>t importantes et il est décidé d'éviter les rotations <strong>de</strong>sAM2 sur les différ<strong>en</strong>ts secteurs (un changem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> secteur par AM2 et par an étaitinitialem<strong>en</strong>t prévu). A cette date, <strong>de</strong>ux chefs d'atelier (un par équipe) sont <strong>de</strong> nouveaux, nommés; <strong>en</strong> septembre 88, l'équipe <strong>de</strong> coordination s'étoffe avec l'intégration <strong>de</strong>dépanneurs dit "voltigeurs".Enfin, <strong>en</strong> novembre 88, <strong>de</strong>ux jeunes ingénieurs sont affectés à cette fonction (auxarmatures et aux soubassem<strong>en</strong>ts). En septembre 89, un cadre pr<strong>en</strong>d la fonction d'AM2aux blocs. L'AM2 est donc désormais cadre. Parallèlem<strong>en</strong>t, à cette élévation du niveau <strong>de</strong>qualification <strong>de</strong>s AM2, la fonction <strong>de</strong> responsable <strong>de</strong> fabrication disparaît; les AM2 sontdirectem<strong>en</strong>t rattachés au responsable tôlerie polyval<strong>en</strong>te (auquel est égalem<strong>en</strong>t rattaché leresponsable <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>).La stabilisation <strong>de</strong> cette nouvelle fonction s'explique par les pratiques qui se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>oeuvre. La vigilance à court terme pour assurer la production <strong>de</strong> la journée est assurée parl'AMI et le chef d'atelier. La politique d'amélioration s'appuie sur les compét<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>sprofessionnels intégrés à l'équipe <strong>de</strong> fabrication mais égalem<strong>en</strong>t sur les professionnels <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et est pilotée par l'AM2.1.3. LA PRISE EN CHARGE DE L'OBJECTIF FIABILITE: DEUX APPROCHESSur la question <strong>de</strong> la fiabilisation, <strong>de</strong>ux approches se sont développées <strong>en</strong> parallèle. L'uneprivilégiant une action mobilisant sur une courte durée beaucoup <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s pouratteindre rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t un niveau <strong>de</strong> fiabilité satisfaisant. Cette façon d'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r lespannes correspond tout à fait à l'approche <strong>de</strong>s consultants et à la structure <strong>en</strong> modules(qui étai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>stinée à se diluer dès l'objectif atteint). Une autre logique s'estprogressivem<strong>en</strong>t affirmée suivant laquelle la fiabilisation était un travail quotidi<strong>en</strong> <strong>de</strong>vigilance, <strong>de</strong> surveillance, et d'amélioration perman<strong>en</strong>te.*Sur Je secteur<strong>de</strong>s armatures, une action "coup <strong>de</strong> poing"Des consultants ont été commandités par les métho<strong>de</strong>s c<strong>en</strong>trales pour améliorer le taux <strong>de</strong>fiabilité du secteur <strong>de</strong>s armatures dans un délai <strong>de</strong> six mois. Ils intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mars àoctobre 88, ils sont <strong>de</strong>ux cadres: l'un à plein temps, l'autre à mi-temps. Ils s'appui<strong>en</strong>tbeaucoup sur les compét<strong>en</strong>ces techniques <strong>de</strong> la tôlerie et <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s c<strong>en</strong>trales. C'estdonc plus un travail <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> et d'organisation qui leur revi<strong>en</strong>t. L'instrum<strong>en</strong>tation a étéparticulièrem<strong>en</strong>t développée sur ce secteur. Une observation précise <strong>de</strong>s pannes dusecteur armature a été m<strong>en</strong>ée p<strong>en</strong>dant un mois par six observateurs. Des groupes <strong>de</strong>travail ont été organisés pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge les problèmes techniques qui étai<strong>en</strong>tapparus <strong>en</strong> analysant les relevés <strong>de</strong> pannes.Au retour <strong>de</strong>s congés 88, malgré certaines améliorations, le taux <strong>de</strong> pannes <strong>de</strong>sinstallations du secteur <strong>de</strong>s armatures est <strong>en</strong>core assez irnportant- ' . Cette date33 Les modifications liées à l'introduction <strong>de</strong> la 205 sur ces lignes ont créé <strong>de</strong> nouvelles sources <strong>de</strong>pannes.113


correspond à l'introduction <strong>de</strong> la 205 sur la tôlerie robotisée, l'objectif <strong>de</strong> produire 1200véhicules par jour <strong>en</strong> mai 89 se rapproche mais les inconnues sur la capacité <strong>de</strong> la tôlerie àatteindre cet objectif sont <strong>en</strong>core importantes. Trois décisions sont alors prises: la mise<strong>en</strong> place d'observateurs pour connaître chaque jour les pannes et une structure "coup <strong>de</strong>poing" <strong>en</strong> modules pour améliorer les performances <strong>en</strong> fiabilité du secteur. Laprolongation du contrat avec les consultants est abandonnée.La structure coup <strong>de</strong> poing est organisée autour <strong>de</strong> type <strong>de</strong> pannes. Pour chaque famille<strong>de</strong> panne, un "pilote" est chargé <strong>de</strong> faire avancer au plus vite <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> fiabilisation.Il ne s'agit pas d'un rôle, c'est une tâche qui vi<strong>en</strong>t s'ajouter à d'autres qui incomb<strong>en</strong>tdéjà à l'acteur du fait <strong>de</strong> la fonction qu'il occupe.Il est difficile <strong>de</strong> dater la disparition <strong>de</strong> cette structure coup <strong>de</strong> poing. Si le responsable <strong>de</strong>cette action change <strong>de</strong> fonction <strong>en</strong> mars 89, on ne peut pas affirmer qu'à cette date tousles pilotes interromp<strong>en</strong>t leur action. Au contraire, une fois les améliorations <strong>en</strong>gagées,elles suiv<strong>en</strong>t leur cours même si le suivi hiérarchique est beaucoup plus distant voireinexistant au fil <strong>de</strong>s mois. Ces nouveaux experts vi<strong>en</strong>dront appuyer les fiabilistes quiassur<strong>en</strong>t la vigilance sur l'objectif fiabilité.*Le fiabilisteLa fonction <strong>de</strong> fiabiliste est créée <strong>en</strong> janvier 88 c'est à dire trois mois avant l'arrivée <strong>de</strong>sconsultants. Cinq fiabilistes (un par secteur) ainsi que quatre spécialistes sont rattachés àl'adjoint du responsable <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> pour constituer les "métho<strong>de</strong>s maint<strong>en</strong>ance". Lerôle <strong>de</strong>s fiabilistes est d'«animer la politique fiabilité dans chaque secteur». Pour traiterles pannes connues <strong>de</strong>s fabricants, ils s'appui<strong>en</strong>t sur leurs compét<strong>en</strong>ces techniques, celles<strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> leur service, celles <strong>de</strong> la fabrication, <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>ou, pour certains points particuliers <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s. Ils doiv<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>smodifications techniques permettant d'améliorer le taux <strong>de</strong> fiabilité.Les fiabilistes sont d'anci<strong>en</strong>s technici<strong>en</strong>s du bureau <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s, sauf<strong>de</strong>ux d'<strong>en</strong>tre eux:l'un est un anci<strong>en</strong> AM 1 et je suis la cinquième.Les évolutions que nous prés<strong>en</strong>tons ci-<strong>de</strong>ssous sont <strong>de</strong>s étapes jusqu'au rattachem<strong>en</strong>tdirect <strong>de</strong>s fiabilistes à l'AM2. Elles se compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t par rapport à <strong>de</strong>ux logiques. D'unepart, les réorganisations visai<strong>en</strong>t à améliorer la prise <strong>en</strong> charge <strong>de</strong> l'objectif fiabilité au vu<strong>de</strong>s obstacles mis <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce par les précé<strong>de</strong>nts fonctionnem<strong>en</strong>ts; on remarquera sur lacourbe d'évolution <strong>de</strong> la disponibilité prés<strong>en</strong>tée ci-après, que, <strong>de</strong> janvier à septembre 88,il n'y a pas d'amélioration significative. D'autre part, on peut compr<strong>en</strong>dre ces étapescomme <strong>de</strong>s phases transitoires vers l'intégration du fiabiliste dans la cellule <strong>de</strong>production.En juillet 88, le service métho<strong>de</strong>s maint<strong>en</strong>ance se scin<strong>de</strong> <strong>en</strong> <strong>de</strong>ux. D'un côté, lesspécialistes rest<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et dép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt hiérarchiquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'adjoint du responsable<strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>. De l'autre, le service fiabilité est créé, <strong>en</strong>cadré par un jeune ingénieur etdirectem<strong>en</strong>t rattaché au responsable <strong>de</strong> la tôlerie. En octobre 88, le service fiabilité("suivant son chef') se trouve réintégré au service tôlerie polyval<strong>en</strong>te et dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong>l'adjoint du responsable <strong>de</strong> la tôlerie polyval<strong>en</strong>te. Enfin, le fiabiliste est rattachédirectem<strong>en</strong>t à l'AM2 (ce qui peut l'am<strong>en</strong>er à ori<strong>en</strong>ter plus son travail vers le flux que s'ilest extérieur à la hiérarchie <strong>de</strong> fabrication). On parle désormais <strong>de</strong> "technici<strong>en</strong> <strong>de</strong> secteurfiabilité". Cette <strong>de</strong>rnière structure se met <strong>en</strong> place progressivem<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong> mars 89.Parallèlem<strong>en</strong>t, dès février 89, avai<strong>en</strong>t été nommés <strong>de</strong>s "technici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> secteur qualité"(directem<strong>en</strong>t rattachés aux AM2, pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> charge, non pas les pannes, mais les défauts<strong>de</strong> qualité). A partir <strong>de</strong> novembre 89, ces <strong>de</strong>ux fonctions vont être fusionnées et il n'yaura plus qu'un technici<strong>en</strong> par secteur.Nous voudrions proposer ici un résultat qui reflète <strong>en</strong> partie le processusd'appr<strong>en</strong>tissage: l'évolution <strong>de</strong> la disponibilité.11410090807060 +------ -~.......-......:.;~--~---:-_------5040 +---I---+---+--l--+--+---+-+---+--I---+--l--I---I---4-I---I---I---4-I---I---I---l09/'07 11/'07 01/88 03/88 05/88 07/88 10/88 12/88 02/89 04/89 06/89 09/89< Année 88 } < Année 89On peut remarquer que l'évolution <strong>de</strong> la disponibilité est très nette et que l'objectif <strong>de</strong>s82% <strong>de</strong> disponibilité est atteint. Il traduit la structuration <strong>de</strong> nouvelles pratiques dufiabiliste et <strong>de</strong>s acteurs avec lesquels il interagit. Nous remarquerons égalem<strong>en</strong>t laprogression par paliers qui traduit un phénomène suivant lequel un travail <strong>de</strong> fond peutêtre masqué par un "goulot" moins fiable.Dans le cas <strong>de</strong>s processus étudiés, se trouve au c<strong>en</strong>tre du cheminem<strong>en</strong>t l'expéri<strong>en</strong>ce: mise<strong>en</strong> place <strong>de</strong> nouveaux rôles, d'indicateurs, <strong>de</strong> personnes aux profils différ<strong>en</strong>ts. Chacune<strong>de</strong> .ces actions ~u e~~~ri<strong>en</strong>ces r~f1ète une t~éo:ie <strong>de</strong> l'action <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts d'appr<strong>en</strong>tissage,qUI se trouve rrnse a 1epreuve <strong>de</strong>s son application. Une phase ess<strong>en</strong>tielle <strong>de</strong> ce processusest donc celle <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> oeuvre. C'est l'occasion <strong>de</strong> r<strong>en</strong>forcer, ou au contraire, <strong>de</strong>remettre <strong>en</strong> cause les théories <strong>en</strong> usage. -Nous opposerons cette conception du changem<strong>en</strong>t aux théories d' OrganizationalDevelopm<strong>en</strong>t où la phase-clé est la planification et où la mise <strong>en</strong> oeuvre est conforme auplan. L'opposition radicale <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux conceptions est un peu caricaturale. Il ya dans leprocessus d'appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s, non pas d'action, mais d'interprétation et <strong>de</strong>définition d'une nouvelle expéri<strong>en</strong>ce, que l'on peut rapprocher <strong>de</strong> la "conception" dans lecadre <strong>de</strong> l'Organizational Developm<strong>en</strong>t Cep<strong>en</strong>dant, il ne nous semble pas indiffér<strong>en</strong>td'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r une dynamique comme dép<strong>en</strong>dante <strong>de</strong>s analyses qui émergeront <strong>de</strong> la mise<strong>en</strong> oeuvre <strong>de</strong>s premiers changem<strong>en</strong>ts ou comme une implém<strong>en</strong>tation fidèle d'une cibleconçue par <strong>de</strong>s experts.2. NOTRE CONCEPTION DE L'APPRENTISSAGE ORGANISATIONNELNous nous proposons maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> définir le concept d'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel.Nous nous appuierons sur les idées développées par C. Argyris et D. Schôn 34 et B.Levitt et J. March->, La première hypothèse formulée par ces auteurs, est que les ag<strong>en</strong>ts<strong>de</strong> l'organisation agiss<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong> théories qu'ils ont construites: theory in use. La<strong>de</strong>uxième hypothèse est qu'il existe dans l'organisation <strong>de</strong>s "théories <strong>de</strong> l'action": larépartition <strong>de</strong> rôles, les procédures, le flux <strong>de</strong> matière; B. Levitt et J. March parl<strong>en</strong>t <strong>de</strong>"routines" <strong>en</strong> repr<strong>en</strong>ant le terme introduit par R. Cyert et J. March-v. Ces "théories <strong>de</strong>l'organisation" sont perçues par les acteurs qui se construis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations(images) ou dispos<strong>en</strong>t <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tations partagées par l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> l'organisation(maps). L'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel résulte <strong>de</strong> la mise à l'épreuve, par un ag<strong>en</strong>t34 ARGYRIS C. & SCHON D, 1978, Organizationa/ Leaming ; a TheOI-Y of Action Perspective,Addison Wesley35 LEVITI B, & MARCH J, 1988, "Organizational Learning" , Annua/ Review of Sociology, n° 14,pp 319-34036 CYERT R. & MARCH J., 1963, A Behaviorai Theoty of the Firm, Pr<strong>en</strong>tice-Hall, trad. franç.,Processus <strong>de</strong> décision dans J'<strong>en</strong>treprise, Dunod, Paris, 1970.115


d'appr<strong>en</strong>tissage, <strong>de</strong> théories individuelles et du codage dans l'organisation <strong>de</strong> nouvellesthéories.Nous chercherons à préciser le périmètre organisationnel dans lequel les savoirs sontpartagés et sur lequel il peut y avoir "mémorisation" <strong>de</strong> nouveaux savoirs. Nousmontrerons <strong>en</strong> quoi les appr<strong>en</strong>tissages <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts sont ori<strong>en</strong>tés par l'organisation e.tpréciserons la nature <strong>de</strong>s savoirs individuels construits. Nous chercherons <strong>en</strong>fin ai<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mémorisation et leur limites.2.1. LA SITUATION DE GESTION:UN CHAMP D'APPRENTISSAGE ORGANISATIONNELIl nous semble important, dans un premier temps, <strong>de</strong> nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre sur le terme"organisation" dans l'expression: appr<strong>en</strong>tissage organisationnel.Nous avons vu que pour parler d'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel C. Argyris et D. Schônse c<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t sur les acteurs et leurs interactions. B. Levitt et J. March-? insist<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>tsur l'acteur, mais aussi sur le codage dans <strong>de</strong>s "routines" ou représ<strong>en</strong>tations partagées.Cep<strong>en</strong>dant, ces auteurs ne cherch<strong>en</strong>t pas à délimiter un périmètr~ à l'in~érieur duqu~llesacteurs interagiss<strong>en</strong>t effectivem<strong>en</strong>t et mobilis<strong>en</strong>t les mêmes repres<strong>en</strong>tatIons et les memes"routines". Pour C. Argyris et D. Schôn, l'organisation est même vue comme un toutori<strong>en</strong>té vers un but.Nous ne choisirons pas une acception très globale du terme organisation. Nouspréférerons <strong>en</strong>visager l'appr<strong>en</strong>tissage dans un cadre plus restreint o~ l'on peuteffectivem<strong>en</strong>t parler d'interactions, d'expéri<strong>en</strong>ce, d'action, nous nous appuierons doncsur la notion <strong>de</strong> situation <strong>de</strong> gestion. On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>en</strong> effet ce qu'il peut yavoir <strong>de</strong> commun dans les représ<strong>en</strong>tations, les interprétations et les expéri<strong>en</strong>ces duP.D.G. d'un groupe automobile et d'un ouvrier spécialisé!J. Girin définit ce concept ainsi:une situation <strong>de</strong> gestion se prés<strong>en</strong>telorsque <strong>de</strong>s participants sont réunis et doiv<strong>en</strong>taccomplir dans un temps déterminé une action collective conduisant à un résultatsoumis à unjugem<strong>en</strong>t externe..3 8Chacun <strong>de</strong>s termes <strong>en</strong> gras est par la suite précisé. Les "participants" sont les age~ts quise trouv<strong>en</strong>t impliqués dans la production du résultat et sont directem<strong>en</strong>t affectes parl'énoncé du jugem<strong>en</strong>t. Le "résultat" est lié à une échéance et fait l'objet du jugem<strong>en</strong>t. Le"jugem<strong>en</strong>t" <strong>en</strong>fin, est formulé par une instance extérieure aux participants. Bi<strong>en</strong> que ceconcept ne désigne pas uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s situations à l'intérieur <strong>de</strong> l'organisation, ?n peutimaginer <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> gestion au sein d'une famille par exemple, les organtsationssont un lieu privilégié où se structur<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> gestion.Cette notion combine <strong>de</strong>s aspects macroscopiques par l'intermédiaire du jugem<strong>en</strong>t sur unrésultat att<strong>en</strong>du (traduction <strong>de</strong>s buts <strong>de</strong> l'organisation) et <strong>de</strong>s aspects microscopiques,puisqu'il s'agit d'étudier <strong>de</strong>s "participants" qui agiss<strong>en</strong>t. Les situations <strong>de</strong> gestion s?n!souv<strong>en</strong>t "emboîtées" dans l'organisation, c'est-à-dire que <strong>de</strong>s acteurs peuv<strong>en</strong>t appartemr aplusieurs situations <strong>de</strong> gestion.Par rapport aux processus que nous avons rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t exposés, nous serons doncam<strong>en</strong>ée à considérer <strong>de</strong>ux situations <strong>de</strong> gestion.L'une est caractérisée par les performances d'un secteur, qui sont définies dansle tableau <strong>de</strong> bord <strong>de</strong> l'AM2. Les échéances sont par exemple les réunions où ildoit prés<strong>en</strong>ter ce tableau <strong>de</strong> bord à son supérieur hiérarchique, lequel formule un37 LEVITT B, & MARCH J.,1988, op. cit..38 GIRIN .J" 1990, "Analyse empirique <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> gestion: élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> théorie et <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>", inEpistemologies et Sci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> <strong>Gestion</strong>, Economica, coll. <strong>Gestion</strong>, Paris, pp 141-182116jugem<strong>en</strong>t. On peut égalem<strong>en</strong>t i<strong>de</strong>ntifier un autre résultat sur lequel.il y ajugem<strong>en</strong>t: la production <strong>de</strong> la journée du secteur. Cette situatin. <strong>de</strong> gestion estdonc soumise à plusieurs couples résultat-échéance. Les parncipants sont lesmembres <strong>de</strong> l'équipe <strong>de</strong> fabrication du secteur mais égalem<strong>en</strong>t d'autr~s acteursqui particip<strong>en</strong>t à la réalisation <strong>de</strong>s objectifs: les ag<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> ou duservice qualité et le fiabiliste...La <strong>de</strong>uxième situation <strong>de</strong> gestion sur laquelle nous sommes am<strong>en</strong>ée à nousfocaliser est celle <strong>de</strong> la tôlerie polyval<strong>en</strong>te dans son <strong>en</strong>semble. On y retrouverabi<strong>en</strong> sûr comme participant le responsable <strong>de</strong> la tôlerie, les.AM.2 et d'autresacteurs contribuant au résultat. Les objectifs sont fixés par la direction du c<strong>en</strong>tre<strong>de</strong> production <strong>de</strong> Poissy au responsable <strong>de</strong> la tôlerie et re-répartis <strong>en</strong> sousobjectifsdans d'autres situations <strong>de</strong> gestion.Quelles sont dans ces situations <strong>de</strong> gestion particulières les représ<strong>en</strong>tationspartagéesô? ? Il semble impossible <strong>de</strong> réaliser une liste exhaustive ; nous cherch~ronsdonc à donner <strong>de</strong>s exemples qui permett<strong>en</strong>t d'éclairer différ<strong>en</strong>ts aspe~ts <strong>de</strong> cet!e. notion etqui fourniss<strong>en</strong>t les élém<strong>en</strong>ts nécessaires pour compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> quoi les exp<strong>en</strong><strong>en</strong>ces <strong>de</strong>terrain précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tées sont <strong>de</strong>s illustrations d'un processus d'appr<strong>en</strong>tissageorganisationneLLes horaires à respecter, le principe <strong>de</strong> hiérarchie, l'objectif <strong>de</strong> production,l'organigramme, le processus <strong>de</strong> fabrication, les courbes <strong>de</strong> ré~unératio.n du p.ersonnelsont <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations partagées. On peut remarquer que certaines repres<strong>en</strong>tations sontà peu près universellem<strong>en</strong>t partagées sans être vraime~t f~rmalisées.. C'est le cas d~principe <strong>de</strong> hiérarchie. D'autres dépass<strong>en</strong>t lar~eme?t la sItuatI


précé<strong>de</strong>ntes, mais aussi les expéri<strong>en</strong>ces d'autres situations organisationnelles considéréescomme proches, et <strong>en</strong>fin les contraintes et les opportunités du mom<strong>en</strong>t.Ce processus d'essai et d'erreur peut aboutir à un équilibre. Les théories <strong>de</strong> l'action nesont remises <strong>en</strong> cause ni par les résultats, ni par les autres participants <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>gestion. A un mom<strong>en</strong>t, les ag<strong>en</strong>ts d'appr<strong>en</strong>tissage considèr<strong>en</strong>t qu'ils n'ont pas <strong>de</strong> "bonneraison" pour changer, compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s résultats sur lesquels ils sont jugés, <strong>de</strong>sopportunités, <strong>de</strong>s contraintes et <strong>de</strong>s idées d'expérim<strong>en</strong>tation. Et parallèlem<strong>en</strong>t, les autresacteurs concernés n'ont pas <strong>de</strong> "bonne raison" pour changer.Pour illustrer cette définition <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage individuel et <strong>de</strong>s relations <strong>en</strong>tre les"savoirs" ou "théories" et actions <strong>de</strong>s participants d'une situation <strong>de</strong> gestion, nous nousattacherons à analyser les savoirs liés à la création <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> fiabiliste.Le fiabiliste <strong>de</strong>s planchers connaît les pannes les plus longues, c'est unereprés<strong>en</strong>tation du fonctionnem<strong>en</strong>t du secteur qu'il s'est construite par diversesactions : mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong> relevés, discussions avec les dépanneurs,observations... Les informations fournies par les relevés (les stations les pluspénalisantes, <strong>de</strong>puis combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps une machine prés<strong>en</strong>te ce type <strong>de</strong>symptôme... ) étai<strong>en</strong>t très diluées <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts conducteurs d'installationsqui intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur les moy<strong>en</strong>s et dans le temps et l'on peut bi<strong>en</strong> parler <strong>de</strong>construction d'une représ<strong>en</strong>tation. Il se crée aussi <strong>de</strong> nouveaux outils comme lesrelevés <strong>de</strong> pannes. Par expéri<strong>en</strong>ce, il sait qu'il a besoin <strong>de</strong> ces informations quicontribu<strong>en</strong>t à la constitution <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> son action.Il acquiert égalem<strong>en</strong>t peu à peu <strong>de</strong>s savoirs lui permettant <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>ssolutions: il fait <strong>de</strong>s essais, confronte ses connaissances techniques à celles <strong>de</strong>technici<strong>en</strong>s spécialistes. Finalem<strong>en</strong>t, il saura quelle solution est adaptée à untype <strong>de</strong> problème qu'il a déjà traité. Enfin, un savoir nouveau se développequant à la façon <strong>de</strong> gérer sa relation avec les conducteurs d'installations, sansêtre dans une position hiérarchique par rapport à eux.Parallèlem<strong>en</strong>t, se développ<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t chez les conducteurs d'installations <strong>de</strong>ssavoirs: l'importance du relevé manuel s'ils veul<strong>en</strong>t faire passer une suggestion,le coût <strong>de</strong>s pannes, le rôle du fiabiliste pour faire émerger <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> solution(il réunit <strong>de</strong>s idées <strong>en</strong> s'appuyant sur d'autres conducteurs d'installations, <strong>de</strong>stechnici<strong>en</strong>s, les acquis <strong>de</strong> son expéri<strong>en</strong>ce personnelle) et pour faire faire unemodification (appui technique, appui financier). C'est donc un plan nouveau <strong>de</strong>la fonction <strong>de</strong> conducteur d'installations qui se développe comme l'exemple quisuit l'illustre. Jusqu'alors les CI étai<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>és à remettre <strong>en</strong> position20 fois dans la journée le même serrage et maugréai<strong>en</strong>t après l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> qui nefaisait pas son travail. Progressivem<strong>en</strong>t, leurs pratiques évolu<strong>en</strong>t, ils not<strong>en</strong>t qu'ila fallu interv<strong>en</strong>ir "x" fois dans la journée, analys<strong>en</strong>t la panne <strong>en</strong> observant leserrage, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t avec le fiabiliste. Rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, ils t<strong>en</strong>teront un <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>du dit serrage, le remplaceront par un serrage plus résistant et diminueront lapression <strong>de</strong> fermeture du serrage. A l'issue, l'arrêt se produit moins d'une foispar jour.Il ya égalem<strong>en</strong>t un appr<strong>en</strong>tissage au niveau <strong>de</strong> l'AM2 qui découvre l'importanced'un outil comme le relevé <strong>de</strong> pannes, alors qu'il n'<strong>en</strong> voyait pas l'utilitéjusqu'alors. En effet, s'il incite les conducteurs d'installations à m<strong>en</strong>er <strong>de</strong>sactions d'amélioration et s'il développe ses relations avec le fiabiliste, <strong>en</strong> servant<strong>de</strong> "relais" vers les conducteurs d'installations, il pourra t<strong>en</strong>ir ses objectifs <strong>de</strong>production plus sereinem<strong>en</strong>t.A ce sta<strong>de</strong>, nous distinguerons <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> production <strong>de</strong> nouveaux savoirs.Le premier est l'appr<strong>en</strong>tissage inscrit dans l'organisatiorr'" . Il r<strong>en</strong>voie aux savoirs qu'unacteur développe du fait <strong>de</strong> son rôle dans l'organisation, du système technique sur lequelil travaille, <strong>de</strong> l'instrum<strong>en</strong>t qu'il utilise, et <strong>de</strong>s dispositifs auxquels il panicipe-> . Parexemple, le fiabiliste connaîtra <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus les installations du sect~ur auquel il estaffecté: leur conception, les points faibles, les pannes les plus frequ<strong>en</strong>tes, et lesinterv<strong>en</strong>tions lour<strong>de</strong>s subies dans les <strong>de</strong>rniers mois. Le second r<strong>en</strong>voie auxappr<strong>en</strong>tissages induits par <strong>de</strong>s changem<strong>en</strong>ts, on pourrait parler d'appr<strong>en</strong>tissages emboîtésou stimulés.La création <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> fiabiliste par exemple a réori<strong>en</strong>té les appr<strong>en</strong>tissages<strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts participants <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> gestion autour <strong>de</strong> l'objectif <strong>de</strong>fiabilisation: élaboration d'un indicateur fiabilité, modalité <strong>de</strong> répartition <strong>de</strong>stâches <strong>en</strong>tre les rôles <strong>de</strong> fiabiliste, CI, maîtrise.... Lorsqu'une panne se produit,vouloir réparer au plus vite pour repartir correspond à un certain "contexte'Sv .C'est un autre "contexte" d'<strong>en</strong>visager dans l'interaction <strong>en</strong>tre ces acteursl'opportunité <strong>de</strong> trouver une solution afin que la panne ne se reproduise plus.La définition <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> fiabiliste induit donc la création <strong>de</strong> nouveaux savoirspertin<strong>en</strong>ts par rapport à ce contexte ainsi que sa structuration. Les évolutions techniquesou commerciales <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t sont égalem<strong>en</strong>t à l'origine <strong>de</strong> ce typed'appr<strong>en</strong>tissage.Les actions ou expéri<strong>en</strong>ces qui sont à la base <strong>de</strong> cet appr<strong>en</strong>tissage peuv<strong>en</strong>t être stimuléespar différ<strong>en</strong>ts acteurs ou groupes d'acteurs. Nous parlerons <strong>de</strong> l'a g e n td'appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> repr<strong>en</strong>ant le terme proposé par C. Argyris et D. Schôn.L'évaluation <strong>de</strong>s actions est surtout le fait <strong>de</strong> cet ag<strong>en</strong>t dans la mesure où il s'agit <strong>de</strong>comparer la situation nouvelle créée, telle qu'il la perçoit, et l'anticipation qui avait justifiéles changem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>gagés. On retrouve dans l'évaluation la notion <strong>de</strong> résultat sur laquell<strong>en</strong>ous avons insisté <strong>en</strong> précisant le champ <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage.C'est surtout ce <strong>de</strong>uxième type d'appr<strong>en</strong>tissage que nous avons étudié.2.3. SAVOIRS ORGANISATIONNELS ET AGENTS D'APPRENTISSAGEComme le soulign<strong>en</strong>t C. Argyris et D. Schôn, pour qu'il y ait appr<strong>en</strong>tissageorganisationnel, il faut que les nouveaux savoirs soi<strong>en</strong>t "codés" dans <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tationspartagées. Nous repr<strong>en</strong>drons cette conception <strong>en</strong> restreignant la notion <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tationpartagée aux participants d'une situation <strong>de</strong> gestion.Nous i<strong>de</strong>ntifierons <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> mémorisation:- les savoirs sont partagés ou se chevauch<strong>en</strong>t;- les savoirs sont formalisés dans <strong>de</strong>s routines.Nous avons détaillé les appr<strong>en</strong>tissages qui se sont développés chez divers acteurs <strong>de</strong>l'organisation. Ces savoirs se chevauchant <strong>en</strong>tre certains acteurs, les pratiques ont unerelative perman<strong>en</strong>ce et il ya cons<strong>en</strong>sus sur les pratiques <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts participants.Le départ d'un acteur ne remet pas <strong>en</strong> cause ce fonctionnem<strong>en</strong>t, les savoirs partagés sontsuffisants pour qu'il y ait reconstitution <strong>de</strong>s pratiques qui préexistai<strong>en</strong>t.11844 MIDLER C, 1990, op, cit.45 A propos du rôle <strong>de</strong>s règles organisationnelles pour ori<strong>en</strong>ter les appr<strong>en</strong>tissages cf CHARBIT F.,1991, La gestion <strong>de</strong>s technologies émerg<strong>en</strong>tes ,: organisation et appr<strong>en</strong>tissage, Thèse <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> l'<strong>Ecole</strong>polytechnique, spécialité <strong>Gestion</strong>,46 GIRIN ,L,1990, op, cil119


Notre compréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> fiabiliste nous a am<strong>en</strong>ée à nous appuyer sur undispositif (cercle <strong>de</strong> fiabilité). L'instrum<strong>en</strong>tation est une forme <strong>de</strong> codification <strong>de</strong>sfonctionnem<strong>en</strong>ts: répartition <strong>de</strong>s rôles, indicateurs à suivre, interaction à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir ( ici,<strong>en</strong>tre CI et professionnels <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ance). De même, le départ d'un acteur ne remet pas<strong>en</strong> cause ces pratiques.Nous annoncions précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t que nous analyserions plus particulièrem<strong>en</strong>tl'appr<strong>en</strong>tissage stimulé, décl<strong>en</strong>ché par un changem<strong>en</strong>t ori<strong>en</strong>té par un ag<strong>en</strong>td'appr<strong>en</strong>tissage. Nous voudrions insister sur l'écart qui existe <strong>en</strong>tre les savoirsindividuels qu'il mobilise et les savoirs qui pourront être codés dans l'organisation. Lamise <strong>en</strong> place <strong>de</strong>s AM2 fournit un bon exemple pour dissocier ces <strong>de</strong>ux types.La réorganisation qui aboutit à la création <strong>de</strong> la fonction d'AM2 est conçue,pilotée par un petit groupe d'acteurs: le responsable <strong>de</strong> la tôlerie, le responsable<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>-fabrication, le responsable <strong>de</strong> la fabrication. La première étape dansl'élaboration <strong>de</strong> ce rôle amène d'anci<strong>en</strong>s AM 1 promus au rang d'AM2 às'essayer à ce nouveau rôle. Déjà, <strong>de</strong>s savoirs sont élaborés. Ils se manifest<strong>en</strong>tdans les relations <strong>en</strong>tre l'AM2 et le reste <strong>de</strong> l'équipe, vis-à-vis du fiabiliste et<strong>en</strong>tre les AM2. Les AM2 construis<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tableaux d'indicateurs. Auniveau <strong>de</strong> ceux qui ont souhaité la création <strong>de</strong> ce rôle, <strong>de</strong>s savoirs seconstruis<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t. Certains concern<strong>en</strong>t la pratique même du rôle d'AM2 telqu'ils l'<strong>en</strong>visag<strong>en</strong>t, d'autres émerg<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la confrontation <strong>en</strong>tre les att<strong>en</strong>tes qu'ilsavai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> créant le rôle d'AM2 (théories et représ<strong>en</strong>tations) et la réalité <strong>de</strong>spratiques qu'ils observ<strong>en</strong>t. Les premiers peuv<strong>en</strong>t être partagés, codés ou"mémorisés"; on établit une liste d'indicateurs à suivre, un planning <strong>de</strong>sréunions à animer, un suivi périodique <strong>de</strong> la fiabilité ... Les seconds aboutirontpeut-être à une réorganisation qui pourra perdurer, s'il y a cons<strong>en</strong>sus surl'adaptation <strong>de</strong>s nouveaux fonctionnem<strong>en</strong>ts à la situation industrielle. Mais, iln'y aura pas mémorisation <strong>de</strong>s analyses et du processus ayant conduit àl'organisation <strong>en</strong> place. Dans le cas du départ <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage, seulesles actions et les évaluations qu'<strong>en</strong> ont faites les acteurs sont mémorisées.Cet exemple nous permet <strong>de</strong> distinguer les savoirs individuels sur l'organisationconstruits par l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage, <strong>de</strong>s savoirs partagés ou organisationnels quiserai<strong>en</strong>t une codification dans <strong>de</strong>s routines. Par exemple, un savoir sur l'organisationpourrait être: une division du travail <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s dépanneurs d'un service <strong>de</strong> fabrication et<strong>de</strong>s dépanneurs d'un service d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> est ingérable ; la traduction <strong>en</strong> savoirorganisationnel serait: on intègre ces <strong>de</strong>ux services <strong>en</strong> un unique groupe d'exploitation.L'importance <strong>de</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce sur l'émerg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> "savoirs sur l'organisation" est bi<strong>en</strong>illustrée par la construction du rôle d'AM2 détaillée plus haut. Pour ces savoirs "sur"l'organisation, nous rejoignons la définition proposée par A. Hatchuel <strong>de</strong>s "savoirs <strong>de</strong>l'interv<strong>en</strong>tion". Il cherche à caractériser les "savoirs et la démarche <strong>de</strong> celui qui veutparticiper à l'évolution d'une organisation" et insiste sur le "principe d'inachèvem<strong>en</strong>t''<strong>de</strong>ces savoirs :Il est évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t le corollaire <strong>de</strong> l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> savoir total (...), on voit mal comm<strong>en</strong>tpourrai<strong>en</strong>t être déterminés par avance, J'objet, la démarche, et l'aboutissem<strong>en</strong>t d'uneinterv<strong>en</strong>tion. (...) il traduit le caractère ouvert <strong>de</strong> toute transformation organisationnelle,donc sa part inévitable d'inatt<strong>en</strong>du: <strong>en</strong>core faut-il que celle-ci soit utilisée comme sourced'appr<strong>en</strong>tissage 47 .Il introduit donc le concept d'appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> l'opposant à l'hypothèse <strong>de</strong> "savoir total",dont il conteste l'exist<strong>en</strong>ce. Il s'intéresse aux savoirs qui gui<strong>de</strong>nt dans l'action l'ag<strong>en</strong>t <strong>de</strong>changem<strong>en</strong>t: les "savoirs <strong>de</strong> l'interv<strong>en</strong>tion" et les qualifie <strong>de</strong> mythes rationnels:un savoir incomplet dont l'intérêt ti<strong>en</strong>t autant à ce qu'il permet <strong>de</strong> faire, qu'à ce qu'ilconduit à découvrir 48 .Nous définirons donc un processus d'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel comme unesuccession d'actions ou d'expéri<strong>en</strong>ces am<strong>en</strong>ant à une évolution <strong>de</strong>s pratiques et <strong>de</strong>ssavoirs mobilisés par <strong>de</strong>s participants dans une situation <strong>de</strong> gestion spécifiée. Pour parlerd'appr<strong>en</strong>tissage organisationnel, il faut qu'il y ait "mémorisation" par l'organisation <strong>de</strong>certains <strong>de</strong> ces savoirs dans <strong>de</strong>s routines, soit formalisées (organigramme, indicateur),soit seulem<strong>en</strong>t partagées par un groupe d'acteurs suffisamm<strong>en</strong>t stable pour que cessavoirs puiss<strong>en</strong>t être transmis à un nouvel arrivant dans le groupe ou conservés dans lecas du départ d'un membre (processus <strong>de</strong> socialisation).Après avoir proposé une définition, nous t<strong>en</strong>terons <strong>de</strong> spécifier <strong>de</strong>s caractéristiquespermettant <strong>de</strong> typifier différ<strong>en</strong>ts mo<strong>de</strong>s d'appr<strong>en</strong>tissage.3. COMMENT CARACTERISER UN PROCESSUS D'APPRENTISSAGE?3.1. LES ACTEURSL'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage, on l'a souligné, joue un rôle important dans le processus. De luidép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt les expérim<strong>en</strong>tations et leur évaluation. Il n'est pas nécessairem<strong>en</strong>t dans uneposition hiérarchique.Dans le cas <strong>de</strong> la tôlerie <strong>de</strong> Poissy, il apparaît que le responsable <strong>de</strong> la tôlerie aeu un rôle moteur dans <strong>de</strong> nombreuses évolutions impulsées. Il a souv<strong>en</strong>tparticipé à la définition <strong>de</strong>s actions ou <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces à m<strong>en</strong>er <strong>en</strong> tôlerie. Dumoins, seul un acteur dans sa position pouvait déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s qui ont étémobilisés.L'implication d'autres acteurs peut pr<strong>en</strong>dre une forme particulière celle <strong>de</strong> "lobbying",résistance passive, ou au contraire zèle. Les transformations dont nous avons parlé plushaut mett<strong>en</strong>t rarem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu une seule personne, l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage. Au contraire,parfois, certains acteurs sont particulièrem<strong>en</strong>t impliqués: les fiabilistes ou les AM2 lors<strong>de</strong> la création <strong>de</strong> ces fonctions. On parlera alors d'acteurs visés. L'évolution <strong>de</strong> leurspratiques est l'objectif <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage.3.2. LES LEVIERS D'ACTIONL'analyse <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> Poissy montre plusieurs actions, changem<strong>en</strong>ts, expéri<strong>en</strong>cesqui s'<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t, sont <strong>en</strong> interrelation; mais il est à noter qu'elles ne port<strong>en</strong>t pas sur lesmêmes "variables d'action". On peut <strong>en</strong> effet distinguer plusieurs leviers. La notion <strong>de</strong>levier d'action permet à la fois <strong>de</strong> définir par quelques "paramètres" une situation <strong>de</strong>gestion et donc une "expéri<strong>en</strong>ce", et constitue un moy<strong>en</strong> d'action dont l'ag<strong>en</strong>t <strong>de</strong>changem<strong>en</strong>t dispose. Nous proposons <strong>de</strong> les regrouper <strong>en</strong> cinq types:- structure,- formation,- gestion du personnel (rémunération, flux <strong>de</strong> personnel),- instrum<strong>en</strong>tation (indicateurs, dispositifs),- recours à l'extérieur.Ces différ<strong>en</strong>ts leviers sont souv<strong>en</strong>t imbriqués dans une transformation et particip<strong>en</strong>t à unmême objectif: faire évoluer les pratiques. Un levier d'action permet <strong>de</strong> décl<strong>en</strong>cher <strong>de</strong>sappr<strong>en</strong>tissages particuliers soit <strong>en</strong> modifiant les situations <strong>de</strong> gestion auxquellesapparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les acteurs visés (structure, indicateurs), soit <strong>en</strong> structurant un contexte <strong>de</strong>façon plus ou moins formelle (dispositifs ou formation).47 HATCHUEL A., 1988, "Les savoirs <strong>de</strong> l'interv<strong>en</strong>tion", Communication au colloque: Les métiers <strong>de</strong>l'interv<strong>en</strong>tion, Cerisy, Juin120------~ ---~-----~----48 HATCHUEL A., 1988, op. cil.121


Le graphique ci-après prés<strong>en</strong>te les différ<strong>en</strong>ts leviers mobilisés à Poissy pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>charge l'exig<strong>en</strong>ce fiabilité. On remarquera par exemple pour le levier structure, la création<strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> fiabiliste puis le rattachem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce rôle au niveau du secteur. Le levierformation a été peu utilisé à Poissy. On notera la formation technique disp<strong>en</strong>sée auxprofessionnels d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> pour les préparer à l'arrivée <strong>de</strong>s robots <strong>en</strong> 85. Les mutations <strong>de</strong>personnel <strong>de</strong>s services <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> visai<strong>en</strong>t à mobiliser lescompét<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> ces ag<strong>en</strong>ts dans d'autres fonctions. C'est un exemple du levier gestion dupersonnel. Pour l'instrum<strong>en</strong>tation, <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> la fiabilité et un système<strong>de</strong> suivi <strong>de</strong>s arrêts ont été mis <strong>en</strong> place. Enfin, à Poissy, le recours à l'extérieur a étéutilisé. Des consultants sont interv<strong>en</strong>us pour fiabiliser une partie <strong>de</strong> la tôlerie.Recours àl"extérieurInstnnn<strong>en</strong>tationDispositif<strong>de</strong>gcslialconsultantspoints tiab réguliersR Hab arm quotidCercle fiabsoubt: Ext<strong>en</strong>sion autres secteursNous voudrions préciser ici <strong>en</strong> quoi les différ<strong>en</strong>ts leviers i<strong>de</strong>ntifiés ont été <strong>de</strong>s vecteursd'appr<strong>en</strong>tissage dans les dynamiques étudiées. Nous nous interrogerons égalem<strong>en</strong>t sur la"mémorisation" ou "codification" <strong>de</strong>s nouveaux savoirs dans l'organisation.a - La structureLa définition <strong>de</strong> nouveaux rôles et plus largem<strong>en</strong>t les changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> structure cré<strong>en</strong>t <strong>de</strong>nouvelles situations d'interaction et génèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nouvelles pratiques. Comm<strong>en</strong>t le rôle <strong>de</strong>ces interactions et <strong>de</strong> ces pratiques est-il mémorisé dans l'organisation?Quatre facteurs r<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t la mémorisation et nous amèn<strong>en</strong>t à considérer ce mo<strong>de</strong> d'actioncomme un levier d'appr<strong>en</strong>tissage : la durée <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> la structure ou du rôle, sesdéf<strong>en</strong>seurs, sa "stabilité" interne et les compét<strong>en</strong>ces induites.En effet, il est plus difficile <strong>de</strong> remettre <strong>en</strong> cause une organisation après une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>stabilité longue qu'au bout <strong>de</strong> quelques mois. La montée <strong>en</strong> ca<strong>de</strong>nce, on l'a souligné, estparfois une phase <strong>de</strong> bouleversem<strong>en</strong>t, alors que la structure est <strong>en</strong>core "jeune". Par lasuite, un changem<strong>en</strong>t radical est moins probable. Ainsi par exemple, la probabilité que lastructure intégrée <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>-fabrication soit abandonnée à Sochaux est très faible. Unepério<strong>de</strong> <strong>de</strong> stabilité assez longue (supérieure à 1 an) favorise donc la "mémorisation".La définition <strong>de</strong> nouveaux rôles génère <strong>de</strong>s interactions, <strong>de</strong>s pratiques partagées jugéessatisfaisantes par les acteurs <strong>en</strong>gagés dans ces nouvelles situations. Ces acteurs sont donc<strong>de</strong>s "déf<strong>en</strong>seurs" <strong>de</strong> la structure <strong>en</strong> place. A Douai par exemple, les professionnels et lesconducteurs <strong>de</strong> ligne considèr<strong>en</strong>t que la répartition <strong>de</strong>s tâches <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ance actuelle apermis d'<strong>en</strong>richir leur travail et d'améliorer les fonctionnem<strong>en</strong>ts (taux <strong>de</strong> disponibilité). ASochaux, l'AM2 se considère comme responsable <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong>production et d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> réalisées sur son secteur.Une structure amène à ori<strong>en</strong>ter les appr<strong>en</strong>tissages <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts qui occup<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tsrôles. La construction <strong>de</strong> ces compét<strong>en</strong>ces (qui a pour corollaires <strong>de</strong>s incompét<strong>en</strong>ces)induit <strong>en</strong> retour un partage "naturel" <strong>de</strong>s tâches et une efficacité <strong>de</strong> ce partage compte t<strong>en</strong>u<strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces déjà construites. A Aulnay par exemple, l'exist<strong>en</strong>ce d'une équiped'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> <strong>de</strong> nuit <strong>de</strong> perman<strong>en</strong>ts (il n'y a pas <strong>de</strong> rotation avec d'autres rôles) amène lesag<strong>en</strong>ts qui y sont affectés à développer une expertise sur les grosses réparations et nonune compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> généraliste et une connaissance du produit exigées pour les c.I. duservice <strong>de</strong> production.Enfin, la structure est d'autant plus durable que les flux <strong>de</strong> personnel liés à la gestion <strong>de</strong>scarrières sont possibles voire prévus.Indical:cursFonnationGesOOitdupérSOiule .MobilitéinterneFlux<strong>de</strong>L pctSluldstniétW:é ..Evolutionlbttaehem<strong>en</strong>tsi~~~~~.nominationG'éalion resposable <strong>de</strong><strong>de</strong>rô1cs projet usine etchefs d'atelierIJa::isDlsproduit10/Sorrnation <strong>de</strong>s CI AMet professionnels <strong>en</strong>trEntr -> fabChef <strong>de</strong> file -> maîtriseAffectation dupersonnel auxsecteurs1O/S~Lancem<strong>en</strong>t série309 <strong>en</strong> TP111~~Augm<strong>en</strong>teffectifsi1O/St1\1 ornination .d'un nouveauAutres responsable :unités-r- tôlerie :1l, t·1 <strong>en</strong>tr + rabi =1P, 1Production<strong>de</strong> nuit, i :! 1Diminution duvolume 309<strong>de</strong>mandé1,....~Arrivée <strong>de</strong>nouveaux cadres1 IAM'f ~,.observateur arm,1 at<strong>en</strong>tes induitesFeuilles <strong>de</strong> panne: ------~att<strong>en</strong>tes intersecteur-r"-·w--.'"'Métho<strong>de</strong>s -> EntrFiab E Entr1O/S~Enrr -> Fab10/SiAM2-> CoordArrivée <strong>de</strong> jeunes.ingénieurs -> AM2~10/S'Entr -> Meth" .j ..observateurs ->prof fiabilitéfiabiliste -c-maitrisej.4'"'*Entr -> TP __-----_Fîab TP -> secteurFiab -> TPCoordination, ,pilotes techn <strong>de</strong> secteur(fiab)"10/SÇintroduction205 <strong>en</strong> TôlerieautomatiqueFabrication <strong>de</strong> 20~<strong>en</strong> tôlerie manuelle!'T"'''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''"",qPot<strong>en</strong>tiel 1200Introductionrestyling 30910/84 10/85 10/86 10/87 10/88 10189b - La formationLes acteurs qui suiv<strong>en</strong>t la formation acquièr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s savoirs pertin<strong>en</strong>ts par rapport à leurmission dans l'organisation. La formation est donc un vecteur d'appr<strong>en</strong>tissage, dans lamesure où les savoirs acquis seront mobilisés pour contribuer au résultat. La122 123


mémorisation, dans l'organisation, <strong>de</strong> ces savoirs est assez naturelle puisque les ag<strong>en</strong>ts,qui ont suivi <strong>de</strong>s formations <strong>en</strong> tôlerie, sont surtout les conducteurs d'installations,professionnels <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, AM l, AM2, personnel pour lequel il ya assez peu <strong>de</strong>r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t au cours du cycle <strong>de</strong> vie d'un véhicule"? .Pour qu'il y ait codification <strong>de</strong> l'adéquation savoirs-mission au niveau <strong>de</strong> l'organisation,il faut soit que les nouveaux arrivants suiv<strong>en</strong>t un certain nombre <strong>de</strong> formations préciséespar une "règle" soit qu'il y ait transmission par les anci<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ces savoirs. L'une aumoins <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux conditions est souv<strong>en</strong>t remplie.c - <strong>Gestion</strong> du personnelUne caractéristique <strong>de</strong> ce levier est <strong>de</strong> s'appuyer sur <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> personnes. Pour qu'il yait mémorisation <strong>de</strong>s pratiques instaurées, il faut ou bi<strong>en</strong> systématiser les flux <strong>de</strong>personnes qui n'étai<strong>en</strong>t pas habituels, ou bi<strong>en</strong> formaliser les pratiques pour qu'ellesperdur<strong>en</strong>t alors que les acteurs n'ont pas les mêmes compét<strong>en</strong>ces.Dans une tôlerie Citroën par exemple, il est très fréqu<strong>en</strong>t que <strong>de</strong> jeunesingénieurs ai<strong>en</strong>t la fonction d'AM2; une gestion du personnel appropriée leurpermet <strong>de</strong> rester quelques années dans cette fonction. A Poissy par contre,lorsqu'on a confié ce rôle à <strong>de</strong> jeunes ingénieurs, on comptait sur eux pourmettre au point <strong>de</strong>s indicateurs, <strong>de</strong>s dispositifs. Il n'y a pas eu mémorisation <strong>de</strong>l'adéquation du profil ingénieur au rôle d'AM2.d - L'instrum<strong>en</strong>tationL'instrum<strong>en</strong>tation a un effet structurant sur les pratiques-v que nous avons souligné dansle cas <strong>de</strong> la fiabilité>! . Il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> même pour les "groupes <strong>de</strong> travail ad hoc": tant qu'ilsexist<strong>en</strong>t, il y a construction d'une expertise, <strong>de</strong> savoirs et <strong>de</strong> solutions techniques. Pourqu'il y ait mémorisation, il faut que ces indicateurs, dispositifs et expertises soi<strong>en</strong>tutilisés. Les indicateurs et dispositifs qui ont vocation à être perman<strong>en</strong>ts sont mémorisés àcondition qu'il y ait appropriation par les acteurs et jugem<strong>en</strong>t sur les résultats. Lesfacteurs <strong>de</strong> stabilité soulignés pour la structure sont aussi valables pour l'instrum<strong>en</strong>tation.Cep<strong>en</strong>dant, si l'on a souligné que le levier structure était fréquemm<strong>en</strong>t utilisé, leschangem<strong>en</strong>ts d'instrum<strong>en</strong>tation sont plus rares. Le risque est surtout l'oubli.La mémorisation <strong>de</strong> l'expertise construite dans le cadre d'un groupe <strong>de</strong> travail, supposeque l'expert ne quitte pas l'organisation ou qu'il transmette son expertise <strong>de</strong> manièreformalisée ou directem<strong>en</strong>t par "compagnonnage".e - Recours à l'extérieurSi l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage a recours à un acteur extérieurà la tôlerie pour participer à unepartie du processus d'appr<strong>en</strong>tissage, ce <strong>de</strong>rnier sera am<strong>en</strong>é à mobiliser les leviersm<strong>en</strong>tionnés ci-<strong>de</strong>ssus: proposition d'une nouvelle structure, d'une formation (qu'il peutév<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t disp<strong>en</strong>ser lui même), mise à profit <strong>de</strong> ses compét<strong>en</strong>ces sur une questionparticulière, formalisation et instrum<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s pratiques, participation à <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong>travail. La mémorisation <strong>de</strong> ce type d'action pose les mêmes questions que cellessoulevées ci-<strong>de</strong>ssus.structure du processus lui-même. Est-il possible d'i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s phases qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>scène l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage ou au contraire les acteurs visés? Une telle formalisationnous permettrait <strong>de</strong> préciser la notion <strong>de</strong> processus d'appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> positionnant <strong>de</strong>sétapes dans le temps et <strong>en</strong> cherchant à caractériser les déterminants <strong>de</strong> chacune d'<strong>en</strong>treelles.3.3. LES PHASES DU PROCESSUS1. I<strong>de</strong>ntification et <strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s phasesPour préciser le processus d'appr<strong>en</strong>tissage nous distinguerons les phases prés<strong>en</strong>tées surle schéma ci-après. Pour construire ce schéma nous nous sommes appuyée sur le travail<strong>de</strong> H. Mintzberg, D. Raisinghani et A. Théorêt 52 à propos <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision.Nous insisterons cep<strong>en</strong>dant sur quelques points <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ce.De notre point <strong>de</strong> vue, ce qui différ<strong>en</strong>cie fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t une conception <strong>en</strong> termesd'appr<strong>en</strong>tissage d'une conception <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> décision est l'importance accordée à la"mise <strong>en</strong> oeuvre". Nous avons donc introduit cette phase dans notre schéma, phasep<strong>en</strong>dant laquelle il y a évolution <strong>de</strong>s pratiques suite au changem<strong>en</strong>t. I<strong>de</strong>ntifier une tellephase permet <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les marges <strong>de</strong> manoeuvre <strong>de</strong>s "acteurs visés", maisaussi le caractère incomplet <strong>de</strong>s savoirs sur l'organisation mobilisés par l'ag<strong>en</strong>td'appr<strong>en</strong>tissage 53 lorsqu'il déci<strong>de</strong> un changem<strong>en</strong>t.Dans la plupart <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> décision, cette phase n'est pas même m<strong>en</strong>tionnée; puisquela décision la précè<strong>de</strong>, le modèle s'arrête avant. Or, pour nombre <strong>de</strong> processus <strong>de</strong>décision, on ne sait pas au mom<strong>en</strong>t du choix si la solution ret<strong>en</strong>ue est définitive ou si ell<strong>en</strong>e constitue qu'une étape, une phase transitoire, dans la recherche d'une solutionsatisfaisante. Le côté expérim<strong>en</strong>tal et l'évaluation a posteriori d'une décision sont passéssous sil<strong>en</strong>ce. Ce n'est <strong>en</strong> effet qu'une fois la décision mise <strong>en</strong> oeuvre que l'on peutvéritablem<strong>en</strong>t évaluer son impact. Et cette évaluation est à la base <strong>de</strong>s bouclages.EvaluationDétection1OK..DiagnosticConception0,', ~e~erche\.••.. )DécisionAutorisationChoix'---_---', ll 1 \ /L..--__--l: Elaboration V 1,Mise<strong>en</strong> oeuvreNous avons caractérisé les acteurs interv<strong>en</strong>ant dans le processus d'appr<strong>en</strong>tissage ainsique les actions qui le ponctu<strong>en</strong>t. Nous voudrions mettre maint<strong>en</strong>ant l'acc<strong>en</strong>t sur la49 Il Ya <strong>de</strong>s flux importants au niveau <strong>de</strong>s professionnels intérimaires. Cette catégorie <strong>de</strong> personnel estcep<strong>en</strong>dant gérée <strong>de</strong> façon relativem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dante, il est très rare par exemple qu'elle bénéficie <strong>de</strong>formation.50 BERRY M., 1983, Une technologie invisible'! L'impact <strong>de</strong>s instrum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> gestion sur l'évolution<strong>de</strong>s systèmes humains. eR.G. <strong>Ecole</strong> <strong>Polytechnique</strong>, Paris.51 CHARUE F., 1991. Appr<strong>en</strong>tissages organisationnels et mutation industrielle: le cas <strong>de</strong> la robotisation<strong>de</strong>s tôleries automobiles, Thèse <strong>de</strong> doctorat "Ingénierie et <strong>Gestion</strong>" <strong>Ecole</strong> <strong>de</strong>s Mines <strong>de</strong> Paris52 MINTZBERG H.., RAISINGHANI D. et THEORET A., 1976, ''The Structure of "Unstructured"Decision Processes", Administrative Sci<strong>en</strong>ce Quater/y, vol. 21, Juin, pp 246-275.53 CHARUE F.. & MIDLER C. ,1990, op. cit.124 125


2. Définition et caractérisation <strong>de</strong> ces phasesNous n'avons prés<strong>en</strong>té qu'une structure formelle, nous voudrions donc préciser lecont<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s phases et t<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> les caractériser.a - Evaluation-DétectionCette phase correspond à "l'interprétation <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces" dans les termes <strong>de</strong> B. Levitt etJ. March. La question qui se pose est: cette expéri<strong>en</strong>ce est-elle un succès ou un échec? Ily a confrontation <strong>en</strong>tre une réalité perçue à travers un certain nombre <strong>de</strong> filtres(indicateurs, point <strong>de</strong> vue d'acteurs ... ) et les projets que l'ag<strong>en</strong>t <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t avaitformulés lors <strong>de</strong> l'action. Les acteurs ayant participé à la boucle <strong>de</strong> décision précé<strong>de</strong>nte ouétant impliqués dans la mise <strong>en</strong> oeuvre <strong>de</strong> la décision, perçoiv<strong>en</strong>t un certain nombred'indices médiatisés par <strong>de</strong>s indicateurs <strong>en</strong> place et par les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s acteurs visésou périphériques. Cette activité permet <strong>de</strong> révéler un fonctionnem<strong>en</strong>t plus ou moins décalépar rapport à la cible projetée. Elle est donc c<strong>en</strong>trale pour éclairer les phénomènes <strong>de</strong>"bouclage" ou d'essai-erreur; c'est par cette phase que comm<strong>en</strong>ce ou se termine touteboucle du processus.Pr<strong>en</strong>ons l'exemple <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong>s fonctions d'AM2 et <strong>de</strong> chef d'atelier àPoissy. Suite à la définition <strong>de</strong> la fonction d'AM2 et à la suppression <strong>de</strong>s chefsd'atelier (juillet 87), une certaine insatisfaction a émergé <strong>de</strong>s résultats globaux <strong>de</strong>la tôlerie (février 88). Une phase <strong>de</strong> théorisation <strong>de</strong>s phénomènes observés aalors comm<strong>en</strong>cé. Sur la base <strong>de</strong> ce diagnostic, la fonction d'AM2 a étér<strong>en</strong>forcée, la mission <strong>de</strong> coordination du flux étant confiée à un nouvel acteur.Pour i<strong>de</strong>ntifier les principaux déterminants <strong>de</strong> cette étape nous avons cherché à répondre àtrois questions : qui évalue? Comm<strong>en</strong>t cette évaluation est-elle élaborée ? A quelleéchéance y a-t-il évaluation?Les acteurs participant à l'évaluation et l'échéance à laquelle il y a évaluation sont <strong>de</strong>uxdim<strong>en</strong>sions ess<strong>en</strong>tielles <strong>de</strong> cette phase comme <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>semble du processus. Les échéancesauxquelles l'évaluation est formulée sont conditionnées par l'<strong>en</strong>semble du processus. Cecritère <strong>de</strong> durée qualifie égalem<strong>en</strong>t la mise <strong>en</strong> oeuvre: <strong>de</strong> combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps dispos<strong>en</strong>t lesacteurs visés pour faire leurs preuves? Elle dép<strong>en</strong>d ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s marges <strong>de</strong>manoeuvre et <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>dus <strong>de</strong>s personnes ayant donné leur aval à la décision. On peutdonc appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r cette dim<strong>en</strong>sion <strong>en</strong> analysant le rythme <strong>de</strong>s transformations qui semett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> oeuvre.Plus spécifiquem<strong>en</strong>t, pour caractériser cette phase dans les dynamiques étudiées, nouschercherons à répondre à <strong>de</strong>ux questions :- y a-t-il eu recours à une personne extérieure pour l'évaluation?- Y a-t-il eu mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong> mesures spécifiques permettant d'évaluer les changem<strong>en</strong>tsintroduits?b - DiagnosticL'activité <strong>de</strong> diagnostic correspond à la recherche <strong>de</strong> théories <strong>en</strong> mesure d'expliquer lespratiques observées et ouvrant <strong>de</strong>s pistes d'évolution. Il ya donc à la fois remise <strong>en</strong> cause<strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tations <strong>de</strong> la réalité et <strong>de</strong> théories progressivem<strong>en</strong>t formées au fil <strong>de</strong>sexpéri<strong>en</strong>ces, et construction <strong>de</strong> nouvelles théories.P<strong>en</strong>dant cette phase, l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage élabore un savoir permettant <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>drece qui a été perçu lors <strong>de</strong> la phase précé<strong>de</strong>nte, un savoir sur les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>texistants et sur l'impact <strong>de</strong> décisions antérieures.Il est difficile <strong>de</strong> caractériser cette phase parce que par nature, son résultat est peu ou malconnu. Les interprétations rest<strong>en</strong>t dans la tête <strong>de</strong> ceux qui les formul<strong>en</strong>t sauflorsqu'il yavolonté <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> les faire partager à un plus grand nombre d'acteurs.126Nous chercherons à i<strong>de</strong>ntifier dans le processus étudié l'exist<strong>en</strong>ce, ou non, <strong>de</strong> discoursaccompagnant et explicitant les théories qui sous-t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt les changem<strong>en</strong>ts introduits 54 etles cibles imaginées.c - <strong>Recherche</strong> et élabomtionPar rapport à l'activité <strong>de</strong> diagnostic, il s'agit là <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre opérationnels les grands axesd'amélioration que l'on a définis précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t. Ce qui est produit au cours <strong>de</strong> cetteactivité est une action, un plan d'action ou une décision. Nous regroupons la recherche etl'élaboration qui constitu<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux facettes indissociables <strong>de</strong> la conception d'unchangem<strong>en</strong>t. L'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage combine <strong>de</strong>s solutions vues dans d'autresorganisations ou les expéri<strong>en</strong>ces qu'il a pu observer et les spécificités <strong>de</strong> l'organisation(son histoire, son personnel...),Le diagnostic peut être mo<strong>de</strong>lé par <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> solutions, l'élaboration est influ<strong>en</strong>cée parl'anticipation <strong>de</strong> ce qui peut être accepté (autorisation) et la projection <strong>de</strong>s diversesréactions susceptibles d'émerger p<strong>en</strong>dant la mise <strong>en</strong> oeuvre <strong>de</strong> la solution ret<strong>en</strong>ue (mise<strong>en</strong> oeuvre). Il apparaît donc à ce sta<strong>de</strong> que l'acteur c<strong>en</strong>tral dans la phase <strong>de</strong> conception, sevoit contraint d'intégrer les points <strong>de</strong> vues et indirectem<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>jeux <strong>de</strong>s personnes quil'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t.Nous proposons <strong>de</strong> caractériser cette étape par trois dim<strong>en</strong>sions.Les influ<strong>en</strong>ces majeures vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t-elles d'expéri<strong>en</strong>ces développées dans d'autres sitespar d'autres personnes? On parlera alors <strong>de</strong> transferts intersites. Les transformationssont-elles uniquem<strong>en</strong>t le fruit <strong>de</strong>s savoirs qui se sont élaborés à partir <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>cesprécé<strong>de</strong>ntes?La formulation <strong>de</strong> l'action intervi<strong>en</strong>t à cette phase et puisque nous avons déjà i<strong>de</strong>ntifiéplusieurs variables d'actions, les leviers d'actions mobilisés qualifieront cette phase<strong>de</strong> conception.Enfin, on cherchera à savoir si l'on peut parler <strong>de</strong> démarche globale <strong>de</strong> transformationvisant à pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte <strong>de</strong>s aspects divers afin d'aboutir à une cohér<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre lesdiffér<strong>en</strong>ts rôles, missions, objectifs assignés aux personnes.d - La mise <strong>en</strong> oeuvreCette phase qui n'apparaît absolum<strong>en</strong>t pas dans les travaux sur les processus <strong>de</strong> décisionnous semble ess<strong>en</strong>tielle par rapport au processus d'appr<strong>en</strong>tissage. Une spécificité <strong>de</strong>schangem<strong>en</strong>ts que nous avons étudiés est que l'objectif est une évolution <strong>de</strong>s pratiques,une ori<strong>en</strong>tation différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s appr<strong>en</strong>tissages individuels <strong>de</strong>s acteurs visés. Or lorsque ladécision concerne une transformation <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t existants, il estprobable que l'évolution r<strong>en</strong>contrera <strong>de</strong>s obstacles et ne se déroulera pas exactem<strong>en</strong>tcomme prévu. Les réajustem<strong>en</strong>ts que l'on a pu observer dans les boucles <strong>de</strong> décision sontune matérialisation dans la vie <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> cette difficulté à tout prévoir. Bi<strong>en</strong> queles théories et les représ<strong>en</strong>tations construites lors <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> diagnostic permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong>contourner certaines difficultés, ces savoirs ne sont pas complets; toutes les réactions,toutes les "résistances au changem<strong>en</strong>t" n'auront pas été anticipées. La complexité <strong>de</strong>sphénomènes <strong>en</strong> jeu et la multiplicité <strong>de</strong>s acteurs et <strong>de</strong> leurs <strong>en</strong>jeux r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt leur mise à platirréalisable. De plus, il ya <strong>de</strong>s équilibres, <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s valeurs qui ne se révèl<strong>en</strong>tque si l'on essaye <strong>de</strong> les déplacer, et c'est d'ailleurs par ce processus que se génèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>nouveaux savoirs sur l'organisation et que l'on t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> modifier les règles du jeu <strong>en</strong>treacteurs, règles qui se trouv<strong>en</strong>t être l'objet <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong>s theory in use.Le diagnostic t<strong>en</strong>d donc à anticiper, dans la mesure du possible et au vu <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>cespassées, les comportem<strong>en</strong>ts dans telle ou telle nouvelle situation créée. Cep<strong>en</strong>dant, <strong>de</strong>s54 On retrouve ici la notion <strong>de</strong> esposed theory <strong>de</strong> C.ARGYRIS et O. SCHON, 1978, op .. cit.127


écarts <strong>en</strong>tre les évolutions recherchées et les pratiques observées ne peuv<strong>en</strong>t être attribuésuniquem<strong>en</strong>t à un diagnostic "mauvais" ou inexistant.Les évolutions sont décl<strong>en</strong>chées par la mobilisation d'un levier d'action. La mise <strong>en</strong>oeuvre est un test <strong>de</strong> l'efficacité du levier actionné. Cette phase <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> oeuvre est à lafois une mise à l'épreuve <strong>de</strong>s savoirs mobilisés et une codification <strong>de</strong> ces savoirs. Despratiques nouvelles se form<strong>en</strong>t progressivem<strong>en</strong>t. La répartition <strong>de</strong>s rôles, les indicateurset dispositifs pertin<strong>en</strong>ts, le profil ou la formation suivie par <strong>de</strong>s acteurs occupant un rôlesont <strong>de</strong>s "savoirs organisationnels". Si les changem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>gagés permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sfonctionnem<strong>en</strong>ts satisfaisants pour l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage, alors il y a stabilisation <strong>de</strong>snouveaux modèles construits.Nous caractériserons cette phase par <strong>de</strong>ux paramètres. Le changem<strong>en</strong>t ne concerne-t-ilqu'un secteur expérim<strong>en</strong>tal ou l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la tôlerie? Le changem<strong>en</strong>t est-il progressifet ponctué <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>tes étapes?3.4. SYNTHESENous regrouperons les différ<strong>en</strong>tes caractéristiques soulignées autour <strong>de</strong> trois dim<strong>en</strong>sions.Le déploiem<strong>en</strong>t temporel r<strong>en</strong>voie à la formalisation <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage <strong>en</strong> unprocessus ponctué <strong>de</strong> mises <strong>en</strong> oeuvre, convergeant vers la stabilisation <strong>de</strong> nouvellespratiques. Chaque étape est'l'aboutissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>tes phases distinguées plus haut.Caractériser le processus d'appr<strong>en</strong>tissage suppose <strong>de</strong> s'interroger sur le rythme auquel lesétapes se succè<strong>de</strong>nt et le nombre d'itérations. Il s'agit égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> spécifier les phasesqui décl<strong>en</strong>ch<strong>en</strong>t une remise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong>s pratiques <strong>en</strong> place et qui conditionn<strong>en</strong>t la durée<strong>en</strong>tre la remise <strong>en</strong> cause et la mise <strong>en</strong> oeuvre. Nous insisterons donc sur les modalitésd'évaluation et la nature du discours mobilisé, les modalités <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> oeuvre.Le déploiem<strong>en</strong>t organisationnel caractérise le processus à partir <strong>de</strong>s leviers d'actionmobilisés.I<strong>de</strong>ntifier les niveaux d'appr<strong>en</strong>tissage consiste à s'interroger sur les ag<strong>en</strong>tsd'appr<strong>en</strong>tissage mais aussi sur les expéri<strong>en</strong>ces mobilisées dans le processus et leséchanges <strong>en</strong>tre sites.4. TYPOLOGIE D'APPRENTISSAGESNous voudrions utiliser notre gille d'analyse pour comparer les dynamiques <strong>en</strong>gagéesdans les tôleries françaises pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge l'exig<strong>en</strong>ce fiabilité. Nous nedévelopperons pas <strong>en</strong> détail chacun <strong>de</strong>s itinéraires mais repr<strong>en</strong>drons leur caractérisationdans le tableau ci-après.Nous voudrions i<strong>de</strong>ntifier maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s types d'appr<strong>en</strong>tissage, <strong>de</strong>s configurations <strong>de</strong>variables. En effet, certaines caractéristiques vont souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> pair, d'autres influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>tparticulièrem<strong>en</strong>t le processus d'appr<strong>en</strong>tissage ; c'est pourquoi nous soulignerons danscette synthèse <strong>de</strong>s combinaisons <strong>de</strong> caractéristiques.4.1. L'ACTION DANS L'URGENCELa caractéristique principale est l'horizon temporel qui régit le rythme <strong>de</strong>s remises <strong>en</strong>cause. Il est court: <strong>de</strong> six mois à un an.Les leviers utilisés sont la structure, la gestion du personnel, la mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong> groupesad hoc et év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t le recours à l'extérieur. Ces trois mo<strong>de</strong>s d'action peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>effet être utilisés très rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t; il n'y a pas <strong>de</strong> plan <strong>de</strong> formation à élaborer,l'instrum<strong>en</strong>tation suivra et sa mise <strong>en</strong> oeuvre est déléguée aux titulaires <strong>de</strong>s nouveauxrôles.Les échanges avec les autres sites sont importants: "toutes les idées sont bonnes àpr<strong>en</strong>dre". Il n'y a pas <strong>de</strong> temps cep<strong>en</strong>dant pour un exam<strong>en</strong> systématique <strong>de</strong> toutes les128innovations mises <strong>en</strong> oeuvre dans d'autres sites. Il s'agit donc <strong>de</strong> profiter <strong>de</strong>sopportunités d'échange et <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ter simultaném<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s actions sur divers axes.L'évaluation est synthétique et réalisée par la hiérarchie. On peut remarquer que s'il yavraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>tatives tous azimuts, le recours à un acteur extérieur n'est pas ess<strong>en</strong>tiel.En effet, il ya moins d'a priori sur la "bonne solution".La multiplication <strong>de</strong>s actions r<strong>en</strong>d difficile un discours cohér<strong>en</strong>t. Le discours peut être trèsmobilisateur sur une courte pério<strong>de</strong> (comme à R<strong>en</strong>nes), il ne permet pas aux acteurs <strong>de</strong>compr<strong>en</strong>dre une stratégie globale mais les r<strong>en</strong>seigne sur la priorité du jour.La mise <strong>en</strong> oeuvre <strong>en</strong>fin est globale.Sites Poissy Sochaux R<strong>en</strong>nes [Aulnay Douai SandouvilVariablesleT Evaluation interne e interne e interne interne interne interne eE externe externe externeM (chercheur) (consultant) (DPAS)P discours non construit <strong>de</strong> <strong>de</strong> construit construit0 l'<strong>en</strong>treprise l'<strong>en</strong>trepriseRet construitAL mise e n global global et global local ou local ou local etl oeuvre lPar étapes ~lobal globalTpar étapesE Rythme < 1 an 1 < x 2 ans 1 < x


fonctionnem<strong>en</strong>ts observés dans d'autres usines. L'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage était leresponsable <strong>de</strong> la tôlerie, il associait au "pilotage" du processus d'appr<strong>en</strong>tissage<strong>de</strong>ux autres cadres qui lui étai<strong>en</strong>t rattachés. L'évaluation <strong>de</strong> ces diversesexpéri<strong>en</strong>ces s'est appuyée sur <strong>de</strong>s indicateurs globaux et sur notre travail. Eneffet, notre implication dans cette dynamique, nous a am<strong>en</strong>ée à analyser lestransformations <strong>en</strong>gagées et à restituer ces évaluations. Le discours a étéinexistant, même si l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage avait une idée <strong>de</strong> la cible. Enfin, lamise <strong>en</strong> oeuvre a été, <strong>en</strong> règle générale, globale.Ce style <strong>de</strong> dynamique peut permettre d'atteindre rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s performancessatisfaisantes, mais se pose alors la question <strong>de</strong> la stabilisation <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>fonctionnem<strong>en</strong>t.En effet, il est possible <strong>de</strong> mobiliser le personnel p<strong>en</strong>dant quelques mois, pour passer <strong>de</strong>sseuils, dans un contexte <strong>de</strong> montée <strong>en</strong> ca<strong>de</strong>nce par exemple. Sur une plus longue duréepar contre, on ne peut guère compter sur le même type d'investissem<strong>en</strong>t personnel <strong>de</strong>sdiffér<strong>en</strong>ts acteurs. D'autant plus que dans ce type d'appr<strong>en</strong>tissage, les acteurs ne sav<strong>en</strong>tpas <strong>de</strong> quoi <strong>de</strong>main sera fait.Beaucoup d'expéri<strong>en</strong>ces sont t<strong>en</strong>tées, c'est donc une pério<strong>de</strong> où <strong>de</strong> nombreux savoirs surl'organisation se révèl<strong>en</strong>t. Il ya interprétation <strong>de</strong>s évolutions <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drées à chaque étape etmise <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> certains mécanismes. Mais la mémorisation <strong>de</strong> ces savoirs est parfoisinexistante et souv<strong>en</strong>t fragile. On a souligné <strong>en</strong> effet que la stabilisation d'une structureétait souv<strong>en</strong>t liée à la durée, or, dans cet itinéraire les remises <strong>en</strong> cause sont fréqu<strong>en</strong>tes.La gestion du personnel est utilisée égalem<strong>en</strong>t ; pour qu'il y ait mémorisation <strong>de</strong> cetappr<strong>en</strong>tissage, une formalisation et une projection sur le long terme <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> personnessont nécessaires. Or, l'horizon du long terme est peu pris <strong>en</strong> compte, il s'agit au contraired'obt<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s résultats rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Le départ <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>t <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cours <strong>de</strong>dynamique induit donc souv<strong>en</strong>t un "désappr<strong>en</strong>tissage" important. Il y a perte <strong>de</strong> tout cequi n'était pas suffisamm<strong>en</strong>t formalisé ou partagé.Enfin, la durée, que nécessite une évolution avant d'atteindre les fonctionnem<strong>en</strong>tsprojetés, n'est jamais prise <strong>en</strong> considération. Il est par exemple peu probable que l'axe <strong>de</strong>professionnalisation <strong>de</strong>s opérateurs puisse être mis <strong>en</strong> oeuvre dans ce type <strong>de</strong> dynamique.4.2. LA BUREAUCRATISATIONLes leviers privilégiés sont l'instrum<strong>en</strong>tation, la formation et la structure.Les influ<strong>en</strong>ces externes sont peu importantes, c'est surtout par rapport à <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>fonctionnem<strong>en</strong>t existants, à <strong>de</strong>s pratiques observées que <strong>de</strong>s transformations sont<strong>en</strong>gagées. La dynamique est impulsée au niveau du responsable <strong>de</strong> la tôlerie, même si ellerepr<strong>en</strong>d <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces déjà testées à un niveau local. C'est égalem<strong>en</strong>t à ce niveau qu'il ya évaluation <strong>de</strong>s fonctionnem<strong>en</strong>ts existants et <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces t<strong>en</strong>tées.Contrairem<strong>en</strong>t à l'appr<strong>en</strong>tissage dans l'urg<strong>en</strong>ce, le discours ici sera stable et global,ménageant une marge <strong>de</strong> flou qui permet <strong>de</strong>s modifications. Il s'agit <strong>de</strong> mobiliser undiscours existant et non <strong>de</strong> le construire.La mise <strong>en</strong> oeuvre est globale ou progressive dans le temps pour éviter les incohér<strong>en</strong>ces.L'objectifvisé étant une certaine homogénéité plus qu'une optimisation locale.Le rythme, <strong>en</strong>fin, est modéré; les remises <strong>en</strong> cause intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tous les 18 mois<strong>en</strong>viron.Contrairem<strong>en</strong>t au mo<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nt, il s'agit plus ici <strong>de</strong> formaliser, mémoriser, codifier <strong>de</strong>ssavoirs qui ont émergé ; ce style <strong>de</strong> dynamique peut donc faire suite à une phased'appr<strong>en</strong>tissage dans l'urg<strong>en</strong>ce. Cet itinéraire ne s'inscrit pas nécessairem<strong>en</strong>t dans leprolongem<strong>en</strong>t d'un autre type <strong>de</strong> processus, l'<strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s actions permet bi<strong>en</strong>130l'appr<strong>en</strong>tissage mais à un rythme moins accéléré. Il peut égalem<strong>en</strong>t suivre une dynamique"prospective", il s'agit alors <strong>de</strong> compléter la cible ou d'ét<strong>en</strong>dre l'expérim<strong>en</strong>tation.Les dynamiques <strong>de</strong> Sochaux et d'Aulnay-> <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans cette catégorie. Lesleviers privilégiés sont la structure et l'instrum<strong>en</strong>tation. Plus marginalem<strong>en</strong>t, àSochaux, il ya eu recours à l'extérieur alors qu'à Aulnay, il ya eu constitution<strong>de</strong> groupes ad hoc. Les acteurs qui ont piloté ces changem<strong>en</strong>ts sont lesresponsables d'exploitation <strong>de</strong> la tôlerie 56 . Les échanges avec d'autres tôleriesont été peu importants, la construction interne <strong>de</strong> solutions "sur mesure" étantprivilégiée. L'évaluation a été formulée <strong>de</strong> façon interne -le recours à <strong>de</strong>sconsultants à Sochaux étant une exception-. Le "discours" existe même s'il neprécise pas, jusque dans les détails, les évolutions mises <strong>en</strong> oeuvre. Enfin, lesrythmes <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t sont proches: d'un an à un an et <strong>de</strong>mi.Les avantages <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage "bureaucratique" sont les défauts <strong>de</strong> l"'action dansl'urg<strong>en</strong>ce". La construction d'indicateurs, <strong>de</strong> dispositifs et la formation induis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sappr<strong>en</strong>tissages relativem<strong>en</strong>t stables, comme nous l'avons souligné précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t. Lerythme <strong>de</strong>s transformations, plus l<strong>en</strong>t que dans l'itinéraire précé<strong>de</strong>nt, permet égalem<strong>en</strong>tune mémorisation <strong>de</strong>s structures. Ainsi, le départ <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage, les flux <strong>de</strong>personnels et autres facteurs <strong>de</strong> désappr<strong>en</strong>tissage inhér<strong>en</strong>ts à la vie organisationnelle neremett<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> cause les fonctionnem<strong>en</strong>ts établis.Par contre, les changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> contexte: très forte <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, diminution <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,blocage <strong>de</strong>s dép<strong>en</strong>ses, peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>traîner <strong>de</strong>s inadéquations <strong>de</strong>s instrum<strong>en</strong>ts ou <strong>de</strong>sobjectifs. Plus largem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> nombreux facteurs déplac<strong>en</strong>t les niveaux satisfaisants, ils'agit alors d'adapter et <strong>de</strong> reconstruire <strong>de</strong>s pratiques et <strong>de</strong>s dispositifs cohér<strong>en</strong>ts avec lesnouvelles contraintes. Or l'appr<strong>en</strong>tissage bureaucratique vise plus une stabilisationqu'une remise <strong>en</strong> cause perpétuelle.Un <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong> cet itinéraire d'appr<strong>en</strong>tissage est la stabilisation d'une organisation dutravail qui n'est pas "optimale". Ainsi à Aulnay, il est peu probable que le modèle"fusion-exclusion" soit <strong>en</strong>visagé, comme à Sochaux, le modèle "bicéphale". Ni l'un, nil'autre <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux sites ne s'interroge sur les gains que pourrait dégager uneprofessionnalisation <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> fabrication. Ce risque d'appr<strong>en</strong>tissage "à faux", où il ya amélioration <strong>de</strong>s pratiques à l'intérieur d'un modèle cadre qui est peut être à remettre <strong>en</strong>cause, a été souligné par B. Levitt et J. March>? . Ils parl<strong>en</strong>t <strong>de</strong> compet<strong>en</strong>cy traps, etrepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t une remarque <strong>de</strong> W. B. Arthur 58 "L'appr<strong>en</strong>tissage induit une augm<strong>en</strong>tation du"coût" <strong>de</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce et conduit les organisations, les industries ou les sociétés àpersister dans l'usage d'un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> procédures ou <strong>de</strong> technologies qui peuv<strong>en</strong>t leséloigner d'un optimum". A ce sta<strong>de</strong>, le rôle d'un acteur extérieur peut être ess<strong>en</strong>tiel etconstitue un regard non impliqué dans l'action.4.3. LA PROSPECTIVEL'horizon temporel est éloigné et le cycle est long (plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans). Les choix doiv<strong>en</strong>têtre ouverts, la remise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong>s cibles jusqu'alors adoptées doit être <strong>en</strong>visageable, paropposition à la dynamique bureaucratique. C'est souv<strong>en</strong>t le cas <strong>en</strong> phase <strong>de</strong> préparation<strong>de</strong>s lancem<strong>en</strong>ts.Tous les leviers peuv<strong>en</strong>t être mobilisés. On peut remarquer d'ailleurs une certainecomplém<strong>en</strong>tarité <strong>en</strong>tre eux. Il s'agit par exemple d'instrum<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s rôles précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t55 CHARUE F.., 1991, op .. cit..56 C'est une fonction et une position hiérarchique que l'on désigne ainsi, chaque tôlerie ayant sesspécificités: taille, <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> déc<strong>en</strong>tralisation ..57 LEVITT B.. & MARCH 1.,1988, op .. cit.58 ARTHUR W. B., 1984, "Competing technologies and economie prediction" I.IA.S.A. Options, ~pp 10-13.131


créés, <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s acteurs qui ont un passé dans l'<strong>en</strong>treprise et ont été choisis <strong>en</strong>fonction <strong>de</strong>s postes qu'ils ont préalablem<strong>en</strong>t occupés ...L'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage est souv<strong>en</strong>t le responsable <strong>de</strong> projet. Les transferts avec lesautres sites jou<strong>en</strong>t un rôle ess<strong>en</strong>tiel. L'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tissage cherche à connaître lesdiffér<strong>en</strong>tes expéri<strong>en</strong>ces t<strong>en</strong>tées dans d'autres usines afin d'<strong>en</strong> tirer <strong>de</strong>s <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts. Ils'agit d'échanges médiatisés par <strong>de</strong>s personnes plus que <strong>de</strong>s échanges directs. Il yaévaluation surtout par rapport à ces divers fonctionnem<strong>en</strong>ts, cette <strong>de</strong>rnière peut donc êtreformulée par <strong>de</strong>s acteurs internes (le responsable projet) mais aussi par les tiers auxquelsils aurai<strong>en</strong>t recours.Le discours construit est très important. Il s'agit <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ter une innovationconvaincre les acteurs visés, fédérer autour d'un objectif.La mise <strong>en</strong> oeuvre est locale ou globale.il fautC'est la dynamique <strong>en</strong>gagée sur le secteur du bloc-avant <strong>de</strong> Douai 59 qui nous aaidée à caractériser ce <strong>de</strong>rnier type. La phase <strong>de</strong> préparation du lancem<strong>en</strong>t Rl9 a,<strong>en</strong> effet, été consacrée à la formalisation d'une nouvelle cible organisationnellerésumée dans un docum<strong>en</strong>t écrit 60 . Les évolutions qui ont suivi la mise <strong>en</strong>oeuvre <strong>de</strong> ce projet d'organisation s'inscriv<strong>en</strong>t dans une logique <strong>de</strong>bureaucratisation, d'amélioration du modèle : augm<strong>en</strong>tation du nombre <strong>de</strong>conducteurs d'installations <strong>en</strong> ajoutant une personne affectée à la surveillance etaux marches dégradées, instrum<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> la fonction d'AM 1 dans son rôled'<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s conducteurs d'installations et <strong>de</strong> suivi technique <strong>de</strong>sinstallations.Trois difficultés sont à remarquer dans cet itinéraire d'appr<strong>en</strong>tissage.D'une part, il est difficile d'élaborer une cible juste sans aucune exp<strong>en</strong><strong>en</strong>ce <strong>de</strong>stransformations à v<strong>en</strong>ir. La synthèse <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces m<strong>en</strong>ées par d'autres exige unefamiliarité avec les contraintes auxquelles t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> répondre les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>fonctionnem<strong>en</strong>t analysés. La compét<strong>en</strong>ce d'un chercheur ou d'une personne d'un servicec<strong>en</strong>tral ayant accompagné un projet antérieur est un apport important.De plus, il faut du temps pour <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre la construction d'une cible.Enfin, les ajustem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s pratiques aux problèmes spécifiques r<strong>en</strong>contrés sontnécessairem<strong>en</strong>t différés après l'étape <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> oeuvre. A ce sta<strong>de</strong>, il risque d'y avoirincompatibilité <strong>en</strong>tre un discours fort et mobilisateur et une évaluation objective <strong>de</strong>sfonctionnem<strong>en</strong>ts.Faut-il conclure <strong>en</strong>fin sur un meilleur mo<strong>de</strong> d'appr<strong>en</strong>tissage?Les contraintes, quant aux délais dont les ag<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t dispos<strong>en</strong>t pour obt<strong>en</strong>ir<strong>de</strong>s résultats, diffèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre l'action dans l'urg<strong>en</strong>ce et la prospective. Nous préféreronsdonc parler d'itinéraires d'appr<strong>en</strong>tissage conting<strong>en</strong>ts à <strong>de</strong>s contextes et privilégierl'articulation <strong>de</strong> ces itinéraires d'appr<strong>en</strong>tissage dans le temps. L'alternance <strong>en</strong>treappr<strong>en</strong>tissage prospectif ou dans l'urg<strong>en</strong>ce et l'appr<strong>en</strong>tissage bureaucratique nous paraît<strong>en</strong> effet incontournable et nous repr<strong>en</strong>drons la formule <strong>de</strong> A. Pettigrewv! "continuity andchange" qui pr<strong>en</strong>d acte <strong>de</strong> cette opposition.59 MIDLER C, 1988, op. cil. et MIDLER C, 1989, "De l'automatisation à la mo<strong>de</strong>rnisation: vers <strong>de</strong>nouvelles pratiques <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s projets industriels dans l'automobile", Gérer et Compr<strong>en</strong>dre, n° 14,mars 89.60 MICHEL .J.P., MIDLER C, OSWALD P,., PICHON A. , 1986 "Tôlerie <strong>de</strong> Douai, projetd'organistion <strong>de</strong> l'atelier <strong>de</strong>s blocs avant X53", R<strong>en</strong>ault61 PETTIGREW A. , 1985, The Awak<strong>en</strong>ing Giant: Coatinuity <strong>en</strong>d Change in rcr, Basil BlackwellOxford,132Nous insisterons <strong>en</strong>fin sur le r~le <strong>de</strong> l~ mise <strong>en</strong> ~~vre et d~ .l'~valuation pour modifier,r~mettre <strong>en</strong> cause ou ~u contraire vali<strong>de</strong>r les theones mobilisées. L'appr<strong>en</strong>tissage dans1u~g<strong>en</strong>.ce et pro~p~ctlf sont <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s d'appr<strong>en</strong>tissage qui privilégi<strong>en</strong>t le test et lavalIdat~on d~s theones ~n u~age. Dans le premier l'expérim<strong>en</strong>tation se déroule à l'intérieur<strong>de</strong> la SltUatIO? .<strong>de</strong> gestion a laquell,e apparti<strong>en</strong>t l'ag<strong>en</strong>t d'appr<strong>en</strong>tisage. Dans le secondtype, les exp<strong>en</strong><strong>en</strong>ces qUI se sont <strong>de</strong>veloppées dans d'autres périmètres sont mobiliséesdan~ le ,p~?cessus. En formali~ant ~a ~otion d'appr<strong>en</strong>tissage nous avons égalem<strong>en</strong>tsouligné l'importance <strong>de</strong> la memonsanon. Cette phase est privilégiée dans le typebureaucratique.La grille d'an~lyse construite et les trois types d'appr<strong>en</strong>tissage i<strong>de</strong>ntifiés offr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>n~)Uveaux re~e;es P?u: p<strong>en</strong>ser le changem<strong>en</strong>t dans l'organisation non seulem<strong>en</strong>t aumveau <strong>de</strong>s umtes mais egalem<strong>en</strong>t au niveau du constructeur dans son <strong>en</strong>semble.BIBLIOGRAPHIEARGYRIS C. & SCHON D., 1978, Organizational Learning " a Theory ofAction Perspective AddisonWesley.'~:'THUR W.B., 1984, "Competing Technologies and Economie Prediction" !JASA Options 2; pp 10-CHARBIT F., 1991, La gestion <strong>de</strong>s technologies émerg<strong>en</strong>tes: organisation et appr<strong>en</strong>tissage Thèse <strong>de</strong>doctorat <strong>de</strong> l'<strong>Ecole</strong> polytechnique, spécialité <strong>Gestion</strong>'CHARUE. 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1. Albert DAVIDRAPPORTSBi<strong>en</strong> que l'exposé et le papier que j'ai lu soi<strong>en</strong>t assez différ<strong>en</strong>ts, j'ai été très intéressé par lamanière dont le sujet est abordé ici: la minutie <strong>de</strong> l'analyse <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> robotisation, ainsique la rigueur du travail <strong>de</strong> caractérisation <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts trajets <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissageorganisationnel dans les tôleries étudiées r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt l'<strong>en</strong>semble très stimulant.J'aimerais articuler ce rapport autour <strong>de</strong> trois thèmes:- pouvoirs et savoirs;- imaginaire et esthétique;- appr<strong>en</strong>tissage et organisation"1. POUVOIRS ET SAVOIRSPouvoir et savoir sont <strong>de</strong>ux notions très importantes dont l'une (le pouvoir) est totalem<strong>en</strong>tabs<strong>en</strong>te <strong>de</strong> cet article et l'autre (le savoir) omniprés<strong>en</strong>te.En effet, s'il n'est pas question dans ce texte <strong>de</strong> relations <strong>de</strong> pouvoir ni <strong>de</strong> stratégies 62,"ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong>s mots clés se rapport<strong>en</strong>t aux savoirs: partage <strong>de</strong> connaissance, emprunt d'idées,conducteur d'installation, pilotage, sans compter les référ<strong>en</strong>ces à Argyris, Schën et Piaget.Ent<strong>en</strong>dons-nous bi<strong>en</strong> : il n'est pas question ici <strong>de</strong> vouloir à tout prix faire <strong>de</strong> l'analysestratégique. Mais cette abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s concepts liés à la notion <strong>de</strong> pouvoir fait que l'on hésite<strong>en</strong>tre trois possibilités:- ou bi<strong>en</strong> la situation <strong>de</strong> gestion - pour repr<strong>en</strong>dre le terme <strong>de</strong> J. Girin - est telle qu'il n'y a pas<strong>de</strong> problèmes <strong>de</strong> pouvoir: c'est la coopération totale, la circulation et la formationharmonieuses <strong>de</strong>s connaissances dans un univers idéal où l'on ne ferait qu'appr<strong>en</strong>dre etpartager;- ou bi<strong>en</strong> la notion <strong>de</strong> savoir et l'analyse <strong>de</strong>s mécanismes d'appr<strong>en</strong>tissage r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt la notion<strong>de</strong> pouvoir inutile ou, du moins, trop globale: le pouvoir r<strong>en</strong>trerait dans la catégorie <strong>de</strong>suniversaux au même titre que la coopération ou la confiance;- ou bi<strong>en</strong> c'est une dim<strong>en</strong>sion qui existe et qui n'apparaît pas dans les pages que j'ai lues,peut-être parce qu'elle apparti<strong>en</strong>t à un autre niveau d'analyse et qu'elle vi<strong>en</strong>drait, <strong>en</strong>quelque sorte, nourrir, habiller les schémas d'appr<strong>en</strong>tissage prés<strong>en</strong>tés.Si c'est la <strong>de</strong>rnière hypothèse qui est vraie, alors où sont les conflits, les prises <strong>de</strong> bec, lesrivalités <strong>en</strong>tre chefs d'atelier et fiabilistes ? Comm<strong>en</strong>t se sont comportés les chefs d'atelier?Avai<strong>en</strong>t-ils si peu d'expertise que leur fonction <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait inutile? L'article évoque la notiond'efficacité <strong>de</strong> leviers <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t Mais qui a le pouvoir <strong>de</strong> les déci<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> les actionner?En fonction <strong>de</strong> quelles représ<strong>en</strong>tations?N'oublions pas, donc, que les changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> contexte sont aussi r<strong>en</strong>dus possibles par <strong>de</strong>schangem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> relations qui à leur tour structur<strong>en</strong>t et sont permises par les savoirs. Or on nevoit pas les relations dans l'article.Plus généralem<strong>en</strong>t, pour conclure cette partie: pour que l'échafaudage théorique qui estproposé n'apparaisse pas comme une modélisation ad hoc, il faut caractériser précisém<strong>en</strong>t àquel type <strong>de</strong> situation <strong>de</strong> gestion on a affaire, faute <strong>de</strong> quoi il est impossible au lecteur <strong>de</strong> savoirquel est le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> généralité <strong>de</strong>s problèmes qui sont évoqués.2" QUELQUES INCURSIONS DANS L'IMAGINAIRE ET L'ESTHETIQUEIl est dit dans le texte que les cibles ou idéaux d'organisation - qui sous-t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt et anim<strong>en</strong>t lesprocessus d'appr<strong>en</strong>tissage - sont implicites, Il n'<strong>en</strong> reste pas moins qu'il existe pour les acteursimpliqués dans ces changem<strong>en</strong>ts un type d'organisation désiré, séduisantau s<strong>en</strong>s esthétiquepremier, donc s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>tal.A ce propos, <strong>de</strong>ux remarques:- Tout cela dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s, <strong>de</strong>s époques, <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s. On est à un mom<strong>en</strong>t où lesmétaphores <strong>de</strong> l'auto-organisation sont à la mo<strong>de</strong>. Autrem<strong>en</strong>t dit, certains typesd'organisation, certaines manières d'appr<strong>en</strong>dre et <strong>de</strong> piloter cet appr<strong>en</strong>tissage paraiss<strong>en</strong>tplus harmonieux, plus beaux, meilleurs, plus humains que d'autres, sans li<strong>en</strong>s autresqu'affichés avec <strong>de</strong>s gains <strong>de</strong> productivité qu'il n'est d'ailleurs pas si simple <strong>de</strong> mesurer. Ily a donc une esthétique du changem<strong>en</strong>t qui vaut peut-être la peine d'être étudiée, bi<strong>en</strong>que l'on arrive vite, ce faisant, à <strong>de</strong>s considérations idéologiques.- Certains histori<strong>en</strong>s invers<strong>en</strong>t le rôle <strong>de</strong> l'imaginaire social: les figures mythiques, lessymboles, les formes artistiques ne serai<strong>en</strong>t pas les projections imaginaires <strong>de</strong> la sociétémais, au contraire, on observe que les formes concrètes d'organisation sociale d'uneépoque sont la traduction d'imaginaires conçus à <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts historiques antérieurs.Par exemple, au néolithique, pour pr<strong>en</strong>dre un cas vraim<strong>en</strong>t très anci<strong>en</strong>, les statuesreprés<strong>en</strong>tant <strong>de</strong>s déesses <strong>de</strong> la fécondité ont précédé, et non suivi, une formed'organisation <strong>de</strong> la production alim<strong>en</strong>taire qui permettait la récolte et le stockage, <strong>en</strong>rupture avec la chasse et la cueillette.Peut-être serait-il intéressant - mais c'est une question très générale - <strong>de</strong> voir quel typed'imaginaire est projeté sur la fonction <strong>de</strong> fiabiliste et sur la vision <strong>de</strong> l'organisation du travail qui<strong>en</strong> résulte, et si ces considérations sont ou non contradictoires avec le fait que nous avons àfaire ici à <strong>de</strong>s processus où l'on appr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> faisant et où l'image <strong>de</strong> l'organisation idéal<strong>en</strong>'émerge - <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce - que progressivem<strong>en</strong>t.3. APPRENTISSAGE ET ORGANISATIONUne remarque préliminaire: nous sommes ici <strong>de</strong>vant un cas où on a déjà tellem<strong>en</strong>t appris(IS0AR et autres expéri<strong>en</strong>ces analysées et comm<strong>en</strong>tées <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>ts dans les processus<strong>de</strong> production) que l'on a appris à appr<strong>en</strong>dre, et que probablem<strong>en</strong>t le cons<strong>en</strong>sus sur une,représ<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s problèmes commune à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s acteurs émerge plus facilem<strong>en</strong>t quedans d'autres cas 63L'article souligne l'importance <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> oeuvre comme facteur d'appr<strong>en</strong>tissage: on conçoitquelque chose qui marche à peu près, puis on essaye. Démarche empirique plutôt querationnelle"Mais il y a <strong>de</strong>s situations où l'on ne peut ri<strong>en</strong> essayer du tout:- soit parce qu'il n'y a ri<strong>en</strong> à essayer: par exemple, manipulation d'objets quasi-virtuels dutype cahier <strong>de</strong>s charges marketing d'un véhicule qui sortira dans cinq ans; où est leprincipe <strong>de</strong> réalité qui permettrait un processus d'essai-erreur rapi<strong>de</strong>?- soit parce qu'il est impossible d'essayer: par exemple, certains dispositifs <strong>de</strong> sécuritédans les c<strong>en</strong>trales nucléaires ne peuv<strong>en</strong>t être essayés sans noyer la c<strong>en</strong>trale sous l'eauou le sable, donc sans la r<strong>en</strong>dre définitivem<strong>en</strong>t inutilisable;- soit parce que la hiérarchie, les rivalités, le cloisonnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les services nepermett<strong>en</strong>t pas les relations ni les échanges <strong>de</strong> savoirs qui permettrai<strong>en</strong>t l'appr<strong>en</strong>tissage.Il faut souligner, d'autre part, que les savoirs qui émerg<strong>en</strong>t d'un processus d'appr<strong>en</strong>tissag<strong>en</strong>'ont pas tous le même statut. Les conducteurs d'installation, par exemple, arriv<strong>en</strong>t à changer lareprés<strong>en</strong>tation d'un problème pourtant banal: le réglage d'une machine par un boulon que l'ondoit serrer régulièrem<strong>en</strong>t parce qu'il se <strong>de</strong>sserre. Au lieu <strong>de</strong> régler le boulon vingt fois par jour,on essaie <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre pourquoi il se <strong>de</strong>sserre" Ce qui était auparavant considéré commeune fatalité, quelque chose qu'on ne pouvait que réparer qu'après coup, <strong>en</strong>tre dans le champ<strong>de</strong> ce qui est "domestiquable", rationalisable. Auparavant, le boulon nourrissait <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong>communication qui, comme les discussions sur le temps qu'il fait, ont leur utilité sociale mais nesont pas, <strong>en</strong> général, productrices <strong>de</strong> savoir,-----_._------~------62 Bi<strong>en</strong> qu'on y trouve, <strong>de</strong> temps à autre, les termes <strong>de</strong> résistance passive, lobbying et résistance auchangem<strong>en</strong>t.13463 Ce qui pourrait peut-être, au passage, expliquer <strong>en</strong> partie l'abs<strong>en</strong>ce appar<strong>en</strong>te <strong>de</strong> conflits <strong>de</strong> pouvoirs"135


communication qui, comme les discussions sur le temps qu'il fait, ont leur utilité sociale mais nesont pas, <strong>en</strong> général, productrices <strong>de</strong> savoir.Le fait <strong>de</strong> savoir qu'il faut serrer le boulon correspond à un niveau d'appr<strong>en</strong>tissage, le faitd'arriver à ne plus avoir à le serrer, donc à supprimer le problème, correspond à un niveausupérieur et le fait <strong>de</strong> savoir qu'avec une telle démarche on peut résoudre ce type <strong>de</strong> problèmeconstitue une généralisation d'un autre niveau"On peut alors faire la distinction <strong>en</strong>tre les savoirs sur l'organisation ("une division du travail <strong>en</strong>trefabrication et dépannage est ingérable") et la manière dont ce savoir, pour repr<strong>en</strong>dre les termes<strong>de</strong> l'article, est codifié dans les routines (l'intégration <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux services <strong>en</strong> un groupe uniqued'exploitation) ,Le problème, c'est qu'il n'y a jamais une réponse organisationnelle unique à un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong>faits considérés comme posant problème. Donc la manière dont les savoirs sont codifiés dansles routines fait interv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s savoirs d'un autre ordre.Comm<strong>en</strong>t alors savoir à quel niveau d'abstraction il faut mémoriser ce que l'on a appris pour quecela puisse servir pour la fois suivante? Il est intéressant, à ce propos, <strong>de</strong> constater que lorsqueles processus sont longs et ne se reproduis<strong>en</strong>t jamais à l'i<strong>de</strong>ntique parce que l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tchange trop d'une fois à l'autre, certains savoirs ("il faut sortir la <strong>de</strong>ux portes avant la quatreportes parce que la <strong>de</strong>rnière fois, on a fait le contraire et ça a mal marché") ont un statut <strong>de</strong> véritécomparable à celui d'une superstition ("je suis toujours sorti avec un chapeau et il ne m'estjamais ri<strong>en</strong> arrivé, donc je continue")"faut donc, pour conclure, préciser le statut <strong>de</strong> la formalisation qui est proposée: les processusd'appr<strong>en</strong>tissage sont étudiés et comparés, mais les acteurs sont abs<strong>en</strong>ts et l'acc<strong>en</strong>t est mis surle "comm<strong>en</strong>t" <strong>de</strong> l'appr<strong>en</strong>tissage. Autrem<strong>en</strong>t dit, on sait comm<strong>en</strong>t les acteurs ont appris mais ontne sait pas quoi. La modélisation serait-elle non pas une théorie <strong>de</strong> ce qui s'est passé maisplutôt une grille d'analyse pertin<strong>en</strong>te et rigoureuse <strong>de</strong>stinée à mémoriser et à expliquer àd'autres comm<strong>en</strong>t on a appris à robotiser les tôleries?II.Philippe d'IRIBARNEJe suis un peu embarrassé pour faire ce rapport parce que bi<strong>en</strong> que ce que vous avez fait àPoissy soit tout à fait intéressant et correspon<strong>de</strong> à tout un itinéraire sur un sujet du plus grandintérêt, il me semble que dans le texte et dans votre exposé on voit peu <strong>de</strong> choses finalem<strong>en</strong>t<strong>de</strong> ce qui s'est passé réellem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong> la manière dont s'est déroulé l'appr<strong>en</strong>tissage dansl'usine, On voit comm<strong>en</strong>t a évolué une certaine structure d'organisation, et comm<strong>en</strong>t les chefsd'atelier ont été <strong>en</strong>levés et remis etc..., on voit comm<strong>en</strong>t se modifie la place d'un fiabiliste ; etpuis il ya l'exemple intéressant d'un conducteur d'installations repositionnant 20 fois un serragedans la même journée. Je crois que c'est à peu près la seule chose concrète que j'ai vue dans lepapier. Si je connaissais la tôlerie, j'aurais pu mettre <strong>en</strong> relation ce que vous expliquez <strong>en</strong>général avec ce qui s'est passé dans la tôlerie, mais malheureusem<strong>en</strong>t ça ne m'a pas paru êtretrès particulier.eRG-, pas tellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vie <strong>de</strong> connaître ce qui se passait dans le concret <strong>de</strong> la fabrication. Alorsest-ce que le fait que vous ne l'ayez pas m<strong>en</strong>tionné, veut dire que tout ça a disparu, quemaint<strong>en</strong>ant l'appr<strong>en</strong>tissage est un appr<strong>en</strong>tissage collectif dans lequel il n'y a pas <strong>de</strong> conflits<strong>en</strong>tre acteurs, ou est-ce que ça veut dire que ceci ne vous a pas intéressé? J'aimerais savoir cequ'il <strong>en</strong> est, <strong>en</strong> ce qui concerne cette tôlerie <strong>de</strong> Poissy.A ce propos, on voit bi<strong>en</strong> que, dans le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> PIAGET que vous avez évoqué, l'appr<strong>en</strong>tissageindividuel, passe effectivem<strong>en</strong>t par une transformation <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations. Mais est-ce q~evraim<strong>en</strong>t on peut dire que dans tous les cas un appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, donc collectif,passe par un changem<strong>en</strong>t collectif et cohér<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations? Est-ce qu'au fond on nepourrait pas, je ne veux pas être paradoxal, se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si la capacité ~'un <strong>en</strong>sem~le àappr<strong>en</strong>dre, à fonctionner n'est pas liée dans un certain nombre <strong>de</strong> cas, au fait que les memesactions, donc les compromis "pratiques" portant sur un certain nombre d'actions, peuv<strong>en</strong>t êtrel'objet <strong>de</strong> la part d'acteurs différ<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tations qui n'ont ri<strong>en</strong> à voir les unes avec lesautres? Par exemple, est-ce que la capacité <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et <strong>de</strong>s fabricants àcoopérer n'est pas liée à la capacité <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces trois acteurs, à donner une interprétation<strong>de</strong>s actions m<strong>en</strong>ées <strong>en</strong> commun, qui lui soit favorable; interprétation qui excluerait bi<strong>en</strong> sûr lesreprés<strong>en</strong>tations, égalem<strong>en</strong>t favorables aux autres parties, données par les unes et par lesautres?J'ai trouvé les travaux du CRG mettant <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce l'exist<strong>en</strong>ce d'interprétations contradictoirestrès intéressants. Mais on voit mal comm<strong>en</strong>t ces représ<strong>en</strong>tations différ<strong>en</strong>tes peuv<strong>en</strong>t évoluer,comm<strong>en</strong>t se sont passés les appr<strong>en</strong>tissages et s'il y a réellem<strong>en</strong>t eu appr<strong>en</strong>tissage collectif. Carle titre <strong>de</strong> votre texte est "Les itinéraires d'appr<strong>en</strong>tissage dans l'organisation", ce qui r<strong>en</strong>voie à<strong>de</strong>s appr<strong>en</strong>tissages collectifs d'un <strong>en</strong>semble d'acteurs. Cet aspect collectif est apparu certes àtravers le fait qu'il y a eu <strong>de</strong>s déplacem<strong>en</strong>ts d'organisation au cours du temps mais pas vraim<strong>en</strong>tdans la façon dont s'est réalisée une certaine synergie <strong>en</strong>tre les actions <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres.Comm<strong>en</strong>t ceci s'est-il passé ? Est-ce que cela comporte la théorie suivant laquelle <strong>de</strong>sreprés<strong>en</strong>tations partagées jouerai<strong>en</strong>t un rôle c<strong>en</strong>tral dans les appr<strong>en</strong>tissages collectifs?Et je voudrais poser une question sur l'appr<strong>en</strong>tissage collectif, non pas <strong>de</strong> la tôlerie <strong>de</strong> Poissy,mais sur l'appr<strong>en</strong>tissage collectif <strong>de</strong> la recherche, <strong>de</strong> la recherche sur les organisations, <strong>de</strong> larecherche sur l'industrie automobile, et pour être <strong>en</strong>core plus précis, <strong>de</strong> la recherche du CRGsur l'industrie automobile On pourrait s'att<strong>en</strong>dre, connaissant les procédures du CRG, leurrectitu<strong>de</strong> et l'aspect collectif du travail, à ce que ce travail effectué par le CRG soit, à certainségards, compris comme un travail collectif Quand on compare ce travail aux travaux antérieursdont j'ai parlé tout à l'heure, le fait que certains sujets qui étai<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>traux au CRG sur le mêmethème ont disparu, vi<strong>en</strong>t-il d'un processus d'appr<strong>en</strong>tissage qui aurait conduit à découvrir queces sujets n'étai<strong>en</strong>t plus pertin<strong>en</strong>ts ou vi<strong>en</strong>t-il au contraire du fait que ce qui s'est passé estd'une nature autre qu'un appr<strong>en</strong>tissage et a été une substitution d'un type d'intérêt à un autretype d'intérêt sans qu'il y ait réellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> travail cumulatif dans ce type <strong>de</strong> profil?J'espère que cette question qui ne s'adresse pas tellem<strong>en</strong>t à vous, mais à l'assemblée, ne serapas jugée impertin<strong>en</strong>te, mais je p<strong>en</strong>se qu'elle est intéressante, du point <strong>de</strong> vue qui nousoccupe tous dans ce séminaire, du progrès <strong>de</strong> la recherche <strong>en</strong> gestion et du rapport <strong>en</strong>tre letravail empirique et la théorie dans la recherche <strong>en</strong> gestion.Vous parlez beaucoup <strong>de</strong> tout ce qui tourne autour <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations partagées ­l'appr<strong>en</strong>tissage, je revi<strong>en</strong>drai là-<strong>de</strong>ssus, est lié à <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations partagées- dans la partiethéorique <strong>de</strong> votre texte et <strong>de</strong> votre exposé. Mais j'ai mal vu comm<strong>en</strong>t, aussi bi<strong>en</strong> dans la tôlerie<strong>de</strong> Poissy que dans d'autres exemples que vous avez donnés, évoluai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tationspartagées ; ce qui me met <strong>en</strong> position difficile pour comm<strong>en</strong>ter la pertin<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cet outilthéorique que vous avez prés<strong>en</strong>té.Par ailleurs vous abor<strong>de</strong>z un point important, ayant trait aux idées <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>tinexistants, d'attitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> valeurs, <strong>de</strong> résistances au changem<strong>en</strong>t, qui avait été développélonguem<strong>en</strong>t dans les travaux précé<strong>de</strong>nts du CRG (je p<strong>en</strong>se aux fameux numéro <strong>de</strong>s Annales<strong>de</strong>s Mines sur "Automatisation Raisonnable <strong>de</strong> l'Industrie). Mais <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ce passagerapi<strong>de</strong>, ces résistances au changem<strong>en</strong>t ne sont guère évoquées. Or j'ai le souv<strong>en</strong>ir, à la foispour avoir lu un rapport <strong>de</strong> la COFREMCA fait justem<strong>en</strong>t à Poissy et dans la tôlerie, où avai<strong>en</strong>tété interrogés <strong>de</strong>s ouvriers d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> ayant été affectés à la fabrication, (et ça ne s'est paspassé tout seul), et <strong>de</strong>s travaux du CRG concernant les relations <strong>en</strong>tre métho<strong>de</strong>s, <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> etfabrication dans ce type d'installations, qu'il y avait <strong>de</strong>s résistances à l'appr<strong>en</strong>tissage semanifestant par le fait que les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la fabrication n'avai<strong>en</strong>t pas tellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vie <strong>de</strong> laisserconnaître aux g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s ou d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> les inci<strong>de</strong>nts réels <strong>de</strong> fabrication etréciproquem<strong>en</strong>t les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s n'avai<strong>en</strong>t -toujours dans cette littérature anci<strong>en</strong>ne du136137


V<strong>III</strong>.CONVENTIONS DE COORDINATION ET ORGANISATIONSLaur<strong>en</strong>t THEVENOTEHESS - <strong>C<strong>en</strong>tre</strong> d'Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'EmploiRapporteurs :Christian SCHMIDT, Paris IX DauphineLouis QUERE, MSHSéance du 16 mai 1991138139


INTRODUCTIONDE L'ORDRE A LA COORDINATIONLe texte soumis à la discussion prés<strong>en</strong>te les élém<strong>en</strong>ts principaux d'un cadre d'analyse <strong>de</strong>la coordination, les développem<strong>en</strong>ts étant issus <strong>de</strong> publications diverses. Le caractèrecomposite du résultat reflète la pluralité <strong>de</strong>s <strong>en</strong>trées possibles dans le programme <strong>de</strong>recherche exposé, qui correspon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s thèmes relevant <strong>de</strong> champs disciplinairesdiffér<strong>en</strong>ts.L'appréh<strong>en</strong>sion d'ordres généraux <strong>en</strong> relation avec le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> justice et <strong>de</strong> légitimitéqu'ils suscit<strong>en</strong>t ou non auprès <strong>de</strong>s membres d'une société est une question qui relève <strong>de</strong>la tradition <strong>de</strong> la philosophie et <strong>de</strong> l'économie politiques et <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> la justice,tradition prolongée - non sans un r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t critique - par la sociologie et la sci<strong>en</strong>cepolitique.L'intérêt pour <strong>de</strong>s institutions et <strong>de</strong>s règles capables d'assurer la coordination <strong>de</strong>sconduites a <strong>de</strong> longue date ori<strong>en</strong>té un courant d'économie institutionnaliste influ<strong>en</strong>cé parl'anthropologie, la sociologie et le droit. Ce courant est aujourd'hui rejoint sur son propreterrain par la littérature néoclassique préoccupée d'intégrer règles et institutions dans uncadre forgé autour d'un modèle du choix rationnel individuel et ajusté à l'échangeconcurr<strong>en</strong>tiel marchand.La sociologie a fait spécialité <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'action collective, son approche différantlargem<strong>en</strong>t suivant que l'action sociale est abordée <strong>en</strong> termes d'acteur collectif, <strong>de</strong>représ<strong>en</strong>tations et normes communes, ou bi<strong>en</strong> que l'interaction et la négociation <strong>de</strong>sacteurs prési<strong>de</strong>nt à la construction et au mainti<strong>en</strong> local d'une situation commune.La philosophie analytique a contribué à imprimer une tournure linguistique à la théorie <strong>de</strong>l'action et l'intérêt pour les conditions d'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> langage a suscitél'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tions qui support<strong>en</strong>t cet accomplissem<strong>en</strong>t et favorisé une approchepragmatique <strong>de</strong> la communication.En se limitant à l'une <strong>de</strong> ces <strong>en</strong>trées, il est difficile <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte du programmeprés<strong>en</strong>té ici puisqu'il vise justem<strong>en</strong>t à proposer <strong>de</strong>s catégories d'analyse permettant <strong>de</strong>mettre <strong>en</strong> relation ces thèmes. De leur recomposition, on peut att<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s éclairagesnouveaux sur une interrogation c<strong>en</strong>trale dans les sci<strong>en</strong>ces sociales - et notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>économie - concernant la possibilité d'ordre dans le concours d'actions individuelles.Cette recomposition participe d'ailleurs <strong>de</strong> l'établissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nouveaux li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre cesdisciplines et du déplacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs frontières. L'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong>s limites r<strong>en</strong>contrées par lesacteurs, dans la référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>s connaissances communes propres à nourrir <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>tes età servir <strong>de</strong> support à l'action, t<strong>en</strong>d à rapprocher <strong>de</strong>s recherches sur l'interactionstratégique, <strong>en</strong> économie ou philosophie politique, et <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> sociologie et <strong>de</strong>cognition sociale sur la construction d'un s<strong>en</strong>s commun et le jugem<strong>en</strong>t sur l'action <strong>en</strong>situation.Une table ron<strong>de</strong> organisée conjointem<strong>en</strong>t par l'INSEE et le CNRS <strong>en</strong> 1984, intitulée"Les outils <strong>de</strong> gestion du travail", préfigure déjà cette recomposition (Salais et Thév<strong>en</strong>ot,eds., 1986). Elle offre d'ailleurs l'occasion d'une première r<strong>en</strong>contre avec les approchesdéveloppées au CRG. Le mouvem<strong>en</strong>t dit d"'Economie <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tions" poursuit laréflexion amorcée sur les rapports <strong>en</strong>tre marché, règles et conv<strong>en</strong>tions (Revueéconomique, mars 1989). C'est l'un <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> recherche qui a alim<strong>en</strong>té cemouvem<strong>en</strong>t que je prés<strong>en</strong>terai aujourd'hui, programme collectif qui s'est constitué audépart autour du cadre d'analyse <strong>de</strong>s "Economies <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur" (Boltanski et Thév<strong>en</strong>ot,1987). Un premier <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> travaux <strong>de</strong> terrain portant sur <strong>de</strong>s organisations publiqueset privées et <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises a été publié dans un ouvrage collectif Justesse et justice dansle tmvail(Boltanski et Thév<strong>en</strong>ot, eds., 1989),DEUX ENTREES DANS LA COORDINATIONSi l'on exclut les approches <strong>de</strong> l'ordre calquées sur l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> la nature, qui necomport<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> théorie <strong>de</strong> l'action et qui recherch<strong>en</strong>t les lois d'évolution <strong>de</strong> systèmesdont les élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> base ne sont pas nécessairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes, on r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>ux"ressorts d'ordre" principaux. Le premier est la règle, très prés<strong>en</strong>t dans l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>sinstitutions et organisations. L'ordre est alors la conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> conduites similairesgouvernées par les mêmes règles. Le second modèle est <strong>de</strong>stiné à pallier les défauts dupremier <strong>en</strong> autorisant une plus gran<strong>de</strong> indép<strong>en</strong>dance <strong>de</strong>s actions ; l'ordre est alors<strong>en</strong>visagé comme un équilibre.Cette première distinction dans les concepts élém<strong>en</strong>taires ret<strong>en</strong>us pour r<strong>en</strong>dre compte d'unordre ne recoupe qu'<strong>en</strong> partie une secon<strong>de</strong> qui ti<strong>en</strong>t au niveau d'analyse privilégié.La première <strong>en</strong>trée vise une macroanalyse <strong>de</strong> grands principes d'ordre. Elle est adoptéepar une certaine tradition <strong>de</strong> philosophie politique portant sur le bi<strong>en</strong> commun, l'approchesociologique <strong>de</strong>s valeurs, <strong>de</strong>s formes d'autorité légitimes ou <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tationscollectives, l'ori<strong>en</strong>tation culturaliste <strong>de</strong> l'anthropologie. En économie, l'approcheinstitutionnaliste contribuera, dans ce s<strong>en</strong>s, à différ<strong>en</strong>cier <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transaction ou <strong>de</strong>régulation, à opposer <strong>de</strong>s marchés internes aux marchés concurr<strong>en</strong>tiels. Cette <strong>en</strong>tréecommune, à l'origine d'un premier type d'alliance dans les sci<strong>en</strong>ces sociales, soulève lesquestions suivantes:- Qu'est-ce qui permet <strong>de</strong> délimiter chacun <strong>de</strong> ces ordres et d'<strong>en</strong> arrêter la liste? En quoisont-ils plus fondam<strong>en</strong>taux que les innombrables règles spécifiques <strong>en</strong> usage?- Quelle est l'assise <strong>de</strong> ces ordres: <strong>de</strong>s communautés, <strong>de</strong>s nations, <strong>de</strong>s institutions?- Comm<strong>en</strong>t se gèr<strong>en</strong>t les rapports <strong>en</strong>tre ces ordres?La secon<strong>de</strong> <strong>en</strong>trée est plutôt ori<strong>en</strong>tée vers la microanalyse d'interactions élém<strong>en</strong>taires. Ellefavorise un autre type d'alliance <strong>en</strong>tre disciplines forgé par une commune att<strong>en</strong>tion à,l'incertitu<strong>de</strong> qui pèse sur la coordination <strong>de</strong> ces interactions. Ainsi, la microéconomie sedéplace-t-elle <strong>de</strong> l'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> l'équilibre général vers l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'exécution <strong>de</strong> contratsincomplets et d'équilibre <strong>de</strong> coordination dans <strong>de</strong>s interactions stratégiques <strong>en</strong>information imparfaite. La théorie <strong>de</strong> l'action sous-jac<strong>en</strong>te s'ouvre sur l'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong>satt<strong>en</strong>tes à l'égard <strong>de</strong>s autres acteurs et <strong>de</strong> leurs propres att<strong>en</strong>tes. L'exam<strong>en</strong> d'interactionslocales est aussi une ori<strong>en</strong>tation majeure dans les courants sociologiques inspirés par lepragmatisme <strong>de</strong> Mead, et l'apport <strong>de</strong> l'éthnométhodologie a consisté à déplacer l'att<strong>en</strong>tion<strong>de</strong> la référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>s rôles ou à <strong>de</strong>s scènes, vers l'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> procédures et métho<strong>de</strong>saboutissant à ce que l'on pourrait appeler un équilibre <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s commun.Cette secon<strong>de</strong> <strong>en</strong>trée soulève <strong>de</strong>s questions toutes différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> celles qui découlai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>la première:- Peut-on espérer dépasser l'opposition conceptuelle <strong>en</strong>tre norme et rationalité?- Comm<strong>en</strong>t peut être assurée une coordination compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s ajustem<strong>en</strong>tscirconstanciels dans le déroulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'action, qui ne peuv<strong>en</strong>t être i<strong>de</strong>ntifiés a priori dansun plan ou un contrat?QUELLE VOIE RETENIR?Chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>en</strong>trées précé<strong>de</strong>ntes qui détermin<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s façons différ<strong>en</strong>tes d'abor<strong>de</strong>rla question <strong>de</strong> la coordination prés<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s insuffisances. A la première, on reproche sonstatisme et la rigidité <strong>de</strong>s ordres i<strong>de</strong>ntifiés. Au niveau d'analyse ret<strong>en</strong>u, on distingue malla dynamique qui ti<strong>en</strong>t à l'incertitu<strong>de</strong> dans la réalisation d'actions collectives, et qui est aucoeur <strong>de</strong>s phénomènes d'appr<strong>en</strong>tissage, <strong>de</strong> correction et d'innovation. L'acc<strong>en</strong>t surl'ordre ou sur la crise r<strong>en</strong>d mal compte du mainti<strong>en</strong> d'une coordination incertaine. Lasecon<strong>de</strong> <strong>en</strong>trée risque, à l'inverse, d'<strong>en</strong>fermer la coordination dans la situation, celocalisme empêchant <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte d'une possibilité <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> large portéequi caractérise nos sociétés. La coordination marchan<strong>de</strong> est- elle la seule à offrir cepassage du local au général?140141


S'il est donc clair qu'il faut s'efforcer <strong>de</strong> conjuguer ces <strong>de</strong>ux <strong>en</strong>trées dans l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> lacoordination, il apparaît aussi que la tâche n'est pas aisée dès lors que l'on recherche uncadre d'analyse cohér<strong>en</strong>t pour abor<strong>de</strong>r ce qui relève <strong>de</strong> la règle et ce qui relève dujeu.Notre programme <strong>de</strong> recherche s'inspire <strong>de</strong>s considérations précé<strong>de</strong>ntes <strong>en</strong> développantles trois volets suivants:1) I<strong>de</strong>ntification d'une pluralité <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s principaux <strong>de</strong> coordination correspondant tousà un même type <strong>de</strong> coordination "conv<strong>en</strong>tionnelle", <strong>de</strong> large portée, qui permet unjugem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>s corrections communes.2) <strong>Recherche</strong> <strong>de</strong> catégories d'analyse pour éclairer ce type <strong>de</strong> coordination. Ces catégoriesdoiv<strong>en</strong>t faire le li<strong>en</strong> avec le niveau <strong>de</strong>s interactions individuelles.3) Exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> la place <strong>de</strong> cette coordination conv<strong>en</strong>tionnelle dans une perspective pluslarge ouvrant sur <strong>de</strong>s actions collectives qui ne sont pas soumises aux mêmes exig<strong>en</strong>ces<strong>de</strong> généralité du jugem<strong>en</strong>t.Quels <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts peut-on tirer <strong>de</strong> ce programme pour l'analyse <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises,organisations et institutions, à laquelle ont été consacrés la plupart <strong>de</strong>s travaux empiriques? Tout d'abord, on cherche à disposer <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>taires <strong>de</strong> coordination quipermett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> décomposer l'<strong>en</strong>treprise, <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s typologies et <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>scomparaisons <strong>en</strong> disposant <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts soli<strong>de</strong>s. On vise <strong>de</strong>s composantes qui soi<strong>en</strong>tcommunes à un large <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> sociétés sans être limitées pour autant à l'échangemarcha,nd: Les différ<strong>en</strong>ces observées peuv<strong>en</strong>t être analysées à partir <strong>de</strong> la place inégaleaccor<strong>de</strong>e a chacun <strong>de</strong> ces mo<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s compromis frayés <strong>en</strong>tre eux. D'autre part, on veutpouvoir adopter une perspective dynamique sur ces mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> façon àabor<strong>de</strong>r le fonctionnem<strong>en</strong>t ordinaire <strong>de</strong>s organisations et y étudier les modalités <strong>de</strong>correction, d'appr<strong>en</strong>tissage et d'innovation.1. DES THEORIES DE LA JUSTICE AU JUGEMENTSUR L'ACTION COLLECTIVELes exig<strong>en</strong>ces qui doiv<strong>en</strong>t être satisfaites pour qu'un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> coordination soitgénéralisable et ext<strong>en</strong>sible à <strong>de</strong>s tiers anonymes sont à rapprocher <strong>de</strong>s exig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> justiceet d'équité examinées dans la philosophie politique et les théories <strong>de</strong> la justice. L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>la coordination <strong>en</strong> situation suppose cep<strong>en</strong>dant <strong>de</strong> ne pas porter uniquem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tion auxprincipes et procédures, mais d'étudier la mise à l'épreuve <strong>de</strong>s faits, les opérations <strong>de</strong>Jugem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> qualification <strong>de</strong>s êtres, et <strong>de</strong> définition <strong>de</strong> la situation, sur lesquelles reposece type <strong>de</strong> coordination d'actions justifiables.LA RECHERCHE D'UN MODELE COMMUNLe va-et-vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s constructions classiques <strong>de</strong> la philosophie politique et <strong>de</strong>sjustifications opérées par <strong>de</strong>s acteurs dans <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> dispute a permis <strong>de</strong> construireun li<strong>en</strong> soli<strong>de</strong> <strong>en</strong>tre la philosophie politique et la sociologie. On pouvait <strong>de</strong> cette façoncontourner une opposition souv<strong>en</strong>t polémique <strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>ux disciplines, <strong>en</strong>tre une viséetransc<strong>en</strong>dantale ori<strong>en</strong>tée vers l'énoncé <strong>de</strong> principes et une att<strong>en</strong>tion aux disparités souv<strong>en</strong>ttaxée <strong>de</strong> relativisme, qui rejoint une opposition plus générale, que l'on voit aussi àl'oeuvre dans les débats <strong>en</strong>tre le droit et les sci<strong>en</strong>ces sociales, <strong>en</strong>tre la référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>srègles et la référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>s pratiques. L'att<strong>en</strong>tion aux différ<strong>en</strong>ces dans les expressionsd'un s<strong>en</strong>s du juste est maint<strong>en</strong>ue dans notre travail, par la reconnaissance d'une pluralité<strong>de</strong> formes <strong>de</strong> généralité qui sont autant <strong>de</strong> formes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur disponibles pour justifierune aciton. Ce pluralisme rapproche notre position <strong>de</strong> celle développée par MichaëlWalzer et, comme dans Spheres of Justice (Walzer, 1983), conduit à s'intéresser à unethéorie <strong>de</strong> la justice qui ti<strong>en</strong>drait compte <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s façons <strong>de</strong> spécifier le bi<strong>en</strong>commun. Cette voie amène à r<strong>en</strong>contrer le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'injustice suscité par la confusion<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s ordres <strong>de</strong> justice différ<strong>en</strong>ts. et notamm<strong>en</strong>t par la dissémination d'unejustification d'ordre marchand au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ses limites <strong>de</strong> pertin<strong>en</strong>ce.Mais notre effort vise à surmonter les problèmes du relativisme culturel qu'<strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>écessairem<strong>en</strong>t une ouverture vers la diversité. Pour cela, il faut s'<strong>en</strong>gager plus142profondém<strong>en</strong>t dans l'analyse du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'injustice qui affecte les acteurs lorsque <strong>de</strong>sformes <strong>de</strong> justification empièt<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s situations où elles ne sont pas pertin<strong>en</strong>tes. Pourcompr<strong>en</strong>dre la capacité <strong>de</strong>s acteurs à critiquer, il faut les doter <strong>de</strong> la possibilité <strong>de</strong> passerd'une forme <strong>de</strong>justification à une autre tout <strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant les mêmes exig<strong>en</strong>ces. Ce sontces exig<strong>en</strong>ces communes à tous les ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur i<strong>de</strong>ntifiés que nous avons cherchéà expliciter et dont nous avons essayé <strong>de</strong> montrer l'intégration dans un modèle <strong>de</strong> cité. Lemodèle peut être <strong>en</strong>visagé à la fois comme une théorie <strong>de</strong> la justice compatible avecdiverses constructions <strong>de</strong> la philosophie politique, et comme une capacité dont il fautsupposer l'exist<strong>en</strong>ce pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> la façon dont les membres d'une sociétécomplexe accompliss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s critiques, remett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cause <strong>de</strong>s situations, se disput<strong>en</strong>t, ouconverg<strong>en</strong>t vers un accord. Une <strong>de</strong>s façons <strong>de</strong> vérifier la validité <strong>de</strong> ce modèle est <strong>de</strong>montrer qu'il r<strong>en</strong>d aussi compte <strong>de</strong>s difficultés à fon<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s argum<strong>en</strong>ts sur <strong>de</strong>s valeursillégitimes au s<strong>en</strong>s où elles ne sont pas compatibles avec ces principes. comme on le voitdans le cas <strong>de</strong> l'eugénisme (Thév<strong>en</strong>ot 1990).~e, mo.d~le <strong>de</strong> cité r~ncontre certaines exig<strong>en</strong>ces explicitées par Rawls pour justifier <strong>de</strong>sI~egahtes <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s etats <strong>de</strong>yersonnes (Rawls, 1973), notamm<strong>en</strong>t le bénéfice qui doit <strong>en</strong>resulter pour les plus petits et qui correspond ici à une idée <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> commun etl'ouverture <strong>de</strong>s états à tous les membres qui se retrouv<strong>en</strong>t dans le fait que les statutsinégaux doiv<strong>en</strong>t être librem<strong>en</strong>t accessibles à tous. Mais dans le modèle prés<strong>en</strong>té ici dontl'~n. <strong>de</strong>~ objectifs est, d'intégrer philosophie politique et pragmatique du jugem;nt, ladistinction <strong>en</strong>tre les etats <strong>de</strong>s personnes et les personnes elles-mêmes occupe une placec<strong>en</strong>t;ale,.tout comme l'opération par laquelle on attribue ces états et on porte un jugem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> situation. C'est <strong>en</strong> se c<strong>en</strong>trant sur le mom<strong>en</strong>t d'attribution <strong>de</strong>s états aux personnes quel'on peut passer d'un principe formel d'ouverture démocratique, à l'incertitu<strong>de</strong> dumom<strong>en</strong>t critique. L'analyse <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t porte sur la façon dont l'incertitu<strong>de</strong> estrésorbée dans une épreuve qui, pour être acceptable, doit à la fois faire face auxcirconstances <strong>de</strong> la situation et être justifiable <strong>en</strong> toute généralité. L'interdiction c<strong>en</strong>traledans le modèle, d'un attachem<strong>en</strong>t perman<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur aux personnes,e~traîne une inquiétu<strong>de</strong> sur l'attribution <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et une remise <strong>en</strong> causerecurr<strong>en</strong>te <strong>de</strong> leur distribution. .Cette inquiétu<strong>de</strong> n'est pas explicitée dans la philosophie politique et nous a am<strong>en</strong>és à êtreparticulièrem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>ti fs aux conditions pragmatiques <strong>de</strong> l'attribution <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur àquitter l'espace <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts et <strong>de</strong>s principes qui est celui <strong>de</strong> la philosophie politiquepour <strong>en</strong>trer dans celui <strong>de</strong> l'action. C'est alors que l'on r<strong>en</strong>contre la question <strong>de</strong>s objets et<strong>de</strong> la relation <strong>en</strong>tre les personnes humaines et les choses. L'analyse <strong>de</strong> la remise <strong>en</strong> cause<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs dans une situation, à partir <strong>de</strong>s actions qui s'y déroul<strong>en</strong>t, fait apparaître, <strong>en</strong>effet, la place <strong>de</strong>s objets qui doiv<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>gagés pour que l'épreuve ait un caractère <strong>de</strong>réalité. L'att<strong>en</strong>tion aux li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les raisons et les objets <strong>en</strong>gagés à l'appui, <strong>en</strong>tre lesmodèles <strong>de</strong> justice et la pragmatique, permet <strong>de</strong> ne pas faire porter le poids <strong>de</strong> laco?r~inati?n <strong>de</strong>s conduJtes ni exc1usi~em<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s croyances ou <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tationsunifiées, 111 sur <strong>de</strong>s systemes ou <strong>de</strong>s lOIS qui mettrai<strong>en</strong>t toutes les pot<strong>en</strong>tialités d'ordre ducôté <strong>de</strong> la régularité <strong>de</strong>s choses, selon une opposition récurr<strong>en</strong>te dans les sci<strong>en</strong>ces sociales<strong>en</strong>tre culture et société, représ<strong>en</strong>tation et morphologie, ou communication et systèmedans la synthèse habermassi<strong>en</strong>ne.'LE LIEN SOCIAL A L'EPREUVE DES CHOSESCet!e démarche nous conduit ainsi à nous écarter <strong>de</strong> certains <strong>de</strong>s présupposés les plushabituels <strong>de</strong> la sociologie, que l'on voit particulièrem<strong>en</strong>t dans la façon dont elle traite lescroyances, les valeurs ou les représ<strong>en</strong>tations et, <strong>de</strong>uxièm<strong>en</strong>t dans le sort qu'elle fait auxobjets. Les formes <strong>de</strong> généralité et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs dont cet ouvrage déploie l'économie nesont pas attachées, <strong>en</strong> effet, à <strong>de</strong>s collectifs mais à <strong>de</strong>s situations, ce qui nous amène àrompre avec l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s outils sci<strong>en</strong>tifiques soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t installés dans les notions <strong>de</strong>culture et <strong>de</strong> groupe social. Les personnes que nous suivons dans leurs épreuves sontobligées <strong>de</strong> glisser d'un mo<strong>de</strong> d'ajustem<strong>en</strong>t à un autre, d'une gran<strong>de</strong>ur à une autre <strong>en</strong>fonction <strong>de</strong> la situation dans laquelle elles s'<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t. Cette plasticité fait partie <strong>de</strong> ladéfinition <strong>de</strong> la normalité,comme <strong>en</strong> témoign<strong>en</strong>t nombre d'accusations <strong>de</strong> pathologie etparticulièrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> paranoia, qui stigmatis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s résistances aux ajustem<strong>en</strong>ts exigées par143


le passage <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s situations différ<strong>en</strong>tes. Quant aux objets, nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons leurreconnaître la place qui leur revi<strong>en</strong>t dans les contraintes du jugem<strong>en</strong>t réaliste, <strong>en</strong> nousrefusant à n'y voir que <strong>de</strong>s supports arbitraires offerts aux investissem<strong>en</strong>ts symboliques<strong>de</strong> personnes,pour qui ils ne repres<strong>en</strong>terai<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> d'autre qu'un moy<strong>en</strong> d'exprimer leurappart<strong>en</strong>ance à <strong>de</strong>s groupes ou, ce qui, dans cette logique, revi<strong>en</strong>t au même, <strong>de</strong>manifester leur distinction. Pour autant, nous ne nous alignons pas sur une forme <strong>de</strong>réalisme que l'on trouve particulièrem<strong>en</strong>t développée dans l'économie et qui verrait dansles objets, définis soit par leur capacité à être échangés et à supporter naturellem<strong>en</strong>t unprix, soit par leur capacité fonctionnelle à être efficaces, la seule puissance d'ordre quis'imposerait aux personnes. R<strong>en</strong>voyant dos à dos la fétichisation réaliste et ladéconstruction symboliste, nous cherchons à montrer la façon dont les personnes fontface à l'incertitu<strong>de</strong> <strong>en</strong> s'appuyant sur <strong>de</strong>s objets pour confectionner <strong>de</strong>s ordres et,inversem<strong>en</strong>t consoli<strong>de</strong>nt les objets <strong>en</strong> les attachant aux ordres construits. En ce s<strong>en</strong>s notre<strong>en</strong>treprise vise un réalisme dynamique au s<strong>en</strong>s où il ferait apparaître le travail <strong>de</strong>construction sans pour autant réduire la réalité à un pur accord <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, labile et local.Cette ori<strong>en</strong>tation théorique qui suppose <strong>de</strong> saisir l'action dans son rapport à l'incertitu<strong>de</strong> apour conséqu<strong>en</strong>ce, au niveau <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> d'observation, <strong>de</strong> c<strong>en</strong>trer la recherche sur lesmom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> remise <strong>en</strong> cause et <strong>de</strong> critique qui constitu<strong>en</strong>t les scènes principales traitéesdans cet ouvrage. Par ailleurs, le choix d'étudier <strong>en</strong> priorité ce mom<strong>en</strong>t-là nous paraîtparticulièrem<strong>en</strong>t adapté à l'étu<strong>de</strong> d'une société où la critique occupe une place c<strong>en</strong>trale etconstitue un instrum<strong>en</strong>t principal dont dispos<strong>en</strong>t les acteurs pour éprouver la relation duparticulier et du général, du local et du global.Pour déployer les mon<strong>de</strong>s d'objets sur lesquels s'appuie la réalisation <strong>de</strong> l'épreuve <strong>de</strong>gran<strong>de</strong>ur, nous avons utilisé <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s d'action <strong>de</strong>stinés aux <strong>en</strong>treprises (afin d'avoir unéchantillon <strong>de</strong> situations voisines correspondant aux différ<strong>en</strong>tes formes <strong>de</strong> généralité) etnous avons m<strong>en</strong>é cette opération hautem<strong>en</strong>t irrespectueuse consistant à mettre cesmo<strong>de</strong>stes recueils <strong>de</strong> conseils pratiques, éminemm<strong>en</strong>t périssables, <strong>en</strong> parallèle avec lesoeuvres immortelles <strong>de</strong> la philosophie politique. II reste que la confrontation <strong>de</strong> cesraisons pratiques n'est pas limitée à la sphère économique et que, comme on le verra à lalecture <strong>de</strong>s répertoires qui <strong>en</strong> sont extraits, elles concern<strong>en</strong>t largem<strong>en</strong>t les activitésquotidi<strong>en</strong>nes dans <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> natures très diverses.Enfin ces manuels, parce qu'ils ne sont pas <strong>de</strong>stinés à alim<strong>en</strong>ter l'espace du débat sur lejuste, comme les philosophies politiques que nous avons examinées, mais à gui<strong>de</strong>rl'action, et qu'ils ont donc un souci <strong>de</strong> réalisme, doiv<strong>en</strong>t affronter le problème pratique dupassage <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>ts mon<strong>de</strong>s. Ils permett<strong>en</strong>t par là <strong>de</strong> repérer <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong>compromis qui vis<strong>en</strong>t à accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> généralité différ<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> pointant vers<strong>de</strong>s possibles dépassem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> leurs contradictions, ce qui permet d'<strong>en</strong>diguer la disputesans risquer l'escala<strong>de</strong> <strong>de</strong> la critique.Cette approche à partir <strong>de</strong> manuels <strong>de</strong>stinés aux <strong>en</strong>treprises peut paraître biaisée et limitéepour l'objet <strong>de</strong> notre recherche qui s'ét<strong>en</strong>d à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s justifications et non passeulem<strong>en</strong>t à celles qui ont trait à la vie économique. Pourtant ce premier repérage, <strong>de</strong>stinéd'abord à fournir <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'information collectée, s'est révélé plusrobuste qu'on aurait pu le p<strong>en</strong>ser au premier abord. Les nombreuses <strong>en</strong>quêtes <strong>de</strong> terrainutilisant le cadre d'analyse <strong>de</strong>s économies <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur, si elles ont permis d'allonger laliste <strong>de</strong>s êtres <strong>en</strong>gagés dans <strong>de</strong>s actions justifiables, n'ont pas conduit à remettre <strong>en</strong> causeles noyaux <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s qui avai<strong>en</strong>t été extraits <strong>de</strong>s manuel, c'est-à-dire laforme <strong>de</strong> cohér<strong>en</strong>ce qui leur est propre et les êtres les plus à même <strong>de</strong> la faire valoir. Lacapacité que prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t les tableaux <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts mon<strong>de</strong>s, tels qu'on les trouveraesquissés ici, à se maint<strong>en</strong>ir sans déformation quand on se transporte sur différ<strong>en</strong>tsterrains, constitue une preuve empirique du caractère général <strong>de</strong> la matrice extraite d'uncorpus limité et spécialisé.L'accumulation <strong>de</strong> ces travaux ouvre la voie à une approche nouvelle et systématique <strong>de</strong>sorganisations traitées non comme <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités unifiées caractérisées par référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>ssphères d'activité, <strong>de</strong>s systèmes d'acteurs ou <strong>de</strong>s champs, mais comme <strong>de</strong>s montagescomposites comportant <strong>de</strong>s dispositifs relevant <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ts mon<strong>de</strong>s (Boltanski etThév<strong>en</strong>ot, ed., 1989). Cette approche systématique permet <strong>de</strong> comparer dans un même144cadre, et <strong>de</strong> cumuler dans un registre qui n'utilise pas exclusivem<strong>en</strong>t le langage <strong>de</strong> laconcurr<strong>en</strong>ce et <strong>de</strong> l'efficacité technique, <strong>de</strong>s observations portant sur <strong>de</strong>s organisationstrès diverses - <strong>en</strong>treprises <strong>de</strong>s secteurs industriels ou <strong>de</strong>s services, collectivitésterritoriales, administrations publiques ou <strong>en</strong>core établissem<strong>en</strong>ts scolaires et dispositifsculturels ou d'innovation. La diversité ne se projette pas sur <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ces d'activité ou<strong>de</strong> milieux mais se retrouve au sein même <strong>de</strong> chaque organisation. Aucune organisation,aussi industrielle soit-elle, ne peut survivre si elle ne tolère pas <strong>de</strong>s situations d'une autr<strong>en</strong>ature. C'est précisém<strong>en</strong>t la pluralité <strong>de</strong>s dispositifs relevant <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts mon<strong>de</strong>s quir<strong>en</strong>d compte <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>sions par lesquelles ces organisations sont travaillées. La mêmeapproche conduit à porter att<strong>en</strong>tion non seulem<strong>en</strong>t aux critiques mais aussi auxdispositifs <strong>de</strong> compromis qui permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s êtres dont lajustification supposerait la remontée <strong>en</strong> généralité dans <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts. L'un <strong>de</strong>savantages <strong>de</strong> cette métho<strong>de</strong> est <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre possible une comparaison <strong>en</strong>tre ces différ<strong>en</strong>tsdispositifs <strong>de</strong> compromis que prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tes organisations et donc <strong>de</strong> respecter lasingularité <strong>de</strong>s configurations locales tout <strong>en</strong> <strong>en</strong>richissant le cadre général.2. RATIONALITE ET CONNAISSANCE COMMUNE: LES OBJETSDANS LE JUGEMENT SITUEQUELLES SONT LES CATEGORIES SUR LESQUELLES PEUTREPOSER UNE ANALYSE DE LA COORDINATION?Nous avons tout d'abord cherché à construire un cadre théorique minimal <strong>de</strong>stiné à r<strong>en</strong>drecompte <strong>de</strong> la possibilité <strong>de</strong> coordination d'actions humaines. Les développem<strong>en</strong>tsnéoc1assiques, tout comme les constructions <strong>de</strong>s classiques, correspon<strong>de</strong>nt à un telprogramme <strong>de</strong> recherche. Nous le prés<strong>en</strong>tons à partir <strong>de</strong> trois types d'hypothèses qu<strong>en</strong>ous semble exiger un tel programme: le premier (Hl) porte sur la compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>spersonnes, sur leur <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t (leur rationalité, dans le modèle néoc1assique) ; le<strong>de</strong>uxième (H2) concerne l'<strong>en</strong>semble d'objets, extérieurs aux personnes, qui sont <strong>en</strong>gagésdans leurs relations (les bi<strong>en</strong>s, dans ce modèle) ; le troisième (H3) a trait à la forme <strong>de</strong>coordination principale <strong>de</strong>s actions ajustées à ces objets et sur laquelle les personness'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt (l'échange marchand). La théorie économique, s'appar<strong>en</strong>tant <strong>en</strong> cela à unephilosophie politique, montre qu'on peut déduire <strong>de</strong> ces hypothèses la possibilité d'unaccord, d'un équilibre, alors même que la formulation <strong>de</strong>s hypothèses Hl et H3 préserveune gran<strong>de</strong> marge <strong>de</strong> liberté pour les actions <strong>de</strong>s personnes.En rapportant la littérature néoclassique au programme suggéré par les trois typesd'hypothèses m<strong>en</strong>tionnés plus haut, nous nous sommes préparés à la confrontation avecd'autres constructions <strong>de</strong> l'action justifiable. Pour cela, nous nous sommes replacés <strong>en</strong>amont du questionnem<strong>en</strong>t formulé classiquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> rationalité, <strong>de</strong> façon à fairedériver ce questionnem<strong>en</strong>t d'une interrogation, que nous avons jugée plus fondam<strong>en</strong>tale,sur les contraintes <strong>de</strong> la coordination. Soulignons que cette démarche s'éloigne d'uneprés<strong>en</strong>tation standard du coeur <strong>de</strong> la théorie économique qui t<strong>en</strong>d à <strong>en</strong> réduire le corpsd'hypothèses à celle portant sur la rationalité <strong>de</strong>s individus, et à relâcher notamm<strong>en</strong>t lacontrainte d'exclusivité du mo<strong>de</strong> d'allocation marchand <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s, ce qui revi<strong>en</strong>t à allégerH3, à ignorer H2.Une première façon <strong>de</strong> caractériser les charges que fait peser cette ext<strong>en</strong>sion consiste àobserver qu'à mesure que l'on s'écarte d'une situation marchan<strong>de</strong> - c'est-à-dire conformeà un marché concurr<strong>en</strong>tiel à information parfaite - la dotation que les êtres humainsreçoiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'économiste pour assurer leur rationalité <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus lour<strong>de</strong>.Ainsi, on sait qu'<strong>en</strong> information imparfaite les anticipations exig<strong>en</strong>t une capacité <strong>de</strong> calculbeaucoup plus importante parce qu'elles conduis<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s régressions infinies dont laconverg<strong>en</strong>ce est problématique, soit sur les anticipations <strong>de</strong>s anticipations <strong>de</strong> la partieadverse (Walliser [1985]), soit sur l'optimisation du calcul d'optimisation (nécessité parla prise <strong>en</strong> compte <strong>de</strong>s coûts d'information et <strong>de</strong> calcul) (Mongin et Walliser [1988]). Detelles situations sont souv<strong>en</strong>t caractérisées par le faible nombre <strong>de</strong>s acteurs impliqués, lesacteurs <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant alors consci<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> leur capacité à modifier l'équilibre général par leurpropre action. Cette consci<strong>en</strong>ce complique la tâche du théorici<strong>en</strong> et l'amène à reporter cescomplications sur la capacité <strong>de</strong>s acteurs. L'économie <strong>de</strong> l'ordre marchand, suggérée par145


l'image d'une main invisible, s'am<strong>en</strong>uise progressivem<strong>en</strong>t à mesure que la compét<strong>en</strong>cedont doit être doté tout être humain pour commercer se rapproche <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>l'économiste, la main <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus visible: "En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ces hypothèses(équilibre, concurr<strong>en</strong>ce et perfection <strong>de</strong>s marchés), le concept même <strong>de</strong> rationalité estm<strong>en</strong>acé, parce que la perception <strong>de</strong>s autres, <strong>en</strong> particulier <strong>de</strong> leur rationalité, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t unélém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> notre propre rationalité". (Arrow (1987], p. 25).En explicitant les conditions, parfois restées implicites, d'une coordination par l'équilibre d'un marchéconcurr<strong>en</strong>tiel, on peut y voir les spécifications d'un type plus général <strong>de</strong> coordination conv<strong>en</strong>tionnelle.Dans le modèle <strong>de</strong> la coordination marchan<strong>de</strong>, les conditions du jugem<strong>en</strong>t et du suivi <strong>de</strong>sactions sont clairem<strong>en</strong>t définies. Ce jugem<strong>en</strong>t n'est ni subjectif, ni local, il permet <strong>de</strong>traiter <strong>en</strong> général <strong>de</strong> ce qui se passe, dans <strong>de</strong>s termes communicables à un tiers quin'aurait aucune familiarité avec les comportem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s acteurs. II dépasse donc <strong>de</strong>beaucoup, <strong>en</strong> généralité, le jugem<strong>en</strong>t impliqué dans la coordination d'un plan par unindividu. Ce jugem<strong>en</strong>t généralisable a d'autres caractéristiques intéressantes pour notredémarche. II est très économique, <strong>en</strong> termes cognitifs: l'interaction pourra être saisiedans un compte-r<strong>en</strong>du sommaire, un rapport se limitant à une liste d'êtres humains etd'objets <strong>en</strong>gagés, à laquelle s'ajout<strong>en</strong>t l'i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s relations d'achat ou <strong>de</strong> v<strong>en</strong>te,ainsi qu'une qualification <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s par rapport à un ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, le prix. Chacun<strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts est i<strong>de</strong>ntifiable localem<strong>en</strong>t, dans <strong>de</strong>s termes qui lui assur<strong>en</strong>t une portéetrés générale. Cette économie cognitive, soulignée par Hayek (1945), est parfoisrapprochée <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> rationalité limitée <strong>de</strong> Simon. Autre caractéristiqueintéressante: le jugem<strong>en</strong>t est révisable, il s'adapte aux circonstances et aux cours <strong>de</strong>sactions, il n'est pas inscrit dans <strong>de</strong>s règles déterminant a priori les comportem<strong>en</strong>ts. C'estpar la réévaluation <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur prix que se manifeste le plus couramm<strong>en</strong>t cette révision.Le jugem<strong>en</strong>t peut ainsi se conc<strong>en</strong>trer sur l'<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t d'un prix marquant unehiérarchie d'importance <strong>en</strong>tre les objets <strong>en</strong>gagés dans l'action.C'est un lieu commun <strong>de</strong> l'argum<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> ce modèle d'action <strong>en</strong> commun,que d'affirmer qu'il est particulièrem<strong>en</strong>t peu gourmand <strong>en</strong> hypothèses, dites "holistes",recourant à <strong>de</strong>s notions comme celle <strong>de</strong> "règle" ou <strong>de</strong> "norme sociale"; De fait, il estincontestable que ce modèle n'implique pas la coordination extrême <strong>de</strong>s conduites quesuppose leur unification sous la pression <strong>de</strong> normes ou <strong>de</strong> dispositions communes; c'est<strong>en</strong> cela qu'il est intéressant pour une théorie <strong>de</strong> l'action. Toutefois l'argum<strong>en</strong>tationprécé<strong>de</strong>nte fait peu <strong>de</strong> cas <strong>de</strong>s ressorts <strong>de</strong> coordination restés implicites dans ce modèle.Un premier ressort est cont<strong>en</strong>u dans l'hypothèse d'un mon<strong>de</strong> commun réunissantl'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s objets qui constitu<strong>en</strong>t les seuls êtres pertin<strong>en</strong>ts pourdéfinir une action. L'hypothèse d'objets "naturels" ayant la forme <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s marchands esttrès exigeante <strong>en</strong> savoir commun. Un <strong>de</strong>uxième ressort se trouve dans l'hypothèsespécifiant le mo<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s choses, les relations d'achat-v<strong>en</strong>te,elles aussi t<strong>en</strong>ues pour naturelles. Un troisième ressort rési<strong>de</strong> dans l'hypothèse d'unecommune gran<strong>de</strong>ur servant à évaluer les objets. Ces trois hypothèses sur <strong>de</strong>s savoirscommuns doiv<strong>en</strong>t avoir un statut dans le cadre d'une théorie <strong>de</strong> l'action.L'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus systématique, dans la littérature néoc1assique, <strong>de</strong>s limites dumarché concurr<strong>en</strong>tiel ai<strong>de</strong> à mettre <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce le rôle t<strong>en</strong>u par l'hypothèse d'un mon<strong>de</strong>commun d'objets, <strong>en</strong> montrant les effets dévastateurs du défaut <strong>de</strong> cett.e .hypoth~se,couramm<strong>en</strong>t exprimé <strong>en</strong> termes d'information asymétrique sur la qualité <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s(Eymard-Duvernay, 1989). Comme la brèche créée par une incertitu<strong>de</strong> intertemp?relle(Thév<strong>en</strong>ot, 1989a), la levée <strong>de</strong> l'hypothèse sur un marché <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s communem<strong>en</strong>ti<strong>de</strong>ntifiés rouvre largem<strong>en</strong>t la question <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> ce que l'autre fait et ducontexte pertin<strong>en</strong>t, question nettem<strong>en</strong>t circonscrite dans le modèle <strong>de</strong> l'échangeconcurr<strong>en</strong>tiel parfait. Cette ouverture conduit à porter att<strong>en</strong>tion à la notion <strong>de</strong> "savoircommun" ("common knowledge"]. On sait que Lewis s'était déjà appuyé sur cette notion(Lewis 1969, p. 36) pour proposer une analyse <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tions inscrites dans uncomportem<strong>en</strong>t rationnel, et t<strong>en</strong>ter d'éviter le recours à une notion <strong>de</strong> norme socialecontraignante étrangère à la rationalité instrum<strong>en</strong>tale. Outre l'irréalisme <strong>de</strong> certainesexpressions du savoir commun, <strong>de</strong>s travaux ultérieurs ont fait ressortir <strong>de</strong>s contradictionslogiques <strong>en</strong>tre cette notion et la spécification <strong>de</strong> la rationalité utilisée <strong>en</strong> économie.146Ajoutons que l'on peut <strong>en</strong>visager <strong>de</strong>s formulations du savoir commun <strong>en</strong> termed'i<strong>de</strong>ntification commune d'une situation commune ("shared situation"], expressionmieux adaptée à la démarche que nous empruntons ici (Barwise 1989, p.203).La qualification <strong>de</strong>s objets sert <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t au jugem<strong>en</strong>t et nourrit <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>tes communes. Lesinvestissem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> forme qui confèr<strong>en</strong>t cette qualification allèg<strong>en</strong>t donc la charge <strong>de</strong> calcul <strong>de</strong>santicipations qui pèse sur la rationalité ..Les difficultés à r<strong>en</strong>dre compte d'actions coordonnées <strong>en</strong> ne pr<strong>en</strong>ant appui que sur lapremière classe d'hypothèses (H 1 concernant la compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s personnes) incit<strong>en</strong>t àexplorer conjointem<strong>en</strong>t les <strong>de</strong>ux hypothèses complém<strong>en</strong>taires H2 (sur les objets) et H3(sur la forme <strong>de</strong> coordination).La coordination <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> personnes diverses, dans <strong>de</strong>s situations différ<strong>en</strong>tes,suppose la possibilité <strong>de</strong> dépasser certaines particularités conting<strong>en</strong>tes pour opérer <strong>de</strong>srapprochem<strong>en</strong>ts. Si l'on conçoit cette possibilité <strong>de</strong> rapprochem<strong>en</strong>t comme une facultécognitive <strong>de</strong>s personnes, il reste à expliquer ce que sont <strong>de</strong>s rapprochem<strong>en</strong>ts plusrésistants, c'est-à-dire plus généraux que d'autres. Se donner d'emblée <strong>de</strong>sreprés<strong>en</strong>tations collectives est une hypothèse, pratique certes <strong>en</strong> ce qu'elle disp<strong>en</strong>se <strong>de</strong>sinterrogations précé<strong>de</strong>ntes, mais incongrue dans le cadre <strong>de</strong> l'analyse économique <strong>de</strong>l'action.Notre démarche a consisté à <strong>en</strong>visager la question <strong>de</strong> la généralité du rapprochem<strong>en</strong>t, etdonc <strong>de</strong> la coordination, <strong>en</strong> relation avec la notion d'objet. La charge qui pèse surl'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes dans leurs spéculations, leurs jugem<strong>en</strong>ts et leursjustifications, peut ainsi être allégée et reportée <strong>en</strong> partie sur les objets. Cette démarchethéorique suppose <strong>de</strong> reconnaître plusieurs formes d'objectivité liées à plusieurs formes<strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>s actions. On reconnaîtra aisém<strong>en</strong>t, dans la coordination marchan<strong>de</strong>, lerôle <strong>de</strong>s marchandises qui r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt comparables <strong>de</strong>s actions <strong>en</strong> les ori<strong>en</strong>tant versl'appropriation <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s détachés <strong>de</strong>s personnes. Arrêtons-nous plutôt sur l'objectivité<strong>de</strong>s outils techniques qui diffère <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s marchands, tout <strong>en</strong> étant égalem<strong>en</strong>tindissociable d'une contrainte <strong>de</strong> coordination qui s'exerce sur les actions productives etqui se distingue <strong>de</strong> la coordination marchan<strong>de</strong>. La fonctionnalité <strong>de</strong> l'outil techniquecomporte <strong>en</strong> effet l'assurance d'un av<strong>en</strong>ir et l'éfficacité <strong>de</strong> ce type d'objet ti<strong>en</strong>t à ce qu'ilvaut pour le futur. Ce n'est qu'à ce prix qu'il peut, <strong>en</strong> tant qu'investissem<strong>en</strong>t, perpétuerune fonction <strong>de</strong> production qui coordonne <strong>de</strong>s actions productives. En établissant uneéquival<strong>en</strong>ce temporelle, les objets industriels permett<strong>en</strong>t donc <strong>de</strong> réaliser une certaineforme <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>s actions : les g<strong>en</strong>s s'appui<strong>en</strong>t sur eux pour pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>sdécisions les <strong>en</strong>gageant sur l'av<strong>en</strong>ir, pour se transporter dans le temps, notamm<strong>en</strong>tlorsqu'une personne se lie à sa contrepartie dans le futur. Sans <strong>de</strong> tels objets, il serait toutsimplem<strong>en</strong>t impossible <strong>de</strong> raisonner et <strong>de</strong> s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre sur le futur.En reconnaissant la place <strong>de</strong>s objets dans la coordination, on allège le poids <strong>de</strong> lacontrainte <strong>de</strong> rationalité dont sont dotées les personnes pour le reporter <strong>en</strong> partie sur ladétermination <strong>de</strong> leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> leur <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te. Le calcul <strong>de</strong>spersonnes, les opérations auxquelles elles procè<strong>de</strong>nt pour ajuster leurs conduites,suppos<strong>en</strong>t un certain état <strong>de</strong>s faits <strong>en</strong>gagés dans ces opérations. La spécification du mo<strong>de</strong><strong>de</strong> calcul dans <strong>de</strong>s modèles opératoires différ<strong>en</strong>ts va <strong>de</strong> pair avec celle <strong>de</strong>s formesrequises pour que ces faits ou objets soi<strong>en</strong>t pertin<strong>en</strong>ts.La notion d'investissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> forme (Eymard-Duvernay (1986], Thév<strong>en</strong>ot [l986a)) apermis d'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r la relation <strong>en</strong>tre les objets sur lesquels les acteurs pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t appui,et la coordination <strong>de</strong> leur conduite. Les formes sont définies par une capacitéd'équival<strong>en</strong>ce et le r<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'investissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> forme est la conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cettegénéralité qui permet <strong>de</strong> donner une assiette à l'accord. De plus, comme dans l'usageclassique <strong>de</strong> la notion d'investissem<strong>en</strong>t, l'investissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> forme est lié à un sacrifice(<strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> réversibilité) et l'économie <strong>de</strong> ce sacrifice passe par un coût d'accèsaux bi<strong>en</strong>faits d'une forme <strong>de</strong> généralité. Cette notion permet d'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r la mise <strong>en</strong>oeuvre, notamm<strong>en</strong>t dans le fonctionnem<strong>en</strong>t d'une <strong>en</strong>treprise, <strong>de</strong> ressources (règles,normes, marques, coutumes, etc.) qui, sans être à proprem<strong>en</strong>t parler <strong>de</strong>s outils, sont147


clairem<strong>en</strong>t associées à une efficacité, et dont la prise <strong>en</strong> compte amène à reconsidérer ladéfinition <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> production (Eymard-Duvernay et Thév<strong>en</strong>ot [1986]). Enrapportant l'efficacité à une capacité d'équival<strong>en</strong>ce qui assure une stabilisation èt unestandardisation du mon<strong>de</strong>, et <strong>en</strong> recherchant dans cette stabilisation l'origine <strong>de</strong>sr<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'investissem<strong>en</strong>t, notre approche conduit à r<strong>en</strong>dre compte d'un <strong>en</strong>sembleélargi <strong>de</strong> ressources <strong>en</strong>gagées dans la fonction <strong>de</strong> production, sans se limiter aux facteurs<strong>de</strong> production couramm<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tionnés. La forme <strong>de</strong> la relation et l'ajustem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sfacteurs ne sont plus les seules contraintes à pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte: l'état <strong>de</strong>s input et <strong>de</strong>soutput doit égalem<strong>en</strong>t se conformer à un même type d'exig<strong>en</strong>ces, ce qui suppose <strong>de</strong>sinvestissem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> formes complém<strong>en</strong>taires. La nécessité <strong>de</strong> ces investissem<strong>en</strong>ts apparaîtclairem<strong>en</strong>t, a contrario, dès lors que cette conformité n'est pas vérifiée. On a observé leseffets <strong>de</strong> ce défaut <strong>de</strong> forme industrielle aussi bi<strong>en</strong> dans le cas du produit fini (notamm<strong>en</strong>tlorsque sa durée <strong>de</strong> vie est très courte, qu'il "ne voyage pas loin" : Eymard-Duvernay etThév<strong>en</strong>ot [1986], p. 131-132) que <strong>de</strong>s matières premières (quand elles sont instables etpeu standardisées: Boisard et Letablier [1987], Callon [1989], Thév<strong>en</strong>ot [1989]. Maisune analyse similaire peut être m<strong>en</strong>ée concernant la mise <strong>en</strong> forme <strong>de</strong>s personnes et lefacteur travail (Thév<strong>en</strong>ot [1986a]). Salais, Baverez et Reynaud ont mis <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce, dansleur histoire <strong>de</strong> l'émerg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la catégorie <strong>de</strong> chômeurs, la façon dont avait dû êtredéfaite la "forme paternelle <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise" pour que l'activité <strong>de</strong>s personnes soit misedans la forme <strong>de</strong> postes <strong>de</strong> travail et d'un temps <strong>de</strong> travail: les emplois étant "classés etdénombrés", "le travail étant géré par création ou diminution d'emplois, l'<strong>en</strong>trepriserationnelle peut extérioriser ses fluctuations du travail sous forme <strong>de</strong> chômeurs" ([ 1986],p. 184). Aux coûts <strong>de</strong> production s'ajout<strong>en</strong>t donc <strong>de</strong>s coûts <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> forme et le cadred'analyse permet ainsi d'éviter <strong>de</strong> recourir à <strong>de</strong>s hypothèses supplém<strong>en</strong>taires pour r<strong>en</strong>drecompte <strong>de</strong> la nécessité d'équipem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> transport ou <strong>de</strong> réfrigération (Chandler [1977])qui correspon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong> tels investissem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> formes standardisant et stabilisant lesproduits, et pour justifier la cohér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> leur assemblage avec <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts plusnormalem<strong>en</strong>t considérés comme <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> production.L'analyse m<strong>en</strong>ée à partir <strong>de</strong> la notion d'investissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> forme suggère donc unerecomposition <strong>de</strong>s rôles impartis, dans le modèle économique <strong>de</strong> l'action, aux trois typesd'hypothèses portant respectivem<strong>en</strong>t sur la rationalité <strong>de</strong>s acteurs, l'extériorité <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'action, et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>s actions. Le calculd'optimisation est replacé dans un cadre <strong>de</strong> contraintes plus ét<strong>en</strong>du qui ti<strong>en</strong>t compte dufait que les élém<strong>en</strong>ts disponibles dans l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t doiv<strong>en</strong>t avoir une formeappropriée pour servir <strong>de</strong> resssources à l'action, cette forme étant une capacitéd'équival<strong>en</strong>ce nécessaire aussi bi<strong>en</strong> au raisonnem<strong>en</strong>t qu'aux relations avec d'autres. Dansle cas d'une action <strong>de</strong> nature industrielle, la fonctionnalité <strong>de</strong>s objets est la condition <strong>de</strong>leur intégration dans une relation <strong>de</strong> production projetant l'av<strong>en</strong>ir et <strong>de</strong> la possibilité d'uncalcul technique. La pertin<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> comptepour déterminer une action, la visée <strong>de</strong> cette action, et la forme <strong>de</strong> coordination quiautorise raisonnem<strong>en</strong>t et compréh<strong>en</strong>sion sont donc trois déterminations étroitem<strong>en</strong>t liées.3. MODES DE COORDINATION PRINCIPAUX: LES ORDRESDE GRANDEURChacun <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s principaux <strong>de</strong> coordination que nous avons i<strong>de</strong>ntifiés repose sur unequalification <strong>de</strong>s objets qui est congru<strong>en</strong>te avec celle <strong>de</strong>s personnes. Ils permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lierune approche du travail et <strong>de</strong>s relations professionnelles à une approche <strong>de</strong>s organisationsindustrielles pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> considération métho<strong>de</strong>s, techniques et produits. On évoquera icisuccessivem<strong>en</strong>t les ordres <strong>de</strong> la concurr<strong>en</strong>ce (gran<strong>de</strong>ur "marchan<strong>de</strong>"), <strong>de</strong> l'éfficacité("industrielle"), <strong>de</strong> la confiance ("domestique") et du collectif("civique").L'ORDRE DE LA CONCURRENCE: GRANDEUR "MARCHANDE"La référ<strong>en</strong>ce aux contraintes du marché et <strong>de</strong> la concurr<strong>en</strong>ce est aujourd'hui si répanduedans la littérature qu'il n'est pas nécessaire <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>ir longuem<strong>en</strong>t sur cet ordremarchand. Même si l'on s'écarte <strong>de</strong>s auteurs qui voi<strong>en</strong>t dans la transformation actuelle<strong>de</strong>s organisations productives l'éclatante confirmation <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>faits d'un mon<strong>de</strong>marchand, et qui, forts <strong>de</strong> cette confirmation, cherch<strong>en</strong>t à redonner souffle à l'utopie d'un148univers réduit à cette seule nature, l'accord est unanime pour reconnaître ledéveloppem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cette modalité d'action, prouvé aussi bi<strong>en</strong> par les indices macroéconomiques<strong>de</strong> l'ext<strong>en</strong>sion du commerce international (Boyer 1987, p. Il), que par lesinvestigations sur le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises.Une large part <strong>de</strong>s observations rassemblées trouve s<strong>en</strong>s lorsqu'on les <strong>en</strong>visage comme lerésultat <strong>de</strong> la relance d'une épreuve <strong>de</strong> réalité marchan<strong>de</strong> qui vi<strong>en</strong>t remettre <strong>en</strong> cause lecompromis fordi<strong>en</strong>. Ces phénomènes font donc nettem<strong>en</strong>t ressortir les exig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> cetteépreuve. Une première caractéristique majeure <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur marchan<strong>de</strong> apparaîtclairem<strong>en</strong>t: elle n'a pas <strong>de</strong> signification temporelle et ne permet, ni <strong>de</strong> faire référ<strong>en</strong>ce àune antériorité comme la gran<strong>de</strong>ur domestique, ni d'investir l'av<strong>en</strong>ir, comme la gran<strong>de</strong>urindustrielle. Les désirs <strong>de</strong>s acheteurs et les opportunités à saisir pour les v<strong>en</strong><strong>de</strong>urs sontdépourvus <strong>de</strong> toute stabilité et la relance <strong>de</strong> l'épreuve marchan<strong>de</strong> va à l'<strong>en</strong>contre d'uneplanification industrielle <strong>en</strong> exigeant <strong>de</strong> répondre au plus près et au plus vite aux désirsfluctuants et divers <strong>de</strong>s cli<strong>en</strong>ts (Eymard-Duvernay 1987, p. v).L'ori<strong>en</strong>tation vers une épreuve marchan<strong>de</strong> suppose le r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t fréqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sproduits, la diversification <strong>de</strong>s gammes et le raccourcissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s séries (Boyer 1987,p.12). Les lots <strong>en</strong> gran<strong>de</strong>s quantités "bulk" sont remplacés par <strong>de</strong>s marchandises"merchandise" (Zeitlin Totterdhill 1989, p. 166), les conv<strong>en</strong>tions <strong>de</strong> comman<strong>de</strong> etcontrats à long terme sont remis <strong>en</strong> cause (Eyrnard-Duvernay 1987, p.9 ; Storper 1988,p.16). Dans les industries <strong>de</strong> la chaussure ou <strong>de</strong> l'habillem<strong>en</strong>t, le nombre <strong>de</strong>s collectionsou <strong>de</strong>s saisons est multiplié, et une partie seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la gamme est déterminée <strong>en</strong> début<strong>de</strong> saison précé<strong>de</strong>nte (Courau1t et Rérat 1987, p.110 ; Zeitlin et Totterdill 1989, p.165).L'exemple du fabricant itali<strong>en</strong> proposant à un cli<strong>en</strong>t un produit ajusté à son souhait lesoir-même du jour où il l'a r<strong>en</strong>contré dans une foire-expositon (Weisz 1987, p.70) segénéralise dans <strong>de</strong>s dispositifs comme celui du S<strong>en</strong>tier où un modèle qui reçoit un accueilfavorable peut être réalisé dans les jours qui suiv<strong>en</strong>t, dans les ateliers du quartier, souv<strong>en</strong>t<strong>en</strong> gran<strong>de</strong> quantité (Weisz 1987, p.72). Peu <strong>de</strong> modèles sont stockés, les contacts avec lacli<strong>en</strong>tèle doiv<strong>en</strong>t être fréqu<strong>en</strong>ts pour suivre l'évolution <strong>de</strong> ses désirs imprévisibles, et lesdélais <strong>de</strong> livraison doiv<strong>en</strong>t être raccourcis.Dans ce type d'organisation le marché du travail est plus proche d'un marché, et lamobilité du travail plus forte. Le poids du passé et <strong>de</strong>s traditions, comme la prés<strong>en</strong>ced'organisations <strong>de</strong> nature industrielle, constitu<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s handicaps dans cette épreuvemarchan<strong>de</strong>, et ces dispositifs productifs particulièrem<strong>en</strong>t "marchands" s'inscriv<strong>en</strong>tsouv<strong>en</strong>t dans un espace vierge sous ces rapports (Storper et Scott 1988 b, p.35).L'espace familial congru<strong>en</strong>t avec ces dispositifs est lui-même marqué par <strong>de</strong>s "mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>vies très privés ("higly privatized forms ofdomestic life") et l'importance <strong>de</strong> l'accès à lapropriété individuelle (id., Nelson 1986).C'est sans doute le dispositifaméricain <strong>de</strong> relations industrielles qui est, par comparaisonavec celui d'autres pays industrialisés europé<strong>en</strong>s et scandinaves, le plus <strong>en</strong>gagé dans lanature marchan<strong>de</strong>, du fait notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'importance <strong>de</strong> la négociation au niveau local <strong>de</strong>l'établissem<strong>en</strong>t.Le terme <strong>de</strong> "niveau" apparaît d'ailleurs inadéquat. Cette différ<strong>en</strong>ce r<strong>en</strong>voie plutôt à unediffér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> forme <strong>de</strong> coordination, <strong>de</strong> même que la distinction, <strong>en</strong> théorie économique,<strong>en</strong>tre "niveau macro" et "niveau micro" ne s'interprète pas correctem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> termed'agrégation. Soulignons <strong>en</strong>fin que l'appréciation <strong>de</strong>s salariés conforme à l'épreuve <strong>de</strong>réalité marchan<strong>de</strong> s'écarte aussi bi<strong>en</strong> d'une appréciation domestique dans laquellel'expéri<strong>en</strong>ce et l'anci<strong>en</strong>neté importerai<strong>en</strong>t, que d'une évaluation industrielle quis'appuierait sur <strong>de</strong>s qualifications professionnelles. Même si elles ne concern<strong>en</strong>t qu'unepart du salaire et ne contribu<strong>en</strong>t qu'à <strong>en</strong> moduler la hausse, ce sont les procéduresd'individualisation qui sont cohér<strong>en</strong>tes avec cette épreuve et qui se traduis<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>tpar la réduction du poids <strong>de</strong>s diplômes.149


L'ORDRE DE L'EFFICACITE: GRANDEUR "INDUSTRIELLE"Il a été abondamm<strong>en</strong>t question <strong>de</strong> la forme <strong>de</strong> coordination industrielle dans lesparagraphes précé<strong>de</strong>nts, <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur d'efficacité qui lui est associée, <strong>de</strong> l'équival<strong>en</strong>cesur le futur qu'assur<strong>en</strong>t les objets relevant <strong>de</strong> cette nature, et <strong>de</strong> la standardisation qu'ilsaccompliss<strong>en</strong>t.Plutôt que <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>ir ici sur chacun <strong>de</strong> ces points, nous nous arrêterons sur ledéroulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'épreuve <strong>de</strong> réalité industrielle, <strong>de</strong> façon à éclaircir une certaine confusionapportée aujourd'hui par la critique courante du taylorisme.Comme dans chacun <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s où l'action peut trouver sa justification, l'épreuve <strong>de</strong>réalité <strong>de</strong> nature industrielle contribue à réactualiser l'ordre <strong>de</strong> ce qui importe, etnotamm<strong>en</strong>t à refaire le partage <strong>en</strong>tre ce qui est objectif dans cette nature et le bruit <strong>de</strong>sconting<strong>en</strong>ces. Faute d'une relance <strong>de</strong> l'épreuve, l'ordre <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs manque <strong>de</strong>justification.Le partage <strong>en</strong>tre le bruit et ce qui importe comme objet, c'est-à-dire, dans la natureindustrielle, ce qui est doté d'efficace, contribue à ét<strong>en</strong>dre progressivem<strong>en</strong>t cette nature,par la découverte et le contrôle <strong>de</strong> ces objets. L'i<strong>de</strong>ntification d'une cause <strong>de</strong>dysfonctionnem<strong>en</strong>t est typiquem<strong>en</strong>t le résultat d'une telle épreuve qui se sol<strong>de</strong> parl'ext<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la nature, comme l'illustre le cas G. avec l'élargissem<strong>en</strong>t du dispositifindustriel au sol et à l'air. La standardisation et la régularisation <strong>de</strong>s matières premièresest nécessaire pour qu'un tel dispositif ti<strong>en</strong>ne, et, <strong>en</strong> restant dans cette même natureindustrielle, on peut citer l'exemple <strong>de</strong> la normalisation, du moy<strong>en</strong>nage par mélange, <strong>de</strong>l'ultrafiltration, <strong>de</strong> la réfrigération, <strong>de</strong> la pasteurisation (Boissard et Letablier 1989).L'épreuve industrielle conduisant à cette "hygiène" <strong>de</strong>s produits, au s<strong>en</strong>s propre maisaussi dans une acception élargie, est particulièrem<strong>en</strong>t claire lorsque sont mis <strong>en</strong> place <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts automatiques qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t prolonger la partie purem<strong>en</strong>t industrielle dudispositif <strong>de</strong> production. L'arrivée <strong>de</strong> machines à comman<strong>de</strong> numérique hautem<strong>en</strong>tperformantes relance ainsi l'épreuve industrielle dans l'atelier <strong>en</strong> appelant les ouvriers à semesurer avec elles (Jeantet et Tiger 1988, p.43), puisque, comme nous l'avons souligné,c'est par un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t effectif <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s objets que se détermin<strong>en</strong>t lesgran<strong>de</strong>urs. Les att<strong>en</strong>tes non confirmées, dûm<strong>en</strong>t "docum<strong>en</strong>tées" (Dodier 1988 ;Freyss<strong>en</strong>et et Thénard 1988), sont imputées à <strong>de</strong>s conting<strong>en</strong>ces, ou <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t laréévaluation à la baisse <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur d'un objet ou d'une personne moins performantsque prévu. Visant à la généralité par la définition même <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur, l'issue <strong>de</strong>l'épreuve ne saurait être un arrangem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les personnes concernées.On compr<strong>en</strong>d mieux le succès <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s Cercles <strong>de</strong> Qualité si on considèrequ'une large partie d'<strong>en</strong>tre elles favoris<strong>en</strong>t la relance d'une épreuve <strong>de</strong> réalité industrielle.Le rôle <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s statistiques ou <strong>de</strong> la recherche systématique <strong>de</strong> causes estcaractéristique <strong>de</strong> cette épreuve (Cole 1979, chap. V , Dodier 1988, p.3) qui soulèved'ailleurs la question du grandissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s acteurs <strong>en</strong>gagés, acteurs souv<strong>en</strong>t peu qualifiésdans les grilles salariales (Midler, Moire, Sardas, 1984, p.205).La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Taylor visait indubitablem<strong>en</strong>t à ét<strong>en</strong>dre le dispositif industriel dansl'<strong>en</strong>treprise (Thév<strong>en</strong>ot 1986 a, pp.24-25, 31-36) et à ouvrir la possibilité d'épreuves <strong>de</strong>nature industrielle, aux dép<strong>en</strong>s notamm<strong>en</strong>t d'épreuves <strong>de</strong> nature marchan<strong>de</strong>, permettantainsi d'affirmer la prédominance <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> production aux dép<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s fonctionscommerciales et financières (Fri<strong>de</strong>nson 1987, p.I 039). Les métho<strong>de</strong>s m<strong>en</strong>tionnéesprécé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t contribu<strong>en</strong>t donc, à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s égards, à prolonger ce mouvem<strong>en</strong>t,quoiqu'<strong>en</strong> dise leur marketing. Comme le montr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> terrain, c'est plutôt ledéfaut d'efficacité et <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> qui caractérise nombre <strong>de</strong> petites ou moy<strong>en</strong>nes<strong>en</strong>treprises que l'excès inverse (Juravitch 1985).Soulignons <strong>en</strong>fin que les épreuves <strong>de</strong> cette nature ne sont nullem<strong>en</strong>t limitées à l'industrie,ni même d'ailleurs au cadre <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise. Wissler a ainsi analysé très précisém<strong>en</strong>t ledéroulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce type d'épreuve dans une banque, lorsqu'une <strong>en</strong>treprise est évaluée àpartir d'une batterie <strong>de</strong> ratios <strong>en</strong> vue <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r d'un octroi <strong>de</strong> crédit (Wissler 1989 a).150L'ORDRE DE LA CONFIANCE : GRANDEUR "DOMESTIQUE"La coordination gouvernée par la confiance repose sur un ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur que nousavons appelé domestique, mais qui ne se limite nullem<strong>en</strong>t - comme une certaine acceptiondu terme pourrait le laisser <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre - aux relations familiales puisqu'il vise, au contraire,la possibilité d'une coordination générale <strong>de</strong>s conduites, au même titre que les autresformes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur. Cette gran<strong>de</strong>ur compr<strong>en</strong>d à la fois un ordre temporel (par la fidélité àla coutume et au précé<strong>de</strong>nt), un ordre spatial <strong>de</strong> familiarité (du proche à l'étranger) et unordre hiérarchique d'autorité, tous les trois étroitem<strong>en</strong>t imbriqués. La confiance quiexprime la généralité domestique suppose une relation d'''<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t'' à partir d'uneorigine antérieure consolidée, une relation <strong>de</strong> "voisinage" assurant la similarité, et unerelation d"'estime" garantissant l'autorité. L'objectivité <strong>de</strong>s choses qui import<strong>en</strong>t, que cesoit une souche bactéri<strong>en</strong>ne, un patrimoine, une maison, un terroir, ti<strong>en</strong>t à ces qualités(Thév<strong>en</strong>ot 1989 a). La justification par l"'<strong>en</strong>racinem<strong>en</strong>t" fait bi<strong>en</strong> ressortir l'intrication <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux premiers aspects, et les bénéfices d'un "savoir-faire" ou d'un "esprit-maison" nepeuv<strong>en</strong>t être rapportés séparém<strong>en</strong>t à l'un ou l'autre <strong>de</strong> ces trois aspects indissociables. Ceque l'économie <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur domestique fait clairem<strong>en</strong>t apparaître, c'est justem<strong>en</strong>t larelation <strong>en</strong>tre ces trois aspects, <strong>en</strong>tre une proximité qui spécifie, un précé<strong>de</strong>nt qui perdure,et une autorité qui couvre.La caractérisation précise <strong>de</strong> cette forme <strong>de</strong> coordination, la reconnaissance <strong>de</strong> lagénéralité qu'elle constitue et <strong>de</strong> l'épreuve <strong>de</strong> réalité à laquelle se soumett<strong>en</strong>t les actionsqui vis<strong>en</strong>t cette généralité, permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> réélaborer un vaste <strong>en</strong>semble d'observations surla place <strong>de</strong> relations "sociales" dans <strong>de</strong>s actions économiques. Le traitem<strong>en</strong>t systématique<strong>de</strong> ces relations est souv<strong>en</strong>t gêné par une référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s familiaux qui veut être<strong>en</strong>t<strong>en</strong>due dans une ext<strong>en</strong>sion métaphorique floue.La justification <strong>de</strong> l'action selon cette gran<strong>de</strong>ur est particulièrem<strong>en</strong>t claire dansl'organisation productive artisanale, avec ses corps façonnés par l'habitu<strong>de</strong> et ses corps<strong>de</strong> métier, ses hiérarchies <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>neté et ses réseaux <strong>de</strong> confiance (Zarca 1987, 1988).Mais elle est égalem<strong>en</strong>t couramm<strong>en</strong>t impliquée dans <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises <strong>de</strong> plus gran<strong>de</strong> taille,aussi bi<strong>en</strong> au niveau <strong>de</strong> l'atelier, dès lors que l'autorité <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s importe et que l'ai<strong>de</strong>aux proches est prisée, qu'au niveau <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise lorsqu'est valorisé l'esprit maison,ou <strong>en</strong>core dans les relations fidélisées <strong>en</strong>tre <strong>en</strong>treprises, avec <strong>de</strong>s cli<strong>en</strong>ts sélectionnés pourconcevoir du sur-mesure sur <strong>de</strong>s créneaux particuliers, avec <strong>de</strong>s fournisseurs pourgarantir la qualité, avec <strong>de</strong>s sous-traitants ou <strong>de</strong>s institutions locales techniques oumunicipales s'<strong>en</strong>gageant dans une relation d'ai<strong>de</strong>. Ces li<strong>en</strong>s <strong>de</strong> familiarité pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sau niveau d'une communauté régionale: "elles sont souv<strong>en</strong>t regroupées avec d'autrespetites <strong>en</strong>treprises aux activités complém<strong>en</strong>taires, <strong>en</strong> association, ou <strong>de</strong> manièreinformelle, pour pouvoir bénéficier <strong>de</strong> fonctions communes plus étoffées; elles peuv<strong>en</strong>tainsi se spécialiser dans <strong>de</strong>s fabrications plus complexes, et confier les travaux hors <strong>de</strong>leur compét<strong>en</strong>ce aux autres membres <strong>de</strong> l'association" (Gorgeu et Mathieu 1987, p.34).La fidélité à une vocation s'ancre localem<strong>en</strong>t, par la spécialisation d'un savoir-fairetraditionnel que cette forme <strong>de</strong> li<strong>en</strong> domestique <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t <strong>en</strong> retour <strong>en</strong> "facilitantl'acquisition <strong>de</strong> savoir-faire localem<strong>en</strong>t adaptés" et l'appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong>s "indices (eues)pertin<strong>en</strong>ts sur l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t" (Storper et Scott 1988 a, p.30), l'établissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> li<strong>en</strong>slocaux durables avec les fournisseurs <strong>de</strong> matière première dont la qualité est ainsi garantie(Boisard et Letablier 1987 a), avec les fabricants et distributeurs d'équipem<strong>en</strong>t (Weisz1987, p.70). On compr<strong>en</strong>d bi<strong>en</strong> égalem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t une forme <strong>de</strong> travail à domicile peuts'ajuster à un dispositif <strong>de</strong> cette nature (Courauit et Rérat 1987, p.97).Dans la société américaine, la référ<strong>en</strong>ce à la "communauté" r<strong>en</strong>d compte d'un telajustem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> li<strong>en</strong>s personnels et <strong>de</strong> voisinage (Bellah et alii 1985). Notons que ledispositif <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tation syndicale comporte, aux Etats-Unis, davantage d'élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>nature domestique, étant donnée l'importance <strong>de</strong> la représ<strong>en</strong>tation locale <strong>de</strong>s salariés, cequi introduit le risque d'une épreuve dénaturée par la corruption (Bok et Dunlop 1970,p.64).151


Plus généralem<strong>en</strong>t, Favereau a clairem<strong>en</strong>t montré que les règles du marché interne,i<strong>de</strong>ntifiées par Doeringer et Piore (1985), étai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s "substituts au fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>smarchés" (conv<strong>en</strong>tion 2, dans sa typologie: Favereau 1986, p.25l), <strong>de</strong>s "règleslimitatives" qui jou<strong>en</strong>t pour ce marché interne le rôle que les règles constitutives jou<strong>en</strong>tpour le marché externe (Favereau 1989). Les trois sources <strong>de</strong> ces règles créatrices <strong>de</strong>smarchés internes, la spécificité <strong>de</strong>s qualifications, l'appr<strong>en</strong>tissage sur le poste et lacoutume, font clairem<strong>en</strong>t voir leur ancrage dans un ordre plus général <strong>de</strong> naturedomestique.L'ori<strong>en</strong>tation domestique <strong>de</strong> règles mettant <strong>en</strong> avant l'anci<strong>en</strong>neté apparaît bi<strong>en</strong> lorsqu'ellesr<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t, dans une situation critique, d'autres règles d'ori<strong>en</strong>tation civique (Bessy1988) ; le travail d"'accommodation" qu'opèr<strong>en</strong>t les inspecteurs du travail (Dodier 1989)a souv<strong>en</strong>t rapport avec cette t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre une ori<strong>en</strong>tation domestique et une ori<strong>en</strong>tationcivique <strong>de</strong> la justification. Durant la récession <strong>de</strong>s années 70, <strong>de</strong> nombreux recrutem<strong>en</strong>ts(dans le cadre d'une "affirmative action") justifiés par ce <strong>de</strong>rnier principe ont été remis <strong>en</strong>cause par les règles d'anci<strong>en</strong>neté (Ezorsky 1987).L'ORDRE DU COLLECTIF: GRANDEUR "CIVIQUE"Comme le montrait la t<strong>en</strong>sion critique qui vi<strong>en</strong>t d'être m<strong>en</strong>tionnée, l'i<strong>de</strong>ntification précise<strong>de</strong> différ<strong>en</strong>tes formes <strong>de</strong> coordination et modalités d'épreuve <strong>de</strong> l'action conduit àdistinguer, à l'intérieur d'un registre d'action communém<strong>en</strong>t désigné comme "social",une forme <strong>de</strong> généralité reposant sur la confiance, d'une forme <strong>de</strong> généralité reposant surla solidarité collective. Cest d'ailleurs souv<strong>en</strong>t à cette ori<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> l'action que l'onréserve le terme <strong>de</strong> collectifalors que, comme nous avons cherché à le montrer, chaqueforme <strong>de</strong> généralité et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur est une forme <strong>de</strong> détour par le collectif. La distinction<strong>en</strong>tre mon<strong>de</strong> civique est donc nécessaire pour analyser les contraintes sociales qui pès<strong>en</strong>tsur l'action, ce terme pouvant recouvrir aussi bi<strong>en</strong> une ori<strong>en</strong>tation et <strong>de</strong>s ressources visantla confiance, qu'une solidarité par rapport à un intérêt général qui exige, à l'inverse, ledétachem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s domestiques.Dans la gran<strong>de</strong>ur civique, ce qui importe fait l'unité dans un même intérêt général ets'oppose au particulier attaché à <strong>de</strong>s intérêts particuliers. Les formes légales, les droits,les réglem<strong>en</strong>ts, les mesures, sont les objets <strong>de</strong> cette nature civique qui contraign<strong>en</strong>tl'action <strong>en</strong> même temps qu'ils constitu<strong>en</strong>t une équival<strong>en</strong>ce générale. La réunioncollective, le mouvem<strong>en</strong>t, la manifestation, le vote, sont les façons naturelles dont lareprés<strong>en</strong>tation d'une volonté générale est mise à l'épreuve.La confusion <strong>en</strong>tre un mon<strong>de</strong> d'action et les agissem<strong>en</strong>ts d'un acteur collectif, <strong>en</strong>l'occurr<strong>en</strong>ce l'Etat, est souv<strong>en</strong>t dommageable à l'analyse <strong>de</strong> cette modalité d'action. Unetelle confusion empêche notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> rapprocher <strong>de</strong>s mesures publiques et <strong>de</strong>s actionsm<strong>en</strong>ées dans une firme selon une justification <strong>de</strong> même nature (HoIlingsworth 1985).Plutôt que d'<strong>en</strong> appeler à l'interv<strong>en</strong>tion d'un acteur collectif désigné comme l'Etat, dontles "agissem<strong>en</strong>ts" sont au <strong>de</strong>meurant fort divers, sans doute est-il préférable, pour laprécision <strong>de</strong> l'analyse, d'examiner les changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> nature <strong>de</strong>s dispositifs que cette"interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> l'Etat" désigne.Dunlop, effectuant le bilan <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong>s relations industrielles <strong>de</strong>puis le début dusiècle dans cinq pays développés (Allemagne, Gran<strong>de</strong> Bretagne, Etats-Unis, France,Japon) conclut, dans le s<strong>en</strong>s du travail princeps <strong>de</strong>s Webb (1914), "au rôle croissant <strong>de</strong>l'administration dans la prescription <strong>de</strong>s conditions d'emploi", faisant valoir que <strong>de</strong>sdispositifs réglem<strong>en</strong>taires remplac<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s négociationscollectives, et citant l'exemple <strong>de</strong> la France avec la possibilité, si étrangère à lacoordination marchan<strong>de</strong>, d'ét<strong>en</strong>dre la portée d'une conv<strong>en</strong>tion collective à un secteur tout<strong>en</strong>tier (Dunlop 1978, p.8). En l'abs<strong>en</strong>ce d'un Co<strong>de</strong> du Travail américain, l'interv<strong>en</strong>tion<strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s Etats fédérés contribue à modifier le dispositif dans un s<strong>en</strong>s civique.Certains syndicats, note da Costa, considèr<strong>en</strong>t que ces législations réduis<strong>en</strong>t l'importance<strong>de</strong>s négociations collectives et ne les souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas. D'autres trouv<strong>en</strong>t justifié (<strong>en</strong> vertud'un principe civique) un dispositif qui améliore la protection sociale <strong>de</strong>s salariés <strong>en</strong>faisant une équival<strong>en</strong>ce solidaire <strong>en</strong>tre ceux qui travaill<strong>en</strong>t dans une <strong>en</strong>treprise pourvued'un syndicat et les autres (da Costa 1986 b, p.160). Apparaît alors clairem<strong>en</strong>t cettegran<strong>de</strong>ur qui transc<strong>en</strong><strong>de</strong> les intérêts particuliers et qui s'exprime notamm<strong>en</strong>t dans lesmouvem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se <strong>de</strong>s Droits Civils (Bellah et alii 1985).D'autres modifications m<strong>en</strong>tionnés par Dunlop (1978) peuv<strong>en</strong>t être interprétées commel'adjonction d'élém<strong>en</strong>ts civiques aux dispositif, source <strong>de</strong> t<strong>en</strong>sions critiques avec <strong>de</strong>sélém<strong>en</strong>ts d'une nature différ<strong>en</strong>te. Ainsi, <strong>de</strong>s principes publics <strong>de</strong> formation <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>conflit avec les modalités d'appr<strong>en</strong>tissage traditionnel (principalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> naturedomestique), <strong>de</strong>s ~esures égaleme~t civiques,<strong>en</strong> faveur .<strong>de</strong>s g;ou~es dés,ava~tagé.s sontdans un rapport cnuque avec les habitu<strong>de</strong>s ou regles favonsant 1a?c~<strong>en</strong>~ete (et impliquantégalem<strong>en</strong>t une justification d'ordre domestique), ou <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s limitations <strong>de</strong> hausses <strong>de</strong>salaires font obstacle à une négociationmarchan<strong>de</strong> du prix du travail.4. LE RAPPORT CRITIQUE ENTRE ORDRES DE GRANDEURL'ORGANISATION COMME DISPOSITIF DE COMPROMISDans l'évocation qui vi<strong>en</strong>t d'être faite <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s où l'action se prête àla coordination on a pu reconnaître <strong>de</strong> nombreux élém<strong>en</strong>ts classiquem<strong>en</strong>t repérés dans lefonctionnem<strong>en</strong>t d'organisations productives. N'est-il pas superflu d'ajouter une typologie<strong>de</strong> plus à celles, déjà nombreuses, qui cherch<strong>en</strong>t à appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r une diversité <strong>de</strong> "logiquesd'action", <strong>de</strong> "stratégies d'<strong>en</strong>treprisess", <strong>de</strong> "cultures d'<strong>en</strong>treprises", ou <strong>de</strong> "profilsd'<strong>en</strong>treprises" ?A la question <strong>de</strong> la cohér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces types, que ne manque pas <strong>de</strong> soulever leurdiffér<strong>en</strong>ciation, la réponse est souv<strong>en</strong>t vague ou abs<strong>en</strong>te. C'est ce point que nous avonscherché à approfondir dans les "Economies <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur", <strong>en</strong> nous efforçantd'expliciter les conditions que satisfait chacune <strong>de</strong>s modalités d'acti~~ just~fiables 'l.u<strong>en</strong>ous avons i<strong>de</strong>ntifiées et <strong>de</strong> montrer qu'on pouvait rapporter ces conditions a un mo<strong>de</strong>lecommun. Ce faisant, il est apparu que la coordination supposait une forme <strong>de</strong> généralitéayant les caractéristiques d'un bi<strong>en</strong> commun fondant une équival<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre les personnes.Ainsi, les modalités d'action justifiables dépass<strong>en</strong>t le cadre <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, pour trouverleur cohér<strong>en</strong>ce dans une spécification du li<strong>en</strong> politique et <strong>de</strong> la détermination du juste. Dela question <strong>de</strong> la représ<strong>en</strong>tation cognit.iv~} n.o~s so~~es ainsi 'pas~és.à celle <strong>de</strong> lareprés<strong>en</strong>tation politique, <strong>de</strong> l'équival<strong>en</strong>ce a 1equite, <strong>de</strong> 1ajustem<strong>en</strong>t a la justice.Dès lors que l'on met au jour la visée <strong>de</strong> généralité, d'universalité, <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s formes<strong>de</strong> coordination, on compr<strong>en</strong>d qu'elles soi<strong>en</strong>t incompati~les. Plus p~é~isém<strong>en</strong>t, nou~avons cherché à montrer que l'ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur constitue <strong>en</strong>tre ce qUI Importe, ce qUIvaut <strong>en</strong> général, et ce qui est insignifiant, portait <strong>en</strong> lui une réduction <strong>de</strong>s autres formes <strong>de</strong>généralité possibles, <strong>de</strong>s autres bi<strong>en</strong>s communs disponibles (EG, §§ 4l1-4l7~. Lerapport <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>tes modalités d'action justifiables et <strong>en</strong>tre les ressources qUI sontmises <strong>en</strong> oeuvre est un rapport critique dont il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t possible d'analysersystématiquem<strong>en</strong>t les expressions variables suivant les mon<strong>de</strong>s qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> t<strong>en</strong>sion(EG, §§ 421-426).Le jeu <strong>en</strong>tre plusieurs formes <strong>de</strong> coordination et le passage d'un mon<strong>de</strong> à l'autre incit<strong>en</strong>t àrechercher le dépassem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces t<strong>en</strong>sions critiques. On observe donc fréquemm<strong>en</strong>t ~neopération que nous avons nommée compro~is, avec une acception.du ,t,erI?e qUI nerecouvre pas son utilisation courante (EG, §§ 515). Ces compromis s éloign<strong>en</strong>t <strong>de</strong>transactions donnant lieu à <strong>de</strong>s arrangem<strong>en</strong>ts particuliers, <strong>en</strong> ce qu'ils vis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core uneforme <strong>de</strong> justification générale et qu'ils particip<strong>en</strong>t é~<strong>en</strong>tullem<strong>en</strong>t à l:éla?ora~ionprogressive d'une nouvelle gran<strong>de</strong>ur (cf. paragraphe suivant). Faute <strong>de</strong> 1assise dunetelle gran<strong>de</strong>ur, qui se caractérise par la possibilité d'une épreuve <strong>de</strong> réalité et donc pa! ladisponibilité d'un mon<strong>de</strong> d'objets probants, le compromis <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>urs peut etrebrisé par chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux épreuves <strong>de</strong> réalité qui leur correspon<strong>de</strong>nt. Comme pou~}esmises <strong>en</strong> cause critiques, le cadre proposé permet <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte, <strong>de</strong> .mameresystématique, <strong>de</strong> ces compromis (EG, §§ :521-~~5). Il permet ég~lem<strong>en</strong>~ d'<strong>en</strong>visager lesorganisations productives comme <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> compromis <strong>de</strong>stinés a gerer les153152


t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre plusieurs natures, et impliquant au moins les natures marchan<strong>de</strong> etindustrielle (Thév<strong>en</strong>ot 1989 b).Pour un traitem<strong>en</strong>t rigoureux <strong>de</strong> ces compromis, qui ne ramène pas au syncréti.sme d'~neaccumulation <strong>de</strong> ressources théoriques et pratiques s'additionnant sans heurt, Il faut etreatt<strong>en</strong>tif à la radicalité <strong>de</strong>s retournem<strong>en</strong>ts d'épreuve <strong>de</strong> réalité auxquels conduit unchangem<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s raisons qui souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l'action. Ainsi cherchera-t-on àdévelopper les conséqu<strong>en</strong>ces critiques <strong>de</strong> confrontations <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s modalités d'action dontcertains auteurs ont déjà montré la prés<strong>en</strong>ce alternative, comme les formes d'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ttemporel qui échapp<strong>en</strong>t à une pure coordination marchan<strong>de</strong> (Schelling 1980, Elster1979), l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans une action collective ("voice" ,9ui,s~écar~e ?e l'acti~n sur lemarché ("exit') (Hirschamm 1970, 1982), la constitution d interëts g<strong>en</strong>eraux qUI ne peutse confondre avec une transaction marchan<strong>de</strong> <strong>en</strong>tre individus (Pizzorno 1988), ou <strong>en</strong>coreles trois principes d'action légitime que Streeck et Schmitter i<strong>de</strong>ntifi<strong>en</strong>t à I?artir d'un~"institution c<strong>en</strong>trale qui incorpore et fait valoir [chacun d'eux] : la communaute, le marcheet l'état" (Streeck et Schmitter 1985).Ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers auteurs, insistant sur les contraintes d'intégrité, l'autonomie et lapossibilité d'équilibre qui caractéris<strong>en</strong>t chacun <strong>de</strong> ces "principes directeurs" (ibid., pA),s'interrog<strong>en</strong>t sur le problème qui nous occupe ici, celui <strong>de</strong>s rapports qu'~nt!etI<strong>en</strong>n.<strong>en</strong>tcesprincipes. Les incompatibilités dont ils font état correspon<strong>de</strong>nt d.e pres a ;ertams <strong>de</strong>srapports critiques <strong>en</strong>tre natures que nous m<strong>en</strong>tionneront plus loin, <strong>de</strong> meI?e que le~complém<strong>en</strong>tarités qu'ils indiqu<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s compromis q~e nous e~ammerons', SIl'on met <strong>en</strong> cause "les li<strong>en</strong>s <strong>de</strong> communauté qui vici<strong>en</strong>t le marche <strong>en</strong> favonsant collusionet cli<strong>en</strong>télisme" (id.), on met <strong>en</strong> cause <strong>de</strong>s relations domestiques qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dénaturerl'épreuve marchan<strong>de</strong> [D/M] alors que, symétriquem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> faisant valoir que "laconcurr<strong>en</strong>ce marchan<strong>de</strong> corrompt les attaches communautaires" (id.), on procè<strong>de</strong> à ~nedénonciation d'êtres marchands dénaturant l'épreuve domestique [MID]. Quand a laproposition qui avance que "les li<strong>en</strong>s communautaires <strong>en</strong>courag<strong>en</strong>t la ~onfiance mutu~lleet la bonne foi nécessaires à un échange économique stable" (id.), elle expnmeparfaitem<strong>en</strong>t l'un <strong>de</strong>s compromis étayés <strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>urs [DIM]. On pourraitpoursuivre le parallèle pour les rapports état-marché et état-communauté.avec cep<strong>en</strong>dantun écart qui ti<strong>en</strong>drait à ce que l'''état'' désigne, chez Streek et Schmitter, une VIsee"bureaucratique". Or cette visée relève déjà, selon nous, d'un compromis <strong>en</strong>t!e gran<strong>de</strong>urscivique et industrielle, comme on le voit clairem<strong>en</strong>t dans les mises <strong>en</strong> cause r~clamantquel'on retrouve, sous la bureaucratie, l'auth<strong>en</strong>tique intérêt général <strong>de</strong> la volonte <strong>de</strong> tous ou,au contraire, la véritable efficacité professionnelle.Une fois cette pluralité <strong>de</strong> principes légitimes repérée avec plus ou moins <strong>de</strong> précision etd'explication concernant leur choix, la t<strong>en</strong>tation est gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> rechercher les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong>les combiner malgré les t<strong>en</strong>sions critiques qui les oppos<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> considérer que "lessociétés/régimes politiques/économies mo<strong>de</strong>rnes ne peuv<strong>en</strong>t être analysés que comme <strong>de</strong>scombinaisons ( "mix') <strong>de</strong> ces ordres" (ibid., p.I). C'est ainsi que l'on peut compr<strong>en</strong>dre leprojet propre aux <strong>de</strong>ux auteurs précé<strong>de</strong>nts qui s'intéress<strong>en</strong>t à "la politique" (''politics'~<strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>ux ordres respectifs", aux nombreuses institutions d'un nouveau type qUIserv<strong>en</strong>t d'intermédiaires <strong>en</strong>tre les exig<strong>en</strong>ces incompatibles "confJicting <strong>de</strong>mands"<strong>de</strong> cesordres" (ibid., pp.7-8). Ce projet, qui se situe dans la suite <strong>de</strong>s travaux ayant, dans lesannnées 60-70, étudié les systèmes concertatifs <strong>de</strong> négociations d'intérêts collectifs et <strong>de</strong>smodalités d"'échange politique" (Berger 1981, Crouch et Pizzorno 1978, Goldthorp~1985 Schmitter et Lehmbruch 1979), se propose d'i<strong>de</strong>ntifier une nouvelle modalitéd'action dénommée "corporative-associative". Cep<strong>en</strong>dant les auteurs mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>ncecertaines caractéristiques que partag<strong>en</strong>t les ordres précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tionnés mais pas ceprincipe directeur. Ils not<strong>en</strong>t qu'au lieu <strong>de</strong>s rationalités que l'on peut voir à l'oeuvre,dansces ordres l'ori<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> l'action corporative est "plus prosaïque" et conduit a <strong>de</strong>s"optimaux' <strong>de</strong> second rang", obt<strong>en</strong>us dans l~ secret, ce q~i .s~oppose, a~x ~xig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>généralité <strong>de</strong> l'épreuve <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur. Ce,~ r.es~ltats ~O?~ ?1,~~~I1es a ~,ustIfi,er par <strong>de</strong>sfon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts normatifs" et <strong>en</strong> raison <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>ficit <strong>de</strong> légitimité , Ils sont vulnerables auxassauts substantifs et normatifs qui <strong>en</strong> appell<strong>en</strong>t à la communauté, au marché ou à l'état"(Streeck et Schmitter 198.5, pp.l.3-14). Nous avons souligné précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t ~ettevulnérabilité <strong>de</strong>s compromis aux épreuves <strong>de</strong> réalité qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les défaire. Les <strong>de</strong>bats154britaniques sur le pluralisme et sur la légitimité <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> négociation collectives,dans les années 60-70, ont soulevé une question similaire (Mars<strong>de</strong>n 1985). Cottereau,examinant les négociations dans l'<strong>en</strong>ceinte <strong>de</strong>s prudhommes ou d'institutions antérieures,met <strong>en</strong> relief le mom<strong>en</strong>t d"'épreuve <strong>de</strong> vérité" que s'assign<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>t patrons etcompagnons dans une att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> légitimité (Cottereau 1988c).Ce que Cottereau montre <strong>de</strong> la législation du livret et <strong>de</strong> son usage pour le crédit permetd'y voir égalem<strong>en</strong>t un dispositif <strong>de</strong> compromis <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux épreuves marchan<strong>de</strong> etdomestique, et d'éviter sa réduction à une mesure policière. Grâce au livret, le créditaccordé à l'ouvrier ne l'attache pas irrémédiablem<strong>en</strong>t à un patron. L'ouvrier est libre <strong>de</strong>changer d'employeur dès lors que sa <strong>de</strong>tte est inscrite sur son livret, le nouvel employeurétant t<strong>en</strong>u <strong>de</strong> la rembourser au premier patron <strong>en</strong> opérant <strong>de</strong>s ret<strong>en</strong>ues sur son salaire, cequi fait que l'anci<strong>en</strong> patron a aussi intérêt à ce que l'ouvrier se replace facilem<strong>en</strong>t(Cottereau 1987, p..52).L'analyse précise <strong>de</strong> dispositifs <strong>de</strong> ce g<strong>en</strong>re peut ai<strong>de</strong>r à compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t se façonneun tel compromis <strong>en</strong>tre concurr<strong>en</strong>ce et coopération, élém<strong>en</strong>t important dans lefonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s organisations productives déc<strong>en</strong>tralisées (Ganne 1983, RaveyreSaglio 1984, Sabel 1988).L'un <strong>de</strong>s lieux communs du compromis <strong>en</strong>tre formes industrielle et domestique estl"'expéri<strong>en</strong>ce professionnelle". Il suggère une commune mesure, <strong>en</strong> tirant parti <strong>de</strong> ce quechacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux normes <strong>de</strong> généralité rapprochées établit une équival<strong>en</strong>ce temporelle(malgré <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ces profon<strong>de</strong>s <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux constructions du temps qui <strong>en</strong> résult<strong>en</strong>t:§ 16). La tradition (d), la coutume (d), le tour <strong>de</strong> main (d), domestiques, sont ainsirapprochés <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> (j) et <strong>de</strong> la routine (i) industrielles, et peuv<strong>en</strong>t être confondusdans l'importance <strong>de</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce (i-d) :" Il Ya la méthodologie (i) qui est très importante [".] On peut pas appeler ça son tour <strong>de</strong> main(d), parceque ça n'est plus à ce sta<strong>de</strong>-là, mais <strong>en</strong>fin disons qu'il y a <strong>de</strong>s opérations aujourd'hui technologiques(i),qui font que, ajoutées à la qualitédu produit..." (BL86, p.72).Un tel compromis consiste, par exemple, à équiper (i), avec une machine (i), un gestetraditionnel (d) comme le salage (Harel, BL86, p. 97). Ce g<strong>en</strong>re <strong>de</strong> dispositifcompositeest plus délicat à mettre au point qu'un investissem<strong>en</strong>t industriel simple, parce qu'ilsuppose <strong>de</strong> passer outre les t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre technici<strong>en</strong>s (i) et hommes <strong>de</strong> métier (d), <strong>en</strong>trehabitu<strong>de</strong>s (d) et métho<strong>de</strong>s (i) (Harel).Un cas particulièrem<strong>en</strong>t intéressant est celui <strong>de</strong> la machine à mouler à la louche. Lesavoir-faire (d) du mouleur à la louche (d) est <strong>en</strong> effet, comme nous l'avons vuprécé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t (§ Il et fig. m.D), un élém<strong>en</strong>t important <strong>de</strong> l'assemblage domestique. Sonaccommo<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t avec un outillage (i) industriel ne va donc pas <strong>de</strong> soi et peut toujours êtredénoncé:"Une machine automatique <strong>de</strong> moulage à la louche, ce serait la porte ouverte à une mécanisation stylepasteurisé" (Orée).Pourtant certains fabricants imagin<strong>en</strong>t cette chimère que serait un robot (j) t<strong>en</strong>ant à la main(d) une louche (d) qu'il manierait avec le savoir-faire (d) du mouleur <strong>de</strong> métier (d), et larégularité (i) <strong>de</strong> la machine (i) :"Dans le cahier <strong>de</strong>s charges [<strong>de</strong> l'appellation contrôlée] il n'y a ri<strong>en</strong> qui interdise l'automatisation (i) dumoulage, mais il faudra.. on peut très bi<strong>en</strong> robotiser (i) le moulage, à supposer que ce soit possible, maisil faudra {aire t<strong>en</strong>ir (i) au robot (i) une louche (d), ou lui faire t<strong>en</strong>ir l'équival<strong>en</strong>t (i) d'une louche (d) pourrespecter (d) bi<strong>en</strong> le caractèretraditionnel (d) <strong>de</strong> dépôt du caillé dans le moule" (Orée, p. 22).Le dispositif <strong>de</strong> compromis effectivem<strong>en</strong>t mis au point (Bon père, p.70) emprunte moins<strong>de</strong> ressources domestiques (il ne compr<strong>en</strong>d pas <strong>de</strong> louche) et davantage <strong>de</strong> ressourcesindustrielles que cette chimère:155


"Ce manipulateur <strong>de</strong> caillé (i) prélève vingt louches (d)<strong>de</strong> caillé dans une bassine et dépose celles-ci avecprécision au fond d'un bloc <strong>de</strong> vingt moules à camembert; ceci une fois toutes les cinquante minutes (i).L'unité <strong>de</strong> travail (i) est donc un bras (d)<strong>de</strong> vingt louches (d) qui peut pr<strong>en</strong>dre le caiIlé automatiquem<strong>en</strong>t(i) dans une bassine avec cinq positions (i) différ<strong>en</strong>tes, afin d'assurer (i) une régularité (i) <strong>de</strong> volume et <strong>de</strong>prise comme lors du moulage à la main (d) (BL86, p .. 60).Un autre dispositif <strong>de</strong> compromis, cherchant à r<strong>en</strong>dre compatible la qualité traditionnelledu lait cru et les avantages <strong>de</strong> la stabilité et <strong>de</strong> la standardisation industrielle, consiste àprocé<strong>de</strong>r à une "thermisation'' moins éprouvante pour ce lait cru que la pasteurisation. Cedispositif préserve une partie du goût traditionnel du lait cru, ce qui est attesté par le faitque nombre <strong>de</strong>s meilleurs crémiers spécialisés <strong>en</strong> fromages <strong>de</strong> qualité v<strong>en</strong><strong>de</strong>nt cecamembert thermisé (qui ne peut recevoir l'appellation contrôlée) affiné dans leurs caves.Cep<strong>en</strong>dant, comme tous les compromis, celui-ci peut être dénoncé au nom <strong>de</strong> l'un oul'autre <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> cohér<strong>en</strong>ce qu'il <strong>en</strong>gage:"Qu'on ne parle plus d'appellation d'origine pour le camembert thermisé", déclare un fabricant <strong>de</strong>camembert au lait cru qui ne concè<strong>de</strong> à ce produit <strong>de</strong> compromis que sa "beIle prés<strong>en</strong>tation" (Harel).D'autre part, le lait peut aussi être additionné <strong>de</strong> ferm<strong>en</strong>ts (d) spécifiques <strong>de</strong>stinés àatténuer les effets néfàstes sur Je goût (d) <strong>de</strong> la pasteurisation (i) (Val d'Auge). Enfin, unlait, bi<strong>en</strong> que pasteurisé0), peut être sélectionné par son terroir (d) et son producteurd' origine(d) (Val d'Auge), ce qui suppose aussi <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ir une partie au moins <strong>de</strong> lacollecte <strong>en</strong> bidons (d) ou <strong>de</strong> s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre (d) <strong>en</strong>tre le fromager et les producteurs sur unedéfinition <strong>de</strong> la qualité autre que la normalisation (i) réglem<strong>en</strong>taire <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> matièregrasse:"Nous sommes donc am<strong>en</strong>és petit à petit à l'équipem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tanks (i) et à régler nos problèmesindividuellem<strong>en</strong>t par producteur (d)<strong>de</strong> leur qualité <strong>de</strong> lait (d).. Petit à petit nous serrons les contraintes auniveau du lait dit <strong>de</strong> haute qualité, mais au niveau <strong>de</strong>s producteurs, avec une information très poussée auniveau <strong>de</strong>s producteurs [...] On va essayer <strong>de</strong> standardiser (i), <strong>de</strong> banaliser <strong>en</strong> quelque sorte, le lait <strong>de</strong> hautequalité (d), directem<strong>en</strong>t chez le producteur" (1., p .. 6)[Notre cam<strong>en</strong>bert] se situe parmi les meilleurs, je dis pas le meilleur, c'est quand même un pasteurisé[mais, <strong>en</strong> plus] on n'a jamais un mauvais cam<strong>en</strong>bert, c'est-à-dire qu'on est assuré <strong>de</strong> la tiabilité (i) qui estla qualité industrielle par exell<strong>en</strong>ce" (Bon Père, pp. 23-24).Ce <strong>de</strong>rnier exemple fait clairem<strong>en</strong>t ressortir que le compromis suppose, outre <strong>de</strong>sdispositifs composites tels que ceux examinés, que <strong>de</strong>s personnes <strong>en</strong>gagées jou<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurcapacité à être et à agir dans <strong>de</strong>ux états conformes, l'un à la formule d'investissem<strong>en</strong>tindustrielle, l'autre à la formule domestique. Disons que les compromis étudiéscompr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans leur dispositif <strong>de</strong>s "experts domestiques" - si l'on peut risquer cetteformule monstrueuse. A plusieurs articulations <strong>de</strong> cette machinerie, on trouve laresponsabilité d'un "interprétant", ou d'un "co<strong>de</strong>ur", qui accommo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s informationsdomestiques (le terme d'information ne convi<strong>en</strong>t plus guère, faute d'une mise <strong>en</strong> formeindustrielle) et <strong>de</strong>s informations industrielles.L'i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ts mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination qui sont dans un rapport critique, lesuns avec les autres, éclaire égalem<strong>en</strong>t certaines t<strong>en</strong>sions internes à la théorie économique,qui reflèt<strong>en</strong>t d'ailleurs <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s critiques auxquelles les acteurs sont confrontés.Les efforts <strong>en</strong>trepris dans la théorie néoclassique pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte l'''efficacité'' <strong>de</strong>ressources <strong>de</strong> cette nature domestique t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à réduire la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux formesd'équilibre qui peuv<strong>en</strong>t se fon<strong>de</strong>r sur ces <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>urs et à traiter <strong>de</strong>s relationsdomestiques comme <strong>de</strong>s ext<strong>en</strong>sions <strong>de</strong>s relations marchan<strong>de</strong>s. Cep<strong>en</strong>dant, lorsques'affine l'exam<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la confrontation <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux formes <strong>de</strong> coordination différ<strong>en</strong>tes,l'analyse se rapproche <strong>de</strong> la perspective que nous avons adoptée ici. La principale notionforgée dans la littérature pour abor<strong>de</strong>r ce que nous avons désigné comme gran<strong>de</strong>urdomestique est celle d"'investissem<strong>en</strong>t - ou <strong>de</strong> capital - spécifique". Dans les PrincipJes ofeconomies, Marshall indiquait déjà le problème soulevé par un employé dont "lafamiliarité avec les g<strong>en</strong>s et les choses" <strong>de</strong> la maison serait dépourvue <strong>de</strong> valeur pour uneautre <strong>en</strong>treprise, <strong>de</strong> sorte qu'il ne pourrait la monnayer au cas où il <strong>de</strong>vrait changerd'<strong>en</strong>treprise: ce savoir-faire domestique n'est pas <strong>de</strong> même nature qu'une capacité156technique standardisée (<strong>de</strong> nature industrielle). Marshall avait conçu la notion <strong>de</strong> "quasir<strong>en</strong>tecomposite" pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> spécificités qui pouvai<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir égalem<strong>en</strong>t à uneproximité spatiale. O. Williamson remarque à juste titre que l'élaboration par Becker <strong>de</strong> lanotion <strong>de</strong> capital spécifique, conçue pour désigner le type <strong>de</strong> savoir-faire possédé parl'employé cité <strong>en</strong> exemple, ne r<strong>en</strong>d pas compte <strong>de</strong>s règles régissant sa mise <strong>en</strong> oeuvre,règles que l'on observe dans les marchés internes du travail: "rules governing ports of<strong>en</strong>try, jog lad<strong>de</strong>rs, bumping, grievance procedures" (Williamson [1985], p. 243). C'estcette panoplie <strong>de</strong> formes spécifiques que, sans <strong>en</strong> rester à une référ<strong>en</strong>ce à l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tsocial, nous avons traitée sur le même modèle que les investissem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> formesindustrielles (Eymard-Duvemay [1983], Thév<strong>en</strong>ot [1986a]) et dont nous avons recherché<strong>en</strong>suite l'économie propre dans le même cadre d'analyse que celui employé pour lesgran<strong>de</strong>urs marchan<strong>de</strong> ou industrielle (EG).Pour appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r ces spécificités qui contrevi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à une récupération <strong>de</strong>s coûtsd'investissem<strong>en</strong>t (Klein et Leffler [1981 D, O. Williamson a proposé d'ét<strong>en</strong>dre la notiond'investissem<strong>en</strong>t spécifique, notamm<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s actifs personnalisés parce qu'attachés à la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> spécifique d'un cli<strong>en</strong>t particulier (<strong>de</strong>dicated asset), ou à <strong>de</strong>s localisationsspécifiques (site specificity) (Williamson [1983]), autant <strong>de</strong> ressources dont nous avonsvu l'importance dans la nature domestique. Mais, surtout, il a montré que ces spécificitésappelai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s règles du jeu - ce qu'il nomme structures of governance - différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong>celles <strong>de</strong> l'échange marchand (market governance) (Williamson [1985D. Tirant bénéfice<strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>s institutionnalistes, <strong>de</strong> l'att<strong>en</strong>tion portée par J. Commons [1934] auxcontraintes d'harmonisation <strong>de</strong>s relations industrielles, et <strong>de</strong> l'acc<strong>en</strong>t mis par R.H. Coase[1987] sur la fonctionnalité d'une coord ination par l'<strong>en</strong>treprise lorsque les coûts d'unetransaction marchan<strong>de</strong> sont élevés, O. Williamson fait ressortir la distinction <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>uxcas <strong>de</strong> figure, l'un où la compétition règle une situation dans laquelles les ressources sontmarchan<strong>de</strong>s (mobiles, rev<strong>en</strong>dables, etc.), l'autre où la promesse régit une situation oùsont <strong>en</strong>gagés <strong>de</strong>s actifs spécifiques dans <strong>de</strong>s relations coutumières (WiIliamson [1985],p. 30-35). Le <strong>de</strong>uxième cas est toutefois l'objet d'une réduction parce que l'économie <strong>de</strong>la gran<strong>de</strong>ur domestique n'est pas analysée, l'auteur s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant à la dénonciation classique<strong>de</strong> l'autoritarisme <strong>de</strong>s relations hiérarchiques.O. Williamson s'intéresse à <strong>de</strong>s situations troublées par la confrontation <strong>de</strong> ressources <strong>de</strong>plusieurs natures (cf. l'exemple du v<strong>en</strong><strong>de</strong>ur/donneur <strong>de</strong> sang <strong>de</strong> la section 1). Comm<strong>en</strong>ous l'avons vu précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t (§ 7), c'est dans <strong>de</strong> telles situations, où chaque forme <strong>de</strong>coordination perd son assise naturelle du fait <strong>de</strong> la confrontation critique avec une autre,que s'ouvre la possibilité d'une action stratégique du type <strong>de</strong> celle que Williamsonqualifie d"'opportuniste". O. Williamson recherche les règles du jeu qui permett<strong>en</strong>td'échapper à cet opportunisme dans le cours même <strong>de</strong>s relations ex-post, sans s'<strong>en</strong>remettre à la confection d'un système d'incitations et d'un contrat ex-ante. Comme onpeut s'y att<strong>en</strong>dre, Williamson retrouve un certain nombre <strong>de</strong> dispositifs d'ordredomestique, <strong>de</strong>puis l'intégration dans une même "maison", jusqu'à une exclusivitéterritoriale ou <strong>de</strong>s contraintes <strong>de</strong> dép<strong>en</strong>dance mutuelle, <strong>en</strong> passant par le recours à unarbitrage informel. Mais il réduit la portée <strong>de</strong> ces dispositifs qu'il traite comme <strong>de</strong>sarrangem<strong>en</strong>ts bilatéraux. De même, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s trois dim<strong>en</strong>sions qu'il propose pourl'analyse <strong>de</strong>s situations et le diagnostic <strong>de</strong>s règles du jeu adaptées, la spécificité <strong>de</strong>sressources et le caractère coutumier <strong>de</strong>s relations, relèv<strong>en</strong>t clairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ordredomestique, alors que la troisième, l'incertitu<strong>de</strong> qui pèse sur l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s relations,r<strong>en</strong>voie notamm<strong>en</strong>t à la différ<strong>en</strong>ce d'appréh<strong>en</strong>sion du temps dans les natures marchan<strong>de</strong>et domestique.Parallèlem<strong>en</strong>t à ce courant, la théorie <strong>de</strong> la relation principal-ag<strong>en</strong>t contribue à untraitem<strong>en</strong>t rigoureux et formalisé <strong>de</strong>s contrats et <strong>de</strong>s incitations propres à réguler uneorganisation élém<strong>en</strong>taire dont la constitution ti<strong>en</strong>t, là <strong>en</strong>core, à une hétérogénéité ou à uneasymétrie critique. Une variable cruciale n'est pas connue <strong>de</strong> la même façon par <strong>de</strong>uxacteurs, faisant obstacle à l'établissem<strong>en</strong>t d'un contrat <strong>de</strong> v<strong>en</strong>te simple. Ce modèle <strong>de</strong>relation <strong>en</strong>tre au moins <strong>de</strong>ux part<strong>en</strong>aires peut servir à styliser le fonctionnem<strong>en</strong>t d'une<strong>en</strong>treprise, <strong>en</strong> donnant une représ<strong>en</strong>tation composite qui rompt avec la conception <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise comme ag<strong>en</strong>t agrégé. Il peut aussi r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> relations <strong>en</strong>tre <strong>en</strong>treprises(avec un sous-traitant ou un distributeur). Ce modèle permet donc d'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r157


certaines <strong>de</strong>s situations critiques qui nous occup<strong>en</strong>t ici, notamm<strong>en</strong>t les rapportsproducteur-distributeur, <strong>en</strong> montrant <strong>en</strong> particulier que les différ<strong>en</strong>tes contraintesverticales (sur les prix <strong>de</strong> détail ou l'exclusivité <strong>de</strong>s territoires) ne sont pas substituables(Rey et Tirole [1986]).Le cadre d'analyse que nous offrons propose un traitem<strong>en</strong>t symétrique <strong>de</strong>s modalitésd'action dont la confrontation <strong>en</strong>traîne <strong>de</strong>s situations critiques. Cette symétrie permet <strong>de</strong>redresser certains biais auxquels conduis<strong>en</strong>t l'ext<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la notion d'information etl'opposition <strong>en</strong>tre information publique et information privée. Ainsi, les problèmes <strong>de</strong>hasard moral surgiss<strong>en</strong>t typiquem<strong>en</strong>t lorsqu'un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> connaissance domestiquesupposant la proximité r<strong>en</strong>contre un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> connaissance marchand cristallisé dans leprix <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s universellem<strong>en</strong>t définis. On peut réinterpréter <strong>de</strong> cette façon la situation,déjà évoquée dans la section 7, d'un "marché" <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s d'occasion. L'incertitu<strong>de</strong> sur laqualité, critique pour l'épreuve marchan<strong>de</strong>, peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir naturelle dans une épreuvedomestique. Comme le montre Eymard-Duvernay [1986], l'autre exemple rapproché duprécé<strong>de</strong>nt par G. Akerlof [1970], celui d'un "marché" où se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s restaurants<strong>de</strong> chaîne et <strong>de</strong>s restaurants locaux, est justiciable <strong>de</strong> la même analyse. "Lesconsommateurs locaux, qui ont ce type <strong>de</strong> ressources spécifiques (constituéeslocalem<strong>en</strong>t), peuv<strong>en</strong>t sélectionner les restaurants locaux qui offr<strong>en</strong>t un meilleur produitque les chaînes. Les étrangers se repos<strong>en</strong>t sur l'i<strong>de</strong>ntification marchan<strong>de</strong> apportée par unemarque" (ibid). Les premiers se livr<strong>en</strong>t à une épreuve domestique, reposant sur la forme<strong>de</strong> connaissance congru<strong>en</strong>te, les seconds, "étrangers" à cette nature, doiv<strong>en</strong>t s'ori<strong>en</strong>ternaturellem<strong>en</strong>t vers une épreuve marchan<strong>de</strong>.Cette situation est aussi celle du "marché" du crédit qui peut-être octroyé selon unejustification industrielle, marchan<strong>de</strong> ou domestique (Wissler [1989]). Ainsi, pour nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ir ici aux <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers cas, les acteurs peuv<strong>en</strong>t, libres <strong>de</strong> toute attache, n'être mus quepar le désir <strong>de</strong> saisir immédiatem<strong>en</strong>t toute opportunité <strong>en</strong> prospectant et <strong>en</strong> comparant <strong>de</strong>staux, ou bi<strong>en</strong> s'accor<strong>de</strong>r, par l'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> li<strong>en</strong>s <strong>de</strong> fidélité et à partir d'uneimplantation locale, sur <strong>de</strong>s services sur mesure. La confrontation <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux épreuves<strong>de</strong> réalité <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre une situation critique. J.E. Stiglitz et A. Weiss ont étudié cessituations complexes comme <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> sélection adverse. Ils montr<strong>en</strong>t ainsil'efficacité d'un rationnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'offre <strong>de</strong> crédit [1981] <strong>de</strong> même qu'un rationnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>l'offre <strong>de</strong> travail était la réponse au hasard moral pesant sur l'effort <strong>de</strong>s salariés (Shapiroet Stiglitz [1984D. La complexité <strong>de</strong> la situation est traitée <strong>de</strong> façon plus symétrique sil'on fait apparaître, conjointem<strong>en</strong>t à l'épreuve marchan<strong>de</strong>, la possibilité d'une épreuvedans une autre nature, <strong>en</strong> l'occur<strong>en</strong>ce domestique. Implantée localem<strong>en</strong>t, la banque peuts'appuyer sur <strong>de</strong>s formes domestiques du probable pour apprécier <strong>en</strong> toute confiance lesactions <strong>de</strong> ses cli<strong>en</strong>ts fidélisés. Cep<strong>en</strong>dant un concurr<strong>en</strong>t peut, selon une bonne raisonmarchan<strong>de</strong>, chercher à démarcher le cli<strong>en</strong>t précé<strong>de</strong>nt. Mais, comme le remarqu<strong>en</strong>t Stiglitzet Weiss [I981], "si une banque cherche à attirer les cli<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ses concurr<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> leuroffrant un taux d'intérêt plus bas, elle s'apercevra que son offre sera contrée par un tauxd'intérêt aussi bas dans le cas d'un "bon" cli<strong>en</strong>t (a "good" credit risk), et ne sera passuivie si l'emprunteur n'est pas un tel cli<strong>en</strong>t. De ce fait, les banques chercheront rarem<strong>en</strong>tà faucher <strong>de</strong>s cli<strong>en</strong>ts à leurs concurr<strong>en</strong>ts".5. DYNAMIQUE DE LA COORDINATION, BLOCAGES ET INJUSTICESLa prés<strong>en</strong>tation successive <strong>de</strong> ces mon<strong>de</strong>s mettant davantage l'acc<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s contraintesstructurelles <strong>de</strong> l'action que sur la dynamique du jeu <strong>de</strong>s acteurs, nous voudrions rev<strong>en</strong>ir,<strong>en</strong> conclusion, sur les sources <strong>de</strong> cette dynamique que préserve le cadre d'analyse.La première source <strong>de</strong> jeu provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la relance incessante <strong>de</strong> l'épreuve au sein <strong>de</strong> chacun<strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntifiés. La gran<strong>de</strong>ur étant une forme <strong>de</strong> généralité, la spécification <strong>de</strong> cettegran<strong>de</strong>ur offre le cadre <strong>de</strong>s disputes et <strong>de</strong>s mises à l'épreuve portant sur l'évaluation <strong>de</strong> cequi importe, <strong>de</strong> ce qui vaut <strong>en</strong> général. De ce type d'épreuve <strong>en</strong>gageant <strong>de</strong>s personnes et<strong>de</strong>s choses sort un nouveau partage <strong>en</strong>tre ce qui est objectif et ce qui ne l'est pas, créant<strong>de</strong> la sorte <strong>de</strong> nouveaux objets dans chaque nature.158L'empêchem<strong>en</strong>t du jeu, qui se manifeste par une attribution perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur à <strong>de</strong>spersonnes, est une injustice. Seule une telle dégradation correspond à une <strong>de</strong>scription <strong>en</strong>terme <strong>de</strong> système. Chaque mon<strong>de</strong> connaît ainsi sa limite systématique lorsque <strong>en</strong>l'abs<strong>en</strong>ce d'épreuve les gran<strong>de</strong>urs se fig<strong>en</strong>t dans une situation cérémonieuse reproduitesans incertitu<strong>de</strong>. Privé d'épreuve, l'ordre <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs fonctionne comme un système,système domestique où l'autorité <strong>de</strong> la tradition ne serait pas réactualisé, systèmeindustriel où la capacité <strong>de</strong>s experts échapperait à toute réévaluation pratique, systèmecivique où la représ<strong>en</strong>tation collective serait durablem<strong>en</strong>t réifiée.Ainsi, la critique du taylorisme est moins une mise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong> la nature industrielle et duprincipe d'éfficacité qui la fon<strong>de</strong>, nature qui ne cesse au <strong>de</strong>meurant <strong>de</strong> s'ét<strong>en</strong>dre dans lesdispositifs prés<strong>en</strong>tés comme alternatifs au taylorisme, qu'une critique <strong>de</strong> l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>relance d'une épreuve industrielle propre à tester les propositions d'experts, à vérifier queles faits sont conformes aux métho<strong>de</strong>s (Midler 1986). La critique plus savante <strong>de</strong> latechnique et <strong>de</strong> sa domination (Habermas 1973) contribuant à une réduction instrum<strong>en</strong>tale<strong>de</strong>s interactions sociales, suppose une telle réification <strong>de</strong> personnes qui serai<strong>en</strong>tnormalem<strong>en</strong>t susceptibles <strong>de</strong> relancer l'épreuve et <strong>de</strong> se disputer sur son issue.La <strong>de</strong>uxième possibilité <strong>de</strong> jeu offerte aux acteurs résulte <strong>de</strong> l'ouverture sur d'autresmon<strong>de</strong>s qui implique, non une relance, mais un changem<strong>en</strong>t radical <strong>de</strong> l'épreuve <strong>de</strong>réalité. Pas plus que chacun <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s, l'univers à plusieurs natures n'est un système,puisque les différ<strong>en</strong>ts mo<strong>de</strong>s d'actions justifiables sont incomm<strong>en</strong>surables et ne peuv<strong>en</strong>têtre articulés les uns aux autres. La mise <strong>en</strong> relation <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>ursincomm<strong>en</strong>surables est une tâche à laquelle se consacr<strong>en</strong>t acteurs et théorici<strong>en</strong>s, dans letravail <strong>de</strong> compromis et dans l'élaboration d'une nouvelle nature, mais elle est toujoursmise <strong>en</strong> péril par le rappel à chacune <strong>de</strong>s réalités sur lesquelles pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t appui cesgran<strong>de</strong>urs.De même, ce que l'analyse <strong>de</strong> nouvelles organisations productives manque souv<strong>en</strong>t àmontrer, c'est que les êtres <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>tes natures ne s'ajout<strong>en</strong>t pas simplem<strong>en</strong>t les unsaux autres comme les usages lâches <strong>de</strong>s termes "ressource" ou "capital" pourrai<strong>en</strong>t lelaisser à p<strong>en</strong>ser. Le terme <strong>de</strong> "réseau" t<strong>en</strong>d à participer à cette confusion <strong>en</strong> <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>antl'idée que les mailles du réseau sont <strong>de</strong> même facture, alors qu'un exam<strong>en</strong> plus précismontre qu'il s'agit tantôt d'un rapprochem<strong>en</strong>t domestique par la confiance, tantôt d'uneéquival<strong>en</strong>ce industrielle par <strong>de</strong>s techniques ou métho<strong>de</strong>s, tantôt d'un contrat marchand(pour une critique du flou <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> "linkage", voir Holmes 1986, p.98), tantôtd'un transfert d'information qui peut, à l'inverse d'une relation domestique, "relâcher lesli<strong>en</strong>s d'attachem<strong>en</strong>t local mutuel" (Storper Scott 1988 b, p.30). Aussi, la questioncruciale <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t celle <strong>de</strong>s points critiques où doiv<strong>en</strong>t être opérés <strong>de</strong>s compromis, ou <strong>de</strong>straductions (Callon Law 1989), <strong>en</strong>tre ces formes d'équival<strong>en</strong>ce hétérogènes.6. LA COORDINATION EN DEÇA DU JUGEMENT COMMUNEn <strong>de</strong>çà du jugem<strong>en</strong>t .. l'anicroche et le retour sur l'acion qui convi<strong>en</strong>tSans développer ici une pragmatique <strong>de</strong> la réflexion qui fait l'objet <strong>de</strong> recherches <strong>en</strong>cours, on peut suggérer quelques configurations principales, <strong>en</strong> partant <strong>de</strong> mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>moindre réflexivité qui se situ<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>de</strong>ça du jugem<strong>en</strong>t, puis <strong>en</strong> rev<strong>en</strong>ant sur la t<strong>en</strong>sion <strong>de</strong>l'arrêt du jugem<strong>en</strong>t, pour examiner <strong>en</strong>fin <strong>de</strong>s possibilités d'abaisser cette t<strong>en</strong>sion par ladiminution <strong>de</strong> la distance réflexive.Pour étudier la façon dont les acteurs s'ori<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t vers le jugem<strong>en</strong>t dans un cours d'action,nous adoptons un point <strong>de</strong> vue sur l'action qui privilégie le mom<strong>en</strong>t réflexif <strong>de</strong> retour surce qui s'est passé, ou d'interpétation <strong>de</strong> ce qui est <strong>en</strong> cours. Nous limitons lesinterrogations concernant les int<strong>en</strong>tions ou les croyances à l'analyse <strong>de</strong> la quête à laquelleprocè<strong>de</strong>nt les personnes elles-mêmes, notamm<strong>en</strong>t lorsqu'elles se livr<strong>en</strong>t à un procèsd'int<strong>en</strong>tion.L'<strong>en</strong>trée dans l'action par le mom<strong>en</strong>t du retour interprétatif n'est pas biaisée parl'importance que nous avons attachée .. aux étapes antérieures <strong>de</strong> la recherche - à la159


j~t~fication. Elle constitue une <strong>en</strong>trée raisonnable, dans la mesure où elle ti<strong>en</strong>t compte <strong>de</strong>slimites aux~uel1es les acteurs sont astreints pour i<strong>de</strong>ntifier les actions <strong>de</strong>s autres et leurs~~opres a~tIO~s. ~r, la connaissance <strong>de</strong>s acteurs ne peut se former qu'à l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>1 ~chec, ~ est-à-dire dans l~ r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong> quelque chose qui cloche, dans la découverted ~ne amcroc~e. Pou~' acce~er au ret~ur réflexif, il faut donc s'intéresser <strong>en</strong> priorité auxamcroc~es.q~.1condUIS<strong>en</strong>! 1acteur, meme <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>ce d'autres êtres humains~t,a fortiori s Il est <strong>en</strong>gage dans une action commune avec eux, à expliciter <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>tes à1ega!"d <strong>de</strong>s. choses ou <strong>de</strong>s personnes impliquées. On se retrouve donc là face à unef(~.latIo~ qUI ra~pelle celle du jugem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre une att<strong>en</strong>te insatisfaite et la nécessitéd I~<strong>en</strong>tIfi~r les .etres sur la capacité <strong>de</strong>squels on doit pouvoir compter pour réaliser uneacnon qUI convi<strong>en</strong>ne.l,l reste que le reto~r réflexif da~s le cours d'action ne repose pas sur l'usage du langage à1oeuvre dans .le )ugem<strong>en</strong>t, qUI suppose <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte d'un état <strong>de</strong> fait dans un~pport. A .la différ<strong>en</strong>ce du rapport, le retour réflexif n'a pas pour contrainte <strong>de</strong> conc<strong>en</strong>trer1eta~ <strong>de</strong> faIt. sous une forme telle qu'il puisse être transporté sans <strong>en</strong>traîner à sa suite lecortege <strong>de</strong> CIrconstances vers lequel il pointerait. Les désignations <strong>de</strong>s êtres peuv<strong>en</strong>t resterfloues ~t locales, du ~~m<strong>en</strong>t qu'elles serv<strong>en</strong>t ici et maint<strong>en</strong>ant à saisir l'anicroche. Ellessont fm?lem<strong>en</strong>~ controlees da?s leu; relation aux référ<strong>en</strong>ts, et amplem<strong>en</strong>t épaulées par <strong>de</strong>sa~tes ~ ~st<strong>en</strong>~~on. La que~tIOn d une qualification commune n'est pas posée, et lanecessite ne s Impose pas d ~n passer par <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs légitimes pour appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r lespersonnes. Le cou.rs <strong>de</strong> l'action peut être modifié par l'un ou l'autre <strong>de</strong>s acteurs <strong>en</strong>gagés~ans ~~e s.e manIfest~nt pour autant une exig<strong>en</strong>ce d'accord sur l'inci<strong>de</strong>nt, ni uneI<strong>de</strong>nt}fIcatIOn <strong>de</strong>s <strong>de</strong>fauts permettant <strong>de</strong> généraliser l'inci<strong>de</strong>nt et d'<strong>en</strong> tirer lesc,onsequ<strong>en</strong>ces. Dans c~t!e configuration, les acteurs ne dispos<strong>en</strong>t d'aucun moy<strong>en</strong> pours assurer <strong>de</strong> la conformité <strong>de</strong>s mterpretattons effectuées par les différ<strong>en</strong>ts protagonistes.l'usage humain dujugem<strong>en</strong>t et la tolérance dans l'action~e ral?port .humain au jugem<strong>en</strong>t consiste à ne pas résorber l'inquiétu<strong>de</strong> <strong>en</strong> arrêtantl,aPl?reh<strong>en</strong>sIOn. <strong>de</strong>s personnes sur ce mom<strong>en</strong>t. Il suppose d'accepter, dans la suite <strong>de</strong>1action, la t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre la qualification <strong>de</strong>s états-personnes et la construction <strong>de</strong> la notiond~ personne com.me être irré~uctible à ses qualifications. Cette posture se réalise dans lefait d~ ne pas traiter toute acnon comme épreuve, c'est-à-dire <strong>de</strong> rester dans l'action sans~e preocc~p,ersans cesse <strong>de</strong> sa conformité au jugem<strong>en</strong>t. Cela <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une tolérance auxecarts ,tr~I~es comme s'ils ne ~irai<strong>en</strong>t pas à conséqu<strong>en</strong>ce. La tolérance n'est donc pasabor<strong>de</strong>e ICI co~~e ~ne conduite ~?rale: mais comme une exig<strong>en</strong>ce pragmatique. Sans~lle, le retour a.l act~on est contrane. SOIt on reste dans une perspective perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong>Ju~e.m<strong>en</strong>! m~~ll!estee p~: un soupçon ce ,qui, <strong>en</strong> empêchant <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre part à l'action,r,eJo~nt 1anxiete para!101~q~e m<strong>en</strong>tionnee plus haut. Soit <strong>en</strong>core, s'<strong>en</strong>gageant dans!action, on che:che a reahser un dispositif d'objets rigoureusem<strong>en</strong>t conforme auJugeme~t, <strong>en</strong> faisant ~<strong>de</strong> toute action une épreuve. C'est le cas, par exemple, dans la~onceptIOn <strong>de</strong> la chaI~e, <strong>de</strong>.montage. La coordination y est à ce point calée sur <strong>de</strong>sl~s~rum<strong>en</strong>ts aux cap~cltes ngoureusem<strong>en</strong>t définies que tout écart est immédiatem<strong>en</strong>tv~sIbl~ comme une <strong>de</strong>fail!ance et inte:dit que ses conséqu<strong>en</strong>ces sur les autres puiss<strong>en</strong>t êtrereparees par <strong>de</strong>s,correcnons. ~u POInt <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la morale, par rapport à la figure dupar~~n, cette tolera~ce pragmatIque est comprise dans la pati<strong>en</strong>ce. Retardant le mom<strong>en</strong>t?e 1epreuve, elle ecarte la volonté <strong>de</strong> connaître qui pousse à l'<strong>en</strong>quête et porte auJugem<strong>en</strong>t.La toléran.ce p~rm~t <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre la position dans laquelle les acteurs port<strong>en</strong>t le poids <strong>de</strong>la correction Isolem<strong>en</strong>t, ~ans la mettre au jour par une remarque ou une excuse. C'estseulem~nt 10,r.sq~'on ravIv.e les ac~i~ités <strong>de</strong> cumul et que, perdant pati<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>vant unesUc~~ssIOn d InCI~<strong>en</strong>ts .mIs <strong>en</strong> s<strong>en</strong>e, on rapproche la défaillance <strong>de</strong> défaillancesant<strong>en</strong>~~res, que 1on gh,~se vers une interrogation, qui reste d'abord privée, sur lescapacites <strong>de</strong>s personnes ( ça ne peut plus durer, c'est un incapable").Le mod~le d'action, ~er.s lequel nous nous ori<strong>en</strong>tons, qui rapproche les exig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> lapragmatIque et <strong>de</strong> 1ethlqu~, p~rmet d'éviter une réduction <strong>de</strong> l'éthique à la question duJugem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> portant att<strong>en</strong>tion a la façon dont les g<strong>en</strong>s trait<strong>en</strong>t la t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre l'exig<strong>en</strong>ce160d'un jugem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> formé, qui va absorber les personnes dans <strong>de</strong>s états-personnes, et lesexig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>s personnes réclamant que soit laissé ouvert leur champ d'action. Une actionhumaine qui r<strong>en</strong>oncerait à l'épreuve et se passerait du jugem<strong>en</strong>t peut être considéréecomme utopique, mais un cours d'action constamm<strong>en</strong>t contrôlé et généralisé sur le mo<strong>de</strong><strong>de</strong> l'épreuve serait proprem<strong>en</strong>t inhumain. Une pragmatique <strong>de</strong> la réflexion doit r<strong>en</strong>drecompte du passage <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts d'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans l'action et d'abaissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> laréflexion qui se manifest<strong>en</strong>t dans la tolérance ou l'accommo<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t local et qUIpeuv<strong>en</strong>taller jusqu'à l'oubli du pardon, et <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> retour <strong>de</strong> l'action sur elle-même dansla crise et <strong>de</strong> fixation <strong>de</strong> la réalité dans le procès-verbal.La démarche suivie, <strong>en</strong> prolongeant l'exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> la justification vers une analyse plusgénérale <strong>de</strong> la relation <strong>en</strong>tre réflexion et action, permet d'é~happer à une alternativeclassique dans les sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'homme. Dans cette alternanve, les approches qUI nes'intéress<strong>en</strong>t aux conduites humaines qu'<strong>en</strong> tant qu'elles se ramèn<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s décisions <strong>de</strong> laraison _ traitées comme le seul objet pemettant d'accé<strong>de</strong>r à une vérité - sont opposées àcelles qui, associant la réflexion à une rationalisation illusoire, se donn<strong>en</strong>t pour projet unaccès direct à la réalité <strong>de</strong> pratiques dont les raisons serai<strong>en</strong>t méconnues <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts. Poursurmonter cette opposition il faut <strong>en</strong> effet l'extraire <strong>de</strong> l'espace <strong>de</strong>s querelles doctrinales,où s'oppos<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s anthropologies incompatibles, et la c~mpr<strong>en</strong>dre dans le co~rs <strong>de</strong>sactivités humaines où elle est à l'oeuvre. Les personnes doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet, pour faire faceau mon<strong>de</strong>, procé<strong>de</strong>r à un continuel va-et-vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre la réflexion et l'action, <strong>en</strong> basculantsans cesse <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> maîtrise consci<strong>en</strong>te et <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts où l'appel duprés<strong>en</strong>t les embarqu<strong>en</strong>t dans le cours <strong>de</strong>s choses. L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong> juger et <strong>de</strong> lastructure <strong>de</strong>s jugem<strong>en</strong>ts bi<strong>en</strong> formés est, certes, indisp<strong>en</strong>sable à l'analyse du s<strong>en</strong>s dujuste. Mais elle ne l'épuise pas car elle laisse échapper la t<strong>en</strong>sion qui pèse sur le s<strong>en</strong>s dujuste quand il est mis <strong>en</strong> oeuvre. Pour continuer à l'explorer il faut donc le suivre dans lesopérations qui form<strong>en</strong>t la trame <strong>de</strong> la vie quotidi<strong>en</strong>ne. L'élaboration d'un modèledynamique <strong>de</strong>vrait permettre <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre les séqu<strong>en</strong>ces qui échapp<strong>en</strong>t jusqu'à prés<strong>en</strong>tà l'analyse, parce que les ruptures qu'elles impliqu<strong>en</strong>t confèr<strong>en</strong>t une appar<strong>en</strong>ce chaotiqueau cheminem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes, <strong>de</strong> la réparation à la crise, <strong>de</strong> la tolérance à la dispute, dujugem<strong>en</strong>t à l'oubli "BIBLIOGRAPHIEAKERLOF G., 1970 : "The Market Fot 'Lemons' : Quality Uncertainty and the Market Mechanism",Quaterly Journal ofEconomies, n° 84, pp. 488-500.ARROW K. 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1. Christian SCHMIDTRAPPORTSLa communication <strong>de</strong> Laur<strong>en</strong>t THEVENOT et les travaux antérieurs sur lesquels elle s'appuiesoulèv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux questions <strong>de</strong> portée considérable que notre rapport ne pourra évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>tpas trancher. Son objectif vise seulem<strong>en</strong>t à permettre <strong>de</strong> les éclairer: (1) la coordination peutelleconstituer un objet sci<strong>en</strong>tifique? (2) Si oui, son étu<strong>de</strong> pourrait-elle r<strong>en</strong>ouveler les théories<strong>de</strong> l'organisation? Pour contribuer à leur exam<strong>en</strong>, on se propose <strong>de</strong> suivre la démarcheadoptée par l'auteur <strong>en</strong> signalant les prolongem<strong>en</strong>ts, les interrogations et les critiques qu'ell<strong>en</strong>ous semble susciter.1. La coordination considérée <strong>en</strong> creuxLorsqu'il introduit le thème <strong>de</strong> la coordination, Laur<strong>en</strong>t THEVENOT pr<strong>en</strong>d soin d'insister sur lapluralité <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>trées. Il <strong>en</strong> privilégie <strong>de</strong>ux qui constitu<strong>en</strong>t, selon lui, ses ressorts principaux. Ils'agit, d'une part, <strong>de</strong> la règle et, <strong>de</strong> l'autre, <strong>de</strong> l'équilibre. Il distingue <strong>en</strong>tre eux une prioritéhiérarchique, puisqu'il considère que l'équilibre intervi<strong>en</strong>t comme un modèle <strong>de</strong>stiné à pallierles insuffisances <strong>de</strong> la règle.On pourrait débattre <strong>de</strong> cette interprétation quelque peu singulière, <strong>de</strong> même, du reste, que <strong>de</strong>l'assimilation postulée au départ par Laur<strong>en</strong>t THEVENOT <strong>en</strong>tre la coordination et l'ordre. Maisacceptons provisoirem<strong>en</strong>t l'arbitraire <strong>de</strong> ces affirmations pour réfléchir sur les li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre lacoordination et les concepts <strong>de</strong> règle et d'équilibre évoqués par l'auteur. Il les <strong>en</strong>visage dansune perspective positive. La coordination r<strong>en</strong>voie à une règle acceptée par tous, ou, à défaut, àun équilibre résultant <strong>de</strong> l'interaction <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts" Ce n'est pourtant pas ainsi que se signalel'exist<strong>en</strong>ce d'un problème <strong>de</strong> coordination. Elle se manifeste, au contraire, le plus souv<strong>en</strong>t à lafaveur d'un échec ( "tellure'), ou tout au moins d'une lacune ("Iack" dans le processus socialconsidéré.Soit, par exemple, la règle <strong>de</strong> droit, l'apparition d'un vi<strong>de</strong> juridique montre que la seuleréfér<strong>en</strong>ce à une règle peut se révéler impuissante à assurer la coordination <strong>de</strong>s activités<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drant <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts individuels inadaptés. Sans aller jusque là, une allianceinstitutionnalisée par <strong>de</strong>s règles, risque toujours d'<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer les comportem<strong>en</strong>ts indésirables<strong>de</strong> "passages clan<strong>de</strong>stins" étudiés <strong>de</strong>puis longtemps par l'analyse économique. En bref, c'estpar le biais d'anomalies ou <strong>de</strong> dysfonctionnem<strong>en</strong>ts dans les systèmes régis par la règle que serévèle principalem<strong>en</strong>t la dim<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la coordination traquée par Laur<strong>en</strong>t THEVENOT et sescollègues.Une observation presque parallèle peut être faite à propos <strong>de</strong>s modèles d'équilibre. La prise <strong>de</strong>consci<strong>en</strong>ce du niveau propre à la coordination se fait principalem<strong>en</strong>t à l'occasion <strong>de</strong> la difficulté<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drée par la pluralité fréqu<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s équilibres possibles dans une situation donnée. C'estdu reste par ce biais que le problème <strong>de</strong> la coordination a fait son <strong>en</strong>trée dans la théorie <strong>de</strong>sjeux. L'observation <strong>de</strong> ce phénomène fréqu<strong>en</strong>t dans les jeux non-coopératifs a notamm<strong>en</strong>tconduit SCHELLING à imaginer une catégorie nouvelle, celle <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> coordination,longtemps passée inaperçue dans la littérature économique. Cette faille apparue dans lathéorie <strong>de</strong>s jeux met <strong>en</strong> lumière le problème <strong>de</strong> la coordination dans le cadre <strong>de</strong>s modèlesd'équilibre.Cette approche <strong>de</strong> la coordination comme un manque et/ou d'anomalie a le mérite <strong>de</strong> faciliter lacaractérisation <strong>de</strong> la problématique <strong>de</strong> la coordination que Laur<strong>en</strong>t THEVENOT se proposed'analyser. La coordination, <strong>en</strong> effet, n'est pas réductible à une analyse <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> rationalitéindividuelle, au moins au s<strong>en</strong>s où on l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d traditionnellem<strong>en</strong>t dans la perspective <strong>de</strong>sthéories bayesi<strong>en</strong>nes <strong>de</strong> la décision. Elle se développe sur un registre plus familier auxlinguistes qu'aux économistes ou aux sociologues, qui distingu<strong>en</strong>t la "performance" <strong>de</strong> la"compét<strong>en</strong>ce'. Ainsi, dans le cas <strong>de</strong>s jeux, l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> points d'équilibre <strong>de</strong> NASH n'est passuffisante pour garantir leur accessibilité par les joueurs (SCHMIDT, 1991). De même, lareconnaissance d'une règle <strong>de</strong> droit n'implique pas nécessairem<strong>en</strong>t la régulation recherchée.En termes carnapi<strong>en</strong>s, la coordination ne relève donc pas <strong>de</strong> la sémantique mais apparti<strong>en</strong>t à lapragmatique.1662. Une proposition <strong>de</strong> programme <strong>de</strong> recherchePour approfondir l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la coordination, Laur<strong>en</strong>t THEVENOT énonce que son programme<strong>de</strong> recherche repose sur un exam<strong>en</strong> préalable <strong>de</strong>s trois séries d'hypothèses suivantes: H1relatives à l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes; H2 portant sur les objets qui leur sont extérieurs maisqui concern<strong>en</strong>t leurs relations; H3 visant la forme prise par la coordination.L'intellig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cette tripartition se heurte à quelques difficultés. En premier lieu, H3s'appar<strong>en</strong>te à un sophisme <strong>de</strong> composition, puisque l'énoncé <strong>de</strong> ces hypothèses présupposedéjà connu ce qu'elles <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t contribuer à mieux appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r, c'est-à-dire la coordinationelle-même. En second lieu, le cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong> H1 et <strong>de</strong> H2 <strong>de</strong>vrait être précisé. Ainsi la compét<strong>en</strong>ce<strong>de</strong>s personnes (H1) implique-t-elle <strong>de</strong>s hypothèses distinctes sur les informations et sur leurconnaissance? De même, parmi les objets auxquels s'appliqu<strong>en</strong>t les relations <strong>en</strong>tre lespersonnes (H2) faut-il ne pas confondre ceux sur lesquels port<strong>en</strong>t les transactions <strong>de</strong> ceux quisont susceptibles <strong>de</strong> constituer une référ<strong>en</strong>ce indirecte parfois nécessaire à leur réalisation.En prolongeant l'analyse <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux distinctions, on se trouve conduit à infléchir quelque peuce programme <strong>de</strong> recherches. Considérons d'abord H1. Laur<strong>en</strong>t THEVENOT note à titred'exemple que cette catégorie conti<strong>en</strong>t l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s hypothèses regroupées sousl'appellation <strong>de</strong> "rationalité" dans les modèles <strong>de</strong> marché d'inspiration néo-classique. Enpoursuivant ce constat, on peut montrer que la rationalité procè<strong>de</strong> dans ce cadre particulier à unamalgame <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux notions analytiquem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tes correspondant respectivem<strong>en</strong>t àl'information et à la connaissance <strong>de</strong> cette information.Par information il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les données relatives aux événem<strong>en</strong>ts et/ou aux états dumon<strong>de</strong>. Elles peuv<strong>en</strong>t être précises ou imprécises, catégorielles ou probabilistes(SZANIAWSKI, 1967)64 De plus, lorsque l'information concerne le cadre particulier <strong>de</strong> lathéorie <strong>de</strong>s jeux, elle peut, <strong>en</strong> outre, être complète ou incomplète, parfaite ou imparfaite(HARSANYI, 1977). On notera que ces diverses catégories ne se recoup<strong>en</strong>t pas.Par connaissance, on doit compr<strong>en</strong>dre la portée cognitive <strong>de</strong>s informations recueillies ettraitées par les sujets. Elle r<strong>en</strong>voie donc à la fois aux représ<strong>en</strong>tations et à la consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>sag<strong>en</strong>ts déci<strong>de</strong>urs. Connaître une information ne signifie pas seulem<strong>en</strong>t la dét<strong>en</strong>ir mais <strong>en</strong>coresavoir qu'on la déti<strong>en</strong>t et comm<strong>en</strong>t il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'interpréter. La connaissance se prête ainsi àune décomposition <strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ts niveaux (ter <strong>de</strong>gré, 2ème <strong>de</strong>gré, etc ...).En repr<strong>en</strong>ant l'image un peu simplificatrice proposée par Laur<strong>en</strong>t THEVENOT du modèle néoclassiquedu marché, force est <strong>de</strong> constater que les hypothèses <strong>de</strong> rationalité qui sontgénéralem<strong>en</strong>t associées aux transactions r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt difficilem<strong>en</strong>t discernables l'information <strong>de</strong> laconnaissance. On y postule le plus souv<strong>en</strong>t, au moins implicitem<strong>en</strong>t, /'invariance, c'est-à-dire leprincipe selon lequel l'option choisie rationnellem<strong>en</strong>t est indép<strong>en</strong>dante <strong>de</strong> ses représ<strong>en</strong>tations(KHAN EMAN et TVERSKY, 1979, 1987). Dans <strong>de</strong> telles conditions la mise <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>plusieurs représ<strong>en</strong>tations r<strong>en</strong>dant intelligible un même <strong>en</strong>semble d'informations ne revêtaucune portée pragmatique et peut, par conséqu<strong>en</strong>t, être négligée dans l'analyse <strong>de</strong>sdécisions. Il est apparu, <strong>en</strong> revanche, que la connaissance n'était pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t réductible àl'information lorsque cette même hypothèse attachée à la rationalité se trouvait utilisée dans lecadre <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s jeux non-coopératifs. On peut certes considérer que supposer quechaque joueur est rationnel équivaut à ce que chacun sait qu'il est rationnel. De même, si par ladéfinition même du jeu, tous les joueurs sont s<strong>en</strong>sés être rationnels, on peut considérercomme une simple implication que chacun sait que tous les autres sont rationnels. On ne peutcep<strong>en</strong>dant <strong>en</strong> déduire que chacun sait que les autres sav<strong>en</strong>t qu'il sait, etc... que les uns et lesautres sont rationnels ("connaissance commune"). La rationalité peut donc faire l'objet <strong>de</strong>niveaux <strong>de</strong> connaissance que l'information seule lorsqu'elle est combinée au principed'invariance ne permet pas <strong>de</strong> singulariser6 564 Parcatégorielle il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre un nombre fini d'états du mon<strong>de</strong> dans chaque événem<strong>en</strong>t mais aucuneinformation sur la distribution <strong>de</strong> leur probabilité. SZANIAWSKI fait observer que cette informationcatégorielle peut être précise ou imprécise, comme l'information probabiliste, mais qu'il s'agit <strong>de</strong> typesdiffér<strong>en</strong>ts d'imprécision et qu'il n'est pas possible <strong>de</strong> passer directem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la première à la secon<strong>de</strong>,comme on est souv<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> le faire,65 C'est pourquoi l'introduction <strong>de</strong> plusieurs déci<strong>de</strong>urs dans la théorie <strong>de</strong>s jeux a pour conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>r<strong>en</strong>dre nécessaire le recours à cette dim<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la connaissance, même si elle adopte, par ailleurs,l'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong>s hypothèses <strong>de</strong> la rationalité bayesi<strong>en</strong>ne concernant le traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'incertitu<strong>de</strong>.167


Rev<strong>en</strong>ons maint<strong>en</strong>ant au problème <strong>de</strong> la coordination que l'on a proposé d'abor<strong>de</strong>r parl'analyse <strong>de</strong>s symptômes <strong>de</strong> dysfonctionnem<strong>en</strong>t. Les difficultés diagnostiquées dansl'accessibilité <strong>de</strong>s équilibres par les ag<strong>en</strong>ts économiques déc<strong>en</strong>tralisés repos<strong>en</strong>t moins sur <strong>de</strong>slacunes d'information que sur un manque <strong>de</strong> connaissance. De même, les co<strong>de</strong>s ne seréduis<strong>en</strong>t pas à un catalogue d'informations, mais traduis<strong>en</strong>t un dispositif cognitif particulier. Undéfaut <strong>de</strong> réglem<strong>en</strong>tation ne s'interprète pas exclusivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> défici<strong>en</strong>ced'information.Laur<strong>en</strong>t THEVENOT souligne que, dans le modèle néo-classique <strong>de</strong> marché, l'acc<strong>en</strong>t se trouveplacé sur H1 au point d'<strong>en</strong> arriver à ignorer H2. Ce choix conduit naturellem<strong>en</strong>t à imputerl'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> la coordination aux hypothèses concernant les informations et leursconnaissances fondues, comme on l'a vu, dans le concept hypertrophié <strong>de</strong> rationalité.L'objectif <strong>de</strong> Laur<strong>en</strong>t THEVENOT est alors <strong>de</strong> combattre ce biais <strong>en</strong> réintroduisant H2, afin <strong>de</strong>reporter <strong>en</strong> partie sur elles la charge <strong>de</strong> la coordination qui, selon lui, "... pèse surl'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes dans leurs spéculations, leurs jugem<strong>en</strong>ts et leurs justifications"(THEVENOT, 1989). Cette inflexion proposée va cep<strong>en</strong>dant beaucoup plus loin que nelaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les propos <strong>de</strong> l'auteur.Si l'on sait <strong>de</strong>puis SIMON que la rationalité n'est pas indép<strong>en</strong>dante <strong>de</strong>s informations dontdispos<strong>en</strong>t les déci<strong>de</strong>urs (rationalité limitée), on a rarem<strong>en</strong>t analysé selon quelles modalités sontsélectionnées les informations pertin<strong>en</strong>tes. Cette remarque rejoint directem<strong>en</strong>t le propos <strong>de</strong>Laur<strong>en</strong>t THEVENOT concernant le vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> H2. Sur quels objets port<strong>en</strong>t les informations quinourriss<strong>en</strong>t le calcul rationnel <strong>de</strong>s opérateurs? Pour mesurer la portée <strong>de</strong> cette lacune dans ceque Laur<strong>en</strong>t THEVENOT considère comme l'approche <strong>de</strong> la coordination par l'équilibre, il suffit<strong>de</strong> considérer l'idée <strong>de</strong> connaissance commune.On a coutume <strong>de</strong> la caractériser par la propriété logique <strong>de</strong> régression à l'infini, sans sepréoccuper du cont<strong>en</strong>u sémantique <strong>de</strong> l'objet auquel elle est appliquée. Ainsi, AUMANN(1976) et, à sa suite, la majorité <strong>de</strong>s théorici<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s jeux ont-ils restreint leur analyse <strong>de</strong> ceconcept au seul domaine <strong>de</strong> la rationalité, ce qui revi<strong>en</strong>t, selon les catégories <strong>de</strong> Laur<strong>en</strong>tTHEVENOT, à ét<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core le champ <strong>de</strong> H1, Telle n'était pas l'intuition initiale <strong>de</strong>SCHELLING lorsqu'il suggérait pour la première fois la possibilité d'un li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre la coordinationdans un jeu non-coopératif et l'exist<strong>en</strong>ce d'une connaissance commune aux différ<strong>en</strong>ts joueurs(SCHELLING, 1960). Bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> prêter la propriété <strong>de</strong> connaissance commune auxhypothèses qui caractéris<strong>en</strong>t traditionnellem<strong>en</strong>t la rationalité individuelle dans la théorie <strong>de</strong>sjeux, SCHELLING évoque, au contraire, l'idée d'une acception tout à fait différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong> larationalité à laquelle pourrait r<strong>en</strong>voyer cette référ<strong>en</strong>ce à une connaissance commune.La connaissance commune permettant la coordination porterait donc sur une informationextérieure au jeu pr<strong>en</strong>ant valeur <strong>de</strong> signal ou, au moins,d'indice. En d'autres termes, laconnaissance commune, telle qu'elle est conçue par SCHELLING, n'apparti<strong>en</strong>t pas à H1, maisdoit permettre d'offrir un pont <strong>en</strong>tre H1 et H2. Dans les différ<strong>en</strong>ts exemples qu'il énumère, <strong>en</strong>effet, cet indice se rapporte toujours au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s objets, au s<strong>en</strong>s où l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d Laur<strong>en</strong>tTHEVENOT, caractérisé par son extériorité vis-à-vis <strong>de</strong> la configuration mathématique résultantdu traitem<strong>en</strong>t du jeu et par son indép<strong>en</strong>dance par rapport aux calculs individuels <strong>de</strong>s joueurs(SCHELLING, 1960, p. 295).Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la formalisation rigoureuse du concept <strong>de</strong> connaissance commune due à AUMANN,il existe une différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> portée considérable <strong>en</strong>tre l'usage qui <strong>en</strong> est proposé par ce <strong>de</strong>rnieret par SCHELLING pour résoudre la question <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong>s stratégies individuelles. Lavoie choisie par AUMANN est, <strong>en</strong> effet, <strong>de</strong> supposer que, dans le cas d'un jeu à informationincomplète, la distribution <strong>de</strong>s probabilités a priori <strong>de</strong>s informations dont dispos<strong>en</strong>t les joueurssont i<strong>de</strong>ntiques et constitu<strong>en</strong>t une connaissance commune. Si tel est le cas, les joueurs setrouv<strong>en</strong>t dans l'impossibilité logique <strong>de</strong> s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre pour ne pas s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre et la coordination<strong>de</strong>s stratégies assurée par cette réinterprétation particulière <strong>de</strong> la rationalité bayesi<strong>en</strong>ne conduità une nouvelle définition <strong>de</strong>s équilibres (équilibres corrélés, AUMANN, 1987).La direction esquissée par SCHELLING ne relie pas la coordination à la structure <strong>de</strong> l'informationassociée au jeu" Elle consiste à i<strong>de</strong>ntifier la coordination <strong>en</strong> termes d'équilibre (équilibre <strong>de</strong>coordination, SCHELLING, 1960), puis à montrer, cas par cas, comm<strong>en</strong>t la connaissancecommune d'une information extérieure r<strong>en</strong>d accessible aux joueurs ce type d'équilibre(SCH ELLlNG, 1960) - la coordination pouvant rester problématique alors même que ri<strong>en</strong> nes'oppose à ce que les joueurs s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>ntOr, le domaine d'application <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux solutions ne se recouvre pas" Ainsi l'introduction <strong>de</strong>l'hypothèse d'AUMANN est-elle susceptible <strong>de</strong> résoudre un problème <strong>de</strong> coordination posé168par le jeu du poulet, mais laisse <strong>en</strong>tier celui qui apparait dans les jeux <strong>de</strong> pure coordination oùles intérêts <strong>de</strong> tous les joueurs sont strictem<strong>en</strong>t i<strong>de</strong>ntiques. De plus, l'exam<strong>en</strong> critique <strong>de</strong>l'hypothèse <strong>de</strong> connaissance commune n'a presque ri<strong>en</strong> à voir dans les <strong>de</strong>ux cas. De manièretrès schématique, la connaissance commune selon AUMANN conduit à r<strong>en</strong>forcer <strong>en</strong>core lafermeture du jeu. Mais comm<strong>en</strong>t justifier une commune adhésion <strong>de</strong>s joueurs à ces probabilitésa priori i<strong>de</strong>ntiques? En s<strong>en</strong>s inverse, la connaissance commune conçue dans la perspective <strong>de</strong>SCHELLING offre une ouverture du jeu sur l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s joueurs, mais comm<strong>en</strong>tprocé<strong>de</strong>r au découpage et r<strong>en</strong>dre intelligible leur relation (BINMORE, 1990)66 ?Laur<strong>en</strong>t THEVENOT semble préférer la voie choisie par SCHELLING. Il nous invite donc, àl'<strong>en</strong>contre du courant dominant chez les économistes et les théorici<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s jeux représ<strong>en</strong>tépar AUMANN, à chercher directem<strong>en</strong>t la clef <strong>de</strong> la coordination au niveau <strong>de</strong> H2. Il propose,pour ce faire, une typologie <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination dérivée <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> qualification<strong>de</strong>s objets qu'il appréh<strong>en</strong><strong>de</strong> <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur (gran<strong>de</strong>ur "marchan<strong>de</strong>", gran<strong>de</strong>ur"industrielle", gran<strong>de</strong>ur "domestique", gran<strong>de</strong>ur "civique") (BOLTANSKI et THEVENOT, 1991).L'idée est sans doute séduisante, mais son exposé saute <strong>de</strong>s étapes dans le raisonnem<strong>en</strong>t etsuppose résolues un certain nombre <strong>de</strong> questions majeures qui n'ont pas <strong>en</strong>core, à notreconnaissance, été systématiquem<strong>en</strong>t explorées. On se cont<strong>en</strong>tera d'<strong>en</strong> formuler iciquelqu'unes dans le cadre privilégié <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s jeux non-coopératifs.Une première difficulté porte sur la définition pertin<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s objets qui sont au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>stransactions décrites par le jeu. Supposons, par exemple, qu'il s'agisse <strong>de</strong> négociationsmarchan<strong>de</strong>s portant sur <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> consommation. Les informations ret<strong>en</strong>ues par le jeu sontle plus souv<strong>en</strong>t réduites aux <strong>de</strong>ux dim<strong>en</strong>sions économiques traditionnelles <strong>de</strong>s prix et <strong>de</strong>squantités. Le problème qui se pose alors serait d'intégrer dans ce cadre analytique d'autresinformations résultant, par exemple, <strong>de</strong>s distinctions introduites par LANCASTER <strong>en</strong>trel'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s et l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong> ces bi<strong>en</strong>s. Non seulem<strong>en</strong>t lahiérarchie <strong>de</strong>s caractéristiques n'est pas nécessairem<strong>en</strong>t la même pour tous les joueurs, mais<strong>en</strong>core ils ne reti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas obligatoirem<strong>en</strong>t les mêmes caractéristiques.Une secon<strong>de</strong> difficulté plus délicate provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que tous les objets sur lesquels port<strong>en</strong>t lestransactions étudiées par le jeu r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t à d'autres objets qui n'<strong>en</strong> font pas partie, au moinsexplicitem<strong>en</strong>t.. Ainsi une opération immobilière, comme la v<strong>en</strong>te d'un local, concerne égalem<strong>en</strong>tau moins pour l'une <strong>de</strong>s parties, un <strong>en</strong>semble mobilier, L'appréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> cette difficultésoulève <strong>de</strong>ux questions: faut-il intégrer dans le jeu ces <strong>en</strong>sembles d'objets induits et sousquelles formes (coopération tacite selon SCHELLING, négociation implicite selon HARSANYI)?Quels critères <strong>de</strong> démarcation ret<strong>en</strong>ir pour borner ces espaces d'objets ainsi élargis (critèresobjectifs <strong>de</strong> proximité technique, critères subjectifs d'implication personnelle) ?De manière plus générale, on peut considérer que la distinction <strong>en</strong>tre information etconnaissance introduite au niveau <strong>de</strong> H1 s'applique égalem<strong>en</strong>t à H2. Son approfondissem<strong>en</strong>t<strong>de</strong>vrait permettre d'éclairer les catégories pertin<strong>en</strong>tes pour relier H2 au problème <strong>de</strong> lacoordination. Faute <strong>de</strong> ce travail préparatoire, les regroupem<strong>en</strong>ts choisis par Laur<strong>en</strong>tTHEVENOT pour conférer une intelligibilité à ces <strong>en</strong>sembles d'objets, apparaiss<strong>en</strong>t plaqués etbi<strong>en</strong> arbitraires 67.3. Sesame ou passe-partout: la coordination sociale et les interêts individuelsL'ambitieux programme <strong>de</strong> recherche proposé par Laur<strong>en</strong>t THEVENOT pêche par une lacunepréjudicielle. Nulle part, l'auteur ne propose une définition précise <strong>de</strong> la coordination. Faute <strong>de</strong>ce préalable, la notion <strong>de</strong> coordination se trouve ét<strong>en</strong>due au point <strong>de</strong> couvrir un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong>problématiques variées et hétérogènes. A défaut <strong>de</strong> cette indisp<strong>en</strong>sable clarification, on secont<strong>en</strong>tera ici <strong>en</strong> manière <strong>de</strong> conclusion <strong>de</strong> proposer quelques pistes plus mo<strong>de</strong>stes quiillustr<strong>en</strong>t le caractère protéiforme <strong>de</strong> la question à laquelle s'est attaqué Laur<strong>en</strong>t THEVENOT.Elles sont toutes formulées à l'intérieur du cadre limité <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s jeux non-coopératifs.66 Le jeu présuppose l'exist<strong>en</strong>ce d'un "petit mon<strong>de</strong>" ("small world") jouissant d'une indép<strong>en</strong>dance" Surquelles bases et par qui ce petit mon<strong>de</strong> se trouve-t-il i<strong>de</strong>ntifié? (Le modélisateur ? Mais il opère alorscomme un <strong>de</strong>us ex machina ? Les joueurs ? Mais comm<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t-ils connaître dans quel jeu ilsopèr<strong>en</strong>t ?).67 Les gran<strong>de</strong>s catégories repérées par Laur<strong>en</strong>t THEVENOT et L BOLTANSKI sont prés<strong>en</strong>tées plutôtcomme <strong>de</strong>s invariants sociaux postulés par les auteurs, ce qui n'est pas <strong>en</strong> complet accord avec laperspective cognitive qu'ils privilégi<strong>en</strong>t THEVENOT et BOLTANSKI, De la Justification <strong>de</strong>s économies <strong>de</strong>la gran<strong>de</strong>ur. Paris, Gallimard, 1991, pp 107-150)169


Si l'on considère que le principal objet d'une analyse <strong>de</strong> la coordination est <strong>de</strong> s'attacher àexpliquer et év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t à résoudre <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> blocage, d'incohér<strong>en</strong>ce ou <strong>de</strong> criserésultant <strong>de</strong> l'interaction <strong>de</strong> décisions individuelles, le premier point à éluci<strong>de</strong>r est celui <strong>de</strong>srelations <strong>en</strong>tre la configuration <strong>de</strong>s intérêts individuels et l'accessibilité <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts étatsd'équilibre i<strong>de</strong>ntifiés au moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s jeux.Considérons, à titre d'exemple, les trois cas suivants respectivem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tés par lesformes normales <strong>de</strong>s Jeux 1, 2 et 3 :AB2a1,10,0J1b0,01,1(référ<strong>en</strong>ce à un co<strong>de</strong> traité comme une connaissance commune " soit intégré au jeu lui-même<strong>en</strong> <strong>en</strong> transformant les règies (l'un quelconque <strong>de</strong>s joueurs joue <strong>en</strong> premier). La situation n'estpas la même dans le Jeu 3. Le problème <strong>de</strong> coordination résulte d'un conflit <strong>de</strong> préfér<strong>en</strong>ce<strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux équilibres. La dualité <strong>de</strong>s équilibres s'accompagne cette fois d'uneincompatibilité. On ne peut <strong>en</strong>visager sa solution qu'<strong>en</strong> introduisant dans le jeu une procédure<strong>de</strong> négociation ou l'interv<strong>en</strong>tion d'un arbitre. Dans les <strong>de</strong>ux cas, on voit donc que j'émerg<strong>en</strong>ce<strong>de</strong> la soiution nécessite un recours à H2.D'une manière plus générale, l'exam<strong>en</strong> rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces trois exemples permet déjà <strong>de</strong> dégagerun résultat intéressant" Si le rôle <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>s acteurs (individus ou groupes) se révèledéterminant dans la mise <strong>en</strong> oeuvre ou, au contraire, dans l'opposition à cette mise <strong>en</strong> oeuvre, iiest inséparable <strong>de</strong> la configuration généraie <strong>de</strong>s intérêts dans l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s états possiblesdu jeu. Ainsi la diverg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s intérêts hors équilibre assure la coordination dans le Jeu 2,tandis que l'opposition d'intérêts dans les situations d'équilibre empêche, au contraire, lacoordination dans le Jeu 3. Dans le Jeu 1 <strong>en</strong>fin, l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> toute diverg<strong>en</strong>ce d'intérêts<strong>en</strong>traîne une lacune <strong>de</strong> coordinationoo. Une analyse plus poussée <strong>de</strong>vrait conduire à préciserces li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre configuration d'intérêt et coordination.AB2a1,10,1J2b1,01,1Ces <strong>de</strong>rnières observations conduis<strong>en</strong>t à une conclusion provisoire. A la lumière <strong>de</strong> cesexemples, il apparait que la coordination, au moins <strong>en</strong>visagée selon l'<strong>en</strong>trée <strong>de</strong>s modèlesd'équilibre dans la terminologie <strong>de</strong> Laur<strong>en</strong>t THEVENOT, ne constitue pas un domaine <strong>de</strong>recherche unifié. Nous p<strong>en</strong>sons, au contraire, qu'il serait plus juste <strong>de</strong> la considérer comme lelieu privilégié <strong>de</strong> difficultés <strong>de</strong> natures diverses dans les processus <strong>de</strong> décisions interactives.Appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r la coordination exige donc une i<strong>de</strong>ntification préalable <strong>de</strong> ces difficultés, sanslaquelle une réponse aux questions posées <strong>en</strong> exergue <strong>de</strong> notre interv<strong>en</strong>tion resterait hors <strong>de</strong>portée.2BIBLIOG RAPHIEABa2,10,0b0,01,2AUMANN R., 1976 : "Agreeing to Disagree', Annais of Statistics: 4.'\UMANN R., 1987 : "Correlated Equilibrium as an Expression of Bayesian Rationality", Econometries:55.Les trois Jeux ont <strong>en</strong> commun d'avoir chacun <strong>de</strong>ux équilibres <strong>de</strong> NASH, respectivem<strong>en</strong>t (A, a)et (B, b). On pourrait être d'abord t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> relier la question <strong>de</strong> la coordination à la pluralité <strong>de</strong>spoints d'équilibre. Un exam<strong>en</strong> rapi<strong>de</strong> prouve qu'il n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>, puisque, si l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxéquilibres <strong>en</strong>traîne un problème <strong>de</strong> coordination dans les Jeux J1 et J3, il n'<strong>en</strong> va pas <strong>de</strong> mêmedans le Jeu J2 où le calcul individuel <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux joueurs suffit à permettre une discrimination<strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux équilibres au bénéfice <strong>de</strong> (A, a). La raison <strong>de</strong> cette différ<strong>en</strong>ce doit êtrerecherchée dans la configuration <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> ces différ<strong>en</strong>ts Jeux. La parfaite i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>sintérêts dans le Jeu 1 et leur quasi-converg<strong>en</strong>ce dans le Jeu 3 sont paradoxalem<strong>en</strong>t à ('origine<strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> coordination r<strong>en</strong>contrées, la diverg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s intérêts observée dans le Jeu 2constituant, <strong>en</strong> revanche, un pivot coordinateur.En outre, la question <strong>de</strong> la coordination qui émerge dans les Jeux 1 et 3 ne se pose pas dansles termes i<strong>de</strong>ntiques. Sans informations complém<strong>en</strong>taires, les <strong>de</strong>ux joueurs du Jeu 1 setrouv<strong>en</strong>t dans l'incapacité <strong>de</strong> choisir rationnellem<strong>en</strong>t une stratégie. La problématique <strong>de</strong> lacoordination se confond alors avec une crise <strong>de</strong> la décision logique (SCHMIDT, 1991). Tel n'estpas le cas dans le Jeu 3, où le choix <strong>de</strong> stratégies myopes fondées sur le principe <strong>de</strong> ladominance conduirait les <strong>de</strong>ux joueurs vers un état hors équilibre et, qui plus est, fâcheux pourl'un et l'autre (A, b), Il n'y a pas alors à proprem<strong>en</strong>t parler <strong>de</strong> crise <strong>de</strong> la décision, mais unecontradiction <strong>en</strong>tre la rationalité individuelle, réduite ici au principe <strong>de</strong> dominance, et l'accès àl'équilibre. L'origine <strong>de</strong> cette différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre les Jeux 1 et 3 rési<strong>de</strong> égalem<strong>en</strong>t dans laconfiguration <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux équilibres admis par chacun <strong>de</strong>s jeux. Leur parfaite i<strong>de</strong>ntité<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre la crise d'indécidabilité du Jeu 1, tandis que leur diverg<strong>en</strong>ce conduit à un conflitd'intérêt dans le Jeu 3,. Il résulte <strong>de</strong> cette observation que le terme <strong>de</strong> coordination recouvre <strong>en</strong>réalité <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> nature très variée <strong>en</strong> liaison avec la structure particulière <strong>de</strong>s intérêtsdans le Jeu.Les voies possibles pour résoudre les problèmes <strong>de</strong> coordination i<strong>de</strong>ntifiés dans les Jeux 1 et3 ne sont pas non plus les mêmes On a vu que c'est dans l'indiffér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s joueurs <strong>en</strong>tre les<strong>de</strong>ux équilibres (A, a) et (B, b) que rési<strong>de</strong> l'arnbiqurté qui bloque le mécanisme <strong>de</strong> décision dansle Jeu 1. La coordination requiert ici un procédé permettant l'introduction d'une discrimination<strong>en</strong>tre ces équilibres perçus comme équival<strong>en</strong>ts. Il peut être soit recherché à l'extérieur du jeu170BINMORE K., 1990 : Essays on the Foundstions al Geme Tbeory, Cambridge, Basil Blackwell.BOLTANSKI L. et L. THEVENOT, 1991 : De la justification. Les économies <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur, Paris,Gallimard.HARSANYI J., 1977 : Rational Beluiviour and Bargaining Equilibrium in Games and Social Situations,Cambridge, Cambridge University Press.KHANEMAN T. et K. TVERSKY, 1979 : "Prospect Theory : an Analysis of Decision Un<strong>de</strong>r Risk",Econometries; 47.KHANEMAN T. et K. TVERSKY, 1987: "Rational Choice Framing Decisions" in Rational Cboice. R.Hogarth and M. ROOer (OOs.), Chicago, Chicago University Press.LANCASTER K., 1971 : Consumer Dem<strong>en</strong>d, A New Approach, New York, Columbia University Press.LEWIS D., 1969 : Conv<strong>en</strong>tion: A Phi1osophica1 Study, Cambridge, Harvard University Press.NASH ,L, 1950 : 'The Bargaining Problern", Econometries, 18.SCHELLING T., 1960: The Stretegy ofContlict. Cambridge, Harvard University Press,SCHMIDT C, 1991 : "A Frarnework for a Typology of International Crisis Based on a Study of NashEquilibria", LPSA. 15 th World Congress, Bu<strong>en</strong>os Aires, Arg<strong>en</strong>tina, 19-22 July.68 ll s'agit là bi<strong>en</strong> sûr d'un cas extrême. Mais on observera que la majorité <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> problèmes <strong>de</strong>coordination étudiés par les théorici<strong>en</strong>s port<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s Situations ou les intérêts <strong>de</strong>s joueurs sont trèslargem<strong>en</strong>t converg<strong>en</strong>ts (LEWIS (1969), pp. 5-8) Ce li<strong>en</strong>, à première vue surpr<strong>en</strong>ant, outre l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>conflit d'intérêt et la difficulté pour les joueurs <strong>de</strong> se coordonner avait déjà été mis <strong>en</strong> lumière par NASH(1950) dans l'hypothèse dite <strong>de</strong> l'antt-ccntlit, selon laquelle les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s respectives <strong>de</strong>s Joueurs sontplus que compatibles.171


SIMON H., 1983 : Mo<strong>de</strong>ls 01 Boun<strong>de</strong>d Rstionsiity; Vol. 2. Cambridge, The M.LT. Press.SZANIAWSKI K.• 1967 : "The Value of Perfect Information". Synthèse, 4.THEVENOT L.. 1989 : "Equilibre et rationalité dans un univers complexe", Revue économique, 2.il. Louis QUEREQueile place taire à la praxis comme ressort <strong>de</strong> la coordination?"The se<strong>en</strong> but unnoticed backgrounds of everyday activities are ma<strong>de</strong> visible and are <strong>de</strong>scribedfrom a perspective in which persons live out the lives they do, have the childr<strong>en</strong> thev do feei thefeelings, think the thoughts. <strong>en</strong>ter the relationships they do, all in or<strong>de</strong>r to permit the soci~logist tosolve his theoretical problems" (Gariinkel, Studies in Ethnomethodoloçy, 1967, p.37)Le projet <strong>de</strong> Laur<strong>en</strong>t Thév<strong>en</strong>ot est extrêmem<strong>en</strong>t ambitieux. Non seulem<strong>en</strong>t voudrait-il v<strong>en</strong>ir à bout<strong>de</strong>s apories auxquelles sont confrontées nombre d'approches prédominantes <strong>de</strong> l'action et <strong>de</strong>l'ordre social, mais aussi manifester la fécondité du cadre d'analyse ébauché dans les économies<strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s domaines les plus c<strong>en</strong>traux <strong>de</strong> l'analyse socio-économiaue àsavoir les organisations, les <strong>en</strong>treprises, les relations professionnelles, l'innovation, etc. Ce' n'~stpas seulem<strong>en</strong>t par curiosité que je m'intéresse à ce projet, mais aussi parce que je partagecertaines <strong>de</strong> ses préoccupations. Je suis plus particulièrem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sible à sa problématique <strong>de</strong>l'institution <strong>de</strong> "mon<strong>de</strong>s communs". Et je suis impressionné par le travail d'explicitation et <strong>de</strong>modélisation auquel cette problématique a donné lieu.Cep<strong>en</strong>dant je ne suis pas vraim<strong>en</strong>t convaincu par l'approche. Peut-être ma perplexité vi<strong>en</strong>t-eiled'un manque <strong>de</strong> compréh<strong>en</strong>sion suffisante <strong>de</strong>s constructions foisonnantes du projet. Je p<strong>en</strong>seplutôt qu'elle est liée au tait que j'<strong>en</strong>trevois <strong>de</strong>s présuppositions qui pour moi sont trèsproblématiques, tant au niveau <strong>de</strong> la démarche qu'au niveau <strong>de</strong> la thématisation <strong>de</strong> certainsproblèmes. A vrai dire, <strong>de</strong> telles présuppositions ne me paraiss<strong>en</strong>t problématiques qu'<strong>en</strong> fonction<strong>de</strong> ma se~sibilité propre, et d'exig<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> matière d'analyse sociologique que j'<strong>en</strong> suis v<strong>en</strong>u à meformuler a travers une longue confrontation à la théorie sociale <strong>de</strong> Habermas, une familiarisationpéniblem<strong>en</strong>t réalisée. avec les oeuvres <strong>de</strong> Mead et <strong>de</strong> Gariinkel et une initiation pati<strong>en</strong>te à I~pratique <strong>de</strong> l'ethnométhodogie à travers l'analyse <strong>de</strong> conversation (où j'ai moi-même traité <strong>de</strong>problèmes <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> l'action).Je reti<strong>en</strong>drai trois points pour la discussion. Le premier concerne le caractère finalem<strong>en</strong>t trèsclassique <strong>de</strong> la démarche, le <strong>de</strong>uxième la pertin<strong>en</strong>ce sociologique d'une problématique <strong>de</strong> lacoordination <strong>de</strong> l'action, et le troisième le choix "du mom<strong>en</strong>t du retour réflexif" comme mo<strong>de</strong>d'<strong>en</strong>trée dans l'action.a) La démarcheEn un s<strong>en</strong>s elle est très innovante, mais <strong>en</strong> un autre elle est aussi très classique. Innovante ellel'est par la manière dont elle construit ses mon<strong>de</strong>s, ses ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, ses régimes d'actionsjustifiables et ses mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination, - <strong>en</strong> particulier, <strong>en</strong> exploitant les constructions <strong>de</strong> laphil~~ophie politique, et <strong>en</strong> les traitant comme une grammaire du li<strong>en</strong> social -, ou <strong>en</strong>core par lamanaere dont elle <strong>en</strong>tre dans l'analyse <strong>de</strong> l'action, c'est-à-dire par la justification, la dispute, lesrapports <strong>de</strong>s personnes sur ce qu'elles ont fait, etc. Mais elle est aussi désespérém<strong>en</strong>t classiquepar son constructivisme, par son manque d'att<strong>en</strong>tion au langage et par sa prop<strong>en</strong>sion à <strong>en</strong>richir <strong>de</strong>n~uvell~s <strong>en</strong>tités l'on~ologie, déjà surabondante, <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces sociales, qui mériterait plutôt qu'onlui applique le rasoir d'Occam. Par constructivisme, j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds une manière <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r <strong>en</strong>sociologie, ~ l,aqu~lIe l'ethnornéthooolcqie n'a cessé <strong>de</strong> s'opposer, qui consiste à r<strong>en</strong>dre compte<strong>de</strong>s proprietes d ordre <strong>de</strong>s conduites sociales - <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, <strong>de</strong> cohér<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong> congru<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong>concordance, <strong>de</strong> rationalité, etc. - <strong>en</strong> les rapportant non pas, comme il le faudrait, aux pratiques <strong>de</strong>sag<strong>en</strong>ts (c'est-à-dire <strong>en</strong> les traitant comme <strong>de</strong>s propriétés accomplies), mais à <strong>de</strong>s <strong>en</strong>titésinobservables placées à l'arrière-plan <strong>de</strong>s pratiques. Créditées d'une stabilité et d'une réalité plusfondam<strong>en</strong>tales que celles <strong>de</strong>s appar<strong>en</strong>ces, dont font partie les conduites, ces <strong>en</strong>tités sontsupposées ori<strong>en</strong>ter celles-ci, les gui<strong>de</strong>r. les contraindre, les structurer, les informer, les étayer ouleur servir <strong>de</strong> ressources .. Ces <strong>en</strong>tités étant inobservables, leur exist<strong>en</strong>ce et leur opérativité sontattestées par les propriétés d'ordre manifestes <strong>de</strong>s conduites, l'objet <strong>de</strong> l'analyse sociologiqueétant <strong>de</strong> les r<strong>en</strong>dre visibles comme <strong>en</strong>tités du mon<strong>de</strong> réel se t<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> soi. Mais elles ne sont <strong>en</strong>fait que <strong>de</strong>s artefacts théoriques <strong>de</strong>stinés à substituer un ordre analytique à l'ordre concret produit172et manifesté par les conduites <strong>en</strong> situation, c'est-à-dire au fond à permettre au sociologue <strong>de</strong>résoudre le problème <strong>de</strong> l'ordre social tel qu'il se pose à lui d'un point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> théorici<strong>en</strong>, <strong>en</strong>faisant comme s'il comcidait exactem<strong>en</strong>t avec le problème <strong>de</strong> l'ordre tel qu'il est appréh<strong>en</strong>dé, traitéet construit par les ag<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'intérieur même <strong>de</strong> leur appart<strong>en</strong>ance à une collectivité et <strong>de</strong> leurs<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts dans <strong>de</strong>s cours d'action.Il me semble que la construction, par Thév<strong>en</strong>ot et Boltanski, d'ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>scommuns, la modélisation qu'ils propos<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s cités, <strong>de</strong>s régimes d'action, <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong>généralité et <strong>de</strong>s principes d'équival<strong>en</strong>ce relèv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core <strong>de</strong> cette logique d'analyse constructive.Car elles suppos<strong>en</strong>t que les ag<strong>en</strong>ts ne parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à coordonner leurs actions, à s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre et às'accor<strong>de</strong>r, ou à règler leurs différ<strong>en</strong>ds, que pour autant qu'ils peuv<strong>en</strong>t s'appuyer sur <strong>de</strong>sstructures d'arrière-plan ou <strong>de</strong>s contraintes structurelles stables, dont ils actualis<strong>en</strong>t les principes etles relations, que ce soit <strong>de</strong>s univers <strong>de</strong> significations préconstituées ou <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tionsgénérales acceptées, ou <strong>en</strong>core, que pour autant qu'ils peuv<strong>en</strong>t alléger leurs anticipations, réduirel'incertitu<strong>de</strong> et la conting<strong>en</strong>ce, limiter le caractère singulier <strong>de</strong> toute situation, bref réduire lacomplexité <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> leur action, <strong>en</strong> s'appuyant sur <strong>de</strong>s formes instituées, sur <strong>de</strong>sobjets stables, sur <strong>de</strong>s standardisations, sur <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s communs préassemblés, sur <strong>de</strong>srégimes d'action prédéfinis, etc.Je crois, d'une part, que la critique sous-jac<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s approches <strong>de</strong> l'action et <strong>de</strong> l'ordre social quis'efforc<strong>en</strong>t <strong>de</strong> rapporter l'ordre, le s<strong>en</strong>s, la coordination, l'accord, l'équilibre, etc., à <strong>de</strong>saccomplissem<strong>en</strong>ts, compét<strong>en</strong>ts, continus et situés, <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts, repose sur une abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>compréh<strong>en</strong>sion réelle <strong>de</strong>s argum<strong>en</strong>ts avancés à l'appui d'un tel raisonnem<strong>en</strong>t (<strong>en</strong> particulier, c'estun véritable contres<strong>en</strong>s qui est commis lors qu'on impute à ces approches quelque chose commeune t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> "réduire la réalité à un pur accord <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, labile, et local"). D'autre part, je ne voispas comm<strong>en</strong>t l'alternative proposée peut v<strong>en</strong>ir à bout d'une <strong>de</strong>s apories majeures <strong>de</strong> la démarcheconstructive, à savoir l'impossibilité <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> l'objectivité et <strong>de</strong> l'opérativité <strong>de</strong>s <strong>en</strong>titésainsi construites: comm<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t-elles exister indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong>s acteurs?Comm<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t-elles s'incarner dans leurs conduites? Comm<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t-elles y interv<strong>en</strong>ircomme médiations? Comm<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t-elles les gui<strong>de</strong>r, les contraindre, les structurer, les étayer àdistance? Comm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités dont l'objectivité et l'opérativité incorpor<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t laperspective et le travail <strong>de</strong> visibilisation <strong>de</strong> l'analyse peuv<strong>en</strong>t-elles médiatiser <strong>de</strong>s pratiquesconcrètes et situées, qui sont accomplies sur la seule base <strong>de</strong> la "compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> membre" ?Je crois qu'on ne peut pas éviter <strong>de</strong> réintroduire la praxis et la compét<strong>en</strong>ce pratique <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts,comme médiations <strong>de</strong> la constitution et <strong>de</strong> l'opérativité <strong>de</strong> telles <strong>en</strong>tités, c'est à dire un travail <strong>de</strong>production d'ordre ancré dans <strong>de</strong>s circonstances locales. Il faudrait rappeler ici toute laproblématique wittg<strong>en</strong>steini<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> la règle, la critique <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong>s règles comme réalitésindép<strong>en</strong>dantes <strong>de</strong>s pratiques et agissant sur elles sur le modèle <strong>de</strong> la pression d'une forceexterne, ainsi que les implications que l'ethnométhodologie a essayé d'<strong>en</strong> tirer sur le plan <strong>de</strong>l'analyse sociologique. Mais ce n'est pas une position qui consiste à nier qu'il y ait <strong>de</strong>s formesinstituées, <strong>de</strong>s significations préétablies, <strong>de</strong>s objets stables, <strong>de</strong>s principes généraux, <strong>de</strong>s formesd'objectivité, <strong>de</strong>s accords préexistants sur <strong>de</strong>s définitions et sur leur application, <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong>mesure et <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> équival<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong>s att<strong>en</strong>tes normatives ou <strong>de</strong>s cohér<strong>en</strong>cesprédéfinies. Il s'agit simplem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ir compte du fait que l'application <strong>de</strong> telles <strong>en</strong>tités à <strong>de</strong>ssituations est inévitablem<strong>en</strong>t médiatisée par une praxis <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts, et donc qu'elles n'ont aucunegénérativité <strong>en</strong> elles-mêmes, ou <strong>en</strong>core que leur statut <strong>de</strong> médiation <strong>de</strong> l'action résulte lui-mêmed'un accomplissem<strong>en</strong>t qui les incorpore dans <strong>de</strong>s pratiques.Ainsi <strong>en</strong> va-t-il, me semble-t-i1, <strong>de</strong>s conv<strong>en</strong>tions. Il ne s'agit pas <strong>de</strong> nier leur disponibilité commeressources, mais <strong>de</strong> dire qu'une conv<strong>en</strong>tion, aussi spécifiée soit-elle, ne pourvoit jamais à sa~ropre application dans les situations d'organisation <strong>de</strong> cours d'action. Les conv<strong>en</strong>tions quietay<strong>en</strong>t nos pratiques ou fon<strong>de</strong>nt notre activité communicative ne peuv<strong>en</strong>t pas déterminer parelles-mêmes ce que nous pouvons et <strong>de</strong>vons faire concrètem<strong>en</strong>t, ou comm<strong>en</strong>t nous pouvonsparler d'une action, d'une expéri<strong>en</strong>ce ou d'un événem<strong>en</strong>t; elles sont elles-mêmes l'objet d'unespécification, d'une détermination ou d'une constitution dans et par <strong>de</strong>s accomplissem<strong>en</strong>tspratiques, Si elles r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt possible la production d'un mon<strong>de</strong> partagé et connu <strong>en</strong> commun avecles autres, c'est grâce à une appropriation et à une application par les ag<strong>en</strong>ts. Elles ne sont doncjamais données que praxéologiquem<strong>en</strong>t à ces ag<strong>en</strong>ts; et, dans la mesure où elles anim<strong>en</strong>t lesprati,ques <strong>de</strong> l'intérieur, elles sont strictem<strong>en</strong>t ce que les pratiques <strong>en</strong> font. Suivre une règle,appliquer une conv<strong>en</strong>tion, actualiser <strong>de</strong>s principes généraux est inévitablem<strong>en</strong>t une pratiquesociale, dans laquelle la règle, la conv<strong>en</strong>tion, les principes serv<strong>en</strong>t à définir les circonstances <strong>en</strong>même temps que les circonstances permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> définir la règle, la conv<strong>en</strong>tion et les princlpes, etdonc <strong>de</strong> découvrir ce qu'ils comman<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> faire dans la situation. En d'autres termes, on aurabeau formuler analytiquem<strong>en</strong>t et modéliser tout cet arrière-plan <strong>de</strong> règles, <strong>de</strong> normes, <strong>de</strong>conv<strong>en</strong>tions, <strong>de</strong> principes et <strong>de</strong> significations préétablies, <strong>en</strong> tant qu'<strong>en</strong>tités se t<strong>en</strong>ant d'elles-173


mêmes, il n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>meure pas moins que, ce faisant, on n'aura pas avancé d'un pouce dansl'analyse <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> l'ordre social et <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong> l'action, tant qu'on n'aura pasanalysé la médiation <strong>de</strong> l'objectivité et <strong>de</strong> l'opérativité <strong>de</strong> ces <strong>en</strong>tités par leur incorporation pratiquedans les conduites qu'elles anim<strong>en</strong>t..C'est la raison pour laquelle une démarche qui cherche à doter les ag<strong>en</strong>ts d'une compét<strong>en</strong>ce leurpermettant <strong>de</strong> traiter le problème <strong>de</strong> l'ordre et <strong>de</strong> la coordination, tel qu'il est appréh<strong>en</strong>dé du point<strong>de</strong> vue du théorici<strong>en</strong>, n'accè<strong>de</strong>ra jamais aux opérations, aux procédures, au savoir et au savoirfaire,bref à la praxis, dont procè<strong>de</strong>nt l'ordre, l'équilibre, l'accord, etc., <strong>en</strong> tant que phénomènesobservables et <strong>de</strong>scriptibles. C'est aussi pourquoi l'<strong>en</strong>richissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ontologie <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>cessociales par adjonction <strong>de</strong> nouvelles <strong>en</strong>tités issues d'une analyse constructive ne fait qu'aggraverles problèmes plutôt que <strong>de</strong> les résoudre. Il faudrait peut-être r<strong>en</strong>oncer une bonne fois pourtoutes à placer <strong>de</strong>rrière les appar<strong>en</strong>ces une réalité inobservable plus fondam<strong>en</strong>tale, susceptibled'être recomposée à travers <strong>de</strong>s artefacts théoriques, et se cont<strong>en</strong>ter d'une approcheauth<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t praxéologique, soucieuse avant tout <strong>de</strong> saisir la compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts tellequ'elle se manifeste "from whitin", et <strong>de</strong> ne pas substantialiser les ressources qu'ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>oeuvre.b) Coordination et institution du communCes réserves sur la démarche étant formulées, je trouve trois apports majeurs dans laproblématique <strong>de</strong> la coordination développée par L. Thév<strong>en</strong>ot. Le premier est l'idée queccordonner <strong>de</strong>s actions implique plus que simplem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> les <strong>en</strong>chaîner les unes aux autres: il fautinstaurer un mon<strong>de</strong> commun où elles sont articulables, ajustables, évaluables; ce qui passe parleur mise <strong>en</strong> équival<strong>en</strong>ce, par la qualification appropriée <strong>de</strong>s personnes, par l'association d'êtres etd'objets qui sont congru<strong>en</strong>ts avec le régime d'action choisi, par le recours à <strong>de</strong>s épreuves quiconvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, etc. Et là-<strong>de</strong>dans, le jugem<strong>en</strong>t occupe une place c<strong>en</strong>trale. Le second apportconcerne ce qu'on peut appeler la coordination d'actions à distance, que ce soit dans l'espace oudans le temps, ce que Thév<strong>en</strong>ot appelle "une coordination <strong>de</strong> large portée", qui excè<strong>de</strong> lacoordination <strong>en</strong> situation <strong>de</strong> coprés<strong>en</strong>ce, ou la coordination dans l'immédiat. Le troisième apportest l'acc<strong>en</strong>t mis sur la place <strong>de</strong>s objets, comme réducteurs <strong>de</strong> complexité et d'incertitu<strong>de</strong>, commefacteurs <strong>de</strong> stabilité, dans la coordination ainsi que dans la formation et la mise à l'épreuve <strong>de</strong>sjugem<strong>en</strong>ts.Chacun <strong>de</strong> ces points mériterait d'amples discussions. Sur le premier, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'est-cequi justifie qu'on privilégie à ce point la problématique <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> laqualification <strong>de</strong>s êtres, <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s objets, pour décrire leur mise <strong>en</strong> équival<strong>en</strong>ce, pourreconstruire la pragmatique du jugem<strong>en</strong>t ou pour analyser la constitution d'un espace commun - ons<strong>en</strong>t là <strong>en</strong>core quelqu'emprise <strong>de</strong> l'obsession bourdieusi<strong>en</strong>ne pour les classem<strong>en</strong>ts et "ladistinction". Sur le <strong>de</strong>uxième, on peut discuter <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> constitution d'une typologie <strong>de</strong>smo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination: quels critères <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ciation se donne-t-on et comm<strong>en</strong>t thématise-tonles médiations <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong>s actions? Thév<strong>en</strong>ot et Boltanski part<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong>confrontation et <strong>de</strong> justification pour reconstruire différ<strong>en</strong>ts mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination et thématiserles médiations <strong>de</strong> la coordination. Ce qui pose problème, car agir ou interagir <strong>en</strong> situation - c'est àdire organiser <strong>de</strong>s cours d'action intelligibles, reconnaissables, acceptables - et qualifier ces coursd'action, les justifier, les expliquer, traiter <strong>de</strong>s désaccords, etc. sont <strong>de</strong>ux jeux <strong>de</strong> langagecomplètem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ts, si bi<strong>en</strong> que je vois mal comm<strong>en</strong>t on peut saisir la grammaire du premier àtravers l'analyse du second. Ou alors il faudrait davantage expliciter l'interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la justificationcomme médiation <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong>s actions, ce que fait par exemple Habermas à travers sanotion <strong>de</strong> rationalité communicative, sa problématique <strong>de</strong>s rev<strong>en</strong>dications <strong>de</strong> validité et sa théorie<strong>de</strong> l'argum<strong>en</strong>tation. Mais cela le conduit à différ<strong>en</strong>cier tout autrem<strong>en</strong>t que ne le font Thév<strong>en</strong>ot etBoltanski les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> l'action, et à expliciter beaucoup plus les médiations qui ysont à l'oeuvre. Je rappelle simplem<strong>en</strong>t qu'il distingue <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> l'action, etdonc <strong>de</strong>ux grands types <strong>de</strong> médiations: celui qui met <strong>en</strong> jeu la rationalité communicative, c'est-àdirefondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t le langage, avec sa base <strong>de</strong> validité et les ressources cognitives,normatives et expressives <strong>de</strong> la Leb<strong>en</strong>swelt qui lui sont liées; celui qui repose sur la capacité <strong>de</strong>smedias symboliques d"'interchange" d'<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer <strong>de</strong> l'interdép<strong>en</strong>dance et d'intégrer <strong>de</strong>s actions àdistance dans le temps et dans l'espace, medias qui fonctionn<strong>en</strong>t selon une logique sytémique.Sur le troisème point <strong>en</strong>fin, il faudrait <strong>en</strong>trer dans <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> théorie <strong>de</strong> l'objet et surtoutexaminer comm<strong>en</strong>t la capacité <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> réduire l'incertitu<strong>de</strong> et d'alléger les tâches <strong>de</strong> lacoordination n'est pas une propriété <strong>en</strong> soi mais une propriété praxéologiquem<strong>en</strong>t émerg<strong>en</strong>te.Plutôt que <strong>de</strong> discuter plus avant chacun <strong>de</strong> ces points, je soulèverai la difficulté suivante, d'ordreplus général. Elle concerne l'idée même <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>s actions, qui n'est pas totalem<strong>en</strong>tsatisfaisante. Une première question concerne la notion même d'action. Quelle <strong>en</strong>tité est-ce? Estceune unité pertin<strong>en</strong>te pour l'analyse sociale, et si oui à quel niveau? On sait par exemple que174pour un théorici<strong>en</strong> comme Luhmann, l'action ne peut pas constituer une unité <strong>de</strong> base <strong>de</strong> l'analysesociale, car elle fonctionne comme unité servant à l'auto-observation et à l'auto-<strong>de</strong>scription <strong>de</strong>ssytèmes sociaux. Plus précisém<strong>en</strong>t, les actions sont corrélatives à <strong>de</strong>s processus d'attribution liésà différ<strong>en</strong>tes postures dés<strong>en</strong>gagées (observation, compte-r<strong>en</strong>du, justification, <strong>de</strong>scription,narration, etc.), D'autre part, on ne peut déterminer une action que sur la base d'une <strong>de</strong>scription; iln'y a donc pas d'action <strong>en</strong> soi; il n'y a d'actions, comme <strong>en</strong>tités déterminées, que "sous une<strong>de</strong>scription", pour repr<strong>en</strong>dre une expression chère à Anscombe et à Davidson. En d'autrestermes <strong>en</strong>core, les actions émerg<strong>en</strong>t non pas au niveau <strong>de</strong> l'accomplissem<strong>en</strong>t ou <strong>de</strong> l'organisationdu flux <strong>de</strong>s activités <strong>en</strong> situation, mais au niveau <strong>de</strong> l'appréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> ce flux sous uneperspective déterminée, celle <strong>de</strong> l'observation, <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription, <strong>de</strong>s attributions (à soi-même etaux autres) et <strong>de</strong>s appropriations-désappropriations constitutives du jeu <strong>de</strong> la responsabilité. Onarrive à une conclusion du même ordre quand on suit les analyses relevant <strong>de</strong> la sémantique <strong>de</strong>l'action, ou <strong>en</strong>core celles <strong>de</strong> l'ethnométhodologie. Ce qui amène à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si le conceptd'action est pertin<strong>en</strong>t s'agissant <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> la façon dont se constitue un ordre social, ou<strong>de</strong> la façon dont les g<strong>en</strong>s manifest<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s conduites régulières, concordantes et articulées lesunes aux autres: une problématique <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong>s actions n'est-elle pas condamnée à ner<strong>en</strong>dre compte que <strong>de</strong> la composition discursive d'<strong>en</strong>tités discursives constituées "sous une<strong>de</strong>scription", <strong>de</strong>puis un point <strong>de</strong> vue d'observation, à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ressources du langage <strong>de</strong> l'action?C'est pourquoi je regrettais <strong>en</strong> comm<strong>en</strong>çant qu'il n'y ait pas d'att<strong>en</strong>tion portée au langage et à sonrôle constitutif et expressif..Ce qui amène à poser <strong>en</strong>core une autre question: à la notion d'action est inévitablem<strong>en</strong>t liée celled'ag<strong>en</strong>t, d'acteur ou <strong>de</strong> sujet <strong>de</strong> l'action. Or si l'action n'est elle-même qu'une <strong>en</strong>tité discursive, il <strong>en</strong>va <strong>de</strong> même pour son support. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si la problématique <strong>de</strong> la coordination développéepar Thév<strong>en</strong>ot et Boltanski ne mainti<strong>en</strong>t pas une conception réaliste du sujet <strong>de</strong> l'action (qu'il fautalors doter <strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ce) alors que que le problème serait plutôt <strong>de</strong> spécifier la nature dusupport <strong>de</strong> l'organisation <strong>de</strong>s activités pratiques <strong>en</strong> situation, sans <strong>en</strong>gager d'emblée la notiond'ag<strong>en</strong>t, c'est-à-dire précisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> saisir cette organisation comme corrélative à <strong>de</strong>s procédures,à <strong>de</strong>s opérations et à <strong>de</strong>s pratiques dont émerge le sujet d'action lui-même (ce qu'<strong>en</strong>ethnométhodologie on appelle "une compét<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> membre", qui n'est pas celle d'un individu,d'un sujet ou d'une personne, puisque ce sont là <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités qui émerg<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong>oeuvre <strong>de</strong> la "compét<strong>en</strong>ce", c'est-à-dire d'une maîtrise pratique <strong>de</strong>s procédures du raisonnem<strong>en</strong>tpratique, du langage naturel, <strong>de</strong> la réflexivité interne <strong>de</strong> l'action, etc.), Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussi si leurproblématique ne mainti<strong>en</strong>t pas une conception <strong>de</strong> l'ag<strong>en</strong>t mono logique, d'un ag<strong>en</strong>t qui serait àl'origine <strong>de</strong> son action, qui serait capable <strong>de</strong> l'ajuster à celle <strong>de</strong>s autres, <strong>de</strong> la coordonner avecelles, etc. Or, on voit bi<strong>en</strong> dans l'analyse <strong>de</strong>s conversations par exemple, pour pr<strong>en</strong>dre un domaineque je connais un peu, qu'il ne s'agit pas tant d'<strong>en</strong>chaîner et <strong>de</strong> composer <strong>de</strong>s actions individuellesque <strong>de</strong> configurer conjointem<strong>en</strong>t un cours d'activité intelligible, dans lequel les part<strong>en</strong>aires semanifest<strong>en</strong>t l'un à l'autre ce qu'ils peuv<strong>en</strong>t et doiv<strong>en</strong>t faire, où ce ne sont pas les "acteurs" mais lemouvem<strong>en</strong>t même <strong>de</strong> la conversation qui, une fois <strong>en</strong>gagé, mène le jeu, et où, à proprem<strong>en</strong>tparler, il n'y a pas <strong>de</strong> coordination d'actions, puisqu'<strong>en</strong> tant qu'<strong>en</strong>tités discrètes et individuées,celles-ci n'émerg<strong>en</strong>t que "sous une <strong>de</strong>scription". La possibilité même <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s actions dans cequi a été accompli, et celle <strong>de</strong> se rapporter l'un à l'autre comme acteur, comme sujet capable <strong>de</strong>répondre <strong>de</strong> ce qu'il a fait ou voulu faire, est une possibilité créée à la fois par l'accomplissem<strong>en</strong>ttemporel d'une séqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> conversation et par sa reprise réflexive-discursive dans le cadre, etsous les perspectives organisées, d'un jeu <strong>de</strong> langage déterminé (décrire, justifier, expliquer,raconter, etc.). Bref je doute qu'une problématique <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong> l'action qui incorpore <strong>de</strong>telles prémisses -l'action individuelle comme <strong>en</strong>tité originaire - ait quelque prise que ce soit sur lesprocessus effectifs d'organisation <strong>en</strong>dogène <strong>de</strong> cours d'action ordonnés, intelligibles et<strong>de</strong>scriptibles.c) l'<strong>en</strong>trée par le mom<strong>en</strong>t interprétatifUn <strong>de</strong>rnier point qui fait difficulté pour moi est le choix <strong>de</strong> r<strong>en</strong>trer dans l'action par ces phénomènesspécifiques que sont la dispute, la justification, le retour réflexif sur l'action, l'interprétation oul'explicitation <strong>de</strong> ce qui est <strong>en</strong> cours, le jugem<strong>en</strong>t sur l'action, l'expression du s<strong>en</strong>s du juste, ladécouverte <strong>de</strong>s erreurs, fausses pistes, anicroches, etc. Certes je vois bi<strong>en</strong> la raison d'être duchoix d'une telle <strong>en</strong>trée: il permet, <strong>en</strong> particulier, d'examiner comm<strong>en</strong>t les acteurs compos<strong>en</strong>t leurmon<strong>de</strong> d'action commun, comm<strong>en</strong>t ils assembl<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> généralité, <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong>justification, <strong>de</strong>s formes d'objectivité, <strong>de</strong>s êtres et <strong>de</strong>s objets congru<strong>en</strong>ts, comm<strong>en</strong>t ils mett<strong>en</strong>t àl'épreuve leurs qualifications et leurs jugem<strong>en</strong>ts respectifs, ou <strong>en</strong>core, comm<strong>en</strong>t ils pass<strong>en</strong>t d'unmon<strong>de</strong> à l'autre, d'un régime d'action à un autre, comm<strong>en</strong>t ils réagiss<strong>en</strong>t à la non-congru<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>sprincipes et <strong>de</strong>s êtres <strong>en</strong>gagés, etc .. Mais j'ai parfois l'impression que la réflexion, l'interprétation, lejugem<strong>en</strong>t, la justification, l'explicitation sont posés comme <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts extérieurs à l'action, qu'ilsne sont pas thématisés comme médiations procédurales <strong>de</strong> l'organisation <strong>en</strong>dogène <strong>de</strong> coursd'action intelligibles, observables, <strong>de</strong>scriptibles, justifiables, etc. J'éprouve très fortem<strong>en</strong>t cette17.5


impression à la lecture <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers paragraphes du texte <strong>de</strong> Thév<strong>en</strong>ot, quand par exemple il parle<strong>de</strong> "mom<strong>en</strong>t réflexif <strong>de</strong> retour sur ce qui s'est passé", <strong>de</strong> "rester dans l'action sans se préoccupersans cesse <strong>de</strong> sa conformité au jugem<strong>en</strong>t", <strong>de</strong> "continuel va-et-vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre l'action et la réflexion",<strong>de</strong> basculem<strong>en</strong>t "<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> maîtrise consci<strong>en</strong>te et <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts où l'appel duprés<strong>en</strong>t embarque (les personnes) dans le cours <strong>de</strong>s choses".Il me semble qu'il faudrait davantage t<strong>en</strong>ir compte <strong>de</strong> l'hétérogénéité <strong>de</strong> tous ces phénomènes, <strong>en</strong>particulier éviter <strong>de</strong> rabattre sur l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'action <strong>en</strong> situation les propriétés <strong>de</strong> laréflexivité discursive, celles du jugem<strong>en</strong>t sur j'action échue, qui est lié à une posture d'observation,celles aussi <strong>de</strong> la justification qui se fait à l'issue <strong>de</strong> l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'action, et qui pr<strong>en</strong>dappui sur la disponibilité d'une <strong>en</strong>tité discrète, individuée et catégorisable. Car, il me semble que lecontrôle réflexif <strong>de</strong> l'action, la détermination <strong>de</strong>s circonstances par leur analyse-<strong>en</strong>-contexte, lesjugem<strong>en</strong>ts par lesquels on déci<strong>de</strong> <strong>en</strong> situation quoi faire, les qualifications et les interprétations quipr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t place dans l'organisation <strong>en</strong>dogène d'un cours d'action ou la justification <strong>en</strong> acte <strong>de</strong>l'action <strong>en</strong> cours d'accomplissem<strong>en</strong>t n'impliqu<strong>en</strong>t ni les mêmes opérations ni les mêmesprocédures que les évaluations, les qualifications, les jugem<strong>en</strong>ts et les interprétations quiintervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> distanciation, <strong>de</strong> formulation et d'explicitation <strong>de</strong> ce qui est faitou <strong>de</strong> ce qui a été fait (je m'appuie ici sur l'analyse qui a été faite par Garfinkel et Sacks sur la nature<strong>de</strong>s "formulations" qui ont lieu dans une conversation, et qui utilis<strong>en</strong>t un ordre manifeste <strong>de</strong> laconversation sans pouvoir l'<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer). En particulier, ces pratiques s'appui<strong>en</strong>t sur les ressourcesdu registre discursif <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription, <strong>de</strong> la justification, <strong>de</strong>s attributions réciproques, quiimpliqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d'i<strong>de</strong>ntification, <strong>de</strong> schématisation, <strong>de</strong> catégorisation, <strong>de</strong> connexion quisont sous-t<strong>en</strong>dus par la grammaire <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong> langage particuliers et par la grammaire logique <strong>de</strong>sconcepts et <strong>de</strong>s catégories utilisés.est placé, c'est à dire par son affiliation à un contexte <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription et par sa schématisationsous un concept ou une catégorie .. C'est cette sélection qui ouvre le champ sémantique danslequel <strong>de</strong>s équival<strong>en</strong>ces peuv<strong>en</strong>t être établies, <strong>de</strong>s êtres mobilisés, <strong>de</strong>s objets <strong>en</strong>gagés, <strong>de</strong>scritères d'évaluation choisis, et <strong>de</strong>s mises à l'épreuve <strong>en</strong>visagées. Mais ce champ sémantiqu<strong>en</strong>'est pas une <strong>en</strong>tité <strong>en</strong> soi: il est assemblé par une "praxis opérante", et ses composantes sontdécouvertes pragmatiquem<strong>en</strong>t par les ag<strong>en</strong>ts - <strong>en</strong> suivant <strong>de</strong>s ori<strong>en</strong>tations données par lamaîtrise pratique d'un contexte <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription et par celle du langage qui articule les croyanceset les pratiques qui le constitu<strong>en</strong>t - dès lors qu'ils plac<strong>en</strong>t une action ou un événem<strong>en</strong>t "sousune <strong>de</strong>scription" .. On trouverait ainsi dans une articulation du langage, <strong>de</strong>s formes symboliqueset <strong>de</strong> la "praxis opérante" une manière <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>scommuns ou <strong>de</strong> l'actualisation <strong>de</strong> régimes d'action, <strong>de</strong> formes <strong>de</strong> généralité, <strong>de</strong> formesd'objectivité, etc. qui éviterait le constructivisme <strong>de</strong> la démarche <strong>de</strong> Thév<strong>en</strong>ot et Boltanski etleur t<strong>en</strong>dance à substantialiser les ordres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et les contraintes structurelles <strong>de</strong> lacoordination <strong>de</strong> l'action.Je partage tout à fait le souci <strong>de</strong> Thév<strong>en</strong>ot <strong>de</strong> développer une pragmatique du jugem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>compr<strong>en</strong>dre ce qu'opèr<strong>en</strong>t les interprétations et les explicitations <strong>de</strong> ce qui est cours, etc. Mais jedoute qu'on puisse saisir, par ce biais, quoi que ce soit <strong>de</strong> la réflexivité inhér<strong>en</strong>te àl'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>dogène <strong>de</strong> l'action ..qui est une réflexivité pratique. Il me semble qu'elle a étéfort bi<strong>en</strong> repérée par la phénoménologie, par Merleau-Ponty <strong>en</strong> particulier, sous la notion <strong>de</strong>"parole opérante" ou <strong>de</strong> "praxis opérante", que résume parfaitem<strong>en</strong>t la citation suivante <strong>de</strong> MarcRichir : "Le propre <strong>de</strong> la parole opérante, c'est à dire <strong>de</strong> la parole qui se cherche tout <strong>en</strong> cherchant àdire quelque chose qu'elle ne sait pas d'avance est qu'elle s'élance, pour ainsi dire, <strong>en</strong> vue <strong>de</strong> ce"quelque chose" dont elle a une pré-appréh<strong>en</strong>sion sans pour autant savoir précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> quoi ilconsiste, et qu'elle se réfléchit <strong>en</strong> se corrigeant, tout au long <strong>de</strong> son déroulem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> mesurant cequ'elle est <strong>en</strong> train <strong>de</strong> dire à l'aune <strong>de</strong> ce qu'elle cherche à dire: elle se clôt ou plutôt s'achèvequand ce qui lui paraît comme ce qu'elle a dit lui parait correspondre, <strong>de</strong> façon plus ou moinsheureuse, à ce qu'elle cherchait à dire. Cela signifie que toute parole est à la fois pro-jet, ouvert surle futur <strong>de</strong> ce qu'elle a à dire, que ce futur déjà lui apparti<strong>en</strong>t, et qu'<strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s, ce futur est un futurprot<strong>en</strong>tionnel ; et qu'elle ne peut se mesurer à son futur que si elle s'ouvre, du même mouvem<strong>en</strong>tau passé <strong>de</strong> ce qu'elle a dit, et qui, <strong>de</strong> cette manière, lui apparti<strong>en</strong>t pareillem<strong>en</strong>t, constituant dèslors son passé rét<strong>en</strong>tionnel ; la mesure, qui permet à la parole <strong>de</strong> se corriger dans son exercice,consiste donc <strong>en</strong> un recroisem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s horizons prot<strong>en</strong>tionnels et rét<strong>en</strong>tionnels <strong>en</strong> lequel la paroleréfléchit le s<strong>en</strong>s déjà déployé au s<strong>en</strong>s qui reste <strong>en</strong>core à déployer..."(Esprit, Juillet-Aout 1988, p.137).A cela j'ajouterai l'observation finale suivante. Ce serait se tromper que <strong>de</strong> considérer les actionsjustifiables comme <strong>de</strong>s réalités immédiatem<strong>en</strong>t "données". Que quelque chose qui a eu lieu, ouqui a été fait, soit accessible comme une action justifiable suppose une activité <strong>de</strong> configuration etd'appropriation, bref une "praxis opérante", qui est distribuée sur <strong>de</strong>ux foyers, celui <strong>de</strong> laproduction <strong>de</strong> l'action, et celui <strong>de</strong> sa réception. Le caractère d'action tout comme le caractère d'êtrejustifiable sont <strong>de</strong>s caractères émerg<strong>en</strong>ts, corrélatifs à <strong>de</strong>s "actes configurants" (Ricoeur) effectuéspar les ag<strong>en</strong>ts. Toute justification effective suppose donc la création d'une disponibilité: quelquechose qui a eu lieu est appréh<strong>en</strong>dé comme action d'une part, avec ce que cela suppose du point<strong>de</strong> vue sémantique, comme action individuée, intelligible, catégorisable, qualifiable, explicable etjustifiable d'autre part Ce qui implique une production concertée <strong>de</strong> cette intelligibilité, <strong>de</strong> cettejustifiabilité, etc .. Mais ce qui implique aussi un processus d'apprêtem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce qui a été fait, <strong>de</strong>telle sorte qu'il vi<strong>en</strong>ne à acquérir une capacité <strong>de</strong> concerner et d'affecter <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s sous un aspectou un autre, ou qu'il vi<strong>en</strong>ne à requérir <strong>de</strong> leur part une réponse, un jugem<strong>en</strong>t, une critique, etc. C<strong>en</strong>'est <strong>en</strong> quelque sorte que pour autant que ce qui s'est passé, ou a été fait, a été configuré "sousune <strong>de</strong>scription", - <strong>en</strong> tant qu'intelligible et observable, cette occurr<strong>en</strong>ce incorpore déjànécessairem<strong>en</strong>t une qualification et une justification <strong>en</strong> acte - , qu'il est susceptible d'unejustification, d'une qualification, d'un jugem<strong>en</strong>tLa reprise réflexive et discursive <strong>de</strong> l'action - que ce soit pour l'évaluer, l'expliciter, la qualifier, lajuger, la justifier - est <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t commandée par la <strong>de</strong>scription sous laquelle ce qui a eu lieu176177


IX.INDIVIDUAL AND ORGANIZATIONAL LEARNINGDonald SCHONMassachusetts Institute ofTechnologySéance du 28 Mai 1991178179


Tw<strong>en</strong>ty or tw<strong>en</strong>ty-five years aga organizational learning was a rare species among i<strong>de</strong>as,relegated, along with sueh elosely allied notions as "soeietal", "public" and"institutional" learning, to the popular literature ofsocial change. With few exceptions (ofwhich Crozier's The Bureeuctetic Ph<strong>en</strong>am<strong>en</strong>anwas one), it was largely abs<strong>en</strong>t from theliterature oforganizational research. As late as 1978, wh<strong>en</strong> Chris Argyris and 1publishedOtgsnizstionsl Leaming, such well-respecred scholars as Tom Burns and GeoffreyVickers found the i<strong>de</strong>a confusing and, in sorne ways, repugnant.In 1990, the situation is very differ<strong>en</strong>t. Business firms, non-profit ag<strong>en</strong>cies,governm<strong>en</strong>ts, regions, whole nations, are se<strong>en</strong> as needing to adapt to changing<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>ts, draw lessons from past successes and failures, <strong>de</strong>tect and correct errors,conduet experim<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong>gage in continuing innovation. In the aca<strong>de</strong>my no less than in theworld of practice, organizational learning, or (which is not quite the same thing) "theleaming organization", has become an i<strong>de</strong>a in good curr<strong>en</strong>cy.Although the sources of what might be called the "learning imperative" are somewhatdiffer<strong>en</strong>t in each of the fields where the i<strong>de</strong>a has tak<strong>en</strong> root, there is in aIl cases an imageof changing contexts -- ecologies, games of competition, transactional systems -- inwhich organizations are embed<strong>de</strong>d, to which they must respond. Success, however<strong>de</strong>fined, is se<strong>en</strong> as <strong>de</strong>p<strong>en</strong>ding on the ability to see things in new ways, gain newun<strong>de</strong>rstandings, and produce new patterns of behavior -- aIl on a continuing basis and ina way that <strong>en</strong>gages the organization as a who le.These are sorne of the fields in which organizational learning now stands as a powerfuli<strong>de</strong>a :The Sociotechnical Systems Movem<strong>en</strong>t, also known as the Quality of Work Life, orIndustrial Democracy, movem<strong>en</strong>t, grew out of the post-war activities of the TavistockInstitute in England. It was ext<strong>en</strong><strong>de</strong>d in the 1960's and 1970's, by the work of EinarThorsrud and David Philip Herbst and their colleagues in Norway, Fred Emery inAustralia, and many others. Its status has shifted, to its own occasional chagrin, fromfringe movem<strong>en</strong>t to established profession.115 conception ofa leaming organization focusses on the i<strong>de</strong>a ofcollective participation byteams ofindividuals, especially workers, in <strong>de</strong>veloping new patterns ofwork, new careerpaths, and new arrangem<strong>en</strong>ts for combining family and work lives. According to thisview, it is individuals, workers and their supervisors, who can and must learn tore<strong>de</strong>sign their work, and upper level managers who must learn to create the contextswithin which they can do so.Business strategy. This field, sorne tw<strong>en</strong>ty-five years old, created by managem<strong>en</strong>tconsultants and aca<strong>de</strong>mies in schools of business and managem<strong>en</strong>t, takes its rootmetaphor from warfare : organizations like nations, <strong>en</strong>gaged in serious war-like games ofcompetition for markets. Business strategy was originally conceived as a kind ofplanning. Its function was to formulate broad policies ofaction based on appreciation ofthe firm's competitive position in relation to markets, competitors, technologies,materials, skills.As the field has matured, and as the i<strong>de</strong>a of strategy has p<strong>en</strong>etrated governm<strong>en</strong>tal andnon-profit sectors, the strategie game has become dynamic. Effective strategy is se<strong>en</strong> asrequiring continuaI <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t ofnew un<strong>de</strong>rstandings, mo<strong>de</strong>ls and practices. Att<strong>en</strong>tionhas shifted, first, from planning to implem<strong>en</strong>tation of plans, and th<strong>en</strong> to the interaction ofplanning and implem<strong>en</strong>ting in a process explicitly <strong>de</strong>scribed as one of organizationallearning.Production. In the sev<strong>en</strong>ties and eighties, as the United States became slowly andpainfully aware of the competitive chall<strong>en</strong>ge posed by Japan, Germany, Korea and othernations, att<strong>en</strong>tion focused on the importance of high-quality, cost-effective production.180Att<strong>en</strong>tion focused on the need for continuaI maint<strong>en</strong>ance and improvem<strong>en</strong>t ofthe qualityofproducts and production processes.Consi<strong>de</strong>r Dynamic M<strong>en</strong>utecturing; published in 1988 by Hayes, Wheelwright and Clark.Their book is subtitled "Creating the Learning Organization", a term the y see as applyingnot only to the production process but to the performance of the organization as a whole.They claim (p.2.5) that "companies that are quick both to leam new things and to perfectfamiliar things, that adapt imaginatively and effectively to change, and that are looked upto by their cornpetitors because of their ability to lead the way into new fields, t<strong>en</strong>d tohave certain attributes in common. Moreover, companies with these attributes t<strong>en</strong>d to beexcell<strong>en</strong>t throughout".Developm<strong>en</strong>t. After world war II, the field of economie <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t emerged, in closeconnection with the rise of international <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t ag<strong>en</strong>cies like the world bank. Thisfield has be<strong>en</strong> dominated by economists, especially macroeconomists. But a few of itsinflu<strong>en</strong>tial practitioners have emphasized the <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t of the institutions on whichnational economie <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>p<strong>en</strong>ds.Albert Hirschman's Exit, Vaice and LayaIty, first published in 1970, is subtitled"Responses to Decline in Firms, Organizations and States". Hirschman sees aIl suchinstitutions as inher<strong>en</strong>tly subject to <strong>de</strong>terioration -- "lapses from effici<strong>en</strong>t, rational, lawabiting,virtuous or otherwise functional behavior". (p.I) -- and he is concerned with twoprincipal mechanisms of recuperation : the "exit" option, through which "sorne customersstop buying the firm's products or sorne members leave the organization", and the"voice" option, through which "the firm's customers or the organization's membersexpress their dissatisfaction directly to managem<strong>en</strong>t or to sorne other authority to whichmanagem<strong>en</strong>t is subordinate or through g<strong>en</strong>eral protest addressed to anyone who cares tolist<strong>en</strong>."The recuperative processes with Hirschman is concerned have aIl the attributes oforganizational learning processes <strong>de</strong>scribed above, although he does not use the term :they affect the organization as a whole, they operate continually throughout the life oftheorganization, and they involve the <strong>de</strong>tection and correction of <strong>de</strong>cline, <strong>de</strong>terioration ordysfunction. The basic schema of organizational learning is that of signal and response :customers or organization members signal their dissatisfaction, by exit or voice, andmanagers respond.Interestingly, Hirschman writes as a critic of the traditional, neoclassical economist'sconception of the market economy as a self-corrective system, a view that contains itsown implicit conception of organizational leaming. For here, too, firms are treated asrational ag<strong>en</strong>ts capable of learning ta improve their practices, correct their errors, imitatetheir successful competitors, and exploit their comparative advantage.Systems dynamics. The systems mo<strong>de</strong>lling discipline first <strong>de</strong>veloped by Jay Forrester inthe 1960's on the basis of servomechanism and control theory -- and applied in grandsequ<strong>en</strong>ce first to industry, th<strong>en</strong> to cities, and finally to the world -- has tumed in rec<strong>en</strong>tyears to organizationallearning. Peter S<strong>en</strong>ge, one of Forrester's principal followers, hasa forthcoming book The Firth Discipline, which is subtitled, "The Art and Practice ofOrganizational Learning". S<strong>en</strong>ge's treatm<strong>en</strong>t of the subject unites systems thinking withorganizational adaptation and with the realization ofhuman pot<strong>en</strong>tial in a mixture that hasa distinctly Utopian flavor. On the one hand, the asserts that "the rate at whichorganizations learn may become the only sustainable source of competitive advantage."(p.3) ; on the other, he <strong>en</strong>visages learning organizations where "people continuallyexpand their capacity to create the results they truly <strong>de</strong>sire, where new and expansivepatterns of thinking are nurtured, where collective aspiration is set free, and where peopleare continually learning how to learn together". (p. 2).Paradoxes of organizational learning. The examples <strong>de</strong>scribed above illustrate sorne ofthe many eontexts in which organizational learning has now beeome an i<strong>de</strong>a in goodcurr<strong>en</strong>cy. But the i<strong>de</strong>a is no less problematic for organizational research than wh<strong>en</strong> it181


languished on the margins of the field. Organizational leaming is a paradoxical i<strong>de</strong>a thatholds a special interest for researchers because it presses up against he boundaries ofourordinary un<strong>de</strong>rstandings oforganization. It leads us to ask, what is an organization that itmayleam?We can distinguish three versions of this question. First, if we assume (alreadysomething of a leap) that we know what we mean wh<strong>en</strong> we say that individuals leam,and that individuals are the true or proper subject of "learning", what on earth can wemean wh<strong>en</strong> we say that an organization learns ? Second, giv<strong>en</strong> a conception oforganization that makes "organizational learning" un<strong>de</strong>rstandable, do real-worldorganizations fit the criteria of this conception, or are they capable of coming to do so ?Each of these questions has be<strong>en</strong> tak<strong>en</strong> as a basis for skepticism about the utility oforganizational learning either as a compon<strong>en</strong>t of organization theory or as a normativegui<strong>de</strong> to organizational praetice.To begin with, sorne researchers have argued simply that organizations do not leam, onlyindividuals do ; and that "orgnanizational Iearning" signifies, if anything, the leamingachieved by individuals who work or live in an organizational setting. Un<strong>de</strong>rlying thisview, there seems to be a vigorous attachm<strong>en</strong>t to individualism, an anxiety that byappropriating to organizations what is properly an individual attribute, we risk fallingvictim to an i<strong>de</strong>ology of organizational supremacy -- not unlike the mystical, Germanieelevation ofthe State over the individual.Suppose, on the other hand, that we recognize a view oforganizations that makes at leastun<strong>de</strong>rstandable the i<strong>de</strong>a of an organization learning. Doesn't this mean that we see theorganization as a more or less coher<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tity capable, in the first instance, ofag<strong>en</strong>cy and,in the second, of something that resembles rationality, at least to the ext<strong>en</strong>t that weattribute to the organization a capacity for memory, analysis, experim<strong>en</strong>tation and critiealevaluation of action? But this view of organizations, it is argued, has little or noresemblance to organizations as we actually find them in the world because (and here theargum<strong>en</strong>t branches) : (1) organizations are pluralistic systems, little more than stages onwhieh the real actors are local embodim<strong>en</strong>ts ofprofessions, disciplines or classes that, intheir full i<strong>de</strong>ntity, eut across organizational boundaries, or (2) organizations are politiealsyst~ms, ma<strong>de</strong> up of subgroups each with its own interests, freedoms and powers,crucially <strong>en</strong>gaged in battles for control or avoidance of control and incapable offunctioning wholistically as ag<strong>en</strong>ts oflearning, or (3) organizations are inher<strong>en</strong>tly chaotie-- "organized anarchies", in March's words -- and therefore incapable ofapproximatingthoughtful action.4. By what means can organizations <strong>de</strong>velop their capability for the kindsoflearning we consi<strong>de</strong>r <strong>de</strong>sirable ?Our approach to questions (2) through (4) will <strong>de</strong>p<strong>en</strong>d on our answer to (1). How shallwe conceive oforganizationallearning ?Do we imagine that individuals, who play certain organizational roles (perhaps thoseclosest to authority or control over action), learn from their experi<strong>en</strong>ces, and that wh<strong>en</strong><strong>en</strong>ough ofthem have done so, the organization as a whole leams ?Do we think of an organization itself as a kind of super-individual, an ag<strong>en</strong>t like aStatecapable of action, capable of holding and testing theories and therefore also capable oflearning ?Do we think of organizations as groups of individuals, recognizing that groups are real<strong>en</strong>tities not reductible to the individuals who make them up ; and do we th<strong>en</strong> attribute tosuch groups a capacity for thinking inquiring, experim<strong>en</strong>ting, and learning ?Do we think of organizations as polities, political systems ma<strong>de</strong> up of factionscorresponding roughly to the division of labor embed<strong>de</strong>d in the organization or toprofessional bodies (<strong>en</strong>gineers, managers, and financial controllers, for example) whoseexchanges, conflicts and negotiations sometimes take on the character of a learningprocess?Do we think of organizations as cultures that consist in systems of beliefs, values,technologies, languages, common patterns ofbehavior, shared repres<strong>en</strong>tations of reality ;and do we th<strong>en</strong> use "learning" to <strong>de</strong>signate certain processes ofcultural change?Do we think of organizations as cognitive constructs, or artifacts, whose learningconsists in the cumulative accretion of memories, programs, rnaps, exemplars ?A third critique accepts organizational learning as a meaningful notion and agrees thatreal-world organizations do leam. What it <strong>de</strong>nies is that observable organizationalleaming is always -- or ever -- b<strong>en</strong>efic<strong>en</strong>t. Here, again, the argum<strong>en</strong>t branches. Oneversion ofit points to the immorality oforganizations leaming to become more effici<strong>en</strong>t atfulfilling an evil function -- the increasing effici<strong>en</strong>cy of Eiehman's bureaucracy, forexample. A second version points to the exist<strong>en</strong>ce of what Argyris and 1 have called"organizational learning systems". These are informai behavioral worlds draped overformaI organizational structures, and they may function as holding <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>ts forcollective learning ofdubious value -- for example, learning to <strong>en</strong>gage in winllose gamesofmanipulation, <strong>de</strong>ception, and camouflage.Questions. The paradoxes of organizational leaming suggest, th<strong>en</strong>, that we must <strong>de</strong>alwith four interlocking questions:1. What is an organization that it may leam ?2. Are real-world organizations capable oflearning?3. What are the types oflearning, <strong>de</strong>sirable and/or un<strong>de</strong>sirable, ofwhichorganizations are or might be capable?182183


x. INDIVIDUAL PROPERTIES OF THE CEO AS DETERMINANTSOF ORGANIZATION DESIGN: AN INTEGRATED MODELArie Y. LEWINCarroll U. STEPHENSThe Fuqua Schoo1 of BusinessDuke University, DURHAMRapporteur:Jean-François CHANLAT, HEC MontréalSéance du 27 Juin 1991 69 .18469 An earlier version of this paper was pres<strong>en</strong>ted as part of a symposium, "The CEO as Pygmalion: DoCEOs Shape Organizations in Their Images '1", Aca<strong>de</strong>my of Managem<strong>en</strong>t Annua1 Meeting, SanFrancisco, August 12-15, 1990.185


'In spite otettempts ta <strong>de</strong>tach lea<strong>de</strong>rship and atmosphere ofthe organization From theheavy influ<strong>en</strong>ce ofpersonality, that influ<strong>en</strong>ce stilf prevuils. There is ne ver a single causeofa complex situation and it would be absurd to reduce cotpotete problems to thepersonslity ofone (pctson), Yet to exclu <strong>de</strong> the effects ofpetsonelity.... on institutions isanother kindofoversimplification."OVERVIEWAbraham Zaleznick and Manfred Kets <strong>de</strong> VriesPower and the Corporate Mind (1975)A c<strong>en</strong>t<strong>en</strong>nial of research on managem<strong>en</strong>t theory has reinforced a conting<strong>en</strong>cy perspectivefor <strong>de</strong>signing organizations (Mintzberg, 1979 ; Daft, 1989 ; Woodward, 1965; Blau andScho<strong>en</strong>herr, 1971 ; Lawr<strong>en</strong>ce and Lorsch, 1967; Galbraith, 1977; Pugh et al., 1969;Miles and Snow, 1978). In theory, organizations with similar conting<strong>en</strong>cies shoul<strong>de</strong>xhibit similar <strong>de</strong>signs. However, in reality, great variations in organization <strong>de</strong>sign existacross firms within a giv<strong>en</strong> industry or setting (Bobbitt and Ford, 1980). Why might thisbe so?Conflicting conting<strong>en</strong>cies may partially account for these observations (Gresov, 1989).We believe that one crucial conting<strong>en</strong>cy -- the individual properties of the g<strong>en</strong>eralmanager and in particular the chief executive officer?" -- is a major source ofvariations inorganization <strong>de</strong>sign. Child (1972) and Hrebiniak and Joyce (198.5) conclu<strong>de</strong> thatmanagers do matter, ev<strong>en</strong> though they function within a complex and constraining<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal setting. Mintzberg (1989) and Hambrick and Brandon (1988) observe thatthe basic values and beliefs of the CEO are a key force in shaping the organization. Thei<strong>de</strong>a finds its best-known expression in upper-echelons theory (Hambrick and Mason1984). However, empirical studies involving upper-echelons theory have conc<strong>en</strong>tratedmore on CEOs' shaping of their top managem<strong>en</strong>t teams than upon CEOs' impactthroughout the organization.In the case of small organizations or start-up <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurial firms, research has shownthat foun<strong>de</strong>rs and chief executive officers in<strong>de</strong>ed shape their corporations according totheir own prefer<strong>en</strong>ces (e.g., Eis<strong>en</strong>hardt and Schoonhov<strong>en</strong>, 1990 ; Eis<strong>en</strong>hardt andBourgeois, 1988 ; Miller and Orage, 1986 ; Miller and Toulouse, 1986). We believe thatthe same ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>on may also help to explain <strong>de</strong>sign variation and discontinuitiesthroughout large managerial firms -- not merely in small, closely held companies, and notjust in the upper echelons of the organization. With the notable exceptions ofHambrickand Brandon (1988) and Bobbitt and Ford (1980), this topic has received little att<strong>en</strong>tion.However, Stopford and Ba<strong>de</strong>n-Fuller (1990) note that in all six major manufacturingorganizations whose turnarounds they studied, the CEO was the crucial impetus tochange. Anecdotally it appears that rec<strong>en</strong>t organizational transformation of su chcompanies as Allied Corporation, Apple Computer, G<strong>en</strong>eral Electric, and Dupont closelyreflect the incumb<strong>en</strong>cy and individual properties of their respective CEOs : EdwardH<strong>en</strong>nessy, John Scully, Jack Welch, and Edgar Woolard. Furthermore, managers act ontheir belief that they are able to affect their organizations ; h<strong>en</strong>ce they attempt to shapeorganization <strong>de</strong>signs, ev<strong>en</strong> though sorne aca<strong>de</strong>mies (e.g. Hannan and Freeman, 1984 ;Aldrich, 1979) hold that such efforts are usually futile.The literature on ag<strong>en</strong>cy theory (e.g, Fama, 1980 ; Williamson, 1975) and managerialhegemony (e.g., Kosnik, 1987) have <strong>de</strong>monstrated that top managers are sometimes ableto overcome <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal <strong>de</strong>terminants in or<strong>de</strong>r to dominate their organizations.According to Romanelli and Tushman (1988), neither <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>ts nor organizationalinertia are strictly <strong>de</strong>termining : top executives can and do influ<strong>en</strong>ce organizationaloutcomes. Attitu<strong>de</strong>s, and background and <strong>de</strong>mographies, are two distinct categories ofindividual properties of the CEO that appear to affect organization <strong>de</strong>sign and processes.------_._--_..._----70 Like Gupta CI 988), we use the term CEO throughout the paper, but we believe the ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>on we<strong>de</strong>scribe is equally pertin<strong>en</strong>t to heads of subunits or presi<strong>de</strong>nts of operating divisions.186Sorne un<strong>de</strong>rlying elem<strong>en</strong>ts ofthe concept have be<strong>en</strong> discussed elsewhere (Hambrick andBrandon 1988 ; Bobbitt and Ford, 1980 ; Szilagyi and Schweiger, 1984 ; Hambrick andFinkelstein, 1987 ; Gupta, 1988), but no overall framework has be<strong>en</strong> advanced linkingCEO attributes to their choices oforganization <strong>de</strong>signs.Miller and his associates (Miller and Orage, 1986 ; Miller and Toulouse, 1986 ; Miler,Kets <strong>de</strong> V ries, and Toulouse, 1982) have advanced the view that the personality of theCEO constitues a neglected conting<strong>en</strong>cy that drives organization <strong>de</strong>sign. "There arecertain prefer<strong>en</strong>ces, goals, and interpersonal styles processed by CEOs that induce themto create a particular kind of organization -- to select a certain strategy, niche of themarket, or in<strong>de</strong>ed, a particular structure" (Miller and Droge, 1986). Wh<strong>en</strong> predictedrelations betwe<strong>en</strong> traditional conting<strong>en</strong>cy factors fail to materialize, they say, the reasonmay be that the impact ofthe CEO has not be<strong>en</strong> tak<strong>en</strong> into account. Baligh, Burton, andObel (1990) explicitly incorporate g<strong>en</strong>eral-manager prefer<strong>en</strong>ces into their <strong>de</strong>cision supportsystem for organization <strong>de</strong>sign. Although normative mo<strong>de</strong>ls may suggest a particularstructure giv<strong>en</strong> objective conting<strong>en</strong>cies, CEOs may opt for <strong>de</strong>signs that better fit theirpersonal values and styles.Mitroff and Kilmann (I975) and H<strong>en</strong><strong>de</strong>rson and Nutt (I980) argue that managers'problem-solving style <strong>de</strong>termines their preferred type of organization <strong>de</strong>signs. Mitroffand Kilmann (1975) discuss the difficulties of reconciling mismatches betwe<strong>en</strong>managers' preferred problem-solving style and organization <strong>de</strong>sign. However, they donot consi<strong>de</strong>r how managers might shape the organization to fit their problem-solvingstyle. Wh<strong>en</strong> the manager is also the CEO, he or she has greater discretion to shape theorganization in his or her own image rather than adapt to it. In sorne instances, CEOprefer<strong>en</strong>ces and characteristics may become the overriding conting<strong>en</strong>cy and swampalternate ones ; in other instances, CEO prefer<strong>en</strong>ces are one of many conting<strong>en</strong>cies thataffect organization <strong>de</strong>sign. Top managem<strong>en</strong>t's raie in shaping strategy has be<strong>en</strong>discussed in the literature (Gupta, 1988, 1984 ; Gupta and Govindarajan, 1984 ;Chandler, 1962, 1977 ; Szilagyi and Schweiger, 1984), but the CEO's motivation andability in shaping organization <strong>de</strong>sign as means to implern<strong>en</strong>ting strategy and matchingthe organization <strong>de</strong>sign with his or their managem<strong>en</strong>t philosophy and style has be<strong>en</strong>largely overlooked.In this paper, we <strong>de</strong>velop an overall theory of how CEO individual praperties, includingattitu<strong>de</strong>s, and background and <strong>de</strong>mographies, influ<strong>en</strong>ce organization <strong>de</strong>sign un<strong>de</strong>r certainconditions. We do not argue that this ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>on is primary. Rather, we believe that itis most likely to be observed wh<strong>en</strong> the CEO's latitu<strong>de</strong> is high, and <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>talconstraints are relatively low. Furthermore, we believe that linkages betwe<strong>en</strong> CEOattitu<strong>de</strong>s and organization <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces have a higher likelihood of<strong>en</strong>actm<strong>en</strong>t wh<strong>en</strong>the specifie individual properties are extreme rather than mo<strong>de</strong>rate. Thus, at two levels ofanalysis, our mo<strong>de</strong>l is not one of c<strong>en</strong>tral t<strong>en</strong><strong>de</strong>ncies, but of behavior in the tails of thedistribution. We agree with theoristis (Miller and Fries<strong>en</strong>, 1980 ; Nadler and Tushman,1989 ; Tushman and Romanelli, 1988) who argue that implem<strong>en</strong>tation ofchange does notoft<strong>en</strong> occur in a revolutionary manner. We also concur with Stinchombe (1965) andAldrich (1979) that large firms t<strong>en</strong>d to be inertia bound and impervious to change ev<strong>en</strong>un<strong>de</strong>r the most felicitous conditions. Yet such change does occur. Our mo<strong>de</strong>l is anattempt to explain its occurr<strong>en</strong>ce.Our construct of organization <strong>de</strong>sign is not limited to structure. Consist<strong>en</strong>t with Daft andLewin (1990), it <strong>en</strong>compasses the organization's formai and social architecture, climate,<strong>de</strong>cision making, information processing, ethics, structure of employm<strong>en</strong>t relationship,and strategy.Our conceptualization of strategy is that of Miles and Snow (1978). They propose fourstrategie gestalts : <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>rs, who p<strong>en</strong>etrate <strong>de</strong>eply into narrow praducts and markets butdo not <strong>en</strong>gage in innovation; prospectors, who aggressively seek out new opportunities ;analyzers, who maintain a toehold in well-established products and markets but alsoemulate the efforts of the most-innovative organizations ; and reactors, who do notpursue a coher<strong>en</strong>t strategy, either because they rail to aniculate one, because their strategy187


does not fit their <strong>en</strong>vironrn<strong>en</strong>t, or because their structure does not fit their strategy. Ourtheory aiso incorporates factors that mo<strong>de</strong>rate CEOs' abilities to shape organizationsaccording to their own prefer<strong>en</strong>ces.An overall schematic mo<strong>de</strong>i ofthe theory is shown in Figures 1 and 2. Figure 1 illustrateshow the role of the CEO in <strong>de</strong>termining organization <strong>de</strong>sign fits within the traditionalconting<strong>en</strong>cy-theory interplay of factors, including the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t and existingorganization <strong>de</strong>sign. Figure 2 <strong>de</strong>picts the interplay among the three Ievels ofin<strong>de</strong>p<strong>en</strong><strong>de</strong>ntvariables -- attitu<strong>de</strong>s, background, and <strong>de</strong>mographies -- and the <strong>de</strong>p<strong>en</strong><strong>de</strong>nt variables oforganization <strong>de</strong>sign. This paper <strong>de</strong>velops propositions regarding the CEO's influ<strong>en</strong>ce onorganization <strong>de</strong>sign within the framework that the figures outline. First, we discuss howwe <strong>de</strong>rived the theory. Next, we outline the relationship betwe<strong>en</strong> attitu<strong>de</strong>s and <strong>de</strong>signprefer<strong>en</strong>ces. We th<strong>en</strong> discuss how background and <strong>de</strong>mographies -- in<strong>de</strong>p<strong>en</strong><strong>de</strong>ntlyand/orinteractively with attitu<strong>de</strong>s -- affect <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces. Finally, we construct illustrativearchetypes of organization <strong>de</strong>sign based upon attitu<strong>de</strong> clusters, and discuss testing ofthetheory.CO.. P[ TITIV[ OYNAWICSR[GULATORYINVf:STORSSOCIAL "'1010 POllT1CllFIGURE 1P[IlSOHA1I1Y CHlll,cnR!SlICS....AlllES AHD PRErEJ1[NC(SBACKCltOOHO i [xPERIO+tESOCIAL NtlWOllKHIS TORY. HUilAGEOiSflNCTIV[ CQWP(l[NClESOIlG1Nllf,TIOH (}[SlGN""H.\GOIEMT PHltOSoPHYsrru. 'NO StRAt[GK;ptRSPECTlV[LAltTuO[...//r1,-: :,/ tP[RSONAUfYCHAilIC1ERlSTlCSlNTEIMNTION SKIUSDETERMINANTS OF ORGANIZATION DESIGN-"- ..1--iCEOBACKGROUNDCEODEMOGRAPHICSFIGURE 2-.


that H<strong>en</strong>nessy instituted a BCG-type business strategy ; a formalized strategie-planningprocess ; and reward, appraisal, and control structures that are concrete embodim<strong>en</strong>ts ofthe compon<strong>en</strong>ts of need for achievem<strong>en</strong>t. The <strong>de</strong>sire of high nAch individuals forfeedback is so c<strong>en</strong>tral that it would be difficult to imagine a high nAch CEO who did notattempt to build these processes into his or her organization, as H<strong>en</strong>nessy did withrewards, performance evaluation, and monitoring of strategy implem<strong>en</strong>tation.H<strong>en</strong>nessy's spoke-and-wheel strategie perspective involves a portfolio (SBU) approachto strategie planning, which is normatively associated with mo<strong>de</strong>rate risk. However,there are multiple routes to mo<strong>de</strong>rate-risk outcomes ; thus a CEO high in need forachievem<strong>en</strong>t would not necessarily pursue the spoke-and-wheel strategy but couldstructure a variety of mo<strong>de</strong>rate-risk alternative. Finally, H<strong>en</strong>nessy un<strong>de</strong>rtook a totaltransformation of his organization in or<strong>de</strong>r to gui<strong>de</strong> it towards high performance. Theglobal behavior is consist<strong>en</strong>t with need for achievern<strong>en</strong>t, but the specifie form that it takescannot be predicted on the basis of need for achievem<strong>en</strong>t alone.By such inductive linkages, we formulated attribute-<strong>de</strong>sign propositions, sorne ofwhichare virtually necessary giv<strong>en</strong> that the attribute is pres<strong>en</strong>t and others of which are merelyconsist<strong>en</strong>t with but not <strong>de</strong>finitional of the attribute. We use the Allied case to illustrateourmo<strong>de</strong>! throughout the paper.ATTITUDESThere is much disagreem<strong>en</strong>t in the social-psychology literature about how traits, beliefs,and values differ. Since any theoretical distinction amongst the terms is beyond the scopeof this paper, we adopt the conv<strong>en</strong>tion of Robinson and Shaver ( 1973) by calling aIl suchcharacteristics of the individual "attitu<strong>de</strong>s". Attitu<strong>de</strong>s are <strong>de</strong>fined as relatively <strong>en</strong>duringpsychological properties of the individual. According to Ajz<strong>en</strong> and Fishbein (1980),studies using rigorous methodologies have rec<strong>en</strong>tly <strong>de</strong>monstrated much closer linkagesamong attitu<strong>de</strong> and behavior than had previous1y be<strong>en</strong> shown.There is a mo<strong>de</strong>st but significant literature on linkages betwe<strong>en</strong> CEO attitu<strong>de</strong>s andorganization <strong>de</strong>sign. Miller, Kets <strong>de</strong> Vries, and Toulouse (1982) found that executivewith internaI loci of control - that is, those who fe1t confi<strong>de</strong>nt in their ability to influ<strong>en</strong>ceev<strong>en</strong>t (Rotter, 1966) - pursued strategies that <strong>en</strong>tailed more product-rnarket innovations,greater risk, and more industry lea<strong>de</strong>rship than did CEOs with external loci of control.The authors also found that the organizations of internaIs were more organic (Burns andStalker, 1961) than the organizations ofexternals - not because ofany inher<strong>en</strong>t prefer<strong>en</strong>ceof internaIs for organic <strong>de</strong>signs, but because the innovative organizations that theypreferred suggested such a <strong>de</strong>sign via conting<strong>en</strong>cy theory.Miller and Droge (1986) formulated a LISREL mo<strong>de</strong>llinking CEO need for achievem<strong>en</strong>t(McClelland, 1961) with structural dim<strong>en</strong>sions of c<strong>en</strong>tralization of authority,formalization, corn plexity, and integration. Results were significant and in the predicteddirections.In aIl the Miller et al. studies, results were much st ronger in small, young firms. AsMiller et al. argue, it is reasonable to assume that the ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>on of CEOs shapingorganization <strong>de</strong>sign is most likely to occur wh <strong>en</strong> top managers have a hands-onopportunity to do so and wh<strong>en</strong> forces of institutionalization are relatively weak.However, we believe that the ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>on can and does takes place in <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>ched, largemanagerial firms, which the Allied case illustrates.Although the various Miller studies focus on Iimited and specifie attributes of CEOpersonality characteristics, the authors note the vast pot<strong>en</strong>tia1 for incorporating otherattributes into the theory. Miller and his coauthors selected the individual properties thatthey did largely on basis of a<strong>de</strong>quate measures and ample theory, but they emphasizedthat many other attributes could be chos<strong>en</strong> for future research. Furthermore, the Milerstudies examined persona1ity variables in a univariate fashion, rather than as multivariateclusters.190The literature on how executives' problem-solving style correlates with theirorganization-<strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces (e.g., Mitroff and Kilmann, 1975; Nutt, 1984 ;H<strong>en</strong><strong>de</strong>rson and Nutt, 1980) is also relevant. Many ofthese studies have be<strong>en</strong> conductedin the laboratory, so they <strong>de</strong>al only with hypothesized <strong>de</strong>sign issues rather than actual<strong>de</strong>sign implem<strong>en</strong>tation. However, they provi<strong>de</strong> a number ofintriguing i<strong>de</strong>as regarding fitbetwe<strong>en</strong> CEO problern-solving style and organization <strong>de</strong>sign. Although problem-solvingstyle overlaps with several of the attitudinal constructs in this paper, we do not <strong>de</strong>veloppropositions regarding problem-solving style, because the attitu<strong>de</strong>s that we examine arebasic properties, and we see problern-solving style as an intermediate rather than aprimary construct.As Miller and Fries<strong>en</strong> (1980) and Tushman and Romanelli (198.5) point out, significantchanges in organizationa1 structure are much more 1ikely to appear in times ofcrisis, andwith changes in top managem<strong>en</strong>t. Ranson, Hinings, and Gre<strong>en</strong>wood (1980) also raisethe rare possibility that profound changes in organization <strong>de</strong>sign can emanate fromalterations in the fundam<strong>en</strong>tal beliefs of existing lea<strong>de</strong>rs: "Wh<strong>en</strong> priests revise theirtheology, wh<strong>en</strong> teachers adopt a more radical pedagogical frame of refer<strong>en</strong>ce, or whereprofessional assumptions supplant managerial ones, we may expect structural forms to bealtered... " In other words, structural changes are presumed to be a function of shifts inbeliefs of those doing the structuring. It th <strong>en</strong> becomes reasonable to investigate acompreh<strong>en</strong>sive range ofattitu<strong>de</strong>s that might be associated with structures.In the sections that follow, we consi<strong>de</strong>r the eight following attitu<strong>de</strong>s : need forachievem<strong>en</strong>t, Machiavellianism, egalitarianisrn, trust in people, tolerance for ambiguity,locus ofcontrol, risk prop<strong>en</strong>sity, and cognitive moral <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t.Human being are suffici<strong>en</strong>tly complex that no list of attitu<strong>de</strong>s can ever be exhaustive ormutually exclusive. H<strong>en</strong>ce, the attitu<strong>de</strong>s examined in this paper cannot completely<strong>en</strong>compass aIl attitu<strong>de</strong>s that could pot<strong>en</strong>tially drive <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ce, and there is sorneconceptual overlap among various of the attitu<strong>de</strong>s that we discuss in this paper. Weselected the particular attitu<strong>de</strong>s that we did for severaI reason. First, we inclu<strong>de</strong>d all thoseattitu<strong>de</strong>s that previous research and suggested affect organization <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces.Next, we consulted a compreh<strong>en</strong>sive refer<strong>en</strong>ce book of attitu<strong>de</strong> inv<strong>en</strong>tories (Robinsonand Shaver, 1973), and inclu<strong>de</strong>d every attitu<strong>de</strong> for which we could pose a plausibleanalogue in organization-<strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces. Many attitu<strong>de</strong>s do not have implications fororganization <strong>de</strong>sign; for examp1e, people who place a high value on aesthetics (Rokeach,1968) wou1d not be expected to be drawn towards any particular structure. Attitu<strong>de</strong>sinclu<strong>de</strong>d in this paper have four features in common : 1) measures of establishedreliability and validity exist to assess them, thus facilitating testing of the theory, 2) theattitu<strong>de</strong>s can pot<strong>en</strong>tially find expression in organization-<strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces 3) the attitu<strong>de</strong>sappear to be relative preval<strong>en</strong>t among CEOs, and 4) there appears to be variance amongCEOs along the attitu<strong>de</strong> dim<strong>en</strong>sions.NEED FOR ACHIEVEMENTMcClelland (1961) daims that high need for achievem<strong>en</strong>t is the single characteristic thatbest captures the motivations and personalities of business executives. BecauseMcC1elland's theory <strong>de</strong>als only with individuals high in need for achievem<strong>en</strong>t rather thanwith individuals Iow and mo<strong>de</strong>rate in this trait, we also limit our <strong>de</strong>sign predictions tohigh levels of the construct. High nAch individuals sp<strong>en</strong>d a great <strong>de</strong>al of time thinkingabout "how to do things better", They are not interested in rewards in and ofthemselves,but on the basis of the recognition of achievem<strong>en</strong>t that rewards repres<strong>en</strong>t. Ed H<strong>en</strong>nessy,for example, took a sizeable salary eut in or<strong>de</strong>r to join Allied and have the opportunity to"run his own show". One of his greatest pleasures, he said, was "meeting a chall<strong>en</strong>ge"(O'Bri<strong>en</strong>, 1982). His subordinates <strong>de</strong>scribed him as a hard-working hands-on manager.He assumed similar attributes on the parts of his SBU heads : "In my philosophy ofmanagem<strong>en</strong>t", he said, "the people managing our profit c<strong>en</strong>ters must be giv<strong>en</strong> fullauthority over their businesses - and must be held accountable". People who are high inneed for achievem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>d to set attainable yet chall<strong>en</strong>ging goals for themselves, and theytake mo<strong>de</strong>rate yet not excessive risks. Also , they <strong>de</strong>sire frequ<strong>en</strong>t, concrete feedback on191


how they are progressing towards their goals. H<strong>en</strong>nessy seems a paradigmatic high needfor-achievern<strong>en</strong>rindividua!.As Miller and Droge (1986) have found, CEOs with high need for achievem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>d tohave firms that exhibit differ<strong>en</strong>tiation and integration. The differ<strong>en</strong>tiation prediction hasits roots in the <strong>de</strong>sire of high-need-for-achievem<strong>en</strong>t individuals for concrete feedback. Inor<strong>de</strong>r to produce that feedback, Miller and Droge say, specialized processes are necessary- h<strong>en</strong>ce differ<strong>en</strong>tiation. And because such CEOs like to have their fingers on the pulse ofthe organization in or<strong>de</strong>r to both take responsibility and receive feedback, formaIintegrative mechanism are appeaIing to them.Our predictions differ somewhat from those ofMiller and Droge. We do not believe thathigh ~ach dictates formalization in g<strong>en</strong>eral, but rather formaIization of goal setting,appraisal , feedback, and reward systems. This is because people high in nash havestrong prefer<strong>en</strong>ces for structured information on their achievem<strong>en</strong>ts, but do not haveinformation-format prefer<strong>en</strong>ces along other dim<strong>en</strong>sions (McCleIland, 1961). Thusintegration and differ<strong>en</strong>tiation apply only to those functions that relate to performancefeedback. A notion implicit in our overall theory is that individuals behave as if otherpeople's motivational structures are similar to their own ; therefore, CEOs provi<strong>de</strong>employees with performance evaluation and reward systems that they feel would spurthemselves to good performance. CEOs who are achievem<strong>en</strong>t ori<strong>en</strong>ted should thus favorhighly structured inc<strong>en</strong>tives, rewards, and performance appraisals because of their ownneed for formalized means-<strong>en</strong>ds m<strong>en</strong>tal maps and concrete goal-ori<strong>en</strong>ted feedback. Suchfeedba~k mechanisms are virtually <strong>de</strong>finitional of people high in need for achievem<strong>en</strong>t,accordmg to Mc Clelland (1961).We see no basis for hypothesizing that high-need-for-achievern<strong>en</strong>t executives shouldprefer one form of organization <strong>de</strong>sign type, mechanistic or organic (Burns and Stalker,1961), over another. Such CEOs are most concerned with goal achievem<strong>en</strong>t. Therefore,we wouId expect that specifie organizational arrangem<strong>en</strong>ts will be chos<strong>en</strong> on the basis ofpragmatism, especially the CEO's perceptions ofeffectiv<strong>en</strong>ess. AIl else equal, CEOs highin need for achievem<strong>en</strong>t would not be wed<strong>de</strong>d to a "one best way" organization <strong>de</strong>sign.Similarly, although CEOs high in nach are predicted to have <strong>de</strong>vised a viable strategy, wesee no basis for hypothesizing which particular strategy they will select. In terms ofMilesand Snow's (1978) strategie topology, high nasch CEOs could be prospectors,analyzers, or <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>rs, but are unIikely to be reactors. This is so because the first threeare coher<strong>en</strong>t, t<strong>en</strong>able strategies, whereas the last repres<strong>en</strong>ts a failure to articulate and/orimplem<strong>en</strong>t strategy.As already noted, Allied un<strong>de</strong>r H<strong>en</strong>nessy embodied the predicted attributes of anorganization hea<strong>de</strong>d by a CEO high in need for achievem<strong>en</strong>t.Summary Proposition 1 71 : CEOs high in need for achievem<strong>en</strong>t will articulate a viablestrategie direction for their firm and <strong>de</strong>sign integrated and differ<strong>en</strong>tiated organizationscharacterized by highly formalized strategie planning, goal-setting, inc<strong>en</strong>tive, reward, andappraisal systems.MACHIAVELLIANISMMachiavellianism (Christi et al., 1969) is a particular dim<strong>en</strong>sion of need for power thatinvolves a preoccupation with matters of hierarchy and strong <strong>de</strong>sire to control andmanipulate people. As in the case of need for achievem<strong>en</strong>t (McCleIIand, 1961), theconstruct is not symmetrica!. Therefore, Christie's (1969) predictions as weIl as oursapply only to individuals who exhibit a high IeveI of the attitu<strong>de</strong> rather than those whohave low or mo<strong>de</strong>rate Machiavellianism. Because various constructs of need for powerare sali<strong>en</strong>t for much of the population and have political as weIl as psychological and71 Each proposition that we offer is of the "ceteris pari bus" form. For the sake of simplicity, this is tacitrather than repeated in each proposition In the archetypes and <strong>en</strong>actrn<strong>en</strong>t sections, we discuss outcomeswh<strong>en</strong> ail else in not equal:192organizational implications, a variety of researchers have <strong>de</strong>veloped measures to assessthem (e.g., Adorno et al!., 19.50; Bass, 19.55). Robinson and Shaver (1973) point outthat many measures of power are not suff1ci<strong>en</strong>tly discriminating at the top-managem<strong>en</strong>tlevel, because they assess how people relate to power rather than how they exert power.Therefor, we adopt Christies et a!.'s (1969) construct, which taps the dim<strong>en</strong>sions ofexercising power that come into play in the executive ar<strong>en</strong>a. Consist<strong>en</strong>t with Christie etal.'s (1969) Mach V scale, we <strong>de</strong>fine MachiaveIIianism in terms of the individual'sbeliefs about whether other people can and should be manipulated to achieve <strong>de</strong>sire<strong>de</strong>nds.Above aIl, individuals who are high in Machiavellianisrn believe in the acceptability oftreating people as a means towards <strong>en</strong>ds. H<strong>en</strong>ce we expect that high-MachiavellianisrnCEOs will implem<strong>en</strong>t hierarchical organization structures, and c<strong>en</strong>tralized control andmonitoring systems - that is, sorne variant of a mechanistic organization <strong>de</strong>sign. Thisexpectation is based on our view that mechanistic organization aids those we possesscontrol in retaining it. However, we agree with House (1990) that individuals lower inthe organization who have high MachiaveIIianism probably prefer organic structure,whieh aids them in obtaining power. High-Machiavellianism individuals are alsoconcerned with relative position within the organization. This implies that high­Machiavellianism CEOs will <strong>de</strong>sign reward systems based upon status, embodyingwi<strong>de</strong>ly discrepant pay betwe<strong>en</strong> levels, differ<strong>en</strong>tial b<strong>en</strong>efit packages for labor andmanagem<strong>en</strong>t, and visible perquisites su ch as staff, company cars, and executive diningrooms. Since such CEOs prefer subordinates to be submissive, conforming, andobedi<strong>en</strong>t, employee selection and recruitm<strong>en</strong>t processes will t<strong>en</strong>d to seek individuals whodo not value autonomy. The need for control that characterizes Machiavellian people alsosuggests that these CEOs do not tolerate diversity ofopinion; h<strong>en</strong>ce their TMTs are likelyto be homog<strong>en</strong>eous. These predictions are very much in line with those that Hambrickand Brandon (1988) posit for top executives who value power.Zaleznik and Kets <strong>de</strong> Vries (197 5) cIaim that <strong>de</strong>sire for personal power of aIl types ispot<strong>en</strong>tially dysfunctional for organization performance. People motivated by such needsare oft<strong>en</strong> more concerned with their own feelings of control than with objectiveorganizational outcomes. They are highly incIined towards mechanistic, control-ori<strong>en</strong>tedstructures. If such structures happ<strong>en</strong> to fit their organization's conting<strong>en</strong>cies,performance need not suffer. But if task and <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t suggest a non mechanisticorganization structure, CE Os characterized by high Machiavellianism are expected topersist impreferring a mechanistic structure. Therefore, ceteries paribus, conting<strong>en</strong>cymis fit is more Iikely to occur in organizations hea<strong>de</strong>d by CEOs high in Machiavellianism.Summary Proposition 2 : CEOs high in Machiavellianism will <strong>de</strong>sign organizationscharacterized by hierarchy and control, incIuding c<strong>en</strong>tralized control, monitoring, andsupervision systems: hierarchical structures and status-based reward systems; an<strong>de</strong>mployee selection protocols that favor candidates low in need for autonomy. Because oftheir overriding prefer<strong>en</strong>ce for mechanistic <strong>de</strong>signs regardless of conting<strong>en</strong>cy factors,organizations hea<strong>de</strong>d by CEOs high in Machiavellianism will be more Iikely to experi<strong>en</strong>cemisfit. CEOs high on Machiavellianism, because of their need to control, will preferhomog<strong>en</strong>eous TMTs.EGALITARIANISMEgalitarianism (Rokeach, 1968) reflects the ext<strong>en</strong>t to which and individual believes thatpeople ought to be accor<strong>de</strong>d rights and privileges based upon fundam<strong>en</strong>tal humansimilarities or upon differ<strong>en</strong>ces in achievem<strong>en</strong>t and status. It is, in a s<strong>en</strong>se, the inverse ofMachiavelianism and involves proactively diminishing power differ<strong>en</strong>tials and seekingpower equalization. Egalitarian individuals are <strong>de</strong>eply committed to due process andrespect for the individual. They believe that aIl people ought to be treated as equal ev<strong>en</strong>though they may not be equal, while less-egalitarian individuals believe that differ<strong>en</strong>tialtreatm<strong>en</strong>t based upon status and/or abilities is acceptable.193


Egalitarian CEOs can be expected to seek to minimize power differ<strong>en</strong>ces in organizationsvia <strong>de</strong>c<strong>en</strong>tralized authority and organization structures that minimize levels ofauthority inthe organization. Since egalitarians believe that aIl members ofthe organization should betreated fairly, such CEOs would initiate structures for employee voice (Hirschman, 1970)and redress of grievances. FinaIly, consist<strong>en</strong>t with egalitarianism, reward systems andperquisites would not be based upon status, but would be relatively equal throughout theorganization. For instance, we should not expect to see managers and workers receivinggreatly differ<strong>en</strong>t b<strong>en</strong>efit packages, and trappings ofstatus would be minimized. Althoughthere are wage differ<strong>en</strong>tials in virtually every organization, they should be less vast incompanies led by egalitarian CEOs.Summary Proposition 3 : Egalitarian CEOs, because of their respect for the individualand prefer<strong>en</strong>ce for power equalization, will <strong>de</strong>sign relatively non-hierarchical structures,will implem<strong>en</strong>t multiple av<strong>en</strong>ues for bottom-up and lateral communications, will set upav<strong>en</strong>ues for redress of employee grievances, and will <strong>de</strong>sign non-status-based rewardsystems and perquisites.TRUST IN PEOPLETrust in people (Survey Research C<strong>en</strong>ter, 1969) reflects the individual's basie philosophyofhuman nature: Are people ess<strong>en</strong>tially good or evil, hardworking or lazy, trustworthyor dishonest, g<strong>en</strong>erous or stingy ? Trust in people is distinguished from egalitarianism byits emphasis on basie beliefs about how individuals behave rather than how individualsought to be treated. It is possible to believe that people should be <strong>de</strong>alt with in anegalitarian manner without believing that people are basieally good (his seeming paradoxis a c<strong>en</strong>tral t<strong>en</strong>et ofsorne Reformation Protestant religions). In a parallel s<strong>en</strong>se, it is alsopossible to believe that people are basieally good, yet separated by wi<strong>de</strong> disparities inability that justify vastly differ<strong>en</strong>tial status and treatm<strong>en</strong>t.CEOs who believe that human beings are fundam<strong>en</strong>tally good should be less inclinedtowards supervision and <strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t. Because of their belief that people t<strong>en</strong>d to bebasieally hard-working by nature - that is, motivated by internaI factor - they are likely to<strong>de</strong>sign organizations that emphasize principles of intrinsic rather than extrinsicmotivation. Therefore, their organizational structure should be relatively non hierarchical,to reflect a lack of emphasis on supervisory positions. Concomitantly, there should belittle monitoring ofindividuals.A basie belief in the goodness ofhuman nature implies a fundam<strong>en</strong>tal assumption thatpeople t<strong>en</strong>d to behave virtuously. H<strong>en</strong>ce, it is possible that CEOs high on trust in peoplewould not institute ethieal co<strong>de</strong>s or <strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t mechanisms. This omission would stemnot from a disregard ofethies concerns, but from the belief that no organizational effortsare necessary to <strong>en</strong>sure ethical behavior.Summary Proposition 4 : CEOs high on trust feellittle need to monitor employees or toinflu<strong>en</strong>ce employees or to influ<strong>en</strong>ce employees' ethieal behaviors. Therefore, they arelikely to <strong>de</strong>sign relatively non hierarchical structures, to implem<strong>en</strong>t few supervisorymechanisms, and to promote self-managing work groups. CEOs high on trust areunlike1y to implem<strong>en</strong>t structures for the promulgation and <strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t ofethies.LOCUS OF CONTROLLocus ofcontrol (Rotter, 1966) captures the ext<strong>en</strong>t to which individuals believe that theycan control their fate, or conversely, the ext<strong>en</strong>t to which they believe that luck,<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t, and other externalities <strong>de</strong>termine their personal outcomes. Individuals withinternaI loci of control are likely to be proactive in controlling circumstances, whileexternals are likely to be fatalistic and thus resigned. We propose that CEOs with externalloci of control are less likely to re<strong>de</strong>sign organizations as a means of controlling their<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t. Conversely, internaI CEOs will be proactive in re<strong>de</strong>signing theirorganizations, since they strongly believe in their personal efficacy.194OveraIl, internaI CEOs can be expected to re<strong>de</strong>sign their organizations so as to minimize<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal constraint and allow maximal personal impact.Aguilar (1988) posits that attempting to suppress external impact on the orgnization is acharacteristie function oftop managem<strong>en</strong>t. We concur, but see this managerial behavioras conting<strong>en</strong>t upon the manager's locus of control. Not aIl top managers will perceiveminimization of<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal constraints as an attainable outcome ofmanagerial action(Hambrick and Finkelstein, 1987).To illustrate, compare the words ofJohn Connor, H<strong>en</strong>nessy's pre<strong>de</strong>cessor at Allied, tothose ofH<strong>en</strong>nessy himself:"1 had come to see us as in a situation where you take the bitter with the sweet.... 1thought we had to just take our medicine and wait it out", Connor stated to the casewriter.Fortune magazine ma<strong>de</strong> similar observations ofConnorduring his t<strong>en</strong>ure as Secretary ofCommerce in the Johnson administration, belying the notion that Connor's lea<strong>de</strong>rshipparalysis was attributable to the partieular conditions at Allied : "Within the CommerceDepartm<strong>en</strong>t, Connor is something less than the complete boss". Rather than attempt tochange the situation, Connor "<strong>en</strong>dured the frustrations by acting the stoic, putting the bestpossible face on what could have only be<strong>en</strong> a severe disappointm<strong>en</strong>t. Connor ma<strong>de</strong> nocomplaint".H<strong>en</strong>nessy, on the other hand, told the Allied casewriter : "Simply put, may philosophy isto cut our losses and move on".This classic behavioral comparison of external versus internaI locus of controlpersonalities was reflected in Allied's outcomes un<strong>de</strong>r the respective CEOs : prior toH<strong>en</strong>nessy's asc<strong>en</strong><strong>de</strong>ncy, the company was <strong>de</strong>scribed as paralyzed (O'Bri<strong>en</strong>, 1982).One ofthe most obvious means for exerting top-managem<strong>en</strong>t efficacy in organizations isvia strategie planning. To artieulate a strategie vision and to un<strong>de</strong>rtake formaI planningimplies the belief that the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t is tractable, and that strategie choiee can prevailover <strong>de</strong>terminism (Child, 1972 ; Hrebiniak and Joyce, 1985). Therefore CEOs withinternaI loci of control are expected to believe in strategy, espouse strategy, andimplem<strong>en</strong>t viable strategie planning processes. As in the case CEOs high in nach, there isno basis to predict whether CEOs with internaI loci will be analyzers, <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>rs, orprospectors (Miles and Snow, 1978) - that is, internaIs are predieted to follow coher<strong>en</strong>tstrategies. However, because oftheir fatalism, external CEOs are likely to exhibit reactorstrategies - in other words, externals will not attempt to control strategie outcomes. Inor<strong>de</strong>r to garner the information necessary to support strategie planning, internaI CEOswould implem<strong>en</strong>t monitoring of the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t and set up concomitant boundaryspanningstructures and staff.Summary Proposition 5 : CEOs with internaI loci ofcontrol feel efficacious in controllingoutcomes. Therefore, they are likely to believe in the concept of strategy, <strong>en</strong>gage instrategie planning, implem<strong>en</strong>t the structures and processes for monitoring the<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t that strategie planning <strong>en</strong>tails, and restructure their organizations to fit theconting<strong>en</strong>cies oftheir chos<strong>en</strong> strategies. InternaI CEOs may be prospectors, analyzers, or<strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>rs ; external CEOs are likely to be reactors.TOLERANCE FOR AMBIGUITYThis construct (Martin and Westies, 1959) captures the ext<strong>en</strong>t to whieh people "t<strong>en</strong>d toperceive multidim<strong>en</strong>sional stimuli as absolutely dichotomous, to seek unambiguoussolutions for complex problems, and to <strong>de</strong>monstrate rigid, categorical thinking"(Robinson and Shaver, 1973). It parti aIly overlaps with what Mitroff and Kilmann(1975) label problern-solving style. People with the s<strong>en</strong>sing-thinking problem-solvingstyle prefer concrete data that may be processed rationally. Analogously, people withlow tolerance for ambiguity prefer to reduce complex issues to more-tractable forms, to195


<strong>de</strong>al with a minimum ofinformation from the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t, and to resist change. Peoplewith high tolerance for ambiguity prefer the converse: they are more likely to experim<strong>en</strong>t,to try a variety ofapproaches, to seek diverse opinions, and to be comfortable with longtermplanning horizons. Therefore, individuals high in tolerance for ambiguity should beable to cope with the inher<strong>en</strong>t uncertainties and pot<strong>en</strong>tial for surprises that <strong>de</strong>c<strong>en</strong>tralizedstructures and organic organization <strong>de</strong>signs repres<strong>en</strong>t. Since they do not feel compeUedto know what their subordinates are doing at all times (thus reducing ambiguity), theywould not be expected to implem<strong>en</strong>t elaborate monitoring structures or to "micromanage". They are more likely to <strong>de</strong>legate tasks and authority. Because tolerance forambiguity implies a capacity for <strong>de</strong>aling with multiple stimuli and rich information, suchCEOs can be expected to manage for the long term, to <strong>en</strong>gage in broa<strong>de</strong>r <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>talscanning, and to structure problem-solving dialectics that promote multiple points ofview. In selecting strategies, people with high tolerance for ambiguity are likely to preferthe prospector strategy, because ofthe <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal uncertainty that it implies, and theanalyzer strategy, because of the ambiguity inher<strong>en</strong>t in running paraUel organizations.People with low tolerance for ambiguity are likely to prefer the <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>r strategy, becauseofits certainty level. Since tolerance for ambiguity permits diverse points ofview, CEOshigh on tolerance for ambiguity are likely to assemble heterog<strong>en</strong>eous TMTs, while CEOslow on tolerance for ambiguity ar likely to assemble homog<strong>en</strong>eous TMTS.Summary Proposition 6 : CEOs high on tolerance for ambiguity are comfortable inmultifaceted, uncertain, information-rich <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>ts. Therefore they are likely tomanage for the long term ; to <strong>de</strong>sign <strong>de</strong>c<strong>en</strong>tralized, organic organizations ; to <strong>en</strong>gage inlow monitoring of employees but high monitoring of the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t ; to preferprospector and analyzer strategies; to have heterog<strong>en</strong>eous TMTS ; and to restructuretheir organizations in manners that they consi<strong>de</strong>r pragmatic. Converse <strong>de</strong>sign predictionshold for CEOs low on tolerance for ambiguity ; they are likely to manage for the shortterm ; to <strong>de</strong>sign c<strong>en</strong>tralized, mechanistic organizations ; to <strong>en</strong>gage in high monitoring ofemployees but low monitoring ofthe <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t ; to prefer <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>r strategies; to havehomog<strong>en</strong>eous TMTs ; and to maintain organization structures that minimize ambiguity.RISK PROPENSITYAs March and Shapira (1987) note, attitu<strong>de</strong> towards risk are a crucial variable inmanagerial <strong>de</strong>cision making. Risk prop<strong>en</strong>sity (Sitkin and Pablo, 1990) <strong>de</strong>scribes anindividual's attitu<strong>de</strong> towards risk across situations. It differs from the traditional conceptof risk prefer<strong>en</strong>ce in that it <strong>en</strong>compasses both the traditional subjective-expected-utilityview of risk seeking or risk aversion, and affective dim<strong>en</strong>sions of behavior. Thus it ismore predictive than the traditional risk-prefer<strong>en</strong>ce construct, and draws upon Hogarthand Einhom's (1990) notion that attitu<strong>de</strong>s towards risk contain both cognitive andmotivational elem<strong>en</strong>ts.Individuals with high risk prop<strong>en</strong>sity are willing - in<strong>de</strong>ed they <strong>en</strong>joy - to take risks withhigh stakes ; they become restless in stable, certain situations. Conversely, individualswith low risk prop<strong>en</strong>sities attempt to minimize uncertainty, and avoid high-stakeproblems. The <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>r strategy is characterized by a stable <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t, and predictableproducts and markets. Thus it should appeal to CEOs with low risk prop<strong>en</strong>sities, andCEOs with high risk prop<strong>en</strong>sities would avoid il. The prospector strategy is inher<strong>en</strong>tlyrisky, in that it <strong>en</strong>tails uncertain <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>ts, products, and markets. The anaIyzerstrategy is also inher<strong>en</strong>tIy risky, since it invoives running paraUel organizations, which<strong>en</strong>tails uncertainty in the managing of the organization. Therefore, CEOs with high riskprop<strong>en</strong>sities would prefer prospector and analyzer strategies, and CEOs with Iow riskprop<strong>en</strong>sities would avoid them. Miles and Snow (1978) <strong>de</strong>fine an organization as reactorwh<strong>en</strong> a misfit occurs betwe<strong>en</strong> <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t and choice ofstrategy. Thus CEOs with bothhigh and low risk prop<strong>en</strong>sities inadvert<strong>en</strong>tly may lead their organizations to reactorstrategies, because they will select strategies on the basis of their risk prop<strong>en</strong>sities ratherthan objective factors. CEOs with low risk prop<strong>en</strong>sity will t<strong>en</strong>d to implem<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tralizedorganization <strong>de</strong>signs characterized by high control int<strong>en</strong>sity and direct supervision inor<strong>de</strong>r to minimize uncertainty and avoid surprises.Summary Proposition 7 : Organizations of CEO with high risk prop<strong>en</strong>sity will t<strong>en</strong>d toexhibit prospector, analyzer, or reactor strategies, and to avoid <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>r strategies.Organizations of CEOs with low risk prop<strong>en</strong>sity will t<strong>en</strong>d to exhibit <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>r or reactorstrategies, and to avoid prospector and analyzer strategies. CEOs with low riskprop<strong>en</strong>sity will also t<strong>en</strong>d to implem<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tralized organization <strong>de</strong>signs characterized byhigh control int<strong>en</strong>sity and supervision.MORAL REASONINGKohlberg (1958, 1969) and his coUeagues (e.g. Rest, 1979, 1986 ; Can<strong>de</strong>e, 1976 ;Tu riel , 1980 ; Gilligan, 1982) have posited that the ethical choices that people make arelargelya function oftheir ability to perform moral reasoning tasks. This process, termedcognitive moral <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t (CMD), unfolds as individuals mature. According to thistheory and a vast body of empirical research based on it (see Rest, 1986, for a review),the CMD stage that a person attains govems the reasoning process for consi<strong>de</strong>ring ethical<strong>de</strong>cisions, and also dictates the sorts of issues that the individual consi<strong>de</strong>rs to faU withinthe moral domain. Although the theory emphasizes moral reasoning rather than <strong>de</strong>cisioncont<strong>en</strong>t, Kohlberg et al. (1983) note that the higher the individual's attained CMD stage,the more likely that he or she will translate moral judgm<strong>en</strong>t into ethical behavior by actingupon it. Also, people in the highest CMD stages do t<strong>en</strong>d to converge on particular moralchoices (Blasi, 1980).Cognitive moral <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tails several stages. The majority ofadults fall into theconv<strong>en</strong>tional level of moral reasoning, which is manifested either by concem withappearint to be a kind person (what is moraUy right is what makes others think that youare a "nice guy"), or by an emphasis on rules and laws. In the latter ori<strong>en</strong>tation,upholding authority is important in and of itself, and what is morally good issynonymous with what is dictated by authority, whether it be organizational, religious,familial, or governm<strong>en</strong>tal.Sorne people, however, attain post-conv<strong>en</strong>tional CMD stages in which abstract principlesrather than individual feelings or particular rules <strong>de</strong>termine what is moral. Postconv<strong>en</strong>tionalindividuals are quite likely to become lea<strong>de</strong>rs (Kohlberg et aL, 1983), sothey have especiai opportunity for organizational impact. The "principIes" that theseindividuals follow may involve basic human rights, freely <strong>en</strong>tered contracts and<strong>de</strong>mocratie Iaw, or individuai gui<strong>de</strong>lines ofconsci<strong>en</strong>ce. Post-conv<strong>en</strong>tional, or principled,individuals have in common a beliefthat principles outweigh specifie rules and interests,and that these principles are universal, g<strong>en</strong>eralizable, and compelling. They are verymuch concemed with right and wrong and with the dignity ofthe individual.We anticipate that principled CEOs will establish a c1imate ofethicality throughout theirorganization, and will attempt to prev<strong>en</strong>t wrongs committed in th name of theorganization (such as <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tai pollution), not merely crimes against theorganization (such as empIoyee theft). The organization's policies and processes can beexpected to embody principles of respect for the individual, (e.g., lifetime employm<strong>en</strong>t).However, principled individuais g<strong>en</strong>eralize their concem beyond individuals (e.g,empIoyees) ; thus principled CEOs can be expected to also establish policies regardingheaith and safety, product quality, <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal stewardship, philanthropy, communityprograms and other formal corporate social responsibility functions. The ability to adaptor respond to societal concerns requires the implem<strong>en</strong>tation of differ<strong>en</strong>tiate<strong>de</strong>nvironm<strong>en</strong>tal scanning structures and processes and strategie planning systems thatreflect the CEO's concem for society at large. One such system is a stakehol<strong>de</strong>r approach(Keeley, 1978) that specificaUy consi<strong>de</strong>rs the impact of strategie choices on all affectedconstitu<strong>en</strong>cies.For principled individuals, moral reasoning appears consist<strong>en</strong>t across ethical categories(e. g. employees, the corn munity, customers) because moral reasoning is prescriptivelyapplied to aIl categories (Kohlberg et al., 1983). Principled CEOs necessarily exhibitprosocial behavior across categories, because the behavior is based on broad and196197


compelling abstractions rather than upon particular conting<strong>en</strong>cies that may be abridged oraltered.A number of business behaviors that are g<strong>en</strong>erally thought of as being prosocial oraltruistic -- that is, b<strong>en</strong>efitting sorne goal other than the bottom line -- may spring fromCEO level of CMD. However, prosocial behavior in and of itself need not imply aprincipled level of moral reasoning. As Kohlberg et al. (1983) point out, the m~ralchoices that individuaIs make may be the same regardless of stage, but the reasomngbehind the choice will differ. The organization-<strong>de</strong>sign outcomes predicted for principledCEOs may have their origins in other factors, such as self-interest or organizationalheritage and history (Victor and Cull<strong>en</strong>, 1988).Summary Proposition 8 : Principled CEOs will seek to articulate a elimate of ethicalitythroughout the organization, and their ethical policies will t<strong>en</strong>d to emphasize prev<strong>en</strong>tionof wrongs in the name of the organization rather than wrongs against the organization.Because of their strongly held ethical beliefs, principled CEOs will be likely to implem<strong>en</strong>tpolicies and processes that embody respect and justice for the individual, to emphasizequality control and safety, to implem<strong>en</strong>t formaI social-responsibility functions, and toutilize a stakehol<strong>de</strong>r strategie-planning framework. Their organizations will t<strong>en</strong>d to makeaboye-average philanthropie donations and to be involved in the community. In or<strong>de</strong>r tobe responsive to changing societal expectations, organizations of principled CEOs willactively <strong>en</strong>gage in scanning of their social <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t, and therefore will evolvediffer<strong>en</strong>tiated structures.BACKGROUND AND DEMOGRAPHICSIn addition to social-psychological attitu<strong>de</strong>s, it appears to us that the CEO's backgroundand <strong>de</strong>mographies affect organization <strong>de</strong>sign choices, although extant theory an<strong>de</strong>mpirical research are less <strong>de</strong>veloped for background and <strong>de</strong>mographie variables than forthe attitu<strong>de</strong>s previously discussed. Within background and <strong>de</strong>mographies we <strong>en</strong>compasseducation, career history, and social class. These variables may affect organization <strong>de</strong>signoutcomes directly, or via their influ<strong>en</strong>ce on mo<strong>de</strong>rating attitudinal variables.Functional specialization and education have each received sorne att<strong>en</strong>tion in the literature.Dearborn and Simon (1958) <strong>de</strong>monstrated that a manager's functional-area specialty<strong>de</strong>termined the selective perception of organization-wi<strong>de</strong> problems. Hambrick and Mason(1984) found that the occupational history and educational background of the CEO affectthe composition of the top managem<strong>en</strong>t team (TMT).The concept of the "old-boy network" was <strong>de</strong>veloped in the seminal work of C. WrightMills (1956) and E. Digby Baltzell (1958), who <strong>de</strong>scribed how U.S. commerce lSdominated by an intertwined network of socially elite Reformation Protestant white maleswho were groomed for corporate lea<strong>de</strong>rship by att<strong>en</strong>dance at prestigious private schoolsand universities, and by membership in select clubs.D'Av<strong>en</strong>i (1990) and D'Av<strong>en</strong>i and Kesner (1990) have shown thar CEO membership inthe power elite and the networks that <strong>en</strong>sue help to insulate organizations from<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal impact. Similarly, Rateliff (1980) found that the major <strong>de</strong>terminant ofbank's willingness to l<strong>en</strong>d money to a firm was CEO membership in elite networks.Mills (1956) and Baltzell (1958) posited that these networks involve common experi<strong>en</strong>cesat preparatory schools, universities, and social elubs. However, the elem<strong>en</strong>t that hasreceived the most att<strong>en</strong>tion rec<strong>en</strong>tly is membership in interlocking boards of directors(P<strong>en</strong>nings, 1980). According to Rateliff (1980), membership in interlocking directoratesis the vehicle by which elit<strong>en</strong>ess has its most tangible effect. Membership on multipleboards results in greater latitu<strong>de</strong> for the CEO and in increased access to resources(Rateliff, 1980 ; D'Av<strong>en</strong>i, 1990 ; D'A v<strong>en</strong>i and Kesner, 1990), which is a crucial<strong>de</strong>terminant of power (Pfeffer and Salancik, 1978). Mizruchi (1983), Mintz and Shwa:rz(1981), and Ornstein (1984) have suggested an additional, subtler effect of elitemembership in interlocking directorates. Inter-Organizational alliances, such as the198Business Roundtable and industry consortia, permit finns whose individual goals mayconflict to negotiate certain aspects of their <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t (Cyert and March, 1963) byacting as advocates for the interests(e.g. corporate taxes, employm<strong>en</strong>t law, antitruststatute) ofthe business class at large (Etzioni, 1988).BACKGROUND AND EDUCATIONExecutives' career histories and social networks have be<strong>en</strong> posited to influ<strong>en</strong>ce howexecutives manage their organizations. This may occur via selective perception, personalcontacts, or both. Dearborn and Simon (19.58) pioneered the selective perceptionperspective: they argued that managers' functional areas provi<strong>de</strong> them with cognitivemaps -- l<strong>en</strong>ses that color and distort their view of the organization as a whole -- so thatissues predominant in their own functional background take prece<strong>de</strong>nce, while concemsofother functional areas are overlooked or misclassified.Hambrick and Mason (1984), on the other hand, propose that executives' functionalbackgrounds affect their organizational choices primarily via their social and professionalnetworks. Both the Dearbom and Simon (1958) and the Hambrick and Mason (1984)theories suggest linkages betwe<strong>en</strong> the CEO's functional area of origin and his or herchoice oforganization <strong>de</strong>sign. Ess<strong>en</strong>tially, functional area and propinquity provi<strong>de</strong> CEOswith simple heuristics to use wh<strong>en</strong> structuring their TMTs and making <strong>de</strong>cisions aboutresource allocation. We believe that this view may be incomplete. Wh<strong>en</strong> organizationalchoices are not consi<strong>de</strong>red critical, CEOs probably do use such heuristics. However,Etzioni (1988) notes that heuristics are not likely to be used in choices that relate to <strong>de</strong>eplyhelp attitu<strong>de</strong>s or to critical outcomes. Therefore wh<strong>en</strong> choices are <strong>de</strong>emed crucial by theCEO a more rational choice process may prevail. For instance, a CEO who is not <strong>de</strong>eplyconcemed with human-resources issues might quite plausibly select the vice presi<strong>de</strong>nt forHRM from among his or her immediate circle ofcontacts: Propinquity and social contactare illustrated in the Allied case wh<strong>en</strong> H<strong>en</strong>nessy appointed the vice presi<strong>de</strong>nt for publicrelations un<strong>de</strong>r John Connor to the position of executive vice presi<strong>de</strong>nt for humanresources. But a CEO who, for example, is highly egalitarian would necessarilyemphasize HRM issues regardless of his or her own functional background or socialnetwork, and would be more likely to choose the individual whose values and HRstrategies match the CEO's own. Analogously, a CEO whose strategy <strong>de</strong>p<strong>en</strong><strong>de</strong>d upondistinctive HRM compet<strong>en</strong>cies would also emphasize HRM, and likewise would beexpected to select top HRM managers rationally, and to have s<strong>en</strong>ior HR repres<strong>en</strong>tation onthe TMT. Furthemore, while Hambrick and Mason (1984) discuss the impact ofheterog<strong>en</strong>eous vs. Homog<strong>en</strong>ous TMTs, they do not provi<strong>de</strong> gui<strong>de</strong>lines stemming fromindividual differ<strong>en</strong>ces of the CEO -- for example, tolerance of ambiguity -- that couldpredict TMT heterog<strong>en</strong>eity or homog<strong>en</strong>eity.Summary Proposition 9 : wh<strong>en</strong> CEOs do not <strong>de</strong>em choices as critical, they will t<strong>en</strong>d toselect TMT and board-of-directorate members on the basis of propinquity, socialnetworks, and functional -area similarities. Wh<strong>en</strong> CEOs do <strong>de</strong>em such choices as critical,they will select members whose skills in the relevant domain are superior, and whosevalues match those of the CEO. CEOs will also t<strong>en</strong>d to be especially responsive to th<strong>en</strong>eeds ofstakehol<strong>de</strong>rs from their own functional areas, to give increased responsibility to<strong>de</strong>partm<strong>en</strong>ts that reflect their own functional areas and values, and to fonnulate corporatestrategies that emphasize their own functional areas ans values.SOCIAL CLASSElites Theory (Mills, 1956 ; Balzell, 1958 ; Zeitlin, 1974) holds that CEOs who werebom into familles ofhigh social status -- g<strong>en</strong>erally assessed by att<strong>en</strong>dance at select privateschools and inclusion in the Social Register -- gamer influ<strong>en</strong>ce and resources for theirorganizations by means of their membership in elite social networks. In effect, highstatus serves as a "curr<strong>en</strong>cy" that <strong>en</strong>hances such managers' credibility, giving themincreased latitu<strong>de</strong>. This latitu<strong>de</strong> height<strong>en</strong>s the probability of a manager becoming CEOand being appointed to boards. According to Useem and Karabel (1986), ev<strong>en</strong> wh <strong>en</strong>education is controlled for elite managers are far more likely than others to reach top199


positions. Ratcliff's (1980) finding of elite CEOs' <strong>en</strong>hanced ability to obtain capital fortheir firrns, and d'Av<strong>en</strong>i (1990) and d'Ave ni and Kesner's (1990) conclusion thatcompanies hea<strong>de</strong>d by high-status CEOs have improved likelihood of staving offbankruptcy and unfri<strong>en</strong>dly takeover attempts, also l<strong>en</strong>d support to the i<strong>de</strong>a that topexecutives from high-status backgrounds are accor<strong>de</strong>d more latitu<strong>de</strong> than their lesspatriciancolleagues.According to Aguilar (1988), one of the key aims of chief executives is to amassdiscretion, since discretion is the variable that insulates the CEO from constraints an<strong>de</strong>nables him or her to run the organization in the manner that he or she sees fit. Thus thegreater discretion that the CEO wields, the greater his or her ability to mold theorganization (Hambrick and Finkelstein, 1987). Elites theory finds that high social statusleads to increased attributed discretion (Zeitlin, 1974) in interorganizational settings.Since Aguilar (1988) suggests that discretion also affects the CEO's ability to impose hisor her will within the organization, we propose that elite managers <strong>en</strong>joy a differ<strong>en</strong>tialopportunity to shape their organizations. However, the fact that elite CEOs are attributedto have discretion does not necessarily mean that elite CEOs will exercise this discretion.To do so, the CEO must possess attitu<strong>de</strong>s congru<strong>en</strong>t with the wielding ofdiscretion. Forinstance, John Connor, H<strong>en</strong>nessy's pre<strong>de</strong>cessor at Allied, clearly belonged to the powerelite and was permitted by his board to presi<strong>de</strong> over a floun<strong>de</strong>ring company for yearswithout any kind of interv<strong>en</strong>tion. Connor's retirem<strong>en</strong>t, which occasioned H<strong>en</strong>nessy'sappointm<strong>en</strong>t, was voluntary and age-related. However, Connor, whom we havesuggested had an external locus of control, appar<strong>en</strong>tly was not inclined to exercisediscretion and h<strong>en</strong>ce had no proactive organizational impact.Summary Proposition 10 : Because of their positions in the power elite, CEOs fromfamilies ofhigh social status are likely to <strong>en</strong>joy greater managerial latitu<strong>de</strong>, thus allowingthem to have maximum impact on organization <strong>de</strong>sign iftheir attitu<strong>de</strong>s are congru<strong>en</strong>t withthe exercise of discretion. Therefore, organizations hea<strong>de</strong>d by elite CEOs will t<strong>en</strong>d toembody the personal characteristics of the CEO. Conversely, organizations hea<strong>de</strong>d byCEOs from non-elite backgrounds will be less likely to embody the personalcharacteristics of the CEO. Since CEOs of middle-class and working-class origins areunlikely to be members ofthe power elite, their organizations will not t<strong>en</strong>d to experi<strong>en</strong>cethe b<strong>en</strong>efit of "buffering" from adversity that stems from membership ininterorganizational alliances.These ph<strong>en</strong>om<strong>en</strong>a are posited to occur because of others' attributions about the CEOrather than on the basis ofspecifie attitu<strong>de</strong>s that he or she holds : outsi<strong>de</strong> board membersand creditors are more likely to constrain the behaviors ofCEOs whom they do not trust,and elite CEO receive greater trust in the business community than do non-elite CEOs(Ratcliff, 1980; Useem and Karabel, 1986). In addition, there may be linkages betwe<strong>en</strong>CEOs' social status and organization <strong>de</strong>sign that are predicated upon the CEO's ownclass-related attitu<strong>de</strong>s. For such linkages to exist, two conditions must hold :1 - Correlations must exist betwe<strong>en</strong> social class and attitudinal variables,2 - These correlations must be expressed in an organizational setting.The literature pres<strong>en</strong>ts ample, but conflicting, evi<strong>de</strong>nce regarding the correlations, andhas never examined their organizational expressions. Thus we consi<strong>de</strong>r the question to beone that must be addressed by empirical work. Accordingly, we pres<strong>en</strong>t a review an<strong>de</strong>xt<strong>en</strong>sion of pertin<strong>en</strong>t theory, rather than propositions that can be advanced withconfi<strong>de</strong>nce.Dahr<strong>en</strong>dorf(1959) <strong>de</strong>fines social class as "the chances that common economie conditionsand common experi<strong>en</strong>ces of a group will lead to organized action." In other words, ifbehavior is not converg<strong>en</strong>t within groups and diverg<strong>en</strong>t across them, th<strong>en</strong> the groups ar<strong>en</strong>ot social classes. Thus it is <strong>de</strong>finitional that social class finds its expression inobservable behavior. And since this behavior springs from shared experi<strong>en</strong>ces, it alsofinds its expression in attitu<strong>de</strong>s. According to Kohn (1963, 47I) : "Social class hasprov<strong>en</strong> to be so usefuI a concept because it captures the reality that the intricate interplay200of(a variety of) variables creates differ<strong>en</strong>t basic conditions oflife at differ<strong>en</strong>t levels ofthesocial or<strong>de</strong>r".Therefore, ev<strong>en</strong> if organization bore no particular relation to class, the CEO's socialstatus could be expected to be mirrored in his or her choice of organization <strong>de</strong>sign. Thisexpectation is height<strong>en</strong>ed because organization and class are highly intertwinedconstructs. Fundam<strong>en</strong>tally, both involve stratification: class accords status, privileges,and rewards to the individual according to his or her rank in society; and organizationaccords status, privileges, and rewards to the individual according to his or her rank inthe corporation. Weber (1947 tr.) points out that in <strong>de</strong>mocratie societies, organizationsare uniquely hierarchical institutions -- that is, organizations involve finer-grained, more ­rigid, and more-consequ<strong>en</strong>tial stratifications than do any other social institutions.Furthermore, in societies such as ours that lack titled nobility and royalty, organizationsare the primary <strong>de</strong>terrninants ofsocial class : society at large grants people status mainlyon the basis ofwhat they are paid, which is a function oftheir rank in the organization.(Lejeune, 1972; Blau and Duncan, 1967).The fact that work is the major <strong>de</strong>terrninant ofsocial class implies an intertwining oftheorganization with other institutions that help to <strong>de</strong>fine class, particularly schools andfamilies. The role that families play in perpetuating class distinctions -- and h<strong>en</strong>ceorganizational stratification -- has received much att<strong>en</strong>tion in the field of sociology(Kohn, 1963; Kohn et al., 1990; Sp<strong>en</strong>ner, 1988): par<strong>en</strong>ts are posited to imbue theirchildr<strong>en</strong> with attitu<strong>de</strong>s that equip them to function effectively in the same sorts ofjobs thatthe par<strong>en</strong>ts hold. In other words, blue-collar childr<strong>en</strong> are socialized to embody attributesthat lead to success in blue-collar jobs, and white-collar childr<strong>en</strong> are socialized to embodyattributes that lead to success in white-collar job -- Le., conforrnity to external rules andstandards in blue-collar jobs versus proactive g<strong>en</strong>eration and manipulation of i<strong>de</strong>as inwhite-collar jobs (Kohn et al. 1963, 1990 ; Lejeune, 1972). This theory, whilecompelling, seems to have little relevance to our mo<strong>de</strong>l. This is so becausea.) our theory applies to CEOs who, if they come from blue-collar origins, are a typicalrather than repres<strong>en</strong>tative oftheir class, andb.) the Kohn theory <strong>de</strong>scribes c<strong>en</strong>tral t<strong>en</strong><strong>de</strong>ncies across large samples, while we <strong>de</strong>scribeoutlier behavior among a non-repres<strong>en</strong>tative, smaIl population (i.e. CEOs of largemanagerial firms). Nonetheless, we discuss the Kohn mo<strong>de</strong>l because it is such aprovocative and weIl - respected paradigm that we feel the bur<strong>de</strong>n of proof is on us to<strong>de</strong>monstrate why it does not pertain to our theory.The findings of Kohn (1963) and Kohn et al. (1990) indicate that working-class par<strong>en</strong>tswant their childr<strong>en</strong> to conforrn to externally imposed standards, while middle- and upperclasspar<strong>en</strong>ts are more concerned with the child's psychological dynamics. Par<strong>en</strong>t-childrelationships in the middle and upper classes are se<strong>en</strong> as relatively accepting an<strong>de</strong>galitarian, while par<strong>en</strong>t-child relationships in the working class are <strong>de</strong>scribed as ori<strong>en</strong>tedtoward maintaining or<strong>de</strong>r and obedi<strong>en</strong>ce. As social status rises, authoritarianism andconforrnity <strong>de</strong>crease, trust in others and in self rises, and locus of control t<strong>en</strong>ds tobecome internaI. However, Sp<strong>en</strong>ner (1988) points out that these correlations bewe<strong>en</strong>social class and individual attitu<strong>de</strong>s arise from the differ<strong>en</strong>tial requirem<strong>en</strong>ts ofblue- andwhite-collar jobs. And of course, regardless of class of origin, aIl CEOs are subjected tothe conditions ofwhite-collar jobs, not blue. Since CEOs as a group are thus unlikely tohold attitu<strong>de</strong>s characteristic of blue-collar origins, we are unable to formulate attitu<strong>de</strong><strong>de</strong>signlinkages based on traditional sociological conceptions of correlations betwe<strong>en</strong>social class and work conditions.To illustrate, Ed H<strong>en</strong>nessy, who came from a working-class family, may have asc<strong>en</strong><strong>de</strong>dto the position of chief executive of Allied precisely because he dit not hold thesubmissive, conv<strong>en</strong>tional, fatalistic attitu<strong>de</strong>s that researchers have linked to blue-collarfamilies : working-class childr<strong>en</strong> who grow up to attain white-collar employm<strong>en</strong>t mayhave internalized attitu<strong>de</strong>s appropriate to professional and managerial jobs. Moreover, theKohn (I963, 1990) theory may reflect working-class accommodations rather than201


preferances, a semantic distinction that has profound implications. Four <strong>de</strong>ca<strong>de</strong>s ofresearch, spanning Adorno's study ofc1ass and authoritarianism in 1950 and culminatingwith Kohn et al. 's 1990 artic1e, has <strong>de</strong>monstrated that working - cIass people are muchmore likely than middle - or upper - c1ass people to exhibit conservative, rigid, andauthoritarian attitu<strong>de</strong>s. However, political - sci<strong>en</strong>ce research in the same time periodsuggests the opposite: as social cIass rises, voters are more apt to <strong>en</strong>dorse candidates andpolicies that perpetuate the status quo (Ehr<strong>en</strong>reich, 1990). This concept is captured in theaccurate truism that workers.. t<strong>en</strong>d to favor Democrats and executives t<strong>en</strong>d to favorRepublican -- a tr<strong>en</strong>d that has increased over the past doz<strong>en</strong> years (Ehr<strong>en</strong>reich, 1990).Perhaps, th<strong>en</strong>, the working - cIass attitu<strong>de</strong> pattern is a functiona1 adaptation that changesaccording to circumstance. Despite mo<strong>de</strong>rn initiatives such as participative <strong>de</strong>cisionmaking and self- managing work teams, the role ofmanagem<strong>en</strong>t (white-collar workers)has be<strong>en</strong> to initiate and the role oflabor (blue-collar workers) to follow. Ifworking-classadults believe that they have little opportunity to alter this organizational pattern, it is notsurprising that they socialize their childr<strong>en</strong> to function within it. This adaptation,however, need not imply a prefer<strong>en</strong>ce or a value placed upon compliant behavior but arealistic accommodation to immutable circumstances. Wh<strong>en</strong> working-cIass people dohave a (theoretically) equal opportunity to influ<strong>en</strong>ce policy, as in <strong>de</strong>mocratie elections,their choices t<strong>en</strong>d to reflect a <strong>de</strong>sire for change and a chall<strong>en</strong>ge to existing authority.Thus wh<strong>en</strong> individuals of blue-collar origin obtain bona fi<strong>de</strong> leverage to influ<strong>en</strong>ceorganizations -- as surely occurs ifthey become a CEO -- their <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces couldreflect virtually the opposite ofthe hierarchical, mechanistic structures that the traditionalsociological mo<strong>de</strong>l (Kohn, 1963 ; Kohn et al., 1990) implies. The political-sci<strong>en</strong>ce mo<strong>de</strong>l-- that is, how the individual's set ofattitu<strong>de</strong>s based upon his or her perceptions ofstatus<strong>de</strong>terminedpower relations in the organization and the politY may influ<strong>en</strong>ce choices oforganization <strong>de</strong>sign -- suggests a much more egalitarian, organic structure. Theseattitu<strong>de</strong>s toward power and politics may arise from the early-life experi<strong>en</strong>ces of peopleborn into blue-collar families, and CEOs from working-c1ass backgrounds may retainthese attitu<strong>de</strong>s ev<strong>en</strong> after their personal life circumstances have changed. This isconsist<strong>en</strong>t with Merton's (1957) view that behavior is oft<strong>en</strong> shaped by the expectations ofrefer<strong>en</strong>ce groups as weIl as groups ofwhich the individual is actually a member.S<strong>en</strong>nett (1980) <strong>de</strong>scribes the emotions that people who are powerless in the organizationand society experi<strong>en</strong>ce : they are <strong>de</strong>eply angry and their self-worth is ero<strong>de</strong>d ; althoughthey recognize the necessity ofbowing to authority giv<strong>en</strong> prevailing circumstances, theirconception ofi<strong>de</strong>al power relations is radically differ<strong>en</strong>t from existing ones. Wh<strong>en</strong> Kohndistinguished betwe<strong>en</strong> the parameters of blue- and white-collar jobs in 1963, he notedthat white-collar occupations are more secure, provi<strong>de</strong> greater income and prestige;afford opportunities for manipulation ofinterpersonal relations, i<strong>de</strong>as, and symbols ratherthan concrete items; and are characterized by self-direction rather than standardizationand supervision. His 1990 data provi<strong>de</strong>s no evi<strong>de</strong>nce of change along these gross<strong>de</strong>scriptions. Ev<strong>en</strong> though the Kohn theory's implicit predictions linking CEO's class oforigin to <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces based upon differ<strong>en</strong>tial child-rearing practices do not seemt<strong>en</strong>able, such conditions of work may create the motivation for politically baseddiffer<strong>en</strong>ces in organization <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces among CEOs from diverg<strong>en</strong>t classbackgrounds. IfCEOs from working-c1ass origins maintain political attitu<strong>de</strong>s based uponres<strong>en</strong>tm<strong>en</strong>t of power differ<strong>en</strong>ces, they are likely to implem<strong>en</strong>t organization <strong>de</strong>signsconsist<strong>en</strong>t with egalitarianism ; thus they will facilitate social mobility for aIl organizationmembers, and provi<strong>de</strong> a work <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t that <strong>de</strong>monstrates respect for each individual.It is also plausible that sorne CEOs of blue-collar origins may be very eager to assimilateinto the managerial elite. Therefore, they may feel constrained from <strong>de</strong>viating from modalorganization <strong>de</strong>sign, and thus their organization may be especially, and <strong>de</strong>liberate1y,supportive of the hierarchical status quo.At this stage of theory <strong>de</strong>velopm<strong>en</strong>t, we are unable to predict which of these threeoutcomes is likelier, or wh<strong>en</strong> each will prevai!. We see linkages betwe<strong>en</strong> CEO socialc1assand organization <strong>de</strong>sign as an extremely fertile area for empirical research... œEo <strong>en</strong>~ ~o ~li ce a::iN~z °2..." in Cl wè5 c"cẹ.a.ee<strong>III</strong>EE::l<strong>en</strong>. ȯ ..~~ti• •'"0. a:::;0za.. .."...-. ~c"'­ c •'6 s"z~"wzo:ll:u­a::


ARCHETYPESSo far, we have discussed how particular attitudinal, background,and <strong>de</strong>mographievariables may influ<strong>en</strong>ce CEOs' choices of organization <strong>de</strong>sign. Table 1 summarizes thetheory and propositions for each individual property and its predieted organizationaloutcomes. But, ofcourse, these variables do not function in isolation. Rather, each CEOembodies a cluster of them, and the multivariate cluster is what drives his or herorganization-<strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces.(cf. Table 1, pp. 203)To construct a likely organization <strong>de</strong>sign for each possible combination of individualproperties would be not only onerous, but unfruitful, since many of these attitu<strong>de</strong>sembody elem<strong>en</strong>ts that cannot cluster together. For instance, need for achievem<strong>en</strong>t is<strong>de</strong>fined partly by mo<strong>de</strong>rate risk prop<strong>en</strong>sity ; h<strong>en</strong>ce the attitu<strong>de</strong> constellation ofhigh nAchand low risk prop<strong>en</strong>sity is theoretically unt<strong>en</strong>able. Researchers (e.g. Mc Kelvey, 1975 ;Miller, 1981 ; Miller and Fries<strong>en</strong>, 1980) have paced a large array of organizationalvariables -- including <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t, strategy, structure, and lea<strong>de</strong>rship -- intoparsimonious archetypes. Although such archetypes have not be<strong>en</strong> constructed inpersonality psychology, we believe that, for illustrative purposes, executive attributesmay likewise be clustered into archetypes, which according to the theory should map onspecifie organization <strong>de</strong>sign archetypes. Our usage of these archetypes as illustration isnot meant to imply that, empirically, these are the most preval<strong>en</strong>t clusters amongexecutives ; we do, however, believe that the archetypes are internally coher<strong>en</strong>t.In the following section we pose four clusters of individual properties. These archetypesare summarized in Table 2.(cf. Table 2, pp. 206)The first archetype we label Achieving-Utilitarian. This configuration characterizes Alliedun<strong>de</strong>r Ed H<strong>en</strong>nesy. The dominant attitu<strong>de</strong> of such CEOs is high need for achievem<strong>en</strong>t,which necessarily <strong>en</strong>tails mo<strong>de</strong>rate risk prop<strong>en</strong>sity. Need for achievem<strong>en</strong>t is alsoconsonant with internal locus of control: it is difficult (although not impossible) toimagine a person with an externallocus of control focussing strongly on achievem<strong>en</strong>t,since externals do not feel that they can control outcomes. The attitu<strong>de</strong> constellation ofhigh need for achievem<strong>en</strong>t, mo<strong>de</strong>rate risk prop<strong>en</strong>sity, and internal locus of controlcomprises the Achieving-Utilitarian archetype. As Table 2 illustrates, this archetype ischaracterized by organization <strong>de</strong>signs that involve a viable, coher<strong>en</strong>t strategy ; formalizedstrategie-planning systems, the integrated and differ<strong>en</strong>tiated structure necessary tosupport the business strategy ; and formalized inc<strong>en</strong>tive, reward, and appraisal systems.Note that both high nAch and internai locus ofcontrollead to the same predictions aboutstrategy and the formal architecture; therefore these predictions are especially strong inthis archetype.There is no a priori reason why certain other attributes may not cluster with the threeattributes in the achieving-utilitarian archetype. High Machiavellianism, as a variant ofneed for power, is antithetical to high need for achievem<strong>en</strong>t (Mc Celland, 1961) andh<strong>en</strong>ce should not be app<strong>en</strong><strong>de</strong>d to this cluster. But egalitarianism and principledness -­which themselves constitute a humanistic, socially responsible cluster -- are compatiblewith the attributes in the Achieving-Utilitarian archetype. These four variables mo<strong>de</strong>ratethe Achieving-Utilitarian constellation to produce what we label an Achieving-Principledarchetype. As shown in Table 2, such organizations exhibit all the features of theAchieving-Utilitarian archetype. Two of the new variables are associated with<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal monitoring and differ<strong>en</strong>tiation, further increasing the str<strong>en</strong>gth of thesepredictions. The composition of the TMT in the Achieving-Principled organization islikely to inclu<strong>de</strong> HRM and social-policy members ; structures are likely to b<strong>en</strong>onhierarchical and supervision low, and self-managing work teams may exist. Theemploym<strong>en</strong>t relationship will t<strong>en</strong>d to exhibit respect for the individual, voice, dueprocess, non-status-based reward systems, intrinsic motivation, and ethical policies. The204organization will likely have an ethics-based climate, and ally itself with voluntaryphilanthropie associations.We have argued that high Machiavellianism is unlikely to coexist with high need forachievem<strong>en</strong>t. Nonetheless, many executives are characterized by high Machiavellianism.In or<strong>de</strong>r to feel capable of manipulating others, an internai locus of control is required.And the int<strong>en</strong>se emphasis on control that is inher<strong>en</strong>t in Machiavellianism should beconsist<strong>en</strong>t with low risk prop<strong>en</strong>sity, low tolerance for ambiguity, and a s<strong>en</strong>sing-thinkingproblem-solving style. This Autocratic-Controlling archetype, illustrated in Table 2, isvery likely to follow <strong>de</strong>f<strong>en</strong><strong>de</strong>r or reactor strategies. The reactor prediction stems from thisarchetype's overiding prefer<strong>en</strong>ce for mechanistic structures no matter what the strategieconting<strong>en</strong>cies. Each attitu<strong>de</strong> in this archetype, with the exeception of internai locus ofcontrol, is associated with organizational <strong>de</strong>signs that are hierarchical, c<strong>en</strong>tralized, andmechanistie. Such organizations will have high control int<strong>en</strong>sity, direct supervision, andtop-down <strong>de</strong>cision making. They are also likely to exhibit short-term <strong>de</strong>cision horizonshomog<strong>en</strong>eous TMT and low <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal monitoring. Reward systems will t<strong>en</strong>d to bestatus-based, and employm<strong>en</strong>t selection pro cesses will t<strong>en</strong>d to be biased in favor ofapplicants with low need for autonomy.In the Allied case, we saw that John Connor exhibited neither high need for achievem<strong>en</strong>tnor high Machiavellianism. He did not feel capable of controlling people or the<strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t -- that is, he had an externallocus ofcontrol. Wh<strong>en</strong> externallocus ofcontrolis pres<strong>en</strong>t, we predict that the organizations ofsuch CEOs will be characterized by a lackof strategie direction. There will be no viable coher<strong>en</strong>t strategy or formal strategieplanning and the organizations will be reactors. We term this archetype the IneffectualOrganization.ENACTMENTAs we stated in the introduction to this paper, most managers believe -- rightly orwrongly -- that they are able to affect the <strong>de</strong>stiny of their organizations. H<strong>en</strong>ce, theyg<strong>en</strong>erally attempt to <strong>de</strong>vise strategies and re<strong>de</strong>sign the organization consist<strong>en</strong>tly with theirbeliefs. Wh<strong>en</strong> organization <strong>de</strong>signs <strong>de</strong>viate from conting<strong>en</strong>cy-theory predictions, CEOprefer<strong>en</strong>ces may account for the observed organization <strong>de</strong>signs. Furthermore, we believethat all else equal, ifa CEO possesses a giv<strong>en</strong> attribute discussed in this paper, his or herorganization is more likely to exhibit the <strong>de</strong>sign features linked to that attribute than areorganizations hea<strong>de</strong>d by CEOs who do not embody that attribute.In addition, we believe that several sets of partieular circumstances r<strong>en</strong><strong>de</strong>r CEOimprinting especially probable or improbable. Hambrick and Finkelstein's (1987) mo<strong>de</strong>lof managerial discretion posits that CEOs' ability to influ<strong>en</strong>ce inter- andintraorganizational variables, including <strong>de</strong>sign, is predicated upon the <strong>de</strong>gree oflatitu<strong>de</strong>that the CEO <strong>en</strong>joys. Latitu<strong>de</strong> is se<strong>en</strong> as a function of economie and stakehol<strong>de</strong>rconstraints, organization processes, and individual characteristics ofthe CEO.Environm<strong>en</strong>tal munific<strong>en</strong>ce is crucial to CEO discretion (Hrebiniak and Joyce, 1985).The more favorable the external <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t in which the firm functions, the morelatitu<strong>de</strong> the CEO has. This is ess<strong>en</strong>tially because <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal munific<strong>en</strong>ce provi<strong>de</strong>s thefirm with slack (Cyert and March, 1963) so the CEO has greater room in which tomaneuver. Conversely, the CEO's options become more limited wh<strong>en</strong> the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t isnonmunific<strong>en</strong>t and the organization is constrained. Similarly, perceived CEO latitu<strong>de</strong> maybe a function of industry competitiv<strong>en</strong>ess. The more competitive, the less perceivedlatitu<strong>de</strong>, and therefore the less likelihood of observing CEO imprinting on theorganization. In additon we believe that CEOs early in their t<strong>en</strong>ures, because they may bese<strong>en</strong> as positive ag<strong>en</strong>ts of change, will be accor<strong>de</strong>d greater latitu<strong>de</strong> than <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>chedCEOs. This "honeymoon effect" was illustrated in the Allied case.D'Av<strong>en</strong>i (1990) suggests that CEO discretion is a <strong>de</strong>mographie variable based on class oforigin. CEOs from elite backgrounds are allowed more latitu<strong>de</strong> by creditors, boards of205


directors, and other stakehol<strong>de</strong>rs, and h<strong>en</strong>ce have greater opportunity to run theirorganization according to their own wishes, ifthey choose to do so.<strong>III</strong>~ ~ ~~ Willa: ~~~ ~~~ 2ïil'0 c: Cl~ .Eco c::S ~lOeQ.o .. ,- u=. Cl ..u.•Clï:Û)iii wa:~t---if---+--------~_":'-_----I---ilzoS~a:oe oci0--ë'! !Cl.!;:':0• =o• c:~soJ:.: oa:1,i· .0.... ~ü~~&"'2ë1:c(Q.!tjtjc!zzCle'2 ecoa::u'CIal~ëiioz..o1,i•a:As m<strong>en</strong>tioned earlier, certain attitu<strong>de</strong>s are likely to lead to imprinting, and others are not.Ifthe CEO lacks the attitu<strong>de</strong>s that drive imprinting, he or she will be less likely to attemptto imprint the organization. Lack of attempt to irnprint may result in any of threeconditions : the <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t may hold sway, the organization may carry on in theimprinted tradition ofa previous CEO, or the curr<strong>en</strong>t CEO may inadvert<strong>en</strong>tly imprint theorganization with the ineffectual organization <strong>de</strong>sign archetype. AIso, if the CEO doeshave attitu<strong>de</strong>s that g<strong>en</strong>erally lead to imprinting, yet the organization already embodied the<strong>de</strong>sign correlates of the attitu<strong>de</strong>s, the CEO would not have the opportunity to imprint.This could occur, for instance, ifan organization carefully selected a new CEO to matchits curr<strong>en</strong>t style and strategy.Akin to the previous condition, CEOs may hold individual attitu<strong>de</strong>s that "cancel eachother out", weak<strong>en</strong>ing the predictions about organization <strong>de</strong>sign. Conversely, as we sawin the achieving-b<strong>en</strong>evol<strong>en</strong>t archetype, individuals may hold attitu<strong>de</strong>s that reinforce eachother's <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces. Wh<strong>en</strong> this attitudinal reinforcem<strong>en</strong>t occurs, imprinting isespecially likely to take place.Sorne CEOs may have a very clear <strong>de</strong>sign template in mind that stems from theirindividual properties, but lack the skills to implem<strong>en</strong>t the imprinting. Bass (1985)outlines the abilities that lead to successful <strong>en</strong>actm<strong>en</strong>t of <strong>de</strong>sired changes: charisma,inspiration, intellectual stimulation, and individualized consi<strong>de</strong>ration. Rubinstein andWoodman (1990) suggest that persist<strong>en</strong>ce is also a key ability in CEOs' personal impacton the organization. CEOs who have these abilities are likely to be effective at imprinting.Finally, in many organizations, forces of institutionalization and mom<strong>en</strong>tum (Zucker,1977) are so strong that imprinting by any person, ev<strong>en</strong> CEO, will be virtuallyimpossible.Summary Proposition Il : Organizations will be more likely to exhibit the <strong>de</strong>signproperties related to the CEO's individual properties wh<strong>en</strong> the CEO possesses highlatitu<strong>de</strong>s as a result of <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal munific<strong>en</strong>ce or elite class of origin, wh<strong>en</strong> the CEOembodies attitu<strong>de</strong>s likely to lead to imprinting, wh<strong>en</strong> the CEO's c1uster of attitu<strong>de</strong>ssuggest a coher<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sign pattern, wh<strong>en</strong> the CEO has abilities linked to successfulimplem<strong>en</strong>tation and wh<strong>en</strong> forces ofinstitutionalization and mom<strong>en</strong>tum in the organizationare relatively weak. CEOs will be accor<strong>de</strong>d greatest ability to counter institutionalizationearly in their t<strong>en</strong>ures; h<strong>en</strong>ce a "honeymoon effect" will exist.DISCUSSIONIn this paper, we have formulated linkages among CEO attitu<strong>de</strong>s, background, and<strong>de</strong>mographies, and CEOs' choices of organization <strong>de</strong>signs. We have also suggested thatthese individual properties and <strong>de</strong>sign prefer<strong>en</strong>ces may cluster together into archetypes.We emphasize that our mo<strong>de</strong>l repres<strong>en</strong>ts a robust theory regarding an outlier population(i.e., CEOS' ofthe Fortune 1000 companies) : we are pres<strong>en</strong>ting a mo<strong>de</strong>l ofexceptionalrather than commonplace behavior. However, wh<strong>en</strong> conting<strong>en</strong>cy theory fails to explainorganization <strong>de</strong>sign outcomes, CEO attitu<strong>de</strong>s and <strong>de</strong>mographies may be driving thechoices.Our theoretical, inductive mo<strong>de</strong>l needs to be validated empirically. Promising strategiescould involve various longitudinal research methods for studying organizational change,such as retrospective analysis of critical organization re-<strong>de</strong>sign ev<strong>en</strong>ts (Glick, Huber,Miller, Doty, and Sutcliff, 1990), longitudinal case studies of organizational changeassociated with the appointm<strong>en</strong>t ofa new CEO (Pettigrew, 1990), a longitudinal study ata single site combined with a retrospective analysis of previously reported cases(Leonard-Barton, 1990), or controlled laboratory studies (McCall and Lombardo, 1982).The theory also provi<strong>de</strong>s the basis for correlational research on a larger population oforganizations.207206


In addition to our mo<strong>de</strong>l's inductive nature and its emphasis on outliers (un<strong>de</strong>rstandingsources of variation from c<strong>en</strong>tral t<strong>en</strong><strong>de</strong>ncies or normative expectations), several othercaveats hold. First, the field of personality psychology has yet to i<strong>de</strong>ntify the archetypesor clustering of attitu<strong>de</strong>s that un<strong>de</strong>rpin our theory. Our theory would be buttressed byresearch on intercorrelations among personality scales, because such studies could<strong>de</strong>monstrate the validity ofpersonality archetypes. Ev<strong>en</strong> so, it is likely that the personalityarchetypes of CEOs differ significantly from the archetypes that prevail in the g<strong>en</strong>eralpopulation, since CEOs are a select, smal1 subgroup. Also, as noted earlier, traditionalsociological linkages among social class of origin and work-related behaviors do notseem to pertain to our mo<strong>de</strong>l. Thus whether or not personality archetypes exist, andwhether or not social class influ<strong>en</strong>ces CEOs' choices of organization <strong>de</strong>sign, can bediscovered only via further empirical research,We believe our mo<strong>de</strong>l has notable str<strong>en</strong>gths, both theoretically and in an applied s<strong>en</strong>se.First, our theory does not suffer from many of the flaws that have plagued dispositionalresearch. Davis-Blake and Pfeffer (1989) have cog<strong>en</strong>tly criticized organizational researchthat focusses on individual differ<strong>en</strong>ces. Attitu<strong>de</strong>s are much less likely to affect outcomesthan are situational factors, theyassert ; furthermore, most dispositional research onorganizations lacks a<strong>de</strong>quate construct <strong>de</strong>finitions and measures ofattitu<strong>de</strong>s, and fol1owsa univariate approach. Our mo<strong>de</strong>l explicitly is positioned to explain outlier behavior ratherthan c<strong>en</strong>tral t<strong>en</strong><strong>de</strong>ncies ; we recognize that structural and <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal variables areinflu<strong>en</strong>tial in <strong>de</strong>termining most organizational outcomes. However, we believe thattheories oforganization <strong>de</strong>sign will b<strong>en</strong>e fit from incorporation ofthe individual propertiesof the g<strong>en</strong>eral manager. We carefully <strong>de</strong>fine each attitudinal construct and pres<strong>en</strong>tmeasures of established reliability and validity. By means of the archetypes and oursuggested research methodologies, we propose a multivariate, multi-method, cross-Ievelapproach to testing the mo<strong>de</strong>l.Second, our theory pres<strong>en</strong>ts a mo<strong>de</strong>l into which many individual properties may be fitted.A variety ofattitu<strong>de</strong>s that we have not explored may influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>sign choices. One key<strong>de</strong>mographie variable that the mo<strong>de</strong>l can <strong>en</strong>compass is g<strong>en</strong><strong>de</strong>r. If Gilligan (1982) andChodorow (1978) are correct that m<strong>en</strong>'s and wom<strong>en</strong>'s experi<strong>en</strong>ces imbue them withvastly differ<strong>en</strong>t attitu<strong>de</strong>s, CEO g<strong>en</strong><strong>de</strong>r may be a significant <strong>de</strong>terminant of organization<strong>de</strong>sign. This could be examined in future research.Third, we believe that our mo<strong>de</strong>l holds across culture. However, in another culture adiffer<strong>en</strong>t set of attributes might be more sali<strong>en</strong>t than the set we have pres<strong>en</strong>ted. Forinstance, Jackofsky and Slocum (1988) <strong>de</strong>monstrate how managerial values differ acrosscultures, and Redding (1990) has discussed how traditional Chinese values infuse ev<strong>en</strong>capitalist institutions in that nation.Forth, our theory has implications for organizational practices. Davis-Blake and Pfeffer(1986) have also noted that wh<strong>en</strong> making executive-succession <strong>de</strong>cisions, organizationsshould select from the pool of candidates who possess the requisite training and skills.Our theory implies that, in addition, the individual properties ofpot<strong>en</strong>tial CEOs should bequite relevant to choices ofsuccession and appointm<strong>en</strong>t.Our mo<strong>de</strong>l poses no performance predictions. Nonetheless, there is no theoretical reasonthat such predictions could not be ma<strong>de</strong>. Traditional conting<strong>en</strong>cy theory holds that mis fitamong <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>tal, strategie, and structural variables leads to poorer performance. Fitbetwe<strong>en</strong> CEO characteristics and such variables may be crucial to organizationalperformance, and thus may be a key factor to succession planning <strong>de</strong>cisions. Ev<strong>en</strong> moreinterestingly, traditional conting<strong>en</strong>cy theory and in<strong>de</strong>ed Weberian bureaucratie theory ing<strong>en</strong>eral claim that for high performance ta take place, norms of rationality must prevail.In other words, the CEO is se<strong>en</strong> as a temporary steward (Hambrick and Brandon, 1988)over organizational resources, and his or her personal prefer<strong>en</strong>ces with regards toorganization structure and strategy ought to be suppressed. However, our mo<strong>de</strong>limplicitly suggest that in sorne cases impingem<strong>en</strong>t upon norms of rationality mayheight<strong>en</strong> performance rather than hamper it. For instance, the strong prefer<strong>en</strong>ce ofa CEO208high in Machiavellianism for a mechanistic organization <strong>de</strong>sign would obviously be<strong>de</strong>trim<strong>en</strong>tal in a complex, turbul<strong>en</strong>t, information-rich <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t. But in other casessorne misfit betwe<strong>en</strong> CEO prefer<strong>en</strong>ces and objectively <strong>de</strong>sirable organization <strong>de</strong>signscould plausibly b<strong>en</strong>efit the organization. An egalitarian, principled CEO running anorganization in a simple, stable <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t might possibly humanize the prescribedmechanistic structure suffici<strong>en</strong>tly ta attract and retain superior employees, thus possiblygiving the firm a performance edge over its competitors.Finally, our theory may elucidate a CUIT<strong>en</strong>t issue in strategy research. There has rec<strong>en</strong>tlybe<strong>en</strong> <strong>de</strong>bate as to whether TMT effectiv<strong>en</strong>ess is <strong>en</strong>hanced by homog<strong>en</strong>eous orheterog<strong>en</strong>eous composition. Our mo<strong>de</strong>l implies that Hambrick and Mason's (1984)upper-echelons theory should be applied conting<strong>en</strong>tly : we have shown that CEOs'prefer<strong>en</strong>ces for homog<strong>en</strong>eous rather than heterog<strong>en</strong>eous TMTs may <strong>de</strong>p<strong>en</strong>d upon theirindividual properties. Furthermore, we have argued that wh<strong>en</strong> CEOs do not <strong>de</strong>emparticular TMT appointm<strong>en</strong>ts as critical, they are more likely to rely on the heuristics thatHambrick and Mason (1984) suggest, but that wh<strong>en</strong> a giv<strong>en</strong> TMT choice is se<strong>en</strong> ascrucial, the CEO will base the selection process upon the applicant's experi<strong>en</strong>ce andskills, and the similarity of his or her values to the CEO's own.In sum, our mo<strong>de</strong>l suggests a route whereby organizational differ<strong>en</strong>tiation and distinctivecompet<strong>en</strong>cies might arise -- that is, via <strong>en</strong>actm<strong>en</strong>t of CEO prefer<strong>en</strong>ces. Theories such aspopulation ecology (e.g., Hannan and Freeman, 1989) address the factors that causeorganization forms to proliferate and <strong>de</strong>cline, but those theories are sil<strong>en</strong>t on how newstrategies and forms of organizations might evolve in the first place. Like March's workon organization adaptation (e.g., Levitt and March, 1988 ; March, Sproull and Tamuz,1991 ; and Coh<strong>en</strong>, March, and Ols<strong>en</strong>, 1973) our theory suggests that new organizationforms can spring from choices that m<strong>en</strong>agers make : they may recombine variousdim<strong>en</strong>sions of organization <strong>de</strong>sign in novel combinations, this creating new forms. Wehold that diversity of organizational forms is rooted in diversity in human personality ;thus, differ<strong>en</strong>t sorts of managers may shape differ<strong>en</strong>t sorts of organizations. 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Cette remontée du sujet, ce retour <strong>de</strong> l'acteur ou <strong>de</strong> l'individu estégalem<strong>en</strong>t observable dans le domaine <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces administratives. En mettant l'acc<strong>en</strong>t sur ledirigeant d'<strong>en</strong>treprise, le texte <strong>de</strong> Lewin et Steph<strong>en</strong>s que je dois comm<strong>en</strong>ter s'intègreparfaitem<strong>en</strong>t dans ce courant.L'hypothèse c<strong>en</strong>trale <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux auteurs est que les caractéristiques personnelles dudirigeant sont un <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ciation <strong>de</strong>s organisations, tant au niveau iD1r.a:.<strong>en</strong>treprise qu'au niveau inter-<strong>en</strong>treprise. Contrairem<strong>en</strong>t au courant <strong>de</strong> l'écologie <strong>de</strong>spopulations organisationnelles, fort populaire, à l'heure actuelle, aux Etats-Unis, qui rejette ceg<strong>en</strong>re <strong>de</strong> proposition (Hannan & Freeman, 1984), Lewin et Steph<strong>en</strong>s veul<strong>en</strong>t affirmer le rôle dudirigeant dans la construction <strong>de</strong> la réalité organisationnelle. En s'appuyant sur un certainnombre d'étu<strong>de</strong>s déjà existantes, ils prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un modèle théorique sur la manière dont lescaractéristiques personnelles du dirigeant (personnalité, valeur, origine sociale, <strong>de</strong>gréd'instruction, etc...) peuv<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cer ce qu'ils appell<strong>en</strong>t le <strong>de</strong>sign <strong>de</strong> l'organisation 72 souscertaines conditions (latitu<strong>de</strong> élevée du dirigeant et faibles contraintes <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales) etpar là-même, jeter un regard nouveau sur le changem<strong>en</strong>t organisationnel.Leur t<strong>en</strong>tative théorique se veut à la fois transdisciplinaire et transversale. Elle s'appuie sur unequantité <strong>de</strong> données aux origines disciplinaires variées et qui touch<strong>en</strong>t à la fois les attitu<strong>de</strong>s, lebesoin <strong>de</strong> réalisation, le pouvoir, la confiance, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> contrôle, la tolérance à l'égard <strong>de</strong>rarnotqüité, l'incertitu<strong>de</strong>, l'attitu<strong>de</strong> vis-à-vis du risque, le développem<strong>en</strong>t moral, l'origine sociale72 Par structure ou <strong>de</strong>sign <strong>de</strong> l'organisation, ils <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt <strong>de</strong> nombreux élém<strong>en</strong>ts: le climat, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>prise <strong>de</strong> décision, les processus d'information, l'éthique, les relations <strong>en</strong>tre les tâches, la stratégie etl'architecture formelle et sociale.2141. UNE PERSPECTIVE PLURIDISCIPLINAIREVouloir saisir la vie organisationnelle <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant mieux compte <strong>de</strong>s acteurs, <strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce ici lesdirigeants, et ce, <strong>en</strong> faisant appel à une perspective pluridisciplinaire est à la fois intéressant etsouhaitable. Que cette proposition nous vi<strong>en</strong>ne du rédacteur <strong>en</strong> chef <strong>de</strong> la revue américaineOrganization-Sci<strong>en</strong>ce qui avait lui-même signé avec un autre collègue un article dénonçant lafermeture du champ aux Etats-Unis dans l'éditorial du premier numéro <strong>de</strong> cette revue (Daft &Lewin, 1990) nous apparaît d'autant plus significatif. Dans le domaine <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> lagestion, elle rejoint les préoccupations que nous avons nous-mêmes explorées avec d'autresdans un livre publié récemm<strong>en</strong>t (Chaniat, 1990). Plus généralem<strong>en</strong>t, elle s'inscrit dans unedémarche qui paraît plus proche <strong>de</strong> certaines perspectives europé<strong>en</strong>nes, notamm<strong>en</strong>t latines àl'égard <strong>de</strong> la dynamique humaine dans les organisations (Chaniat, 1991).Ce désir <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre la complexité <strong>de</strong> l'organisation et <strong>de</strong> faire appel à toutes lesconnaissances susceptibles <strong>de</strong> nous ai<strong>de</strong>r dans cette tâche, nous la partageons. En effet, onne peut plus désormais saisir les phénomènes organisationnels sans t<strong>en</strong>ir compte <strong>de</strong>s acteurs<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce, du s<strong>en</strong>s qu'il donn<strong>en</strong>t ou non à leurs actions et <strong>de</strong>s situations concrètes danslesquelles il se trouv<strong>en</strong>t. Une telle approche n'est pas tout à fait nouvelle dans notre champ. Onn'a qu'à p<strong>en</strong>ser aux travaux réalisés par le Tavistock, à ceux <strong>de</strong> la psycho-sociologie <strong>de</strong> languefrançaise, à ceux <strong>de</strong> l'analyse stratégique, aux nombreuses recherches ethnographiquesm<strong>en</strong>ées tant <strong>en</strong> Europe qu'<strong>en</strong> Amérique du Nord, et aux étu<strong>de</strong>s d'inspiration psychanalytiqueconcernant la personnalité du dirigeant pour s'<strong>en</strong> convaincre. Toutefois, malgré la richesse <strong>de</strong>ces travaux, il faut bi<strong>en</strong> avouer qu'ils n'ont jamais constitué le courant principal, notamm<strong>en</strong>t auxEtats-Unis. Encore aujourd'hui, même si l'ouverture paraît plus gran<strong>de</strong>, une lecture att<strong>en</strong>tive <strong>de</strong>Administrative Sci<strong>en</strong>ce Quaterlv ou <strong>de</strong> l'Aca<strong>de</strong>mv of Managem<strong>en</strong>t Journal nous indiqueraitplutôt le contraire. La démarche <strong>de</strong> Lewin et Steph<strong>en</strong>s par son appel à l'ouverture tranche doncétonnamm<strong>en</strong>t avec le discours académique du .. Mainstream" américain. Si je partage laperspective pluridisciplinaire <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux auteurs, j'ai, <strong>en</strong> revanche, quelques réserves parrapport au cont<strong>en</strong>u et à la métho<strong>de</strong>.2. LE DIRIGEANT: UN SUJET AUX FACETTES OUBLIEESLes étu<strong>de</strong>s concernant le dirigeant ou les cadres <strong>en</strong> général exist<strong>en</strong>t et elles sont relativem<strong>en</strong>tnombreuses. Toutefois, il est vrai que dans le domaine <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s organisations, le rôle<strong>de</strong>s acteurs a été souv<strong>en</strong>t subordonné à celui <strong>de</strong>s structures, <strong>de</strong>s contraintes<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales et <strong>de</strong> la technologie. Malgré l'importance que l'on doit accor<strong>de</strong>r à ces<strong>de</strong>rniers facteurs, il reste que nous savons tous par expéri<strong>en</strong>ce que les caractéristiques <strong>de</strong> lapersonne qui a une position <strong>de</strong> pouvoir, n'est pas sans influer égalem<strong>en</strong>t sur son<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.Toute organisation est une structure <strong>de</strong> relations <strong>en</strong>tre acteurs. Les particularités (psychiques,sociales, etc ...) <strong>de</strong> ceux-ci intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t forcém<strong>en</strong>t dans la construction <strong>de</strong> la réalitéorganisationnelle. De ce point <strong>de</strong> vue, le dirigeant est un acteur parmi d'autres. Même si sonpouvoir peut être important, il a <strong>en</strong> face <strong>de</strong> lui d'autres acteurs (membres du conseild'administration, collègues, subordonnés, syndicat, cli<strong>en</strong>ts, pouvoir public, etc ...) dont lescaractéristiques personnelles influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t les relations et les structures. Si lesauteurs sembl<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>ts qu'ils ne peuv<strong>en</strong>t pas approcher tout par le biais du dirigeant, ilreste que la vision qu'ils développ<strong>en</strong>t laisse un peu <strong>de</strong> côté les autres acteurs et que ces<strong>de</strong>rniers ont, eux aussi, <strong>de</strong>s caractéristiques propres qui peuv<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cer le dirigeant.Nombreux sont les élém<strong>en</strong>ts qui peuv<strong>en</strong>t dans leur modèle théorique influ<strong>en</strong>cer lecomportem<strong>en</strong>t du dirigeant et par voie <strong>de</strong> conséqu<strong>en</strong>ces ce qu'il appelle le <strong>de</strong>sign <strong>de</strong>l'organisation. La référ<strong>en</strong>ce à l'origine sociale, largem<strong>en</strong>t occultée dans la recherche, a été uneagréable surprise. D'autres <strong>en</strong> revanche ont été oubliés. C'est <strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts laissés pourcompte dont je vais parler maint<strong>en</strong>ant. Le premier élém<strong>en</strong>t concerne le sexe du dirigeant.J'avoue que j'ai été fort surpris <strong>de</strong> ne voir m<strong>en</strong>tionner qu'à une seule reprise et très rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>tle rôle que pourrait jouer le sexe du dirigeant dans la construction <strong>de</strong> la réalité organisationnelle.Pourtant, nombreux sont les travaux qui cherch<strong>en</strong>t à mettre <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce une gestionproprem<strong>en</strong>t féminine. Cela m'a d'autant plus surpris que les <strong>de</strong>ux auteurs sont américains etque nous savons combi<strong>en</strong> cette problématique féminine pour ne pas dire féministe estfréqu<strong>en</strong>te <strong>de</strong> ce côté-ci <strong>de</strong> l'Atlantique.Le <strong>de</strong>uxième élém<strong>en</strong>t qui m'a égalem<strong>en</strong>t étonné, c'est la quasi-abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce aucourant psychanalytique dans la perspective prés<strong>en</strong>tée par Lewin et Steph<strong>en</strong>s. A l'exceptiond'un seul r<strong>en</strong>voi à un ouvrage <strong>de</strong> Zaleznick et Kets <strong>de</strong> Vries (1975), les auteurs n'<strong>en</strong> fontaucune m<strong>en</strong>tion. Or s'il existe un courant qui s'est intéressé à la façon dont la personnalité peut215


influ<strong>en</strong>cer les structures, au s<strong>en</strong>s où les <strong>de</strong>ux auteurs l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt, c'est bi<strong>en</strong> celui-là! On n'aqu'à p<strong>en</strong>ser aux travaux du courant "psychanalyse et organisation" <strong>en</strong> général et <strong>en</strong> particulieraux travaux <strong>de</strong> Zaleznick, Levinson et Kets <strong>de</strong> Vries pour n'<strong>en</strong> nommer que quelques-uns <strong>de</strong>langue anglaise. Cet oubli s'explique peut-être <strong>en</strong> partie par le choix <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> mais <strong>en</strong> seprivant <strong>de</strong> l'instrum<strong>en</strong>t le plus adapté pour compr<strong>en</strong>dre la personnalité du dirigeant, Lewin etSteph<strong>en</strong>s risqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se cantonner à l'aspect le plus visible <strong>de</strong> son comportem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong> laisserpour compte l'affectivité, moteur crucial <strong>de</strong> l'activité humaine.Le troisième élém<strong>en</strong>t concerne le caractère a-culturel <strong>de</strong> leur modèle, qu'ils énonc<strong>en</strong>t tout à lafin <strong>de</strong> leur article. Une telle affirmation m'apparaît difficile à sout<strong>en</strong>ir aujourd'hui. A la lumière <strong>de</strong>snombreux travaux qui ont <strong>en</strong>raciné le managem<strong>en</strong>t dans l'histoire et dans la culture, cetuniversalisme étonne. Il étonne d'autant plus que les termes utilisés par les <strong>de</strong>ux auteurs pourdéfinir les caractéristiques distinctives sont largem<strong>en</strong>t issus <strong>de</strong> la tradition occi<strong>de</strong>ntale dans saversion américaine. L'acc<strong>en</strong>t qu'ils mett<strong>en</strong>t sur la résolution <strong>de</strong> problème, le besoin <strong>de</strong>réalisation, l'égalitarisme, la confiance, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'auto-contrôle, l'attitu<strong>de</strong> vis-à-vis <strong>de</strong>l'ambiguité, du risque et l'éthique sont issus <strong>en</strong> effet dans une large mesure <strong>de</strong>s idées libéraleset <strong>de</strong> l'individualisme propres à nos sociétés tout <strong>en</strong> variant d'une société à l'autre. Il <strong>en</strong> est <strong>de</strong>même <strong>de</strong>s autres élém<strong>en</strong>ts qu'ils m<strong>en</strong>tionn<strong>en</strong>t tels que le type d'instruction, la socialisation,l'appart<strong>en</strong>ance à <strong>de</strong>s réseaux, etc... Il est donc difficile <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser à un dirigeant qui ne soit pasguidé d'une manière ou d'une autre par les valeurs propres à sa société. Evacuer les cadresculturels <strong>de</strong> l'action, c'est faire fi du soubassem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cette action tant au niveau consci<strong>en</strong>tqu'inconsci<strong>en</strong>t. Les difficultés que r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t les dirigeants plongés dans une réalitéétrangère sont là pour <strong>en</strong> témoigner <strong>de</strong> façon éloqu<strong>en</strong>te. On ne gère pas les Américainscomme <strong>de</strong>s Japonais, les Français comme <strong>de</strong>s Allemands ou les Britanniques comme <strong>de</strong>sItali<strong>en</strong>s. Les styles d'autorité, les relations <strong>de</strong> pouvoir, les attitu<strong>de</strong>s face au risque, à l'incertitu<strong>de</strong>,à l'ambiguïté, le <strong>de</strong>gré d'égalité, d'autonomie et <strong>de</strong> confiance sont tous <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts qui sontcolorés culturellem<strong>en</strong>t. Lewin et Steph<strong>en</strong>s <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t, contrairem<strong>en</strong>t à ce qu'ils affirm<strong>en</strong>t, lesmettre à la bonne place dans leur modèle, c'est-à-dire au c<strong>en</strong>tre et non à la périphérie. Sinon, ilsrisqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous faire une <strong>de</strong>scription du dirigeant américain sans le savoir.REFERENCESJ. F. 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Face à une telle problématique, pluridisciplinaire <strong>de</strong> surcroît, on s'att<strong>en</strong>drait àl'utilisation <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s plutôt qualitatives (observation participante, <strong>en</strong>trevues, <strong>en</strong>quête sur leterrain, analyse <strong>de</strong> discours, etc...). Or il n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>. Au contraire, ils ont choisi <strong>de</strong> recourir àl'ars<strong>en</strong>al classique <strong>de</strong>s questionnaires et <strong>de</strong>s échelles <strong>de</strong> mesure.Le choix peut se compr<strong>en</strong>dre lorsqu'on le situe dans son contexte: le champ américain <strong>de</strong>ssci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la gestion. Si l'on veut être publié, si l'on veut que notre recherche soit reconnue, ilfaut passer par les fourches caudines du positivisme. Aux Etats-Unis, la quantification <strong>de</strong>meurele gage par excell<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>tificité. Ne pas y recourir, c'est se condamner à la marginalité età la "non-sci<strong>en</strong>tificité".Il peut égalem<strong>en</strong>t se compr<strong>en</strong>dre à la lumière <strong>de</strong> l'itinéraire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux auteurs. Les métho<strong>de</strong>squalitatives étant peu <strong>en</strong>seignées, voire décriées par le "mainstream" américain, les chercheurs<strong>en</strong> gestion sont donc peu exposés à ce type <strong>de</strong> méthodologie. La métho<strong>de</strong> la plus naturelle<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t le questionnaire. Plus généralem<strong>en</strong>t, je crois que la méthodologieutilisée par Lewin et Steph<strong>en</strong>s illustre une fois <strong>en</strong>core le fossé qui peut exister <strong>en</strong>tre certainesperspectives du même g<strong>en</strong>re développées dans plusieurs parties du mon<strong>de</strong> et le "mainstream"nord-américain.Aux Etats-Unis, la longue lutte pour la reconnaissance <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>tificité <strong>de</strong>s approchesqualitatives dans le champ <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'administration n'est pas <strong>en</strong>core terminée. Leschercheurs américains, même lorsqu'ils veul<strong>en</strong>t ouvrir le champ comme Lewin et Steph<strong>en</strong>s,sont obligés <strong>de</strong> le faire à leur manière, c'est-à-dire selon les canons "légitimes" <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>cepropre à leur société. Une recherche <strong>de</strong> ce g<strong>en</strong>re m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> France aurait certainem<strong>en</strong>t prisune autre tang<strong>en</strong>te. Ce qui nous montre <strong>en</strong>core une fois <strong>de</strong> plus combi<strong>en</strong> les façons <strong>de</strong> p<strong>en</strong>seret <strong>de</strong> faire <strong>en</strong> milieu sci<strong>en</strong>tifique sont <strong>en</strong>racinés dans le social-historique. De ce point <strong>de</strong> vue,<strong>de</strong>s séminaires comme celui-ci sont indisp<strong>en</strong>sables non seulem<strong>en</strong>t à l'activité et aux échangesintellectuels mais aussi à la prise <strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> sa propre appart<strong>en</strong>ance épistémologique.216217


CONDORCRG 1 rue Descartes 75005 Paris - Tel: (1) 46 34 34 09 Fax: 4634 34 44Groupe ESCP 79 av<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> la République 75543 Paris Ce<strong>de</strong>x 11 - Tél: (1) 49 23 21 00:

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