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l' opportunite de la realisation d - Stop-THT

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L’OPPORTUNITE DE LA REALISATION D’UNE LIGNE A TRESHAUTE TENSION : L’EXEMPLE DU PROJET COTENTIN-MAINEMémoire préparé et soutenu parMARIE GIRARDEn vue <strong>de</strong> l’obtention du Master«Droit <strong>de</strong> l’Environnement, <strong>de</strong> l’Urbanisme et <strong>de</strong> L’Aménagement du territoire »Sous <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> : Melle Jessica MakowiakAnnée Universitaire 2007-2008


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDREMERCIEMENTS« DANS LA VIE, LES HOMMES SONT TRIBUTAIRES LES UNS LESAUTRES. IL YA DONC TOUJOURS QUELQU’UN A MAUDIRE ET AREMERCIER ».MADELEINE FERRON, Le chemin <strong>de</strong>s Dames.De l’enthousiasme à <strong>la</strong> confusion, du courage à l’écœurement, on en vient finalement àl’endroit précis où l’on se quitte content.Merci à ceux qui ont contribué à <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ce mémoire.Merci Loïc.Merci aux Professeurs JESSICA MAKOWIAK et BERNARD DROBENKO pour leur disponibilité sans faille.1


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDSOMMAIRESOMMAIRE.......................................................................................................................2LISTE DES ABREVIATIONS.....................................................................................................3INTRODUCTION.................................................................................................................4Partie I.A LA RECHERCHE D’UNE JUSTIFICATION DU PROJET COTENTIN-MAINE EN TERMES D’UTILITEPUBLIQUE......................................................................................................11Titre 1. L’inscription du projet dans <strong>la</strong> politique énergétique nationale et supranationale 13Chapitre I.Chapitre II.La réalisation du démonstrateur <strong>de</strong> type EPR : héritage du paradigmeénergétique français........................................................................ 14L’approvisionnement du Grand-Ouest : entre mo<strong>de</strong>rnisation du servicepublic <strong>de</strong> l’électricité et négation <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles................ 19Titre 2. Interrogation sur l’utilité publique du projet du Projet COTENTIN-MAINE ............... 28Chapitre I.Chapitre II.De <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification du projet <strong>de</strong> réseau à <strong>la</strong> détermination du fuseau <strong>de</strong>moindre impact...............................................................................29La remise en question <strong>de</strong> l’utilité publique du projet <strong>de</strong> réseau électrique.....................................................................................................37Partie II. A LA RECHERCHE D’UNE JUSTIFICATION DU PROJET COTENTIN-MAINE EN TERMES DESATISFACTION DU PUBLIC..................................................................................48Titre 1.Les effets sanitaires <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux rayonnements non ionisants................................................................................................................50Chapitre I.Chapitre II.L’absence <strong>de</strong> consensus sur les effets <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle auxchamps électromagnétiques ............................................................. 51La pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre du principe constitutionnel <strong>de</strong>précaution......................................................................................62Titre 2. Une remise en question <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative.................................... 75Chapitre I. L’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention d’AARHUS à un projet d’Etat..................... 76Chapitre II.L’impact <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> concertation sur les projets <strong>de</strong> lignes à trèshaute tension..................................................................................87CONCLUSION..................................................................................................................94BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................97ANNEXES.....................................................................................................................102TABLE DES MATIERES......................................................................................................1202


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDLISTE DES ABREVIATIONSADEME Agence <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Maîtrise <strong>de</strong> l’EnergieAJDAANAPCACom.C.ECECEMCJEGCNDPCPDPActualité Juridique <strong>de</strong> Droit AdministratifAssemblée NationaleAssemblée Permanente <strong>de</strong>s Chambres d’AgricultureCommission européenneConseil <strong>de</strong> l’EuropeConseil d’EtatChamps ElectromagnétiquesCahiers juridiques <strong>de</strong> l’électricité et du gazCommission Nationale <strong>de</strong> Débat PublicCommission Particulière <strong>de</strong> Débat PublicDIDEME Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> Deman<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s Marchés EnergétiquesDGSDirDIRENDRIREEDFEPRGESGPSEHTDirection Générale <strong>de</strong> <strong>la</strong> SantéDirectiveDirection Régionale <strong>de</strong> l’EnvironnementDirection Régionale <strong>de</strong> l’Industrie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Recherche et <strong>de</strong> l’EnvironnementElectricité <strong>de</strong> FranceEuropeen Pressurized water ReactorGaz à effet <strong>de</strong> SerreGroupement Permanent pour <strong>la</strong> Sécurité Electrique dans les élevages agricoles et aquacolesLigne à haute tensionICNIRP Commission internationale sur <strong>la</strong> protection contre les radiations non ionisantesJPJORFmin.OMSJurispru<strong>de</strong>nceJournal officiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> République Françaiseministériel (elle)Organisation mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> santép. pagePLUPNRRec.Rép.RJEREDERTE<strong>THT</strong>UEP<strong>la</strong>n Local <strong>de</strong> l’UrbanismeParc Naturel RégionalRecueilRéponseRevue juridique <strong>de</strong> l’environnementRevue européenne <strong>de</strong> droit <strong>de</strong> l’environnementRéseau <strong>de</strong> Transport d’ElectricitéLigne à très haute tensionUnion européenneZNIEFF Zones Naturelles d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique3


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDINTRODUCTION« Je p<strong>la</strong>idai <strong>la</strong> nécessité, à défaut <strong>de</strong>programme étoffé, <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> <strong>la</strong>"gymnastique" nucléaire, c'est-à-dire <strong>de</strong>construire un réacteur <strong>de</strong> temps en tempspour s'entraîner, au cas où ce bienfaisantpétrole du Proche-Orient, qui inondait<strong>l'</strong>Occi<strong>de</strong>nt, viendrait à manquer 1 ».Marcel BOITEUX, Prési<strong>de</strong>nt d’honneur d’EDF, 1993.Rares sont les sujets qui, au cours <strong>de</strong> ces dix <strong>de</strong>rnières années, ont suscité dans <strong>l'</strong>opinionpublique autant <strong>de</strong> réflexions, <strong>de</strong> discussions, <strong>de</strong> controverses, voire <strong>de</strong> polémiques que le <strong>de</strong>venir<strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. Comme le soulignait dès 1997 <strong>la</strong> commission d'enquête duSénat présidée par JACQUES VALADE, sur <strong>la</strong> politique énergétique <strong>de</strong> <strong>la</strong> France : «Le temps <strong>de</strong> <strong>l'</strong>opacitéest révolu en ce qui concerne les choix énergétiques et leur maîtrise ». Le paradigme <strong>de</strong> l’opacitéénergétique <strong>de</strong>vait donc se retirer au profit d’une connaissance étendue, voire vulgarisée. En effet,<strong>la</strong> question énergétique, soumise au légis<strong>la</strong>teur, revêt une importance singulière car elle détermine-par ses actions et ses abstentions- le mo<strong>de</strong> et le niveau <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile. Ainsi ledéveloppement d’une préoccupation pour <strong>la</strong> matière énergétique, pleinement légitime, est-ilpartagé par l’ensemble <strong>de</strong>s forces politiques et sociales. L’ému<strong>la</strong>tion qui perdure entre les autoritésdécisionnelles et les administrés a galvanisé les critiques. L’essor <strong>de</strong> <strong>la</strong> controverse est alors apparucomme un moyen d’action, un gar<strong>de</strong>-fou contre les décisions prônant strictement <strong>la</strong> sacro-saintecroissance. Pourtant, le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité énergétique donne <strong>de</strong> plus en plus l’image d’unprocessus mû par les seules forces du marché où les intérêts économiques dominent lesimplications environnementales, sanitaires et sociales. L’affirmation <strong>de</strong> MARCEL BOITEUX témoigne <strong>de</strong><strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> créer un réseau énergétique hyper-centralisé assurant pleinement l’indépendancefrançaise 1 . Afin d’atteindre cet objectif, <strong>la</strong> France s’est engagée dans <strong>la</strong> voie du nucléaire,s’enorgueillissant récemment du projet <strong>de</strong> construction d’un réacteur <strong>de</strong> nouvelle génération : l’EPRsoit Europeen Pressurized water Reactor, selon <strong>la</strong> technologie <strong>de</strong> l’eau pressurisée 2 . En effet, <strong>la</strong>croissance inexorable <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation d’énergie électrique ainsi que l’obsolescence progressive<strong>de</strong> l’actuel parc nucléaire français ont justifié <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> nouveaux outils <strong>de</strong> productiond’électricité 3 . Plus précisément, afin <strong>de</strong> légitimer <strong>la</strong> réalisation à court terme <strong>de</strong> ce nouveau réacteurnucléaire, le gouvernement a agité le spectre d’une pénurie d’électricité pour l’année 2020.Concrètement, ce sont <strong>de</strong>s pics <strong>de</strong> consommation qui ont progressivement justifié l’idée d’un1 Marcel BOITEUX, citation introductive, « Haute Tension », Odile JACOB, octobre 1993, chapitre XV p.148.2 Le terme <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction du réacteur à eau sous pression <strong>de</strong> troisième génération est prévu pour 2012alors que <strong>la</strong> réalisation d’un réacteur <strong>de</strong> quatrième génération est déjà en projet.3 Les cahiers <strong>de</strong> GLOBAL CHANCE, n°18 « Le réacteur nucléaire EPR : un projet inutile et dangereux », janvier2004 p.3.4


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDsurdimensionnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité nucléaire, le réseau électrique étant occasionnellementsursollicité. Ainsi, pour assurer le fonctionnement normal du système électrique, l’Etat a validé <strong>la</strong>construction du nouvel EPR. Il s’agit du projet dit « F<strong>la</strong>manville 3 ». Puis, afin <strong>de</strong> répartir <strong>la</strong>puissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle tranche nucléaire dans les mailles du réseau électrique, une ligne à400.000 volts doit être construite dans l’Ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. Celle-ci couvrirait les départements <strong>de</strong><strong>la</strong> Manche, <strong>de</strong> l’Ille-et-Vi<strong>la</strong>ine et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mayenne selon <strong>la</strong> détermination définitive du tracé <strong>de</strong> détail.C’est <strong>la</strong> fragilité du réseau local qui est ici mis en exergue, notamment le « risque aggravéd’écroulement <strong>de</strong> tension » dans l’Ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France 4 . Ainsi, l’Etat français, associé à Electricité DeFrance (EDF) et à sa filiale, Réseau <strong>de</strong> Transport d’Electricité (RTE), anticiperait <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>l’EPR en programmant d’ores et déjà <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension, sa mise enexploitation étant prévue pour fin 2011. En effet, l’énergie produite par le nouveau réacteurnucléaire doit atteindre l’ensemble <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> consommation. La justification du double projet(réacteur et ligne électrique) repose sur un principe <strong>de</strong> tracé équitable <strong>de</strong> l’énergie. Plusprécisément, certaines régions <strong>de</strong> France, notamment <strong>la</strong> Bretagne et les Pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire sontdésignées comme <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> fragilité électrique. Pour satisfaire leurs besoins en énergie, <strong>la</strong> ligneélectrique existante dénommée « F<strong>la</strong>manville-Domloup » sera augmentée <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction d’unenouvelle ligne électrique quasiment parallèle. Il s’agit du projet dit « Cotentin-Maine ». Toutefois, ledéveloppement et le renforcement incessants <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité énergétique échappent régulièrementaux exigences <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s hommes. Les opposantsstigmatisent un projet mercantile du marché libéralisé <strong>de</strong> l’énergie, au détriment <strong>de</strong>s paysages, <strong>de</strong>l’environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé. En effet, sans préjudice <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation même <strong>de</strong> l’instal<strong>la</strong>tionnucléaire sur le littoral, le déploiement <strong>de</strong>s lignes qui acheminent l’électricité cicatrisera l’ensembledu territoire. Il faut entendre ici <strong>de</strong>s saignées paysagères <strong>de</strong> pylônes verticaux disgracieux soit 150kilomètres <strong>de</strong> lignes à très haute tension qui s’ajouteront aux 100.000 kilomètres <strong>de</strong> lignes à trèshaute, haute et moyenne tension sur l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> métropole française 5 . Le projet dénomméCotentin-Maine (le Cotentin désignant <strong>la</strong> Manche ; le Maine étant le territoire situé à <strong>la</strong> jointure <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux autres départements soit l’Ille-et-Vi<strong>la</strong>ine et <strong>la</strong> Mayenne) consiste en <strong>la</strong> création d’une ligne à400.000 volts <strong>de</strong> 150 kilomètres <strong>de</strong> long avec un pylône tous les 500 mètres. Nul doute que leterritoire <strong>de</strong>s communes fortes <strong>de</strong> <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s écosystèmes et <strong>de</strong>s paysages sera le parentpauvre du développement du transport électrique. Le quadril<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> <strong>la</strong> région portera gravementatteinte à l’environnement, étant précisé que <strong>la</strong> coupe <strong>de</strong> branches et d’arbres est <strong>de</strong> droit lors <strong>de</strong>l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s lignes 6 . Le projet apparaît ainsi comme l’écrin d’une véritable dévalorisation dupatrimoine et du cadre <strong>de</strong> vie. Le Grand Ouest est pourtant constitué <strong>de</strong> bocages et forêts, valléeset rivières, marais et estuaires, massifs dunaires et fa<strong>la</strong>ises, autant <strong>de</strong> milieux dont <strong>la</strong> réunionforme une mosaïque <strong>de</strong> paysages inéga<strong>la</strong>bles. A ce<strong>la</strong> s'ajoutent <strong>de</strong>s entités paysagères particulièrestelle <strong>la</strong> baie du Mont-Saint-michel ou les marais du Cotentin et du Bessin, protégés au niveauinternational.4 Fascicule <strong>de</strong> RTE « Projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension Cotentin-Maine », délivré pour le débat public,Octobre 2005-Février 2006.5 Agir Pour l’Environnement, « Très Haute Tension, <strong>de</strong>s nuisances sur toute <strong>la</strong> ligne », campagne n°24, p.1.6 Un droit d’é<strong>la</strong>gage et d’abattage d’arbres est reconnu à EDF conformément à l’article 12 al3 4° <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 15juin 1906 sur les économies d’énergie. Sur ce point, voir aussi <strong>la</strong> JP du CE, 14 oct. 1970 GAVEAU, Rec. CE 1970p. 578.5


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDMalgré les différentes tentatives <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rifier <strong>la</strong> portée et le potentiel prometteur que le projetcontient, <strong>la</strong> controverse s’est fortement organisée puis dynamisée. Diverses matières ont animé lesdébats, principalement certaines interrogations : pourquoi construire un nouveau réacteur alors que<strong>la</strong> France produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme ? Quelle est l’utilité du doublement d’uneligne électrique, une seule n’est-elle pas suffisante ? Pourquoi ba<strong>la</strong>frer le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mancheune secon<strong>de</strong> fois alors que l’électricité a pour <strong>de</strong>stination exclusive les régions <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bretagne et <strong>de</strong>sPays <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire ? Pourquoi ne pas enfouir les lignes électriques lorsque ce<strong>la</strong> est possible? Ladiversité <strong>de</strong>s problèmes sous-tendus par le projet sont insolubles si l’on se situe sur le champ <strong>de</strong>l’unanimité. En effet l’urbanisme participatif constitue le support d’une réflexion plurielle dont l’issueest <strong>de</strong> trouver l’adhésion du plus grand nombre au nom <strong>de</strong> l’intérêt général, et non un consensus.S’agissant <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> du projet Cotentin-Maine, l’intérêt général apparaît comme une notion en crise.Le projet irrigue <strong>la</strong>rgement <strong>la</strong> question ma<strong>la</strong>isée <strong>de</strong> <strong>la</strong> définition même <strong>de</strong> l’intérêt général. En effet,doit-il être <strong>la</strong> somme arithmétique <strong>de</strong>s intérêts particuliers ou exige-t-il au contraire l’arbitrage <strong>de</strong>l’Etat afin <strong>de</strong> parvenir à un dépassement <strong>de</strong>s intérêts privés ? Les <strong>de</strong>ux conceptions, mises envaleur par le doyen Ve<strong>de</strong>l, sont concrètement représentatives <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux positions parmi lesrégionaux 7 . Les partisans <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique invoquent <strong>la</strong> croissance inexorable <strong>de</strong> <strong>la</strong>consommation d’électricité, l’équilibre dans <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> l’énergie, <strong>la</strong> nécessaire mise ensécurité d’un réseau électrique souvent mis à mal par les vents violents ainsi que le développement<strong>de</strong> l’économie locale. Ils soutiennent l’intervention <strong>de</strong> l’Etat, seule entité dont le génie permettrait<strong>de</strong> discerner les besoins premiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté, et ce au détriment <strong>de</strong> protestationspleinement légitimes <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s riverains. Au contraire, les détracteurs dudit projet excipent <strong>de</strong>sdommages irréversibles pour l’environnement, ainsi qu’une atteinte grave à <strong>la</strong> santé en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong>présence <strong>de</strong> champs électromagnétiques. La tradition juridique française inscrit principalementl’Etat dans un rôle d’arbitre <strong>de</strong> l’intérêt commun. Cependant l’arbitrage implique à l’évi<strong>de</strong>ncel’insatisfaction <strong>de</strong> certains habitants. L’intérêt général que présente le projet Cotentin-Maine peutrévéler une acception amère pour les régionaux qui considèrent leurs paysages et leur santé plusimportante que <strong>la</strong> contribution à l’effectivité du principe d’équité énergétique entre les régions. C’esten ce<strong>la</strong> que le consensus est improbable. Néanmoins, <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration-participation <strong>de</strong>s habitantspermet <strong>de</strong> mettre en ba<strong>la</strong>nce, in situ, les avantages et les inconvénients (excessifs ou non) d’unprojet, éveil<strong>la</strong>nt le jugement <strong>de</strong> l’Etat. Le Conseil d’Etat n’a-t-il pas annulé <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilitépublique d’une ligne électrique <strong>de</strong>stinée à assurer <strong>la</strong> sécurité d’alimentation électrique <strong>de</strong> <strong>la</strong> régionProvence-Alpes-Côte d’Azur, en raison du caractère exceptionnel du site ? Tous les espoirs sontdonc encore possibles pour les régionaux qui s’associent en « collectifs anti-<strong>THT</strong> 8 ». La participationdu public est un facteur déterminant pour apprécier l’utilité publique d’un projet puisque lesparticipants sont autant d’acteurs dont les connaissances tant juridique, scientifique, biologique,politique ou encore financière pèsent dans <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie du bi<strong>la</strong>n. Cette théorie appliquéeau champ juridique permet d’examiner si les inconvénients d’un projet sont excessifs par rapport àses avantages. Ainsi, une opération telle que l’imp<strong>la</strong>ntation d’une ligne électrique ne peut êtrelégalement déc<strong>la</strong>rée d’utilité publique que dans le cas où les atteintes à <strong>la</strong> propriété privée, le coût7 GEORGES VEDEL considérait que <strong>la</strong> notion d’intérêt général était « indéfinissable en ce sens que selon lestemps, les lieux, et les opinions, elle reçoit <strong>de</strong>s contenus forts variables », préface <strong>de</strong> G. VEDEL in FRANÇOISRANGEON « L’idéologie <strong>de</strong> l’intérêt général », Economica, 1986, p.3 ; voir aussi G. VEDEL, PIERRE DELVOLVE« Droit administratif », PUF, 11 ème édition, 1992.8 <strong>THT</strong> : Très Haute Tension.6


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDfinancier, les inconvénients d’ordre social et les atteintes à d’autres intérêts publics commel’environnement qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Ilconvient donc d’évaluer l’opportunité du projet d’imp<strong>la</strong>ntation : <strong>la</strong> sécurisation, le tracé équitable <strong>de</strong>l’énergie et le renforcement du transport d’électricité d’un côté, <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement, dubâti et <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé, <strong>de</strong> l’autre. Il est possible <strong>de</strong> parfaire cette liste non exhaustive <strong>de</strong>s atteintes parcelles liées au préjudice visuel, à <strong>la</strong> dévaluation du patrimoine immobilier, à <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>spropriétés agricoles, à une dépense <strong>de</strong>s fonds publics excessive. Dans notre étu<strong>de</strong>, l’utilité <strong>de</strong>l’infrastructure litigieuse semble revêtir davantage un caractère économique qu’environnemental ousanitaire. Le fond du projet Cotentin-Maine s’exprimera donc sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> caractérisation <strong>de</strong>son utilité publique.L’absence <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong> ville et l’industrialisation mo<strong>de</strong>ste du Grand Ouest a crée lesconditions favorables à <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> l’environnement. Les principales sensibilités du milieunaturel sont diversement liées aux boisements et zones humi<strong>de</strong>s étendus (Parc naturel régional <strong>de</strong>smarais du Cotentin et du Bessin, Parc naturel régional du Perche, Parc naturel régional <strong>de</strong>Normandie Maine, forêts, bocages), <strong>de</strong>s vallées dont les rivières ont un fort intérêt piscicole etvégétal, <strong>de</strong>s habitats –composant le réseau <strong>de</strong> protection communautaire Natura 2000. La Manche,département le plus touché par le projet, présente aussi 9 réserves naturelles nationales 9 . La limiteOuest <strong>de</strong> l’air d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne se situe à moins <strong>de</strong> 20 kilomètres du Mont-Saintmichellui-même et à moins <strong>de</strong> 15 kilomètres du littoral et <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> baie du Mont. Letracé <strong>de</strong> détail <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique est une épreuve car le Cotentin et le Maine offrent une myria<strong>de</strong><strong>de</strong> sites remarquables que <strong>la</strong> ligne <strong>de</strong>vra exclure à moins <strong>de</strong> verser dans l’indifférenceenvironnementale. C’est ici que se situe notre étu<strong>de</strong> : quel tracé et pour quel impact ? La gron<strong>de</strong> <strong>de</strong>certains élus et <strong>de</strong>s riverains n’a été que peu suivie, touchée par le sou<strong>la</strong>gement <strong>de</strong>s autres agitantvictorieusement le drapeau du syndrome NYMBY 10 . L’altération <strong>de</strong> l’environnement est donc unegageure pour les habitants <strong>de</strong>s régions touchées par l’électrification tentacu<strong>la</strong>ire. Pourtant,s’agissant d’un projet d’Etat tel que l’alimentation électrique, les riverains et plus <strong>la</strong>rgementl’ensemble <strong>de</strong>s individus intéressés sont détournés <strong>de</strong>s procédures ; malgré <strong>la</strong> teneur du débatpublic, leurs arguments sont vains. La genèse <strong>de</strong> cette perdition tient essentiellement dans <strong>la</strong>scission du dialogue entre les acteurs décisionnels et les administrés. En effet, en matière <strong>de</strong>nucléaire et ce faisant, en matière <strong>de</strong> transport d’électricité nucléaire, le recel <strong>de</strong>s informations parles autorités étatiques, et leurs serviteurs locaux -notamment Electricité <strong>de</strong> France et sa filialeRéseau <strong>de</strong> Transport d’Electricité (RTE)- procè<strong>de</strong> d’une véritable dictature <strong>de</strong> l’information. Ilsemble ma<strong>la</strong>isé <strong>de</strong> nier que le nucléaire est une matière difficilement perméable à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>transparence, elle est historiquement opaque. Le nucléaire semble un ordre clos en ce sens quel’information n’atteint pas les administrés ni ne permet <strong>de</strong> prendre en compte leurs observations :les explications sont minces, et surtout les positions inflexibles. L’échange est donc dépouillé <strong>de</strong> sasubstance. Ainsi les sapiteurs -les amateurs du biotope local, les connaisseurs <strong>de</strong>s caractéristiquespropres à l’environnement étudié- sont-ils incontestablement détournés <strong>de</strong> leur rôle <strong>de</strong> conseil,d’informateur. Ils sont exclus du processus décisionnel. Leurs connaissances sont stérilisées par <strong>la</strong>9 Données <strong>de</strong> <strong>la</strong> DIREN Basse-Normandie, disponibles sur www.basse-normandie.ecologie.gouv.fr.10 Le syndrome NYMBY (Not In My Back Yard) est <strong>la</strong> vision pessimiste <strong>de</strong> l’acceptation d’un projet souscondition qu’il soit imp<strong>la</strong>nté ailleurs que dans sa propre commune.7


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcommunication d’informations officielles qui leur ôtent toute substance. Ce sont <strong>de</strong>s documentsofficiels qui ne sont nullement oxygénés par <strong>de</strong>s observations objectives que l’on est en droitd’attendre dans un domaine si controversé que le nucléaire. L’obscurité est soigneusemententretenue par les initiateurs <strong>de</strong>s divers projets viciant ainsi les principes fondateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong>démocratie participative que sont notamment une information éc<strong>la</strong>irée et une participation effective.Par exemple, s’agissant <strong>de</strong> l’environnement juridique du projet, RTE cite les textes juridiquesfondant sa démarche dans un encadré spécifique ; s’agissant à l’inverse du droit <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>l’environnement, aucun texte juridique n’est cité, <strong>la</strong>issant le profane sans armes égales <strong>de</strong>réflexion 11 . Par ailleurs, le compte rendu du débat public mis en œuvre par <strong>la</strong> Commission nationale<strong>de</strong> débat public informe que « contrairement à ce qui a émergé <strong>de</strong>s débats précé<strong>de</strong>nts sur <strong>de</strong>slignes <strong>THT</strong>, ces thématiques [insertion paysagère, impact sur les milieux naturels, le patrimoine etle tourisme] ont été peu abordées dans le débat » 12 . Aussi, comme l’information est très liée à <strong>la</strong>participation, nous sommes en droit <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si les intéressés ont pu exercer leur droit <strong>de</strong>manière effective. De surcroît, au sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte constitutionnelle <strong>de</strong> l’environnement, <strong>la</strong>protection <strong>de</strong> l’environnement apparaît comme un <strong>de</strong>voir citoyen. Ce <strong>de</strong>voir ne saurait exister sansdroit <strong>de</strong> regard sur les grands projets d’Etat. A cet égard, CORNELIUS CASTORIADIS affirme que « <strong>la</strong>responsabilité <strong>de</strong> tous à l’égard <strong>de</strong> l’environnement est inséparable <strong>de</strong> <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> tous faceaux affaires publiques » ; il soutient qu’ « écologie et radicalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie sont, dans lesconditions contemporaines, indissociables » 13 . Dans le même sens JÜRGEN HABERMAS défend l’idéeselon <strong>la</strong>quelle « l’Etat <strong>de</strong> droit ne peut être ni réalisé ni maintenu sans démocratie radicale» 14 . Ladifficulté majeure repose sur l’absence <strong>de</strong> mètre-étalon <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation, c’est-à-dire une norme,un échelon en <strong>de</strong>çà duquel il faudrait affirmer qu’il n’y a pas eu participation au processusdécisionnel. A cet égard, JACQUES DONZELOT et RENAUD EPSTEIN dans « Démocratie et participation :l’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> rénovation urbaine » en 2006 ont ranimé un instrument <strong>de</strong> mesure é<strong>la</strong>boré par <strong>la</strong>haut-fonctionnaire américaine SHERRY ARNSTEIN en 1969 15 . Il s’agit d’une échelle <strong>de</strong> participation,quasiment inconnue en France et d’ailleurs non traduite, qui hiérarchise les pratiques <strong>de</strong> <strong>la</strong>participation selon trois niveaux et huit <strong>de</strong>grés al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> simple éducation <strong>de</strong>s participants à leurpouvoir effectif 16 . Nous appliquerons ultérieurement cette échelle au projet qui nous concerne (voirPartie II, Chapitre 1, Section II). L’instrument <strong>de</strong> mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation mettrait en valeurl’impérieuse nécessité d’informer les participants, action qui intervient le plus en amont possible <strong>de</strong><strong>la</strong> participation. A titre d’exemple, s’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> lignes électriques à haute tension,les habitants allèguent <strong>de</strong>s effets néfastes <strong>de</strong> l’électromagnétisme alors que RTE déc<strong>la</strong>reofficiellement que lesdites lignes sont inoffensives. Ainsi, l’information, en tant qu’élément premierdu processus démocratique, est tiraillée entre vérité, communication grand public donneuse <strong>de</strong>leçon, dénaturation, et endoctrinement. La protection <strong>de</strong> l’environnement est donc sujette à <strong>la</strong> force11 Cf. supra note n°4, voir <strong>la</strong> comparaison aux pages 15 et 56.12 « Compte-rendu du débat public sur le projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension Cotentin-Maine », mars 2006,page 56. Aussi disponible sur le site www.<strong>de</strong>batpublic-<strong>THT</strong>cotentin-maine.org.13 Entretien <strong>de</strong> CORNELIUS CASTORIADIS, Le Mon<strong>de</strong>, 10 décembre 1991.14 JURGEN HABERMAS, « Droit et Démocratie, entre faits et normes », Gallimard, 1997, p.11215 SHERRY ARNSTEIN « A <strong>la</strong>d<strong>de</strong>r of citizen participation », Journal of the American Institute of p<strong>la</strong>nners, 1969.Elle est un haut fonctionnaire américain – special assistant to the assistant secretary of the <strong>de</strong>partement ofhealth, education and welfare - chargée <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nifier une stratégie fédérale en vue <strong>de</strong> mettre fin à <strong>la</strong>ségrégation dans les hôpitaux publics aux Etats-Unis.16 JACQUES DONZELOT et RENAUD EPSTEIN « Démocratie et participation : l’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> rénovation urbaine »,dossier n°326 « force et faiblesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation », Esprit, juillet 2006, p.5 à 34.8


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD<strong>de</strong> persuasion <strong>de</strong>s différentes parties et non à une vision objective <strong>de</strong> sa défense. Dans les projetsd’Etat comme <strong>la</strong> réalisation d’une nouvelle ligne électrique, le poids <strong>de</strong> l’opinion partisane estparfois irrécusable et le contrôle démocratique perd toute pertinence. C’est pourtant le processus <strong>de</strong>participation qui permet <strong>de</strong> légitimer les projets contestables, elle est, en effet, tributaire <strong>de</strong> leuracceptabilité sociale. On peut néanmoins se satisfaire que le projet ait suscité un regain d’intérêtpour <strong>la</strong> chose publique chez les habitants <strong>de</strong>s communes rurales 17 . En toute hypothèse, c’est dansce cadre étranglé que les associations <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement se hasar<strong>de</strong>nt à défendre <strong>la</strong>qualité du milieu qui s’incline, sans surprise, <strong>de</strong>vant l’impérieuse nécessité du développementéconomique. Le projet dévoile un terrain où s’enchevêtrent <strong>de</strong>s intérêts publics comme <strong>la</strong>préservation <strong>de</strong> l’environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé, et <strong>de</strong>s intérêts privés tirés <strong>de</strong> volontés politique oufinancière ou même encore du syndrome NIMBY. Elus et privés luttent chacun pour leurs intérêts,l’utilisation du sol et <strong>de</strong> l’espace n’est décidément pas porteur d’unité.Aussi, le développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> controverse a suscité un nouvel essor du principe <strong>de</strong>précaution. En effet, ce principe joue ici un rôle mobilisateur pour exprimer, justifier, approuver ouréc<strong>la</strong>mer une interdiction 18 . Cette application du principe <strong>de</strong> précaution est à l’œuvre dans <strong>de</strong>nombreux cas <strong>de</strong> refus <strong>de</strong> l’opinion publique face à <strong>de</strong>s décisions jugées à risques. Ici, le principe <strong>de</strong>précaution s’exprime d’une manière inattendue. En effet, en raison <strong>de</strong> l’existence d’une premièreligne à haute tension i<strong>de</strong>ntique à celle étudiée, les champs électromagnétiques et leursconséquences sur le vivant humain, animal, et végétal ont déjà pu être pleinement observées. Desétu<strong>de</strong>s officielles sur <strong>la</strong> leucémie <strong>de</strong> l’enfant ont établi un lien entre cette ma<strong>la</strong>die et <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>lignes électriques. Le CRIIREM a d’ailleurs été sollicité pour enquêter sur le terrain 19 . Les résultats<strong>de</strong>s enquêtes sont donc totalement applicables à <strong>la</strong> future ligne électrique. Dans cette optique, <strong>la</strong>précaution <strong>la</strong>isse p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> prévention puisque les conséquences sur <strong>la</strong> santé sont connues. Ainsi, ledoute inhérent à l’application du principe <strong>de</strong> précaution se situe plus sur le terrain du refus par lesautorités publiques <strong>de</strong> prendre en considération lesdites étu<strong>de</strong>s. Finalement, l’incertitu<strong>de</strong> se situeplus dans le champ <strong>de</strong> l’appréciation parcel<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>s risques : les atteintes dues àl’électromagnétisme sont admises uniquement auprès <strong>de</strong>s enfants, à l’exclusion <strong>de</strong>s animaux, <strong>de</strong>shommes et <strong>de</strong>s femmes adultes, malgré pléthore d’étu<strong>de</strong>s non officielles en ce sens. Dès lors,l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s risques environnementaux ou <strong>de</strong> santé publique dépend <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong>confrontation – et <strong>de</strong> l’acceptabilité <strong>de</strong>s expertises- entre les profanes, les experts et les autoritéspolitiques. La composition est difficile, non seulement en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> multiplicité <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong>concertation mais aussi parce qu’il est ma<strong>la</strong>isé <strong>de</strong> choisir les porte-parole parmi les experts et lesrégionaux. D’autant que c’est le porteur <strong>de</strong> projet lui-même qui désigne ses experts, choix qui peutparfois s’apparenter à <strong>de</strong> l’élitisme corporatiste et à un désengagement total dans l’examenimpartial <strong>de</strong>s risques. Puis <strong>la</strong> médiation doit encore être traduite <strong>de</strong> manière opératoire. Ainsicomme a pu l’affirmer PIERRE LASCOUMES en 2001, « <strong>la</strong> controverse peut être vue comme unesituation productrice d’effet enrichissant les rapports sociaux » et ce faisant génératrice <strong>de</strong>nouvelles perspectives. La controverse sur <strong>la</strong> précaution permettra d’enrichir <strong>la</strong> question <strong>de</strong>17 Propos <strong>de</strong> CHRISTOPHE GOSSELIN, prési<strong>de</strong>nt du collectif « Manche sous tension » en 2008.18 HAMID CHRIFI, « Le développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> controverse pour dynamiser le principe <strong>de</strong> précaution », in Ethiquetechnique et démocratie, éditions ACADEMIA BRUYLANT, 2007 p. 156.19 Le CRIIREM est le Centre <strong>de</strong> Recherche et d’Information Indépendantes sur les RayonnementsElectromagnétiques.9


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDl’électromagnétisme par <strong>de</strong> nouvelles étu<strong>de</strong>s jusqu’à en connaître parfaitement ses effets. Encoreune fois le débat sur le principe <strong>de</strong> précaution se poursuit avec <strong>de</strong>s interrogations liées àl’enfouissement lui-même : permet-il <strong>de</strong> réduire ou mieux, <strong>de</strong> supprimer tout risque pour <strong>la</strong>santé en « paralysant » le champ électromagnétique? Ainsi, le principe <strong>de</strong> précaution est-il porté,commenté, démêlé par <strong>la</strong> démocratie participative. Il offre un chantier d’évaluation <strong>de</strong>s politiquespubliques, un cadre incitatif d’action dans un contexte d’incertitu<strong>de</strong>. HAMID CHIFRI affirme à cet égardque « le développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> controverse est une voie pour dynamiser le principe <strong>de</strong> précaution » 20 .Pour saisir les enjeux d’un tel phénomène, nous nous interrogerons, en premier lieu, surl’utilité publique du projet Cotentin-Maine. Il s’agira pour nous d’apprécier <strong>la</strong> qualification même« d’utilité publique » du projet par les autorités décisionnelles. S’inscrivant, certes, dans <strong>la</strong> politiqueénergétique <strong>de</strong> l’Etat et en application du principe <strong>de</strong> distribution équitable <strong>de</strong> l’énergie, le projet estcependant excessivement <strong>de</strong>structeur en termes <strong>de</strong> santé et d’environnement. L’utilité publiquesera donc mise à l’épreuve (Partie I). En second lieu, notre démarche consistera à analyser <strong>la</strong> qualitédu lien existant entre environnement et démocratie. Le consensus est improbable dans un projetqui se situe au cœur d’enjeux financiers, touristiques, sanitaires, environnementaux et politiques.L’utilisation <strong>de</strong> l’espace se trouve au centre <strong>de</strong>s attentes <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s habitants. Dans notre casd’étu<strong>de</strong>, il ne faut pas se contenter d’un jugement au premier <strong>de</strong>gré basé sur l’alternative « je suispour <strong>la</strong> ligne » ou « je suis contre cette décision » 21 . En effet, il ne faut pas élu<strong>de</strong>r les questionssociopolitiques qui sont <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> poids dans <strong>la</strong> procédure d’acceptation d’un ouvrage public.Il conviendra donc d’apporter une vision objective du jeu <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie locale. Il est constantque <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> vision statique du « tout économique » <strong>de</strong>s projets d’aménagement en matière<strong>de</strong> production et <strong>de</strong> transport électrique se heurte <strong>de</strong> plus en plus au <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> <strong>la</strong> société urbainequi revendique un droit <strong>de</strong> regard et <strong>de</strong> contrôle sur le système décisionnel. La légitimité du projeten termes <strong>de</strong> satisfaction du public dépend donc <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> participation <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>sintéressés et <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong> leur opinion (Partie II).20 HAMID CHIFRI, op. cit., note n°18.21 Que sais-je, « Les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’urbanisme », JEAN-PAUL LACAZE, éditions PUF, 4 ème édition, 2007, page 52.10


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDPartie I.A <strong>la</strong> recherche d’une justification du projet Cotentin-Maine en termes d’utilité publique11


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDTitre 1. L’inscription du projet dans <strong>la</strong> politique énergétique nationale et supranationale« Fer <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> renaissance du nucléaire » selon le groupe Areva-Framatome,constructeur du nouveau réacteur, l’EPR doit assurer à <strong>la</strong> France une indépendance énergétiquesans faille. L’industrie nucléaire française a atteint sa maturité actuelle grâce à une expérience <strong>de</strong>plus <strong>de</strong> 40 ans 24 . L’EPR est évolutionnaire et non révolutionnaire, il n’introduit pas <strong>de</strong> rupturetechnologique puisqu’il intègre toutes les innovations résultant <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> recherchemenés par le Commissariat à l’énergie atomique 25 . Il est constant que le secteur <strong>de</strong> l’électricité secaractérise par <strong>de</strong>s investissements importants qui ne sont rentabilisés que sur plusieurs décennies.A cet égard, <strong>la</strong> loi du 13 juillet 2005 a réussi <strong>la</strong> prouesse d’être le premier texte légis<strong>la</strong>tif à définir<strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique à un horizon <strong>de</strong> plusieurs décennies. Cette loi recouvretotalement <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> faire réaliser un démonstrateur <strong>de</strong> troisième génération (Chapitre I.) 26 . Plus<strong>la</strong>rgement, le renouvellement du parc nucléaire répond à l’exigence <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation et <strong>de</strong>développement du service public <strong>de</strong> l’électricité. Par application du principe <strong>de</strong> l’accès équitable àl’énergie, une ligne électrique <strong>de</strong> 400.000 volts exportera <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle tranchenucléaire hors région. Elle doit approvisionner le Grand-Ouest : <strong>la</strong> Bretagne et les Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loireen traversant <strong>la</strong> Manche (Chapitre II.).24 Dossier <strong>de</strong> presse, « EPR, le réacteur nucléaire avancé » Octobre 2004, édité par AREVA, page 5.25 Article « Un outil pour contrôler le nucléaire » Journal La Manche Libre, 15 décembre 2007.26 Loi <strong>de</strong> programme n°2005-781 du 13 juillet 2005 fixant les orientations <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique, JOn°163 du 14 juillet 2005 avec un rectificatif paru au JO n°247 du 22 octobre 2005.13


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre I.La réalisation du démonstrateur <strong>de</strong> type EPR : héritage du paradigme énergétique françaisLa question <strong>de</strong> <strong>la</strong> dépendance énergétique n’est pas nouvelle. Nombreux se sont attachés àétudier <strong>la</strong> déplétion du pétrole à plus ou moins long terme (Section I.) pour justifier le <strong>la</strong>ncement oule maintien du programme électronucléaire (Section II.).Section I. Le déclin <strong>de</strong>s énergies pétrolifères et le maintien <strong>de</strong> l’option nucléaireLes autorités politiques lèvent l’étendard du nucléaire à chaque crise énergétique. Le déclin<strong>de</strong> l’ère du pétrole (§I.) ainsi que l’emballement <strong>de</strong> <strong>la</strong> machine climatique (§II.) sont <strong>de</strong>uxarguments naturels pour justifier le maintien <strong>de</strong> l’option nucléaire ouverte.§ I. La réponse nucléaire à <strong>la</strong> vo<strong>la</strong>tilité <strong>de</strong>s prix du pétroleNous sommes en plein milieu <strong>de</strong> l’ère du pétrole. Il est aujourd’hui possible d’anticiper <strong>la</strong>date du pic <strong>de</strong> <strong>la</strong> production totale du pétrole. En effet, le « Peak Oil » a été dépassé en 2005 pourle pétrole conventionnel -principale ressource en hydrocarbures- et le sera en 2010 pour les autres-notamment les pétroles lourds et en eaux profon<strong>de</strong>s, le pétrole po<strong>la</strong>ire 27 . Malgré une pléthore <strong>de</strong>nouvelles énergies (so<strong>la</strong>ire, éolien, géothermie, énergie marémotrice, par exemple), <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> enpétrole n’a cessé d’augmenter, dépassant l’offre. Cette dissymétrie entre l’offre et <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> estdirectement à l’origine du déclin <strong>de</strong>s énergies pétrolifères. La problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> déplétion dupétrole est au cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> gouvernance environnementale notamment en matière <strong>de</strong> politiqueénergétique. A cet égard, il est constant que l’enjeu économique du pétrole n’a nullement embrasséles grands enjeux environnementaux. En effet, ces <strong>de</strong>rniers ont, au contraire, subi le contrecoup <strong>de</strong>l’option uni<strong>la</strong>térale défendue par les différents gouvernements français : l’option du nucléaire. Eneffet, le 21 octobre 2004, Electricité <strong>de</strong> France (EDF) annonçait son intention <strong>de</strong> construire unréacteur nucléaire tête <strong>de</strong> série EPR (European Pressurized Reactor), à F<strong>la</strong>manville dans <strong>la</strong> Manche.Il s’agit d’un réacteur <strong>de</strong> troisième génération conformément à <strong>la</strong> technologie <strong>de</strong> l’eau pressurisée.Ce troisième groupe <strong>de</strong> production d’électricité d’une puissance <strong>de</strong> 1600 MW vient s’ajouter à <strong>de</strong>uxgroupes déjà existants sur le site. En effet <strong>de</strong>ux tranches nucléaires <strong>de</strong> 1300 MW ont été imp<strong>la</strong>ntéeset raccordées au réseau en 1985 et 1986 28 . Etant précisé que malgré l’ensemble <strong>de</strong>s critiquesformulées à l’encontre <strong>de</strong> ce nouveau réacteur, un second réacteur <strong>de</strong> ce type (ou <strong>de</strong>uxième, afin<strong>de</strong> <strong>la</strong>isser ouverte l’hypothèse d’une troisième instal<strong>la</strong>tion) est en projet. En effet, pour répondre à<strong>la</strong> f<strong>la</strong>mbée <strong>de</strong>s prix du carburant le Premier ministre FRANÇOIS FILLON annoncé le projet <strong>de</strong>construction d’un <strong>de</strong>uxième réacteur nucléaire <strong>de</strong> même type 29 . Cette annonce a été confortée parle Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République NICOLAS SARKOZY en juillet 2008 qui a affirmé à ce propos « L’ère dupétrole bon marché, c’est fini. Le nucléaire est plus que jamais une industrie d’avenir et une énergieindispensable » 30 . Le soutien à l’énergie nucléaire s’accroît donc. Certes, le lien entre le déclin <strong>de</strong>sénergies pétrolifères et le maintien accru <strong>de</strong> l’option nucléaire peut sembler quelque peu absur<strong>de</strong>27 Le Mon<strong>de</strong> Diplomatique, At<strong>la</strong>s Environnement, Hors série Octobre 2007, page 18.28 Nouvel Observateur, « EPR : un réacteur pour rien ? », MICHEL DE PRACONTAL, 23 juin 2004.29 Journal Télévisé, FRANCE 2, 12 juin 2008.30 Article du Journal Libération, 13 juin 2008.14


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDdans le sens où le nucléaire ne fait pas rouler les voitures 31 . Cependant, l’énergie nucléaire est,pour ses défenseurs, un moyen <strong>de</strong> lutte contre le réchauffement climatique ainsi qu’une solutionpour rompre avec <strong>la</strong> dépendance énergétique mondiale.§ II. Le nucléaire : outil politique majeur dans <strong>la</strong>problématique « climat »Rapportée à son nombre d’habitants, <strong>la</strong> France est le pays le plus nucléarisé au mon<strong>de</strong> et le<strong>de</strong>uxième producteur mondial d’électricité nucléaire 32 . En contrepartie, elle émet 25% <strong>de</strong> gaz à effet<strong>de</strong> serre <strong>de</strong> moins que <strong>la</strong> moyenne européenne et possè<strong>de</strong> un <strong>de</strong>s taux les plus bas <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong>dioxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> carbone <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong> l’OCDE, se positionnant au rang <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième après <strong>la</strong> Suè<strong>de</strong> 33 . Acet égard, JOSE MANUEL BARROSO, homme politique Portugais et onzième prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commissioneuropéenne a <strong>la</strong> foi d’un nouveau converti au nucléaire: « L’énergie nucléaire peut apporter unecontribution majeure dans <strong>la</strong> bataille contre le changement climatique. C’est un excellent moyen <strong>de</strong>protéger l’économie européenne <strong>de</strong> <strong>la</strong> vo<strong>la</strong>tilité <strong>de</strong>s prix du pétrole » 34 . Néanmoins, les scientifiquesdu groupe GLOBAL CHANCE ont re<strong>la</strong>tivisé le rôle bénéfique du nucléaire dans les émissions <strong>de</strong> dioxy<strong>de</strong><strong>de</strong> carbone. A l’argument d’EDF « l’atome ou l’effet <strong>de</strong> serre ? » ils ont conclu « qu’aussi bien enFrance que dans le mon<strong>de</strong>, les stratégies plus ou moins volontaristes <strong>de</strong> re<strong>la</strong>nce du nucléaire ont<strong>de</strong>s conséquences sur les émissions cumulées <strong>de</strong> CO2 sur <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2000-2050 qui restentre<strong>la</strong>tivement mo<strong>de</strong>stes: 6% à 11% pour le mon<strong>de</strong>, 7% à 16% pour <strong>la</strong> France » 35 .Le contexte <strong>de</strong> l’Union Européenne conforte le camp <strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> l’atome puisque l’Italie-qui respectait un moratoire sur l’atome <strong>de</strong>puis 1987- envisage à nouveau <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>scentrales. Le scénario est le même au Royaume-Uni qui <strong>de</strong>vrait construire <strong>de</strong>ux nouveaux réacteursd’ici à 2020, après trente ans d’interruption. De son côté, <strong>la</strong> Fin<strong>la</strong>n<strong>de</strong> a été <strong>la</strong> première à opter pourle réacteur EPR <strong>de</strong> troisième génération 36 . Cette attitu<strong>de</strong> s’inscrit pleinement dans le cadre du« Paquet climat-énergie » tel que défini par <strong>la</strong> Commission européenne en janvier 2008 37 . Parailleurs, les autorités françaises prêchent <strong>de</strong> plus en plus l’idée selon <strong>la</strong>quelle le nucléaire pourraitêtre une énergie renouve<strong>la</strong>ble (sic) 38 . Cette idée peut être aisément défendue mais elle <strong>de</strong>meureinconfortable pour les environnementalistes agnostiques qui savent que l’uranium n’est pasinépuisable 39 . Plus précisément, <strong>de</strong>puis 2001, le prix <strong>de</strong> l’uranium a été multiplié par 10, passant <strong>de</strong>31 Observation ironique formulée par FREDERIC MARILLIER, chargé <strong>de</strong> campagne Energie pour l’ONG Greenpeacelors d’un entretien avec le Premier Ministre FRANÇOIS FILLON, Journal Libération, 13 juin 2008.32 PHILIPPE BILLET, « Les contraintes environnementales <strong>de</strong> l’énergie : atouts du développement », revueEnvironnement n°6, juin 2007.33 European Union, « Energy and Transport in figures, Statistical pocketbook », 2002.34 Déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> JOSE MANUEL DURÃO BORROSA, lors du forum européen <strong>de</strong> Prague, 22 mai 2008.35 Les cahiers <strong>de</strong> Global Chance, janvier 2004.36 Site internet Actu Environnement, Article « Prési<strong>de</strong>nce Française <strong>de</strong> l’Union Européenne : le défi européen<strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte contre le réchauffement », 24 juin 2008.37 Le « paquet climat-énergie » ne semble pas inaugurer le changement <strong>de</strong> paradigme énergétique <strong>de</strong>vantconduire à une Europe neutre en carbone d’ici 2050 : l’Europe table sur une croissance indéfinie <strong>de</strong>sconsommations d’énergie et ne s’affaire aucunement au gaspil<strong>la</strong>ge.38 Radio France Internationale, JEAN PIEL, à propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nce française <strong>de</strong> l’UE, 17 juin 2008.39 Les centrales existantes consomment plus d’uranium qu’il n’en est extrait. Le manque d’uranium limiteraainsi peu à peu l’utilisation d’une partie <strong>de</strong>s centrales nucléaires entre 2015 et 2025. La production d’uraniumdiminuera et, avec elle, <strong>la</strong> production d’électricité nucléaire. Il s’agit donc d’une problématique majeure,surtout dans l’optique <strong>de</strong> l’amortissement <strong>de</strong>s nouvelles centrales en 40 ans à minima. Sur ce point, voir « La15


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD7 dol<strong>la</strong>rs <strong>la</strong> livre à plus <strong>de</strong> 75 dol<strong>la</strong>rs en 2007 40 . Par ailleurs, une mine d’uranium est parfoisopérationnelle plus <strong>de</strong> vingt ans après <strong>la</strong> découverte du gisement ; or aucune découverte majeuren’a été faite au cours <strong>de</strong> ces vingt <strong>de</strong>rnières années. Enfin, <strong>la</strong> vulnérabilité du nucléaire peut aussiêtre révélée sur le champ <strong>de</strong> son approvisionnement en uranium. 16 pays exploitent <strong>de</strong> l’uraniumalors que six d’entre eux se partagent 80% <strong>de</strong> <strong>la</strong> production : <strong>la</strong> Russie, <strong>la</strong> Namibie, l’Australie, leKazakhstan, le Canada et le Niger, ces trois <strong>de</strong>rniers entretenant un lien privilégié avec <strong>la</strong> France 41 .Le taux <strong>de</strong> dépendance <strong>de</strong> <strong>la</strong> France vis-à-vis <strong>de</strong> l’uranium est donc <strong>de</strong> 100%.Puis, si les centrales sont peu polluantes, leur démantèlement et <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> leurs déchetsà long terme est un problème. La réponse nucléaire aux problèmes p<strong>la</strong>nétaires est vivementcritiquée par <strong>la</strong> représentante <strong>de</strong> l’association NEGAWATT, présente lors <strong>de</strong>s débats publics. Elle jugeque toutes ces perspectives <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et <strong>de</strong> réponses en moyens <strong>de</strong> production s’inscrivent dansune logique <strong>de</strong> continuité alors qu’il faudrait être dans une logique <strong>de</strong> rupture compte tenu <strong>de</strong>smenaces qui pèsent sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète ; elle ajoute : « cette rupture toucherait nos mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>consommation et l’orientation <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> production » 42 . Pourtant, sans surprise, face à cecontexte international singulier, <strong>la</strong> France développe sa légis<strong>la</strong>tion pro-nucléaire.Section II. La réalisation du démonstrateur <strong>de</strong> type EPR : une étape supplémentaire vers lenationalisme énergétiqueLa sénescence <strong>de</strong> l’actuel parc nucléaire (§ I.) a présidé à <strong>la</strong> décision portant réalisation <strong>de</strong>l’EPR, décision qui a engendré un débat national sur les énergies (§ II.).§ I. L’obsolescence progressive <strong>de</strong> l’actuel parc nucléairefrançaisBercé par le contexte international et, à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ancien chef d’Etat JACQUES CHIRAC, legouvernement était chargé <strong>de</strong> préparer <strong>de</strong> grands projets industriels qui p<strong>la</strong>ceraient <strong>la</strong> France entête sur le p<strong>la</strong>n mondial 43 . La sobriété énergétique n’était donc pas <strong>de</strong> mise dans un contexte <strong>de</strong>compétitivité. C’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle, en première réponse, le gouvernement s’est concentrésur l’énergie nucléaire, seule à même <strong>de</strong> répondre à l’enjeu <strong>de</strong> compétitivité. En effet,l’augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> production nucléaire permettrait à <strong>la</strong> France <strong>de</strong> mieux se positionner enmatière <strong>de</strong> dépendance énergétique internationale, <strong>de</strong> faire perdurer l’avantage que constitue le fait<strong>de</strong> bénéficier d’une source indépendante d’énergie. Aujourd’hui près <strong>de</strong> 80% <strong>de</strong> l’électricité estd’origine nucléaire 44 . Le doute n’est plus permis : l’Etat verse dans le nationalisme énergétique.pénurie à venir d’uranium condamne le nucléaire », article du journal suisse Le Temps, ISABELLE CHEVALEY etPIERRE BONNARD, 16 juin 2008.40 I<strong>de</strong>m.41 En France, l’extraction du minerai d’uranium s’est achevée en 2001. Les principaux gisements se situaientdans le Limousin, le Forez, <strong>la</strong> Vendée, l’Hérault ; <strong>la</strong> fermeture <strong>de</strong>s mines s’explique notamment parl’épuisement <strong>de</strong>s gisements les plus riches. Sur ce point et sur le thème <strong>de</strong> <strong>la</strong> prospection voir le site <strong>de</strong> <strong>la</strong>Cogema : http://www.areva-nc.com/scripts/areva-nc/publigen/content/temp<strong>la</strong>tes/show.asp?P=5344&L=FR.42 Réunion publique <strong>de</strong> CESSON-SEVIGNE, compte-rendu du double débat sur l’EPR et <strong>la</strong> ligne à très hautetension, 16 novembre 2005.43 Journal La Manche Libre, « Le baptême du bébé EPR », 16 janvier 2005.44 « L’EPR en bref, Ce qu’il faut savoir sur le réacteur nucléaire EPR », Collectif <strong>Stop</strong> EPR, janvier 2007, p.4.16


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDConcrètement, l’hexagone est aujourd’hui doté <strong>de</strong> 58 réacteurs nucléaires. Précisément, sur le site<strong>de</strong> F<strong>la</strong>manville, le troisième groupe <strong>de</strong> production d’électricité d’une puissance <strong>de</strong> 1600 mW vients’ajouter à <strong>de</strong>ux groupes déjà existants : <strong>de</strong>ux tranches nucléaires <strong>de</strong> 1300 mW ont été imp<strong>la</strong>ntéeset raccordées au réseau en 1985 et 1986 45 . Par ailleurs, EDF a précisé que 50% du parc nucléairefrançais sera arrêté entre 2017 et 2027 en raison <strong>de</strong> son vieillissement. La moitié du parc nucléairefrançais aura en moyenne 30 ans en 2011, durée <strong>de</strong> vie initialement prévue pour une centrale 46 .Ainsi <strong>la</strong> première centrale qui atteindra son terme sera celle <strong>de</strong> Fessenheim en Alsace, en 2017 47 .En tout état <strong>de</strong> cause il faudra procé<strong>de</strong>r au renouvellement du parc nucléaire à court ou moyenterme. A cet égard, le premier ministre en exercice en 2004, JEAN-PIERRE RAFFARIN, en dép<strong>la</strong>cementà F<strong>la</strong>manville, avait confirmé l’importance du futur réacteur nucléaire <strong>de</strong> type EPR en le qualifiant <strong>de</strong>« premier <strong>de</strong>s grands projets français pour 2010 ». Pour Areva, « <strong>la</strong>ncer <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> <strong>l'</strong>EPR,c'est pérenniser les compétences et les moyens industriels qui font <strong>de</strong> <strong>l'</strong>industrie nucléaire française,<strong>la</strong> première au mon<strong>de</strong> » 48 .§ II. La dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> décision portant réalisation dusurdimensionnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité nucléaireConcrètement, l’instruction du dossier a commencé dès le 20 mai 2004, date à <strong>la</strong>quellel’Assemblée nationale a adopté en première lecture <strong>la</strong> construction du réacteur. Puis, le choix dusite a été entériné par le Conseil d’administration d’EDF le 21 octobre 2004 : ce sera FLAMANVILLE,dans <strong>la</strong> MANCHE. La saisine <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission nationale <strong>de</strong> débat public a suivi dès le mois <strong>de</strong>novembre. La réunion inaugurale du débat public a du être annulée en raison du boycottsystématique <strong>de</strong>s représentants associatifs. Ces <strong>de</strong>rniers entendaient protester contre le refusgouvernemental <strong>de</strong> lever le secret-défense sur certains éléments du dossier re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> sécurité duréacteur nucléaire. Le 30 mars 2005, l’Assemblée nationale adopte en secon<strong>de</strong> lecture <strong>la</strong>construction <strong>de</strong> l’instal<strong>la</strong>tion nucléaire <strong>de</strong> base dénommée FLAMANVILLE III. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> réalisationa été déposée auprès <strong>de</strong>s Ministères <strong>de</strong> l’écologie et <strong>de</strong> l’industrie le 9 mai 2006. L’enquête publiquea été prescrite par arrêté préfectoral du 19 mai 2006 suite à <strong>la</strong> désignation d’une commissiond’enquête par décision du tribunal administratif <strong>de</strong> CAEN. Puis le décret du 10 avril 2007 autorise <strong>la</strong>création <strong>de</strong> l’instal<strong>la</strong>tion 49 . A partir <strong>de</strong> 2007, <strong>la</strong> réalisation du projet <strong>de</strong>vrait s’échelonner sur 5 ans.Le calendrier prévisionnel situe <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s travaux pour 2012, en théorie 50 .En parallèle, un débat sur les énergies a été engagé, qui a engendré une mobilisation sansprécé<strong>de</strong>nt. Selon les termes du Sénat : « Plus <strong>de</strong> 250 colloques nationaux et initiatives partenairesse sont déroulés en 2003, plus <strong>de</strong> 3 millions <strong>de</strong> fascicules sur <strong>l'</strong>énergie ont été imprimés et45 MICHEL DE PRACONTAL, art. cit., note n°28.46 La durée <strong>de</strong> vie technique du nouveau réacteur est <strong>de</strong> 60 ans. Dossier <strong>de</strong> presse « EPR : le réacteurnucléaire avancé » Octobre 2004, Areva, p.7.47 Article du journal Le Point, « Nucléaire : fal<strong>la</strong>it-il faire l’EPR ? », 28 octobre 2004.48 Ibid. note 46, P.13.49Décret n° 2007-534 du 10 avril 2007 autorisant <strong>la</strong> création <strong>de</strong> <strong>l'</strong>instal<strong>la</strong>tion nucléaire <strong>de</strong> base dénomméeF<strong>la</strong>manville 3, comportant un réacteur nucléaire <strong>de</strong> type EPR, sur le site <strong>de</strong> F<strong>la</strong>manville, JO du 11 avril 2007texte n° 6 p. 6648 à 6652.50 L’instruction <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure EPR est bien plus complexe que le rappel sommaire susvisé (<strong>de</strong>man<strong>de</strong>d’autorisation <strong>de</strong> création, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’autorisation <strong>de</strong> rejets et <strong>de</strong> prélèvements d’eau, permis <strong>de</strong> construire...).Sur ce point, voir le Dossier <strong>de</strong> presse du Cabinet du préfet « Lancement <strong>de</strong> l’EPR » mai 2006, p.5 et s.17


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDdistribués par le Gouvernement, près <strong>de</strong> 350 000 visiteurs en 2003 sur le site Internet du débat ».Le gouvernement a ensuite produit un livre b<strong>la</strong>nc sur les énergies 51 . Ce long processus <strong>de</strong>concertation a abouti à <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiqueénergétique 52 . Cette loi fixe les grands objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique, soit :- Contribuer à <strong>l'</strong>indépendance énergétique nationale et garantir <strong>la</strong> sécuritéd'approvisionnement ;- Assurer un prix compétitif <strong>de</strong> <strong>l'</strong>énergie ;- Préserver <strong>la</strong> santé humaine et <strong>l'</strong>environnement, en particulier en luttant contre<strong>l'</strong>aggravation <strong>de</strong> <strong>l'</strong>effet <strong>de</strong> serre ;- Garantir <strong>la</strong> cohésion sociale et territoriale en assurant <strong>l'</strong>accès <strong>de</strong> tous à <strong>l'</strong>énergie.Or le nucléaire contribue <strong>de</strong> façon décisive à atteindre ces objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique. Ilimporte donc pour le gouvernement <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r toutes les options ouvertes pour le nucléaire.Récemment encore, le gouvernement rappe<strong>la</strong>it les objectifs énergétiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> France : leprogramme électro-nucléaire était visé en filigrane. « L’énergie, quelles nouvelles opportunitéspour les territoires ! » <strong>la</strong>nçait CHRISTIAN BRODHAG, délégué interministériel au développementdurable, lors <strong>de</strong>s premières Assises <strong>de</strong> l’énergie et <strong>de</strong>s territoires tenues au Pa<strong>la</strong>is duLuxembourg 53 . Il exhortait le développement <strong>de</strong> l’énergie en tant que facteur dynamisant <strong>de</strong>sterritoires. A cet égard, il est soutenu par CLAUDE BELOT, Sénateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> CHARENTE-MARITIME et viceprési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> délégation du Sénat à l’Aménagement et au développement durable du territoire.En effet, ce <strong>de</strong>rnier a dégagé trois objectifs <strong>de</strong> politique énergétique nationale et européennedans son rapport intitulé « Energies renouve<strong>la</strong>bles et développement local : intelligence <strong>de</strong>sterritoires en action ». Ce sont avec exactitu<strong>de</strong> les mêmes que ceux présentés dans <strong>la</strong> loi du 13juillet 2005 (<strong>la</strong> lutte contre le réchauffement climatique, <strong>la</strong> sécurisation <strong>de</strong> nosapprovisionnements en énergie et une énergie compétitive et accessible à tous). L’enjeu est <strong>de</strong>taille, surtout lorsque l’on associe d’une part, <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> sensibiliser les particuliers à réduireleur consommation et d’autre part <strong>la</strong> compétitivité au niveau supranational. Le projet <strong>de</strong>réalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong> s’inscrit directement dans cette politique qui semble le justifierrétroactivement. Dès lors, l’opportunité énergético-économique semble se substituer àl’opportunité - et l’exigence constitutionnelle- <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement. En matière <strong>de</strong>nucléophilie, le problème éthique <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation effrénée semble prendre unpositionnement lointain, à l’heure où il est fondamental <strong>de</strong> se doter d’une véritable diplomatieénergétique.L’électricité produite à partir du futur réacteur sera exportée hors région, pour alimenterl’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. Dès lors, EDF et sa filiale, ont p<strong>la</strong>idé en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’unenouvelle ligne électrique à très haute tension, qui mo<strong>de</strong>rnisera le réseau.51 Livre b<strong>la</strong>nc sur les énergies, NICOLE FONTAINE, ministre délégué à l’industrie, 7 novembre 2003, disponiblesur le site www.<strong>de</strong>bat-énergie.gouv.fr.52 Loi 2005-781 du 13 juillet 2005 <strong>de</strong> programme fixant les orientations <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique, dite loiPOPE, JORF n°163 du 14 juillet 2005 page 11570, texte n° 2.53 Intervention conclusive écrite <strong>de</strong> CHRISTIAN BRODHAG lors <strong>de</strong>s premières Assises <strong>de</strong> l’énergie et <strong>de</strong>s territoires,tenues le mercredi 20 juin 2007, Paris, Pa<strong>la</strong>is du Luxembourg.18


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre II.L’approvisionnement du Grand-Ouest : entre mo<strong>de</strong>rnisation du service public <strong>de</strong>l’électricité et négation <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles« C’est pour éviter une panne étendue dans <strong>la</strong> zone du Cotentin et une amplification <strong>de</strong>sproblèmes <strong>de</strong> tension dans l’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France » que RTE propose <strong>de</strong> construire une ligne à400.000 volts 54 . Pour gérer ce risque aggravé <strong>de</strong> coupures et d’écroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> tension, RTE aappelé à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation du réseau <strong>de</strong> transport d’électricité (Section I.). Malgré un fort potentiel enmatière d’énergies renouve<strong>la</strong>bles (énergies éolienne et marémotrice), <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation du servicepublic <strong>de</strong> l’électricité réfute pleinement le raccord <strong>de</strong> ces énergies vertes au réseau électrique.L’insertion <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne in situ revêt aussi une réalité économique à même <strong>de</strong> convaincre les élus lesplus réticents. A ce double titre, nous étudierons l’insertion du projet dans <strong>la</strong> dynamiqueterritoriale : fort enjeu économique pour <strong>la</strong> commune concernée, d’une part, manquement àl’insertion couteuse <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles, d’autre part (Section II.).Section I. La gestion du risque aggravé <strong>de</strong> coupures et d’écroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> tension <strong>de</strong>sinfrastructures électriquesLes infrastructures électriques sont <strong>de</strong>s éléments dits critiques en raison <strong>de</strong> leur caractèrevulnérable (§I.). Pour garantir <strong>la</strong> sureté du système électrique, il convient donc <strong>de</strong> mettre fin à <strong>la</strong>criticité <strong>de</strong> celles-ci, en mo<strong>de</strong>rnisant et développant le réseau électrique (§II.).§ I. Le concept <strong>de</strong> vulnérabilité appliqué aux infrastructuresélectriquesNous considérerons notre étu<strong>de</strong> comme une opportunité pour é<strong>la</strong>rgir le débat sur leconcept <strong>de</strong> vulnérabilité, au champ <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s infrastructures critiques. Les lignes électriqueset les sites <strong>de</strong> production sont <strong>de</strong>s infrastructures dites « critiques » 55 . Ce<strong>la</strong> signifie qu’elles sontessentielles au bon fonctionnement d’un territoire et d’une société donnée. Elles concernent plus<strong>la</strong>rgement l’ensemble du réseau électrique, le transport, ou les instal<strong>la</strong>tions industrielles, entreautres. Suivant cette définition, <strong>la</strong> doctrine a distingué trois gran<strong>de</strong>s catégories d’infrastructures :- les infrastructures contribuant à <strong>la</strong> continuité et à <strong>la</strong> crédibilité <strong>de</strong> l’activité gouvernementaleet au maintien <strong>de</strong>s services stratégiques fondamentaux (défense, secours, santé, police)- les infrastructures permettant le maintien <strong>de</strong> l’ordre et à <strong>la</strong> fourniture <strong>de</strong>s services publics<strong>de</strong> base (alimentation en eau, en énergie, activités industrielles)- les infrastructures relevant <strong>de</strong> secteurs privatisés fournissant <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> base(transport, télécommunication, services bancaires).54 Dossier du maître d’ouvrage « Projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension » RTE, page 18.55 « L’application du concept <strong>de</strong> vulnérabilité aux infrastructures critiques : quelles implications pour <strong>la</strong> gestionterritoriale <strong>de</strong>s risques ? » SARA BOUCHON, Revue Responsabilité et Environnement n°43 juillet 2006, p.35.19


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDPrécisons dès à présent que les infrastructures électriques sont plutôt <strong>de</strong>s réseaux ou <strong>de</strong>s chaînesd’approvisionnement qui sous-ten<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> fourniture d’un produit ou d’un service essentiel 56 . Ainsi <strong>la</strong>défail<strong>la</strong>nce d’un service critique tel que ceux susvisés permet <strong>de</strong> pointer sa vulnérabilité c’est-à-dire<strong>la</strong> propension à subir <strong>de</strong>s dommages. Les dimensions <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité sont multiples : d’abord,son origine (les différentes catastrophes tels les acci<strong>de</strong>nts industriels ou encore les aléas naturels)puis, ses conséquences (enjeux économiques, remise en cause <strong>de</strong>s autorités, crise <strong>de</strong> confiance <strong>de</strong><strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion notamment). Le concept <strong>de</strong> vulnérabilité n’a pas été défini ou insuffisamment au sens<strong>de</strong> <strong>la</strong> doctrine. Le terme est polysémique : il est employé par divers acteurs qui en font un usagedissemb<strong>la</strong>ble. Ainsi est-il couramment utilisé pour étudier les barrières anti-tempêtes, les diguesface aux risques d’inondation ou <strong>de</strong> submersion, ainsi que les p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> préventions <strong>de</strong>s risques parexemple. La définition <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité <strong>la</strong>isse donc une gran<strong>de</strong> marge d’interprétation, etprincipalement <strong>de</strong>s interrogations : vulnérabilité <strong>de</strong> quoi ? du système dans sa totalité ou dusupport ? Vulnérabilité pour qui ? <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, l’Etat, les propriétaires <strong>de</strong> l’infrastructure ? Malgréses incertitu<strong>de</strong>s <strong>la</strong> richesse opératoire du concept <strong>de</strong> vulnérabilité nous cè<strong>de</strong> <strong>la</strong> possibilité d’en faireapplication à notre cas d’étu<strong>de</strong>. En effet, analysant <strong>la</strong> vulnérabilité <strong>de</strong>s infrastructures électriques,SARA BOUCHON s’interroge : « comment prévoir les conséquences d’une coupure d’électricitémajeure ? » Sa réponse repose sur <strong>de</strong>ux éléments : une analyse spatiale associée une analysetemporelle. En premier lieu, <strong>la</strong> criticité d’une infrastructure électrique varie dans l’espace, àdifférentes échelles (européenne, régionale) ; les réseaux ne créant pas <strong>de</strong> territoires homogènes.Il s’agit ici <strong>de</strong> considérer <strong>la</strong> disposition géographique, le lieu <strong>de</strong> production, <strong>la</strong> qualité du réseau, lenombre <strong>de</strong> pylônes, ou encore le matériau utilisé (en d’autres termes, <strong>la</strong> vulnérabilité inhérente àl’infrastructure elle-même). En pratique le système territorial (le nouveau réacteur nucléaire) estdépendant du bon fonctionnement <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses sous-systèmes (le réseau), le second ne sauraitexister sans le premier. En second lieu, il faut y associer un critère temporel. Une coupured’électricité étant plus critique en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> forte <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comme les jours ouvrables ou <strong>la</strong>pério<strong>de</strong> hivernale. Aux termes <strong>de</strong> cette première analyse, le grand ouest a été i<strong>de</strong>ntifié comme unbassin à risques.Aussi, l’analyse <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité repose sur <strong>la</strong> puissance d’événements extérieurs : lestempêtes. A cet égard, même si l’homme peut acquérir <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong>s éléments naturels grâce auxprogrès constants <strong>de</strong>s connaissances techniques et scientifiques, les conséquences <strong>de</strong> certainescatastrophes ne peuvent encore être évitées. Il convient <strong>de</strong> penser ici à <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong>s vents duGrand ouest qui font fi <strong>de</strong> <strong>la</strong> stabilité <strong>de</strong>s équipements publics tels que les infrastructuresélectriques. La société civile apparaît alors comme une victime passive <strong>de</strong> <strong>la</strong> catastrophe, avec pourseule arme : l’attente. Finalement, ce sont les techniciens afférents à chaque infrastructure quiagissent a postériori sur les conséquences –qui doivent néanmoins être réparables- <strong>de</strong> <strong>la</strong>ditecatastrophe. C’est en ce sens que <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s infrastructures et <strong>de</strong>s aménagements, <strong>de</strong> quelquenature soient-ils, est fragile, vulnérable. Ils ne sauraient résister sous le poids d’un processusphysique tel que le vent. Dans ces conditions, l’expression <strong>de</strong> catastrophe naturelle est <strong>de</strong>venue56 Communication <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission européenne 2004-702 « Les infrastructures critiques et <strong>la</strong> lutte contre leterrorisme », 20 octobre 2004: « Les infrastructures critiques sont les instal<strong>la</strong>tions physiques et technologiques<strong>de</strong> l’information, les réseaux, les services et les actifs qui, en cas d’arrêt ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction peuvent avoir <strong>de</strong>graves inci<strong>de</strong>nces sur <strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> sécurité ou le bien-être économique <strong>de</strong>s citoyens ou encore le travail <strong>de</strong>sgouvernements <strong>de</strong> Etats membres », non publiée au JO.20


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDsynonyme <strong>de</strong> l’occurrence d’un processus physique appelé « aléa ». Historiquement, <strong>la</strong> doctrines’est focalisée sur <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> l’aléa 57 . En effet, <strong>la</strong> catastrophe a longtemps été considérée commeune punition divine, le produit <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, sans que l’homme ne puisse y trouver une solution. Cethéritage administratif qui donne aux autorités un rôle exclusif dans <strong>la</strong> réparation justifiel’importance donnée aux solutions techniques innovantes. En effet, les hommes ne sauraient sesoumettre à <strong>la</strong> nature toute puissante sans tenter <strong>de</strong> <strong>la</strong> dominer. C’est pourquoi les ingénieursé<strong>la</strong>borent <strong>de</strong>s solutions qui, mises entre les mains <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs, sont appliquées, ou non, selonleur pouvoir discrétionnaire. Analyser <strong>la</strong> vulnérabilité d’une infrastructure c’est comme introduireune composante sociale, anthropique, à un phénomène physique. Par exemple, <strong>la</strong> responsabilité<strong>de</strong>s violentes tempêtes <strong>de</strong> 1999 - qui ont soufflé une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s linéaires électriques dansl’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France - a pesé sur le Dieu-Nature. Le vent est responsable du fléau. Cependant, <strong>la</strong>maîtrise et <strong>la</strong> remise en service <strong>de</strong> l’ensemble du réseau sont l’œuvre <strong>de</strong> l’Homme. Les menaces enmatière <strong>de</strong> coupures électriques échappent alors au Dieu-Nature pour être pleinement contrôléespar <strong>la</strong> technique <strong>de</strong> l’homme, qui <strong>la</strong>ïcise <strong>la</strong> problématique. La vulnérabilité <strong>de</strong>s infrastructuresélectriques est écartée a minima par <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> l’homme à faire face aux aléas. En effet, un <strong>de</strong>sarguments majeurs qui justifie <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne Cotentin-Maine est celui du risque <strong>de</strong> b<strong>la</strong>ckout(panne étendue) à raison <strong>de</strong>s vents violents <strong>de</strong> <strong>la</strong> région. Le projet <strong>de</strong> ligne électrique s’inscritdonc directement dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité puisqu’il a notamment pour vocation <strong>de</strong> prévenirles coupures d’électricité lors <strong>de</strong> tempêtes <strong>de</strong>structrices en multipliant les sources <strong>de</strong> distribution insitu. La réalisation <strong>de</strong> cette ligne apparaît comme une réponse à l’impuissance première <strong>de</strong> l’hommeface au risque dont <strong>la</strong> fréquence et l’intensité <strong>de</strong>meurent inconnues. La mise en œuvre <strong>de</strong> cettesolution technique répond aussi à un principe <strong>de</strong> rationalité économique, le coût d’une coupureétant prohibitif aux dires <strong>de</strong>s représentants d’EDF. Ainsi <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique répon<strong>de</strong>lleà l’exigence <strong>de</strong> garantie du système électrique.§ II. La garantie <strong>de</strong> <strong>la</strong> sureté du système électriqueLa garantie du système électrique s’apprécie en premier lieu par <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong> <strong>la</strong> sureté <strong>de</strong>fonctionnement du système ; en second lieu par <strong>la</strong> distribution équitable <strong>de</strong> l’énergie.Pour comprendre l’utilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne litigieuse, il convient <strong>de</strong> connaître les principes <strong>de</strong>fonctionnement du système électrique. En premier lieu, l’électricité n’est pas un produit comme lesautres. Elle est un bien <strong>de</strong> consommation spécifique en raison <strong>de</strong> ses caractéristiques physiques.Elle est néanmoins un produit 58 . Dès lors, il est possible <strong>de</strong> croire à l’existence d’un droit propre àl’électricité, applicable <strong>de</strong> sa production à sa consommation. Aussi, en plus d’un régime ad hoc, <strong>de</strong>nombreuses normes régissent les activités qui y sont liées (notamment le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> commerce, <strong>de</strong>l’environnement ou <strong>de</strong> l’urbanisme). De surcroît, le régime juridique <strong>de</strong> l’électricité ne peut être quecomplexe car il doit servir <strong>de</strong> nombreux objectifs <strong>de</strong> politiques publiques dont chacune <strong>de</strong>s finalitésest impérieuse. Par exemple, l’objectif <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité nationale, l’objectifd’aménagement du territoire, l’objectif <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement ou encore l’objectif <strong>de</strong> lutte57 « L’approche récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité », YVETTE VEYRET et MAGALI GECKO, Responsabilité et Environnementn°43 juillet 2006, p. 9.58 Rép. com. n° 2044/88 : JOCE 23 Octobre 1989, COM (90) 124 final.21


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcontre l’exclusion sociale. Le droit <strong>de</strong> l’électricité est donc davantage que le seul droit <strong>de</strong> l’activitééconomique, <strong>de</strong> production, <strong>de</strong> transport et <strong>de</strong> distribution d’un produit. A cet égard, <strong>la</strong> directivecommunautaire re<strong>la</strong>tive au transit d’électricité sur les grands réseaux énonce que <strong>la</strong> politique <strong>de</strong>l’électricité, « plus encore que toutes les autres mesures contribuant à <strong>l'</strong>achèvement du marchéintérieur, ne doit pas être mise en œuvre dans <strong>la</strong> seule perspective d'une réduction <strong>de</strong>s coûts et <strong>de</strong><strong>l'</strong>exercice <strong>de</strong> <strong>la</strong> concurrence, mais doit également tenir compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité d'assurer <strong>la</strong> sécurité<strong>de</strong> <strong>l'</strong>approvisionnement et <strong>la</strong> compatibilité <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> production <strong>de</strong> <strong>l'</strong>énergie avec<strong>l'</strong>environnement ; (...) que, pour atteindre cet objectif, il convient <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong>scaractéristiques particulières du secteur <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité » 59 . Cette conception fut transposée en droitfrançais par <strong>la</strong> loi du 10 février 2000 dite <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation et développement du service public <strong>de</strong>l’électricité 60 . Le caractère <strong>de</strong> service public <strong>de</strong> première nécessité a été inscrit dans cette loi.L’électricité ne se stocke pas, tout au moins en gran<strong>de</strong> quantité. C’est pourquoi RTE, legestionnaire du réseau <strong>de</strong> transport, doit en permanence équilibrer <strong>la</strong> production avec <strong>la</strong>consommation. En pratique cet équilibre s’obtient en prévoyant <strong>la</strong> consommation d’électricité. Lacapacité à produire plus répond donc à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> sureté <strong>de</strong> fonctionnement du réseauélectrique français. Dans cette hypothèse, EDF et RTE justifient non seulement <strong>la</strong> création dunouveau réacteur nucléaire mais aussi l’acheminement <strong>de</strong> l’électricité produite par l’intermédiaire <strong>de</strong>pylônes. De surcroit, ils <strong>la</strong>issent entendre que <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> production ne pourra être quecroissante puisqu’elle est in<strong>de</strong>xée sur le besoin <strong>de</strong>s consommateurs qui est, lui aussi,in<strong>la</strong>ssablement croissant. Puis, une partie <strong>de</strong> l’électricité transportée se dissipe sous forme <strong>de</strong>chaleur. On parle <strong>de</strong> perte par « effet joule ». Ainsi, plus <strong>la</strong> tension est élevée, moins il y a <strong>de</strong> perteen lignes. C’est pourquoi <strong>la</strong> ligne électrique sera une ligne à très haute tension soit 400.000 volts.Enfin, le projet a pour objet d’éviter une coupure générale. A cet égard, RTE rappelle lesconséquences gravissimes <strong>de</strong> ces coupures étendues dites « b<strong>la</strong>ck-out ». En effet, en 25 ans, <strong>la</strong>France a connu <strong>de</strong>ux b<strong>la</strong>ck-out : en 1978 sur l’ensemble du territoire métropolitain et en 1987 dansl’ouest. Puis lors <strong>de</strong>s tempêtes <strong>de</strong> 1999, même si le fonctionnement global du système a étépréservé <strong>de</strong> nombreuses coupures sont intervenues. Elles ont résulté d’avaries <strong>de</strong> matériels(pylônes, lignes soufflées). Les lignes étant en nombre restreint dans cette partie du territoire, il eutsuffit qu’un tronçon soit coupé pour priver une gran<strong>de</strong> étendue géographique d’électricité.Rappelons que <strong>la</strong> panne est intervenue en plein hiver, privant les foyers du droit <strong>de</strong> se chauffer. RTEpoursuit l’énumération <strong>de</strong>s conséquences dommageables en affirmant que <strong>de</strong> tels b<strong>la</strong>ck-out sontsusceptibles <strong>de</strong> causer <strong>de</strong>s décès : « crises cardiaques, acci<strong>de</strong>nts dus à l’arrêt <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong>circu<strong>la</strong>tion, non démarrage <strong>de</strong>s groupes électrogènes dans <strong>de</strong>s hôpitaux... ». Dans ces conditionstelles qu’énumérées par <strong>la</strong> filiale d’EDF, on ne saurait aller à l’encontre <strong>de</strong> ce projet ; même si onpeut allouer à RTE un usage inconfortable <strong>de</strong> l’aspect émotionnel lié à <strong>la</strong> mortalité en cas <strong>de</strong> rejetdu projet. Finalement, <strong>la</strong> loi confie à RTE <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> sûreté <strong>de</strong> fonctionnement du réseauau travers <strong>de</strong> trois pôles : assurer le fonctionnement normal du système ; limiter le nombre59 JOCE n° L 313, 13 nov. 1990, p. 30-33 ; modifiée par Dir. n° 98/75/CE, du 1er oct. 1998 : JOCE n° L 276,13 oct. 1998, p. 9.60 Loi <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation et <strong>de</strong> développement du service public <strong>de</strong> l’électricité, n°2000-108 du 10 février 2000,modifiée par <strong>la</strong> loi 2003-8 du 3 janvier 2003 re<strong>la</strong>tive aux marchés du gaz et <strong>de</strong> l’électricité et au service public<strong>de</strong> l’énergie, JORF 4 janvier 2003», p.265, texte n°3.22


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDd’inci<strong>de</strong>nts et le cas-échéant l’importance <strong>de</strong> celui-ci ; enfin limiter les conséquences <strong>de</strong>sditsinci<strong>de</strong>nts.En second lieu, RTE et EDF appliquent le principe <strong>de</strong> tracé équitable <strong>de</strong> l’énergie. Ce principerésulte plus <strong>la</strong>rgement <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 10 février 2000 précitée ainsi que <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 2 août 1923organisant l’accès <strong>de</strong> tous au service par l’électrification <strong>de</strong>s zones rurales 61 . Le principe d’équitédans <strong>la</strong> distribution d’énergie est re<strong>la</strong>yé et affiné par <strong>de</strong> nombreux lois et décrets qui imposentnotamment un allégement <strong>de</strong>s charges pour les communes et les départements, une baisse du prix<strong>de</strong> l’électricité au niveau <strong>de</strong>s concessionnaires, l’implication financière <strong>de</strong> l’Etat 62 . Plus précisément,c’est l’article 1er al.1 <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 10 février 2000 qui définit le service public <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité : il apour objet <strong>de</strong> garantir <strong>l'</strong>approvisionnement en électricité sur <strong>l'</strong>ensemble du territoire national, dansle respect <strong>de</strong> <strong>l'</strong>intérêt général. La loi précise en son article 2-2 :« Dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiqueénergétique, le service public <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité contribue à <strong>l'</strong>indépendance et à <strong>la</strong> sécuritéd'approvisionnement, à <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>l'</strong>air et à <strong>la</strong> lutte contre <strong>l'</strong>effet <strong>de</strong> serre, à <strong>la</strong> gestion optimale etau développement <strong>de</strong>s ressources nationales, à <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'énergie, à <strong>la</strong>compétitivité <strong>de</strong> <strong>l'</strong>activité économique, et à <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong>s choix technologique d'avenir, comme à<strong>l'</strong>utilisation rationnelle <strong>de</strong> <strong>l'</strong>énergie. Il concourt à <strong>la</strong> cohésion sociale, en assurant le droit à<strong>l'</strong>électricité pour tous, à <strong>la</strong> lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dansle respect <strong>de</strong> <strong>l'</strong>environnement, à <strong>la</strong> recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à <strong>la</strong> défense et à<strong>la</strong> sécurité publique ». Les trois objectifs généraux dégagés par cet article (environnement, sécuritéd’approvisionnement, service public) sont aussi défendus par <strong>la</strong> Commission européenne qui apublié en 2000 un Livre vert sur <strong>la</strong> sécurité d’approvisionnement, une Directive européenne <strong>de</strong> 2001re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité produite à partir <strong>de</strong> sources d'énergie renouve<strong>la</strong>bles, et uneCommunication sur les services d’intérêt général en Europe 63 . La Commission européenne a forgéun service public « d’intérêt économique général (SIEG) », conception qui est plus souple et moinssusceptible d’erreurs ou d’ambiguïtés <strong>de</strong> traduction entre les différentes <strong>la</strong>ngues 64 . Il résulte <strong>de</strong>l’ensemble <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong> que le droit <strong>de</strong> l’électricité est un service public national in<strong>de</strong>xé versl’Europe. L’article 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive 96/92 CE pose comme obligation l’interconnexion avec les paysvoisins dans l’hypothèse où un équipement national serait défail<strong>la</strong>nt. Au <strong>de</strong>meurant, si l’on s’entient strictement à <strong>la</strong> sphère infranationale, trois principes viennent à s’appliquer. Ainsi les principes61 Loi du 2 août 1923 organisant l’accès <strong>de</strong> tous au service par l’électrification <strong>de</strong>s zones rurales, JO 3 août1923.62 Sur ce point, voir le Jurisc<strong>la</strong>sseur Administratif, Fascicule 154 « Electricité », GERALDINE CHAVRIER, p.5.63 - Dir. 2001/77/ CE, 27 sept. 2001 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> l’électricité produite à partir <strong>de</strong> sourcesd’énergies renouve<strong>la</strong>bles : JOCE n° L 283/33, 27 oct. 2001.- CE, livre vert « Vers une stratégie européenne <strong>de</strong> sécurité d'approvisionnement énergétique » : COM(2000) 769 final).- Comm. UE, communication, 20 sept. 2000, sur les services d'intérêt général en Europe.64 La Commission a é<strong>la</strong>boré, avec <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> justice <strong>de</strong>s Communautés européennes, <strong>de</strong>ux concepts jugés plusc<strong>la</strong>irs que celui <strong>de</strong> service public : (voir le livre b<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> 2004 sur les SIG, p.23 disponible sur le site eurlex.europa.eu/fr):- les services d'intérêt général (SIG), non mentionnés dans le traité CE : il s'agit <strong>de</strong> « services marchands etnon marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d'intérêt général et soumettent à <strong>de</strong>sobligations spécifiques <strong>de</strong> service public »- les services d'intérêt économique général (SIEG), mentionnés aux articles 16 et 86 du traité CE : ce sont <strong>de</strong>s« services <strong>de</strong> nature économique que les États membres ou <strong>la</strong> Communauté soumettent à <strong>de</strong>s obligationsspécifiques <strong>de</strong> service public en vertu d'un critère d'intérêt général ». La notion <strong>de</strong> services d’intérêtéconomique général couvre donc plus particulièrement certains services fournis par les gran<strong>de</strong>s industries <strong>de</strong>réseau comme le transport, les services postaux, l’énergie et les communications.23


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDd’égalité, <strong>de</strong> continuité et d’adaptabilité inhérents à tout service public doivent trouver applicationaussi en matière <strong>de</strong> service public <strong>de</strong> l’électricité. C’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle le réseau électriquedoit être augmenté <strong>de</strong> nouvelles lignes, dont <strong>la</strong> ligne Cotentin-Maine.Le projet Cotentin-Maine s’inscrit pleinement dans cet objectif <strong>de</strong> service public, <strong>de</strong> droitfondamental <strong>de</strong>s consommateurs finals. En effet, l’énergie issue du nouveau réacteur seraacheminée jusqu’en Bretagne et dans les Pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire (en fonction du tracé définitif) pour queces régions puissent bénéficier d’un apport électrique rationnel (équilibre du nombre d’ouvrage enfonction <strong>de</strong>s besoins). L’équité énergétique s’entend donc a minima sur un fond régional. Plusprécisément, les diverses zones <strong>de</strong> fragilité électrique sont exposées dans <strong>de</strong>s cartographiesfournies par le maître d’œuvre, RTE 65 . Il apparaît, en effet, que <strong>la</strong> Manche est touchée par unmanque f<strong>la</strong>grant <strong>de</strong> sécurité électrique pour plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> son territoire. Néanmoins, cedépartement n’est concerné que par <strong>la</strong> traversée <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à haute tension, et non pas par unquelconque approvisionnement électrique. Le Nord <strong>de</strong> l’Ille–et-Vi<strong>la</strong>ine est frappé du mêmephénomène. Quant à <strong>la</strong> Mayenne, c’est <strong>la</strong> partie Nord-Ouest qui est <strong>de</strong>man<strong>de</strong>use d’électricité. Uneinterrogation peut alors être soulevée : RTE expose pleinement <strong>la</strong> fragilité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux zones que sont<strong>la</strong> Bretagne et les Pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire. Cependant, le tracé définitif <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne peut avoir pourconséquence que l’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux régions soit écartée du tracé électrique. Dans cette hypothèse, nonseulement le constat <strong>de</strong> <strong>la</strong> fragilité électrique étendue ne joue plus mais <strong>de</strong> surcroit, ce choixn’amènerait-il pas RTE à envisager <strong>la</strong> réalisation d’une autre ligne, pour alimenter le départementlésé 66 ?Dans l’hypothèse <strong>de</strong> l’impérieuse nécessité d’approvisionner les régions défavorisées, ilconvient aussi <strong>de</strong> se positionner sur l’intégration au réseau <strong>de</strong> l’électricité produite à partird’énergies renouve<strong>la</strong>bles.Section II. L’intégration du projet <strong>de</strong> réseau dans <strong>la</strong> dynamique territoriale localeL’insertion du projet Cotentin-Maine dans <strong>la</strong> dynamique territoriale est perfectible. En effet,elle est loin <strong>de</strong> mettre en valeur ou <strong>de</strong> confirmer les efforts locaux dans le développement <strong>de</strong>sénergies renouve<strong>la</strong>bles (§I.). Afin <strong>de</strong> rassurer les élus réticents, <strong>la</strong> filiale d’EDF offre alors <strong>de</strong>scompensations financières pour faire accepter les inconvénients majeurs du projet litigieux (§II.).§ I. Réflexion autours <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles : uneéquation contraire au droit national et supranationalIl convient <strong>de</strong> distinguer le tracé équitable <strong>de</strong> l’énergie du tracé équitable entre les énergies,ce <strong>de</strong>rnier étant développé dans <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> programme fixant les orientations <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiqueénergétique, dite loi POPE du 13 juillet 2005 67 . Celle-ci prévoit que l’un <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique65 Cartographies <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> fragilité électrique : Annexe I.66 Le tracé actuel <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne fait état d’un passage très minime dans <strong>la</strong> région Bretagne, <strong>la</strong>issant supposer <strong>la</strong>réalisation d’une nouvelle connexion dans un avenir très proche.67 Loi POPE 2005-781 du 13 juillet 2005, Cf. supra, note n° 52.24


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDénergétique française est <strong>de</strong> diversifier <strong>la</strong> production. La loi rappelle que les énergies renouve<strong>la</strong>blesdoivent fournir à <strong>la</strong> France 21% <strong>de</strong> sa consommation d’électricité d’ici 2010 étant précisé que <strong>la</strong>part <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles en France était <strong>de</strong> 10,3% en 2005 68 . Or l’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> Francepossè<strong>de</strong> un très fort potentiel pour les éoliennes off-shore ainsi que pour l’énergie marémotrice. Ces<strong>de</strong>rnières pourraient aisément contribuer à <strong>la</strong> production <strong>de</strong>s 21% d’énergie renouve<strong>la</strong>ble sousréserve que <strong>la</strong> ligne puisse acheminer ce courant « vert » 69 . Pourtant, dénué d’attitu<strong>de</strong> ambitieuse,l’Etat n’a prévu aucun raccor<strong>de</strong>ment à une ou plusieurs sources d’énergies renouve<strong>la</strong>bles au réseau.En effet le projet ne permet le raccor<strong>de</strong>ment d’aucune source autre que <strong>la</strong> production nucléaire. Ilne s’agit donc nullement d’un tracé équitable entre les énergies. Pourtant, <strong>la</strong> commission nationale<strong>de</strong> débat public avait exposé <strong>la</strong> possibilité d’un tracé alternatif du réseau électrique qui ouvrirait <strong>la</strong>voie au développement <strong>de</strong> l’énergie éolienne off-shore 70 . Plus précisément, <strong>la</strong> commission nationalea confirmé que RTE n’a nullement envisagé <strong>la</strong> possibilité d’une liaison sous-marine <strong>de</strong>sservant lesparcs éoliens off-shore 71 . Ainsi, le projet se p<strong>la</strong>ce en contradiction avec <strong>la</strong> loi POPE. Cette postureréfuterait autant le droit européen <strong>de</strong> <strong>la</strong> concurrence entre les énergies. A cet égard, <strong>la</strong> directiveeuropéenne re<strong>la</strong>tive à « <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> l’électricité produite à partir <strong>de</strong> sources d’énergiesrenouve<strong>la</strong>bles sur le marché intérieur <strong>de</strong> l’électricité » impose aux Etats membres d’édicter <strong>de</strong>smesures permettant aux opérateurs <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> transport et <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> garantir letransport et <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité produite à partir d'énergies renouve<strong>la</strong>bles, et les autoriseà leur accor<strong>de</strong>r un accès prioritaire 72 . Dès lors <strong>la</strong> négation totale <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles estaussi en contradiction totale avec les objectifs du droit communautaire. La ligne à haute tension apour fonction exclusive d’exporter <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle tranche nucléaire. Le lien entre <strong>la</strong>construction <strong>de</strong> l’EPR et l’extension du réseau électrique prend tout son sens ici. C’est <strong>la</strong> raison pour<strong>la</strong>quelle les détracteurs du projet Cotentin-Maine défient aussi <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> l’Europeanpressurized reactor en tant qu’il est l’élément déclencheur <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électriquelitigieuse. La ferveur <strong>de</strong>s oppositions aux <strong>de</strong>ux projets se ressent au niveau <strong>de</strong>s habitants ;cependant le combat ne fait pas l’unanimité au sein <strong>de</strong>s élus. Au contraire, un collectif d’élus s’estorganisé pour p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r en faveur <strong>de</strong> l’enfouissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à défaut <strong>de</strong> se battre contre les <strong>de</strong>uxprojets dans leur ensemble 73 . Nul doute que certains élus voient une manne financière présidant àl’accueil in situ <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne contestée.68 Article du site Actu-Environnement « Paquet énergie climat, zoom sur <strong>la</strong> directive cadre Energiesrenouve<strong>la</strong>bles », S. FABREGAT, 2 juillet 2008.69Le premier parc éolien normand (Sortosville-en-Beaumont dans le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche) remonteseulement à juillet 2004.70Communiqué <strong>de</strong> presse <strong>de</strong>s associations locales (CIELE, Les 7 vents du Cotentin, le CLER) « Ligne <strong>THT</strong>Cotentin à Rennes-Laval : pour un tracé équitable entre les énergies » 24 novembre 2005.71 Compte rendu officiel du débat public sur <strong>la</strong> ligne à très haute tension, CNDP, mars 2006, page 35.72 Article 7-1 <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive 2001/77 CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 re<strong>la</strong>tive à<strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> l’électricité produite à partir <strong>de</strong> sources d’énergies renouve<strong>la</strong>bles sur le marché intérieur <strong>de</strong>l’électricité. Transposition complète par <strong>l'</strong>arrêté du 8 novembre 2007 pris en application <strong>de</strong> <strong>l'</strong>article 2 du décretn° 2006-1118 du 5 septembre 2006 re<strong>la</strong>tif aux garanties d'origine <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité produite à partir <strong>de</strong> sourcesd'énergie renouve<strong>la</strong>bles ou par cogénération.73 Article du journal Ouest France, édition Mayenne « Certains souhaitent enfouir l’opposition », 17 juin 2008.25


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD§ II. Les enjeux économiques du projet <strong>de</strong> réseau pour lesterritoiresAfin d’alimenter les positions favorables <strong>de</strong>s élus et <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile, RTE met en exergueles enjeux économiques que cette ligne apporte au territoire. En dépit du renforcement même <strong>de</strong>l’alimentation électrique, RTE avance, d’une part, <strong>la</strong> possibilité d’alimenter une ligne <strong>de</strong> train àgran<strong>de</strong> vitesse entre <strong>la</strong> Bretagne et les Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire, l’amélioration <strong>de</strong> l’accès à l’Internet hautdébit, l’augmentation <strong>de</strong>s équipements <strong>de</strong> télécommunications. D’autre part, <strong>la</strong> filiale d’EDF rappelleque le chantier nécessitera l’emploi <strong>de</strong> 200 personnes pendant <strong>de</strong>ux ans, qu’une partie <strong>de</strong>s travauxpourra être confiée à <strong>de</strong>s entreprises locales 74 . Il est fondamental <strong>de</strong> percevoir le caractère facultatif<strong>de</strong> ces propositions. Puis les communes situées sur le tracé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne pourront bénéficier duProgramme d’accompagnement <strong>de</strong> projet (PAP). Ce programme permet <strong>de</strong> financer, à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong>commune, <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> projets publics (mesures esthétiques pour <strong>la</strong> nouvelle ligne, mesures <strong>de</strong>compensation pour <strong>de</strong>s lignes existantes ou <strong>de</strong>s postes électriques, ou tout autre projet <strong>de</strong>développement durable local). Le montant du programme d’accompagnement <strong>de</strong> ligne à 400.000volts représente 10% du coût <strong>de</strong> sa construction, soit entre 12 et 15 millions d’euros. Précisons dèsà présent que ces fourchettes sont passées rapi<strong>de</strong>ment à un montant <strong>de</strong> 19 millions ; son montantdéfinitif sera arrêté lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilité publique 75 . En outre, RTE exhibe un volet financierintéressant pour les communes, surtout celles qui sont économiquement faibles. En effet, lescommunes situées dans le tracé percevront (il est ici fait usage du temps du futur <strong>de</strong> l’indicatif,sans doute plus persuasif) <strong>de</strong>s taxes <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux types : les taxes professionnelles et foncières ainsique <strong>la</strong> taxe sur les pylônes 76 . Selon les autorités décisionnelles, <strong>la</strong> cinquantaine <strong>de</strong> communespercevra au total près <strong>de</strong> 900.000 euros par an 77 . La présentation <strong>de</strong> cette amorce financière aconstitué pour certains élus une ébauche <strong>de</strong> conciliation. D’autres au contraire ont dénoncé lesmétho<strong>de</strong>s vigoureuses <strong>de</strong> RTE assimi<strong>la</strong>bles à du chantage économique.74 Les termes précis <strong>de</strong> RTE sont: « Ce personnel spécialisé dans <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s réseaux électriques <strong>de</strong>transport sera employé par <strong>de</strong>s entreprises européennes <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> réseaux électriques, qualifiées parRTE au niveau national. RTE fera également appel à <strong>la</strong> main d’œuvre locale pour certains lots <strong>de</strong> travauxpréparatoires, telle que <strong>la</strong> création <strong>de</strong> pistes d’accès aux emp<strong>la</strong>cements <strong>de</strong>s pylônes », Dossier du Maîtred’ouvrage, p.66.75 Journal La Manche Libre, 13 janvier 2008.76 La taxe professionnelle acquittée par RTE au titre <strong>de</strong>s postes électriques qu’il exploite est calculée à partir<strong>de</strong> trois éléments : <strong>la</strong> valeur locative <strong>de</strong>s immeubles (terrains et bâtiments), <strong>la</strong> valeur locative <strong>de</strong>s matériels(transformateurs, disjoncteurs etc.) et 18% du montant <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> RTE travail<strong>la</strong>nt sur leterritoire d’une commune. Cette taxe est partagée entre <strong>la</strong> commune, <strong>la</strong> communauté <strong>de</strong> communes, ledépartement et <strong>la</strong> région. Par exemple, pour notre projet, <strong>la</strong> taxe professionnelle liée au poste amont (le plusau Nord, situé à Périers) est estimée à 500.000 euros par an.La taxe foncière <strong>de</strong>s postes électriques est assise sur le revenu net cadastral <strong>de</strong>s immeubles (terrains,matériels <strong>de</strong>s postes électriques). Elle est due aux communes à compter du 1 er janvier <strong>de</strong> l’année qui suit <strong>la</strong>mise en service du poste électrique. Par exemple, pour notre projet, <strong>la</strong> taxe foncière liée au poste amont estestimée à 70.000 euros.La taxe sur les pylônes est un impôt forfaitaire applicable aux lignes dont <strong>la</strong> tension est supérieure ouégale à 200.000 volts. Elle est instaurée par <strong>la</strong> loi du 10 janvier 1980 sur <strong>la</strong> fiscalité directe locale et codifiée àl’article 1519A du Co<strong>de</strong> général <strong>de</strong>s impôts. Elle est due à compter du 1 er janvier qui suit l’année <strong>de</strong>l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s pylônes, même si ces <strong>de</strong>rniers ne sont pas sous tension. Son montant est révisé chaqueannée par arrêté ministériel. Par exemple, pour l’année 2005, <strong>la</strong> taxe sur les pylônes était <strong>de</strong> 2.874 euros parpylône <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 400.000 volts.77 Fascicule <strong>de</strong> RTE « Projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension », Octobre 2005-Février 2006, page 4.26


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDL’ensemble <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong> permet, a priori, <strong>de</strong> nous positionner en faveur du projetlitigieux. Néanmoins l’utilité publique du projet peut être désapprouvée en raison <strong>de</strong> son atteinteexcessive à l’environnement, au patrimoine ou encore à <strong>la</strong> propriété privée, notamment.27


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDTitre 2.Interrogation sur l’utilité publique du projet« Et <strong>la</strong> haie qui courait <strong>de</strong>rrière chez moi sur le bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> route ? Cette haie riche <strong>de</strong> vie quiabritait les nids <strong>de</strong> merles, <strong>de</strong> grives, <strong>de</strong> bouvreuils et <strong>de</strong> pinsons ? Arrachée <strong>la</strong> haie, arrachée,brûlée et remp<strong>la</strong>cée par vingt piquets en béton, trois rangs <strong>de</strong> barbelés et <strong>de</strong>ux litres <strong>de</strong>désherbant ! C’était donc là le fameux progrès dont on nous rebattait les oreilles ! Ma haie ! Mescourlis ! Mes cèpes ! Mes écrevisses ! qui s’en soucie aujourd’hui. […] Cultiver cette mémoire làrisquerait <strong>de</strong> nuire à notre société <strong>de</strong> croissance qui fonce aveuglément sans voir ce qu’il y a <strong>de</strong>vantet sans jeter le moindre regard en arrière pour savoir ce qu’elle abandonne en chemin ! 78 ».L’intérêt général attaché à un projet ne peut revêtir une seule et unique acception : il est possible,en effet, <strong>de</strong> se ranger dans le camp <strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> l’impérialisme économique ou dans leretranchement <strong>de</strong> ces quelques fidèles d’un droit pour l’environnement. Dès lors, l’interrogation surl’utilité publique <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne s’opère entre les nécessités marchan<strong>de</strong>s et l’exigence <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong> l’environnement. La matière « énergie » soulève donc un champ <strong>de</strong>questionnement très étendu. En effet, l’urbanisme, l’environnement et l’énergie sont <strong>de</strong>s matièresintimement liées, même dans le sens d’une contradiction <strong>de</strong> leur substance spécifique. Conscient <strong>de</strong><strong>la</strong> possibilité d’une telle opposition, RENE LONGET appe<strong>la</strong>it à « construire <strong>de</strong>s passerelles » entre ceséléments. Pourtant, dans certaines conditions <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> l’énergie nerépond qu’à elle-même, <strong>de</strong> sorte que l’imp<strong>la</strong>ntation d’une infrastructure répond à un ordre clos :l’ordre mercantile. Par là, il faut entendre que <strong>la</strong> ligne serait réalisée malgré <strong>de</strong>s préoccupationsurbanistiques, environnementales et sanitaires sérieuses. La difficulté principale tient dans <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion extrêmement ténue entre <strong>la</strong> politique énergétique internationale, <strong>la</strong> volonté affirmée dugouvernement <strong>de</strong> maintenir ouverte l’option du nucléaire et le lobby nucléaire lui-même. A partir dumoment où l’on prend connaissance que <strong>la</strong> ligne électrique est réalisée dans le but unique <strong>de</strong>fonctionnement normal du nouvel EPR, les contestations propres à <strong>la</strong> ligne n’ont que peu <strong>de</strong> poidsdans le champ <strong>de</strong> tels intérêts. Pourtant, le juge administratif a pu annuler <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilitépublique d’une future ligne en présence d’impacts environnementaux considérables. Il s’agissaitpour le juge <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute cour administrative <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie du bi<strong>la</strong>n. Dès lorsnous ferons application <strong>de</strong> cette théorie au projet Cotentin-Maine (Chapitre II). En toute hypothèse, etafin <strong>de</strong> limiter l’impact <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> l’infrastructure sur l’environnement, le projet <strong>de</strong> réseaudoit répondre à une procédure stricte, correspondant notamment à une évaluationenvironnementale ou encore à <strong>la</strong> détermination d’un « fuseau <strong>de</strong> moindre impact » (Chapitre I).L’occasion sera pour nous <strong>de</strong> s’interroger sur <strong>la</strong> pertinence du fuseau afin <strong>de</strong> se positionner surl’utilité publique du projet en son entier.78 Discours d’YVES GRALL, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association MANCHE-NATURE, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> Conférence <strong>de</strong>s 2O ans <strong>de</strong>l’association (en présence d’YVES COCHET), le 17 mai 2008 à SAINT-PLANCHERS ; discours disponible dans le n°60<strong>de</strong> L’ARGIOPE (bulletin trimestriel <strong>de</strong> l’association MANCHE-NATURE, p. 12 et s.).28


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre I.De <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification du projet <strong>de</strong> réseau à <strong>la</strong> détermination du fuseau <strong>de</strong> moindre impactL’opportunité <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> raccor<strong>de</strong>ments électriques est examinée au cours d’une longueprocédure administrative, à <strong>la</strong>quelle viennent se greffer <strong>de</strong>s exigences légales et réglementaires.Nous évoquerons donc le cadre juridique qui entoure l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s lignes électriques, par uneentrée environnementale (Section I.). Puis, nous développerons les prémices d’une évaluationenvironnementale autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> « fuseau <strong>de</strong> moindre impact », notion qui sera préciséedans son essence (Section II.).Section I. Le contexte légis<strong>la</strong>tif, réglementaire et administratif <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseauL’imp<strong>la</strong>ntation d’une ligne électrique répond à <strong>de</strong>s exigences légales, réglementaires etadministratives particulières. Nous expliquerons chacune <strong>de</strong>s étapes qui précè<strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong>slignes à plus ou moins haute tension (§ I.); puis nous adapterons ce cadre juridico-administratif ànotre étu<strong>de</strong> (§ II.).§ I. La p<strong>la</strong>nification du réseau public <strong>de</strong> transportd’électricitéEn premier lieu, le développement du réseau public <strong>de</strong> transport est décidé à partir d’unschéma <strong>de</strong> développement, é<strong>la</strong>boré par le gestionnaire du réseau, soit RTE. Il s’agit d’un documentqui i<strong>de</strong>ntifie les zones <strong>de</strong> fragilité électrique en fonction <strong>de</strong>s contraintes existantes ou susceptiblesd’apparaître à court ou moyen terme sur le réseau public <strong>de</strong> transport. Par exemple, dans unerégion donnée, <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> production électrique est telle qu’elle ne suffit pas à alimenterl’ensemble du secteur. Concrètement, ce document dresse un état <strong>de</strong>s lieux du réseau (<strong>la</strong>consommation, <strong>la</strong> production, les contraintes observées sur le réseau régional) et sur lequelpourront se fon<strong>de</strong>r les projets <strong>de</strong> développement futurs 79 . Ce schéma est soumis pour approbationau ministre chargé <strong>de</strong> l’énergie après avis <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission <strong>de</strong> Régu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’Energie, tous les<strong>de</strong>ux ans au minimum 80 . Il doit aussi tenir compte du schéma <strong>de</strong> service collectif <strong>de</strong> l’énergie 81 .Dans notre cas, les zones <strong>de</strong> fragilités <strong>de</strong>s trois régions étudiées ont appuyé le projet <strong>de</strong>développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à 400.000 volts. Quelques précisions peuvent être apportées sur lecontrôle environnemental <strong>de</strong> ce schéma. En effet, le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement prévoit en son articleL 122-4 que les p<strong>la</strong>ns et documents ayant une inci<strong>de</strong>nce notable sur l’environnement doiventcomporter une évaluation environnementale. Ainsi, « Les p<strong>la</strong>ns, schémas, programmes et autresdocuments <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nification adoptés par <strong>l'</strong>Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et79Le schéma <strong>de</strong> développement est disponible pour chaque région administrative sur le sitewww.industrie.gouv.fr.80 Article 14 <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi n°2000-108 du 10 février 2000 modifiée re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation et au développementdu service public <strong>de</strong> l’électricité, JORF n°35 du 11 février 2000 p.2143, et décret n°2002-560 du 18 avril 2002.81 La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 dite loiVOYNET, institue un nouveau dispositif <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nification territoriale : les schémas <strong>de</strong> service collectifs. Cesschémas <strong>de</strong> niveau national concilient <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s priorités nationales et <strong>de</strong>s besoins locauxdans une perspective <strong>de</strong> 2003 à 2013. Ces schémas coordonnent les interventions publiques dans neufdomaines dont l’énergie. Voir « Le schéma <strong>de</strong> développement du réseau public <strong>de</strong> transport d’électricité 2003-2013 », RTE.29


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDles établissements publics en dépendant, re<strong>la</strong>tifs à <strong>l'</strong>agriculture, à <strong>la</strong> sylviculture, à <strong>la</strong> pêche, à<strong>l'</strong>énergie 82 [...] » doivent comporter une évaluation environnementale. En <strong>de</strong>uxième lieu, le schéma<strong>de</strong> développement soumet le ou les projets <strong>de</strong> développement du réseau à plusieurs étapes avant le<strong>la</strong>ncement <strong>de</strong>s travaux. En effet, il existe <strong>de</strong> multiples phases d’instruction administrative <strong>de</strong>sprojets <strong>de</strong> développement : l’étu<strong>de</strong> d’opportunité, <strong>la</strong> concertation, <strong>la</strong> procédure <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>rationd’utilité publique, puis l’é<strong>la</strong>boration du tracé <strong>de</strong> détail. Enfin, les travaux.D’abord, s’agissant <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> d’opportunité, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire du 9 septembre 2002 prévoitl’é<strong>la</strong>boration par le maître d’ouvrage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux dossiers visant à apprécier l’opportunité du projet 83 .RTE é<strong>la</strong>bore en premier un dossier <strong>de</strong> justifications technico-économiques <strong>de</strong> l’ouvrage, qui préciseles hypothèses et les besoins qui sont à l’origine du dossier, les différentes solutions envisagéespermettant <strong>de</strong> satisfaire les besoins i<strong>de</strong>ntifiés. Dans ce dossier figure aussi une estimation <strong>de</strong>savantages et <strong>de</strong>s inconvénients au regard du montant <strong>de</strong> l’investissement et <strong>de</strong> l’atteinte portée àl’environnement. Il s’agit pleinement d’un contrôle d’opportunité du projet. L’ensemble du dossierfait l’objet d’une présentation à l’autorité <strong>de</strong> tutelle à savoir <strong>la</strong> DIDEME, <strong>la</strong> DIrection <strong>de</strong> <strong>la</strong> DEman<strong>de</strong>et <strong>de</strong>s Marchés Energétiques. Si le dossier est jugé recevable, le maître d’ouvrage est invité àprésenter un second dossier dit dossier <strong>de</strong> présentation. Il s’agit d’une copie du premier dossierdont le vocabu<strong>la</strong>ire est vulgarisé aux fins <strong>de</strong> le rendre accessible aux non-spécialistes. Il est rédigéà l’intention du ministre chargé <strong>de</strong> l’énergie 84 . Il i<strong>de</strong>ntifie une aire d’étu<strong>de</strong> qui sera soumise àconcertation tout en précisant les principes généraux <strong>de</strong> l’insertion environnementale et les mesuresd’accompagnement du projet.Ensuite s’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation, elle est menée sous l’égi<strong>de</strong> du préfet avec lepartenariat <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s acteurs socio-économiques, les services régionaux, départementaux,municipaux et les associations. Cette étape indispensable au projet permet d’apporter uneinformation <strong>de</strong> qualité à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion concernée par le projet. L’ensemble <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s et le résultat<strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation vont conduire à é<strong>la</strong>borer l’étu<strong>de</strong> d’impact du projet. L’étu<strong>de</strong> d’impact comporteune étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’état initial du site conformément à l’article L 122-3 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement.Cette analyse doit porter sur une aire géographique assez étendue afin <strong>de</strong> n’éliminer aucune autresolution technique qui serait envisageable. Puis, à l’intérieur <strong>de</strong> l’aire d’étu<strong>de</strong> proprement dite, lemaître d’ouvrage prend en considération les diverses contraintes afin <strong>de</strong> déterminer les meilleurscheminements pour <strong>la</strong> ligne. Parmi ces chemins <strong>de</strong> ligne, le préfet détermine celui dont l’atteinte estmoindre. On parle alors <strong>de</strong> fuseau « <strong>de</strong> moindre impact ». Celui-ci est retenu à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> phase <strong>de</strong>concertation. Il convient <strong>de</strong> préciser qu’en complément <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation, un débat peut êtreorganisé sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission nationale du débat public (CNDP), même si son avis nerevêt pas <strong>de</strong> caractère décisionnel 85 . Enfin, parallèlement à <strong>la</strong> concertation, <strong>de</strong>s programmes82 Souligné par nous.83 Circu<strong>la</strong>ire du 9 septembre 2002 re<strong>la</strong>tive au développement <strong>de</strong>s réseaux publics <strong>de</strong> transport et <strong>de</strong>distribution d’énergie ; se substituant aux circu<strong>la</strong>ires du 14 janvier 1993 re<strong>la</strong>tive aux procédures d’instruction<strong>de</strong>s projets d’ouvrage, du 17 février 1995 re<strong>la</strong>tive aux procédures d’instruction <strong>de</strong>s lignes électriquessouterraines à haute et très haute tension, du 4 mai 1995 re<strong>la</strong>tive aux projets <strong>de</strong> postes électriques à haute ettrès haute tension.84 Ou à l’intention du préfet dans le cas d’une ligne d’une tension inférieure à 225.000 volts.85 Sur <strong>la</strong> CNDP, voir les articles L 121-1 et s. et R 121-1 à R 121-16 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement ; La loi n°2002-276 du 27 février 2002 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> démocratie <strong>de</strong> proximité transforme <strong>la</strong> CNDP-créée en 1995 par <strong>la</strong> loi30


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDd’accompagnement <strong>de</strong> projets (PAP) sont menés. Il s’agit <strong>de</strong> mesures prévues par l’accord Réseauxélectriques et Environnement et notamment re<strong>la</strong>tives aux engagements environnementaux ques’est fixé RTE 86 . Ces accords sont signés entre l’Etat et RTE.Puis, dès lors que le projet nécessite une mise en servitu<strong>de</strong>s ou le recours àl’expropriation, le projet doit être déc<strong>la</strong>ré d’utilité publique selon <strong>la</strong> procédure établie à l’articleL.123-1 II du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement. L’utilité publique s’apprécie <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en présence <strong>de</strong>l’intérêt inhérent au projet avec les autres intérêts publics et privés (patrimoine culturel, naturel,agricole ...). La procédure <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilité publique comporte elle-même plusieurs phases. Lapremière étape consiste à consulter les maires concernés par le projet : ils forment alors <strong>de</strong>sobservations. Puis, une enquête publique d’une durée minimum d’un mois est organisée et portesur l’ensemble <strong>de</strong>s communes concernées 87 . Cette enquête est diligentée par un commissaireenquêteur (ou une commission d’enquête) qui recueille les observations du public. Après avoir émisun avis (favorable ou défavorable), le commissaire enquêteur transmet le dossier au préfet, qui lesoumet au maître d’œuvre. Ce <strong>de</strong>rnier doit répondre aux interrogations soulevées par le public et lecommissaire enquêteur. Finalement, <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilité publique appartient auministre chargé <strong>de</strong> l’énergie (pour les lignes dont <strong>la</strong> tension est supérieure ou égale à 225kv) et, lecas-échéant, avec <strong>la</strong> co-signature du ministre chargé <strong>de</strong> l’urbanisme lorsque <strong>la</strong> mise encompatibilité <strong>de</strong>s P<strong>la</strong>n d’Occupation <strong>de</strong>s Sols ou P<strong>la</strong>n Local d’Urbanisme est nécessaire. Dans tousles autres cas, <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilité publique incombe au préfet.Finalement, le maître d’ouvrage doit é<strong>la</strong>borer le tracé <strong>de</strong> détail <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique. Lepassage exact est étudié avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> l’Administration, les communes et les chambresd’agriculture. Ce tracé <strong>de</strong> détail est important car il permet <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r aux autorisations <strong>de</strong>passage octroyées par les propriétaires, selon une procédure amiable. Au contraire, lorsque lespropriétaires refusent <strong>de</strong> matérialiser une convention amiable, c’est <strong>la</strong> procédure <strong>de</strong> mise enservitu<strong>de</strong>s qui est mise en œuvre. Puis <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong>s ouvrages s’exerce sous un doublecontrôle : d’une part, <strong>la</strong> Direction Régionale <strong>de</strong> l’Industrie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Recherche et <strong>de</strong> l’Environnementprocè<strong>de</strong> à l’instruction <strong>de</strong> l’autorisation d’exécuter les travaux. Ce contrôle permet <strong>de</strong> vérifier lerespect <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation technique, principalement les normes <strong>de</strong> sécurité. D’autre part, <strong>la</strong>Direction Départementale <strong>de</strong> l’Equipement procè<strong>de</strong> à l’instruction du permis <strong>de</strong> construire. Ici c’estun contrôle <strong>de</strong> conformité du projet aux règles <strong>de</strong> l’urbanisme qui est assuré. C’est <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnièreétape avant <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong>s travaux 88 . Aussi, il convient <strong>de</strong> préciser que l’autorisation estjuridiquement distincte <strong>de</strong> <strong>la</strong> décision déc<strong>la</strong>rant d’utilité publique le projet <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> lignes.BARNIER- en autorité administrative indépendante sans donner force décisoire à son avis, JORF du 28 février2002 p.3821, texte n°2.86 Le respect <strong>de</strong> l’environnement s’est matérialisé en février 2001 par un accord « Réseaux électriques etenvironnement » signé avec le secrétariat d’Etat à l’industrie et le Ministre <strong>de</strong> l’aménagement du territoire et<strong>de</strong> l’environnement : il prévoit que 25 % <strong>de</strong>s lignes électriques nouvelles ou reconstruites du réseau Hautetension seront enterrées ; <strong>la</strong> longueur <strong>de</strong>s lignes électriques aériennes en haute et très haute tension enFrance doit diminuer en trois ans.87Sur <strong>la</strong> procédure d’enquête publique, voir les articles L 123-1 à 123-16 et R 123-1 et s. du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’environnement.88 L’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure est expliqué dans « Le schéma <strong>de</strong> développement du réseau public <strong>de</strong> transportd’électricité 2003-2013 », RTE.31


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDLes <strong>de</strong>ux formalités sont donc indépendantes. Ce principe d’indépendance est appliqué par leConseil d’Etat en ces termes :« Considérant que les décisions prises sur le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>l'</strong>article 50 du décret du29 juillet 1927 89 , portant approbation et autorisation d'exécution <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>réalisation <strong>de</strong> lignes électriques, sont juridiquement distinctes <strong>de</strong>s décisions déc<strong>la</strong>rantd'utilité publique <strong>l'</strong>établissement <strong>de</strong> ces lignes 90 ; que leur légalité n'est subordonnée, ni à<strong>l'</strong>intervention, ni à <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières décisions ; que, par suite, le moyen tiré<strong>de</strong> ce que <strong>l'</strong>illégalité <strong>de</strong> <strong>l'</strong>arrêté interministériel du 17 octobre 1995, déc<strong>la</strong>rant d'utilitépublique les travaux d'établissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique Tavel-Vira<strong>de</strong>l, entacherait <strong>la</strong>légalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> décision du préfet du Gard du 23 juillet 1997, portant approbation etautorisation d'exécution <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> cette ligne, doit, en tout état <strong>de</strong>cause être écarté » 91 .Le projet Cotentin-Maine s’inscrit dans chacune <strong>de</strong>s étapes précé<strong>de</strong>mment exposées.§ II. L’état <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure d’instruction du projet Cotentin-MaineLe schéma <strong>de</strong> développement du réseau public <strong>de</strong> transport d’électricité propre à <strong>la</strong> région<strong>de</strong> <strong>la</strong> Bretagne a révélé <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> fragilité électrique étendues 92 . De surcroît, le schéma <strong>de</strong>développement du réseau <strong>de</strong>s Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire a aussi développé l’insuffisance du réseau pouralimenter <strong>la</strong> Mayenne 93 . RTE gestionnaire du réseau <strong>de</strong> transport électrique a indiqué qu’il seraitnécessaire <strong>de</strong> renforcer le réseau par <strong>la</strong> construction d'une nouvelle ligne <strong>de</strong> 400 kV entre le secteur<strong>de</strong> Périers, commune du Cotentin, et le secteur <strong>de</strong> Laval, au Sud, ce qui représente une longueurd'environ 150 Kms. Dès lors, dès le 10 janvier 2005, le Ministre en charge <strong>de</strong> l’industrie a validé <strong>la</strong>justification technico-économique du projet. Ainsi vali<strong>de</strong>-t-il les hypothèses et les besoins qui sont àl’origine du projet. A l’issue du débat public qui s’est déroulé du 24 octobre 2005 au 23 février 2006,le directoire <strong>de</strong> RTE a adopté le 19 mai 2006 une délibération re<strong>la</strong>tive aux conditions <strong>de</strong> poursuitesdu projet. Ce<strong>la</strong> s'est traduit par le dépôt d'un dossier <strong>de</strong> présentation et <strong>de</strong> proposition d'une aired'étu<strong>de</strong> auprès du ministère <strong>de</strong> <strong>l'</strong>industrie qui a considéré que <strong>la</strong> phase <strong>de</strong> concertation préa<strong>la</strong>blepouvait être engagée. A cette fin, le ministre <strong>de</strong> <strong>l'</strong>industrie a désigné le préfet du département <strong>de</strong> <strong>la</strong>Manche pour coordonner cette concertation sur les trois régions concernées (Basse-Normandie,Bretagne et Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire). L'objectif recherché, dans cette concertation, est <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r dans unpremier temps <strong>l'</strong>aire d'étu<strong>de</strong> proposée par <strong>l'</strong>exploitant et dans un <strong>de</strong>uxième temps <strong>de</strong> définir lefuseau <strong>de</strong> moindre impact à <strong>l'</strong>intérieur <strong>de</strong> celle-ci. Monsieur JEAN-LOUIS FARGEAS, préfet <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche,a ouvert officiellement <strong>la</strong> concertation préa<strong>la</strong>ble du projet <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne Cotentin-Mainelors <strong>de</strong> <strong>la</strong> première réunion interrégionale qui s’est tenue le 6 octobre 2006 à Saint-Lô 94 . L’aire89 Décret du 29 juillet 1927 modifié portant RAP pour l’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 15 juin 1906 sur les distributionsd’énergies, JORF du 17 juin 1906 p.4105.90 Souligné par nous.91 CE, 26 févr. 1999, n° 189920, 191082 et 197646, Commune La Bruguière et autres. : CJEG 2000, p. 335.92 Annexe n°2 du schéma <strong>de</strong> développement du réseau électrique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bretagne.93 Annexe n°2 du schéma <strong>de</strong> développement du réseau électrique <strong>de</strong>s Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire.94 Le compte-rendu <strong>de</strong> cette réunion est disponible sur le site www.drire.gouv.fr/basse-normandie.32


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDd’étu<strong>de</strong> a été validée par le préfet le 7 décembre 2006. Puis trois mois ont été mis à profit pourdéfinir les différentes possibilités <strong>de</strong> passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne, conduisant à trois différents fuseaux et àleur comparaison. La proposition du fuseau <strong>de</strong> moindre impact par le préfet a été validée le 7 avril2008 par le gouvernement, choisissant le fuseau n°B. Les suites <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure tiennent en untableau présenté ci-après :(Octobre 2005-Février 2006)(Décembre 2007)20082008-2010Débat publicClôture <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation préa<strong>la</strong>ble.Etu<strong>de</strong> d’impact (décembre):- Analyse <strong>de</strong>s effets directs et indirects, temporaires etpermanents- Proposition d’un tracé général- Mesures pour supprimer, réduire et compenser les effets duprojetDeman<strong>de</strong> <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilité publique :- premier semestre : consultation <strong>de</strong>s maires et <strong>de</strong>s services <strong>de</strong>l’Etat- second semestre : enquête publique pour recueillir lesobservations <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion20102010-2011E<strong>la</strong>boration du projet <strong>de</strong> détail :- en liaison avec les communes et les chambres d’agriculture- en dialoguant avec les propriétaires et les exploitantsInstruction du projet d’exécution et du permis <strong>de</strong> construireServitu<strong>de</strong>s et transferts <strong>de</strong> propriétéTravauxFin 2011Mise en serviceLe projet <strong>de</strong> ligne à haute tension est donc en cours d’é<strong>la</strong>boration. Ainsi, nous nous attacherons àétudier les prémices <strong>de</strong> l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> détail du tracé : <strong>de</strong> l’aire d’étu<strong>de</strong> au fuseau <strong>de</strong> moindreimpact, tel que défini par le préfet.33


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDSection II. La détermination du fuseau <strong>de</strong> moindre impact : une approche méthodologiqueAfin <strong>de</strong> parvenir au tracé <strong>de</strong> détail du passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique, un ensemble <strong>de</strong>cartes est établi. Elles permettent d’avoir une vision in<strong>de</strong>xée vers <strong>la</strong> précision : <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> consisteà déterminer une aire d’étu<strong>de</strong> globale, puis les sites à contourner pour <strong>de</strong>s raisonsenvironnementale, sociale ou patrimoniale, puis <strong>de</strong>s couloirs <strong>de</strong> passage potentiels (§ I.). Le couloirest choisi en fonction <strong>de</strong>s sites à exclure du passage : c’est le fuseau <strong>de</strong> moindre impact (§ II.).Enfin le passage <strong>de</strong> détail <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne est tracé.§ I. L’insertion territoriale : <strong>de</strong> <strong>la</strong> détermination <strong>de</strong> l’aired’étu<strong>de</strong> au fuseau <strong>de</strong> moindre impactLa longueur <strong>de</strong> <strong>la</strong> future ligne serait d’environ 15O km avec en moyenne un pylône tousles 5OO mètres. Son passage doit être déterminé en fonction d’un coût environnemental moindre.On parle alors <strong>de</strong> fuseau <strong>de</strong> moindre impact. Pour déterminer ce fuseau, une très <strong>la</strong>rge zonegéographique a fait l’objet d’étu<strong>de</strong>s et d’analyses environnementales par <strong>de</strong>s experts : <strong>de</strong>uxbureaux d’étu<strong>de</strong>s spécialisés C3E et GEOKOS. A partir <strong>de</strong> cette aire d’étu<strong>de</strong>, ils procè<strong>de</strong>nt à uneapproche méthodologique. Cette métho<strong>de</strong> a pour but d’i<strong>de</strong>ntifier et d’analyser les principalescaractéristiques environnementales au sein <strong>de</strong> l’aire d’étu<strong>de</strong> jusqu’à déterminer le tracé exact <strong>de</strong> <strong>la</strong>future ligne. Elle se déroule donc en plusieurs étapes 95 .La première étape, consiste à déterminer une zone d’étu<strong>de</strong> entre le poste amont et leposte aval. L’axe Nord-Sud est l’orientation privilégiée pour le passage afin <strong>de</strong> minimiser <strong>la</strong> longueurdu tracé. Le choix <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation du poste amont (au Nord) s’est porté sur <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Périers, à 40km au Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Menuel (ville d’imp<strong>la</strong>ntation usuelle <strong>de</strong>s postes amont). Pourquoi cechangement ? « Ce<strong>la</strong> évite <strong>la</strong> création <strong>de</strong> 40km <strong>de</strong> lignes supplémentaires traversant le Parc NaturelRégional <strong>de</strong>s Marais du Cotentin et du Bessin <strong>de</strong> part en part » selon les écrits <strong>de</strong> RTE 96 . Le choix <strong>de</strong>l’imp<strong>la</strong>ntation du poste aval sera déterminé en fonction du tracé final. En toutes hypothèses, RTEenvisage le regroupement du poste aval avec d’autres postes existants.La <strong>de</strong>uxième étape consiste à i<strong>de</strong>ntifier les enjeux environnementaux <strong>de</strong> l’aire d’étu<strong>de</strong> encollectant les données qui traduisent l’existence d’un environnement qui pourra être affecté par <strong>la</strong>future ligne 97 . Le domaine d’investigations couvrait six thématiques :- 1.) Le bâti avec <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> l’habitat aggloméré, <strong>de</strong>s continuités quiont pu s’établir le long <strong>de</strong> certaines voies <strong>de</strong> communication, <strong>de</strong> l’habitat dispersé, <strong>de</strong>sbâtiments agricoles, <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong>s AOC, <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> ZAC ;- 2.) Le milieu physique, le relief, le climat, <strong>la</strong> géologie, les eaux superficielles et souterraines,les risques naturels etc. ;95 Annexe II : procédure d’é<strong>la</strong>boration du fuseau <strong>de</strong> moindre impact.96 Dossier du maître d’ouvrage « Projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension » RTE, page 53.97 Précisons qu’à ce niveau d’étu<strong>de</strong>, seuls les principaux risques d’impacts <strong>de</strong> <strong>la</strong> future ligne sont pris encompte. Les impacts <strong>de</strong> <strong>la</strong> phase <strong>de</strong> chantier, seront pris en compte ultérieurement.34


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD- 3.) Les équipements, les infrastructures, les pépinières, les carrières, les mines, l’éolien (lesinstal<strong>la</strong>tions et les Zones <strong>de</strong> Développement <strong>de</strong> l’Eolien), le projet <strong>de</strong> ligne à gran<strong>de</strong> vitesse,les bases ULM, le réseau électrique haute tension etc. ;- 4.) Le milieu naturel, avec notamment, les sites c<strong>la</strong>ssés Natura 2000, les zones naturellesd’intérêt écologique faunistique et floristique, les zones <strong>de</strong> protection spéciale, les sitesd’intérêts communautaires, les Zones Importantes pour <strong>la</strong> Conservation <strong>de</strong>s Oiseaux, leszones humi<strong>de</strong>s etc. ;- 5.) Le patrimoine culturel avec les sites protégés, les sites touristiques, les points <strong>de</strong> vuehistoriques sur le Mont Saint Michel, le Parc naturel régional Normandie-Maine avec son projetd’extension, les monuments historiques, et tout autre élément <strong>de</strong> patrimoine signalé par lesmaires ;- 6.) Le paysage, avec entre autres, les lignes <strong>de</strong> crête, les vues panoramiques et les frontsvisuels ;La troisième étape est une analyse <strong>de</strong>s données susvisées. L’ensemble <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> permet<strong>de</strong> définir <strong>de</strong>s zones étendues où le passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne est à exclure. Ainsi, une synthèse <strong>de</strong>s zonesdites sensibles a été dressée. Elle permet <strong>de</strong> répertorier 14 zones fragiles, que <strong>la</strong> ligne <strong>de</strong>vrait êtreamenée à contourner 98 .L’étape suivante consiste à déterminer <strong>de</strong>s couloirs <strong>de</strong> passage contigus <strong>de</strong> 10 à 15 km <strong>de</strong><strong>la</strong>rge. Les couloirs ne sont pas <strong>de</strong>s options exclusives les unes <strong>de</strong>s autres : il est envisageable <strong>de</strong>passer d’un couloir à l’autre. C’est pour cette raison que RTE fait observer que les sites à protéger -au sens <strong>la</strong>rge du terme- doivent « être vus comme <strong>de</strong>s obstacles orientés perpendicu<strong>la</strong>irement aupassage Nord-Sud. Les couloirs sont alors <strong>de</strong>s choix <strong>de</strong> contournement <strong>de</strong> l’obstacle par l’Est oul’Ouest ». Ainsi trois couloirs <strong>de</strong> ligne ont-ils été déterminés. Ces trois couloirs sont nommés <strong>de</strong> <strong>la</strong>lettre A, B et C. En comparant les contraintes environnementales propres à chaque couloir, unfuseau <strong>de</strong> 500 m <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge sera défini, c’est le fuseau dit <strong>de</strong> moindre impact.§ II. L’insertion finale : <strong>de</strong> <strong>la</strong> détermination du fuseau <strong>de</strong>moindre impact au tracé <strong>de</strong> détail du projet Cotentin-MaineLe fuseau <strong>de</strong> moindre impact cherche à s’éloigner <strong>de</strong>s habitations, <strong>de</strong>s siègesd’exploitation et <strong>de</strong>s bâtiments agricoles en tirant parti <strong>de</strong>s passages <strong>la</strong>issés libres entre les lieuxhabités. En l’espèce le fuseau <strong>de</strong> moindre impact, <strong>de</strong> 1 kilomètre <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge, prend pour base lefuseau B. En outre, il convient <strong>de</strong> préciser que <strong>la</strong> définition du fuseau <strong>de</strong> moindre impact retenue à<strong>l'</strong>issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation préa<strong>la</strong>ble doit être regardée comme un document d'orientation dont<strong>l'</strong>administration ne peut s'écarter, que pour <strong>de</strong>s motifs tirés <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation prévueou pour tout autre motif d'intérêt général 99 . Finalement, le tracé <strong>de</strong> détail –qui interviendra entrel’année 2008 et 2010- permettra <strong>de</strong> déterminer <strong>la</strong> localisation exacte <strong>de</strong> chaque pylône aérien.Celui-ci aura une précision <strong>de</strong> 40 mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge.98 Annexe III : Carte « Proposition <strong>de</strong> couloirs <strong>de</strong> passage du projet Cotentin-Maine ».99 Pour un exemple voir Conseil d'Etat 12 Novembre 2007 Commune <strong>de</strong> FOLSCHVILLER, n°296880.35


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChacune <strong>de</strong>s étapes précé<strong>de</strong>mment exposées donne lieu à <strong>la</strong> réalisation d’une carte comme suit :AIRE D’ETUDE →ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX →FUSEAUX POSSIBLES (3) →FUSEAU DE MOINDRE IMPACT (1km)Théoriquement, le fuseau <strong>de</strong> moindre impact est une métho<strong>de</strong> dont le but est d’éviter à <strong>la</strong>ligne électrique <strong>de</strong> traverser <strong>de</strong>s sites fragiles ou protégés. Cependant, ce n’est qu’une approcheméthodologique, qui p<strong>la</strong>ce <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> pratique. C’est pour cette raison que certainsespaces, normalement à exclure du passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne, ne seront pas pour autant évités. Des sitesprotégés et fragiles, <strong>de</strong>s centaines d’exploitations agricoles, <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> foyers, ainsi que <strong>de</strong>svil<strong>la</strong>ges entiers seront traversés par le projet <strong>de</strong> ligne 100 .Certes, tout projet présente <strong>de</strong>s inconvénients et ne peut faire l’unanimité au sein <strong>de</strong>sintéressés. Cependant, il est pleinement envisageable que lesdits inconvénients soientparticulièrement excessifs au regard <strong>de</strong> l’utilité <strong>de</strong> l’infrastructure. Pour cette raison, nous nousinterrogerons sur l’utilité publique du projet.100 La commune <strong>de</strong> CHEVREVILLE, par exemple, est traversée <strong>de</strong> part en part par <strong>la</strong> ligne qui se positionnerait àmoins <strong>de</strong> 400 mètres <strong>de</strong> l’école maternelle et du bourg.36


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre II.La remise en question <strong>de</strong> l’utilité publique du projet <strong>de</strong> réseau électriquePartout dans le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> MANCHE c’est le même déso<strong>la</strong>nt spectacle, le littoraldisparaît peu à peu sous l’asphalte, les espaces dunaires <strong>la</strong>issent p<strong>la</strong>ce à <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> remise enforme, à un second terrain <strong>de</strong> pétanque, à l’extension d’un camping, etc. 101 . La ligne à très hautetension ne sera qu’un <strong>de</strong>s nombreux projets par lesquels les bulldozers massacreront le bocage oucombleront les zones humi<strong>de</strong>s. Tout commence donc en ce lieu si connu comme le « petit triangleatomique » <strong>de</strong> FLAMANVILLE. Le nouveau réacteur ne fera que conforter l’expression <strong>de</strong> VICTOR CHORG,avec le regard photographique <strong>de</strong> CHRISTIAN DUCASSE : « Chernobourg mon amour », enentrecoupant et, <strong>de</strong> ce fait, en apparentant les villes <strong>de</strong> Tchernobyl et <strong>de</strong> Cherbourg 102 . Lesavantages tirés <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> l’EPR et <strong>de</strong> sa ligne sont-ils si importants qu’ils dépassent lesinconvénients induits par ces mêmes infrastructures ? Afin <strong>de</strong> le voir, nous ferons une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’environnement in situ incluant une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s atteintes à <strong>la</strong> propriété privée. Puis nous dresseronsune analyse financière du projet (Section I.) ; nous pourrons ainsi dresser le bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l’utilité publique<strong>de</strong> l’infrastructure litigieuse (Section II.).Section I. L’impact environnemental, social et financier : l’utilité publique en questionAu titre d’une jurispru<strong>de</strong>nce constante, une opération ne peut être légalement déc<strong>la</strong>réed’utilité publique que si les atteintes à <strong>la</strong> propriété privée, le coût financier et éventuellement lesinconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elleprésente. Dès lors, <strong>la</strong> présente contribution propose <strong>de</strong> mettre en exergue les impacts délétères duprojet en matière d’environnement, d’une part (§ I.) ; puis en matière <strong>de</strong> patrimoine immobilier et<strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> fonds publics, d’autre part (§ II.). Les avantages du projet litigieux, telsqu’exprimés précé<strong>de</strong>mment seront ainsi confrontés à ses faiblesses.§ I. L’impact environnemental in situLe tracé actuel <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne permet d’établir qu’elle traversera le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manchedu Nord au Sud, puis celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mayenne, en passant sur une très faible distance sur le territoire <strong>de</strong>l’Ille-et-Vi<strong>la</strong>ine. Dès lors, nous mettrons en adéquation le tracé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne litigieuse avec lesdiverses protections propres à chaque département traversé. Etant précisé que le département <strong>de</strong><strong>la</strong> Manche bénéficiera d’une étu<strong>de</strong> plus approfondie puisque son environnement est le plus touché.Le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche véhicule une image ambivalente. D’un côté, celle d’undépartement préservé avec ses campagnes bocagères, <strong>de</strong> l’autre celle d’un département dénaturépar les instal<strong>la</strong>tions nucléaires à même le littoral et les lignes <strong>de</strong> raccor<strong>de</strong>ment au réseau. Leconstat est pourtant celui d’une dégradation générale <strong>de</strong> l’environnement. Les paysages ten<strong>de</strong>nt101 Sur ce sujet brû<strong>la</strong>nt, voir <strong>la</strong> modification du PLU <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commune <strong>de</strong> DONVILLE-LES-BAINS (zone littorale 1NDatransformée en zones Nc, Ne, Nl, en vue <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation du centre <strong>de</strong> remise en forme Prévithal).102 Annexe IV : Regard <strong>de</strong> CHRISTIAN DUCASSE sur <strong>la</strong> performance « Chernobourg mon amour » <strong>de</strong> VICTORCHORG, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation anti-EPR du 15 avril 2006 à CHERBOURG.37


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDnotamment à l’uniformisation, les arbres isolés sont abattus, les haies arrachées, les zones humi<strong>de</strong>scomblées 103 . En éliminant les lieux refuges <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune et <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore, l’appauvrissement du paysagese double <strong>de</strong> <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. La Basse-Normandie forme donc elle aussi ses propresverrues paysagères. Conscient <strong>de</strong> l’épuisement <strong>de</strong> son environnement, <strong>la</strong> Conseil Régional <strong>de</strong>Basse-Normandie avait commandé en 2001 un inventaire <strong>de</strong>s paysages bas-normands. Leprofesseur PIERRE BRUNET fut sollicité à cette fin et dégagea 75 unités paysagères 104 . Il révé<strong>la</strong>it ainsi<strong>la</strong> gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong>s paysages bas-normands. A cet égard, il faut, dès-à-présent, relever <strong>la</strong>particu<strong>la</strong>rité du bocage Normand qui est une entité paysagère propre à ce territoire. La nécessité <strong>de</strong>protéger <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s paysages fait, d’ailleurs, l’objet d’une convention 105 .Le linéaire électrique à haute tension traversera donc <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> qualité. A cet égard,il convient d’i<strong>de</strong>ntifier les multiples espaces protégés qui seront traversés <strong>de</strong> part en part par <strong>la</strong>ligne.En premier lieu, le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche comprend <strong>de</strong>ux Parcs naturels régionaux(PNR). Il s’agit du PNR Normandie-Maine, créé par décret en 1975 (2300 km², et qui s’étend aussisur <strong>la</strong> région <strong>de</strong>s Pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire) et du PNR <strong>de</strong>s Marais du Cotentin et du Bessin créé par décret en1991 (1450km²) 106 . Ces PNR concourent à <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement,d’aménagement du territoire, <strong>de</strong> développement économique et social et d’éducation et <strong>de</strong>formation du public. Ils constituent un cadre privilégié pour l’action <strong>de</strong>s collectivités publiques enfaveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s paysages et du patrimoine naturel et culturel 107 . Plus précisément, ilssont appelés à jouer un rôle important, notamment dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> stratégie nationale en faveur<strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité et <strong>de</strong>s engagements internationaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> France (notamment au titre <strong>de</strong> Natura2000, et <strong>de</strong> <strong>la</strong> convention Ramsar <strong>de</strong> 1971 re<strong>la</strong>tive aux zones humi<strong>de</strong>s). En l’espèce le tracé actuel<strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne permet d’établir qu’elle effleurera le PNR Normandie Maine, mais qu’elle traversera <strong>de</strong>part en part le PNR <strong>de</strong>s Marais du Cotentin et du Bessin (même si le site du poste amont a étédép<strong>la</strong>cé pour épargner 40 km <strong>de</strong> lignes dans le parc).En <strong>de</strong>uxième lieu, le département est riche <strong>de</strong> ses zones humi<strong>de</strong>s littorales oucontinentales dont certaines comptent parmi les références internationales (Baie du Mont Saint-Michel ou encore les marais du Cotentin et du Bessin). D’autres, plus nombreuses revêtent <strong>de</strong>sformes variées (tourbières, prairies humi<strong>de</strong>s, marais, fonds <strong>de</strong> vallées alluviales) 108 . En raison <strong>de</strong>103 Voir l’ouvrage <strong>de</strong> MICHEL LEROND et CHRISTOPHE SANSON, « Profil environnemental régional <strong>de</strong> Basse-Normandie », DIREN <strong>de</strong> Basse-Normandie, 2001.104 Financé par <strong>l'</strong>Etat et <strong>la</strong> Région dans le cadre du contrat <strong>de</strong> p<strong>la</strong>n, rédigé par le Professeur PIERRE BRUNET encol<strong>la</strong>boration avec PIERRE GIRARDIN, paysagiste, <strong>l'</strong>inventaire est composé <strong>de</strong> 2 tomes pour 800 pages, disponiblesur le site www.basse-normandie.ecologie.gouv.fr.105 La convention européenne <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> FLORENCE est le premier Traité international dédié aux paysages.Elle reconnaît le paysage en tant que composante essentielle du cadre <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions : « Le paysageest partout un élément important <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions : dans les milieux urbains et dans lescampagnes, dans les territoires dégradés comme dans ceux <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> qualité, dans les espaces remarquablescomme dans ceux du quotidien [...] il constitue un élément essentiel du bien-être individuel et social [...]».Elle est ouverte à <strong>la</strong> signature dans le cadre du Conseil <strong>de</strong> l’Europe en octobre 2000, entrée en vigueur le 1 erjuillet 2006, décret 2006-1643 du 20 décembre 2006, JO 22 décembre 2006, texte n°24.106 Ces <strong>de</strong>ux PNR sont engagés dans <strong>la</strong> procédure <strong>de</strong> révision <strong>de</strong> leur Charte (2008-2012). Pour <strong>la</strong> localisation<strong>de</strong>s PNR, voir Annexe V.107 Article L 333-1 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement.108 Carte <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s, voir Annexe VI.38


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDleur richesse biologique et <strong>de</strong>s fonctions naturelles qu’elles remplissent, les zones humi<strong>de</strong>s ont unrôle fondamental. Le développement et <strong>la</strong> reproduction d’un grand nombre d’espèces animales etvégétales y sont inféodés. C’est à ce titre que <strong>la</strong> France a ratifié en 1971 <strong>la</strong> convention <strong>de</strong> Ramsar.Ainsi <strong>de</strong>ux ensembles figurent sur à <strong>la</strong> liste Ramsar <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s d’importance internationale,<strong>la</strong> Baie du Mont saint Michel et les Marais du Cotentin et du Bessin, précités. En l’espèce, <strong>la</strong> ligneélectrique épargne <strong>la</strong> première, pour encore une fois traverser en son entier <strong>la</strong> secon<strong>de</strong>. Or <strong>de</strong>nombreuses espèces végétales et animales protégées sont présentes en ces lieux 109 .En troisième lieu, le réseau Natura 2000, issu <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux directives européennes «oiseaux»<strong>de</strong> 1979 et «habitats naturels» <strong>de</strong> 1992, est un réseau d’espaces naturels dont l’intérêt est reconnuà l’échelle européenne. Le territoire bas-normand compte parmi ces protections. Au-<strong>de</strong>là d’uneprotection strictement liée à Natura 2000, il comprend <strong>de</strong>s zones d’intérêt communautaire, <strong>de</strong>szones <strong>de</strong> protection spéciale, <strong>de</strong>s zones importantes pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s oiseaux, <strong>de</strong>s zonesspéciales <strong>de</strong> conservation, <strong>de</strong>s réserves naturelles, <strong>de</strong>s Zones naturelles d’intérêt écologiquefloristique et faunistique (ZNIEFF) <strong>de</strong> type I et II, <strong>de</strong>s zones incluses dans un arrêté <strong>de</strong> protection<strong>de</strong> biotope, autant <strong>de</strong> protections mises à mal par le tracé du projet <strong>de</strong> ligne 110 . Enfin, s’agissant<strong>de</strong>s sites protégés c<strong>la</strong>ssés et inscrits <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche, l’état actuel du tracé permet <strong>de</strong> soutenir qu’il lescontourne. S’agissant <strong>de</strong>s départements <strong>de</strong> l’Ille et Vi<strong>la</strong>ine et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mayenne, <strong>la</strong> ligne coupe autravers <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux points très sensibles, après avoir contourné <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Saint-Sever à son extrémitéouest 111 . Le premier est constitué du secteur <strong>de</strong> Vitré comprenant une agglomération, <strong>de</strong>ux sitesinscrits et <strong>de</strong>s paysages remarquables 112 . Le second est constitué du secteur <strong>de</strong> Port brillécomprenant un site inscrit et un site c<strong>la</strong>ssé 113 . S’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mayenne, le réseau Natura 2000n’est nullement concerné, car absent au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone. Il en est <strong>de</strong> même pour <strong>la</strong> convention <strong>de</strong>Ramsar re<strong>la</strong>tive aux zones humi<strong>de</strong>s, inapplicable en l’espèce. Cependant le département fait état <strong>de</strong><strong>de</strong>ux ZNIEFF <strong>de</strong> type I et II au cœur du tracé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne 114 . Enfin, s’agissant <strong>de</strong> l’Ille-et-Vi<strong>la</strong>ine, <strong>la</strong>ligne électrique ne traverse le département qu’en un seul point, le secteur <strong>de</strong> Vitré, étudiéprécé<strong>de</strong>mment.Aussi, quel que soit le tracé <strong>de</strong> détail définitif retenu, le projet qui a une orientation Nord-Sud, recoupera plusieurs axes <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement connus <strong>de</strong>s oiseaux. Il s’agit surtout d’oiseaux d’eau,d’oiseaux marins et <strong>de</strong> passereaux 115 . Pourtant, <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> migration a uncaractère primordial car, par essence, les oiseaux constituent un patrimoine transnational etl’impact d’un aménagement s’exerce bien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’échelle locale habituellement envisagée.Cette problématique a été mise en exergue par le GONM, le Groupe Ornithologique Normand. Ce109 L’arrêté ministériel du 20 janvier 1982 fixe <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s espèces végétales protégées au niveau national,l’arrêté ministériel du 27 avril 1995 complète <strong>la</strong> liste nationale par les espèces végétales protégées en régionBasse-Normandie, puis il existe un arrêté ministériel pour chaque ensemble d’espèces animales protégées.S’agissant <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s, l’arrêté ministériel du 22 juillet 1993 modifié re<strong>la</strong>tif aux amphibiens et auxreptiles protégés doit être pris en compte, notamment pour le crapaud accoucheur.110 Annexe VII : Carte du patrimoine naturel.111 La forêt <strong>de</strong> Saint-Sever se situe en n°3 <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> sensibilités environnementales et est décrite commeun paysage fortement sensible ; voir <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> synthèse <strong>de</strong>s sensibilités environnementales, Annexe III.112 Annexe VIII : carte <strong>de</strong>s sites protégés <strong>de</strong> Bretagne.113 Annexe IX : carte <strong>de</strong>s sites protégés <strong>de</strong>s Pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire.114 Annexe X : carte <strong>de</strong>s ZNIEFF <strong>de</strong>s Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire.115 « Compte-rendu du débat public sur le projet à <strong>THT</strong> Cotentin-Maine » commission particulière <strong>de</strong> débatpublic, mars 2006, p.43.39


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD<strong>de</strong>rnier préconise d’ailleurs l’enfouissement du linéaire. Cette position a été confortée par lesdispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte du Parc Naturel Régional <strong>de</strong>s marais du Cotentin et du Bessin quiencourage fortement l’enfouissement <strong>de</strong>s lignes électriques : « l’intégration <strong>de</strong>s réseaux aériens,leur effacement total, ou à défaut, l’harmonisation et <strong>la</strong> rationalisation <strong>de</strong>s réseaux électriques ettéléphoniques seront recherchés. Lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> création ou le renforcement <strong>de</strong> lignes à haute et trèshaute tension d’intérêt général et nécessitant <strong>la</strong> traversée <strong>de</strong>s territoires du parc, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>sd’impact multicritères particulièrement approfondies seront exigées. Les alternatives en souterrainseront systématiquement étudiées » 116 . Cette même solution avait été envisagée puis réalisée dansle site <strong>de</strong>s Gorges du Verdon. En effet l’intervention <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligue <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s oiseaux a étéjugée recevable à l’encontre d’un linéaire électrique mettant en péril le passage d’oiseauxprotégés 117 .Le cumul <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s atteintes exige l’abandon pur et simple du projet. De surcroît,l’intensité <strong>de</strong>s protections juridiques fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone litigieuse un territoire exceptionnel. Dès lors, ilest possible <strong>de</strong> s’interroger sur les conséquences délétères du projet sur l’environnement : sontelles<strong>de</strong> nature à retirer au projet son utilité publique ? Au sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce administrative,l’impact du tracé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne doit s’apprécier non seulement au regard <strong>de</strong> l’impact surl’environnement <strong>de</strong> manière générale mais tout autant au regard <strong>de</strong> l’impact porté au patrimoinemobilier et immobilier (bâti, sol, cultures) et aux activités économiques (agricoles, touristiques). Lecoût financier exorbitant du projet par comparaison avec ses intérêts est aussi <strong>de</strong> nature à luiretirer son caractère d’utilité publique.§ II. L’atteinte au patrimoine et le coût financier : <strong>de</strong>uxéléments complémentaires <strong>de</strong> nature à retirer le caractèred’utilité publique du projetIl est <strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce constante qu’un projet ne peut légalement être déc<strong>la</strong>ré d’utilitépublique que si les atteintes à <strong>la</strong> propriété privée, le coût financier et éventuellement lesinconvénients d’ordre social qu’il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente.Or, le projet Cotentin-Maine, en plus <strong>de</strong> ses conséquences sur l’environnement, détruit sur sonpassage <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges, <strong>de</strong>s centaines d’exploitations agricoles, alors que son coût ne cessed’augmenter.Le nombre <strong>de</strong> communes concernées par le passage est <strong>de</strong> 74 dont 50 dans <strong>la</strong> Manche 118 .Certaines communes sont particulièrement touchées par le projet Cotentin-Maine. Plus précisément,<strong>la</strong> commune <strong>de</strong> CHEVREVILLE dénonce une agression inadmissible : le projet fait passer <strong>la</strong> ligne àmoins <strong>de</strong> 400m du bourg et <strong>de</strong> son école maternelle 119 . Pourtant, RTE s’était précé<strong>de</strong>mment engagéà respecter une distance minimale <strong>de</strong> 1km entre <strong>la</strong> ligne et les bourgs 120 . Un fort mouvement <strong>de</strong>116 Projet <strong>de</strong> Charte du PNR <strong>de</strong>s marais du Cotentin et du Bessin 2009-2021, révision <strong>de</strong> mars 2008, p.56.117 CE 10 juillet 2006, Protection <strong>de</strong>s <strong>la</strong>cs et sites du Verdon, n°208188.118 « Ligne <strong>THT</strong> : l’année 2008 sera décisive », Journal La Manche Libre, 13 janvier 2008.119 « Chèvreville : anti-<strong>THT</strong> : dépose <strong>de</strong> <strong>la</strong> première pierre », Journal Ouest-France, 17 décembre 2007,archives départementales <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche.120 « Chèvreville ne veut pas vivre sous <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong> », Journal La Manche libre, 16 février 2008.40


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcontestation est né <strong>de</strong> l’atteinte particulière faite à ce vil<strong>la</strong>ge rural <strong>de</strong> 200 habitants. Pour inciter lechangement du tracé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne, les habitants ont fait du scrutin <strong>de</strong> mars 2008 une tribune antiligne <strong>THT</strong> : 75% <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> <strong>la</strong> commune ont boycotté les élections 121 . D’autres communesconcernées par le tracé ont édicté <strong>de</strong>s arrêtés municipaux aux fins d’interdire le passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligneà moins <strong>de</strong> 500 mètres d’une habitation 122 . Les maires ont décidé <strong>de</strong> délibérer en se référant auprincipe <strong>de</strong> précaution tel qu’édicté à l’article 5 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte constitutionnelle <strong>de</strong> l’environnement 123 .Ici ce sont les effets <strong>de</strong> l’électromagnétisme sur <strong>la</strong> santé qui sont visés 124 .Le choix du fuseau <strong>de</strong> moindre impact s’apprécie aussi en termes d’impact agricole. Plusprécisément, ce sont les effets attendus sur les animaux d’élevage qui sont soulignés. Or il apparaîtque l’impact sur les propriétés agricoles n’ait pas été déterminant dans le choix du fuseau par RTE.En effet, en l’état actuel du tracé, 421 bâtiments d’élevages sont concernés par le passage <strong>de</strong> <strong>la</strong>ligne. C’est pour cette raison que <strong>la</strong> chambre d’agriculture <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche avait proposé le 21décembre 2007 un fuseau autre que celui <strong>de</strong> RTE, fuseau qui n’a pas été discuté avec les chambres<strong>de</strong> Mayenne et d’Ille-et-Vi<strong>la</strong>ine. Celui-ci passerait plus à l’ouest que celui retenu. Le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong>chambre d’agriculture, REMI BAILHACHE, explique que, dans cette hypothèse, <strong>la</strong> ligne ne frôlerait que386 bâtiments d’élevage 125 . Certains militants ont émis le souhait qu’une exploitation agricolesituée sous une ligne <strong>THT</strong> créée en 1984 <strong>de</strong>vienne une ferme-témoin afin <strong>de</strong> démontrer les effetsnocifs <strong>de</strong>s champs électromagnétiques sur les animaux, comme sur les hommes, idée refusée parRTE. A cet égard, une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 2007 portant sur 55 vaches situées sous une ligne <strong>THT</strong> a révélé 264mammites, une inf<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s mamelles. Les frais <strong>de</strong> vétérinaire <strong>de</strong> cette exploitation agricole sont 4fois supérieurs à <strong>la</strong> moyenne 126 . L’impact sanitaire est donc particulièrement inquiétant. Pour autant,RTE ne modifiera jamais le tracé du couloir <strong>de</strong> ligne en fonction <strong>de</strong>s observations qu’il a pu recueillirau regard <strong>de</strong>s exploitations agricoles. La filiale d’EDF a uniquement prévu d’é<strong>la</strong>borer une conventionagricole avec les chambres d’agricultures et les FDSEA (Fédération Départementale <strong>de</strong>s Syndicatsd’Exploitants Agricoles) <strong>de</strong>s cinq départements concernés pour établir les contours <strong>de</strong>sin<strong>de</strong>mnisations.S’agissant du coût du projet, il était estimé à 200 millions d’euros en juin 2007. Pourtant,dès <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> même année, le coût total du projet a augmenté <strong>de</strong> 20% atteignant les 240 millionsd’euros. A ce rythme, l’enfouissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne serait <strong>la</strong> solution <strong>la</strong> plus opportune dansl’hypothèse du maintien du projet. A cet égard, le député-maire <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville d’AVRANCHES, GUENHAËLHUET, a estimé que le coût <strong>de</strong> l’enfouissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne serait seulement 4 fois supérieur à celui <strong>de</strong>l’aérien. Dès lors, l’augmentation exponentielle du coût du projet est <strong>de</strong> nature à lui retirer toutintérêt et p<strong>la</strong>cerait <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> l’enfouissement à une position plus opportune.121 Journaux télévisés régionaux FRANCE 3 <strong>de</strong>s 27 février et 3 mars 2008 : <strong>la</strong> préfecture a du créer unedélégation spéciale pour gérer les affaires courantes <strong>de</strong> <strong>la</strong> commune.122 « <strong>THT</strong> et santé : <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong>s élus » Journal La Manche Libre, 15 mars 2008.123 L’article 5 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement dispose que « Lorsque <strong>la</strong> réalisation d’un dommage, bienqu’incertaine en l’état <strong>de</strong>s connaissances scientifiques, pourrait affecter <strong>de</strong> manière grave et irréversiblel’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe <strong>de</strong> précaution et dans leursdomaines d’attributions, à <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> procédures d’évaluation <strong>de</strong>s risques et à l’adoption <strong>de</strong> mesuresprovisoires et proportionnées afin <strong>de</strong> parer à <strong>la</strong> réalisation du dommage ».124 Sur ces points : Cf. Infra. Partie II, Titre I.125 Journal Ouest-France, 22 décembre 2007, archives départementales <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche.126 Journal télévisé régional, FRANCE 3, 7 mars 2008.41


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDEnfin, l’ensemble <strong>de</strong>s propriétés privées avoisinant <strong>la</strong> future ligne va souffrir <strong>de</strong> <strong>la</strong> vision<strong>de</strong> lignes ou <strong>de</strong> pylônes disgracieux. Puis, le dysfonctionnement <strong>de</strong>s appareils électriques ainsi queles effets sur <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s habitants sont autant d’éléments <strong>de</strong> nature à retirer au projet soncaractère d’utilité publique. Un premier bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l’utilité publique peut dès-à-présent être dressé.Section II. L’utilité publique <strong>de</strong> l’opération face aux inconvénients : le bi<strong>la</strong>nLa jurispru<strong>de</strong>nce administrative doit endosser le rôle <strong>de</strong> gardienne, a posteriori, <strong>de</strong>l’équilibre entre les grands projets étatiques et le coût environnemental, social, patrimonial,sanitaire et financier. Cependant son rôle reste très marginal (§ I.). Nous appliquerons donc l’étatdu droit positif au projet Cotentin-Maine (§ II.).§ I. Le juge administratif : gardien timoré <strong>de</strong> l’équilibre <strong>de</strong>sgrands projets d’étatA l’issue <strong>de</strong> l’enquête publique, les pouvoirs publics établiront <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’utilitépublique <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à haute tension (à partir du mois <strong>de</strong> décembre 2008).Elle a pour objet d’affirmer le caractère d’intérêt général du projet <strong>de</strong> ligne. Concrètement, il s’agitd’évaluer les avantages <strong>de</strong> l’infrastructure, les objectifs avancés par l’expropriant dans <strong>la</strong>déc<strong>la</strong>ration d’utilité publique (DUP) avant d’y opposer les inconvénients et donc <strong>de</strong> s’assurer que leprojet conserve bien une utilité publique au regard <strong>de</strong>s inconvénients qu’il pourrait engendrer. Lesannu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>rations d’utilité publique, sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie du bi<strong>la</strong>n, sont rares. Ellesinterviennent le plus souvent lorsque les intérêts en cause sont minimes. Au contraire, s’agissant <strong>de</strong>gran<strong>de</strong>s opérations nationales et même si le Conseil d’Etat s’est montré très critique sur l’utilité duprojet, l’annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> DUP n’est intervenue que dans <strong>de</strong>s cas très exceptionnels. Cette théorie dubi<strong>la</strong>n qui consiste à évaluer l’utilité publique du projet face aux inconvénients est née <strong>de</strong> <strong>la</strong>jurispru<strong>de</strong>nce administrative. En effet, le Conseil d’Etat a fait œuvre prétorienne en développantcette théorie pour <strong>la</strong> première fois dans l’arrêt Ville nouvelle Est 127 . Traditionnellement, le jugeadministratif vérifiait si l’opération présentait en elle-même une utilité publique, in abstracto, sanstenir compte <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation du projet ni s’attacher à ses inconvénients. Or les opérationsd’urbanisme s’accompagnant d’expropriation gagnaient en ampleur. C’est pourquoi, par l’arrêt ditVille nouvelle Est, le Conseil d’État a considéré qu’une opération ne pouvait être légalementdéc<strong>la</strong>rée d’utilité publique que si les atteintes à <strong>la</strong> propriété privée, le coût financier etéventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard àl’intérêt qu’elle présente. Par ce raisonnement, il met désormais en ba<strong>la</strong>nce les avantages du projetavec ses inconvénients, qu’il s’agisse <strong>de</strong> son coût, <strong>de</strong> ses répercussions sur l’environnement ou <strong>de</strong>ses conséquences sur <strong>la</strong> propriété privée. Cette jurispru<strong>de</strong>nce joue un rôle préventif à l’égard <strong>de</strong>l’administration 128 . Elle permet <strong>de</strong> prévenir certains désastres économiques ou écologiques. A cetégard il convient donc <strong>de</strong> faire le bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s avantages et <strong>de</strong>s inconvénients du projet litigieux. Notre127 Conseil d’Etat Assemblée, VILLE NOUVELLE EST, 28 mai 1971, n°78825, publié au rec. Lebon CE 1971, p.408.128 JACQUELINE MORAND-DEVILLER « Cours <strong>de</strong> droit administratif <strong>de</strong>s biens » Montchrestien, 2005 p.451 et s.42


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcas d’étu<strong>de</strong> s’inscrit directement au cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> problématique dans <strong>la</strong>quelle une instal<strong>la</strong>tion reçoitune fonction d’alibi. En effet, sous prétexte <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité du réseau électrique, l’Etat françaisporte autorisation <strong>de</strong> réaliser une nouvelle ligne électrique. Plus qu’un prétexte, il s’agit d’un alibidissimu<strong>la</strong>nt une logique néolibérale. Au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong> l’énergie, les autorités décisionnellesfont l’apologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> non maîtrise <strong>de</strong> l’énergie. La meilleure énergie n’est-elle pas celle qui n’est pasconsommée ? La croissance, <strong>de</strong>venue une véritable religion, dynamite l’idée selon <strong>la</strong>quelle ilpourrait y avoir compatibilité entre <strong>la</strong> logique environnementale et <strong>la</strong> logique du marché. RENEPASSET explique cette incompatibilité par le fait que <strong>la</strong> logique <strong>de</strong> <strong>la</strong> mondialisation substitue àl’interdépendance, <strong>la</strong> domination d’un groupe et parce qu’à l’ouverture <strong>de</strong>s sphères humaine etnaturelle, elle substitue le repliement économique, <strong>la</strong> prééminence du marché 129 . Le détourconceptuel à <strong>la</strong> philosophie <strong>de</strong> l’environnement nous paraît indispensable en ces temps où l’onprône trop aisément <strong>la</strong> recette miracle <strong>de</strong> <strong>la</strong> « bonne pratique ». Que savons-nous du mot« environnement »? En quoi nous ai<strong>de</strong>-t-il à comprendre les re<strong>la</strong>tions qui se nouent entre <strong>la</strong>technique et <strong>la</strong> nature ? En quoi est-il reconfiguré (défiguré ? sans nul doute) par l’urbanisation, <strong>la</strong>généralisation <strong>de</strong>s mobilités, les changements <strong>de</strong> nos mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie, l’extension <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong>communication. Y a-t-il encore <strong>de</strong> l’environnement ? Pour le savoir, <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce administratives’est attachée à trouver un équilibre entre les grands projets d’Etat et <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>l’environnement. Ainsi a-t-elle pu considérer qu’au regard <strong>de</strong> certains projets, il n’y avait plusd’environnement et avait prononcé l’annu<strong>la</strong>tion d’une DUP <strong>de</strong> travaux. Il convient donc d’analyserles précé<strong>de</strong>nts jurispru<strong>de</strong>ntiels en ce sens.§ II. L’appréciation jurispru<strong>de</strong>ntielle <strong>de</strong> l’utilité publique <strong>de</strong>sprojets <strong>de</strong> réseau et son application au projet Cotentin-MaineTout d’abord, le projet d'imp<strong>la</strong>ntation d’une ligne revêt un intérêt public, dès lors qu'ilpermettra <strong>de</strong> sécuriser et <strong>de</strong> renforcer le transport <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité. Cette solution n’est pas faite poursurprendre. Ainsi l’aménagement d’un réseau électrique constamment perturbé par <strong>de</strong>s coupuresd’alimentation ou <strong>de</strong>s baisses <strong>de</strong> réseau et dont <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation était indispensable a été reconnud’intérêt général 130 . Précisons, afin <strong>de</strong> ne pas les confondre, que l’intérêt général d’un projet est unequalité intrinsèque à celui-ci alors que l’utilité publique permet <strong>de</strong> contextualiser le projet au seind’autres éléments. L’intérêt général n’emporte pas <strong>de</strong> facto son utilité publique. L’intérêt générals’apprécie in abstracto alors que l’utilité publique s’apprécie in concreto en confrontant sesinconvénients. C’est le « le résultat d'un jeu d'oppositions où les avantages qui valent au projetd'être reconnu d'intérêt général sont confrontés à ses inconvénients » 131 . Aussi, revêt le caractèred’utilité publique l’imp<strong>la</strong>ntation d’une ligne qui permettait <strong>de</strong> satisfaire <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> croissanted’énergie électrique alors que <strong>la</strong> ligne actuelle, ancienne et peu adaptée ne permettait pas <strong>de</strong>129 Conclusion <strong>de</strong> RENE PASSET titrée « Néolibéralisme ou développement durable, il faut choisir » in « Ledéveloppement durable : une perspective pour le XXIème siècle » sous <strong>la</strong> direction <strong>de</strong> J-P MARECHAL et B.QUENAULT, 2005, Presses universitaires <strong>de</strong> Rennes, p.48 ; ouvrage issu d’un colloque organisé en novembre2003.130 CAA Bor<strong>de</strong>aux 4 juillet 2006 Ministre <strong>de</strong> l’économie, n°04BX01939.131 Commentaire par PHILIPPE BILLET <strong>de</strong> l’arrêt CE 10 juillet 2006 Association interdépartementale etintercommunale protection <strong>la</strong>c Sainte-Croix, son environnement, <strong>la</strong>cs et sites du Verdon et a. n° 288108,289396, 289777 et 289968, Juris-Data n° 2006-070447 ; La Semaine Juridique Administrations et Collectivitésterritoriales n° 44, 30 Octobre 2006 p. 1256.43


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDrépondre à cette hausse sensible 132 . De manière encore plus <strong>la</strong>rge, le Conseil d’Etat a reconnul’utilité publique d’un projet dont l’objet était <strong>de</strong> renforcer l’alimentation électrique <strong>de</strong> plusieurscommunes. Dans cette espèce, <strong>la</strong> Haute cour administrative a conclu que RTE <strong>de</strong>vait être à même<strong>de</strong> répondre en toute sécurité à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> croissante d’énergie électrique 133 . Cette situation esttrès proche <strong>de</strong> <strong>la</strong> nôtre. Aussi, l’opération en elle-même est souvent reconnue d’utilité publique :c’est <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation du réseau 134 . Encore ici, cette jurispru<strong>de</strong>nce est pleinement applicable auprojet litigieux. Pourtant le juge administratif a pu considérer que les caractéristiques du lieud’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne ont pu justifier l’annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> DUP <strong>de</strong>s travaux. C’est l’intérêtexceptionnel du site qui est mis ici en exergue. Plus précisément, les atteintes portées àl’environnement ne conduisent à dénier le caractère d’utilité du projet qu’en raison <strong>de</strong> leur gravitéau regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> sensibilité du milieu. Dès lors, quelle appréciation <strong>de</strong> « l’élément environnement » leConseil d’Etat fait-il ?L’environnement en tant qu’élément <strong>de</strong> poids dans <strong>la</strong> théorie du bi<strong>la</strong>n fait son entrée en1975 135 . Cependant <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce administrative opère une appréciation restrictive <strong>de</strong> cetélément en considérant que <strong>la</strong> protection juridique d’un espace ne constitue en rien un obstacle à <strong>la</strong>reconnaissance <strong>de</strong> l’utilité publique d’un projet. Dès lors, les atteintes au patrimoine historique,culturel, aux sites et espèces protégées ne retirent pas le caractère d’utilité publique d’un projetautoroutier 136 . Ni <strong>la</strong> présence d’un site c<strong>la</strong>ssé à l’épreuve d’une voie rapi<strong>de</strong> à <strong>de</strong>ux fois <strong>de</strong>ux voies 137 .Par contre, l’imp<strong>la</strong>ntation d’une station aménagée sur le littoral, tout en déboisant 67ha <strong>de</strong> forêtdomaniale et en présence d’un site inscrit excè<strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> l’opération et est <strong>de</strong> nature à lui ôterson caractère d’utilité publique 138 . Qu’en est-il <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s lignes électriques ? L’atteinteportée à un parc naturel régional par le renforcement du réseau électrique ne fait pas obstacle aucaractère d’utilité publique <strong>de</strong>s travaux d’une telle infrastructure 139 . Par ailleurs, les avantages <strong>de</strong>certains ouvrages sont tels qu’ils effacent leurs propres inconvénients selon une jurispru<strong>de</strong>nceconstante. Ainsi <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation du réseau électrique <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Ploërmel -afin <strong>de</strong> sécuriserl’approvisionnement face à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> croissante- constitue un avantage qui <strong>de</strong>vance sansdifficulté <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé. Dès lors, l’atteinte portée aux paysages,aux sites, au patrimoine culturel, à <strong>la</strong> faune, <strong>la</strong> flore ainsi qu’au cadre <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> développementdu tourisme n’est pas <strong>de</strong> nature à retirer au projet son caractère d’utilité publique. Cettejurispru<strong>de</strong>nce révèle ainsi un phénomène <strong>de</strong> hiérarchisation <strong>de</strong>s valeurs communes,l’environnement n’occupant pas une position dominante. De surcroît, cette espèce écarte aussi lesinconvénients du projet en termes d’atteinte à <strong>la</strong> santé, rejetant par là même l’application duprincipe <strong>de</strong> précaution, principe pourtant <strong>de</strong> valeur constitutionnelle <strong>de</strong>puis l’adoption <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte<strong>de</strong> l’environnement le 1er mars 2005. Au <strong>de</strong>meurant, seule une atteinte grave à une ou plusieurs132 CE 14 novembre 2005 Association collectif Tournefeuille, n° 275283, Juris-Data n° 2005-069277.133 CE 22 octobre 2003 Tanis, n° 251469.134 CE 28 juillet 1999 Association intercommunale Morbihan sous très haute tension, n° 184268, Juris-Datan° 1999-050992.135 CE 25 juillet 1975 Syndicat CFDT <strong>de</strong>s marins-pêcheurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> ra<strong>de</strong> <strong>de</strong> Brest, Rec. CE 1975 p. 1148.136 CE 9 mai 2001 GFA Domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cabanne et a. n° 196054, Juris-Data n° 2001-062682 : à propos <strong>de</strong>l’A46 reliant l’Aquitaine à l’Est <strong>de</strong> <strong>la</strong> France.137 CE 9 décembre 1996 Indivision Salmon Legagneur, n° 149636 : à propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Cergy-Roissy.138 CE 26 mars 1980 Premier ministre c/ Beau <strong>de</strong> Loménie, Rec. CE 1980, p. 171.139 CAA Bor<strong>de</strong>aux 25 octobre 2001 Laloubère, n° 98BX01594 : à propos du PNR <strong>de</strong>s Lan<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Gascogne ; etCE 24 février 2003 Fédération départementale <strong>de</strong>s chasseurs Loire-At<strong>la</strong>ntique, n° 236822, Juris-Data n° 2003-065230 à propos du PNR <strong>de</strong> Brière.44


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDzones d’intérêt exceptionnel pourrait retirer à <strong>la</strong> construction d’une ligne son caractère d’utilitépublique. Ce<strong>la</strong> implique une certaine proportionnalité entre le caractère <strong>de</strong> l’atteinte et <strong>la</strong> qualité dumilieu. Ainsi, le Conseil d’Etat a refusé d’admettre l’utilité publique du projet après avoir reconnul’intérêt général <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation d’une ligne. En effet, les Gorges du Verdon sont un sited’imp<strong>la</strong>ntation exceptionnel : site c<strong>la</strong>ssé au titre <strong>de</strong>s sites et <strong>de</strong>s monuments naturels, espaceremarquable au titre <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi montagne et <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi littoral (articles L145-3 et L146-6 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’urbanisme), caractère exceptionnel du paysage, espèces végétales et animales protégées,existence du parc naturel régional du Verdon, site Natura 2000, proposition d’un site d’importancecommunautaire 140 . L’ensemble <strong>de</strong>s sites affectés par <strong>la</strong> future ligne avaient été pris en considérationpar le juge administratif et avaient justifié l’annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> DUP.Dans ce contexte, sommes-nous en mesure <strong>de</strong> refuser l’utilité publique du projetCotentin-Maine ? Au regard <strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce, il semble, a priori, difficile <strong>de</strong>contester l’utilité publique du projet. Le caractère exceptionnel du site comme celui <strong>de</strong>s gorges duVerdon est <strong>la</strong> condition sine qua none <strong>de</strong> l’annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> DUP. En effet, en application d’unejurispru<strong>de</strong>nce constante, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> pléthore <strong>de</strong> protections juridiques du patrimoine naturel ouculturel n’est pas <strong>de</strong> nature à retirer le caractère d’utilité publique au projet. Ainsi nous semble-t-ildifficile, a priori, <strong>de</strong> contester l’utilité publique du projet Cotentin-Maine malgré <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong>sespaces impactés. La jurispru<strong>de</strong>nce administrative est très <strong>la</strong>xiste en matière <strong>de</strong> grands projetsd’Etat. L’impact, environnemental, social, sanitaire, patrimonial, touristique si fort soit-il ne pèseque peu <strong>de</strong> poids <strong>de</strong>vant un projet gouvernemental <strong>de</strong> portée internationale. De surcroît, lecaractère d’intérêt général du projet ne saurait être nié. Cependant, il nous paraît difficile <strong>de</strong> porterune appréciation sur ce qu’est un site exceptionnel. En quoi les gorges du Verdon seraient-elles plusexceptionnelles que le bocage Normand ? Y-a-t’il une hiérarchie à opérer entre les divers paysages<strong>de</strong> France ? La convention <strong>de</strong> FLORENCE sur les paysages requiert pourtant <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> tous lespaysages, qu’ils soient <strong>de</strong>s territoires dégradés ou <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> qualité, <strong>de</strong>s espaces remarquables oudu quotidien 141 . L’ineffectivité <strong>de</strong> cette convention illustre encore l’immaturité du droit <strong>de</strong>l’environnement qui est appliqué selon le bon-vouloir <strong>de</strong>s protagonistes.Finalement, le projet Cotentin-Maine abandonnera son statut <strong>de</strong> simple projet pourembrasser <strong>de</strong>s enjeux plus concrets, mais non moins néfastes : sa réalisation effective. Ici, <strong>la</strong> seulesolution pourrait s’incarner dans l’énergie <strong>de</strong>s défenseurs du droit <strong>de</strong> l’environnement qui saisiront,le cas-échéant, soit les autorités administratives soit les autorités juridictionnelles. Dans le premiercas, une négociation féroce s’organisera autours <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> requalification du projet(modification <strong>de</strong> <strong>la</strong> taille, <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance, du tracé ou abandon complet du projet <strong>de</strong> linéaireélectrique). Etant précisé que les modifications peuvent intervenir en amont ou en aval <strong>de</strong> <strong>la</strong>construction <strong>de</strong> l’infrastructure 142 . Dans le second cas, les juges auront à connaître <strong>de</strong>s illégalités duprojet. La protection <strong>de</strong>s paysages n’est donc effective qu’au travers du prisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> contestation.Dans ces conditions, <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> l’environnement n’apparaît que secondaire, elle n’a pasd’existence propre. Le droit <strong>de</strong> l’environnement ne peut exister que dans l’unique voie <strong>de</strong> <strong>la</strong>140 Pour une étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong>s moyens d’annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> DUP, voir l’étu<strong>de</strong> du commissaire dugouvernement, CECILIA VEROT, Revue Environnement n°1, janvier 2007.141 Cf. supra note n°105.142 Sur ce point, Cf. Infra Partie II, Titre II, Chapitre II, Section I.45


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcontestation. La présence <strong>de</strong> protections juridiques ne permet en rien d’éviter <strong>la</strong> multiplication <strong>de</strong>sdifformités paysagères. Il est nécessaire <strong>de</strong> faire entrer le projet litigieux dans <strong>la</strong> sphèreadministrative et juridique afin d’en contester le fond et <strong>la</strong> forme. En définitive <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure, lesjuges auront alors, seuls, le pouvoir <strong>de</strong> mettre à mal les <strong>de</strong>structions environnementales : rôleconsidérable. Or, en matière <strong>de</strong> grand projet d’Etat, <strong>la</strong> pression internationale, nationale et localepèsera sur <strong>la</strong> décision <strong>de</strong>s juges, plus précisément sur leur appréciation <strong>de</strong> l’opportunité d’un projet.Loin <strong>de</strong> porter le discrédit sur <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong>s juges, il est néanmoins nécessaire d’affirmer quel’utilité publique d’un projet revêt une connotation singulière en matière d’électricité nucléaire. Lelobbying nucléaire français a réussi <strong>la</strong> prouesse <strong>de</strong> tromper <strong>la</strong> société civile et professionnelle sur <strong>la</strong>contribution réelle du nucléaire. Or c’est cette contribution qui est examinée sous l’angle <strong>de</strong>l’analyse <strong>de</strong> l’utilité publique <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau. Le droit <strong>de</strong>vient <strong>la</strong>rgement empreint d’économiejusqu’à pousser ce rapport dans le sens exclusif <strong>de</strong> <strong>la</strong> thésaurisation étatique. L’hégémonieéconomique est une matière rationnelle au sens <strong>de</strong>s autorités. Il n’est nul besoin d’aller plus enavant sur ce point pour s’assurer que cette posture signe <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’environnement. Les politiquesse drapent d’une pensée unidirectionnelle, ignorant les vrais enjeux au profit d’une satisfactionfacile, celle du développement du nucléaire 143 .Cet état <strong>de</strong> fait invite à nous interroger sur <strong>la</strong> valeur intrinsèque <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature et dupatrimoine <strong>de</strong> manière générale, qui échappe au mon<strong>de</strong>. La valeur « nature » est encoreinsaisissable, c’est l’une <strong>de</strong>s causes sous-jacente <strong>de</strong> sa dégradation. Selon PAVAN SUKHDEV, « Ce quiest utile n'a pas toujours une gran<strong>de</strong> valeur, comme <strong>l'</strong>eau par exemple, et ce qui a une gran<strong>de</strong>valeur n'est pas toujours utile, comme les diamants » 144 . Directement inspirée du rapport <strong>de</strong>NICHOLAS STERN sur le coût du changement climatique, <strong>l'</strong>équipe <strong>de</strong> SUKHDEV ambitionne <strong>de</strong> redonner à<strong>la</strong> nature un prix. La réintroduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature dans notre système économiquepermettrait peut-être <strong>de</strong> pouvoir refuser <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à haute tension pour un prétexteéconomique, ou simplement refuser le soubassement physique <strong>de</strong> nos conditions d’existence 145 .Si l’on appréhen<strong>de</strong> bien <strong>la</strong> notion selon <strong>la</strong>quelle le sol est un bien non renouve<strong>la</strong>ble, nouspourrions alors créer les conditions favorables à l’émergence d’une nouvelle donne française enfaveur <strong>de</strong> l’environnement. Celle-ci <strong>de</strong>vrait aussi s’inscrire au cœur d’une <strong>la</strong>rge concertation qui luidonnerait un caractère plus légitime. En effet, en matière <strong>de</strong> choix publics et d’environnement, <strong>la</strong>société française p<strong>la</strong>ce beaucoup d’espoir dans <strong>la</strong> généralisation <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> concertation. Eneffet, les débats publics permettraient d’améliorer <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>s décisions en multipliant lescompromis avec les autorités décisionnelles. Ce<strong>la</strong> permet, en effet, <strong>de</strong> rechercher <strong>de</strong>s solutionsmutuellement acceptables aux problèmes posés. L’ensemble <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> débat public fournit àchaque acteur l’occasion d’explorer ses convergences et ses divergences d’intérêt. Néanmoins, cedispositif <strong>de</strong> concertation ne saurait être agissant sans que l’une <strong>de</strong>s parties préten<strong>de</strong> à accepter les143 Un entretien privé avec un agent d’EDF nous permet <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser ouverte l’hypothèse selon <strong>la</strong>quelle ledéveloppement <strong>de</strong>s réacteurs nucléaires –au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’EPR <strong>de</strong> troisième et quatrième génération- n’est qu’àses débuts ; entretien du 10 octobre 2008 à BLOIS.144 PAVAN SUKHDEV est un économiste Indien, désigné par l’Union Européenne pour diriger l’étu<strong>de</strong> mondiale« L'économie <strong>de</strong>s systèmes écologiques et <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité » prévue pour 2010 ; Article du journal Le Mon<strong>de</strong>issu d’un entretien, 24 juin 2008.145 Expression <strong>de</strong> XAVIER BONNAUD lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> conférence « Environnement et milieu urbain » <strong>de</strong>s 9 et 10 juin2008, à l’institut urbanisme <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> Paris Val <strong>de</strong> Marne.46


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDrevendications <strong>de</strong> l’autre. Aussi, l’échange <strong>de</strong>s connaissances est indispensable entre les différentsprotagonistes. Ainsi, le projet pourra être requalifié en fonction <strong>de</strong>s connaissances disponibles. Pources raisons, le résultat <strong>de</strong>s négociations apparaît comme un indicateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> satisfaction du public.Cette problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> satisfaction du public prend tout son sens dans le projet Cotentin-Maine.En effet, il est possible <strong>de</strong> s’interroger sur <strong>la</strong> force <strong>de</strong>s négociations entre maître d’œuvre,communes et propriétaires fonciers.L’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> citoyenneté est encouragée au travers <strong>de</strong> l’exercice <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratieparticipative. Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gouvernance associe les citoyens locaux aux projets qui concernent leuravenir. Ce renouveau démocratique a d’ailleurs fait l’objet d’une récente consécration par <strong>la</strong> Hautejuridiction administrative. En effet, dans son arrêt en date du 3 octobre 2008, le Conseil d’Etat aconsacré le principe <strong>de</strong> participation du public en précisant que les dispositions <strong>de</strong> l’article 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong>Charte constitutionnelle <strong>de</strong> l’environnement « comme l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs définis dans <strong>la</strong> Charte<strong>de</strong> l’environnement, et à l’instar <strong>de</strong> toutes celles qui procè<strong>de</strong>nt du préambule <strong>de</strong> <strong>la</strong> Constitution, ontvaleur constitutionnelle ; qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administrativesdans leurs domaines <strong>de</strong> compétence respectifs » 146 . Dans ce contexte, <strong>la</strong> participation, indissociable<strong>de</strong> l’information, apparaît comme une <strong>de</strong>s premières déclinaisons du <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> préservation <strong>de</strong>l’environnement consacré par <strong>la</strong> Charte.Finalement <strong>la</strong> rationalité qui prési<strong>de</strong> à l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique est rythmée parl’acceptation ou non <strong>de</strong> celle-ci. L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne s’apprécie donc en termes <strong>de</strong> satisfaction<strong>de</strong>s intéressés.146 CE 3 octobre 2008 Commune d’ANNECY, n°297931, <strong>de</strong>uxième considérant. Rendu sur les conclusions ducommissaire <strong>de</strong> gouvernement YANN AGUILA, l’arrêt du Conseil d’Etat pose que seul le légis<strong>la</strong>teur peut définirles conditions <strong>de</strong> participation du public. L’article 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement, issu <strong>de</strong> <strong>la</strong> loiconstitutionnelle du 1 er mars 2005, a réservé au légis<strong>la</strong>teur le soin <strong>de</strong> préciser « les conditions et les limites »dans lesquelles doit s’exercer le droit <strong>de</strong> toute personne à accé<strong>de</strong>r aux informations re<strong>la</strong>tives àl’environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong>s décisions publiquesayant une inci<strong>de</strong>nce sur l’environnement. En l’espèce, un décret d’application modifiait <strong>la</strong> loi Littoral pourréduire <strong>la</strong> protection autours <strong>de</strong>s <strong>la</strong>cs. Ledit décret était critiqué par <strong>la</strong> commune d’Annecy au regard <strong>de</strong> <strong>la</strong>mise en œuvre du principe <strong>de</strong> participation. Ici, le Conseil d’Etat accepte qu’un citoyen puisse invoquerdirectement l’article 7 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement re<strong>la</strong>tif au principe <strong>de</strong> participation à l’encontre du décretlitigieux. Par là, il reconnaît l’opposabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement à l’égard <strong>de</strong>s citoyens. Sur ce point,voir <strong>la</strong> chronique <strong>de</strong> CORINNE LEPAGE « Les principes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement vont pouvoir être invoquésà l’encontre <strong>de</strong>s lois », publication mensuelle, octobre 2008. Voir aussi « La charte du droit <strong>de</strong> l’environnement<strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat » YANN AGUILA, Droit <strong>de</strong> l’environnement n°162, octobre 2008, p.19 et s.47


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDPartie II. A <strong>la</strong> recherche d’une justification du projet Cotentin-Maine en termes <strong>de</strong> satisfaction du public48


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDFace aux discours politiquement corrects et rassurants <strong>de</strong>s pouvoirs publics et du maîtred’œuvre lui-même, <strong>de</strong>s questionnements pleinement légitimes ont fait polémique. Cet essor <strong>de</strong> <strong>la</strong>controverse a scindé les intéressés, qui n’ont pu va<strong>la</strong>blement adhérer à une vision unanime. Eneffet, le grand public et les élus ont besoin d’une information c<strong>la</strong>ire, objective, distincte <strong>de</strong>s intérêts<strong>de</strong>s industriels impliqués. Pourtant, certaines données essentielles au fon<strong>de</strong>ment opportun <strong>de</strong>l’infrastructure sont dissimulées ou orientées. Dès lors, nous nous interrogerons sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>séchanges intervenus au cours du débat public. Nous pouvons dès à présent préciser que dans <strong>de</strong>scas très précis, <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation avait permis <strong>de</strong> requalifier le projet, tel un signe <strong>de</strong>victoire mutuelle. Nous nous interrogerons donc sur le fait <strong>de</strong> savoir si <strong>la</strong> négociation a apporté lesconditions d’une réelle concertation (Titre II.). Pour répondre au contexte d’une telle décisioncollective, il convient aussi <strong>de</strong> prendre position sur les effets <strong>de</strong>s champs électromagnétiquesinhérents aux lignes électriques. En effet, les diverses étu<strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tives à l’électromagnétismecomportent une dimension conflictuelle inhérente à <strong>la</strong> nature même du projet : une ligne à trèshaute tension. En l’absence d’étu<strong>de</strong> officielle à vocation universelle, le doute est permis. L’absenced’intérêt convergent entre RTE -maître d’œuvre- et les voisins <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne -victimes- appelle donc àune étu<strong>de</strong> objective <strong>de</strong>s effets néfastes contestés (Titre I.).49


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDTitre 1. Les effets sanitaires <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux rayonnements non ionisantsUne bonne p<strong>la</strong>nification <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé invite à agir en fonction <strong>de</strong>s connaissances disponibles.En effet, si les experts en santé publique s’accor<strong>de</strong>nt à mettre en exergue les effets néfastes <strong>de</strong>l’électromagnétisme, alors le droit se doit d’embrasser <strong>de</strong> tels risques afin d’en limiter les effets.Ainsi <strong>de</strong>s servitu<strong>de</strong>s d’inconstructibilité pourront être établies pour protéger <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion auvoisinage <strong>de</strong>s lignes à très haute tension. Or l’état <strong>de</strong>s connaissances, en matière <strong>de</strong> champsélectromagnétiques fait l’objet <strong>de</strong> vives critiques. Il n’existe pas <strong>de</strong> consensus global, <strong>de</strong> sorte queles autorités peinent à agir. En effet, si <strong>la</strong> leucémie <strong>de</strong> l’enfant est désormais officiellement etdirectement liée à <strong>la</strong> présence, le cas-échéant, <strong>de</strong> champs électromagnétiques, aucune étu<strong>de</strong>n’établit ce même résultat pour les adultes, les animaux et les végétaux. Etant précisé que le droitapplicable se distingue d’un Etat à l’autre, preuve du flou juridique en <strong>la</strong> matière. Ainsi noustenterons <strong>de</strong> lever le doute sur les effets néfastes <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> lignes électriques en élevantl’état <strong>de</strong>s connaissances disponibles (Chapitre I.). Nous pourrons ensuite venir au soutien <strong>de</strong>l’application, encore éphémère, du principe <strong>de</strong> précaution ; même si le doute inhérent àl’électromagnétisme qui est <strong>de</strong> plus en plus pénétré, <strong>la</strong>isserait plus volontiers <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à l’applicationdu principe <strong>de</strong> prévention. En effet, si les connaissances scientifiques <strong>de</strong>meurent parcel<strong>la</strong>ires quantà son champ d’application (enfant, hommes, animaux, végétaux), il n’en <strong>de</strong>meure pas moins queles étu<strong>de</strong>s officielles ont définitivement levé le doute sur les enfants. Dès lors, c’est l’absence <strong>de</strong>prise en compte <strong>de</strong>sdites étu<strong>de</strong>s par les autorités décisionnelles qui permettent <strong>de</strong> faire applicationdu principe <strong>de</strong> précaution. Lorsque ces <strong>de</strong>rnières auront mis un terme à leur aveuglement, <strong>la</strong>prévention prendra le pas sur <strong>la</strong> précaution. L’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux principes est donc essentielle(Chapitre II.).50


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre I.L’absence <strong>de</strong> consensus sur les effets <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux champsélectromagnétiquesLes champs électromagnétiques générés par les équipements électriques sont omniprésentset, pour <strong>la</strong> plupart, imperceptibles. Ces champs peuvent représenter aux yeux <strong>de</strong> certains une sorte<strong>de</strong> menace qui paraît d’autant plus forte qu’ils <strong>la</strong> connaissent peu. Un brouil<strong>la</strong>rd électromagnétiqueartificiel et invisible pénètre les habitations. Doit-on s’en inquiéter ? Existe-t-il <strong>de</strong>s effets surl’environnement, les êtres vivants? Quels sont les résultats <strong>de</strong>s recherches entreprises <strong>de</strong>puis plusd’une vingtaine d’années ? Quelles sont les gran<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation en vigueur ?L’ensemble <strong>de</strong> ces interrogations invite au développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> démarche scientifique, c’est unpuissant stimu<strong>la</strong>nt du progrès. C’est une raison pour approfondir, étendre, divulguer cetteconnaissance (Section I.). Aussi, concrètement, il est possible d’évaluer les effets sur <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion riveraine d’une ligne quasiment parallèle à celle étudiée. Ainsi, en étudiant les effetsnéfastes <strong>de</strong>s champs électromagnétiques sur <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s riverains <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne F<strong>la</strong>manville-Domloup,le CRIIREM, organisme indépendant, apporte <strong>de</strong>s données objectives qui sont pleinementapplicables à notre cas d’étu<strong>de</strong> (Section II.).Section I. Mise à jour <strong>de</strong>s risques pour <strong>la</strong> santé liés à l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux champsélectromagnétiquesMalgré l’importance <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> portée internationale en matière d’électromagnétisme,les scientifiques ne sont parvenus à aucun consensus (§ I.). Néanmoins, <strong>de</strong>s normesd’exposition ont été établies aux fins <strong>de</strong> limiter les effets <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé (§ II.)§ I. L’essor <strong>de</strong> <strong>la</strong> controverse et <strong>la</strong> considération partielle<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s scientifiquesLe 28 décembre 2007, le collectif « Manche sous tension » s’est rendu <strong>de</strong> nuit sous <strong>la</strong> ligneélectrique existante dénommée F<strong>la</strong>manville-Domloup. Cette ligne, à très haute tension elle-aussi,s’élève sur un chemin quasiment parallèle au projet futur. L’opération dite « opération-néons »avait pour but d’alerter <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion sur les effets néfastes <strong>de</strong>s champs électromagnétiques. Munis<strong>de</strong> néons, une quarantaine <strong>de</strong> militants se sont p<strong>la</strong>cés sous <strong>la</strong> ligne : les néons se sont allumés,démontrant ainsi l’intensité du courant qui se dégage d’une ligne à très haute tension 147 . Partant, <strong>la</strong>question <strong>de</strong> l’électromagnétisme n’est plus une matière théorique, elle est confrontée à une logiqueconcrète : le cadre <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s régionaux. Notre civilisation technologiquement développée nous faitvivre en permanence dans un environnement électromagnétique complexe, résultant <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong>s utilisations <strong>de</strong> l’électricité. Pour comprendre <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> champs électromagnétiques (CEM), ilconvient d’en présenter sommairement ses caractéristiques. Les CEM résultent <strong>de</strong> <strong>la</strong> combinaisonentre les champs électrique et magnétique :147 « Une opération-néon contre <strong>la</strong> <strong>THT</strong> », Journal La Manche Libre, 5 janvier 2008, voir Annexe XI.51


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChamp électrique:La <strong>la</strong>mpe est branchée mais éteinte.Il y a un champ électrique mais pas<strong>de</strong> champ magnétique.Champ magnétique:Le courant passe. Le champmagnétique est présent avec lechamp électrique.Source EDF.Les champs électromagnétiques peuvent agir sur leur environnement en générant <strong>de</strong>stensions et <strong>de</strong>s courants -qui se mesurent en micro tes<strong>la</strong>s- dans <strong>de</strong>s éléments conducteursd’électricité comme l’ensemble <strong>de</strong>s tissus vivants 148 . Le corps humain est donc conducteur. C’est làtoute l’explication <strong>de</strong> l’expérience du tube fluorescent ou néon : lorsqu’une personne se p<strong>la</strong>ce sousune ligne à haute tension et tend vers les câbles conducteurs le tube, il s’allume. Etant précisé quel’intensité <strong>de</strong> <strong>la</strong> lueur est plus forte au voisinage <strong>de</strong> <strong>la</strong> main. Dès lors, <strong>la</strong> question <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong>sCEM sur <strong>la</strong> santé a fait l’objet <strong>de</strong> débats et a donné lieu à <strong>de</strong> nombreuses étu<strong>de</strong>s épidémiologiqueset expérimentales. En France, 200.000 personnes vivent à moins <strong>de</strong> 200 mètres d’une ligne à hautetension 149 . L’interrogation principale portait sur le point <strong>de</strong> savoir si <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s champsélectromagnétiques était <strong>de</strong> nature à porter atteinte à <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s êtres vivants, hommes, animauxet végétaux compris ?Le sujet est encore hautement polémique. L’hypothèse d’un lien entre l’exposition aux CEMet l’augmentation du risque <strong>de</strong> cancer est fortement controversée. En effet, les différents expertssollicités ont tous pointé le contraste entre les résultats produits en <strong>la</strong>boratoire et les conclusions <strong>de</strong>certaines étu<strong>de</strong>s épidémiologiques. Les premières n’ont pas permis <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce les effets<strong>de</strong>s CEM sur les organismes vivants, même soumis à <strong>de</strong>s doses massives. Les secon<strong>de</strong>s à l’inverse,ont produit <strong>de</strong>s résultats. La récente étu<strong>de</strong> du professeur DRAPER 150 établit, en effet, une corré<strong>la</strong>tionstatistique entre <strong>la</strong> naissance près d’une ligne <strong>THT</strong> et <strong>la</strong> leucémie infantile déjà mise en évi<strong>de</strong>ncepar <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes. La problématique se situe sur le point <strong>de</strong> savoir s’il existerait un surrisque<strong>de</strong> cancer chez l’enfant exposé rési<strong>de</strong>ntiellement aux champs <strong>de</strong>s lignes à haute tension. Uncertain nombre <strong>de</strong> rapports sur ce thème ont été publiés <strong>de</strong>puis que WERTHEIMEr et LEEPER avaientsignalé en 1979 une association entre <strong>la</strong> mortalité par cancer chez l’enfant et <strong>la</strong> proximité du148 « Les champs électromagnétiques <strong>de</strong> très basse fréquence », RTE et EDF, 2008, p.23.149 Site officiel du Criirem : http://riimem.blogspirit.com/.150 GERALD DRAPER, directeur <strong>de</strong> recherches à l’université d’Oxford : étu<strong>de</strong> d’épidémiologie réalisée <strong>de</strong> 1997 à2001 et rendue publique en juin 2005 portant sur 60.000 enfants britanniques, pour moitié issue du registrenational <strong>de</strong>s tumeurs infantiles ; « Si <strong>l'</strong>on examine les tumeurs du cerveau et d'autres diagnostics, on constateque le risque <strong>de</strong> leucémie est <strong>de</strong> 69 % plus élevé que <strong>la</strong> moyenne si <strong>l'</strong>on se trouve à moins <strong>de</strong> 200 mètresd'une ligne à haute tension, et <strong>de</strong> 23 % plus élevé si <strong>l'</strong>on se trouve à une distance comprise entre 200 et 600mètres d'une ligne à haute tension » ; disponible sur le site du CRIIREM.52


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDdomicile par rapport aux lignes <strong>de</strong> distribution d’électricité 151 . Puis 13 étu<strong>de</strong>s ont été consacrées aurisque <strong>de</strong> leucémie liée aux lignes avoisinante 152 . Sur ces 13 étu<strong>de</strong>s, 8 donnent <strong>de</strong>s estimations <strong>de</strong>risque <strong>de</strong> leucémies augmenté <strong>de</strong> 1,5 à 3 en présence <strong>de</strong> lignes 153 . S’agissant aussi du BRITISHMEDICAL JOURNAL, une publication en date du 4 juin 2005 révèle un risque <strong>de</strong> leucémie infantile pourles enfants vivant à 600 mètres ou moins d’une ligne à très haute tension. Néanmoins, seule <strong>la</strong>leucémie est concernée à l’exclusion <strong>de</strong> toute autre tumeur. Cette interrogation sérieuse prendaussi une dimension émotionnelle liée à <strong>la</strong> gravité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et au fait que l’exposition estimperceptible <strong>de</strong> sorte qu’on ne peut s’en protéger. Cependant, aucune thèse n’a pu étayer unquelconque consensus. Au contraire, l’ensemble <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s a été critiqué pour <strong>de</strong>s raisons diverses,souvent liées aux caractéristiques propres <strong>de</strong>s CEM. Ainsi, le faible nombre <strong>de</strong> cas <strong>de</strong> leucémie, <strong>la</strong>méconnaissance générale <strong>de</strong> l’étiologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> cancers, l’utilisation d’autresappareils électriques domestiques, l’intervalle temporel important entre les différentes étu<strong>de</strong>s, sontautant d’arguments qui ont <strong>la</strong>issé sceptique le mon<strong>de</strong> scientifique et politique. L’élévation du risque<strong>de</strong> cancer chez l’enfant s’expliquant par <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s CEM n’a donc pas convaincu. La fin <strong>de</strong>sannées 1990 marque l’apogée <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche. De manière générale, les signaux d’alerte <strong>de</strong> niveauinternational se multiplient mais restent souvent ignorés <strong>de</strong>s autorités sanitaires qui posent unregard dubitatif sur les étu<strong>de</strong>s. Ainsi, une première expertise conduite par l’INSERM (INSTITUTNATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE) en 1993 était re<strong>la</strong>tive aux effets <strong>de</strong>s champsélectromagnétiques. Elle ne révé<strong>la</strong>it pas un lien <strong>de</strong> causalité effectif entre <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> lignes et ledéveloppement <strong>de</strong> cancers. Puis, pour répondre à cette préoccupation croissante, l’OMS a <strong>la</strong>ncé en1996 un programme <strong>de</strong> recherches <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> envergure : l’INTERNATIONAL EMF PROJECT, soit le projetinternational pour l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s CEM. Ce <strong>de</strong>rnier vise à mettre en commun toutes les recherches <strong>de</strong>sgrands organismes nationaux, internationaux et <strong>de</strong>s institutions scientifiques. Depuis trente ans,plus <strong>de</strong> 25.000 articles, expertises collectives, avis, recommandations ont porté sur cette matière.Les étu<strong>de</strong>s du CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE SUR LE CANCER (CIRC) ont été prises en compte à cetitre. Le CIRC a établi quatre catégories <strong>de</strong> cancérogénicité :- n°1 : « cancérogène pour l’homme » (arsenic, amiante) ;- n°2 : « probablement cancérogène pour l’homme » (UV, fumées d’échappement) ;- n°3 : « peut être cancérogène pour l’homme » (CEM, café) ;- n°4 : pas <strong>de</strong> données suffisantes pour conclure (CEM) 154 .En se fondant sur ces critères, le NATIONAL INSTITUTE OF ENVIRONMENTAL SCIENCES <strong>de</strong>s Etats-Unis,a établit que les CEM <strong>de</strong>vaient être considérés comme « peut-être cancérogènes pour l’homme » 155 .C’est le niveau le plus bas du c<strong>la</strong>ssement, si l’on exclut l’absence <strong>de</strong> conclusions à raison dumanque <strong>de</strong> données. Aussi, le Centre International <strong>de</strong> Recherche sur le Cancer <strong>de</strong> Lyon a c<strong>la</strong>ssé les151 Cahiers <strong>de</strong> notes documentaires, « Gui<strong>de</strong> pour l’établissement <strong>de</strong> limites d’exposition aux champsélectriques, magnétiques et électromagnétiques », Hygiène et sécurité du travail, n°182, 1er trimestre 2001.152 Les 13 étu<strong>de</strong>s : WERTHEIMER et LEEPER, 1979 ; FULTON et coll., 1980 ; MYERS et coll., 1985 ; TOMENIUS, 1986 ;SAVITZ et coll., 1988 ; COLEMAN et coll., 1989 ; LONDON et coll., 1991 ; FEYCHTING et AHLBOM, 1993 ; OLSEN etcoll., 1993 ; VERKASALO et coll., 1993 ; MICHAELIS et coll., 1997 ; LINET et coll., 1997 ; TYNES et HALDORSEN,1997.153Voir l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ICNIRP, Commission internationale pour <strong>la</strong> protection contre les rayonnements nonionisants sur http://www.icnirp.<strong>de</strong>/documents/emfgdlfr.pdf154 Ai<strong>de</strong>-mémoire <strong>de</strong> l’Organisation Mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé n°205 « CEM et santé publique », 1998.155 Etu<strong>de</strong> du NIEHS, juin 1998, disponible sur www. niehs.nih.gov ; Sur ce point, voir aussi le rapport duNIEHS en réponse au Energy Policy Act « Health Effects from exposure to power line frenquency elctric andmagnetic fields », 4 mai 1999, p.2 et s.53


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDchamps magnétiques induits par les lignes électriques dans le groupe <strong>de</strong>s agents potentiellementcancérogènes (groupe n°2), mais uniquement pour le cas particulier <strong>de</strong> <strong>la</strong> leucémie <strong>de</strong>s enfants 156 .Puis, récemment, un rapport a été rendu par le BIO INITIATIVE WORKING GROUP, un groupe <strong>de</strong>travail international <strong>de</strong> scientifiques, chercheurs et professionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> santépublique 157 . Ce rapport, rendu public le 31 août 2007 détaille les preuves scientifiques selonlesquelles l’exposition aux CEM est responsable <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong> nouveaux cas <strong>de</strong> leucémiesinfantiles et d’astrocytomes (un cancer du cerveau). Il apparaît comme un p<strong>la</strong>idoyer en faveurd’une norme d’exposition publique aux CEM biologiquement fondée. Le co-éditeur du rapport, ledocteur DAVID CARPENTER, directeur à L’INSTITUT POUR LA SANTE ET L’ENVIRONNEMENT à l’Université d’Albany,New York, a affirmé que : « ce rapport est dressé pour un appel au réveil que l’exposition à longterme à quelconques types <strong>de</strong> CEM peut causer <strong>de</strong> graves effets sur <strong>la</strong> santé. Une bonne conception<strong>de</strong> santé publique est maintenant nécessaire pour prévenir <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies cancéreuses etneurologiques liées à l’exposition aux lignes à Haute-Tension et autres sources <strong>de</strong> CEM [<strong>la</strong>téléphonie mobile par exemple] ». Il ajoute que nous avons besoin d’informer <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ainsique nos déci<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> l’idée selon <strong>la</strong>quelle « poursuivre les affaires comme s’il n’y avait pas <strong>de</strong>problème est inacceptable ».Finalement, s’appuyant sur l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature scientifique, l’OMS a alors concluque « les données actuelles ne confirment en aucun cas <strong>l'</strong>existence d'effets sanitaires résultantd'une exposition à <strong>de</strong>s champs électromagnétiques » 158 . Il n’y a donc aucune preuve convaincante<strong>de</strong>s effets sanitaires indésirables imputables aux CEM. L’AGENCE FRANÇAISE DE SECURITE SANITAIRE DEL’ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL (AFFSET) ainsi que le Conseil supérieur d’hygiène publique confirmentcette position 159 .Cependant, si <strong>la</strong> majeure partie <strong>de</strong>s scientifiques ont d’ores et déjà posé, en l’état actuel <strong>de</strong>sconnaissances, qu’il n’y avait aucun effet imputable aux lignes électriques, pourquoi continuer <strong>la</strong>recherche ? C’est bien ici que s’inscrit le doute. A cet égard, BARNABAS KUNSCH, du Centre autrichien<strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> Seibersdorf affirmait « <strong>l'</strong>absence <strong>de</strong> preuve d'un effet nocif ne semble pas suffireaux sociétés mo<strong>de</strong>rnes. Ce que <strong>l'</strong>on exige avec <strong>de</strong> plus en plus d'insistance, c'est davantage <strong>la</strong>preuve <strong>de</strong> son absence ». Le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> ne pourra s’accroître qu’en présence d’unconsensus émanant <strong>de</strong>s diverses étu<strong>de</strong>s. Il convient aussi <strong>de</strong> préciser un point important <strong>de</strong>l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche. En effet, <strong>la</strong> Russie a été un <strong>de</strong>s pays pionnier dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>sCEM. Dès <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 1950, le gouvernement soviétique avait adopté <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> limitationd’exposition. Puis, <strong>de</strong>s recherches ultérieures ont mis en évi<strong>de</strong>nce une re<strong>la</strong>tion entre <strong>l'</strong>intensité et <strong>la</strong>durée <strong>de</strong> <strong>l'</strong>exposition, d’une part, et <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> <strong>l'</strong>organisme humain aux CEM, d’autre part.Pendant plusieurs dizaines d’années, les normes limitant l’exposition <strong>de</strong> l’homme ont <strong>de</strong>meuré plusrigoureuses en Russie que dans d’autres pays du mon<strong>de</strong>. Pourtant, les raisons qui ont présidé à156 L’Organisation mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé a aussi reconnu un sur-risque <strong>de</strong> leucémie chez l’enfant à partir <strong>de</strong> 0,4microtes<strong>la</strong>s.157 Le rapport BIO INITIATIVE est disponible sur le site officiel:http://www.bioinitiative.org/report/docs/report.pdf.158 Voir le site officiel <strong>de</strong> l’Organisation Mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé : www.who.int.159 Avis du conseil supérieur d’hygiène public <strong>de</strong> France re<strong>la</strong>tif aux champs magnétiques d’extrêmement bassefréquence, Section milieu <strong>de</strong> vie, séance du 3 mars 2005 et site <strong>de</strong> l’AFFSET :http://www.afsset.fr/in<strong>de</strong>x.php?pageid=1236&ongletlstid=1612.54


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDl’établissement <strong>de</strong> ces limites sont encore inconnues. En effet, les gran<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s menées par l’OMSfont abstraction <strong>de</strong>s travaux soviétiques qui sont principalement publiés en <strong>la</strong>ngue russe. A cetégard, le Docteur MICHAEL REPACHOLI – partie du grand projet <strong>de</strong> l’OMS- a affirmé que « <strong>l'</strong>évaluationpar <strong>l'</strong>OMS <strong>de</strong>s données scientifiques disponibles serait incomplète si elle ne prenait pas en compteles résultats <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> qualité effectués dans <strong>l'</strong>ex-Union soviétique » 160 . Dès lors, pourfaire connaître <strong>la</strong> contribution <strong>de</strong> tous les pays dans ce domaine, il est nécessaire d’encourager unecol<strong>la</strong>boration mondiale entre les experts.§ II. Les valeurs-gui<strong>de</strong> et les recommandations d’expositionrési<strong>de</strong>ntielle aux rayonnements non ionisantsConcrètement, pour que les lignes du réseau <strong>de</strong> transport d’électricité ne constituent pas undanger pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, <strong>de</strong>s normes nationales sont établies et limitent <strong>la</strong> surexposition aux CEMprésents dans notre environnement. En effet, chaque pays fixe ses normes d’exposition 161 . Parexemple, RTE respecte un arrêté technique qui définit <strong>de</strong>s distances minimales <strong>de</strong> sécurité àrespecter pour obtenir un isolement. Cet arrêté technique est <strong>la</strong> transposition en droit interne <strong>de</strong> <strong>la</strong>Recommandation européenne du 12 juillet 1999 re<strong>la</strong>tive à l’exposition du public aux CEM 162 . Ellegarantit un niveau élevé <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé contre l’exposition aux CEM (recommandationII) 163 . Plus précisément, il n’existe pas <strong>de</strong> dispositif légis<strong>la</strong>tif interdisant à RTE d’élever <strong>de</strong>s lignes àhaute tension au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s maisons. En effet, il n’y a pas <strong>de</strong> loi qui interdit <strong>de</strong> construire à moins<strong>de</strong> 80 mètres <strong>de</strong>s habitations, argument avancé à maintes reprises par certains militants. Lalégis<strong>la</strong>teur a ajouté un article 12bis à <strong>la</strong> loi du 15 juin 1906 qui permet au préfet <strong>de</strong> départementd’instituer, au voisinage <strong>de</strong> lignes électriques aériennes <strong>de</strong> tension supérieure ou égale à 130 000volts (existantes ou à construire), <strong>de</strong>s servitu<strong>de</strong>s limitant ou interdisant certaines constructions ouutilisations du sol. Dès lors que le préfet institue <strong>de</strong> telles servitu<strong>de</strong>s, <strong>la</strong> construction oul’aménagement <strong>de</strong> bâtiments d’habitations est interdit, dans un périmètre <strong>la</strong>issé à sonappréciation ; même si <strong>la</strong> surface maximale est fixée pour les lignes à 400.00 volts à 15m <strong>de</strong> partet d’autre du pylône et le rayon maximal du cercle autour <strong>de</strong>s pylônes <strong>de</strong> 40m 164 . Ainsi, seul lepréfet a <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> geler les constructions autours <strong>de</strong>s lignes en édictant un arrêté. Laprotection consiste donc en une simple possibilité. Selon HERVE POMBOURCQ, Directeur du centrenational d’expertise <strong>de</strong> RTE, <strong>la</strong> finalité <strong>de</strong> ces arrêtés préfectoraux « n’était pas du tout un but <strong>de</strong>santé [...] c’est un confort mutuel, on exploite le réseau sans se gêner mutuellement ». Il explique,en substance, qu’une distance limite d’exposition a été fixée afin <strong>de</strong> s’assurer que les habitants nese prévalent plus d’un quelconque danger, ne se p<strong>la</strong>ignent plus <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> dispositif <strong>de</strong>protection <strong>de</strong> leur santé 165 . Pour autant, même si les préfets ont <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> prendre un arrêté,cette possibilité <strong>de</strong>meure théorique, loin <strong>de</strong> son application concrète. En effet, PIERRE LE RUZ, expert160 Communiqué <strong>de</strong> Presse <strong>de</strong> l’OMS, n°38 « Des experts se réunissent à Moscou pour discuter <strong>de</strong>s effetsindésirables <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé », 20 mai 1998.161 Annexe XII : tableau comparatif <strong>de</strong>s valeurs maximales d’exposition tolérées dans les rési<strong>de</strong>nces.162Recommandation du Conseil du 12 juillet 1999 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> limitation <strong>de</strong> <strong>l'</strong>exposition du public aux champsélectromagnétiques (<strong>de</strong> 0 Hz à 300 GHz), 1999/519/CE.163 L’UE recomman<strong>de</strong> une limite d’exposition fixée à 100 microtes<strong>la</strong>s pour le public et 500 microtes<strong>la</strong>s pour lestravailleurs. Sous une ligne, les CEM atteindraient au maximum 20 microtes<strong>la</strong>s.164 Article 12bis <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loi du 15 juin 1906 sur les économies d’énergies, JORF du 17 juin 1906, p.4105. Ledécret 2004-835 du 19 août 2004 pris pour application <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> 1906 prévoit <strong>de</strong>s servitu<strong>de</strong>s permettantd’exclure les constructions autour <strong>de</strong>s lignes à moyenne ou haute tension.165 Journal <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé, FRANCE 5, entretien avec HERVE POMBOURCQ, 21 mars 2008.55


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDeuropéen <strong>de</strong>s CEM, docteur en physiologie et directeur du Centre <strong>de</strong> Recherche et d’InformationIndépendantes sur les Rayonnements Electro Magnétiques (CRIIREM) <strong>de</strong> Rennes, fait remarquerqu’aucun arrêté n’est signé par les préfets <strong>de</strong> sorte que les maires octroient toujours <strong>de</strong>s permis <strong>de</strong>construire à proximité immédiate <strong>de</strong>s lignes électriques 166 . Le préfet peut aussi prescrire <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> mesure <strong>de</strong>s CEM pour contrôler le respect <strong>de</strong>s valeurs limites fixées pour protéger <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion exposée 167 . Ces valeurs sont fixées par le 12° <strong>de</strong> l’article L32 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s postes et <strong>de</strong>stélécommunications électriques qui exige <strong>de</strong> « garantir, dans l’intérêt général, <strong>la</strong> santé et <strong>la</strong> sécurité<strong>de</strong>s personnes ». Ainsi, <strong>la</strong> mise en service <strong>de</strong>s équipements électriques, lorsque le public y estexposé, est soumise aux dispositions <strong>de</strong> l’article L34-9-1 du même Co<strong>de</strong> qui renvoie à un décret lesoin <strong>de</strong> fixer les valeurs limites d’exposition 168 . Il n’y a donc pas <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> juridique re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong>protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé contre les rayonnements non-ionisants. Il s’agit plutôt d’un manque <strong>de</strong>volonté politique qui pourrait être aisément comblé par l’édiction <strong>de</strong> normes contraignantes par lelégis<strong>la</strong>teur. C’est une problématique à <strong>la</strong> française intolérable : il n’existe pas <strong>de</strong> définition juridiqueet sanitaire du couloir <strong>de</strong> ligne électrique. La plupart <strong>de</strong>s pays s’inspirent <strong>de</strong>s recommandations et<strong>de</strong>s directives <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission Internationale <strong>de</strong> Protection contre les Rayonnements NonIonisants (CIPRNI) pour établir leur propre norme. Cette organisation non gouvernementaleexamine les normes nationales aux fins d’une harmonisation universelle qu’elle traduit dans <strong>de</strong>sdirectives ; étant précisé que ces normes évoluent en permanence en fonction <strong>de</strong>s connaissancesdisponibles.Précisons, que l’Oms et <strong>la</strong> CIPRNI ont pu être observées sous un regard suspicieux. En effet,l’association NEXT-UP exploite une étu<strong>de</strong> re<strong>la</strong>tive aux conflits d’intérêt et à <strong>la</strong> partialité au sein <strong>de</strong>scomités consultatifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé qui arguent <strong>de</strong> l’impartialité du Docteur MICHAEL REPACHOLI. Ce<strong>de</strong>rnier est, en effet, directeur du projet international mené par l’Oms, directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> CIPRNI etconsultant pour les gran<strong>de</strong>s industries électriques 169 . La science, avec son excellence et sescontrariétés ne peut apporter <strong>de</strong>s réponses à chacune <strong>de</strong> nos interrogations. Le besoin désespéré<strong>de</strong> connaître l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> pollution électromagnétique passe donc par une lecture attentive <strong>de</strong>l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature scientifique. Il est important d’ouvrir un p<strong>la</strong>idoyer en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong>science sociale, une science qui ouvrira un droit objectif à <strong>la</strong> connaissance sanitaire.Pendant <strong>la</strong> poursuite <strong>de</strong>s recherches scientifiques, l’OMS préconise <strong>de</strong> consulter <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion locale sur les projets futurs d’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> lignes électriques, rôle que le CRIIREMincarne pleinement. Les recherches qu’il effectue sur le terrain et les enquêtes qu’il mène auprès<strong>de</strong>s riverains permettent d’avoir une vision réelle <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong>s CEM, vision détachée <strong>de</strong>s hauteurs<strong>de</strong>s théories scientifiques et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression lobbyiste. Il s’appuie sur un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligneexistante entre le Cotentin et Rennes.166 Journal télévisé, FRANCE 2, entretien avec PIERRE LE RUZ, 21 mars 2008 ; Voir aussi les commentaires <strong>de</strong>PIERRE LE RUZ et <strong>de</strong> ROGER SANTINI sur le rapport à <strong>la</strong> DGS d’un groupe d’experts rattaché au Conseil supérieurd’hygiène publique <strong>de</strong> France, 8 novembre 2004.167 Article 1333-21 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique.168 Articles R20-19 et L34-9-1du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s postes et <strong>de</strong>s télécommunications qui renvoient notamment audécret 2002-775 du 3 mai 2002 re<strong>la</strong>tif aux valeurs limites d’exposition du public aux CEM émis par leséquipements utilisés dans les réseaux <strong>de</strong> télécommunication ou par les instal<strong>la</strong>tions radioélectriques et sonAnnexe, point 2.1 présentant un tableau <strong>de</strong>sdites valeurs (JO 5 mai 2002, texte n°39).169 Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> DON MAISCH, « Conflits d’intérêt et partialité chez les comités consultatifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé », avril 2006.56


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDSection II. L’analyse du smog électromagnétique in situ : <strong>la</strong> fin du négationnisme ?La politique <strong>de</strong> production centralisée d’électricité a pour résultat <strong>la</strong> concentration <strong>de</strong>smoyens <strong>de</strong> production. Ainsi les lieux <strong>de</strong> production sont-ils éloignés <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> consommation.C’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle le site nucléaire <strong>de</strong> F<strong>la</strong>manville, entre autres, est le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>nombreuses lignes à haute tension. Dès lors il est possible d’analyser et d’évaluer les effets <strong>de</strong>sCEM sur une ligne existante simi<strong>la</strong>ire au projet litigieux (§I.). Une analyse sanitaire approfondie aalors été opérée par le CRIIREM. Enfin, <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce administrative s’est elle-même investie dans<strong>la</strong> quête <strong>de</strong> l’expertise <strong>de</strong>s CEM, ayant été saisie en ce sens (§II.).§ I. Historique sanitaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligneexistante Cotentin-RennesLes effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne existante entre le Cotentin et <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Rennes ont été étudiés à<strong>de</strong>ux reprises : en premier lieu RTE a dressé un bi<strong>la</strong>n écrit <strong>de</strong>s effets occasionnés par sonouvrage (A.); en second lieu, le CRIIREM, organisme indépendant, a é<strong>la</strong>boré sa propre enquêteauprès <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> riverains <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne (B.).A. Le bi<strong>la</strong>n officiel du maître d’œuvreLa Commission particulière <strong>de</strong> débat public a <strong>de</strong>mandé à RTE un bi<strong>la</strong>n écrit re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong>ligne 400.000 volts F<strong>la</strong>manville-Domloup 170 . RTE a relevé le nombre <strong>de</strong> bâtiments à moins <strong>de</strong>100m <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne : 170 maisons, 50 sièges d’exploitations agricoles, 10 hameaux <strong>de</strong> 5 maisonset 5 zones agricoles. Ces constructions sont antérieures à <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne. Surl’ensemble <strong>de</strong> ces constructions, trois cas d’exploitations agricoles rencontrant <strong>de</strong>s problèmessanitaires ont été signalés. Puis un cas <strong>de</strong> perturbation d’une instal<strong>la</strong>tion électrique <strong>de</strong> traite aégalement été rapporté 171 . Ces inci<strong>de</strong>nts sont à l’étu<strong>de</strong> selon RTE. Ce <strong>de</strong>rnier ajoute que <strong>la</strong>majorité <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>intes portées à sa connaissance concernent l’é<strong>la</strong>gage <strong>de</strong>s arbres situés àproximité et le traitement <strong>de</strong>s rémanents (troncs et branches coupées lors <strong>de</strong> l’é<strong>la</strong>gage) 172 .Cependant le rapport écrit fait expressément mention <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> problèmes sanitaires surl’homme. Conscient que le bi<strong>la</strong>n sanitaire re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> ligne existante a été rédigé par RTE, leCRIIREM et le collectif anti-<strong>THT</strong> organisent, à leur tour, une gran<strong>de</strong> enquête sur le terrain.B. Les enquêtes du CRIIREM : l’insoumission aux thèses officiellesLe CENTRE DE RECHERCHES ET D’INFORMATIONS INDEPENDANTES SUR LES RAYONNEMENTSELECTROMAGNETIQUES (CRIIREM) est à <strong>la</strong> fois un <strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> recherche et un centre <strong>de</strong> documentation.Son objet général est l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s électromagnétiques sur le vivant. Saisi par le170 « Bi<strong>la</strong>n re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> ligne existante F<strong>la</strong>manville-Rennes », RTE.171 Ces questions sont traitées par le GPSE (Groupe Permanent sur <strong>la</strong> Sécurité Electrique dans les élevagesagricoles et aquacoles).172 Ces questions sont traitées par le GET (Groupe d’Exploitation Transport) <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone considérée.57


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcollectif anti-<strong>THT</strong> Cotentin-Maine, le CRIIREM a été chargé <strong>de</strong> mener une enquête in situ intitulée« Vivre avec une <strong>THT</strong> ». Plus précisément, cette enquête consistait à mettre en p<strong>la</strong>ce un comparatifentre les riverains exposés à une ligne 2x400.000 volts existante (F<strong>la</strong>manville-Domloup) et lesriverains <strong>de</strong> <strong>la</strong> future ligne Cotentin-Maine <strong>de</strong> même puissance. La comparaison s’établit donc entre<strong>de</strong>s riverains dits exposés et <strong>de</strong>s riverains dits non exposés. C’est une première en France.Concrètement, <strong>de</strong>s enquêteurs se sont dép<strong>la</strong>cés <strong>de</strong> janvier à mars 2008 et se sontprésentés chez l’ensemble <strong>de</strong>s riverains pour enregistrer leurs observations re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> santé, àleur habitation, et à leur compatibilité électromagnétique notamment. 8.000 questionnaires ont étéremplis et rendus au CRIIREM 173 . En premier lieu, une étu<strong>de</strong> partielle <strong>de</strong> 350 dossiers a été réaliséeet qui <strong>la</strong>issait émerger certaines tendances :- les dysfonctionnements, sur les appareils électriques et électroniques chez les riverainsexposés, <strong>de</strong>ux fois plus importants que chez les riverains non exposés. Ce phénomèneindique que <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> compatibilité électromagnétique sont constatés.- <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> santé focalisés sur <strong>de</strong>s troubles du sommeil, <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire, <strong>de</strong>l’audition, mais aussi <strong>de</strong>s maux <strong>de</strong> tête, <strong>de</strong> l’irritabilité, une baisse <strong>de</strong>s hormones(mé<strong>la</strong>tonine et adrénaline) et <strong>de</strong>s états dépressifs qui sont significativement plusfréquents chez les riverains exposés que chez les riverains non exposés. De plus, lessymptômes décrits ci-<strong>de</strong>ssus disparaissent significativement lorsque les riverainsquittent <strong>la</strong> zone affectée par <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong>.- <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies graves ayant fait l’objet <strong>de</strong> traitements lourds, d’actes chirurgicaux et <strong>de</strong>scancers (leucémie, cancers du sein et <strong>de</strong> <strong>la</strong> thyroï<strong>de</strong> notamment) sont détectéssignificativement en plus grand nombre chez les riverains exposés. Ces observationsconfirmant les conclusions du rapport BIO INITIATIVE du 31 août 2007.- les facteurs <strong>de</strong> confusions (tabac, alcool, drogue) n’influent pas sur les autres données<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>.- les élevages étudiés montrent que <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong> existante peut être à l’origine <strong>de</strong>courants parasites dans les structures métalliques (portails, abreuvoirs, cornadis)générés par <strong>de</strong>s phénomènes d’induction, nuisibles aux animaux et à <strong>la</strong> productionqualitative <strong>de</strong>s exploitations.En second lieu, le CRIIREM doit publier l’enquête en son entier. Les conclusions définitives,qui <strong>de</strong>vaient être publiées en juin 2008, sont toujours attendues au mois <strong>de</strong> décembre. La force <strong>de</strong>cet organisme rési<strong>de</strong> dans le fait qu’il s’impose entre les diverses thèses officielles déniant tout effetnéfaste <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé. Cependant selon JEAN-MARC PERRIN, directeur du projet litigieux, cetteenquête ne prouve rien, <strong>de</strong> sorte que le débat n’est pas clos entre les différents protagonistes 174 .Certains agriculteurs, ayant observé <strong>de</strong>s dysfonctionnements graves dans leur exploitation,ont ordonné une expertise <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s CEM. Un véritable combat juridique est alors né <strong>de</strong> <strong>la</strong>173 Annexe XIII : le questionnaire du CRIIREM.174 « La ligne à très haute tension divise toujours » Journal Ouest France, 10 juillet 2008.58


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcontestation <strong>de</strong>s mesures effectuées par les experts. Le juge administratif a finalement dû connaître<strong>de</strong> cette problématique.§ II. L’influence <strong>de</strong> <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce dans l’étu<strong>de</strong> objective <strong>de</strong>seffets <strong>de</strong>s champs électromagnétiquesLe juge administratif a été amené à se positionner dans <strong>la</strong> recherche objective <strong>de</strong>s effets<strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé. En effet, saisi d’un contentieux re<strong>la</strong>tif à une exploitation agricole, le jugeadministratif a été amené à poser les bases d’une juste expertise <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santéanimale. Plus précisément, un couple d’éleveurs s’est inquiété du nombre faiblement inquiétant <strong>de</strong>porcelets sevrés par portée. Ils ont alors commandé une expertise pour établir (ou non) <strong>la</strong>corré<strong>la</strong>tion entre ces troubles et <strong>la</strong> présence d’une ligne à très haute tension <strong>de</strong> 400.000 Volts.L’expert <strong>de</strong>vait établir si les désordres constatés étaient d’origine microbienne ou sanitaire ouencore liés à <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne avec l’élevage. Or <strong>la</strong> tension du linéaire électrique a étéabaissée par le maître d’œuvre, empêchant toute mesure fiable :En première instance, le tribunal a reconnu que :« Cette étu<strong>de</strong> n’a pu être menée à son terme d’une part parce que danssa phase cruciale l’intensité électrique transitant dans cette ligne aanormalement baissé par rapport aux valeurs antérieurement constatéeset ce, sans que l’expert en soit informé, et d’autre part parce que lesdocuments fournis par l’exploitant <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne étaient inexploitables » 175 .La cour administrative d’appel a confirmé le jugement, considérant que:« lors <strong>de</strong> l’exécution du protocole vétérinaire, les champs magnétiquesrelevés à proximité <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> M. et Mme J. ont étédurablement inférieurs <strong>de</strong> 2 à 4 fois aux mesures <strong>de</strong> référence fourniesen 1993 par EDF pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mois <strong>de</strong> mai à août 1993 et à cellesprises contradictoirement par l’expert en décembre 1998 » 176 .Il est constant que RTE a tenté <strong>de</strong> minimiser les effets <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s animaux<strong>de</strong> cette exploitation agricole. Partant, il est possible <strong>de</strong> s’interroger sur <strong>la</strong> fiabilité <strong>de</strong>s écrits <strong>de</strong> <strong>la</strong>filiale d’EDF, et <strong>de</strong> sa bonne foi. En tout état <strong>de</strong> cause, une nouvelle expertise sera ordonnée auxfins d’établir, le cas-échéant, un lien <strong>de</strong> causalité entre <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne et les effetssanitaires sur les animaux d’élevage. La pertinence du rôle du juge administratif doit être relevée.Il est, en effet, apparu comme le gardien <strong>de</strong> l’objectivité <strong>de</strong>s expertises. Néanmoins, son action nepeut être qu’une action a posteriori, écartant toute possibilité pour les intimés <strong>de</strong> refuserl’imp<strong>la</strong>ntation d’un linéaire électrique pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> mauvaise santé animale. Les expertises àvenir, certes, seront probantes, mais elles ne seront pas un moyen pour détruire ou délocaliser <strong>la</strong>175 TA Grenoble JUVENON ,10 septembre 2004, n°0304573.176 CAA Lyon JUVENON, 22 mars 2007, n°04LY01546.59


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDligne litigieuse. En tout état <strong>de</strong> cause, le terme <strong>de</strong> cette affaire nous permet <strong>de</strong> conclure à l’absoluenécessité <strong>de</strong> multiplier les étu<strong>de</strong>s.Plus récemment, le juge a été amené à se prononcer sur le lien <strong>de</strong> causalité existant entreun linéaire électrique et <strong>de</strong>s troubles sanitaires graves signalés sur les animaux 177 . Il s’agit plusprécisément du jugement du tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instance <strong>de</strong> Tulle en date du 28 octobre 2008 qui acondamné RTE à verser aux éleveurs MARCOUYOUX <strong>la</strong> somme <strong>de</strong> 390.648 euros en compensation dupréjudice né <strong>de</strong> <strong>la</strong> proximité d’une ligne à très haute tension. Cette réparation incluait nonseulement <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong>s pathologies animales mais tout autant les dommages subis par leGAEC 178 . C’est <strong>la</strong> première fois que <strong>la</strong> justice établit un lien direct entre les champsélectromagnétiques et <strong>de</strong>s troubles sanitaires.Cette posture juridique a permis au collectif Manche sous tension d’affirmer que cejugement « apporte ainsi un démenti cing<strong>la</strong>nt à <strong>la</strong> propagan<strong>de</strong> <strong>de</strong> RTE qui dénie en permanencel’impact <strong>de</strong>s lignes <strong>THT</strong> sur les élevages ».Cependant, il nécessaire <strong>de</strong> relever que le lien <strong>de</strong> causalité n’a pas été établi entre <strong>la</strong> ligne à<strong>THT</strong> et les troubles sanitaires humains dont les époux MARCOUYOUX ont fait état (surdité etproblèmes respiratoires notamment, dus à l’emp<strong>la</strong>cement du linéaire à moins <strong>de</strong> 40 mètres <strong>de</strong> leurhabitation). Le jugement précité revêt néanmoins une importance capitale car il ouvrirait justement<strong>la</strong> voie à l’établissement <strong>de</strong> ce lien <strong>de</strong> causalité : dans l’hypothèse <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaissance <strong>de</strong>pathologies animales liées aux linéaires électriques, il serait aberrant <strong>de</strong> croire l’homme exempté <strong>de</strong>ces mêmes conséquences sanitaires. Nous pourrions donc légitimement croire, dès-à-présent, quece lien a été établi par le juge, <strong>de</strong> manière indirecte. Seule <strong>la</strong> réformation du jugement contrarieraitnos espérances juridiques et sanitaires. Or OLIVIER JALLET, chef <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission communication etenvironnement juridique <strong>de</strong> RTE sud-ouest a déjà annoncé son intention <strong>de</strong> faire appel.Dans ce contexte, il est vital d’entreprendre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s généralisées re<strong>la</strong>tivement aux CEM.La France accuse un retard singulier dans ce domaine. D’une part, les scientifiques français,contrairement à leurs voisins européens, n’ont établi aucune étu<strong>de</strong> globale re<strong>la</strong>tive aux CEM.D’autre part, l’enquête <strong>de</strong> proximité réalisée par le collectif <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche et le CRIIREM est <strong>la</strong>première réalisée en France. Il est donc essentiel <strong>de</strong> mener une campagne <strong>de</strong> localisation <strong>de</strong>s lignesà haute et très haute tension afin d’é<strong>la</strong>borer une cartographie nationale précise <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s CEMprovenant <strong>de</strong> linéaires électriques. La convergence <strong>de</strong> toutes les étu<strong>de</strong>s qui pourraient être ainsiréalisées sur l’ensemble du territoire français pourrait <strong>de</strong>ssiner les premiers contours <strong>de</strong>s effets177 TGI TULLE 28 octobre 2008 MARCOUYOUX, actuellement non publié ; cité par <strong>la</strong> radio Europe 1 le 14novembre 2008 par <strong>la</strong> journaliste DIANE SHENOUDA ; cité dans l’édition nationale du journal France 2 le 14novembre 2008 ; cité par le collectif « <strong>Stop</strong>-tht MANCHE sous tension » dans une alerte-mail du 21 novembre2008 ; cité dans le journal Ouest France « Ligne à haute tension : une première victoire judiciaire » 15novembre 2008.178 Les animaux d’une exploitation agricole spécialisée dans l’élevage bovin et porcin, sise à LATRONCHE enCORREZE, ont été atteints <strong>de</strong> problèmes respiratoires, <strong>de</strong> mammites, <strong>de</strong> baisse <strong>de</strong>s défenses immunitaires, d’untaux <strong>de</strong> mortalité infantile élevé et d’une baisse généralisée <strong>de</strong> <strong>la</strong> natalité. L’élevage est situé à 70 mètres <strong>de</strong><strong>la</strong> ligne <strong>de</strong> 400.000 volts. Le jugement précise que « 10 % du <strong>la</strong>it est perdu » en raison <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies digestivesou génitales subies par les vaches, que le hangar <strong>de</strong> stabu<strong>la</strong>tion « accueille <strong>de</strong>s génisses chétives souffrantpour partie d’hémorragies ou d’avortements inexpliqués ». Etant précisé qu’une autre partie <strong>de</strong> leurexploitation est située à 1,5 km <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne et ne présente aucun <strong>de</strong>s troubles précités.60


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDsanitaires <strong>de</strong>s CEM. Néanmoins, ces étu<strong>de</strong>s ne sauraient être entreprises ni financées par le maîtred’œuvre. En effet, l’objectivité d’une enquête est naturellement contestable lorsque le porteur duprojet y a un intérêt partisan. L’ensemble <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong> nous donne un aperçu <strong>de</strong>s intérêts enprésence, qui s’entremêlent entre <strong>la</strong> santé pour les uns et <strong>la</strong> manne financière pour les autres.Dans l’attente <strong>de</strong> <strong>la</strong> multiplication <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, et afin <strong>de</strong> limiter une surexposition, <strong>l'</strong>OMS aété incitée à tenir compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité d'appliquer rigoureusement le principe <strong>de</strong> précaution.61


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre II.La pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre du principe constitutionnel <strong>de</strong> précautionAfin <strong>de</strong> limiter une surexposition aux CEM, certains p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>nt en faveur <strong>de</strong> l’application duprincipe <strong>de</strong> précaution. Nous nous interrogerons donc sur les conditions <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre duprincipe <strong>de</strong> précaution en matière <strong>de</strong> CEM (Section II). Pour d’autres, en l’absence <strong>de</strong> moratoiresuspensif <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne, il est nécessaire <strong>de</strong> réduire les risques au maximum enprocédant à son enfouissement terrestre (Section I).Section I. L’enfouissement terrestre <strong>de</strong>s lignes à très haute tension : un cadre d’application duprincipe <strong>de</strong> précautionQuel que soit l’aspect étudié <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à 400.000 volts (risque sanitaire,environnemental notamment), l’enfouissement apparaît, a priori, une solution favorable (§ I.).Cette technique est-elle matériellement applicable au projet Cotentin-Maine ? (§ II.).§ I. Le régime juridique et scientifique <strong>de</strong>s travauxd’enfouissement <strong>de</strong> réseaux électriquesDes contrats triennaux sont passés entre EDF et l’Etat <strong>de</strong>puis 1992. EDF s’y engage àenfouir tous les ans 90% <strong>de</strong>s nouvelles lignes <strong>de</strong> moyenne tension et les 2/3 <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> bassetension. Etant précisé que les zones urbaines et périurbaines à forte <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion sontprioritaires. Ces objectifs ont été tenus et reconduits dans le volet environnement du contrat <strong>de</strong>groupe conclu entre EDF et l’Etat pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2001-2003. Puis, suite à <strong>la</strong> violente tempête <strong>de</strong>décembre 1999, un programme d’enfouissement automatique en zone boisée a été engagé. Ceprogramme permettra <strong>de</strong> porter à 50% <strong>la</strong> proportion <strong>de</strong>s réseaux souterrains d’ici 2015. En 10ans, 152.000km <strong>de</strong> lignes ont été enfouis 179 . Puis, <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> loi du 10 juillet 2000 portanttransposition <strong>de</strong> <strong>la</strong> Directive sur l’ouverture du marché électrique, <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s lignes à hauteet très haute tension est confiée à RTE 180 .L’obligation d’enfouir les lignes sur le territoire <strong>de</strong>s sites c<strong>la</strong>ssés est posée par l’articleL.341-11 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement. Cette même obligation est applicable dans le cœur <strong>de</strong>sparcs nationaux (article L.331-5 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement). Or ces articles exigent, pourqu’une dérogation puisse être légalement accordée, que l’enfouissement soit techniquementimpossible ou qu’il soit en réalité plus attentatoire à <strong>la</strong> préservation su site qu’une solution <strong>de</strong>ligne aérienne. Les problèmes techniques, juridiques et économiques posés par l’enfouissement<strong>de</strong>s lignes sont aussi traités dans une réponse ministérielle <strong>de</strong> 2000 181 . La jurispru<strong>de</strong>nceadministrative a cependant considéré que <strong>de</strong> simples considérations financières ne pouvaient, à179 « Enfouissement <strong>de</strong>s lignes électriques en France » Fiche n°5, EDF.180 Loi <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation et <strong>de</strong> développement du service public <strong>de</strong> l’électricité, n°2000-108 du 10 février 2000,modifiée par <strong>la</strong> loi 2003-8 du 3 janvier 2003 re<strong>la</strong>tive aux marchés du gaz et <strong>de</strong> l’électricité et au service public<strong>de</strong> l’énergie, JORF 4 janvier 2003, p.265, texte n°3.Directive 92/96/CE du 19 décembre 1996 re<strong>la</strong>tive aux règles communes au marché intérieur <strong>de</strong> l’électricitéabrogée par <strong>la</strong> directive 2003/54/CE du 26 juin 2003, JOUE L16/74 du 23 janvier 2004.181 Réponse ministérielle n°4371 JOAN Q 24 avril 2000, p.2621.62


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDelles-seules, établir que l’imp<strong>la</strong>ntation d’un ouvrage ou d’une instal<strong>la</strong>tion nécessaire à un servicepublic, répon<strong>de</strong>nt à une « nécessité technique impérative » 182 . Le juge affirme ici que le coûtd’un ouvrage amélioré (l’enfouissement par exemple), qui peut paraître exorbitant, n’est pas unargument <strong>de</strong> nature à écarter cette solution. Dès lors, l’imp<strong>la</strong>ntation d’un ouvrage aérien n’estpas techniquement impérative si l’enfouissement est possible mais qu’il est considéré commetrop coûteux.En l’espèce, bien que le tracé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne traverse plusieurs territoires <strong>de</strong> sites c<strong>la</strong>ssés,RTE écarte définitivement <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> l’enfouissement. A cet égard, RTE invoque l’impossibilitétechnique <strong>de</strong> réaliser un ouvrage linéaire souterrain. Dès lors, nous <strong>de</strong>vons poursuivre notreétu<strong>de</strong> sur le champ <strong>de</strong> <strong>la</strong> faisabilité technique <strong>de</strong> l’enfouissement terrestre d’une ligne <strong>THT</strong> <strong>de</strong>400.000 volts.L’office parlementaire d’évaluation <strong>de</strong>s choix scientifiques et technologiques <strong>de</strong>l’Assemblée Nationale a été saisi <strong>de</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong> l’apport <strong>de</strong>s nouvelles technologies dansl’enfouissement <strong>de</strong>s lignes électriques <strong>de</strong> haute et très haute tension 183 . Ce rapport, rédigé parle député CHRISTIAN KERT, se concentre sur <strong>de</strong>ux problématiques : d’une part le retard <strong>de</strong> <strong>la</strong>France dans l’enfouissement <strong>de</strong>s lignes électriques, d’autre part, les techniques et le coût <strong>de</strong>l’enfouissement.La technique <strong>de</strong> l’enfouissement est bien maîtrisée pour les lignes <strong>de</strong> 225.000 volts pour<strong>de</strong>s tronçons <strong>de</strong> 15km. Puis pour les lignes d’une tension <strong>de</strong> 90.000 et 63.000 volts,l’enfouissement est possible sur une longueur <strong>de</strong> 30km. La généralisation <strong>de</strong> cette technique àtoutes les tensions n’est cependant pas envisageable en raison <strong>de</strong>s contraintes techniques etéconomiques. Concrètement, pour obtenir l’équivalent souterrain d’une ligne à très hautetension aérienne, plusieurs câbles parallèles sont nécessaires sur une <strong>la</strong>rgeur <strong>de</strong> 10 mètres ; lecoût est 8 à 10 fois supérieur 184 . La problématique <strong>de</strong>s lignes à haute tension n’est doncnullement résolue alors que ce sont celles qui font l’objet <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus forte opposition.Historiquement, le passage en souterrain <strong>de</strong>s lignes <strong>THT</strong> était dit irréalisable. Ce jugementpremier doit néanmoins être infirmé au vu <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s françaises et <strong>de</strong>s réalisations étrangères.Dès les années 1990, les mutations technologiques ont permis le développement <strong>de</strong>réseaux souterrains. Des liaisons enfouies à 400.000 Volts existent en Europe pour réaliser <strong>de</strong>sinterconnexions et pour alimenter les gran<strong>de</strong>s agglomérations. Dans <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s cas, <strong>la</strong> ligneaérienne est impraticable dans les centres urbains, <strong>de</strong> sorte que <strong>la</strong> comparaison financière entreles <strong>de</strong>ux techniques <strong>de</strong>meure théorique, le choix n’existe plus, l’enfouissement est <strong>la</strong> seulesolution possible.182 CE 9 juin 2004 Commune <strong>de</strong> PEILLE, req. n°254691 ; RJE 4-2006 p.467, note BERNARD DROBENKO.183 Rapport <strong>de</strong> CHRISTIAN KERT, n°3477 AN, N°154 S ; disponible sur le site http://www.assembleenationale.fr/rap-oecst/lignes_elect/i3477.asp#P800_87465.184 Le rapport KERT propose qu’un véritable marché <strong>de</strong>s techniques d’enfouissement s’ouvre pour faire baisserles prix <strong>de</strong>sdites techniques : « La tendance générale va vers l’enfouissement, il y aura un marché en Europeet dans le mon<strong>de</strong>, et ceux qui sauront enfouir au moment <strong>de</strong> ce basculement gagneront le marché. Il est doncindispensable si l’on veut disputer ce marché <strong>de</strong> s’y intéresser dès maintenant. La France prend du retard parrapport au reste <strong>de</strong> l’Europe, parce qu’elle n’en ressent pas encore <strong>la</strong> nécessité » p.62.63


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDA l’étranger, l’enfouissement linéaire à très haute tension est très pratiqué. Ainsi,l’enfouissement <strong>de</strong> lignes <strong>THT</strong> a-t-il été réalisé en Angleterre, en Allemagne, au Danemark, auQuébec, et au Japon notamment. Parmi l’ensemble <strong>de</strong>s différents pays, <strong>la</strong> volonté politique ajoué un grand rôle : ce<strong>la</strong> va <strong>de</strong> <strong>la</strong> forte incitation dans les pays nordiques, au pragmatismeang<strong>la</strong>is et au désintérêt nord-américain. En Chine, l’impact environnemental est dé<strong>la</strong>issé auprofit <strong>de</strong> l’immense bénéfice économique : l’agence Chine-Nouvelle fait état du projet <strong>de</strong>réalisation d’une ligne électrique longue <strong>de</strong> 1100 km reliant <strong>la</strong> province du QINGHAI (au NordOuest) à LHASSA au TIBET. Il s’agirait <strong>de</strong> « <strong>la</strong> première à passer au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> 5.000 mètresd’altitu<strong>de</strong> » 185 . Par ailleurs, en Suisse, <strong>la</strong> problématique est analogue à celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. Lesréseaux non enterrés font polémique alors que <strong>la</strong> bataille re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> coût entrel’aérien et l’enfouissement fait rage. S’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, un site <strong>de</strong> recherches <strong>de</strong> longuedurée d’EDF est spécialement consacré à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’enfouissement <strong>de</strong>s câbles <strong>THT</strong> 186 .Néanmoins <strong>la</strong> culture <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne aérienne <strong>de</strong>meure. Cet état <strong>de</strong> fait a été mis en valeur lorsqueRTE avait restauré les lignes après <strong>la</strong> tempête <strong>de</strong> décembre 1999 : toutes les lignes aériennessoufflées par le vent furent remp<strong>la</strong>cées par d’autres lignes aériennes. Ce comportement valut àRTE et à <strong>la</strong> France, <strong>de</strong> manière générale, d’être qualifiés <strong>de</strong> « coureurs <strong>de</strong> ligne » outreat<strong>la</strong>ntique 187 .Enfin, l’enfouissement est <strong>de</strong> nature à réduire les risques d’inci<strong>de</strong>nts sur <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>spersonnes. En effet, dans un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> 2000, le SYCABEL – syndicat professionnel <strong>de</strong>s fabricants <strong>de</strong>fils et <strong>de</strong> câbles électriques et <strong>de</strong> communication- a mis en valeur <strong>la</strong> dangerosité <strong>de</strong>s lignesaériennes par comparaison aux lignes souterraines. Ce bi<strong>la</strong>n dresse <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s effets nuisibles<strong>de</strong>s lignes aériennes :- les activités agricoles (arrosage, irrigation, é<strong>la</strong>gage-abattage, circu<strong>la</strong>tion d'engin <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> hauteur, clôture pour animaux, palissa<strong>de</strong> <strong>de</strong> vigne, stockage en hauteur <strong>de</strong>produits agricoles)- les activités <strong>de</strong> bâtiment et travaux publics (circu<strong>la</strong>tion d'engins <strong>de</strong> levage et <strong>de</strong>manutention, engins spécialisés <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> hauteur, fouilles, forages, travaux avecgrues, échafaudage et échelles)- les activités industrielles et commerciales (transport aérien, station service, zoned'activité commerciale, camping, carrière et graviers)- les activités <strong>de</strong> loisirs (pèche, activités nautiques, parachutisme, aile <strong>de</strong>lta,parapente, montgolfière, ULM, cerf vo<strong>la</strong>nt, lieux <strong>de</strong> rassemblement pour <strong>de</strong>sexcursions ou <strong>de</strong>s manifestations ludiques ou sportives)- les activités publiques (instal<strong>la</strong>tions d'équipements sportifs, terrains <strong>de</strong> jeux, p<strong>la</strong>ines<strong>de</strong> jeux, établissements sco<strong>la</strong>ires, parkings publics, marchés, circuits touristiques)- les activités diverses (travaux <strong>de</strong> particuliers dans propriétés privées, actes <strong>de</strong>malveil<strong>la</strong>nce, ascension <strong>de</strong> pylônes) 188 .Néanmoins, s’agissant <strong>de</strong> l’électromagnétisme, l’enfouissement <strong>de</strong>s lignes n’estprobablement pas susceptible d’apporter un bénéfice significatif en matière <strong>de</strong> santé publique.Au titre du rapport KERT, « l’effet est principalement une diminution très sensible du champélectrique qui ne constitue pas selon les différentes expertises un facteur <strong>de</strong> risques. Par contre,à proximité immédiate <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne, le CEM va sensiblement augmenter en raison <strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong> <strong>la</strong>185 Article « PEKIN projette <strong>la</strong> plus haute ligne électrique au mon<strong>de</strong> » du journal suisse L’actualité Suisse dansle mon<strong>de</strong> (disponible sur swissinfo.ch), 10 mai 2008.186 Ce site est situé aux RENARDIERES.187 JEAN-LOUIS FLEURY « Coureurs <strong>de</strong> lignes, <strong>l'</strong>histoire du transport <strong>de</strong> <strong>l'</strong>électricité au Québec », MONTREAL,Éditions Stanké, 1999, p.22.188 Annexe XIV : tableau comparatif <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts dus aux lignes aériennes et aux lignes souterraines.64


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDdistance <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne » (qui est enterrée seulement à 1,5m <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur) 189 . Le champmagnétique à l’aplomb d’un câble à haute tension peut donc être supérieur à celui d’une ligneaérienne <strong>de</strong> même tension.étu<strong>de</strong>.Le régime qui entoure l’enfouissement <strong>de</strong>s linéaires électriques a été appliqué à notre§ II. La solution <strong>de</strong> l’enfouissement terrestre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligneCotentin-MaineLa solution <strong>de</strong> l’enfouissement terrestre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong> est un sujet d’actualité. Si <strong>la</strong>ligne est amenée, comme en l’espèce, à traverser <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> sites c<strong>la</strong>ssés, sonenfouissement est une obligation légale. Or, RTE soulève une exception légale dérogatoire :l’impossibilité technique. En effet, RTE se défend que l’enfouissement d’une ligne à 400.000volts sur une longueur <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 150 km soit, aujourd’hui, techniquement impossible. C’estpourtant <strong>la</strong> condition sine qua none du maintien du projet <strong>de</strong> réseau pour les régionauxconcernés. Le député KERT a précisé, pour le cas précis <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne Cotentin-Maine, que« l’enfouissement ne pourrait que concerner que quelques tronçons et que <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong>sCEM et <strong>de</strong>s courants induits ne serait absolument pas résolue et l’impact sur l’environnement,faune, flore, sol et sous-sol resterait important » 190 . Le sujet reste donc hautement polémique,tiraillé entre les propos <strong>de</strong> RTE, <strong>de</strong>s régionaux et <strong>de</strong>s experts.RTE a é<strong>la</strong>boré <strong>de</strong>s documents comparatifs propres au projet Cotentin-Maine. Ceux-cimettent en valeur <strong>la</strong> différence <strong>de</strong>s impacts entre une ligne aérienne et une ligne souterraine surle terrain sanitaire, environnemental et humain. D’abord, il convient <strong>de</strong> préciser les conditions<strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation technique d’un tronçon en technique souterraine pour <strong>la</strong> ligne Cotentin-Maine.La réalisation comprendrait :- 12 câbles (4 tricâbles)- 2 postes aérosouterrains <strong>de</strong> 4000 m² chacun (1 à chaque extrémité du tronçon)- 4 chambres <strong>de</strong> jonction <strong>de</strong> 40 m² tous les 500 m- 1 trappe d’accès tous les 1 à 1,5 km- 30 m <strong>de</strong> <strong>la</strong>rgeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> chantier- 2 m3 <strong>de</strong> béton par mètre <strong>de</strong> ligne- 15 m <strong>de</strong> <strong>la</strong>rgeur avec impossibilité <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntation d’arbres ou arbustes- 1 station <strong>de</strong> compensation d’environ 5000 m², si <strong>la</strong> longueur en souterrain est supérieure à25km 191 .Puis, il résulte <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, rédigée par le gestionnaire du réseau, une analysecomparative <strong>de</strong>s effets d’une ligne aérienne et d’une ligne souterraine, que nous pouvonstraduire au travers du présent tableau :189 Rapport KERT, Cf. supra note n°181, p.82.190 « <strong>Stop</strong> <strong>THT</strong>, ne pas enfouir les vraies questions » Ouest France, 5 juin 2008.191 « La ligne Cotentin-Maine à 400.000 volts », RTE, novembre 2007, p.15.65


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDLIAISON SOUTERRAINELIGNE AERIENNEPATRIMOINEImpacts sur le patrimoine archéologique, surl’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligneImpacts sur les périmètres <strong>de</strong>s monumentshistoriquesPAYSAGEImpacts localisés au niveau <strong>de</strong>s postesaérosouterrains ;Conséquences paysagères <strong>de</strong>s emprises surle bocageImpacts paysagers sur l’ensemble dulinéaire <strong>de</strong> l’ouvrage :- problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> silhouette <strong>de</strong>l’ouvrage- franchissement <strong>de</strong> crêtesBATIPerturbation <strong>de</strong> l’accès au bâti en phase <strong>de</strong>chantier ;Impact localisé <strong>de</strong>s postes aérosouterrains ;Bruit en phase <strong>de</strong> chantierPerturbation du cadre <strong>de</strong> vie et dupaysage <strong>de</strong> proximité ;Perturbations en phase <strong>de</strong> chantiers(accès au bâti, bruit, circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>sengins)AGRICULTUREImpact agricole sur les sols et les eaux(volume <strong>de</strong>s terres brassées, problème dudrainage) ;Impossibilité <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong>scultures arbustives et arborescentes ;Impact sur les vergers ;Echauffement <strong>de</strong>s sols ;Perturbation <strong>de</strong>s activités agricoles lors duchantier (clôture, dépôt provisoire <strong>de</strong>s terres)Terres excédantes à stocker (5000m²)Impacts localisés au niveau <strong>de</strong>ssupports ;Impacts agricoles liés aux pistes duchantierSOLSEmprise au sol <strong>de</strong> 15 m <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge enexploitation, et 30 m en phase <strong>de</strong>chantier 192 ;Entre 12 et 20 000 m3 <strong>de</strong> terres brassées ;Circu<strong>la</strong>tion d’engins lourds avec tassementlors du chantierEmprise au sol d’environ 200 m² par km ;Quelques dizaines <strong>de</strong> m3 <strong>de</strong> terresbrasséesCircu<strong>la</strong>tion d’engins lourds localisés au pied<strong>de</strong>s supportsEAUX SOUTERRAINESPerturbations <strong>de</strong> l’écoulement <strong>de</strong>s eauxsouterraines ;Risque <strong>de</strong> pollutions acci<strong>de</strong>ntelles <strong>de</strong>s sols et<strong>de</strong>s eauxPas <strong>de</strong> perturbation à l’écoulementEAUX SUPERFICIELLESPerturbation du chevelu hydrographique lors<strong>de</strong>s travaux ;Apport <strong>de</strong> matières en suspension etcolmatage <strong>de</strong>s fonds ;Difficulté <strong>de</strong> franchissement <strong>de</strong>sprincipaux cours d’eauImpacts localisés aux pistes d’accès lors <strong>de</strong><strong>la</strong> phase chantierFAUNEImpact sur les peuplements piscicoles liés àl’altération <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>s eaux ;Impacts sur <strong>la</strong> faune vivant au sol(amphibiens, mammifères…)Risque pour l’avifaune (réductible)VEGETATION Emprise sur les bois et les prairies ;Impacts sur <strong>la</strong> faune, <strong>la</strong> floreBOCAGEEmprise continue sur toutes les haiescoupées par le tracé (ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> 15 m <strong>de</strong><strong>la</strong>rge) ;Arasement <strong>de</strong>s talus, <strong>de</strong>ssouchage,perturbation <strong>de</strong>s chemins ;Perturbation <strong>de</strong>s fossés et réseau <strong>de</strong>drainage associéEmprise sur les forêts (60 m <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge,localisées sur ce projet) ;Emprise très faible sur les prairiesnaturellesNécessité d’étêter les arbres au point bas<strong>de</strong>s câbles sur une <strong>la</strong>rgeur d’unesoixantaine <strong>de</strong> mètres192 Pour se rendre compte <strong>de</strong> l’emprise au sol <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne souterraine, voir les photographiesen Annexe XV.66


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDLe présent document a pour but <strong>de</strong> montrer les points <strong>de</strong> convergence et <strong>de</strong> divergence<strong>de</strong>s impacts <strong>de</strong>s lignes aérienne et souterraine. Néanmoins, l’analyse a été rédigée par le maîtred’œuvre. Ainsi, dans un souci <strong>de</strong> transparence, <strong>la</strong> commission particulière <strong>de</strong> débat public acommandé une analyse complémentaire sur les alternatives techniques d’une ligne aérienne.Une « Expertise complémentaire sur les alternatives techniques à <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong> » seradonc effectuée par un cabinet d’experts indépendant qui <strong>de</strong>vra i<strong>de</strong>ntifier, analyser les diversessolutions et évaluer leurs conditions <strong>de</strong> réalisation et leurs impacts. Concrètement, <strong>la</strong> sociétéitalienne CESI a été choisie pour mener cette expertise qui a été rendue publique le 10 février2006 par <strong>la</strong> Commission particulière <strong>de</strong> débat public 193 . Elle met en exergue que l’alternative <strong>de</strong><strong>la</strong> construction d’une ligne souterraine <strong>de</strong> 150 km serait une première mondiale, conduisant à<strong>de</strong>s problèmes techniques importants. Si elle est jugée, a priori, techniquement faisable (§6.3.4<strong>de</strong> l’expertise), l’expert fait observer qu’il n’existe pas <strong>de</strong> référence dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> câblesouterrain <strong>de</strong> longueur supérieure à 40 km. De surcroît, l’ouvrage linéaire nécessiterait troisstations <strong>de</strong> compensation successives (pour transformer le courant continu en courant alternatif).Le CESI confirme que l’exploitabilité et <strong>la</strong> faisabilité d’une telle liaison est incertaine. S’agissantdu coût, l’expertise indique une différence dans un rapport <strong>de</strong> 11 entre l’aérien et le souterrain(§ 3.1.8 et § 3.2.9 <strong>de</strong> l’expertise). Dès lors l’alternative souterraine est-elle écartée par le CESI,confirmant <strong>la</strong> position <strong>de</strong> RTE.Enfin, rappelons que <strong>la</strong> Charte du parc naturel régional <strong>de</strong>s marais du Cotentin et duBessin encourage l’enfouissement total <strong>de</strong>s linéaires électriques ou, à défaut, préconisel’adoption <strong>de</strong> mesures pertinentes d’insertion paysagères. En effet, le projet <strong>de</strong> Charte 2009-2021 précise ses orientations en incitant les aménageurs à respecter les paysages et les espècesvégétales et animales protégées 194 .Dans un tel contexte, il est essentiel <strong>de</strong> se positionner sur <strong>la</strong> question du maintien duprojet. En effet, en l’état actuel <strong>de</strong>s connaissances scientifiques, l’enfouissement est impossible.Par ailleurs, les effets sur les CEM n’ont pas <strong>de</strong> reconnaissance universelle définitive. Dans cettesituation d’incertitu<strong>de</strong>, il convient <strong>de</strong> faire application du principe constitutionnel <strong>de</strong> précaution.193 Le CESI, CENTRO ELETTROTECNICO SPERIMENTALE ITALIANO, est un <strong>la</strong>boratoire indépendant italien. Il s’agit d’unesociété <strong>de</strong> services d'essais, <strong>de</strong> certification et <strong>de</strong> consultation reconnue internationalement et regroupant près<strong>de</strong> 1000 agents. Une expertise pour <strong>la</strong> ligne transpyrénéenne a aussi été commandée au CESI.194 Cf. supra note n°116.67


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDSection II. De <strong>la</strong> précaution à <strong>la</strong> prévention : réflexion sur <strong>la</strong> vio<strong>la</strong>tion d’une obligationconstitutionnelleL’application du principe <strong>de</strong> précaution exige pour certains l’abandon définitif du projet(§ I.). Sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s normes française en <strong>la</strong> matière, il est aisé <strong>de</strong> parfaire <strong>la</strong> réglementationre<strong>la</strong>tive à l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux rayonnements non ionisants (§ II.).§ I. La pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre du principe <strong>de</strong>précautionA titre liminaire, il convient <strong>de</strong> distinguer les conséquences du projet sur le territoireenvironnement<strong>de</strong> manière générale <strong>de</strong> celles liées à <strong>la</strong> santé humaine. En effet, dans le cas <strong>de</strong><strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement, le linéaire électrique a <strong>de</strong>s conséquences totalement connues :<strong>la</strong> <strong>de</strong>struction. C’est en matière d’effets <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé que le principe <strong>de</strong> précaution doittrouver, a priori, son application concrète. Nous nous attacherons donc à faire une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre dudit principe en matière <strong>de</strong> CEM.Les prolégomènes du principe <strong>de</strong> précaution doivent être recherchés dans <strong>la</strong> doctrine,notamment alleman<strong>de</strong>, dans les textes internationaux, communautaires et nationaux ainsi quedans <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce 195 .En premier lieu, le principe <strong>de</strong> précaution a été consacré par <strong>de</strong> nombreux textesinternationaux 196 . Ces textes incarnent <strong>la</strong> force du principe qui se voudrait universel.En second lieu, dans <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion française, le principe <strong>de</strong> précaution a été employépour <strong>la</strong> première fois dans <strong>la</strong> loi BARNIER du 2 février 1995. Ce principe est aujourd’hui posé dansl’article L.110-1 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement qui prévoit que les politiques <strong>de</strong> l’environnements’inspirent du principe <strong>de</strong> précaution selon lequel « l’absence <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>s, compte tenu <strong>de</strong>sconnaissances scientifiques et techniques du moment ne doit pas retar<strong>de</strong>r l’adoption <strong>de</strong> mesureseffectives et proportionnées visant à prévenir un risque <strong>de</strong> dommages graves et irréversibles àl’environnement, à un coût économiquement acceptable ».Puis, malgré <strong>la</strong> prétention du gouvernement <strong>de</strong>vant le Parlement <strong>de</strong> contenir l’applicationdu principe <strong>de</strong> précaution strictement à l’environnement, <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce l’a étendue au champ195 Sur ce point, voir l’historique du principe <strong>de</strong> précaution dans l’ouvrage « Droit international <strong>de</strong>l’environnement » JEAN-MARC LAVIEILLE, Le droit en question, Ellipses, 2 ème édition, 2004, p.95 et s.196 Il figure ainsi dans un texte fondateur adopté lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> conférence internationale sur <strong>la</strong> protection<strong>de</strong> <strong>la</strong> mer du Nord <strong>de</strong> novembre 1987. Il est également formulé dans <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> Rio publiée le 13 juin1992 à l’issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième conférence <strong>de</strong>s Nations-Unies sur l’environnement et le développement ratifiéepar <strong>la</strong> France le 20 juin 1994. Il a été introduit en droit communautaire par le Traité <strong>de</strong> l’Union européennesigné le 7 février 1992 à Maastricht. L’article 130 R. §2, qui énumère les principes <strong>de</strong>vant fon<strong>de</strong>r <strong>la</strong> politique<strong>de</strong> <strong>la</strong> Communauté dans le domaine <strong>de</strong> l’environnement, précise que celle-ci « est fondée sur les principes <strong>de</strong>précaution et d’action préventive, sur le principe <strong>de</strong> <strong>la</strong> correction, par priorité à <strong>la</strong> source, <strong>de</strong>s atteintes àl’environnement et sur le principe du pollueur-payeur ». Par ailleurs, <strong>la</strong> Commission européenne a adopté, le 2février 2000, une communication sur le principe <strong>de</strong> précaution. Elle a retenu que l’Union européenne disposedu droit <strong>de</strong> fixer le niveau <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement, <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et <strong>de</strong>s consommateurs qu’elle estimeapproprié, tout comme les autres membres <strong>de</strong> l’Organisation mondiale du commerce. Sur ce point, voir MICHELPRIEUR « Droit <strong>de</strong> l’environnement », Précis Dalloz, 5 ème édition, 2003, p.154 et s.68


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique. Cette position gouvernementale était difficilement tenable à <strong>la</strong> fois « parcequ’elle est contraire à <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce communautaire et parce qu’il est rare que les dommagesà l’environnement ne soient pas en même temps <strong>de</strong>s dommages à <strong>la</strong> santé humaine » selon lestermes <strong>de</strong> MICHEL PRIEUR 197 . Ainsi, les récentes crises sanitaires ont-elles permis <strong>de</strong> faire évoluerconsidérablement le champ d’application du principe <strong>de</strong> précaution. Par exemple, <strong>la</strong> crise liée à<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> CREUTZFELD-JACOB plus communément appelée « vache folle » a étendu l’applicationdudit principe à <strong>la</strong> santé et plus précisément à l’alimentation. Ainsi, <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> justice <strong>de</strong>scommunautés européennes a-t-elle débouté le gouvernement britannique qui contestaitl’embargo pris en mars 1996 sur l’exportation <strong>de</strong>s vian<strong>de</strong>s bovines au motif qu’ « il doit êtreadmis que, lorsque <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s subsistent quant à l’existence ou à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> risques pour<strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s personnes, les institutions peuvent prendre <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> protection sans avoir àattendre que <strong>la</strong> réalité et <strong>la</strong> gravité <strong>de</strong> ces risques soient pleinement démontrées » 198 . Puis il aaussi été utilisé aux fins <strong>de</strong> suspendre une autorisation <strong>de</strong> mise en culture <strong>de</strong> maïs OGM. Ouencore, il a permis <strong>de</strong> justifier le réexamen par le ministre <strong>de</strong> l’agriculture <strong>de</strong> sa décision <strong>de</strong>refus <strong>de</strong> retirer le pestici<strong>de</strong> Gaucho du marché, en raison <strong>de</strong>s risques pour les abeilles 199 .Enfin, le principe <strong>de</strong> précaution a été consacré le 1er mars 2005 dans <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong>l’environnement lui donnant ainsi une portée constitutionnelle. L’article 5 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte disposeainsi :« Lorsque <strong>la</strong> réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en <strong>l'</strong>état <strong>de</strong>sconnaissances scientifiques, pourrait affecter <strong>de</strong> manière grave et irréversible<strong>l'</strong>environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe <strong>de</strong>précaution et dans leurs domaines d'attributions, à <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong>procédures d'évaluation <strong>de</strong>s risques et à <strong>l'</strong>adoption <strong>de</strong> mesures provisoires etproportionnées afin <strong>de</strong> parer à <strong>la</strong> réalisation du dommage » 200 .S’agissant plus précisément <strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s magnétiques et électriques, <strong>la</strong>jurispru<strong>de</strong>nce administrative a fait une juste application du principe <strong>de</strong> précaution. D’abord enmatière <strong>de</strong> téléphonie mobile, <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> l’application du principe <strong>de</strong> précaution doit êtrerelevée. En effet, le juge a confirmé <strong>la</strong> possibilité pour un maire <strong>de</strong> prendre un arrêté municipald’interdiction d’imp<strong>la</strong>nter <strong>de</strong>s stations émettrices d’on<strong>de</strong>s radioélectriques à proximitéimmédiates <strong>de</strong>s habitations 201 . Le juge civil a même ordonné le dép<strong>la</strong>cement d’antennes re<strong>la</strong>i <strong>de</strong>téléphonie mobile en considérant que le principe <strong>de</strong> précaution « doit d’autant plus êtreprivilégié qu’à ce jour il ne s’est pas écoulé un nombre d’années assez suffisant pour avoir lerecul nécessaire pour affirmer qu’il n’existe aucun risque » 202 . Puis, le conseil d’Etat s’est luiaussi positionné sur <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre du principe <strong>de</strong> précaution en matière <strong>de</strong>ligne électrique à haute tension. Celui-ci a accepté d’examiner si les inconvénients du linéaire197MICHEL PRIEUR « Le principe <strong>de</strong> précaution », publication disponible sur le site internet :http://www.legiscompare.com/Publications/journees%20chinoises%20oct%202006/2-Prieur.pdf, p.8.198 CJCE 12 juillet 1996 ROYAUME-UNI contre Commission, Affaire C-180/96 Rec. p. I-3903, point 99. Voir aussiCJCE 5 mai 1998 C-180/96 Rec. p. I.2265.199 CE 9 octobre 2002 Union Nationale pour l’Apiculture Française, n°233876 et AJDA n°18, 2002,p.1180 : pour le pestici<strong>de</strong> Gaucho; CE 25 septembre 1998 Association GREENPEACE FRANCE, rec. p.343 : contreles OGM.200 Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1 er mars 2005 re<strong>la</strong>tive <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement.201 CE 11 février 2005 Société Orange FRANCE n°272446.202 TGI TOULON 20 mars 2006, RDE n°139 juin 2006 p.164.69


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDélectrique étaient compensés par <strong>de</strong>s mesures satisfaisant aux exigences du principe <strong>de</strong>précaution. Le juge administratif a considéré que :« <strong>l'</strong>atteinte aux paysages et aux sites ainsi qu'au patrimoine culturel, à <strong>la</strong>flore et à <strong>la</strong> faune ou au cadre <strong>de</strong> vie et au développement touristique <strong>de</strong> <strong>la</strong>zone intéressée n'est pas, compte tenu notamment <strong>de</strong>s mesures prises pour<strong>la</strong> limiter et satisfaire aux exigences du principe <strong>de</strong> précaution énoncé à<strong>l'</strong>article L. 200-1 du Co<strong>de</strong> rural, <strong>de</strong> nature à retirer à <strong>l'</strong>ouvrage son caractèred'utilité publique » 203 .Le contentieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie du bi<strong>la</strong>n est donc lui aussi pénétré par <strong>la</strong> dynamique du principe <strong>de</strong>précaution. Cependant <strong>la</strong> position du juge administratif nous paraît critiquable en ce sens quel’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’utilité publique d’un projet ne saurait être envisagée sous l’angle du respect d’’uneobligation légale. En effet, le principe ne saurait être l’un <strong>de</strong>s moyens au service <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie dubi<strong>la</strong>n. Il a une existence légale autonome (élevée à une hauteur constitutionnelle <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> loiconstitutionnelle du 1 er mars 2005). Il ne peut donc pas être un élément <strong>de</strong> nature à retirer auprojet son utilité publique. Il est au contraire un élément <strong>de</strong> nature à affirmer qu’un projet estillégal ou inconstitutionnel dans toute sa substance. L’emploi pertinent du principe <strong>de</strong> précaution<strong>de</strong>meure donc, pour nous, immature. Au vu <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong>, il est possible <strong>de</strong>s’interroger sur <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre dudit principe en l’espèce.La pertinence <strong>de</strong> l’application du principe <strong>de</strong> précaution se heurte à une premièredifficulté. En effet, l’obstacle est constitué par l’omniprésence <strong>de</strong>s CEM dans <strong>la</strong> société mo<strong>de</strong>rne,à <strong>de</strong>s niveaux extrêmement variables et sur <strong>de</strong>s gammes <strong>de</strong> fréquence très <strong>la</strong>rges. Parconséquent il est ma<strong>la</strong>isé <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s politiques cohérentes généralisées alors que <strong>la</strong>mesure <strong>de</strong>s CEM dans l’environnement ambiant se fait au cas par cas (exposition rési<strong>de</strong>ntielle,dans les hôpitaux, les écoles, pour les personnes affaiblies, les enfants, selon <strong>la</strong> distance duposte émetteur...). Ce sont autant d’éléments qui jugulent l’action <strong>de</strong>s différents acteurs dansleur mission d’ériger un statut juridique précis <strong>de</strong>s CEM.Certes, <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> définition d’un cadre juridique irrévocable ne se pose pas enl’état <strong>de</strong>s connaissances disponibles. Cependant cet état <strong>de</strong> fait ne saurait être une excuse àl’application effective du principe <strong>de</strong> précaution. « Si le risque <strong>de</strong> dommage était grave maisréversible, on pourrait prendre le temps d’approfondir les connaissances scientifiques avantd’adopter <strong>la</strong> décision » 204 . Au contraire, l’absence <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> précaution va directement àl’encontre <strong>de</strong>s exigences constitutionnelles édictées en 2005 par <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> l’environnement.Des mesures <strong>de</strong> précaution sont toujours une invitation à <strong>la</strong> perfectibilité <strong>de</strong>s normes lorsque lesconnaissances scientifiques le permettront. Dans l’attente d’un tel dénouement il faut p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r en203 CE 28 juillet 1999 Association Intercommunale du MORBIHAN sous très haute tension, n°184268, RDEOctobre 1999 p.13, note <strong>de</strong> CHANTAL CANS. Dans le même sens, voir CE 2 juin 2003 Association Bouconne Val<strong>de</strong> Save et autres, req. n°249321.204 KARINE FOUCHER « Principe <strong>de</strong> précaution et risque sanitaire : Recherches sur l‘encadrement juridique <strong>de</strong>l’incertitu<strong>de</strong> », l’Harmattan, 2002, p.22. Cet ouvrage correspond à <strong>la</strong> publication d’une thèse <strong>de</strong> doctorat endroit public, sous <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> RAPHAËL ROMI et JEAN-CLAUDE HELIN, NANTES, 2000.70


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDfaveur du respect du principe constitutionnel <strong>de</strong> précaution tel qu’édicté dans l’article 5 <strong>de</strong> <strong>la</strong>Charte <strong>de</strong> l’environnement.Appliqué à notre étu<strong>de</strong>, le principe <strong>de</strong> précaution vise à prévenir <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong>dommages caractérisés par l’incertitu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> gravité et l’irréversibilité. Dans <strong>la</strong> mesure où <strong>la</strong> santéest en jeu, le défaut <strong>de</strong> précaution sera significativement sanctionné. La contaminationélectromagnétique est c<strong>la</strong>irement une forme <strong>de</strong> pollution qui s’inscrit dans le temps, faisantintervenir un processus d’accumu<strong>la</strong>tion jusqu’à donner <strong>la</strong> mort. Que pourrait-il exister <strong>de</strong> plusirréversible que <strong>la</strong> fin d’une vie ? Il est nécessaire <strong>de</strong> préciser que cette vie peut être humaine,animale ou végétale : vision échappée du prisme <strong>de</strong> l’ethnocentrisme. Il est donc nécessaire <strong>de</strong>s’insurger contre cette vision permissive du principe <strong>de</strong> précaution qui ne postule aucunement <strong>la</strong>consécration d’un droit à <strong>la</strong> sécurité <strong>de</strong>s habitants. Le poids acquis par ce principe dans ledomaine socio-politique et notamment au travers <strong>de</strong> sa forte médiatisation est loin <strong>de</strong> rejoindrele poids <strong>de</strong> son effectivité. En ce sens, il est aisé d’opposer sa mobilisation abusive à sonexistence quasiment réduite à <strong>la</strong> simple rhétorique 205 . La doctrine a par ailleurs p<strong>la</strong>idé en faveur<strong>de</strong> <strong>la</strong> consécration <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité sanitaire comme nouvelle composante <strong>de</strong> l’ordre public,s’ajoutant aux trois composantes traditionnelles (sécurité, tranquillité et salubrité publiques) 206 .En tout état <strong>de</strong> cause, l’absence <strong>de</strong> prise en compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité sanitaire témoigne <strong>de</strong> <strong>la</strong>sclérose <strong>de</strong> <strong>la</strong> forme juridique actuelle du principe <strong>de</strong> précaution.Par ailleurs, une autre réflexion est à mener sur <strong>la</strong> substitution du principe <strong>de</strong> précaution auprincipe <strong>de</strong> prévention. Le principe <strong>de</strong> prévention implique <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> règles et d’actionpour anticiper toute atteinte connue à l’environnement ou à <strong>la</strong> santé. Ces règles doivent tenircompte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers progrès techniques et scientifiques. Il s’agit d’un principe agissant dans uncontexte <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> scientifique. Or, <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s CEM est, a priori, <strong>la</strong>cunaire. Dans cesconditions, <strong>de</strong>ux positions peuvent être adoptées. Soit on considère que les conséquences <strong>de</strong>s effets<strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé sont totalement inconnues : <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> précaution sont alors exigibles.Soit on considère, au contraire, que certains <strong>de</strong>s effets sont connus : le contexte <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>,même partiel, exigerait <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> prévention. Une même matière <strong>de</strong>vrait aisément pouvoirrecevoir dans le même temps <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> précaution et <strong>de</strong> prévention. Elles permettraient <strong>de</strong>pouvoir épouser au mieux les attentes <strong>de</strong>s riverains. Il apparaît naturel que <strong>la</strong> transition entrel’incertitu<strong>de</strong> et <strong>la</strong> certitu<strong>de</strong> ne soit pas un choc brutal. Dès lors, nous serions témoins d’unglissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> précaution vers <strong>la</strong> prévention au fur et à mesure <strong>de</strong>s découvertes scientifiques. Eneffet, même si les étu<strong>de</strong>s réalisées en <strong>la</strong>boratoire excluent <strong>la</strong> possibilité d’un effet délétère <strong>de</strong>s CEMsur <strong>la</strong> santé, les étu<strong>de</strong>s épidémiologiques, quant à elles, posent c<strong>la</strong>irement un lien <strong>de</strong> causalitéentre les <strong>de</strong>ux. La précaution et <strong>la</strong> prévention ne sauraient être cloisonnées.La secon<strong>de</strong> difficulté <strong>de</strong> ce glissement qualitatif apparaît davantage dans le refusd’officialiser les étu<strong>de</strong>s qui vont dans le sens <strong>de</strong> l’affirmation <strong>de</strong>s effets sanitaires délétères <strong>de</strong>s CEM.Nous serions donc moins dans un contexte d’incertitu<strong>de</strong> que dans un contexte <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> doublé205 Sur ce point, voir PIERRE LASCOUME « La précaution, un nouveau standard <strong>de</strong> jugement », Esprit, 1997,p.129 et s.206 DAVID JACOTOT « La notion <strong>de</strong> sécurité sanitaire », Thèse, DIJON, 1999, p.129.71


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDd’un déni <strong>de</strong> certaines étu<strong>de</strong>s. Dès lors, il est possible d’avaliser <strong>la</strong> thèse selon <strong>la</strong>quelle lesconséquences néfastes <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux CEM sont connues mais simplementignorées. Le seuil <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> se situe au niveau <strong>de</strong> l’officialisation <strong>de</strong>s conclusions <strong>de</strong>s enquêtes.Ce<strong>la</strong> marque c<strong>la</strong>irement un manque d’indépendance <strong>de</strong>s politiques dans le mon<strong>de</strong> scientifique. Lespolitiques et les autorités pensantes en matière d’énergie refusent <strong>de</strong> soutenir les conclusions <strong>de</strong>sétu<strong>de</strong>s épidémiologiques. C<strong>la</strong>irement, les étu<strong>de</strong>s existent et elles concluent à un sur-risque <strong>de</strong>cancer. Il semble, pour nous, que l’apport <strong>de</strong>s nouvelles étu<strong>de</strong>s ait opéré un début <strong>de</strong> transfert duprincipe <strong>de</strong> précaution vers le principe <strong>de</strong> prévention, <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s CEM étant <strong>de</strong> plus en plusrenforcée. Le cumul <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s épidémiologiques et leur caractère unanime, notamment pour <strong>la</strong>leucémie infantile, ont favorisé l’émergence d’un tel transfert. Ce n’est pas l’officialisation politique<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s qui doit les rendre probantes. Elles sont probantes. Pourtant, <strong>la</strong> France refuse <strong>de</strong> lesprendre en compte. La problématique peut alors se concentrer sur le bénéfice d’un tel déni : à quiprofite un tel <strong>la</strong>xisme ?§ II. La vio<strong>la</strong>tion d’une obligation constitutionnelle : enjeux etresponsabilitésL’incertitu<strong>de</strong> permet c<strong>la</strong>irement à EDF et RTE <strong>de</strong> pérenniser le développement aérien <strong>de</strong>ses lignes. De surcroît, l’avènement définitif du danger caractéristique <strong>de</strong>s lignes à haute tensionexigerait <strong>la</strong> modification <strong>de</strong> toutes les lignes existantes pour satisfaire aux objectifs sanitaires.Cependant, dans le domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> responsabilité, il est possible <strong>de</strong> se poser <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoirsi le défaut <strong>de</strong> précaution <strong>de</strong> l’administration entraînerait <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> l’Etat. Selon MICHELPRIEUR, l’incertitu<strong>de</strong> aurait en partie une vertu exonératoire 207 . Plus précisément, dans notreétu<strong>de</strong>, les enjeux liés à l’imp<strong>la</strong>ntation du linéaire électrique ont permis <strong>de</strong> pointer, d’une part, le<strong>la</strong>xisme <strong>de</strong>s autorités nationales et, d’autre part, le regain d’intérêt <strong>de</strong>s administrateurs locaux.Ces <strong>de</strong>rniers ont décidé <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s mesures pour rester en conformité avec les valeursconstitutionnelles qu’ils défen<strong>de</strong>nt.En premier lieu, les représentants du maître d’ouvrage, présents lors du débat publicse sont constamment p<strong>la</strong>cés sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s normes françaises en vigueur, inspirées <strong>de</strong> <strong>la</strong>réglementation européenne. Ils concluent que l’état <strong>de</strong>s connaissances médicales ne semblenullement justifier que <strong>de</strong>s mesures ou <strong>de</strong>s précautions supplémentaires soient prises : qu’ils’agisse d’une éventuelle in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s riverains au titre <strong>de</strong> leur impact sur <strong>la</strong> santé ou <strong>de</strong>servitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> non aedificandi. Puis postérieurement, RTE s’est engagé à ce que <strong>la</strong> future ligne nesurplombe pas les constructions existantes, habitations et bâtiments d’élevage inclus.En second, lieu, <strong>la</strong> représentante <strong>de</strong> l’OMS a fait valoir que les mesures <strong>de</strong> précaution<strong>de</strong>vaient être proportionnelles avec l’impact sur <strong>la</strong> santé publique et surtout économiquementjustifiables 208 . Le recours à l’argument financier met à mal <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> l’enfouissement en tantque mesure d’application du principe <strong>de</strong> précaution. L’OMS insiste sur le fait qu’il faut justifier <strong>la</strong>mise en œuvre <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> précaution, rappe<strong>la</strong>nt l’incertitu<strong>de</strong> persistante <strong>de</strong>s résultats207 Cf. supra note n°195.208 « Compte rendu du débat public sur le projet <strong>de</strong> ligne à <strong>THT</strong> Cotentin-Maine » CNDP, avril 2006, p.41.72


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDépidémiologiques. Or, n’est-ce pas justement dans un tel contexte d’incertitu<strong>de</strong> que le principe<strong>de</strong> précaution trouve son application <strong>la</strong> plus évi<strong>de</strong>nte ? En effet, le principe <strong>de</strong> précaution estune politique <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s risques qui est appliquée dans les circonstances où l’incertitu<strong>de</strong>scientifique est gran<strong>de</strong> et qui reflète <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s mesures à l’égard <strong>de</strong>s risquespouvant être graves et ce, sans attendre les résultats <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche scientifique. Or,contrairement à <strong>la</strong> définition même du principe, l’OMS ne conseille pas aux autorités nationalesd’é<strong>la</strong>borer <strong>de</strong>s politiques qui dépassent les connaissances établies. Pourtant, <strong>la</strong> France ne peutattendre que <strong>la</strong> réalité ou <strong>la</strong> gravité <strong>de</strong>s risques <strong>de</strong>vienne manifeste avant <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>smesures <strong>de</strong> précaution 209 . Toutefois, dans <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration qui a été signée à Londres, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong>troisième conférence européenne sur l’environnement et <strong>la</strong> santé en 1999, l’OMS a été incitée àtenir compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité d’appliquer rigoureusement le principe <strong>de</strong> précaution dansl’évaluation <strong>de</strong>s risques et d’adopter une approche préventive plus dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>sdangers 210 . La représentante <strong>de</strong> l’OMS dans le projet Cotentin-Maine a aussi précisé que « c’estaux autorités nationales et à elles seules d’établir <strong>de</strong> telles mesures ». Il est constant que lesautorités décisionnelles en matière d’électricité ainsi que le maître d’œuvre se comp<strong>la</strong>isent à secacher <strong>de</strong>rrière les valeurs-gui<strong>de</strong> libérales <strong>de</strong> l’OMS.Enfin, pour imposer l’application légitime du principe <strong>de</strong> précaution, un collectif <strong>de</strong>smaires <strong>de</strong>s différentes communes impactées ont édicté <strong>de</strong>s arrêtés. En effet, 20 d’entre eux, ontédicté <strong>de</strong>s arrêtés interdisant le passage <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique à moins <strong>de</strong> 500m d’une habitationou d’un bâtiment d’élevage 211 .Puis, il convient <strong>de</strong> s’interroger sur le fait <strong>de</strong> savoir s’il est possible d’introduire <strong>de</strong>s mesures<strong>de</strong> précaution sans passer outre les normes en vigueur, qui ont un fon<strong>de</strong>ment scientifique officialisé.L’accent est mis sur une réduction <strong>de</strong> l’exposition aux CEM. Cette politique consiste à minimiser lesrisques connus en maintenant l’exposition à son plus bas niveau raisonnablement réalisable, comptetenu <strong>de</strong>s coûts, <strong>de</strong>s techniques, <strong>de</strong>s avantages pour <strong>la</strong> santé publique et <strong>la</strong> sécurité et d’autrespréoccupations sociales et économiques. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique dite ALARA : AS LOW AS REASONABLYACHIEVABLE, traduite en français par « aussi bas qu’il est raisonnablement possible ». Crée en 1996,le principe ALARA – <strong>de</strong>venu par <strong>la</strong> suite un véritable réseau- est le support et le vecteur <strong>de</strong>l’optimisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> radioprotection (rayonnements ionisants). Il consiste à mettre en œuvre lesactions <strong>de</strong> protection jugées les plus efficaces et les plus raisonnables quels que soient les niveauxd’exposition 212 . Dans ces circonstances, il est raisonnable <strong>de</strong> minimiser les risques censés exister,même à <strong>de</strong>s niveaux inférieurs aux limites recommandées (car ce qui constitue un risqueacceptable varie en fonction <strong>de</strong>s individus). Ce principe est-il transposable en matière <strong>de</strong>rayonnements non ionisants, à savoir les CEM ? La réponse est c<strong>la</strong>irement négative : cette politique<strong>de</strong> précaution ne convient pas aux CEM, car aucun risque n’est avéré à <strong>de</strong> faibles niveauxd’exposition. Sur ce point, en effet, l’ensemble <strong>de</strong>s scientifiques ont atteint un consensus.209 D’ailleurs, si les effets étaient manifestes, <strong>la</strong> précaution <strong>la</strong>isserait <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> prévention, les conséquences<strong>de</strong>s CEM étant connues.210 « Champs électromagnétiques et santé publique, politique <strong>de</strong> précaution » World Health Organisation, mars2000.211 « Ces arrêtés que redoute RTE » La Manche Libre, 12 juillet 2008.212 « Le réseau ALARA » INRS, Document pour le Mé<strong>de</strong>cin du travail, n°111 3 ème trimestre 2007, p.301.73


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDL’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> réflexion autours du principe <strong>de</strong> précaution est une invitation pour lesaménageurs à adopter un comportement responsable à l’égard <strong>de</strong>s effets non intentionnels etcumu<strong>la</strong>tifs d’une innovation qu’ils enten<strong>de</strong>nt exploiter 213 . Il <strong>de</strong>vient une véritable procédured’évaluation <strong>de</strong>s risques. C’est en ce sens qu’il stimule <strong>la</strong> recherche scientifique pour réduire lesincertitu<strong>de</strong>s qui persistent encore dans l’esprit <strong>de</strong> certains.Finalement, il est nécessaire d’alimenter et <strong>de</strong> diffuser les idées naissantes en matière <strong>de</strong>transport électrique afin d’en connaître les tenants et les aboutissants. Pour ce faire, un granddébat public a été organisé sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission particulière <strong>de</strong> débat public. Toutes lesproblématiques qu’a suscitées le projet litigieux ont, en effet, été démêlées, portées par lesintéressés au travers <strong>de</strong>s différents débats publics. Pourtant une incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>meure sur <strong>la</strong> qualité<strong>de</strong>s échanges entre les protagonistes. Dès lors, <strong>la</strong> présente étu<strong>de</strong> se propose d’analyser les <strong>de</strong>uxprojets d’Etat (EPR et linéaire électrique) sous <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative.213 LAURENCE BOY, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du principe <strong>de</strong> précaution dans <strong>la</strong> directive UE du 12 mars 2001 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong>dissémination volontaire <strong>de</strong>s OGM, RJE n°1, 2002, p.5.74


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDTitre 2.Une remise en question <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative« La loi est l’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté générale. Tous les citoyens ont droit <strong>de</strong> concourirpersonnellement ou par leurs représentants à sa formation [...]». Cet extrait <strong>de</strong> l’article 6 <strong>de</strong> <strong>la</strong>Déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et du citoyen du 26 août 1789 a posé les bases <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratieparticipative. La consécration récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> bonne gouvernance ne recouvre une réalité juridiquequ’au travers <strong>de</strong> sa construction évolutive: <strong>de</strong> 1789 à aujourd’hui.Historiquement, les procédures participatives se sont développées au travers <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxformes <strong>de</strong> pression : <strong>la</strong> revendication <strong>de</strong>s élus qui souhaitaient <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> l’Etat plus <strong>de</strong>décentralisation et, par écho, <strong>la</strong> revendication <strong>de</strong>s citoyens <strong>de</strong> participer aux décisions pouvantaffecter leur cadre <strong>de</strong> vie 214 . En réponse, une création continue <strong>de</strong> dispositifs textuels a permisd’ouvrir <strong>la</strong>rgement les procédures <strong>de</strong> participation. En effet, plus qu’une consécration légis<strong>la</strong>tive, lelégis<strong>la</strong>teur constitutionnel a élevé le principe <strong>de</strong> participation à une hauteur constitutionnelle. Puis legouvernement lui-même a souhaité organiser <strong>de</strong>s échanges publics d’opinion sur <strong>la</strong> politiqueénergétique. Néanmoins, même si les discours politiques louent les vertus <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratieparticipative, il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que les autorités couvrent les irrégu<strong>la</strong>rités dont elle faitl’objet. La reconnaissance d’un principe n’emportant pas par elle-même son application concrète. Laquestion explicitement débattue fut principalement celle <strong>de</strong>s promoteurs du nucléaire : « lenucléaire ou l’effet <strong>de</strong> serre ? » Le gouvernement a donc repris à son compte l’effet repoussoir duchangement climatique pour développer ses projets : l’EPR est né, <strong>la</strong> ligne électrique ne pourraqu’être réalisée. Ici, <strong>la</strong> problématique se dévoile aisément. En effet, en présence d’autorités enproie à <strong>la</strong> réalisation, coût que coûte, du projet Cotentin-Maine, les informations nécessaires à <strong>la</strong>participation du public ont une nature partisane. L’intelligibilité du projet est alors abusée par <strong>la</strong>diffusion <strong>de</strong> documents publics au contenu exclusivement avantageux. Dès lors, nous nouspositionnerons sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative en présence d’unprojet d’Etat dont <strong>la</strong> réalisation est inéluctable (Chapitre I.). Par ailleurs, il est constant qu’uneparticipation effective <strong>de</strong>s riverains, <strong>de</strong>s élus et <strong>de</strong>s intéressés <strong>de</strong> manière générale ne sauraitrester inopérante. En effet, <strong>la</strong> participation a une vocation supérieure : celle <strong>de</strong> modifierpositivement un projet. Le débat apparaît alors comme l’écueil d’une information qualitative qui,partagée entre les différents acteurs, permet une meilleure lecture <strong>de</strong>s projets. Nous verrons doncdans quelle mesure les procédures <strong>de</strong> concertation peuvent conduire à une requalification <strong>de</strong>sprojets d’infrastructure et au raisonnement <strong>de</strong>s protagonistes impliqués. Cette solution seraenvisagée sous l’angle <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> linéaires électriques (Chapitre II.).214 « La participation du public aux décisions en matière d’urbanisme : une intégration ambiguë ?» JEAN-CLAUDEHELIN, Construction et urbanisme n°7, juillet 2007.75


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre I.L’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention d’AARHUS à un projet d’EtatLe citoyen d’aujourd’hui n’accepte plus une re<strong>la</strong>tion verticale, empreinte d’autorité, avecles autorités décisionnelles. Dans une société démocratique, <strong>la</strong> manifestation <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissancepublique est davantage révé<strong>la</strong>trice d’une position <strong>de</strong> domination entre l’Etat et les intéressés.Pourtant, <strong>la</strong> nature même <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux projets d’Etat permet <strong>de</strong> douter <strong>de</strong> <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> miseen œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative. Néanmoins, ces <strong>de</strong>rnières années, nous assistons à <strong>la</strong>volonté persistante d’atténuer les effets <strong>de</strong> cette inégalité entre les <strong>de</strong>ux protagonistes que sontl’Etat et les administrés. A cet égard, <strong>la</strong> Convention d’Aarhus est une <strong>de</strong>s manifestations les plusglobales <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité d’une information et d’une participation <strong>de</strong> qualité 215 . Elle prône lerespect <strong>de</strong> l’idéal démocratique en encourageant <strong>la</strong> participation du citoyen dans le processusdécisionnel (Section I.). Cependant, comment savoir si <strong>la</strong> participation a été effective voirequalitative ? En France, il n’existe pas <strong>de</strong> mètre-étalon permettant <strong>de</strong> « mesurer » <strong>la</strong>participation du public au processus décisionnel. Cependant, JACQUES DONZELOT et RENAUD EPSTEINont ranimé un ancien instrument <strong>de</strong> mesure américain, une échelle <strong>de</strong> participation quasimentinconnue en France, et d’ailleurs non traduite en français. Celle-ci hiérarchise différents niveaux<strong>de</strong> participation qui permettent d’établir un niveau en <strong>de</strong>çà duquel nous pouvons affirmer qu’iln’y a pas eu participation. Nous appliquerons donc cette échelle au projet Cotentin-Maine(Section I.).Section I. Une procédure d’exception aux décisions uni<strong>la</strong>térales <strong>de</strong> l’AdministrationDans le domaine du transport d’électricité, l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s lignes constitue <strong>de</strong>s casd’aménagements lourds aux enjeux nombreux et importants. La présente étu<strong>de</strong> estreprésentative <strong>de</strong>s problématiques collectives complexes : les enjeux sont locaux et globaux(enjeux paysagers, fonciers, sanitaires et <strong>de</strong> sécurité notamment). De ce fait, EDF et sa filialeont été conduites à ouvrir et à mettre en discussion leurs projets (§ I.). Elles fournissent aussiun ensemble <strong>de</strong> documents, le cas-échéant vulgarisé, <strong>de</strong>stiné à informer aux mieux les acteurslocaux (§ II.).§ I. Les procédures <strong>de</strong> concertation <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseauélectriqueLes procédures <strong>de</strong> concertation sont amenées à se développer <strong>de</strong> plus en plus : d’unepart, en raison <strong>de</strong>s évolutions légis<strong>la</strong>tives et du renforcement <strong>de</strong>s pratiques encadrées dans lesgrands établissements d’aménageur, d’autre part car le développement <strong>de</strong>s équipements estdavantage déterminé par le partage <strong>de</strong>s financements entre acteurs locaux, nationaux etcommunautaires. La rationalité qui prési<strong>de</strong> au développement <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau favorisedonc le recours à <strong>la</strong> négociation dans les choix publics. La participation du public en matière <strong>de</strong>215 Convention re<strong>la</strong>tive à l’accès à l’information, <strong>la</strong> participation du public au processus décisionnel et l’accès à<strong>la</strong> justice en matière environnementale, signée à AARHUS le 25 juin 1998, publiée en droit interne par le décretd’application n°2002-1187 du 12 septembre 2002, JO 21 septembre 2002.76


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDprojet <strong>de</strong> réseau électrique emprunte au droit général <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation et présente aussi <strong>de</strong>smodalités <strong>de</strong> concertation propres à sa matière.Historiquement, <strong>la</strong> loi du 12 juillet 1983 dite BOUCHARDEAU a rénové <strong>la</strong> procédured’enquête publique en <strong>la</strong> démocratisant 216 . Les principales mesures avaient pour objectifd’obliger les aménageurs et l’administration à communiquer avec le public. Deux ans plus tard,<strong>la</strong> Loi du 18 juillet 1985 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> définition <strong>de</strong> principes d’aménagement a créé uneobligation nouvelle dite <strong>de</strong> concertation préa<strong>la</strong>ble, intégrée à l’article L 300-2 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’urbanisme 217 . Plus précisément en matière <strong>de</strong> ligne électrique, il convient <strong>de</strong> relever <strong>la</strong>circu<strong>la</strong>ire BIANCO du 15 décembre 1992 re<strong>la</strong>tive aux infrastructures <strong>de</strong> transport 218 . Cependant ilne s’agit que d’un gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> bonne pratique, <strong>de</strong> valeur infra légis<strong>la</strong>tive. Puis, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ireBILLARDON DU 14 JANVIER 1993 intervient aussi dans le domaine <strong>de</strong> l’aménagement <strong>de</strong> réseauxélectriques 219 . Elle propose <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation en <strong>la</strong> matière. Elleest intervenue en réponse à un conflit entre <strong>de</strong>s citoyens actifs et les autorités publiques qui nese satisfaisaient pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> simple idée d’une démocratie participative et d’une enquête publique.Les ministres concernés ont alors dû tirer les conséquences <strong>de</strong> cette difficulté en définissant uneconcertation plus ambitieuse que celle proposée par l’article L 300-2 CDU susvisé. Celle-ci donneun rôle prépondérant aux élus mais moindre aux associations. En réalité, elle s’appuie sur unprotocole signé entre EDF et l’Etat en 1992. Pourtant sa faible portée juridique explique enpartie le fait qu’elle n’ait pas prospéré.Puis, <strong>la</strong> formalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation est complétée par le premier accord « RéseauxElectriques et Environnement » signé entre EDF et les pouvoirs publics. Cet accord instituel’in<strong>de</strong>mnisation du préjudice visuel et le F.A.R (Fonds d’Aménagement <strong>de</strong>s Réseaux) pour leslignes d’une tension <strong>de</strong> 225.000 et 400.000 volts.Une étape majeure est ensuite franchie avec <strong>la</strong> loi BARNIER du 2 février 1995 re<strong>la</strong>tive aurenforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement 220 . Elle institue <strong>la</strong> Commission nationale <strong>de</strong>débat public qui constitue une véritable amorce d’un droit <strong>de</strong>s citoyens au débat public sur lesgran<strong>de</strong>s opérations d’aménagement, les grands projets d’intérêt national. Son régime vad’ailleurs être conforté, stabilisé et étendu par <strong>la</strong> loi « Démocratie <strong>de</strong> proximité » du 27 février2002 221 . Puis <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation adoptée en 1997 définit <strong>de</strong>s modalités d’organisation<strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation « qui ne peut se limiter à un examen <strong>de</strong> ses modalités d’exécution» : elles’adresse directement aux citoyens en distinguant plusieurs phases <strong>de</strong> concertation(concertation sur le programme du projet et sur le projet lui-même). Néanmoins, cette Charte216 Loi n° 83-630, 12 juillet 1983 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> démocratisation <strong>de</strong>s enquêtes publiques et à <strong>la</strong> protection <strong>de</strong><strong>l'</strong>environnement, JO 13 Juillet 1983.217 Loi n° 85-729, 18 juillet 1985, JO 19 Juillet 1985.218 Cette circu<strong>la</strong>ire du ministère <strong>de</strong> <strong>l'</strong>Équipement n'a pas été publiée au Journal officiel. On peut en consulter letexte au supplément « textes officiels » du Moniteur <strong>de</strong>s travaux publics du 25 décembre 1992.219 Cette circu<strong>la</strong>ire, également non publiée au JO, a été précédée d'un important protocole signé le 25 août1992 par le prési<strong>de</strong>nt d'EDF, G. MENAGE, et, pour <strong>l'</strong>État, par le Premier ministre P. BEREGOVOY, le ministre <strong>de</strong><strong>l'</strong>Environnement S. ROYAL et le ministre <strong>de</strong> <strong>l'</strong>Industrie et du Commerce extérieur D. STRAUSS KAHN.220 Cf. supra note n°85.221 Loi n°2002-776 du 27 février 2002, JO 24 décembre 2002, texte n°2.77


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDn’a pas <strong>de</strong> valeur autre que celle d’un gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> bonne pratique 222 . Ensuite, le <strong>de</strong>uxième accord« Réseaux Electriques et Environnement » est signé en 1997. Il institue le P<strong>la</strong>n LocalEnvironnement et Emploi (P.L.E.E), pour les lignes <strong>de</strong> 400.000 volts. Le troisième accord« Réseaux Electriques et Environnement » <strong>de</strong> 2001 remp<strong>la</strong>ce le F.A.R et le P.L.E.E par leprogramme d’accompagnement <strong>de</strong> projet (P.A.P). Le 9 septembre 2002, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire FONTAINEreprend l’accord précé<strong>de</strong>nt en y intégrant <strong>de</strong>s mesures d’accompagnement. Cette même année,RTE <strong>de</strong>vient une filiale d’EDF. Le contrat <strong>de</strong> service public qui reconduit l’ensemble <strong>de</strong>sprocédures <strong>de</strong> concertation susvisées est donc signé en 2005 entre RTE et l’Etat.Le droit international et communautaire a, lui aussi, participé à <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> <strong>la</strong>démocratie participative. En effet, pour satisfaire aux exigences <strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention d’AARHUS,d’une part, et <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive « P<strong>la</strong>ns et Programmes », d’autre part, <strong>la</strong> Loi SRU va, par exemple,étendre l’obligation <strong>de</strong> concertation posée en 1985 par l’article L 300-2 CDU aux directivesterritoriales d’aménagement, aux schémas <strong>de</strong> cohérence territoriale ainsi qu’aux p<strong>la</strong>ns locauxd’urbanisme 223 . C'est pour les mêmes raisons que le décret du 22 mai 2006, dont les visas seréfèrent explicitement à <strong>la</strong> convention d'AARHUS et à <strong>la</strong> directive p<strong>la</strong>ns et programmes va créerune procédure originale <strong>de</strong> mise à disposition du public 224 .Cette effervescence textuelle est révé<strong>la</strong>trice <strong>de</strong> <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> construction du droit <strong>de</strong> <strong>la</strong>participation, qui se veut pragmatique. Cette multiplication <strong>de</strong>s références normatives s’expliquepar <strong>de</strong>ux raisons pour JEAN-CLAUDE HELIN. En effet, il défend l’idée, d’une part, que ces dispositifs« ont été construits pour l’essentiel en réponse à l’insuffisance du socle constitué par l’enquêteBOUCHARDEAU » et d’’autre part, il affirme en substance que <strong>la</strong> pression <strong>de</strong>s faits a forgé un droitpostérieur 225 .Pour nous, ces réformes ponctuelles présentent l’inconvénient <strong>de</strong> donner naissance à unemyria<strong>de</strong> d’institutions désordonnées et <strong>de</strong> procédures. Cet état <strong>de</strong> fait explique pleinement le crid’a<strong>la</strong>rme poussé par ANTOINE GIVAUDAN dès 1992 : « <strong>la</strong> concertation : <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité àl’entropie » 226 .222 Le préambule <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation, qui n’a jamais accédé à <strong>la</strong> vie juridique, dispose que « surtous les projets qui touchent à <strong>l'</strong>urbanisme, à <strong>l'</strong>aménagement du territoire, à <strong>l'</strong>équipement <strong>de</strong>s collectivités, à<strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> <strong>l'</strong>environnement, <strong>la</strong> concertation est <strong>de</strong>venue nécessaire ». Sur ce point, voir J.-C. HELIN,« Entre régu<strong>la</strong>tion sociale et régu<strong>la</strong>tion juridique : <strong>la</strong> charte <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation » in Étu<strong>de</strong>s en <strong>l'</strong>honneur <strong>de</strong>Georges Dupuis : LGDJ 1997, p. 153 et s.223 Directive « P<strong>la</strong>ns et Programmes » du Parlement et du Conseil UE du 26 mai 2003, n° 2003/35/CE, JOUEn° L 156, 25 juin 2003, p. 17.Loi <strong>de</strong> Solidarité et <strong>de</strong> Renouvellement urbains du 13 décembre 2000, n° 2000-1208, JO 14 Décembre 2000.224 Décret n°2006-578 du 22 mai 2006 re<strong>la</strong>tif à l’information et à <strong>la</strong> participation du public en matièred’environnement, JO 23 mai 2006, texte n°27.225 Cf. supra note n°214.226 Journées d'étu<strong>de</strong> du CEJU, Centre d’Etu<strong>de</strong>s Juridiques d’Urbanisme d'Aix-en-Provence, décembre 1992.78


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD§ II. La p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’obligation informationnelleEn même temps que l’éclosion d’un droit <strong>de</strong> l’information global, <strong>la</strong> matièreenvironnementale a imposé <strong>la</strong> création <strong>de</strong> régimes spécifiques. En effet, les mécanismesgénéraux <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative (participation, information, accès à <strong>la</strong> justice) ont étéadaptés pour embrasser au mieux <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s objectifs environnementaux. Cette spécificités’explique par le fait que l’environnement a une dimension c<strong>la</strong>irement collective (ressourcesnaturelles, cadre <strong>de</strong> vie, santé, paysages par exemple). De surcroît, l’ensemble <strong>de</strong>s habitantssouhaite participer à l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong>s grands projets qui les concernent, avec pour vecteurd’information <strong>la</strong> communication effectuée en leur direction. Dès lors, il a été nécessaire <strong>de</strong> <strong>la</strong>part <strong>de</strong>s organismes <strong>de</strong> communication d’adapter leurs écrits pour les <strong>de</strong>stinataires. Lavulgarisation <strong>de</strong>s documents est obligatoire dans un domaine si technique que celui <strong>de</strong>l’environnement. Par exemple, <strong>la</strong> complexité du phénomène <strong>de</strong> l’électromagnétisme ne sauraitêtre expliquée dans ses termes techniques. C’est pour cette raison que les mécanismesgénéraux <strong>de</strong> l’accès à l’information sont apparus peu adaptés. L’information dans le domaine <strong>de</strong>l’environnement est intimement liée à un usage social : celui <strong>de</strong> rendre possible <strong>la</strong> participation.En effet, <strong>la</strong> connaissance singulière d’une problématique locale ou nationale permet <strong>de</strong> libérer unesprit d’analyse et <strong>de</strong> formuler <strong>de</strong>s critiques favorables ou défavorables. Les décisions doiventêtre débattues pour les rendre acceptables.Les sources du droit à l’information sont multiples. En premier lieu, l’accès àl’information environnementale transite par <strong>la</strong> loi du 17 juillet 1978 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> liberté d’accèsaux documents administratifs 227 . Ce régime général est doublé d’un régime spécifique posépar le Chapitre IV du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement (Droit d’accès à l’information re<strong>la</strong>tive àl’environnement :articles L 124-1 à L 124-8 CDE) Plus précisément, l’article L 124-1 du Co<strong>de</strong><strong>de</strong> l’environnement dispose en substance que <strong>l'</strong>accès à <strong>l'</strong>information re<strong>la</strong>tive à<strong>l'</strong>environnement, détenue par les autorités publiques ayant <strong>de</strong>s responsabilités en matièred'environnement, s'exerce dans les conditions et selon les modalités définies au titre Ier <strong>de</strong> <strong>la</strong>loi n° 78-753 du 17 juillet 1978. En second lieu, <strong>de</strong>s procédures particulières ont étéinstituées aux fins d’une information qualitative sur les projets portant atteinte àl’environnement. Il s’agit <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s d’impact, <strong>de</strong>s enquêtes publiques et <strong>de</strong>s débats publics,qui font l’objet du Titre II du Livre I er du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement.Puis le droit à l’information est consacré en tant que principe du droit international parl’article 10 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> Rio 228 . Cette disposition est intégrée en droit interne par <strong>la</strong> LoiBARNIER du 2 février 1995 229 . En outre, le droit communautaire reconnaît aussi le principe <strong>de</strong>227 Loi du 17 juillet 1978 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> liberté d’accès aux documents administratifs, modifiée par <strong>la</strong> loi du 12avril 2000 re<strong>la</strong>tive aux droits <strong>de</strong>s citoyens dans leurs re<strong>la</strong>tions avec l’administration, JO 13 avril 2000.228 Cf. supra note n°195.229 Article L 110-1 II al 4 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement : « Le principe <strong>de</strong> participation, selon lequel chacun aaccès aux informations re<strong>la</strong>tives à <strong>l'</strong>environnement, y compris celles re<strong>la</strong>tives aux substances et activitésdangereuses, et le public est associé au processus d'é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong>s projets ayant une inci<strong>de</strong>nce importantesur <strong>l'</strong>environnement ou <strong>l'</strong>aménagement du territoire ».79


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDdroit d’accès à l’information au travers <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive du 28 janvier 2003 230 . Enfin, <strong>la</strong>convention d’AARHUS, consacre ce droit à l’information dans un texte juridiquementcontraignant 231 .Plus précisément, en matière <strong>de</strong> nucléaire, le légis<strong>la</strong>teur français a posé les conditionsd’une obligation informationnelle. En effet, <strong>la</strong> loi du 13 juin 2006 est re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> transparenceet à <strong>la</strong> sécurité dans le domaine du nucléaire 232 . Elle dispose ainsi :« Toute personne a le droit, dans les conditions définies par <strong>la</strong> présenteloi et les décrets pris pour son application, d'être informée sur les risquesliés aux activités nucléaires et leur impact sur <strong>la</strong> santé et <strong>la</strong> sécurité <strong>de</strong>spersonnes ainsi que sur <strong>l'</strong>environnement » 233 .Cependant, il ne semble pas que <strong>la</strong>dite loi soit applicable à notre étu<strong>de</strong>. L’obligationinformationnelle est cantonnée au pur domaine <strong>de</strong>s rayonnements ionisants, à l’exclusion <strong>de</strong>sactivités connexes comme le transport <strong>de</strong> l’électricité et les rayonnements non ionisants(CEM). L’obligation <strong>de</strong> transparence dans le domaine <strong>de</strong> l’électricité s’exercera donc au travers<strong>de</strong>s principes généraux du droit <strong>de</strong> l’environnement.Il convient finalement <strong>de</strong> relever que le droit à l’information en matièred’environnement se décline sous <strong>de</strong>ux formes : un droit à l’accès aux informations ainsi qu’un<strong>de</strong>voir <strong>de</strong> communiquer <strong>de</strong> telles informations à <strong>la</strong> charge <strong>de</strong>s détenteurs, pouvoirs public etexploitants 234 . L’ensemble <strong>de</strong>s dispositions qui prési<strong>de</strong>nt à <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratieparticipative sont-elles respectées dans le projet Cotentin-Maine ?Section II. Le contrôle <strong>de</strong> l’effectivité <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participativeLa notion <strong>de</strong> participation est une notion très vague. Dès lors, comment s’assurer <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualitéet <strong>de</strong> l’effectivité <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> participation prévus par les textes ? Quelle est <strong>la</strong> part réelle<strong>de</strong> pouvoir délégué aux citoyens à l’occasion du projet Cotentin-Maine ? (§ I.). Afin <strong>de</strong> le voir,nous ferons une application <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong> participation <strong>de</strong> SHERRY ARNSTEIN à notre cas d’étu<strong>de</strong>(§ II.).230 Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant <strong>l'</strong>accès du publicà <strong>l'</strong>information en matière d'environnement et abrogeant <strong>la</strong> directive 90/313/CEE du Conseil. Voir « La mise enœuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive CEE du 7 juin 1990 concernant <strong>la</strong> liberté d'accès à <strong>l'</strong>information en matièred'environnement dans les États <strong>de</strong> <strong>la</strong> Communauté européenne », MICHEL PRIEUR, 1992 et « Le droit à<strong>l'</strong>information en matière d'environnement dans les pays <strong>de</strong> <strong>l'</strong>Union européenne », MICHEL PRIEUR, PULIM, 1997.231 Cf. supra note n°215. Voir aussi RJE numéro spécial « La convention d’Aarhus et le droit français » BERNARDDROBENKO, 1999 p.89 et « La Convention d'Aarhus, instrument universel <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie environnementale»MICHEL PRIEUR p. 20.232 Loi 2006-686 du 13 juin 2006 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> transparence et à <strong>la</strong> sécurité en matière nucléaire.233 Ibid. Article 2, II, 1°.234 « Droit à l’information », FLORENCE JAMAY, Jurisc<strong>la</strong>sseur Environnement, Fascicule 130, p.4.80


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD§ I. Les procédures <strong>de</strong> concertation autour du projetCotentin-MaineA titre liminaire, il convient <strong>de</strong> rappeler que <strong>la</strong> réalisation du linéaire électrique n’est qu’àl’état <strong>de</strong> projet : ainsi l’enquête publique n’est-elle pas encore intervenue. C’est pour cetteraison que <strong>la</strong> présente analyse sera centrée sur le débat public, qui est intervenu <strong>de</strong> mai àoctobre 2005. Aussi, il est nécessaire <strong>de</strong> noter que <strong>la</strong> Commission nationale <strong>de</strong> débat public(CNDP) a été saisie -en décembre 2004, par EDF- du projet portant sur l’imp<strong>la</strong>ntation dunouveau réacteur nucléaire expérimental, soit l’EPR. Elle avait alors <strong>la</strong> possibilité d’organiser unseul et unique débat sur les <strong>de</strong>ux projets, puisque <strong>la</strong> ligne <strong>THT</strong> n’est que <strong>la</strong> conséquence dupremier. Elle a pourtant retenu l’idée d’organiser un débat pour chaque projet. Elle justifie sonchoix en affirmant « qu’il y avait un risque que l’unité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux débats compromette <strong>la</strong> bonnecompréhension <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s enjeux » 235 . Pour certains, il était particulièrement inopportun <strong>de</strong>débattre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne alors même que le débat sur l’EPR n’était pas conclu. Les détracteurs y ontvu en filigrane que <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> réaliser l’EPR était déjà prise.Dans le cas du débat public sur le linéaire électrique, le légis<strong>la</strong>teur a formellementinterdit à <strong>la</strong> commission nationale comme à <strong>la</strong> commission particulière <strong>de</strong> formuler un avis sur leprojet concerné, mais leur a expressément confié le rôle <strong>de</strong> garant <strong>de</strong> <strong>la</strong> sincérité <strong>de</strong> <strong>la</strong>procédure <strong>de</strong> concertation et donc celui <strong>de</strong> veiller à ce que le débat permette une informationcomplète et sincère du public et une expression <strong>de</strong> toutes les opinions. Dès lors, nousanalyserons les moyens informationnels et participatifs mis en œuvre pour le projet litigieux.Un site internet a été ouvert du 24 octobre 2005 au 23 février 2006. Cet outil permetune information dynamique du public et <strong>de</strong> <strong>la</strong> presse au cours du débat public. Il a constituéaussi un outil très pratique pour <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong> documents consultables entre <strong>la</strong> CPDP, le public,les associations et <strong>la</strong> presse. Par ailleurs, les associations, les chambres consu<strong>la</strong>ires, et lespolitiques notamment ont, eux aussi, contribué à l’échange d’information au travers <strong>de</strong> « cahiersd’acteurs ». Ce sont <strong>de</strong>s contributions écrites présentant divers point <strong>de</strong> vue et <strong>de</strong>sargumentations diverses. Concrètement, 24 cahiers d’acteurs ont été publiés 236 . Lesthématiques abordées sont très variées, et permettent d’avoir une information <strong>de</strong> qualité 237 . Ilfaut préciser, dès-à-présent, que RTE n’a émis <strong>de</strong> commentaire sur cette littérature que l’avantveille<strong>de</strong> <strong>la</strong> clôture du débat public, privant les acteurs d’un droit <strong>de</strong> réponse.Puis, <strong>la</strong> CPDP a mis en œuvre un p<strong>la</strong>n média sur les trois départements concernés : « 41annonces <strong>de</strong> presse ont été insérées dans les journaux [...], Ouest France, La Manche libre, <strong>la</strong>Presse <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche, <strong>la</strong> Gazette <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche, La Chronique Républicaine, Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong>235 « Compte-rendu du débat public <strong>THT</strong> Cotentin-Maine » Commission particulière <strong>de</strong> débat public, mars 2006,p.8.236 9 sont issus d’associations <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche, 8 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mayenne, 4 d’Ille et Vi<strong>la</strong>ine, 2 du Calvados et 1 nationale.L’ensemble <strong>de</strong>s cahiers d’acteur est consultable sur : www.<strong>de</strong>batpublic-thtcotentin-maine.org.237 Annexe XVI : thématiques abordées par les cahiers d’acteurs.81


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDMayenne et le Journal <strong>de</strong> Vitré » 238 . En outre, <strong>de</strong>s documents tractés et <strong>de</strong>s affiches ont étédistribuées (300 à 550 affiches selon l’importance <strong>de</strong>s lieux). Tous les supports <strong>de</strong> presse ontété utilisés : journaux, radio, télévision, conférence, réunion publiques, manifestations... Desréunions ont été organisées en fonction <strong>de</strong> thématiques précises : par exemple, choixénergétique, mon<strong>de</strong> agricole et santé animale, effets sanitaires et santé humaine,environnement et insertion paysagère. En outre, 1062 <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> documentation sontparvenues à <strong>la</strong> CPDP.Pendant <strong>la</strong> durée du débat public, 15 réunions auront été tenues, rassemb<strong>la</strong>nt plus <strong>de</strong>4300 personnes. Précisons que le public était majoritairement composé d’opposants résolus à <strong>la</strong>ligne <strong>THT</strong>. Cet intérêt louable <strong>de</strong>s régionaux doit être mis en exergue car <strong>la</strong> zone géographiquene comporte pas <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s agglomérations mais se situe davantage dans un milieu rural. Lesparticipants ont eu <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> s’exprimer lors <strong>de</strong>s réunions publiques, l’intensité <strong>de</strong>sréactions a parfois choqué les observateurs présents 239 .Par ailleurs, les représentants <strong>de</strong> RTE ont été très disponibles lors <strong>de</strong>s réunions. RTE amultiplié les documents justifiant le projet litigieux. Néanmoins, <strong>la</strong> critique majeure <strong>de</strong>sparticipants s’est portée sur le comportement <strong>de</strong> <strong>la</strong> filiale d’EDF qui a refusé <strong>la</strong> moindremodification du projet en fonction <strong>de</strong>s critiques exprimées. Le débat public perdait toute sasubstance. Pour élu<strong>de</strong>r <strong>la</strong> question RTE a renvoyé beaucoup d’interrogations à <strong>la</strong> concertationultérieure (l’enquête publique étant prévue pour décembre 2008). Pour les acteurs locaux, cetteattitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> RTE a révélé l’absence d’enjeu du débat public. La CPDP regrette, elle aussi, que« l’on aurait pu faire davantage pour satisfaire ce besoin d’information » 240 . Peut-on débattresereinement d’un projet qui a déjà été approuvé par le Parlement ? Peut-on débattre d’un sujetalors que l’on sait pertinemment que le débat a très peu <strong>de</strong> chance d’influencer le maîtred’ouvrage qui n’est tenu à aucune obligation ? Dans ces conditions, il est aisé <strong>de</strong> dénoncer unsimu<strong>la</strong>cre <strong>de</strong> concertation, d’aucuns évoquant même une parodie <strong>de</strong> démocratie. La participationdu public a donc du être active pour répondre à cette situation critique. C’est aussi pour cetteraison que <strong>la</strong> concertation s’est prolongée pendant six mois. Cet engagement a été pris parNATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET, secrétaire d’Etat à l’écologie, lors d’une rencontre avec unedélégation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mayenne 241 . Pour autant, RTE a affirmé se conformer strictement au calendrierétabli, <strong>de</strong> sorte que le fuseau <strong>de</strong> moindre impact, tel que défini, ne sera aucunement modifié : letracé final sera soumis, tel quel, à l’enquête publique qui débutera courant en décembre 2008.238 Cf. supra note n°235, p. 26.239 Par exemple, en matière <strong>de</strong> santé publique, les experts ont été interpellés et remis en cause par le public :une posture généralisée <strong>de</strong> soupçon sur l’indépendance <strong>de</strong>s experts et <strong>de</strong> leurs institutions. D’abord à l’égard<strong>de</strong> l’OMS ; puis à l’encontre du spécialiste <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine nucléaire, le professeur ANDRE AURENGO, qui est aussimembre du conseil d’administration d’EDF ; puis aussi à l’encontre du professeur BERNARD VEYRET, spécialiste<strong>de</strong> bioélectromagnétisme et membre du conseil scientifique <strong>de</strong> Bouygues Telecom, société dont <strong>la</strong> maisonmèreintervient dans <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> l’EPR. Sur ce point, voir note n°235 p.40 et « Couloir <strong>de</strong> lignes <strong>THT</strong> :RTE tente le forcing », La Manche Libre, 1 er décembre 2007.240 Cf. supra note n°235 p.50.241 La Manche Libre, 27 octobre 2007.82


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDFinalement, le débat public est une institution jeune et fragile. Son existence dérangecertains qui y voient un moyen <strong>de</strong> mise en cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> légitimité technique et politique <strong>de</strong>sdéci<strong>de</strong>urs, en donnant une p<strong>la</strong>ce excessive aux opposants. En parallèle, les modalités du débatpublic sont aussi très critiquées par ceux qui défen<strong>de</strong>nt les valeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative.Afin d’avoir une idée objective <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation, une échelle <strong>de</strong> participation a étéé<strong>la</strong>borée.§ II. Application <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong> participation <strong>de</strong> SHERRYARNSTEIN au projet Cotentin-MaineEn l’absence <strong>de</strong> définition juridique c<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> participation, il est ma<strong>la</strong>isé <strong>de</strong>faire le bi<strong>la</strong>n d’une concertation. En effet, même si <strong>de</strong> nombreux moyens ont été mis en œuvrepour obtenir <strong>de</strong>s informations et pour permettre aux protagonistes <strong>de</strong> s’exprimer, comments’assurer <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité et <strong>de</strong> l’effectivité <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> participation ?Un instrument <strong>de</strong> mesure a été é<strong>la</strong>boré en 1969 par SHERRY ARNSTEIN, haut fonctionnairechargée <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nifier une stratégie fédérale pour mettre fin à <strong>la</strong> ségrégation raciale dans leshôpitaux publics <strong>de</strong>s Etats-Unis 242 . Cette échelle <strong>de</strong> participation a été créée à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>sviolentes émeutes noires <strong>de</strong>s années 1960, dirigées contre les discriminations raciales. Elle apour origine non pas le contexte hospitalier mais celui <strong>de</strong> l’exclusion urbaine (opposition entre lecentre et les inner-cities désertées par les c<strong>la</strong>sses moyenne et ouvrière b<strong>la</strong>nches au profit <strong>de</strong>sminorités ethniques principalement les Noirs). Afin <strong>de</strong> rendre les inner-cities plus attrayantes et<strong>de</strong> lutter contre <strong>la</strong> paupérisation, les municipalités pouvaient entreprendre <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong>réaménagement urbain ; cependant, elles <strong>de</strong>vaient s’assurer <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>s habitantsconcernés par ces opérations. Plus précisément, c’est l’Urban Renewal Act voté en 1969 qui posales bases <strong>de</strong> l’exigence d’une participation du public pour les grands projets <strong>de</strong> rénovationurbaine. Cette exigence ne reçut aucun effet et l’échec <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique urbaine conduit auxémeutes <strong>de</strong>s années 1963 et 1968. Par <strong>la</strong> suite, les contours <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> participation ont dûêtre définis.C’est dans ce contexte que Sherry ARNSTEIN a créé une échelle <strong>de</strong> participation, <strong>de</strong>venuepopu<strong>la</strong>ire à l’étranger, mais qui n’a pas connu un tel succès en France et qui n’a d’ailleurs pasété traduite en Français. Pourtant, <strong>de</strong>ux chercheurs français ont exhumé cette échelle <strong>de</strong>participation aux fins <strong>de</strong> l’appliquer en matière <strong>de</strong> rénovation urbaine 243 . A notre tour,appliquons-<strong>la</strong> au processus <strong>de</strong> concertation en matière d’environnement.242 SHERRY ARNSTEIN « A <strong>la</strong>d<strong>de</strong>r of citizen participation » Journal of the Institute P<strong>la</strong>nners, 1969.243 « Démocratie et participation : l’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> rénovation urbaine », JACQUES DONZELOT et RENAUD EPSTEIN,dossier n°326 « force et faiblesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation », Esprit, juillet 2006, p.5 à 34.83


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDL’échelle permet <strong>de</strong> hiérarchiser les pratiques en distinguant trois niveaux, comprenanthuit <strong>de</strong>grés possibles 244 . Nous pouvons traduire cette échelle <strong>de</strong> participation au travers dutableau suivant :8. Contrôle citoyen7. Délégation <strong>de</strong> pouvoir3 ème NiveauPOUVOIR EFFECTIF DES CITOYENS6. Partenariat5. Réassurance4. Consultation2 ème Niveau :COOPERATION SYMBOLIQUE3. Information2. Thérapie1. Manipu<strong>la</strong>tion1 ER NIVEAU :NON PARTICIPATIONLe premier niveau correspond aux <strong>de</strong>ux premiers <strong>de</strong>grés : ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> MANIPULATION et <strong>de</strong><strong>la</strong> THERAPIE du public. Ici l’objectif est purement d’éduquer les participants. La démarche consisteà obtenir le soutien du public au travers du plus grand nombre <strong>de</strong> supports publicitaires. Enl’espèce, ce premier niveau est atteint : <strong>la</strong> diffusion par RTE et EDF <strong>de</strong> littérature a permisd’entretenir <strong>la</strong> connaissance du projet par les régionaux. Néanmoins, ce premier sta<strong>de</strong> estconsidéré par ARNSTEIN comme celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> non-participation.Le <strong>de</strong>uxième niveau comporte trois <strong>de</strong>grés. D’abord, l’INFORMATION, puis <strong>la</strong> CONSULTATION etenfin le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> l’APAISEMENT. L’INFORMATION occupe une position essentielle dans <strong>la</strong> concertation.En effet, elle permet <strong>de</strong> porter un juste jugement sur le projet. Cependant, dans l’hypothèsed’un flux à sens unique, l’information risque d’être faussée. Or en l’espèce il a souvent étéregrettable <strong>de</strong> voir combien les documents écrits manquaient d’objectivité et étaient empreints<strong>de</strong> volonté <strong>de</strong> convaincre à tout prix. Ainsi, par exemple, lorsque RTE justifie sa démarche dansl’aménagement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne, il cite naturellement l’ensemble <strong>de</strong>s textes juridiques fondant sadémarche. A contrario, s’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> partie re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement figurantdans le même document, il n’est cité aucun texte juridique, que ce soit un co<strong>de</strong>, une charte, uneconvention, ou une recommandation 245 . Rappelons aussi à titre indicatif que <strong>la</strong> Commissionparticulière <strong>de</strong> débat public a elle-même émis une observation défavorable sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>sinformations. Par ailleurs, nous avons vu que le retour <strong>de</strong>s informations à l’égard <strong>de</strong> RTE est244 « Démocratie et environnement : l’exemple <strong>de</strong> l’enquête publique en France » LOUIS-NARITO HARADA, Droit<strong>de</strong> l’Environnement n°156, mars 2008, p.7.245 « Projet <strong>de</strong> ligne à <strong>THT</strong> Cotentin-Maine », débat public Octobre 2005-Février 2006, RTE, voir <strong>la</strong>comparaison f<strong>la</strong>grante aux p. 15 et 56.84


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcomplètement inopportun, ce <strong>de</strong>rnier refusant toute modification <strong>de</strong> son projet. Il n’y a pasvéritablement <strong>de</strong> canaux informationnels assurant un effet <strong>de</strong> retour, appelé « feed back ». Le<strong>de</strong>uxième <strong>de</strong>gré est consacré à <strong>la</strong> CONSULTATION. Elle permet <strong>de</strong> recueillir les attentes et lessuggestions <strong>de</strong>s personnes interrogées. Certes, en l’espèce, <strong>de</strong> nombreux débats ont étéorganisés. Cependant ils sont vains, c’est une consultation sans conséquences pour le maîtred’œuvre. Néanmoins, à ce sta<strong>de</strong>, <strong>la</strong> consultation n’est qu’un rituel et elle a bien eu lieu pour leprojet litigieux. Enfin, le troisième <strong>de</strong>gré, l’APAISEMENT, permet aux citoyens <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>sconseils au porteur du projet qui se doit d’être une oreille attentive. Cette possibilité a étéparticulièrement utilisée dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique puisque ses détracteurs ont, parmaintes fois, proposé l’enfouissement du linéaire. L’ensemble du <strong>de</strong>uxième niveau <strong>de</strong> l’échelle<strong>de</strong> participation <strong>de</strong> SHERRY ARNSTEIN correspond donc à <strong>la</strong> coopération entre les parties. Pour nous,<strong>la</strong> concertation autour <strong>de</strong> notre cas d’étu<strong>de</strong> n’a que partiellement atteint ce <strong>de</strong>uxième niveausurtout en raison <strong>de</strong>s informations <strong>la</strong>cunaires sur le projet <strong>de</strong> réseau.Ensuite vient le troisième niveau <strong>de</strong> participation qui est consacré à <strong>la</strong> PARTICIPATION réelle.Ce niveau se décline en trois <strong>de</strong>grés : le partenariat, <strong>la</strong> délégation <strong>de</strong> pouvoir et le contrôlecitoyen. S’agissant du PARTENARIAT, c’est un <strong>de</strong>gré qui permet d’apprécier le pouvoir donné aupublic au travers <strong>de</strong> <strong>la</strong> négociation. Le partenariat se matérialise par <strong>la</strong> création <strong>de</strong> comités dontles membres sont aussi bien <strong>de</strong>s porteurs du projet que <strong>de</strong>s détracteurs. L’ensemble <strong>de</strong>s partiesp<strong>la</strong>nifient le projet. Dans notre espèce, il existe <strong>de</strong> nombreux comités. Cependant, <strong>la</strong>caractéristique majeure <strong>de</strong> ces comités rési<strong>de</strong> dans leur opposition. En effet, aucun <strong>de</strong>spartenariats ne présente <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong>s associations ainsi que <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> RTE ou dugouvernement. Les <strong>de</strong>ux parties sont singulièrement distinctes. Le <strong>de</strong>gré du partenariat n’estdonc nullement atteint, preuve <strong>de</strong> l’immaturité <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> concertation qui p<strong>la</strong>ce lesporteurs <strong>de</strong> projets et ses détracteurs dans un rapport strict d’opposition. Ensuite, le second<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> ce niveau est consacré à <strong>la</strong> DELEGATION DE POUVOIR. A ce sta<strong>de</strong> le public prend lui-mêmeles décisions, il en est responsable. Enfin, le CONTROLE CITOYEN est le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>gré. La directiondu projet est totalement confiée au citoyen sans intermédiaire. Ce <strong>de</strong>rnier sta<strong>de</strong> est qualifié <strong>de</strong>pouvoir effectif <strong>de</strong>s citoyens selon SHERRY ARNSTEIN.En l’espèce le projet est c<strong>la</strong>irement figé dans les mains du maître d’œuvre. Laconcertation permet uniquement <strong>de</strong> connaître les oppositions au projet, elle apaise les riverainsqui ont pu s’exprimer. Le seul avantage est <strong>de</strong> pouvoir mettre à défaut le maître d’œuvre.Néanmoins, il n’y a aucun transfert du pouvoir entre les déci<strong>de</strong>urs publics et les citoyens. Notreprojet correspond donc à <strong>la</strong> note <strong>de</strong> 2 sur 8 sur l’échelle <strong>de</strong> participation.En conclusion, le droit français <strong>de</strong> <strong>l'</strong>urbanisme français ne <strong>la</strong>isse pas, à <strong>l'</strong>évi<strong>de</strong>nce, unep<strong>la</strong>ce suffisamment importante aux procédures <strong>de</strong> concertation préa<strong>la</strong>ble aux décisions. Il s'ensuit que celles-ci font trop souvent <strong>l'</strong>objet <strong>de</strong> recours juridictionnels. Le prétoire qui ne <strong>de</strong>vraiten théorie servir qu'à dire le droit est utilisé par les requérants comme une véritable tribune. Ledébat contentieux se substitue à <strong>la</strong> négociation. Il est temps désormais <strong>de</strong> favoriser ledéroulement d'un véritable débat, en amont, à <strong>l'</strong>échelon communal ou intercommunal, sur lesgrands enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> <strong>l'</strong>urbanisme ou sur les principales opérations d'aménagementenvisagées, et, le cas échéant, sur <strong>l'</strong>interprétation <strong>de</strong>s réalités locales au regard du co<strong>de</strong> <strong>de</strong>85


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD<strong>l'</strong>urbanisme. La redéfinition <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> concertation aurait-elle un véritable impact sur <strong>la</strong>nature <strong>de</strong>s projets ?86


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre II.L’impact <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> concertation sur les projets <strong>de</strong> lignes à très haute tensionLe présent chapitre se veut être une réflexion sur l’impact réel <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong>concertation sur <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s projets d’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> linéaires électriques. Lorsque le débatpublic a permis une réelle négociation entre les différents protagonistes, il <strong>de</strong>vient un outil auservice <strong>de</strong> <strong>la</strong> requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> lignes électriques (Section I). La décision <strong>de</strong>vientmutuellement acceptable. Pour autant, en matière d’électricité nucléaire les modalités <strong>de</strong>partage du pouvoir avec les administrés ne semblent pas embrasser les grands enjeuxdémocratiques (Section II).Section I. La requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau à travers le prisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> négociationLes projets d’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> linéaires électriques ne sont plus <strong>de</strong>s projets figés. En effet,<strong>la</strong> négociation autour <strong>de</strong> leurs modalités d’imp<strong>la</strong>ntation permet <strong>de</strong> les requalifier profondément(§ I). Nous donnerons <strong>de</strong>s exemples concrets <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> ligne <strong>THT</strong> requalifiés au traversd’une concertation <strong>de</strong> qualité (§ II).§ I. La concertation : modalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> requalification <strong>de</strong>s projets<strong>de</strong> réseauLa remise en cause <strong>de</strong>s projets d’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> linéaires électriques par les acteursnationaux et régionaux a permis d’en modifier les détails. C’est c<strong>la</strong>irement un succès <strong>de</strong>sprocédures <strong>de</strong> concertation et <strong>de</strong> débat public.De manière générale, RTE propose <strong>de</strong> négocier <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> mesures : l’insertionpaysagère et les mesures d’accompagnement. Le premier permet <strong>de</strong> réduire l’impact <strong>de</strong>l’ouvrage sur l’environnement paysager : type <strong>de</strong> pylône, écran paysager. Les mesuresd’accompagnement concernent les ouvrages existants : améliorations paysagères et ai<strong>de</strong>sfinancières. Cependant, <strong>la</strong> concertation sur ces <strong>de</strong>ux thèmes ne permet nullement <strong>de</strong> mettre finau conflit. C’est davantage le dimensionnement <strong>de</strong> l’ouvrage qui est critiqué par les acteurslocaux qui exigent son enfouissement. Or <strong>la</strong> dimension <strong>de</strong> l’ouvrage n’est jamais soumise ànégociation par RTE. En effet ce<strong>la</strong> impliquerait, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part du maître d’ouvrage, une très <strong>la</strong>rgeouverture à <strong>la</strong> négociation car il est nécessaire <strong>de</strong> porter <strong>la</strong> concertation sur les hypothèsestechnico-économiques du projet. Or, c’est <strong>la</strong> consommation d’électricité par <strong>la</strong> région quiconditionne <strong>la</strong> taille <strong>de</strong> l’ouvrage ; et certains acteurs économiques locaux (mairie, département,région) expriment davantage <strong>de</strong>s besoins d’électricité qui répon<strong>de</strong>nt à leur propre estimation dudéveloppement économique <strong>de</strong> leur territoire. Aussi, l’aménageur doit présenter plus <strong>la</strong>rgementles contraintes économiques justifiant son projet 246 . La difficulté tient ici au fait que246 Programme <strong>de</strong> recherche « Concertation, Décision et Environnement » : « La requalification <strong>de</strong> projetsd’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> lignes EDF contestés : quelle évaluation en tant que résultat <strong>de</strong> négociation ? » ISABELLE87


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDl’aménagement électrique est souvent disjoint entre les mains du p<strong>la</strong>nificateur national et celles<strong>de</strong> RTE. Ce dédoublement implique un retour d’information en toute transparence entre lesdifférents niveaux décisionnels : l’Etat, RTE, les collectivités locales, le public. Enfin, RTE doitapporter les éléments techniques démontrant qu’il est impossible techniquement d’enfouir lelinéaire. Cependant, cet argument est souvent avancé par RTE afin <strong>de</strong> se dégager d’une nouvellecontrainte coûteuse telle que l’enfouissement. Il est aisé d’apprécier, ici, que <strong>la</strong> négociation surl’ensemble du projet est particulièrement difficile. Dès lors, dans ce contexte, seule unenégociation exemp<strong>la</strong>ire a pu réunir les éléments <strong>de</strong> redéfinition d’un projet <strong>de</strong> réseau.Précisons dès-à-présent que, pour certains aménageurs, <strong>la</strong> requalification d’un projetaprès négociation est un pur échec. Ce<strong>la</strong> met en exergue que le développement <strong>de</strong> lignes <strong>THT</strong>est par nature conflictuel : il n’existe pas, a priori, d’intérêt convergent entre RTE et les riverains.Les bénéfices <strong>de</strong>s services rendus par l’ouvrage s’opposent à ceux qui en subissent les nuisances.Si RTE se conforme strictement à <strong>la</strong> procédure réglementaire (concertation préa<strong>la</strong>ble, étu<strong>de</strong>d’impact, enquête publique, avis du commissaire enquêteur), le processus <strong>de</strong> décision setrouvera naturellement dans une impasse. Il est donc nécessaire qu’une négociation« officieuse » ou intégrative complète <strong>la</strong> phase officielle <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> concertation. Celle-cipourrait intégrer les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s exprimées localement en annu<strong>la</strong>nt l’essentiel <strong>de</strong>s inconvénientssoulevés par les opposants 247 . La re<strong>la</strong>tion améliorée fait naître une négociation créative, où lerapport <strong>de</strong> force s’équilibre. Cette évolution annoncerait <strong>la</strong> mort du modèle c<strong>la</strong>ssiqued’aménagement (Déci<strong>de</strong>r, Annoncer, Défendre, Ajuster) 248 . Ainsi, par exemple, l’enfouissementen tant que solution <strong>de</strong>viendrait surdéterminant par rapport à d’autres solutions moinscoûteuses.Finalement, <strong>la</strong> négociation a pu établir une base convergente entre les différentsprotagonistes, à même <strong>de</strong> modifier les grands projets <strong>de</strong> lignes électriques. De nombreuxprojets contestés ont pu ainsi être requalifiés à l’aune d’une négociation équitable.§ II. Exemples concrets <strong>de</strong> requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong>linéaires électriquesLes débats n'ont pas toujours été <strong>de</strong>s manifestations vi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sens à <strong>l'</strong>issue <strong>de</strong>squellesles maîtres d'ouvrages maintiennent systématiquement leurs projets sans changements. Certes,certains projets sont restés inchangés malgré <strong>de</strong> vives controverses, comme <strong>la</strong> centralenucléaire EPR <strong>de</strong> F<strong>la</strong>manville. A l’inverse, certains projets sont purement abandonnés ouDUBIEN, YANN LAURANS, ANNIE JACQ, rapport final octobre 2001, p.8, disponible surhttp://www.environnement.gouv.fr/ecologie/IMG/pdf/Recap_Dubien-3.pdf.247 Ibid. p.6.248 Ibid. p.7 et BARBIER ET ALII, 1999.88


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDrenvoyés à un avenir incertain comme le projet <strong>de</strong> ligne électrique à <strong>THT</strong> <strong>de</strong> BOUTRE à CARROS 249 .Il arrive aussi que le déci<strong>de</strong>ur final tienne compte <strong>de</strong>s enseignements d’un débat avec le public.Ainsi, <strong>de</strong>ux projets <strong>de</strong> lignes électriques HT et <strong>THT</strong>, soumis à une concertation préa<strong>la</strong>bleavant l’enquête publique, ont été vivement contestés et ont ouvert <strong>la</strong> voix à leurrequalification 250 .En premier lieu, à SELESTAT-STE MARIE AUX MINES (ALSACE), une ligne aérienne <strong>de</strong> 63 kV<strong>de</strong>vait traverser <strong>de</strong> part en part le Parc Naturel Régional <strong>de</strong>s Ballons <strong>de</strong>s Vosges. Or, à <strong>la</strong> suited’une forte mobilisation <strong>de</strong>s régionaux, le projet fut profondément modifié. En effet, les éluslocaux, départementaux et régionaux, ont négocié avec EDF (et RTE par <strong>la</strong> suite). Cettenégociation a donné lieu à une requalification importante du projet initial : d’abord, unenfouissement partiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne (prévue en aérien au départ), puis une modification <strong>de</strong> <strong>la</strong>puissance (un terne contre <strong>de</strong>ux prévus à l’origine), enfin, un cofinancement entre RTE et lescollectivités pour l’enfouissement réalisé, faisant l’objet d’une convention. L’ensemble duprocessus a couvert <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 1988-2001.En <strong>de</strong>uxième lieu, à CORMEILLES-NOUROTTES (Ile <strong>de</strong> France), un projet <strong>de</strong> création d’unposte et d’une ligne <strong>de</strong> tension 225 kV a conduit à un conflit caractérisé entre EDF et <strong>la</strong>commune d’ACHERES. Une <strong>la</strong>rge concertation s’est ouverte en vue <strong>de</strong> faire converger lesdifférents intérêts dans un projet commun. Dans cette affaire, le ministère <strong>de</strong> l’Industrie avaitpris parti alors que le Conseil Régional avait ordonné une contre-expertise environnementale ettechnico-économique. EDF a alors profondément réorienté son projet initial : les besoins enélectricité ont été redéfinis, l’enfouissement total a été préconisé. Ce processus avait étéengagé à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 1980. Depuis, le conseil général a décidé <strong>de</strong> mettre en œuvre sur <strong>la</strong>pério<strong>de</strong> 2006-2009 un programme exceptionnel d’enfouissement <strong>de</strong>s lignes électriques en zoneurbaine 251 .En troisième lieu, il convient d’exposer <strong>la</strong> situation particulière <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> LOUVRES (Vald’Oise) 252 . Le présent développement permet d’établir que <strong>la</strong> négociation a postériori est aussil’élément premier dans <strong>la</strong> requalification <strong>de</strong>s aménagements linéaires déjà réalisés.Concrètement, une ligne électrique <strong>de</strong> 400.000 Volts, imp<strong>la</strong>ntée en 1993, traverse <strong>la</strong> commune<strong>de</strong> LOUVRES en surplombant 350 maisons d’habitation 253 . Or <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> 12 ans, les riverainset les associations militent pour faire dép<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> ligne. En mars 2006, un protocole <strong>de</strong>dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à très haute tension a été soumis à <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> tous les partenairespar <strong>la</strong> sous-préfecture <strong>de</strong> SARCELLES, en accord avec à RTE. Ce protocole, approuvé par le249 PAUL VIALATTE (Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> chambre à <strong>la</strong> Cour administrative d’appel <strong>de</strong> Lyon et membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commissionnationale <strong>de</strong> débat public) « 10 ans <strong>de</strong> débat public, un bi<strong>la</strong>n global positif », Revue environnement n°12,décembre 2007, Etu<strong>de</strong> 13.250 Sur ces <strong>de</strong>ux exemples voir « Requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> lignes EDF contestés : quelle évaluation entant que résultat <strong>de</strong> <strong>la</strong> négociation » ISABELLE DUBIEN, YANN LAURANS, ANNIE JACQ, INRA, Colloque final, 8décembre 2005, disponible sur http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/Poster_Dubien.pdf.251 Voir <strong>la</strong> délibération du 29 mai 2005, disponible sur le site officiel du département <strong>de</strong>s YVELINES :http://www.yvelines.fr/education/assemblee/synthese.asp?Date=30/09/2005.252 « Le dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne à haute tension financé », MARIE POUSSEL, Le Parisien, 28 août 2008.253 Annexe XVII : photographie <strong>de</strong> linéaires électriques au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> maisons d’habitation.89


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDconseil municipal, le Conseil général, le Conseil régional et <strong>la</strong> Communauté <strong>de</strong> communes,prévoit le financement intégral du dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne. Afin que le dép<strong>la</strong>cement soit effectif,il est nécessaire que RTE commence les étu<strong>de</strong>s préliminaires prévues <strong>de</strong>puis juillet 2005. Laproblématique reste ici l’inertie <strong>de</strong>s acteurs. Une première étape a néanmoins été réalisée. Entout état <strong>de</strong> cause, <strong>la</strong> concertation ne peut qu’être source d’avancées, même si elles sont plusou moins significatives.Il existe donc pour le maître d’ouvrage une alternative dans le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> décision.Cependant, il ne faut pas tomber dans <strong>l'</strong>angélisme participatif. Dans le strict cadre du projetCotentin-Maine, les inconvénients <strong>de</strong> l’ouvrage, soulevés par les riverains, n’ont pas permisd’entrevoir les prémices d’une moindre négociation. Le triptyque, démocratie-participation etenvironnement n’aurait donc pas d’existence généralisée.Section II. Démocratie, environnement et nucléaire : le trio impossible ?L’objet <strong>de</strong> <strong>la</strong> présente contribution est <strong>de</strong> s’interroger sur les raisons <strong>de</strong> l’insatisfactiongénérée par <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation au sens <strong>la</strong>rge. A défaut <strong>de</strong> parvenir à unedécision définitive consensuelle, les administrés se tournent vers le juge administratif (§ I). Lecontentieux, très important, en matière <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> grands projets d’Etat n’est-il pas leconstat d’un échec <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation en matière d’environnement ? (§ II).§ I. Blocages et contentieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation en matière <strong>de</strong>réseau électriqueLes débats publics sont <strong>la</strong>rgement instrumentalisés, ce qui permet <strong>de</strong> comprendre qu’ilssoient si utilisés (sic). Pris entre <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> son projet par le maître d’ouvrage etl’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> souffrance riveraine, les débats sont un puissant mécanisme <strong>de</strong> dynamisation.Cependant, leur instrumentalisation mène à <strong>de</strong>s excès dont les juridictions administratives ont àconnaître.De prime abord, <strong>la</strong> question du contentieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation peut surprendre en cesens que les décisions prises au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation sont <strong>de</strong>s actes préparatoires,insusceptibles <strong>de</strong> recours. Aux termes d’une jurispru<strong>de</strong>nce constante, en effet, cettecaractéristique exclut <strong>la</strong> possibilité pour ces actes d’être déférés <strong>de</strong>vant les juridictionsadministratives. Pourtant, les décisions « d’orientation » prises par les maîtres d’ouvragepeuvent néanmoins faire l’objet <strong>de</strong> recours portés <strong>de</strong>vant le juge administratif 254 . Dans cettehypothèse, seuls les moyens <strong>de</strong> procédure peuvent être soulevés à l’exclusion <strong>de</strong> <strong>la</strong> contestationdu fond du projet. Ceci s’explique par le fait qu’en théorie, à ce sta<strong>de</strong>, le fond n’a pas assez <strong>de</strong>consistance. Pour PASCALE IDOUX, <strong>la</strong> dissociation entre les <strong>de</strong>ux contentieux « signifie qu’estapparu une sorte <strong>de</strong> droit autonome [...] <strong>la</strong> procédure est <strong>de</strong>venue une fin en soi. C’est curieux254 CE 28 décembre 2005 Association Aquitaine alternative et autres, n° 270801, Juris-Data n° 2005-069596.90


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDet innovant » 255 . Ce postu<strong>la</strong>t permet aussi <strong>de</strong> mettre en exergue une multiplication <strong>de</strong>scontentieux, maintenant fondés non seulement sur le fond du projet mais également sur <strong>la</strong>forme <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation.Néanmoins, pour une réelle entreprise <strong>de</strong> démocratie participative, il est nécessaire <strong>de</strong>prévenir le contentieux. Il est constant que l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure participative doitembrasser chacune <strong>de</strong>s volontés. Or, le principe <strong>de</strong> participation se heurte dans <strong>la</strong> pratique àune mise en œuvre trop souvent superficielle, <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> l’apparence ou du symbole. Il est, eneffet, très rare <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> participation et <strong>de</strong> concertation sans en souligner les insuffisancesre<strong>la</strong>tives soit à <strong>la</strong> teneur du débat, soit aux aléas <strong>de</strong> sa mise en œuvre 256 .Pourtant, vu <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> Commission nationale <strong>de</strong> débat public, il semble que les maîtresd’ouvrage ne cherchent pas à échapper au débat public : ils connaissent bien leurs obligationsrésultant <strong>de</strong>s textes en <strong>la</strong> matière. Néanmoins, <strong>la</strong> difficulté tient plus au fait que <strong>la</strong> CNDP nedispose pas d’un système d’information systématique sur tous les projets et tous les maîtresd’ouvrage sur tout le territoire français. Ceci implique que toutes les informations re<strong>la</strong>tives auxthèmes susvisés doivent être réunies, analysées et vulgarisées dans un temps très court, celui<strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation. Le lien entre l’obligation informationnelle et l’obligation participative étanttrès étroit, <strong>la</strong> participation ne saurait être effective sans pouvoir se baser sur une littératurecomplète et précise. Etant précisé que <strong>la</strong> concertation, elle-même, fait naître <strong>de</strong> nouvellesinterrogations qui exigent à leur tour <strong>de</strong> nouvelles expertises. Le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation estainsi parfois vécu comme paralysant pour le porteur du projet.Le manque d’imagination et d’esprit prospectif <strong>de</strong>s maîtres d’ouvrage pourrait parfoisêtre à l’origine <strong>de</strong> l’acceptation brute du projet par les administrés. En tout état <strong>de</strong> cause, cettecritique ouvre <strong>la</strong> voie au développement <strong>de</strong> nouvelles technologies (enfouissement sur <strong>de</strong>longues distances, lignes sous-marines, réduction voire élimination du champ électromagnétiquepar <strong>de</strong>s gaines iso<strong>la</strong>ntes...).Une autre difficulté doit être soulevée : les documents soumis à <strong>la</strong> concertation nesauraient être <strong>de</strong> vulgaires brouillons d’un projet aux contours non définis. C’est là tout leparadoxe : le projet se doit d’être c<strong>la</strong>irement défini pour que les participants puissent émettreun jugement éc<strong>la</strong>iré, alors que le débat exige au contraire qu’il ne soit pas figé comme tel. Laproblématique est double : est-il raisonnable d’organiser <strong>de</strong>s débats sur <strong>de</strong>s projets incertains etutopiques ? Est-il raisonnable d’organiser <strong>de</strong>s débats publics sur <strong>de</strong>s projets très avancés donton n’envisage nullement <strong>la</strong> remise en cause ? Les positions exacerbées <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux camps <strong>de</strong>protagonistes (ceux favorables et ceux défavorables au linéaire électrique) n’invitent pas àdévelopper une solution modérée ; pourtant, seule, capable <strong>de</strong> finaliser une décisionréciproquement acceptable.255 « Les eaux troubles <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation du public » <strong>de</strong> PASCALE IDOUX, Revue Environnement n°7, juillet 2005,étu<strong>de</strong> 26.256 « La participation <strong>de</strong>s citoyens, entre débat public et déni <strong>de</strong> débat » J. GONELLA, in S. VALLEMONT, « Ledébat public : une réforme dans <strong>l'</strong>État », LGDJ, coll. Systèmes-Droit public, 2001, p. 81 et s.91


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDEn matière, d’environnement et plus particulièrement en matière d’électricité nucléaire,l’acuité <strong>de</strong>s questions sans réponses acceptables <strong>de</strong>meure. L’environnement serait-il matièreplus couramment victime <strong>de</strong> l’ignorance <strong>de</strong>s conclusions <strong>de</strong>s débats publics ?§ II. Energie électronucléaire et environnement : élémentsd’une démocratie bafouéeLes gar<strong>de</strong>-fous, notamment juridiques, qui existent en matière d’environnement et plusprécisément en matière <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s paysages s’opposent c<strong>la</strong>irement à <strong>la</strong> pratique. Laprotection est théorique. Cette scission est particulièrement forte en matière <strong>de</strong> nucléaire. Cefaisant, nous est-il permis <strong>de</strong> considérer que <strong>la</strong> démocratie –incluant pour nous une participationeffective <strong>de</strong>s administrés- et <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement sont inconciliables en matière <strong>de</strong>nucléaire ? L’exigence légale et règlementaire <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement renonce às’exprimer dans le domaine conflictuel aigu du nucléaire ; jusqu’à se réfugier uniquement dansune expression purement théorique, textuelle. Au nom <strong>de</strong> l’efficacité énergétique, l’industrienucléaire et le gouvernement passent sous silence les contestations et, <strong>de</strong> ce fait, aucunealternative n’est envisageable. Or le monopole exercé sur l’électricité nucléaire empêche unquelconque contrôle <strong>de</strong>s ses excès. Cette matière est un bloc <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> qui reste en son entier,insusceptible <strong>de</strong> variation, même minime. Dans ces conditions, l’Etat n’est responsable que dubon déroulement <strong>de</strong> sa technique. Il prend alors le parti <strong>de</strong> ne pas se rendre responsable <strong>de</strong>sconséquences <strong>de</strong> ses choix, c’est-à-dire <strong>de</strong>s effets concrets <strong>de</strong> ses actions sur l’environnementet <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>s hommes. Dès lors, pourquoi une telle obstination à brandir le drapeau d’unedémocratie vertueuse ?Cette obstination est fondée sur une espérance : celle <strong>de</strong> construire les basesd’une nouvelle vie sociale. Ne rien faire consiste à accepter. Ainsi pour se libérer du joug <strong>de</strong> <strong>la</strong>comp<strong>la</strong>isance aveugle, il convient <strong>de</strong> déterminer les difficultés pour en trouver les solutions. Acet égard, BERNARD CHARBONNEAU affirmait que « le constat <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité est le premier pas vers<strong>la</strong> liberté » 257 . Il est nécessaire, pour nous, <strong>de</strong> redimensionner <strong>la</strong> consommation électronucléaireet d’en démocratiser les lignes : on ne peut va<strong>la</strong>blement continuer à inciter l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong>climatisation et du chauffage pour en retour rendre le consommateur responsable <strong>de</strong> cettehausse d’électricité. Plus précisément, RTE et EDF ont besoin d’une hausse <strong>de</strong> consommationpour justifier le surdimensionnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité nucléaire. Ainsi, en encourageant leconsommateur à utiliser <strong>de</strong>s appareils électriques, les promoteurs du développement électriqueopèrent un transfert <strong>de</strong> responsabilité en mettant le consommateur à défaut.Néanmoins, <strong>la</strong> vitalité <strong>de</strong> certaines têtes pensantes a ouvert <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong>rendre <strong>de</strong>s idées, à l’existence insoupçonnable, très fécon<strong>de</strong>s. Au niveau <strong>de</strong>s politiques, d’abord,et plus précisément en Allemagne, ANGELA MERKEL a refusé <strong>de</strong> revenir sur l’abandon du nucléaireen respectant l’engagement <strong>de</strong> son prédécesseur GERHARD SCHRÖDER 258 . Ce réalisme politique257 BERNARD CHARBONNEAU in « Ecologie et Liberté, BERNARD CHARBONNEAU précurseur <strong>de</strong> l’écologie politique »,DANIEL CEREZUELLE, L’Après-Développement, Paragon/VS, 2006, p.186.258 Cf. supra note n°22.92


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDpourrait être intégrant jusqu’à dépasser les frontières étatiques. Dans l’attente d’un trésor <strong>de</strong>diplomatie française comparable au comportement précurseur germanique, <strong>de</strong>s groupementsd’acteurs se sont formés afin <strong>de</strong> faire pression sur les autorités décisionnelles. Ces acteurslocaux dressent un édifice social, qui peut, certes, avoir une efficacité dérisoire, mais qui a lemérite <strong>de</strong> peser dans l’équilibre du bloc <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> étatique. Ils ont posé un ensemble <strong>de</strong>problématiques dont l’acuité <strong>de</strong>meure. Ils ont, par exemple, permis <strong>de</strong> mettre en exergue les<strong>la</strong>cunes majeures du projet : une précipitation à signer le décret autorisant l’EPR, une comédie<strong>de</strong> concertation faisant fi <strong>de</strong> <strong>la</strong> réflexion <strong>de</strong>s élus locaux, une ignorance <strong>de</strong>s conclusions du débatpublic et <strong>de</strong> toute remise en cause <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> réaliser un linéaire à <strong>THT</strong> ni un EPR àF<strong>la</strong>manville, l’absence d’étu<strong>de</strong>s épidémiologiques contradictoires, le refus obtus <strong>de</strong> considérer lesimpacts sanitaires sur les riverains et sur les élevages, le refus <strong>de</strong> réactiver le GPSE(Groupement Permanent pour <strong>la</strong> Sécurité Electrique dans les élevages agricoles et aquacoles) etune ferme expérimentale.Quand le nucléaire, sujet technique, économique et éthique majeur, sortira-il <strong>de</strong>ssentiers battus <strong>de</strong> l’anti-démocratie ? La crise <strong>de</strong> l’énergie électronucléaire renforce l’importanceet <strong>la</strong> légitimité <strong>de</strong>s interrogations et <strong>de</strong>s mobilisations sur le front éc<strong>la</strong>té <strong>de</strong> l’alter-consommation.93


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDCONCLUSIONEncore une. Encore une ligne électrique qui vient étioler notre patrimoine naturel etculturel. Il s’agit d’une course interminable, une course aux linéaires électriques dont leslimites spatiales et temporelles sont indéterminées. Ignorant ce déclinisme patrimonial lesautorités décisionnelles dressent le portrait d’un territoire dopé par son orgueil énergéticopolitique.La France avance fièrement à <strong>la</strong> tribune <strong>de</strong> <strong>la</strong> concurrence énergétiqueinternationale. Dans ces conditions, l’environnement ne peut qu’être l’objet d’une prédationprimaire. Il <strong>de</strong>vient précisément <strong>la</strong> victime impotente d’un mitage industriel constant. Lamuti<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> notre territoire est d’autant plus incompréhensible que les annoncesgouvernementales exhortent régulièrement son respect. Entre Grenelle <strong>de</strong> l’environnementet développement radicalisé <strong>de</strong> l’énergie électronucléaire, <strong>la</strong> ligne <strong>de</strong> conduite est résolumentindéchiffrable. Chacun <strong>de</strong>s opposants est, <strong>de</strong> fait, nourri d’espoirs. Cette dimension, a prioriapaisante, est plutôt à l’origine d’un sentiment <strong>de</strong> déshérence collective, les promessesagissant en réalité comme un instrument <strong>de</strong> temporisation <strong>de</strong>s mécontentements. C’est leparaphe du retranchement <strong>de</strong>s actions militantes voire, à terme, du désintérêt total <strong>de</strong>sacteurs pour <strong>la</strong> matière. Il est donc nécessaire <strong>de</strong> ne pas se prendre au piège <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong>mesures protectrices, lesquelles sont, en réalité, <strong>de</strong>s mesures dites <strong>de</strong> bonne diplomatie maisqui ne versent que trop rarement dans le factuel, l’effectif. Elles sont véritablementanalgésiques.Il est nécessaire d’être conscient du danger que dissimule une logique économiquetronquée. C’est à partir <strong>de</strong> l’anticipation d’un avenir grave, dans lequel l’environnement estmatière marginale, que s’est forgée l’idée d’une relecture <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique énergétique. Cetterelecture est vitale, elle doit permettre <strong>de</strong> contrarier <strong>la</strong> fonction d’alibi <strong>de</strong> certainesinfrastructures, dont <strong>la</strong> réalisation relève davantage d’une logique néolibérale primaire. Danscette hypothèse, chacune <strong>de</strong>s activités humaines est irrésistiblement vouée à enclencher unprocessus d’usurpation <strong>de</strong>s territoires, basé sur <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction.En autorisant l’imp<strong>la</strong>ntation d’infrastructures ayants <strong>de</strong>s conséquences indécentespour l’environnement, les aménageurs et les déci<strong>de</strong>urs publics s’arrogent un pur droit <strong>de</strong><strong>de</strong>struction. Il n’est nul besoin d’aller plus en avant sur ce point pour affirmer que <strong>de</strong>nombreuses autorisations sont pleinement illégales, et ce, en toute matière. La simple règledu « pas-vu-pas-pris » acquiert une résonance plus que coutumière. Le rôle <strong>de</strong>s protecteurs<strong>de</strong> l’environnement prend alors une p<strong>la</strong>ce dominante voire ultime. La dé<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>scomportements délictueux est le seul rempart à <strong>la</strong> réalisation effective <strong>de</strong>s ouvrages.La cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> sclérose <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement peut êtrecédée à l’organisation même du service public <strong>de</strong> l’électricité. Le système électrique françaisrepose sur un triptyque atypique : <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> production électronucléaire centralisées, <strong>de</strong>slignes à très haute tension qui acheminent sur <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> kilomètres un courant produitprincipalement en 30 points du territoire et enfin un consommateur incité constamment àutiliser <strong>de</strong> l’énergie électrique. Il est l’incarnation <strong>de</strong> l’introuvable sobriété énergétique. Sans94


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD<strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> l’esprit à faire exploser ce cadre d’action, il n’y aura aucun progrès versantdans <strong>la</strong> durabilité. Le droit <strong>de</strong> l’environnement peut exister, son existence ne garantissantaucunement son effectivité.Cette conception profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> production et <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution d’électricité estcontraire à <strong>la</strong> construction d’un héritage viable et à <strong>la</strong> valorisation <strong>de</strong> notre patrimoine. Toutematière électrique mobilisable est mobilisée. Ce sont donc les principales caractéristiques <strong>de</strong>l’organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> production électrique qu’il faut mouvoir dans leur substance pour avoirune chance <strong>de</strong> les maîtriser et <strong>de</strong> protéger l’environnement. Cependant l’Etat est un acteurclef alors que son rôle se résume facilement à <strong>la</strong> sécurisation <strong>de</strong>s approvisionnements dansun contexte <strong>de</strong> raréfaction <strong>de</strong>s ressources. L’équation énergétique française semble ainsi seconcentrer sur un rapport <strong>de</strong> concurrence <strong>de</strong> portée internationale. Comment, alors,concevoir que <strong>la</strong> terre puisse être sacrifiée à l’aune d’orgueils politiques ?L’Etat <strong>la</strong>nce une croisa<strong>de</strong> pour le développement <strong>de</strong> son réseau électrique. Puis iljustifie son nouvel aménagement en mettant en exergue une forte consommation <strong>de</strong>srégionaux. Cette attitu<strong>de</strong> lâche permet aux autorités décisionnelles d’opérer un transfert <strong>de</strong>responsabilité sur le citoyen, dont le comportement énergivore excessif est, seul, pointé dudoigt. Concrètement, « l’Etat transforme le citoyen en rouage, en instrument d’organisationimpersonnelle » 259 . Il n’est qu’un pion au service du développement électrique et ce faisant,au service <strong>de</strong> l’enrichissement <strong>de</strong> l’Etat. Cet état <strong>de</strong> fait n’est que l’une <strong>de</strong>s dimensionsinquiétantes du contrôle <strong>de</strong>s volontés par les autorités décisionnelles. On entend déjà lesdiscours politisés « chers français, vous consommez beaucoup, <strong>la</strong> France a besoin d’unnouveau réacteur et d’un autre encore et d’un autre... ». Pourtant, lorsque l’on réalise unnouveau réacteur nucléaire mais qu’en plus on prévoit <strong>la</strong> réalisation d’un <strong>de</strong>uxième avantmême <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction du premier, il nous semble aisé <strong>de</strong> considérer que l’on ne sesitue aucunement dans le contexte <strong>de</strong> crises hivernales lors <strong>de</strong>squelles le chauffage estnécessaire mais plus globalement dans celui <strong>de</strong> l’exportation massive du surplus électrique.Observée <strong>de</strong>puis l’étranger <strong>la</strong> France est qualifiée <strong>de</strong> «coureur <strong>de</strong> lignes ». Encore une fois,une course vers l’introuvable sobriété énergétique. Les enjeux croisés <strong>de</strong> l’aménagement duterritoire et <strong>de</strong> l’énergie ont ainsi favorisé l’émergence <strong>de</strong> verrues paysagères. L’étalement <strong>de</strong>pylônes disgracieux fait, en effet, partie <strong>de</strong>s éléments du mitage <strong>de</strong>s paysages ruraux. Cephénomène est insidieux, son <strong>de</strong>gré d’étalement est en constante augmentation.Finalement, c’est l’expression « efficacité énergétique » qui doit être précisée.Entendue dans une acception supranationale, elle n’est rien d’autre que l’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong>concurrence. L’efficacité c’est <strong>la</strong> rage <strong>de</strong> l’économie. C’est <strong>la</strong> préférence pour le présent. C’estl’apologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> non-maîtrise <strong>de</strong> l’énergie. Mais entendue dans une optique <strong>de</strong> durabilité, elleexprimera <strong>la</strong> rationalité. En effet, sans verser dans l’anti-consommation –qui apparaîtrait comme<strong>la</strong> forme extrême <strong>de</strong> rébellion consommatrice- l’efficacité peut embrasser les enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong>protection <strong>de</strong> l’environnement. Par exemple, en considérant que le sol est un bien non259 « Ecologie et Liberté, BERNARD CHARBONNEAU précurseur <strong>de</strong> l’écologie politique », DANIEL CEREZUELLE,collection L’Après-Développement, Parangou/VS, 2006, p.72.95


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDrenouve<strong>la</strong>ble, il serait –ou sera- possible <strong>de</strong> créer les conditions favorables à <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong> sonemprise.Malgré l’inopportunité f<strong>la</strong>grante du développement <strong>de</strong> projets tels que le projetCOTENTIN-MAINE, RTE, avec l’aval <strong>de</strong> l’Etat et du lobby nucléaire, poursuit ses démarches stériles.En présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> tels acteurs, qui peut avoir le courage d’accélérer <strong>la</strong> productiond’une légis<strong>la</strong>tion protectrice <strong>de</strong> l’environnement ? On en vient à douter <strong>de</strong> notre propre ordresocial dont le vice majeur est d’être tourné en priorité vers <strong>la</strong> sphère économique. Cetteréflexion permet <strong>de</strong> nous opposer au conditionnement social qui est subversif. Elle incarne, aucontraire, un appel à <strong>la</strong> rupture ; car <strong>la</strong> continuité serait pleinement synonyme <strong>de</strong>développement infini <strong>de</strong> linéaires électriques. A cet égard, existe-t-il une limite à <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction<strong>de</strong> l’environnement par <strong>de</strong>s lignes électriques ? Une limite – au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> simple étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’utilité publique- en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> toute infrastructure <strong>de</strong>structrice seraitinterdite ? Une autre interrogation peut encore être soulevée : les personnes qui détruisent <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature peuvent-elles être disculpées <strong>de</strong> leur faute ? Il est c<strong>la</strong>ir que dans l’hypothèse <strong>de</strong> <strong>la</strong>présente contribution ou dans celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique FRANCE-ESPAGNE, les régionaux ontprofondément exprimé leur refus du projet. La prise <strong>de</strong> décision relève donc exclusivement <strong>de</strong>spartisans <strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong> l’environnement qui sont alors responsables du soubassementphysique <strong>de</strong> nos conditions d’existence. Les modalités <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> décision se doivent doncd’évoluer encore afin d’épouser au mieux les termes <strong>de</strong>s nouveaux enjeux environnementaux,grandissants. Dans cette hypothèse, les régionaux concernés par <strong>de</strong>s linéaires électriques serontmaîtres <strong>de</strong> <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> leur environnement. Prenons le pari qu’ils seront les premierspartisans du lobby <strong>de</strong>s Néga-watts.96


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L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDVEYRET YVETTE et GECKO MAGALI, L’approche récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité, Revue Responsabilité etEnvironnement n°43, juillet 2006.VEROT CECILIA, Commentaire <strong>de</strong> l’arrêt Protection du site <strong>de</strong>s gorges du Verdon, Revue Environnement, n°1janvier 2007.VIALATTE PAUL, 10 ans <strong>de</strong> débat public, un bi<strong>la</strong>n global positif, Revue environnement n°12, Etu<strong>de</strong> 13,décembre 2007.RAPPORTS ET ETUDESAssociation AGIR POUR L’ENVIRONNEMENT, Très Haute Tension, <strong>de</strong>s nuisances sur toute <strong>la</strong> ligne,campagne n°24, 2006.AURENGO (A.), CLAVEL (J.), DE SEZE (R.), GUENEL (P.), JOUSSOT-DUBIEN (J.), VEYRET (B.) Champsmagnétiques d’extrêmement basse fréquence et santé, DGS, 8 novembre 2004.BRUNET PIERRE et GIRARDIN PIERRE, Inventaire <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> Normandie, 2001.COLLECTIF STOP EPR, L’EPR en bref, Ce qu’il faut savoir sur le réacteur nucléaire EPR, janvier 2007.Communication <strong>de</strong> <strong>la</strong> COMMISSION EUROPEENNE, Les infrastructures critiques et <strong>la</strong> lutte contre leterrorisme, 2004.Livre vert <strong>de</strong> <strong>la</strong> COMMISSION EUROPEENNE, Vers une stratégie européenne <strong>de</strong> sécuritéd'approvisionnement énergétique, 2000.Livre b<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> <strong>la</strong> COMMISSION EUROPEENNE sur les Services d’Intérêt Général, 2004.COMMISSION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION CONTRE LES RAYONNEMENTS NONIONISANTS, Cahiers <strong>de</strong> notes documentaires, Gui<strong>de</strong> pour l’établissement <strong>de</strong> limites d’exposition aux champsélectriques, magnétiques et électromagnétiques, Hygiène et sécurité du travail, n°182, 1er trimestre 2001.COMMISSION NATIONALE DE DEBAT PUBLIC, Bi<strong>la</strong>n du débat public sur le projet <strong>de</strong> ligne à Très HauteTension Cotentin-Maine, version papier et Cd-rom, avril 2006.COMMISSION PARTICULIERE DE DEBAT PUBLIC, Compte-rendu du débat public sur le projet à <strong>THT</strong>Cotentin-Maine, mars 2006.DUBIEN ISABELLE, LAURANS YANN, JACQ ANNIE, La requalification <strong>de</strong> projets d’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> lignes EDFcontestés : quelle évaluation en tant que résultat <strong>de</strong> négociation ?, Rapport final du programme <strong>de</strong> recherche« Concertation, Décision et Environnement », octobre 2001.DRAPER GERARD, Childhood cancer in re<strong>la</strong>tion to distance from high voltage power lines in Eng<strong>la</strong>ndand Wales: a case-control study, BMJ, 4 juin 2005.Livre b<strong>la</strong>nc sur les énergies, FONTAINE NICOLE, 7 novembre 2003.Les cahiers <strong>de</strong> GLOBAL CHANCE n°18, Le réacteur nucléaire EPR : un projet inutile et dangereux, janvier2004.INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE SECURITE, Le réseau ALARA, Document pour le Mé<strong>de</strong>cin dutravail n°111 3 ème trimestre 2007.LEROND MICHEL et SANSON CHRISTOPHE, Profil environnemental régional <strong>de</strong> Basse-Normandie, DIREN <strong>de</strong>Basse-Normandie, 2001.Etu<strong>de</strong> et commentaires <strong>de</strong> LE RUZ PIERRE et <strong>de</strong> SANTINI ROGER sur le rapport à <strong>la</strong> DGS d’un groupe d’expertsrattaché au Conseil supérieur d’hygiène publique <strong>de</strong> France, 8 novembre 2004.Ai<strong>de</strong>-mémoire <strong>de</strong> l’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE n°205, CEM et santé publique, 1998.99


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDRapport du World Health Organisation (OMS), Champs électromagnétiques et santé publique, politique <strong>de</strong>précaution, mars 2000.Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> MAISCH DON, Conflits d’intérêt et partialité chez les comités consultatifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé, avril 2006.MINISTERE DE L’AGRICULTURE et EDF, Mieux connaître les risques <strong>de</strong>s courants électriques parasitesdans les exploitations d’élevage, RTE, juillet 2000.RENAUD FRANCE et GOULET DANIEL, Les effets <strong>de</strong>s champs électrique et magnétique sur <strong>la</strong> santé et <strong>la</strong>productivité du bétail, Hydro-Québec, 1999.Fascicule <strong>de</strong> Réseau <strong>de</strong> Transport d’Electricité, Projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension Cotentin-Maine,délivré pour le débat public, Octobre 2005-Février 2006.Dossier du maître d’ouvrage RTE, Projet <strong>de</strong> ligne à très haute tension Cotentin-Maine, non daté.Rapport <strong>de</strong> RTE et EDF, Les champs électromagnétiques <strong>de</strong> très basse fréquence, 2008.PRESSE∗ JOURNAUXLa Manche LibreLe Mon<strong>de</strong>Le Nouvel observateurLe ParisienLe PointLe TempsLes échosLibérationJournal télévisé France 2Journal télévisé régional France 3 NormandieJournal <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé France 5Ouest FranceRadio France Internationale60 Millions <strong>de</strong> consommateurs « Des lignes sous haute tension », 1 er octobre 2005.∗ COMMUNIQUE ET DOSSIER DE PRESSECommuniqué <strong>de</strong> presse <strong>de</strong>s ASSOCIATIONS LOCALES (CIELE, Les 7 vents du Cotentin, le CLER),Ligne <strong>THT</strong> Cotentin à Rennes-Laval : pour un tracé équitable entre les énergies, 24 novembre 2005.Dossier <strong>de</strong> presse d’AREVA, EPR, le réacteur nucléaire avancé, Octobre 2004.Discours <strong>de</strong> GRALL YVES et <strong>de</strong> COCHET YVES, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> Conférence <strong>de</strong>s 2O ans <strong>de</strong> l’associationManche-Nature, 17 mai 2008 à Saint-P<strong>la</strong>nchers.Communiqué <strong>de</strong> Presse <strong>de</strong> l’OMS, n°38, Des experts se réunissent à Moscou pour discuter <strong>de</strong>s effetsindésirables <strong>de</strong>s CEM sur <strong>la</strong> santé, 20 mai 1998.Dossier <strong>de</strong> presse du Cabinet du PREFET <strong>de</strong> <strong>la</strong> Manche, Lancement <strong>de</strong> l’EPR, mai 2006.100


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDMEMOIRE ET THESEAOUSTIN TRISTAN, La participation du public aux p<strong>la</strong>ns et programmes re<strong>la</strong>tifs à l’environnement, Mémoire <strong>de</strong>DEA droit <strong>de</strong> l’environnement et <strong>de</strong> l’urbanisme, Limoges, 2004, 141 pages.JACOTOT DAVID, La notion <strong>de</strong> sécurité sanitaire, Thèse, Dijon, 1999, 392 pages.REFERENCES ELECTRONIQUES∗ Le site <strong>de</strong>s actualités juridiques en matière d’environnement, ACTU-ENVIRONNEMENT : www.actuenvironnement.com/∗ Le site <strong>de</strong> l’AGENCE FRANÇAISE DE SECURITE SANITAIRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL :http://www.afsse.fr/ ; et plus précisément : http://www.afsset.fr/in<strong>de</strong>x.php?pageid=1236&ongletlstid=1612.∗ Le site d’AREVA, sur <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> l’EPR : www.framatome.com∗ Le site du CRIREM, Centre <strong>de</strong> Recherche et d’Information Indépendantes sur le Rayonnementélectromagnétique : http://riimem.blogspirit.com/∗ Le site <strong>de</strong> <strong>la</strong> CIPRNI, Commission internationale pour <strong>la</strong> protection contre les rayonnements non ionisants :http://www.icnirp.<strong>de</strong>/∗ Le site du DEBAT NATIONAL SUR LES ENERGIES : www.<strong>de</strong>bat-énergie.gouv.fr∗ Le site du DEBAT PUBLIC sur le projet Cotentin-Maine : www.<strong>de</strong>batpublic-<strong>THT</strong>cotentin-maine.org∗ Le site <strong>de</strong> <strong>la</strong> DIRECTION REGIONALE DE L’ENVIRONNEMENT :- DIREN Basse-Normandie : www.basse-normandie.ecologie.gouv.fr- DIREN Bretagne : www.bretagne.ecologie.gouv.fr/- DIREN Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire : www.pays-<strong>de</strong>-loire.environnement.gouv.fr/∗ Le site <strong>de</strong> <strong>la</strong> DIRECTION REGIONALE DE L’INDUSTRIE, DE LA RECHERCHE ET DE L’ENVIRONNEMENT :- DRIRE Basse-Normandie :www.drire.gouv.fr/basse-normandie- DRIRE Bretagne : www.bretagne.drire.gouv.fr- DRIRE Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire : www.drire.gouv.fr/pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-loire/∗ Le site <strong>de</strong> l’accès au droit <strong>de</strong> l’Union-Européenne, EUROPA-LEX: http://eur-lex.europa.eu/fr/in<strong>de</strong>x.htm∗ Rapport <strong>de</strong> KERT CHRISTIAN au nom <strong>de</strong> l’office parlementaire d’évaluation <strong>de</strong>s choix scientifiques ettechnologiques, sur l’apport <strong>de</strong> nouvelles technologies dans l’enfouissement <strong>de</strong>s lignes électriques à haute ettrès haute tension : http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/lignes_elect/i3477.asp∗ Le site du service public <strong>de</strong> l’accès au droit, LEGIFRANCE : www.legifrance.gouv.fr∗ Le site du MINISTERE DE L’ECONOMIE DE L’INDUSTRIE ET DE L’EMPLOI : www.industrie.gouv.fr∗ Le site du NATIONAL INSTITUTE OF ENVIRONMENTAL HEALTH SCIENCES : www. niehs.nih.gov/∗ Le site <strong>de</strong> l’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE : www.who.int∗ Le site du RAPPORT BIO INITIATIVE : http://www.bioinitiative.org/report/in<strong>de</strong>x.htm∗ Le site <strong>de</strong> RESEAU DE TRANSPORT D’ELECTRICITE : www.rte-france.com/101


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXESAnnexe I Cartographie <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> fragilités électriques.A. Zones <strong>de</strong> fragilité électrique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Basse-Normandie.B. Zones <strong>de</strong> fragilité électrique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bretagne.C. Zones <strong>de</strong> fragilité électrique <strong>de</strong>s Pays-<strong>de</strong>-<strong>la</strong>-Loire.Annexe II Procédure d’é<strong>la</strong>boration du fuseau <strong>de</strong> moindre impact.Annexe III Proposition <strong>de</strong> couloirs <strong>de</strong> passage.Annexe IV Regard <strong>de</strong> CHRISTIAN DUCASSE sur <strong>la</strong> performance « Chernobourg mon amour » <strong>de</strong>VICTOR CHORG, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation anti-EPR du 15 avril 2006 à CHERBOURG.Annexe V Localisation <strong>de</strong>s Parcs Naturels Régionaux.Annexe VI Localisation <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s.Annexe VII Patrimoine Naturel.Annexe VIII Carte <strong>de</strong>s sites c<strong>la</strong>ssés et inscrits <strong>de</strong> BRETAGNE.Annexe IX Carte <strong>de</strong>s sites c<strong>la</strong>ssés et inscrits <strong>de</strong> <strong>la</strong> MAYENNE.Annexe X Carte <strong>de</strong>s ZNIEFF <strong>de</strong>s PAYS-DE-LA-LOIRE.Annexe XI Article du journal La MANCHE Libre « Une opération-néon contre <strong>la</strong> <strong>THT</strong> », 5janvier 2008.Annexe XII Tableau comparatif <strong>de</strong>s valeurs maximales d’exposition rési<strong>de</strong>ntielles.Annexe XIII Questionnaire du CRIIREM.Annexe XIV Tableau comparatif <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts dus aux lignes aériennes et aux lignessouterraines.Annexe XV Emprise au sol <strong>de</strong> l’enfouissement <strong>de</strong>s linéaires électriques.Annexe XVI Thématiques abordées par les cahiers d’acteurs.Annexe XVII Photographies <strong>de</strong> linéaires électriques à très haute tension.102


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE I CARTOGRAPHIE DES ZONES FRAGILITES ELECTRIQUESSource : Annexe II du Schéma <strong>de</strong> développement électrique <strong>de</strong> chaque région.A. ZONES DE FRAGILITE ELECTRIQUE DE LA BASSE-NORMANDIE103


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDB. ZONES DE FRAGILITE ELECTRIQUE DE LA BRETAGNE104


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDC. ZONES DE FRAGILITE ELECTRIQUE DES PAYS-DE-LA-LOIRE105


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE IIPROCEDURE D’ELABORATION DU FUSEAU DE MOINDRE IMPACTSource : RTE106


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE IIIPROPOSITION DES COULOIRS DE PASSAGESource : RTE107


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE IV REGARD DE CHRISTIAN DUCASSE SUR LA PERFORMANCE « CHERNOBOURG MON AMOUR »DE VICTOR CHORG, LORS DE LA MANIFESTATION ANTI-EPR DU 15 AVRIL 2006 ACHERBOURG.ANNEXE VLOCALISATION DES PARCS NATURELS REGIONAUX108


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE VILOCALISATION DES ZONES HUMIDES109


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE VIIPATRIMOINE NATURELLEGENDEZNIEFF 1ZNIEFF 2ZICORAMSARZPS (Natura 2000)ZSC (Natura 2000)Projets <strong>de</strong> SIC (Natura 2000)SIC (Natura 2000)Réserve naturelleArrêté <strong>de</strong> Protection <strong>de</strong> BiotopeForêt <strong>de</strong> protectionParc Naturel RégionalCommuneDépartementDépartements limitrophes110


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE VIIICARTE DES SITES CLASSES ET INSCRITS DE BRETAGNE111


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE IXCARTE DES SITES CLASSES ET INSCRITS DE LA MAYENNE112


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XCARTE DES ZNIEFF DES PAYS-DE-LA-LOIRE113


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XIARTICLE DU JOURNAL LA MANCHE LIBRE : OPERATION NEONS114


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XIITABLEAU COMPARATIF DES VALEURS MAXIMALES D’EXPOSITION RESIDENTIELLESValeurs maximales d’exposition daux champsmagnétiques tolérées dans les habitations1009010080706050403020201010310,250FranceEtatsFlori<strong>de</strong>,New YorkRussie Italie Suisse Suè<strong>de</strong>Source : ONG Next-up.115


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XIIIQUESTIONNAIRE DU CRIIREM116


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XIVTABLEAU COMPARATIF DES ACCIDENTS DUS AUX LIGNES AERIENNES ET AUX LIGNESSOUTERRAINES, 2000.Source : Rapport KERT.ANNEXE XVEMPRISE AU SOL DE L’ENFOUISSEMENT DES LINEAIRES ELECTRIQUES.Source : Rapport KERT117


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XVITHEMATIQUES ABORDEES PAR LES CAHIERS D’ACTEURSAssociationsCRILANSortir du nucléaire, EPRnon MerciAgir pourl’environnement,Greenpeace et WWFChoixénergétiques••AlternativestechniquesAgriculturesantéanimaleSantéhumaineEnvironnementPaysagetourisme• • • •Animaux sous tension•CGT• •Manche développement•Conseil général 50• • •Jeunes agriculteurs 50• •Chambre d’agriculture 50• •FDSEA 50• •Confédération Paysanne50• • •7 vents du Cotentin et•CIELERespecter le bocage 14• • • •Le pylone 53•Mayenne Nature• •environnementVerts 53FD Civam 53Collectif « Mayennesurvoltée »••• • • •FDSEA 53• • •Apege 53• •TOTAL : comparatif13 6 9 6 7Source : Compte-rendu du débat public, mars 2006.118


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDANNEXE XVIIPHOTOGRAPHIES DE LINEAIRES ELECTRIQUES A TRES HAUTE TENSIONCes lignes à très haute tension fournissent en électricité toute <strong>la</strong> région parisienne. Un chantier <strong>de</strong>dép<strong>la</strong>cement est prévu, dont le coût total s’élève à 7 millions d’euros.Aix en Provence, <strong>la</strong> célèbre montagne Sainte Victoire peinte par Cézanne.119


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDTABLE DES MATIERESSOMMAIRE.......................................................................................................................2LISTE DES ABREVIATIONS.....................................................................................................3INTRODUCTION.................................................................................................................4Partie I.A <strong>la</strong> recherche d’une justification du projet Cotentin-Maine en termes d’utilitépublique.......................................................................................................11Titre 1. L’inscription du projet dans <strong>la</strong> politique énergétique nationale et supranationale 13Chapitre I.La réalisation du démonstrateur <strong>de</strong> type EPR : héritage du paradigmeénergétique français........................................................................ 14Section I. Le déclin <strong>de</strong>s énergies pétrolifères et le maintien <strong>de</strong> l’option nucléaire ...... 14§ I. La réponse nucléaire à <strong>la</strong> vo<strong>la</strong>tilité <strong>de</strong>s prix du pétrole .................................. 14§ II. Le nucléaire : outil politique majeur dans <strong>la</strong> problématique « climat » ........... 15Section II. La réalisation du démonstrateur <strong>de</strong> type EPR : une étape supplémentairevers le nationalisme énergétique ......................................................... 16§ I. L’obsolescence progressive <strong>de</strong> l’actuel parc nucléaire français ....................... 16§ II. La dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> décision portant réalisation du surdimensionnement <strong>de</strong> <strong>la</strong>capacité nucléaire ................................................................................... 17Chapitre II.L’approvisionnement du Grand-Ouest : entre mo<strong>de</strong>rnisation du servicepublic <strong>de</strong> l’électricité et négation <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles................ 19Section I. La gestion du risque aggravé <strong>de</strong> coupures et d’écroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> tension <strong>de</strong>sinfrastructures électriques .................................................................. 19§ I. Le concept <strong>de</strong> vulnérabilité appliqué aux infrastructures électriques................ 19§ II. La garantie <strong>de</strong> <strong>la</strong> sureté du système électrique ........................................... 21Section II. L’intégration du projet <strong>de</strong> réseau dans <strong>la</strong> dynamique territoriale locale .... 24§ I. Réflexion autours <strong>de</strong>s énergies renouve<strong>la</strong>bles : une équation contraire au droitnational et supranational.......................................................................... 24§ II. Les enjeux économiques du projet <strong>de</strong> réseau pour les territoires .................. 26Titre 2. Interrogation sur l’utilité publique du projet................................................... 28Chapitre I.De <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification du projet <strong>de</strong> réseau à <strong>la</strong> détermination du fuseau <strong>de</strong>moindre impact...............................................................................29Section I. Le contexte légis<strong>la</strong>tif, réglementaire et administratif <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau...................................................................................................... .29§ I. La p<strong>la</strong>nification du réseau public <strong>de</strong> transport d’électricité ............................. 29§ II. L’état <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure d’instruction du projet Cotentin-Maine ...................... 32SectionII. La détermination du fuseau <strong>de</strong> moindre impact : une approcheméthodologique................................................................................. 34§ I. L’insertion territoriale : <strong>de</strong> <strong>la</strong> détermination <strong>de</strong> l’aire d’étu<strong>de</strong> au fuseau <strong>de</strong>moindre impact....................................................................................... 34120


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD§ II. L’insertion finale : <strong>de</strong> <strong>la</strong> détermination du fuseau <strong>de</strong> moindre impact au tracé <strong>de</strong>détail du projet Cotentin-Maine ................................................................. 35Chapitre II.La remise en question <strong>de</strong> l’utilité publique du projet <strong>de</strong> réseauélectrique.......................................................................................37Section II. L’impact environnemental, social et financier : l’utilité publique en question....................................................................................................... 37§ I. L’impact environnemental in situ................................................................ 37§ II. L’atteinte au patrimoine et le coût financier : <strong>de</strong>ux éléments complémentaires<strong>de</strong> nature à retirer le caractère d’utilité publique du projet ........................... 40Section II. L’utilité publique <strong>de</strong> l’opération face aux inconvénients : le bi<strong>la</strong>n............. 42§ I. Le juge administratif : gardien timoré <strong>de</strong> l’équilibre <strong>de</strong>s grands projets d’état .. 42§ II. L’appréciation jurispru<strong>de</strong>ntielle <strong>de</strong> l’utilité publique <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau et sonapplication au projet Cotentin-Maine.......................................................... 43Partie II. A <strong>la</strong> recherche d’une justification du projet Cotentin-Maine en termes <strong>de</strong> satisfactiondu public ..................................................................................................... 48Titre 1.Les effets sanitaires <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle aux rayonnements non ionisants................................................................................................................50Chapitre I.L’absence <strong>de</strong> consensus sur les effets <strong>de</strong> l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle auxchamps électromagnétiques ............................................................. 51Section I.Mise à jour <strong>de</strong>s risques pour <strong>la</strong> santé liés à l’exposition rési<strong>de</strong>ntielle auxchamps électromagnétiques................................................................ 51§ I. L’essor <strong>de</strong> <strong>la</strong> controverse et <strong>la</strong> considération partielle <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s scientifiques 51§ II. Les valeurs-gui<strong>de</strong> et les recommandations d’exposition rési<strong>de</strong>ntielle auxrayonnements non ionisants ..................................................................... 55Section II. L’analyse du smog électromagnétique in situ : <strong>la</strong> fin du négationnisme ? . 57§ I. Historique sanitaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne existante Cotentin-Rennes 57A. Le bi<strong>la</strong>n officiel du maître d’œuvre ......................................................... 57B. Les enquêtes du CRIIREM : l’insoumission aux thèses officielles ............... 57§ II. L’influence <strong>de</strong> <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce dans l’étu<strong>de</strong> objective <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s champsélectromagnétiques ................................................................................. 59Chapitre II.La pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre du principe constitutionnel <strong>de</strong>précaution .. ...................................................................................62Section I. L’enfouissement terrestre <strong>de</strong>s lignes à très haute tension : un cadred’application du principe <strong>de</strong> précaution................................................. 62§ I. Le régime juridique et scientifique <strong>de</strong>s travaux d’enfouissement <strong>de</strong> réseauxélectriques ............................................................................................. 62§ II. La solution <strong>de</strong> l’enfouissement terrestre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne Cotentin-Maine ............... 65Section II. De <strong>la</strong> précaution à <strong>la</strong> prévention : réflexion sur <strong>la</strong> vio<strong>la</strong>tion d’une obligationconstitutionnelle ................................................................................ 68§ I. La pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre du principe <strong>de</strong> précaution ........................ 68§ II. La vio<strong>la</strong>tion d’une obligation constitutionnelle : enjeux et responsabilités....... 72121


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDTitre 2. Une remise en question <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative.................................... 75Chapitre I. L’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention d’AARHUS à un projet d’Etat..................... 76Section I. Une procédure d’exception aux décisions uni<strong>la</strong>térales <strong>de</strong> l’Administration .. 76§ I. Les procédures <strong>de</strong> concertation <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau électrique ................... 76§ II. La p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’obligation informationnelle .................................................... 79Section II. Le contrôle <strong>de</strong> l’effectivité <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie participative........................ 80§ I. Les procédures <strong>de</strong> concertation autour du projet Cotentin-Maine.................... 81§ II. Application <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong> participation <strong>de</strong> SHERRY ARNSTEIN au projet Cotentin-Maine .................................................................................................... 83Chapitre II.L’impact <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> concertation sur les projets <strong>de</strong> lignes à trèshaute tension .................................................................................87Section I. La requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau à travers le prisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> négociation....................................................................................................... 87§ I. La concertation : modalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> réseau ............. 87§ II. Exemples concrets <strong>de</strong> requalification <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> linéaires électriques ....... 88Section II. Démocratie, participation et environnement : le trio impossible ?............ 90§ I. Blocages et contentieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> concertation en matière <strong>de</strong> réseau électrique..... 90§ II. Energie électronucléaire et environnement : éléments d’une démocratie bafouée............................................................................................................. 92CONCLUSION..................................................................................................................94BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................97ANNEXES.....................................................................................................................102TABLE DES MATIERES......................................................................................................120122


L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDL’OPPORTUNITE DE LA REALISATION D’UNE LIGNE A TRES HAUTE TENSION :L’EXEMPLE DU PROJET COTENTIN-MAINE« Fer <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> renaissance du nucléaire » selon le groupeAREVA-FRAMATOME, constructeur du nouveau réacteur, l’EPR doitassurer à <strong>la</strong> France son indépendance énergétique. Afin d’exporter <strong>la</strong>puissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle tranche nucléaire, une ligne à très hautetension doit traverser <strong>de</strong> part en part l’Ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. Ce projetdit « COTENTIN-MAINE » est donc excessivement <strong>de</strong>structeur en termesd’environnement et <strong>de</strong> santé.Le renouvellement du parc électronucléaire est-il une réponse durableà l’indépendance énergétique française?L’opportunité d’un linéaire électrique peut-elle être remise en cause,au champ <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’utilité publique, malgré <strong>la</strong> force du lobbyélectronucléaire ?Le lien entre démocratie et environnement est-il pertinent en matière<strong>de</strong> grands projets d’Etat électronucléaires?Mémoire préparé et soutenu par :MARIE GIRARDAnnée universitaire 2007-2008123

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