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XYZep n° 27 - Centre Alain Savary

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| LE BULLETIN DU CENTRE ALAIN SAVARY |INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE PÉDAGOGIQUE<strong>XYZep</strong>ÉDUCATION PRIORITAIREéditorialLa grande difficulté scolaireUn élève en grande difficulté scolaire est une réalité : celle de tous lesenseignants. Un professeur remarque rapidement cet élève à ses regardsanxieux, à son visage pâle. L’enseignant constate que cet élève rate ses premiersdevoirs, qu’il a des difficultés de compréhension. Il est lent même s’il seprécipite sur des consignes qu’il n’a pas comprises. Les outils de base lui fontdéfaut : lire, écrire. Il confond les lettres, les sons… Cet élève en grande difficultéscolaire est surtout en grande détresse. Il a perdu l’estime de soi, celledes autres et ne fait plus confiance aux adultes. Il se tait. » Ces quelques phrasesont été écrites par un professeur en réponse à un questionnaire envoyépar la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP)à plus de mille enseignants du primaire et du secondaire pour mieux connaîtreleurs représentations de la grande difficulté scolaire.L’étude réalisée vient d’être publiée 1 . Elle est passionnante. Il apparaît globalementque, pour l’ensemble des enseignants, l’élève en grande difficulté scolairene parvient ni à progresser ni à s’adapter au système éducatif ; il n’est pas motivé,il n’a pas ou a perdu le sens de l’école et du travail scolaire. Il est souvent isoléet marginalisé. En dehors d’une prise en charge scolaire, cet élève doit principalementretrouver confiance et estime de soi. Pour deux tiers des enseignantsayant répondu aux questions, la grande difficulté scolaire est liée à « l’environnement» des élèves c’est-à-dire à l’absence d’intérêt et d’accompagnement deleurs familles. Pour d’autres c’est « l’organisation du système scolaire » qui est encause, et seule une minorité l’attribue à « l’élève en tant qu’individu ».Le fait d’être confronté à la grande difficulté scolaire est un facteur de changementpour huit enseignants sur dix. Cela les conduit « à tenir compte de leur rythmed’apprentissage », « à ajuster leur niveau d’exigence », « à modifier la quantité detravail qui leur est demandé » et « à procéder à des regroupements ». Plus largement,l’étude présente trois profils d’enseignants répartis de manière sensiblementégale : « ceux qui éprouvent un sentiment de “combativité et de défi” face à unphénomène qu’ils jugent le plus souvent inacceptable » ; « ceux qui mettent enavant leur “sens du devoir et souci d’équité envers l’élève” affrontent un phénomènejugé plutôt difficile à gérer (dans le premier degré) et plutôt ordinaire(dans le second degré) » ; « ceux qui ressentent une impression “d’impuissance,isolement ou fatalisme” devant un phénomène perçu comme inéluctable. »Pour venir en aide à ces élèves dont la souffrance est reconnue, le soutien individualiséet l’aide au travail personnel sont perçus comme les « plus efficaces ». Lesenseignants expriment aussi un besoin d’aide (formation, travail collectif, etc.) pour« penser et travailler autrement ». Cette demande concerne tant les formateurs,les chercheurs, les responsables que les enseignants eux-mêmes et, modestement,le centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> et son bulletin tentent quelque peu d’y répondre. n«Françoise Carraud, centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong>.ZOOMTous ensemble pour un MACLÉRECHERCHELa montée de la « parentocratie »BOUSSOLEDes « élèves à besoinséducatifs particuliers » ?RESSOURCESNaviguez sur eurydice.orgENTRETIENNaissance d’une école populaire ?BRÈVESDOSSIERConférence de consensusComment former à mieuxaccompagner les apprentissagesen « milieux difficiles » ?Sur cette question s’est tenue à Paris,le 24 janvier 2007, une conférencede consensus. Cinq conférenciers sontintervenus et, à partir des exposéset de leur appropriation, un juryd’une dizaine de personnes a écritces textes destinés à aiderles formateurs d’enseignantsdans leurs tâches de formationet d’accompagnement.rdv1. www.education.gouv.fr/cid4891/les-representations-grande-difficulte-scolaire-par-les-enseignantsannee-scolaire-2005-2006.htmlINRP, Lyon, 2007-2008Des séminaires de formateursCatalogue : www.inrp.fr/INRP/formation-de-formateursn U M É R O<strong>27</strong>|mai2007


ZoomTous ensemble pour un MACLÉEntretien avec Annie Tectin, directrice de l’école de la rue Le VauÀl’école de la rue Le Vau, 60 % desélèves ne maîtrisent pas les compétencesde base en lecture et nombred’entre eux auraient besoin d’un PPRE(Projet personnalisé de réussite éducative).Ils ont entre un et deux ans de retard. Et siles MACLÉ pouvaient les aider ?En effet, à l’occasion d’une conférence pédagogique,les enseignants ont découvert lesModules d’approfondissement des compétencesen lecture écriture ou MACLÉ.Il s’agit d’une intervention décloisonnée,massive et concentrée dans le temps qui viseà améliorer les compétences en lecture destrès faibles lecteurs grâce à une accélérationde leurs apprentissages. Très intéressés parla présentation de ces modules, les enseignantsont demandé un stage-école auquelils ont tous participé. Durant quatre jours,la conseillère pédagogique a piloté ce staged’un point de vue théorique et pratique. Undirecteur d’école est également venu pourrelater son expérience et répondre aux premièresquestions. Ces rencontres de travailont permis de fédérer les enseignants autourd’un objet commun car ils ont échangé,nourri une réflexion critique, travaillé enéquipe et découvert une autre vision de leurmétier. C’est dans cet esprit de concertationqu’ils ont déterminé un choix d’albums, debatteries d’exercices, la progression desactivités de lecture et d’écriture, l’organisationet le minutage du module prévu surla matinée. Ils ont décidé que chaque enseignantprendrait en charge le groupe de nonlecteursde sa classe. Tout cela a contribuéà amplifier la mobilisation pour mettre aupoint efficacement un MACLÉ en janvierpour les CE2-CM1. D’autres sont prévuspour la prochaine année scolaire.La mise en œuvreSoixante et un enfants ont été concernéspar le premier module (trente-deux en CE2,vingt-neuf en CE2/CM1). Une rapide évaluationdiagnostique de vingt minutes a étéréalisée à partir de documents fournis dansle livre d’A. Ouzoulias et par Banquoutils(aide à l’évaluation diagnostique 1 ) pour lamaîtrise de la langue. Elle a permis d’identifierla nature des difficultés à prendre encompte et de constituer les groupes debesoin dits de « non-lecteurs », « faibleslecteurs », « moyens » et « bons lecteurs ».Tous les intervenants, enseignants desclasses concernées, directrice, maître de laclasse d’accueil des enfants nouvellementarrivés en France, maître E., psychologuescolaire, assistante d’éducation, ont préparéensemble le module lors du stage.L’école de la rue Le Vau, située dans le20 e arrondissement de Paris (REP 19),compte sept classes. La plupart desélèves rencontrent de grosses difficultésd’apprentissage.Les MACLÉ constituent un dispositifpolyvalent élaboré au départ pour lesélèves du CE2 mais ils peuvent êtremis en place pour des élèves en grandesection de maternelle, en début de CPet également en sixième, comme cefut le cas au collège Chantereine deSarcelles. Pour favoriser la réussitedes MACLÉ, il s’avère nécessaire decerner les besoins par une évaluationdiagnostique, de choisir des activitésbien adaptées aux besoins des élèvesles plus en difficulté, de se doter demoyens humains suffisants pour l’encadrementet de conduire le modulesur plusieurs journées consécutives afind’aider les élèves à acquérir les automatismesde lecture dont ils ont besoin.Voir l’ouvrage Favoriser la réussite enlecture : les MACLÉ, André Ouzoulias,Éditions Retz et CRDP de l’académiede Versailles, Paris, 2004.La matinée commence par le rituel suivant :à 8 h 45 l’enseignant lit un album choisi parniveau après avoir informé les auditeursélèvesqu’on leur posera à la fin de la lecturequelques questions. On oriente ainsil’écoute vers certains points stratégiques dutexte. À 9 heures, on propose aux enfants deniveau faible cinq minutes de « gammes » :l’exercice consiste à faire lire très rapidementles mots répartis en quatre colonnesen comptant le nombre de fois où apparaissentcertains mots. Les cinq minutes suivantessont consacrées à une activité autour dessoixante-dix mots essentiels du vocabulairefondamental. À 9 h 10, vient le temps de laphonologie : la première semaine, on privilégiela distinction entre les sons [an] et [on], [t]et [d] ; la deuxième semaine, entre les sons[p] et [b], [f] et [v] et la dernière entre [g]et [q], [o] et [ou]. Est également pratiquéela dictée sans faute : les élèves peuvent, encas de doute, se référer au texte de la dictéeinscrit au dos de la feuille à condition de soulignerle mot recherché. À partir de 9 h 20,on passe à la production d’écrits en lien étroitavec la lecture de l’album qui ouvrait la matinéedu MACLÉ : recette, mots-valises, textedescriptif avec consignes. Aux plus faibleslecteurs, on fournit une liste de mots ; auxplus forts, on demande d’utiliser certainestournures de phrases et d’employer desadjectifs. Autant d’activités ciblées qui permettentd’augmenter la compréhension enlecture et d’améliorer le décodage des mots,leur identification orthographique, de mieuxconnaître l’organisation syntaxique des phrases.10 heures, voici venu le temps de larécré ! Ensuite chacun se dirige vers les groupesde projet tournés vers une production(livret, BD, ateliers photos, etc.) à partir duthème conducteur des « premiers secours ».Le module dure trois semaines.Les effetsLa moisson est bonne malgré la fatigue des unset des autres. D’abord les élèves, qui avaientimmédiatement adhéré à cette propositionde travail, sont restés motivés : « C’étaitbien », disent-ils. « Ils étaient concentréset attentifs », précisent les enseignants car,dans la mesure où l’on prenait en compteleurs difficultés, le travail proposé était àleur portée. Les enseignants pensent quecela a été l’occasion pour eux de travailler enétroite collaboration, forts d’un projet pourlequel ils se sont tous énormément investis.Les échanges d’information, d’argumentstout au long de leur stage ont égalementcontribué à créer des liens solides. Durantces trois semaines, ils ont découvert lesressources du groupe. Leur regard enversleurs élèves a aussi changé et vice versa. Toutle monde y a gagné. Cependant ils restentmodestes : l’évaluation finale ne donne pasautant d’indications qu’ils l’auraient souhaitésur l’évolution des très faibles lecteurs. Deplus, les enseignants regrettent que, dès leurretour à « la normale », eux-mêmes oublientle temps du MACLÉ, trop absorbés par leurclasse ! n1. www.banqoutils.education.gouv.fr n <strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 |


echercheLa montée de la « parentocratie »Agnès van Zanten, directrice de recherche au CNRS, Observatoire sociologique du changement (Sciences Po Paris)Une des questions centrales auxquellesles systèmes éducatifs sontactuellement confrontés concernela montée de la « parentocratie », c’est-àdirele développement d’un suivi plus intensede la scolarité des enfants par les parents desclasses moyennes. Ce changement s’inscritdans un mouvement de renouvellement desstratégies de reproduction via l’école, cellescine se fondant plus seulement sur desformes institutionnelles de clôture sociale(la délégation aux enseignants et le contrôlepolitique des institutions d’enseignement),mais sur un travail individuel au sein duquel lechoix du « bon » établissement occupe uneplace importante à côté d’autres stratégiescomme le recours aux cours particuliers.Ce renouvellement est fortement lié àl’angoisse croissante des parents face àla dévalorisation relative d’une partie desdiplômes de l’enseignement supérieur, auxdifficultés d’accéder à un emploi stable età la menace du chômage y compris chezcertaines catégories de cadres. Il est aussila conséquence de la massification de l’enseignementsecondaire et d’une partie del’enseignement supérieur et de la mise enplace de politiques diverses de discriminationpositive qui conduisent ces parents àcraindre un « envahissement par le bas » dusystème d’enseignement, y compris d’unepartie des filières sélectives.Ces peurs expliquent l’accroissement desstratégies éducatives autour du choix del’établissement que nous avons étudié parle biais de deux enquêtes comprenant170 entretiens avec des familles de quatrecommunes de la banlieue parisienne. Cesenquêtes nous ont permis d’analyser quatretypes de choix au moment de l’accès au« collège » – le choix du privé, le choix d’unétablissement public autre que celui du secteur,la mise en place de stratégies résidentiellesliées à l’école et la « colonisation » 1des établissements du secteur – et de lesmettre en relation avec des facteurs d’ordreindividuel et d’ordre collectif.Les résultats montrent un clivage entre, d’uncôté, le choix du privé et les stratégies résidentielleset, de l’autre, des stratégies visantle contournement ou la « colonisation » desétablissements publics. Dans le premiercas dominent les visées instrumentales etexpressives (« un établissement de bonniveau et un cadre favorable au développementpersonnel ») et sont mobilisées forte-ment des ressources économiques et, à unmoindre degré, sociales. Dans le deuxième,on observe davantage la présence de viséesréflexives (« le développement de l’esprit critique») à côté de visées expressives et lesressources mobilisées sont d’ordre culturelet social, les parents, notamment ceux prochesdu monde enseignant, prenant appuisur un capital social individuel interne ou travaillantà construire, dans les établissementsdu quartier, un capital social collectif.Ces choix sont également influencés pardes facteurs d’ordre collectif, notammentle degré de concentration de certaines catégoriessociales, les caractéristiques de l’offreéducative, les orientations et les modalitésd’application des politiques de logement etdes politiques scolaires. De ce fait, on neretrouve pas, pour les mêmes catégoriessociales, des stratégies identiques selon lescontextes locaux.Pour en savoir plus…Cette analyse met ainsi en lumière le renouvellementdes formes de concurrence etd’opposition entre différentes fractions desclasses moyennes autour des enjeux scolairesainsi que des formes de contrôle de lascolarité par ces catégories d’usagers. Cerenouvellement a des incidences fortes tanten matière d’intégration – la recherche viales choix éducatifs de « l’entre-soi scolaire »étant un des moteurs principaux de la ségrégationscolaire et urbaine – que d’égalité,puisque cette ségrégation débouche in finesur une offre éducative locale de moinsgrande qualité pour les enfants des classespopulaires. n1. Stratégies des parents d’une même catégoriesociale pour regrouper leurs enfants dans lemême établissement, voire dans une même classeet pour y contrôler de près leur fonctionnement.Choix des établissements : stratégies parentalesChoix Visées Ressourceschoix 1 choix 3 « un établissementde bon niveaumise en place et un cadre favorablechoix d’unde stratégies au développementétablissementrésidentielles personnel » : viséesprivéliées à l’écoleinstrumentaleset expressiveschoix 2 choix 4choix d’unétablissement autreque celui du secteur« colonisation »des établissementsdu secteur« le développementde l’esprit critique » :visées réflexiveset expressivesmobilisationde ressourceséconomiques et,à un moindre degré,socialesmobilisationde ressourcesculturelles et socialesvan Zanten A. « Les classes moyennes et la mixité scolaire », Les Annales de larecherche urbaine, n° 93, 2002, p. 131-140.Gombert P. et van Zanten A. « Le modèle éducatif du pôle “privé” des classesmoyennes. Ancrages et traductions dans la banlieue parisienne », Éducationet sociétés, n° 14-2, 2004, p. 67-83.van Zanten A. « Une discrimination banalisée ? L’évitement de la mixité socialeet raciale dans les établissements scolaires ». In D. Fassin et E. Fassin (dir.). Dela question sociale à la question raciale ? Représenter la société française. Paris :La Découverte, 2006, p. 195-210.van Zanten A. « Les choix scolaires dans la banlieue parisienne : défection,prise de parole et évitement de la mixité ». In H. Lagrange (dir.). L’épreuvedes inégalités. Paris : PUF, 2007.van Zanten A. Choisir son école. Les stratégies éducatives des classes moyennes.Paris : PUF, (à paraître).<strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 n


BoussoleDes « élèves à besoinséducatifs particuliers » ?Joce Le Breton, centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong>La notion d’ « élèves à besoins éducatifsparticuliers » est une notion relativementrécente dans le système éducatiffrançais mais reprise de plus en plusfréquemment dans différents textes (documentsofficiels, projets de circonscription oud’établissement, présentation de dispositifsd’aide aux élèves en difficulté, etc.). Elle sedécline parfois en « enfants à besoins éducatifsparticuliers » ou « spécifiques » et on laretrouve sous les sigles EBEP ou BEP.Cette dénomination concerne une vastepopulation d’élèves. L’université d’automne,organisée à Vichy en 2003, et consacrée àce sujet, considère qu’il s’agit d’élèves « ensituation de handicap, nouveaux arrivants,voyageurs, intellectuellement précoces, ensituation d’illettrisme, dysphasiques, dyslexiques,etc. ». Sont également considérés« à besoins éducatifs particuliers » les élèvesprésentant des difficultés scolaires graveset durables ou des difficultés d’adaptation.Les classes relais sont définies comme « desstructures pédagogiques correspondant àdes besoins éducatifs particuliers ». Dans leguide méthodologique Prévenir l’illettrisme.Répondre à des besoins éducatifs particuliers,il s’agit « des élèves qui ne peuvent être scolarisésdans de bonnes conditions que si onleur prête une attention particulière pourrépondre aux besoins qui leur sont propres ».Les PPRE, Projets personnalisés de réussiteéducative, sont parfois présentés comme desdispositifs d’aide à ce type d’élèves. Certainsprojets pédagogiques reconnaissent à chaqueélève des besoins particuliers. Cette notion,à géométrie variable, apparaît donc commepeu stable et risque de se transformer enfourre-tout sémantique.Quelques points de repèresSi l’expression « besoins éducatifs particuliers» est d’origine anglo-saxonne, la préoccupationqui s’y rattache est aujourd’huiinternationale. Elle est liée au concept d’écoleinclusive. En 1994, sous l’égide de l’Unesco, ladéclaration de Salamanque a affirmé le droità la scolarisation de tous les enfants « quellesque soient leurs caractéristiques particulièresd’ordre physique, intellectuel, social,affectif, linguistique ou autre ». Au niveaueuropéen, la déclaration de Luxembourg de1996 « place la personne au centre de toutprojet éducatif en reconnaissant les potentialitésde chacun et ses besoins spécifiques ».L’agence européenne pour le développementde l’éducation des personnes ayant desbesoins spécifiques a réalisé, en 2003, unétat des lieux sur les politiques éducatives. Ilexiste une très grande diversité d’approchesqui rend difficile toute comparaison et touteharmonisation. Certains pays ne définissentqu’une ou deux sortes de besoins particulierset pratiquent une politique d’inclusionpresque totale, d’autres fonctionnent avecdes systèmes fortement distincts. D’autresencore, dont la France, ont une approchemultiple de l’intégration entre éducationspécialisée et éducation ordinaire.En France, la loi de 1975 sur le handicap aamorcé une évolution importante, les jeuneshandicapés doivent recevoir « soit une éducationordinaire, soit, à défaut, une éducationspéciale, déterminée en fonction desbesoins particuliers de chacun d’eux ». La loid’orientation de 1989 a affirmé la nécessitéde poursuivre cette voie de l’intégrationscolaire. La circulaire du 30 avril 2002, surl’adaptation et l’intégration scolaires, et laloi de février 2005 promeuvent la scolarisationen milieu ordinaire : « mettre un termeà une logique de filière qui a conduit troplongtemps à enfermer les élèves perçuscomme “différents” dans des classes ousections “spéciales” ». La scolarisation des« élèves à besoins éducatifs particuliers »conduit à un changement de paradigme :l’accueil de tous les élèves dans le cadre deSourcesla scolarité obligatoire. Ce modèle se fondesur un principe éthique, le droit de tous àl’école, et sur des pratiques pédagogiquesprenant en compte la diversité des élèves.Des interrogationsL’émergence de cette notion d’« élèves àbesoins éducatifs particuliers » et les évolutionsdu système scolaire qui l’accompagnentsuscitent quelques débats. En effet, mêmesi chacun peut souscrire au principe éthiquede la scolarisation de tous les enfants, lesrisques d’une approche trop englobante etd’une réponse indifférenciée à des besoinsd’ordre différent ne sont pas à négliger. Unélève souffrant de retard mental ou nouvellementarrivé en France ne renvoie pasà la même problématique. D’autre part,cette dénomination ne risque-t-elle pas deconduire à de nouvelles formes d’étiquetageet de stigmatisation ?Le flou de la notion peut sans doute conduire àdes dérives. L’identification des élèves concernésest loin d’être aisée, comme le préciseViviane Bouysse c’est particulièrement difficile« pour les besoins […] qui sont corrélatifs desituations socio-économiques ou socio-culturellesparticulières, privatives eu égard auxexigences scolaires ». Ainsi, une bonne partdes élèves issus de milieux défavorisés et scolarisésen éducation prioritaire manifestent desdifficultés certaines dans l’appropriation dessavoirs scolaires. Leurs modes de socialisationfamiliale sont souvent éloignés des attentes del’école et leur origine sociale perçue comme« handicapante ». Les établissements en éducationprioritaire accueillent, souvent plus qued’autres, des élèves allophones, nouvellementarrivés en France, en voie de déscolarisation,et un certain nombre d’entre eux manifestentdes difficultés scolaires lourdes mais peut-on,pour autant, qualifier l’ensemble des enfantsqui y sont scolarisés d’« élèves à besoins éducatifsparticuliers » ? nAdaptation et intégration scolaires, circulaire d’avril 2002 :http://www.education.gouv.fr/botexte/bo020409/MENE0201156C.htmStructures pédagogiques correspondant à des besoins éducatifs particuliers (dispositifs relaiset classes d’accueil) : http://www.education.gouv.fr/bo/2007/8/MENH0700232A.htmPrévenir l’illettrisme, répondre à des besoins éducatifs particuliers :http://eduscol.education.fr/D0135/note-ill01.pdfLes besoins éducatifs particuliers en Europe : http://www.european-agency.org/publications/agency_publications/SNE_europe/downloads/ThematicPublication_French.docPour en savoir plusLes actes de l’université d’automne de la DGESCO à Vichy en 2003 :http://eduscol.education.fr/D0126/besoins_educatifs_particuliers_actes.htmLe rapport de l’agence européenne : www.european-agency.org/publications/agency_publications/SNE_europe/downloads/ThematicPublication_French.docLe site personnel de Daniel Calin, formateur d’enseignants spécialisés à l’IUFM de Paris.Une mine pour tous les textes officiels, des bibliographies, des réflexions, etc. :http://daniel.calin.free.fr n <strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 |


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Numéro <strong>27</strong> | Mai 2007Conférencede consensusComment former à mieux accompagnerles apprentissages en « milieux difficiles » ?Sur cette question s’est tenue à Paris, le 24 janvier 2007, une conférence de consensus. Cinq conférenciers sont intervenuset, à partir des exposés et de leur appropriation, un jury d’une dizaine de personnes a écrit ces textes destinés à aiderles formateurs d’enseignants dans leurs tâches de formation et d’accompagnement.Des élèveset leurs enseignantsPlusieurs conférenciers invités ont commencépar définir ce qui est difficile pour ce publicscolaire et dans l’activité des enseignants. Sansreprendre les propositions de chacun, voiciplutôt une synthèse de leurs apports.Qui sont les élèvesdes « milieux difficiles » ?Les conférenciers ont d’abord tenu à soulignerque les élèves concernés ne peuvent pas êtrecaractérisés collectivement par un déficitcognitif. À l’entrée au CP, ces élèves disposentdes mêmes capacités cognitives que les autres.Pour reprendre la définition d’un des intervenants,il s’agit donc de comprendre pourquoi,à capacités cognitives égales, ces jeunes « sontporteurs des caractéristiques individuellesqui entraînent les enseignants et de manièregénérale les personnels de l’éducation à devoirmettre en œuvre des moyens supérieurs à lamoyenne pour espérer obtenir des résultatsidentiques à ceux obtenus par leurs collèguesqui ne travaillent pas dans ces milieux ».Deux catégories de difficultésÀ partir des analyses présentées, deuxcatégories de difficultés peuvent être schématiquementrepérées. La première peut serésumer au constat que la culture dominanteproduite par les conditions de vie des milieuxpopulaires conduit une majorité des enfantsà développer précocement un « rapport ausavoir » qui n’est pas « conforme aux attentesde l’institution scolaire ». La nécessitésociale d’instrumentaliser les savoirs disponiblespour résoudre les difficultés matériellesqui envahissent la vie quotidienne dans lesmilieux les plus modestes rend plus difficilel’acceptation de l’effort de distanciation quesuppose l’apprentissage scolaire. Ces enfantset ces adolescents ont plus de difficulté àcomprendre et à accepter les « enjeux culturels» de l’apprentissage scolaire, ce qui peutconduire certains d’entre eux à « refuser lecontrat didactique ». Cette analyse s’appuiesur l’observation des classes mais aussi sur lesévaluations scolaires des enfants scolarisés enZEP. En effet, dans les tâches scolaires d’exécution,leurs résultats sont comparables à ceuxdes autres enfants. C’est sur les tâches pluscomplexes que l’écart se creuse, c’est-à-dire surcelles qui exigent de s’approprier plus profondémentles enjeux culturels ou intellectuelsde l’apprentissage scolaire. Cette difficultés’éprouve particulièrement au niveau dulangage, qui est la médiation privilégiée dansl’univers scolaire et dont l’usage est souventlimité, dans les milieux les plus populaires, àune communication à visée instrumentale.Alors que dans les familles le langage sertessentiellement à nommer les choses, lesrelations et les événements du quotidien, ilest à l’école utilisé dans sa fonction symboliqueou spéculative. Les intervenants ont tousinsisté sur ce décalage dans l’usage du langage<strong>XYZep</strong> est une publication du centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> de l’INRP n


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Numéro <strong>27</strong>Cinq conférenciers…entre enseignants et élèves en difficulté. Pourle dire autrement, les élèves des « milieuxdifficiles » éprouvent en moyenne plus dedifficultés que les autres à établir une relationpositive entre leur « expérience scolaire etleur expérience sociale ».À cette première catégorie de difficultés s’enajoute une seconde, évidemment très liéeà la première. Deux des experts invités onten effet insisté sur la forte affectivité aveclaquelle les enfants et les adolescents endifficulté investissent leur rapport aux enseignants.Tout se passe comme s’ils cherchaientà compenser « l’opacité cognitive » à laquellel’école les confronte par une exacerbationLa conférence de consensus visait à aider les formateurs à intégrer lesdonnées issues des recherches au processus de formation des enseignants(en formation initiale, en accompagnement des néotitulaires et en formationcontinue). C’est dans ce cadre que cinq conférenciers ont été invités àprésenter une synthèse de leurs travaux sur les difficultés d’enseignement etd’apprentissage dans les « milieux difficiles ». À l’issue de chacun des exposés,les conférenciers devaient répondre aux questions du jury, de la salle et enfindu discutant Daniel Frandji (maître de conférences en sociologie au centre<strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong>). Vous trouverez l’intégralité de leurs conférences (trente minuteschacune), les documents projetés ou encore des éléments bibliographiquessur les sites Internet de l’IUFM de Créteil (www.creteil.iufm.fr) et de l’INRP– centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> (http://centre-alain-savary.inrp.fr).Voici les titres de leurs interventions et une sélection bibliographique.« Enseigner les mathématiques en “milieux difficiles” »Marie-Lise Peltier, maître de conférences à l’IUFM de Rouen, laboratoire DIDREM.Peltier Marie-Lise (dir.). Dur, dur d’enseigner en ZEP. Grenoble : La Pensée Sauvage, 2004.Peltier-Barbier Marie-Lise et Ngono Bernadette. « Modifier ses pratiques c’est difficile ! Effetsd’une formation sous forme d’un accompagnement sur les pratiques de professeurs desécoles enseignant les mathématiques dans des classes de REP ». Recherche et Formation,2003, n° 44, p. 63-76.Butlen Denis, Peltier Marie-Lise et Pezard Monique. « Nommé(s) en REP, comment font-ils ?Pratiques de professeurs des écoles enseignant les mathématiques en REP : cohérence etcontradictions ». Revue Française de Pédagogie, 2002, n° 140, p. 41-52.« Enseigner le français en “milieux difficiles” »Dominique Bucheton, professeur des universités à l’IUFM de Montpellier, laboratoire LIRDEF.Bucheton Dominique et Dezutter Olivier (dir.). Professionnaliser l’enseignement du français :un pari pour la recherche et la formation, (à paraître)Bucheton Dominique (dir.). L’agir enseignant : une question d’ajustement, (à paraître)Bucheton Dominique et Chabanne Jean-Claude (dir.). Parler et écrire pour penser, apprendreet se construire. L’oral et l’écrit réflexifs. Paris : PUF, 2002.Bucheton Dominique et Chabanne Jean-Claude (dir.). Écrire en ZEP ; un autre regard sur lesécrits des élèves. Versailles : CRDP Versailles et Paris : Delagrave, 2002.« Un point de vue de didactique comparée »<strong>Alain</strong> Mercier, professeur des universités à l’IUFM d’Aix-Marseille, laboratoire UMR ADEF.Mercier <strong>Alain</strong> et Margolinas Claire (éd.). Balises en didactique des mathématiques. Grenoble :La Pensée Sauvage, 2005.Mercier <strong>Alain</strong> et Buty Christian. « Évaluer et comprendre les effets de l’enseignement sur lesapprentissages des élèves : problématiques et méthodes en didactique des mathématiqueset des sciences ». Revue française de pédagogie, 2004, n° 148, p. 47-59.Mercier <strong>Alain</strong>, Schubauer-Leoni Maria-Luisa et Sensevy Gérard. « Vers une didactique comparée ».Revue française de pédagogie, 2002, n° 141, p. 5-16.Fluckiger Annick et Mercier <strong>Alain</strong>. « Le rôle d’une mémoire didactique des élèves, sa gestionpar le professeur ». Revue française de pédagogie, 2002, n° 141, p. <strong>27</strong>-36.de la « personnalisation de la relation pédagogique». Dès lors, la sanction scolaire leurapparaît moins comme le résultat de leur travailque comme celui de l’opinion de chaqueenseignant à leur égard. À la limite, l’échecpeut être interprété comme le seul produitde la malveillance de tel ou tel enseignant.En outre, une telle personnalisation de larelation pédagogique conduit à vivre l’échecscolaire sur le mode de l’humiliation, de ladévalorisation de l’ensemble de la personnalité.C’est une des raisons qui explique, selonun des intervenants, l’hostilité manifestéepar certains des enfants et des adolescentsqu’il a observés à leur participation à desgroupes de soutien. Outre qu’ils ont autantde mal à donner sens aux activités qui leursont proposées dans le cadre du soutien scolaireque dans le cadre normal de la classe, ilsperçoivent leur participation à ces groupescomme le signe d’une stigmatisation globale,et non comme une aide ponctuelle susceptiblede leur permettre de combler un déficitde connaissance identifié.Cette brève typologie des difficultés de cepublic scolaire conduit évidemment à s’interrogersur la perception que peuvent en avoirles enseignants qui en ont la responsabilité.La confusion possible entre échec scolaireet déficit cognitif, la méconnaissance desconditions de vie et de leurs conséquencessur le rapport au savoir, la difficulté à trouverle langage juste, la tendance à satisfairela demande affective par une plus grandeindulgence devant les résultats scolaires,des objectifs de réussite moins ambitieuxet une parcellarisation des tâches scolaires,sont autant de risques possibles pour lesenseignants confrontés sans préparation àces publics.L’agir enseignantComment ces élèves peuvent-ils obtenirdes résultats identiques à ceux des autresmilieux ? Des modèles théoriques d’évaluationde la qualité ou de l’efficacité d’unsystème peuvent être mobilisés pour pensercette question. On observe alors que, parmiles variables qui sont de la responsabilité del’école et qui influent sur les résultats desélèves, la compétence des enseignants occupeune place importante. Mais elle ne sauraitpour autant occulter le rôle des variablesorganisationnelles ou des variables externes(comme le statut socio-économique ou lesexe des élèves). Toutefois, on ne s’attacheraici qu’aux pratiques enseignantes.Pour les conférenciers, les « élèves de milieuxII n


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Mai 2007difficiles » interrogent fortement les compétencesprofessionnelles des enseignants et,plus particulièrement ce qui est, par certainschercheurs, qualifié de « gestes professionnels». Ces gestes professionnels mêlentplusieurs temporalités (de l’instant à la trèslongue durée) et se déroulent aussi sur plusieursscènes (ce qui se passe dans la classeavec un seul élève, avec un petit groupe,avec l’ensemble du groupe et tout ce qui esten arrière-plan : les autres préoccupationsprofessionnelles ou privées…). Ces gestes professionnelspeuvent être regroupés en quatretypes : les gestes de tissage (qui consistent àdonner du sens à la situation, aux savoirsvisés…) ; les gestes d’atmosphère (qui visentà créer et maintenir une communication,un enrôlement dans le travail, à régulerl’affectif…) ; les gestes de pilotage des tâches(qui visent à gérer les contraintes de la situation,de l’espace et du temps…) ; et les gestesd’étayage (qui visent à faire comprendre etfaire agir les élèves…). Les différentes dimensionsde ces gestes professionnels, fortementimbriquées, s’organisent en lien avec deslogiques individuelles profondes des enseignants(valeurs personnelles et identitaires,conceptions de l’enfance, de l’apprentissage,émotions, rapport personnel au langage, auxsavoirs disciplinaires et scolaires, aux prescriptionsinstitutionnelles ou sociales, etc.).Selon un des conférenciers, le didactique etle pédagogique sont indissociables.Les postures enseignantes, et les conduitesqu’elles activent, sont des ensembles complexesqui associent différentes logiques. Demême l’activité des élèves met en œuvre unepluralité de logiques et de représentations.Ainsi les logiques et représentations des enseignantsrencontrent celles des élèves dans unespace de co-ajustement mouvant, dynamique.Entre élèves et enseignants on peutparler de « conduites partagées », conduitesqui peuvent se renforcer de manière positiveou négative. C’est pourquoi l’agir enseignantest véritablement une question d’ajustementqui suppose des reconfigurations et renégociationspermanentes.Des contradictions à gérerLes enseignants ont à gérer des tensionsexacerbées qui renvoient à de fortes contradictionsdont voici les trois principales.Première contradiction : entre logique desocialisation et logique d’apprentissage.Beaucoup d’enseignants considèrent la socialisation,la mise au calme, les rappels à l’ordrecomme préalables à tout apprentissage. Ilsleur accordent un temps important au détrimentdes acquisitions cognitives. D’autres(minoritaires) considèrent que leur viséeprincipale doit se situer du côté des apprentissages: ils recherchent la socialisationpar l’enrôlement dans des activités disciplinairescomplexes et motivantes qui ontpour effet d’instaurer rapidement le calme.Deuxième contradiction : entre logique deréussite immédiate et logique d’apprentissageà moyen et long termes. Quand on cherche àvaloriser les élèves, on met le plus souvent enœuvre une logique de la réussite immédiate,contradictoire avec celle d’exigences de hautniveau moins immédiatement « rentables »qui ne permet pas aux élèves de construirela complexité nécessaire des connaissances :les tâches sont simplifiées, morcelées, deplus bas niveau cognitif. L’activité scolaireperd alors de son sens, prise dans des choixde contextes familiers, de logiques pragmatiques.Troisième contradiction : entrela logique de la gestion individuelle et lalogique de la gestion collective de la classe.Cette question se pose en permanence. Laréponse aux tensions passe souvent par l’individualisationsystématique pour la réussiteimmédiate et le calme. Les tâches sont alorstechniques et différenciées et elles conduisentà très peu d’institutionnalisation.Au-delà de ces trois principales contradictions,les chercheurs ont aussi repéré d’autrestensions, en particulier entre les logiquesd’aide ou d’étayage et celles d’apprentissage.Les bons élèves adhèrent à tout ce queproposent les enseignants mais négocientune progression raisonnable tandis que« Synthèse sur les politiques ZEP-REP »Jean-Yves Rochex, professeur des universités à Paris 8, laboratoire ESSI-ESCOL.Rochex Jean-Yves. « Les “zones d’éducation prioritaire” (ZEP). Quel Bilan ? ». Les tempsmodernes, mars-juin 2006, n° 637-638-639.Rochex Jean-Yves. « Adolescence et scolarisation secondaire en milieux populaires : épreuvesintellectuelles et dynamiques subjectives ». Nouvelle revue de l’AIS, 2004, n° 25.Kherroubi Martine et Rochex Jean-Yves. « Apprentissages et exercice professionnel enZEP : résultats, analyses, interprétations ». Note de synthèse 2 de partie. Revue française depédagogie, 2004, n° 146, p. 115-181.Kherroubi Martine et Rochex Jean-Yves. « La recherche en éducation et les ZEP en France ».Note de synthèse 1 re partie. « Politique ZEP, objets, postures et orientations de recherche ».Revue française de pédagogie, 2002, n° 140, p. 103-132.« Synthèse sur l’éducation prioritaire dans différents pays »Marc Demeuse, professeur des universités à l’université de Mons-Hainaut, Belgique,faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.Demeuse Marc et Strauven Christiane. Développer un curriculum d’enseignement ou de formation.Des options politiques au pilotage. Bruxelles : De Boeck Université, 2006.Demeuse Marc et al. (éd). Vers une école juste et efficace. 26 contributions sur les systèmesd’enseignement et de formation. Bruxelles : De Boeck Université, 2005.Demeuse Marc. « Les politiques de discrimination positive dans le monde ». <strong>XYZep</strong>, 2005, n° 20.Demeuse Marc. « La politique de discrimination positive en Communauté française deBelgique : une méthode d’attribution des moyens supplémentaires basée sur des indicateursobjectifs ». Les Cahiers du service de pédagogie expérimentale, 2000, 1-2.<strong>XYZep</strong> est une publication du centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> de l’INRP n III


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Numéro <strong>27</strong>les mauvais élèves, s’ils adhèrent en débutd’année, refusent peu à peu de s’intéresserà des tâches où ils échouent trop souvent.Ces élèves en difficulté refusent, explicitementou implicitement, toute forme d’aideparce qu’elle les renvoie à leurs échecs, à leurignorance et à une position qu’ils identifientcomme inférieure, ce qu’ils ne supportentpas. Les observations montrent que les professeursn’enseignent aux plus faibles qu’enatomisant les procédures ou en multipliantles répétitions. Surtout, ils leur demandentsouvent de s’acquitter de leur tâche commesigne de leur bonne volonté envers euxmêmes,ce qui tend à les détourner encoreplus des enjeux d’apprentissage et à renforcerles contradictions entre la logique cognitiveet la logique affective.… pour une conférence de consensusDepuis 2005, à l’IUFM de Créteil, est mise en place, pendant une journéebanalisée, une conférence de consensus. Le thème choisi doit pouvoirintéresser l’ensemble des formateurs. En 2005, le thème traité, « la motivationdes élèves », se voulait en rapport avec les préoccupations qui s’exprimaientdans le débat sur l’Avenir de l’école. En 2006, « Former à l’analyse des pratiques »voulait interroger une modalité de formation croissante dans les IUFM. En2007, « Enseigner dans les écoles de la périphérie. Comment former à mieuxaccompagner les apprentissages en “milieux difficiles” ? » a été co-organiséepar le centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> de l’INRP, les IUFM de Versailles et de Créteil et,par-delà l’apport immédiat escompté en termes de formation, envisage des’inscrire dans la construction d’un pôle de ressources sur la formation en“milieux difficiles”. Le texte rédigé par le jury est ainsi publié par <strong>XYZep</strong>.Le modèle des conférences de consensus est né et s’est développé dans lemonde médical. Il s’agit de dégager, au sein d’une communauté concernée, despoints d’accord et de divergence pour diffuser de l’information et améliorer lespratiques. C’est à la fois un état des connaissances et une aide pour l’action quisuppose une présentation publique de rapports d’experts faisant la synthèse deconnaissances et la rédaction de recommandations par un jury. Dans certainspays, ce principe est utilisé dans un contexte politique pour éclairer la prisede décision. En 2003 en France, le PIREF (Programme incitatif de rechercheen éducation et formation), avait organisé une conférence de consensus surl’enseignement de la lecture, sous la direction d’Antoine Prost.À l’IUFM, la conférence de consensus veut aider les formateurs à reproblématiseren termes de formation des thèmes de recherche qui concernent leur activitéprofessionnelle. Elle ne vise pas un accord sur de « bonnes pratiques » qu’ilsuffirait d’appliquer pour résoudre des problèmes, mais un état de la question,à partir d’approches de recherche convergentes ou divergentes. Pour ce faire,elle propose dans la même journée une série de cinq conférences. Un discutantanime la journée en essayant d’établir un double lien : il incite les conférenciersà opérer des rapprochements entre leurs différentes approches conceptuelleset méthodologiques ; il les pousse à explorer leurs résultats de recherched’un point de vue qui prenne en compte les problématiques de la formation.Chaque conférence dure environ une heure qui inclut trois séries d’échanges :avec le discutant, avec le jury, avec le public des formateurs. Un jury présidépar un universitaire, composé d’une douzaine de membres représentatifs desdifférents types de formateurs rédige un texte, pour aider un formateur lambdaà nourrir sa réflexion sur ses pratiques. Ce texte est mis en ligne sur le site del’IUFM. Des vidéos faites pendant les conférences sont distribuées aux servicesde documentation de chaque centre.Patrick Rayou (IUFM de Créteil)Des modes d’interprétationà interrogerLes pratiques s’ancrent dans des représentationsminorantes ou négatives des capacitéscognitives des élèves et dans l’idée de déficitsculturels. Les enseignants sont nombreux àcroire que certains élèves sont plus intéresséspar le concret, le vécu, que par l’abstrait.Selon eux, les contenus exigeants de l’écoleseraient toujours trop difficiles pour cesélèves. Plus les difficultés de ces élèves sontimportantes et plus ils ont tendance à rabattrece qui relève de logiques cognitives sur deslogiques relationnelles, autrement dit à privilégierle personnel de la relation au détrimentde l’impersonnel du cognitif. Une analyse desprojets d’école ou d’établissement des zonesd’éducation prioritaire montre ainsi unehyperfocalisation sur la maîtrise des langages,une très faible mobilisation sur la culturescientifique et notamment mathématique,une hypertrophie du travail sur le narratifau détriment de l’explicatif, une place, trèsgrande, accordée à la réalisation de projetsayant une grande visibilité.Pour finir rappelons qu’un conférencier asouligné que les tensions mal maîtriséesde la politique de l’éducation prioritaire nerelèvent pas simplement des pratiques enseignanteset que la démocratisation scolairene saurait être soluble dans la question dela formation. On peut certes observer descontradictions dans les activités ordinairesde la classe ou les modes d’élaborationdes projets mais aussi dans les modes depilotage et jusque dans l’élaboration des politiqueséducatives elles-mêmes. À cet égardil est frappant de voir que, dans les zonesd’éducation prioritaire, l’effort budgétairesupplémentaire porte, pour une grande part,sur des postes relevant de la « vie scolaire ».Il importe donc de saisir que les questionsdidactiques et professionnelles sont également,et ce n’est pas contradictoire avec cequi précède, des questions sociologiques.Les pratiques professionnelles, si elles sontliées aux représentations personnelles desindividus (rapport au savoir ou aux publicsscolaires populaires), sont bien tout autanttraversées par les différentes évolutions desconceptions de l’enseignement, de l’enfant,des apprentissages, des savoirs, de la formescolaire. nLes membres du juryIV n


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Mai 2007Des pistespour la formationEn réponse à la commande qui leur avait étépassée, les conférenciers, s’ils ont évité le cataloguede « bonnes pratiques » ou la mise àl’index d’erreurs stigmatisées, ont évoqué – oudécrit – des « pratiques efficaces » pour enseigneren « milieux difficiles ». Comprendrecomment se construisent ces pratiques devraitpermettre de mieux les enseigner aux professeursen formation et nous avons organiséleurs réponses selon cinq points : professionnaliser,observer les pratiques de classe sur leterrain, travailler sur les représentations, lierdidactique, pédagogie et socialisation, prendreen compte l’importance du langage.ProfessionnaliserLes conférenciers s’accordent tout d’abord surl’importance de la formation des enseignantset sur la mise en œuvre d’une forte professionnalisationdes enseignants ou futursenseignants. Cette formation, réfléchie dèsl’université, s’entend en amont des concoursde recrutement, par un haut niveau deconnaissances de la ou des disciplines enseignéeset se poursuit par un renforcementdes savoirs disciplinaires et didactiques enformation initiale puis par une formationcontinuée, renforcée, favorisée et accompagnée.Cette professionnalisation nécessiteégalement d’envisager, dès la formation,l’analyse des contraintes d’établissement : lerepérage de ces contraintes institutionnellesdevrait permettre de faire émerger les margesde manœuvre pour contrer les facteurs dedémotivation. Les logiques enseignantes analyséeset développées en formation doivent êtreinsérées dans les logiques d’établissement.De plus la formation doit apprendre àconstruire des pratiques culturelles de façonà ce que l’école, dispensatrice de savoirs etde socialisation, puisse également veillerà construire l’environnement culturel surlequel elle s’appuie et passer de la connivenceimplicite à la construction de référencesculturelles partagées. Cela implique d’inscriredans le cadre de la formation des professeursdes écoles et des professeurs de lettres, desmodules permettant la mise en place d’actionsculturelles, notamment en partenariat,d’apprendre à organiser une visite, à accompagnerau théâtre, à favoriser les échangesautour des lectures, à sortir de la classe pourélargir l’horizon des élèves mais de proposeraussi des modules d’ouverture culturelle àtous les professeurs en formation pour qu’ilspuissent participer à ces actions dans le cadrede projets transversaux.Observer les pratiques de classeCette nécessité d’une forte professionnalisationdes enseignants que nous venonsd’évoquer s’accompagne d’une exigence– paradoxale quand on s’adresse à desprofesseurs stagiaires – d’un haut niveau d’expérienceet de culture didactique : commentaugmenter l’expérience des débutants ?L’une des pistes développées par deux conférencièresconsiste en la multiplication d’occasionsd’observation fine et d’analyse des gestesprofessionnels et des pratiques de classe. Lesenregistrements vidéo présentés par une conférencière,brefs passages de cours propices àl’analyse, permettent de suggérer des pratiquesadaptées aux élèves en difficulté et augmententla palette des choix possibles non encore expérimentéspar des professeurs stagiaires. Cetteobservation des « autres » s’accompagne, selonles conférenciers, de la nécessité d’apprendreà repérer ses propres postures. Enseigner en« milieux difficiles » nécessite une plasticitéparfois difficile à envisager pour les professeursdébutants. Dès lors les postures professoralessont énoncées de façon binaire. La formationpourrait inciter à faire émerger, formuler destensions entre deux pôles et rechercher « despoints d’équilibre » entre des solutions vécuescomme antagonistes (individualisation vs organisationcollective des apprentissages, projetvs ordinaire de la classe, gestion du temps troplong vs trop court…).Mais bien évidemment les conférenciersnotent la nécessité d’une observation égalementcentrée sur les élèves : leurs postures,leurs manières « d’être à la tâche » (conformes,ludiques, immédiates, réflexives…) quidevraient permettent aux stagiaires d’envisagerun parallélisme possible entre lesdifficultés professorales et les difficultés desélèves. Cette observation centrée sur l’élèvedevrait, selon les conférencières, débouchersur une représentation heuristique : l’élèvecomme un tout. En effet les deux conférencièresnous invitent à prendre en compte nonseulement le développement intellectuel desélèves mais aussi leur développement affectif,social, psychique et à envisager la corrélationdes dimensions langagière, cognitive,culturelle, socio-éducative afin de tisser lesliens entre expérience scolaire et expériencesociale et personnelle sans enfermer les élèvesdans leur vécu.<strong>XYZep</strong> est une publication du centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> de l’INRP n


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Numéro <strong>27</strong>Travailler sur les représentationsPour la plupart des intervenants, il sembleessentiel non seulement de travailler sur lerapport au savoir et à l’école des élèves maisaussi de réfléchir aux représentations des professeursen formation. En effet pour permettreaux élèves et à leurs familles de comprendreles enjeux de l’école il est nécessaire de rendreles professeurs conscients de leur vécu antérieur,de leurs représentations des élèves et del’enseignement qui déterminent leurs choixdidactiques. Pour D. Bucheton il faut apprendreà démêler ce qui, quand on construit uncours, ressortit, d’une part, aux valeurs, àl’identité propre, au facteur émotionnel, aupropre rapport au langage du professeur, àune expérience ou un vécu antérieur et ce qui,d’autre part, obéit aux prescriptions (institutionnellesmais sans doute aussi sociales), et àla connaissance des apprentissages. De ce travaildevrait émerger la perception des écartséventuels entre les pratiques revendiquées etles pratiques observées (notamment sur le rôledes activités et de l’étayage, sur le dispositifpédagogique adopté, sur l’énonciation desobjets de savoir et sur la place des interactionslangagières), etc.Mais ces représentations ne peuvent être étudiées,en formation, sans que soient poséesun certain nombre de questions éthiques ouépistémologiques. Pour « faire comprendreles enjeux de l’école », ne faut-il pas, dansun premier temps, mener une réflexion justementsur ces enjeux ? Confronter ce que lesprofesseurs pensent être l’enjeu de ce qu’ilsenseignent, ce que les élèves en perçoivent,ce que l’institution déclare ?Lier didactique,pédagogie, socialisationLa formation doit enseigner en même temps,sans les séparer, la transposition didactiquedes savoirs et les gestes professionnels quivéhiculent cette transmission. Elle imposeau formateur didacticien de prendre aussi encompte ce lien étroit entre didactique de ladiscipline, formation pédagogique propre àla discipline et formation transversale.M.-L. Peltier distingue, quant aux rapportsentre didactique et socialisation, trois« genres » de professeurs. Les premiers, minoritaires,mènent de pair apprentissage etsocialisation, ce qu’elle considère commela perspective la plus efficace. Les seconds,majoritaires, considèrent la socialisationcomme un préalable à l’apprentissage etrecherchent la réussite immédiate par l’apla-nissement des difficultés, l’utilisation du« vécu » des élèves, la valorisation excessive.Les difficultés des élèves sont interprétéesen termes de lacunes. Pour les derniers, lasolution des difficultés des élèves tient dansl’individualisation.Prendre en comptel’importance du langageTrois conférenciers soulignent la nécessité defaire réfléchir les professeurs aux dimensionslangagières des activités proposées, de leurmontrer comment, devant des élèves en difficulté,il faut diversifier les formes de langagejusqu’à trouver la formulation efficace. Lespostures scolaires et langagières des élèvessont révélatrices de leur possibilité ou de leurdifficulté à réussir à l’école. La formation doitdonc enseigner à reconnaître ces différentespostures de même qu’elle doit apprendre à lireles écrits intermédiaires et à les utiliser dansles apprentissages. Cette attention particulièreau langage, cette utilisation de l’écriture dufaire, cette production d’un écrit réflexif etdistancié pour mieux comprendre commenton fonctionne et modifier ses pratiques enles ajustant, c’est le rôle qu’a toujours jouéle mémoire professionnel. Il offre la possibilité,évoquée par une conférencière, de faireémerger les représentations, de relativiser lesdifficultés, d’objectiver les apprentissages dumétier par la distanciation.Mais pour beaucoup d’élèves les règles del’école sont arbitraires et contingentes. Lessavoirs en jeu sont peu explicités et la logiquede l’école apparaît alors comme non transparentepour les élèves. Les cours véhiculentdes « savoirs invisibles » repérés par les « bonsélèves » inconnus des élèves en difficulté. Ils’agit donc en formation de faire prendreconscience de la nécessité de rendre les règlesintelligibles, d’expliciter les attentes de l’écoleauprès des élèves et de leurs familles.Conclusion« La culture professionnelle se transformedans et par les collectifs, l’organisation decontroverses professionnelles, la pluralitédes regards ». Cette nécessaire pluralité desregards passe également par l’établissementde liens entre les formateurs mais aussi entreles formateurs et la recherche. nLes membres du juryVI n


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Mai 2007Des questions, encore des questions…Les diverses interventions laissent pendantesplusieurs questions relatives à la formation– mais la formation ne peut pas ne pasy répondre.La durée de la formation initialeÀ l’heure d’une rénovation des plans de formation,la durée de la formation initiale nécessited’être redéfinie dans ses objectifs et sa progressivité.Par rapport à l’enseignement faceà des publics difficiles, la formation en alternancevise-t-elle à construire une employabilitépour un premier poste ou à rechercher unancrage pour le long terme ? Quel lien entrela spécificité et la temporalité : l’identité professionnellese construit-elle progressivement(et en fonction de quelles étapes ? Sur quelsterrains ?) ou est-elle affaire de spécialisationqui ne peut dès lors être envisagée qu’ultérieurement?La culture de l’évaluationUn enseignant ne se sent jamais responsable del’évaluation de l’élève en soi ; il l’évalue danssa discipline seule. Les équipes de directionconnaissent tous les indicateurs, les professeursne les connaissent pas, ils savent juste que lesélèves sont « en difficulté » (sans autre précision).Les résultats aux évaluations ne sont pasconnus, voire refusés comme objet de réflexiondidactique. Par exemple, les enseignants demilieux difficiles ne savent pas que leurs élèvesréussissent. La culture de l’évaluation est doncun enjeu fort de la formation :– savoir tirer parti des outils d’évaluation(dont orientation) ;– connaître les bases de l’évaluation :moyenne, écart, lecture de la moyenne desa discipline (dans la classe, dans le collège,intérêt des indicateurs départementaux etnationaux) ;– être familiarisé avec les outils internationaux(PISA…) : que peut-on en tirer poursa pratique quotidienne ? ;– savoir considérer sa discipline comme unepartie de l’évaluation collective de l’élève.Le socle communIl est inscrit dans la loi ; dans la réalité samise en œuvre est embryonnaire… tantpar l’absence des textes réglementairesprécisant les paliers d’acquisition que par lesdémarches méconnues d’une évaluation parcompétences. Si le socle définit « ce que nuln’est censé ignorer au terme de la scolaritéobligatoire », il présuppose une attentionparticulière aux élèves en difficulté : commentEt un juryLe jury était présidé par Martine Kherroubi, maître de conférences ensociologie à l’IUFM de Créteil.Il était composé de formateurs des IUFM de Créteil et de Versailles,d’enseignants et de responsables institutionnels : Anne Armand (inspectricegénérale de l’éducation nationale), Agnès Bonin (professeur à l’IUFM deVersailles), Françoise Bollengier (professeur à l’IUFM de Versailles), PatriceBride (professeur de collège), Didier Butzbach (formateur à l’IUFM deVersailles), Françoise Carraud (chargée d’études à l’INRP – centre <strong>Alain</strong><strong>Savary</strong>), Chantal Delannoy (professeur à l’IUFM de Créteil), Martin Dufour(inspecteur pédagogique régional de lettres de l’académie de Créteil), JanineReichstadt (professeur à l’IUFM de Créteil), Vincent Troger (maître deconférences à l’IUFM de Versailles).Ce sont ces personnes qui, selon leurs propres perceptions des conférenceset à l’issue de différents temps et modalités de travail, ont écrit les textes dece dossier.Avant la journée de conférence, le jury s’est plusieurs fois réuni pour réfléchiret définir les questions à poser aux conférenciers. Voici, en résumé, celles quiont été posées.Questions à Marie-Lise PelletierComment modifier les représentations des nouveaux enseignants qui sontsouvent persuadés que c’est en rendant les contenus plus concrets qu’on rendral’apprentissage efficace ? Les limites entre didactique et socialisation peuventellesêtre interrogées de la même manière en maternelle, à l’école élémentaire,au collège, et au lycée et lycée professionnel ?Questions à Dominique BuchetonQuelles activités proposer aux professeurs stagiaires pour leur permettre deréfléchir à des activités cognitives qui respecteraient les savoirs et qui seraientsocialisantes ? Comment prendre en compte nos propres représentations desenseignants – féminisation, appartenance aux classes moyennes, vécu de réussite,rapport à la culture – pour aider à la construction des gestes professionnels ?Questions à <strong>Alain</strong> MercierComment aider les enseignants à dépasser leurs représentations des difficultés desélèves en termes déficitaires : manque de ressources, manque d’attention, manquede travail ? Comment les aider à ne pas se contenter d’activités intellectuellesde bas niveau – mémorisation, restitution, identification simple d’informationsdans des documents – et à proposer des activités intellectuelles exigeantes ? Enformation disciplinaire, transversale, en comparant les didactiques ?Questions à Jean-Yves RochexComment, en formation d’enseignants, peut-on travailler la question descontenus disciplinaires en prenant en compte les nouvelles contraintesque sont le socle commun et la question des compétences ? Concernant latension apprentissage/socialisation, la formation ne devrait-elle pas aussi aiderle stagiaire à s’inscrire dans des réseaux d’action qui dépassent la classe :l’établissement, le bassin, le département, etc. ?Question à Marc DemeuseFaut-il concevoir des parcours de formation qui reposeraient sur des stagesdans des établissements au public socialement très différencié ? Est-il légitime,est-il possible, de mesurer la performance d’un établissement à partir dumoment où il est situé dans des milieux difficiles ? Et comment communiquersur le thème des évaluations ?<strong>XYZep</strong> est une publication du centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> de l’INRP n VII


DOSSIER | <strong>XYZep</strong> | Numéro <strong>27</strong>aider les enseignants à repérer finement cesdifficultés d’apprentissage et à les traiterefficacement ?Les programmesde réussite éducativeL’éducation prioritaire est aussi bénéficiairede la politique de la ville : les programmesde réussite éducative visent à agir moins surl’école elle-même que sur l’échec scolaire. Lesdispositifs d’accompagnement scolaire et lesmultiples partenariats coexistent avec l’institutionscolaire, souvent ignorés des enseignants.Comment intégrer dans la formationl’action hors école avec la vision enseignanted’une intervention restreinte au seul espacede la classe ? Comment permettre de clarifierles rôles et les attentes de chacun dans uneperspective de cohérence des dispositifs et decomplémentarité entre les ressources interneset externes à l’école ?Les relations aux parentsL’expression « milieux difficiles » inclut lesparents d’élèves. Comment la formationpeut-elle préparer les nouveaux enseignants,souvent jeunes, avec peu d’expérience professionnelleou familiale, à rencontrer des famillesde milieux sociaux différents ? DominiqueBucheton constate que les écarts entre lescultures familiales et scolaires s’accroissent (etpas seulement dans les ZEP) : alors commentpréparer les nouveaux enseignants à gérer cesécarts, à les lire et à les interpréter de façonconstructive ?La compréhension du rapportpopulaire à la culture académiqueComme le suppose déjà la question précédente,une des raisons majeures de l’échecscolaire en « milieux difficiles » tient à uneforme de méfiance populaire à l’égard de laculture académique dominante à l’école. Lesociologue Gilles Moreau parle « d’anti-intellectualismepopulaire », qu’il repère non pasdans les « quartiers » difficiles de banlieue,mais dans de paisibles familles d’artisans, depetits commerçants, d’employés et d’ouvriersqui choisissent pour leurs enfants la voiede l’apprentissage après le collège. Cetteméfiance repose, dans beaucoup de famillesaux revenus modestes, sur une conceptioninstrumentale des savoirs, dont la valeur estappréciée à l’aune de leur efficacité pour larésolution des problèmes matériels de la vieprofessionnelle ou quotidienne. Commentfaire comprendre aux jeunes enseignantsque ce rapport au savoir est légitime, compréhensibleet respectable, et qu’il faut l’admettreavant de pouvoir conduire les élèvesà apprécier la culture plus spéculative et plusintellectuellement enrichissante que l’écoleleur propose ?L’accompagnement de « l’effettoiture » (logiques d’établissements)Pour le primaire, Marie-Lise Peltier soulignela transmission en général rapide du mode defonctionnement d’une école aux nouveauxenseignants. On peut penser que, dans lesecondaire, les pratiques en vigueur, cohérenteset stables sont également largementreprises par les enseignants nouvellement arrivés,soucieux de s’intégrer dans leur établissement.La recherche semble même permettred’affirmer que ce qui est appris en formationest souvent largement abandonné du fait dece poids du collectif. Dominique Buchetonévoque également les logiques d’établissementà l’œuvre, à prendre en compte pourcomprendre les logiques de fonctionnementdes enseignants : « la culture professionnellese transforme dans et par les collectifs ». Toutcela pose d’importantes questions à la formation: comment former les enseignants àprendre en compte cette dimension collectivede leur métier, à s’inscrire dans un travaild’équipe ? Dominique Bucheton propose despistes : favoriser et accompagner l’inventionpar la recherche-action/formation ; donnerles éléments d’analyse de la culture professionnelle,c’est-à-dire de tous les petits arrangementsavec le quotidien qui font que lespratiques résistent aux injonctions.La nature des savoirsDominique Bucheton a évoqué l’importancede « poser des questions éthiques, épistémologiquesen formation » : lesquelles, comment etdans quelle mesure la formation peut-elle lesprendre en charge ? Par exemple, s’il ne s’agitpas de préparer les enseignants à déterminereux-mêmes les savoirs qu’ils vont transmettre,Jean-Yves Rochex souligne que la réflexion sur« la pertinence sociale des outils de savoir »doit faire partie de la formation professionnelle: pour lui, les enseignants doivent êtrecapables de répondre à la question « à quoiça sert d’apprendre ? » en montrant l’utilitésociale des savoirs qu’ils transmettent. nLes membres du juryVIII n


essourcesNaviguez sur eurydice.orgMyriam Chereau, centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong>Pour tout savoir sur l’éducation en Europecliquez sur www.eurydice.org. Sur lapage d’accueil vous trouverez à droite :– des bases de données comme Eurybase,qui chaque année, propose un dossier nationalsur chaque système éducatif. Ces dossierssont en anglais et en langue nationale,parfois en français. Ils ont toujours la mêmestructure (en onze points) ce qui peut ensimplifier la lecture ;– des chiffres clés de l’éducation en Europepour un panorama du fonctionnement dessystèmes éducatifs ;– des ressources terminologiques dont leglossaire européen de l’éducation pour savoirpar exemple comment se nomment les différentsexamens dans les différents pays.Au centre, on découvre les nouvelles publicationset les nouvelles traductions, actuellementle volume V du Glossaire européen del’éducation (en anglais) qui compte 770 termesnationaux de vingt-huit pays européens. Toutest téléchargeable gratuitement et disponibleauprès des unités nationales.À gauche de la page d’accueil, la navigation peutse faire par indicateur (par exemple, l’enseignementprivé ou la formation des enseignants),par pays (avec des descriptions générales etdes bases de données) ou par thèmes (il y ena dix-sept dont les « compétences clés » ou« le soutien éducatif particulier »).Les compétences clésSi, dans la navigation par thème, vous cliquezsur « compétences clés », vous pourrezdécouvrir les résultats d’une enquête publiéeen 2002, qui visait à définir ces compétencesessentielles, fondamentales ou de base.Selon la majorité des experts, une compétenceclé est « nécessaire et profitable à toutindividu et à la société dans son ensemble.Elle doit permettre à un individu de s’intégreravec succès dans plusieurs réseauxsociaux tout en demeurant indépendant etpersonnellement efficace en famille ainsique dans des circonstances nouvelles etimprévisibles ». Les états membres de l’UEabordent le développement des compétencesdans l’enseignement général obligatoiresuivant trois approches : l’acquisition deconnaissances, savoir-faire ou capacités ; ledéveloppement de compétences, à savoirla capacité à appliquer dans des situationsde vie réelles les connaissances et savoir-faire acquis à l’école ; le développement decompétences clés, à savoir celles qui sontessentielles pour participer activement à lasociété. Plusieurs groupes de compétencesont été identifiés, capacité à lire, à écrireet à calculer et aussi des compétencestransversales – la communication, le travailen équipe, les compétences sociales etleur rôle dans l’intégration économique etsociale personnelle, etc. Certains auteursmettaient en avant le fait que l’évaluation etla certification des compétences clés reposent,trop souvent, sur la mémorisation deconnaissances et non sur l’application desconnaissances par la réflexion critique etcréative. Tous les pays soulignent le rôle del’évaluation comme outil de suivi du progrèsindividuel des élèves et d’accompagnementde leur développement.Soutien éducatif particulierToujours dans la rubrique thème, vouspourrez aussi vous informer, par exemple,sur les dispositifs de soutien destinés auxenfants migrants en Estonie. Suivant letableau comparatif, on voit que l’Estonie achoisi trois dispositifs : l’intégration directeavec soutien ad hoc en classe relevant dumodèle « intégré », le modèle « séparé transitoire» et aussi le soutien extracurriculaire.Le modèle « intégré » accueille des enfantsdans les classes de leur âge où ils suiventun enseignement ordinaire avec des mesuresde soutien durant l’horaire normal. Lemodèle « séparé transitoire » regroupe lesenfants migrants et les sépare de leurs pairsdurant un temps limité. Une partie de l’enseignementest suivie néanmoins avec toutela classe. L’enseignement extracurriculaireest dispensé hors du temps scolaire maisdans l’école et sous l’égide du ministère del’éducation du pays. Des notes complémentairesprécisent qu’en Estonie, « ces mesurescorrespondent aux enfants immigrantsrussophones inscrits dans des écoles oudes classes où la langue d’instruction est lerusse (au moins pour 60 % du programmed’études). Dans ces écoles et ces classes,l’apprentissage de l’estonien est obligatoireà partir de la première année d’études ».Rares sont les pays qui n’ont mis en placeaucune mesure de soutien.Eurydice est une mine : n’hésitez pas à vousperdre dans ses réseaux électroniques vousretrouverez toujours votre chemin et dequoi vous nourrir, surtout en anglais ! nEurydice a été créé en 1980 par laCommission européenne. Ce réseauinstitutionnel recueille, examine etdiffuse des données comparables surles politiques et les systèmes éducatifseuropéens. Les informations portentsur la structure et l’organisation dessystèmes éducatifs à tous les niveauxd’enseignement. On y trouve desdescriptions nationales des systèmeséducatifs, des analyses comparativessur des thèmes spécifiques, desindicateurs et des statistiques. Sonunité centrale européenne, établie àBruxelles, assure la coordination etl’animation du réseau ainsi que son siteInternet ; chaque pays ayant une unitéqui appartient aux structures éducativesnationales, en France il s’agit de laDEPP (Direction de l’évaluation, de laprospective et de la performance).Trente pays sont couverts par le réseauEurydice : l’Allemagne, l’Autriche,la Belgique, la Bulgarie, Chypre, leDanemark, l’Espagne, l’Estonie, laFinlande, la France, la Grèce, la Hongrie,l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, leLiechtenstein, le Luxembourg, Malte,la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne,le Portugal, la République tchèque,la Roumanie, le Royaume-Uni, laSlovaquie, la Slovénie, la Suède et laTurquie. On ne compte pas moins deonze langues officielles mais la majoritédes ouvrages sont publiés en allemand,anglais et français.<strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 n


entretienNaissance d’une école populaire ?Au groupe scolaire Concorde de Mons-en-Barœul (59), l’inspecteur de la circonscription, les enseignants et leschercheurs nous ont longuement parlé d’une expérimentation pédagogique assez rare : depuis 2001, tous les enseignantsde ces deux écoles mettent en œuvre la pédagogie Freinet et les effets de leur travail sont évalués par une équipe dechercheurs en sciences de l’éducation de l’université Lille 3 (laboratoire THEODILE). Voici la synthèse que nous avonsfaite d’un passionnant échange avec eux. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous plonger dans leurs différents écrits…Du côté de l’inspecteurde la circonscriptionIl est intéressant de faire connaître cetteexpérience parce qu’elle montre que l’expérimentationbien contrôlée – c’est-à-direlimitée dans le temps et évaluée – peut êtrebénéfique. Dans cette école expérimentale,la pédagogie Freinet est mise en œuvre,depuis la maternelle jusqu’au CM2, par desenseignants qui sont tous arrivés en mêmetemps, par dérogation au mouvement desprofesseurs d’école. C’est assez rare. C’estle résultat d’une ferme détermination et delongues négociations avec l’administration,avec les syndicats, avec les parents d’élèveset aussi avec l’ICEM Nord-Pas-de-Calais(Institut coopératif de l’école moderne).Dans ce quartier et dans cette école, la viescolaire s’était beaucoup dégradée, violenceet mauvais résultats scolaires. La situation dece secteur, ingrate, semblait sans issue. Nousavions donc déposé un projet d’expérimentationauprès de l’inspecteur d’académie. C’estbien l’institution qui a installé l’expérience etqui a souhaité une évaluation de la part d’uneéquipe de chercheurs. Au départ, les enseignants(proposés par l’ICEM) ne connaissaientpas les chercheurs qui, eux-mêmes, n’avaientpas de liens avec ce mouvement pédagogique.Pour ces enseignants militants il s’agissait d’unevéritable prise de risque. L’expérience montreque des militants peuvent entrer dans unedémarche institutionnelle et évaluative sansperdre leur âme !Comme la question était : « Est-ce qu’unepédagogie, comme la pédagogie Freinet,convient aux plus déshérités ? », il a fallu êtretrès vigilant pour garder les élèves du quartier.En effet, les pédagogies « alternatives » atti-Entretien réalisé avecSylvain Hannebique (enseignant)Marcel Thorel (enseignant)Pascale Calcoen (enseignante)Jean-Robert Ghier (inspecteur de l’éducation nationale)Yves Reuter (universitaire, responsable de la recherche)Cora Cohen (universitaire, didactique des sciences)Anne-Marie Jovenet (universitaire, clinicienne)Dominique Lahanier-Reuter (universitaire, didactique desmathématiques)rent prioritairement une population favoriséeou, au contraire, des élèves en très grandedifficulté envoyés par d’autres écoles qui n’arriventplus à faire face. De plus, ce genred’expérience inquiète les milieux populaires.Certains parents s’en sont émus. Ainsi, iln’était pas question, au départ, de modifier lastructure même de l’école et de rompre avecla forme classe, les parents avaient besoin deces points de repères.Ce type d’expérience est très fragile et ilfaut être attentif pour se faire accepter parle milieu au sens large : parents, collèguesdes autres écoles ou du collège, institution,mairie, etc. L’équipe enseignante a vraimentjoué le jeu aux différents niveaux.Aujourd’hui, en tant qu’inspecteur, j’ai desraisons d’être satisfait car les résultats sontinespérés au vu de la situation initiale (augmentationsdes acquisitions des élèves etréduction des actes de violence), de pluscette expérimentation a eu un effet dynamisantsur les écoles du secteur.Du côté des enseignantsPour nous enseignants, la pédagogie Freinetest une pédagogie de la rupture. En simplifianton peut dire que « la vie entre à l’école etque l’école va vers la vie ». Au quotidien, celasignifie que nous partons de l’expression desenfants, de leur vécu, de leurs productions etque nous les relions à la culture scolaire, auxprogrammes, au patrimoine culturel extérieur.Entre les productions des enfants et les savoirsscolaires, nous faisons des liens même si celareste toujours en tension. Ce qui est de l’ordrede la vie sociale de l’école, de la régulation desconflits passe en second et est toujours en lienavec la mise au travail des élèves, leur rapportau savoir et leurs apprentissages.Ces conceptions engagent de profondesmodifications des pratiques pédagogiqueset une certaine prise de risque. La postureest anxiogène : il faut un étayage fort pourpouvoir accueillir l’événement, ce qui vavenir, les productions des élèves. La miseen œuvre de ce type de pédagogie a étérendue possible par le travail d’équipe quiest très important ici. De la maternelle auCM2, nous sommes tous des professionnelsexpérimentés, avec un projet clair etune ferme volonté de travailler ensemble.Nous sommes également en recherche permanente,avec beaucoup de co-formationet de formation continue. Pour innover, laconfiance est essentielle : confiance dansl’équipe, confiance dans l’institution. Cesconditions sont réunies ici, ce n’est pas lecas partout. Nous revendiquons l’évaluationmême si ce n’est pas facile, et même si l’onpeut se demander pourquoi nous serionsplus évalués que les autres. Il semble quecette approche affective et sensible desapprentissages évite toute mise à l’écart degamins. Le creuset coopératif de l’école esttrès puissant. Cette pédagogie a transforméle rapport des enfants au travail, aux contenusscolaires et à l’école. Elle a aussi modifiéle rapport des familles à l’école.Du côté des chercheursPour nous chercheurs, le plus caractéristiquedans le travail fait ici, c’est la mise enœuvre d’un principe de base souvent évoquémais très rarement appliqué : « Nul ne peutapprendre à la place de l’élève ». Dans cetteécole, les enseignants ne cherchent pas àtransmettre des savoirs ou des savoir-fairemais véritablement à aider à apprendre etnous avons pu voir les effets tout à fait bénéfiquesde ce mode de travail pédagogique.On dit souvent qu’on ne sait pas grandchosedes effets des pédagogies alternatives.Aujourd’hui, nous avons cinq annéesde recherches, des données multiples qui,globalement, montrent que, s’il n’y a pas demiracle, il y a ces effets qui sont quand mêmeextraordinaires pour cette population d’élèveset c’est suffisamment rare pour être noté.Cette expérience montre qu’il n’y a pas nécessairementséparation et répartition dans letemps entre socialisation et apprentissages.Contrairement à nombre de discours courants,la centration sur les apprentissages a participéà la construction du calme, de la tranquillité.L’expérience montre aussi qu’il n’y a pas d’oppositionentre fonctionnement collectif etindividualisation des apprentissages. Les deuxsont articulés. Les mécanismes pervers que l’onretrouve souvent dans l’individualisation – miseà l’écart de certains élèves, accentuation desdisparités, etc. – ne s’observent pas ici. n <strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 |


Peut-on parlerde « bonnes pratiques » ?Pour nous enseignants Freinet, l’expression« bonnes pratiques » convient bien. Mais c’estdifficile à expliquer. Il faudrait définir précisémentla « méthode naturelle d’apprentissage» ou le « tâtonnement expérimental » etce n’est pas simple ! Disons que les bonnespratiques sont celles qui permettent auxenfants de travailler comme des travailleurs,d’accomplir leurs tâches : écrire des textes,mener des recherches-maths, faire desconférences, réaliser des œuvres artistiques,etc. Les bonnes pratiques ne sont pas prédéfinies,elles sont sans cesse ré-étalonnées.Elles sont bonnes si les tâches sont réaliséesdans le calme, avec le soin qu’il faut et pourobtenir un résultat convenable. Par exemple,en maternelle, il s’agit de faire en sorte quel’enfant n’ait pas le maître comme seul référent.Les « bonnes pratiques » sont celles quil’aident à s’affranchir de la relation duelle, às’adresser aux autres et au groupe.Pour les chercheurs, il n’y a sans doute pas debonnes pratiques en général. Les recherchesmontrent que ce qui est efficace pour certainsne l’est pas pour d’autres. Mais ce qui estparadoxal ici, c’est que cette pédagogie enelle-même permet de générer de la différenciation,de produire des pratiques différenciées.Et, même si certains élèves en profitentplus que d’autres, nous n’avons pas rencontréd’élève véritablement mis en échec.Le travail de recherche concernant lesapprentissages scientifiques montre qu’ici lesélèves reconnaissent davantage les savoirs deleurs parents, des autres élèves et aussi desenseignants. Ailleurs, les élèves pensent qu’onne peut pas questionner le maître parce quece serait avouer sa propre ignorance, qu’onne peut pas non plus interroger les autresélèves ou les parents parce qu’ils ne saventpas. Dans cette forme de travail pédagogique,la manière dont les élèves sont écoutés estcaractéristique : toute la classe est responsabledes questions posées et des réponsesqui sont apportées. On reconnaît à chacundu savoir ou une envie de savoir.En recherche en didactique des mathématiques,on parlerait plutôt de « pratiques efficaces». Ici elles sont efficaces parce que lacohérence, construite par les maîtres, estperçue par les élèves. Ici, partir du vécusignifie laisser aux élèves la responsabilitéd’élaborer une question mathématique.C’est un pari didactiquement incroyable !Il peut être tenu parce que les élèves s’enemparent effectivement, parce que le travailde chacun est accompagné par l’enseignantet par la classe et aussi parce que l’ensembledes principes qui le sous-tendent – commele traitement de l’erreur – sont articulésentre eux.La question du vécu est délicate. Si certainstravaux tendent à montrer que les élèvesde milieux populaires sont prisonniers deleur vécu, aucune recherche empirique n’amis en évidence que le fait de travailler enclasse à partir de ce vécu nuisait aux apprentissages.Dans les pratiques, s’appuyer sur levécu des élèves, peut signifier de multipleschoses. Ce qui est intéressant dans ce modede travail pédagogique, c’est la manière dontle vécu des élèves est traité. Il est construit,reconstruit, codifié, mis en interrogation ettoujours repris dans des relations et activitésd’apprentissage. Il existe un véritableréseau de mise en relations de différentssystèmes culturels : la culture légitime, laculture scolaire, la culture de la classe et laculture extrascolaire des élèves. Les maîtresFreinet ont des manières très intéressantesde théoriser cela avec la notion de patrimoineculturel de proximité.L’approche clinique, quant à elle, montreclairement que ce qui est central dans cetteécole, ce sont les savoirs, les apprentissages.Et c’est une grande différence avec les autresécoles où des études ont aussi été réalisées.Quand les maîtres Freinet parlent de leursélèves, ils évoquent, comme les autres, lesmilieux familiaux et sociaux mais ils mettentbien davantage l’accent sur ce que font lesélèves. Ils regardent le travail des élèves etleur manière d’entrer dans les apprentissages.C’est également vrai lorsque les élèvesparlent de leurs enseignants : le rapport trèsindividuel et affectif, partout présent, est icidifférent. Le rapport de chacun au groupeest aussi important, sinon plus.Et les liens entre rechercheet pratique ?Nous enseignants étions, a priori, tout à faitintéressés par le travail de l’équipe de rechercheThéodile, d’autant qu’il s’inscrivait dans unedurée assez longue (cinq années) mais ne nousattendions pas à cette forme de recherche.Aujourd’hui nous commençons juste à nouscomprendre mutuellement : les chercheursont découvert la pédagogie Freinet et nousPour en savoir plusContact : yreuter@wanadoo.fravons découvert le travail de recherche. Leslogiques ne sont pas les mêmes. Nous avons dûcomprendre que les chercheurs ne disposaientpas de l’expertise de la pratique et qu’ils ne sesituaient pas dans la même temporalité : ilsdoivent passer du temps pour faire émergerce qui n’apparaît pas à première vue. Chacunpeut tirer un bénéfice de l’action de l’autre.Les rapports de recherche n’ont pas, directement,modifié les pratiques, mais ils ont euune influence même diffuse, c’est certain. Maiscette recherche n’a pas été sans créer de troublesmême si pour nous les apports sont trèsriches. Auparavant personne nous ne nous avaitpermis une telle réflexivité en nous parlant ainside notre activité.Du côté des chercheurs nous voulons d’abordsaluer les maîtres car il faut être solide poursupporter un tel suivi pendant cinq ans. Il abien sûr fallu lever des ambiguïtés, comprendreet faire comprendre que l’on ne faisait pas derecherche-action, que l’on cherchait à décrireet analyser des effets de pratiques et non pasà les faire changer. Saisir aussi que nous n’allionspas travailler à partir des questions quese posaient les maîtres Freinet mais à partir denos propres questionnements. Il est vrai qu’àcertains moments, cela a été très dur. Pourles enseignants, par exemple, il était difficileque l’on ne leur donne pas un point de vue surleurs pratiques. Ce qui nous importait, c’étaientleurs effets en termes d’apprentissages et onne pouvait rien en dire dans l’immédiat. Ilétait aussi difficile pour eux de comprendreque nous pouvions tirer des conclusions, alorsque nous n’étions pas là en permanence.Il faut dire enfin que les échanges ont été, pournous aussi, très riches. Ce mode de travailpédagogique dénaturalise les fonctionnementshabituels et nous oblige à préciser et à interrogernos outils théoriques classiques d’analyse.De plus, les pratiques Freinet reposent surdes modes de théorisation très différents desnôtres et qui nous conduisent à interrogernos propres modèles : la question du vécu,celle du patrimoine culturel de proximité, etc.Sans démagogie, ce travail a participé de notreformation continue de chercheur. nYves Reuter et Cécile Carra. « Analyser un mode de travail “alternatif” : l’exemple d’ungroupe scolaire travaillant en pédagogie “Freinet” ». Revue française de pédagogie, n° 153,octobre-novembre-décembre 2005.Dominique Lahanier-Reuter. « Enseignement et apprentissages mathématiques dans une écoleFreinet ». Revue française de pédagogie, n° 153, octobre-novembre-décembre 2005.Anne-Marie Jovenet. « Une “didactique appropriée aux difficultés des élèves” est-elle tributairedes modes d’appréhension de ces difficultés ? ». La nouvelle revue de l’AIS n° 33.Yves Reuter (dir.). Une école Freinet : fonctionnement et effets d’une pédagogie alternativeen milieu populaire. Paris : l’Harmattan, 2007.Et, en août 2007, le congrès de l’ICEM. Informations disponibles sur :www.icem-pedagogie-freinet.org<strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 n


èvesLes enseignantsissus des immigrations.Modalités d’accès au groupeprofessionnel, représentationsdu métier et de l’écoleFrédéric Charles et FlorenceLegendre, Sudel, 2006, 217 p.Ce livre est issu d’une recherche quiquestionne les itinéraires des enseignantsissus des immigrations et leursreprésentations du métier et de l’école.Il compare les enseignants issus desimmigrations et ceux « d’origine française» aux différents niveaux d’enseignement(primaire et secondaire).Dans leur parcours et leurs rapportsau modèle républicain, ces enseignantssont-ils différents de leurs collègues ?Sont-ils plus sensibles aux questions del’altérité et de la diversité dans l’école ?Doivent-ils leur réussite professionnelleà un surinvestissement scolaire ? Quelest le prix de leur mobilité sociale ?Quel est le rôle joué par leurs parents,leurs enseignants ou encore l’État ?L’expérience familiale de la migrationmodèle-t-elle leurs conceptions dumétier ? Une enquête qui apporte unéclairage original.Vous avez dit élèves difficiles.Éducation, autorité, dialogueDaniel Lance, l’Harmattan. 2007, 333 p.Comment éduquer quand l’élèveest en rupture sociale et scolaire etne veut plus communiquer ? DanielLance aborde cette question d’unemanière originale. Il reprend d’abordde savantes et passionnantes théoriesde la communication (en particulierle modèle dialogique de FrancisJacques). Puis, dans une secondepartie, il retrace et analyse la créationd’une structure expérimentale quideviendra la première classe relaisdes Alpes-Maritimes. Dans une troisièmeet dernière partie, il reprendles questions d’autorité et d’éducation.L’auteur, qui travaille les questions deviolence et de désir (en référence àRené Girard), conjugue trois approches: ses réflexions sur la communication,son travail et ses analyses surles jeunes en difficulté, sa pratique et saréflexion sur les arts martiaux.Quelle légitimité de l’écoledans une société en crise ?Journée d’étudedu 9 janvier 2006N° hors-série des Cahiersd’Éducation & Devenir, 2007.Ce sont les actes d’une journée organiséepar l’association Éducation &Devenir. On y trouvera les textes desdifférentes conférences et interventionssur cette question de la légitimitéde l’école. Des éclairages historique,juridique, sociologique, politique, etc.,notamment ceux de Vincent Troger,Pierre Merle, Georges Felouzis, PhilippeMeirieu ou Bernard Toulemonde.Cultures à égalitéDiversité, Ville-Ecole-Intégration,n° 148, mars 2007.Malgré leur visée démocratiquedepuis longtemps affirmée, les politiquesculturelles n’ont pas pleinementatteint leur but. Le caractère illégitimedes cultures populaires demeure undéfi pour l’école. Dans ce contexte,comment transmettre le patrimoineculturel et lutter contre les cloisonnementsou les ghettos culturels ?Quelles pratiques pédagogiques etquelles médiations mettre en œuvre ?Les nombreux et passionnants textesde ce numéro sont structurés autourde trois questions qui forment lestitres des parties. Quelle culture ?La culture des uns, et des autres ?Comment transmettre la culture ?Le savoir-lire aujourd’hui.Les méthodes de lectureet l’apprentissage de l’écritGérard Chauveau, Retz, 2007, 135 p.Un livre qui met en lumière le grandabsent des polémiques sur les méthodesde lecture : le maître et sa pédagogie.Pour en finir avec la guerre desméthodes, Gérard Chauveau proposeun bilan des travaux scientifiques récentssur la question de l’apprentissage del’écrit (lecture-écriture). La premièrepartie est consacrée aux méthodesd’hier et d’aujourd’hui et fournit d’utilesrappels historiques. L’auteur montreque de nombreux facteurs externesagissent sur l’efficacité des méthodes etqu’elles ne sont jamais seules responsablesde la réussite ou de l’échec desapprentis lecteurs. La deuxième partieanalyse précisément l’apprentissage del’écrit, présente ce qu’est le « savoirlire » indissociable du « savoir écrire », etquelles sont les compétences en jeu. Latroisième partie envisage les méthodesd’apprentissage de demain et l’importancedes pratiques pédagogiques desmaîtres car, par-delà les méthodes,le rôle du maître et de sa pédagogiequotidienne est fondamental. Uneintroduction didactique à la questionde l’apprentissage de la lecture destinéeaux futurs et jeunes enseignants et àtoute personne désireuse de comprendreles mécanismes du savoir-lire.Les élèves transparents.Les arrêts de scolaritéavant seize ansMaryse Esterlé-Hedibel,PU du Septentrion, 2007, 309 p.« Je décroche, tu décroches, il ou elledécroche. » Alors que l’on chercheà scolariser tous les jeunes, certains,dont le nombre est difficile à évaluer,deviennent « transparents ». Ce livre,issu de travaux de recherche, vise àmieux connaître « les populations déscolariséesou jamais scolarisées avantl’âge de seize ans ». À partir de l’étudeet de l’analyse de plusieurs histoires etparcours singuliers, l’auteur montre lacomplexité d’un phénomène qui mêlehistoire scolaire et familiale, caractéristiquessocio-économiques de la familleet de l’environnement, relations avecles pairs, rapport à l’école et au travail,interactions entre les différents protagonistesde la situation, jeunes ou adultes,etc. L’ouvrage expose égalementdes situations où, loin du fatalisme del’échec et du déterminisme social, desenseignants, des chefs d’établissementet d’autres adultes ont changé deregard et ont permis l’inversion de cesprocessus de déscolarisation.Orthographe : à qui la faute ?Danièle Manesse et Danièle Cogis,ESF Éditeur, 2007, 250 p.Vingt ans après avoir mené une étudesur le niveau orthographique desFrançais à l’école obligatoire, DanièleManesse présente les résultats inquiétantsd’une nouvelle étude menée sur30 000 élèves de 25 collèges. AvecDanièle Cogis, elle analyse les typesd’erreurs produites et se demande sil’orthographe française actuelle n’estpas trop compliquée ? Partisanes desimplifications importantes de l’orthographedu français, les auteursconcluent en faisant des propositions deréforme de l’orthographe ainsi que surson rôle au sein du « socle commun »des savoirs. Une importante étudescientifique à grande échelle pour éclairerles éternels débats sur la baissesupposée du niveau de l’orthographedes élèves.L’occasion de rappeler un précédentouvrage : Le français en classes difficiles(INRP, 2003, 128 p.). Ce livre est issud’une recherche conduite avec des professeursqui commençaient leur carrièredans différents collèges de la banlieueNord de Paris. Il décrit les conditionsexigeantes et spécifiques auxquellessont confrontés les enseignants de françaisdans les classes difficiles.Que vaut l’enseignementen France ? Les conclusionsdu Haut conseilde l’évaluation de l’école (HCEE)Christian Forestier, Claude Thélot etJean-Claude Emin, Stock, 2007, 293 p.Que penser de l’actuel niveau desélèves ? Combien de jeunes gens sonten grande difficulté scolaire ? Quellessont les forces et les faiblesses de notresystème ? Pourquoi est-il injuste etsexiste ? Comment la France se situet-ellepar rapport aux pays comparables? Qu’est-ce qu’un « bon » lycée ?Le redoublement est-il profitable oudommageable ? Les professeurs sont-ilsconvenablement évalués ? Dans unelangue accessible à tous les professionnelset à tous les usagers de l’école, celivre rassemble et commente les conclusionsdu haut conseil de l’évaluation del’école (organisme officiel et indépendant)données entre 2000 et 2005.Laïcité,croyances et éducationSpirale, n° 39, 2007.Jean-Paul Martin (coord.)Une douzaine de textes d’historiens,philosophes, sociologues, pédagoguesorganisés en trois parties (Interpréter lalaïcité. Éduquer à la laïcité : déontologieet pratiques. La laïcité scolaire, uneexception française ?) pour réfléchir àce qui est arrivé à la laïcité depuis unequinzaine d’années. n <strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 |<strong>XYZep</strong> est une publication du centre <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> de l’INRP | ISSN 1<strong>27</strong>6-4760Directeur de la publication : Serge Calabre | Coordonnatrice de la rédaction : Françoise Carraud | Comité de rédaction : Patrice Bride,Christiane Cavet, Françoise Clerc, Jean-Luc Duret, Richard Etienne, Daniel Frandji, Joce Le Breton, Anne-Marie Vaillé | Coordinationtechnique : service des publications de l’INRP.INRP | <strong>Centre</strong> <strong>Alain</strong> <strong>Savary</strong> | <strong>Centre</strong> national de ressources sur les pratiques éducatives et sociales en milieux difficiles |19, allée de Fontenay | BP 17424 | 69347 LYON CEDEX 07 | Tél. 04 72 76 62 37 | centre-alain-savary.inrp.fr/CAS |cas@inrp.fr

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