M.-A. Paulze, épouse et col<strong>la</strong>boratrice <strong>de</strong> Lavoisier, Vesalius, VI, 2,105-113, 2000L'ouvrage <strong>de</strong>vait comporter huit volumes; quandLavoisier mourut, l'impression <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premiersvolumes était presque terminée. En 1796,Marie-Anne <strong>de</strong>manda à Armand Seguin <strong>de</strong> rédigerune préface, dans <strong>la</strong>quelle il flétrirait leshommes coupables <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Lavoisier.Seguin refusa en prétextant que ce serait leurfaire trop d'honneur que <strong>de</strong> parler d'eux, mêmed'une manière très péjorative (15). En réalité,Seguin vou<strong>la</strong>it s'attribuer une part égale à celle<strong>de</strong> Lavoisier dans <strong>la</strong> publication <strong>de</strong>s mémoires.Marie-Anne renonça d'abord à son projet;elle le reprit quelques années plus tard. Ellerédigea elle-même, en 1803, une introduction,où elle exposait simplement les conditions danslesquelles Lavoisier avait entrepris ce travail.En voici le texte intégral :«En 1792, M. Lavoisier avait conçu le projet<strong>de</strong> faire un recueil <strong>de</strong> tous ses mémoires lusà l'Académie <strong>de</strong>puis vingt ans. C'était enquelque manière faire l'histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> chimiemo<strong>de</strong>rne. Pour rendre cette histoire plus intéressanteet plus complète, il s'était proposé d'yintercaler les mémoires <strong>de</strong> personnes qui, ayantadopté son système, avaient fait <strong>de</strong>s expériencesà son appui. Ce recueil <strong>de</strong>vait formerenviron huit volumes.«L'Europe sait pourquoi ils n'ont pas étéachevés.«On a retrouvé presque tout le premier, lesecond en entier, quelques feuilles du quatrième.Plusieurs savants ont désiré qu'ilsfussent mis au jour. On a longtemps hésité. Ilest difficile <strong>de</strong> ne pas éprouver une sorte <strong>de</strong>crainte, lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> publier <strong>de</strong>s écrits quen'a point terminés un homme qui jouit avecjustice d'une gran<strong>de</strong> réputation. C'estquandonl'a perdu que l'amitié doit commencera <strong>de</strong>venirsévère, et ne faire paraître que ce qui peutajoutera <strong>la</strong> gloire d'un être chéri et vénéré.«On aurait persisté, et ces fragmentsn'auraient point paru, s'ils ne contenaient(page 78 du second volume) un mémoire <strong>de</strong>M. Lavoisier, qui réc<strong>la</strong>me, d'après les faitsqu'il y expose, <strong>la</strong> nouvelle théorie chimiquecomme lui appartenant.«C'est donc un <strong>de</strong>voir envers lui que <strong>de</strong> fixerl'opinion <strong>de</strong>s savants sur cette vérité. On leur<strong>de</strong>man<strong>de</strong> l'indulgence pour les fautes qui pourraients'être glissées dans quelque autre partie<strong>de</strong> ce recueil. Ils l'accor<strong>de</strong>ront, lorsqu'ils saurontque <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s épreuves ont été revuesdans les <strong>de</strong>rnier moment <strong>de</strong> l'auteur, et que,tandis qu'il n'ignorait pas qu'on préméditait sonassassinat, M. Lavoisier, calme et courageux,s'occupant d'un travail qu'il croyait utile auxsciences, donnait un grand exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong>sérénité que les lumières et <strong>la</strong> vertu peuventconserver au milieu <strong>de</strong>s plus affreux malheurs!»(16).Marie-Anne <strong>la</strong>issait entendre que Lavoisierrevendiquait pour lui seul <strong>la</strong> paternité <strong>de</strong>s découvertes,comme il l'écrivit : «Cette théorien'est donc pas, comme je l'entends dire, <strong>la</strong>théorie <strong>de</strong>s chimistes français : elle est <strong>la</strong> mienne,et c'est une propriété que je réc<strong>la</strong>me auprès <strong>de</strong>mes contemporains et <strong>de</strong> <strong>la</strong> postérité». Les<strong>de</strong>ux volumes <strong>de</strong>s «Mémoires <strong>de</strong> chimie» parurenten 1805; ils ne furent pas commercialisés,mais <strong>of</strong>ferts à toutes les personnes éminentes<strong>de</strong> l'époque. Cuvier <strong>la</strong> remercia dans les termessuivants :«Madame, <strong>la</strong> C<strong>la</strong>sse me charge <strong>de</strong> vousadresser ses remerciements pour l'ouvrageprécieux que vous avez bien voulu lui donner...Permettez-moi d'y joindre le témoignage<strong>de</strong> ma propre reconnaissance. Tousles amis <strong>de</strong>s sciences vous en doivent pour<strong>la</strong> douloureuse détermination que vous avezprise <strong>de</strong> publier ce recueil... Ces volumesincomplets, ces phrases interrompues, fontune impression terrible... Comme on sent serenouveler dans toute sa force l'horreur ducrime qui a privé (<strong>de</strong> vérités) l'humanité,peut-être pour <strong>de</strong>s siècles !» (17).A cette époque, le mot «c<strong>la</strong>sse» signifiait unensemble <strong>de</strong> personnes liées entre elles parcertains caractères communs (mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie,intérêts, culture). Sous le terme <strong>de</strong> «c<strong>la</strong>sse»,Cuvier désignait l'Académie <strong>de</strong>s sciences.111
M.-A. Paulze, épouse et col<strong>la</strong>boratrice <strong>de</strong> Lavoisier, Vesalius, VI, 2,105-113, 2000Le salon <strong>de</strong> Madame Lavoisier - Le comte<strong>de</strong> RumfordMarie-Anne Lavoisier habitait alors un hôtel <strong>de</strong><strong>la</strong> rue d'Anjou-Saint-Honoré; elle avait ouvert sonsalon, où se retrouvaient périodiquement les hommes<strong>de</strong> sciences les plus illustres, De<strong>la</strong>mbre, Cuvier,Prony, Lagrange, Lap<strong>la</strong>ce, Berthollet, Arago,Biot, Humboldt... Sur le point <strong>de</strong> partir pour lesAmériques, Dupont <strong>de</strong> Nemours écrivit plusieurslettres d'adieu à Marie-Anne. Avant <strong>de</strong> s'embarquer,le 16 septembre 1799, il déc<strong>la</strong>rait encore :«Il faut bien vous aimer d'amour, avec unenuance ou avec l'autre. J'ai l'expérience quevous n'êtes pas propre à l'amitié. Vousn'avez ni ses épanchements, ni son intérêt, nises conso<strong>la</strong>tions, ni ses conseils, ni sescaresses, ni ses discours, ni son doux silence.Où cesse votre tendresse, tout cesse.Vous <strong>de</strong>venez froi<strong>de</strong>, dure, querelleuse, etc'est l'expression désobligeante qui arrived'elle-même sur vos lèvres» (18).Marie-Anne ne répondit pas à cette lettre;elle ne partageait plus cette passion amoureuse.L'avait-elle seulement partagée ?Parmi les habitués <strong>de</strong> son salon, figurait lecomte <strong>de</strong> Rumford. Né en Amérique en 1753,Benjamin Thompson n'avait pas épousé <strong>la</strong> cause<strong>de</strong> ses concitoyens; il combattit dans les rangs <strong>de</strong>l'armée ang<strong>la</strong>ise, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> l'Indépendanceaméricaine; il parvint au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> lieutenant-colonelet reçut en Angleterre le titre <strong>de</strong>chevalier. En 1790, il passa au service <strong>de</strong> <strong>la</strong>Bavière, en tant qu'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> camp <strong>de</strong> l'ElecteurKarl-Theodor, qui le désigna comme surintendant<strong>de</strong> <strong>la</strong> police. Il fut nommé «comte <strong>de</strong>Rumford» par l'Electeur. Rumford se fit remarquerpar ses qualités d'administrateur et <strong>de</strong> physicien;il faisait <strong>de</strong>s expériences remarquablessur <strong>la</strong> chaleur et <strong>la</strong> lumière, inventait le chauffagepar <strong>la</strong> vapeur et, en observant le dégagement <strong>de</strong>chaleur provoqué par le forage <strong>de</strong>s canons,découvrait <strong>la</strong> transformation du mouvement encalories. Il détruisit <strong>la</strong>théorie du calorique, commeLavoisier avait détruit celle du phlogistique.Si Rumford apporta <strong>de</strong> nombreuses réformessociales, il eut aussi une activité scientifiqueoriginale qu'il employait à perfectionner les foyerset les cheminées; on lui attribue l'invention d'unecasserole à double fond, d'une cuisinière, d'unecafetière verseuse à filtre. Il introduisit <strong>la</strong> culture<strong>de</strong> <strong>la</strong> pomme <strong>de</strong> terre qui <strong>de</strong>vint un aliment <strong>de</strong>base; c'est leur politique agricole commune quirapporcha Rumford du ménage Lavoisier et lesdisposa à <strong>de</strong>s rapports amicaux. A <strong>la</strong> mort <strong>de</strong>l'Electeur, Rumford quitta <strong>la</strong> Bavière et vint sefixer en France. Il <strong>de</strong>manda Marie-Anne enmariage, et celle-ci, voyant en lui un hommecomme Lavoisier attaché aux progrès <strong>de</strong> <strong>la</strong>science et un bienfaiteur <strong>de</strong> l'humanité, accepta<strong>de</strong> l'épouser. Le mariage eut lieu le 22 novembre1805. Elle avait quarante-sept ans, et lui cinquante-<strong>de</strong>ux.Mais il y eut une incompatibilitéd'humeur, <strong>de</strong>s heurts fréquents entre les <strong>de</strong>uxépoux; le ménage se dégrada progressivement,et leur union se solda par une séparation àl'amiable en 1809. Rumford mourut en 1814.L'apogée du salon <strong>de</strong> Madame LavoisierGuizot, qui fréquenta le salon <strong>de</strong> «Mme <strong>de</strong>Rumford», dit: «Depuis cette époque, et pendantvingt-sept ans, aucun événement, on pourraitdire aucun inci<strong>de</strong>nt, ne dérangea plus Mme <strong>de</strong>Rumford dans sa noble et agréable façon <strong>de</strong>vivre. Elle n'appartint plus qu'à ses amis et à <strong>la</strong>société qu'elle recevait avec un mé<strong>la</strong>nge assezsingulier <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>sse et <strong>de</strong> politesse, toujours <strong>de</strong>très bonne compagnie et d'une gran<strong>de</strong> intelligencedu mon<strong>de</strong>, même dans ses brusqueries<strong>de</strong> <strong>la</strong>ngage et ses fantasmes d'autorité» (19). Ilest certain que l'âge et les souffrances qu'elleavait endurées avaient influé sur sa personnalité.Ses jolis traits <strong>de</strong> visage s'étaient durcis, sasilhouette s'était épaissie, <strong>de</strong> telle sorte que les<strong>de</strong>scriptions qu'on a d'elle à cette pério<strong>de</strong> - etnotamment celles <strong>de</strong> A.F. <strong>de</strong> Frénilly, GeorgesSand, P. Mérimée, A. De<strong>la</strong>hante - sont beaucoupmoins f<strong>la</strong>tteuses que celles du début. Les sobriquetsdép<strong>la</strong>isants tirés <strong>de</strong> sa conformation physiquene manquaient pas.112
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