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L'implantation de la Librairie Hachette au Québec et ses impacts sur ...

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<strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>, Ithier <strong>de</strong> Roquem<strong>au</strong>rel, est très actif dans ce dossier <strong>et</strong> adresse plusieursl<strong>et</strong>tres à différents intervenants du ministère <strong>de</strong>s Affaires étrangères pour les presserà agir en ce sens 27 .Après <strong>la</strong> phase d’expansion <strong>de</strong>s années 1968-1972, fertile en rebondissements,<strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> calme le jeu <strong>et</strong> tente <strong>de</strong> rentabiliser <strong>ses</strong> entrepri<strong>ses</strong>. Parmi celles-ci, leCentre éducatif <strong>et</strong> culturel s’avère être une véritable vache à <strong>la</strong>it, engrangeant <strong>de</strong>sprofits considérables année après année, <strong>et</strong> le club Livre Loisirs se révèle lui <strong>au</strong>ssiêtre une excellente affaire 28 . Les bi<strong>la</strong>ns <strong>de</strong>s Nouvelles Messageries internationalesdu livre 29 , <strong>de</strong>s Messageries <strong>de</strong> presse internationales <strong>et</strong> du rése<strong>au</strong> <strong>de</strong> librairiesGarne<strong>au</strong> peinent à se maintenir <strong>au</strong>tour du point d’équilibre. Garne<strong>au</strong>, qui a ouvertplusieurs succursales dans les centres commerci<strong>au</strong>x qui poussent comme <strong>de</strong>s champignonsdurant les années 1970, pour atteindre un total <strong>de</strong> 17 magasins, connaîten 1976 une année très difficile. Pour remédier à <strong>la</strong> situation, <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> approche<strong>la</strong> <strong>Librairie</strong> Duss<strong>au</strong>lt, qui compte neuf succursales, dans le but <strong>de</strong> fusionnerles <strong>de</strong>ux rése<strong>au</strong>x. La transaction, conclue en 1977, aboutit à <strong>la</strong> création <strong>de</strong> <strong>la</strong>plus gran<strong>de</strong> chaîne <strong>de</strong> librairies <strong>au</strong> Québec. Les frères André <strong>et</strong> Roger Duss<strong>au</strong>ltcontrôlent alors 51 % <strong>de</strong>s actions, contre 49 % pour <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>. L’alliance entre leslibrairies Garne<strong>au</strong> <strong>et</strong> Duss<strong>au</strong>lt sera cependant mise à mal <strong>de</strong>ux ans plus tard avecl’adoption, par le gouvernement du Parti québécois, du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> loi 51.Le r<strong>et</strong>rait <strong>de</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>, 1979-1983La politique du livre annoncée en 1971 ayant été rapi<strong>de</strong>ment battue en brèche,f<strong>au</strong>te <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>es dissuasives pour punir les contrevenants, <strong>de</strong> nouvelles me<strong>sur</strong>ess’imposent pour réguler le mon<strong>de</strong> du livre. En 1979, le ministre <strong>de</strong>s Affaires culturelles,Denis V<strong>au</strong>geois (ill. 7), fait adopter à l’Assemblée nationale le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> loi51, Loi <strong>sur</strong> le développement <strong>de</strong>s entrepri<strong>ses</strong> québécoi<strong>ses</strong> dans le domaine du livre (L.R.Q.c. D-8.1), qui entrera en vigueur en 1981. D’après les dispositions <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te loi,toutes les institutions subventionnées <strong>de</strong> <strong>la</strong> province, notamment les bibliothèques,doivent s’approvisionner en livres <strong>au</strong>près d’une librairie agréée <strong>de</strong> leur région, <strong>et</strong> ce,<strong>au</strong> plein prix. Les manuels sco<strong>la</strong>ires sont toutefois exclus <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réglementation,ce qui en facilitera gran<strong>de</strong>ment l’application. Les distributeurs exclusifs, quantà eux, voient leur position définitivement confortée par le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> loi puisqueles libraires doivent, pour être agréés, accueillir les offices d’un nombre minimald’éditeurs québécois <strong>et</strong> respecter les accords d’exclusivité négociés entre éditeurs<strong>et</strong> distributeurs. Ces <strong>de</strong>rniers doivent toutefois accepter d’établir <strong>de</strong>s tabelles 30prédéterminées pour fixer le prix maximal <strong>de</strong>s livres importés, en plus d’accor<strong>de</strong>r<strong>au</strong>x libraires une remise uniforme <strong>de</strong> 40 %, <strong>et</strong> ce, peu importe le volume <strong>de</strong> venteréalisé par le libraire.De plus, <strong>la</strong> nouvelle loi fait passer à 100 % le seuil minimal requis du capital-actionsappartenant à <strong>de</strong>s intérêts québécois pour être admissible à l’agrément. Durant <strong>la</strong>pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te loi, les h<strong>au</strong>ts dirigeants <strong>de</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> rencontrent DenisV<strong>au</strong>geois <strong>et</strong> Camille L<strong>au</strong>rin, ministre d’État chargé du Développement culturel,pour tenter <strong>de</strong> les dissua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> fixer ce seuil minimal à 100 %, alors que les rése<strong>au</strong>xGarne<strong>au</strong> <strong>et</strong> Duss<strong>au</strong>lt viennent tout juste d’être fusionnés. André Duss<strong>au</strong>lt s’opposelui <strong>au</strong>ssi à c<strong>et</strong>te légis<strong>la</strong>tion, qui comprom<strong>et</strong> son « association avec <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>qui dure <strong>de</strong>puis 19 mois déjà [<strong>et</strong>] est un modèle <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te col<strong>la</strong>boration francoquébécoisedont on fait état partout mais que l’on trouve réussie dans un toutp<strong>et</strong>it nombre d’entrepri<strong>ses</strong> 31 ». Malgré l’existence <strong>de</strong> voies <strong>de</strong> communication avecle gouvernement québécois, l’entreprise ne dispose plus du poids suffisant, sansdoute en partie à c<strong>au</strong>se <strong>de</strong> son image ternie <strong>au</strong> début <strong>de</strong> <strong>la</strong> décennie, pour infléchir27. P. Roy, dans Le livre français <strong>au</strong> Québec, 1939-1972, détaille <strong>de</strong> nombreux documents re<strong>la</strong>tifs <strong>au</strong> Québec issus <strong>de</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong><strong>et</strong> conservés dans les archives diplomatiques françai<strong>ses</strong>.28. Les bi<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> ces filiales sont reproduits dans F. Brisson, « L’étreinte <strong>de</strong> <strong>la</strong> pieuvre verte : <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> <strong>et</strong> lestransformations du mon<strong>de</strong> du livre québécois, 1953-1983 », p. 311.29. Les MIL ont été rebaptisées Nouvelles Messageries internationales du livre (NMIL) en 1974, à l’occasion d’uneextension <strong>de</strong> leurs activités : l’entreprise distribue dorénavant tous les éditeurs distribués par <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> en France, <strong>et</strong>non plus seulement les collections les plus popu<strong>la</strong>ires.30. Une tabelle est un coefficient multiplicateur qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> déterminer le prix <strong>de</strong> détail canadien d’un livre en fonctiondu prix fixé dans son marché d’origine, en tenant compte <strong>de</strong>s coûts reliés à l’importation.31. [A. Duss<strong>au</strong>lt], Proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> mémoire à <strong>la</strong> commission parlementaire, daté à <strong>la</strong> main du 26 juill<strong>et</strong> 1979. IMEC, fonds <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>(S03 C48 B5).7. De g<strong>au</strong>che à droite : Camille L<strong>au</strong>rin,Denis V<strong>au</strong>geois <strong>et</strong> Robert Savoie(baryton-basse) <strong>au</strong> Salon vert <strong>de</strong><strong>la</strong> P<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s Arts, Montréal, 1980(détail). BAnQ, Centre d’archives <strong>de</strong>Montréal, fonds Ministère <strong>de</strong><strong>la</strong> Culture, <strong>de</strong>s Communications<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Condition féminine, sérieOffice du film du Québec (E6, S7, SS1,P800563). Photo : Adrien Hubert.le cours <strong>de</strong>s événements. En 1980, après l’adoption <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi, <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> n’a d’<strong>au</strong>trechoix que <strong>de</strong> se r<strong>et</strong>irer du rése<strong>au</strong> Duss<strong>au</strong>lt-Garne<strong>au</strong>. André Duss<strong>au</strong>lt se trouvantdans l’impossibilité <strong>de</strong> rach<strong>et</strong>er les parts <strong>de</strong> son associé, c’est un organisme public,<strong>la</strong> Société <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s industries culturelles, qui <strong>de</strong>vra voler <strong>au</strong> secours<strong>de</strong> <strong>la</strong> chaîne vacil<strong>la</strong>nte <strong>et</strong> trouver <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x investisseurs.Du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution du livre, les NMIL remplissent bien leur rôle <strong>au</strong>près<strong>de</strong>s librairies, mais elles ont <strong>de</strong> <strong>la</strong> difficulté à trouver <strong>de</strong>s sous-traitants qui leurperm<strong>et</strong>tent d’atteindre efficacement le circuit <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> diffusion, c’est-à-dire lespoints <strong>de</strong> vente tels les tabagies <strong>et</strong> les pharmacies. En 1981, pour combler ce besoin,<strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> s’allie à F<strong>la</strong>mmarion, un concurrent français qui éprouve <strong>de</strong>s difficultéspour distribuer sa popu<strong>la</strong>ire collection « J’ai lu ». Le distributeur Québec Livresnaît ainsi <strong>de</strong> l’initiative commune <strong>de</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> <strong>et</strong> F<strong>la</strong>mmarion. La société ne parvienttoutefois pas à s’organiser efficacement <strong>et</strong> enregistre, dès l’année suivante,<strong>de</strong>s pertes abyssales 32 . Les NMIL enregistrent également un déficit. Aux pri<strong>ses</strong>avec ce poids imprévu, les dirigeants doivent dès lors prendre une décision : f<strong>au</strong>t-ilm<strong>et</strong>tre fin à leurs activités <strong>de</strong> distribution, les vendre à une tierce partie, ou biencontinuer ? Ils optent pour <strong>la</strong> vente.À priori, il s’agit d’une décision <strong>sur</strong>prenante puisque <strong>la</strong> distribution constitue unmétier <strong>de</strong> base chez <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>. Le Québec représente le <strong>de</strong>uxième marché francophoneen importance pour les exportations <strong>de</strong> livres français, loin <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong>Belgique mais un peu <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> Suisse, <strong>et</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> occupe une part d’environ 12 %dans ces exportations 33 . Pourquoi, dès lors, l’entrepri<strong>ses</strong>e r<strong>et</strong>ire-t-elle <strong>de</strong> ce marché ? Peut-être une partie <strong>de</strong>l’explication rési<strong>de</strong>-t-elle dans le climat <strong>de</strong> rationalisationqui règne, chez <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>, <strong>de</strong>puis l’acquisition <strong>de</strong>l’entreprise, en 1980, par Jean-Luc Lagardère 34 . Parmiles ach<strong>et</strong>eurs pressentis, seul Quebecor, propriétaire<strong>de</strong> plusieurs journ<strong>au</strong>x <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Éditions Quebecor,<strong>de</strong>meure à <strong>la</strong> table <strong>de</strong>s négociations lorsque vient l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong> conclure <strong>la</strong> vente. Le groupe québécois profite<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te position <strong>de</strong> force pour faire baisser le prixjusqu’à <strong>la</strong> somme symbolique <strong>de</strong> 1 $, que <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>accepte malgré tout 35 . La transaction inclut en outreun contrat <strong>de</strong> distribution exclusive, d’une durée <strong>de</strong>cinq ans, <strong>de</strong> tous les fonds d’éditeurs pour lesquels<strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> a passé un contrat <strong>de</strong> distribution exclusivecouvrant le Canada 36 , <strong>et</strong> un contrat <strong>de</strong> distributionexclusive d’une durée <strong>de</strong> trois ans pour <strong>la</strong> collection« J’ai lu » <strong>de</strong> F<strong>la</strong>mmarion 37 . Sur c<strong>et</strong>te base, <strong>et</strong> sous <strong>la</strong>gouverne <strong>de</strong> Quebecor, Québec Livres connaîtra unesoli<strong>de</strong> croissance <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s années suivantes.Les seules activités que <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> maintient à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te r<strong>et</strong>raite sont l’éditionsco<strong>la</strong>ire, avec le Centre éducatif <strong>et</strong> culturel, <strong>et</strong> <strong>la</strong> distribution du périodique, avecLes Messageries <strong>de</strong> presse internationales 38 . Près <strong>de</strong> 15 ans s’écouleront avantque <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> re<strong>de</strong>vienne, en 1997, diffuseur <strong>au</strong> Québec du <strong>la</strong>rge éventail <strong>de</strong> titresdont elle as<strong>sur</strong>e <strong>la</strong> représentation exclusive partout ailleurs dans <strong>la</strong> Francophonie.Là encore, <strong>la</strong> situation <strong>de</strong>meure inusitée puisque le diffuseur <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> s’appuie,pour assumer <strong>la</strong> logistique <strong>de</strong> l’expédition <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> facturation, <strong>sur</strong> un partenaire :32. Pour plus <strong>de</strong> détails <strong>au</strong> suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> Québec Livres, voir F. Brisson, « L’étreinte <strong>de</strong> <strong>la</strong> pieuvre verte : <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> <strong>et</strong> lestransformations du mon<strong>de</strong> du livre québécois, 1953-1983 », p. 339-347.33. Groupe International <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>, La position <strong>de</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> <strong>au</strong> Québec, 15 janvier 1979, p. 23. IMEC, fonds <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> (S03C48 B5).34. Voir B. Guillou <strong>et</strong> L. Maruani, Les stratégies <strong>de</strong>s grands groupes d’édition – Analyse <strong>et</strong> perspectives, p. 172-175.35. La transaction inclut Québec Livres <strong>et</strong> les NMIL, mais seul le nom Québec Livres sera conservé par le groupe Quebecor.Quebecor assume évi<strong>de</strong>mment le passif <strong>de</strong> ces entrepri<strong>ses</strong>, mais le montant <strong>de</strong> 1 $ <strong>de</strong>meure extrêmement étonnant,compte tenu que leur chiffre d’affaires oscille, d’après J. Théri<strong>au</strong>lt, <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> 8 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs. Voir « Quebecor étendson empire », p. 1.36. Les fonds <strong>de</strong> littérature générale incluent notamment Grass<strong>et</strong>, les Éditions Stock, Fayard, les Éditions P<strong>au</strong>vert, Gui<strong>de</strong>sbleus, <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> Littérature <strong>et</strong> <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> Pratique, tandis que les collections <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> diffusion comptent « Le Livre <strong>de</strong>Poche », « Media 1000 » <strong>et</strong> « Le Masque ».37. Cabin<strong>et</strong> juridique Desjardins, Ducharme, Desjardins & Bourque, [Dossier <strong>de</strong> vente]. IMEC, fonds <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong> (S05 C97 B1).38. Les Messageries <strong>de</strong> presse internationales appartiennent encore <strong>au</strong>jourd’hui à <strong>Hach<strong>et</strong>te</strong>, tandis que <strong>la</strong> participation <strong>de</strong><strong>la</strong> société française dans le CEC a été rach<strong>et</strong>ée par Quebecor en 2003.Histoire du livre, <strong>de</strong> l’imprimé <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’édition2627

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