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L'analyse de l'activité dans l'enseignement et l'apprentissage d'une ...

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Université Stendhal - Grenoble 3L’analyse <strong>de</strong> l’activité <strong>dans</strong>l’enseignement <strong>et</strong> l’apprentissaged’une langue étrangère(Le cas <strong>de</strong> l’anglais LVE)Une démarche ergonomiqueVOLUME 1Synthèse <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> rechercheDossier présenté en vue <strong>de</strong> l’habilitation à diriger <strong>de</strong>s recherchesle 19 novembre 2009 <strong>de</strong>vantJacques Crinon, professeur à l’IUFM <strong>de</strong> CréteilChristian Degache, professeur à l’Université Stendhal - Grenoble 3Christine Develotte, professeur à l’Institut National <strong>de</strong> Recherche PédagogiqueAlbert Hamm, professeur à l’Université Marc Bloch - Strasbourg 2Jean-Paul Narcy-Combes, professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3François Mangenot, professeur à l’Université Stendhal - Grenoble 3Françoise RABYMaître <strong>de</strong> Conférences en Langues <strong>et</strong> littératures anglaises <strong>et</strong> anglo-saxonnesIUFM <strong>de</strong> Grenoble - Université Joseph Fourier <strong>de</strong> GrenobleLIDILEM - Université Stendhal Grenoble 3


À ma famille, mes amis, trop nombreux pour que je les cite ici qui, par leuraffection, leur amitié, leur ai<strong>de</strong>, leurs conseils, ont été à mes côtés tout au long<strong>de</strong> l’entreprise, merci.À mes collègues du laboratoire <strong>et</strong> du département <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong>l’éducation <strong>de</strong> Grenoble qui m’ont initié au métier <strong>de</strong> chercheur <strong>et</strong> qui m’ontdonné le gout du travail en équipe, merci.À mes collègues du LIDILEM qui m’ont aidée à enrichir <strong>et</strong> renouveler monregard sur la LVE, merci.A mes collègues <strong>et</strong> amis chercheurs-didacticiens <strong>de</strong> l’anglais LVE dont lestravaux <strong>et</strong> les remarques ont largement contribué à la reflexion que je mène<strong>dans</strong> c<strong>et</strong> ouvrage, merci.Et merci tout particulièrement à Christine Barré <strong>de</strong> Mignac, FrançoisMangenot <strong>et</strong> Jean-Paul Narcy pour la confiance <strong>et</strong> le soutien qu’ils m’onttémoignés.Sans oublier Céline Fr<strong>et</strong>ay pour sa relecture diligente <strong>et</strong> attentive <strong>de</strong> c<strong>et</strong>exte.


The astronomer may speak to you of hisun<strong>de</strong>rstanding of space,but he cannot give you his un<strong>de</strong>rstanding.The musician may sing to you of the rhythmwhich is in all space,but he cannot give you the ear which arrests therhythm, nor the voice that echoes it.And he who is versed in the science of numberscan tell of the regions of weight and measure,but he cannot conduct you thither.For the vision of one man lends not its wing toanother man[Khahlil Gibran, The Proph<strong>et</strong>]


PRÉSENTATION DU DOSSIERDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> languePRÉSENTATION DU DOSSIERCe dossier, élaboré en vue <strong>de</strong> l’obtention <strong>de</strong> l’Habilitation à diriger <strong>de</strong>srecherches (HDR), est constitué <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux volumes.Le volume 1 comprend le texte <strong>de</strong> synthèse <strong>dans</strong> lequel je situe <strong>et</strong> commenteune large sélection <strong>de</strong> mes travaux. En annexe à ce document <strong>de</strong> synthèsefigurent un curriculum vitae détaillé, la liste exhaustive <strong>de</strong> mes travaux <strong>de</strong>recherche <strong>et</strong> un récapitulatif <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> recherche (DEA, masters <strong>et</strong> thèses)que j’ai encadrés ou co-encadrés.Si ce volume comporte <strong>de</strong>s répétitions, c’est parce que j’ai souhaité que lelecteur puisse appréhen<strong>de</strong>r chaque chapitre comme un tout, en prendreconnaissance <strong>et</strong> s’y r<strong>et</strong>rouver sans avoir à parcourir les chapitres précé<strong>de</strong>nts.Dans le même souci <strong>de</strong> confort ergonomique, j’ai clos chaque partie par uncourt résumé <strong>de</strong>s points qui y étaient abordés.Le volume 2 rassemble les travaux qui sont l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> la synthèse duvolume 1. Ce volume est constitué <strong>de</strong> trois tomes. Le premier tome regroupe<strong>de</strong>s travaux publiés entre 1994 <strong>et</strong> 2009. Il s’agit <strong>de</strong> dix-neuf articles édités <strong>dans</strong><strong>de</strong>s revues, avec comité <strong>de</strong> lecture nationaux ou internationaux, <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxnotes <strong>de</strong> lecture. Le <strong>de</strong>uxième tome, intitulé Tell Me More e-learning, est unrapport <strong>de</strong> recherche que j’ai rédigé en 2004 pour le compte <strong>de</strong> la sociétéAURALOG, distributrice du logiciel, du ministère <strong>de</strong> l’Enseignement1


PRÉSENTATION DU DOSSIERDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueSupérieur <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Nouvelles Technologies <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble. J’étaisresponsable scientifique <strong>de</strong> ce proj<strong>et</strong>, tout comme du proj<strong>et</strong> ESCALE 1 , unerecherche soutenue par l’ACI « École <strong>et</strong> sciences cognitives », dont j’ai assuréla synthèse en 2008 <strong>et</strong> qui constitue le troisième tome <strong>de</strong> mes travaux.Organisation <strong>de</strong>s référencesCes travaux, dont certains sont sous presse ou à paraître, font l’obj<strong>et</strong> d’unedouble pagination afin d’en faciliter la lecture. D’une part, chaque article estintégré par ordre chronologique : [Doc. 1 à 19] <strong>dans</strong> le tome 1, [Doc. 20 à 23]<strong>dans</strong> le Tome 2, [Doc. 24 à 30] <strong>dans</strong> le Tome 3.Dans le tome 1, les publications ont été intégrées <strong>et</strong> paginées <strong>dans</strong> un seuldocument Word, mais chaque article conserve sa pagination originale puisqu’ils’agit <strong>de</strong> photocopies <strong>de</strong>s exemplaires <strong>de</strong>s revues. Lorsque je fais référence àtel ou tel document, je mentionne sa page telle qu’elle figure <strong>dans</strong> le documentWord <strong>et</strong> non celle <strong>de</strong> la revue. Enfin, les publications pour lesquelles nousavons reçu l’autorisation <strong>de</strong> l’éditeur figurent également <strong>dans</strong> la page« publications » <strong>de</strong> mon site. 2En ce qui concerne les références bibliographiques, j’ai regroupé toutes lescitations <strong>de</strong>s auteurs en un seul volume bibliographique, situé à la fin <strong>de</strong>l’ouvrage.1 Évaluation d’un scenario cyber pour l’apprentissage d’une langue vivante étrangère2 Ils sont consultables à l’adresse suivante :http://www.grenoble.iufm.fr/fraby/publications.htm2


SOMMAIRE DES TRAVAUXDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueTOME 1 Textes scientifiques publiés après sélection par uncomité <strong>de</strong> lectureDoc. 1RABY, F.; BAILLE, J (1997) L’approche ergonomique <strong>de</strong>sstratégies d’apprentissage d’une langue étrangère. Les Cahiers <strong>de</strong>l’APLIUT, 16, (3). pp 85-94Tome 1p. 8-24Doc. 2RABY, F. ; DESSUS, P. (1999). L’ergonomie cognitive commeoutil <strong>de</strong> recherche appliquée à la formation <strong>de</strong>s enseignantsd’anglais. In C. Fabre-Cols & E. Triqu<strong>et</strong> (Éds.), Recherches <strong>et</strong>formation <strong>de</strong>s enseignants. De la recherche aux modèles <strong>et</strong> outilsopératoires en formation : quels liens ? Quelles interactions ? (22-34) Grenoble : IUFM 3-5 maiTome 1p. 25-45Doc. 3BAILLE, J. ; RABY, F. (1999). Machineries sémiotiques <strong>et</strong>médiations techniques : remarques introductives. In S. Agostinelli(Ed.), Comment penser la communication <strong>de</strong>s connaissances du CDROM à l’Intern<strong>et</strong>. (pp 59-194). Paris : L’Harmattan.Tome 1p. 46-82Doc. 4BORGES, M.; RABY, F. (2001). Un exemple d’une démarcheergonomique appliquée à l’usage <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> l’enseignement <strong>de</strong>slangues étrangères. In J. Ferreira & A. Estrella (Eds.) (pp 269-289),Actes du colloque <strong>de</strong> l’AFIRSE 2001, Lisbonne: AFIRSE.Tome 1p. 83-105Doc. 5ZAMPA, V. RABY, F. (2001). Entre modèle d’acquisition <strong>et</strong>outil pour l’apprentissage <strong>de</strong> la langue <strong>de</strong> spécialité : le prototypeR.A.F.A.L.E.S (Recueil Automatique Favorisant l’Acquisitiond’une Langue Étrangère <strong>de</strong> Spécialité), Asp (Anglais <strong>de</strong> Spécialité),31-33, pp 163-179.Tome 1p. 106-124Doc. 6RABY, F. (2002). Chapitre 7 Didactique <strong>de</strong>s langues étrangères.In P. DESSUS & P. BRESSOUX. (Ed.), Les stratégies <strong>de</strong>l’enseignant en situation d’interaction (pp. 187-202). Grenoble:Laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’éducation. ACI : École <strong>et</strong> sciencesCognitivesTome 1p. 125-1413


SOMMAIRE DES TRAVAUXDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueDoc. 7RABY, F. (2002). Review of ICT and Language Learning. AEuropean Perspective. A. Chambers & G. Davies (Eds). Sw<strong>et</strong>s &Zeitlinger, Alsic. http://alsic.u-strasbg.fr/Num8/raby/alsic_n08-liv1.htmTome 1p. 142-161Doc. 8BAILLE, J. & RABY, F. (2003). Compétence(s) <strong>et</strong> réalitéscognitives. Actes du colloque international <strong>de</strong> l’ISERES Travail,qualifications, compétences, (pp.37-48). Rennes : 5-7 février..Tome 1p. 162-189Doc. 9RABY, F. (2003). Exemples d’une méthodologie <strong>de</strong> recherche<strong>de</strong> type ergonomique <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s TICE <strong>et</strong> <strong>de</strong>s languesétrangères : <strong>de</strong>s comportements vers les stratégies. Cahiers duLAIRDIL, 12, pp. 33-50.Tome 1p. 190-209Doc. 10 RABY, F., BAILLE, J., BRESSOUX, P., CHAPELLE, C.(2003). Ergonomic theory and practice: What language learners doin a self-access room. In A. Caza<strong>de</strong> (Éd.) RECHERCHES ETPRATIQUES EN CENTRE DE LANGUES. Asp, 41-42, pp. 67-85.Tome 1p. 210-227Doc. 11ACCARDI, J. & RABY, F. (2004). Parcours <strong>et</strong> détours <strong>dans</strong> laréférence aux savoirs à enseigner chez les professeurs <strong>de</strong> collèges <strong>et</strong>lycées. Actes du congrès <strong>de</strong> la SAES 2003, Cahiers <strong>de</strong> didactique<strong>de</strong> l’anglais. Accessible à http:// grenoble.iufm.fr/fraby.Tome 1p. 228-249Doc. 12RABY, F. (2005). A User-Centered Ergonomic Approach toCALL Research. In J. ELGERT. & G. PETRIE (Éds.), CALLResearch Perspectives (pp. 179-190). Mahwah, NJ: LawrenceErlbaum Associates.Tome 1p. 250-263Doc. 13RABY, F. (2006). Vers une cyber-équité : les eff<strong>et</strong>s d’un cyberproj<strong>et</strong><strong>de</strong> langue sur la motivation <strong>de</strong>s filles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s garçons. Étu<strong>de</strong>s<strong>de</strong> linguistique appliqué, 32, mai-juin, pp. 215-228Tome 1p. 264-278Doc. 14RABY, F. (2007). A triangular approach to motivation inComputer Assisted Autonomous Language Learning (CAALL).ReCALL, 19, (2), pp.181-201.Tome 1p. 279-301Doc. 15ACCARDI, J. ; MOUSSU, M.J. ; RABY, F. (2008). Ladynamique motivante du groupe en L2 à l’école primaire. LesLangues Mo<strong>de</strong>rnes, 3, pp. 44-52.Tome 1p. 302-3114


SOMMAIRE DES TRAVAUXDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueDoc. 16RABY, F. (2008). Comprendre la motivation en LV2 : quelquesrepères venus d’ici <strong>et</strong> d’ailleurs : Version longue avec complémentsthéoriques.Tome 1p. 312-337Doc. 17BARBIER, M. L., RABY, F., PIOLAT, A.; (sous presse). Not<strong>et</strong>akingand Writing from Hypertexts in L1 and L2: Cognitive Effortand Language Procedures. International Journal of AppliedLinguistics, 19, 1.Tome 1p. 338-370Doc. 18Doc. 19RABY, F. (2008). Entre faux débats <strong>et</strong> vraies distinctions.Réflexions sur les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recherches empiriques en didactique<strong>de</strong> l’anglais. Paper presented at the Journée d’Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> didactique<strong>de</strong> l’anglais organisée par l’atelier <strong>de</strong> didactique <strong>de</strong> l’anglais <strong>de</strong> laSociété <strong>de</strong>s Anglicistes <strong>de</strong> l’Enseignement Supérieur. 12 septembre2008. R<strong>et</strong>rieved fromhttp://espacelangues.paris.iufm.fr/spip.php?article909&var_mo<strong>de</strong>=calcul.RABY, F. & CAMPANALE, F. (accepté). Enseigner leslangues <strong>dans</strong> un environnement hautement dynamique :contribution à une ergonomie <strong>de</strong> la motivation. Parution <strong>dans</strong> le N°40 <strong>de</strong> la revue Lidil, Décembre 2009.Tome 1p. 371-386Tome 1p. 387-404TOME 2 Rapport <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong> d’expertise : Tell Me MoreDoc. 20 RABY, F. (2004) Présentation du proj<strong>et</strong> Tome 2p. 7-19Doc. 21RABY, F. (2004) Analyse ergonomique <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong>sfonctions <strong>de</strong> simulation <strong>et</strong> <strong>de</strong> prononciation <strong>dans</strong> un logiciel@Learning d’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais LVE.Tome 2p. 20-41Doc. 22RABY, F. (2004) Analyse ergonomique du tutorat en ligne <strong>dans</strong>un dispositif d’autonomie guidéeTome 2p. 42-64Doc. 23 RABY, F. (2004) Bilan <strong>et</strong> recommandations Tome 2p. 65-735


SOMMAIRE DES TRAVAUXDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueTOME 3 Rapport <strong>de</strong> recherche ESCALEDoc. 24RABY, F., BONNEVILLE, J.F., CAMPANALE, F., LIMA, L.,PENILLA, F. & ZOUARI, K. (2008). E.S.C.A.L.E. : Chapitre 1 Leproj<strong>et</strong>, le dispositif. Rapport <strong>de</strong> recherche. ACI « École <strong>et</strong> SciencesCognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM(Université Stendhal, Grenoble 3) <strong>et</strong> laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>l’éducation (Université Pierre-Mendès-France, Grenoble 2)Tome 2p. 9-33Doc. 25 RABY, F., LIMA, L., & ZOUARI, K. (2008). E.S.C.A.L.E. :Chapitre 2 L’impact du cyber-scénario sur la motivation <strong>de</strong>sélèves en L2. Rapport <strong>de</strong> recherche. ACI « École <strong>et</strong> SciencesCognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM(Université Stendhal, Grenoble 3) <strong>et</strong> laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>l’éducation (Université Pierre-Mendès-France, Grenoble 2)Tome 2p. 34-101Doc. 26 RABY, F. PENILLLA, F. & LIMA, L. (2008). E.S.C.A.L.E. :Chapitre 3 L’impact du cyber-scénario sur les productions <strong>de</strong>sélèves en L2. Rapport <strong>de</strong> recherche. ACI « École <strong>et</strong> SciencesCognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM(Université Stendhal, Grenoble 3) <strong>et</strong> laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>l’éducation (Université Pierre-Mendès-France, Grenoble 2)Tome 2p. 101-133Doc. 27 BONNEVILLE, J.F., RABY, F., LIMA, L. & ZOUARI, K.(2008) E.S.C.A.L.E : Chapitre 4 La question <strong>de</strong> l’autonomie étudiéeà travers les interactions. Rapport <strong>de</strong> recherche, l’ACI « École <strong>et</strong>Sciences Cognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages.Tome 2p. 134-208Doc. 28 RABY, F. & CAMPANALE, F. & LIMA, L. (2008).E.S.C.A.L.E. Chapitre 5 : Une approche ergonomique du métierd’enseignant <strong>de</strong> langues <strong>dans</strong> un environnement hautementdynamique. Rapport <strong>de</strong> recherche. ACI « École <strong>et</strong> SciencesCognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM(Université Stendhal, Grenoble 3) <strong>et</strong> laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>l’éducation (Université Pierre-Mendès-France, Grenoble 2)Tome 2p. 209-249Doc. 29 RODRIGUEZ, J. & RABY, F. E.S.C.A.L.E. Chapitre 6Conception d’une plateforme <strong>de</strong>stinée à l’apprentissage <strong>de</strong>slangues. Rapport <strong>de</strong> recherche. ACI « École <strong>et</strong> SciencesCognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM(Université Stendhal, Grenoble 3) <strong>et</strong> laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>Tome 2p. 250-2576


SOMMAIRE DES TRAVAUXDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> languel’éducation (Université Pierre Mendès France, Grenoble 2).Doc. 30RABY, F. E.S.C.A.L.E . Chapitre 7 Discussion <strong>et</strong> synthèseRapport <strong>de</strong> recherche. ACI « École <strong>et</strong> Sciences Cognitives », axe 3 :la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM (Université Stendhal,Grenoble 3) <strong>et</strong> Laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’éducation (UniversitéPierre-Mendès-France, Grenoble 2).Tome 2p. 258-2737


Document <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langue8


TABLE DES MATIERESDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueTABLE DES MATIÈRESPRESENTATION DU DOSSIER 1LISTE DES TRAVAUX 3INTRODUCTION 11PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS DEDIDACTICIENNE - LA DEMARCHE DE L’ERGONOMIELE CADRE CONCEPTUEL DE L’ERGONOMIECOGNIIVE15Introduction 15Chapitre 1 Un parcours <strong>de</strong> didacticienne 17Chapitre 2 L’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVE : une démarchepour analyser l’activité32Chapitre 3 L’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVE : un cadreconceptuel pour analyser l’activité70Conclusion 109DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAINDES TICE EN ERGONOMIE COGNITIVE DE LA LVE113Introduction 113Chapitre 4 Recherches sur les usages <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong>l’enseignement/apprentissage d’une LVE1159


TABLE DES MATIERESDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueChapitre 5 L’ordinateur, instrument <strong>de</strong> recherche pour ledidacticien <strong>de</strong> langues ?148Conclusion 193TROISIEME PARTIE – RECHERCHES ERGONOMIQUESSUR LA MOTIVATION POUR L’APPRENTISSAGED’UNE LVE196Introduction 197Chapitre 6 De la motivation à la Motivation pourl’Apprentissage d’une Langue en Situation Académique(M.A.L.S.A)200Chapitre 7 Un modèle dynamique pour <strong>de</strong>s recherches <strong>de</strong>terrain218Chapitre 8 Mise en œuvre du modèle <strong>dans</strong> une démarcheergonomique appliquée à la LVE241Chapitre 9 R<strong>et</strong>our sur le modèle : élaboration d’un modèlepolytomique <strong>et</strong> pondéré269Conclusion 274CONCLUSION 276BIBLIOGRAPHIE 283CURRICULUM VITAE 30310


INTRODUCTIONDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueINTRODUCTIONLes trente publications qui constituent la « matière première » <strong>de</strong> c<strong>et</strong>tesynthèse s’échelonnent sur une pério<strong>de</strong> allant <strong>de</strong> 1994 à 2009.Le travail <strong>de</strong> synthèse auquel nous convie l’élaboration d’un dossier <strong>de</strong>HDR (Habilitation à diriger <strong>de</strong>s recherches) a pour objectif <strong>de</strong> démontrer notrecapacité à diriger <strong>de</strong>s recherches. Les dossiers que j’ai pu consulter pourinspirer ma réflexion 3 indiquent que c<strong>et</strong>te capacité est déterminée par uneanalyse rétrospective <strong>et</strong> prospective. Le travail rétrospectif consisteprincipalement à faire apparaître la cohérence <strong>de</strong> notre démarche <strong>de</strong>rrière laréelle diversité <strong>de</strong>s travaux qui égrènent notre parcours. Le travail prospectif,<strong>de</strong> son côté, cherche à montrer comment le fil conducteur que nous avons tissése poursuit à travers <strong>de</strong> nouvelles perspectives <strong>de</strong> recherches. Comme lesouligne Christian Degache [2006] <strong>dans</strong> l’introduction <strong>de</strong> sa synthèse, ilsemblerait que l’une <strong>de</strong>s difficultés majeures soit <strong>de</strong> faire ressortir l’unité <strong>et</strong> lacohérence <strong>de</strong> notre réflexion scientifique alors que les obj<strong>et</strong>s que nous avonsétudiés peuvent paraître très divers, voire hétérogènes.Pour ma part, je n’ai pas eu <strong>de</strong> difficultés à i<strong>de</strong>ntifier le fil conducteur <strong>de</strong>mon travail, qui ne rési<strong>de</strong> pas <strong>dans</strong> un domaine disciplinaire précis ou <strong>dans</strong> lesobj<strong>et</strong>s étudiés, mais <strong>dans</strong> la manière dont j’ai choisi d’abor<strong>de</strong>r l’enseignement-3 J’ai notamment consulté les dossiers <strong>de</strong> François Mangenot [2000], Christian Degache[2006] <strong>et</strong> Catherine Brissaud [2008]11


INTRODUCTIONDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langueapprentissage d’une langue étrangère : l’approche ergonomique, qui caractérisel’ensemble <strong>de</strong> mon parcours. Ceci m’amène à éclaircir quelques points en guise<strong>de</strong> préambule.Tout d’abord, la très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> mes publications concerne les TICE(Technologies <strong>de</strong> l’information <strong>et</strong> <strong>de</strong> la communication pour l’éducation)utilisées pour l’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère. On peutdonc légitimement s’étonner qu’elles ne figurent pas <strong>dans</strong> le titre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>ouvrage. Il ne s’agit en aucun cas d’un oubli. Lorsque j’ai commencé mesrecherches en didactique <strong>de</strong>s langues, mes préoccupations étaient centrées surles problèmes d’acquisition <strong>de</strong> l’apprentissage d’une LVE en situationacadémique. Le premier volume <strong>de</strong> ma thèse fut d’ailleurs consacré à examinerl’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> savoirs métalangagiers sur le développement <strong>de</strong> la compétence encompréhension écrite. Ainsi, dès le départ, mon objectif <strong>de</strong> recherche étaitl’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s processus d’enseignement-apprentissage en classe <strong>de</strong> langue. Puisj’ai rapi<strong>de</strong>ment été amenée à diriger un centre <strong>de</strong> langues <strong>et</strong>, en conséquence, àréfléchir aux rôles que les technologies pouvaient jouer <strong>dans</strong> <strong>de</strong> telsenvironnements. Je me suis donc attelée à ce travail <strong>et</strong> les TICE m’ontindubitablement permis <strong>de</strong> découvrir l’ergonomie cognitive. Cependant, dèsmes premières réflexions (pédagogiques autant que scientifiques), j’aiconsidéré que ce qu’on appelait alors les nouvelles technologies possédaientune matérialité <strong>et</strong> <strong>de</strong>s fonctionnalités, mais que d’un point <strong>de</strong> vuepsychologique, leur avènement ne faisait que prolonger l’activité humaine telleque nous la connaissions <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles : une activité instrumentée, qu’ellele soit par <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s matériels fabriqués ou par le langage. Par conséquent, mesrecherches ne sont pas motivées, en premier lieu, par les TICE, mais plutôt parle souci <strong>de</strong> décrire <strong>et</strong> comprendre l’activité d’apprentissage ou d’enseignementd’une LVE, activité plus ou moins caractérisée par le recours à <strong>de</strong>s instruments.Ma découverte <strong>de</strong> l’ergonomie a eu lieu dès 1992, lorsque le professeurJacques Baillé m’a conviée à rejoindre le laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>l’éducation, <strong>et</strong>, au sein du laboratoire, l’équipe « Didactique expérimentale <strong>et</strong>appropriation <strong>de</strong>s compétences techniques ». C’est avec c<strong>et</strong>te équipepluridisciplinaire que j’ai mis à jour l’approche ergonomique <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong>langue <strong>et</strong> effectué mon travail <strong>de</strong> publication pendant plus <strong>de</strong> dix ans. Le travail12


INTRODUCTIONDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langue<strong>de</strong> recherche était collectif, tout comme le travail <strong>de</strong> rédaction <strong>de</strong>s articles. Lesarticles coécrits avec mon nom en premier auteur ren<strong>de</strong>nt compte d’unerecherche que j’ai pilotée, en collaboration avec les autres chercheurs ;inversement, lorsque mon nom se trouve en secon<strong>de</strong> position, cela signifie quej’ai apporté mon ai<strong>de</strong> à d’autres chercheurs.Ma <strong>de</strong>rnière remarque concerne le mouvement d’ensemble <strong>de</strong> mon parcours.En y réfléchissant, il me semble relever d’une genèse <strong>de</strong> la recherche que jevais tenter d’expliquer à travers la métaphore piagétienne <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s.L’épistémologie Piagétienne est constructiviste en ce sens qu’elle cherche àexpliquer les fonctions cognitives d’une complexité croissante à travers leursmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> formation successifs. Chaque sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement est à la foisnouveau par rapport au sta<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> déterminé par ce <strong>de</strong>rnier [Piag<strong>et</strong>,1947]. De plus, <strong>et</strong> on a souvent tendance à l’oublier, chaque sta<strong>de</strong> continue <strong>de</strong>se développer en même temps que <strong>de</strong> nouvelles fonctions se développent.Enfin, la construction <strong>de</strong> nouveaux schèmes suppose d’abord l’incorporation <strong>de</strong>schèmes antérieurs qui continuent d’exister à l’intérieur <strong>de</strong>s nouveaux schèmes.Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement caractérise parfaitement mon cheminementscientifique. Loin <strong>de</strong> me faire négliger la didactique <strong>de</strong>s langues, la découverte<strong>de</strong> la psychologie ergonomique m’a, au contraire, poussée à l’interroger, àrepenser ses notions ou modèles. De même, en intégrant la dimensionmotivationnelle à mes recherches, je n’ai pas délaissé la dimension cognitive<strong>de</strong> l’activité, mais à l’inverse, j’ai tenté d’i<strong>de</strong>ntifier un facteur qui affectait lefonctionnement cognitif. Ou encore, en m’intéressant aux stratégiesdéveloppées par les enseignants, je n’en avais pas pour autant fini avec lesapprenants, mais j’avais compris la nécessité <strong>de</strong> prendre en compte le facteurenseignant, organisateur du travail <strong>et</strong> interlocuteur <strong>de</strong>s élèves.Ce volume <strong>de</strong> synthèse comprend trois parties. Dans la première partie,j’examine d’abord mon parcours <strong>de</strong> chercheur en didactique <strong>de</strong> l’anglais, <strong>de</strong>sLVE, <strong>et</strong> les rapports qu’entr<strong>et</strong>iennent mes travaux avec d’autres courantsthéoriques voisins en sciences du langage ou en sciences <strong>de</strong> l’éducation. Puis,je présente la démarche <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive, que je considère comme lefil conducteur <strong>de</strong> mes recherches. Enfin, j’explique le cadre théorique <strong>de</strong> mesrecherches, notamment les concepts <strong>et</strong> modèles clés <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive13


INTRODUCTIONDocument <strong>de</strong> synthèse - Françoise RABY - L’analyse <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> languequi me servent à analyser l’activité en classe d’anglais <strong>et</strong> en classe <strong>de</strong> LVE. La<strong>de</strong>uxième partie, est consacrée aux dispositifs instrumentés. J’y envisagesuccessivement mes recherches sur les dispositifs instrumentés <strong>dans</strong>l’apprentissage d’une LVE en prenant comme exemple le cas <strong>de</strong> l’anglais, puisle rôle <strong>de</strong> l’ordinateur comme ai<strong>de</strong> à la recherche en LVE. Enfin, <strong>dans</strong> latroisième <strong>et</strong> <strong>de</strong>rnière partie, l’exposé <strong>de</strong> mes recherche sur la motivation enLVE, constituent à la fois une mise en œuvre <strong>de</strong> la démarche ergonomique <strong>et</strong>l’occasion pour moi <strong>de</strong> revenir sur les concepts <strong>et</strong> modèles que j’aiprogressivement élaborés tous au long <strong>de</strong> mes recherches. La conclusion <strong>de</strong> c<strong>et</strong>ouvrage me donne l’occasion d’exposer mes perspectives <strong>de</strong> recherche.14


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèsePREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS DEDIDACTICIENNE - LA DEMARCHE DEL’ERGONOMIE LE CADRE CONCEPTUEL DEL’ERGONOMIE COGNIIVEIntroductionDans c<strong>et</strong>te première partie, je présenterai les éléments <strong>de</strong> mon parcours quis’inscrivent, tout d’abord, <strong>dans</strong> le champ <strong>de</strong> la didactique <strong>de</strong>s langues. C’est entant que chercheuse en didactique <strong>de</strong> l’anglais <strong>et</strong> <strong>de</strong>s langues que je me suisensuite intéressée à l’ergonomie, qui a constitué pour moi à la fois uncomplément <strong>et</strong> un renouvellement <strong>de</strong> mon point <strong>de</strong> vue. Après avoir évoqué c<strong>et</strong>ancrage en didactique <strong>de</strong>s langues, j’évoquerai aussi les liens entre mesrecherches <strong>et</strong> <strong>de</strong>s courants développés assez récemment en didactique commela didactique cognitive, la didactique professionnelle <strong>et</strong> l’ergonomie didactique.D’emblée, une précision s’impose : je considère, pour ma part, la distinctionentre langue secon<strong>de</strong> <strong>et</strong> langue étrangère comme pertinente, alors mêmequ’elle a tendance à s’effacer <strong>et</strong> que le terme <strong>de</strong> langue secon<strong>de</strong> (L2) 4 semblel’emporter. La langue secon<strong>de</strong> est la langue apprise en tant que langue cruciale<strong>et</strong> déterminante pour la vie <strong>de</strong> l’apprenant (notamment les apprenants immigrés<strong>dans</strong> un pays allophone). Au contraire, la langue étrangère (LVE) est la langueapprise <strong>dans</strong> un but professionnel, culturel, touristique ou personnel maisjamais vital ni d’intégration. Les publics sont donc différents <strong>et</strong> les processus4 Il est vrai que la notion <strong>de</strong> second language <strong>dans</strong> la littérature anglo-saxonne désigne toutsimplement la <strong>de</strong>uxième langue apprise chronologiquement, mais ne prend justement pas encompte la situation d’apprentissage qui est cruciale pour une approche ergonomique <strong>de</strong> laformation langagière.15


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsed’apprentissage en milieu endolingue <strong>et</strong> exolingue sont eux aussi forcémentdifférents. Malheureusement, la littérature internationale utilise le terme <strong>de</strong>SLA (Second Language Acquisition) pour désigner tout le champ <strong>de</strong> larecherche sur l’apprentissage <strong>de</strong>s langues secon<strong>de</strong>s ou étrangères, quel que soitle contexte. Au cours <strong>de</strong> mon exposé, je m’en tiendrai à l’expression SLA, queje laisse volontairement sous sa forme anglaise, pour désigner l’ensemble <strong>de</strong> cedomaine mais je conserverai la notion d’apprentissage d’une langue étrangère,le cas <strong>de</strong> l’anglais pour ce qui est <strong>de</strong> mon domaine.Dès mon travail <strong>de</strong> Doctorat, mes recherches ont été résolument inscrites<strong>dans</strong> le champ <strong>de</strong> la didactique <strong>de</strong> l’anglais telle que définie par Bailly [1997],c’est-à-dire <strong>dans</strong> un courant didactique <strong>de</strong> type rationaliste [Bailly, 2000 ;Narcy-Combes, 2005] par opposition aux positions <strong>de</strong> type relativiste qui sesont parfois exprimées <strong>dans</strong> la construction d’une didactologie <strong>de</strong>s langues <strong>et</strong>cultures [Puren, 2003].Mon parcours s’est aussi inscrit, à la même époque, <strong>dans</strong> le champ <strong>de</strong>ssciences <strong>de</strong> l’éducation, du fait <strong>de</strong> mon appartenance au laboratoire <strong>de</strong>sSciences <strong>de</strong> l’éducation <strong>de</strong> Grenoble. Mon approche <strong>de</strong>s questionsd’enseignement/apprentissage, les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recherche que j’ai pu utiliser <strong>et</strong>les problématiques <strong>dans</strong> lesquelles j’ai inscrit les questions <strong>de</strong> formation,portent la marque du dialogue qui n’a cessé <strong>de</strong> s’établir entre la didacticienne<strong>de</strong> l’anglais que j’étais <strong>et</strong> les spécialistes <strong>de</strong> l’éducation qui m’entouraient. Plusrécemment, j’ai rejoint un laboratoire <strong>de</strong> sciences du langage, le LIDILEM 5 , oùles travaux en didactique du Français Langue Étrangère <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>sTechnologies <strong>de</strong> l’Information <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Communication pour l’Éducation(TICE), m’ont permis <strong>de</strong> renouveler mes perspectives <strong>de</strong> recherches <strong>et</strong>d’enrichir leur cadre conceptuel <strong>et</strong> méthodologique. C<strong>et</strong> élargissement <strong>de</strong> monchamp d’investigation s’était imposé <strong>de</strong>puis longtemps comme une nécessitépuisque j’avais été amenée à pratiquer une didactique comparée <strong>de</strong>s langues[Doc. 4, pp. 83-105, Doc. 11, p. 228-249, T1] <strong>et</strong> à encadrer <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>5 Laboratoire <strong>de</strong> Linguistique <strong>et</strong> <strong>de</strong> Didactique <strong>de</strong>s Langues Étrangères <strong>et</strong> Maternelles <strong>de</strong>l’Université Stendhal-Grenoble 316


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsemasters portant sur l’acquisition d’autres langues que l’anglais. Ainsi, c<strong>et</strong>tesynthèse peut-elle revendiquer une triple filiation disciplinaire, celle <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>sanglophones, celle <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> l’éducation <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s sciences du langage.Chapitre 1 Un parcours <strong>de</strong> didacticienneDidacticienne <strong>de</strong> l’anglais <strong>et</strong> <strong>de</strong>s languesMon parcours en didactique <strong>de</strong> l’anglais <strong>et</strong> en didactique <strong>de</strong>s langues, acommencé avec ma nomination comme conseillère pédagogique d’anglais,<strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> ce qui était alors le Centre <strong>de</strong> Préparation Régional (CPR),<strong>de</strong>ux années après mon obtention <strong>de</strong> l’examen pratique du CAPES <strong>et</strong> justeaprès mon succès à l’agrégation. J’ai occupé ces fonctions pendant les dixannées que j’ai passées au lycée Emmanuel Mounier <strong>de</strong> Grenoble. Tout au long<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, j’ai encadré environ 30 stagiaires, expérience qui m’a faitréfléchir, d’emblée, à la transmission du savoir en langue <strong>et</strong> à la formation <strong>de</strong>sjeunes collègues au métier <strong>de</strong> professeur <strong>de</strong> langue. Déjà, la dimensioninterdisciplinaire <strong>de</strong> la didactique <strong>de</strong>s langues m’apparaissait comme évi<strong>de</strong>nte<strong>et</strong> j’ai participé à plusieurs stages <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> professeurs en didactique <strong>de</strong>slangues <strong>et</strong> pas seulement en anglais. À plusieurs reprises, j’ai participé à <strong>de</strong>sséminaires <strong>de</strong> didactique interdisciplinaire. En eff<strong>et</strong>, nous avions, <strong>dans</strong> celycée, une équipe <strong>de</strong> professeurs <strong>de</strong> mathématiques fortement engagée <strong>dans</strong> laréflexion sur les questions didactiques <strong>et</strong>, à leur initiative, nous avons mené untravail interdisciplinaire autour <strong>de</strong>s notions d’obstacle épistémologique,revisitant ainsi Bachelard [1938] <strong>et</strong> découvrant les notions <strong>de</strong> contratdidactique, <strong>de</strong> situations a-didactiques [Brousseaux, 1998], <strong>de</strong> transpositiondidactique [Chevallard, 1991], <strong>et</strong>c. Bref, <strong>de</strong>s concepts pertinents pourcomprendre les difficultés rencontrées par nos élèves en classe <strong>de</strong> langue <strong>et</strong> passeulement en mathématiques.Par la suite, nommée chargée <strong>de</strong> mission <strong>de</strong> direction, puis directrice ducentre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> l’Université Pierre-Mendès-France <strong>de</strong> Grenoble, j’ai eu laresponsabilité <strong>de</strong> monter l’ensemble du programme pédagogique du centre, encollaboration avec les quatre autres professeurs <strong>de</strong> langue impliqués. À c<strong>et</strong>te17


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsefin, j’ai <strong>de</strong>mandé un délai <strong>de</strong> six mois <strong>de</strong> travail, au cours <strong>de</strong>squels j’ai visitéplusieurs centres <strong>de</strong> langue existant <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la formation continue<strong>et</strong> <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> langue européens <strong>et</strong> j’ai proposé <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r notre démarche surl’association entre LVE + autonomie guidée + nouvelles technologies. Cecentre <strong>de</strong> langues fut le premier en France créé pour la formation initiale <strong>et</strong>répondant aux critères établis par la Conférence Européenne <strong>de</strong>s Centres <strong>de</strong>Langues (CERCLE 6 ) ; il est <strong>de</strong>venu, pour les collègues regroupés au sein <strong>de</strong>l’association RANACLES 7 , un centre pilote du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’apprentissage<strong>de</strong>s langues assisté par les technologies éducatives. Mon passage au centre <strong>de</strong>langues marque un tournant <strong>dans</strong> ma carrière <strong>de</strong> didacticienne <strong>de</strong> l’anglais àplusieurs égards. Tout d’abord, il détermine le passage d’une didacticiennepraticienne à une didacticienne chercheuse en didactique <strong>de</strong> l’anglais. Le souciconstant d’ai<strong>de</strong>r mes élèves à prendre confiance en eux-mêmes, à surmonterleurs difficultés <strong>et</strong> à améliorer leurs connaissances en anglais, m’a conduite surles chemins <strong>de</strong>s théories psychologiques <strong>de</strong> l’apprentissage d’une LVE[Gaonac’h, 1990, 2004 ; Narcy, 1990 ; <strong>et</strong> voir pour une revue, Dörnyei, 2009].Suite à dix années d’enseignement <strong>de</strong> l’anglais au lycée puis à l’université, leproblème se posait en ces termes : est-ce que la LVE s’acquiert ou est-ce que laLVE s’apprend ? Il ne semble pas que la question soit aujourd’hui vraimentréglée ! Or, la réponse a un impact direct sur la manière dont on conçoitl’enseignement <strong>de</strong> la langue. Certains postulaient que la LVE s’acquérait,autrement dit qu’elle se développait, selon <strong>de</strong>s modèles issus <strong>de</strong>s théories surl’erreur <strong>de</strong> Chomsky <strong>et</strong> revues par les travaux <strong>de</strong> Cor<strong>de</strong>r [1967], <strong>de</strong> Selinker[1972] qui créa la notion d’interlangue, <strong>de</strong> Krashen [1982, 1983] centrés surl’input, <strong>et</strong> enfin <strong>de</strong> Cook [1990]. Adopter c<strong>et</strong>te perspective avait <strong>de</strong>uxconséquences didactiques majeures : l’une d’ordre affective, l’autre d’ordreépistémique. La première, issue <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> l’interlangue, consistait à nepas dénoncer les erreurs comme <strong>de</strong>s fautes, <strong>de</strong>s manquements à la norme, <strong>et</strong> àne plus stigmatiser les apprenants dont les erreurs étaient systématiquement6 Ces critères étaient les suivants : autonomie <strong>de</strong> budg<strong>et</strong>, <strong>de</strong> locaux <strong>et</strong> <strong>de</strong> personnel. Nousavons, d’ailleurs, organisé le premier rassemblement officiel <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> langues français en19947 Rassemblement <strong>de</strong>s Centres <strong>de</strong> Langues <strong>de</strong> l’Enseignement Supérieur18


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseattribuées à un manque <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’apprenant. La <strong>de</strong>uxième,d’ordre épistémique, consistait à privilégier les activités <strong>de</strong> pratique <strong>de</strong> lalangue, au sens général du terme (écoute, productions écrites <strong>et</strong> orales), c’est-àdired’exposition à la langue afin <strong>de</strong> laisser le programme génétique faire sontravail, naturellement, pourvu que l’environnement lui fournisse lesstimulations nécessaires, comme pour la langue 1. Une telle conceptionengageait l’enseignant à ne parler que <strong>dans</strong> la langue cible, à ne pasinterrompre systématiquement l’apprenant dès la moindre erreur pour ne pasinterrompre le processus <strong>de</strong> développement <strong>dans</strong> la LVE, à minimiser aumaximum toutes les activités métacognitives qui relevaient <strong>de</strong> la facultérationnelle <strong>et</strong> non <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong> langage pour reprendre les modèles cartésienou kantien dont se revendiquaient Chomsky [2000] ou Fodor [Cavin, 2001].Face au postulat générativiste, d’autres affirmaient que si le fameux LanguageAcquisition Device pouvait rendre compte <strong>de</strong> l’acquisition d’une languepremière ou d’une langue secon<strong>de</strong> en milieu endolingue, il ne parvenait pas àrendre compte <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> la langue étrangère en situation académique.Cela pouvait s’expliquer par une insuffisance <strong>de</strong> l’input pour perm<strong>et</strong>tre auprogramme génétique <strong>de</strong> se développer <strong>et</strong> que donc, en adm<strong>et</strong>tant l’existenced’une faculté <strong>de</strong> langage, il fallait bien que celle-ci fût associée à la facultérationnelle (la métacognition) pour que la LVE soit apprise. Les conséquencesdidactiques <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue étaient que l’enseignant pensait être en droit <strong>de</strong>recourir au français pour que l’élève comprenne correctement ce quel’enseignant attendait <strong>de</strong> lui ou pour lui expliquer ses erreurs, <strong>et</strong> que la prise <strong>de</strong>conscience <strong>de</strong> ses erreurs à travers le dépassement <strong>de</strong> l’obstacleépistémologique le conduirait à améliorer ses performances linguistiques. Cesréflexions ont débouché sur un travail théorique que nous avons mené avecJacques Baillé [Raby & Baillé, 1994] <strong>et</strong> se sont concrétisées par une rechercheen didactique expérimentale <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’acquisition/apprentissage <strong>de</strong>l’anglais [Raby, 1996]. Dans ce travail, j’ai cherché à savoir si <strong>de</strong>s activitésmétalinguistiques, c’est-à-dire l’apprentissage <strong>de</strong> la grammaire <strong>et</strong> <strong>de</strong> laphonologie, avaient un impact sur les habil<strong>et</strong>és <strong>de</strong>s apprenants encompréhension <strong>et</strong> en expression écrite. Un tel protocole peut surprendre :pourquoi lier la phonologie, qui relève traditionnellement <strong>de</strong> l’oral, à la19


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsecompréhension écrite ? Deux raisons ont motivé mon choix, l’une issue <strong>de</strong> monexpérience pédagogique <strong>et</strong> l’autre <strong>de</strong> la recherche [Billères <strong>et</strong> Spanghero-Gaillard, Éds, PArole, 2005 ; Narcy, 2005, An<strong>de</strong>rsen, 1983]. Sur le planpédagogique, ma pratique d’enseignante <strong>de</strong> théâtre, en même temps quej’enseignais l’anglais, m’avait convaincue <strong>de</strong>puis longtemps qu’un travail surla phonologie anglaise aidait à mieux maîtriser la compréhension, qu’elle soitécrite ou orale, étant donné la distance qui sépare, en anglais, la graphie <strong>de</strong> laphonie. Sur le plan scientifique, la motivation <strong>de</strong> mon plan d’expérimentationétait la suivante : si je parvenais à montrer que l’enseignement <strong>de</strong> la grammaireavait un eff<strong>et</strong> sur les productions langagières <strong>de</strong>s apprenants d’anglais,j’obtiendrais un premier résultat qui confirmerait une hypothèse assez logiquepuisque le lien pédagogique est fort entre travail sur les règles <strong>et</strong> production<strong>de</strong>s mêmes règles. En revanche, il reste toujours en débat sur le planscientifique. Mais si je parvenais à montrer qu’un travail en phonologie <strong>de</strong>l’anglais avait un eff<strong>et</strong> sur la compréhension ou sur la production écrite <strong>de</strong>sélèves, j’obtiendrais alors un résultat très important du point <strong>de</strong> vue du rôle <strong>de</strong>sactivités phonologiques <strong>dans</strong> l’apprentissage d’une langue. J’ai donc créé unprotocole quasi-expérimental classique : trois groupes d’étudiants recevaientune heure hebdomadaire <strong>de</strong> cours à partir d’un cours compl<strong>et</strong> issu d’unemétho<strong>de</strong> vidéo appelée Mystery Tour ; pendant la <strong>de</strong>uxième heure, le groupe Arecevait un enseignement <strong>de</strong> phonologie, le groupe B, un enseignement <strong>de</strong> lagrammaire, <strong>et</strong> le groupe C pratiquait la langue sous toutes ses formes (lecture,dialogue, exposés, écriture <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tres, <strong>de</strong> récits, <strong>et</strong>c.). Un pré-test encompréhension <strong>et</strong> en expression a été administré <strong>et</strong> le post-test a été fabriquépar moi-même pour que la variabilité entre les <strong>de</strong>ux textes soit réduite aumaximum. 8 Les principaux résultats <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te expérimentation furentcontrastés :‣ d’un côté, tous les élèves progressaient, quelle que soit la modalité ;8 Seule la sémantique changeait ; sinon, les phrases avaient les mêmes structures <strong>et</strong> la mêmelongueur. Le premier texte authentique portait sur l’invention <strong>de</strong> l’imprimerie ; le <strong>de</strong>uxièm<strong>et</strong>exte, rédigé par mes soins, portait sur l’invention <strong>de</strong> la photo.20


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsel’acquisition <strong>de</strong> la L2. Par ailleurs, c<strong>et</strong>te expérimentation menée sur le terraindu centre <strong>de</strong> langues m’a permis d’observer spontanément, pendant un an, lecomportement <strong>de</strong>s apprenants en classe <strong>de</strong> langue, pour en conclure quecertaines variables liées au contexte <strong>de</strong> l’apprentissage n’avaient pas été prisesen compte <strong>dans</strong> le plan d’expérimentation, ce qui laissait certaines questions ensuspens. Pour ne prendre qu’un exemple, certes, le facteur enseignant était bienneutralisé puisqu’il s’agissait du même enseignant pour les trois groupes, maisc<strong>et</strong> enseignant, en tant qu’individu, était-il le même que l’enseignant en tantque variable ? C’est-à-dire, avait-il le même comportement <strong>dans</strong> les troisgroupes ? Avait-il les mêmes compétences disciplinaires <strong>et</strong> pédagogiques <strong>dans</strong>les <strong>de</strong>ux domaines considérés : la grammaire <strong>et</strong> la phonologie ? Je pris alorsconscience <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> expérimentale au vue <strong>de</strong> mes objectifsdidactiques. D’une part, la situation écologique générait trop <strong>de</strong> bruit pour queje puisse être assurée <strong>de</strong> ces premiers résultats, encore moins pour lesgénéraliser. Il aurait fallu pouvoir considérer c<strong>et</strong>te première expérimentationcomme une pré-expérimentation <strong>et</strong> conduire ensuite une expérimentation <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> échelle, menée <strong>dans</strong> plusieurs établissements, ce qui étaitinenvisageable. D’autre part, plus que la question du quoi, c’était la questiondu comment qui me préoccupait <strong>de</strong> plus en plus, du fait que nous m<strong>et</strong>tions enplace les enseignements en autonomie assistés par les technologies. Il s’agissait<strong>de</strong> nouvelles formes d’apprentissage pour lesquelles la didactiqueexpérimentale était inopérante puisqu’elle ne prenait pas en compte lessituations <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> surtout, elle se préoccupait moins <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s élèvesque <strong>de</strong> leurs productions. C’est ainsi que je me suis tournée vers les théoriespsychologiques <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> la LVE <strong>et</strong> que j’ai choisi la démarcheergonomique pour progresser <strong>dans</strong> mon cheminement en Didactique <strong>de</strong>l’Anglais <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Langues.Ce <strong>de</strong>rnier s’est fait, par la suite, <strong>dans</strong> le champ <strong>de</strong> plus en plus diversifié<strong>de</strong>s didactiques, <strong>et</strong>, en faisant le bilan du parcours comme en envisageant lesfuturs développements <strong>de</strong>s mes recherches, il me semble que ces <strong>de</strong>rnièrespeuvent être associées à trois courants <strong>de</strong> la didactique, dont certains ont connuun développement assez récent : la didactique cognitive, la didactiqueprofessionnelle <strong>et</strong> l’ergonomie didactique.22


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseVers une didactique cognitive <strong>de</strong>s languesLa didactique cognitive a vu le jour en 2005, essentiellement à l’initiative <strong>de</strong>chercheurs <strong>dans</strong> le domaine du FLE, en sciences du langage. C’est au coursd’un colloque organisé à Toulouse en 2005 9 que la didactique cognitive futportée sur ses fonds baptismaux. La <strong>de</strong>scription du proj<strong>et</strong> caractérise une largepartie <strong>de</strong> mes travaux <strong>de</strong> recherches, notamment les travaux empiriques dont ilsera question <strong>dans</strong> la <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> ce volume.Les auteurs, à l’initiative <strong>de</strong> la rencontre, enseignants<strong>de</strong> langues étrangères <strong>et</strong> didacticiens, s’attachent àdéfinir le concept d’apprentissage communémentutilisé en didactique <strong>de</strong>s langues (étrangères,secon<strong>de</strong>s, maternelles) <strong>et</strong> en psychologie cognitive.Plutôt que d’opposer <strong>de</strong>ux visées, ils proposent undialogue entre les disciplines afin <strong>de</strong> déboucher sur lamise en place <strong>de</strong> méthodologies <strong>de</strong> recherche dontprofiteraient aussi bien chercheurs en psychologie,psycholinguistique <strong>et</strong> didactique, qu’enseignants <strong>de</strong>langues [Billières & Spanghero, 2005, p. 105].D’une part, j’ai d’abord utilisé, comme cadre théorique, <strong>de</strong>s théoriescognitivistes [Raby, 1994 ; 1996], d’autre part, la psychologie cognitiveappliquée à la LVE <strong>et</strong> la psycholinguistique m’ont fourni leurs concepts <strong>et</strong>modèles pour décrire les processus d’enseignement/apprentissage <strong>de</strong> la langue[Ellis, 2005 ; An<strong>de</strong>rson, 1983 ; Gaonac’h, 1990, Dörnyei, 2009]. Cependant,c’est la psychologie ergonomique élaborée par Montmollin [1986], Leplat[1997 & 2000], Hoc [1992, 1996] <strong>et</strong> Spérandio [1980], qui m’a procuré lesoutils théoriques <strong>et</strong> méthodologiques nécessaires à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong>sapprenants <strong>et</strong> <strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> langues sur le terrain. Ces activités découlent9 1er colloque international <strong>de</strong> didactique cognitive. Français langue étrangère/languesecon<strong>de</strong>/langue maternelle. Organisé par le Centre Interdisciplinaire <strong>de</strong>s Sciences du Langage<strong>et</strong> Cognition. Toulouse, 26-28 janvier 2005.23


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong> tâches complexes ou intelligentes, selon l’expression choisie pour son titrepar Montmollin lorsqu’il écrivit L’intelligence <strong>de</strong> la tâche, en 1986. En offrant<strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong>scriptifs <strong>et</strong> explicatifs <strong>de</strong>s processus par lesquels nous recevons<strong>et</strong> traitons les informations, formons <strong>et</strong> organisons nos représentations,décodons le langage, raisonnons, prenons <strong>de</strong>s décisions ou résolvons nosproblèmes, la psychologie ergonomique a permis d’abor<strong>de</strong>r les tâchesintelligentes [Montmollin, 1986] en dépassant les modèles behavioristesambiants.Mes travaux relèvent <strong>de</strong> la didactique cognitive <strong>dans</strong> la mesure où j’ai tentéd’i<strong>de</strong>ntifier certains processus d’apprentissage à l’œuvre <strong>dans</strong> diversessituations d’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais, notamment <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong>l’apprentissage multimédia 10 . J’ai ainsi étudié les stratégies linguistiques <strong>et</strong>cognitives utilisées <strong>dans</strong> le cas d’un travail sur la prononciation assisté parl’ordinateur avec Sassia Zouai <strong>et</strong> Amandine Konan [Doc. 21, pp. 20-41, T2],<strong>dans</strong> le cadre du programme <strong>de</strong> recherche Tell Me More 11 . Plus tard, je me suisintéressée aux eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> l’utilisation d’un site d’auto-apprentissage, le stresssite, fabriqué par Dan Frost dont j’ai encadré la thèse 12 , sur la prononciation<strong>de</strong>s performances <strong>de</strong>s étudiants du secteur LANSAD. Par ailleurs, j’ai étudiéles stratégies <strong>de</strong> compréhension écrite développées par <strong>de</strong>s étudiants travaillant<strong>dans</strong> trois dispositifs didactiques <strong>et</strong> ergonomiques différents [Doc. 9, pp. 190-209]. Toujours concernant la compréhension <strong>de</strong> la langue, j’ai testé, avecVirginie Zampa, dont j’ai également co-encadré la thèse [Zampa, 2003, 2005],la pertinence du modèle connexionniste <strong>et</strong> associationniste du développement<strong>de</strong> la compréhension <strong>de</strong> la langue anglaise, Latent Semantic Analysis [Doc. 5,pp. 106-124, T1]. Plus récemment, j’ai participé au proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche lancépar Marie-Laure Barbier, avec le concours d’Annie Piolat, sur la comparaison10 Je ne fais pas ici référence aux travaux car il faudrait citer, <strong>dans</strong> le volume 2, tous lestravaux <strong>de</strong> nature empirique.11 Ce programme <strong>de</strong> recherche a réuni le laboratoire <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> l’éducation <strong>de</strong>Grenoble, l’UFR <strong>de</strong>s sciences du langage, Master Industrie <strong>de</strong> la Langue, l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble(lieu d’expérimentation) <strong>et</strong> la société AURALOG qui m’avait <strong>de</strong>mandé une expertise <strong>de</strong> laversion B<strong>et</strong>a <strong>de</strong> leur logiciel en ligne Tell Me More pour les quatre langues (anglais, espagnol,italien, allemand).12 Thèse <strong>de</strong> Dan Frost24


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> note entre langue première (le français) <strong>et</strong> languesecon<strong>de</strong> l’anglais [Doc. 17, pp. 338-370]. Enfin, <strong>dans</strong> le cadre du programmeESCALE 13 dont j’ai assuré la responsabilité scientifique, j’ai mené, avecFrédérique Pénilla, une étu<strong>de</strong> expérimentale comparant les performances enexpression <strong>et</strong> compréhension en anglais d’élèves <strong>de</strong> lycée travaillant avec <strong>de</strong>ssupports imprimés ou sur le Web [Doc. 26, pp. 101-133].Il me semble qu’un aspect différencie toutefois mes travaux <strong>de</strong> ceux menésen didactique cognitive : leur approche reste encore très centrée sur <strong>de</strong>sfacteurs cognitifs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> laboratoires, alors que je cherche à mesurer,in situ, l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s facteurs liés à la nature même du travail académique qui,souvent, ne sont pas encore abordés en didactique cognitive, même par lesspécialistes du task-based learning. Or, précisément, le fait <strong>de</strong> travailler ensituation écologique, <strong>et</strong> non en laboratoire, m’a fait toucher du doigtl’importance <strong>de</strong>s composantes non cognitives <strong>de</strong> l’activité, en particulier lacomposante conative <strong>dans</strong> les situations d’apprentissage. C’est ainsi que j’aiorienté mes recherches, <strong>de</strong>puis 2003, vers la question <strong>de</strong> la motivation. C<strong>et</strong>teinflexion, comme je l’ai dit en introduction, ne constitue par un abandon <strong>de</strong> lacognition froi<strong>de</strong> [Defays, 2005, p. 176] mais le refus d’une évolution dontJérôme Bruner affirmait récemment qu’elle constituait un travers <strong>de</strong> lapsychologie cognitive :L’intérêt ne porte plus sur la construction du sensmais sur le traitement <strong>de</strong> l’information, en prenantl’ordinateur comme modèle <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>l’esprit humain, ce qui constitue un nouveauréductionnisme (après celui qu’a entraîné lebehaviorisme). [Propos recueillis par J. Lecomte en1996.] 14Il s’agissait plutôt, pour moi qui poursuivais une démarche didactique, <strong>de</strong> nepas laisser <strong>de</strong> côté la cognition chau<strong>de</strong> [Defays, op.cit., p. 117] : la motivation,13 Appel à proj<strong>et</strong> ÉCOLE ET SCIENCES COGNITIVES (2003) Thème : « La dynamique<strong>de</strong>s apprentissages : <strong>de</strong>s fonctions cognitives à l’élaboration <strong>de</strong>s connaissances ». Proj<strong>et</strong>ESCALE : Évaluation d’un Cyber Scénario pour l’Apprentissage d’une Langue Étrangère.14 Sciences Humaines, 67, déc. 199625


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseles conditions culturelles, la question <strong>de</strong>s dispositifs <strong>dans</strong> les situationsacadémiques d’apprentissage. Avec Emilie Geymond [2004], j’ai étudié lesreprésentations privées <strong>et</strong> scolaires <strong>de</strong> la toile chez <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> lycée, <strong>et</strong> avecCathy Feldmann [2006], celles <strong>de</strong>s enseignants, en utilisant la distinctionétablie par <strong>de</strong> Certeau <strong>dans</strong> l’Art du quotidien [1980]. Par la suite, j’ai centrémes recherches sur la question du facteur motivationnel en classe <strong>de</strong> langue.Ces recherches ont d’abord concerné les apprenants [Doc. 13, pp. 264-278,Doc. 14, pp. 279-301, Doc. 15, pp. 302-311, T1 ; Doc. 21, p. 20-41, Doc. 22,pp. 42-64, T2], puis les enseignants [Feldmann, 2005 ; Doc. 26, pp. 209-249,Doc. 30, pp. 258-273, T3]. Avec Nathalie Berth<strong>et</strong>, j’ai voulu approcher ladimension socioculturelle <strong>de</strong>s dispositifs techniques conçus du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>leur usage <strong>et</strong> l’impact <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te dimension sur l’activité <strong>de</strong>s agents [Berth<strong>et</strong>,2001].Des liens avec la didactique professionnelleMon travail entr<strong>et</strong>ient aussi <strong>de</strong>s relations avec la didactique professionnelleélaborée par Pastré, Mayen & Vergnaud [2006] <strong>et</strong> Samurçay & Pastré [2004].Il s’agit du pan <strong>de</strong> ma recherche qui concerne le travail <strong>de</strong> l’enseignant <strong>de</strong>langue <strong>et</strong>, plus généralement, le travail <strong>de</strong> réflexion théorique que j’ai pu meneravec Jacques Baillé sur la notion <strong>de</strong> compétence [Doc.8, pp. 162-189, T1].L’intérêt que je portais au TICE m’a conduite, avec Martha Borges [Doc. 4,pp. 83-105, T1] à orienter mes recherches en ergonomie cognitive sur lesstratégies déployées par les enseignants <strong>de</strong> langue <strong>dans</strong> un environnementmultimédia, en comparant les enseignants <strong>de</strong> plusieurs langues <strong>dans</strong> <strong>de</strong>sdispositifs variés. Avec Colomb<strong>et</strong> [1998] 15 , j’ai exploré l’émergence d’unnouveau métier, celui <strong>de</strong> tuteur <strong>dans</strong> une salle <strong>de</strong> travail multimédia, à traversl’analyse <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s tuteurs <strong>de</strong> la médiathèque d’un centre <strong>de</strong> langues.Plus récemment, avec Françoise Campanale <strong>et</strong> Laurent Lima, j’ai étudié l’eff<strong>et</strong><strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong>s TICE sur les pratiques enseignantes <strong>et</strong> les conceptions15 J’ai piloté son mémoire <strong>de</strong> DESS qui a donné lieu à un article <strong>dans</strong> l’APLIUT en 1998.26


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsed’enseignants du secondaire. Il s’agit du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche ESCALE 16[Doc. 28, pp. 209-249, T3]. D’autre part, <strong>de</strong>puis ma nomination à l’IUFM <strong>de</strong>Grenoble, la question <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s maîtres a été, bien évi<strong>de</strong>mment, aucœur <strong>de</strong> mes préoccupations professionnelles <strong>et</strong> bientôt, <strong>de</strong> mes préoccupations<strong>de</strong> recherche [Doc. 2, pp. 25-45, Doc. 6, p. 125-141, Doc 11, pp. 228-249, T1].Selon Samurçay <strong>et</strong> Pastré [2004], la didactique professionnelle est née <strong>de</strong> larencontre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux champs théoriques <strong>et</strong> d’un champ <strong>de</strong> pratiques. Le premierchamp théorique est l’ergonomie cognitive, qui a fourni les métho<strong>de</strong>s d’analysedu travail. Le second champ théorique est, en France, la didactique <strong>de</strong>sdisciplines, qui combine <strong>de</strong>ux préoccupations, épistémologique <strong>et</strong>développementale. Le champ <strong>de</strong> pratiques est celui <strong>de</strong> l’enseignementprofessionnel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la formation professionnelle continue. D’après Pastré[2006], il faut rajouter un troisième champ théorique, la psychologie dudéveloppement.Rogalski [2004] précise le proj<strong>et</strong> théorique <strong>de</strong> la didactique professionnelleappliquée à la formation <strong>de</strong>s enseignants en puisant, <strong>dans</strong> la théorie <strong>de</strong>l’activité, le modèle <strong>de</strong> double régulation <strong>et</strong> en associant à c<strong>et</strong>te théorie lesconcepts <strong>de</strong> didactique (savoirs <strong>de</strong> référence, conceptualisation <strong>et</strong> schèmes,transposition didactique <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> travail). Elle propose donc un modèleintégrateur pour la formation <strong>et</strong> le développement <strong>de</strong>s compétencesprofessionnelles. Pour ma part, j’ai travaillé sur la question <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>scompétences <strong>de</strong>s enseignants d’un double point <strong>de</strong> vue, que j’ai d’ailleursparfois eu du mal à articuler : celui <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive, <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong>mon travail <strong>de</strong> chercheuse, celui <strong>de</strong> la didactique professionnelle <strong>dans</strong> le cadre<strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong> formatrice <strong>de</strong> professeur <strong>de</strong> langue puisque j’ai encadréenviron 150 mémoires professionnels <strong>de</strong>puis ma nomination à l’IUFM <strong>de</strong>Grenoble. Les <strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue, quoique très proches, sont différents <strong>dans</strong>leurs objectifs <strong>et</strong> <strong>dans</strong> leurs métho<strong>de</strong>s. Je commencerai par le point <strong>de</strong> vue duformateur <strong>et</strong> donc <strong>de</strong> la didactique professionnelle. L’objectif du formateur est16 Évaluation d’un Cyber Scénario pour l’Apprentissage d’une Langue Étrangère. ACI« École <strong>et</strong> Sciences Cognitives », axe 3 : la dynamique <strong>de</strong>s apprentissages. LIDILEM(Université Stendhal - Grenoble 3) <strong>et</strong> Laboratoire <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> l’éducation (UniversitéPierre-Mendès-France, Grenoble 2)27


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsed’ai<strong>de</strong>r l’agent, ici le professeur stagiaire, à construire <strong>de</strong>s compétences qui sesituent à un double niveau : celui <strong>de</strong>s outils cognitifs généraux dont rendcompte la psychologie cognitive, <strong>et</strong> celui <strong>de</strong>s outils cognitifs relevant <strong>de</strong> ladiscipline, <strong>dans</strong> mon cas, la LVE. Dans ce processus <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> lacompétence, la conceptualisation <strong>de</strong>s situations jouent un rôle clef, <strong>et</strong> elle n’estpas la même pour un enseignant <strong>de</strong> langue qui forment un public universitaire àla langue <strong>de</strong> spécialité <strong>et</strong> un enseignant <strong>de</strong> collège qui initie les élèves àl’expression en langue anglaise.À l’inverse, mes recherches empiriques ont moins porté sur la formation <strong>de</strong>senseignants que sur les représentations <strong>et</strong> pratiques <strong>de</strong>s enseignants enformation. Je leur ai consacré <strong>de</strong>ux articles [Doc. 2, p. 25-45, Doc. 11, pp. 228-249, T1]. Dans le premier, je me suis intéressée, avec Philippe Dessus, àcaractériser l’ergonomie du dialogue didactique en situation dynamique <strong>et</strong> <strong>dans</strong>le second, je me suis penchée, avec Jocelyne Accardi, sur la question <strong>de</strong>sreprésentations <strong>de</strong>s professeurs stagiaires <strong>de</strong> langues quant aux savoirs <strong>de</strong>référence en langue 17 . L’essentiel <strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong> recherche a donc porté surles pratiques enseignantes, notamment sur les changements induits <strong>dans</strong> cespratiques par les TICE. Je suis partie <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> compétence définie parVergnaud comme <strong>de</strong>s connaissances finalisées, liées à l’action, <strong>de</strong>s théorèmesen actes, <strong>et</strong> surtout, qui sont difficilement accessibles au discours, à lathématisation [Leplat, 1997, p. 141]. Selon les spécialistes <strong>de</strong> la didactiqueprofessionnelle, qui puisent leurs théories aux sources <strong>de</strong> la théorie piagétienne<strong>de</strong> l’adaptation, au commencement était l’action <strong>et</strong> non la pensée. C’est donc<strong>dans</strong> l’action que se construit la compétence <strong>de</strong> l’enseignant. Au départ, lacompétence est incorporée, c’est-à-dire qu’elle est encore « engluée <strong>dans</strong> l’agir,incapable <strong>de</strong> se réfléchir, <strong>de</strong> s’expliciter <strong>et</strong> <strong>de</strong> se transférer » [Pastré, 1999,p. 115], puis le suj<strong>et</strong> prend conscience <strong>de</strong>s ressources qui lui ont permis <strong>de</strong>s’adapter à la situation. La connaissance opératoire se double alors d’uneconnaissance prédicative ou énonciative qui s’exprime en discours <strong>et</strong> débouchesur du savoir. Il existe toujours, selon le même auteur, « un écart entre ce que17 J’ai encadré le travail <strong>de</strong> thèse <strong>de</strong> Jocelyne Accardi qui portait sur la question <strong>de</strong> laréférence en didactique <strong>de</strong>s langues [Accardi, 2000].28


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsel’on sait faire <strong>et</strong> ce que l’on connait <strong>de</strong> ce savoir faire » [ibid., p. 67]. Et c’est làque le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive prend toute son importance, c’estce point <strong>de</strong> vue qui a guidé mes travaux <strong>de</strong> recherche sur les stratégies <strong>de</strong>senseignants. Il m’a conduite à toujours associer l’observation <strong>de</strong>scomportements <strong>de</strong>s enseignants au recueil <strong>de</strong> leurs conceptions, <strong>de</strong> leursréflexions/rationalisations à propos <strong>de</strong> ces activités. Pour conclure, ladidactique professionnelle <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong> langue est en train d’émerger enFrance [Narcy-combes, M.-F., 2005 ; Narcy-Combes, J.-P., 2005 ; Guichon,2009 ; Pécheux, 2008], mais il nous reste à forger <strong>de</strong>s modèles <strong>et</strong> conceptsappropriés à c<strong>et</strong>te disciplines. Si l’ergonomie cognitive lui fournit les outilsnécessaires pour l’analyse du travail, en revanche, le pendant <strong>de</strong> la didactique,donc du savoir tel qu’il s’est développé au travers <strong>de</strong>s travaux que nous avonscités, reste, à mon avis, encore trop profondément ancré <strong>dans</strong> la didactique <strong>de</strong>ssciences pour convenir à nos obj<strong>et</strong>s. Celle-ci conçoit encore l’apprentissageautour <strong>de</strong> la résolution <strong>de</strong> problèmes ou <strong>de</strong> situations problèmes, or, en LVE,les compétences ne sont pas uniquement cognitives, loin s’en faut, elles sontd’abord langagières mais aussi sociales, affectives <strong>et</strong> culturelles. [Accardi,2000 ; Doc. 11, p. 228, T1].Des liens avec l’ergonomie didactiqueL’ergonomie didactique <strong>de</strong> Bertin [2002] constitue sans doute la forme laplus aboutie <strong>de</strong>s recherches en ergonomie cognitive en matière d’apprentissage<strong>de</strong>s langues. Dès le départ, j’ai partagé avec c<strong>et</strong> auteur le souci d’abor<strong>de</strong>rl’intégration <strong>de</strong>s outils multimédia en classe <strong>de</strong> langues à partir <strong>de</strong> l’approcheanthropotechnique défendue par Rabar<strong>de</strong>l [1995]. Le modèle du SystèmeMultimédia Intégré pour l’apprentissage d’une Langue Étrangère, que j’aidéveloppé <strong>dans</strong> ma thèse [Raby, 1996, volume 2, p. 255], est d’ailleurs trèsproche du modèle ergonomique global qu’il propose [Bertin, 2002, p. 77]. Jesouscris aussi, par ailleurs, à sa définition <strong>de</strong> l’approche ergonomique pour lessituations d’apprentissage médiatisé par ordinateur (AMO) en LVE :Une approche ergonomique <strong>de</strong> la situation d’AMOintégrera nécessairement une réflexion sur les29


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseobjectifs <strong>et</strong> contenus linguistiques <strong>de</strong> la formation(axe enseignant ↔ langue), sur l’organisation <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te interaction linguistique <strong>dans</strong> l’ensemble <strong>de</strong> laformation (axe enseignant ↔ apprenant), enfin sur l<strong>et</strong>ype d’interaction souhaitée entre la langue <strong>et</strong>l’apprenant <strong>et</strong> ses implications sur la relation entre lalangue-obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> la langue-cible (axe langue ↔apprenant). [Bertin, 2002, p. 77]Ce qui distingue mes travaux <strong>de</strong> ceux développés <strong>dans</strong> l’ergonomiedidactique, c’est la question <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s. Tandis que Bertin <strong>et</strong> Narcy-Combes[sous presse] se préoccupent <strong>de</strong> dispositifs technologiques, surtout du point <strong>de</strong>vue <strong>de</strong> leurs conceptions, je me penche sur l’analyse <strong>de</strong>s activités en classed’anglais <strong>et</strong> en classe <strong>de</strong> langue, que l’ordinateur y soit où non convié.L’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la langue que je cherche à développer s’intéresse àtoutes les situations <strong>de</strong> formation en langue <strong>et</strong> pas seulement aux situationsimpliquant les TICE. Selon moi, la langue elle-même étant un instrument, <strong>et</strong> lecours <strong>de</strong> langue faisant appel à <strong>de</strong> nombreux outils sémiotiques qui ne sont pasforcément matérialisés par le moyen d’artefacts électroniques [Baillé <strong>et</strong> Raby,1997 ; Doc. 3, pp. 46-72 ; Doc. 8p, p. 162-189], il n’y a pas lieu <strong>de</strong> confier auxTICE un statut cognitif particulier. Je considère ces <strong>de</strong>rnières commeparticipant d’un cas particulier d’une activité qui est, <strong>dans</strong> tous les cas,instrumentée physiquement ou mentalement. D’autre part, la recherche <strong>de</strong>Bertin sur les TICE est celle d’un didacticien enseignant-concepteur tandis quemes recherches sur les TICE sont orientées vers les usages <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s dispositifs<strong>et</strong> <strong>de</strong>s situations variés.30


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseRésumé <strong>de</strong> la première partieC<strong>et</strong> exposé liminaire avait pour objectif <strong>de</strong> situer mon parcours <strong>de</strong>recherche au carrefour entre la didactique <strong>de</strong> l’anglais, les sciences dulangage <strong>et</strong> les sciences <strong>de</strong> l’éducation. Il avait aussi pour intention <strong>de</strong>présenter le champ <strong>de</strong> mes recherches avec ses domaines les plus importantsqui font l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherches continues (les activités instrumentées en classed’anglais <strong>et</strong> <strong>de</strong> LVE puis la motivation) <strong>et</strong> les incursions que j’ai pu faire <strong>dans</strong><strong>de</strong>s domaines voisins en didactique lorsque les tâches professionnelles ou lestâches d’encadrement m’y ont conviée.Je vais maintenant, <strong>dans</strong> une <strong>de</strong>uxième partie, exposer la démarcheergonomique qui a servi <strong>de</strong> fil conducteur à mes recherches <strong>et</strong> qui lessingularise en didactique <strong>de</strong> l’anglais <strong>et</strong> <strong>de</strong>s LVE.31


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseChapitre 2 L’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVE : unedémarche pour analyser l’activitéL’ergonomie est une discipline relativement récente. Le terme vient du grecErgon, le travail, <strong>et</strong> Nomos, la règle. Étymologiquement, donc, ergonomiesignifie science du travail. Spérandio [1991, p. 1] nous apprend que le termesemble avoir été inventé en 1857 par un naturaliste polonais, auteur d’un Précisd’ergonomie ou <strong>de</strong> la science du travail basée sur <strong>de</strong>s vérités tirées <strong>de</strong>s sciences<strong>de</strong> la nature. Il s’agit donc, comme <strong>dans</strong> toute démarche scientifique, <strong>de</strong>rechercher les invariants <strong>de</strong>s conduites humaines au travail qui constitueraientles lois du travail humain.La démarche ergonomiqueLe diagnostic <strong>et</strong> l’interventionL’ergonomie a souvent été également présentée comme une science <strong>de</strong>l’intervention réparatrice, l’ergonome étant, en quelque sorte, le troubleshooter,celui qui va fusiller le problème à l’ai<strong>de</strong> d’un bon diagnostic <strong>et</strong> d’un bon plan <strong>de</strong>réparation. C<strong>et</strong>te conception dérive <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la discipline : il est vraiqu’historiquement, l’ergonomie s’est développée comme un moyen <strong>de</strong> remédieraux dysfonctionnements du travail <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> ce qu’il était convenud’appeler le système homme-machine. Partout <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> industrialisé,l’environnement <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s au travail ne cesse <strong>de</strong> se transformer <strong>dans</strong> le sensd’une médiation toujours plus gran<strong>de</strong> entre le travailleur <strong>et</strong> l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> son travail,via l’utilisation <strong>de</strong> machines <strong>de</strong> plus en plus complexes. Or, les décalagesexistant entre les capacités <strong>de</strong> l’homme au travail en train d’interagir avec les32


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsemachines <strong>et</strong> la complexité croissante <strong>de</strong>s machines 18 , n’ont cessé <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>sproblèmes d’efficacité <strong>et</strong> <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment. Pour c<strong>et</strong>te raison, l’ergonome estsouvent appelé à intervenir pour comprendre ces dysfonctionnements.Un travail interdisciplinaireMon travail <strong>de</strong> recherche réalisé au sein d’une équipe pluridisciplinairecomposée <strong>de</strong> psycholinguistes, <strong>de</strong> linguistes, <strong>de</strong> psychologues, <strong>de</strong> statisticiens,<strong>de</strong> sociologues <strong>et</strong> <strong>de</strong> didacticiens, a pour obj<strong>et</strong> d’analyser les situationsd’apprentissage <strong>et</strong> d’enseignement en langue étrangère. En adoptant uneapproche ergonomique <strong>de</strong> la formation, je poursuis les mêmes buts quel’ergonomie <strong>dans</strong> ses développements récents : il ne s’agit pas seulement <strong>de</strong>s’intéresser à l’apprentissage quand cela ne marche pas bien, mais plutôt àcomment cela marche, bien ou mal <strong>dans</strong> un premier temps [Doc. 1, pp. 12-13,T1]. En eff<strong>et</strong>, la formation consiste justement, en amont, à préparer le mieuxpossible l’apprenant à son métier, pour les enseignants, ou à ses futures activitésprofessionnelles ou <strong>de</strong> loisir, pour les élèves ; il ne serait donc pas justifié <strong>de</strong>s’intéresser à l’apprenant uniquement à partir <strong>de</strong> ses erreurs ou <strong>de</strong> ses échecs.Mes recherches ont pour objectif <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en relation les compétences requisespour telle ou telle tâche <strong>et</strong> les compétences réelles <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s afin <strong>de</strong> proposer àl’élève <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> remédiation. À partir <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s,j’ai pu proposer d’infléchir les tâches prescrites ou <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong>formation essentiels à l’élaboration <strong>de</strong> nouvelles compétences apparuesnécessaires <strong>dans</strong> l’action. Si ma réflexion théorique a pu se faireindividuellement, je n’ai jamais agi seule <strong>dans</strong> mes recherches empiriques carl’analyse du travail, phénomène complexe, nécessitait le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> diversspécialistes. Il arrivera donc, <strong>dans</strong> c<strong>et</strong> ouvrage, que j’emploie le pronom « nous »pour désigner <strong>de</strong>s décisions ou <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> recherche collectivement pensées<strong>et</strong> décidées.18 Notons que le terme <strong>de</strong> machine est à prendre, ici, <strong>dans</strong> un sens presque cartésien : il s’agitd’une notion abstraite qui désigne la partie <strong>de</strong> l’environnement avec laquelle l’opérateur va agir<strong>dans</strong> une situation <strong>de</strong> travail donnée. La machine peut donc inclure plusieurs équipements <strong>et</strong> <strong>de</strong>shommes.33


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseEnfin, j’ai fait évoluer mon travail en tentant d’associer <strong>de</strong>ux courants <strong>de</strong>recherche hérités d’Aristote <strong>et</strong> jusque là opposés. Le philosophe distinguaitutilement, dès l’antiquité, praxis <strong>et</strong> poïésis : la première, d’intentionnalité plusstratégique, correspondant au faire <strong>de</strong> la technè, à <strong>de</strong>s activités humaines <strong>de</strong>production, où l’instrumentalisation tient le rôle essentiel ; la secon<strong>de</strong> s’attachantplus spécifiquement à la capacité <strong>de</strong> se donner <strong>de</strong>s fins à travers la constitution<strong>de</strong> nos i<strong>de</strong>ntités individuelles <strong>et</strong> collectives. Les recherches en éducation se sontdéveloppées pendant longtemps en suivant <strong>de</strong>ux directions distinctes : ladirection praxéologique visait à rendre compte <strong>de</strong> manière systémique <strong>de</strong>l’ensemble <strong>de</strong>s phénomènes pour en livrer le sens. L’autre direction, <strong>de</strong> typepoïétique, cherchait à décrire les phénomènes avant <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> les expliquer.Elle essayait <strong>de</strong> renaturaliser le phénomène <strong>de</strong> l’apprentissage, fût-ilinstitutionnel [Baillé, 1997]. Durant la première pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> mes travaux, je mesuis engagée <strong>dans</strong> la première voie [Doc. 3, p. 33], puis j’ai évolué vers lasecon<strong>de</strong>, pensant avec d’autres [Narcy-Combes, 2005] qu’une rechercheméthodologiquement « pure », mais qui n’aidait pas à comprendre l’activité <strong>et</strong> àagir sur les situations <strong>de</strong> travail, restait un peu stérile d’un point <strong>de</strong> vuedidactique. Je crois que la démarche ergonomique m’a permis <strong>de</strong> réconcilier les<strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue <strong>et</strong> d’aller <strong>de</strong> l’un à l’autre, selon les contextes, les besoins <strong>et</strong>les étapes <strong>de</strong> la recherche.Priorité au terrainL’ergonomie est une discipline hybri<strong>de</strong> : elle est constituée par un ensemble<strong>de</strong> disciplines, par exemple la mé<strong>de</strong>cine, la linguistique, la psychologie, laphysiologie, la sociologie. Plus exactement, elle intègre les branches <strong>de</strong> cesdisciplines qui concourent à l’analyse scientifique du suj<strong>et</strong> au travail. Lanécessité <strong>de</strong> maîtriser un corps <strong>de</strong> connaissances scientifiques variées, situées enamont, <strong>et</strong> <strong>de</strong> les intégrer <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s modèles cohérents, constitue une premièredifficulté <strong>de</strong> l’approche ergonomique. En particulier, l’obj<strong>et</strong> d’analyse, l’hommeau travail, est <strong>de</strong> nature à modifier les concepts importés <strong>de</strong> telle ou tellediscipline sans pour autant s’en distinguer complètement : le modèle <strong>de</strong>l’ergonome ne répond pas, par exemple, aux critères formels du psychocogniticien,la notion <strong>de</strong> tâche ne recouvre pas exactement les mêmes prédicats34


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseen ergonomie <strong>et</strong> en psychologie, <strong>et</strong>c. Appliquée aux situations d’apprentissage<strong>de</strong>s langues, l’ergonomie <strong>de</strong>vra intégrer les savoirs théoriques portant sur lesthéories du développement <strong>et</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> la SLA Mais il faudra yajouter les théories didactiques, comme l’histoire <strong>de</strong>s méthodologies <strong>et</strong>, <strong>dans</strong> lamesure du possible, <strong>de</strong>s savoirs <strong>de</strong> type physiologique <strong>et</strong> notamment les étu<strong>de</strong>schrono-psychologiques. Ces <strong>de</strong>rnières sont assez difficiles à mener <strong>dans</strong>l’enseignement secondaire <strong>et</strong> sur le terrain <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong>s langues. Ellesrestent cependant indispensables pour qui souhaite, par les rythmes scolaires,optimiser l’attention <strong>et</strong> la concentration <strong>de</strong>s élèves en classe. Une <strong>de</strong> messtagiaires [Thirion, 2004] a réalisé un mémoire sur l’impact <strong>de</strong> l’heure <strong>de</strong> courssur les activités <strong>de</strong>s élèves <strong>dans</strong> une classe <strong>de</strong> 5 ème <strong>et</strong> une classe <strong>de</strong> 4 ème . Elle aobservé que les activités métacognitives se déroulaient mieux en début d’aprèsmidi, tandis que les activités <strong>de</strong> pratiques <strong>de</strong> la langue trouvaient mieux leurplace en matinée, ce qui était contraire à ce que suggère la théorie <strong>de</strong>s rythmesbiologiques. Elle a aussi observé que la vigilance était bien une condition <strong>de</strong>l’attention nécessaire mais non suffisante : alors que la vigilance est à sonmaximum vers 17 h, ses élèves n’en tiraient pas pleinement profit car la fin <strong>de</strong>journée créait un état d’excitation ou d’usure qui les empêchait <strong>de</strong> canaliser leurattention vers <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> pratiques <strong>de</strong> la langue. En revanche, la fin <strong>de</strong>journée semblait propice aux activités <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong> problème. Bien qu’il nes’agisse que d’un travail isolé, il montre bien tout l’intérêt <strong>de</strong> confronter lesconnaissances acquises aux réalités <strong>de</strong>s agents sur le terrain.La démarche <strong>de</strong> l’ergonome se résume à un va-<strong>et</strong>-vient entre le domaine <strong>de</strong> latâche <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> l’activité. C’est d’abord en observant l’activité qu’il peut sefaire une idée <strong>de</strong> la tâche, car on imagine mal une tâche élaborée en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> lasituation <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong>s opérateurs, <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong> la machine. Àl’inverse, c’est en confrontant les comportements <strong>et</strong> les conduites opératoiresaux exigences <strong>de</strong> la tâche qu’on peut faire un diagnostic correct <strong>de</strong>s activités,c’est-à-dire parvenir à modéliser la tâche effectivement réalisée par rapport à latâche prescrite. Entre les <strong>de</strong>ux se situe l’élaboration <strong>de</strong> la modélisation.Lorsque nous avons décidé, avec Jacques Baillé, <strong>de</strong> choisir une démarcheergonomique pour conduire une didactique dite expérimentale, notre souci étaitd’en trouver une qui assure à nos travaux portant sur les situationsd’enseignement/apprentissage une cohérence à la fois théorique <strong>et</strong>35


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseméthodologique, afin <strong>de</strong> pouvoir avancer <strong>dans</strong> notre compréhension <strong>de</strong> cessituations d’un terrain à l’autre, d’une situation à l’autre. Pendant environ 10 ans,nous avons ainsi mené un véritable programme <strong>de</strong> recherche centré sur les tâchesd’apprentissage <strong>et</strong> l’appropriation <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> formation par les apprenants<strong>et</strong> les enseignants d’anglais <strong>et</strong> d’autres langues. Ce travail avait un doubleobjectif d’intervention : soit l’évaluation <strong>de</strong> l’activité révélait qu’il y avait unproblème d’organisation <strong>de</strong> la tâche, que ce soit au niveau <strong>de</strong>s buts, <strong>de</strong>sconsignes ou <strong>de</strong>s moyens <strong>et</strong> <strong>dans</strong> ce cas, nous nous tournions vers lesenseignants pour suggérer <strong>de</strong>s améliorations ; soit l’activité cognitive <strong>de</strong>s élèvesmontrait qu’ils ne disposaient pas <strong>de</strong>s compétences requises pour la réaliser <strong>et</strong><strong>dans</strong> ce cas, nous proposions <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en place <strong>de</strong>s modules <strong>de</strong> formation. Toutau long du processus, nous avons pu constater la pertinence du modèle <strong>de</strong>couplage entre la tâche <strong>et</strong> l’agent : la tâche agit sur l’agent mais l’agent, à sontour <strong>et</strong> au fil <strong>de</strong> l’activité, modifie la tâche. Ce travail <strong>de</strong> recherche a confirmé cequi était, au départ, une simple conviction didactique : il est impossible <strong>de</strong> faireun travail d’ingénierie efficace sans passer par l’observation <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>sacteurs sur leurs lieux <strong>de</strong> travail.Concernant la démarche, j’ai emprunté à Leplat [2000, p. 4] le schéma duprocessus d’intervention qu’il expose en introduction <strong>de</strong> son ouvrage pourdécrire le processus d’analyse <strong>de</strong> l’activité que j’ai adopté.Phase 1 : la définition <strong>de</strong>s butsPhase 2 : l’analyse du travail <strong>et</strong> le diagnosticPhase 3 : la définition <strong>de</strong> l’intervention qui conduit souvent à une redéfinition<strong>de</strong>s butsPhase 4 : l’exécution <strong>de</strong> l’interventionPhase 5 : l’évaluation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te interventionJe n’ai pas toujours été en mesure <strong>de</strong> conduire les cinq phases <strong>de</strong> l’analyse.J’ai pu le faire lorsque mon intervention <strong>de</strong> chercheur répondait à une comman<strong>de</strong>institutionnelle comme au centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> l’Université Pierre-Mendès-France, pour la société AURALOG, distributrice du logiciel Tell Me More(TMM), lors d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> clairement établie par une équipe d’enseignantscomme <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> ESCALE, ou enfin <strong>dans</strong> le cadre du travail <strong>de</strong> formation<strong>de</strong>s stagiaires d’anglais. En revanche, lorsque la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> était plus floue ou36


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseémanait uniquement <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong>s chercheurs, comme <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong> l’analyse<strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> note sur <strong>de</strong>s outils hypermédia, j’ai débouché sur <strong>de</strong>srecommandations didactiques sans pouvoir les transformer en intervention[Doc. 17, T1]. Parfois, il m’a été impossible <strong>de</strong> conduire parfaitement telle outelle phase <strong>de</strong> l’analyse, car l’analyste <strong>de</strong> l’activité sur le terrain rencontre toutessortes d’obstacles qui entravent sa démarche. Ainsi, lorsque nous avons décidé<strong>de</strong> nous pencher sur la question <strong>de</strong> la référence aux savoirs chez <strong>de</strong>s stagiaires <strong>de</strong>langues [Doc. 11, p. 28, T1], nous avions pour intention <strong>de</strong> confronter leursconceptions, rationalisations <strong>de</strong> leurs pratiques à l’observation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnièrein situ. Des contraintes institutionnelles nous ont interdit <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r auxobservations, <strong>de</strong> sorte que l’analyse <strong>de</strong>s processus en a été tronquée.L’importance <strong>de</strong> la modélisationLa nature <strong>de</strong>s modèlesModélisation <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> modélisation <strong>de</strong> l’activité sont <strong>de</strong>s momentsindispensables <strong>de</strong> l’analyse ergonomique. C’est là une différence importante quia motivé <strong>de</strong> nombreuses recherches en didactique <strong>de</strong>s langues. L’ergonome sesert <strong>de</strong>s données qu’il a pu recueillir sur la situation <strong>de</strong> travail ainsi que <strong>de</strong>sdonnées que lui fournissent les sciences qui participent à l’ergonomie pour selivrer à un travail <strong>de</strong> modélisation <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> travail, réduite aux élémentspertinents au regard <strong>de</strong>s questions qui lui sont posées.Selon Almaberti [1991], les modèles en ergonomie se distinguent <strong>de</strong>s autresmodèles en sciences humaines par leur obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> leur nature. Le modèle cherchebien à décrire <strong>et</strong> à expliquer <strong>de</strong>s éléments invariants <strong>dans</strong> les comportementshumains, à dégager les lois du comportement humain, mais l’homme dont il estquestion ici n’est pas une sorte d’abstraction générale, d’homo faber. Il s’agit, àchaque étu<strong>de</strong>, d’un opérateur particulier engagé <strong>dans</strong> une situation <strong>de</strong> travailparticulière. C’est donc bien un <strong>de</strong>s paradoxes <strong>et</strong> une <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong>l’ergonomie : le modèle, comme tout modèle, sert d’outil <strong>de</strong> généralisation, alorsqu’il décrit <strong>de</strong>s particularismes situationnels. Selon Almaberti, il y aurait là unparadoxe qui expliquerait que le bilan <strong>de</strong>s connaissances en ergonomie soit37


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseencore relativement limité. Nous pourrions en dire autant <strong>de</strong> la didactique <strong>de</strong>slangues, <strong>et</strong> ce pour les mêmes raisons.Mais contrairement à ce qu’affirme Almaberti, le modèle n’a pas toujourspour fonction <strong>de</strong> prédire <strong>et</strong> <strong>de</strong> généraliser, il peut plus mo<strong>de</strong>stement viser àdécrire, analyser <strong>et</strong> comprendre une situation <strong>de</strong> travail. Il est l’instrument dontnous nous dotons pour tenter <strong>de</strong> capter l’énigmatique <strong>dans</strong> le champ d’étu<strong>de</strong>sque nous nous sommes donné. Il exprime la manière théorisante dont j’ai abordéla « réalité » <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> langue.Hence, a mo<strong>de</strong>l in didactics is not meant to be used forprediction (as for mathematical mo<strong>de</strong>ls) nor forautomatization (as for computer mo<strong>de</strong>ls or algorithms),but should be un<strong>de</strong>rstood as a tool to organize presentknowledge as well as to prompt further action forincreased knowledge. It is inten<strong>de</strong>d for both researchersand practitioners.As a gui<strong>de</strong>line for researchers, a mo<strong>de</strong>l can beun<strong>de</strong>rstood in the following ways:it i<strong>de</strong>ntifies basic components whose nature has to be<strong>de</strong>fined or clarified;it i<strong>de</strong>ntifies interfaces b<strong>et</strong>ween these components, or“places for interaction”, without necessarilyhighlighting the actual nature of these interactions,which constitute as many questions for furtherresearch;it eventually requires the researcher to investigate thereflexive impact of interactions on the original nature ofeach component. [Bertin, Gravé & Narcy, sous presse,p. 3 <strong>et</strong> 4]La définition du modèle qu’apportent Bertin, Gravé <strong>et</strong> Narcy donnent <strong>dans</strong> ladémarche <strong>de</strong> l’ergonomie didactique <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te définition montre bien quel’influence <strong>de</strong> l’ergonomie se fait clairement sentir aujourd’hui en didactique <strong>de</strong>slangues :Les obj<strong>et</strong>s du modèleLes agents engagés <strong>dans</strong> leur travail présentent <strong>de</strong>s comportementsobservables tandis qu’ils réalisent <strong>de</strong>s tâches plus ou moins complexes. Le rôledu modèle est <strong>de</strong> rendre les comportements <strong>de</strong>s élèves <strong>et</strong> <strong>de</strong>s professeursintelligibles. Le domaine d’application du modèle dépend donc <strong>de</strong>s questionsque le chercheur se pose : préparation <strong>de</strong> l’apprentissage, exécution ou contrôle,38


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèserapidité <strong>de</strong> la tâche, défaut <strong>de</strong> production, erreurs langagières, partage <strong>de</strong>s tâches,<strong>et</strong>c. Il n’y a pas <strong>de</strong> limite au nombre <strong>et</strong> à la variété <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> modèles quipeuvent être élaborés. Il peut s’agir <strong>de</strong> modèles formels ou empiriques, ilspeuvent prendre toutes les formes sémiotiques possibles, ils peuvent emprunter àd’autres disciplines. Le modèle fonctionne alors sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’analogiescientifique évoquée par Maxwell :Modèle <strong>de</strong>s comportementsPar analogie physique j’entends c<strong>et</strong>te ressemblancepartielle entre les lois d’une science <strong>et</strong> les lois d’uneautre science qui fait que l’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sciences peutservir à illustrer l’autre. [Maxwell, 1996, p. 156]Certains modèles ne préten<strong>de</strong>nt qu’à décrire l’observable <strong>de</strong>s comportements,pris ici au sens large du terme, c’est-à-dire une classe d’obj<strong>et</strong>s qui rassembl<strong>et</strong>outes les manifestations <strong>de</strong> l’activité : <strong>de</strong>s gestes, <strong>de</strong>s postures, <strong>de</strong>s regards <strong>et</strong>même les comportements verbaux que sont les discours ou les verbalisations. Lecadre théorique qui pilote la modélisation <strong>de</strong>s comportements est celui <strong>de</strong> laplanification <strong>de</strong> la tâche [Hoc, 1992]. À partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te théorie cognitive, j’ai puélaborer un modèle qui séquentialise l’action en phases préopératoire, opératoire<strong>et</strong> postopératoire. C’est un modèle classique d’un formalisme très simple, quiperm<strong>et</strong> <strong>de</strong> traiter ensemble les comportements physiques <strong>et</strong> verbaux, mais aussiles composants cognitifs <strong>et</strong> affectifs <strong>de</strong> l’activité.Les comportements physiquesDans un souci <strong>de</strong> rigueur scientifique, étant donné ma propre implicationdidactique <strong>dans</strong> mes proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> recherche, j’ai fait <strong>de</strong> l’observation <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’analyse <strong>de</strong>s comportements physiques la première étape <strong>de</strong> mes recherches, carje les considère comme la porte d’entrée <strong>de</strong> la cognition ; ma démarche atoujours consisté à aller <strong>de</strong>s comportements vers la cognition <strong>et</strong> non l’inverse, <strong>de</strong>l’agir vers le sens <strong>et</strong> non du sens vers l’agir. Ce parti pris s’explique par le souci<strong>de</strong> me démarquer <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> recherche en didactique <strong>de</strong>s langues qui ontrecours à <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens ou à <strong>de</strong>s questionnaires dépourvus <strong>de</strong> modèle ou <strong>de</strong>cadre théorique <strong>et</strong> qui se dispensent <strong>de</strong> toute validation : le sens est là, tout prêt àêtre dévoilé, pour illustrer un catéchisme didactique [Doc. 18, p. 371, T1]. J’ai lu39


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> mémoires professionnels qui suivaient ce procédé… sans parlerd’autres travaux.Je pense que le chercheur doit s’intéresser à part égale à ce que les agentsfont, à ce qu’ils pensent qu’ils font <strong>et</strong> à ce qu’ils ressentent vis-à-vis <strong>de</strong> ce qu’ilsfont, en allant chercher une vérité <strong>de</strong> l’action qui se situe au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>l’expériencié. Il ne s’agit pas <strong>de</strong> trouver une vérité <strong>de</strong> l’action située <strong>de</strong>rrièrel’expérience, mais plutôt d’amener les agents à réfléchir sur leur expérience avec<strong>de</strong>s outils personnels <strong>et</strong> <strong>de</strong>s outils que le chercheur peut leur apporter <strong>de</strong> manièreà ce qu’ils puissent m<strong>et</strong>tre en œuvre l’autorégulation chère à Piag<strong>et</strong> [1975], quien faisait une condition nécessaire <strong>dans</strong> l’élaboration <strong>de</strong>s compétences.Je commence donc par un travail <strong>de</strong> modélisation <strong>de</strong> la tâche, c’est-à-dire quej’i<strong>de</strong>ntifie les comportements qui <strong>de</strong>vraient être activés à chaque phase <strong>de</strong> latâche, ce qui donne la figure classique, en ergonomie, <strong>de</strong> l’arbre <strong>de</strong>s tâches donton trouve un exemple p.88 <strong>de</strong> ce volume. Je dresse ensuite une liste <strong>de</strong> cescomportements <strong>et</strong> je note sur une grille d’observation leurs occurrences <strong>et</strong> leurdurée. Enfin, je transcris ces observations sous forme <strong>de</strong> graphes <strong>de</strong> fluenceappelés cartes <strong>de</strong> navigation <strong>dans</strong> la tâche. La comparaison <strong>de</strong>s cartes <strong>de</strong>navigation, comparaison inter <strong>et</strong> intra-individuelle, me donne une vision <strong>de</strong> lavariabilité stratégique <strong>de</strong>s agents.40


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèsePrépare revient lit/répond avance pause consulte60mns30mnsUneséquencecomportementale :5mnUn comportement :Unmodulecomportemental=3cPrépare revient lit/répond avance pause1Graphe <strong>de</strong> navigation - AM –séance d’informatique41


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseLes comportements verbauxJ’entends par verbalisation celle provoquée par le chercheur. Déjà, à l’époque duTaylorisme, les discours ou entr<strong>et</strong>iens étaient considérés comme faisant partie <strong>de</strong>l’analyse du travail mais étaient séparés <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> l’activité. C’est sousl’influence <strong>de</strong> la psychologie cognitive expérimentale que le chercheur s’est mis àprovoquer la verbalisation, soit pendant, soit après l’activité. Les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>production <strong>de</strong> ces verbalisations dépen<strong>de</strong>nt étroitement du cadre théorique ou <strong>de</strong>smodèles d’analyse du travail. J’ai souvent étudié <strong>de</strong>s journaux <strong>de</strong> bord ou <strong>de</strong>sentr<strong>et</strong>iens postopératoires selon la théorie <strong>de</strong> l’analyse cognitivo-discursive <strong>de</strong>Ghiglione [1998] <strong>et</strong> [Doc. 11, pp. 237-242, Doc. 14, pp. 291-296, p. 279, T1 ;Doc. 20, pp. 96-99, Doc. 21, pp. 234-246, T2].J’ai aussi utilisé <strong>de</strong>s verbalisations provoquées pendant l’action pour extraire lesstratégies <strong>de</strong> compréhension en anglais [Doc. 9, pp. 190-209] ou les représentations<strong>de</strong>s enseignants d’anglais <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s dispositifs utilisant l’Intern<strong>et</strong> comme source <strong>de</strong>l’activité.La première étu<strong>de</strong> expérimentale que je présente au chapitre 13 <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxièmepartie en fournit un exemple. Il s’agit <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre à plat les comportements observablesd’étudiants <strong>dans</strong> une médiathèque d’un centre <strong>de</strong> langues. Nous avons eu recours àun modèle statistique <strong>de</strong>scriptif qui nous perm<strong>et</strong>tait <strong>de</strong> traiter simultanément un trèsgrand nombre <strong>de</strong> variables (A.C.M 19 ), avec pour simple intention <strong>de</strong> savoir quifaisait quoi <strong>dans</strong> la médiathèque, à un instant t donné. Dans ce cas, le modèles’apparente plutôt à un modèle topologique <strong>de</strong>s comportements qu’à un modèlepsychologique d’activités ou <strong>de</strong> conduites.En revanche, la <strong>de</strong>uxième expérimentation, tout en prolongeant la première,s’efforçait <strong>de</strong> modéliser l’activité mentale ou conduites opératoires <strong>de</strong> ces mêmesétudiants, lorsqu’ils étaient en train <strong>de</strong> réaliser une tâche d’analyse <strong>de</strong> document enlangue étrangère. Dans ce <strong>de</strong>rnier cas, la modélisation <strong>de</strong>s mécanismes mentaux <strong>de</strong>l’agent par le chercheur précè<strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> son activité. Le modèle n’a paspour fonction <strong>de</strong> prédire, comme <strong>dans</strong> la démarche expérimentale, mais simplement19 Analyse <strong>de</strong>s Correspondances Multiples [Benzecri, 1976, 1980, 1992].42


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong> construire le recueil <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> manière à ce qu’elles soient sélectionnées <strong>et</strong>organisées à priori, c’est-à-dire en fonction d’une théorie <strong>de</strong> l’activité que nous allonsprésenter un peu plus loin.Il s’agit là d’un élément très important du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive<strong>de</strong> la LVE. En eff<strong>et</strong>, la plupart <strong>de</strong>s formateurs <strong>de</strong> langue ne prennent pas la peined’analyser complètement ce qu’ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt effectivement à leurs étudiants. C’est àdire qu’ils se limitent à définir <strong>de</strong>s tâches <strong>et</strong> <strong>de</strong>s sous-tâches sans avoir réfléchi avecprécision aux opérations mentales (les conduites) qui sont nécessaires à leurréalisation. Parfois même, ils ne se posent pas la question <strong>de</strong>s comportementsqu’implique tel ou tel type <strong>de</strong> tâche. Il n’est pas étonnant, dès lors, que les élèvessoient en difficulté, soit parce que la tâche requiert <strong>de</strong>s habil<strong>et</strong>és qu’ils n’ont pasapprises, soient parce que les contraintes chronométriques sont trop fortes : la tâchene serait pas réalisable, même par un expert. 20Modèles <strong>de</strong> l’activitéVient ensuite la troisième étape <strong>de</strong> la démarche qui consiste à inférer les conduitescognitives à partir <strong>de</strong>s comportements <strong>et</strong> <strong>de</strong>s connaissances scientifiques dont nousdisposons, <strong>dans</strong> le domaine qui nous occupe. Les modèles <strong>de</strong> l’activité correspon<strong>de</strong>ntà l’idée que les agents se font du réel [Leplat <strong>et</strong> Hoc, 1983]. Un modèle classique <strong>de</strong>straitements est celui qui distingue, d’une part, les connaissances déclaratives quiperm<strong>et</strong>tent d’anticiper les évolutions <strong>de</strong> la situation, <strong>de</strong> contrôler le déroulement <strong>de</strong>son action <strong>et</strong> <strong>de</strong> confronter ses résultats aux résultats attendus <strong>dans</strong> la tâche, <strong>et</strong>d’autre part, les connaissances procédurales qui concernent les moyens mis en œuvre<strong>dans</strong> l’action. Mais ce fonctionnement idéalisé, au sens virtuel du terme, est celui quenous livre la psychologie cognitive ou les théories <strong>de</strong> la SLA. En réalité, sur le terrain<strong>de</strong> la classe, le fonctionnement cognitif est influencé par diverses contraintes quiproviennent <strong>de</strong> l’expérience du suj<strong>et</strong> (ses savoirs, ses aspirations), son étatfonctionnel (son niveau <strong>de</strong> vigilance <strong>et</strong> ses capacités attentionnelles), <strong>et</strong> lescontraintes environnementales (les instruments, les consignes, les astreintes, <strong>et</strong>c.).20 On observe tout particulièrement ce genre <strong>de</strong> problème <strong>dans</strong> les tâches qui allient réception <strong>et</strong>production orale.43


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseDans le domaine <strong>de</strong> la LVE, comme <strong>dans</strong> toute activité, l’agent du modèlecognitif n’est pas une réplique fidèle du comportement <strong>de</strong> l’agent idéal. D’une partparce que, à l’instar <strong>de</strong> tout modèle, il ne prétend pas expliquer l’ensemble <strong>de</strong>sphénomènes relatifs aux problèmes, par exemple <strong>dans</strong> une activité <strong>de</strong> production ou<strong>de</strong> réception ; ensuite, parce que la finalité du modèle en didactique <strong>de</strong>s langues estplus ingénierique que scientifique : il s’agit <strong>de</strong> progresser <strong>dans</strong> la compréhension dusystème complexe que représentent les mécanismes <strong>et</strong> stratégies cognitives <strong>de</strong>sagents, afin <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> formation efficaces [Doc. 1, p. 8, Doc. 2,p. 25, Doc. 4, p. 83, Doc. 17, p. 338].Les fonctions du modèleIl y quatre gran<strong>de</strong>s fonctions du modèle en ergonomie : la réduction, la<strong>de</strong>scription, l’interprétation <strong>et</strong>, plus rarement, la simulation. Je les ai toutes mises enœuvre, soit <strong>dans</strong> mes recherches, soit <strong>dans</strong> mon travail d’encadrement. On pourraconstater <strong>dans</strong> la <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> ce travail que plusieurs fonctions peuvent êtreassociées ou appliqués successivement sur le terrain.La réductionLa réduction du réel est inévitable, surtout quand on travaille sur le terrain. Toutessortes d’analogies spatiales sont utilisées pour illustrer ce travail <strong>de</strong> réduction : celle<strong>de</strong> la loupe, celle du zoom, celle du puzzle. En réalité, ces métaphores statiques <strong>et</strong>visuelles cachent le fait que la réduction s’accompagne toujours d’unerestructuration <strong>de</strong> l’information recueillie, selon les objectifs <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>et</strong> lesmoyens scientifiques dont dispose le chercheur. Ainsi, <strong>dans</strong> la premièreexpérimentation que je viens d’évoquer, malgré le nombre <strong>de</strong> variables prises encompte (UFR, année d’étu<strong>de</strong>s, langue étudiée, sexe, cours, supports didactiques,supports techniques, tâches, <strong>et</strong>c.), je ne pouvais prétendre présenter une imagecomplète <strong>et</strong> fidèle <strong>de</strong> la médiathèque du centre <strong>de</strong> langues. J’ai en fait restructurél’obj<strong>et</strong> médiathèque, en fonction <strong>de</strong> la manière dont je souhaitais l’approcher : que sepasse-t-il <strong>dans</strong> un lieu dit d’auto-apprentissage <strong>de</strong>s langues assisté par lestechnologies ? La question posée par un mé<strong>de</strong>cin du travail aurait pu être : que44


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsemangent <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> sciences sociales qui viennent travailler <strong>dans</strong> unemédiathèque d’un centre <strong>de</strong> langues ? Le modèle en eut été fort différent !La <strong>de</strong>scriptionC’est peut-être là une <strong>de</strong>s différences les plus significatives par rapport auxapproches <strong>de</strong> type didactique. Une analyse ergonomique ne fait pas l’économie d’unimportant travail <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription : <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités en référenceà la situation, qu’il s’agisse <strong>de</strong> tâches <strong>de</strong> contrôle, <strong>de</strong> tâches administratives, <strong>de</strong>tâches <strong>de</strong> production, mais surtout, <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s comportements.C’est ce qui m’a amenée à construire <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> quasi-expérimentation sanshypothèse. Pour avancer <strong>de</strong>s hypothèses, il faut avoir recueilli suffisamment <strong>de</strong>données sur la tâche <strong>et</strong> l’activité, ou disposer <strong>de</strong>s connaissances scientifiquessuffisantes pour pouvoir modéliser l’une <strong>et</strong> l’autre. Je ne me trouvais pas <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>ype <strong>de</strong> situation idéale car je ne disposais pas d’un nombre suffisant d’étu<strong>de</strong>sscientifiques menées sur les terrains <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> langue. J’ai donc procédé par<strong>de</strong>scription, parfois même en manipulant <strong>de</strong>s variables, mais à postériori <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s fins<strong>de</strong> caractérisation <strong>de</strong> l’activité, non <strong>de</strong> vérification d’hypothèses, en poursuivant unevalidation interne à l’expérience, comme <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> ESCALE [Doc. 20, p. 9].Bien évi<strong>de</strong>mment, là encore, le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> finesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> précision <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scriptionvarie beaucoup en fonction <strong>de</strong>s modèles employés. Selon Pinsky [1991], ce type <strong>de</strong>modèle peut être qualifié d’« a-théorique ». Il s’agit simplement <strong>de</strong> catégoriescomportementales classées le plus efficacement possible, ce qui ne signifie pasqu’elles ne reposent pas sur une analyse ou <strong>de</strong>s concepts théoriques, mais ces<strong>de</strong>rniers ne sont pas reliés en un ensemble d’hypothèses <strong>et</strong> ne forment pas unensemble cohérent <strong>de</strong> notions. Une démarche scientifique rigoureuse voudrait que,<strong>dans</strong> ce cas, on évitât d’employer le terme <strong>de</strong> modèle qui fait référence à unearticulation théorique. Les structures comportementales ne fournissent pas, àproprement parler, <strong>de</strong>s modèles mais plutôt <strong>de</strong>s résultats. La modélisation vaintervenir au moment <strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong> ces comportements qui vont être liés à<strong>de</strong>s intentions, <strong>de</strong>s actions, <strong>de</strong>s tâches.45


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseL’interprétationLa finalité du travail <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> données <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription est, pour l’ergonome,<strong>de</strong> parvenir à une explication correcte <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> travail, afin, par exemple,d’opérer un diagnostic exact en cas <strong>de</strong> dysfonctionnement ou d’améliorer undispositif <strong>de</strong> formation, ce qui est mon cas. Là encore, le niveau d’explication, <strong>de</strong>compréhension, d’interprétation est commandé par l’activité. L’activité <strong>de</strong> l’agentdépend du niveau auquel se place l’observateur. Le modèle peut aller <strong>de</strong> lasuccession <strong>de</strong>s gestes d’un apprenant lors d’une tâche <strong>de</strong> compréhension orale àl’analyse d’un éditorial écrit <strong>dans</strong> la LVE. L’analyse peut se situer à <strong>de</strong>ux niveaux.Le niveau <strong>de</strong> la tâche, comme nous l’avons vu plus haut, c’est-à-dire <strong>de</strong> ce qui est àfaire, car « la tâche donne à l’activité sa cohérence, indique sa valeur en terme <strong>de</strong>pertinence ou d’erreur » [Almaberti, 1991, p. 20], <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s individus :« l’activité est expliquée par la mise en jeu <strong>de</strong> structures mentales, <strong>de</strong> compétencesou d’une théorie <strong>de</strong> l’action dont les mécanismes sont suffisamment généraux pourdonner lieu à une généralisation explicative <strong>dans</strong> la tâche <strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la tâche. »[Ibid. p. 20]. On parle alors d’interprétation <strong>de</strong>s comportements, mais il ne s’agit paspour l’ergonome <strong>de</strong> se livrer à une activité inférentielle débordante ; la phased’interprétation a seulement pour but <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre à l’observateur <strong>de</strong> compléterl’information donnée par la mise en correspondance <strong>de</strong> l’activité avec la tâche[Doc. 18, pp. 375-380].Par exemple, d’un élève qui ne participe pas, <strong>et</strong> dont le regard vi<strong>de</strong> sembleannoncer qu’il pourrait bien, sous peu, rejoindre les bras <strong>de</strong> Morphée, nousentendons souvent dire qu’il s’ennuie, qu’il n’écoute rien ou qu’il ne comprend rien.De tels propos induisent <strong>de</strong> la qualité d’un regard, une conduite cognitive. C’est uneinterprétation <strong>de</strong> type ergonomique, qui part bien du comportement ; encore faut-ils’assurer qu’elle repose sur un modèle fiable <strong>de</strong> l’activité mentale <strong>de</strong> l’élève. Or, <strong>et</strong>nous aurons l’occasion d’y revenir, <strong>de</strong>s comportements i<strong>de</strong>ntiques peuvent êtrepilotés par <strong>de</strong>s opérations mentales totalement différentes. On ne peut donc pas s’entenir uniquement au comportement, il faut un travail d’élucidation <strong>de</strong> l’activité, menégrâce aux connaissances scientifiques sur lesquelles on peut s’appuyer <strong>et</strong> auxverbalisations [Vermersch, 1994 ; Clot, 2000 ; Doc. 24, pp. 222-245].46


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseLa simulationLa simulation occupe une place importante en didactique <strong>de</strong>s langues car, prise<strong>dans</strong> l’acception commune, toute activité dialoguée en classe <strong>de</strong> langue estsimulatoire. En eff<strong>et</strong>, élèves <strong>et</strong> enseignants se comportent comme si leursinterlocuteurs étaient, par exemple, anglophones, alors que ce n’est pas le cas <strong>et</strong> qu’ilserait beaucoup plus normal qu’ils s’adressent à eux <strong>dans</strong> la langue maternelle. J’aiétudié, avec Dessus, les problèmes que génère une simulation didactique mal pensée[Doc. 2, p. 25].Tandis qu’en didactique, la simulation est un outil déclencheur <strong>de</strong> l’activitélangagière, en ergonomie, la simulation apparait à la fois comme un modèle <strong>et</strong>comme une technique d’analyse <strong>de</strong> l’activité [Béguin & Weill-Fassina, 1997 ;Samurcay & De Keyser, 1998 ; Samurcay & Rogalski, 1998 ; Leplat, 1997].La simulation comme modèle est ainsi définie par Leplat, qui reprend à soncompte la définition générale <strong>de</strong> l’encyclopédie Universalis :La simulation est l’expérimentation d’un modèle […] elleconsiste à réaliser une représentation artificielle duphénomène que l’on désire étudier, à observer lecomportement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te reproduction lorsque l’on fait varierexpérimentalement les actions que l’on peut exercer surcelle-ci, à en induire ce qui se passerait <strong>dans</strong> la réalité sousl’influence d’actions analogues. [Leplat, 2000, p. 93]La simulation peut prendre plusieurs modalités : la simulation <strong>de</strong> la tâche quiconcerne les conditions externes <strong>de</strong> l’activité, la simulation <strong>de</strong> l’activité qui concerneles processus cognitifs, la simulation <strong>de</strong> la situation qui concerne le couple suj<strong>et</strong>tâche<strong>dans</strong> une vision dynamique. C’est c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière modalité que nous avons miseen œuvre <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> ESCALE [Doc. 20-26, T2]. Nous avons simulé une situation<strong>de</strong> travail du mon<strong>de</strong> réel : la fabrication <strong>de</strong> la page d’accueil d’un journal <strong>et</strong> nousavons fait varier les modalités d’organisation du travail (travail collectif/individuel ;travail sur l’ordinateur/travail sur l’imprimé), afin <strong>de</strong> repérer les changementscomportementaux induits par ces changements ainsi que les représentations <strong>de</strong>sagents, élèves <strong>et</strong> enseignants.Avec Marie-Laure Barbier, Annie Piolat <strong>et</strong> Jean-Yves Rousseix, nous avonségalement utilisé un scénario <strong>de</strong> simulation, c<strong>et</strong>te fois centré sur l’activité <strong>de</strong>s élèves,47


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsepour analyser les différences <strong>de</strong> stratégie <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> note en anglais langue secon<strong>de</strong><strong>et</strong> français L1 <strong>dans</strong> le cadre d’un travail sur le Web [Doc. 17, pp. 367-369]. Enfin,j’ai encadré <strong>de</strong> nombreux mémoires professionnels qui utilisaient la simulationcomme activité pédagogique <strong>et</strong> comme démarche d’analyse. Comme activitépédagogique, il s’agit d’élaborer <strong>de</strong>s scénarios préprofessionnels (par exemple, laréalisation d’un gui<strong>de</strong> touristique en anglais <strong>dans</strong> un Tourist Information Bureau, oula recherche d’un emploi sur intern<strong>et</strong>, en langue anglaise) ou encore <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> rôlesou activités dramatiques <strong>de</strong> toutes sortes. Comme démarche <strong>de</strong> recherche, il s’agit <strong>de</strong>modéliser une situation d’interaction en amont, <strong>de</strong> définir <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> réussite oud’échec, <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r leurs indicateurs comportementaux <strong>et</strong> langagiers <strong>et</strong> ensuite <strong>de</strong>simuler la situation pour analyser l’activité ainsi déployée.Les terrains <strong>de</strong> mes recherchesLe volume 2 <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te synthèse présente certains travaux purement spéculatifs surles théories <strong>de</strong> l’apprentissage, sur <strong>de</strong>s questions d’ordre sémiotique ou encore sur lapensée magique <strong>et</strong> mythique qui caractérise encore bien souvent nos conceptions enmatière <strong>de</strong> technologies <strong>de</strong> la formation. Cependant, pour éloignées qu’elles puissentparaître <strong>dans</strong> le temps comme par leurs obj<strong>et</strong>s, ces spéculations m’ont toujourspermis <strong>de</strong> réfléchir aux situations <strong>et</strong> aux outils que j’ai pu observer <strong>et</strong> <strong>de</strong> revenir auxterrains <strong>de</strong> l’expérience, forte du recul qu’apporte un peu <strong>de</strong> culture historique, toutsimplement. En présentant les terrains <strong>de</strong> mes recherches, je ne me limite pas à <strong>de</strong>slieux ou <strong>de</strong>s institutions, je fais référence à <strong>de</strong>s contextes, <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong>formation tels que je les ai observés, analysés, interprétés <strong>et</strong> parfois, transformés. Lesterrains ne sont donc pas, ici, <strong>de</strong>s réalités objectives mais <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s scientifiquescomplexes : à la fois <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> la langue <strong>et</strong> <strong>de</strong>s constructions techniques,didactiques, pédagogiques, sociales fabriquées par le chercheur. En eff<strong>et</strong>, j’aisélectionné, <strong>dans</strong> la matière qu’ils m’offraient, les caractéristiques qui relevaient <strong>de</strong>ma problématique <strong>de</strong> recherche, laissant <strong>de</strong> côté <strong>de</strong>s pans entiers <strong>de</strong> leur réalité.Toute démarche scientifique est forcément réductionniste <strong>et</strong> même l’approche la plusholiste, systémique, <strong>et</strong>hnographique qui soit ne peut échapper à c<strong>et</strong>te règle.48


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseJe distinguerai les terrains <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong> les terrains d’encadrement <strong>de</strong> larecherche. Les terrains <strong>de</strong> recherche sont ceux sur lesquels j’ai moi-même opérédirectement en tant que chercheuse, parfois en tant qu’acteur, comme <strong>dans</strong> unerecherche-action. Les terrains d’encadrement <strong>de</strong> la recherche sont ceux que j’ai étéamenée à connaître mais pas forcément à observer directement <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> montravail d’encadrement <strong>de</strong> DEA, masters ou thèses. Les travaux auxquels ils ont donnélieu, ont autant contribué à l’évolution <strong>de</strong> mes réflexions scientifiques que mespropres travaux.Un centre <strong>de</strong> languesEn 1990, j’ai été nommée enseignante responsable pédagogique du centre <strong>de</strong>langues qui venait <strong>de</strong> voir le jour à l’Université Pierre-Mendès-France <strong>de</strong> Grenoble,université <strong>de</strong>s sciences sociales. Mon travail consistait à imaginer <strong>et</strong> piloter un travailcollectif <strong>de</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> l’autonomie guidée, dispositif hybri<strong>de</strong> dirait-onaujourd’hui. Parallèlement, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’université m’a mise en contact avec leprési<strong>de</strong>nt du laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’éducation <strong>de</strong> Grenoble qui cherchait unterrain <strong>de</strong> recherche pour travailler avec son équipe sur les technologies éducatives.J’ai tout <strong>de</strong> suite vu l’immense bénéfice que c<strong>et</strong>te recherche apporterait à l’équipe<strong>de</strong>s enseignants du centre, tous partants pour l’aventure. Au bout d’un an, passionnéepar ce travail <strong>de</strong> recherche qui nous perm<strong>et</strong>tait <strong>de</strong> savoir comment nos étudiantsévoluaient <strong>dans</strong> ce nouveau dispositif, je décidais <strong>de</strong> quitter la Bodleian Library pourrejoindre l’équipe <strong>de</strong> recherche du professeur Baillé. Le centre <strong>de</strong> langues comportaitsix salles <strong>de</strong> classe, un amphithéâtre <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux salles organisées en salle multimédia.On y enseignait cinq LVE (classiquement l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien<strong>et</strong> le FLE pour les étudiants étrangers). La médiathèque était animée à la fois parl’équipe <strong>de</strong>s cinq professeurs <strong>de</strong> LVE <strong>et</strong> par <strong>de</strong>s étudiants moniteurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s assistantsétrangers. L’une <strong>de</strong> nos missions consistait à nous occuper <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux extrêmes <strong>de</strong> lafameuse courbe <strong>de</strong> Gausse : les étudiants les plus faibles <strong>et</strong> les étudiants les plusperformants. Aux premiers (les plus nombreux, il faut bien l’avouer), nous étionscensés redonner goût au travail <strong>de</strong> la langue étrangère afin qu’ils puissent obtenir leurdiplôme <strong>de</strong> spécialité en sciences humaines ou sociales. Quant aux seconds, le niveaumoyen <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> spécialité ne correspondant pas à leurs potentialités, nous49


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong>vions leur fournir un enseignement <strong>de</strong> niveau C1 ou 2 si je transpose les choses<strong>dans</strong> la perspective actuelle du CECRLE 21 . Les cours avaient pour missiond’apporter un plus, à la fois pédagogique <strong>et</strong> culturel, par rapport aux enseignementsdélivrés <strong>dans</strong> les UFR : initiation à <strong>de</strong> nouvelles langues, travail <strong>de</strong> compétencesprécises, travail en autonomie, cours <strong>de</strong> politique <strong>et</strong> culture, ai<strong>de</strong> à la publication, <strong>et</strong>c.Nous ne nous occupions donc pas <strong>de</strong> la langue <strong>de</strong> spécialité <strong>de</strong>meurée, fortopportunément, <strong>dans</strong> les UFR. Les cours du centre <strong>de</strong> langues s’inscrivaient <strong>dans</strong> lecursus <strong>de</strong>s étudiants comme un crédit, à titre d’option obligatoire. Dès 1990, nousavons également mis en place <strong>de</strong>s formations en autonomie guidée afin <strong>de</strong> répondreaux besoins précis <strong>et</strong> individuels <strong>de</strong> certains étudiants, <strong>et</strong> <strong>de</strong> les engager <strong>dans</strong> unprocessus d’autonomisation. Le centre <strong>de</strong> langues <strong>et</strong> sa médiathèque furent donc lepremier terrain <strong>de</strong> mes recherches. J’ai même pu y évaluer un dispositif : l’autonomieguidée <strong>dans</strong> le cadre d’une recherche ergonomique qui a prévu, presque dès le départ,l’évaluation qui accompagnait la conception du dispositif [Doc. 1, p. 8, Doc. 4, p. 83,Doc. 10, p. 210, T1]. De plus, les conclusions <strong>de</strong> ces recherches ont été discutéesavec l’équipe du centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> manière à apporter les améliorations suggéréespar les résultats. Je mesure aujourd’hui, après avoir mené d’autres expériences surd’autres terrains, combien je fus privilégiée en commençant ma carrière <strong>de</strong>chercheuse <strong>dans</strong> <strong>de</strong> telles conditions. Il est rare que l’éducation nationale perm<strong>et</strong>teaux chercheurs-didacticiens d’aller, en toute liberté, au bout <strong>de</strong> leur travail, c’est-àdirejusqu’à l’intervention <strong>et</strong> l’évaluation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te intervention.Les classes <strong>de</strong> collège <strong>et</strong> <strong>de</strong> lycéeAprès ma nomination à l’IUFM, mon terrain <strong>de</strong> recherche s’est déplacé <strong>de</strong>l’université à l’enseignement secondaire, <strong>et</strong> principalement, mais pas uniquement, lecollège <strong>et</strong> le lycée. À travers l’encadrement <strong>de</strong>s mémoires professionnels <strong>et</strong> le suivi<strong>de</strong>s stagiaires grâce aux visites <strong>de</strong> classes, j’ai eu accès à un champ d’investigationtrès vaste <strong>et</strong> j’ai pu opérer un constant va-<strong>et</strong>-vient entre le terrain <strong>et</strong> la pratique. Ainsi,la théorie <strong>de</strong> l’activité <strong>et</strong> la démarche ergonomique ont servi <strong>de</strong> gui<strong>de</strong> pour les21 Cadre Européen Commun <strong>de</strong> Référence pour les Langues Étrangères50


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseexpériences que menaient les stagiaires <strong>dans</strong> leur classe tandis que mes observationsou leurs conclusions ont généré <strong>de</strong>s questionnements qui m’ont amenée à forger <strong>de</strong>nouveaux obj<strong>et</strong>s d’étu<strong>de</strong>s. C’est clairement le cas pour la motivation. En visitant lesclasses ou en discutant avec mes stagiaires, j’ai acquis la conviction que tous lesmodèles psycho-cognitifs <strong>de</strong> la connaissance ou <strong>de</strong> la mémorisation restaientinopérants si les élèves étaient tout simplement ailleurs : en refus <strong>de</strong> travail. Le proj<strong>et</strong>ESCALE, déjà cité <strong>et</strong> mené <strong>dans</strong> trois classes <strong>de</strong> lycée <strong>de</strong> l’académie <strong>de</strong> Grenoble, aeu pour objectif <strong>de</strong> confronter le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s élèves <strong>et</strong> celui <strong>de</strong>s enseignants <strong>dans</strong>l’appropriation d’un scénario d’apprentissage inspiré par la Webquest <strong>et</strong> recourant àl’Intern<strong>et</strong>.Les IUFML’IUFM fut également un terrain important <strong>de</strong> recherche. Tout d’abord, bien sûr,en raison <strong>de</strong>s mémoires professionnels que j’ai encadré à Chambéry, Grenoble <strong>et</strong>Aix-Marseille. Ils m’ont permis d’avoir accès aux pratiques enseignantes <strong>et</strong> auxreprésentations <strong>de</strong>s enseignants d’anglais en formation. Ensuite, l’IUFM <strong>de</strong> Grenoblea constitué le terrain d’une grosse expérimentation <strong>dans</strong> le cadre d’un proj<strong>et</strong> <strong>de</strong>recherche qui associait l’entreprise AURALOG, distributrice du logiciel TMM, lelaboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’éducation pour l’étu<strong>de</strong> du travail en autonomie, leLIDILEM pour l’analyse <strong>de</strong> l’activité langagière <strong>et</strong> l’IUFM qui nous fournissait lesapprenants en langues. Le proj<strong>et</strong> reposait sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s usages du cédérom par <strong>de</strong>smembres du personnel administratif en situation d’autonomie guidée. AURALOG amis à notre disposition le logiciel TMM <strong>dans</strong> les quatre langues <strong>et</strong> pour tous lesniveaux, <strong>dans</strong> une version réseau béta du produit qui offrait notamment un tuteur àdistance [Doc. 27, T3]. Je n’ai cité ici que les terrains où j’ai piloté une recherchemenée selon la démarche ergonomique, qui est le fil conducteur <strong>de</strong> mon travail, lesautres apparaîtront au cours du volume, quand il sera question <strong>de</strong> tel ou tel article<strong>dans</strong> lequel j’ai apporté une contribution spécifique à une recherche conduite pard’autres chercheurs.51


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseDu cross-checking à la triangulation : élaboration d’une méthodologie <strong>de</strong>rechercheLa modélisation constitue une étape indispensable qui se situe en amont <strong>de</strong>srecherches. Je vais maintenant présenter la méthodologie que j’ai progressivementélaborée pour recueillir <strong>de</strong>s données sur le terrain, <strong>et</strong> qui est susceptible <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r <strong>de</strong>tels modèles ; le lecteur pourra ainsi se reporter à un texte unique lorsque je ferai état<strong>de</strong> ces diverses recherches empiriques.Comme je l’ai expliqué en introduction à c<strong>et</strong> ouvrage, mes toutes premièresrecherches exposées <strong>dans</strong> mon travail <strong>de</strong> thèse se sont inscrites <strong>dans</strong> un contexte oùla guerre entre qualitativistes <strong>et</strong> expérimentalistes battait son plein. Je fus d’embléeplongée <strong>dans</strong> un débat dont la férocité me laissait, d’ailleurs, un peu perplexe, <strong>et</strong> surlequel je suis revenue récemment avec Jean-Paul Narcy 22 lors <strong>de</strong> la journéefondatrice <strong>de</strong> l’association <strong>de</strong>s didacticiens <strong>de</strong> l’anglais ARDA, le 12 septembre 2008à l’IUFM <strong>de</strong> Paris [Doc. 18, p. 371]. Ce débat fut aussi le thème d’un récentséminaire général <strong>de</strong> mon laboratoire, le LIDILEM, durant lequel nous avons puconstater que c<strong>et</strong>te bataille continuerait à faire couler beaucoup d’encre <strong>et</strong> était loind’être terminée.L’équipe <strong>de</strong> didactique expérimentale à laquelle j’appartenais au sein dulaboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’éducation affichait une orientation clairementexpérimentaliste, <strong>et</strong> c’est ainsi que mon travail <strong>de</strong> thèse, mentionné en introduction,suivait la méthodologie <strong>de</strong> la quasi-expérimentation. Il m’est apparu très vite quec<strong>et</strong>te métho<strong>de</strong> orientée « produit » me renseignait bien sur l’eff<strong>et</strong> d’un dispositifpédagogique <strong>et</strong> sur les performances <strong>de</strong>s apprenants <strong>et</strong> m’était tout à fait précieuse entant que telle, mais elle ne me renseignait pas sur le comment, c'est-à-dire sur laquestion <strong>de</strong> savoir par quels processus telle ou telle variable agissait <strong>de</strong> telle ou tellemanière. Or, je le répète ici parce qu’il s’agit véritablement du fil conducteur <strong>de</strong> mesrecherches, mon souci était <strong>de</strong> mener une recherche qui conduise à une interventionsur le terrain <strong>de</strong> la didactique <strong>et</strong> <strong>de</strong> la pédagogie. Il fallait donc que je comprenne un22 Jean-Paul Narcy-Combes (2008). Une épistémologie <strong>de</strong> la didactique <strong>de</strong>s langues.http://www.google.fr/search?hl=fr&q=jean+paul+narcy-combes&m<strong>et</strong>a=&aq=f&oq=. Dernièreconsultation le 2 aout 2009.52


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsepeu mieux comment les dispositifs fonctionnaient <strong>et</strong> pas seulement à quoi ilsaboutissaient. J’ai donc mis au point une métho<strong>de</strong> en 1997 [Doc. 1, p. 8, T1] que j’aiappliquée ensuite à toutes mes recherches <strong>et</strong> qui fut adoptée par mes étudiants enthèse ou DEA : la métho<strong>de</strong> du cross-checking. Elle consistait à associer la métho<strong>de</strong>expérimentale pour produire <strong>de</strong>s résultats sur le quoi à partir <strong>de</strong>s performances <strong>de</strong>sapprenants, puis à utiliser <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s qualitatives pour connaître le comment <strong>de</strong>l’apprentissage <strong>et</strong> analyser <strong>et</strong> interpréter ces résultats afin d’ém<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> nouvelleshypothèses <strong>et</strong> <strong>de</strong> construire les recherches suivantes. Plus récemment, autour <strong>de</strong>sannées 2000, j’ai découvert que <strong>de</strong>s chercheurs en sciences sociales suivaient lamême voie, <strong>et</strong> qu’avait émergé un nouveau paradigme <strong>de</strong> recherche en sciencessociales sous le nom <strong>de</strong> blen<strong>de</strong>d ou mixed m<strong>et</strong>hods [Dörnyei, pp. 163-173] ou encor<strong>et</strong>riangulation [Maxwell, 1996 ; O’Malley & Val<strong>de</strong>z-Pierce, 1996 ; Gable, 1994],<strong>dans</strong> lequel s’inscrivait parfaitement mon propre cheminement. Je vais doncprésenter ici c<strong>et</strong>te méthodologie adaptée à la démarche <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive <strong>et</strong> àmes propres suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> recherche.Une méthodologie fondée sur la notion <strong>de</strong> confrontationPour résoudre les problèmes méthodologiques, nombreux sont les chercheurs ensciences sociales qui recourent à la métho<strong>de</strong> dite <strong>de</strong> triangulation [Maxwell, 1996 ;O’Malley & Val<strong>de</strong>z-Pierce, 1996 ; Gable, 1994]. D’autres ont parlé <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> laconfrontation ou cross-checking m<strong>et</strong>hod [Raby, 1997, 2003, 2007] ou encore <strong>de</strong>l’approche par métho<strong>de</strong>s multiples.Le concept <strong>de</strong> la triangulation est issu d’un emprunt à la trigonométrieA topographical feature can be plotted by observing it 'froma number of known positions, thus forming a triangle inwhich one si<strong>de</strong> and the adjacent angles are known. In thism<strong>et</strong>hod (intersection), the absolute as well as the relativeposition of the feature can be calculate. [Blaikie, 1991,p. 118]Par analogie avec la stratégie militaire <strong>de</strong> localisation d’un point <strong>dans</strong> l’espace, lessciences humaines tentent d’embrasser toute la richesse <strong>et</strong> la complexité ducomportement humain en multipliant les points <strong>de</strong> vue <strong>et</strong> les manières <strong>de</strong> l’analyser.53


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUEFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseIn the measurement of discr<strong>et</strong>e variables, triangulationcontributes to the investigator's efforts to achieveconfirmation or convergent validity. In studies that addressmore encompassing domains of interest, multipl<strong>et</strong>riangulation contributes to the investigator's ability toachieve a compl<strong>et</strong>e un<strong>de</strong>rstanding of that domain. [Knafl &Breitmayer, 1982, p. 237]Pour certains, la triangulation n’est pas seulement la confrontation <strong>de</strong>s données,mais, <strong>dans</strong> l’idéal, la confrontation <strong>de</strong>s chercheurs, la confrontation <strong>de</strong>s théories, laconfrontation <strong>de</strong>s lieux, la confrontation <strong>de</strong>s modèles. C’est la méthodologie quenous avons été en mesure d’appliquer <strong>dans</strong> le cadre du programme ESCALE, menéen réponse à un appel d’offres du ministère, <strong>et</strong> dont l’obj<strong>et</strong> était <strong>de</strong> mesurerl’efficacité <strong>de</strong>s technologies éducatives <strong>dans</strong> l’enseignement <strong>de</strong>s langues [Tome 3].D’aucuns pensent que le grand mérite <strong>de</strong> la triangulation repose sur le fait qu’elleimplique nécessairement <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> pluridisciplinarité ou d’interdisciplinarité enraison <strong>de</strong>s divers obj<strong>et</strong>s que les chercheurs sont censés étudier ou manipuler. En cequi concerne les démarches empiriques, la triangulation fait maintenant l’obj<strong>et</strong> d’unconsensus <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s recherches qualitatives. Cependant, elle a attiréégalement un certain nombre <strong>de</strong> critiques à l’encontre <strong>de</strong> ceux qui ont cru y trouverla panacée du chercheur.Dans leur ouvrage Épistémologie <strong>et</strong> instrumentation en sciences humaines,Pourtois & Desm<strong>et</strong> résument clairement les caractéristiques <strong>de</strong> la triangulation [1988,pp. 52-56]. Ils reprennent notamment à Cohen <strong>et</strong> Manion [1980] les divers types <strong>de</strong>triangulation que le chercheur peut opérer. Je me propose <strong>de</strong> dresser un tableau <strong>de</strong>ces métho<strong>de</strong>s puis <strong>de</strong> développer celles que j’ai utilisées <strong>dans</strong> mes recherches.54


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUETableau <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> triangulationFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseTemporelleOn cherche à prendre en compte les facteurs du changement <strong>et</strong> àanalyser les processus à l’œuvre <strong>dans</strong> l’activité en adoptant unedémarche longitudinale, ou du moins, une démarche dynamique.SpatialeElle consiste à mener <strong>de</strong>s recherches au sein <strong>de</strong> cultures différentespour tester, entre autres, la validité d’un modèle. Par exemple,l’image <strong>de</strong> la langue est-elle la même <strong>dans</strong> divers pays ? [Fagnant<strong>et</strong> al., 2008]Par combinaison <strong>de</strong>niveauxOn utilise différents niveaux d’analyse. Par exemple, <strong>dans</strong> lemodèle <strong>de</strong> la motivation hiérarchique <strong>de</strong> Vallerand [1997], oncombine le niveau global (l’école), contextuel (le domaine <strong>de</strong>tâche en langues) <strong>et</strong> situationnel (celui <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> travail àun temps T donné).ThéoriqueOn confronte le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> diverses théories sur la question.Les acteursOn confronte le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s observateurs (cela correspond àla notion <strong>de</strong> fidélité interjuges). Dans le cas d’une démarcheergonomique, on confronte tous les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s agents autravail entre eux <strong>et</strong> à ceux <strong>de</strong>s observateurs.MéthodologiqueLe chercheur a recours à <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s différentes <strong>de</strong> productionou <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> données.55


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseLes mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> triangulation utilisés <strong>dans</strong> mes recherchesLes recherches que j’ai menées sur le terrain <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> langue se sont étaléessur une pério<strong>de</strong> allant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux/trois mois à trois ans. Dans c<strong>et</strong> exposé, je ne réfère àun document particulier que lorsque l’énoncé ne s’applique pas à l’ensemble <strong>de</strong> larecherche évoquée <strong>dans</strong> le titre.Le programme <strong>de</strong> recherche du Centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> l’université Pierre-Mendès-France [Doc. 1, p. 8, Doc .4, p. 83, Doc. 7, p. 142, Doc. 9, p. 190, Doc. 10, p. 210, Doc. 12,p. 250, Doc. 14, p. 279].La triangulation temporelleLe programme a duré environ six ans. Il s’agit d’une vraie recherchelongitudinale. L’obj<strong>et</strong> était d’i<strong>de</strong>ntifier les règles d’usage d’un dispositif instrumenté(la médiathèque du centre <strong>de</strong> langues) <strong>et</strong> <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s aménagements au dispositifpédagogique <strong>de</strong> l’autonomie guidée. Les trois premières années ont été consacrées àétudier les règles d’usage développées par les apprenants, les trois années suivantes,celles <strong>de</strong>s enseignants.La triangulation <strong>de</strong>s niveauxNous avons également utilisé la triangulation <strong>de</strong>s niveaux puisque nous avonsétudié, à chaque étape, l’évolution <strong>de</strong> la tâche, <strong>de</strong> la tâche prescrite au macroniveauinstitutionnel (instructions ministérielles <strong>et</strong> proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’université) à celle prescrite auniveau <strong>de</strong> l’activité en classe <strong>de</strong> langue ou <strong>dans</strong> la médiathèque [Doc. 4, pp. 89-93].La triangulation <strong>de</strong>s acteursNous avons confronté le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s apprenants <strong>et</strong> <strong>de</strong>s enseignants ainsi quecelui <strong>de</strong>s tuteurs [Colomb<strong>et</strong>, 1998].La triangulation <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>sLa nécessité d’associer observation <strong>et</strong> interprétation <strong>de</strong> l’action nous a conduits àrecourir à plusieurs métho<strong>de</strong>s : l’Analyse <strong>de</strong>s Correspondances Multiples [voir plushaut, p. 11 <strong>et</strong> Doc. 10, pp. 217-221], la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> la quasi-expérimentation pour56


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseanalyser les comportements <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux populations d’étudiants d’anglais, l’uneconstituée d’étudiants tutorés <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> l’autonomie guidée, l’autre constituéed’étudiants lambda qui ne recevaient pas <strong>de</strong> guidage particulier [Doc. 10, pp. 223-225]. Nous avons également utilisé la quasi-expérimentation pour comparer lecomportement <strong>de</strong>s enseignants en autonomie guidée <strong>et</strong> en classe normale [Doc. 4,p. 83]. Nous avons aussi effectué une observation clinique <strong>de</strong> six étudiants d’anglaisen train <strong>de</strong> préparer en autonomie, <strong>dans</strong> la médiathèque, un examen <strong>de</strong>compréhension sur une durée <strong>de</strong> six mois [Doc. 1, p. 8]. Enfin, nous avons procédé àune analyse automatisée du discours pour savoir comment les étudiants <strong>et</strong> lesenseignants se représentaient leurs tâches <strong>et</strong> leur activité <strong>dans</strong> la médiathèque. Dansle cas <strong>de</strong>s étudiants, il s’agissait <strong>de</strong> journaux <strong>de</strong> bord [Doc. 14, p. 279]. Pour ce quiest <strong>de</strong>s enseignants, l’analyse figure <strong>dans</strong> la thèse <strong>de</strong> Martha Borges [Borges, 2001].La triangulation <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> donnéesNous avons utilisé comme sources <strong>de</strong> données <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> l’activités’appuyant sur différents supports imprimés ou électroniques pour la réalisation <strong>de</strong>tâches variées : compréhension ou expression écrites. Nous avons confronté lescomportements instrumentaux <strong>et</strong> les prises <strong>de</strong> notes <strong>de</strong>s étudiants aux questionnaires[Doc. 1, p. 10 <strong>et</strong> 14]. Pour les enseignants, nous avons confronté les interactionsdidactiques recueillies par vidéo aux entr<strong>et</strong>iens. Il s’agissait, <strong>dans</strong> ce cas, <strong>de</strong>confronter les enseignants aux résultats <strong>de</strong>s observations <strong>et</strong> <strong>de</strong>s le faire réagir sur cesrésultats à la manière <strong>de</strong> Clot [2000].Le programme <strong>de</strong> recherche « Tell Me More » [Doc. 20, 21, 22, 23, T2]Il s’agissait <strong>de</strong> répondre à une comman<strong>de</strong> d’expertise émanant conjointement duministère <strong>de</strong> la Recherche <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Technologies <strong>et</strong> <strong>de</strong> la société AURALOG,distributrice du logiciel TMM <strong>dans</strong> une version réseau <strong>de</strong>stinée à l’éducation. PourAURALOG, l’objectif était <strong>de</strong> tester le produit in situ afin <strong>de</strong> l’améliorer ; pour leministère, le but était <strong>de</strong> savoir si le label « intérêt éducatif » pouvait être attribué auproduit.57


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseLa triangulation temporelleL’expérience a duré six mois au lieu <strong>de</strong> huit car la version ne fut prête qu’enseptembre. Selon moi, il s’agit donc plus d’une recherche dynamique, c’est-à-direorientée processus avec <strong>de</strong>s prises d’information répétées sous forme d’observationsou <strong>de</strong> questionnaires, que d’une véritable recherche longitudinale.La triangulation <strong>de</strong>s acteursLa recherche était orientée côté apprenant <strong>et</strong> côté enseignant. Côté apprenant,nous avons comparé le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux populations : <strong>de</strong>s professeurs stagiaires<strong>de</strong>s IUFM <strong>et</strong> <strong>de</strong>s membres du personnel administratif IATOS. Côté enseignant, nousavons confronté le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s tuteurs d’AURALOG <strong>et</strong> ceux <strong>de</strong> nos proprestuteurs étudiants en master <strong>de</strong> Sciences du langage <strong>et</strong> Sciences <strong>de</strong> l’éducation.La triangulation <strong>de</strong>s niveauxDans le cadre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te recherche, la triangulation <strong>de</strong>s niveaux recoupe latriangulation <strong>de</strong> la tâche. En eff<strong>et</strong>, une fois encore, le modèle <strong>de</strong> la transposition <strong>de</strong> latâche nous a conduits à étudier comment l’autonomie guidée <strong>et</strong> la fonction <strong>de</strong> tuteurétaient pensées au niveau <strong>de</strong> l’administration générale, puis au niveau <strong>de</strong> la direction<strong>de</strong> l’IUFM, puis au niveau <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong> langue <strong>de</strong> l’IUFM, <strong>de</strong>stuteurs d’AURALOG <strong>et</strong> enfin par les agents en train <strong>de</strong> l’exercer sur le terrain : nosétudiants-tuteurs.La triangulation <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> donnéesNous avons utilisé les textes ministériels concernant l’enseignement <strong>de</strong>s langues àl’école primaire, puis ceux <strong>de</strong> l’IUFM concernant la formation en langues <strong>de</strong>sprofesseurs <strong>de</strong>s écoles <strong>et</strong> les proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble en ce domaine. Ils’agissait donc d’un travail d’archive. Nous avons ensuite confronté ces données auxquestionnaires que nous avons transmis aux enseignants <strong>de</strong> langue <strong>de</strong> l’IUFM <strong>et</strong> auxtuteurs. Nous avons aussi remis <strong>de</strong>s questionnaires aux apprenants avant <strong>et</strong> après leproj<strong>et</strong>. En cours d’activité, nous avons également utilisé <strong>de</strong>s protocoles <strong>de</strong>verbalisations afin que les apprenants explicitent les procédures qu’ils utilisaient enmanipulant le logiciel ou bien encore les choix linguistiques qu’ils opéraient. Enfin,58


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsenous avons fait passer un pré <strong>et</strong> un post-test <strong>de</strong> prononciation à un p<strong>et</strong>it nombred’apprenants <strong>dans</strong> le cadre d’une démarche clinique <strong>et</strong> non expérimentale : ils’agissait simplement <strong>de</strong> voir comment leur prononciation évoluait.La triangulation <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>sNous sommes restés à l’intérieur du paradigme qualitatif en utilisant <strong>de</strong>s analyses<strong>de</strong> contenu, <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> comportements <strong>et</strong> d’expériences en veillant à lacohérence <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>et</strong> à la validité interne <strong>de</strong> nos résultats. En eff<strong>et</strong>, notreintention n’était pas <strong>de</strong> produire la vérité du logiciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> son usage (validitéexterne), mais <strong>de</strong> déterminer les atouts <strong>et</strong> les défauts du logiciel tels qu’ilsapparaissaient à l’usage <strong>dans</strong> un lieu <strong>et</strong> un temps déterminé.Le programme <strong>de</strong> recherche ESCALE [Doc. 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, T3]Le but <strong>de</strong> ce programme était <strong>de</strong> tester <strong>et</strong> d’analyser les eff<strong>et</strong>s d’un scénariocollaboratif d’apprentissage sur les apprentissages au lycée. J’ai décidé <strong>de</strong> prendre leconcept d’apprentissage <strong>dans</strong> ses <strong>de</strong>ux sens : celui <strong>de</strong> l’acquisition (qu’ont appris lesélèves grâce à ce scénario ?) <strong>et</strong> celui du processus (comment s’est déroulée l’activité<strong>de</strong> la tâche prescrite à la tâche effective ?). En m’appuyant sur les recherchesprécé<strong>de</strong>ntes <strong>et</strong> sur l’équipe que j’avais réunie autour du proj<strong>et</strong>, j’ai pu réaliser unemise en œuvre complète <strong>de</strong> la triangulation. Le proj<strong>et</strong> a consisté à élaborer unscénario <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> l’anglais sur Intern<strong>et</strong> ou à partir <strong>de</strong> documents imprimés, <strong>et</strong> àtester l’eff<strong>et</strong> du scénario sur les apprentissages, sur la motivation <strong>de</strong>s élèves, sur lesstratégies <strong>de</strong>s enseignants <strong>et</strong> sur leurs représentations.La triangulation temporelleIci encore, on peut véritablement parler <strong>de</strong> triangulation temporelle puisque larecherche s’est étalée sur trois ans. La première année, nous avons élaboré <strong>et</strong> testénos outils <strong>dans</strong> plusieurs classes <strong>de</strong> lycée <strong>et</strong> avons monté l’expérience ; la <strong>de</strong>uxièmeannée, nous avons réalisé l’expérience <strong>et</strong> recueilli les données ; durant la troisièmeannée, nous avons commencé à traiter les résultats (ce que nous avons poursuivi lesannées suivantes).59


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseLa triangulation <strong>de</strong>s chercheursComposition <strong>de</strong> l’équipe :Didactique <strong>de</strong> l’anglais1 MCF, 1 doctoranteSciences <strong>de</strong> l’éducation 1 MCF, 1 ingénieur d’étu<strong>de</strong>s, 1doctorante, 3 étudiantes <strong>de</strong> masterPsychologie cognitiveInformatique1 MCF, 1 étudiant <strong>de</strong> master1 doctorantUne telle diversité <strong>de</strong> chercheurs a bien évi<strong>de</strong>mment provoqué d’importantesconfrontations théoriques, parfois même assez houleuses !La triangulation théoriqueNous avons confronté les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la sociologie <strong>de</strong>s usages [Millerand,2003] 23 , <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong>s LVE [Doc. 26, p. 101], <strong>de</strong>s théoriesinteractionnistes [Doc. 27, p. 131] <strong>et</strong> <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> la motivation [Doc. 25, p. 34].L’ergonomie cognitive nous a servi <strong>de</strong> cadre théorique commun pour organiser laconfrontation.La triangulation <strong>de</strong>s données <strong>et</strong> la triangulation <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>sJ’ai choisi <strong>de</strong> présenter ces <strong>de</strong>ux points ensemble tant ils sont intimement liés <strong>dans</strong>un protocole riche <strong>et</strong> complexe. Nous avons adopté une métho<strong>de</strong> pyramidale :23 Pour une revue du champ, se référer en particulier à la revue Réseaux <strong>et</strong> aux actes du colloqueinternational sur les usages. Voir : Actes du 1er colloque international « Penser les usages / ImaginingUses » (1997) ; Actes du 2e colloque international « Usages <strong>et</strong> services <strong>de</strong>s télécommunications àl’heure d’Intern<strong>et</strong> / Uses and Services in Telecommunications Intern<strong>et</strong> Era », ICUST 99 (1999) ; Actesdu 3e colloque international « E-usages », ICUST 2001 (2001).60


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseJe vais tenter <strong>de</strong> présenter le plus clairement possible le protocole auquel nousavons abouti, en partant du plus général pour aller au particulier.Niveau 1 La macrotriangulationMacro-triangulationPoint <strong>de</strong> vue élèves Point <strong>de</strong> vue enseignant Leurs interactionsNiveau 2 La microtriangulation <strong>de</strong>s données : le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’élèveTriangulation :ÉlèvesLes questionnaires <strong>de</strong>motivationLes productionsLes comportementdurant l’activité61


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseNiveau 3 La microtriangulation <strong>de</strong>s participants : le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’élèveTriangulation : ÉlèvesCeux sur support Intern<strong>et</strong>Ceux sur support impriméLes individuelsLes collaboratifsLes fillesLes garçonsNiveau 3 La microtriangulation : le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’enseignantTriangulation :EnseignantsLes entr<strong>et</strong>iens Les journaux <strong>de</strong> bord Les comportementsdurant l’activité62


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELLa triangulation <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>sFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseTriangulationQuasi-Expérimentale-performances-questionnaires-interactionsQualitative-entr<strong>et</strong>iens d’explicitation-auto-confrontation-auto-confrontation croiséeLa triangulation <strong>de</strong>s variablesTriangulation <strong>de</strong>s variablessupport <strong>et</strong> modalitéEff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la variable support impriméversus électronique sur les résultatsEff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la variable individuel versuscollaboration sur les résultatsAfin <strong>de</strong> ne pas alourdir la lecture <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te partie, je renvoie le lecteur à la page 9du Document 24 [T3] pour connaître en détail toutes les microtriangulationsauxquelles nous nous sommes livrés afin <strong>de</strong> suivre le processus d’apprentissage <strong>de</strong> lafaçon la plus complète possible).Une méthodologie dynamiqueC<strong>et</strong>te méthodologie vise à coller parfaitement au modèle ergonomique présenté auchapitre 5 <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage. Toutes les recherches ayant pour but d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>et</strong>63


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsed’analyser le processus <strong>de</strong> formation lié à la mise en œuvre <strong>de</strong> tel ou tel dispositif,une méthodologie <strong>de</strong> type dynamique s’imposait. Je vais donc à présent décrire lesdiverses étapes qui ont marqué le déroulement <strong>de</strong> chaque recherche.Étape 1 : Élaboration du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche‣ Mise au point <strong>de</strong> la problématique <strong>et</strong> du cadre théorique‣ Élaboration <strong>et</strong> test <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>et</strong>préexpérimentationoutils lors d’une préexpérience ouÉtape 2 : L’état <strong>de</strong>s lieuxAfin <strong>de</strong> savoir si le dispositif a un eff<strong>et</strong> sur les apprentissages, les stratégies ou lesreprésentations, nous avons toujours procédé à un état <strong>de</strong>s lieux qui nous servait <strong>de</strong>point <strong>de</strong> départ pour l’analyse du processus. Nous l’avons fait pour les recherchesexpérimentales, pour lesquelles cela s’avère indispensable puisque le prétest a unefonction prédictive <strong>de</strong>s résultats <strong>et</strong> que c’est la confrontation prétest/post-test quinous renseigne sur l’eff<strong>et</strong> d’une variable. Mais nous l’avons fait aussi <strong>dans</strong> lesdémarches cliniques <strong>et</strong> qualitatives, simplement pour nous représenter l’état initial <strong>de</strong>la situation, comme le recomman<strong>de</strong> une démarche ergonomique.Étape 3 : Le dispositif d’enseignement/apprentissage est mis en œuvrePour mes propres recherches, il pouvait s’agir d’un travail <strong>de</strong> l’anglais enautonomie, <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> la une d’un journal, <strong>de</strong> l’utilisation d’un logicield’apprentissage, mais c<strong>et</strong>te méthodologie a été suivie par la plupart <strong>de</strong>s étudiantsdont j’ai encadré, ou co-encadré, le travail <strong>de</strong> thèse, <strong>de</strong> DEA ou <strong>de</strong> master. Lesdispositifs pouvaient aller d’ une ai<strong>de</strong> à la formation <strong>de</strong>s tuteurs d’anglais mise à ladisposition <strong>de</strong>s enseignants handicapés à un dispositif <strong>de</strong> correspondance entre élèvesen classe <strong>de</strong> sixième, en passant par un dispositif <strong>de</strong> vidéo-correspondance en classed’anglais, l’utilisation <strong>de</strong>s assistants <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s activités théâtrales, l’utilisation d’unelangue <strong>de</strong>s signes pour introduire les mots du lexique en anglais en classe <strong>de</strong> sixième,<strong>et</strong>c. Tous les niveaux <strong>et</strong> domaines <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais ont été concernés.Parallèlement à la mise en œuvre du dispositif pédagogique, le dispositif <strong>de</strong>64


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèserecherche sur les processus a été appliqué. Je vais prendre l’exemple d’ESCALE,point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s élèves, pour illustrer la métho<strong>de</strong>.65


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseFigure 1 - Le scénario pédagogique66


Figure 2 - Une méthodologie dynamiqueLe scénario pédagogique1« G<strong>et</strong>ting started »2« Preliminary activities »3« Task »QuestionnairesÉtat <strong>de</strong>s lieux&prétests culturels<strong>et</strong> langagiersQuestionnaireproactif : décrivez latâche que vous allezfaireQuestionnaires actifs& analyse <strong>de</strong>s performances :compréhension, rédactiond’articles, création <strong>de</strong> pagewebQuestionnairesrétroactifs&Analyse <strong>de</strong>sproductions finalesLe scénario <strong>de</strong> recherche67


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseCe schéma général dynamique, qui comporte au moins une phase préopératoire, unephase opératoire <strong>et</strong> une phase postopératoire, a été mis en œuvre <strong>dans</strong> toutes lesrecherches dont j’ai eu la responsabilité <strong>et</strong> que j’ai citées au début du chapitre 8. Pourles autres recherches <strong>de</strong> terrain que j’ai pu mener, par exemple avec Virginie Zampasur Latent Semantic Analysis [Doc. 5, p. 106, T1], Marie-Laure Barbier <strong>et</strong> AnniePiolat sur la prise <strong>de</strong> note en LV [Doc. 17, p. 338, T1] ou encore Jocelyne Accardi <strong>et</strong>Marie-Josée Mossuz sur l’utilisation en LVE du conte à l’école primaire [Doc. 15,p. 302, T1], j’ai apporté ma contribution, surtout sur le plan théorique, mais je n’aipas été à l’origine du protocole <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong> la méthodologie <strong>de</strong> la triangulationn’a pas été utilisée <strong>dans</strong> ces cas là.La métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> la triangulation est, selon moi, celle qui correspond le mieux ausouci <strong>de</strong> rigueur qui caractérise la démarche didactique <strong>et</strong> ergonomique, mais ellen’est pas exempte <strong>de</strong> quelques biais épistémiques que j’ai eu l’occasion d’analyserlors <strong>de</strong> la conférence que j’ai donnée le 12 septembre 2008 à l’IUFM <strong>de</strong> Paris <strong>et</strong> queje reprends <strong>dans</strong> un article en préparation pour l’ACEDLE. J’y ai soulevé troisgrands problèmes : tout d’abord, le piège <strong>de</strong> la pensée métaphorique. Nous savons<strong>de</strong>puis longtemps que nous avons souvent recours à une métaphore lorsque notreraisonnement est pris en défaut. Qu’y a-t-il <strong>de</strong> commun entre le calcultrigonométrique d’un point sur l’océan <strong>et</strong> la confrontation du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>sacteurs ? Ensuite vient un problème <strong>de</strong> logique du discours : le fait <strong>de</strong> prétendrevali<strong>de</strong>r un résultat B par un résultat A n’a <strong>de</strong> valeur que si j’ai d’abord établi lavalidité <strong>de</strong> A. En conséquence, trianguler les données ne dispense pas d’établir sesrésultats <strong>et</strong> analyses <strong>de</strong> manière rigoureuse. Enfin, il y a un problème <strong>de</strong>hiérarchisation : peut-on affirmer raisonnablement que la force d’un résultat obtenupar une métho<strong>de</strong> peut compenser la faiblesse d’un autre ? Dans une recherche endidactique, dire que 30 % <strong>de</strong>s apprenants ont mené la discussion jusqu’au bout sur unchat, <strong>et</strong> <strong>de</strong> manière compréhensible pour leur interlocuteur, ce n’est pas pareil quedire que 30 % <strong>de</strong> ces mêmes apprenants ont trouvé le sens du mot impinge <strong>dans</strong> l<strong>et</strong>exte discuté. La question méthodologique ici posée à propos <strong>de</strong> la triangulations’inscrit, en réalité, <strong>dans</strong> un débat beaucoup plus large qui concerne la dimension <strong>de</strong>sphénomènes <strong>et</strong> leur temporalité <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong>s recherches empiriques.68


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseAprès dix années <strong>de</strong> recherche placées sous le signe méthodologique <strong>de</strong> latriangulation, je considère, pour conclure, que la question méthodologique soulèveun problème épistémique. Pour rendre compte <strong>de</strong> l’efficacité <strong>de</strong>s dispositifs que nousconcevons, il faut analyser trois types <strong>de</strong> phénomènes : linguistiques, cognitifs <strong>et</strong>socio-affectifs. Nous avons donc besoin d’une méthodologie qui assure lacomplémentarité <strong>et</strong> la confrontation <strong>de</strong>s résultats <strong>et</strong> non leur validation réciproque,c'est-à-dire leur vérité scientifique. Mais si nous ne disposons pas d’une théorie quiperm<strong>et</strong>te d’intégrer les résultats auxquels nous arrivons, le fait d’ajouter <strong>de</strong>scomportements physiques <strong>et</strong> verbaux, <strong>de</strong>s productions, <strong>de</strong>s réponses à <strong>de</strong>squestionnaires <strong>et</strong> <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens ne nous perm<strong>et</strong>tra pas <strong>de</strong> rendre vraiment compte <strong>de</strong>l’eff<strong>et</strong> d’un dispositif chez les apprenants. Une bonne recherche ne se mesure pas à laquantité <strong>de</strong>s résultats confrontés mais à leur pertinence <strong>et</strong> leur fiabilité. On peutajouter un kilo <strong>de</strong> plumes <strong>et</strong> un kilo <strong>de</strong> plomb, on obtiendra <strong>de</strong>ux kilos, la nature <strong>de</strong>sobj<strong>et</strong>s est différente mais le poids sera la variable qui perm<strong>et</strong>tra d’arriver à unemesure unique, ici le volume, pour <strong>de</strong>ux éléments qui différent. La démarche que j’aichoisie est celle <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive, parce qu’elle perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> prendre en compteles éléments linguistiques, cognitifs, émotionnels <strong>et</strong> sociaux <strong>de</strong>s phénomènes <strong>dans</strong>une même théorisation <strong>de</strong> l’activité [Engeström, 1999 ; Blin, 2005]. Mais jerenvoie également aux travaux <strong>de</strong>s didacticiens qui partagent le même soucid’abor<strong>de</strong>r les situations d’enseignement/apprentissage <strong>dans</strong> une perspectivesystémique, même s’ils ne s’en réclament pas directement. Mangenot [2000], Bertin[2002], Guichon [2007] <strong>et</strong> Narcy [op.cit.] en sont <strong>de</strong> bons exemples.Résumé <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième partieC<strong>et</strong>te <strong>de</strong>uxième partie a été consacrée à l’exposé <strong>de</strong> la démarche ergonomiqueque j’ai utilisée pour observer l’activité sur le terrain. Elle m’a permis <strong>de</strong> j<strong>et</strong>er lesbases d’une ergonomie cognitive <strong>de</strong> la formation en explorant successivement lescaractéristiques <strong>de</strong> la démarche, la modélisation telle qu’elle s’entend <strong>dans</strong> uneperspective ergonomique, le terrain <strong>de</strong> mes recherches <strong>et</strong> enfin, la méthodologie <strong>de</strong>la triangulation que je tente <strong>de</strong> perfectionner d’une recherche à l’autre.69


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseChapitre 3 L’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVE : un cadreconceptuel pour analyser l’activitéIntroductionLe dénominateur commun <strong>de</strong> tout travail ergonomique est celui <strong>de</strong> l’homme autravail avec, comme pour la didactique, un objectif pratique : améliorer la situation<strong>de</strong> travail <strong>et</strong> notamment, mais pas uniquement, la relation homme-machine. Mais ilexiste <strong>de</strong>ux courants en ergonomie : le premier, celui <strong>de</strong>s human factors, est centrésur les mesures quantitatives <strong>de</strong> composants humains élémentaires (comme lespostures, les informations visuelles, les bruits, les vibrations ou les éclairages) ; lesecond, l’ergonomie cognitive, d’inspiration française, est centré sur l’analyse <strong>de</strong>l’activité <strong>de</strong>s opérateurs ou agents sur le terrain. Les conséquences méthodologiques<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux approches sont importantes. La première se définit comme une science a-théorique qui analyse <strong>de</strong>s fonctions isolées en situation <strong>de</strong> laboratoire. Comme ellene prend pas en compte la spécificité <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> travail, les suj<strong>et</strong>s étudiés sontsimplement censés ne pas dévier par rapport à un « être humain standard », adulte <strong>et</strong>en bonne santé, souvent <strong>de</strong>s étudiants que le chercheur trouve facilement sous lamain. De plus, les tâches <strong>de</strong>mandées n’ont parfois rien à voir avec <strong>de</strong>s tâchesréalisées en situation écologique, comme c’est souvent le cas en psychologie. Enfin,le but est <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s résultats généralisables grâce à une métho<strong>de</strong> expérimentalequ’on pourra ensuite m<strong>et</strong>tre à la disposition <strong>de</strong>s concepteurs. L’amélioration dutravail se fait donc indirectement. À l’inverse, une recherche <strong>de</strong> l’ergonomiecognitive se caractérise par l’analyse puis la modélisation <strong>de</strong>s activités réalisées par<strong>de</strong>s opérateurs humains, <strong>dans</strong> une situation précise <strong>de</strong> travail, <strong>et</strong> non <strong>dans</strong> unlaboratoire. Ce type d’étu<strong>de</strong> a une dimension locale, <strong>dans</strong> la mesure où elle estréalisée sur un terrain imprégné <strong>de</strong>s contraintes réelles apportées par la situation <strong>de</strong>70


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthès<strong>et</strong>ravail. De plus, les activités pratiquées par les suj<strong>et</strong>s sont le fruit <strong>de</strong>s interprétationsqu’ils font <strong>de</strong>s consignes, <strong>de</strong>s prescriptions (institutionnelles <strong>et</strong> technologiques),selon leurs propres représentations, compétences, objectifs personnels <strong>et</strong>professionnels [Leplat, 1997 ; Almaberti <strong>et</strong> Hoc, 1998].Le contraste avec l’approche précé<strong>de</strong>nte est n<strong>et</strong>. Activitésignifie ici que ce ne sont plus les fonctions générales quisont prises en compte, mais <strong>de</strong>s comportements (<strong>de</strong>s gestes,<strong>de</strong>s regards, <strong>de</strong>s paroles) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s raisonnements, tels qu’ils seprésentent <strong>dans</strong> les situations <strong>de</strong> travail naturelles, actuellesou à concevoir. [Montmollin, 1997, p. 138]Une autre difficulté <strong>de</strong> l’ergonomie rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> le fait que c<strong>et</strong>te science, plus quebeaucoup d’autres, fait appel à <strong>de</strong>s termes que nous employons tous les jours <strong>dans</strong> lavie quotidienne, <strong>et</strong> leur donne un sens particulier. Ce sont les gran<strong>de</strong>s notionsergonomiques (tâches, activités, compétences, conduites, exigences, contrôle, <strong>et</strong>c.).Mais l’ergonomie, en tant que corps <strong>de</strong> connaissances constituées, est avant tout unediscipline <strong>de</strong> terrain, une compréhension <strong>de</strong> mécanismes vivants, <strong>et</strong> ne saurait êtreréduite à un lexique. Pour se doter <strong>de</strong> l’équipement terminologique indispensable, ilfaut d’emblée se plonger au cœur <strong>de</strong> la démarche ergonomique, comprendre ce qui ladistingue <strong>de</strong>s autres démarches scientifiques voisines en analyse du travail :essentiellement sa méthodologie. Alors, seulement, les gran<strong>de</strong>s notions <strong>de</strong>l’ergonomie prennent chair. Dans c<strong>et</strong>te troisième partie, je présente ces gran<strong>de</strong>snotions ergonomiques que j’ai rassemblées afin <strong>de</strong> construire le cadre théorique quim’a permis d’élaborer mes modèles, pour ensuite analyser l’activité <strong>de</strong>s apprenants<strong>et</strong> <strong>de</strong>s enseignants. Au cœur <strong>de</strong> ce dispositif théorique se trouve la notion <strong>de</strong> situation<strong>de</strong> travail, car c’est ce niveau du travail qui peut être observé par le chercheur.D’autres niveaux d’approche sont possibles <strong>et</strong> pertinents, <strong>et</strong> peuvent concourir àl’analyse ou à l’interprétation <strong>de</strong> tel ou tel résultat. Par exemple, pour mieuxcomprendre l’activité <strong>dans</strong> un centre <strong>de</strong> langues <strong>dans</strong> les années 1990, nous avons dûnous intéresser aux raisons politiques <strong>et</strong> économiques qui ont fait émerger ce typed’institution <strong>et</strong> le travail en autonomie guidée. Dans sa thèse, Martha Borges [2000,Doc. 4, p. 83, T1] s’est ainsi livrée à un travail d’archive sur la naissance <strong>de</strong>s CLV enFrance <strong>et</strong> notamment à l’université Pierre-Mendès-France. La courte histoire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teinstitution lui a permis <strong>de</strong> partir <strong>de</strong> la tâche prescrite aux enseignants en remontant71


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsejusqu’aux commanditaires politiques. C’est sa gran<strong>de</strong> plasticité qui fait tout l’intérêt<strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> travail, entre concept <strong>et</strong> modèle <strong>de</strong> l’activité. Selon les cas, en eff<strong>et</strong>,on pourra faire remonter la tâche prescrite jusqu’à un niveau très élevé <strong>dans</strong>l’organisation, par exemple, la comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’université, pour un professeur <strong>de</strong>langue ; ou bien, au contraire, réduire le niveau <strong>de</strong> la tâche jusqu’aux unités d’action.Les situations <strong>de</strong> travail en classe <strong>de</strong> langueDans le cadre <strong>de</strong> l’ergonomie classique, une situation <strong>de</strong> travail est définie commel’environnement physique qui compose un poste <strong>de</strong> travail, c’est-à-dire les locaux,les machines, les outils, les informations, les procédures, les objectifs à atteindre, enquantité <strong>et</strong> en qualité, <strong>et</strong> les contrôles d’encadrement [Montmollin, 1995, p. 225].Notons qu’ici, le suj<strong>et</strong> n’est pas considéré. Ce qui est pris en compte, c’est l’aspectphysique <strong>et</strong> technique du travail ou l’aspect extrinsèque <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> travail.Avec l’avènement <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive <strong>et</strong> <strong>de</strong> la psychologie ergonomique, lesétu<strong>de</strong>s vont également tenir compte <strong>de</strong> l’aspect intrinsèque d’une situation <strong>de</strong>travail : le suj<strong>et</strong> qui accomplit une activité, un travail. En fait, pour Leplat <strong>et</strong> Hoc, lasituation <strong>de</strong> travail se définit comme suit :« Le système fonctionnel suj<strong>et</strong>-tâche. Analyser une situation,ce sera analyser ce système, son fonctionnement est par làl’interaction [souligné par moi, FR] entre les <strong>de</strong>ux termes.L’activité est l’expression <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te interaction. » [Leplat &Hoc, 1983, p. 5]72


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseFigure 3 - An ergonomic mo<strong>de</strong>l of a language learning situation [adapté <strong>de</strong> Montmollin,1986, p. 17, <strong>et</strong> Doc. 12, p. 255].73


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseJ’ai défini le concept <strong>de</strong> classe <strong>de</strong> langue comme celui qui recouvre toutes lessituations <strong>et</strong> dispositifs <strong>de</strong> formation en LVE [Raby, 2005, p. 8]. Ce concept est pluslarge que celui <strong>de</strong> situation parce qu’il se réfère à un dispositif institutionnel <strong>et</strong>technique, <strong>et</strong> pas seulement pédagogique ou didactique. En revanche, il est plus étroiten ce sens qu’il désigne les lieux <strong>et</strong> dispositifs d’enseignement <strong>et</strong> d’apprentissageacadémiques, alors que la notion <strong>de</strong> situation <strong>de</strong> formation se réfère à toute situationd’enseignement/apprentissage <strong>de</strong> la LVE. Elle inclut donc <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong>formation professionnelles mais aussi <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> formation créées par <strong>de</strong>sstructures associatives ou <strong>de</strong> loisir ou <strong>de</strong>s leçons particulières. Je ne me suisintéressée qu’aux situations académiques, que ce soit à l’école, au lycée, au collègeou à l’université. Ces situations <strong>de</strong> travail ont pour caractéristique <strong>de</strong> faire appel à <strong>de</strong>stâches complexes pour lesquelles l’analyse <strong>de</strong>s comportements observés ne suffit pasà rendre compte <strong>de</strong>s phénomènes liés à l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE. Au cours <strong>de</strong> montravail, j’ai pu modéliser plusieurs situations <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> l’apprentissage ou <strong>de</strong>l’enseignement <strong>de</strong> l’anglais en fonction <strong>de</strong> différentes conditions externes ou enfonction du point <strong>de</strong> vue que j’adoptais pour examiner le travail, par exemple, lesstratégies ou la motivation (voir la quatrième partie <strong>et</strong> la cinquième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>ouvrage). J’ai été amenée à différencier <strong>de</strong>s situations d’apprentissage, <strong>de</strong>s situationsd’enseignement <strong>et</strong> <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> formation.Les situations <strong>de</strong> formationLe concept <strong>de</strong> situation <strong>de</strong> formation présente quelques avantages théoriques <strong>et</strong>méthodologiques par rapport à celui d’ergonomie didactique [Bertin, 2000]. D’abord,il perm<strong>et</strong> d’englober les situations d’enseignement <strong>et</strong> d’apprentissage <strong>dans</strong> un mêmemodèle <strong>de</strong> l’activité ; ensuite, il ne m<strong>et</strong> pas en avant la technique, même si elle estpresque toujours présente ; enfin, il perm<strong>et</strong> d’inscrire <strong>dans</strong> l’analyse <strong>de</strong> l’activitéd’autres acteurs que les enseignants <strong>et</strong> les élèves, comme un technicien, unedocumentaliste, un parent qui participe à la formation. [Colomb<strong>et</strong>, 1998 ; Raby,74


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse2005, version électronique 24 ]. On peut considérer la situation <strong>de</strong> formation commerelevant d’un plus haut niveau d’organisation que la situation d’enseignement oud’apprentissage. Elle perm<strong>et</strong>, notamment, <strong>de</strong> modéliser la mise en œuvre d’undispositif <strong>de</strong> formation incluant les trois dimensions (élèves, enseignants <strong>et</strong> leursinteractions) <strong>et</strong> d’analyser ensuite les écarts entre le modèle <strong>et</strong> la mise en œuvre dudispositif sur le terrain. [ESCALE, Doc. 22-26, T1]. Enfin, la notion même <strong>de</strong>« formation » débor<strong>de</strong> le cadre <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE tel qu’il est souventconçu par les travaux cognitivistes. Elle perm<strong>et</strong> d’inclure <strong>dans</strong> le travail les facteursaffectifs <strong>et</strong> sociaux du travail, le savoir être, le savoir communiquer <strong>et</strong> le savoir agir.Situations d’apprentissage <strong>et</strong> situations d’enseignementLes situations d’apprentissage ou d’enseignement confrontent l’apprenant oul’enseignant <strong>de</strong> langue à une tâche. On utilise le terme apprentissage ouenseignement selon le point <strong>de</strong> vue adopté par le chercheur <strong>et</strong>, <strong>dans</strong> chaque cas, lesautres acteurs <strong>de</strong> la formation sont vus comme <strong>de</strong>s conditions externes <strong>de</strong> la tâche[Doc. 1, p. 8, Doc. 12, p. 250, T1]. J’ai analysé ces tâches d’un point <strong>de</strong> vuedynamique, en en décomposant les phases <strong>de</strong> planification, d’élaboration <strong>et</strong> <strong>de</strong>contrôle. In fine, j’ai cherché à savoir comment les acteurs <strong>de</strong> la formationélaboraient <strong>de</strong>s stratégies <strong>et</strong> comment ils transformaient ces stratégies en règlesd’apprentissage ou d’enseignement.Ces situations d’apprentissage ou d’enseignement possè<strong>de</strong>nt une autrecaractéristique : elles font apparaître <strong>de</strong>s différences, ou variables, par rapport à unesituation <strong>de</strong> travail professionnelle donnée. Il s’agit essentiellement <strong>de</strong> la variabl<strong>et</strong>emps, <strong>de</strong> la variable connaissance/compétence <strong>et</strong> enfin <strong>de</strong> la variable but. Ceci estvrai pour les apprenants <strong>de</strong> langue mais également pour les professeurs en formation[Doc. 2, p. 25, Doc. 4, p. 83, T1 ; Doc. 28, p. 201, T3].24 La version longue <strong>de</strong> c<strong>et</strong> article a reçu l’autorisation <strong>de</strong>s éditeurs pour être mise en ligne sur leWeb à http://www.grenoble.iufm.fr/fraby/PUBLICATIONS/ergonomic%20research.pdf75


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseCes différences sont résumées, pour l’apprentissage, <strong>dans</strong> le tableau que j’aidressé <strong>dans</strong> le Doc. 12 [p. 9, T1]. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> diverses situations d’apprentissage enLVE m’a conduite à rechercher <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntifier l’influence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux facteurs. Le premierfacteur concerne les modalités d’organisation <strong>de</strong> l’apprentissage. J’ai cherché àcomparer <strong>de</strong>s situations frontales, traditionnelles, à <strong>de</strong>s situations tutorées, encoreappelées situations d’autonomie guidée. Le <strong>de</strong>uxième facteur porte sur la modalitétechnique <strong>et</strong> la médiation <strong>de</strong> l’activité d’apprentissage par les TICE [Doc. 3, 11, 12,19, T1]. L’observation <strong>de</strong> diverses situations d’enseignement m’a amenée à étudier,avec Philippe Dessus, les stratégies <strong>de</strong> présentation <strong>et</strong> d’explication du savoirlangagier ou métalangagier adoptées par les stagiaires d’anglais [Doc. 4, 8, T1], lesstratégies cognitives <strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> la tâche [Doc. 4 <strong>et</strong> 21, T1] <strong>et</strong> les stratégiesd’évaluation [Doc. 28, p. 201, T2]. S’agissant <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong>s languesétrangères à l’école, d’autres disciplines encore sont conviées à apporter leuréclairage : les sciences <strong>de</strong> l’éducation, la psychologie sociale, les théories <strong>de</strong>l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE.Training situationsAcquiring epistemic and proceduralknowledge preparing for professional situationsThe Foreign Language Class (FLC)All training situation involving aca<strong>de</strong>micforeign language learningComputer Assisted LanguageLearning (CALL)All FLC resorting tomultimedia environments for theForeign Language ClassFigure 4 - From work situations to CALL situations [Raby, Doc. 12b, p. 8, versionélectronique].76


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèsePar ailleurs, suivant Bronckart [2004], j’ai désigné les suj<strong>et</strong>s ou individus qui sontles acteurs <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> langue sous le terme d’agents. Je reprends ainsi à moncompte l’usage, courant en ergonomie cognitive, selon lequel les opérateurs sont lesexécutants <strong>de</strong> tâches (dites d’exécution) <strong>et</strong> les agents, plus généralement, toutindividu en train d’agir <strong>dans</strong> une situation <strong>de</strong> travail donnée.Les situations dynamiquesLes situations d’enseignement sont <strong>de</strong>s situations dynamiques au sens que Hoc[1996] <strong>et</strong> Leplat [2000] accor<strong>de</strong>nt à ce terme. D’une part, parce que la situation necesse d’évoluer <strong>et</strong> qu’à l’inverse, l’activité réalisée par le suj<strong>et</strong> modifie la situation <strong>de</strong>travail [Montmollin, 1995, p. 226]. D’autre part, <strong>et</strong> c’est ce qui caractérise unesituation dynamique, la situation se modifie même en l’absence d’action <strong>de</strong> l’agent.L’opérateur ne peut pas déduire entièrement l’état <strong>et</strong>l’évolution du processus à partir <strong>de</strong> la seule connaissance<strong>de</strong>s buts qu’il a poursuivis <strong>et</strong> <strong>de</strong>s actions qu’il a effectuéessur le processus. [Hoc, 1996, p. 48]L’une <strong>de</strong>s orientations <strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong> recherche sur les enseignants <strong>de</strong> langueporte sur l’inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la nature dynamique <strong>de</strong>s situations sur les stratégies qu’ilsdéploient pour compenser le manque <strong>de</strong> contrôle <strong>et</strong> sur la manière dont la situationdynamique, souvent inci<strong>de</strong>ntielle, affecte leurs conceptions en matièred’enseignement [Doc. 4, p. 83, Doc. 6, p. 125, T1 ; Doc. 21, p. 34, Doc. 28, p. 201,Doc. 30, p. 250, T2]. C’est d’ailleurs à partir <strong>de</strong> ce travail que s’est posé, <strong>de</strong> manière<strong>de</strong> plus en plus cruciale, le problème du rôle <strong>de</strong> la motivation en amont <strong>et</strong> en aval<strong>dans</strong> l’activité <strong>de</strong> l’enseignant.Enfin, <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong> l’enseignement, la nature dynamique du travail se double <strong>de</strong>son aspect collectif qui exige d’autres mécanismes <strong>de</strong> planification <strong>et</strong> <strong>de</strong> régulation.L’activité collective : les suj<strong>et</strong>s visent un but global, celui <strong>de</strong>l’activité collective, en réalisant <strong>de</strong>s actions individuellesdont les buts sont subordonnés au but global. [Savoyant,1992, p. 211]77


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèsePar exemple, un centre <strong>de</strong> langues possè<strong>de</strong> un dispositif topographique, technique<strong>et</strong> pédagogique collectif, <strong>dans</strong> lequel les enseignants réalisent leur activitéprofessionnelle <strong>de</strong> façon individuelle la plupart du temps. Ainsi, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’activitécollective s’effectue à partir <strong>de</strong>s activités individuelles, tout en sachant qu’ellesdépen<strong>de</strong>nt à leur tour <strong>de</strong>s conditions collectives du travail ou « tâche collective »[Leplat, 2000 ; Almaberti <strong>et</strong> Hoc, 1998 ; Clot, 1995 ; Theureau <strong>et</strong> Jeffroy, 1994 ;Savoyant, 1992]. Je n’ai pas étudié précisément c<strong>et</strong>te dimension du travail <strong>dans</strong> unprocessus <strong>de</strong> type haut vers le bas, <strong>de</strong> la théorie à la pratique, mais l’ensemble <strong>de</strong>mes recherches conduites sur les enseignants du centre <strong>de</strong> langues [Doc. 4, p. 83,T1], puis, plus tard, à propos du scénario ESCALE [Doc. 24-30, T2] a permis <strong>de</strong>faire émerger l’importance d’une approche <strong>de</strong>s schèmes collectifs <strong>de</strong> travail[Rabar<strong>de</strong>l, 1995].Tâche <strong>et</strong> activité en ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVELes notions <strong>de</strong> tâche <strong>et</strong> d’activité constituent le socle sur lequel s’établissentthéories <strong>et</strong> modèles [Almaberti & al, 1991 ; Hoc, 1992 & 1996 ; Leplat, 1997 &2000]. L’activité est ce qui se fait, la tâche est ce qui est à faire. La tâche véhiculeune notion <strong>de</strong> prescription, voire d’obligation, l’activité renvoie aux processusemployés par les opérateurs pour exécuter ces prescriptions [Leplat, 1997, 2000]. J’aiadapté ce modèle à la situation d’enseignement ou d’apprentissage d’une LVE[Raby, Doc. 12, p. 255, T1].L’activité est, plus encore, le produit <strong>de</strong> l’interactivité entre un suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> une tâche.Notons tout d’abord qu’en ergonomie, à la différence <strong>de</strong> la psychologie, le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>l’activité est souvent appelé opérateur. Les notions d’opération, opérateur,opératoire, opérativité désignent le fait que les processus psychologiques étudiéssont toujours finalisés par la réalisation d’une tâche 25 . Pour illustrer c<strong>et</strong>te différence,prenons la question du savoir lexical. Un psychologue peut se livrer à <strong>de</strong>s25 Bien évi<strong>de</strong>mment, il s’agit souvent <strong>de</strong> plusieurs opérateurs travaillant en relation <strong>et</strong> <strong>de</strong> plusieurstâches ; le terme tâche a ici valeur <strong>de</strong> notion théorique.78


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseexpériences pour tenter <strong>de</strong> découvrir par quels processus un suj<strong>et</strong> est capable ou non<strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en mémoire à long terme <strong>de</strong>s mots dont la morphologie est proche dufrançais mais dont la phonologie s’en éloigne, comme le mot i<strong>de</strong>ntity. Pour cela, ilsoum<strong>et</strong>tra par exemple le suj<strong>et</strong> à <strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong> rappel. L’ergonome, lui, cherched’abord à savoir si le suj<strong>et</strong> a besoin ou non d’utiliser le mot i<strong>de</strong>ntity <strong>dans</strong> le cadred’une tâche d’analyse d’un document, ou d’une tâche <strong>de</strong> conversation, <strong>et</strong> s’il estcapable <strong>de</strong> le faire. La connaissance du mot i<strong>de</strong>ntity <strong>de</strong>vient une connaissanceopérative, finalisée, un savoir en acte [Vergnaud, 1981]. Avec l’avènement du Cadre<strong>de</strong> Référence Commun Européen pour les langues étrangères [CECRLE], ladidactique <strong>de</strong>s langues a mis, radicalement pourrait-on dire, le savoir en acte.La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, <strong>de</strong>type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager <strong>et</strong>l’apprenant d’une langue comme <strong>de</strong>s acteurs sociaux ayantà accomplir <strong>de</strong>s tâches (qui ne sont pas seulementlangagières) <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s circonstances <strong>et</strong> un environnementdonnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Siles actes <strong>de</strong> parole se réalisent <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s activitéslangagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieurd’actions en contexte social qui seules leur donnent leurpleine signification. Il y a « tâche » <strong>dans</strong> la mesure oùl’action est le fait d’un (ou <strong>de</strong> plusieurs) suj<strong>et</strong>(s) qui ymobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s)dispose(nt) en vue <strong>de</strong> parvenir à un résultat déterminé. Laperspective actionnelle prend donc aussi en compte lesressources cognitives, affectives, volitives <strong>et</strong> l’ensemble <strong>de</strong>scapacités que possè<strong>de</strong> <strong>et</strong> m<strong>et</strong> en œuvre l’acteur social.[CRCE, p. 15]Pour créer les conditions <strong>de</strong> l’émergence <strong>de</strong> ce savoir, l’enseignant européen apour mission d’engager l’apprenant <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s tâches dites actionnelles (ce quiressemble fort à un pléonasme), c’est-à-dire pragmatiques <strong>et</strong> socialement pertinentes,<strong>et</strong> pas uniquement didactiques. Or la notion <strong>de</strong> tâche ne paraît pas avoir totalementgagné en clarté avec l’avènement du CECRLE. Depuis quelques années, le nombred’ouvrages consacrés aux tâches en LVE n’a cessé d’augmenter <strong>et</strong>, comme lesouligne Ellis [2003, p. 2], qui recense pas moins <strong>de</strong> 9 définitions <strong>de</strong> la tâche, il n’estpas certain que l’abondance taxonomique ait vraiment clarifié la question [Nunan,2004 ; Ellis, 2005]. Selon moi, cependant, les concepteurs <strong>de</strong> dispositifsd’apprentissage médiatisé <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s langues (plus généralement désigné79


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsepar l’acronyme CALL 26 <strong>dans</strong> la littérature internationale) ont permis <strong>de</strong>s avancéesimportantes <strong>dans</strong> ce domaine, <strong>dans</strong> la mesure où leur conception <strong>de</strong>s tâches [Legros& Crinon, 2002, Demaizière, 2008, Bertin, 2002 ; Narcy, 2005 ; Mangenot &Pénilla, 2009] ou <strong>de</strong>s microtâches [Guichon, 2006] inclut forcément un agent, doncune activité, fussent-ils virtuels. La finalité pragmatique <strong>de</strong> la tâche, dont il ne fautpas oublier qu’elle est sous-tendue par une théorie <strong>de</strong>s compétences, obligeaujourd’hui les chercheurs à i<strong>de</strong>ntifier <strong>et</strong> combiner les dimensions linguistiques,sociales, cognitives <strong>et</strong> affectives <strong>de</strong> la tâche [Defays, 2005]. Mais c<strong>et</strong>te complétu<strong>de</strong>ne doit pas cacher une difficulté : celle <strong>de</strong> l’opérationnalité <strong>de</strong>s théories sur le terrain.Conseillère pédagogique pendant 10 ans au lycée, formatrice <strong>de</strong> formateurs àl’université, je ne manquais ni <strong>de</strong> l’imagination, ni <strong>de</strong> la rigueur nécessaires pourélaborer <strong>de</strong>s tâches bien conçues au regard <strong>de</strong> l’objectif langagier que je visais <strong>et</strong>pour moi, l’énigme restait l’activité : le décalage entre la tâche prescrite <strong>et</strong> la tâcheréalisée par mes élèves. Pour résoudre c<strong>et</strong>te énigme, j’avais besoin d’un modèleperm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en relation la tâche prescrite <strong>et</strong> la tâche effectivement réalisée,fruit <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s agents.La Tâche en ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVEMontmollin [1996] définit la Tâche comme un ensemble <strong>de</strong> buts donnés <strong>dans</strong> <strong>de</strong>sconditions déterminées. C<strong>et</strong>te définition a r<strong>et</strong>enu mon attention en raison <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teprécieuse simplicité qui lui confère à la fois un pouvoir d’abstraction important (laTâche est ici un concept abstrait qui désigne une classe importante d’obj<strong>et</strong>s) <strong>et</strong> unpouvoir d’application à toute situation <strong>et</strong> à tout domained’enseignement/apprentissage. C’est un critère <strong>de</strong> choix très important pour quisouhaite relier constamment les modèles à l’observation <strong>de</strong> l’activité. Si on nepossè<strong>de</strong> pas une définition ou un modèle générique s’appliquant à une large classe <strong>de</strong>situations, on ne peut, ensuite, établir <strong>de</strong> comparaisons entre ces situations. C’est unproblème que je rencontre en didactique <strong>de</strong>s langues. Par exemple, au niveau <strong>de</strong> lacaractérisation d’une tâche, la tâche dite <strong>de</strong> compréhension est très différente <strong>de</strong> la26 Computer Assisted Language Learning80


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthès<strong>et</strong>âche dite <strong>de</strong> production. De même, les tâches <strong>de</strong> l’apprenant ne sont pas les tâches<strong>de</strong>s enseignants. Or, lorsque j’ai souhaité comparer le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’apprenant <strong>et</strong>le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’enseignant évoluant <strong>dans</strong> un même dispositif, j’ai eu besoin d’unmodèle <strong>de</strong> la tâche suffisamment général pour caractériser <strong>de</strong>s processus communsaux <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> situations, par exemple, <strong>de</strong>s stratégies ou <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> procédures.[Doc. 1, 6, T1 ; Doc. 21, 22, 24, T2]. Le modèle que j’ai adapté <strong>de</strong> Montmollin [voirce document, supra, p. 22] m’a fourni l’outil nécessaire à <strong>de</strong> telles comparaisons.Le domaine <strong>de</strong> tâchesDéveloppée par Hoc [1992], la notion <strong>de</strong> domaine <strong>de</strong> tâches trouve son origine<strong>dans</strong> la théorie du refl<strong>et</strong> qui considère que l’activité cognitive se développe <strong>dans</strong> unmilieu culturel qui la façonne en partie. La théorie du refl<strong>et</strong> [Galpérine, 1966,Talysina, 1974] cherche à décrire la relation entre un suj<strong>et</strong> (ici les agents <strong>de</strong> la classe<strong>de</strong> langue) <strong>et</strong> un domaine <strong>de</strong> tâches (ici le domaine <strong>de</strong> l’anglais, langue <strong>et</strong> culture). Lerefl<strong>et</strong> est le processus d’intériorisation du mon<strong>de</strong> objectif extérieur (le domaine) parle suj<strong>et</strong>. C<strong>et</strong>te réalité objective (terme employé par les auteurs, mais je préfère celui<strong>de</strong> réalité extérieure) est déterminante <strong>dans</strong> la formation <strong>de</strong> l’action car elle intègreles propriétés <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s sur lesquelles portent les actions <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> les métho<strong>de</strong>sd’action. L’ensemble constitue la base d’orientation <strong>de</strong> l’action [Hoc, 1992, p. 24].Ochanine, en construisant le concept d’image opérative, précise la théorie du refl<strong>et</strong>en lui attribuant <strong>de</strong>ux caractéristiques : d’une part, elle sélectionne <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong>objectif uniquement les propriétés dont elle a besoin, elle est donc schématique.D’autre part, elle peut provoquer une déformation fonctionnelle, c’est-à-dire accor<strong>de</strong>rplus <strong>de</strong> poids à certaines propriétés qu’elles n’en ont <strong>dans</strong> la réalité.Les mémoires professionnels portant sur l’activé <strong>de</strong>s apprenants m’ont fourni unexemple récurrent <strong>de</strong> la théorie du refl<strong>et</strong> <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong>s tempsverbaux. Nombreux sont les enseignants qui commencent, encore aujourd’hui, laprésentation <strong>de</strong>s temps du présent avec la forme en be+ing. Elle est notamment utilepour décrire les saynètes figurant <strong>dans</strong> les manuels, grâce auxquelles les élèves <strong>de</strong>6ème apprennent les verbes centrés sur les actions physiques <strong>de</strong>s personnages(s’asseoir, courir, parler, écrire, <strong>et</strong>c.). Parce qu’ils sont souvent conviés à décrire ces81


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseactions qui se déroulent <strong>de</strong>vant leurs yeux, les élèves en déduisent que la formebe+ing décrit « une action en train <strong>de</strong> se dérouler ». S’ensuit une double déformationqui illustre la théorie du refl<strong>et</strong> du point <strong>de</strong> vue du rapport qu’entr<strong>et</strong>ient l’interlangue àla langue cible : premièrement, la forme be+ing est associée à la propriété temps duprésent à l’exclusion d’autres temps <strong>et</strong> <strong>de</strong>uxièmement, c<strong>et</strong>te forme du présent <strong>de</strong>vientsurutilisée en classe <strong>et</strong> par les élèves par rapport à son usage par les locuteursnativophones [Cornillon, 2004].En ergonomie cognitive, on appelle désormais ces ensembles <strong>de</strong> tâches trèsconnexes, préexistants à l’activité du suj<strong>et</strong>, constitués socialement <strong>et</strong> historiquement,transmis au suj<strong>et</strong> par l’éducation <strong>et</strong> irréductibles les uns aux autres, <strong>de</strong>s domaines <strong>de</strong>tâches.Nous considérons un domaine <strong>de</strong> tâches comme un ensemblestructuré d’obj<strong>et</strong>s, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scripteurs <strong>de</strong> propriétés <strong>de</strong> cesobj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s opérations sur ces obj<strong>et</strong>s. [Hoc, op. cit.,p. 24]Ainsi, la langue étrangère constitue-t-elle, du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> la classe,un domaine <strong>de</strong> tâches. Elle recouvre <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s langagiers, linguistiques <strong>et</strong> culturels.Pour décrire chaque obj<strong>et</strong>, on a recours à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scripteurs : syntaxe, lexique, registre<strong>de</strong> langue, <strong>et</strong>c. Autrefois très centrée sur la composante linguistique <strong>et</strong> langagière dudomaine, la recherche en LVE a inscrit <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> tâches les savoirsculturels <strong>et</strong> surtout anthropologiques, puis communicationnels <strong>et</strong> enfin actionnels(Accardi, 2000). Le domaine <strong>de</strong> tâches pourrait être rapproché <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> champconceptuel développée par Vergnaud : « champ <strong>de</strong> connaissances suffisammenthomogène pour qu’on puisse l’analyser par un réseau connexe <strong>de</strong> concepts <strong>et</strong> <strong>de</strong>relations <strong>et</strong> suffisamment large pour qu’on ne laisse pas échapper <strong>de</strong>s aspects quijoueraient un rôle important <strong>dans</strong> le processus d’acquisition. » [Vergnaud, 1980,p. 186]En langue étrangère, l’apprenant est toujours confronté à trois domaines <strong>de</strong> tâchesdistincts : la langue étrangère (savoirs <strong>et</strong> savoir-faire), la technique (au sens d’unensemble <strong>de</strong> procédés à m<strong>et</strong>tre en œuvre pour réaliser <strong>de</strong>s tâches <strong>et</strong> non au sensd’obj<strong>et</strong>s matériels) <strong>et</strong> la culture (car la dimension culturelle fait aujourd’hui partieintégrante <strong>de</strong> l’obj<strong>et</strong> LVE). Plusieurs <strong>de</strong> mes recherches ont consisté à m<strong>et</strong>tre en82


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèserelief les exigences cognitives d’un tel travail [Doc. 3, p. 46, Doc. 17, p. 338, Doc. 8,p. 162, T1 ; Doc. 21, p. 19, T2 ; Doc. 26, p.101, T3]. Or, paradoxalement, si tous lesauteurs en SLA reconnaissent l’existence d’un domaine culturel (content domain) <strong>et</strong>d’un domaine linguistique (form domain), <strong>et</strong> si tous posent le problème <strong>de</strong> leurarticulation <strong>dans</strong> l’activité, rares sont ceux qui s’interrogent sur le domaine techniqueou méthodologique, sauf <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong>s TICE, bien évi<strong>de</strong>mment. L’approcheergonomique, à l’inverse, suppose que toute activité est instrumentée [Leplat, 2000 ;Montmollin, 1996] <strong>et</strong> donc toute situation <strong>de</strong> travail en langue exige la maîtrise <strong>de</strong>sinstruments, fussent-ils humains ou psychologiques. Ainsi, la théorie <strong>de</strong> l’étayage[Bruner, 1983] ou celle <strong>de</strong> la Zone Proximale <strong>de</strong> Développement [Vygotski, 1934]peuvent être comprises <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue.Par ailleurs, l’un <strong>de</strong>s objectifs du cours <strong>de</strong> langue est bien <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre aux élèves,à travers la répétition <strong>et</strong> la diversification <strong>de</strong>s tâches, <strong>de</strong> répéter <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong>manière qu’elles finissent par s’automatiser, ce qui libère <strong>de</strong> l’espace cognitif. Maisil m’a fallu, au fil <strong>de</strong> mes recherches, clarifier un point : le mécanismed’automatisation, tel que décrit par An<strong>de</strong>rson [1983] par exemple, ne sauraits’appliquer aux macrotâches proposées aujourd’hui en cours <strong>de</strong> langue, qui articulentplusieurs buts linguistiques, sociaux <strong>et</strong> culturels comme une Webquest. Il s’appliqueplutôt à la microtâche, telle que définie par Guichon, [2006, p. 79] comme unité <strong>de</strong>pratiques cognitives centrée sur un aspect linguistique, pragmatique ousocioculturel, <strong>et</strong> que nous avons analysée <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> Tell Me More [Konan, 2001 ;Zouai, 2001 ; Frost, 2008]. En revanche, pour Long [1985], Nunan [2004] <strong>et</strong> Ellis[2004], la distinction vient non <strong>de</strong> la dimension <strong>de</strong> l’activité mais <strong>de</strong> la centration sur<strong>de</strong>s buts distincts. Nunan différencie les tâches pédagogiques <strong>de</strong>s tâches du mon<strong>de</strong>réel [Nunan, 2004, p. 2], tandis qu’Ellis [2004] distingue les tâches centrées sur lemessage, qu’il propose d’appeler exercices, <strong>et</strong> les tâches centrées sur le contenu,auxquelles il réserve le nom <strong>de</strong> tâche. Pour ma part, je refuse d’utiliser les concepts<strong>de</strong> tâche authentique ou <strong>de</strong> tâche du mon<strong>de</strong> réel qui sont axiologiquement biaisés. Latâche qui consiste à transformer une phrase me paraît aussi « authentique » que celle<strong>de</strong> répondre à une l<strong>et</strong>tre ; où est la norme <strong>de</strong> l’authenticité ? Et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la classe,lieu <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> d’apprentissage, me semble aussi « réel », quoique différent, quecelui du pub ou <strong>de</strong> l’atelier <strong>de</strong> peinture.83


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseC’est pourquoi, au fur <strong>et</strong> à mesure <strong>de</strong> mes recherches, j’ai fait la distinction entremacrotâche <strong>et</strong> microtâche d’apprentissage, pour arriver aujourd’hui aux définitionssuivantes.La macrotâche d’apprentissage <strong>de</strong> la LVE‣ Elle fait appel aux trois domaines <strong>de</strong> tâches précé<strong>de</strong>mment i<strong>de</strong>ntifiés(linguistique, culturel, technique).‣ Il existe un lien entre les buts <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> les activités du mon<strong>de</strong> réel, latâche étant le fruit d’une activité sociale.‣ La réalisation <strong>de</strong> la tâche est prioritaire sur la correction langagière.‣ L’évaluation <strong>de</strong> la tâche porte non seulement sur le résultat mais aussi surle processus <strong>de</strong> réalisation.‣ Du point <strong>de</strong> vue du chercheur, l’analyse <strong>de</strong> l’activité ne peut être réaliséeen une seule observation. Elle exige plusieurs prises d’information,correspondant aux diverses phases <strong>de</strong> l’activité qui est nécessairementétalée <strong>dans</strong> le temps. En eff<strong>et</strong>, l’observation <strong>de</strong>s comportements ne suffitpas à analyser l’activité déployée <strong>dans</strong> une macrotâche. Des entr<strong>et</strong>iensdoivent venir la compléter.La microtâche d’apprentissage <strong>de</strong> la LVE‣ Elle résulte d’une décomposition <strong>de</strong> la tâche en sous-tâches.‣ Les procédures exécutées ne sont pas forcément celles requises d’un point<strong>de</strong> vue pragmatique (par exemple, mémoriser l’alphab<strong>et</strong> international oum<strong>et</strong>tre un verbe au temps voulu).‣ En revanche, ces activités préparent au mon<strong>de</strong> réel, les obj<strong>et</strong>s langagierschoisis le sont à partir <strong>de</strong>s besoins définis par les tâches du mon<strong>de</strong> réel.84


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse‣ L’évaluation porte sur le résultat : il s’agit d’un contrôle.‣ Pour le chercheur, c’est le niveau <strong>de</strong> l’unité d’observation <strong>de</strong>s apprenantsau travail. La microtâche comporte un ensemble <strong>de</strong> procédures attenduesou prescrites <strong>et</strong> l’observateur peut suivre les comportements <strong>de</strong>s élèves(procédures d’élaboration, d’exécution <strong>et</strong> <strong>de</strong> contrôle) <strong>et</strong> noter la manièredont ils réalisent la tâche en établissant la chronologie <strong>de</strong>s comportements.À partir <strong>de</strong> là, il peut remonter <strong>de</strong>s comportements vers les procédures <strong>et</strong><strong>de</strong>s procédures vers l’activité mentale [voir figure 5, p.86].Pour conclure, une analyse détaillée <strong>de</strong> la tâche perm<strong>et</strong> ensuite <strong>de</strong> confronter latâche prescrite à la tâche redéfinie par l’agent, la tâche effective ou réalisée <strong>dans</strong>l’activité. Ainsi, la figure suivante présente l’arbre <strong>de</strong> la tâche <strong>de</strong> compréhensionécrite qui a été réalisé par <strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> langue qui ont participé à ma premièrerecherche longitudinale [Doc. 1, p.8, Doc. 4, p. 83, T1]. Avant d’observer lecomportement d’étudiants réalisant, en autonomie, un travail <strong>de</strong> compréhension sur<strong>de</strong>s documents variés, j’ai <strong>de</strong>mandé aux enseignants <strong>de</strong> bien vouloir lister <strong>et</strong> classerles comportements qu’ils étaient censés déployer, selon l’ordre chronologique <strong>de</strong>strois phases : préparation/exécution/contrôle. Il s’agissait d’un modèle général <strong>de</strong> latâche puisqu’il pouvait s’appliquer quel que soit le support <strong>et</strong> quel que soit la langue.Cependant, nous nous sommes intéressés uniquement aux étudiants d’anglais.85


Figure 5 - L’arbre <strong>de</strong> la tâche <strong>de</strong> compréhension186


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseL’approche ergonomique distingue les objectifs <strong>et</strong> les buts <strong>de</strong> la tâcheLa notion <strong>de</strong> but constitue déjà, pour le néophyte, une première difficulté. Eneff<strong>et</strong>, il convient <strong>de</strong> ne pas confondre but <strong>et</strong> objectif. L’objectif appartient au domaine<strong>de</strong> l’intention, <strong>de</strong> la finalisation <strong>de</strong> la tâche à long terme. Il relève <strong>de</strong> l’intention, iln’est pas visible, il inclut d’autres tâches. On pourrait dire, en quelque sorte, qu’iljustifie la tâche par rapport au système général <strong>dans</strong> lequel elle se déroule. Parexemple, l’amélioration <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong> compréhension n’est pas directementvisible, l’enseignant doit la déduire <strong>de</strong>s performances réalisées par un élève pour telleou telle tâche. Ou, à un niveau encore plus éloigné <strong>de</strong> l’activité, les objectifs d’unenseignement <strong>de</strong> l’anglais pour chaque classe sont définis <strong>dans</strong> les programmes ; lesobjectifs <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong>s langues sont définis par le Conseil <strong>de</strong> l’Europecomme l’apprentissage d’une langue vue comme instrument pour l’action.Le but, à l’inverse, définit la finalité <strong>de</strong> la tâche, telle qu’elle peut s’appréhen<strong>de</strong>r<strong>dans</strong> la performance, <strong>dans</strong> le résultat. D’une manière très générale, on explique le butcomme la transformation d’un obj<strong>et</strong> quelconque (obj<strong>et</strong> matériel ou mental) d’un étatinitial à un état final, en passant par un état intermédiaire. L’état final peut êtrevisible comme une pièce r<strong>et</strong>apissée, mais aussi invisible, <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong> l’activitémentale, comme la connaissance d’un mot nouveau. Prenons l’exemple <strong>de</strong> l’élève <strong>de</strong>terminal <strong>et</strong> imaginons que le but <strong>de</strong> la tâche soit la compréhension auditive d’undocumentaire sur l’élection <strong>de</strong> Barak Obama. On ne peut savoir si ce but est atteintqu’à travers la grille <strong>de</strong> compréhension que l’élève aura remplie, ou bien lesquestions auxquelles il aura répondu, ou encore la traduction d’un discours, <strong>et</strong>c. Cestraces <strong>de</strong> l’activité nous renseigneront partiellement sur l’activité mentale particulièrequi aura présidé à ces comportements verbaux. Le but ne se voit pas, mais on déduitsa réalisation <strong>de</strong>s performances qui, elles, sont visibles. C’est là toute la difficultépour les enseignants novices, qui considèrent souvent que si la grille est bien remplie,l’élève a bien compris. C’est ignorer l’impact <strong>de</strong> la tâche sur le but. Le fait d’avoir àremplir une grille à propos d’un documentaire concernant l’élection <strong>de</strong> Barak Obamaaffecte la manière même dont l’élève comprend c<strong>et</strong> évènement [Doc. 3, p. 46,Doc. 5, p. 106, Doc. 9, p. 190, Doc. 22, p. 101]. Si on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> traduire un87


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsearticle portant sur c<strong>et</strong>te question, ou <strong>de</strong> rendre compte d’un documentaire, ou encored’écrire à un ami pour lui relater la chose, sa « compréhension » du phénomènediffère. On peut encore aller plus loin en affirmant (à la manière <strong>de</strong> Chomsky ou <strong>de</strong>Saussure) que la compétence <strong>de</strong> compréhension ne peut jamais totalements’actualiser, qu’elle est médiée par la tâche… <strong>et</strong>, donc, qu’il n’est pas possible <strong>de</strong>l’évaluer directement.On touche là au domaine <strong>de</strong>s conduites cognitives qui sous-ten<strong>de</strong>nt lecomportement <strong>et</strong> qui sont invisibles car elles appartiennent au domaine <strong>de</strong> l’activitémentale <strong>de</strong> l’élève. C<strong>et</strong>te distinction entre l’activité mentale, source invisible <strong>de</strong>scomportements, <strong>et</strong> les tâches conçues comme un ensemble <strong>de</strong> buts à atteindre àtravers <strong>de</strong>s comportements <strong>et</strong> performances, a longtemps fait défaut en didactique.C’est la raison pour laquelle je me suis tournée vers l’ergonomie cognitive dès ledébut <strong>de</strong> mes recherches.Des comportements vers l’activité, tout tient à la transposition <strong>de</strong> la tâcheJ’ai repris à Leplat [1997 <strong>et</strong> 2000] le modèle <strong>de</strong> la transposition <strong>de</strong> la tâche pourrendre compte du passage <strong>de</strong> la tâche prescrite à la tâche réalisée. Il vient utilementcompléter le modèle <strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong> Montmollin présenté à la page 25 <strong>de</strong> ce dossier. Eneff<strong>et</strong>, tandis que le modèle <strong>de</strong> Montmollin perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> visualiser la structure <strong>de</strong> lasituation <strong>de</strong> travail, celui <strong>de</strong> Leplat nous fournit la vision dynamique <strong>de</strong> l’activité. Làencore, j’ai adapté son modèle général à une situation d’enseignement/apprentissage,<strong>et</strong> ce modèle m’a permis d’aller observer le comportement <strong>de</strong>s agents sur le terrain.88


1 Tâche à réaliserCôtéprescripteurTâche prescriteTâche redéfinie parl’enseignantTâche redéfinie parl’élèveCôté élèvesTâche réactualiséeTâche réalisée/effectiveFigure 6 - La redéfinition <strong>de</strong> la tâche [adaptée <strong>de</strong> Leplat, 1997, p. 17 ; Doc. 9, p. 194, T1]89


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseL’activité : le travail <strong>de</strong> la langue sur le terrainLa notion d’activitéLa Tâche est ce qui est à faire, l’activité est ce qui se fait réellement <strong>dans</strong>l’exécution <strong>de</strong>s tâches.On distingue parfois, <strong>dans</strong> l’analyse <strong>de</strong> l’activité, les comportements opératoires<strong>et</strong> les conduites opératoires. Dans les <strong>de</strong>ux cas, l’adjectif opératoire rappelle qu’ils’agit <strong>de</strong> comportements <strong>et</strong> <strong>de</strong> conduites développés en vue d’une fin précise <strong>et</strong> saisispar le chercheur sur le terrain même.Pour ma part, j’ai choisi une distinction légèrement différente, qui semblait plusadaptée à mes recherches <strong>et</strong> à mes terrains. Je différencie donc les comportements,qui sont l’expression visible d’une tâche effectivement réalisée, <strong>de</strong> l’activitéproprement dite, à savoir les conduites, qui ne sont pas directement observables entant que modèles d’opérations susceptibles <strong>de</strong> piloter le comportement. Dans mesrecherches, je n’ai pas conservé le terme <strong>de</strong> conduites pour désigner l’activitémentale, car je le trouve trop proche du mot comportement <strong>et</strong> source <strong>de</strong> confusionpour les non initiés <strong>et</strong> je lui préfère celui d’activité mentale.L’importance <strong>de</strong>s comportementsChez certains didacticiens, il était <strong>de</strong> bon ton, jusqu’à une pério<strong>de</strong> récente, <strong>de</strong> nierl’importance <strong>de</strong>s comportements <strong>dans</strong> l’analyse <strong>de</strong>s activités. Le terme même étaitassocié à une vision béhavioriste <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>dans</strong> laquelle comportementrimait avec conditionnement, puisque l’apprentissage était défini comme unchangement du comportement. Or, malgré l’avènement <strong>de</strong> la prise en compte <strong>de</strong>sprocessus cognitifs, les comportements restent pour moi la porte d’entrée <strong>de</strong> cesprocessus. Il existe <strong>de</strong>ux façons, en ergonomie, <strong>de</strong> définir le comportement. Lapremière, <strong>de</strong> type intensif, réduit le comportement aux manifestations physiques <strong>de</strong>l’agent ; la <strong>de</strong>uxième, <strong>de</strong> type extensif, inclut également <strong>dans</strong> les comportements les90


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseprocessus qui les sous-ten<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> leurs résultats, les traces <strong>de</strong> l’activité [Almaberti,1991, pp. 28-29]. Je trouve que c<strong>et</strong>te définition extensive confond le comportement<strong>et</strong> l’activité. C’est pourquoi j’ai choisi, <strong>dans</strong> mes travaux, <strong>de</strong> considérer lescomportements comme les manifestations physiques ou verbales <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>sagents au travail <strong>dans</strong> la classe <strong>de</strong> langue. Je les distingue <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> l’activité quien sont les conséquences, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s processus cognitifs qui en sont le moteur. Je n’incluspas les processus <strong>dans</strong> les comportements. Les comportements sont visibles, ilspeuvent être enregistrés, décrits, voire mesurés. Les processus sont invisibles, ils sontdonc modélisés <strong>et</strong> inférés grâce, notamment, à l’analyse <strong>de</strong>s comportements.Modèles <strong>de</strong> l’activité mentale appliqués au travail <strong>de</strong> la langueL’ergonomie suit, nous l’avons vu, une démarche progressive <strong>et</strong> intégrative. Ellecommence par le niveau <strong>de</strong> la cognition instrumentale pour aller vers la cognitionsavante. Je remarque d’ailleurs que, pendant longtemps en didactique, on a suivi unedémarche inverse, partant du principe que la connaissance savante se transformait ouétait incluse <strong>dans</strong> la connaissance procédurale. Avec l’approche communicative <strong>et</strong>plus encore actionnelle, on adm<strong>et</strong> que l’apprentissage suit <strong>de</strong>ux processus : du hautvers le bas (application <strong>de</strong> connaissance déclarative <strong>dans</strong> l’interaction) ou du bas versle haut (concepts <strong>et</strong> théorèmes en actes <strong>de</strong>viennent conscients grâce à lamétaréflexion).Pour décrire l’activité mentale <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s, j’ai eu recours à <strong>de</strong>ux modèles <strong>de</strong>l’activité, en fonction <strong>de</strong> l’objectif <strong>de</strong> mes recherches. Mes premières recherches,d’inspiration fortement cognitiviste, ont emprunté au modèle <strong>de</strong> Hoc qui distingu<strong>et</strong>rois phases <strong>dans</strong> l’activité (planification/orientation, exécution <strong>et</strong> contrôle). C’estcelui que j’ai mis en œuvre jusqu’à 2004 environ. Le second modèle, proposé par lapsychologie russe - Vygotski [1934], Léontiev [1972] <strong>et</strong>, plus récemment, Engëstrom[1999] - <strong>et</strong> connu sous le nom <strong>de</strong> théorie <strong>de</strong> l’activité, a servi <strong>de</strong> base à mesrecherches à partir <strong>de</strong> 2004. Ce changement s’explique par le fait que les résultats <strong>de</strong>mes premières recherches avaient révélé les limites <strong>de</strong> mes modèles, <strong>et</strong> je <strong>de</strong>vais91


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsedésormais intégrer la composante socio-affective <strong>dans</strong> l’analyse du travail en classe<strong>de</strong> langue, <strong>et</strong> mieux comprendre les dispositifs d’enseignement/apprentissage.Un modèle cognitiviste du développement <strong>de</strong>s connaissances en LVEC’est <strong>dans</strong> la théorie <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> Hoc [1992, 1996] que j’ai puisé l’inspiration<strong>de</strong> mon cadre théorique pour analyser l’activité <strong>de</strong>s étudiants <strong>et</strong> <strong>de</strong>s élèves aux prisesavec l’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais.Selon Hoc, l’activité est guidée par une procédure qu’il définit comme un systèmepréalablement acquis d’opérations coordonnées en vue d’obtenir un résultat. [Hoc,op. cit., p. 39]Les automatismesLe premier niveau <strong>de</strong> l’exécution est l’automatisme. Les automatismes sont <strong>de</strong>shabil<strong>et</strong>és cognitives routinières contrôlées par <strong>de</strong>s régulations sensori-motrices <strong>et</strong>répon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s configurations dynamiques <strong>et</strong> spatiales. La notion d’automatisme esttrès proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> règle, qui a été au cœur <strong>de</strong> mon travail sur le passage <strong>de</strong>sstratégies aux règles [voir la <strong>de</strong>uxième partie du présent dossier]. Mais alors quel’automatisme est simplement composé d’opérations qui se succè<strong>de</strong>nt sansreprésentation du but, la règle se décompose en actions, toujours finalisées par unbut. L’important ici, c’est que <strong>dans</strong> l’activité langagière, <strong>et</strong> notamment <strong>dans</strong> la chaîneparlée, l’apprenant traite l’information en continu <strong>et</strong> déclenche <strong>de</strong>s règles qui sonttellement automatisées qu’elles <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> véritables réflexes <strong>et</strong> que nous n’avonsplus <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> contrôle pour les élaborer. Dans le domaine <strong>de</strong> la SLA,plusieurs auteurs ont fourni <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> l’automatisation <strong>de</strong>s habil<strong>et</strong>és cognitives[McLaughlin, 1987, 1990], en empruntant notamment à l’architecture <strong>de</strong> la cognitiond’An<strong>de</strong>rson [1983], revue par An<strong>de</strong>rson [1993 <strong>et</strong> 2000]. La procéduralisation <strong>de</strong>sconnaissances déclaratives suit <strong>de</strong>ux étapes.In the knowledge compilation stage, learners constructprocedures that enable them to access linguistic knowledgeas part of a ready-ma<strong>de</strong> procedure; for example, learnersconstruct a procedure that enables them to access the phrase‘an hour’ or ‘a horse’ directly. In the procedural stage,92


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseprocedures are fine-tuned, i.e. procedures that realize targ<strong>et</strong>language forms are strengthened while those that realize<strong>de</strong>viant forms are weakened or abandoned. For example,learners drop procedures that result in <strong>de</strong>viant noun phraselike ‘an hotel’. [Dörnyei, 2009, p. 145]Sur le plan théorique, j’ai cherché à articuler les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la psychologiecognitive, <strong>de</strong> la SLA <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive <strong>dans</strong> mes recherches portant sur lesapprenants.Les règlesLa règle se distingue <strong>de</strong> l’automatisme en ce que l’agent doit d’abord i<strong>de</strong>ntifier lasituation, la traiter :Ex : Did she me<strong>et</strong> him yesterday?L’apprenant doit traiter la forme syntaxique <strong>et</strong> sémantique <strong>de</strong> la question puis allerchercher <strong>dans</strong> sa mémoire les éléments épisodiques qui lui perm<strong>et</strong>tent d’élaborer uneprocédure <strong>de</strong> réponse.Yes, ou, Yes, she did.Devant une telle microtâche, l’apprenant peut rapi<strong>de</strong>ment sélectionner laprocédure appropriée <strong>et</strong> récupérer la structure : yes+suj<strong>et</strong>+aux. au temps <strong>de</strong> laquestion.Mais <strong>de</strong>vant la question suivante : What is Barak Obama’s main ass<strong>et</strong>?…L’apprenant ne peut pas répondre à l’ai<strong>de</strong> d’une règle, c’est-à-dire uneprocédure automatique, car le domaine <strong>de</strong> tâches est trop complexe (linguistique <strong>et</strong>culturel). Il est obligé <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à une élaboration <strong>de</strong> procédure qui lui perm<strong>et</strong>trad’i<strong>de</strong>ntifier, comparer, sélectionner l’élément culturel <strong>de</strong> la réponse, puis <strong>de</strong> choisirles éléments linguistiques perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> concrétiser le message. Ensuite, il <strong>de</strong>vraprendre en compte un autre paramètre <strong>de</strong> la tâche : qui parle à qui ? Dans quelcontexte ? Et choisir un registre <strong>de</strong> langue. Notons que si la question figure <strong>dans</strong> un93


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsequizz où il faut cocher la bonne réponse, les données du problème seront encorecognitivement différentes. Dans ce contexte, l’apprenant se trouve <strong>de</strong>vant unproblème <strong>et</strong> doit élaborer une stratégie. Ce sont ces stratégies que j’ai observées <strong>et</strong>analysées <strong>dans</strong> mes recherches en ergonomie cognitive <strong>de</strong> l’anglais.Le problème, le plan <strong>et</strong> la stratégieSouvent, en psychologie cognitive ou en didactique <strong>de</strong>s langues, on a tendance àconfondre la tâche <strong>et</strong> le problème. Ainsi, on parle volontiers d’une tâche, d’unexercice ou d’un problème <strong>de</strong> compréhension, sans préciser <strong>de</strong> quel point <strong>de</strong> vue onse place. Une tâche <strong>de</strong> compréhension ou d’expression peut être considérée du point<strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’enseignant qui la donne ou <strong>de</strong> l’apprenant qui la réalise. En psychologiecognitive, on désigne par problème, l’association d’un système cognitif à une tâche.Dans c<strong>et</strong>te perspective, nous définirons comme un problèmela représentation qu’un système cognitif construit à partird’une tâche, sans disposer immédiatement d’une procédureadmissible pour atteindre le but. La construction <strong>de</strong> lareprésentation <strong>de</strong> la tâche sera appelée compréhension, laconstruction <strong>de</strong> la procédure, stratégie <strong>de</strong> résolution. [Hoc,1992, p. 50]La plupart <strong>de</strong>s macrotâches, en classe <strong>de</strong> langue, placent l’apprenant <strong>dans</strong> ce type<strong>de</strong> situation que je désigne comme situation stratégique <strong>et</strong> non situation-problème,en raison <strong>de</strong> l’acceptation générale <strong>de</strong> ce terme qui le lie aux mathématiques. Pour leschercheurs en didactique <strong>de</strong>s langues ou les stagiaires d’anglais, il n’est pas évi<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> se départir <strong>de</strong> la vision mathématique du problème ! Ce qui distingue fortement lastratégie <strong>de</strong> la règle, évoquée plus haut, c’est que tout au long du processus <strong>de</strong>résolution du problème (rappelons qu’écrire une l<strong>et</strong>tre en langue étrangère est unproblème au même titre que comprendre un film), la représentation <strong>de</strong> la tâche necesse <strong>de</strong> changer, entraînant également un changement <strong>de</strong> stratégie. Ainsi, au départ,l’enseignant peut se représenter la tâche <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> note au tableau comme <strong>de</strong>vantrésumer les échanges langagiers produits par les élèves, puis il peut se rendre comptequ’il doit ajouter <strong>de</strong>s informations complémentaires d’ordre lexical puis d’ordresyntaxique <strong>et</strong>, pour finir, inscrire le travail à faire à la maison. On passe ainsi d’un<strong>et</strong>âche incomplète à une tâche complète <strong>et</strong> chaque suj<strong>et</strong> redéfinit la tâche à sa manière.94


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseDans son mémoire professionnel, Pairoux [1998] a observé <strong>et</strong> comparé la manièredont quatre enseignants (anglais, italien, philosophie <strong>et</strong> histoire) se servaient dutableau. Elle a constaté que d’une discipline à l’autre, la tâche « se servir du tableaucomme d’une mémoire externe » recouvrait <strong>de</strong>s opérations très différentes <strong>dans</strong>l’activité <strong>et</strong> ce, même <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux disciplines voisines comme l’anglais oul’italien.Une tâche peut, par exemple, être redéfinie <strong>de</strong> manière inadéquate, du fait d’unemauvaise compréhension <strong>de</strong>s consignes. Dans le proj<strong>et</strong> ESCALE, certains élèves qui<strong>de</strong>vaient créer la page d’accueil d’un journal en ligne [Doc. 26, p. 101, T3], ontd’abord pensé qu’il n’était pas nécessaire <strong>de</strong> faire figurer le menu du site sur la paged’accueil. Ils l’ont ensuite ajouté, comprenant que ce menu indiquait au lecteur toutesles rubriques qu’il pourrait trouver <strong>dans</strong> le journal. Ils sont ainsi passés à unereprésentation <strong>de</strong> la tâche adéquate, en élaborant une stratégie <strong>de</strong> résolution duproblème qui s’appuyait, notamment, sur la formation qu’ils avaient reçue pourapprendre à fabriquer <strong>de</strong>s pages Web. Pour ce faire, ils ont dû concevoir un plan,c’est-à-dire une séquence d’opérations construite préalablement à ’son exécution. Leplan est une structure <strong>de</strong> guidage <strong>de</strong> l’activité.Le plan est, en fait, la représentation du problème. Il peut être fondé sur <strong>de</strong>sconnaissances procédurales ou sur <strong>de</strong>s connaissances déclaratives mais, <strong>dans</strong> tous lescas, il se distingue <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> procédure ou <strong>de</strong> stratégie car le plan est unereprésentation <strong>de</strong> procédure, <strong>et</strong> non la procédure elle-même. Dans son livre publié en2005, Rod Ellis a réuni divers travaux visant à décrire les différents types <strong>de</strong>planification <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> leurs eff<strong>et</strong>s sur les performances <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la L2ou <strong>de</strong> la LVE. Il distingue <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s phases : la planification préopératoire <strong>et</strong> laplanification opératoire (qui se situe pendant l’exécution <strong>de</strong> la tâche). La premièrecomprend la planification par l’entraînement (rehearsal) <strong>et</strong> la <strong>de</strong>uxième, laplanification par la stratégie (strategic planning). La première phase donnel’occasion aux apprenants <strong>de</strong> s’exercer à la tâche, avant que ne commence la« vraie » tâche (celle qui sera évaluée ?). C’est ce que nous avons fait <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong>ESCALE, en proposant aux élèves <strong>de</strong> s’exercer à la création <strong>de</strong> site Web en créant95


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthès<strong>et</strong>ous un site Charity, d’après un modèle (Template) trouvé sur Intern<strong>et</strong> [Doc. 20,pp. 9-10, T2].La planification stratégique se produit lorsque les apprenants réfléchissent surles contenus langagiers (déclaratifs <strong>et</strong> procéduraux) dont ils auront besoin pourréaliser la tâche. Elle est apparue au cours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième étape du proj<strong>et</strong>,lorsqu’ils ont créé la page d’accueil <strong>de</strong> leur propre journal [Doc. 24, pp. 9-18, T3].Les structures ou connaissancesLa <strong>de</strong>scription du domaine <strong>de</strong> connaissance diffère selon les courants <strong>de</strong> pensée enpsychologie. Mais ces différences conceptuelles ne sauraient masquer d’évi<strong>de</strong>ntesparentés <strong>dans</strong> l’opposition entre <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> connaissance : la connaissanceprocédurale que nous venons d’examiner <strong>et</strong> qui, selon le modèle <strong>de</strong> Montmollin citéplus haut, p. 22, est au plus près <strong>de</strong> l’action, <strong>et</strong> la connaissance déclarative oustructure, en amont <strong>de</strong> l’action <strong>et</strong> qui, pour être mise en œuvre <strong>dans</strong> l’action, exige <strong>de</strong>subir une phase <strong>de</strong> traitement. Le modèle <strong>de</strong> Hoc distingue ainsi, <strong>dans</strong> le systèmecognitif, le système <strong>de</strong> représentation que j’ai traduit par connaissance <strong>de</strong> la langueobj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> le système <strong>de</strong> traitement que j’ai traduit par connaissance <strong>de</strong> la langueinstrument [Raby, 1996].Le domaine <strong>de</strong> la connaissance a été abondamment décrit pour la LVE [Gaonac’h,1990], <strong>et</strong> la manière même dont on a défini la connaissance à acquérir en cours <strong>de</strong>langue a clairement évolué, au fil <strong>de</strong>s années, <strong>de</strong> l’approche béhavioriste à l’approchecommunicative, pour finir par l’approche actionnelle. Il n’est pas <strong>dans</strong> mon intention,ici, <strong>de</strong> r<strong>et</strong>racer toute c<strong>et</strong>te évolution. Je noterai simplement qu’au cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<strong>de</strong>rnière, le savoir appris en classe <strong>de</strong> langue n’a cessé d’augmenter <strong>et</strong> <strong>de</strong> sediversifier, à tel point qu’aucun signifiant n’a encore été trouvé pour le désigner[Raby, 1994, b]. Le savoir déclaratif a d’abord été lexical <strong>et</strong> grammatical, <strong>et</strong> le savoirprocédural, un ensemble <strong>de</strong> règles. Puis le savoir déclaratif a inclus la culture, culture<strong>de</strong> la langue parlée <strong>dans</strong> le pays, culture savante, mais aussi « culture générale » liéeau contenu du document étudié <strong>et</strong> bientôt, culture anthropologique. Par la suite, lesavoir communiquer est venu s’ajouter à c<strong>et</strong>te liste ; il impliquait un maniement96


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsecorrect <strong>de</strong>s registres sémiotiques, un savoir être, <strong>et</strong>c. Enfin, le savoir actionnel, quicorrespond à la capacité à utiliser la langue comme instrument pour réaliser <strong>de</strong>stâches socialement pertinentes, savoir à la fois culturel, social <strong>et</strong> pragmatique, estvenu compléter c<strong>et</strong>te taxonomie. Mais Defay [2005] ajoute encore, <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>teperspective, le savoir apprendre, très présent aujourd’hui <strong>dans</strong> les programmes <strong>et</strong>surtout <strong>dans</strong> la question <strong>de</strong> l’auto-évaluation par les élèves <strong>de</strong> leur travail. En suivantle travail <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> Jocelyne Accardi, j’ai pu mesurer la complexité <strong>de</strong> laquestion <strong>de</strong> la référence aux savoirs <strong>dans</strong> un cours <strong>de</strong> langue [Accardi, 2000]. Nousnous sommes d’ailleurs, par la suite, penchées sur c<strong>et</strong>te question [Raby <strong>et</strong> Accardi,2004] pour tenter d’extraire les représentations d’enseignants novices en languequant au savoir à enseigner. La <strong>de</strong>rnière étape <strong>de</strong> l’évolution, celle du CECRLE, aplacé au cœur <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> l’apprentissage académique <strong>de</strong> la LVE la notion <strong>de</strong>compétence. C’est à c<strong>et</strong>te notion que je vais m’attacher pour conclure surl’élaboration <strong>de</strong> mon cadre théorique, afin d’illustrer le double mouvement à traverslequel ma réflexion a évolué. D’un côté, l’évolution <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> l’acquisition enSLA a influencé ma conception cognitiviste <strong>de</strong>s choses [Dörnyei, 2009 ; Narcy,2005]. De l’autre, l’approfondissement <strong>de</strong> l’ergonomie a pesé sur ma vision <strong>de</strong>l’acquisition/apprentissage <strong>de</strong> la LVE. Le dialogue entre ces <strong>de</strong>ux disciplines n’a pastoujours été facile <strong>et</strong> avec le recul, je me rends compte que la manière dont j’ai utilisétel ou tel concept, par exemple celui <strong>de</strong> compétence, a pu fluctuer d’une recherche àl’autre, comme écartelé entre les <strong>de</strong>ux acceptions du terme.De la planification à l’exécution <strong>de</strong>s tâches en ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVEPour conduire mes recherches, j’ai choisi un modèle assez classique en ergonomie[Leplat, pp. 120-121], qui décompose la réalisation <strong>de</strong> la tâche en trois étapes : laphase préopératoire, la phase opératoire <strong>et</strong> la phase postopératoire.La phase préopératoireOn peut distinguer trois sous-étapes :97


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseLa formation <strong>de</strong> butAvant la formation <strong>de</strong> but, l’agent formule <strong>de</strong>s souhaits ou <strong>de</strong>s espoirs assez larges<strong>et</strong> vagues, puis il perçoit <strong>de</strong>s opportunités fournies par l’environnement. Mais cescomposantes assez larges n’aboutissent pas nécessairement à la formation <strong>de</strong> but.D’où l’importance, en classe <strong>de</strong> langue, <strong>de</strong> buts externes fixés par l’enseignant pourles élèves, ou fixés par l’institution pour les enseignants. La question est la suivante :les agents vont-ils s’approprier ces buts ?Le premier composant clef du processus motivationnel est donc celui qui parvientà un premier résultat tangible (même s’il est mental) : la formation d’un but. Cen’est qu’à ce moment que le processus comportemental va commencer.La formation d’intentionCependant, le but ne provoque pas immédiatement l’action. L’antécé<strong>de</strong>ntimmédiat <strong>de</strong> l’action, c’est l’intention, qu’il faut distinguer du but en ce qu’elleimplique la notion d’engagement <strong>dans</strong> l’action.C<strong>et</strong>te distinction, que les ergonomes établissent en différenciant les objectifs <strong>de</strong>sbuts, explique comment un individu peut former <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> buts multiples,notamment sur le long terme, pour finalement parvenir à un nombre beaucoup pluslimité d’intentions concrètes qu’il espère ou souhaite réaliser. Les buts (objectifs)sont abstraits, les intentions sont concrètes. Dans l’étu<strong>de</strong> sociologique que nousavons mené sur Tell Me More (TMM) comme formation professionnelle [Berthier,2001], nous avons pu constater une très forte attente <strong>de</strong>s membres du personnel <strong>de</strong>l’IUFM vis-à-vis du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> formation, attente qui ne s’est pas concrétisée <strong>dans</strong> laformation <strong>de</strong> but, ni <strong>dans</strong> l’engagement <strong>dans</strong> l’action <strong>et</strong> encore moins <strong>dans</strong> lemaintien <strong>de</strong> l’action. L’analyse <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s membres du personnel nous a montréque ce n’était pas le tutorat qui était en cause mais l’absence <strong>de</strong> finalité clairementdéfinie par l’institution pour c<strong>et</strong> acte <strong>de</strong> formation. Dans le chapitre 16 <strong>de</strong> lacinquième partie, j’analyse tous les malentendus qui ont accompagné la mise enœuvre <strong>de</strong> ce dispositif <strong>et</strong> les raisons pour lesquelles il a moyennement fonctionné98


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsechez les professeurs stagiaires <strong>et</strong> pas du tout chez les membres du personnel. Bienévi<strong>de</strong>mment, il ne s’agit pas <strong>de</strong> raisons techniques.Le déclenchement <strong>de</strong> la mise en œuvre <strong>de</strong> l’intentionL’engagement signifie que l’on abandonne d’autres buts, qu’on lie le but auxmoyens matériels <strong>de</strong> sa réalisation, qu’on lui associe prestige <strong>et</strong> récompenses.Cependant, l’engagement n’est pas suffisant pour que l’individu commence à agir.Il faut aussi que le but soit traduit en étapes successives <strong>et</strong> donc, que l’individugénère un plan d’action, un plan opératoire qui concerne les détails techniquesnécessaires :‣ un schéma opératoire avec les lignes directrices concrètes, les sous-tâchesà m<strong>et</strong>tre en œuvre, les stratégies à élaborer <strong>et</strong> à suivre ;‣ un cadre temporel pour l’action : je ferai ceci aujourd’hui, quand j’enaurai fini avec ceci, je passerai à cela, j’ai tant <strong>de</strong> temps pour faire c<strong>et</strong>tesous-tâche, <strong>et</strong>c.Certes, le plan d’action n’est pas entièrement élaboré avant que la tâchecommence mais il doit être esquissé.L’intention peut ou non se matérialiser. Deux conditions doivent être réunies pourqu’elle le soit : l’accès aux moyens <strong>et</strong> ressources nécessaires, ici, les instrumentsd’apprentissage, <strong>et</strong> la condition <strong>de</strong> départ que Dörnyei [2001, p.9] appelle « lefranchissement du Rubicon ».La phase opératoireLa motivation <strong>de</strong>s choix cè<strong>de</strong> le pas à la motivation exécutoire. Les agentscommencent la réalisation <strong>de</strong> la tâche. Tout au long <strong>de</strong> la réalisation <strong>de</strong>s tâches <strong>et</strong>sous-tâches, l’individu contrôle, évalue, change ses plans, régule la tâche <strong>et</strong> fixe <strong>de</strong>nouveaux buts <strong>et</strong> intentions.99


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseUn processus d’évaluation/appréciation complexe <strong>et</strong> continuTandis qu’ils réalisent la macrotâche, les apprenants continuent <strong>de</strong> recevoir toutesorte <strong>de</strong> stimuli <strong>de</strong> leur environnement : <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> leurs pairs, <strong>de</strong> l’ordinateur, duprofesseur, mais aussi <strong>de</strong>s stimuli qui n’ont rien à voir avec le travail. Ils comparentce qu’ils ont réalisé à ce qui était prévu, ils envisagent <strong>de</strong>s manières alternativesd’arriver au but <strong>dans</strong> un environnement dynamique. Nous avons approché cesprocessus <strong>de</strong> régulation grâce à <strong>de</strong>s observations directes, puis à <strong>de</strong>s enregistrementsvidéo <strong>et</strong> enfin, à <strong>de</strong>s verbalisations provoquées.L’application <strong>de</strong> mécanismes <strong>de</strong> contrôle variésCes mécanismes, très proches <strong>de</strong>s processus d’appréciation, réfèrent aux« connaissances <strong>et</strong> stratégies utilisées pour gérer les ressources cognitive <strong>et</strong> noncognitivesnécessaires pour atteindre le but » [Corno & Knafer, 1993, p. 304]. Cesont <strong>de</strong>s mécanismes auto-régulatoires qui sont mis en œuvre pour renforcer, étayer<strong>et</strong> protéger le processus d’apprentissage. Dans le cas <strong>de</strong>s apprentissagesinstrumentés, les comportements instrumentaux, comme interroger, prendre <strong>de</strong>snotes, vérifier <strong>dans</strong> le dictionnaire ou auprès <strong>de</strong>s pairs, comparer, <strong>et</strong>c., relèvent <strong>de</strong>tels mécanismes [Doc. 10, p. 210].O’Malley <strong>et</strong> Chamot [1990] distinguent trois types <strong>de</strong> stratégies régulatoires :‣ Les stratégies <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> l’effort‣ Les stratégies d’apprentissage <strong>de</strong> la LVE‣ Les stratégies <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> butSur la base <strong>de</strong> l’interaction entre appréciation <strong>et</strong> contrôle, la phase actionnelle peutdéboucher sur plusieurs situations :‣ L’individu a réalisé le but qu’il s’était fixé.‣ L’individu a cessé d’agir, a abandonné.100


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèse‣ L’individu est arrivé <strong>dans</strong> une impasse, mais <strong>dans</strong> ce <strong>de</strong>rnier cas, cela nemène pas nécessairement à un abandon <strong>de</strong> l’action.Si la motivation initiale reste forte, l’individu peut revenir à une phasepréopératoire <strong>et</strong> se fixer <strong>de</strong> nouveaux buts, intentions <strong>et</strong> plans, ou bien élaborer <strong>de</strong>nouvelles stratégies <strong>et</strong> procédures (tâches <strong>et</strong> sous tâches, phase opératoire), ou encoredifférer la suite <strong>de</strong> l’action.La phase postopératoireElle comprend <strong>de</strong>ux éléments clefs : l’évaluation du résultat obtenu <strong>et</strong> l’évaluation<strong>de</strong>s inférences possibles pour <strong>de</strong>s actions futures. À c<strong>et</strong>te étape, l’agent compare lesrésultats aux performances attendues <strong>et</strong> pour cela, il dispose d’un modèle externe ouinterne plus ou moins précis <strong>de</strong> la tâche attendue. Dans le proj<strong>et</strong> sur le conte mené àl’école primaire ou celui sur la prise <strong>de</strong> note au lycée [Doc. 15, p. 302, Doc. 17,p. 338], la performance attendue était très précise <strong>et</strong> formulée presque comme unmodèle à atteindre, alors que <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> ESCALE, une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> créativitéétait laissée aux élèves. Dans le <strong>de</strong>uxième cas, la part <strong>de</strong> critères internes <strong>dans</strong>l’évaluation est plus gran<strong>de</strong>. Car l’évaluation m<strong>et</strong> bien en jeu un facteur externe(l’attente du professeur) <strong>et</strong> un facteur interne (son propre sentiment, son plaisir, safierté). À partir <strong>de</strong> cela, il est amené à établir <strong>de</strong>s attributions causales qui serontinternes <strong>et</strong> externes pour expliquer le résultat <strong>et</strong> son évaluation. Véron [2009] aexploré la manière dont l’évaluation du professeur peut influencer l’évaluationinterne <strong>de</strong> l’élève. C’est à travers ce processus répété d’évaluation que l’agenti<strong>de</strong>ntifie les bonnes <strong>et</strong> les mauvaises stratégies <strong>et</strong> se constitue un répertoire <strong>de</strong>stratégies <strong>et</strong> <strong>de</strong> plans d’action en tant qu’apprenant ou enseignant <strong>de</strong> langue.Du point <strong>de</strong> vue du formateur, la phase postopératoire implique une appréciation<strong>de</strong> l’activité sous forme <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong> la performance. L’enseignant confronte laproduction <strong>de</strong> chaque élève à la tâche prescrite. Il le fait selon plusieurs critères, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>ravail le conduit à chiffrer ce bilan sous la forme d’une note. En classe, la note a unefonction supplémentaire, celle <strong>de</strong> classer les élèves <strong>et</strong> <strong>de</strong> renforcer, <strong>de</strong> façon positiveou négative, leurs comportements au travail. Mais l’enseignant peut aussi se livrer à101


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseun travail d’évaluation. Dans ce cas, l’appréciation sera orientée processus <strong>et</strong> nonproduit. Le but <strong>de</strong> l’évaluation n’est pas <strong>de</strong> confronter la performance à l’attente duprescripteur mais d’ai<strong>de</strong>r l’élève à analyser son activité pour y trouver les raisons <strong>de</strong>ses échecs <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses réussites. Nous avons travaillé pendant plusieurs années avecJacques Baillé du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive [Baillé & Raby, 2000] <strong>et</strong>avec Françoise Campanale du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> l’éducation [Raby, &Campanale, 2007], en tentant notamment <strong>de</strong> faire le point sur les relations entrecompétence <strong>et</strong> évaluation.Le concept <strong>de</strong> compétence en ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVEUn premier cadre est issu <strong>de</strong> la DDLRéfléchir à la question <strong>de</strong> la compétence en didactique <strong>de</strong>s langues est <strong>de</strong>venu,pour moi, une obligation lorsque j’ai été nommée, aux côtés <strong>de</strong> Michel Perrin,Christian Puren <strong>et</strong> Clau<strong>de</strong> Springer, <strong>et</strong> sous l’égi<strong>de</strong> du professeur Bouvier, membre<strong>de</strong> la commission d’élaboration du CLES (Certificat <strong>de</strong> Compétences en Langues).Ce diplôme était <strong>de</strong>stiné à certifier un niveau <strong>de</strong> langue fondé sur <strong>de</strong>s savoirs <strong>et</strong>savoir-faire préprofessionnels <strong>et</strong> visait principalement la langue en tant qu’outil <strong>de</strong>communication écrite <strong>et</strong> orale. Pendant cinq ans, nous avons travaillé à sa maqu<strong>et</strong>te<strong>et</strong>, paradoxalement, tant que nous étions à l’étape <strong>de</strong> la conception, le concept <strong>de</strong>compétence ne posait pas <strong>de</strong> problème. Nous considérions la compétence comme unensemble d’habil<strong>et</strong>és regroupées <strong>de</strong> manière fonctionnelle : il y avait les habil<strong>et</strong>és <strong>de</strong>compréhension, c’est-à-dire celles qui servaient à la compréhension écrite ou orale,<strong>et</strong> les habilités d’expression qui servaient à l’expression écrite ou orale. Nous avionsécarté <strong>de</strong> la certification les compétences dites grammaticales, car il ne s’agissait paspour nous d’habil<strong>et</strong>és mais <strong>de</strong> savoirs au service <strong>de</strong> l’activité métalinguistique[Springer, 1999]. En revanche, nous avions ajouté la compétence culturelle <strong>et</strong>102


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsepragmatique, comme l’avaient fait nos précurseurs <strong>et</strong> inspirateurs, les auteurs duDCL (Diplôme national <strong>de</strong> Compétence en Langue) 27 .Les principaux problèmes que nous avons dû résoudre <strong>dans</strong> l’élaboration duCLES furent ceux <strong>de</strong> l’évaluation <strong>de</strong>s dites compétences lors d’un examen certifiant,c’est-à-dire qui a pour fonction la certification externe d’un niveau <strong>et</strong> nonl’évaluation d’un processus. Il faut savoir que, juridiquement, le fait d’engager lesuniversités à proposer aux étudiants une certification <strong>et</strong> non un diplôme ne m<strong>et</strong>taitpas l’université <strong>dans</strong> l’obligation d’organiser la formation à l’examen ; alors qu’undiplôme eût obligé les universités à organiser sa préparation. Le certificat coûtait tropcher. Ce fut notre première (mais pas la <strong>de</strong>rnière) défaite face aux édiles <strong>de</strong> Bercy.Ensuite, pour m<strong>et</strong>tre en place le certificat, il fallait passer <strong>de</strong> la compétence auxperformances, <strong>et</strong> donc concevoir <strong>de</strong>s tâches réalisables en temps limité, maissuffisamment amples <strong>et</strong> articulées entre elles <strong>dans</strong> le cadre d’un scénario pour faireémerger les compétences <strong>et</strong> non telle ou telle habil<strong>et</strong>é. De plus, toujours <strong>dans</strong> lamême logique, il aurait fallu, <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> la simulation <strong>et</strong> pour que le scénariosoit fiable, faire appel à un enseignant jouant le rôle d’interlocuteur en LVE <strong>et</strong> à unautre incarnant l’observateur <strong>de</strong> la performance <strong>de</strong> l’étudiant. On ne peut pas être enmême temps acteur <strong>et</strong> évaluateur. Cela aurait coûté trop cher <strong>et</strong> ce fut notre <strong>de</strong>uxièmedéfaite face à Bercy.27 Le DCL est un diplôme <strong>de</strong> l'Éducation nationale adapté aux besoins du mon<strong>de</strong> professionnel. Ceproj<strong>et</strong> est né d’une nécessité exprimée auprès <strong>de</strong>s GRETA <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Centres <strong>de</strong> Formation <strong>de</strong>sUniversités par <strong>de</strong>s entreprises à la recherche d’un outil fiable garantissant une compétenceopérationnelle à un niveau donné. Il valorise l’expérience personnelle <strong>et</strong> professionnelle du candidat,<strong>dans</strong> une perspective <strong>de</strong> mobilité européenne. À l’heure actuelle, le DCL concerne les languesalleman<strong>de</strong>, anglaise, espagnole <strong>et</strong> italienne. Il se décline en 5 <strong>de</strong>grés eux-mêmes ancrés sur l’échelle<strong>de</strong> niveaux du Cadre Européen Commun <strong>de</strong> Référence du Conseil <strong>de</strong> l’Europe.103


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseConversationnelleDiscursiveSociolinguistiqueLes composants <strong>de</strong> la compétence communicationnelle Stratégique [Springer, 1999, p. 53].LinguistiqueSocioculturelleFigure 7 - Le concept <strong>de</strong> compétenceLe concept <strong>de</strong> compétence en LVE, a été très bien défini par Springer <strong>dans</strong> leschéma ci-<strong>de</strong>ssus, mais il reste cependant à mes yeux le problème <strong>de</strong> son évaluation.[Doc. 8, p. 167, T1]. Je livre une réflexion sur ce suj<strong>et</strong> <strong>dans</strong> le cadre du proj<strong>et</strong>ESCALE : le temps didactique n’est pas le temps <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>et</strong> le temps <strong>de</strong>l’école n’est pas celui <strong>de</strong> l’émergence <strong>de</strong>s compétences ; tout au plus l’écolecontribue-t-elle à les faire émerger. Dès lors, que signifie « former auxcompétences ? » Et, mieux encore, « former par les compétences ? », une nouvelleorientation développée <strong>dans</strong> les IUFM, <strong>et</strong> qui me laisse encore perplexe. [Doc. 26,p. 250, T2].104


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseFigure 8 - L’évaluation <strong>de</strong>s compétences [extrait <strong>de</strong> Veron, 2009, p. 22]À la lecture <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te grille d’évaluation, on constate que le passage <strong>de</strong> la<strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s compétences à leur évaluation avec l’approche actionnelle faitapparaître plusieurs problèmes. Elle soulève notamment une question qui relève bien<strong>de</strong> l’ergonomie cognitive, celle <strong>de</strong> la contradiction qui existe entre le but visé par latâche <strong>et</strong> les moyens d’y arriver. Il s’agit d’un but d’auto-évaluation : être capable <strong>de</strong>thématiser ce que l’on sait faire avec la langue. L’auteur du portfolio est capable <strong>de</strong>mesurer sa propre capacité à articuler plusieurs habil<strong>et</strong>és afin <strong>de</strong> réussir <strong>de</strong>s tâches.En revanche, dès lors que l’ensemble <strong>de</strong> ces habil<strong>et</strong>és sont regroupées <strong>dans</strong> <strong>de</strong>sgrilles <strong>et</strong> affectées d’un co<strong>de</strong> l<strong>et</strong>tre + chiffre, on revient, en fait, à une approchecertificative <strong>et</strong> non évaluative qui relève du contrôle <strong>et</strong> non <strong>de</strong> l’évaluation. C<strong>et</strong>tecontradiction génère une certaine confusion sur le terrain, car quelques prescripteurs<strong>et</strong> enseignants, plutôt que d’utiliser ces grilles comme <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s à l’autonomisation<strong>de</strong> l’élève, en font le but <strong>de</strong> toute action pédagogique. Désormais, on enseigne àpartir du portfolio qui <strong>de</strong>vient un objectif à atteindre en termes <strong>de</strong> performances <strong>et</strong>non un moyen <strong>de</strong> travailler sur ses compétences en les objectivant. En réalité, cedéfaut d’appropriation <strong>de</strong> l’outil vient aussi d’une mauvaise compréhension duCECRLE, que d’aucuns considèrent comme un ensemble <strong>de</strong> prescriptions ou <strong>de</strong>105


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèserec<strong>et</strong>tes au lieu d’y chercher une inspiration scientifique <strong>et</strong> <strong>de</strong>s perspectivesdidactiques ouvertes sur la société.Vers une ergonomie cognitive <strong>de</strong> la compétence en LVEEn ergonomie cognitive, on parle <strong>de</strong>s compétences <strong>et</strong> non <strong>de</strong> la compétence ausingulier. Les compétences ne sont réductibles ni aux connaissances, ni auxcapacités. La définition qu’en donne Montmollin m<strong>et</strong> bien l’accent sur ce qui ladistingue, c’est pourquoi je me perm<strong>et</strong>s d’en citer le texte in extenso :En ergonomie, les compétences correspon<strong>de</strong>nt auxstructures hypothétiques (mais les hypothèses sont icinécessaires) qui perm<strong>et</strong>tent à l’opérateur <strong>de</strong> donner unesignification, pour l’action, aux situations <strong>de</strong> travail (<strong>et</strong> enparticulier, aux situations qu’elles proposent). Lescompétences sont décrites du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’activité. Onparle toujours <strong>de</strong> compétences pour telle tâche, ou <strong>de</strong> teltype <strong>de</strong> tâches (en ce sens, elles diffèrent du concept <strong>de</strong>compétence élaboré par Chomsky, qui se réfère à <strong>de</strong>spotentialités qui perm<strong>et</strong>tent une infinie variété <strong>de</strong>performances). [Souligné par moi, F. Raby].[Montmollin, 1997, p. 78]C’est c<strong>et</strong>te définition que j’ai r<strong>et</strong>enue pour mon travail sur les compétences,compétences <strong>de</strong>s apprenants <strong>et</strong> compétences professionnelles <strong>de</strong>s enseignants. Elle serapproche <strong>de</strong> la conception en DDL en ce sens qu’elle est finalisée <strong>et</strong> plurielle, mais,à l’inverse, elle est clairement reliée à la tâche <strong>et</strong> non à <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s cognitivementhétérogènes : la compréhension, l’expression ou la grammaire.En m’appuyant sur les travaux <strong>de</strong> l’ergonomie appliqués au domaine <strong>de</strong> laformation par Rogalski [1995], j’ai développé un cadre d’analyse <strong>de</strong>s compétencesque j’ai pu appliquer à l’ensemble <strong>de</strong> mes recherches <strong>et</strong> dont se sont inspirés certains<strong>de</strong>s doctorants dont j’avais la responsabilité [Accardi, 2004 ; El sir el Hamin, 2008 ;Frost, 2008 ; Djambo, 2008]. Les connaissances concernent un domaine <strong>de</strong> travail <strong>et</strong>peuvent être acquises via la formation ou la pratique. On sait qu’en LVE, il en existeau moins trois (langue, culture <strong>et</strong> technique).‣ Les connaissances déclaratives, ou concepts pragmatiques, concernent lesmo<strong>de</strong>s d’exécution <strong>de</strong>s tâches. Ce sont les règles ou les stratégies propres à106


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthès<strong>et</strong>raiter le problème posé. En LVE, elles s’appliquent aussi bien à laproduction d’un énoncé, à la compréhension d’un texte qu’au registre <strong>de</strong>communication ; ces connaissances peuvent être cognitives ou langagières,<strong>et</strong> sont verbalisables.‣ Les connaissances instrumentales reposent sur <strong>de</strong>s schèmes instrumentauxqui concernent toutes les situations <strong>de</strong> médiation symbolique <strong>et</strong> les ai<strong>de</strong>s.L’agent est capable <strong>de</strong> recourir à <strong>de</strong>s graphes, <strong>de</strong>s cartes, <strong>de</strong>s notices quiconstituent autant d’ai<strong>de</strong>s à l’activité mentale. Il est capable d’utiliser lesTICE <strong>dans</strong> ses démarches <strong>de</strong> recherche ou <strong>de</strong> production d’information.Dans une perspective ergonomique, la notion <strong>de</strong> compétence est différente <strong>et</strong> noncontradictoire par rapport à celle développée en DDL. Elle fait surtout partieintégrante <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> l’activité : elle est ce qui rend c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière possible. J’air<strong>et</strong>enu, pour ma part, les quatre caractéristiques proposées par Leplat [2000, pp. 55-57] <strong>et</strong> j’ai utilisé ce cadre théorique tant pour mes recherches que pour l’analyse <strong>de</strong>l’activité <strong>de</strong>s élèves par les stagiaires.Les compétences sont finalisées. Elles concernent la mise enœuvre <strong>de</strong> connaissances pour la réalisation d’un but, pourl’exécution d’une tâche. On pourrait ainsi définir lescompétences comme <strong>de</strong>s connaissances opératives oufonctionnelles.Ainsi, en LVE la compétence ne porte pas sur la compréhension, mais sur lestâches <strong>de</strong> traduction, <strong>de</strong> résumé, <strong>de</strong> réalisation graphique qui nécessitent unprocessus mental <strong>de</strong> compréhension. Les stagiaires observent la réalisation <strong>de</strong>sperformances, pas les compétences.Les compétences sont apprises. On n’est pas naturellementcompétent pour une tâche, mais on l’est <strong>de</strong>venu ou on le<strong>de</strong>vient par un apprentissage formel ou non <strong>et</strong> parl’expérience. L’analyse <strong>de</strong>s compétences gagnera beaucoupà s’attacher à l’analyse <strong>de</strong> leur processus d’acquisition. Lacomparaison <strong>de</strong>s différents niveaux <strong>de</strong> pratiques est toujoursinstructive.Nous avons ainsi déterminé différents processus <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> ce,dès le moment <strong>de</strong> la redéfinition par <strong>de</strong>s agents novice, expérimentés, confirmés ou107


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseexperts. Une fois ces connaissances <strong>et</strong> ces savoir-faire dégagés <strong>et</strong> objectivés, nousavons pu les m<strong>et</strong>tre à la disposition <strong>de</strong>s élèves, pour l’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais, ou<strong>de</strong>s maîtres, <strong>dans</strong> les situations d’enseignement (voir quatrième partie <strong>de</strong> ce dossier).Les compétences sont organisées en unités coordonnéespour la réalisation d’un objectif. […] Dans une formule,sans doute un peu lapidaire mais imagée, Singl<strong>et</strong>on (1978)disait <strong>de</strong>s compétences (skills) qu’elles sont « <strong>de</strong>s briques <strong>de</strong>construction qui sont mises ensemble pour engendrer <strong>de</strong>scompétences plus complexes. » [p. 10]Or, l’assimilation entre habil<strong>et</strong>é <strong>et</strong> compétence pose, selon moi, une difficultéd’ordre didactique que nous avons soulevée avec Baillé <strong>dans</strong> l’article déjà cité. Nousavons souligné l’importance <strong>de</strong>s mécanismes contextuels <strong>dans</strong> la mise en œuvre <strong>de</strong>scompétences. À ces mécanismes contextuels, largement sous-estimés par l’ordredidactique, il faut ajouter une confusion d’ordre sémantique entre compétence <strong>et</strong>habil<strong>et</strong>é. Dans nombre <strong>de</strong> ses usages, le terme français compétence renvoie moins aumot anglais comp<strong>et</strong>ence, qui signifie capacité ou aptitu<strong>de</strong>, qu’à skill, qui seraindifféremment traduit par habil<strong>et</strong>é ou compétence. Contrairement à Leplat quiconsidère les termes équivalents, nous pensons que la différence <strong>de</strong> dénotation mérited’être abordée comme question fonctionnelle, car elle recoupe celle <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>svariables <strong>et</strong> facteurs qui décrivent ces dites compétences <strong>et</strong> les transforment en obj<strong>et</strong>d’évaluation.Quoique déterminante pour la différenciation en contexte<strong>de</strong>s individus, une habil<strong>et</strong>é peut être décrite par <strong>de</strong>svariables comportementales <strong>et</strong>/ou procédurales isolées,directement attachées à l’exécution d’une classe <strong>de</strong> tâches,sans tenir compte <strong>de</strong> l’environnement <strong>dans</strong> lequel chacunes’inscrit.Si le mot habil<strong>et</strong>é dénote <strong>de</strong>s procédures locales, nonnécessairement transférables à d’autres obj<strong>et</strong>s, repérables<strong>dans</strong> une performance isolée, alors la compétence s’endistingue, en recouvrant <strong>de</strong>s conduites plus molaires <strong>et</strong>surtout <strong>de</strong>s potentialités. [Doc. 8. p. 16, T1]Ce qui pose, finalement, le problème <strong>de</strong> l’évaluation.La notion <strong>de</strong> compétence est abstraite <strong>et</strong> hypothétique. Lescompétences sont par nature inobservables : ce qu’onobserve en sont les manifestations. C’est à partir <strong>de</strong> cesmanifestations que sont insérées les compétences. [Leplat,op. cit., p. 56]108


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - SynthèseJ’en tire, pour ma part, <strong>de</strong>ux conclusions majeures. Premièrement, ce n’est pas eninterrogeant les agents qu’on peut évaluer leurs compétences (cela serait tellementpratique !). C’est le problème que pose le portfolio si on le considère comme outild’évaluation <strong>et</strong> non <strong>de</strong> formation. Deuxièmement, il est très difficile d’inférer lacompétence à partir d’une seule tâche. Aussi, l’évaluation <strong>de</strong>s apprenants <strong>de</strong>vraientellese faire en continu, car seule une évaluation en continu perm<strong>et</strong> d’appréhen<strong>de</strong>r, àtravers plusieurs tâches ou <strong>de</strong>s tâches répétées, le répertoire <strong>de</strong> connaissances <strong>et</strong> <strong>de</strong>procédures développé par un suj<strong>et</strong>.Ce cadre théorique m’a servi à établir <strong>de</strong>s styles d’apprenants ou d’enseignants enprise avec <strong>de</strong>s tâches d’apprentissage langagier (l’anglais) ou <strong>de</strong> formation, en medémarquant d’une conception normative <strong>de</strong> la compétence, telle qu’elle a longtempsdominé la DDL, c’est-à-dire une conception qui calquait l’acquisition <strong>de</strong> la LVE surla langue première. Il m’a aussi amenée à concevoir la formation en fonction nonseulement <strong>de</strong>s buts didactiques, mais aussi <strong>de</strong>s compétences requises selon lespublics, les contextes <strong>et</strong> les conditions sociales du travail, notamment <strong>dans</strong> le cas dutravail <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> Naïmo [2008] qui portait sur la formation <strong>de</strong>s instituteurs auTchad, ou celui d’El Sir El Hamin qui analysait les difficultés <strong>de</strong>s jeunes soudanaisesà s’engager <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> production orale en classe <strong>de</strong> langue, pour <strong>de</strong>sraisons sociales <strong>et</strong> religieuses.ConclusionPour conclure, il me semble qu’il existe aujourd’hui une gran<strong>de</strong> adéquation entrec<strong>et</strong>te vision <strong>de</strong> la compétence <strong>et</strong> la perspective du cadre qui ne fait que la préciser,<strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong>s langues, <strong>et</strong> ce pour une raison assez simple : l’ergonomie cognitive,tout comme le cadre, m<strong>et</strong> l’action <strong>et</strong> la tâche au cœur du processus d’apprentissage.L’élargissement du champ <strong>de</strong> la compétenceL’élargissement <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> compétence a été la conséquence <strong>de</strong> mesobservations en classe <strong>de</strong> langue, que ce soit <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> mes recherches, <strong>de</strong>celles <strong>de</strong>s étudiants, ou encore en allant visiter les classes au collège <strong>et</strong> au lycée. Une109


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseréalité fort simple s’est imposée à moi : si les élèves ne sont pas au travail, tous lesmodèles du mon<strong>de</strong> du fonctionnement <strong>de</strong> la mémoire, <strong>de</strong> l’élaboration <strong>de</strong>s plans, <strong>de</strong>la construction <strong>de</strong>s connaissances sont inopérants. C’est bien là ce qui distingue lasituation d’apprentissage en milieu exolingue <strong>de</strong> la situation d’apprentissage enmilieu endolingue, <strong>et</strong> non la prétendue authenticité dont on nous parle constamment.En situation endolingue, le cerveau est continuellement sollicité <strong>et</strong> l’exposition esttelle qu’une forme d’apprentissage implicite se développe ; à l’inverse, en situationacadémique, l’exposition est moindre <strong>et</strong> provient souvent <strong>de</strong> sources restreintes : laparole <strong>de</strong> l’enseignant, le personnage sur la vidéo. De plus, ces énoncés nes’adressent pas forcément individuellement à l’élève mais à l’ensemble <strong>de</strong> la classeou à un autre élève interrogé. À partir <strong>de</strong> là, l’attention <strong>de</strong> l’apprenant peut vite sedétourner <strong>de</strong> la tâche qui, en situation académique, est le vrai moteur <strong>de</strong>l’apprentissage. La compétence émerge <strong>dans</strong> l’action, certes, mais si l’engagement<strong>dans</strong> l’action ne se fait pas, elle ne peut se développer. Ainsi est apparue la question<strong>de</strong> la motivation.Il faut dire que je menais, parallèlement à ce travail sur les compétences, mesrecherches sur les sages <strong>de</strong>s TICE. Mes recherches sur le travail en autonomiemontraient que le processus d’appropriation <strong>de</strong> l’instrument passait par l’engagement<strong>de</strong> l’étudiant <strong>dans</strong> une tâche redéfinie par lui <strong>et</strong> pour lui. De même, si les enseignantsrefusaient l’innovation, l’usage était caduc, tout simplement. Ces observations onteu, pour moi, <strong>de</strong>ux conséquences théoriques : la première a été <strong>de</strong> revoir le modèlepiagétien <strong>de</strong> l’apprentissage en introduisant un schème <strong>de</strong> la réfutation ; la <strong>de</strong>uxièmea été d’associer cognition <strong>et</strong> conation comme composants inséparables <strong>de</strong> l’activité,ce qui m’a amenée à étudier la motivation.Elles m’ont donc poussée à compléter la vision classique <strong>de</strong>s schèmes piagétiensen introduisant un nouveau schème, que j’ai nommé schème <strong>de</strong> la réfutation. Jedésigne ainsi le processus par lequel un individu, en proie au déséquilibre créé par lanouvelle situation, n’intègre pas c<strong>et</strong>te nouvelle situation <strong>dans</strong> un schème existant(assimilation) <strong>et</strong> n’accommo<strong>de</strong> pas non plus les schèmes existants à la nouvellesituation (accommodation). Face à la nouvelle situation, l’individu gomme purement<strong>et</strong> simplement tous les traits <strong>de</strong> la situation qui le dérangent pour une raison ou une110


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèseautre. Sa relation à l’environnement est dialectique <strong>et</strong> il ou elle peut se créer poursurmonter les conflits qui le traversent une niche écologique protectrice [Borges,2001, p. 260]. Il ne conteste pas, il est, sur le plan <strong>de</strong> l’apprentissage, en situation <strong>de</strong>réfutation, <strong>de</strong> déni, dirait-on en psychanalyse, c’est-à-dire qu’il s’abstraitmentalement <strong>de</strong> la réalité. Un élève non motivé en classe <strong>de</strong> langue développe cegenre d’échappatoire par une activité mentale importante, qui consiste à substituer àla situation <strong>de</strong> classe une situation intérieure, c’est-à-dire inventée par lui à lamanière <strong>de</strong> l’instrument intérieur chez Vygotski [voir Rabar<strong>de</strong>l, 1995], d’où monintérêt, aujourd’hui, pour la théorie <strong>de</strong> l’activité.Il m’est également apparu que la motivation n’était pas un trait extérieur àl’apprentissage mais une composante <strong>de</strong> l’apprentissage. J’ai bien conscience quec<strong>et</strong>te assertion peut choquer puisqu’elle intègre le cognitif <strong>et</strong> le conatif <strong>dans</strong> un mêmeprocessus. Pourtant, tant sur le plan théorique que sur le plan empirique, il me paraîtdifficile <strong>de</strong>s les séparer sans pour autant les confondre. Autant c<strong>et</strong>te associationsemblerait inadéquate <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> la psychologie cognitive, autant elle apparaîtjustifiée du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVE. Comme le souligne lesergonomes cogniticiens, l’activité dont il est question en classe <strong>de</strong> langue n’est pascelle d’apprenants idéaux ou d’enseignants désincarnés <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong>laboratoire, mais celles d’agents porteurs d’envies, <strong>de</strong> désirs, <strong>de</strong> craintes <strong>et</strong> d’habitus<strong>dans</strong> <strong>de</strong>s contextes chargés d’affects <strong>et</strong> pas uniquement <strong>de</strong> cognition.Le schème <strong>de</strong> la réfutation que j’avais pu inférer <strong>de</strong> plusieurs étu<strong>de</strong>s empiriques,m’a ainsi conduite à faire <strong>de</strong> la motivation le suj<strong>et</strong> principal <strong>de</strong> mes recherches<strong>de</strong>puis 2003. Ces recherches empiriques seront présentées <strong>dans</strong> la cinquième partie<strong>de</strong> ce dossier.Résumé <strong>de</strong> la troisième partieC<strong>et</strong>te troisième partie avait pour fonction d’introduire <strong>de</strong>s notions clefs <strong>de</strong>l’ergonomie cognitive en LVE en précisant ce qui rapproche <strong>et</strong> distingue les notions<strong>de</strong> situation <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> tâche <strong>et</strong> d’activité <strong>de</strong> leur emploi habituel en didactique<strong>de</strong>s langues. On voit que ces notions sont à la fois <strong>de</strong>s concepts, c'est-à-dire qu’ilss’inscrivent <strong>dans</strong> le cadre d’une démarche scientifique, mais aussi <strong>de</strong>s construits,111


PREMIÈRE PARTIE – UN PARCOURS, LA DEMARCHE, LE CADRE CONCEPTUELFrançoise RABY - HDR - Volume 1 - Synthèsec'est-à-dire qu’ils revêtent une dimension concrète <strong>et</strong> dynamique qui les rendraopérationnels sur le terrain.112


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseDEUXIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LETERRAIN DES TICE EN ERGONOMIE COGNITIVE DELA LVEIntroductionL’introduction <strong>de</strong>s Technologies <strong>de</strong> l’information <strong>et</strong> <strong>de</strong> la communication (TIC)<strong>dans</strong> différents domaines <strong>de</strong> la vie quotidienne a stimulé le développement <strong>de</strong>nombreux travaux <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong> d’étu<strong>de</strong>s sur leurs usages, notamment ensociologie, psychologie, anthropologie, intelligence artificielle, économie, éducation,<strong>et</strong>c. Le paradigme du déterminisme technologique qui orientait ces étu<strong>de</strong>s il y a vingtans a progressivement évolué vers le paradigme <strong>de</strong> l’innovation qui triomphaitencore <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’Apprentissage <strong>de</strong>s Langues Assisté par l’Ordinateur(ALAO) il n’y a pas si longtemps, pour finalement se transformer en paradigme <strong>de</strong>l’usage [Millerand, 1998, 1999]. Une <strong>de</strong>s questions récurrentes <strong>dans</strong> l’approche <strong>de</strong>susages est celle <strong>de</strong> l’appropriation <strong>de</strong>s outils <strong>et</strong> instruments par les usagers, que cesoit <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’information ou <strong>de</strong> la communication, ou encore <strong>dans</strong> celui<strong>de</strong> la formation [Charlier <strong>et</strong> Peraya, 2007]. C<strong>et</strong>te question <strong>de</strong> l’appropriation (ou <strong>de</strong> lanon-appropriation) a été au cœur <strong>de</strong> toutes mes recherches en ALAO, grâce, selonmoi, à ma « rencontre » avec les TICE. J’ai été nommée PRAG au centre <strong>de</strong> languesvivantes <strong>de</strong> l’université Pierre-Mendès-France en raison <strong>de</strong>s mes qualificationsd’angliciste <strong>et</strong> <strong>de</strong> mon parcours comme formatrice d’enseignants <strong>de</strong> langue <strong>dans</strong>l’enseignement secondaire (non en tant que spécialiste <strong>de</strong> l’ALAO). À c<strong>et</strong>te époque,je n’avais comme compétence <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s TICE qu’une connaissancesuperficielle <strong>de</strong>s laboratoires <strong>de</strong> langues, que je n’avais jamais intégrée à mon113


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseenseignement. Or, le prési<strong>de</strong>nt Pouy<strong>et</strong> souhaitait m<strong>et</strong>tre en place, <strong>dans</strong> le secteurLANSAD 28 <strong>de</strong> son université, une pédagogie nouvelle inspirée <strong>de</strong> ce qui se faisaitpour l’apprentissage <strong>de</strong>s LVE <strong>dans</strong> les services <strong>de</strong> formation continue. Appuyée surles NTIC 29 , c<strong>et</strong>te nouvelle pédagogie favorisait la langue <strong>de</strong> la communication, lalangue anglaise <strong>dans</strong> le cas qui m’occupe, <strong>et</strong> l’apprentissage <strong>de</strong>s langues enautonomie. En 1989, les expériences <strong>de</strong> ce type étaient encore limitées en formationinitiale. Seules les universités <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux 2, sous la houl<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Michel Perrin, <strong>et</strong> <strong>de</strong>Nancy <strong>dans</strong> le contexte du CRAPEL, pouvaient se targuer d’avoir mis en place unenseignement assisté par les TICE. Mais il n’existait pas encore <strong>de</strong> centre <strong>de</strong> languesau sens propre du terme. À l’initiative du prési<strong>de</strong>nt Pouy<strong>et</strong>, j’ai effectué une missionitinérante à Bor<strong>de</strong>aux, à Oxford <strong>et</strong> à Berlin, afin <strong>de</strong> visiter plusieurs établissementsuniversitaires qui avaient mis en place un enseignement <strong>de</strong>s langues assisté par lesTICE. Parallèlement, grâce à divers stages <strong>de</strong> formation, je me suis initiée aux TICE,notamment à l’utilisation <strong>de</strong> l’ordinateur, que ce soit pour mon usage propre ou pourl’apprentissage d’une LVE. Contrairement à d’autres collègues experts <strong>dans</strong> laconception <strong>de</strong> programmes d’enseignement <strong>de</strong> l’anglais assisté par l’ordinateurcomme Alain Gin<strong>et</strong> [1997], Alain Caza<strong>de</strong> [1999], Joseph Rézeau [2002] ou encoreJean-Clau<strong>de</strong> Bertin [2002], je n’ai jamais développé <strong>de</strong> programme informatique<strong>de</strong>stiné à l’apprentissage <strong>de</strong>s langues. Mon champ d’intervention était celui d’unedidacticienne chargée <strong>de</strong> trouver, grâce à un travail d’équipe avec ses collègues duCLV, la façon la plus adéquate d’intégrer les NTIC <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong>formation. Pour remplir c<strong>et</strong>te mission, nous avons souhaité dialoguer avec lesconcepteurs, les enseignants du centre mais aussi les étudiants eux-mêmes ; enrésumé, avec les usagers du centre <strong>de</strong> langues. Mais ce dialogue n’aurait pas suffi. Ilconvenait aussi <strong>de</strong> tester les divers modules que nous m<strong>et</strong>tions en place afin <strong>de</strong>comprendre les mécanismes cognitifs qu’ils déclenchaient. C’est ainsi que nousavons fait alliance avec les chercheurs en sciences <strong>de</strong> l’éducation, eux aussi28 LANSAD (Langue pour Spécialistes d’Autres Disciplines). Dans le cas <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te université, ils’agissait <strong>de</strong>s sciences humaines <strong>et</strong> sociales.29 À c<strong>et</strong>te époque, les TICE étaient encore nouvelles, d’où l’acronyme NTIC, <strong>et</strong> pas éducatives.C’est le ministre Lang qui accrocha le E pour spécifier le domaine <strong>de</strong>s technologies appliquées àl’éducation : TICE.114


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsepréoccupés d’étudier les usages réels <strong>de</strong>s TICE in situ <strong>et</strong> pas simplement leurspotentialités techniques. Le premier chapitre [Chapitre 12] <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te quatrième partiesera donc centré sur la manière dont j’ai exploré les usages <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong>l’apprentissage académique <strong>de</strong>s langues.En même temps que je découvrais l’ordinateur comme instrument d’apprentissage<strong>de</strong> l’anglais, j’en faisais l’inséparable compagnon <strong>de</strong> mes recherches, comme toutenseignant chercheur. À mesure que je cheminais sur la voie <strong>de</strong> l’usage, j’élargissaismon champ <strong>de</strong> vision <strong>et</strong> ma façon d’abor<strong>de</strong>r les questions <strong>de</strong> l’acquisition d’unelangue ou <strong>de</strong> l’usage <strong>de</strong>s TICE grâce à l’utilisation <strong>de</strong>s statistiques assistées parordinateur 30 [Berth<strong>et</strong>, 1998, Peers, 1996] comme instrument <strong>de</strong> production <strong>et</strong>d’analyse <strong>de</strong> données. Le <strong>de</strong>uxième chapitre [Chapitre 5] sera consacré à uneréflexion sur l’apport <strong>de</strong> tels outils à la recherche sur l’enseignement/apprentissage<strong>de</strong>s langues.Chapitre 4 Recherches sur les usages <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong>l’enseignement/apprentissage d’une LVEComment j’ai abordé la question <strong>de</strong> l’usageLorsqu’un chercheur abor<strong>de</strong> un nouveau domaine d’apprentissage, il ne partjamais <strong>de</strong> rien. Je n’étais pas encore chercheur <strong>et</strong> je ne maîtrisais pas encore lesTICE. Comme tout apprenant, j’ai dû m’appuyer sur la culture acquise au cours <strong>de</strong>mes étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> mes lectures pour élaborer <strong>de</strong>s schèmes d’assimilation puisd’accommodation aux situations nouvelles auxquelles j’étais quotidiennementconfrontée.Quelques sédimentsLes auteurs ou les textes que je vais abor<strong>de</strong>r n’ont en apparence aucun lien avecles champs disciplinaires <strong>de</strong> la didactique <strong>de</strong>s langues, <strong>de</strong> l’ALAO, <strong>de</strong> l’ergonomie30 Sphynx, SAS, Tropes, Alceste115


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsecognitive <strong>de</strong>s langues ou <strong>de</strong> la motivation pour la LVE. Cependant, il me fautévoquer rapi<strong>de</strong>ment ces sédiments culturels parce qu’ils constituent le« soubassement » théorique <strong>et</strong> épistémologique <strong>de</strong> ma recherche. Ma formationinitiale à l’Institut d’Étu<strong>de</strong>s Politiques aura été déterminante à bien <strong>de</strong>s égards. Toutd’abord, cinq années <strong>de</strong> spécialisation en science administrative m’ont inculqué unecertaine manière <strong>de</strong> poser les problèmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> les résoudre 31 , ainsi qu’une certainerigueur intellectuelle. Ensuite, c<strong>et</strong>te formation était très largementpluridisciplinaire 32 , quelle que fut la spécialité choisie. Durant mon année <strong>de</strong> DEA,j’ai reçu ma première formation en épistémologie lors d’un séminaire général quiréunissait tous les étudiants <strong>et</strong> enseignants <strong>de</strong> DEA autour <strong>de</strong> quelques thèmeschoisis par les enseignants en début d’année. Nous avons ainsi examiné la thèse <strong>de</strong>Kuhn sur la révolution copernicienne, celle <strong>de</strong> Popper, le débat Chomsky/Piag<strong>et</strong> aucours du colloque <strong>de</strong> Royaumont, la théorie <strong>de</strong> Saussure, les questionsépistémologiques liées à l’écriture <strong>de</strong> l’histoire, <strong>et</strong> bien-sûr les débats entre marxistes<strong>et</strong> structuralistes qui agitaient la sphère intellectuelle <strong>de</strong> l’époque. Parallèlement àmes étu<strong>de</strong>s en sciences politiques, j’ai pu entrer directement en licence d’anglaisgrâce à mon diplôme <strong>de</strong> l’IEP. Ces étu<strong>de</strong>s anglophones ne m’ont pas totalementplongée <strong>dans</strong> l’inconnu puisque j’y ai r<strong>et</strong>rouvé d’anciennes fréquentations commeBacon, More, Hobbs, Locke, Acton (l’inspirateur <strong>de</strong> Montesquieu), autant d’auteursqui ont souvent fondé une théorie politique avant qu’elle ne trouve ses concepteursen France. J’avais bien-sûr choisi l’option <strong>de</strong> civilisation qui me fit revisiter avecplaisir le Panecticom <strong>de</strong> Bentham, le débat entre Paine <strong>et</strong> Burke sur les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> larévolution française ou l’analyse <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong> 1929 aux USA. Par ailleurs, c<strong>et</strong>teannée <strong>de</strong> licence m’initia aux théories littéraires : la découverte <strong>de</strong> Barthes, <strong>de</strong>Gen<strong>et</strong>te ou <strong>de</strong> Barberis fut pour moi l’occasion d’approcher les bienfaits d’un31 La fréquentation quotidienne <strong>de</strong>s grands arrêts <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce exige une gymnastiqueintellectuelle qui confine à l’ascèse, mais c’est une excellente formation à la résolution <strong>de</strong> problèmescomplexes !32 L’année du diplôme, pour ne prendre qu’un exemple, j’ai pu suivre plusieurs cours en option,c’est-à-dire hors <strong>de</strong> ma spécialité <strong>de</strong> juriste : un cours sur les grands courants <strong>de</strong> la pensée européenne,un cours sur le coup d’état au Chili donné par un sociologue trotskyste chilien, un cours sur laprésence française au Moyen-Orient donné par un ancien général, un cours sur l’État donné par unmembre du comité central du PCF, un autre sur l’évolution <strong>de</strong> la gauche non communiste <strong>de</strong> 1945 à1970, ainsi que <strong>de</strong>s séminaires avec l’intervention <strong>de</strong> Michel <strong>de</strong> Certeau, Poulantzas, Jean-JacquesCourtine, <strong>et</strong>c.116


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèserelativisme spéculatif qui faisait défaut au discours juridique. Or, les théorieslittéraires « mo<strong>de</strong>rnes » empruntaient déjà considérablement aux théories générales<strong>de</strong>s sciences sociales. Les théories du discours, la pragmatique d’Austin, les travaux<strong>de</strong> Michel Foucault ou <strong>de</strong> Rolland Barthes, les psychanalyses Lacaniennes ouYoungiennes renouvelaient les approches <strong>de</strong> la littérature anglophone, c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnières’étendant <strong>de</strong> plus en plus au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frontières anglo-américaines 33 .C<strong>et</strong>te double formation politique <strong>et</strong> littéraire m’a donné le gout <strong>de</strong>l’épistémologie, <strong>de</strong> la philosophie, <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s idées <strong>et</strong> du langage. Lorsque j’aicommencé ma carrière <strong>de</strong> chercheur, dix ans plus tard, ces lectures ont influencé maréflexion sur l’usage, que ce soit l’usage <strong>de</strong>s mots ou l’usage <strong>de</strong>s instruments. Eneff<strong>et</strong>, ce parcours en sciences humaines <strong>et</strong> sociales a laissé une trac<strong>et</strong>ransdisciplinaire qui explique mon approche <strong>de</strong> l’usage : la notion d’écart. Lesauteurs <strong>de</strong> textes juridiques, <strong>de</strong> la noble constitution au plus p<strong>et</strong>it arrêté d’application,sont obsédés par l’idée que le texte doit être parfaitement « verrouillé » afin quel’application ne souffre pas le moindre écart vis à vis <strong>de</strong>s intentions <strong>de</strong> ses auteurs.Mais tous savent bien que c’est souvent peine perdue, car un changement <strong>dans</strong> lerapport <strong>de</strong> force politique peut r<strong>et</strong>ar<strong>de</strong>r, voire empêcher l’écriture <strong>de</strong>s décr<strong>et</strong>sd’application, ou une autre loi vient effacer l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la première, ou encore, le tempspassant, un texte <strong>de</strong> loi <strong>de</strong>venu trop éloigné <strong>de</strong>s réalités sociales se voit corrigé,amendé, parfois franchement bafoué ou ignoré. L’écart est la conséquence inévitable<strong>de</strong> ce qui distingue le droit <strong>de</strong> sa mise en œuvre. Du côté <strong>de</strong> la littérature, l’écart n’estpas moindre. Je me souviens que Barberis écrivait, en commentant Balzac, qu’uneœuvre n’existait véritablement qu’au fil <strong>de</strong> lectures successives, comme « libérée <strong>de</strong>son auteur » (<strong>de</strong>puis, l’idée a largement fait son chemin !). Par exemple, entre lesdivers types <strong>de</strong> narrateurs chez Gen<strong>et</strong>te [1972], tout est également affaire d’écart <strong>de</strong>point <strong>de</strong> vue <strong>dans</strong> le récit. Parallèlement, les théories du discours <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’énonciationétaient venues rendre compte <strong>de</strong> l’écart entre la grammaire <strong>et</strong> l’usage social <strong>de</strong> lalangue en contexte. Ainsi, ma formation intellectuelle, qu’elle ait été politique oulittéraire, m’a d’emblée confrontée à c<strong>et</strong>te notion d’écart, écart entre l’être idéal (au33 L’apprentissage <strong>de</strong> la langue ne faisait pas partie <strong>de</strong> mes préoccupations intellectuelles à c<strong>et</strong>teépoque, <strong>et</strong> <strong>de</strong>venir angliciste ne fut pas sans quelques souffrances, ce qui explique sans doute l’intérêtque je prends à tenter <strong>de</strong> rendre plus aisé ce parcours périlleux.117


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsesens <strong>de</strong> Chomsky, bien-sûr, c’est-à-dire virtuel) <strong>et</strong> les individus incarnés, censés fairevivre le texte politique, juridique, littéraire.Mais je ne peux clore c<strong>et</strong> exposé sans faire référence à ma culture théâtrale <strong>et</strong>surtout à sa pratique. Elle constitue le troisième élément du triptyque sur lequelrepose le socle <strong>de</strong> mes conceptions du changement <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’innovation. Sur scène, lanotion même d’écart disparaît puisqu’il n’y pas <strong>et</strong> ne peut y avoir <strong>de</strong> normesd’interprétation. Il n’existe pas <strong>de</strong> limite à l’entreprise <strong>de</strong> traduction/recréation <strong>de</strong> lamise en scène. Seule la figure toute puissante du m<strong>et</strong>teur en scène constitue uneentrave à la créativité du comédien. Or, le m<strong>et</strong>teur en scène, s’il est un vraiprofessionnel, ne montera jamais sur scène pour montrer à l’apprenti-comédiencomment jouer : ce serait transformer le jeu <strong>de</strong> l’acteur en une imitation <strong>et</strong> c’est làune différence très importante avec d’autres apprentissages. Le jeu <strong>de</strong> l’acteur estdonc entièrement placé sous le signe <strong>de</strong> l’écart : écart aux intentions <strong>de</strong> l’auteur(mais quelles intentions ?), écart aux intentions du m<strong>et</strong>teur en scène (mais celui-ciattend aussi que le comédien lui propose <strong>de</strong>s choses), écart par rapport à ses propresintentions, son désir <strong>de</strong> faire passer tel ou tel sens, telle ou telle émotion (<strong>et</strong> laconscience <strong>de</strong> ne pas y parvenir) [Brook, 2001].Ma réflexion sur la notion d’écart a porté sur l’écart à la norme. Elle a eu commepoint <strong>de</strong> départ un travail théorique sur lequel repose tout c<strong>et</strong> ouvrage, <strong>et</strong> qui estexposé <strong>dans</strong> la <strong>de</strong>uxième partie (notion <strong>de</strong> modèle). En 2004, avec Jocelyne Accardi,nous avons tenté d’établir ce qui reliait le modèle, la norme <strong>et</strong> l’écart <strong>dans</strong> lesréférences au savoir chez les professeurs stagiaires <strong>de</strong> langues [Doc. 11, pp. 228-249]. À l’origine, la notion <strong>de</strong> modèle renvoyait à celle d’obj<strong>et</strong> à imiter [Le Gay,1997], puis a pris valeur d’exemple, <strong>et</strong> d’ailleurs, le verbe « se mo<strong>de</strong>ler » signifiebien « se conformer à », « se régler sur ». C’est en ce sens qu’il faut prendre ici l<strong>et</strong>erme <strong>de</strong> modèle, c’est-à-dire que la relation aux savoirs savants, savoir-faire <strong>et</strong>pratiques sociales <strong>de</strong> référence est une relation normative : tous ces savoirs prennentvaleur <strong>de</strong> norme <strong>dans</strong> les discours <strong>de</strong>s stagiaires : norme savante <strong>et</strong> norme sociale[Munck & Veroheven, 1997]. J’ai pu l’observer <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te recherche particulièremais aussi <strong>dans</strong> les mémoires professionnels <strong>de</strong>s professeurs stagiaires [Crinon &Guigue, 2003]. Par la suite, les travaux que j’ai menés sur l’activité <strong>de</strong>s enseignants<strong>et</strong> <strong>de</strong>s apprenants ont révélé que l’écart n’est pas seulement un écart au prescrit par118


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsel’institution ou l’enseignant ou encore la tâche, mais prend aussi chez l’acteur unedimension personnelle, voire intime lorsqu’il est ressenti comme un décalage parrapport à <strong>de</strong>s normes plus ou moins intériorisées par l’acteur [Bronckart, 2004]. C<strong>et</strong>écart peut provoquer <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> dissonances cognitives [Festinger, 1957,1959]. Je m’en suis aperçue encore récemment chez les enseignants, <strong>dans</strong> le domaine<strong>de</strong> l’évaluation, lorsque ceux-ci doivent m<strong>et</strong>tre en pratique <strong>de</strong>s normes d’évaluationappuyées sur <strong>de</strong>s valeurs qu’ils ne partagent pas [Doc. 19, pp. 387-404]. AvecFrançoise Campanale, nous avons présenté une approche culturelle <strong>de</strong> l’évaluation aucongrès d’EARLI en 2007 34 . Nous y avons analysé les écarts entre les normesinstitutionnelles pragmatiques d’évaluation <strong>et</strong> les normes <strong>de</strong> correction linguistiquequi sont encore l’apanage <strong>de</strong> nombreux enseignants <strong>de</strong> langue sur le terrain, car lamaîtrise <strong>de</strong> la langue est ce qui les i<strong>de</strong>ntifie professionnellement <strong>et</strong> ce qui lesdistingue socialement.L’apport <strong>de</strong> la sociologie <strong>de</strong>s usagesMes réflexions se sont ensuite appuyées sur les travaux menés par la sociologie<strong>de</strong>s usages, les plus réputés étant ceux <strong>de</strong> l’École <strong>de</strong> la Traduction, représentée entreautres par les sociologues Latour [1991], Akrich [2006], Callon [1989, 1992]. Ellesfirent émerger la dimension sociale <strong>de</strong> l’innovation technique, qui fut alors envisagéecomme une succession d’épreuves, <strong>de</strong> transformations, <strong>de</strong> « traductions », d’enjeuxqui s’établissent entre ces différents acteurs (humains <strong>et</strong> non-humains). Lestransformations sont analysées en termes <strong>de</strong> confrontations entre les acteurs, lesdispositifs techniques <strong>et</strong> l’environnement, à travers <strong>de</strong>s tests techniques(d’utilisabilité par exemple) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s expérimentations auprès <strong>de</strong>s usagers. De ce point<strong>de</strong> vue, l’historien Perriault [1989] a déjà montré que, face aux mo<strong>de</strong>s d’emploiprescrits par les concepteurs <strong>de</strong>s technologies, les utilisateurs proposent « <strong>de</strong>sdéviances, <strong>de</strong>s variantes, <strong>de</strong>s détournements <strong>et</strong> <strong>de</strong>s arpèges. » [Perriault, 1989,34 RABY, F.; CAMPANALE, F. (2007). Inconsistent cultures of foreign language evaluation.When teachers find themselves tangled up by conflicting values and objectives. EARLI. Budapest,31 août – 30 septembre119


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsep. 14]. Ce processus, que Montmollin avait déjà analysé <strong>et</strong> qualifié d’heuristique <strong>de</strong>succès <strong>dans</strong> l’intelligence <strong>de</strong> la tâche [Montmollin, 1986], <strong>et</strong> que Rabar<strong>de</strong>l désignesous le terme <strong>de</strong> catachrèse [Rabar<strong>de</strong>l, 1995, p. 124], s’inscrit <strong>dans</strong> une genèseinstrumentale [Doc. 12, pp. 250-263]. Enfin, un auteur a également influencé mavision <strong>de</strong> l’usage, il s’agit <strong>de</strong> Michel <strong>de</strong> Certeau [1990], qui analyse les écarts entreles usages inventés par les concepteurs <strong>et</strong> ceux effectivement constatés. Ces écartsdévoilent l’existence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s : celui <strong>de</strong> la production <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> laconsommation. L’ensemble <strong>de</strong>s usages crée, invente <strong>de</strong>s pratiques qui participent àl’invention du quotidien. Il applique les caractéristiques <strong>de</strong> l’énonciation auxpratiques quotidiennes :L’énonciation suppose en eff<strong>et</strong> : 1. une effectuation dusystème linguistique par un dire qui en actue <strong>de</strong>s possibilités(la langue n’est réelle que <strong>dans</strong> l’acte <strong>de</strong> parler) ; 2. uneappropriation <strong>de</strong> la langue par le locuteur qui parle ; 3.l’implantation d’un interlocuteur (réel ou fictif), <strong>et</strong> donc laconstitution d’un contrat relationnel ou d’une allocution ; 4.l’instauration d’un présent… l’organisation d’un<strong>et</strong>emporalité. De ces caractéristiques, l’énonciation fournitun modèle, mais elles vont se r<strong>et</strong>rouver <strong>dans</strong> le rapport qued’autres pratiques (marcher, habiter, cuisiner, <strong>et</strong>c.)entr<strong>et</strong>iennent avec <strong>de</strong>s systèmes linguistiques. [Ibid., p. 81]L’application <strong>de</strong> ces quatre catégories aux pratiques quotidiennes perm<strong>et</strong> <strong>de</strong>comprendre l’écart constaté entre l’offre d’innovations technologiques <strong>et</strong> ceux qui seles approprient effectivement, à partir d’opérations que <strong>de</strong> Certeau appelle« bricolage », « créations », « ruses » ou « braconnage » <strong>et</strong> qui forment l’inventiondu quotidien. Actuellement, les auteurs étudient aussi les comportements <strong>de</strong> refus, <strong>de</strong>détournement ou <strong>de</strong> contournement, comme c’est le cas <strong>dans</strong> l’approche« microsociale » <strong>et</strong> « micro-individuelle » proposée par Blandin :Pour comprendre les processus <strong>de</strong> construction <strong>et</strong>d’évolution <strong>de</strong>s usages, il me semble donc nécessaire <strong>de</strong> sesituer à l’articulation du jeu <strong>de</strong>s acteurs (niveaumicrosocial) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pratiques cognitives (niveau microindividuel),<strong>et</strong> plus précisément à l’interface entre les‘apprentissages collectifs’ – c’est-à-dire la constructionnégociée <strong>de</strong> nouvelles ‘règles du jeu’ au sein d’un groupe <strong>et</strong>les activités collectives <strong>de</strong> l’individu. [Blandin, 1998, p. 3]120


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEDéfinir l’usageFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseDans le langage du quotidien, les notions d’usage <strong>et</strong> d’utilisation sont employéespresque comme <strong>de</strong>s synonymes, mais pour construire le concept d’usage, il convient<strong>de</strong> les distinguer.Selon Le Coadic, les pratiques sont elles aussi <strong>de</strong> nature sociale, elles relèvent <strong>de</strong>sprocédés, <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s manières concrètes <strong>de</strong> faire <strong>et</strong> d’accomplir uneactivité sociale, d’un groupe social. « Une pratique est un ensemble d’habitu<strong>de</strong>sétablies » [Le Coadic, 1997, p. 21]. La différence entre la pratique <strong>et</strong> l’usage renvoiealors à la notion <strong>de</strong> médiation que contient l’usage [Perriault, 2002]. L’usage estnécessairement usage <strong>de</strong> quelque chose à une fin donnée ; aussi, mon travail surl’usage a-t-il débouché sur le concept <strong>de</strong> dispositif.L’utilisation d’un obj<strong>et</strong> technique ne présente pas la même dimension que sonusage. Pour nous, l’usage est associé à une activité sociale stable <strong>et</strong> habituelle.…l’ancienn<strong>et</strong>é ou la fréquence rend normale, courant <strong>dans</strong>une société donnée mais elle n’est pas force <strong>de</strong> loi, à ladifférence <strong>de</strong>s mœurs, <strong>de</strong>s rites, <strong>de</strong>s us <strong>et</strong> coutumes,habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie auxquelles la plupart <strong>de</strong>s membres d’ungroupe social se conforment. [Le Coadic, 1997, p. 19]Par exemple, <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’éducation, l’obj<strong>et</strong> technique ‘ordinateur’ peutêtre utilisé <strong>dans</strong> un but précis, comme faire une recherche sur Intern<strong>et</strong>. Quand c<strong>et</strong>teactivité est sporadique, quand l’enseignant n’a pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mener, qu’ilréalise <strong>de</strong>s opérations exploratoires, sans métho<strong>de</strong> ni procédure établie au préalable(sans une planification <strong>de</strong> son activité, <strong>de</strong> façon explicite <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s documents, ouimplicite <strong>dans</strong> sa pensée), on peut dire qu’il utilise l’ordinateur. En revanche, quandc<strong>et</strong>te activité est planifiée, menée selon <strong>de</strong>s opérations, <strong>de</strong>s procédures habituelles,quand elle fait partie <strong>de</strong> sa pratique pédagogique quotidienne, on peut alors dire quel’enseignant utilise l’ordinateur avec <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s routines, <strong>et</strong> cela <strong>de</strong>vient unusage. C’est le passage <strong>de</strong>s stratégies aux règles d’usage qui est au cœur <strong>de</strong> montravail <strong>de</strong> recherche sur les TICE. En éducation, <strong>et</strong> tout particulièrement <strong>dans</strong> ledomaine <strong>de</strong> l’ALAO, la perspective <strong>de</strong> l’usage a été largement explorée par Bruillar<strong>de</strong>t Baron [1996]. De plus, l’ouvrage L’usage en travaux, publié en 2007 par leCNDP, fait utilement le point sur les diverses approches éducatives <strong>de</strong> l’usage. Pour121


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsema part, je pense que le r<strong>et</strong>ard pris vient essentiellement du fait qu’analyser l’activitésur le terrain, avec une durée suffisamment longue pour appréhen<strong>de</strong>r l’usage, n’estpas chose facile, surtout à l’école ou au lycée.Usage <strong>de</strong> quoi ? Le triomphe du dispositifMes recherches sur les usages <strong>de</strong>s TICE ont fait émerger la notion <strong>de</strong> dispositif.Le mot avait envahi à peu près tous les domaines <strong>de</strong>s sciences sociales qui traitaient<strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin <strong>de</strong>s technologies <strong>de</strong> l’information. Évoquant c<strong>et</strong>te dissémination,Jacquinot-Delaunay <strong>et</strong> Monnoyer écrivent :Mais justement, ils souhaitaient (les auteurs) vérifier si lesnouveaux usages <strong>de</strong> ce terme « dispositif », renvoyant à <strong>de</strong>spratiques sociales extrêmement diversifiées, allégué <strong>dans</strong><strong>de</strong>s contenus disciplinaires déconnectés les uns <strong>de</strong>s autres,recouvraient <strong>de</strong>s points communs, voire convergents, versune seule <strong>et</strong> même perspective. Car ils avaient constaté quesi c<strong>et</strong>te notion était <strong>de</strong> plus en plus utilisée, elle apparaissaiten revanche, rarement élucidée : comme si son caractèred’opérativité dispensait d’en penser la pertinence théorique.[Jacquinot-Delaunay, 1999, p. 9]Or, la notion <strong>de</strong> dispositif s’est imposée à moi comme obj<strong>et</strong> central <strong>de</strong> mesrecherches à la fin <strong>de</strong>s années 1990. Ce fut à la fois la conséquence directe <strong>de</strong> mestravaux sur les TICE <strong>et</strong> <strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong> formatrice <strong>de</strong> professeurs d’anglais àl’IUFM. En eff<strong>et</strong>, les tentatives <strong>de</strong> compréhension <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong>s élèves <strong>et</strong> <strong>de</strong>senseignants <strong>dans</strong> l’activité exigeaient d’i<strong>de</strong>ntifier à quel niveau ces difficultésapparaissaient : on a pu ainsi parler <strong>de</strong> situations d’environnement [voir Partie 1 ;Depover, Giardina & Marton, 1990] <strong>et</strong> <strong>de</strong> systèmes [Mangenot, 2000 ; Bertin, 2002,sous presse]. Or, aucun <strong>de</strong> ces concepts ne me convenaient, pour un certain nombre<strong>de</strong> raisons, <strong>et</strong> notamment parce qu’ils n’évoquaient pas clairement la rencontre entreun suj<strong>et</strong>, un milieu <strong>et</strong> un temps donnés. La question posée par les coordonatrices dunuméro d’Hermès que je viens <strong>de</strong> citer était somme toute assez simple : quel vi<strong>de</strong>remplit ce concept, à quel besoin théorique répond-il ? Il est clair que les réponsesvarient selon les champs disciplinaires. Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Françoise Demaizière surles ambigüités <strong>de</strong> la notion <strong>et</strong> son évolution donne une idée très complète <strong>de</strong> lamanière dont, en éducation, le terme s’est démarqué <strong>de</strong>s textes fondateurs <strong>de</strong> MélanieKlein ou <strong>de</strong> Michel Foucault. Pour répondre à c<strong>et</strong>te question, il faut passer <strong>de</strong> la122


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsenotion au concept 35 , car si la notion est admise en tous lieux, le concept est toujourscirconscrit <strong>dans</strong> un champ <strong>de</strong> référence qui doit être i<strong>de</strong>ntifié, <strong>et</strong> en <strong>de</strong>hors duquel iln’est plus opérant. Il me fallait élaborer le concept <strong>de</strong> dispositif <strong>dans</strong> le champ <strong>de</strong>l’ergonomie cognitive <strong>de</strong> la LVE.J’ai commencé à travailler le concept <strong>de</strong> dispositif en LVE lorsque nous avonstravaillé avec Jacques Baillé sur la notion <strong>de</strong> machineries sémiotiques [Doc. 3,pp. 46-82], puis en préparant une semaine <strong>de</strong> formation organisée à Grenoble par lelaboratoire <strong>de</strong> Sciences <strong>de</strong> l’éducation pour le plan national <strong>de</strong> formation 36 . Par lasuite, j’ai continué à travailler c<strong>et</strong>te notion, notamment <strong>dans</strong> mon cours <strong>de</strong> master 2sur les usages. J’ai résumé la manière dont je concevais ce construit <strong>dans</strong> CallResearch Perspectives [Doc. 12, pp. 250-263]. Aujourd’hui, je complète monapproche <strong>et</strong> tente d’élaborer un construit qui en fasse un outil <strong>de</strong> rechercheopérationnel sur le terrain <strong>de</strong> la LVE.Le dispositif est le niveau supérieur <strong>de</strong> l’instrumentation par rapport àl’instrument <strong>et</strong>, comme l’instrument, il est finalisé par un champ didactique, <strong>dans</strong>notre cas la LVE. Il comprend un système technique (la médiathèque, les outilsmultimédia), un système didactique (qui conduit à l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE) <strong>et</strong> unsystème pédagogique qui organise les modalités du travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’évaluation.Le dispositif est à l’environnement ce que l’instrument est à l’artefact. Je reprendsla distinction bien connue entre instrument <strong>et</strong> artefact établie par Rabar<strong>de</strong>l [1995]. Ledispositif est le point <strong>de</strong> rencontre entre le concepteur d’un système <strong>de</strong> formation <strong>et</strong>l’utilisateur <strong>de</strong> ce système. Il n’y a pas <strong>de</strong> dispositif sans usager, fut-il idéal ouvirtuel.35 Du point <strong>de</strong> vue épistémologique, notion <strong>et</strong> concept sont <strong>de</strong>s unités élémentaires abstraites quipourraient être placées aux <strong>de</strong>ux extrémités d’une ligne tant elles s’opposent, notamment par laprécision que l’on accor<strong>de</strong> aux domaines qu’elles recouvrent l’une <strong>et</strong> l’autre. La notion recouvre uneidée plutôt vague, aux contours généralement imprécis <strong>et</strong> donc communément admise. La notionrelève encore <strong>de</strong> la perception, tandis que le concept évoque une activité <strong>de</strong> construction, il est donclié à l’épistémologie <strong>et</strong> à la pensée scientifique [Doc. 18, pp. 371-386].36 RABY, F. (2000) La question <strong>de</strong> l’usage, In J. Baillé & E. <strong>de</strong> Vries (dir.), Ressourcesmultimédia pour la conception <strong>de</strong> séquences d’enseignement. Grenoble : LSE, Formation PNF.123


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseDans le dispositif, comme <strong>dans</strong> tout obj<strong>et</strong> technique évolué, la part <strong>de</strong> lamachinerie symbolique est plus importante que la part matérielle. L’intelligenceaussi bien que l’affect du concepteur, sont cristallisés <strong>dans</strong> le dispositif. C<strong>et</strong>teintelligence peut <strong>de</strong>venir « active » sous l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> l’utilisateur. Leconcepteur est donc encore à l’œuvre <strong>dans</strong> l’usage du dispositif, même s’il n’est plusphysiquement présent.Enfin, comme le système, le dispositif est dynamique : une fois créé, il ne cessed’évoluer <strong>et</strong> <strong>de</strong> se transformer <strong>dans</strong> l’usage. C’est pour cela qu’un « bon dispositif »ne cherche pas, selon moi, à fournir la meilleure solution possible au problème <strong>de</strong>l’apprentissage mais à établir un répertoire <strong>de</strong> procédures, <strong>de</strong> solutions, <strong>de</strong>stratagèmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> catachrèses. Le dispositif est un jeu <strong>de</strong> relations au sens que luidonne Simondon, il rime avec créativité.Recherches sur les stratégies d’apprentissageJ’ai commencé mes travaux sur les stratégies cognitives <strong>et</strong> langagières enm’intéressant au travail <strong>de</strong>s étudiants en autonomie. À l’époque, la notion <strong>de</strong>stratégie était largement débattue en psychologie cognitive, en éducation <strong>et</strong> enALAO [Fayol, Atlan], mais aucun auteur en ALAO ne posait la question du passage<strong>de</strong> la stratégie à la règle, c’est-à-dire à la construction <strong>de</strong> procédures stabilisées,récurrentes, voire routinières pour appréhen<strong>de</strong>r le travail <strong>de</strong> la LVE. Je défendaisl’idée que le rôle <strong>de</strong> l’enseignant était <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s dispositifs perm<strong>et</strong>tant auxélèves ou aux étudiants <strong>de</strong> choisir <strong>et</strong> stabiliser <strong>de</strong>s stratégies efficaces <strong>et</strong> <strong>de</strong> lesautomatiser sous forme <strong>de</strong> règles. Or, <strong>de</strong> nombreux collègues enseignants chercheursne comprenaient pas la notion <strong>de</strong> règle à la manière <strong>de</strong>s sciences cognitives 37 , <strong>et</strong> mespositions ont été perçues comme <strong>de</strong>s conceptions néo-béhavioristes à peinedéguisées. Toute notion d’automatisation ou <strong>de</strong> routine renvoyait, pour eux, à unasservissement <strong>de</strong> l’apprenant. Avec le développement <strong>de</strong>s travaux influencés par lapsycholinguistique, la psychologie cognitive <strong>et</strong> la psychologie sociale en LVE, cesdifficultés d’ordre sémantique ont peu à peu disparu <strong>et</strong> les didacticiens <strong>de</strong> langues,37 Narcy [1990] a été précurseur <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te voie, même s’il s’est par la suite dégagé d’uneapproche cognitiviste (<strong>et</strong> non cognitive) <strong>de</strong> l’apprentissage d’une LVE [Narcy, 2005].124


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthès<strong>et</strong>out en conservant un appareil sémantique <strong>et</strong> un point <strong>de</strong> vue spécifique [Puren,1994, 1998, 1999 ; Porcher, 2004], ont intégré les apports <strong>de</strong> la SLA ou <strong>de</strong> lapsychologie cognitive, ce qui génère moins <strong>de</strong> malentendus.Les discours institutionnels comme les recherches menées en didactique <strong>de</strong>l’anglais, en didactique <strong>de</strong>s langues <strong>et</strong> en environnement Informatique pourl’Apprentissage Humain (EIAH) en matière <strong>de</strong> conception d’outils informatiquess’accor<strong>de</strong>nt, en général, à souligner les apports <strong>de</strong>s réseaux informatiques, <strong>et</strong> toutparticulièrement d’Intern<strong>et</strong>, à l’enseignement/apprentissage <strong>de</strong>s langues étrangères.En particulier, Intern<strong>et</strong> offrirait la possibilité d’élaborer <strong>de</strong>s modalités pédagogiquesplus efficaces que les modalités classiques <strong>dans</strong> lesquelles l’enseignant, face augroupe classe, joue les rôles d’instructeur, d’évaluateur <strong>et</strong> d’animateur. Cependant,peu <strong>de</strong> recherches empiriques recourant à une méthodologie rigoureuse ont, jusqu’àprésent, apporté la preuve <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te efficacité <strong>de</strong>s environnements informatiques surles apprentissages d’un point <strong>de</strong> vue global, c’est-à-dire en prenant en compteplusieurs eff<strong>et</strong>s d’une modalité pédagogique sur l’apprentissage <strong>de</strong> la langue :performances <strong>et</strong> processus.Depuis dix ans, les travaux menés <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’anglais langue étrangèreen France sont souvent le produit <strong>de</strong> recherches effectuées par <strong>de</strong>s concepteursanglicistes d’outils informatiques. Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’usage, on se situe donc auniveau <strong>de</strong> l’innovation <strong>et</strong> non <strong>de</strong> l’appropriation [Millerand, 1997, 1998]. On peutciter les travaux <strong>de</strong> Bertin (auteur du Learning lab), <strong>de</strong> Toma (auteur du Lavac), <strong>de</strong>Caza<strong>de</strong> (auteur <strong>de</strong> Help Yourself). On trouve aussi, tout particulièrement <strong>de</strong>puis lanaissance <strong>de</strong> la revue Alsic, <strong>de</strong> nombreuses étu<strong>de</strong>s portant sur <strong>de</strong>s analyses <strong>de</strong>logiciels, cédéroms ou didacticiels mais le plus souvent, il s’agit d’appliquer <strong>de</strong>sgrilles d’évaluation selon <strong>de</strong>s critères établis par les concepteurs ou à partir <strong>de</strong>quelques expériences. Les recherches centrées sur les usages <strong>de</strong>s outils informatiquessont plus rares. Le même problème se pose au niveau <strong>de</strong> la recherche mondiale[Chapelle, 2003, 2001 ; Levy, 1997]. Il faut citer cependant les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’équipe duSICAH sur le travail collaboratif <strong>et</strong> à distance [Reffay & Chanier 2003] <strong>et</strong> duLIDILEM [Mangenot, Develotte, Soubrier, Degache, Guichon]. Mes travaux ont eupour objectif <strong>de</strong> caractériser les usages <strong>dans</strong> une perspective ergonomique [Rabar<strong>de</strong>l,1995] afin <strong>de</strong> contribuer à l’élaboration d’une ergonomie <strong>de</strong> la formation [Doc. 3,125


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsepp. 46-82, Doc. 9, pp. 190-202 ; Baillé, 1997]. Ils ont débouché sur les usages <strong>de</strong> laWebquest <strong>dans</strong> l’apprentissage <strong>de</strong>s langues <strong>dans</strong> une perspective interdisciplinaire.Des stratégies aux règles d’apprentissageLes recherches sur les stratégies d’apprentissage ont souvent été menées endidactique <strong>de</strong> langues <strong>dans</strong> une perspective généraliste [Atlan, 1997 ; Oxford, 1990 ;Doc. 1, p. 24]. Atlan dresse une taxinomie <strong>de</strong>s stratégies d’apprentissage en LVE encomparant les définitions proposées par divers chercheurs [Wen<strong>de</strong>n, 1987 ;MacIntyre, 1994 ; Oxford & Crookall, 1989]. Elle souligne le flou qui entoure c<strong>et</strong>tenotion :On trouve <strong>de</strong> nombreux termes <strong>dans</strong> les travaux <strong>de</strong>schercheurs pour parler du phénomène. Wen<strong>de</strong>n (1987, p. 7)a relevé les termes suivants : techniques, tactics, potentiallyconscious plans, consciously employed operations, learningskills, basic skills, functional skills, cognitive abilities,language processing strategies, problem solving proceduresCes termes posent problème car ils confon<strong>de</strong>nt compétence(savoir lire, écrire, parler, <strong>et</strong>c.) processus (transformation<strong>de</strong> l’information) <strong>et</strong> stratégies proprement dites (technique,plan, moyen <strong>de</strong> compenser s’il y a un problème). Cependant,Wen<strong>de</strong>n (1987) donne aussi six critères qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong>cerner la notion <strong>de</strong> stratégies <strong>et</strong> ces critères sont finalementaussi utiles qu’une définition bien arrêtée. [Atlan, 2000,p. 112]Ce flou n’est finalement pas trop gênant, il peut même avoir une valeurheuristique si on réfléchit, sur un plan général, aux différentes manières dontl’apprentissage d’une langue étrangère (ou son non-apprentissage, ce qu’on oubli<strong>et</strong>rop souvent) peut être organisé plus ou moins consciemment par les apprenants.Mais si le chercheur tente <strong>de</strong> savoir comment c<strong>et</strong>te activité s’opère sur le terrain,c’est-à-dire s’il souhaite caractériser l’activité stratégique, il a besoin <strong>de</strong> définitionsplus précises car elles doivent pouvoir être observées ou extraites sur le terrain,pendant l’activité. Pour ma part, je me suis appuyée sur le concept <strong>de</strong> stratégiedéveloppé par Hoc [1992] <strong>dans</strong> une perspective ergonomique [voir Partie 1] <strong>et</strong> sur laclassification d’O’Malley <strong>et</strong> Chamot pour les langues [1992]. Mais, il me fallaitarticuler ce travail théorique à une autre dimension <strong>de</strong> mes recherches : le travail <strong>de</strong>l’anglais en autonomie. Les questions <strong>de</strong> l’autonomie <strong>et</strong> <strong>de</strong>s TICE ont toujours été126


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseétroitement liées <strong>et</strong> certains chercheurs en éducation [Albero, 2000] <strong>et</strong> en didactique<strong>de</strong>s langues [Gardner & Miller, 1999 ; Benson& Voller, 2001 ; Lantolf & Benung,2001 ; Demaizière & Foucher, 1997 ; Holec, 2000 ; Prince, 2009] se sont appliqués àdémêler les relations complexes qui unissent les <strong>de</strong>ux termes. Mais rares sont lesauteurs qui, à l’époque, proposaient une méthodologie rigoureuse <strong>de</strong> recherche surles stratégies développées par les apprenants en autonomie. J’ai r<strong>et</strong>enu <strong>de</strong> diversécrits que l’autonomie n’était pas donnée <strong>et</strong> que l’environnement <strong>de</strong>vait ai<strong>de</strong>r lesapprenants à la construire. Des centaines <strong>de</strong> communications <strong>et</strong> d’articlesexpliquaient en quoi les nouvelles technologies étaient censées faire éclorel’autonomie <strong>de</strong> l’apprenant (j’en ai moi-même écrit plus d’un à visée didactique),mais à l’époque, il me semblait que bien peu <strong>de</strong> chercheurs quittaient l’univers <strong>de</strong>l’imagination pédagogique pour aller voir sur le terrain comment l’autonomie sedéveloppait (ou non !).Intégrer l’analyse <strong>de</strong>s comportements à l’étu<strong>de</strong> du travail en autonomie en anglaisAu lieu d’adopter, comme c’est souvent le cas en didactique ou en éducation, unedémarche expérimentale <strong>et</strong> prédictive, j’ai adopté une démarche d’observation, sanshypothèse, fondée simplement sur les théories <strong>de</strong> la planification <strong>de</strong> la tâcheélaborées par Hoc [1992] <strong>et</strong> Ellis [2005], <strong>et</strong> qui, en résumé, reposent sur <strong>de</strong>sprocédures <strong>de</strong> préparation, d’exécution <strong>et</strong> <strong>de</strong> contrôle. Après avoir construit l’arbre<strong>de</strong> la tâche observée, j’ai établi à chaque fois une grille d’observation <strong>de</strong>scomportements que l’on pouvait attendre <strong>de</strong>s apprenants. Exemple : lit, prend <strong>de</strong>snotes, consulte un dictionnaire, consulte un autre endroit du livre, corrige, revient enarrière, interroge un pair, <strong>et</strong>c. [voir Partie 1]. J’ai utilisé systématiquement c<strong>et</strong>teprocédure <strong>dans</strong> mes recherches sur la compréhension <strong>de</strong> l’anglais en autonomie[Doc. 1, p. 11, Doc. 9, p. 109].Dans la première étu<strong>de</strong> au centre <strong>de</strong> langues, les grilles laissaient apparaître unecertaine régularité comportementale mais il était impossible <strong>de</strong> les classer selon <strong>de</strong>scritères clairs. En eff<strong>et</strong>, les variations entre les graphes semblaient en partie dus auxsupports (par exemple, un temps <strong>de</strong> travail long avec peu <strong>de</strong> comportements pour lesupport vidéo contre beaucoup <strong>de</strong> comportements mais d’une durée brève pour unsupport audio), mais ce n’était qu’une tendance générale <strong>et</strong> je ne pouvais en tirer une127


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèserègle. Je ne pouvais pas non plus attribuer les différences à la nature <strong>de</strong> la tâchecomme « compréhension orale » versus « compréhension écrite ». Enfin, <strong>et</strong> surtout,je ne pouvais pas répartir les graphes simplement selon les étudiants. Chaqueapprenant aurait eu son style <strong>de</strong> graphe qui aurait traduit son style d’apprentissage,or, les différences intra-individuelles entre les séances étaient importantes.J’ai alors systématiquement croisé les comportements avec les traces <strong>de</strong> l’activitélangagière, les prises <strong>de</strong> notes ou les productions en anglais. Enfin, j’ai confronté cesrésultats, parfois assez mystérieux, avec les représentations <strong>de</strong>s apprenants [Doc. 9,pp. 198-199]. C<strong>et</strong>te procédure <strong>de</strong> triangulation m’a permis <strong>de</strong> découvrir ce quiregroupait les graphes entre eux. Ce n’était pas la tâche telle que définie par lesprofesseurs d’anglais (tâche dite <strong>de</strong> compréhension ou <strong>de</strong> production) mais la tâcheredéfinie par l’étudiant. En réalité, c’était le but que l’étudiant assignait à sonactivité, puis la manière dont il redéfinissait ses propres buts tout au long <strong>de</strong> la tâche,qui « expliquait » la succession <strong>de</strong> comportements. Je voyais là, pour ainsi dire« sous mes yeux », la confirmation du modèle ergonomique <strong>de</strong> la transposition <strong>et</strong> <strong>de</strong>la redéfinition <strong>de</strong> la tâche emprunté à Leplat [1997], que j’ai exposé <strong>dans</strong> la troisièmepartie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage. C’était la tâche effective, appelée encore tâche actualisée, quipilotait l’activité <strong>de</strong>s élèves, les comportements l’attestaient. De plus, l’analysecroisée <strong>de</strong>s données faisait apparaître que les comportements s’organisaient enséquences qui se répétaient. Il était intéressant <strong>de</strong> constater que plus le but était riche<strong>et</strong> varié, plus les comportements étaient courts <strong>et</strong> bien séquentialisés, tandis que plusle but était restreint (par exemple, le simple visionnage d’un film en médiathèquesans prise <strong>de</strong> notes), plus les comportements étaient limités <strong>et</strong> <strong>de</strong> longue durée. Lesgraphes <strong>de</strong> navigation perm<strong>et</strong>tent également <strong>de</strong> suivre l’évolution <strong>de</strong>s comportementstout au long <strong>de</strong> la séquence observée <strong>et</strong> m’ont fait découvrir l’importance <strong>de</strong> ce quej’ai appelé les comportements instrumentaux, ceux qui révélaient un processus <strong>de</strong>régulation <strong>de</strong> l’activité : la prise <strong>de</strong> notes, les vérifications <strong>de</strong> tout ordre, les moments<strong>de</strong> pause, les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s auprès <strong>de</strong>s tuteurs ou <strong>de</strong>s pairs, <strong>et</strong>c. 38 L’organisation <strong>de</strong> ces38 On notera que l’analyse <strong>de</strong>s correspondances multiples, dont il sera question au chapitre suivant,a dévoilé que ces comportements instrumentaux expliquaient la variance bien plus que lescomportements d’exécution <strong>de</strong> la tâche, c’est-à-dire le travail <strong>de</strong> compréhension ou d’expression entant que tel.128


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsecomportements instrumentaux a fait apparaître le passage <strong>de</strong>s stratégies aux règlesd’usage.J’ai pu alors modéliser le comportement <strong>de</strong>s élèves en autonomie guidée <strong>et</strong> enextraire trois règles d’usage du dispositif « médiathèque » : épistémique,pragmatique ou mixte.Le modèle épistémique correspondait à une activité orientée « savoir langagier ouculturel ». Mis <strong>de</strong>vant une tâche <strong>de</strong> compréhension d’un récit, d’un dialogue ou d’unfilm, l’étudiant se servait <strong>de</strong> ce travail pour acquérir <strong>de</strong>s connaissances lexicales <strong>et</strong>grammaticales sur la langue anglaise. Le modèle pragmatique ou instrumental étaitorienté procédure/résultat. Ce type d’observation correspondait à un travail <strong>de</strong>préparation à un examen comme le TOEFL, le TOIC ou encore le Cambridge FirstCertificate, pour lequel l’étudiant venait s’entraîner en autonomie sur toutes sortes <strong>de</strong>supports. L’apprenant activait peu <strong>de</strong> comportements <strong>de</strong> consultation <strong>et</strong> ses prises <strong>de</strong>notes consistaient uniquement à relever son score à chaque item du <strong>de</strong>voir. Enfin, lemodèle mixte correspondait à un étudiant qui poursuivait les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> buts enmême temps : acquisition <strong>de</strong> la langue <strong>et</strong> entraînement à l’examen. Ces grilles sontcelles qui comprennent les comportements <strong>et</strong> prises <strong>de</strong> notes les plus variés <strong>et</strong> lesplus compl<strong>et</strong>s.Les traces <strong>de</strong> l’activité, un matériau important <strong>de</strong> rechercheLe traçage <strong>de</strong> l’activité préoccupe <strong>de</strong>puis longtemps les chercheurs en EIAH[Rossel, 2005 ; Adam, Michel<strong>et</strong>, Martel, David, Guéraud, 2007] <strong>et</strong> <strong>de</strong>puis un peumoins longtemps les chercheurs en ALAO 39 . Plusieurs intervenants au congrès <strong>de</strong>RANACLES ont abordé c<strong>et</strong>te question, qui n’a pas fait, à ma connaissance, l’obj<strong>et</strong>d’un véritable programme <strong>de</strong> recherche comme en EIAH. Il convient <strong>de</strong> biendistinguer les notions <strong>de</strong> suivi <strong>et</strong> <strong>de</strong> traçage, qui ne recouvrent pas les mêmesobjectifs ni les mêmes procédures. Le suivi <strong>de</strong> l’apprenant concerne les stratégiesd’ai<strong>de</strong> mises en œuvre par l’enseignant <strong>dans</strong> sa fonction <strong>de</strong> tuteur (nous en verrons39 Sur ce suj<strong>et</strong>, on peut consulter le rapport <strong>de</strong> recherche CPER / IRSHS 2005-2007 <strong>de</strong> l’universitédu Havre. Agents pédagogiques <strong>et</strong> agents cognitifs <strong>dans</strong> les systèmes médiatisés d’apprentissage àdistance. URL :bertinjc.free.fr/Rapport%20Agents%20Pedagogiques%20Juin%20%202007.pdf.Dernière consultation, septembre 2009.129


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseun exemple plus loin avec la fonction tuteur d’anglais implémenté <strong>dans</strong> Tell MeMore [Doc. 22-23, pp. 42-73, T2]). En revanche, le traçage <strong>de</strong> l’activité suppose lacollection, l’organisation <strong>et</strong> l’analyse <strong>de</strong>s traces laissées par l’apprenant oul’enseignant au cours <strong>de</strong> l’activité. Elles nous renseignent sur ce que Jacques Bailléappelait « le cahier <strong>de</strong> brouillon mental <strong>de</strong> l’élève ». Les prises <strong>de</strong> notes <strong>et</strong> lesbrouillons en sont <strong>de</strong>s exemples bien connus. Mais avec le développement <strong>de</strong>s EIAH<strong>et</strong> notamment <strong>de</strong> l’apprentissage à distance (FOAD), il a été possible <strong>de</strong> conservertoutes sortes d’échanges verbaux via les chats ou les forums. Avec le Web 2, il n’y aplus <strong>de</strong> limite à c<strong>et</strong>te collection <strong>de</strong> données qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> tracer l’activité <strong>de</strong>l’apprenant pas à pas. Personnellement, j’ai utilisé les captures d’écran <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong>Escale pour croiser à nouveau les données <strong>et</strong> suivre l’activité <strong>de</strong>s apprenants eninteraction avec l’ordinateur. Les traces <strong>de</strong> l’activité ont pour moi <strong>de</strong>s fonctionsessentielles : elles nous informent sur la manière dont l’interlangue [Selinker, Swain& Dumas, 1975] se constitue <strong>et</strong> sur les stratégies cognitives, <strong>et</strong> elles posent auchercheur <strong>de</strong>s questions qui n’auraient pas été soulevées s’il n’y avait eu accès.Ainsi, les chiffres <strong>de</strong> couleur différente gribouillés par un groupe d’étudiants surleurs notes prises au cours d’un travail <strong>de</strong> compréhension orale ont suscité macuriosité. En discutant avec le groupe, j’ai compris qu’il s’agissait <strong>de</strong> co<strong>de</strong>s <strong>et</strong> que lescouleurs perm<strong>et</strong>taient d’attribuer diverses fonctions au chiffre. Ainsi, le 1 rougesignifiait « élément nouveau mais difficulté minimum », tandis que le 3 rougesignifiait « difficulté maximum » ; le 1 jaune signifiait « importance minimum »(mot important pour comprendre le texte mais peu utile à connaître) tandis que le 3jaune signifiait « mots courants », <strong>et</strong>c. Il était intéressant <strong>de</strong> remarquer que l’étudiantinventeur <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> l’avait en quelque sorte « diffusée » auprès <strong>de</strong> sescamara<strong>de</strong>s. Un autre étudiant a d’ailleurs ajouté une autre catégorie pour « motacquis », « mot en voie d’acquisition » ou « mot que je n’arrive pas à me m<strong>et</strong>tre <strong>dans</strong>la tête ».Les traces sont donc d’une gran<strong>de</strong> utilité pour qui veut comprendre l’usage, maiselles posent un problème redoutable : le chercheur peut facilement perdre pied<strong>de</strong>vant la somme d’informations à traiter. Il faut donc qu’il dispose d’une soli<strong>de</strong>théorie pour être en mesure d’analyser ces traces, c’est-à-dire <strong>de</strong> rendre cesinformations pertinentes. J’en ai fait l’expérience lorsque nous avons cherché à tracer130


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsel’activité <strong>de</strong> l’apprenant d’anglais sur le logiciel Tell Me More [Doc. 21, p. 41, T2].L’étudiante qui s’était proposée pour suivre <strong>et</strong> analyser chaque clic <strong>de</strong>s apprenantssur l’ordinateur a finalement renoncé. Il existe aujourd’hui, en ergonomie ou enEIAH, <strong>de</strong>s logiciels <strong>de</strong> traçage <strong>et</strong> d’analyse <strong>de</strong> l’activité qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> co<strong>de</strong>r lesactions au préalable <strong>et</strong> <strong>de</strong> n’entrer que les comportements pertinents du point <strong>de</strong> vue<strong>de</strong> la problématique du chercheur. C’est le cas du logiciel Actogram développé par<strong>de</strong>s ergonomes pour la société OCTARES.Prolongement <strong>de</strong>s recherches sur les stratégies d’apprentissageJ’ai appliqué la métho<strong>de</strong> que je viens d’évoquer à l’ensemble <strong>de</strong> mes recherchessur l’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais assisté par les TICE, en tentant <strong>de</strong> la faire évoluer, <strong>de</strong>l’améliorer. En tant que didacticienne <strong>de</strong> l’anglais, mon point <strong>de</strong> vue est linguistique.Il inclut, tout d’abord, le travail <strong>de</strong> compréhension. J’ai abordé la question <strong>de</strong> lacompréhension <strong>de</strong> l’anglais LVE sous <strong>de</strong>s angles différents [Doc. 8, pp. 162-173,Doc. 9, p. 191]. J’ai aussi abordé la question <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> compréhension médiée 40par l’ordinateur, soit en comparant le travail <strong>de</strong>s apprenants sur plusieurs logicielsd’anglais [Doc. 9, p. 190], soit en comparant leur travail <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> notes en anglais[Doc. 9, pp. 198-203, Doc. 17, p. 338, T1], soit en appliquant le modèle <strong>de</strong> laflexibilité cognitive <strong>de</strong> Spiro [19991, 1990] pour distinguer évaluation cognitive <strong>et</strong>évaluation sommative <strong>de</strong>s performances en compréhension [Doc. 26, pp. 111-116,T3]. Le concept d’affordance qui venait <strong>de</strong> faire son entrée sur la scène <strong>de</strong>s usagesm’a notamment servi à mieux caractériser les difficultés d’utilisabilité <strong>de</strong> certainslogiciels qui offraient pourtant un grand nombre <strong>de</strong> fonctionnalités. Elles m’ontamenée à distinguer affordances <strong>et</strong> artefacts cognitifs. C<strong>et</strong>te perspective perm<strong>et</strong>d’observer comment les obj<strong>et</strong>s techniques participent concrètement à la formation<strong>de</strong>s usages qui en sont faits, d’une part à travers leurs propriétés représentationnelles<strong>et</strong> informationnelles, aussi appelées « affordances », <strong>et</strong> qui renvoient à ce queperm<strong>et</strong>tent (ou non) leurs caractéristiques physiques, <strong>et</strong> d’autre part à travers leur40 On me pardonnera, je l’espère, ce barbarisme, mais il est important <strong>de</strong> bien distinguerl’ordinateur en tant que média (c’est-à-dire qui rend l’information publique ou tout du moins la faitcirculer) <strong>et</strong> l’ordinateur en tant que médiateur (c’est-à-dire qui vient s’immiscer entre le cerveau <strong>de</strong>l’apprenant <strong>et</strong> la langue cible <strong>et</strong> modifie, <strong>de</strong> ce fait, le travail <strong>de</strong> la langue).131


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseaction en tant qu’artefacts cognitifs, qui renvoie à leur participation <strong>dans</strong> l’activitécognitive qui a cours <strong>dans</strong> l’usage <strong>et</strong> qui implique nécessairement une modification<strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa réalisation. C<strong>et</strong>te distinction a permis d’établir une critiqueraisonnée du logiciel Tell Me More, issue <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> l’usage <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxfonctions du logiciel : le dialogue dit « en langue naturelle » <strong>et</strong> le travail <strong>de</strong> laprononciation [Doc. 21, pp. 20-41, T2].Le travail plus récent mené conjointement avec Marie-Laure Barbier <strong>et</strong> AnniePiolat sur les stratégies <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> notes en L1 <strong>et</strong> en L2 a donné un résultatintéressant du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s stratégies. Il ne semble pas exister <strong>de</strong>différence significative en termes <strong>de</strong> coût cognitif entre les étudiants qui <strong>de</strong>vaientcomprendre <strong>et</strong> prendre <strong>de</strong>s notes en L1 <strong>et</strong> L2 lorsqu’ils travaillaient sur l’ordinateur ;en revanche, les étudiants <strong>de</strong> L2 qui travaillaient sur une version papier du texte ontrencontré plus <strong>de</strong> difficultés que les autres. Nous en avons déduit que, grâce à lafonction « copier/coller », les étudiants ont pu récupérer plus rapi<strong>de</strong>ment <strong>et</strong>facilement l’information pertinente sur le site Web que sur la version papier[Doc. 17, p. 340, T1].Mes recherches <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la production écrite en anglais ont été menéesà l’intérieur du proj<strong>et</strong> ESCALE, <strong>dans</strong> la partie consacrée à l’analyse <strong>de</strong>s productionsen langue anglaise réalisée tout au long <strong>de</strong> l’activité [Doc. 26, p. 101, T2]. Dans ceproj<strong>et</strong>, au cœur du travail <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> Frédérique Pénilla [travail en préparation],l’analyse <strong>de</strong>s productions est un moyen <strong>de</strong> connaître l’impact d’un scénariod’apprentissage collaboratif <strong>et</strong> recourant à Intern<strong>et</strong> <strong>et</strong> l’impact <strong>de</strong>s macrotâches surl’acquisition <strong>de</strong> la langue secon<strong>de</strong> [Mangenot, 2006, 2009]. En partant du concept <strong>de</strong>domaine <strong>de</strong> tâches [Hoc, 1992 ; Chapitre 10], nous cherchons à déterminer l’impact<strong>de</strong> la difficulté <strong>de</strong> la tâche sur les productions <strong>de</strong>s apprenants. Nos analyses montrentque <strong>dans</strong> le domaine d’exercices traditionnels <strong>de</strong> compréhension (questions <strong>de</strong>compréhension générale <strong>et</strong> <strong>de</strong> compréhension approfondie portant sur la presseanglo-saxonne], il n’existe pas <strong>de</strong> différence significative entre les performancesobtenues en version Papier <strong>et</strong> en version Informatique. En revanche, on voit bien,toutes modalités confondues, que selon les critères d’évaluation choisis (critèrestraditionnels <strong>de</strong> la pédagogie <strong>de</strong> l’anglais ou au contraire, issus <strong>de</strong> l’ergonomiecognitive), les scores varient considérablement. La théorie <strong>de</strong> la flexibilité cognitive132


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsedistingue plusieurs niveaux <strong>de</strong> complexité <strong>de</strong> connaissances en fonction du travailmental nécessaire à leur mise en œuvre. Par exemple, <strong>dans</strong> un texte <strong>de</strong>compréhension, on trouve les questions suivantes posées à propos d’un article sur lapresse anglophone.1. Repérez un mot qui prouve que l’auteur n’apprécie pas lapresse anglaise.2. Résumez les raisons principales pour lesquelles l’auteurpense que la presse française est <strong>de</strong> meilleure tenue que lapresse anglaise.Dans le premier cas, la question porte sur un seul mot, elle a été jugée plus facileque la <strong>de</strong>uxième qui exigeait un travail <strong>de</strong> résumé. En fait, du point <strong>de</strong> vue cognitif,la première question exigeait un travail <strong>de</strong> balayage du texte, puis une sélection <strong>de</strong>l’information qui reposait sur un important travail d’inférence, lui-même lié à <strong>de</strong>sconnaissances culturelles. Alors que la <strong>de</strong>uxième question laissait l’étudiant libre <strong>de</strong>reconstruire une information à partir <strong>de</strong> ce qu’il avait compris. Les résultats compl<strong>et</strong>s<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te recherche sont en cours <strong>de</strong> publication. Ils portent sur les différences <strong>de</strong>performances obtenues en anglais entre <strong>de</strong>s élèves travaillant sur ordinateur <strong>et</strong> ceuxtravaillant sur support imprimé, <strong>et</strong> entre le travail individuel <strong>et</strong> le travail collaboratif[Doc. 26, p. 101]. L’analyse <strong>de</strong>s vidéos faites en classe nous perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> croiserperformances <strong>et</strong> comportements, afin <strong>de</strong> mieux comprendre les stratégies cognitives<strong>et</strong> langagières <strong>de</strong> collaboration face à l’ordinateur.Enfin, je me suis aussi intéressée aux questions phonologiques sur lesquellesj’avais commencé à travailler <strong>dans</strong> ma thèse [voir première partie <strong>de</strong> l’ouvrage,p. 16]. Je ne suis pas linguiste ni phonéticienne <strong>de</strong> profession, mais didacticienne ;aussi, la phonologie s’est imposée à moi à partir d’une série <strong>de</strong> questions trèsconcrètes : à partir <strong>de</strong> quel moment, <strong>de</strong> quel seuil, l’incorrection phonologiqueempêche-t-elle le message <strong>de</strong> passer ? Bien évi<strong>de</strong>mment, <strong>de</strong>rrière c<strong>et</strong>te questionpragmatique se cache celle didactique du modèle [Jenkins, 2001]. Comment ai<strong>de</strong>rl’apprenant à prendre conscience <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> nativisation <strong>et</strong> comment yremédier ? [Narcy, 2005]. Ce fut un élément clef <strong>dans</strong> l’évaluation du proj<strong>et</strong> Tell MeMore (TMM), [Doc. 21, p. 19, T2] qui a ressurgi <strong>dans</strong> la thèse <strong>de</strong> Dan Frost que j’airécemment co-encadrée [Frost, 2008]. Ce <strong>de</strong>rnier m’a donné l’occasion d’examinerles difficultés d’acquisition <strong>de</strong>s règles d’accentuation en anglais chez <strong>de</strong>s étudiants133


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsed’anglais <strong>de</strong> spécialité <strong>et</strong> <strong>de</strong> réfléchir à nouveau sur les relations entre métacognition<strong>et</strong> développement <strong>de</strong> la prononciation, à la lumière <strong>de</strong>s théories actuelles du noticing[Schmidt, 1992] <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’opposition entre apprentissage conscient <strong>et</strong> inconscient[Hulstijn, 2002, 2003, 2007].Les stratégies d’enseignement <strong>dans</strong> l’enseignement frontal <strong>et</strong> l’enseignementtutoré assisté par les TICELa recherche initiale : mise au point d’une démarche <strong>et</strong> d’une métho<strong>de</strong>J’ai utilisé le même type <strong>de</strong> démarche fondée sur l’observation du travail <strong>de</strong>l’enseignant pour i<strong>de</strong>ntifier les stratégies développées par les enseignants en situationfrontales <strong>et</strong> en situation <strong>de</strong> tutorat <strong>de</strong> groupe, d’abord <strong>dans</strong> un centre <strong>de</strong> langues puis<strong>dans</strong> un établissement scolaire en classe <strong>de</strong> première. Nous avons élaboré la métho<strong>de</strong><strong>de</strong> recherche au cours <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> longitudinale menée au centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong>l’Université Pierre-Mendès-France [Doc. 4, pp. 83-105]. Nous y avons observéquatre enseignants <strong>de</strong> langue (anglais, allemand, espagnol <strong>et</strong> italien) durant leurscours d’expression spontanée (situation frontale) <strong>et</strong> durant leur séances d’autonomieguidée (situation tutorée). Nous avons, tout d’abord choisi d’examiner leurscomportements en fonction <strong>de</strong> trois relations. La relation Tâche/Temps, la relationSupport/Temps <strong>et</strong> la relation Interactivité/Temps. Nous avons étudié ces relations entenant compte <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s observations, puis en prenant chaque enseignantséparément. Enfin, nous avons confronté les enseignants aux résultats <strong>de</strong> cesobservations. Les entr<strong>et</strong>iens que nous avons menés avec eux avaient pour obj<strong>et</strong> <strong>de</strong>clarifier les stratégies comportementales <strong>et</strong> d’extraire leurs représentations parrapport au métier d’enseignant <strong>dans</strong> un centre <strong>de</strong> langues.Quelques résultats emblématiques <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong>Toutes observations confonduesJe cite ici quelques résultats pour montrer qu’une analyse strictementcomportementale peut parfois entraîner <strong>de</strong>s surprises pour les concepteurs <strong>de</strong>sdispositifs.134


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVELa relation Tâche/TempsFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseNous avons distingué trois types <strong>de</strong> tâches : administrative, didactique <strong>et</strong>technique. Nous avons constaté qu’en passant <strong>de</strong> la condition frontale à la conditiontutorée en médiathèque, les interactions didactiques passaient <strong>de</strong> 90 % à 56 %.Autrement dit, les échanges en langue anglaise <strong>et</strong> l’analyse <strong>de</strong> la langue diminuaientconsidérablement.La relation Support/TempsNous avons étudié le temps passé par chaque enseignant à utiliser un supportaudio, vidéo, informatique ou papier. Dans les <strong>de</strong>ux modalités, c’est le supportimprimé qui l’emporte avec 51,5 % <strong>et</strong> 51 % du temps. Il semblerait bien que dèsl’instant où les enseignants ont à faire à du multimédia distribué(vidéo+audio+ordinateur+toutes sortes <strong>de</strong> supports imprimés), ils ont tendance à« revenir » au support imprimé. D’ailleurs, en observant <strong>de</strong>s classes d’anglais aucollège <strong>et</strong> au lycée, je constate tous les jours à quel point les stagiaires sontréfractaires à m<strong>et</strong>tre en place <strong>de</strong>s activités intégrant l’audio, la vidéo ou l’ordinateur,alors qu’il s’agit d’un cours <strong>de</strong> langue vivante. Ces outils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt trop d’attention<strong>de</strong> leur part <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te attention les distrait du contrôle qu’ils doivent conserver sur leurclasse.La relation Interactivité/TempsNous avons également étudié la nature <strong>de</strong>s interactions entre enseignants <strong>et</strong>étudiants, selon que l’enseignant s’adresse à un étudiant, à un groupe ou à la classe.Nous avons constaté que les interactions collectives étaient encore très fortes enautonomie guidée.Les observations interindividuelles <strong>et</strong> intra-individuellesElles nous ont conduits vers une modélisation <strong>de</strong>s comportements <strong>de</strong>s enseignantsen termes <strong>de</strong> stratégies <strong>et</strong> <strong>de</strong> règles. Elles ont montré une forte variationinterindividuelle. Les cinq enseignants se répartissent sur une échelle allant d’un135


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseextrême à l’autre pour ce qui est <strong>de</strong> leur attitu<strong>de</strong> face à l’innovation. À un bout duspectre, nous trouvons l’enseignant innovateur qui manifeste les caractéristiquescomportementales <strong>de</strong> l’innovation décrites par Levy [2006], Hubbard &Levy [2006]ou encore Cros & Admczewski [1996]. C<strong>et</strong> enseignant manifeste le plus grand écartcomportemental entre le cours frontal <strong>et</strong> le cours tutoré. Il consacre 85 % <strong>de</strong> sontemps à <strong>de</strong>s tâches didactiques en expression spontanée contre seulement 33 % enautonomie guidée. Il répartit le choix <strong>de</strong> supports en cours frontal, avec unepréférence pour l’imprimé, tandis qu’en tutorat, il favorise le support informatique à60 %. Les interactions verbales à son initiative sont à 92 % en situation frontale alorsqu’elles tombent à 0,70 % en tutorat, <strong>et</strong>c. Il s’agit là d’un enseignant assimilateur <strong>et</strong>innovateur.En ce qui concerne leur rôle, les <strong>de</strong>ux autres enseignants incarnent le passage <strong>de</strong>la phase d’accommodation au nouveau dispositif (<strong>de</strong> manière plus ou moins avancée)à la phase <strong>de</strong> l’assimilation. D’un côté, ils conservent <strong>de</strong>s automatismes hérités <strong>de</strong> lasituation frontale ; par exemple, ils vont continuellement se pencher sur les étudiantspour savoir ce qu’ils font sur l’ordinateur même si ces <strong>de</strong>rniers ne les sollicitent pas.Ils pourraient le faire <strong>dans</strong> le but <strong>de</strong> glaner <strong>et</strong> stocker <strong>de</strong>s informations sur le travail<strong>de</strong> l’étudiant <strong>dans</strong> une perspective ultérieure <strong>de</strong> remédiation, ce qui n’est pas le cas.Ils laissent l’initiative aux étudiants mais semblent, <strong>de</strong> ce fait, assez désemparés, <strong>et</strong>n’arrivent pas à trouver leur nouveau rôle en autonomie guidé. Les entr<strong>et</strong>iensconfirment ce problème <strong>de</strong> perte d’i<strong>de</strong>ntité professionnelle [Bataille, 1996 ; Charlier,Bonamy & San<strong>de</strong>rs, 2003 ; Denis, 2007] liée aux TICE chez les professeurs <strong>de</strong>langues [Doc. 19, pp. 387-404 ; Nissen, 2007 ; Guichon, 2009]. Nous avonsrencontré ce même problème <strong>dans</strong> la recherche menée six ans plus tard.À l’autre extrémité du spectre, nous trouvons l’enseignant qui rej<strong>et</strong>te totalement lanouvelle modalité d’enseignement tutoré. C’est une enseignante qui, arrivée <strong>dans</strong> lamédiathèque, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux étudiants <strong>de</strong> réorganiser la disposition <strong>de</strong>s tables <strong>et</strong> <strong>de</strong>schaises <strong>de</strong> manière à ce que la salle ressemble le plus possible au cours normal. Ellesort ensuite ses documents <strong>et</strong> fait un cours tout à fait i<strong>de</strong>ntique à celui qu’elle donneen cours frontal. Les échanges didactiques occupent 88 % du temps, elle a l’initiative<strong>de</strong> la parole <strong>et</strong> elle utilise majoritairement les supports imprimés [Doc. 4, pp. 100-104]. Nous avons trouvé ici l’existence d’un schème <strong>de</strong> la réfutation <strong>et</strong> pas136


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsesimplement <strong>de</strong> l’accommodation. Placée en situation <strong>de</strong> déséquilibre, selon le modèlePiagétien, c<strong>et</strong> enseignante se crée une niche écologique qui lui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> s’abstrair<strong>et</strong>otalement <strong>de</strong> l’innovation tout en pensant qu’elle y participe. En eff<strong>et</strong>, lors <strong>de</strong>l’entr<strong>et</strong>ien, elle ne semblait pas du tout consciente <strong>de</strong> son refus du rôle <strong>de</strong> tuteur[Schmidt, 2000 ; Mangenot <strong>et</strong> Nissen, 2006 ; Quintin, 2008] <strong>et</strong> disait attacherbeaucoup d’importance à l’autonomie <strong>de</strong>s étudiants <strong>dans</strong> leur travail, qu’elledéfinissait comme aptitu<strong>de</strong> à la curiosité intellectuelle <strong>et</strong> à la responsabilité.Plusieurs résultats au cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te recherche nous ont poussés à croiser <strong>de</strong>sdonnées <strong>et</strong> à reprendre nos traitements à la lumière <strong>de</strong> ces croisements. L’analyse <strong>de</strong>leur discours, que nous évoquerons un peu plus loin au Chapitre 13, nous a permis <strong>de</strong>donner sens à <strong>de</strong>s comportements qui, parfois, ne livraient pas leurs mystères : quelleest l’activité mentale d’un enseignant qui regar<strong>de</strong> par la fenêtre ? Est-il purement <strong>et</strong>simplement absent <strong>de</strong> la médiathèque ou bien est-ce qu’il s’abstrait <strong>de</strong> tout contactoculaire avec ses étudiants pour ne pas se laisser distraire d’un travail <strong>de</strong>planification mentale [Durant, 1996, pp. 152-170] ?Ces observations témoignent bien du fait qu’il peut exister un écart importantentre la manière dont nous thématisons la redéfinition <strong>de</strong> la tâche a posteriori <strong>et</strong> dontnous en rendons compte <strong>dans</strong> le cadre d’une mise en scène <strong>de</strong> l’agir [Bronckart,2004], <strong>et</strong> ce que nous faisons « réellement » au cours <strong>de</strong> l’activité. Ceci confirme lanécessité <strong>de</strong> croiser <strong>et</strong> confronter les données pour aller au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’informationlivrée par une seule d’entre elles.Prolongement <strong>de</strong> la recherche, cinq ans plus tardLa démarche ergonomique s’inscrit <strong>dans</strong> une perspective génétique <strong>de</strong> l’usage.C<strong>et</strong>te perspective concerne les individus utilisateurs mais aussi les technologies ellesmêmes.Nous avons donc observé à nouveau <strong>de</strong>s enseignants en activité, soit encours traditionnel, soit en situation <strong>de</strong> tutorat <strong>de</strong> groupe tandis que leurs élèvesétaient au travail sur ordinateur. Le scénario supposait qu’ils aient recours à Intern<strong>et</strong>mais aussi au logiciel Word pour la prise <strong>de</strong> notes, au logiciel Dreamweaver pourfabriquer leur page sur le Web, à <strong>de</strong>s dictionnaires en ligne, <strong>et</strong>c. C<strong>et</strong>te fois-ci, leslaboratoires <strong>de</strong> langues offraient <strong>de</strong>s dispositifs multimédia intégrés : l’ordinateur est<strong>de</strong>venu multimodal [Legros & Denis, 2002]. Nous avons repris la même métho<strong>de</strong> <strong>et</strong>137


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseles mêmes relations pour observer les stratégies <strong>de</strong>s enseignants d’anglais ensituation frontale ou en situation tutorée <strong>dans</strong> le cadre du proj<strong>et</strong> ESCALE, dont lescénario pédagogique est décrit <strong>dans</strong> le Document 24 [pp. 9-33, T2]. C<strong>et</strong>te fois-ci,j’ai proposé que nous nous adressions à <strong>de</strong>s enseignants qualifiés en anglais,innovateurs <strong>et</strong> experts en TICE. La question qui se posait chez les chercheurs enéducation <strong>et</strong> en ALAO, comme chez les institutionnels, était celle <strong>de</strong>s résistances àl’usage <strong>de</strong>s TICE chez les enseignants au collège <strong>et</strong> au lycée. J’ai alors pensé qu’enallant observer les « non-résistants », nous pourrions viser <strong>de</strong>ux objectifs : d’une part,i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s stratégies <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pratiques efficaces <strong>et</strong> satisfaisantes afin <strong>de</strong> les intégrerà la formation professionnelle <strong>de</strong>s enseignants à l’usage <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> les journées<strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s IUFM ou <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> formation ; d’autre part, si ces enseignantsrencontraient <strong>de</strong>s difficultés <strong>et</strong> qu’ils <strong>de</strong>venaient eux-mêmes réfractaires à leur usage,découvrir d’autres raisons que celles mises en avant traditionnellement pas lesobservateurs institutionnels <strong>de</strong>s usages (inspecteurs, cellules TICE, ministère, <strong>et</strong>c.).Nous avons réalisé <strong>de</strong>ux enregistrements vidéo par enseignant correspondant à<strong>de</strong>ux phases distinctes <strong>de</strong> la réalisation d’une Webquest par les élèves. Dans latypologie <strong>de</strong>s activités inspirées <strong>de</strong> la Webquest, ce type d’activité désignée enanglais sous le terme <strong>de</strong> Webhunt (chasse sur le Web) est censé s’adresser à <strong>de</strong>sélèves encore assez jeunes (<strong>de</strong> 10 à 14 ans) ou à <strong>de</strong>s apprenants <strong>de</strong> niveau encore peuavancé. L’élève doit sélectionner <strong>de</strong>s informations, les classer, les trier. C’est doncessentiellement un travail <strong>de</strong> compréhension <strong>et</strong> <strong>de</strong> hiérarchisation. Dans le cas <strong>de</strong> laWebquest, l’élève est placé <strong>dans</strong> le cadre d’une mission virtuelle. L’information qu’ilcherche sur le Web doit lui perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> résoudre un ou <strong>de</strong>s problèmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> remplirla mission qu’il a choisie ou qui lui a été confiée. Il doit donc, en plus <strong>de</strong> la sélection<strong>et</strong> <strong>de</strong> la hiérarchisation <strong>de</strong> l’information, s’en servir pour atteindre un but <strong>et</strong> se livrerà une tâche <strong>de</strong> production en LVE. Nous avons observé l’enseignant au cours <strong>de</strong><strong>de</strong>ux phases <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>s élèves : une phase <strong>de</strong> recherche d’informations sur lapresse anglophone <strong>et</strong> une phase <strong>de</strong> création <strong>de</strong> la page d’accueil du journal.Reprenant la démarche comparative initiée en 2000, nous avons d’abord comparél’activité pédagogique <strong>de</strong>s trois enseignants <strong>dans</strong> un environnement dit Informatique138


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>et</strong> <strong>dans</strong> un environnement traditionnel, dit Papier 41 , avant <strong>de</strong> conduire une séried’entr<strong>et</strong>iens avec eux.Les observationsNos premières données furent cinq enregistrements vidéo <strong>de</strong> séances similaires,conduites <strong>dans</strong> chacune <strong>de</strong>s trois classes, en situation Papier <strong>et</strong> en situationInformatique. Chaque séance durait au maximum 45 minutes. Comment traiter cesenregistrements vidéo afin <strong>de</strong> pouvoir les comparer ? Nous avons opté pour untraitement quantitatif <strong>de</strong> ces données : une analyse « scanner » <strong>de</strong>s vidéos. Nousavons commencé par visionner l’ensemble, repérer les différents gestesprofessionnels <strong>de</strong>s enseignants concernant la conduite <strong>de</strong> la classe <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>sélèves. Puis nous avons, pour chaque enregistrement, chronométré la durée <strong>de</strong>chaque geste, en considérant qu’un geste était limité par le début du suivant(exemple : l’enseignant répond à un élève, puis va se pencher sur le travail d’un autreélève, <strong>et</strong>c.). Nous avons alors caractérisé les différents gestes en les classant parcatégories (par exemple, interaction verbale avec un élève, manipulation <strong>de</strong>documents, régulation collective du travail, <strong>et</strong>c.). Pour chaque séance, nous avonsfait figurer <strong>dans</strong> un tableau chaque geste successif avec sa catégorie <strong>et</strong> sa durée[Doc. 28, p. 225, T3]. Des histogrammes, issus <strong>de</strong> ces tableaux, nous ont permis <strong>de</strong>visualiser le déroulement <strong>de</strong> chaque séance <strong>et</strong> <strong>de</strong> comparer, en fonction du type <strong>de</strong>séance <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’enseignant concerné, le nombre <strong>de</strong> gestes, leur fréquence, leur durée <strong>et</strong>leur succession. Nous avons aussi pu calculer la durée globale d’une catégorie <strong>de</strong>gestes <strong>et</strong> la durée moyenne d’un geste <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te catégorie, <strong>et</strong> <strong>de</strong> noter la langue <strong>de</strong>travail utilisée par chaque enseignant suivant la situation Informatique ou Papier.Issue <strong>de</strong> l’analyse ergonomique du travail, la notion <strong>de</strong> gestes professionnels nous apermis <strong>de</strong> décomposer l’activité. Les gestes professionnels <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s au travail sont<strong>de</strong>s actions élémentaires <strong>de</strong> leur pratique professionnelle. Ils relèvent à la fois <strong>de</strong>gestes prescrits par leur institution, <strong>de</strong> gestes qui circulent <strong>de</strong> façon explicite <strong>dans</strong>leur communauté professionnelle <strong>et</strong> <strong>de</strong> gestes propres au suj<strong>et</strong> qui sont sa marque41 Nous avons choisi l’expression malheureuse <strong>de</strong> séance Papier pour éviter d’avoir <strong>de</strong>uxabréviations commençant par un I, puisque la première séance est dite Informatique.139


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsepersonnelle [Clot & Faïta, 2000]. Aussi, notre grille <strong>de</strong> lecture était-elle constituée <strong>de</strong>gestes observables <strong>et</strong> mentaux répertoriés <strong>dans</strong> les analyses du travail enseignant[Tardif & Lessard, 1999 ; Barrère, 2003]. Ces gestes s’inscrivaient <strong>dans</strong> <strong>de</strong>sstratégies d’enseignement, comme m<strong>et</strong>tre les élèves en activité, les motiver, œuvreravec un collectif tout en interagissant individuellement avec chaque élève, contrôlerle travail <strong>de</strong>s élèves, rendre visible son travail, veiller à l’atteinte <strong>de</strong>s buts visés,interpréter les situations pour réguler, évaluer les apprentissages, assurer l’ordre <strong>dans</strong>la classe, faire <strong>de</strong>s synthèses, prendre <strong>de</strong>s notes (observer les élèves). Nous avonsdonc repéré uniquement les gestes observables <strong>et</strong> les avons catégorisés en attribuantà chaque catégorie un co<strong>de</strong>, sauf pour le geste « regar<strong>de</strong>r l’heure » qui n’était pasmesurable en durée.Catégories répertoriées :(I) Interagir verbalement, <strong>de</strong> façon Individualisée, avec un élève ou avec unedya<strong>de</strong>(R) Regar<strong>de</strong>r avec insistance le travail d’un élève ; le vérifier(C) Intervenir à l’adresse du Collectif pour réguler le travail(M) Manipuler <strong>de</strong>s documents (ce qui n’intervient qu’en séance Papier)(A) Attendre une sollicitation, soit en étant immobile, bras croisés, le regard <strong>dans</strong>le vi<strong>de</strong>, ou en se déplaçant avec un regard vague(G) Gérer <strong>de</strong>s imprévus sans rapport direct avec la tâche <strong>de</strong>s élèves (par exemple,un élève d’une autre classe qui vient <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un renseignement à l’enseignant)(N) Prendre <strong>de</strong>s notes à son bureau ou sur une table (ce qui est spécifique àl’expérimentation, car inscrit <strong>dans</strong> le protocole)Chaque geste a été chronométré, avec une marge d’erreur <strong>de</strong> quelques secon<strong>de</strong>s <strong>et</strong>une répartition arbitraire <strong>de</strong> quelques secon<strong>de</strong>s lorsqu’il y avait chevauchement <strong>de</strong>140


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsegestes. Un geste commence quand l’enseignant s’adresse à un élève en particulier <strong>et</strong>se termine à la fin <strong>de</strong> son intervention. Quand il s’adresse à un autre élève, c’est unautre geste, <strong>de</strong> même nature certes, mais un nouveau qui commence. Lesdéplacements entre les gestes n’ont pas été chronométrés. Aussi, nous avons un écart<strong>de</strong> 3 à 5 minutes entre le total <strong>de</strong>s gestes chronométrés <strong>et</strong> la durée <strong>de</strong> la vidéo, l’écartétant d’autant plus grand que l’espace était vaste <strong>et</strong> le nombre d’élèves important.141


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseF webF papier10 100 200 30010 50 100 150 200 250651191621132617II3121ICA3641IIICA25R46RN29NG5156G336137667141764581Figure 9 - Séance Informatique versus séance Papier142


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVELes entr<strong>et</strong>iensFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseNotre secon<strong>de</strong> série <strong>de</strong> données provient <strong>de</strong>s transcriptions <strong>de</strong>s enregistrementsaudio <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens conduits avec les enseignants. Trois types d’entr<strong>et</strong>iens ont étémenés successivement par <strong>de</strong>ux chercheurs, l’un étant le conducteur principal, l’autrel’assistant. Le premier entr<strong>et</strong>ien, effectué avec chacun d’eux individuellement, étaitun entr<strong>et</strong>ien d’explicitation [Vermersch, 1990, 1991, 1997] <strong>de</strong> la séance filmée. Lesecond, toujours individuel, conduit <strong>de</strong> façon semi-dirigée, était complémentaire dupremier <strong>et</strong> visait à faire expliciter l’enseignant sur les écarts entre ce qui avait été dit<strong>dans</strong> le premier entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> ce qui avait été observé à partir <strong>de</strong> la vidéo <strong>de</strong> la séance.Le but <strong>de</strong> c<strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ien était également que l’enseignant donne son sentiment au vu <strong>de</strong>ce qu’il avait constaté <strong>de</strong> son activité à travers la vidéo. Le troisième, mené avec lestrois enseignants, adoptait la démarche <strong>de</strong> l’autoconfrontation croisée [Clot & Faïta,2000 ; Pastré, 2006]. Il était d’abord libre, les enseignants s’exprimant librement surce qu’ils voyaient en visionnant <strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong>s vidéos, puis semi-dirigé afind’expliciter leurs différentes façons <strong>de</strong> conduire la même activité.Ces sept entr<strong>et</strong>iens, très longs (plus <strong>de</strong> 10 000 mots en moyenne), ont été traitéspar analyse du contenu manifeste <strong>et</strong> latent [L’Écuyer, 1987 ; Bardin, 1993 ;Bronckart, 2004] pour m<strong>et</strong>tre en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s spécificités du rôle <strong>de</strong> l’enseignant<strong>dans</strong> un environnement numérique, <strong>de</strong>s dissonances cognitives éventuelles parrapport à l’enseignement <strong>de</strong> l’anglais <strong>et</strong> au statut <strong>de</strong> l’erreur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’évaluation, <strong>et</strong>enfin pour prévoir <strong>de</strong>s adaptations du scénario. L’entr<strong>et</strong>ien 1 a donné lieu à uneanalyse très systématique du contenu [voir infra, Chapitre 13], <strong>et</strong> c’est celui dontnous nous servons le plus. Nous avons traité <strong>de</strong> façon thématique les entr<strong>et</strong>iens 2 <strong>et</strong>3, <strong>et</strong> ce qui en ressort a servi à compléter les constats tirés du premier entr<strong>et</strong>ien. Dansla cinquième partie <strong>de</strong> ce travail, j’évoquerai plus longuement les entr<strong>et</strong>iens, enexpliquant comment l’association <strong>de</strong>s observations <strong>et</strong> <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens m’a conduite àforger le concept <strong>de</strong> dissonance motivationnelle [Doc. 19, p. 401, T1].Quelques résultats intéressantsLe tableau <strong>de</strong>s interactions [Doc. 28, p. 225] montre <strong>de</strong>s différences notables entreles séances Informatique (SI) <strong>et</strong> les séances Papier(SP) :143


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseMoins <strong>de</strong> gestes en séance Informatique qu’en séance Papier (45 <strong>et</strong> 65 en SI vs 83<strong>et</strong> 97 en SP).Plus <strong>de</strong> temps consacré aux interactions individualisées en séance Informatique(84 % <strong>et</strong> 90 % en SI vs 39 % <strong>et</strong> 66 % en SP).Interactions individualisées en moyenne plus longues en séance Informatique(temps moyen d’interaction avec un élève ou une dya<strong>de</strong> : 54s <strong>et</strong> 74s en SI vs 22s <strong>et</strong>26s en SP).Moins d’interventions <strong>de</strong> l’enseignante pour le collectif <strong>et</strong> avec une durée globaleplus courte en séance Informatique (5 fois vs 7 pour l’enseignante F ; 1 fois vs 4 foispour l’enseignante O) ; on notera que l’enseignante F intervient plus à l’adresse ducollectif que l’enseignante O, ce qui est à m<strong>et</strong>tre en rapport avec le nombre d’élèvesprésents <strong>dans</strong> la salle.Pas <strong>de</strong> temps d’attente <strong>dans</strong> les séances Informatique, ce qui témoigne <strong>de</strong> leurintensité.En séance Informatique, la langue <strong>de</strong> travail est le français (alors qu’il s’agit d’uncours d’anglais) pour les <strong>de</strong>ux enseignantes.La figure 9 présente successivement la séance Informatique <strong>et</strong> la séance Papierpour l’enseignante F. Rappelons que ces séances ont <strong>de</strong>s durées équivalentes, entre43 <strong>et</strong> 45 minutes.La séance Informatique <strong>de</strong> l’enseignante F, avec ses 45 gestes, est très chargée encouleurs chau<strong>de</strong>s. Cela indique qu’elle consacre son temps essentiellement auxinteractions avec les élèves, certaines assez longues, puisqu’elles peuvent dépasser3 minutes. Sa mobilisation est très forte <strong>et</strong> d’ailleurs, <strong>dans</strong> l’entr<strong>et</strong>ien, elle diraqu’elle est sortie « super crevée », car « en salle informatique… tout est mobilisé…Ca me fatigue en fait, parce que je n’arrête pas. Je vais d’un binôme à l’autre. Ilssont… ils sont … neuf dya<strong>de</strong>s, là, en salle info, donc je n’arrête pas ».Par contre, la séance Papier est dominée par les couleurs froi<strong>de</strong>s, témoignant <strong>de</strong>nombreux temps « mous » : moments d’attente (bleu clair), nombreuses gestionsd’imprévus (vert) liés à l’irruption à la porte <strong>de</strong> la salle, d’élèves <strong>de</strong> l’autre groupequi travaillaient en autonomie, <strong>de</strong>s apartés avec la personne qui filme <strong>et</strong> une longueprise <strong>de</strong> notes (gris foncé). Les gestes sont nombreux (83), presque le double qu’en144


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseséance Informatique, mais la plupart <strong>de</strong> courte durée. On pourrait penser que plus lenombre <strong>de</strong> gestes est élevé, plus la séance est intense. Or, c’est l’inverse qui seproduit. Un plus grand nombre <strong>de</strong> gestes différents indique une parcellisation <strong>de</strong>l’activité, <strong>et</strong> la domination <strong>de</strong>s gestes <strong>de</strong> couleurs froi<strong>de</strong>s correspond à <strong>de</strong>s phases <strong>de</strong>répit, <strong>de</strong> pause <strong>dans</strong> l’activité <strong>de</strong> l’enseignant. L’enseignante dira d’ailleurs : « Je nefais pas grand-chose. Honnêtement, je crois que je ne fais pas grand-chose. Mais ilsne m’appellent pas non plus parce que je suis là. […] Je m’oblige à circuler <strong>et</strong> à être<strong>de</strong>bout ce qui fait que je me dis, s’ils ont besoin <strong>de</strong> moi, je suis là. Mais ils mesollicitent très peu. » Nous avons ainsi procédé à une comparaison systématique,inter <strong>et</strong> intra-individuelle [l’analyse complète figure <strong>dans</strong> le Doc. 28, pp. 226-233,T3]. Puis nous avons voulu savoir comment les enseignants ressentaient les <strong>de</strong>uxsituations, ce qu’ont permis les entr<strong>et</strong>iens qui ont suivi.Dans le rapport final rédigé par mes soins <strong>et</strong> remis au ministère [Tome 3], j’aiconsidéré que l’ensemble <strong>de</strong>s résultats issus <strong>de</strong>s comparaisons entre les séancesPapier <strong>et</strong> Informatique <strong>et</strong> <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens s’inscrivait parfaitement <strong>dans</strong> le construit <strong>de</strong>situation dynamique élaboré par Hoc [1996] <strong>et</strong> Cellier [1997] que j’ai présenté auChapitre 9 <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te synthèse. Nous avions déjà utilisé ce construit en 1995 avecPhilippe Dessus pour rendre compte <strong>de</strong>s difficultés rencontrées par <strong>de</strong>s professeursnéophytes en classe <strong>de</strong> langue [Doc. 2, pp. 20-41], ce qui fournissait une base à mesréflexions. En comparant les <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> séances, il m’est apparu que, si la classe<strong>de</strong> langue en situation frontale classique constituait, pour <strong>de</strong>s enseignants experts, unenvironnement dynamique, la classe <strong>de</strong> langue en situation tutorée informatiqueconstituait un environnement hautement dynamique :En eff<strong>et</strong>, il convient <strong>de</strong> distinguer <strong>de</strong>ux manières, pour lesacteurs, <strong>de</strong> percevoir <strong>de</strong>s changements imprévus, <strong>de</strong>ux souscatégories.Si le changement est imprévu mais quel’enseignant dispose d’un répertoire <strong>de</strong> procéduresconstruites <strong>dans</strong> l’action pour y faire face, on reste <strong>dans</strong> lecas d’un environnement dynamique. Si le changement estimprévu <strong>et</strong> son contrôle est quasi impossible, parce que leseuil critique est atteint, on passe à la notiond’environnement hautement dynamique. C’est plus souventle cas <strong>dans</strong> l’environnement numérique pour <strong>de</strong>ux raisonsessentielles. D’une part, il y est souvent plus difficiled’accé<strong>de</strong>r aux processus qu’en classe normale ; d’autrepart, l’enseignant est écartelé entre la prise en compte du145


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsecollectif classe <strong>et</strong> la prise en compte <strong>de</strong> chaque élèveindividuellement. Dans l’environnement hautementdynamique, les variables du contrôle ne créent pas <strong>de</strong>possibilité d’anticipation, <strong>de</strong> planification, d’activités <strong>de</strong>diagnostic, <strong>de</strong> centration sur les processus. Le seuil critiqueest atteint lorsque les actions correctrices exigent que lesenseignants revoient constamment leurs buts car, alors,l’état <strong>de</strong> dissonance motivationnelle commence à s’installer.Mais une question se pose : est-ce véritablement latechnologie qui suscite la dissonance ou bien n’est-ce pasplutôt, avant tout ou conjointement, la pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> ?[Doc. 19, p. 8, T1]Dans une perspective future <strong>de</strong> travail sur les dispositifs hybri<strong>de</strong>s ou à distance ausein du LIDILEM, je compte poursuivre l’exploration <strong>de</strong>s situations dynamiques <strong>et</strong>travailler ce construit <strong>de</strong> situation hautement dynamique du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>sapprenants. En eff<strong>et</strong>, avec le développement du Web 2, il semblerait que le processus<strong>de</strong> travail prenne une forme très complexe, avec d’un côté une perte encore plusgran<strong>de</strong> du champ <strong>de</strong> contrôle du processus (spatial, temporel <strong>et</strong> causal) puisqu’il fautpartager l’espace <strong>de</strong> travail en temps réel avec <strong>de</strong>s partenaires, voire <strong>de</strong>s adversairesqui ne cessent <strong>de</strong> modifier c<strong>et</strong> espace ; d’un autre côté, le Web 2 se caractérise par laprise <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong> l’apprenant sur l’espace communicatif avec un champ <strong>de</strong>décision bien plus important que <strong>dans</strong> l’exercice d’une Webquest ! Quel eff<strong>et</strong> celapeut-il avoir sur l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE ? Le programme <strong>de</strong> recherche surl’utilisation <strong>de</strong>s jeux vidéo en classe <strong>de</strong> langue auquel François Mangenot m’aproposé <strong>de</strong> participer <strong>de</strong>vrait me perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> trouver quelques réponses à cesquestions.Conclusion : la pertinence <strong>et</strong> les difficultés <strong>de</strong> la démarche ergonomique <strong>dans</strong>l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s usagesEn guise <strong>de</strong> conclusion à c<strong>et</strong>te partie, je voudrais apporter quelques réflexions surl’expérience <strong>de</strong> la démarche ergonomique <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> uneperspective renouvelée par l’émergence <strong>de</strong> nouveaux savoirs <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouvellestechnologies.146


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEQuelle démarche ergonomique ?Françoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseDans un article consacré à l’apport <strong>de</strong> l’ergonomie à la recherche sur les TICE,Bétancourt [2007] affirme que le chercheur doit se poser trois questions : celle <strong>de</strong> sonutilité, celle <strong>de</strong> son utilisabilité <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> son acceptabilité.son utilité : le nouveau système introduit-il un gain (en temps, coûtcognitif, intérêt) pour l’activité par rapport à ce que l’individu (ou legroupe, l’institution) utilisait auparavant pour atteindre les buts qu’ils’est fixé ?son utilisabilité : l’utilisation du système répond-elle auxexigences <strong>de</strong> l’utilisateur en termes <strong>de</strong> temps d’apprentissage,d’efficience, <strong>de</strong> prévention <strong>de</strong>s erreurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> satisfaction (Nielsen,1993) ? En d’autres tenues, l’individu (ou le groupe) utilisant latechnologie peut-il atteindre les buts qu’il s’est fixé avec un rapporteffort sur résultat correspondant à ses attentes ?son acceptabilité : quels changements le nouveau systèmeinduit-il en termes d’usages en contexte réel sur les comportements, lesrôles sociaux <strong>et</strong> fonctionnels <strong>de</strong> chacun ? [Bétancourt, 2007, p. 79]Au cours <strong>de</strong> mes observations sur le terrain, que ce soit <strong>dans</strong> les classes <strong>de</strong> langue<strong>de</strong> lycée <strong>et</strong> collège, <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> langues ou <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s écoles primaires, j’aitenté <strong>de</strong> répondre à ces questions sans toutefois pouvoir clairement y parvenir. Toutd’abord, comme Dillon <strong>et</strong> Morris [1996], je pense que la notion d’acceptabilité estbien plus importante que la raison scientifique le laisse entendre. Ainsi, un dispositifpeu utilisable en théorie peut être largement utilisé si les acteurs lui reconnaissent sonutilité potentielle. J’ai vu <strong>de</strong>s apprenants <strong>et</strong> <strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> langue s’approprier<strong>de</strong>s dispositifs qui n’étaient ni plus utiles, ni plus efficaces que d’autres. Ils lefaisaient parce que ces dispositifs étaient générateurs <strong>de</strong> créativité, <strong>de</strong> nouveaux buts,<strong>de</strong> nouvelles façons <strong>de</strong> travailler, exigeaient précisément qu’ils construisent leurspropres procédures d’appropriation. Mes recherches attestent toutes <strong>de</strong> la variabilité<strong>de</strong>s comportements <strong>et</strong> <strong>de</strong>s stratégies <strong>dans</strong> un même dispositif, ce qui prouve bien queles notions d’utilité <strong>et</strong> d’utilisabilité dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la perception que les utilisateurs enont <strong>et</strong> non <strong>de</strong> données totalement objectives. Les trois dimensions doivent donc êtreprises en compte comme le préconise Tricot [2003].Aujourd’hui, le renouvellement <strong>de</strong>s dispositifs avec les plateformesd’apprentissage, puis le Web 2 <strong>et</strong> bientôt le Web 3, exige un renouvellement <strong>de</strong>s147


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèserecherches. L’ergonome continuera à observer l’activité <strong>de</strong>s utilisateurs, mais nepourra plus le faire sur les mêmes bases. En eff<strong>et</strong>, la question n’est pas seulementcelle <strong>de</strong> l’intégration <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> l’apprentissage mais celle <strong>de</strong> leur intégration<strong>dans</strong> l’enseignement, <strong>dans</strong> les dispositifs d’enseignement. Autrefois, on se <strong>de</strong>mandaitsi l’enseignant allait être capable <strong>de</strong> s’emparer <strong>de</strong> la technologie pour amener <strong>dans</strong> laclasse <strong>de</strong> langue une population, une langue, une actualité, <strong>de</strong>s échanges auxquels lesélèves ne pourraient accé<strong>de</strong>r sans l’enseignant. Aujourd’hui, via Intern<strong>et</strong> <strong>et</strong> latéléphonie mobile, beaucoup d’élèves, du moins ceux qui le peuvent financièrementou qui ont un copain qui leur donne accès à Intern<strong>et</strong>, accè<strong>de</strong>nt à l’information sansl’ai<strong>de</strong> du professeur <strong>de</strong> langue. La question est alors <strong>de</strong> savoir si l’enseignant intègre<strong>dans</strong> ses cours les pratiques quotidiennes <strong>de</strong>s élèves. L’écart n’est peut-être plus là oùon le pense. Ces évolutions exigent <strong>de</strong> poser les usages en <strong>de</strong>s termes radicalementnouveaux <strong>et</strong> d’ancrer c<strong>et</strong>te réflexion <strong>dans</strong> l’histoire <strong>de</strong> la technique <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses usages,les rapports entre utilité, utilisabilité <strong>et</strong> acceptabilité. C’est une <strong>de</strong>s orientations quej’ai donnée récemment à mon travail en analysant les caractéristiques du Web 2 <strong>et</strong> 3 selonles gran<strong>de</strong>s catégories d’utopies <strong>et</strong> contre-utopies <strong>et</strong> les mythes fondateurs <strong>de</strong> latechnique [Raby, sous presse].Chapitre 5 L’ordinateur, instrument <strong>de</strong> recherche pour ledidacticien <strong>de</strong> langues ?La littérature en didactique <strong>de</strong>s langues comme la littérature en sciences <strong>de</strong>l’éducation abor<strong>de</strong>nt la question <strong>de</strong>s TICE comme une conception ou une utilisationefficace <strong>de</strong> l’ordinateur au service <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> la langue [voir le chapitreprécé<strong>de</strong>nt]. Cependant, je n’ai pas encore rencontré <strong>de</strong> développement nourri sur lerôle que l’ordinateur pouvait jouer en tant qu’instrument <strong>de</strong> recherche pour ladidactique <strong>de</strong>s langues 42 . Certes, on y trouve quelques allusions au détour d’un42 En revanche, <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s anglophones, le groupe <strong>de</strong> recherche Recherchesassistées par ordinateur (CREA, Université Paris Ouest) organise régulièrement <strong>de</strong>s colloques qui148


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèserésultat ou <strong>de</strong> l’exposé d’une procédure, mais les auteurs ne semblent pasvéritablement soucieux <strong>de</strong> théoriser c<strong>et</strong>te question. Il faut se tourner vers lesspécialistes <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> la langue secon<strong>de</strong> (SLA) [pour une vision globale, voirHulstijn, 2002a], ou les spécialistes <strong>de</strong> l’analyse automatisée <strong>de</strong>s discours enéducation [Bronckart, 2004] pour trouver <strong>de</strong>s références à l’ordinateur comme uneai<strong>de</strong> épistémique, <strong>et</strong> non seulement matérielle, au travail du chercheur en LVE. Endidactique <strong>de</strong>s langues, en SLA comme en sciences <strong>de</strong> l’éducation, nous utilisonstous les jours l’outil informatique. Or, nous l’évoquons, la plupart du temps, commeun outil purement fonctionnel <strong>et</strong> parfaitement neutre, comme s’il s’agissait d’une« simple » extension cognitive <strong>de</strong> notre cerveau. J’ai utilisé l’expression <strong>de</strong> prothèsecognitive [comme Lemire, 2008] pour qualifier c<strong>et</strong>te propriété qu’a l’ordinateurd’étendre nos capacités <strong>et</strong> <strong>de</strong> combler nos lacunes cognitives [voir Partie 2 <strong>et</strong> 3].C<strong>et</strong>te potentialité d’ai<strong>de</strong> à la recherche m’est apparue dès mes premièresinvestigations au centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> l’UPMF, où j’ai abordé l’outil informatique<strong>dans</strong> un double mouvement. Tout d’abord, j’ai cherché à savoir si, <strong>et</strong> en quoi, ilpouvait constituer une ai<strong>de</strong> à l’apprentissage <strong>dans</strong> le cadre d’une autonomie guidée,(c’est ce que je viens d’évoquer <strong>dans</strong> le précé<strong>de</strong>nt chapitre), mais j’ai aussi perçuqu’il pouvait constituer une ai<strong>de</strong> précieuse à la recherche sur l’apprentissage enm’apportant les moyens d’une analyse systématique <strong>de</strong>s discours <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> laclasse. L’ordinateur illustre en eff<strong>et</strong>, à mes yeux, le concept d’instrument tel quedéfini par Vygotski [1978], Simondon [1989], puis Rabar<strong>de</strong>l [1995] ou Bruillard[1998]. Jacques Baillé <strong>et</strong> moi-même avons ainsi défini c<strong>et</strong>te propriété :En distinction, on peut considérer l’instrument (il ne s’agitplus ici d’un eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> lexique) comme un outil qui incorporedu cognitif. Il est médium en ce qu’il affecte la perception <strong>et</strong>la représentation. Dans l’histoire <strong>de</strong> la technique, l’essor <strong>de</strong>l’instrumentation au cours <strong>de</strong> la Renaissance — instrumentssémiotiques tels les tables, le <strong>de</strong>ssin en perspective, aussibien que mécaniques — marquera l’avènement d’un tempsnouveau dont on peut saisir, encore <strong>de</strong> nos jours, les traitsessentiels à travers le développement <strong>de</strong>s technologiesformelles <strong>et</strong> matérielles du traitement <strong>de</strong> l’information. Pourperm<strong>et</strong>tent aux chercheurs anglicistes, quel que soit leur engagement disciplinaire (littérature,civilisation, linguistique), <strong>de</strong> se rencontrer pour confronter leurs démarches <strong>et</strong> analyses automatisées.149


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseBruillard [1998], la prise en compte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te distinctionoutil-instrument est <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> importance pour sortir lesapplications scolaires <strong>de</strong> l’informatique du gh<strong>et</strong>to utilitaristeoù on les a enfermées. [Doc. 3, p. 5, T1]Parce qu’il est instrument <strong>et</strong> qu’il modifie la perception que nous avons <strong>de</strong> laréalité, l’ordinateur perm<strong>et</strong> au chercheur d’implémenter (je préfère matérialiser) <strong>de</strong>smodèles, le plus souvent <strong>de</strong>s modèles mathématiques très puissants, qu’il n’avait paspu concrétiser jusqu’alors. L’ordinateur sert donc <strong>de</strong> prothèse cognitive, c’est-à-direqu’il constitue une extension du cerveau calculateur (computation algébrique +analyse vectorielle). Les computations <strong>et</strong> les calculs <strong>de</strong> l’ordinateur sont hors <strong>de</strong>portée d’un cerveau humain ; <strong>de</strong> telles prouesses techniques stimulent en lui <strong>de</strong>nouvelles tentatives <strong>de</strong> modélisation qu’il ne saurait concevoir s’il n’avait à sadisposition l’instrument qui les rend opératoires. L’ordinateur ouvre donc le champ<strong>de</strong>s possibles. Je prendrai trois exemples pour illustrer ce propos : l’Analyse <strong>de</strong>sCorrespondances Multiples [Benzecri, 1992] que nous avons menée <strong>dans</strong> lamédiathèque du centre <strong>de</strong> langues [Doc. 10, p. 210, T1], LSA (Latent SemanticAnalysis) [Landauer & Dumais,1997] <strong>et</strong> un modèle <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>l’acquisition du langage que Virginie Zampa a appliqué au travail <strong>de</strong> compréhension<strong>de</strong> l’anglais <strong>de</strong> spécialité <strong>dans</strong> sa thèse [Zampa, 2003 ; Zampa & Raby, 2001]. Lapremière partie <strong>de</strong> ce chapitre sera donc consacrée à l’ordinateur comme outil <strong>de</strong>modélisation.Le logiciel Tropes 43 développé par la société ACETIC. [Ghiglione, R. ; Landré,A. ; Bromberg, M. , Mol<strong>et</strong>te, P. ; 1998] m’a aidé à analyser le discours <strong>de</strong>s agentsafin <strong>de</strong> mieux comprendre leur activité en classe <strong>de</strong> langue. C’est à l’ordinateur quitrie, sélectionne, archive les paroles <strong>de</strong>s agents que je m’intéresserai donc <strong>dans</strong> la<strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> ce chapitre. Les logiciels d’analyses automatisées du discours <strong>et</strong><strong>de</strong>s comportements autorisent les comparaisons inter <strong>et</strong> intra individuelle ou encorele traçage <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s agents [Demaizière, 2008]. J’ai pour ma part utilisé unlogiciel qui propose au chercheur non seulement une analyse <strong>de</strong> contenu [Bardin,1993] mais également une analyse cognitivo-discursive. Les doctorants que j’ai co-43 Une version d’essai <strong>de</strong> ce logiciel est téléchargeable sur le site http://www.ac<strong>et</strong>ic.fr/tropesfr.htm150


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseencadrés ont également utilisé le logiciel Tropes pour mener les analyses <strong>de</strong> leursentr<strong>et</strong>iens ou journaux <strong>de</strong> bord. Dans la <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> ce chapitre, j’examinerailes apports <strong>de</strong> ce logiciel à l’analyse <strong>et</strong> la compréhension <strong>de</strong> l’activité. Il s’agira d’unexamen critique, car <strong>dans</strong> ce type <strong>de</strong> travail, le chercheur peut aisément cé<strong>de</strong>r à unefascination nuisible à ses interprétations, dont je fournirai quelques exemples.[Doc.11 & 12, pp. 228-263, T1].L’ordinateur au service <strong>de</strong> la modélisation [Doc. 10, p. 210, T1]J’ai déjà évoqué la recherche dont il sera ici question : il s’agit du programmemené au centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> l’Université Pierre-Mendès-France. Si j’ai sélectionnéc<strong>et</strong> exemple, c’est parce qu’il illustre bien la relation entre le modèle <strong>et</strong> soninstrument, <strong>et</strong> que les résultats <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te collaboration ont été tout à fait surprenants.Problématique <strong>et</strong> démarche <strong>de</strong> rechercheAu centre <strong>de</strong> langues, nous avions mis en place le dispositif <strong>de</strong> l’autonomie guidéequi avait pour socle la médiathèque du centre <strong>de</strong> langues. Certains étudiants venaienty travailler, soit parce qu’ils étaient inscrits <strong>dans</strong> un module d’autonomie guidée, soitpour compléter le cours <strong>de</strong> spécialité qu’ils recevaient <strong>dans</strong> leur UFM, soit lorsqu’ilsse préparaient à une certification étrangère du type TOIC, examen <strong>de</strong> Sienne ou duGo<strong>et</strong>he Institute. D’autres étudiants fréquentaient la médiathèque <strong>de</strong> manièr<strong>et</strong>otalement libre, parfois sans travailler mais simplement pour feuill<strong>et</strong>er un livre,consulter la presse ou visionner un film. En tant que directrice, comme en tantqu’enseignante d’anglais membre <strong>de</strong> l’équipe pédagogique du CLV, je me rendaisfréquemment <strong>dans</strong> la médiathèque pour voir si tout se passait bien, c’est-à-dire si lamédiathèque remplissait bien son rôle <strong>de</strong> centre ressource <strong>et</strong> <strong>de</strong> centre d’autoapprentissage.Parfois, je r<strong>et</strong>rouvais les sensations que j’avais connues lorsquej’observais les apprentis acteurs sur scène, sans intervenir, à la découverte <strong>de</strong> cequ’ils inventeraient pour donner vie à un personnage. C<strong>et</strong>te attention relâchée quin’était pas dictée par <strong>de</strong> quelconques attentes ou prescriptions didactiques (oudiktats ?) sur le travail en autonomie élargissait mon champ <strong>de</strong> vision, si ce n’estmon champ <strong>de</strong> compréhension du dispositif. À force d’observer ces comportements,151


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsej’ai compris qu’ils s’organisaient en séquences, <strong>et</strong> que ces séquences se répétaient àla manière d’un ball<strong>et</strong> contemporain : je découvrais sous mes yeux une« grammaticalisation » <strong>de</strong>s comportements mais n’en comprenais pas le sens, lasémantique me faisant défaut. Or, si nous voulions améliorer ce dispositif encorebégayant, il fallait arriver à donner un sens à c<strong>et</strong>te grammaire, à comprendre cescomportements <strong>et</strong> à les interpréter sans y avoir d’abord proj<strong>et</strong>és nos propres attentes<strong>et</strong> significations. Jacques Baillé m’a alors proposé, <strong>dans</strong> un premier temps <strong>et</strong>conformément à la démarche ergonomique, <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à un travail <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription<strong>de</strong>s comportements déployés. À l’inverse <strong>de</strong> l’approche la plus fréquemmentemployée à l’époque <strong>dans</strong> les recherches sur l’autonomie guidée, qui prenait pourobjectif un poste <strong>de</strong> travail ou une interface particulière, je décidais <strong>de</strong> considérer lamédiathèque comme un univers multimédia distribué [Raby, 1994], (dont lesprincipaux supports étaient les magnétophones à cass<strong>et</strong>tes, les télévisions, lesordinateurs <strong>et</strong> les supports imprimés), <strong>et</strong> <strong>de</strong> rechercher les différencescomportementales qui s’établissaient <strong>dans</strong> l’usage <strong>de</strong> ces supports techniques.[Ainsi] en première approximation, la notion d’usage sefon<strong>de</strong> sur la mise en correspondance entre les attributs oucaractères qui spécifient un instrument <strong>et</strong> les comportementsqu’ils stimulent en vue d’une fin précise. D’un point <strong>de</strong> vueergonomique, la médiathèque ne peut se concevoir commeinstrument <strong>de</strong> formation qu’en tant que système <strong>de</strong>comportements ajustés à l’apprentissage d’une langue.[Raby, 1996, p. 283]Définir la médiathèque comme un système <strong>de</strong> comportements supposait d’isolerles occurrences <strong>de</strong> ceux-ci en termes <strong>de</strong> choix <strong>de</strong> supports <strong>et</strong> <strong>de</strong> comportementsinstrumentaux liés aux niveaux très variables <strong>de</strong> maîtrise du matériel disponible. Ilfallait, en outre, relever les durées d’utilisation <strong>de</strong> ces mêmes supports. Le recueil <strong>de</strong>ces données visait la construction d’un espace comportemental dont les dimensionscorrespondaient au nombre <strong>de</strong> comportements isolés observables. Il s’agissait ensuite<strong>de</strong> déterminer les liaisons les plus intéressantes entre ces comportements <strong>et</strong> l’usageréel <strong>de</strong> la médiathèque en activité. Sachant que je pouvais utiliser le logiciel <strong>de</strong>traitement statistique SAS, j’ai pu prendre en compte, <strong>dans</strong> un même modèle <strong>de</strong>l’activité, tous les caractères <strong>et</strong> comportements que je jugeais pertinents pour rendrecompte du dispositif d’apprentissage : en tout 274 caractères qui constituaient autant152


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong> variables. Deux étudiants <strong>de</strong> DEA ont été intégrés à notre équipe <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong>ont fait <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la médiathèque le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> leur mémoire. Jacques Bailléavait proposé le modèle comportemental <strong>de</strong> l’activité [Baillé, 1997], j’ai apporté ladimension linguistique <strong>et</strong> cognitive <strong>de</strong>s stratégies en LVE, mais c’est PascalBressoux, spécialiste en statistiques pour les sciences <strong>de</strong> l’éducation [Bressoux,2008], qui a suggéré le modèle qui nous perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> traiter conjointement les 274variables r<strong>et</strong>enues.Un exemple <strong>de</strong> modélisation <strong>de</strong>s comportementsNous avons distingué trois séries <strong>de</strong> caractères qui décrivent, à partir <strong>de</strong>comportements observables, la médiathèque comme dispositif ergonomique <strong>de</strong>formation : la durée unitaire du travail sur poste, le choix <strong>de</strong>s supports <strong>et</strong> lescomportements auxiliaires. Chacun <strong>de</strong>s caractères est suivi du symbole entre parenthèsesqui le représente <strong>dans</strong> les tableaux <strong>de</strong> données <strong>et</strong> les figures. Ensuite, nous avons ajouté aumodèle les caractéristiques <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s observés.La durée unitaire du travail sur posteLes durées <strong>de</strong> travail effectif sur chaque poste étaient variables. Il était rare qu’ellecorrespon<strong>de</strong> à la durée <strong>de</strong> présence <strong>de</strong>vant un support. Les pauses, les communications entrepairs, les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’ai<strong>de</strong> constituaient autant d’interruptions d’un travail effectif sur postedéfini, ici, comme l’exécution individuelle d’une tâche <strong>dans</strong> un contexte spatial <strong>et</strong>instrumental bien délimité. La plupart <strong>de</strong>s étudiants organisaient donc leur travail sur unmo<strong>de</strong> séquentiel ; la durée moyenne d’une séquence <strong>de</strong> travail sur un poste est nommée duréeunitaire <strong>de</strong> travail.Nous avons défini comme durée unitaire <strong>de</strong> travail sur poste (tpa) le rapport entre ladurée <strong>de</strong> travail effectif (te) <strong>et</strong> le nombre d’interruptions (ni). Ces interruptions étaientrepérées soit par les pauses effectuées par les étudiants, soit par <strong>de</strong>s changementsd’exercice. La durée <strong>de</strong> travail effectif est égale à la différence entre la durée totale <strong>de</strong>présence sur le poste (tp) <strong>et</strong> la somme <strong>de</strong>s durées <strong>de</strong>s diverses interruptions (ti). On adonc : tpa=te /ni avec: te=tp-ti. C<strong>et</strong>te durée unitaire <strong>de</strong> travail sur poste, pour <strong>de</strong>s raisons liéesau traitement statistique adopté, était modalisée en quatre classes : (tpa1) représentait une153


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsedurée moyenne <strong>de</strong>s séquences inférieure ou égale à 5 min ; (tpa2) une durée compriseentre 6 <strong>et</strong> 10 min ; (tpa3) une durée comprise entre 1 <strong>et</strong> 15 min ; enfin, (tpa4) une duréesupérieure à 15 min.Le choix <strong>de</strong>s supportsLa première série dite instrumentale comprenait quatre caractères correspondantau choix d’un <strong>de</strong>s supports offerts par la médiathèque : informatique (info), vidéo (vido),supports imprimés hors périodiques (docr), périodiques (jnx). Chaque caractère revêtait<strong>de</strong>ux modalités, selon que le support était utilisé ou non par l’étudiant. Pour représenter lanon-utilisation systématique d’un support, nous placions la l<strong>et</strong>tre n en tête du symbole, àl’exemple <strong>de</strong> (ninf) pour un non recours à l’informatique. Les supports exclusivement audiofurent trop peu utilisés pour figurer en tant que caractères <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>tepremière approche.Les comportements auxiliairesLa <strong>de</strong>uxième série comprenait sept caractères. Ils correspondaient à <strong>de</strong>scomportements observables, distincts <strong>de</strong>s choix <strong>de</strong> supports, liés au poste <strong>de</strong> travail :recherches liminaires (rech) <strong>dans</strong> le cas où l’étudiant hésitait entre plusieurs supportsavant <strong>de</strong> s’installer à son poste <strong>de</strong> travail ou tâtonnait <strong>dans</strong> la sélection du contenu <strong>de</strong> sonprogramme ; prise <strong>de</strong> note (note) lorsque l’étudiant écrivait durant sa présence à sonposte <strong>de</strong> travail ; pause (pau) <strong>dans</strong> le cas où l’étudiant quittait momentanément sonposte <strong>de</strong> travail ; (com) lorsqu’il communiquait avec ses pairs ; (ai<strong>de</strong>) quand ilrequérait une ai<strong>de</strong> sur le contenu ; (aidm) lorsqu’il <strong>de</strong>mandait une ai<strong>de</strong> matériellerelative au support ; (dico) lorsque l’étudiant consultait un ou plusieurs dictionnaires.Comme précé<strong>de</strong>mment, chaque caractère prenait <strong>de</strong>ux modalités selon que lecomportement était activé ou non. Pour représenter la non-activation d’uncomportement, nous placions la l<strong>et</strong>tre n en tête du symbole, à l’exemple <strong>de</strong> (ncom)pour une absence <strong>de</strong> communication entre pairs.154


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVELes suj<strong>et</strong>sFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseL’échantillon <strong>de</strong>s 116 étudiants observés était décrit par quatre caractèresprincipaux : la nature du cursus, la langue étudiée, le niveau d’étu<strong>de</strong>, le sexe. Ici encore,les variables i<strong>de</strong>ntitaires qui décrivaient les suj<strong>et</strong>s étaient présentées avec, entreparenthèses, leurs formes symboliques. 68 % <strong>de</strong>s étudiants étaient <strong>de</strong> sexe féminin. Lesétudiants se répartissaient en quatre groupes distincts : droit (DRO), sciences politiques(IEP), sciences économiques (SCO), sciences humaines <strong>et</strong> sociales (SH). Chacun <strong>de</strong> cesmêmes étudiants s’efforçait d’acquérir l’une <strong>de</strong>s quatre langues suivantes : anglais(ANGL), allemand (ALD), italien (ITAL) <strong>et</strong> espagnol (ESPL). Trois niveaux d’étu<strong>de</strong>,(Y1), (Y2), (Y3), ordonnés <strong>de</strong> la première à la quatrième année du cursus, étaientreprésentés <strong>dans</strong> l’échantillon. (Y3) regroupait les troisième <strong>et</strong> quatrième années. Ils’agissait <strong>de</strong>s niveaux les plus représentatifs <strong>de</strong> la fréquentation du centre. Enfin, lavariable du genre était notée (hom) pour le sexe masculin, (fem) pour le féminin.La métho<strong>de</strong> utilisée pour l’observationDurant <strong>de</strong>ux mois, à raison <strong>de</strong> quatre jours par semaine, les <strong>de</strong>ux étudiantsobservateurs ont procédé au recueil <strong>de</strong>s données <strong>dans</strong> la médiathèque. Pour cela, ils<strong>de</strong>vaient remplir une grille élaborée à partir d’observations préalables sur le même site <strong>et</strong>comprenant, pour chaque suj<strong>et</strong> : une partie i<strong>de</strong>ntitaire (nature du cursus, langue étudiée,niveau d’étu<strong>de</strong>, sexe), les vingt-<strong>de</strong>ux cases correspondant aux modalités <strong>de</strong>scomportements <strong>de</strong> choix <strong>et</strong> à celles <strong>de</strong>s comportements auxiliaires, ainsi que les cases <strong>de</strong>relevé <strong>de</strong>s durées <strong>de</strong> travail sur poste. Chaque observateur s’attachait à suivre un seulétudiant <strong>dans</strong> ses comportements au travail <strong>et</strong> <strong>dans</strong> tous ses déplacements, certainssuj<strong>et</strong>s changeant <strong>de</strong> poste <strong>de</strong> travail au cours <strong>de</strong> la séance. Dans c<strong>et</strong>te première étu<strong>de</strong>,chaque étudiant a été observé une seule fois.Le modèle <strong>de</strong> l’Analyse <strong>de</strong>s Correspondances MultiplesLes étudiants ont relevé, pour les 116 suj<strong>et</strong>s, les occurrences qui définissaientl’espace comportemental <strong>de</strong> la médiathèque. La <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> c<strong>et</strong> espace consistaità rechercher <strong>de</strong>s proximités entre ces caractères. Relative aux relations entre les155


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsecaractères qualitatifs (modalisés), l’Analyse <strong>de</strong>s Correspondances Multiples (ACM)cherche à construire une image graphique <strong>de</strong> ces proximités [Saporta, 1978 ; Benzecri <strong>et</strong>al., 1979 ; Bouroche <strong>et</strong> Saporta, 1980]. À partir <strong>de</strong> tableaux disjonctifs compl<strong>et</strong>scaractères-individus, on recherche les plans principaux sur lesquels se proj<strong>et</strong>tent lesdifférents caractères, <strong>de</strong> sorte que soient minimisées leurs distances.Figure 10 - Axe 1 <strong>et</strong> 3 avec projection <strong>de</strong>s variables supplémentaires liées aux suj<strong>et</strong>sLa métrique est celle du Khi carré. Pour l’interprétation, il faut tenir compte, d’unepart, <strong>de</strong> la proximité entre les points représentant les modalités <strong>de</strong>s caractères <strong>et</strong> lesplans principaux <strong>de</strong> projection <strong>et</strong>, d’autre part, du rôle joué par chaque point <strong>dans</strong> ladétermination <strong>de</strong> chaque axe. L’originalité du modèle rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> son aspect disjonctif <strong>et</strong>dichotomique. On note aussi bien l’occurrence que la non-occurrence du comportement. Ci<strong>de</strong>ssous,le lecteur trouvera un exemple <strong>de</strong>s représentations graphiques que l’ordinateur peutfournir <strong>de</strong>s relations entre les caractères qui constituent autant d’occurrences ou <strong>de</strong> non-156


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseoccurrences, donc autant <strong>de</strong> variables [Doc. 10, p. 220, T1]. Dans c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong>, le nombre <strong>de</strong>variables était assez réduit : 274 seulement !Le rôle <strong>de</strong> l’ordinateur <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te rechercheUn outil <strong>de</strong> visualisationLa représentation graphique <strong>de</strong> la médiathèque exposée ci-<strong>de</strong>ssus est d’abord lerésultat d’un calcul mathématique, car chaque point est situé <strong>dans</strong> l’espace par uncalcul vectoriel qui le positionne par rapport au barycentre. L’ordinateur, grâce àl’intelligence cachée qu’il transporte, a réalisé un calcul que nous n’aurionsévi<strong>de</strong>mment pas pu faire à la main. Ensuite, toujours pour les mêmes raisons, il a putraduire ces calculs sous forme <strong>de</strong> graphes qui représentent, donc traduisent <strong>et</strong>interprètent, la réalité <strong>de</strong> la médiathèque.Un outil d’interprétationLà rési<strong>de</strong> sans doute l’aspect le plus intéressant <strong>de</strong> la collaboration entre le modèle<strong>et</strong> l’ordinateur : l’ordinateur nous a permis <strong>de</strong> visualiser <strong>de</strong>s résultats tout à faitinattendus. Si nous avions mené une recherche classique en didactique <strong>de</strong>s langues,nous aurions énoncé <strong>de</strong>s hypothèses, tenté <strong>de</strong> les vérifier à partir <strong>de</strong>s théories émisespar les spécialistes du multimédia, <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> langues <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’autonomie guidée,<strong>et</strong> nous aurions posé les supports comme les éléments clefs autour <strong>de</strong>squelss’organiseraient les comportements. L’ACM nous a permis <strong>de</strong> réaliser une recherchesans hypothèse, <strong>et</strong> la vision donnée par le modèle <strong>et</strong> son outil informatique futsurprenante 44 . Tout d’abord, <strong>dans</strong> le premier graphe, celui qui donne l’image la plusdiscriminante <strong>de</strong>s comportements, on aperçoit que les médias électroniques sont toutsimplement absents. Cela ne signifie pas que les étudiants ne s’en servent pas, maisplutôt que les supports électroniques ne sont pas les caractères qui distinguent lescomportements <strong>de</strong>s étudiants entre eux. Nous avons fait tourner le modèle plusieursfois, tant ce résultat était étonnant. Voyant qu’il se confirmait, nous avons observé44 Il n’est pas question ici d’expliquer le modèle mathématique <strong>de</strong> l’ACM <strong>dans</strong> ses détails. Jerenvoie le lecteur intéressé aux écrits <strong>de</strong> Benzécri, déjà mentionnés.157


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseles caractères que nous resituait le modèle <strong>et</strong> avons constaté que les comportementsinstrumentaux arrivaient en première place : le fait <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s pauses, <strong>de</strong> consulterun tuteur ou un pair, <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r <strong>dans</strong> un dictionnaire, <strong>et</strong>c. J’avais plus ou moins<strong>de</strong>vant les yeux l’illustration <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> Rabar<strong>de</strong>l, relative à la construction <strong>de</strong>sschèmes instrumentaux. Ce qui caractérise une activité d’apprentissage, c’estl’appropriation par le suj<strong>et</strong> du dispositif qu’on lui propose, appropriation qui passepar l’élaboration <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> transformation, voire <strong>de</strong> détournement, queRabar<strong>de</strong>l qualifie <strong>de</strong> catachrèse. Nous avons fait tourner le modèle jusqu’à que lessupports apparaissent. Un autre résultat nous a alors frappés : la proximité entre lechamp disciplinaire <strong>de</strong>s étudiants <strong>et</strong> le choix <strong>de</strong>s supports. Par exemple, les étudiants<strong>de</strong> l’IEP utilisaient majoritairement l’ordinateur pour <strong>de</strong>s tâches <strong>de</strong> préparation auTOEFL, tandis que les étudiants <strong>de</strong> psycho <strong>et</strong> <strong>de</strong> socio utilisaient majoritairement lavidéo pour regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s films ! On trouvera un énoncé compl<strong>et</strong> <strong>de</strong>s principauxrésultats <strong>dans</strong> le Document 10 [p. 210, T1]. L’idée n’est pas ici <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te recherche mais <strong>de</strong> montrer que l’outil informatique est bien plus qu’un outil ausens <strong>de</strong> Leroi Ghouran [1965], à savoir un prolongement <strong>de</strong> l’organe, un instrumentqui perm<strong>et</strong> au chercheur <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s résultats qu’il ne pourrait pas obtenir sansson ai<strong>de</strong>. D’autre part, c<strong>et</strong>te toute première expérience a attiré mon attention sur lanécessité d’être formée <strong>et</strong> <strong>de</strong> former les doctorants au maniement <strong>de</strong> ces instruments.Pendant longtemps, j’ai eu du mal à interpréter certains résultats statistiques alorsmême que l’ordinateur m’en livrait à profusion. La raison en était fort simple : je nemaîtrisais pas assez bien le modèle statistique, non sur un plan technique(l’ordinateur s’en charge) mais sur le plan théorique : à quoi sert une ACM <strong>et</strong>comment est-ce que cela fonctionne ? J’ai notamment rencontré le directeur dulaboratoire <strong>de</strong> statistique <strong>de</strong> mon université, à qui j’ai soumis mes interprétations.Son conseil, pour que mes résultats soient plus conformes à mes attentes, futd’éliminer un certain nombre <strong>de</strong> variables qui faussaient les modèles. Je lui ai alorsjustement fait remarquer que le fait que les supports ne ressortent pas était pour moiun résultat <strong>et</strong> que ce n’était pas grave si les résultats contredisaient le modèle. Noussomme parvenus à nous comprendre après quelques difficultés, illustrant ladifférence essentielle qui sépare une science fondamentale d’une science appliquée.En tant que statisticien « pur », il cherchait à vali<strong>de</strong>r son modèle ; en tant que158


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsedidacticienne, c’était l’écart au modèle qui m’intéressait. Nous avions tous <strong>de</strong>uxraisons <strong>et</strong> c’est pourquoi je conseille aujourd’hui aux doctorants que je co-encadre <strong>de</strong>s’initier eux aussi aux statistiques, <strong>de</strong> manière à bien choisir le modèle statistique, àne pas confier le pourvoir à l’ordinateur <strong>et</strong> à rester pru<strong>de</strong>nt quant aux conclusionsqu’on peut tirer <strong>de</strong>s résultats obtenus.Latent Semantic Analysis (LSA) : l’instrument comme ai<strong>de</strong> à la recherche enSLA [Doc. 5, p. 106]Il s’agit, ici, <strong>de</strong> revisiter l’expérience d’un compagnonnage, celui qui m’a associéeà Virginie Zampa comme co-encadrante <strong>de</strong> son travail <strong>de</strong> thèse durant environ cinqans. À l’époque, au début <strong>de</strong>s années 2000, le programme LSA réunissait plusieurschercheurs du Laboratoire <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’éducation qui travaillaient sur le langage<strong>et</strong> son acquisition. C’est Benoit Lemaire qui nous a présenté la théorie psychologique<strong>et</strong> le programme informatique. 45Le programme LSA est virtuellement capabled’apprendre à peu près n’importe quoi <strong>de</strong>puis le jeu <strong>de</strong> morpion jusqu’à la LVE <strong>de</strong>spécialité, en passant par le droit ou la musique ; <strong>de</strong> plus, il est aussi présenté commeun assistant à l’enseignant :Without any complex human pre-processing, this mechanismallows semantic-related comparisons of words and texts(e.g., cohesion or meaning); and can lead to the simulationof the high levels of human cognition seen in instructionals<strong>et</strong>tings like un<strong>de</strong>rstanding [4], summarization [5, 6],knowledge building [7], m<strong>et</strong>aphor comprehension [8],tutoring [9], and m<strong>et</strong>a-cognition [10]. Thanks to these maincapabilities—text-based, natural language processing,cognitive account, and speed—LSA is a good candidate as acomputational technique to use in association withinstructional systems, in which discourse in a broad sense(e.g., dialog, written essays, course notes) plays a veryimportant role [11]. [Dessus, 2009, p. 157]LSA est à la fois un programme informatique qui acquiert <strong>de</strong>s connaissances <strong>et</strong> unmodèle <strong>de</strong> fonctionnement du cerveau pour l’acquisition <strong>de</strong> la langue. C’est donc audouble titre <strong>de</strong> modèle <strong>et</strong> <strong>de</strong> machine que LSA m’a intéressée. Ce programme renvoie45 Ces chercheurs sont Benoit Lemaire, Philippe Dessus, Maryse Bianco, <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux doctorantes,Sonia Mandrin <strong>et</strong> Harmony Marechal.159


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseaux théories non symboliques <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> la langue qui, avec lesneurosciences, constituent aujourd’hui un courant dominant <strong>de</strong>s recherches en SLA.C’est la raison pour laquelle LSA occupe également sa place <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te synthèse. Eneff<strong>et</strong>, l’accompagnement à la recherche <strong>de</strong>s étudiants exige que le candidat àl’habilitation soit soucieux <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre régulièrement à jour ses connaissancesscientifiques <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE. Même si je m’intéresseprincipalement à l’intégration pédagogique <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s dispositifs hybri<strong>de</strong>s,ou au rôle <strong>de</strong> la motivation <strong>dans</strong> l’apprentissage institutionnel d’une LVE, l’activité<strong>de</strong>s agents au travail englobe aussi la question <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> l’apprentissage quisous-ten<strong>de</strong>nt les activités ou les pratiques, <strong>et</strong> la manière dont nous abordons l’activitéd’apprentissage ou d’enseignement dépend <strong>de</strong> la théorie qui sous-tend notre travail.Le programme LSA, entre outil <strong>et</strong> machine informatique, s’inscrit <strong>dans</strong> le champ<strong>de</strong>s théories connexionnistes. Ce fut d’abord un programme d’in<strong>de</strong>xation <strong>de</strong>sdonnées <strong>et</strong> c’est en analysant leurs résultats <strong>dans</strong> ce domaine que Landauer <strong>et</strong>Daumais [1997] ont eu l’idée <strong>de</strong> l’étudier en tant que modèle d’acquisition dulangage. Aujourd’hui, le programme LSA fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> recherchesqui visent son application <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’enseignement [Dessus, 2009]. Dupoint <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la langue secon<strong>de</strong> ou étrangère, ses applications sont encore limitées.Si je m’intéresse ici à ce programme, c’est qu’il illustre les potentialités (<strong>et</strong> leslimites) <strong>de</strong> l’ordinateur, une fois encore, <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la réflexion spéculative.Les théories <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong>s langues secon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> étrangères sont aujourd’huitraversées par <strong>de</strong>ux paradigmes contradictoires : le paradigme classique symbolique<strong>et</strong> représentationnel (longtemps répandu en linguistique plus qu’en psychologie) <strong>et</strong> leparadigme connexionniste sub (ou non) symbolique. Le paradigme cognitivisteclassique est un paradigme <strong>de</strong>scendant alors que le paradigme connexionniste (ousubsymbolique) relève plutôt d’une démarche ascendante. C<strong>et</strong>te différence d’angled’attaque induit la question la plus fondamentale <strong>de</strong>s sciences cognitives : la relationentre les mécanismes neurophysiologiques <strong>de</strong> base <strong>et</strong> les mécanismesreprésentationnels <strong>de</strong> haut niveau. Le programme LSA s’inscrit <strong>dans</strong> le <strong>de</strong>uxièmeparadigme, il propose une alternative radicalement différente à l’approche<strong>de</strong>scendante, représentationnelle <strong>et</strong> innéiste <strong>de</strong> la Grammaire Universelle qui futlongtemps l’unique alternative au béhaviorisme.160


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseC<strong>et</strong>te asymétrie entre les <strong>de</strong>ux grands paradigmes quiorganisent les sciences cognitives illustre ce que Smolensky,Legendre, <strong>et</strong> Miyata appellent le paradoxe central <strong>de</strong> lacognition. Les approches <strong>de</strong> haut niveau sont en eff<strong>et</strong>fondées sur les grammaires formelles <strong>et</strong> le raisonnementlogique. Elles voient l’esprit (mind) comme une machinemanipulant, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> règles formelles, <strong>de</strong>s ensemblescomplexes <strong>de</strong> symboles. Mais à l’opposé, ce que nous savonsdu fonctionnement cérébral nous conduit à nier l’existence<strong>de</strong> règles formelles <strong>et</strong> <strong>de</strong> symboles au profit <strong>de</strong> la dynamiquequantitative du réseau <strong>de</strong>s interconnexions neurales d’oùémergent qualitativement <strong>de</strong>s états représentationnels. Ainsice paradoxe est-il au centre <strong>de</strong>s problématiques cognitives.Au plan le plus général, les sciences cognitives <strong>de</strong>vraientavoir pour programme <strong>de</strong> le réduire en prenant en compte àla fois les hypothèses principielles <strong>de</strong> haut niveau <strong>et</strong> lesmodèles concr<strong>et</strong>s du fonctionnement <strong>de</strong> bas niveau. [Laks,B., pp. 16-17]Cognitivisme classique <strong>et</strong> ConnexionnismeC<strong>et</strong>te évolution s’est accompagnée <strong>de</strong> l’exclusion du sens au profit <strong>de</strong> la syntaxe.La Grammaire Universelle (GU)C<strong>et</strong>te expulsion du sens <strong>et</strong> du contenu au profit <strong>de</strong> relationsformelles, qui se marque par exemple par le fait qu’unestructure <strong>de</strong> données ne peut jamais être mobilisée <strong>et</strong>manipulée en raison <strong>de</strong> son contenu référentiel ou <strong>de</strong> sasignification mais uniquement en fonction <strong>de</strong> sa forme <strong>et</strong> <strong>de</strong>sa localisation (son adresse), repose toute entière sur lathèse <strong>de</strong> l’autonomie <strong>de</strong> la syntaxe censée caractériser leslangages aussi bien artificiels que naturels. C<strong>et</strong>te thèse est,on le sait, élaborée au même moment <strong>et</strong> <strong>de</strong> façonconcomitante par la grammaire générative. [Laks, op. cit.,p. 30]Je ne vais pas m’étendre ici sur la grammaire générative <strong>et</strong> ses évolutionssuccessives car c’est une théorie <strong>de</strong>s représentations plus que <strong>de</strong>s processus. Ce quiintéresse le chercheur en SLA, ce n’est pas seulement comment le langage estreprésenté mais comment il est acquis, or si la théorie <strong>de</strong>s principes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s paramètresest parfois présentée comme une réponse à c<strong>et</strong>te question, il faut bien reconnaître quela réponse est à peine esquissée. Je vais donc reprendre les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> c<strong>et</strong>t<strong>et</strong>héorie <strong>dans</strong> l’optique <strong>de</strong> leur confrontation avec le connexionnisme qui, sur bien <strong>de</strong>spoints, reprend <strong>de</strong>s problèmes posés par la GU, pour y répondre différemment.161


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVELa GU postule :Françoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse‣ que le langage est une faculté innée, une propriété unique <strong>et</strong> universelle <strong>de</strong>l’être humain ;‣ que c<strong>et</strong>te propriété est d’origine biologique car <strong>dans</strong> notre cerveau, ilexiste un organe responsable <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> langage qui se développebiologiquement comme tout autre organe ;‣ que c<strong>et</strong>te fonction comprend une série <strong>de</strong> principes qui en constituent lesnoyaux <strong>et</strong> qui sont partagés par tous les êtres humains ;‣ tandis que les paramètres seraient l’actualisation <strong>de</strong>s ces principes sousl’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’environnement <strong>et</strong> expliqueraient donc la variété <strong>de</strong>s langues.Comme l’explique White [2007] à propos <strong>de</strong> la L1, un aspect clef <strong>de</strong> l’acquisition<strong>de</strong> la langue par l’enfant rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> la détermination/sélection <strong>de</strong>s valeursparamétriques <strong>de</strong> la langue qu’ils apprennent ; mais comme ces différences sontencodées <strong>dans</strong> la Grammaire Universelle (GU), les données <strong>de</strong> l’environnement sontcensées déclencher c<strong>et</strong>te sélection paramétrique automatiquement. Ce qui estimportant ici, c’est que la L1 n’est pas apprise au sens traditionnel, notammentbehavioriste, du terme. On connait les arguments avancés par Chomsky en réponse àSkinner <strong>dans</strong> Verbal behavior pour étayer sa théorie. La L1 se développenaturellement, sans beaucoup d’effort ; l’enfant produit <strong>de</strong>s phrases qu’il n’a jamaisentendues, car la grammaire est générative ; chez les enfants, le rythme d’acquisitionest bien supérieur au ratio quantité d’input/production <strong>de</strong> règles (malgré d’évi<strong>de</strong>ntesdisparités <strong>dans</strong> l’environnement linguistique), parce que la GU est computationnelle ;l’enfant est capable <strong>de</strong> savoir épilinguistique, c’est-à-dire <strong>de</strong> connaissances nonconscientes <strong>de</strong>s règles ; enfin, il corrige souvent ses écarts à la norme sansintervention <strong>de</strong> son entourage <strong>et</strong> sans passer nécessairement par les sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> laconscience épilinguistique <strong>et</strong> encore moins métalinguistique [Auroux, 1994]. Tousces « faits » ont conduit Chomsky [2000] à poser le paradoxe <strong>de</strong> la pauvr<strong>et</strong>é dustimulus évoqué par Platon, qui s’interrogeait déjà sur le fait que notre observationd’un nombre limité d’événements nous conduit à <strong>de</strong>s comportements vali<strong>de</strong>s <strong>dans</strong>une infinité <strong>de</strong> situations.162


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVELSA, un modèle connexionnisteFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseC’est c<strong>et</strong>te question <strong>de</strong> la pauvr<strong>et</strong>é du stimulus (entre autres) que les modèlesconnexionnistes, notamment LSA, réexaminent en lui apportant une réponsealternative, voire contradictoire. Le connexionnisme s’inscrit <strong>dans</strong> le paradigme <strong>de</strong>sthéories dites non représentationnelles ou non symboliques <strong>et</strong> issues <strong>de</strong> lacybernétique, qui s’inspirent <strong>de</strong> l’architecture neuronale du cerveau pour construire<strong>de</strong>s modèles informatiques <strong>de</strong> son fonctionnement. Ils sont composés d’un grandnombre d’unités simples <strong>de</strong> traitement qui ressemblent aux neurones du cerveau.Rej<strong>et</strong>ant l’affirmation nativiste/représentationnelle, les théories subsymboliquessoutiennent que la cognition est un phénomène émergent, qui trouve ses racines <strong>dans</strong><strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> plus bas niveaux, plus simples <strong>et</strong> non symboliques. Parfoisqualifiées <strong>de</strong> constructivistes parce qu’elles affirment que les connaissances <strong>de</strong>l’enfant sont construites (constructed) <strong>et</strong> non déclenchées (triggered), [Ellis, 2003 &Fernald & Marchman, 2006], ces théories avancent que <strong>de</strong>s mécanismesd’apprentissage généraux (non localisés <strong>dans</strong> le cerveau) sont suffisants pour faireémerger les représentations complexes qui constituent le langage humain, autrementdit, qu’il n’y a pas besoin <strong>de</strong> postuler l’existence d’un organe ou d’un appareil inné <strong>et</strong>spécifique pour expliquer le développement du langage. Elles postulent aussi que lesrègles (la grammaire) <strong>de</strong> la langue émergent <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s caractéristiquesdistributionnelles <strong>de</strong> la langue par l’enfant, notamment <strong>de</strong> l’analyse fréquentielle, <strong>et</strong>que c’est l’exposition à la langue qui génère la transformation <strong>de</strong>s ces règles. Du faitqu’elles postulent que la langue émerge <strong>de</strong> l’usage (exposition/production), elles sontplus intéressées par l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> la langue que par la <strong>de</strong>scription dusystème langagier. Le modèle le plus connu pour la langue secon<strong>de</strong> est le modèlecompétitif puis universel, <strong>de</strong> Mac Whinney [2005, 2008].Prenons le modèle d’acquisition <strong>de</strong>s pronoms en allemand proposé par MacWhinney :Modèle connexionniste <strong>de</strong> MacWhinney <strong>et</strong> al. (1989) sur lafaçon dont les enfants apprennent le système <strong>de</strong>s articles enlangue alleman<strong>de</strong>. Remarquez qu’au niveau supérieur(entrée), le modèle enco<strong>de</strong> cinq caractéristiques sémantiquesdu nom (correspondant au « 5 » situé à l’extrême gauche duniveau qui se trouve en <strong>de</strong>ssous du niveau supérieur), la163


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseprésence ou l’absence <strong>de</strong> 11 caractéristiques phonologiquesaux 13 localisations possibles <strong>dans</strong> le mot (égalementreprésentées au niveau qui se trouve en <strong>de</strong>ssous du niveausupérieur) <strong>et</strong> 17 indices <strong>de</strong> cas explicites, qui indiquent lafonction du nom <strong>dans</strong> la phrase. Ces unités du niveaud’entrée transfèrent l’activation aux unités cachées qui, ellesmêmes, la transm<strong>et</strong>tent aux 6 unités <strong>de</strong> sortie correspondantaux six articles accompagnant les noms en languealleman<strong>de</strong>. L’article qui accompagne l’unité <strong>de</strong> sortie laplus activée est proposé comme étant la réponse par lesystème. [Siegler & Bourdin, 2000, pp. 105-107]Figure 11 - Un modèle d’acquisition <strong>de</strong>s déterminants d’après Mac Whinney [1989]On peut résumer ainsi les traits caractéristiques <strong>de</strong> l’approche connexionniste,sans doute l’une <strong>de</strong>s théories qui connaît <strong>de</strong> plus en plus d’applications en L2 [Kail,1991 ; Mac Whinney, 2005, 2008 ; Robinson & Ellis, 2008].‣ Les unités <strong>de</strong> traitement sont constituées <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou plusieurs couchesorganisées hiérarchiquement. Typiquement, celles-ci incluent une couched’entrée, dont les unités <strong>de</strong> traitement enco<strong>de</strong>nt la représentation initiale<strong>de</strong> la situation, une ou plusieurs couches cachées, dont les unitéscombinent l’information à partir <strong>de</strong>s unités d’entrée, <strong>et</strong> une couche <strong>de</strong>sortie, dont les unités produisent la réponse du système à la situation.‣ Les unités simples <strong>de</strong> traitement sont connectées à d’autres unités <strong>de</strong>traitement <strong>dans</strong> différentes couches (<strong>et</strong> quelquefois à l’intérieur <strong>de</strong> la164


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsemême couche). Le poids <strong>de</strong>s connexions varie avec l’expérience dusystème <strong>et</strong> est crucial pour déterminer le traitement effectué.‣ Comme <strong>dans</strong> le cerveau, une unité <strong>de</strong> traitement donnée s’active lorsquele niveau <strong>de</strong> stimulation qu’elle reçoit <strong>de</strong> toutes les autres unités <strong>de</strong>traitement auxquelles elle est connectée dépasse un certain seuil. Leniveau <strong>de</strong> stimulation qu’une unité reçoit <strong>de</strong> chaque unité à laquelle elleest connectée est déterminé, d’une part, par le <strong>de</strong>gré d’activation <strong>de</strong>l’unité <strong>de</strong> traitement qui envoie l’activation <strong>et</strong>, d’autre part, par le poids<strong>de</strong> la connexion entre les unités.‣ Comme <strong>dans</strong> le cerveau, l’activité <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s unités simples <strong>de</strong>traitement se produit en parallèle (simultanément).‣ La connaissance est représentée par le poids <strong>de</strong>s connexions au sein <strong>de</strong>toutes les unités du système. Une partie, ou un élément du système, necorrespond pas à une connaissance particulière. Au contraire, laconnaissance est distribuée sur toutes les unités <strong>et</strong> leurs interconnexions.C’est pour c<strong>et</strong>te raison, <strong>et</strong> parce que le traitement se produit sur <strong>de</strong>nombreuses unités en parallèle, que ces systèmes sont souvent désignéscomme <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> traitement distribué parallèle ou, en anglais,Parallel distributed processing (PDP).‣ L’apprentissage se produit à partir du système qui reçoit les données,élabore une réponse, observe la différence entre la réponse fournie <strong>et</strong> laréponse correcte <strong>et</strong> ajuste le poids <strong>de</strong>s connexions entre les unités <strong>de</strong>traitement afin <strong>de</strong> produire une meilleure réponse. Les ajustementsincluent le renforcement <strong>de</strong> certaines connexions <strong>et</strong> l’affaiblissementd’autres. Par ce processus d’ajustement, le système apprend implicitementles règles sous-jacentes aux réponses correctes du problème, bien que cesrègles ne soient explicitement représentées à aucun moment.165


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseLe prototype RAFALES (Recueil Automatisé Favorisant l’Acquisition d’une Langue<strong>de</strong> Spécialité) : une simulation informatique <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> l’anglais <strong>de</strong> spécialitéC’est <strong>dans</strong> ce contexte général <strong>de</strong> développement du connexionnisme qu’estapparu, en 1997, le modèle cognitif LSA (Latent Semantic Analysis) qui se présentecomme un programme informatique capable d’acquérir <strong>de</strong>s connaissances à partir <strong>de</strong>l’analyse entièrement automatique <strong>de</strong> grands corpus <strong>de</strong> textes. Il a donc « incarné »,<strong>dans</strong> mes recherches, l’exemple même <strong>de</strong> l’apport <strong>de</strong> l’instrument informatique à lamodélisation <strong>de</strong>s processus cognitifs.Comme tout modèle connexionniste <strong>et</strong> donc computationnel, LSA repose sur unmodèle mathématique qui ne pourrait être implémenté sans la puissance <strong>de</strong> calcul <strong>de</strong>l’ordinateur.Selon le principe général d’analyse <strong>de</strong>s textes par LSA, le sens d’un mot est définistatistiquement, à partir <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s contextes <strong>dans</strong> lesquels ce mot apparaît.Par exemple, le mot bille va apparaître souvent conjointement à <strong>de</strong>s mots commerouler, ron<strong>de</strong>, jeu <strong>et</strong> très peu fréquemment à <strong>de</strong>s mots comme sapin ou cerf-volant.Cependant, c<strong>et</strong>te information statistique sur le contexte d’un mot M n’est passuffisante pour en définir le sens, puisqu’elle ne dit rien quant aux liens sémantiquesavec tous les autres mots qui n’apparaissent jamais conjointement à M. Par exemple,le contexte statistique <strong>de</strong> bille (rouler, ron<strong>de</strong>, jeu, <strong>et</strong>c.) nous renseigneinsuffisamment sur le sens du mot bille ; en particulier il ne nous dit rien sur le liensémantique avec le mot agate si ces <strong>de</strong>ux mots n’apparaissent jamais ensemble <strong>dans</strong>les textes utilisés. Il faut pour cela un mécanisme perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> croiser lesinformations <strong>de</strong> co-occurrences propres à chaque mot. Ainsi, le terme bille doit êtreconsidéré proche du terme jeu parce qu’il co-occurre avec <strong>de</strong>s mots (jouer, enfants,partie, gagner, <strong>et</strong>c.) qui eux-mêmes co-occurrent avec jeu. Ce sont ces enchaînements<strong>de</strong> liens <strong>de</strong> co-occurrence, à plusieurs niveaux, qui perm<strong>et</strong>tent une représentationcorrecte du sens <strong>de</strong>s mots. Par ailleurs, il est nécessaire <strong>de</strong> réduire c<strong>et</strong>te masseénorme d’informations constituée <strong>de</strong> tous les contextes rencontrés. En eff<strong>et</strong>,l’apprentissage n’est pas qu’un processus d’accumulation, il doit nécessairementinclure une phase <strong>de</strong> généralisation afin <strong>de</strong> modéliser d’une manière économique ungrand nombre <strong>de</strong> stimuli. Cependant, la fréquence <strong>de</strong>s occurrences ne suffit pas, il166


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsefaut aussi créer une procédure pour établir les liaisons sémantiques. C<strong>et</strong>te procédureest la réduction <strong>de</strong> la matrice.Le principe est le suivant. L’analyse <strong>de</strong> la sémantiquelatente se fait en <strong>de</strong>ux étapes. Dans un premier temps, lamatrice d’occurrences est construite. Il s’agit d’une matricedont les lignes représentent les unités textuelles (l’unitégénéralement utilisée est le paragraphe) <strong>et</strong> les colonnes lesgraphèmes. L’élément (i,j) <strong>de</strong> la matrice correspond ainsi aunombre d’occurrences du graphème j <strong>dans</strong> le paragraphe i.L’étape suivante consiste à réduire ces dimensions à environ200. Ce nombre est important car une réduction à un espac<strong>et</strong>rop grand ne fait pas suffisamment émerger les liaisonssémantiques entre les mots, <strong>et</strong> un espace trop p<strong>et</strong>it conduit àune trop gran<strong>de</strong> perte d’informations. Ce nombre <strong>de</strong>dimensions est issu <strong>de</strong> tests empiriques [Derwester 90].C<strong>et</strong>te réduction est réalisée par le biais d’une décompositionaux valeurs singulières. La réduction à n dimensions vaconsister à ne conserver que les n premières <strong>de</strong> ces valeurspour reconstituer une matrice approchée, <strong>de</strong> dimension n.Chaque graphème <strong>et</strong> chaque paragraphe, traité <strong>de</strong> la mêmefaçon <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te procédure, est ainsi représenté par unvecteur à n dimensions.L’espace sémantique construit, il faut choisir une mesureappropriée afin <strong>de</strong> déterminer la proximité entre <strong>de</strong>uxéléments. Les tests empiriques ont privilégié la métho<strong>de</strong> ducosinus. La proximité entre <strong>de</strong>ux vecteurs est le cosinus <strong>de</strong>leur angle. La proximité sémantique entre <strong>de</strong>ux graphèmes,entre <strong>de</strong>ux paragraphes ou entre un graphème <strong>et</strong> unparagraphe est donc une valeur entre –1 <strong>et</strong> 1, où 1 indiqueune très forte proximité sémantique. [Zampa, 2005, p. 4]RAFALES, un instrument d’ai<strong>de</strong> à l’apprentissage du vocabulaire <strong>de</strong> spécialitéLa modélisation <strong>de</strong>s connaissances <strong>de</strong> l’apprenantNous avons utilisé LSA pour modéliser les connaissances du domaine <strong>et</strong> les m<strong>et</strong>treen rapport avec les connaissances <strong>de</strong> l’élève, afin <strong>de</strong> sélectionner les textes les plusappropriés <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> spécialité (l’anglais juridique) pour optimiserl’acquisition du vocabulaire <strong>de</strong> spécialité. RAFALES se présente en eff<strong>et</strong> comme untuteur intelligent construit selon le modèle <strong>de</strong> Wenger [1987]. Il comprend : une base<strong>de</strong> connaissances du domaine, la base <strong>de</strong> connaissances <strong>de</strong> l’élève <strong>et</strong> le modulepédagogique. Chacun <strong>de</strong> ces modules utilise LSA, ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> n’avoir qu’unseul formalisme pour modéliser toutes les connaissances. Notre démarche s’appuyait167


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsesur les travaux <strong>de</strong> Landauer <strong>et</strong> Dumais [1997] qui avaient déjà testé LSA en tant quemodèle <strong>de</strong> représentation <strong>de</strong>s connaissances. Ils avaient montré que LSA autorisaitune construction automatique <strong>de</strong> la base <strong>de</strong> connaissances du domaine, sans avoirrecours à <strong>de</strong>s humains, c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière se construisant tout simplement en fournissant<strong>de</strong>s textes à LSA.RAFALES <strong>et</strong> l’anglais <strong>de</strong> spécialitéPour construire le module <strong>de</strong>s connaissances du domaine <strong>de</strong> RAFALES, nousavons fourni à LSA <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> textes : <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong> la langue générale <strong>et</strong> <strong>de</strong>stextes appartenant au discours spécialisé. Dans le cadre <strong>de</strong> notre expérimentation,nous travaillions sur l’acquisition du droit constitutionnel américain. Nous avonschoisi ce domaine pour <strong>de</strong>ux raisons. D’abord, il correspondait à mon domaine <strong>de</strong>compétence <strong>de</strong> professeur d’anglais <strong>de</strong> spécialité puisque je dispose d’une doublecompétence en anglais <strong>et</strong> sciences politiques. Ensuite, nous estimions judicieux <strong>de</strong>choisir un domaine universitaire <strong>dans</strong> lequel le lexique <strong>de</strong> spécialité paraissait lemoins possible transparent entre l’anglais <strong>et</strong> le français. En eff<strong>et</strong>, en dépit d’une fort<strong>et</strong>ransparence graphique due à l’origine latine <strong>de</strong> nombreux mots, il existe souvent unen<strong>et</strong>te distinction conceptuelle qui émane <strong>de</strong> l’histoire. Souvent, la graphie peut êtrepresque i<strong>de</strong>ntique alors que le concept change radicalement. Le mot radical constitued’ailleurs un bon exemple <strong>de</strong> ces fausses proximités. Notre base <strong>de</strong> connaissances dudomaine contenait 1 013 174 mots répartis <strong>dans</strong> 8 œuvres complètes pour la partiebase <strong>de</strong> connaissances en anglais général, <strong>et</strong> 1 123 362 mots répartis <strong>dans</strong> 677 textespour la partie base <strong>de</strong> connaissances <strong>de</strong> la langue <strong>de</strong> spécialité. La plupart <strong>de</strong>s textesétaient issus du Web, le reste provenait <strong>de</strong> plusieurs collègues enseignant l’anglaisjuridique qui nous ont aidés, via la SAES, à constituer notre corpus. Pour l’anglaisjuridique, nous avons fourni au logiciel les arrêts <strong>de</strong> la cour suprême <strong>de</strong>s États-Unis.Avec RAFALES, nous nous situons <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> l’acquisition d’un lexiquepar l’exposition <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s à <strong>de</strong>s textes. Nous avons testé l’hypothèse <strong>de</strong> l’input[Krashen, 1985] ou <strong>dans</strong> ou, en termes mo<strong>de</strong>rnes, l’hypothèse <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong>l’émergence :168


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseCritics notwithstanding, statistical approaches to language(both with respect to its structure and its mental processing)are becoming prevalent, with application to issues asdiverse as the « discovery » of words through thesegmentation of the speech input, the emergence ofgrammatical categories and the emergence of meaning as aconsequence of statistical <strong>de</strong>pen<strong>de</strong>ncies b<strong>et</strong>ween a wordand its context. [Altmann, 2006, p. 262] [Souligné par moi,F.R.]Avec RAFALES, nous expérimentons LSA <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la compréhension<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’acquisition du vocabulaire en faisant lire <strong>de</strong>s textes juridiques en anglais à <strong>de</strong>ssuj<strong>et</strong>s étudiants. Au cours <strong>de</strong> l’expérimentation, la lecture a été le seul travail qui leura été <strong>de</strong>mandé.L’expérimentation avait un double objectif : du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s théoriesconnexionnistes, l’objectif <strong>de</strong> RAFALES était <strong>de</strong> déterminer si le programmeconstituait une bonne application du modèle <strong>de</strong> LSA à la modélisation <strong>de</strong>sconnaissances, préoccupation essentielle <strong>de</strong> Virginie Zampa, spécialiste dutraitement automatique <strong>de</strong> la langue ; tandis que du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’ergonomiecognitive <strong>de</strong> la LVE, l’objectif était <strong>de</strong> savoir si <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong>s dispositifs d’ai<strong>de</strong> àl’apprentissage en autonomie guidée, RAFALES ouvrait la voie au développement<strong>de</strong> tuteurs intelligents, susceptibles <strong>de</strong> pallier l’absence <strong>de</strong> tuteurs humains <strong>dans</strong> lecadre d’un travail en auto-apprentissage. C’est ce point, sur lequel j’ai beaucoupréfléchi <strong>et</strong> apporté mes connaissances au sein <strong>de</strong> l’équipe, que je propose maintenantd’approfondir.La notion <strong>de</strong> Zone proximale d’acquisitionVirginie Zampa partait d’une idée assez simple : <strong>dans</strong> le travail en autonomie enanglais <strong>de</strong> spécialité, les étudiants rencontrent <strong>de</strong>s difficultés à sélectionner <strong>de</strong>sdocuments qui correspon<strong>de</strong>nt à l’input idéal pour leur perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> progresser. Selonelle, s’ils choisissent un texte qu’ils comprennent facilement ou, à l’inverse, un textequ’ils ont les plus gran<strong>de</strong>s difficultés à comprendre, cela signifie que ces textes sontsoit trop proches, soit trop éloignés <strong>de</strong> ce qu’ils connaissent déjà <strong>et</strong> qu’ilsn’acquièrent que peu ou pas <strong>de</strong> connaissances supplémentaires. En réfléchissant auxcapacités dont témoignait LSA pour établir <strong>de</strong>s proximités sémantiques entre lestextes, Virginie Zampa a entrevu la possibilité d’implémenter <strong>et</strong> <strong>de</strong> tester les notions169


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong> zone proximale <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> Vygotski [1968] <strong>et</strong> d’Input Hypothesis <strong>de</strong>Krashen [1985]. Afin <strong>de</strong> ne pas transférer purement <strong>et</strong> simplement un conceptsocioconstructiviste <strong>dans</strong> une modélisation informatique, nous avons choisi <strong>de</strong>définir la zone <strong>de</strong> texte favorable à l’acquisition, calculée par RAFALES, <strong>de</strong>Proximité optimale d’acquisition (POA).Le fonctionnement <strong>de</strong> RAFALES paraît assez simple. Le module pédagogiquesélectionne les textes <strong>dans</strong> la base <strong>de</strong> connaissances en fonction <strong>de</strong>s connaissancesinitiales <strong>de</strong> l’apprenant. Le profil <strong>de</strong> l’apprenant constitue un sous-espace <strong>de</strong>l’espace <strong>de</strong>s connaissances du domaine étudié. Ensuite, le module pédagogiqueest capable <strong>de</strong> sélectionner les textes qui se trouvent à la POA du profil <strong>de</strong>l’apprenant.Figure 12 - Les différents espaces <strong>et</strong> la POA [Zampa, 2005, p. 138]RAFALES fournit les textes à l’apprenant qui les lit. Quand les textes sont lus,RAFALES m<strong>et</strong> à jour le profil <strong>de</strong> l’apprenant en y ajoutant ces textes <strong>et</strong> enrecompilant l’espace. Le module pédagogique <strong>de</strong> RAFALES choisit les textes <strong>de</strong> lasession suivante en fonction <strong>de</strong> ce nouveau profil, les donne à l’élève, <strong>et</strong>c. La boucles’interrompt quand l’espace <strong>de</strong> l’apprenant est i<strong>de</strong>ntique à celui du domaine.170


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseFigure 13 - Architecture <strong>et</strong> fonctionnement <strong>de</strong> RAFALES [Zampa, 2005, p. 139]L’expérimentationLa tâche <strong>de</strong> nos suj<strong>et</strong>s consistait donc à lire <strong>de</strong>s textes sélectionnés par RAFALES<strong>dans</strong> la base <strong>de</strong> connaissances du domaine en tenant compte du modèle <strong>de</strong> l’élève. Ce<strong>de</strong>rnier fut initialisé avec <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong> la langue générale (d’après Landauer <strong>et</strong>Dumais, un élève <strong>de</strong> premier cycle a déjà été exposé à environ 1 000 000 <strong>de</strong> mots<strong>dans</strong> une langue étrangère au cours <strong>de</strong> sa scolarité), puis au fur <strong>et</strong> à mesure <strong>de</strong>l’utilisation du prototype, LSA m<strong>et</strong>tait à jour le modèle <strong>de</strong> l’élève en ajoutant lestextes qu’il avait lus.Les hypothèsesÀ travers notre expérimentation, nous avons essayé <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r différenteshypothèses :‣ L’acquisition serait optimale pour les groupes qui auraient à lire <strong>de</strong>s textescorrespondant à la POA.‣ LSA perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> fabriquer un modèle <strong>de</strong> l’apprenant qui pourrait êtrevalidé.171


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse‣ Les réponses faites aux différents tests par LSA <strong>et</strong> par <strong>de</strong>s experts dudomaine seraient similaires.Pour vali<strong>de</strong>r nos hypothèses, notre plan d’expérience comportait quatre groupesexpérimentaux. Pour simplifier, disons que les étudiants ont été classés en quatregroupes selon le modèle <strong>de</strong> connaissances auquel ils appartenaient : un groupeproche, un groupe lointain, un groupe aléatoire <strong>et</strong> un groupe qui correspondait à laPOA. Leurs connaissances en vocabulaire ont été testées avant <strong>et</strong> après la lecture <strong>de</strong>stextes <strong>et</strong> les tests d’acquisition du vocabulaire consistaient à exprimer un coefficient<strong>de</strong> proximité sémantique (<strong>de</strong> 1 à 4) entre <strong>de</strong>s mots du vocabulaire général <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mots<strong>de</strong> l’anglais <strong>de</strong> spécialité. Leurs réponses ont été confrontées à celles <strong>de</strong>s experts :enseignants d’anglais juridiques. La variable dépendante était la note aux exercices.Elle pouvait être divisée en plusieurs variables qui correspondaient aux différentsdomaines <strong>de</strong> compréhension traités : compréhension générale, vocabulaire général,vocabulaire spécialisé. La variable indépendante correspondait à la manière dont lestextes avaient été sélectionnés. Elle comportait trois modalités : les textes les plusproches, les textes les plus éloignés <strong>et</strong> les textes ayant une POA. Enfin, nous avonségalement ajouté <strong>de</strong>s variables contrôlées, qui correspondaient à l’homogénéité <strong>de</strong>sgroupes (pour cela, nous avons utilisé un test <strong>de</strong> placement) <strong>et</strong> à la quantité <strong>de</strong> motslus par séance (2000 mots environ à chaque séance). Il m’est impossible <strong>de</strong> détaillerici le protocole expérimental très lourd qui a été mis au point pour c<strong>et</strong>te recherche,aussi vais-je directement passer aux résultats <strong>de</strong> l’expérimentation qui ont étérapportés par Zampa [2005, pp. 141-143], c’est à la dire à la validation ou la nonvalidation<strong>de</strong>s hypothèses. 46‣ Le premier résultat vali<strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> Dumais [1997], à savoir que lesélèves progressent <strong>dans</strong> la connaissance du vocabulaire, même pour <strong>de</strong>smots auxquels ils n’ont pas été confrontés.46 Pour plus détails sur le protocole expérimental, voir [Doc. 5, pp. 113-121, T1].172


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse‣ Il semble qu’il y ait un eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la distance sur l’évolution <strong>de</strong>s réponses<strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s. Les trois groupes qui sont distants par rapport à la POArégressent tandis que le groupe POA est le seul à avoir une moyenne <strong>de</strong>sévolutions positives. Il s’agit là d’une différence est significative.‣ Bien que trois groupes sur quatre voient les écarts diminuer par rapportaux experts (évolution > 0), c<strong>et</strong>te différence n’est significative que pour legroupe POA.Mise en perspectiveCinq ans après la parution <strong>de</strong> notre article <strong>et</strong> la publication <strong>de</strong> ses résultats, il meparaît intéressant <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en perspective l’ensemble <strong>de</strong> l’expérience, c’est-à-dire <strong>de</strong>réfléchir sur ce qu’elle a apporté, d’un point <strong>de</strong> vue théorique, à la didacticienne <strong>de</strong>slangues que je suis.L’informatique au service <strong>de</strong> la modélisation cognitiveL’une <strong>de</strong>s critiques majeures que nous avons essuyées lors <strong>de</strong> ce travail vient <strong>de</strong> laréférence à Vygotski <strong>et</strong> la zone proximale <strong>de</strong> développement. Pour se défendre toutmontrant qu’elle souhaitait tenir compte <strong>de</strong> ces critiques, Zampa écrivit plus tard :LSA peut aussi tenter une modélisation, ce que nous avonsappelé "proximité optimale d’acquisition", qui se fon<strong>de</strong> surles travaux <strong>de</strong> Vygotski concernant la "zone proximale <strong>de</strong>développement" (ZDP). Mais, contrairement à la définition<strong>de</strong> Vygotski, ceci se réalise sans médiation humaine <strong>dans</strong>notre prototype (notons toutefois que <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong>l’utilisation du prototype par l’enseignant pour sélectionnerles textes à fournir à ses étudiants, il y a bien médiationhumaine, mais ce n’est pas le cas <strong>dans</strong> l’expérimentationque nous présentons). En eff<strong>et</strong>, il ne s’agit pas <strong>de</strong> résoudre<strong>de</strong>s problèmes mais d’acquérir une langue étrangère <strong>de</strong>spécialité, c’est-à-dire essentiellement d’acquérir duvocabulaire <strong>et</strong> <strong>de</strong>s concepts. [Zampa, 2005, op. cit.; p. 144]Je pense que ce n’est pas la question <strong>de</strong> la nature humaine ou informatique dumédiateur qui se pose ici. En eff<strong>et</strong>, l’ensemble du prototype <strong>et</strong> l’ensemble <strong>de</strong>l’expérimentation ont été conçus par <strong>de</strong>s humains, <strong>et</strong> c’est bien l’intelligence173


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsehumaine <strong>de</strong>s chercheurs incorporée <strong>dans</strong> l’instrument informatique qui est à l’œuvre<strong>dans</strong> son fonctionnement. Il y a donc bien une forme <strong>de</strong> médiation humaine cachéevia l’ordinateur au service <strong>de</strong> l’apprentissage. Le problème que soulève RAFALESdu point <strong>de</strong> vue didactique <strong>et</strong> du point <strong>de</strong> vue ergonomique, c’est celui <strong>de</strong> la manièredont les étudiants ont travaillé, c’est-à-dire les tâches qu’ils ont eu à réaliser ; <strong>et</strong> selonmoi, nous nous trouvons vraiment <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s modalités opposées. Notons d’abord queVygotski travaillait avec <strong>de</strong>s enfants mentalement handicapés <strong>et</strong> que la notion <strong>de</strong>problème renvoie, chez lui, comme en psychologie cognitive, à l’association <strong>de</strong>l’enfant (le suj<strong>et</strong>) à une tâche. Comme je l’ai indiqué <strong>dans</strong> la troisième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>ouvrage, en psychologie, le problème rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> la représentation qu’un systèmecognitif construit à partir d’une tâche, sans disposer immédiatement d’une procédureadmissible pour atteindre le but. Pour effectuer c<strong>et</strong>te tâche, l’enfant doit en construireune représentation que nous nommons compréhension du problème, puis construireune procédure d’exécution que nous nommons stratégie <strong>de</strong> résolution. Dans le casd’étudiants qui doivent lire un document en langue <strong>de</strong> spécialité, même sans tâcheparticulière ajoutée à la simple lecture, il ne s’agit pas d’un simple déchiffragegraphique mais bien d’une compréhension d’un texte d’un genre spécifique, le droit,<strong>et</strong> en anglais LVE ; il s’agit donc bien d’un problème. Et pour ces suj<strong>et</strong>s, quesignifient réellement « vous <strong>de</strong>vez simplement lire le texte » ? Lire, c’est déjàchercher à comprendre. De même, lorsque les étudiants doivent se prononcer sur <strong>de</strong>srelations sémantiques <strong>dans</strong> ce qui paraît être <strong>de</strong> « simples » tests <strong>de</strong> vocabulaire,l’activité mentale relève encore <strong>de</strong> la résolution <strong>de</strong> problème parce que l’étudiant n’apas à sa disposition, <strong>dans</strong> c<strong>et</strong> exercice tout nouveau dû à l’expérimentation, <strong>de</strong>procédure toute prête pour calculer la proximité sémantique. Il doit comprendre lefonctionnement <strong>de</strong> l’exercice que lui propose l’ordinateur en même temps que ledomaine <strong>de</strong> la LVE. Dans ce contexte, il doit se débrouiller seul, au lieu <strong>de</strong> pouvoirdialoguer avec un tuteur humain. Il n’y a pas d’interactivité avec l’ordinateur <strong>et</strong> c’estl’absence <strong>de</strong> négociation possible du sens, d’interactivité avec le programme, plusque la présence ou non présence <strong>de</strong> l’humain, ou encore la nature <strong>de</strong> la tâche, qui fait<strong>de</strong> la POA un modèle fort éloigné <strong>de</strong> la ZDP.174


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseDidacticiens <strong>et</strong> connexionnistes : un dialogue difficileLa question que je pose ici n’est pas la validité <strong>de</strong> LSA au regard <strong>de</strong>s chercheursen sciences cognitives mais celle <strong>de</strong> la pertinence <strong>de</strong> l’instrument LSA pour lesdidacticiens, puisqu’il semble être testé <strong>dans</strong> toutes sortes <strong>de</strong> situations éducatives. Ilme semble que les spécialistes <strong>de</strong> l’IA qui ne sont pas spécialistes <strong>de</strong>s domainesdisciplinaires enseignés à l’école ou à l’université ont tendance à éliminer lesspécificités du domaine, par exemple, ici, la LVE <strong>de</strong> spécialité par rapport à la L2. Àpartir du moment où certaines variables ne sont pas jugées pertinentes comme l’âge<strong>de</strong>s apprenants ou la situation <strong>de</strong> travail, ou encore l’origine sociale <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s, ellessont purement évacuées du programme, <strong>et</strong> c’est ce qui perm<strong>et</strong> à LSA <strong>de</strong> traiter <strong>de</strong>manière i<strong>de</strong>ntique tous les domaines <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>et</strong> tous les suj<strong>et</strong>s.L’inversion <strong>de</strong>s rôles entre le modèle <strong>et</strong> la réalitéIl y a là une différence fondamentale entre les sciences <strong>de</strong> laboratoire <strong>et</strong> lessciences <strong>de</strong> terrain. Au laboratoire, les suj<strong>et</strong>s, les tâches, les situations sont là pourservir <strong>de</strong> validation au modèle. Le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’expérience, c’est le modèle. Ainsi,s’agissant <strong>de</strong> LSA, la question posée par les auteurs est toujours la même : est-ce queLSA est capable <strong>de</strong> modéliser les connaissances, modéliser l’apprentissage, modéliserle vocabulaire ? Pour le chercheur en IA, le problème n’est pas ce que LSA peutapporter comme savoir nouveau à la représentation ou à l’acquisition <strong>de</strong> tel ou telcontenu <strong>de</strong> connaissance mais plutôt si tel ou tel contenu <strong>de</strong> connaissance peutillustrer la puissance du modèle. Je ne suis pas en train <strong>de</strong> nier l’intérêt du modèle enlui-même, mais je doute <strong>de</strong> l’intérêt du modèle pour le didacticien qui, lui, veutsavoir si LSA pourrait être un instrument au service <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> tel ou teldomaine. Or, le didacticien s’intéresse non seulement à laformalisation/représentation du savoir linguistique ou langagier mais également à sonapprentissage/acquisition. Les modèles connexionnistes préten<strong>de</strong>nt être <strong>de</strong>s modèles<strong>de</strong> processus cognitifs parce qu’ils sont dynamiques, parce qu’ils montrent unsystème en évolution permanente, <strong>et</strong> les tous nouveaux modèles disponibles, qu’ils’agisse du modèle unifié <strong>de</strong> Mac Whinney [2005, 2008], <strong>de</strong>s modèles dynamiques,notamment émergentistes [Ellis, 2007] ou encore <strong>de</strong>s modèles fondés sur l’usage/les175


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseitems/l’exemple, [Bod, Hay & Jannedy, 2003 ; Bybee, 2007 ; Chater, Tennebaum &Yuille, 2006], vont <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te direction. Mais qu’entend-on ici par processus ?Simplement, le fait que le système ne cesse <strong>de</strong> recalculer <strong>de</strong>s proximités, donc <strong>de</strong>sassociations <strong>et</strong> que l’émergence <strong>de</strong>s règles est le produit <strong>de</strong> l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> fréquence. Lapuissance <strong>de</strong> l’instrument, notamment <strong>de</strong> ses calculs, conduit à abor<strong>de</strong>r l’acquisitiondu langage différemment du point <strong>de</strong> vue expérimental par rapport à la manièrespéculative dont Locke ou Watson abordaient les choses, mais c<strong>et</strong>te puissance est auservice <strong>de</strong> l’art plus que <strong>de</strong> la science <strong>et</strong> ne nous perm<strong>et</strong> pas <strong>de</strong> penser que nousavons affaire à un nouveau paradigme.Pour conclure (très provisoirement !)Autrement dit, nous n’avons selon moi pas changé <strong>de</strong> paradigme scientifique <strong>et</strong> ledébat entre associationistes <strong>et</strong> innéistes (entre héritiers <strong>de</strong> Locke <strong>et</strong> héritiers <strong>de</strong> Kant<strong>et</strong> <strong>de</strong> Descartes) reste intact. Les spécialistes <strong>de</strong> l’IA sont en droit <strong>de</strong> l’ignorer maispas les didacticiens, car l’obj<strong>et</strong> même <strong>de</strong> notre discipline est le savoir, doncl’épistémologie <strong>de</strong> la discipline, qui plonge ses racines <strong>dans</strong> l’histoire <strong>de</strong> laconnaissance. En fréquentant les historiens <strong>de</strong> la technique <strong>et</strong> <strong>de</strong>s sciences dulangage, j’ai pu réfléchir à la relation entre l’ordinateur (obj<strong>et</strong> technique) <strong>et</strong> la SLA enprenant <strong>de</strong> la distance par rapport à l’immédiat<strong>et</strong>é <strong>de</strong> mes recherches. En ce quiconcerne LSA, je poserai le rapport entre l’outil <strong>et</strong> le modèle en plagiant SylvainAuroux <strong>et</strong> en remplaçant le mot écriture par le mot ordinateur. Voici la citationd’Auroux :C’est sans doute le rôle culturel fondamental <strong>de</strong> l’écriturequi bloque quelque peu la réflexion <strong>de</strong>vant son origine. Faceà une réalisation technique aussi prestigieuse <strong>et</strong> subtile, on apeine à croire qu’il n’y ait pas eu <strong>de</strong> savoir théoriquepréalable…..Contrairement à ce que l’on penseordinairement, il ne faut pas simplement savoir davantagesur le langage pour pouvoir inventer l’écriture, il fautinventer l’écriture pour savoir davantage sur le langage.Si nous transposions ces propos à l’instrument électronique, un travail didactique(donc épistémologique) à partir <strong>de</strong> LSA prendrait tout son sens.176


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseQu’est-ce que savoir une langue étrangère ?C’est sans doute le rôle communicationnel fondamental <strong>de</strong>l’ordinateur qui bloque quelque peu la réflexion <strong>de</strong>vant sonorigine. Face à une réalisation technique aussi prestigieuse<strong>et</strong> subtile, on a peine à croire qu’il n’y ait pas eu <strong>de</strong> savoirthéorique préalable…..Contrairement à ce que l’on penseordinairement, il ne faut pas simplement savoir davantagesur le langage naturel <strong>et</strong> mathématique pour pouvoirinventer l’ordinateur, il faut inventer l’ordinateur poursavoir davantage sur le langage.Est-ce que les élèves qui ont été soumis à <strong>de</strong>s textes appartenant à la POAacquièrent plus <strong>de</strong> vocabulaire ? Si nous considérons que l’acquisition du vocabulairepeut se vérifier par l’établissement <strong>de</strong> coefficient <strong>de</strong> proximité, on répondra « oui »,mais pour le didacticien <strong>de</strong> langues, savoir du vocabulaire, ce n’est pas cela ; ce n’estpas non plus cocher la bonne case <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s questions à choix multiples comme <strong>dans</strong>le TOEFL (si souvent mentionné comme point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> l’affaire parce que LSA aobtenu un score équivalent à <strong>de</strong>s humains). Savoir du vocabulaire, c’est être capabled’utiliser le mot voulu <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> communication voulues, <strong>de</strong> changer<strong>de</strong> vocabulaire en fonction <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> communication <strong>et</strong> enfin, d’agir avec lesmots <strong>dans</strong> un but précis. L’activité <strong>de</strong>s agents au travail n’est pas un phénomène <strong>de</strong>laboratoire. C’est toute la différence entre les théories cognitives <strong>de</strong> l’acquisition quicherchent à produire <strong>de</strong>s explications universelles <strong>et</strong> les approches ergonomiques quise situent du côté si particulier <strong>de</strong> l’usage.Quand on mène ce genre <strong>de</strong> recherche, les prouesses <strong>de</strong> l’ordinateur qui traduisentles prouesses du modèle informatique rassurent <strong>et</strong> fascinent. Les algorithmes ne s<strong>et</strong>rompent jamais, LSA ne fait pas d’erreur, tout au plus <strong>de</strong>s approximations qui sonttoujours explicables <strong>et</strong> toujours justifiées <strong>et</strong> rattrapables. LSA n’a pas <strong>de</strong> passé, il n’ena pas besoin, il opère <strong>dans</strong> un éternel présent : il enco<strong>de</strong>, il calcule, il se modifie <strong>et</strong>élimine toutes les scories <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s individus. N’appelle-t-on pas ces modèles« éliminativistes » ? Ce type <strong>de</strong> programme a tout son sens en amont <strong>de</strong> l’activité enclasse <strong>de</strong> langue : il produit <strong>de</strong>s questions <strong>et</strong> <strong>de</strong>s savoirs pour les psychologues <strong>de</strong>l’apprentissage qui soulèvent <strong>de</strong>s interrogations, font réfléchir, mais <strong>de</strong> là à prétendreque l’instrument soit susceptible d’applications directes en éducation pour l’ai<strong>de</strong> à lacorrection <strong>de</strong> copies, à la rédaction, virtuellement à toutes formes d’apprentissage ou177


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse<strong>de</strong> tutorat, il y a un pas qui ne peut selon moi être franchi, en tout cas, pour lemoment. Les limites ne sont pas uniquement <strong>de</strong> nature théorique mais également <strong>de</strong>nature institutionnelle : elles tiennent à l’organisation <strong>de</strong> la recherche en France. Cen’est pas le rôle <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> l’IA ou <strong>de</strong>s EIAH <strong>de</strong> se lancer <strong>dans</strong> un travaild’ingénierie pédagogique. Leur rôle est <strong>de</strong> modéliser <strong>de</strong>s processus <strong>et</strong> <strong>de</strong> fabriquer<strong>de</strong>s prototypes qui ont pour mission <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r leurs hypothèses <strong>et</strong> non <strong>de</strong> fabriquerensuite <strong>de</strong>s didacticiels susceptibles d’être utilisés <strong>dans</strong> la classe <strong>de</strong> langue. Pourmener ce travail, il faudrait monter <strong>de</strong>s équipes pluridisciplinaires <strong>dans</strong> lesquelles lesscientifiques apprendraient à dialoguer <strong>et</strong> qui assureraient la transposition techniquedu laboratoire au terrain. Une fois c<strong>et</strong>te collaboration réussie, ces équipes pourraientalors s’associer à <strong>de</strong>s sociétés privées qui se chargeraient du développement duproduit en intégrant informaticiens, cogniticiens <strong>et</strong> didacticiens. Malheureusement,ces proj<strong>et</strong>s qui avaient vu le jour <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la LVE <strong>dans</strong> les années 70-80 <strong>et</strong>qui se développent <strong>de</strong> plus en plus <strong>dans</strong> les sciences dures, sont <strong>de</strong>venus trop rares ensciences du langage.Tropes : les charmes <strong>et</strong> les écueils <strong>de</strong> l’analyse automatisée <strong>de</strong>s discoursDans le cas <strong>de</strong> Tropes, je reviens plus directement à mes propres recherches. Lamétho<strong>de</strong> que j’ai adoptée, d’abord nommée confrontation <strong>de</strong>s données, puis métho<strong>de</strong><strong>de</strong> la triangulation, a exigé, dès le départ, que je confronte les comportements <strong>de</strong>ssuj<strong>et</strong>s à leur ressenti, leurs conceptions, leurs représentations. De leur côté, lesenseignants se sont exprimés sur la manière dont ils voyaient leur métier ou encoresur le dispositif TICE qu’ils avaient mis en place <strong>dans</strong> le cadre d’une pédagogie <strong>de</strong>proj<strong>et</strong> [Doc. 4, pp. 83-105, Doc. 11, pp. 228-249, T1 ; Doc. 28, pp. 209-249, T2] ;Les étudiants <strong>et</strong> élèves, quant à eux, se sont exprimés sur la manière dont ilscomprenaient le travail qui leur était proposé, le dispositif d’apprentissage enautonomie guidée, leurs sentiments <strong>de</strong> réussites ou d’échec [Doc. 13, pp. 264-278,Doc. 14, pp. 279-301, Doc. 15, pp. 302-311, T1 ; Doc. 25, pp. 34-101, T3]. Pourextraire ces représentations, je me suis servie du logiciel d’analyse automatisée dudiscours Tropes [Jenny, 1997 ; Marchand, 1998], produit par la société ACETIC. Je178


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsen’ai pas l’intention <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à une analyse « exhaustive» du logiciel, <strong>et</strong> encoremoins <strong>de</strong> comparer les mérites <strong>de</strong> Tropes à ceux <strong>de</strong> ses concurrents comme Alceste 47ou Sphynx 48 . Mon but est <strong>de</strong> présenter l’apport <strong>de</strong> Tropes à mes analyses <strong>et</strong> <strong>de</strong>souligner les difficultés épistémiques (<strong>et</strong> non techniques) que le chercheur rencontreen manipulant ce genre d’outil. Selon moi, c<strong>et</strong> exposé se justifie si l’on considère quel’écriture du volume <strong>de</strong> synthèse a pour obj<strong>et</strong> d’établir le bilan <strong>de</strong> ses propresrecherches mais aussi <strong>de</strong> montrer la capacité <strong>de</strong> l’auteur à encadrer le travail <strong>de</strong>sjeunes chercheurs.Se former <strong>et</strong> former les chercheurs à l’outilL’approche <strong>de</strong> l’analyse cognitivo-discursive [Gighlione <strong>et</strong> al., 1998] quiconstitue la base théorique du logiciel m’a séduite, ce qui m’a poussée à prendrecontact avec Pierre Mol<strong>et</strong>te, l’un <strong>de</strong>s auteurs du logiciel <strong>et</strong> fondateur <strong>de</strong> la sociétéACETIC. Après une brève explication sur l’utilisation du logiciel, j’ai dû medébrouiller avec une véritable « usine à gaz » entre les mains. Ces propos n’ont riend’anecdotique car Tropes illustre parfaitement <strong>de</strong>ux questions qui sont sous-jacentesà toute réflexion sur l’utilisation <strong>de</strong> l’ordinateur pour l’apprentissage :‣ De quelle connaissance <strong>de</strong> l’instrument <strong>de</strong>vons-nous disposer pour être unutilisateur avisé <strong>de</strong> c<strong>et</strong> instrument, au lieu <strong>de</strong> nous laisser piloter par laquantité impressionnante <strong>de</strong> données/résultats qu’il peut livrer en un seulclic ?‣ Quel est l’efficience, <strong>et</strong> non l’efficacité, <strong>de</strong> l’instrument ? Le termed’efficience, issu <strong>de</strong> l’anglais efficiency, ne doit pas être confondu avecl’efficacité, qui ne mesure que l’atteinte d’un objectif sans précision <strong>de</strong>smoyens utilisés, ni avec la rentabilité qui n’évalue un résultat qu’aumoyen <strong>de</strong>s résultats rapportés aux efforts investis. C’est le rapport entre lecoût (pas seulement financier ou matériel mais également cognitif,47 http://www.image-zafar.com/in<strong>de</strong>x_alceste.htm48 http://www.lesphinx-<strong>de</strong>veloppement.fr/fr/accueil/accueil_sphinx.php179


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseaffectif) <strong>et</strong> la réussite d’une activité. Dans le travail d’encadrement <strong>de</strong> larecherche, c’est un problème qui se pose quotidiennement. À l’heure oùl’évaluation <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong>s chercheurs se fait à l’aune <strong>de</strong>s critères<strong>de</strong> l’entreprise [Doc. 8, p. 162, Doc. 18, p. 371, T1], c’est-à-dire <strong>dans</strong> un<strong>et</strong>emporalité qui n’est guère celle <strong>de</strong> l’épistémè, il est important <strong>de</strong> bienréfléchir à l’outil en ces termes avant d’engager les chercheurs à se lancer<strong>dans</strong> ce travail d’analyse. Et il convient <strong>de</strong> leur apporter la formationnécessaire à ce travail.Sur le plan local, j’ai mené ce travail <strong>de</strong> formation au sein du laboratoire <strong>de</strong>sSciences <strong>de</strong> l’éducation puis en collaboration avec l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble <strong>et</strong>aujourd’hui, au sein du LIDILEM. Dans le cadre du master <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong>l’éducation, j’ai notamment monté un séminaire <strong>de</strong> didactique comparée <strong>de</strong>sdisciplines, au cours duquel <strong>de</strong>s chercheurs <strong>de</strong> divers laboratoires grenoblois sontvenus présenter leurs outils <strong>de</strong> recherche, notamment en matière d’analyse dudiscours. Par la suite, en 2005, j’ai monté, au sein <strong>de</strong> l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble, unséminaire <strong>de</strong> formation à la recherche. Au cours <strong>de</strong> ce séminaire que j’ai co-animéavec Laurent Lima, ingénieur d’étu<strong>de</strong>s au LSE, tous les chercheurs <strong>de</strong> l’IUFM qui lesouhaitaient ont pu recevoir une formation <strong>de</strong> base aux outils statistiques <strong>et</strong> réfléchiravec les autres chercheurs à leur protocole <strong>de</strong> recherche, notamment à la manièredont ils pourraient traiter leurs données.Sur le plan national, j’ai aussi participé à <strong>de</strong>s séminaires <strong>de</strong> recherche/formationau sein du groupe d’étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche en anglais <strong>de</strong> spécialité <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong>la SAES, pour le groupe <strong>de</strong> recherche RAO, Recherches Assistées par l’Ordinateur,ou bien au sein <strong>de</strong> l’atelier <strong>de</strong> didactique 49 . En outre, ce travail <strong>de</strong> réflexion <strong>et</strong> <strong>de</strong>49 RABY, F. (2008). L’analyse automatisée du discours avec Tropes. Séminaire du LIDILEM, 24mars.RABY, F. (2005). La triangulation comme méthodologie <strong>de</strong> recherche pour l’apprentissage <strong>de</strong>slangues assisté par les TICE. Séminaire <strong>de</strong> recherche du LIDILEM, 22 novembre.RABY, F. (2005). Pourquoi recourir à une analyse automatisée du discours <strong>de</strong>s apprenants enlangue ? 2 e séminaire d’analyse du discours en éducation. Grenoble, 3-4 juill<strong>et</strong>.RABY, F. (2004). Qui fait quoi du chercheur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ordinateur <strong>dans</strong> l’analyse informatisée <strong>de</strong>sdonnées ? Colloque RAO. Université Paris-Ouest, 2 janvier.180


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseformation autour <strong>de</strong>s outils m’a conduite, en collaboration avec Michel Grangeat <strong>et</strong>Françoise Campanale, chercheurs en sciences <strong>de</strong> l’éducation, à organiser <strong>de</strong>uxcolloques consacrés à l’analyse <strong>de</strong>s discours en éducation 50 .Un double modèle <strong>et</strong> un programme informatiqueTropes constitue un double modèle, <strong>dans</strong> le sens où il s’agit d’abord d’un modèl<strong>et</strong>héorique d’analyse du discours, l’analyse cognitivo-discursive, puis d’un modèlemathématique puisque, pour pouvoir implémenter c<strong>et</strong>te théorie du discours, il a fallula mathématiser, comme les modèles que nous venons <strong>de</strong> discuter. Je ne présenteraipas ici le modèle mathématique pour <strong>de</strong>ux raisons. Tout d’abord, si j’en comprendsles fon<strong>de</strong>ments, qui sont ceux <strong>de</strong> toute analyse automatisée [Marchand, 1998], je nesuis pas capable d’en discuter le bien-fondé ; ensuite, il se trouve que Tropes est lefruit <strong>de</strong> l’association entre une société privée, ACETIC, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s chercheurs, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>tesociété ne livre pas les secr<strong>et</strong>s du logiciel qui font partie <strong>de</strong> son brev<strong>et</strong>. Je vais doncm’intéresser ici au modèle <strong>de</strong> l’analyse du discours <strong>et</strong> à sa mise en œuvre <strong>dans</strong>Tropes.Ce qui m’a tout <strong>de</strong> suite intéressée <strong>dans</strong> Tropes, c’est la manière assez radicaledont il se démarquait <strong>de</strong>s autres analyses textuelles automatisées, comme les analyseslexicométriques, sociosémantiques ou en Réseaux <strong>de</strong> mots associés (RMA).En somme que ce soit l’analyse lexicométrique ou l’analyseRMA, l’essentiel <strong>de</strong> la critique porte sur un mo<strong>de</strong> d’analysefondé sur un traitement <strong>de</strong>s données du type bottom-up, noninformé par un savoir préalable, <strong>et</strong> sur la seule prise encompte <strong>de</strong> l’axe paradigmatique qui, outre le fait qu’il estporteur d’une visée substantialiste, ne perm<strong>et</strong> pas uneRABY, F. (2003). L’analyse automatisée du discours : un outil au service du chercheur. Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>cas : les verbalisations d’apprenants <strong>et</strong> d’enseignants <strong>de</strong> langues face aux TICE. SéminaireREALITICE : L’analyse du discours appliquée au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’éducation. Grenoble, 2 juin.RABY, F. (2003). Analyse du discours <strong>de</strong> professeurs <strong>et</strong> d’étudiants à propos <strong>de</strong> leur utilisation<strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> un centre <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> l’enseignement supérieur. Colloque MTAH. Le Touv<strong>et</strong>, 12juin.50 Raby, F., Campanale, F. & Grangeat, M. (2003) (Org.). 1 e séminaire d’analyse du Discours enéducation. LSE - UPMF IUFM. Grenoble.Grangeat, M., Raby, F. & Campanale, F. (2005) (Org.). 2 e séminaire d’analyse du discours enéducation : Démarches <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong> analyse <strong>de</strong>s discours en éducation. LSE-UPMF IUFM.Grenoble.181


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseinterprétation actancielle, cependant toujours produite entermes d’analyse. [Ghiglione <strong>et</strong> al., 1998, p. 86]Le problème que les auteurs du logiciel ont cherché à résoudre est celui du statutcognitif <strong>de</strong> la représentation du réel pour un suj<strong>et</strong> humain.Le statut cognitif <strong>de</strong> la représentation du réel est-il celui <strong>de</strong>mots substantialisés inscrits <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> proximitésplus ou moins hiérarchisés ? Ou bien la représentation duréel est-elle une construction permanente d’actionstransitoirement énonçables en termes <strong>de</strong> frame, scénario ouscript ? [Ghiglione <strong>et</strong> al., p. 7]Les analyses propositionnelles <strong>et</strong> prédicatives regroupées <strong>dans</strong> l’analysecognitivo-discursive (ACD) [Ghiglione, Kekenbosch <strong>et</strong> Landré, 1995] tentent <strong>de</strong>rendre compte <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième représentation.Les principes <strong>de</strong> base concernant le discoursLes auteurs définissent ainsi les principes <strong>de</strong> base <strong>de</strong> l’ACD :‣ Tout discours s’inscrit <strong>dans</strong> un contrat porteur d’enjeu <strong>et</strong> a une viséed’influence.‣ Tout discours est inscrit <strong>dans</strong> un inter-discours mais est également leproduit d’un « ici <strong>et</strong> maintenant » qui actualise certains <strong>de</strong>s paramètres duContrat <strong>de</strong> Communication [Ghiglione, 1995].‣ Tout discours m<strong>et</strong> en scène <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s inscrits <strong>dans</strong> une histoire,construits selon <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> cohésion, <strong>de</strong> cohérence, <strong>de</strong> consistance <strong>et</strong>causalement liés.‣ Tout discours porte en lui les traces <strong>de</strong>s opérations cognitiveseffectuées par un locuteur qui m<strong>et</strong> en scène, <strong>dans</strong> un certain but, un certainsens <strong>et</strong> une certaine intention ; compte-tenu <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong>, toutdiscours peut être interrogé en tant que tel, si toutefois on s’intéresse ausens qu’il véhicule <strong>et</strong> à l’intention qu’il manifeste.182


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseÀ partir <strong>de</strong> là se pose la question <strong>de</strong> l’analyse du discours :‣ Si le discours est la mise en scène <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s causalement liés <strong>et</strong> s’il estporteur <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong>s opérations cognitives effectuées, quelle est l’unité<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te mise en scène ?‣ Si le discours manifeste un sens <strong>et</strong> une intention, comment ces <strong>de</strong>rnierssont-ils accessibles ?‣ Quelles sont les marques <strong>de</strong> cohésion, cohérence, consistance, <strong>et</strong>c., <strong>et</strong> quesignifient-elles au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leurs fonctions textuelles ?Le logiciel a été construit sur la base <strong>de</strong>s réponses apportées à ces questions :‣ Il i<strong>de</strong>ntifie les propositions (<strong>de</strong> forme grammaticale), privilégiant ainsil’axe syntagmatique <strong>et</strong> la mise en scène d’actants, d’actés <strong>et</strong> d’actes ;les actants <strong>et</strong> actés principaux n’ignorant pas, <strong>de</strong> ce fait, l’axeparadigmatique.‣ Il m<strong>et</strong> à jour le « chemin causal » qui construit l’histoire mise enscène <strong>dans</strong> l’énoncé, exhibant <strong>de</strong> ce fait le noyau générateur <strong>de</strong> ceproduit discursif (<strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouvant les théories du suj<strong>et</strong> développées <strong>dans</strong>le champ psycholinguistique) en réduisant ainsi le corpus à l’essentiel,sans opérations interprétatives.‣ Il traite les jeux <strong>de</strong> prise en charge <strong>et</strong> <strong>de</strong> modalisation du discours,exhibant ainsi le rôle <strong>de</strong> l’énonciateur <strong>dans</strong> l’énoncé.Derrière l’instrument Tropes, plusieurs théories sont conjointement à l’œuvre :‣ La théorie <strong>de</strong> l’énonciation <strong>et</strong> <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> langages [notammentWittgenstein, 1921 <strong>et</strong> Hintikka, 1969] <strong>et</strong> la théorie <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s possibles.183


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseMais les auteurs se fon<strong>de</strong>nt aussi sur l’approche argumentative développéepar Anscombre <strong>et</strong> Ducrot <strong>de</strong> 1980 à 1984 [Ghiglione <strong>et</strong> al., 1998, p. 15].‣ La pragmatique cognitive qui s’intéresse à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s relations entre lesuj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le système sémiotique qui l’entoure <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong>communication <strong>et</strong> d’actions contextualisées. Elle cherche à m<strong>et</strong>tre enlumière l’interpénétration <strong>de</strong>s facteurs syntaxiques, sémantiques,pragmatiques <strong>et</strong> logiques au travers <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s prédicats d’action, <strong>de</strong> lasémantique évènementielle, <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> la référence, dufonctionnement <strong>de</strong>s déterminants, <strong>de</strong>s adjectifs, <strong>de</strong>s quantifiants, <strong>de</strong>smo<strong>de</strong>s grammaticaux <strong>et</strong> <strong>de</strong> la modalité, <strong>de</strong> la structure pragmatique <strong>et</strong>sémantique <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> langage <strong>et</strong> d’une analyse comparative <strong>de</strong>sexpressions spatiales. Selon c<strong>et</strong>te théorie, les suj<strong>et</strong>s activent <strong>de</strong>sprogrammes cognitivo-discursifs en cohérence avec les anticipations qu’ilspeuvent faire <strong>dans</strong> un type <strong>de</strong> contrat particulier <strong>dans</strong> lequel ils se trouventinscrits.‣ Les théories <strong>de</strong> la psychologie sociale, notamment le locus <strong>de</strong> contrôle <strong>et</strong>les attributions <strong>de</strong> valeur. Selon Ghiglione <strong>et</strong> Kekenbosch [1993], le suj<strong>et</strong>interlocuteur dont on analyse le discours se comporte à la fois comme unemécanique cognitive <strong>et</strong> une mécanique sociale. La mécanique cognitiveprend en charge le processus <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> l’information discursive plusou moins indépendamment du contexte interlocutif, tandis que lamécanique sociale prend en charge le traitement <strong>de</strong> l’information lié à <strong>de</strong>ssavoirs antérieurs <strong>et</strong> aux représentations <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s sociaux qui structurentces savoirs <strong>de</strong> façon évaluative.Une telle approche perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> faire ni l’économie <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> compréhension/mémorisation <strong>de</strong> ce que « dit »le texte, comme organisation structurée <strong>de</strong> contenus, ni <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> co-construction <strong>de</strong> ce que « signifie » le textepour un suj<strong>et</strong> social porteur <strong>de</strong> savoirs <strong>et</strong> <strong>de</strong> croyancesorganisées <strong>dans</strong> un système <strong>de</strong> représentation. [Ghiglione &Kekenbosch, p. 7, 1993]184


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse‣ Les théories cognitivistes <strong>de</strong> la compréhension, en particulier le modèle <strong>de</strong>Kinstch [1998].De ces théories, les auteurs r<strong>et</strong>iennent quatre principes : un modèle propositionneldu traitement <strong>de</strong> l’information, qui s’inscrit <strong>dans</strong> une structure textuelle comprenantune macrostructure qui se construit via <strong>de</strong>s chemins causaux reliant certainespropositions entre elles. À cause <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> la mémoire à courtterme, les traitements effectués au niveau <strong>de</strong> la proposition sont limités <strong>et</strong> l<strong>et</strong>raitement opère par cycle. En fin <strong>de</strong> traitement, le suj<strong>et</strong>-compreneur dispose d’unefigure <strong>de</strong> cohérence globale qui tient compte <strong>de</strong>s cohérences locales, fondées sur lacohérence référentielle entre séquences, <strong>et</strong> sur une cohérence globale qui tientcompte <strong>de</strong> l’ensemble textuel <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa progression thématique.Toutes ces théories sont censées perm<strong>et</strong>tre à l’analyse automatisée d’aller plusloin que l’analyse discursive proprement dite, en m<strong>et</strong>tant à jour les processuscognitifs à l’œuvre <strong>dans</strong> la co-construction du discours par ses interlocuteurs <strong>et</strong> lesstratégies pragmatiques <strong>et</strong> cognitives développées par le locuteur.Tropes : une opérationnalisation informatique <strong>de</strong> l’analyse cognitivo-discursiveLe fonctionnement <strong>de</strong> Tropes en résuméQuelques mots sont nécessaires à propos du fonctionnement du logiciel pourcomprendre la suite <strong>de</strong> mon exposé. Une fois qu’on lui a donné le texte à traiter,Tropes livre ses résultats en quelques gran<strong>de</strong>s étapes au gré <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s duchercheur. Le processus compl<strong>et</strong> d’analyse suit le chemin présenté <strong>dans</strong> la figure.185


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseFigure 14 - Le processus d’analyse du texte par Tropes [Gighlione <strong>et</strong> al., p. 87].C<strong>et</strong>te analyse est la phase interne, cachée du processus. Une fois c<strong>et</strong>te analyseréalisée, le logiciel renvoie au chercheur les caractéristiques principales du texte, quise présentent sous la forme suivante :Figure 15 - Une visualisation <strong>de</strong> l’analyse du logiciel Tropes186


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseLa référenceLe cadre situé en haut à gauche répond à la question : <strong>de</strong> quoi parle le texte ?C’est la question <strong>de</strong> la référence menée grâce à une analyse lexicométrique. Il y atrois niveaux <strong>de</strong> granularité distincts. Les <strong>de</strong>ux premiers niveaux, appelés « univers<strong>de</strong> référence », représentent le contexte avec respectivement 200 <strong>et</strong> 1000 classesd’équivalents (regroupement) sémantiques possibles. Le troisième niveau, appelé« références utilisées », peut comprendre jusqu’à 10 000 classes d’équivalents. Ileffectue <strong>de</strong>s regroupements analogiques <strong>et</strong> inclut toutes les références nonrépertoriées <strong>dans</strong> les dictionnaires du logiciel, en particulier les noms propres. Lelogiciel regroupe ensuite les classes à l’intérieur d’un scénario 51 .Les métacatégories sémantiques : l’analyse pragmatiqueTropes effectue <strong>de</strong>s statistiques sur la répartition en sous-catégories <strong>de</strong>smétacatégories sémantiques (par exemple, pour les verbes, le calcul portera sur larépartition <strong>de</strong>s catégories « factif », « statif » <strong>et</strong> « réflexif »). Ces statistiques sontutilisées pour diagnostiquer les catégories <strong>de</strong> mots considérées comme les plusfréquentes <strong>et</strong> pour déterminer le style général du texte. Une sous-catégorie estconsidérée comme fréquente lorsque son taux d’utilisation dépasse largement cequ’on a l’habitu<strong>de</strong> d’observer <strong>dans</strong> la langue concernée 3 . Par exemple, si plus <strong>de</strong>60 % <strong>de</strong>s verbes utilisés <strong>dans</strong> un texte sont factifs, <strong>et</strong> si, <strong>dans</strong> la langue française, untexte comporte en moyenne 40 % <strong>de</strong> verbes factifs, alors la catégorie « factif » seraconsidérée comme fréquente. Le fait qu’une catégorie <strong>de</strong> mot soit considérée commefréquente ne constitue pas une anomalie langagière, mais plutôt un indicateur du type <strong>de</strong>discours observé. Par exemple, l’utilisation d’une gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> joncteurs <strong>de</strong>cause (parce que, puisque, car...) <strong>et</strong> <strong>de</strong> condition (si, au cas où...) indique que le51 Malheureusement, le terme scénario n’a rien à voir ici avec la manière dont on conçoit lesscénarios, même avec ses variantes <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong>s TICE [Mangenot, 2006, 2009 ; Doc. 29,p. 242].187


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsenarrateur (l’auteur du texte) a cherché à construire un raisonnement fondé sur unedémonstration causalisée.Le logiciel effectue aussi :‣ un tri <strong>de</strong>s classes d’équivalents sémantiques par fréquencesdécroissantes <strong>et</strong> leur filtrage par un facteur <strong>de</strong> pertinence ;‣ le calcul <strong>de</strong>s co-occurrences <strong>de</strong>s références <strong>et</strong> <strong>de</strong>s métacatégoriessémantiques à l’intérieur <strong>de</strong>s propositions ; la détection <strong>de</strong>s actants <strong>et</strong>actés, en examinant la position moyenne <strong>de</strong>s références par rapport auxverbes ;‣ 52 l’analyse probabiliste <strong>de</strong>s références <strong>et</strong> <strong>de</strong>s métacatégories arrivant en« rafales » ; la détection <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s en analysant la répartition <strong>de</strong>srafales <strong>et</strong> la distribution <strong>de</strong>s classes d’équivalents sémantiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>smétacatégories.L’analyse cognitivo-discursiveTropes extrait les propositions qui caractérisent le texte, sans se répéter. Le texteest donc tronqué <strong>et</strong> recomposé visuellement avec chaque proposition marquée parune icône bleue au début <strong>de</strong> la ligne [Figure 15]. Ces propositions remarquablescorrespon<strong>de</strong>nt à un sur-ensemble <strong>de</strong> la structure fondamentale <strong>de</strong> la signification(aboutissement <strong>de</strong> l’analyse ACD). Elles sont repérées selon la logique suivante :chaque proposition du texte se voit attribuer un score calculé en fonction du poidsrelatif, <strong>de</strong> l’ordre d’arrivée, <strong>de</strong> la position chronologique <strong>et</strong> <strong>de</strong> la structure argumentative<strong>de</strong>s mots qui la composent. Afin <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre à l’analyste <strong>de</strong> jouer sur le taux <strong>de</strong>contraction du texte, le logiciel perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> régler la quantité <strong>de</strong> propositions affichées. Cespropositions remarquables ne constituent en aucun cas un résumé du texte, quinécessiterait <strong>de</strong> le réécrire.52 Les épiso<strong>de</strong>s <strong>et</strong> les rafales renvoient à la manière dont le discours se déploie tout au long dutexte. Une rafale regroupe <strong>de</strong>s occurrences <strong>de</strong> mots ayant tendance à arriver avec une concentrationremarquable <strong>dans</strong> une partie du texte <strong>et</strong> jamais <strong>de</strong> façon uniforme ; les épiso<strong>de</strong>s correspon<strong>de</strong>nt à unepartie du texte <strong>dans</strong> lequel un certain nombre <strong>de</strong> rafales se sont formées <strong>et</strong> terminées. Ce sont <strong>de</strong>grands blocs d’argumentation, représentatifs <strong>de</strong> la structure du discours observé. [Manuel Tropes,2003, p. 25]188


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseÀ tout moment, le chercheur peut « zoomer » sur un mot du texte, comme lemontre l’encadré situé sur la droite, ou encore aller chercher, <strong>dans</strong> le texte, toutes lesoccurrences d’une catégorie <strong>de</strong> mot avec leur contexte.Quelques exemples <strong>de</strong> l’apport <strong>de</strong> Tropes à mes recherchesL’analyse <strong>de</strong> la référenceComme je l’ai écrit précé<strong>de</strong>mment, il y a une bonne <strong>et</strong> une mauvaise manière <strong>de</strong>se servir du logiciel, ce dont je me suis rendue compte lors <strong>de</strong> ma premièreutilisation, car il en va <strong>de</strong> c<strong>et</strong> outil comme <strong>de</strong> tout instrument ; c’est <strong>dans</strong> l’actionqu’on apprend à l’utiliser. Je procédais à l’analyse <strong>de</strong>s carn<strong>et</strong>s <strong>de</strong> bord tenus par mesétudiants. J’ai confié au logiciel, à partir <strong>de</strong> ses propres dictionnaires, le soin <strong>de</strong> melivrer les trois niveaux d’analyse <strong>de</strong> la référence afin <strong>de</strong> répondre à la question « <strong>de</strong>quoi les étudiants parlent-ils <strong>dans</strong> leurs carn<strong>et</strong>s <strong>de</strong> bord ? ». Le premier univers futcelui <strong>de</strong> la marine <strong>et</strong> le <strong>de</strong>uxième fut le temps, pour la simple raison que la fréquence<strong>de</strong>s mots est calculée en relation avec un lexique général <strong>de</strong> la langue constitué,comme pour LSA, à partir <strong>de</strong> corpus massifs d’œuvres romanesques <strong>et</strong> <strong>de</strong> collections<strong>de</strong> journaux. Rapporté à ce lexique général, le terme carn<strong>et</strong> <strong>de</strong> bord renvoieprioritairement à la marine. En ce qui concerne le temps, l’explication est encore plussimple : les étudiants indiquaient le jour <strong>et</strong> le moment où ils reprenaient leurs carn<strong>et</strong>s<strong>de</strong> bord, ce qui a augmenté l’univers « temps » <strong>dans</strong> leur discours.J’avais confié au logiciel le soin <strong>de</strong> construire les univers <strong>de</strong> référence alors quel’outil scénario perm<strong>et</strong> au chercheur <strong>de</strong> construire lui-même ses classes sémantiquesavec la granularité qu’il souhaite. C’est ce que j’ai fait par la suite en me fondant surl’analyse théorique qui pilotait ma recherche <strong>et</strong> que j’ai exposée <strong>dans</strong> les pagesprécé<strong>de</strong>ntes [Doc. 14, pp. 284-288, T1]. J’ai classé les univers <strong>de</strong> référence <strong>de</strong>scarn<strong>et</strong>s <strong>de</strong> bord selon quatre gran<strong>de</strong>s catégories :On the basis of the cognitive and motivational constructselaborated in section 2, a list of four m<strong>et</strong>a-categories relatedto CAALL was drawn up.The content domain: "foreign language".The instruments used: "technology".The task: "work".The self-study mo<strong>de</strong>: "autonomy". [Doc. 14, p. 292, T1]189


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseSur la base <strong>de</strong> ces catégories, j’ai pu traiter les discours <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux manières, quelleque soit la recherche envisagée : tout d’abord en regroupant les énoncés <strong>de</strong>s acteursen un corpus unique, ensuite en distinguant chaque énoncé afin <strong>de</strong> situer l’énoncé <strong>de</strong>chaque acteur par rapport au texte général.Chaque corpus est un texte pluriel qui s’exprime d’une seulevoix polyphonique. En eff<strong>et</strong>, si Ducrot (1980) rem<strong>et</strong> en causel’unicité <strong>de</strong> la voix parlant à l’intérieur d’un énoncé, pourlui substituer un suj<strong>et</strong> polyphonique, on peut alors imaginerd’"inverser" la démarche en construisant <strong>de</strong>s discourscomposés d’autant d’énoncés qu’il y a <strong>de</strong> suj<strong>et</strong>s. [Doc. 11,p. 236, T1]Ainsi, pour conclure, le logiciel m’a permis <strong>de</strong> réaliser une analyse systématique<strong>de</strong>s discours par rapport aux questions théoriques que je me posais <strong>dans</strong> mesrecherches, à savoir la relation entre usage <strong>de</strong>s TICE <strong>et</strong> motivation , c’est-à-dire enprocédant <strong>de</strong> manière Top down. C’est c<strong>et</strong>te méthodologie que je recomman<strong>de</strong> auxétudiants afin qu’ils ne soient pas submerger par la quantité <strong>de</strong>s résultats générés parTropes <strong>et</strong> qu’ils restent bien maîtres <strong>de</strong> l’analyse.Le logiciel produit <strong>de</strong>s résultats inattendusTropes livre d’emblée une caractérisation générale du style du texte <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa miseen scène en fonction <strong>de</strong>s indicateurs statistiques récupérés au cours <strong>de</strong> son analyse.StyleExplicationArgumentatifNarratifÉnonciatifDescriptifLe suj<strong>et</strong> s’engage, argumente, explique ou critique pouressayer <strong>de</strong> persua<strong>de</strong>r l’interlocuteur.Un narrateur expose une succession d’évènements qui sedéroulent à un moment donné, en un certain lieu.Le locuteur <strong>et</strong> l’interlocuteur établissent un rapportd’influence, révèlent leurs points <strong>de</strong> vue.Un locuteur décrit, i<strong>de</strong>ntifie ou classifie quelque chose ouquelqu’un.Normalement, quand les verbalisations son produites par les mêmes catégoriesd’agents (enseignants, étudiants, personnel technique, ou encore personneladministratif) <strong>dans</strong> une même situation <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> <strong>dans</strong> un même lieu, <strong>et</strong> que ces190


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseagents sont interrogés sur le même obj<strong>et</strong> (un dispositif, une tâche, un instrument), ilne <strong>de</strong>vrait pas y avoir <strong>de</strong> différences à ce niveau <strong>de</strong> l’analyse. Or, toutes les analyses,ou presque, ont montré que les suj<strong>et</strong>s se distinguaient. Un exemple toutparticulièrement frappant fut apporté par trois enseignants d’anglais travaillant <strong>dans</strong><strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> langues semblables à bien <strong>de</strong>s égards, conviés à s’exprimer sur lesTICE comme ferment <strong>de</strong> l’innovation. Nous aurions pu nous attendre à ce que lesdiscours <strong>de</strong>s trois enseignants présentent les mêmes caractéristiques générales : priseen charge par le narrateur <strong>et</strong> explicatif, mais il n’en fut pas ainsi. L’un <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iensétait <strong>de</strong> type argumentatif (celui <strong>de</strong> l’enseignant titulaire chevronné) ; le <strong>de</strong>uxièmeétait <strong>de</strong> type narratif (celui d’une enseignante qui venait d’arriver au centre <strong>de</strong>langues) <strong>et</strong> le troisième était <strong>de</strong>scriptif (il s’agissait d’un enseignant qui se trouvait làun peu contre son gré <strong>et</strong> qui se considérait « en transition » au centre <strong>de</strong> langues). Ce<strong>de</strong>rnier fut le moins disert <strong>et</strong> plutôt que <strong>de</strong> donner son point <strong>de</strong> vue personnel surl’innovation, il répondait systématiquement en décrivant ce qui se faisait <strong>dans</strong> cecentre. Le manque d’implication <strong>de</strong> l’enseignant fut d’ailleurs confirmé par l’analysestatistique <strong>de</strong>s pronoms puisque, <strong>dans</strong> son énoncé, le pronom « je » cédait la place àl’impersonnel « on » ou au collectif « nous » [Feldmann, 2006].Je pourrais multiplier les exemples <strong>de</strong>s résultats inattendus que Tropes m’a livrés<strong>et</strong> qui m’ont conduite à revoir mon jugement sur une situation, un acteur ou un texte.Faute <strong>de</strong> place, je n’en citerai que quelques-uns pour étayer mon propos.Le schème <strong>de</strong> la réfutationDans l’analyse <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens menés auprès <strong>de</strong>s enseignants du centre <strong>de</strong> langues,l’analyse <strong>de</strong>s univers <strong>de</strong> référence <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs relations <strong>dans</strong> le texte a permis <strong>de</strong>m<strong>et</strong>tre à jour, à côté du schème <strong>de</strong> l’assimilation <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’accommodation décrit parPiag<strong>et</strong>, un schème <strong>de</strong> la réfutation quand l’enseignant exprimait une situation <strong>de</strong> dénipar rapport au dispositif <strong>de</strong> l’autonomie guidée. Nous avions déjà constaté, parl’observation <strong>de</strong>s comportements <strong>dans</strong> l’activité, qu’il avait transformé ces séancesen cours traditionnel <strong>de</strong> langue <strong>et</strong> les entr<strong>et</strong>iens donnaient l’impression qu’il ne seplaçait pas en situation <strong>de</strong> construction d’une nouvelle forme d’enseignement(schème d’accommodation) mais en situation <strong>de</strong> réfutation <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> situation191


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsenouvelle. Cependant, sans l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> Tropes, nous n’aurions pu objectiver <strong>et</strong>caractériser les traces <strong>de</strong> ce schème <strong>dans</strong> le discours.L’étu<strong>de</strong> du discours <strong>de</strong>s enseignants du Centre exigel’introduction d’un autre modèle d’articulation référentielle,celui <strong>de</strong> la relation <strong>de</strong> réfutation. Elle se caractérise par laprépondérance <strong>de</strong>s joncteurs <strong>de</strong> disjonction, d’opposition <strong>et</strong><strong>de</strong> cause, <strong>et</strong> est accentuée par la présence significative <strong>de</strong>smodalisateurs d’intensité <strong>et</strong> <strong>de</strong> négation. [Borges, 2003,p. 286]Les relations référentiellesLa mise en relation <strong>de</strong>s aspects énonciatifs du discours avec les classessémantiques i<strong>de</strong>ntifiées <strong>dans</strong> les univers <strong>de</strong> référence, perm<strong>et</strong> d’i<strong>de</strong>ntifier le typed’articulation référentielle qui caractérise le discours <strong>de</strong> c<strong>et</strong> enseignant. J’ai imaginéce modèle d’articulation référentielle [Raby <strong>et</strong> Accardi, 2001] en m<strong>et</strong>tant en relation,grâce à Tropes, les univers <strong>de</strong> référence <strong>et</strong> les aspects déictiques <strong>de</strong> l’énoncé.Figure 16 - Épiso<strong>de</strong>s <strong>et</strong> Rafales : l’analyse du discoursAppliquée aux enseignants du CLV par exemple, l’analyse a donné quatre lesrelations.192


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseLa relation <strong>de</strong> juxtaposition : se caractérise par la prépondérance <strong>de</strong>s joncteursd’addition. Elle indique un processus d’énumération, <strong>de</strong> succession <strong>de</strong>s classesd’équivalents, sans déceler un jeu <strong>de</strong> pouvoir, un ordre d’importance ou <strong>de</strong>scontradictions entre elles. Pour notre étu<strong>de</strong>, c<strong>et</strong>te relation indique une énumération<strong>de</strong>s tâches redéfinies, sans révélation <strong>de</strong>s tâches les plus importantes ou <strong>de</strong>s butsprioritaires ;La relation <strong>de</strong> renforcement : se caractérise par la prépondérance <strong>de</strong>s joncteurs <strong>de</strong>condition, <strong>de</strong> but ou <strong>de</strong> cause <strong>et</strong> aussi par les modalisations d’intensité. Elle indiqueun processus <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong>s référents <strong>et</strong>, <strong>dans</strong> notre étu<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s tâches redéfinies<strong>et</strong> du rapport entre la formation tutorée <strong>et</strong> l’usage <strong>de</strong>s TIC ;La relation d’affrontement : se caractérise par la prépondérance <strong>de</strong>s joncteursd’addition ou <strong>de</strong> disjonction ou d’opposition, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te relation peut être renforcée enutilisant les modalisateurs d’intensité. Elle indique un processus instable. Dans lemême discours, le suj<strong>et</strong> renforce une position en utilisant <strong>de</strong>s joncteurs d’addition <strong>et</strong>introduit un doute, une opposition en utilisant les joncteurs d’opposition ou <strong>de</strong>disjonction. Pour notre travail, c<strong>et</strong>te relation révèle une position <strong>de</strong> « déséquilibre »,l’enseignant est convaincu <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s usages <strong>de</strong>s TIC mais il ne sait pascomment les introduire, il ne sait pas quels seront les résultats obtenus auprès <strong>de</strong>sétudiants, <strong>et</strong>c. ;L’absence <strong>de</strong> relations référentielles : se caractérise par l’exclusion explicite <strong>de</strong>certaines classes d’équivalents pertinents ou <strong>de</strong>s référents attendus <strong>dans</strong> le discours.Dans notre étu<strong>de</strong>, c<strong>et</strong>te relation se révèle à travers un discours qui ne fait pasréférence à l’usage <strong>de</strong>s technologies informatiques <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te modalité, à <strong>de</strong>s tâches<strong>de</strong> type tutorial, où l’objectif principal est le développement <strong>de</strong> l’autonomie chez lesétudiants.ConclusionL’utilisation d’un logiciel d’analyse automatisé d’un texte pour <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong>recherche présente (comme pour les autres applications mentionnées <strong>dans</strong> cechapitre) <strong>de</strong>s avantages <strong>et</strong> <strong>de</strong>s inconvénients.193


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseParmi les avantages, il perm<strong>et</strong> d’extraire plus vite <strong>et</strong> plus efficacement les données<strong>de</strong> l’analyse :‣ avec un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> précision plus ou moins important ;‣ <strong>dans</strong> un temps beaucoup plus bref ;‣ <strong>de</strong> manière systématique, c’est-à-dire en traitant la totalité du corpus ;‣ en utilisant le plus grand nombre possible d’indicateurs d’analyse ;‣ grâce à un système d’indicateurs qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> comparer <strong>de</strong>s discoursentre eux ;‣ en procédant alternativement en top down/bottom up.Enfin, la manipulation <strong>de</strong> plusieurs registres sémiotiques sur le même écran,comme le texte <strong>et</strong> les graphes hypertextes, perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> visualiser les environnementsdiscursifs, le poids relatif <strong>de</strong>s références, la répartition d’une référence ou d’unemétacatégorie <strong>de</strong> manière intrapropositionnelle, la répartition d’une référence oud’une métacatégorie <strong>dans</strong> la chronologie globale du texte.Grâce aux programmes informatisés <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s données, le chercheur,libéré du travail d’analyse, peut gar<strong>de</strong>r en mémoire sa problématique <strong>et</strong> seshypothèses <strong>et</strong> <strong>de</strong>vient plus rapi<strong>de</strong>ment efficace <strong>dans</strong> l’interprétation <strong>de</strong> ses résultats.Il peut également r<strong>et</strong>ar<strong>de</strong>r le plus possible l’interprétation pour la fiabiliser. Carl’outil le m<strong>et</strong> en face <strong>de</strong> données inattendues qui le conduisent à ém<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> nouvelleshypothèses. Enfin, l’interprétation du chercheur est ouverte à la réfutation <strong>de</strong> sespairs puisqu’elle s’appuie sur une analyse systématisée <strong>et</strong> partageable par tous.Cependant, en utilisant <strong>de</strong> tels logiciels, le chercheur encoure aussi <strong>de</strong>s risquesqu’il ne faut pas négliger. Il y a d’abord la nécessité d’un gros travail préalable <strong>de</strong>désambigüisation sémantique <strong>et</strong> l’outil n’est jamais parfaitement fiable ; il faut donctoujours veiller à contrôler les données produites. Ensuite, il y a le danger <strong>de</strong> seperdre <strong>dans</strong> une usine à gaz, ce qui arrive souvent aux jeunes chercheurs qui, fascinés194


DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsepar la masse <strong>de</strong> graphes <strong>et</strong> parfois par l’esthétique <strong>de</strong> l’outil, finissent pas produire<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> résultats sans pouvoir en donner une interprétation didactique. On s<strong>et</strong>rouve là <strong>dans</strong> le rapport magique que nous entr<strong>et</strong>enons tous avec la technique, quenous en soyons conscients ou non [Raby, sous presse]. Enfin, l’analyse nécessite quele chercheur maîtrise bien la théorie à l’œuvre <strong>dans</strong> le logiciel <strong>et</strong> dispose aussi <strong>de</strong> sapropre théorie ou modèle afin <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à l’interprétation. Tropes n’est pas unlogiciel d’analyse du discours, mais un logiciel d’ai<strong>de</strong> à l’analyse du discours,l’essentiel est peut-être là.Résumé <strong>de</strong> la quatrième partieDans c<strong>et</strong>te partie consacrée aux Technologies <strong>de</strong> l’éducation, j’ai décidé <strong>de</strong>regrouper <strong>de</strong>ux aspects distincts <strong>de</strong> ces outils. Dans un premier chapitre, j’ai exposéles recherches que j’ai menées sur l’utilisation <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong>l’enseignement/apprentissage <strong>de</strong> l’anglais, <strong>et</strong> parfois d’autres langues, <strong>et</strong> <strong>dans</strong> un<strong>de</strong>uxième chapitre, j’ai livré la réflexion critique que je mène aujourd’hui surl’utilisation <strong>de</strong> l’ordinateur comme outil <strong>de</strong> recherche sur l’apprentissage <strong>de</strong>slangues, un instrument indispensable mais qui peut aussi égarer le chercheur,fasciné par la puissance <strong>de</strong> l’instrument.195


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseTROISIEME PARTIE – RECHERCHESERGONOMIQUES SUR LA MOTIVATION POURL’APPRENTISSAGE D’UNE LVEIntroductionLorsque j’ai annoncé à certains collègues <strong>de</strong> mon ancien laboratoire, en 2002, quej’allais m’attaquer à la question <strong>de</strong> la motivation en classe <strong>de</strong> langue, j’ai suscité<strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> réactions qui n’ont rien, à mes yeux, d’anecdotique, c’est pourquoi jeme perm<strong>et</strong>s <strong>de</strong> les rapporter ici. La première fut <strong>de</strong> s’étonner que je change tout àcoup d’obj<strong>et</strong> d’étu<strong>de</strong> : « Ah, bon, mais tu ne fais plus d’ergonomie, alors ? ». Commeje <strong>de</strong>mandais à mon interlocuteur pourquoi il tirait une telle conclusion <strong>de</strong> monintention, il me répondit : « Mais parce que ça n’a rien à voir ! ». Je compris que,pour ce chercheur, le domaine <strong>de</strong> l’activité cognitive se limitait à celui <strong>de</strong>l’apprentissage <strong>et</strong> que les autres dimensions <strong>de</strong> l’activité ne sauraient participer àl’analyse. Or, j’ai toujours eu une vision large <strong>de</strong> la psychologie cognitive [voir lespropos <strong>de</strong> Bruner, p. 11 <strong>de</strong> ce dossier] comme d’une science qui cherche à modéliserle fonctionnement <strong>de</strong> notre cerveau pour nous ai<strong>de</strong>r à comprendre comment les idéesnous viennent, comment nous comprenons le mon<strong>de</strong>, quel rôle jouent nos croyances<strong>et</strong> nos affects <strong>dans</strong> nos relations au savoir <strong>et</strong> aux autres <strong>et</strong> surtout, comment tout celainteragit. À partir <strong>de</strong> là, après avoir cherché à savoir comment les professeurs <strong>et</strong> lesélèves travaillaient en classe d’anglais ou <strong>de</strong> langue, il me semblait tout à fait normal196


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsed’intégrer à mes analyses <strong>de</strong> l’activité le pourquoi travaillaient-ils (ou non !). 53 J’aibeaucoup réfléchi à ces critiques <strong>de</strong> la motivation comme suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche,auxquelles je suis d’ailleurs encore quotidiennement confrontée. Paradoxalement,elles ont eu un eff<strong>et</strong> positif sur mon travail car elles m’ont obligée à clarifier <strong>et</strong> àaffirmer mon positionnement. Tout d’abord, en tant que didacticienne, j’ai besoin <strong>de</strong>penser que mes efforts scientifiques ne sont pas dénués d’une certaine utilité sociale.Or, mon travail <strong>de</strong> formatrice à l’IUFM m’a convaincue qu’aujourd’hui, plus quejamais, c<strong>et</strong>te question ne peut être laissée <strong>de</strong> côté. Je remarque d’ailleurs que lepremier numéro <strong>de</strong>s Langues Mo<strong>de</strong>rnes était consacré à ce suj<strong>et</strong>, <strong>de</strong> même que le toutpremier numéro <strong>de</strong>s Étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Langues Étrangères Appliquées 54 …. Preuve que lamotivation a toujours préoccupé les enseignants sur le terrain <strong>et</strong> aujourd’hui, plus quejamais. Le premier chapitre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te partie sera consacré à uneprésentation/discussion <strong>de</strong> certaines théories <strong>de</strong> la motivation. J’ai choisi les théoriesqui ont nourri les <strong>de</strong>ux modèles que j’ai successivement élaborés : un modèledynamique inspiré par Dörnyei [1998] <strong>et</strong> articulé autour du modèle <strong>de</strong> l’activitéexposé, <strong>et</strong> un modèle polytomique <strong>et</strong> pondéré que j’ai imaginé pou prendre encompte la motivation, la démotivation <strong>et</strong> l’a-motivation <strong>dans</strong> un même mouvement.Certes, les travaux sur la Motivation pour l’Apprentissage d’une Langue enSituation Académique (M.A.L.S.A.) manquent encore d’un socle expérimentalsuffisamment soli<strong>de</strong> pour perm<strong>et</strong>tre d’acquérir ensuite les connaissances sur sondéveloppement ou sur son eff<strong>et</strong>. Mais le problème vient surtout, à mon avis, du faitqu’il s’agit d’un métaconcept (il m<strong>et</strong> en jeu plusieurs facteurs, comme on le verraplus loin) qui désigne soit un processus, soit un état, un état labile donc difficile àcerner. L’abor<strong>de</strong>r scientifiquement <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> recourir à plusieurs disciplines <strong>et</strong>l’éprouver expérimentalement exige d’utiliser <strong>de</strong>s modèles statistiques multivariés[Bressoux, 2008], sous peine <strong>de</strong> passer à côté <strong>de</strong>s divers facteurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> leursinteractions.53 La <strong>de</strong>uxième remarque, plus fréquente, fut du type : « Oui, bien sûr, c’est important, mais on nesait pas faire, c’est trop compliqué, c’est un concept mou, tu vas te casser la F….. ». (Je laisse lelecteur compléter ces propos).54 Je remercie Heather Hilton pour avoir attiré mon attention sur ce fait.197


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseN’étant pas en mesure <strong>de</strong> conduire <strong>de</strong> telles étu<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> ne souhaitant pas recourir à<strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s qui, selon moi, ne ren<strong>de</strong>nt pas compte <strong>de</strong>s processus mais <strong>de</strong> leursconséquences [Doc. 18, p. 371], je me suis tournée une fois encore vers la démarcheergonomique afin d’abor<strong>de</strong>r la motivation <strong>de</strong> manière progressive, en réunissant <strong>de</strong>srecherches contextualisées, en confrontant les résultats <strong>et</strong> les interprétations issues <strong>de</strong>chaque recherche <strong>et</strong> en m’efforçant <strong>de</strong> progresser lentement <strong>et</strong> mo<strong>de</strong>stement d’unerecherche à l’autre. L’objectif était <strong>de</strong> bien cibler la relation entre motivation <strong>et</strong>classe <strong>de</strong> langue, en particulier les relations entre motivation <strong>et</strong> dispositifspédagogiques <strong>et</strong> techniques (TICE). Certes, mon proj<strong>et</strong> est limité <strong>et</strong> le savoir produitest un savoir local, mais il s’appuie sur <strong>de</strong>s connaissances <strong>et</strong> <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>sscientifiques. Le recours à la théorisation, à la modélisation <strong>et</strong> à la méthodologie <strong>de</strong>la triangulation [voir <strong>de</strong>uxième partie] a pu faire émerger une pluralité <strong>de</strong> rationalitésainsi que <strong>de</strong>s « réalités » parfois masquées par les convictions pédagogiques <strong>de</strong> laDoxa.Toutes mes recherches empiriques ont porté sur un même obj<strong>et</strong> : la Motivationpour l’Apprentissage <strong>de</strong> la LVE en Situation Académique, en couvrant trois anglesdifférents. Tout d’abord, <strong>de</strong>puis 2003, la motivation a été l’un <strong>de</strong>s thèmes centraux<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux ateliers-mémoires dont je suis responsable à l’IUFM. La démarche adoptéepar les professeurs stagiaires consiste d’abord à i<strong>de</strong>ntifier un problème <strong>de</strong> travail ou<strong>de</strong> discipline lié en apparence à un problème <strong>de</strong> motivation, puis à tenter d’enanalyser les causes à la lumière <strong>de</strong>s théories que les professeurs stagiaires découvrentprogressivement. Après ce travail <strong>de</strong> diagnostic, les professeurs stagiaires élaborentun diapositif pédagogique capable d’agir, selon eux, sur la démotivation. Ledispositif est mis en place <strong>et</strong> son eff<strong>et</strong> est étudié à travers divers types <strong>de</strong> données :enregistrements vidéo, copies d’élèves, travaux personnalisés, productionsélectroniques. Finalement, les élèves sont consultés via <strong>de</strong>s questionnaires, pourqu’ils donnent leur appréciation sur le dispositif d’un point <strong>de</strong> vue didactique <strong>et</strong> dupoint <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la motivation 55 .55 Les suj<strong>et</strong>s les plus fréquemment abordés sont le travail <strong>de</strong> groupe, la pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>, lesmo<strong>de</strong>s d’évaluation, les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> correction comme facteurs <strong>de</strong> motivation. Mais d’autres thèmes198


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseEn ce qui concerne mes propres investigations, j’ai mené <strong>de</strong>ux rechercheslongitudinales <strong>dans</strong> lesquelles je cherchais à cerner l’impact <strong>de</strong>s TICE sur lamotivation. Ces recherches ont impliqué <strong>de</strong>s populations variées : <strong>de</strong>s étudiantsspécialistes <strong>de</strong>s Langues pour d’autres Disciplines (LSP) qui étudient différentesLVE, <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> lycée qui étudient l’anglais LVE, <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong>s écolesstagiaires <strong>et</strong> <strong>de</strong>s membres du personnel <strong>de</strong> l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble qui étudient auxaussil’anglais LVE. Enfin, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux recherches, j’ai étudié le point <strong>de</strong> vue<strong>de</strong>s « enseignants » sur les dispositifs instrumentés, en tentant <strong>de</strong> savoir en quoi lesTICE modifiaient leur manière <strong>de</strong> travailler [voir partie 2] puis en quoi les TICEmodifiaient leur motivation pour l’enseignement <strong>de</strong> la LVE.Dans un premier chapitre, j’expliquerai comment, afin d’éclairer mes recherchescomme celles <strong>de</strong>s mes étudiants, j’ai cherché à prendre du recul afin d’i<strong>de</strong>ntifier lespoints d’accord <strong>et</strong> <strong>de</strong> désaccord qui unissent ou distinguent les théories <strong>de</strong> lamotivation. Ce parcours <strong>de</strong> la littérature scientifique laisse toujours un sentimentd’imperfection <strong>et</strong> d’insatisfaction tant les modèles <strong>et</strong> théories sont nombreuses !Songeons, par exemple, que rien que sur le thème <strong>de</strong> la motivation intrinsèque, plus<strong>de</strong> mille articles ont été écrits :Depuis les premières recherches contemporaines sur lamotivation intrinsèque [pour une recension, voir Valleran<strong>de</strong>t Halliwell, 1983], plus d’un millier d’étu<strong>de</strong>s ont étéréalisées. Reflétant, entre autres, l’influence <strong>de</strong> lapsychologie sociale <strong>et</strong> <strong>de</strong> la personnalité, ces recherches ontrespectivement cherché à mieux cerner les diversesinfluences sociales <strong>et</strong> personnelles pouvant influer sur lecomportement motivé. [Voir Deci <strong>et</strong> Ryan, 1985, 2002 ;Vallerand, 1997, pour <strong>de</strong>s recensions]Or, les théories <strong>de</strong> la motivation ne se limitent pas au seul modèle <strong>de</strong> la motivationintrinsèque/extrinsèque, comme nous allons le voir. Dès lors, comment choisir ?C’est en partant <strong>de</strong> mon obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche (quel eff<strong>et</strong> pouvaient bien avoir les TICEsur la motivation <strong>de</strong>s apprenants <strong>et</strong> <strong>de</strong>s enseignants en classe <strong>de</strong> langue) que j’aisélectionné les théories <strong>et</strong> les modèles qui ont servi à ma propre théorisation.sont apparus c<strong>et</strong>te année : la vidéo, outil motivant ou non ? À quelles conditions ? Le blog, le siteintern<strong>et</strong>, la correspondance électronique, facteurs ou non <strong>de</strong> motivation.199


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseCes propos ont pour intention <strong>de</strong> clarifier mon positionnement. Etant donné que jene crois pas à une vérité métaphysique <strong>de</strong> la motivation qu’il me serait peut-êtredonné un jour d’atteindre, je m’en tiens au plan phénoménologique qui est celui <strong>de</strong>l’activité <strong>de</strong>s agents <strong>dans</strong> la classe <strong>de</strong> langue, <strong>et</strong> je tente <strong>de</strong> construire un modèle quime perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> comprendre ce qui pousse les agents <strong>de</strong> la classe à se m<strong>et</strong>tre ou non autravail, à persister <strong>dans</strong> leurs efforts, ce qui couronne ou non <strong>de</strong> succès ces efforts <strong>et</strong>,pour finir, ce qui les déci<strong>de</strong> à maintenir leur engagement <strong>dans</strong> le travail ou, aucontraire, à tout arrêter. Si je parviens (<strong>et</strong> c’est le cas souvent <strong>dans</strong> le travail que jemène avec les professeurs stagiaires) à mieux comprendre ces mécanismes, je peuxcontribuer à l’amélioration <strong>de</strong>s dispositifs d’enseignement/apprentissage <strong>de</strong>s langues,notamment les dispositifs instrumentés. Là rési<strong>de</strong>, in fine, toute l’ambition <strong>de</strong> mesrecherches sur la motivation.Dans le chapitre 14, je présenterai mes réflexions sur les relations entre lamotivation <strong>et</strong> la motivation en SLA (Second Language Acquisition), <strong>dans</strong> le chapitre15, je présenterai le modèle ergonomique <strong>de</strong> la motivation sur lequel je me suisappuyée pour construire mes recherches empiriques. Dans le chapitre 16, j’abor<strong>de</strong>railes questions principales auxquelles mes recherches ont tenté <strong>de</strong> répondre. Enfin,<strong>dans</strong> le chapitre 17, j’exposerai les conséquences <strong>de</strong> ces résultats sur mon travail <strong>de</strong>modélisation avec l’élaboration d’un nouveau modèle polytomique <strong>et</strong> pondéré.Chapitre 6 De la motivation à la Motivation pourl’Apprentissage d’une langue en Situation Académique(M.A.L.S.A)L’épineuse question <strong>de</strong> la motivationQu’est-ce que la motivation ?Il en va <strong>de</strong> la motivation en classe <strong>de</strong> LVE comme <strong>de</strong> tous les processus cognitifs :elle n’est pas perceptible, elle n’est pas visible, elle n’est même pas extrayable <strong>de</strong>scomportements (comme un génie, caché <strong>de</strong>rrière le ri<strong>de</strong>au rouge du théâtre <strong>de</strong> nos200


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsepensées, prêt à entrer sur scène si le chercheur savait s’y prendre !). Selon moi, lamotivation est un construit du chercheur qui s’en sert, comme <strong>de</strong> tout modèle, pourtenter <strong>de</strong> décrire <strong>et</strong> <strong>de</strong> comprendre le comportement humain. La motivation ne rési<strong>de</strong>pas <strong>dans</strong> la tête du suj<strong>et</strong> que nous étudions, elle rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> la tête <strong>de</strong> celui ou <strong>de</strong> cellequi observe le comportement d’un suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> tente <strong>de</strong> le comprendre. Il est rare, eneff<strong>et</strong>, qu’un élève qui refuse d’écouter le cours parce qu’il converse avec son voisinse dise en même temps « tiens, je ne suis pas motivé aujourd’hui ». Pour qu’il prenneconscience <strong>de</strong> c<strong>et</strong> état, il faut que la situation l’exige, soit en amont (« vais-je ou nonme m<strong>et</strong>tre à écouter ? Pourquoi ? Qu’est ce que cela va me coûter ? Qu’est ce quecela va m’apporter ? »), soit en aval (« Oh là là, non, là, je n’ai vraiment pas bienécouté mais ça me ‘gonflait’ ce film »). Certes, l’apprenant peut prendre conscience<strong>de</strong> ce problème <strong>et</strong> y réfléchir. Mais il ne pensera pas en termes <strong>de</strong> motivationintrinsèque ou extrinsèque ! La réflexion sur les théories <strong>de</strong> la motivation reste ledomaine du chercheur.Je pense donc que la motivation, tout comme le schème, pour prendre un autreexemple, n’a pas <strong>de</strong> réalité phénoménologique <strong>dans</strong> le cerveau <strong>de</strong> l’agent, qu’il s’agitd’un modèle, d’un concept, d’une construction dont le chercheur se sert pour décrire<strong>et</strong> interpréter <strong>de</strong>s comportements. Une fois posée c<strong>et</strong>te assertion qui peut choquercertains par son côté radicalement relativiste (mais je pense, à la manière <strong>de</strong> Putnam[1983], que les mon<strong>de</strong>s sont plus faits que trouvés), on ne s’étonnera plus que lesscientifiques aient tant <strong>de</strong> mal à définir un état motivationnel <strong>et</strong> que c<strong>et</strong> état puisseêtre décrit en <strong>de</strong>s formalismes très différents. Dans son livre Théorie <strong>de</strong> la motivationhumaine [1980], Nuttin va <strong>dans</strong> mon sens quand il relate ce que furent les péripéties<strong>de</strong> la motivation [pp. 25-33] avant que le cognitivisme ne s’empare du suj<strong>et</strong>. Lamotivation fut définie comme stimulus <strong>et</strong> charge d’énergie par les psychanalystes[Freud, 1900] mais aussi par les éthologistes [Lorenz, 1937], comme une associationapprise chez les behavioristes [Skinner, 1967], comme un facteur physiologique oucomme une activité spontanée, <strong>et</strong> chacune <strong>de</strong> ces définitions portait la marque <strong>de</strong> ladiscipline ou du champ scientifique <strong>dans</strong> lequel le chercheur évoluait. À la manière<strong>de</strong> l’esprit chez Sternberg [1994], la motivation ressemblait finalement plus à unemétaphore qu’à un concept. Mais aujourd’hui encore :201


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseL’accord est loin d’être réalisé entre psychologues au suj<strong>et</strong><strong>de</strong> la place qu’il convient <strong>de</strong> réserver à la motivation <strong>dans</strong>l’étu<strong>de</strong> <strong>et</strong> l’explication du comportement. Considérée parcertains comme une notion floue <strong>de</strong>stinée à disparaître duvocabulaire <strong>de</strong> la psychologie expérimentale, la motivationse présente à d’autres comme le thème principal <strong>de</strong> lapsychologie <strong>et</strong> la clé même <strong>de</strong> la compréhension <strong>de</strong> laconduite. On constate à la base <strong>de</strong> ce désaccord unediversité <strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue qui font <strong>de</strong> la motivation unenotion très confuse. [Nuttin, 1980, p. 25]Au vu <strong>de</strong>s difficultés que nous rencontrons à définir la motivation, ses indicateurs<strong>et</strong> ses facteurs [Doc. 16, p. 314], il n’est guère étonnant que la motivation ait suscité<strong>et</strong> suscite encore quelque méfiance. Qu’en est-il <strong>de</strong> la motivation en SLA ? C’est versZoltan Dörnyei, auteur <strong>de</strong> plusieurs ouvrages sur la question [2001, 2003, 2005,2009], que je me suis tournée pour asseoir mes propres réflexions.La motivation en SLADans les pays anglo-saxons, la motivation pour la LVE en SLA constitue <strong>de</strong>puis<strong>de</strong>s décennies un champ <strong>de</strong> recherche important, en réalité <strong>de</strong>puis les travaux ducanadien Robert Gardner [pour une revue <strong>de</strong> la question, voir Dörnyei, 2001, 2003,2009 ; Oxford, 1999]. Dans la littérature francophone, en revanche, sondéveloppement est beaucoup plus récent [Doc. 16, p. 312, T1]. Il a été encouragé enpsychologie par les travaux fondateurs <strong>de</strong> Nuttin [op.cit., 1980] <strong>et</strong> parallèlement, ils’est développé en sciences <strong>de</strong> l’éducation [Viau, 1999 ; Fenouill<strong>et</strong>, 2003 ; Cury &Sarrazin, 2001 ; Leroy, 2009 ; Vallerand & Miquelon, 2008] grâce, notamment, àl’apport <strong>de</strong> la psychologie sociale <strong>et</strong> au renouvellement <strong>de</strong>s approches sociologiques<strong>dans</strong> ce domaine. Il semblait inévitable que la didactique <strong>de</strong>s langues ne reste pasétrangère à ces évolutions, car la question <strong>de</strong> la motivation se posait, <strong>de</strong> manièrequotidienne <strong>et</strong> cruciale, en classe <strong>de</strong> langue. Or, si <strong>dans</strong> la littérature francophone, lamotivation pour la LVE à l’école est un domaine scientifique encore relativementjeune, il semble en pleine expansion : l’Association <strong>de</strong>s Professeurs <strong>de</strong> Langues <strong>de</strong>s202


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseIUT (APLIUT) lui a consacré son congrès <strong>de</strong> 2004 56 <strong>et</strong> Les Langues Mo<strong>de</strong>rnes, unnuméro spécial en 2008 57 ). Les travaux sur la motivation en LVE à l’école primaireont vu le jour [Accardi, Mossuz & Raby, 2008 ; White 2009]. Enfin, un numéro souspresse <strong>de</strong> LIDIL 58 réunira <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue théoriques <strong>et</strong> pratiques qui illustrent ladiversité, pour ne pas dire le foisonnement, <strong>de</strong> ce champ théorique <strong>dans</strong> lesrecherches francophones en LVE.Mes propres travaux sur les TICE cherchent à savoir si les nouveaux dispositifsd’apprentissage sont effectivement <strong>de</strong>s leviers pour la motivation [Doc. 13, p. 264,Doc. 14, p. 279, T1 ; Doc. 20, 21, 22, 23, T2 ; Doc. 24, 25, 26, 28, 30, T3 ; Pénilla,2008 ; Frost, 2009].Un cheminement théoriqueIl faut souligner que le chercheur ou la chercheuse qui s’engage <strong>dans</strong> le champ <strong>de</strong>la motivation doit s’armer <strong>de</strong> patience <strong>et</strong> <strong>de</strong> courage <strong>et</strong> être conscient(e) <strong>de</strong>s risques,car il ne suffit pas d’être motivé pour réussir ; le présent développement vise àexpliquer pourquoi.L’une <strong>de</strong>s difficultés majeures que rencontre le néophyte face à la motivation,c’est la diversité <strong>de</strong>s théories qui sont en concurrence aujourd’hui <strong>dans</strong> ce domaine.J’ai choisi, parmi ces discours très hétérogènes [pour une revue, voir Dörnyei, 2001,2003, 2005, 2009], ceux qui semblaient convenir à mon obj<strong>et</strong> d’étu<strong>de</strong>, à savoirl’analyse <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> formation en LVE, notamment en anglais, en milieuacadémique. Le premier objectif <strong>de</strong> mon travail théorique [Doc. 16, p. 312, T1], aconsisté à cerner ce métaconcept selon différents points <strong>de</strong> vue :‣ Du point <strong>de</strong> vue ontologique : quelles sont les propriétés que recouvre ceconcept ?56 Les Cahiers <strong>de</strong> l’APLIUT, Volume XXIV, n°2, juin 2005, Éditorial57 Les Langues Mo<strong>de</strong>rnes, n°3, 2008, coordonné par F. Raby58 Entre dispositif <strong>et</strong> concept, la motivation pour l’apprentissage d’une LVE. LIDIL, n°40.Coordonné par J. - P. Narcy-Combes <strong>et</strong> F. Raby203


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse‣ Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> son mécanisme : quels sont les facteurs qui agissent sur lamotivation <strong>et</strong> comment ?‣ Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> son observation : quels sont les indicateurs <strong>de</strong> lamotivation ?Dans c<strong>et</strong>te intention, j’ai cherché à classer les discours théoriques selon un certainnombre <strong>de</strong> critères afin <strong>de</strong> construire mon propre modèle ergonomique : il fallaitconserver les discours capables d’une opérationnalisation sur le terrain. Qu’est ceque j’entends par un modèle opérationnalisable ? Mon travail d’encadrement asouvent exigé que je répon<strong>de</strong> à c<strong>et</strong>te question. C’est un modèle qui peut conduire àl’élaboration d’une hypothèse susceptible d’être validée par l’expérimentation, <strong>de</strong>répondre à <strong>de</strong>s interrogations du terrain par une démarche d’expérience ou encore <strong>de</strong>construire <strong>de</strong>s observations du comportement <strong>de</strong>s agents <strong>et</strong> <strong>de</strong> les interroger, afin <strong>de</strong>mieux comprendre la manière dont ils régulent leur activité d’apprentissage oud’enseignement [Almaberti, 1990, 1998, 1999]. L’opérationnalisation du modèle seréalise au niveau <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> travail, car la question que je me pose n’est pas <strong>de</strong>savoir si les agents sont motivés ou non pour l’enseignement/apprentissage <strong>de</strong> laLVE, mais s’ils sont motivés pour la réalisation <strong>de</strong> telle ou telle tâche en LVE, à untemps T donné <strong>et</strong> pourquoi ; ou encore, s’ils ont <strong>de</strong>s chances, en réalisant telle outelle tâche, d’accroître leur motivation pour l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE. Je suis partiedu modèle qui me semblait le plus « fonctionnel », celui d’Otto <strong>et</strong> Dörnyei, [Dörnyei,2001 ; voir également chapitre 15], <strong>et</strong> je ne cesse <strong>de</strong> le faire évoluer selon ladémarche <strong>de</strong> l’ergonome, en apportant les aménagements que requièrent les r<strong>et</strong>oursdu terrain. Mais avant <strong>de</strong> sélectionner un modèle, j’ai dû prendre connaissance <strong>de</strong>sdiverses théories qui inspiraient les spécialistes <strong>de</strong> la motivation en situationacadémique. Il ne s’agit pas ici <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à un état <strong>de</strong> l’art mais plutôt <strong>de</strong> r<strong>et</strong>racerce parcours <strong>et</strong> d’exposer à quoi il a abouti : j’ai constaté, en eff<strong>et</strong>, que la diversité <strong>de</strong>sauteurs, <strong>de</strong>s écoles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s signifiants révélait à la fois <strong>de</strong>s différences scientifiquesréelles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s concordances. J’ai donc cherché, <strong>dans</strong> un premier temps, pour moimême<strong>et</strong> pour mes étudiants, à clarifier ce qui unissait <strong>et</strong> ce qui différenciait lesthéories en me concentrant sur celles qui avaient un pouvoir explicatif assez204


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseexhaustif <strong>et</strong> qui avaient été appliquées aux situations scolaires ou académiques, àsavoir :‣ La théorie <strong>de</strong> l’autodétermination [Deci, 1975 ; Deci & Ryan, 1982] <strong>et</strong> lemodèle hiérarchique <strong>de</strong> Vallerand [1997].‣ La théorie <strong>de</strong>s buts d’accomplissement [Dweck, 1989, 1996 ; Maehr &Braskamp, 1986 ; Nicholson, 1984]‣ La théorie <strong>de</strong> l’autorégulation [Bandura, 1980, 1993, 2003]‣ La théorie <strong>de</strong> la motivation au travail [Francès, 1995]‣ La théorie <strong>de</strong> la motivation scolaire [Viau, 1999]Les points d’accord entre ces diverses théoriesLa motivation est un métaconcept qui fait appel à d’autres construits relevant <strong>de</strong>diverses disciplines scientifiques.‣ De la psychologie clinique, comme Eros, le besoin d’affirmation,l’importance du regard <strong>de</strong>s autres, la confiance en soi, le sentiment <strong>de</strong> soi,l’estime <strong>de</strong> soi, bref, tout ce qui se rapporte au concept <strong>de</strong> soi ;‣ Mais les concepts du soi se r<strong>et</strong>rouvent aussi <strong>dans</strong> la psychologie cognitive,comme la compétence, la question du contrôle <strong>de</strong> l’action ou la question <strong>de</strong>outils cognitifs : concentration, attention <strong>et</strong> mémoire sont considérées, enpartie, comme <strong>de</strong>s conséquences cognitives <strong>de</strong> la motivation (aujourd’hui, onfait même entrer, à juste titre, l’affordance comme facteur motivationnel).‣ La psychologie sociale apporte les concepts d’internalité <strong>et</strong> d’externalité,l’apprentissage vicariant, l’attribution causale, le lieu <strong>de</strong> contrôle, <strong>et</strong>c.205


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseToutes les théories tournent, d’une manière ou d’une autre, autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux notionsclefs : l’interne <strong>et</strong> l’externe.(Je choisis <strong>de</strong> nominaliser ces <strong>de</strong>ux adjectifs afin d’éviter l’emploi <strong>de</strong> signifiants déjàutilisés <strong>dans</strong> telle ou telle théorie, comme la théorie <strong>de</strong> l’internalité en psychologie sociale).‣ La motivation est un état psychologique, donc interne au suj<strong>et</strong>, mais qui sedéveloppe <strong>dans</strong> l’interaction entre le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> son environnement ou sonmilieu.‣ La motivation est influencée par <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> facteurs : les facteurs internes,liés aux caractéristiques cognitives, affectives <strong>et</strong> sociales du suj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> lesfacteurs externes au suj<strong>et</strong>, qui sont, <strong>dans</strong> le cas qui nous occupe,l’établissement, le professeur, les outils, les tâches, les copains, <strong>et</strong>c.‣ Plus la motivation s’ancre <strong>de</strong> manière interne, plus l’individu est maître <strong>de</strong>ses actions, plus le plaisir <strong>de</strong> l’action est important, plus l’attente est gran<strong>de</strong>,plus le but est stimulant, plus l’autorégulation est forte <strong>et</strong> plus la motivationsera importante.Ces points s’accor<strong>de</strong>nt également aux observations que j’ai pu réaliser au cours <strong>de</strong>mes vingt années <strong>de</strong> visite en classe d’anglais <strong>et</strong> <strong>dans</strong> mes recherches sur lesstratégies cognitives, j’en ai donc fait le socle <strong>de</strong> mon modèle <strong>de</strong> la Motivation pourl’Apprentissage <strong>de</strong> la LVE en Situation Académique. Mais si les théories <strong>de</strong> lamotivation s’accor<strong>de</strong>nt sur ces points, elles divergent sur d’autres questions. Laplupart du temps, il ne s’agit pas d’une franche opposition : ainsi, les théories duconcept <strong>de</strong> soi [Marcus & Nurius, 1986 ; Schunk, 1987, 1989] ne s’opposent pas à lathéorie <strong>de</strong>s buts d’accomplissement ; la théorie <strong>de</strong> l’attribution ne s’oppose pas àcelle <strong>de</strong> l’autodétermination, <strong>et</strong>c. En réalité, comme le souligne Dörnyei à plusieursreprises, les différences viennent la plupart du temps du fait que les chercheurs ontdéveloppé leurs modèles un peu partout <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> entre les années 1930 <strong>et</strong> 1970,sans connaître, au départ, le travail d’autres chercheurs. C’est d’ailleurs pour c<strong>et</strong>teraison qu’on a bien souvent l’impression que les discours se recoupent mais utilisentune terminologie différente. Malgré tout, <strong>de</strong>s différences subsistent <strong>dans</strong> les angles206


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsed’approche <strong>de</strong> la motivation, <strong>dans</strong> l’ampleur <strong>de</strong>s modèles <strong>et</strong> <strong>dans</strong> la manière dont onprétend mesurer l’état motivationnel.Les points <strong>de</strong> différence ou <strong>de</strong> désaccordMotivation ou motivations ?Un premier point qui génère à mes yeux une certaine confusion théorique est laquestion du singulier ou du pluriel. Comme pour le concept <strong>de</strong> compétence, ontrouve <strong>de</strong>s emplois singuliers <strong>et</strong> pluriels du terme chez Ellul, [1982], Francès [1995],Leplat [1997, 2000], Montmollin [1997]. Prenons la définition <strong>de</strong> Francès :La motivation au travail est l’ensemble <strong>de</strong>s aspirationsqu’un travailleur attache à son emploi, chacune d’elles étantaffectée d’un coefficient <strong>de</strong> probabilité qu’il conçoit <strong>de</strong> voirses aspirations se réaliser <strong>dans</strong> l’emploi, en fonction dutravail accompli, <strong>de</strong> la reconnaissance <strong>de</strong> ce travail parl’organisation, <strong>et</strong>c. La théorie repose sur les travaux <strong>de</strong> Hullqui cherche à définir le processus motivationnel comme leproduit <strong>de</strong> plusieurs facteurs. [Francès, 1995, p. 11].L’auteur livre bien ici une définition générique <strong>de</strong> la motivation. Au fil du texte seproduit un glissement sémantique qui fait que, comme les autres auteurs, il parl<strong>et</strong>antôt <strong>de</strong> motivation au singulier, mais le plus souvent au pluriel ; <strong>dans</strong> ce cas, lesmotivations au travail sont synonymes d’attentes ou aspirations. On r<strong>et</strong>rouve lemême problème <strong>dans</strong> le vocabulaire <strong>de</strong> l’ergonomie <strong>de</strong> Montmollin [1997, pp. 207-208] qui emploie <strong>de</strong>ux fois motivation au pluriel <strong>et</strong> une fois au singulier. On trouveun autre exemple encore plus gênant <strong>dans</strong> la présentation du modèle hiérarchique <strong>de</strong>.Les auteurs indiquent qu’il existe trois motivations (intrinsèque, extrinsèque <strong>et</strong> l’amotivation).En fait, ils ne décrivent pas l’état psychologique <strong>de</strong> la motivation maisles conséquences <strong>de</strong> c<strong>et</strong> état : l’engagement <strong>dans</strong> l’activité expliqué par la théorie <strong>de</strong>sbuts.La motivation intrinsèque renvoie à la pratique volontaired’une activité pour le plaisir <strong>et</strong> la satisfaction qu’on enr<strong>et</strong>ire. Par contre, la motivation extrinsèque réfère àl’engagement <strong>dans</strong> une activité <strong>dans</strong> un but non inhérent àl’activité, soit en vue <strong>de</strong> r<strong>et</strong>irer quelque chose <strong>de</strong> plaisant,soit afin d’éviter quelque chose <strong>de</strong> déplaisant une fois celleciterminée. [Vallerand <strong>et</strong> Grouz<strong>et</strong>, 2001, p. 61].207


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseNous comprenons parfaitement la distinction qu’ils établissent mais on ne saitplus très bien, en revanche, ce qui relève <strong>de</strong>s facteurs <strong>et</strong> ce qui relève <strong>de</strong> lamotivation. Mais les auteurs poursuivent, un peu plus loin :Aussi on ne peut pas dire qu’une personne est « motivée »ou non. Il est plus approprié <strong>de</strong> faire référence à unecollection <strong>de</strong> motivations différentes par nature <strong>et</strong> parniveau <strong>de</strong> généralité. [Vallerand & Grouz<strong>et</strong>, 1985, p. 62]Qu’est ce qu’une collection <strong>de</strong> motivations ? En lisant c<strong>et</strong> extrait, on al’impression que la motivation est ramenée aux orientations, attitu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> désirs, <strong>et</strong>non au processus. Il me semble alors que pour ces chercheurs, le problème rési<strong>de</strong>moins <strong>dans</strong> la définition <strong>de</strong> la motivation que <strong>dans</strong> les facteurs qui la déclenchent,d’où le glissement sémantique qui fait qu’on emploie motivation pour désigner unétat ou un processus assez peu défini <strong>et</strong> motivations pour désigner les orientations <strong>et</strong>les buts <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s face à une action ou une tâche. Il faut nous tourner vers Gardner <strong>et</strong>Lambert [1972] pour clarifier les choses. Ils ont défini la motivation comme lerésultat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux facteurs : l’attitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> l’orientation. L’attitu<strong>de</strong> regroupe l’ensemble<strong>de</strong>s croyances qui fon<strong>de</strong>nt nos représentations à l’égard <strong>de</strong> la LVE, notamment lacommunauté qui la parle ; l’orientation correspond aux résultats que nous attendons<strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong> la L2 <strong>et</strong> recouvre la question <strong>de</strong>s buts. Pour ma part, j’ai décidé,en suivant Dörnyei [2001] ou Viau [2004], <strong>de</strong> définir le concept <strong>de</strong> motivationcomme un processus d’ensemble <strong>et</strong> non comme un facteur, <strong>et</strong> je conserve les termesd’orientation ou d’attitu<strong>de</strong> pour évoquer les buts <strong>et</strong> les représentations <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s quiles poussent à agir.Y a-t-il <strong>de</strong>s profils motivationnels ?La théorie psychosociale <strong>de</strong> Gardner <strong>et</strong> Lambert a fourni le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> maréflexion sur c<strong>et</strong>te question. C<strong>et</strong>te théorie a vu le jour au Canada, pays fortementmarqué par une situation <strong>de</strong> bilinguisme, <strong>dans</strong> lequel chaque partie <strong>de</strong> lacommunauté parle une langue dominante <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> : l’anglais <strong>et</strong> le français.L’un <strong>de</strong>s éléments les plus connus <strong>et</strong> les plus cités <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> la motivationchez Gardner est l’intégrativité. On la r<strong>et</strong>rouve sous diverses formes commel’orientation intégrative, l’intégrativité, le motif intégratif, les intégratifs (par208


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseopposition aux individus normatifs). Pourtant, c<strong>et</strong>te notion a toujours suscité <strong>de</strong>sinterrogations. D’abord parce qu’elle n’appartient pas aux théories générales <strong>de</strong> lamotivation en psychologie ; ensuite, parce que s’il est possible d’y associer uncertain type <strong>de</strong> comportements chez les apprenants, il est difficile d’en donner unedéfinition exacte, comme l’a lui-même expliqué Gardner à plusieurs reprises.On peut toutefois attribuer à la communauté qui parle la L2 une dispositionintégrative <strong>et</strong> une orientation affective <strong>et</strong> interpersonnelle positive. Un individuintégratif aura envie <strong>de</strong> découvrir la culture, les mœurs <strong>de</strong>s locuteurs <strong>de</strong> la L2, il luiplaira <strong>de</strong> s’i<strong>de</strong>ntifier à eux quand il parlera leur langue <strong>et</strong> il ira même, <strong>dans</strong> certainscas, jusqu’à abandonner sa communauté d’origine pour s’intégrer totalement à lacommunauté <strong>de</strong> la L2.Viau, <strong>de</strong> son côté, m<strong>et</strong> en relation (<strong>de</strong> manière un peu étrange selon moi) la notion<strong>de</strong> profil motivationnel avec celle <strong>de</strong> dynamique motivationnelle. Après avoir préciséque la motivation d’un élève est en perpétuelle évolution (« Sans se transformercomplètement, à chaque instant la dynamique motivationnelle d’un élève évolueconstamment » [Viau, op. cit., p. 38], il stipule que l’enseignant doit, en quelquesorte, être capable <strong>de</strong> fixer c<strong>et</strong>te dynamique, un peu comme on photographierait unsportif en pleine course :Lorsqu’un enseignant cherche à améliorer la motivationd’un élève, il doit baser son intervention sur la dynamiquemotivationnelle <strong>de</strong> c<strong>et</strong> élève <strong>dans</strong> l’état où elle se trouve aumoment précis où il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’améliorer. L’image fixe qu’ilobtient ainsi <strong>de</strong> la dynamique motivationnelle d’un élèves’appelle le profil motivationnel <strong>de</strong> l’élève. [Viau, 1999,p. 38]Si je comprends la nécessité, pour l’enseignant, <strong>de</strong> dresser un état <strong>de</strong> la motivation<strong>de</strong> l’élève à un temps T donné, qu’il s’agisse <strong>de</strong> sa motivation générale pour la LVEou <strong>de</strong> la motivation pour une tâche donnée, je comprends moins qu’il désigne c<strong>et</strong>teimage nécessairement temporaire sous le terme <strong>de</strong> profil. Ce type d’approcheappliquée aux situations <strong>de</strong> classe ne m’a jamais scientifiquement convaincue, <strong>et</strong> cepour plusieurs raisons. Tout d’abord, je suis intellectuellement très méfiante, d’unemanière générale, à l’égard <strong>de</strong> la notion même <strong>de</strong> profil qui renvoie à une approchefixiste <strong>de</strong> l’individu, tout comme les fameux profils pédagogiques <strong>de</strong> La Garan<strong>de</strong>rie209


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse[1980]. Je ne récuse pas l’intérêt qu’il y a à chercher <strong>de</strong>s styles motivationnels oucognitifs, à condition <strong>de</strong> conserver la distinction entre traits stables <strong>et</strong> traitspermanents, comme le font Julkunen [2001] ou encore Boekaerts [1986]. Julkunenpropose d’expliquer les comportements <strong>de</strong>s élèves liés à la tâche, en combinant <strong>de</strong>sfacteurs généraux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s facteurs spécifiques <strong>de</strong> la motivation. C<strong>et</strong>te distinction rejointcelle établie par Tremblay, Goldberg <strong>et</strong> Gardner [1995] entre les états motivationnels <strong>et</strong>les traits motivationnels, les premiers correspondant à <strong>de</strong>s dispositions stables <strong>et</strong>durables <strong>et</strong> les seconds à <strong>de</strong>s dispositions passagères.Pour conclure ce débat, il faut aussi s’interroger sur la manière dont le chercheurétablit le fameux profil. Les questionnaires, fussent-ils tout à fait compl<strong>et</strong>s, nefournissent qu’une rationalisation, à postériori, par le suj<strong>et</strong>, <strong>de</strong> c<strong>et</strong> état affectif autantque cognitif <strong>dans</strong> un exercice d’introspection [Dörnyei, 2003]. On connait les limites<strong>de</strong> l’exercice. Les réponses sont affectées par l’état du suj<strong>et</strong> au moment où il lesfournit, elles rationnalisent un état qui peut être assez confus <strong>et</strong>, <strong>de</strong> là, s’éloigner <strong>de</strong>la vérité du ressenti [Wermersch, 1990]. Le contexte <strong>de</strong> l’interview ou <strong>de</strong> la passationdu questionnaire n’est pas non plus indifférent, <strong>et</strong> lorsque ce sont les enseignants quitransm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong>s questionnaires à leurs apprenants, <strong>dans</strong> un domaine aussi chargéd’affect, on ne peut que suspecter quelques biais d’expérience 59 . De plus, <strong>dans</strong> lesrecherches empiriques en LVE, on ne procè<strong>de</strong> souvent qu’à une seule passation <strong>et</strong>, àpartir <strong>de</strong> ces résultats, on prétend construire <strong>de</strong>s profils motivationnels <strong>de</strong>s élèves,c’est-à-dire produire la vérité <strong>de</strong> leurs caractéristiques émotionnelles. Des prisesd’informations répétées montrent combien ces résultats sont instables <strong>et</strong> l’idée <strong>de</strong>rechercher <strong>de</strong>s « profils » motivationnels chez <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s apprenants me gêne, tantd’un point <strong>de</strong> vue épistémologique que déontologique. C’est en partie pour c<strong>et</strong>teraison que j’ai décidé <strong>de</strong> m’inscrire <strong>dans</strong> le paradigme processus <strong>et</strong> le courant <strong>de</strong> latask motivation [Julkunen, 2001]. Je ne cherche pas <strong>de</strong>s profils mais <strong>de</strong>s traits ouétats plus ou moins stables, en perpétuelle évolution <strong>et</strong> toujours liés à une macrotâcheou un proj<strong>et</strong> bien défini.59 Je reviendrai sur c<strong>et</strong>te question à la fin <strong>de</strong> mon exposé, lorsque je présenterai la métho<strong>de</strong> que j’aiélaborée pour compenser ce biais.210


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseLa motivation, un phénomène conscient ou inconscient ?La motivation est-elle un phénomène conscient qui relève d’une réflexion par lesindividus sur ce qu’ils ont fait ou vécu, <strong>et</strong> les conduit à anticiper <strong>et</strong> vouloir, <strong>de</strong>manière consciente, tel ou tel comportement ? Ou bien s’agit-il, comme lepostulaient à la fois les béhavioristes <strong>et</strong> la psychanalyse, <strong>de</strong> mécanismes inconscientséchappant à notre contrôle ? La littérature spécialisée part généralement, du principeque la motivation peut s’expliquer par <strong>de</strong>s facteurs conscients. Mais ce n’est pastoujours le cas, <strong>et</strong> si la motivation se résume à la conséquence d’un désir ou d’unepulsion inconsciente, si elle <strong>de</strong>meure sous l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> facteurs inconscients, il ne seraitpas très pertinent d’en faire un obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche scientifique, car cela signifieraitqu’on ne pourrait jamais ai<strong>de</strong>r un élève à prendre conscience <strong>de</strong> ce qui le pousse àécouter (ou non) le cours <strong>de</strong> langue ou bien à s’investir (ou non) <strong>dans</strong> son travail.L’expérience sur le terrain m’a conduite à donner raison <strong>dans</strong> ce débat à Deci <strong>et</strong>Ryan [2002], Bandura [2003] <strong>et</strong> Dörnyei [2001, 2003], lorsqu’ils revendiquent queles comportements d’apprentissage, étudiés sur une pério<strong>de</strong> assez longue, sontactivés <strong>et</strong> régulés, au moins en partie, par <strong>de</strong>s mécanismes cognitifs d’anticipation <strong>et</strong><strong>de</strong> régulation conscients <strong>et</strong> donc, qu’il est possible d’agir sur la motivation, àcondition d’ai<strong>de</strong>r élèves <strong>et</strong> enseignants à m<strong>et</strong>tre à jour ces mécanismes.La motivation, un phénomène cognitif, affectif, conatif ?À l’heure actuelle, le courant dominant les recherches sur la motivation estcaractérisé par l’approche cognitive qui m<strong>et</strong> l’accent sur les connaissances, lespensées, les réflexions <strong>de</strong>s individus, leur manière d’interpréter l’expérience.Humans are social animals, but they are also noteworthy forbeing self-aware. In<strong>de</strong>ed, the capacity for self-reflection,and especially for self-concepts formation, distinguisheshumans from virtually every other species. Research on thisunique feature of human psychology has <strong>de</strong>monstrated thatthe self is more than an epiphenomenon, but rather functionsas an important platform for the regulation of thought,emotion, and interpersonal relations. [Nowak, Vallacher,Zochowski, 2005, p. 368]211


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseC’est une rupture avec l’approche béhavioriste qui voyait les choses en termes <strong>de</strong>stimuli <strong>et</strong> <strong>de</strong> renforcements ou avec les approches psychanalytiques qui parlaientd’instincts, <strong>de</strong> pulsions (drive), d’états émotionnels. Cependant, aucun chercheur,actuellement, ne pourrait nier le rôle <strong>de</strong>s émotions <strong>dans</strong> le déclenchement ou lemaintien <strong>de</strong> la motivation : colère, anxiété, attente, fierté, <strong>et</strong>c. C’est pourquoi, alorsque les <strong>de</strong>ux aspects étaient traités séparément, on tente aujourd’hui <strong>de</strong> trouver leurarticulation. C’est le cas notamment <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s attributions <strong>de</strong> Weiner [1980]sur laquelle nous reviendrons. En ce qui concerne l’apprentissage <strong>de</strong>s languesétrangères, Schumann, <strong>dans</strong> son livre The Neurobiology of Affect in Language,[1998] affirme qu’il s’agit d’un processus fondamentalement piloté par l’émotion, <strong>et</strong>Arnold [1999] <strong>et</strong> Young [1999] lui font écho.Approche holistique ou réductionniste ?Pour expliquer la motivation, on fait appel à <strong>de</strong>s variables ou facteurs générauxmais aussi à d’autres facteurs précisément liés à tel ou tel domaine d’application ; parexemple, la motivation pour les mathématiques <strong>et</strong> la motivation pour les langues nerelèvent pas <strong>de</strong>s mêmes processus. Il y a là un problème épistémique. En outre, onsait que la motivation m<strong>et</strong> en jeu plusieurs facteurs <strong>dans</strong> un processus complexe quiprési<strong>de</strong> à leur interaction. Pour les chercheurs en psychologie, la motivation s<strong>et</strong>raduit par un agrégat <strong>de</strong> comportements qui découlent <strong>de</strong> l’interaction d’un agrégat<strong>de</strong> facteurs. Dans l’approche <strong>de</strong> type « réductionniste », il convient, à partir d’untravail <strong>de</strong> modélisation piloté par une ou <strong>de</strong>ux théories, d’i<strong>de</strong>ntifier un nombrerelativement limité <strong>de</strong> facteurs susceptibles d’expliquer un maximum <strong>de</strong>comportements motivationnels. La métho<strong>de</strong> réductionniste présente un doubleavantage : d’une part, elle perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre à jour avec précision les interrelationsqui s’établissent entre les facteurs sélectionnés <strong>et</strong>, d’autre part, le modèle étant limité,il <strong>de</strong>vient opérationnalisable <strong>dans</strong> le cadre d’une démarche empirique [Doc. 13,p. 264, Doc. 14, p. 279, T1 ; Doc. 21, p. 34, Doc. 26, p. 250, T2].Cependant, l’approche réductionniste (le terme le dit clairement) a pourinconvénient <strong>de</strong> réduire le champ d’investigation du chercheur. Seuls <strong>de</strong>scomportements homogènes <strong>et</strong> relativement rationnels sont pris en compte, audétriment <strong>de</strong> la complexité phénoménologique du mon<strong>de</strong> « réel ».212


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseEntre Charyb<strong>de</strong> <strong>et</strong> Scylla, je pense, comme la plupart <strong>de</strong>s chercheurs <strong>dans</strong> cedomaine, qu’une approche réductionniste est inévitable si on ne veut pas se contenter<strong>de</strong> discourir à propos <strong>de</strong> la motivation, ou bien simplement <strong>de</strong> décrire l’évi<strong>de</strong>nce,parce que les approches « compréhensives », holistiques ou systémiques, ne sont pasopérationnalisables. En revanche, il me semble que les discours généraux issus d’unedémarche philosophique, psychologique ou didactique ont pour rôle <strong>de</strong> critiquer lesmodèles, <strong>de</strong> stimuler la réflexion <strong>et</strong> <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s pistes d’interprétation ou <strong>de</strong>recherches.Comment abor<strong>de</strong>r l’interaction entre les facteurs ?Une autre difficulté liée à l’approche réductionniste rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> le fait que, mêmelorsque le chercheur a bien i<strong>de</strong>ntifié un ensemble <strong>de</strong> facteurs susceptibles <strong>de</strong> prédireles comportements <strong>de</strong>s élèves, il les appréhen<strong>de</strong> comme si ces comportements seproduisaient indépendamment <strong>de</strong>s autres comportements ou actions <strong>dans</strong> lesquels lesélèves sont engagés. Certes, <strong>dans</strong> la classe <strong>de</strong> langue, un élève ne peut pas êtreengagé <strong>dans</strong> toutes sortes d’activités ou actions ; cependant, plusieurs épiso<strong>de</strong>s ouprocessus peuvent être activés simultanément. Aussi, l’un <strong>de</strong>s enjeux <strong>de</strong> la rechercheconsiste à expliquer les interactions entre diverses orientations <strong>de</strong> l’action, diversbuts <strong>et</strong> divers mécanismes <strong>de</strong> contrôle. C’est ce que Dörnyei [2001] appelle lamultiplicité parallèle (<strong>de</strong>s facteurs). L’une <strong>de</strong>s rares chercheuses étrangères à avoirtenté d’approcher la multiplicité parallèle <strong>de</strong> manière empirique est Boekaerts[1998].Des situations <strong>de</strong> travail interdépendantes […] exigent queles étudiants m<strong>et</strong>tent en balance plusieurs buts <strong>et</strong> tâchessimultanément. […] Nous savons encore peu <strong>de</strong> choses surla manière dont ils hiérarchisent leurs buts, dont ils leschangent en fonction <strong>de</strong>s conflits qui peuvent survenir entr<strong>et</strong>el ou tel but. Nous ne savons, aussi, pratiquement rien <strong>de</strong> lamanière dont ils changent leurs stratégies en fonction dusentiment <strong>de</strong> réussite qui les anime <strong>et</strong> <strong>de</strong>s compensationsque cela entraîne entre différentes ressources cognitives.Les recherches à venir <strong>de</strong>vraient s’attaquer à ces questions.[Boekaerts, 1998, p. 21]Mes recherches empiriques m’ont fourni <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>sfacteurs parallèles. Dans le Doc. 16 [T1], je cite une étu<strong>de</strong> longitudinale menée213


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèseauprès d’étudiants travaillant l’anglais en autonomie <strong>dans</strong> un centre <strong>de</strong> langues àl’université. Nous avions <strong>de</strong>mandé aux étudiants <strong>de</strong> tenir un journal <strong>de</strong> leurapprentissage en autonomie en y confiant leurs attentes, leurs succès <strong>et</strong> leurs échecs.Beaucoup d’entre aux, à l’image <strong>de</strong> Marie, étudiante en droit en <strong>de</strong>uxième année,mentionnent l’eff<strong>et</strong> négatif que joue le modèle <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> la fac <strong>de</strong> droit sur samotivation à se prendre en charge <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> son apprentissage <strong>de</strong> l’anglais.En droit, c’est pas pareil, on sait ce qu’on doit faire, on appren<strong>de</strong>t on récite, c’est peut-être moins intéressant mais c’est plusfacile. En fait, en droit, c’est comme au lycée, c’est pas nousqui décidons tandis qu’au CLV, on doit nous-mêmesconstruire notre programme <strong>et</strong> on n’a pas l’habitu<strong>de</strong>.Quelquefois, c’est décourageant, on a l’impression qu’onsait pas où on va. [Marie, journal <strong>de</strong> bord, mars 2004]Suite à ces observations, j’ai décidé d’adopter une démarche qui ne cherche pas àcaractériser les traits stables <strong>et</strong> généraux <strong>de</strong> la motivation en langue, mais,conformément à une approche ergonomique, à caractériser la motivation <strong>de</strong>s élèvesd’une manière locale <strong>et</strong> contextualisée. Plus précisément, je ne me suis pas penchéesur la motivation générale pour la LVE mais plutôt sur la question <strong>de</strong> savoircomment les divers facteurs entrant <strong>dans</strong> la motivation pour la tâche pouvaientaffecter l’activité <strong>de</strong>s agents [Julkunen, 1989, 2001].Approche par les contenus ou par les processusLes recherches sur la motivation en SLA ont été, au départ, dominées par laperspective macrosociale initiée par Gardner <strong>et</strong> ses associés. Ils examinaient lesdispositions motivationnelles générales <strong>de</strong> larges communautés, sans quen’apparaisse la nature changeante <strong>de</strong> la motivation au niveau sociologique ousociopsychologique. À partir du moment où l’on a commencé à s’intéresser à lamotivation en contexte scolaire, elle s’est imposée comme une évi<strong>de</strong>nce [Ushioda,1996 ; Williams & Bur<strong>de</strong>n, 1997 ; Viau, 1999]. Les modèles élaborés par lesspécialistes du contexte scolaire ont tous comme objectif <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> lamotivation comme un processus.214


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEL’approche par les contenusFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseLes théories <strong>de</strong> contenus tentent d’expliquer par quoi on est motivé, les contenuspouvant varier d’un agent à l’autre, d’une tâche à l’autre ; les théories <strong>de</strong> processusdécrivent le processus motivationnel, comment on est motivé ou non. Il n’y a pas <strong>de</strong>divergence sur ce point, les <strong>de</strong>ux théories ne s’affrontent pas, elles sont simplementcentrées sur <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s différents, parfois complémentaires. Les théories <strong>de</strong> contenussont plus anciennes que les théories <strong>de</strong> processus [Francès, 1995 ; Dörnyei, 2005].Elles cherchent à inventorier les diverses attentes qui peuvent mobiliser les agents.Dans le langage courant, le terme motivation regroupe en fait un ensemble <strong>de</strong>contenus. La question « êtes-vous motivé par votre travail en LVE ? » sous-entend« y-a-t-il un aspect <strong>de</strong> votre travail en LVE auquel vous tenez, qui a <strong>de</strong> l’importancepour vous ? ». Les thèmes <strong>de</strong> réponses à c<strong>et</strong>te question (les contenus) ont étésinventoriés, classés par ordre d’importance selon différentes théories que l’oncherche à vali<strong>de</strong>r par <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> performances ou <strong>de</strong>s questionnaires [Dörnyei,2003]. De manière générale, les individus sont motivés par <strong>de</strong>s besoins qu’ilscherchent à satisfaire, comme l’indique la théorie fondatrice <strong>de</strong>s besoinsfondamentaux <strong>de</strong> Maslow [1954] qui porte sur les relations entre personnalité <strong>et</strong>motivation, ou celle <strong>de</strong> Nuttin [1980] qui porte sur les relations entre personnalité,motivation <strong>et</strong> environnement.Accomplissement Personnel (Estime<strong>de</strong> soi)Estime <strong>de</strong>s AutresAmour, appartenance215


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseSécuritéPhysiologiqueFigure 17 - La pyrami<strong>de</strong> <strong>de</strong>s besoins, d’après [Maslow, 1952]C<strong>et</strong>te métaphore hiérarchique exprime le fait que lorsque les besoins d’un niveauinférieur sont satisfaits, même <strong>de</strong> manière incomplète ou temporaire, les individussont sensibilisés à <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> niveau supérieur. Ces <strong>de</strong>rniers <strong>de</strong>viennentimportants <strong>et</strong> acquièrent un pouvoir mobilisateur plus ou moins grand selon leur<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> satisfaction. Cela ne signifie pas que les besoins <strong>de</strong>s niveaux inférieursdisparaissent dès qu’un besoin <strong>de</strong> niveau supérieur émerge. Lorsqu’un besoin estsatisfait (<strong>de</strong> manière constante), il entraîne l’émergence d’un besoin supérieur <strong>dans</strong> lahiérarchie <strong>et</strong> perd <strong>de</strong> l’importance aux yeux du travailleur, au profit du nouveaubesoin. Par exemple, un élève qui s’estime bien noté recherchera davantage lareconnaissance qu’une meilleure note. S’il n’en obtient pas assez <strong>dans</strong> son travail, ilpourra pourtant continuer à réclamer <strong>de</strong>s notes plus élevées en guise <strong>de</strong>compensation mais leur pouvoir mobilisateur sera moindre. Dans certainescirconstances, les besoins satisfaits conservent néanmoins un tel pouvoir. Cesmécanismes <strong>de</strong>s besoins ont été tout à fait éclairants pour la recherche menée sur TellMe More [voir infra]. Il ne faut donc pas avoir une vision linéaire du passage d’unbesoin à un autre, or, c’est le risque auquel on s’expose avec la métaphore <strong>de</strong> lapyrami<strong>de</strong>.On trouve un autre exemple <strong>de</strong> théorie <strong>de</strong> contenus <strong>dans</strong> les travaux <strong>de</strong> Gardner <strong>et</strong><strong>de</strong> ses collaborateurs [Gardner, 1972, 1985], <strong>et</strong> notamment <strong>dans</strong> leur modèle AMBT(Attitu<strong>de</strong> and Motivation Battery Test). L’idée consiste à rechercher l’influence <strong>de</strong>facteurs motivationnels sur l’acquisition <strong>de</strong> la LVE. On considère chaque facteurcomme un élément stable, susceptible d’être extrait à partir <strong>de</strong> batteries <strong>de</strong>questionnaires. Dans ce cas, les auteurs partent du modèle socio-éducationnel <strong>de</strong>Gardner [1985] qui i<strong>de</strong>ntifie 5 variables : l’intégrativité, les attitu<strong>de</strong>s vis-à-vis <strong>de</strong>216


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsel’apprentissage, la motivation, l’orientation intégrative ou l’orientation instrumentale.On cherche ensuite à savoir comment ces variables se corrèlent avec lesperformances <strong>de</strong>s apprenants en LVE ou langue secon<strong>de</strong>. Par exemple, <strong>dans</strong> unerécente méta-analyse, les auteurs ont trouvé que la motivation était le meilleur« prédicteur » <strong>de</strong> succès alors que les orientations ou les attitu<strong>de</strong>s envers la situationd’apprentissage n’agissaient qu’indirectement sur les performances, c’est-à-dire viala motivation [Masgor<strong>et</strong> & Gardner, 2003].Les approches par les contenus ont largement contribué à nous perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>comprendre <strong>de</strong> quoi était faite la motivation pour la LVE : l’image <strong>de</strong> la langue, leplaisir <strong>de</strong> la parler, le désir <strong>de</strong> s’intégrer ou non, le désir <strong>de</strong> trouver un travail <strong>et</strong> plustard, le sentiment <strong>de</strong> compétence, la perception <strong>de</strong> son autonomie, la volonté <strong>de</strong> sedépasser, d’être reconnu par ses pairs, ses parents, ses professeurs, <strong>et</strong>c. Cependant, <strong>de</strong>telles approches reviennent à découper la motivation en une série <strong>de</strong> facteurs discr<strong>et</strong>salors que nous savons aujourd’hui qu’elle naît <strong>de</strong> l’interaction entre toutes sortes <strong>de</strong>facteurs, dont les facteurs cognitifs longtemps ignorés [Dörnyei, 2009, a & b]. Parailleurs, sous-jacente à ces enquêtes se trouve l’idée que la motivation est un étatstable qu’on peut i<strong>de</strong>ntifier <strong>et</strong> décrire à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> questionnaires passés <strong>de</strong> 1 à x fois,or, c’est au contraire un état extrêmement labile. Enfin, c’est ignorer l’importance ducontexte ou <strong>de</strong> l’environnement, tant du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’activité concernée(l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE) que du point <strong>de</strong> vue du recueil <strong>de</strong>s données (lesconditions <strong>de</strong> passation <strong>de</strong>s questionnaires).Au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies, les théories <strong>de</strong> contenus se sont vueslargement concurrencées par les théories du processus, qui intègrent les contenusenvisagés autrefois <strong>de</strong> manière séparée, mais <strong>dans</strong> une perspective dynamique <strong>et</strong>systémique [voir, pour une revue, Dörnyei, 2009, pp. 209-219].L’approche par les processusLes théories <strong>de</strong> processus cherchent à préciser comment <strong>de</strong>s variablesinteragissent pour mobiliser le comportement <strong>de</strong>s agents. On trouve tout d’abord <strong>de</strong>sthéories assez anciennes mais plutôt négligées aujourd’hui, comme celle <strong>de</strong> Hull queje vais présenter ici, ou celle <strong>de</strong> Lewin, avec le concept d’espace <strong>de</strong> vie [1952].Chacune <strong>de</strong> ces théories postule l’existence <strong>de</strong> forces motivationnelles217


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsecontradictoires qui ne sont pas seulement cognitives ou affectives mais égalementsociales. Ce sont les théories dominantes en SLA <strong>de</strong>puis le fameux « educationalshift » <strong>de</strong>s années 1990 [Oxford, 1999], c’est-à-dire <strong>de</strong>puis que les théoriciens <strong>de</strong> lamotivation se sont intéressées à la motivation à l’école. En eff<strong>et</strong>, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssituations <strong>de</strong> formation a exigé que soit envisagée la motivation sur le plan temporel,<strong>dans</strong> son évolution, <strong>et</strong> donc que l’on passe d’une approche structuraliste, <strong>de</strong> type« état », à une approche plus dialectique, <strong>de</strong> type « processus ».J’ai souhaité évoquer c<strong>et</strong> ensemble <strong>de</strong> points <strong>de</strong> friction théoriques en introductionà c<strong>et</strong>te partie <strong>de</strong> mes travaux pour <strong>de</strong>ux raisons. La première est que ces difficultésthéoriques ont émaillé mon parcours, <strong>et</strong> en faire le bilan m’ai<strong>de</strong>ra <strong>dans</strong> uneperspective future ; la <strong>de</strong>uxième raison, c’est que je souhaitais faire une sorted’avertissement, un peu à la manière <strong>de</strong>s essayistes du 18 ème siècle, un clin d’œil aulecteur pour qu’il soit bien conscient <strong>de</strong>s difficultés qu’il existe à prendre lamotivation directement comme obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche, peut-être une sorte <strong>de</strong> captatiobenevolentiae, je le reconnais ici volontiers.Chapitre 7 Un modèle dynamique pour <strong>de</strong>s recherches <strong>de</strong>terrainAvec le développement <strong>de</strong>s recherches menées en milieu académique <strong>et</strong>, pour leslangues, l’avènement du CECRLE, la motivation pour la tâche est un champ qui n’acessé <strong>de</strong> se développer [Julkunen, 1999, 2001]. Selon Dörnyei [2003, p. 14], c’est laforme la plus aboutie <strong>de</strong>s approches dites situées <strong>de</strong> la motivation. Pour Hackman, lechercheur à l’origine <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te théorie, il y a cinq facteurs susceptibles d’influer sur lamotivation :La variété <strong>de</strong>s taches (V) ;Les tâches pouvant être réalisées entièrement (I pour i<strong>de</strong>ntité) ;La signification <strong>de</strong>s tâches (S) ;218


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEL’autonomie individuelle (A) ;Françoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseUn r<strong>et</strong>our sur ses activités (F pour feedback).Hackman <strong>et</strong> Oldham [1965, p. 250] proposent alors une formule afin <strong>de</strong> calculerun score <strong>de</strong> motivation :Score =Enfin, en 1975, les <strong>de</strong>ux auteurs complèteront leur modèle en ajoutant <strong>de</strong>s facteursissus <strong>de</strong>s théories <strong>de</strong> l’estime <strong>de</strong> soi <strong>et</strong> du concept <strong>de</strong> soi développés par Hunt [1965].Ce modèle n’est pas loin <strong>de</strong> celui développé par Vroom [1964] 60 . C<strong>et</strong>te théoriecognitiviste, appelée aussi « la théorie du résultat escompté », repose sur troisconcepts :La « valence » (V) : c’est la valeur, positive ou négative, que l’on attribue aurésultat <strong>de</strong> ses actions ou <strong>de</strong> sa performance. C’est répondre à la question : ce quej’obtiens en r<strong>et</strong>our pour ma performance accomplie, est-ce important ou non pourmoi ? Dans le cadre du travail, par exemple, l’important pour certains peut être leniveau du salaire, pour d’autres, avoir du temps libre. Ces préférences sontmesurables sur une échelle <strong>de</strong> -10 à +10.L’« instrumentalité » (I) : est-ce que la performance est corrélée avec le résultat ?C’est la probabilité perçue du lien entre la performance à atteindre <strong>et</strong> ce quej’escompte en r<strong>et</strong>our. C’est répondre à la question : si je fais ceci, alors est-ce quej’obtiendrai cela en r<strong>et</strong>our ? Mesurable sur une échelle <strong>de</strong> 0 à 1.60 On trouvera une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> ce modèle <strong>de</strong> motivation en français <strong>dans</strong> : Levy-Leboyer, C. <strong>et</strong>Spérandio J.-C. (1987). Traité <strong>de</strong> psychologie du travail. PUF ou plus récemment <strong>dans</strong> Legrain H.(2003). Motivation à apprendre : mythe ou réalité ? (pp. 42-51). L’Harmattan.219


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - SynthèseL’« attente » (E) : est-ce que l’effort aboutit à une performance ? C’est répondre àla question : si je me mobilise pour faire cela, est-ce que j’arriverai à c<strong>et</strong>teperformance ? Mesurable sur une échelle <strong>de</strong> 0 à 1. Vroom propose une formulecalculant la force <strong>de</strong> la motivation (F) :L’intérêt <strong>de</strong> ce modèle rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> les recherches quantitatives qui ont pu montrerun lien entre la motivation, ainsi mesurée, <strong>et</strong> les efforts déployés <strong>dans</strong> un travail ouun apprentissage.Pour mes premières recherches [Doc.13, p. 264, Doc. 14, p. 279, T1], je me suisappuyée sur le modèle d’Otto <strong>et</strong> Dörnyei [1998, 2001, 2003] pour trois raisonsessentielles. Tout d’abord, il fait partie <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> la motivation académique 61 .À ce titre, il examine la motivation <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> travail, un travaild’enseignement ou d’apprentissage, ce qui correspond parfaitement à l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> mesrecherches. Par ailleurs, bien qu’il ne m<strong>et</strong>te pas en avant le facteur linguistique, il aété conçu par <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> SLA <strong>et</strong> la dimension LVE s’intègre doncparfaitement <strong>dans</strong> ce modèle. Enfin <strong>et</strong> surtout, c’est un modèle dynamique dontl’objectif est <strong>de</strong> suivre l’évolution <strong>de</strong>s agents <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> travail données,il est donc conforme à ma démarche ergonomique [Dörnyei, 2003, pp. 18-21].To summarize the essence of the approach in one (long)sentence, a process mo<strong>de</strong>l of L2 motivation breaks down theoverall motivational process into several discr<strong>et</strong>e temporalsegments organized along the progression that <strong>de</strong>scribeshow initial wishes and <strong>de</strong>sires are first transformed intogoals and then into operationalized intentions, and howthese intentions are enacted, leading (hopefully) to theaccomplishment of the goal and conclu<strong>de</strong>d by the finalevaluation of the process. [Dörnyei, 2003, p. 18]61 (je préfère académique à éducatif pour traduire educational)220


TROISIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèse221


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-CHOICE MOTIVATION EXECUTIVE MOTIVATION MOTIVATIONAL RETROSPECTIONMotivational functionsS<strong>et</strong>ting goalsForming intentionsLaunching actionsMain motivational influencesVarious goal propertiesValues associated with the learningMotivational functionsGenerating and carrying on subtasksOngoing appraisal of one’s achievementAction control (self-regulation)Main motivational influencesQuality of the learning experienceSense of autonomyMotivational functionsForming causal attributionsElaborating standards and strategiesDismissing intention and further planningMain motivational influencesAttribution factors (internal versus externallocus of control)processes itself, as well as with itsTeacher’s and parents’ influenceSelf-concept beliefs (self-confi<strong>de</strong>nce and selfworth)outcomes and consequencesClassroom rewardAttitu<strong>de</strong>s towards the FL and itsReceived feedback (praise, criticisms, gra<strong>de</strong>s)speakersInfluence of the learner’s groupGroup feedback: peers’ appraisalExpectancy of success and perceived Environmental support or hindranceParents’ appraisalcoping potentialKnowledge and use of regulatory strategiesLearner beliefs and strategiesEnvironmental support or hindranceFigure 18 - Le modèle dynamique <strong>de</strong> Dörnyei [2003, p. 19]222


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Dans mes premières recherches, j’ai pu tester tel ou tel facteur ou bien analyser telle ou tellephase du processus. Ainsi, <strong>dans</strong> la recherche au centre <strong>de</strong> langues, j’ai testé l’influence dufacteur instrumental <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’autonomie sur l’évolution <strong>de</strong> la motivation <strong>de</strong>s apprenants [Doc. 14,p. 279] ; <strong>dans</strong> la recherche Tell Me More, j’ai étudié l’impact d’un dispositif d’enseignementtutoré à distance sur l’évolution <strong>de</strong> la motivation <strong>de</strong>s apprenants <strong>et</strong> l’impact motivationnel <strong>de</strong>l’ergonomie du logiciel. Mais c’est avec le programme ESCALE [Doc. 24, p. 9, Doc. 25, p. 34,T3] que j’ai été en mesure <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre pleinement en œuvre ce modèle ergonomique <strong>de</strong> lamotivation. Je ne vais pas reprendre ici en détail la démarche dynamique <strong>et</strong> triangulée que j’aiexposée au chapitre 8 du présent ouvrage mais simplement en rappeler les gran<strong>de</strong>scaractéristiques. Par ailleurs, afin <strong>de</strong> rendre mon propos plus concr<strong>et</strong>, je prends le cas <strong>de</strong>s élèvesou <strong>de</strong>s apprenants, mais les mêmes caractéristiques s’appliquent, à peu <strong>de</strong> chose près, aumodèle appliqué aux enseignants.Analyse du processus [Doc. 25, pp. 35-42, T3]Tout d’abord, puisqu’il s’agit d’un modèle <strong>de</strong> type processus, je rappelle la définition duprocessus compl<strong>et</strong> qui résume le tableau ci-<strong>de</strong>ssus <strong>et</strong> que j’ai eu l’occasion d’élaborer <strong>dans</strong>l’article publié pour Les Langues Mo<strong>de</strong>rnes :La motivation pour apprendre une langue étrangère en situationacadémique peut être définie comme un mécanisme psychologique quigénère le désir d’apprendre la langue secon<strong>de</strong>, qui déclenche <strong>de</strong>scomportements d’apprentissage, notamment la prise <strong>de</strong> parole en classe<strong>de</strong> langue, qui perm<strong>et</strong> à l’élève <strong>de</strong> maintenir son engagement à réaliserles tâches proposées, quel que soit le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> réussite immédiate <strong>dans</strong>son interaction avec les autres élèves ou le professeur, qui le conduit àfaire usage <strong>de</strong>s instruments d’apprentissage mis à sa disposition(manuel, dictionnaire, tableau, cédéroms) <strong>et</strong> qui, une fois la tâch<strong>et</strong>erminée, le pousse à renouveler son engagement <strong>dans</strong> le travaillinguistique <strong>et</strong> culturel. [Doc. 16, p. 315, T1]La phase préopératoire : « choice motivation »Elle concerne la manière dont l’engagement <strong>dans</strong> l’action est généré par un ensemble <strong>de</strong>facteurs qui comman<strong>de</strong>nt le choix <strong>de</strong> s’engager ou non <strong>dans</strong> l’action. J’ai décomposé c<strong>et</strong>teétape en <strong>de</strong>ux phases, du fait que je ne cherche pas seulement à i<strong>de</strong>ntifier les choix opératoires223


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsemaisaussi à savoir si le dispositif aura une influence ou non sur la motivation <strong>de</strong>s élèves. Il mefaut donc dresser un état <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> leur motivation avant la phase préopératoire, <strong>et</strong> ceciavant même qu’ils n’aient entendu parler du proj<strong>et</strong>. Sinon, on court le risque d’instiller <strong>de</strong>sreprésentations <strong>dans</strong> la tête <strong>de</strong>s apprenants simplement en évoquant le proj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> <strong>de</strong> déjà m<strong>et</strong>treen marche, plus ou moins consciemment, l’action du dispositif. J’insiste sur ce fait auprès <strong>de</strong>sétudiants.Les influences qui agissent au cours <strong>de</strong> la phase préopératoireSur la formation <strong>de</strong> but‣ Les valeurs <strong>et</strong> normes subjectives qui se sont développées comme résultats <strong>de</strong>l’expérience passée.‣ Ces valeurs <strong>et</strong> normes générales interagissent avec <strong>de</strong>s incitations liées à la langue ellemême: le plaisir <strong>de</strong> la langue, sa valeur instrumentale (métier, voyages).‣ L’expectation du but : la confiance que l’individu a en la possibilité <strong>de</strong> réaliser la tâche(potency en anglais). La puissance <strong>de</strong> l’expectation <strong>de</strong> succès.‣ Les facteurs externes : les expectations <strong>de</strong> la famille, du professeur, du collègue, <strong>de</strong>l’institution, influencent aussi fortement la formation <strong>de</strong> but.Sur la formation d’intention‣ La pertinence du but‣ L’expectation <strong>de</strong> succès‣ Le calcul coût/bénéfice‣ Le besoin d’accomplissement/la peur <strong>de</strong> l’échec‣ L’autodétermination/autonomie <strong>de</strong> l’apprenant224


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-On peut dire, pour articuler ces facteurs, que la formation d’intention dépend <strong>de</strong>s aspirationsqu’un agent attache à la tâche affectée ainsi que du coefficient <strong>de</strong> probabilité <strong>de</strong> la réalisation<strong>de</strong> ses aspirations. Elle dépend, ensuite, <strong>de</strong> la valeur qu’il accor<strong>de</strong> aux conséquences qu’aurapour lui la réalisation ou la non-réalisation <strong>de</strong> la tâche.Sur la formation <strong>de</strong> plan d’actionLa motivation dépend, enfin, <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> liberté <strong>et</strong> <strong>de</strong> contrôle dont l’agent pense pouvoirdisposer <strong>dans</strong> la régulation <strong>de</strong> la tâche : fixation <strong>de</strong> nouveaux buts, recours à ses propresressources <strong>et</strong> stratégies. Cela concerne :‣ Les ressources <strong>et</strong> moyens‣ La compréhension <strong>de</strong>s consignes‣ Les croyances à propos <strong>de</strong> l’apprentissage d’une langue‣ La connaissance <strong>de</strong>s stratégies liées au scénario‣ Une connaissance suffisante du domaine linguistique <strong>et</strong> du domaine <strong>de</strong> tâche <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’instrumentMais ces influences peuvent ne pas suffire, d’où l’existence <strong>de</strong> contraintes d’apprentissage :‣ L’urgence‣ Une contrainte externe‣ Une occasion uniqueSur l’entrée <strong>dans</strong> l’actionSelon Otto <strong>et</strong> Dörnyei, il existe une <strong>de</strong>rnière étape à franchir avant <strong>de</strong> commencer àdévelopper <strong>de</strong>s comportements, étape qui dépend <strong>de</strong> :225


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-‣ La perception du contrôle comportemental : le sentiment <strong>de</strong> facilité ou <strong>de</strong> difficultépour réaliser le comportement. En d’autres termes, il faut avoir l’impression qu’on peutmaîtriser le résultat pour fournir l’effort <strong>de</strong> commencer à le réaliser ;‣ Il faut aussi venir à bout <strong>de</strong> forces négatives qui entrent en compétition avec l’effort <strong>et</strong>le désir : distractions ou obstacles ;‣ Enfin, élément particulièrement important pour nous, l’anticipation <strong>de</strong>s conséquencesd’une non action (sanction, échec).La phase opératoireLe groupe le plus important concerne le processus d’appréciation (appraisal). Vient ensuitel’efficacité du processus <strong>de</strong> contrôle, l’impact <strong>de</strong> forces extérieures, comme le professeur ou lepair, au cours <strong>de</strong> l’action.La valeur <strong>de</strong> l’expérienceLa perception <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> l’expérience d’apprentissage puise <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s sentiments divers,comme l’impression que l’activité requise produit <strong>de</strong> la nouveauté <strong>et</strong> du plaisir ou qu’ellesatisfait un besoin linguistique, culturel ou social.La perception <strong>de</strong> l’efficacitéLa perception d’une relation efficace entre action <strong>et</strong> résultat <strong>et</strong>, éventuellement, d’unprogrès. On peut voir <strong>dans</strong> les questionnaires sur quoi porte le progrès pour les élèves parrapport aux trois domaines <strong>de</strong> tâche. La perception du coût cognitif ou affectif : la chargecognitive est-elle trop gran<strong>de</strong> ? La prise <strong>de</strong> risque est-elle trop importante ?Les mécanismes <strong>de</strong> contrôleLa possibilité d’une régulation satisfaisante : sentiment d’autonomie, capacité à m<strong>et</strong>tre enœuvre une stratégie efficace ou à utiliser les ressources <strong>et</strong> les instruments pour corriger lastratégie en cours <strong>de</strong> l’activité.226


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-L’impact <strong>de</strong> l’environnementLa classe <strong>de</strong> langue est un lieu d’interactions permanentes entre élèves, professeur,instruments <strong>et</strong> pairs. La manière dont l’élève perçoit ces instruments matériels ou humains <strong>de</strong>l’activité [Raby, 1996] (comme <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s à l’autorégulation ou, au contraire, comme <strong>de</strong>s« distracteurs », voire <strong>de</strong>s détracteurs <strong>de</strong> son travail) agit sur sa capacité à maintenir son effort.La phase postopératoireOn r<strong>et</strong>rouve les mêmes facteurs liés à l’évaluation du résultat mais c<strong>et</strong>te fois-ci, elle estorientée vers le produit (final ou intermédiaire) <strong>et</strong> non vers le processus.Quatre facteurs entrent <strong>dans</strong> l’évaluation :‣ L’adéquation entre la tâche redéfinie <strong>et</strong> la tâche réalisée‣ L’adéquation entre la tâche prescrite <strong>et</strong> la tâche réalisée‣ Le coût en termes d’efforts consentis par rapport à la valence‣ La récompense obtenue <strong>de</strong> manière interne (sentiment <strong>de</strong> satisfaction) ou <strong>de</strong> manièreexterne, récompenses sous forme <strong>de</strong> note ou compliments <strong>de</strong> l’entourage).L’analyse du résultat est influencée par <strong>de</strong>s facteurs liés à l’expérience [voir la théorie <strong>de</strong>l’attribution, Wiener, 1982, 1992]. La clef ici, c’est la gran<strong>de</strong> variabilité interindividuelle. Onparle <strong>de</strong> styles attributifs <strong>et</strong> <strong>de</strong> biais attributifs. Les croyances liées au concept <strong>de</strong> soicomprennent le niveau <strong>de</strong> confiance en son efficience <strong>et</strong> le niveau <strong>de</strong> confiance en sonefficacité, d’autocompétence <strong>et</strong> <strong>de</strong> sentiment <strong>de</strong> sa valeur. Ceux qui ont un score élevé sur ceséchelles ont tendance à mieux se juger <strong>et</strong> à persévérer, contrairement à ceux qui ont une piètreimage d’eux-mêmes. Par ailleurs, l’analyse du travail montre que les suj<strong>et</strong>s qui répon<strong>de</strong>nt à lanorme d’internalité, c’est-à-dire qui attribuent la responsabilité <strong>de</strong> leurs succès ou <strong>de</strong> leurséchecs à eux-mêmes <strong>et</strong> non à <strong>de</strong>s facteurs externes, ont une motivation plus stable <strong>et</strong> plus forte,même s’ils n’ont pas forcément un très bon niveau <strong>dans</strong> la langue [Doc. 13, p. 246].227


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Les étapes <strong>de</strong> la recherchePremière étape : état <strong>de</strong>s lieuxL’état <strong>de</strong>s lieux se subdivise lui-même en <strong>de</strong>ux étapes : l’état <strong>de</strong>s lieux général, qui donnelieu à un questionnaire général, <strong>et</strong> l’état <strong>de</strong>s lieux spécifique qui génère un état <strong>de</strong>s lieux enrelation avec le proj<strong>et</strong> pédagogique qui va être proposé.Etat <strong>de</strong>s lieux généralIl porte sur les attitu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> orientations motivationnelles <strong>de</strong> l’élève vis-à-vis <strong>de</strong> l’école, vis-àvis<strong>de</strong> la LVE, vis-à-vis <strong>de</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> la LVE, <strong>et</strong> vis-à-vis <strong>de</strong> son concept <strong>de</strong> soi(sentiment <strong>de</strong> compétence académique, sentiment <strong>de</strong> confiance linguistique). Ce questionnairea une double fonction : d’une part, il sert à se forger une image générale du groupe classe ou dugroupe d’apprenants, d’autre part il sert à prédire l’évolution <strong>de</strong> la motivation (au sens que l’onattribue à c<strong>et</strong>te expression en statistique, bien sûr). C’est-à-dire qu’à partir <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s <strong>et</strong>orientations exprimées par les élèves, on va ém<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s hypothèses sur la manière dont l’élèvepourra réagir aux diverses caractéristiques du proj<strong>et</strong>. Par exemple, un élève qui a peu <strong>de</strong>confiance linguistique pourra redouter d’avoir à écrire un article <strong>de</strong> journal ou à l’inverse, unélève d’orientation intégrative se sentira plus motivé pour s’orienter vers un travail <strong>de</strong> blog.Lors du traitement <strong>de</strong>s résultats, on peut ensuite comparer l’activité <strong>de</strong> l’élève <strong>et</strong> ses réponsesaux questionnaires intermédiaires <strong>et</strong> finaux <strong>et</strong> vérifier la validité <strong>de</strong>s hypothèses émises.228


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Q1Globalement, à l’école, je réussisCoche la réponse qui te convientpas du tout plutôt mal irrégulièrementasses bien bien très bienQ2 Je réussis plutôt bien parce que :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponsesC’est facileJe veux avoir un bon métierJ’aime l’ambiance à l’écoleJe trouve ça intéressantJ’aime avoir <strong>de</strong> bonnes notesQ3 Je ne réussis pas toujours à l’école parce que :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponsesC’est difficileJe ne vois pas l’intérêt <strong>de</strong> ce qu’on fait pour un métierJe n’aime pas l’ambiance à l’écoleJe m’ennuie en coursLes notes, c’est pas très importantQ4En anglais, globalement, je réussisCoche la réponse qui te convientpas du tout plutôt mal irrégulièrementasses bien bien très bienQ5 Je réussis plutôt bien en anglais parce que :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponsesC’est facileJ’aime c<strong>et</strong>te matière229


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-J’ai eu <strong>de</strong> bons profs en anglaisJe fais <strong>de</strong> l’anglais à côtéJe vais <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s pays où on parle anglaisQ6 Je ne réussis pas toujours en anglais parce que :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponsesC’est difficileJe n’aime pas c<strong>et</strong>te langueJ’ai eu <strong>de</strong> mauvais profs en anglaisJe ne m’intéresse pas assez à la culture anglaise :films chansons, livres,<strong>et</strong>c.Je ne vais pas <strong>dans</strong> <strong>de</strong>spaysoù on utilise l’anglaisQ7Globalement, l’anglais, c’est une matièreCoche la réponse qui te convientpas importante assez importante vraiment importantepeu importante importante très importanteQ8 C’est une matière importante parce que :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponsesÇa me perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> communiquer avec tout le mon<strong>de</strong>C’est indispensable pour avoir un métier intéressantÇa vaut un gros coefficient au bacOn peut tout comprendre sur Intern<strong>et</strong> avec l’anglaisÇa perm<strong>et</strong> d’avoir <strong>de</strong>s bonnes notesQ9 Ce n’est pas une matière si importante parce que :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponses230


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Je n’en ai pas besoin pour communiquerje ne m’en servirai pas pour mon futur métierÇa vaut pas un gros coefficient au bacSur le n<strong>et</strong> il y a plein <strong>de</strong> dictionnaires en ligneMes parents disent qu’on peut s’en passerQ10 Pour moi, savoir l’anglais, c’est :Classe tes réponses par ordre d’importance<strong>de</strong> 1 à 5.Tu n’es pas obligé <strong>de</strong> classer toutes lesréponsesOser s’adresser à quelqu’un en anglaisSavoir faire <strong>de</strong>s phrases correctes en anglaisConnaître la culture <strong>de</strong>s pays où on parle anglaisComprendre ce que <strong>de</strong>s gens disent en anglaisComprendre ce que <strong>de</strong>s gens écrivent en anglaisEtat <strong>de</strong>s lieux spécifiqueC’est la <strong>de</strong>uxième étape <strong>de</strong> la recherche. Le questionnaire part <strong>de</strong>s caractéristiquesdu proj<strong>et</strong> qui vont être proposées à l’élève pour savoir s’il a déjà expérimenté l’une<strong>de</strong>s ces caractéristiques (par exemple, l’autonomie, le travail <strong>de</strong> groupe, la correctioncollective, <strong>et</strong>c.,) ou, s’il ne l’a pas expérimentée, quelle image il ou elle en a d’unpoint <strong>de</strong> vue ontologique (qu’est ce que c’est ?) <strong>et</strong> d’un point <strong>de</strong> vue axiologique (estceque c’est bien ?). Là encore, le but est <strong>de</strong> voir comment ces représentationsévoluent tout au long du proj<strong>et</strong>.Exemple :Ceci est un extrait d’un questionnaire remis aux élèves avant le proj<strong>et</strong> ESCALE,qui allait faire travailler les groupes en situation Informatique sur le Web. Lequestionnaire avait pour objectif d’i<strong>de</strong>ntifier les usages d’Intern<strong>et</strong> <strong>et</strong> le sentiment <strong>de</strong>sélèves sur leurs compétences en informatique. Nous souhaitions notammentintroduire la question du genre (fille <strong>et</strong> garçons face à l’informatique). Il était doncimportant <strong>de</strong> savoir si, au départ <strong>de</strong> l’expérience, ce sentiment <strong>de</strong> compétence eninformatique était moindre chez les filles que chez les garçons, comme l’affirmait lalittérature [Doc. 13, pp. 267-269, T1], <strong>et</strong> comment les différences éventuelles231


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-évolueraient tout au long du proj<strong>et</strong>.232


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Maintenant quelques questions sur toi <strong>et</strong> l’ordinateur :ton équipement : coche la bonne réponse6/ J’ai un ordinateur chez moi :□ oui□ non (passe à la question n°9)Si oui :□ C’est le mien□ Je le partage avec d’autres membres <strong>de</strong> ma famille7/ J’ai plusieurs ordinateurs chez moi :□ oui□ nonSi oui, combien ? …………………8/ Je dispose d’un abonnement Intern<strong>et</strong> :□ oui□ nonSi oui, lequel ?□ ADSL□ Forfait <strong>de</strong> …… heures□ Numéricable□ On paye au tarif <strong>de</strong>s communications locales□ Autre :……………..9/ Je sais me servir d’un ordinateur□ oui□ nonSi, oui,Je le manipule <strong>de</strong>puis :□ moins <strong>de</strong> six mois□ moins d’un an□ entre un <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux ans□ <strong>de</strong>ux ans <strong>et</strong> plus10/ J’ai appris à me servir d’un ordinateur(Classe par ordre d’importance)□ à école□ grâce à ma famille□ grâce à <strong>de</strong>s ami(e)s□ en consultant <strong>de</strong>s ouvrages□ autres :…………………….11/ En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’école, j’utilise un ordinateur :□ tous les jours□ <strong>de</strong>ux à trois fois par semaine□ une fois par semaine233


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-□ moins d’une fois par semaine12/ À chaque fois que j’utilise un ordinateur, le temps moyen que j’y passe est<strong>de</strong> :□ moins d’un quart d’heure□ moins d’une <strong>de</strong>mi-heure□ moins d’une heure□ entre une <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux heures□ plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heuresQuestionnaire 1 lié à l’usage <strong>de</strong> l’ordinateurDeuxième étape : l’attente vis-à-vis du proj<strong>et</strong>Nous sommes toujours <strong>dans</strong> la phase préopératoire mais c<strong>et</strong>te fois, les apprenantsviennent <strong>de</strong> prendre connaissance du proj<strong>et</strong>. Le questionnaire préopératoire a unevisée cognitive que nous avons évoquée en quatrième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage : repérerla manière dont les élèves ont transposé la tâche prescrite. Il a aussi une viséemotivationnelle qui consiste à repérer ce que les élèves atten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la macrotâche oudu proj<strong>et</strong> (sont-ils intéressés ? Prévoient-ils <strong>de</strong>s difficultés ? Quel est le but langagier<strong>et</strong> actionnel <strong>de</strong> la tâche ? Quelles en sont les consignes ?). Le but <strong>de</strong> ce questionnaireest <strong>de</strong> savoir quels facteurs négatifs ou positifs risquent <strong>de</strong> peser sur le proj<strong>et</strong> <strong>et</strong>, à lafin <strong>de</strong> l’action, comment la motivation aura évolué du fait <strong>de</strong> l’exécution du proj<strong>et</strong>.Troisième étape : la phase opératoireDurant la phase opératoire, j’évite d’administrer <strong>de</strong> nouveaux questionnaires quialourdiraient l’intervention <strong>de</strong>s chercheurs. C’est plus par l’observation <strong>de</strong>scomportements durant l’activité, grâce à <strong>de</strong>s observateurs humains ou à <strong>de</strong>senregistrements vidéo, <strong>et</strong> par l’analyse <strong>de</strong>s productions <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> toute nature quenous pouvons suivre le maintien <strong>de</strong> l’engagement <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntifier certaines stratégiesrégulatrices. C’est donc ici le facteur cognitif qui prime [voir troisième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>ouvrage] <strong>et</strong> nous procédons à une analyse <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> main pour extraire<strong>de</strong>s informations sur la motivation [Doc. 24, pp. 49-53, T3].234


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Dernière étape: l’étape réflexiveJe vais donc maintenant passer directement à la troisième colonne du tableau,celle qui concerne la phase rétrospective ou d’évaluation du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> du succès. Lequestionnaire reprend les mêmes items que ceux présentés <strong>dans</strong> le questionnairespécifique, ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> déterminer si la motivation a changé <strong>et</strong> comment elle aévolué.235


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-QUESTIONNAIRE PROACTIFQUESTIONNAIRE RETROACTIFTu vas bientôt réaliser une page présentant la page d’accueil d’un journal.Tu viens <strong>de</strong> réaliser une page Web présentant la page d’accueil d’u1/ J’ai envie <strong>de</strong> faire ce genre <strong>de</strong> travail□ pas du tout□ moins que d’habitu<strong>de</strong>□ comme d’habitu<strong>de</strong>□ plus que d’habitu<strong>de</strong>□ beaucoup1/ Tu as apprécié c<strong>et</strong>te forme <strong>de</strong> travail□ pas du tout□ moins que d’habitu<strong>de</strong>□ comme d’habitu<strong>de</strong>□ plus que d’habitu<strong>de</strong>□ J’ai beaucoup aimé2/ Je pense que travailler <strong>de</strong> manière autonome :□ cela va beaucoup m’ai<strong>de</strong>r à progresser2/ Tu penses que travailler sur l’ordinateur :□ cela t’as beaucoup aidé à progresser236


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-□ cela va moyennement m’ai<strong>de</strong>r à progresser□ cela va peu m’ai<strong>de</strong>r à progresser□ cela ne va pas du tout m’ai<strong>de</strong>r à progresser□ cela t’as assez aidé à progresser□ cela t’as peu aidé à progresser□ cela ne t’as pas du tout aidé à progresser3/ Le fait que mon travail soit mis sur le site Web <strong>et</strong> pas seulement noté par leprofesseur :□ est une source d’effort supplémentaire□ est une source <strong>de</strong> plaisir supplémentaire□ est une source <strong>de</strong> stress□ n’a aucune inci<strong>de</strong>nce3/ Le fait que ton travail soit publié sur Intern<strong>et</strong> :□ est une source d’effort supplémentaire□ est une source <strong>de</strong> plaisir supplémentaire□ est une source <strong>de</strong> stress□ est une source <strong>de</strong> blocage□ n’a aucune inci<strong>de</strong>nce4/ Le fait que mon travail soit noté par le professeur :□ est une source d’effort supplémentaire4/ Le fait que ton travail soit noté :□ est une source d’effort supplémentaire237


□ est une source <strong>de</strong> plaisir supplémentaireTROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-□ est une source <strong>de</strong> plaisir supplémentaire□ est une source <strong>de</strong> stress□ n’a aucune inci<strong>de</strong>nce□ est une source <strong>de</strong> stress□ est une source <strong>de</strong> blocage□ n’a aucune inci<strong>de</strong>nce5/ Tu as envie <strong>de</strong> travailler en classe informatique, pourquoi ?……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………5/ Tu as aimé travailler en classe informatique, pourquoi ?………………………………………………………………………6/ Tu n’as pas envie <strong>de</strong> travailler en classe informatique, pourquoi ?……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………6/ Tu n’as pas aimé travailler en classe informatique, pourquoi ?………………………………………………………………………Questionnaires 2 <strong>et</strong> 3 - L’évolution <strong>de</strong> la motivation238


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-La question <strong>de</strong>s indicateursSelon Viau [1999], qui commente Bandura [1986], les indicateurs principaux <strong>dans</strong>la situation éducative correspon<strong>de</strong>nt aux composants qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> mesurer le<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> motivation d’une personne, ce sont les conséquences <strong>de</strong> la motivation. Lespoints présentés ici sont les principaux indicateurs <strong>de</strong> la motivation.‣ L’engagement <strong>dans</strong> l’action : une personne motivée choisit d’entreprendreune activité tandis qu’une personne démotivée a tendance à l’éviter.‣ L’engagement cognitif : c’est l’utilisation pour un individu <strong>de</strong> stratégiesd’apprentissage <strong>et</strong> d’autorégulation lorsqu’il accomplit une activité.‣ La persévérance, utilisée <strong>dans</strong> le sens <strong>de</strong> la ténacité. C’est un prédicateur <strong>de</strong>réussite, car plus une personne persévère en accomplissant une activité, pluselle a <strong>de</strong> chance <strong>de</strong> réussir.‣ La performance : plus une personne est motivée, plus sa performance estbonne.Je suis d’accord avec Viau sur l’importance <strong>de</strong>s quatre points qui viennent d’êtrementionnés, cependant, je ne les considère pas comme <strong>de</strong>s indicateurs mais plutôtcomme <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> la motivation. Parce qu’une personne est motivée, elleva s’engager <strong>et</strong> être persévérante. On me rétorquera alors que les termes peuvent êtreinversés : si une personne est engagée <strong>dans</strong> l’action, elle est nécessairement motivée.Sans doute, mais je préfère conserver le terme indicateur pour <strong>de</strong>s donnéescomportementales. Dans les quatre points mentionnés par Viau, seule laperformance, la production <strong>de</strong> l’élève, en est une. Ce sont les comportementsd’apprentissage <strong>de</strong>s élèves qui sont <strong>de</strong>s indicateurs <strong>de</strong> l’engagement, ce sont lescomportements instrumentaux qui sont indicateurs <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> stratégies, c’estla répétition <strong>de</strong> certains comportements qui sont les indicateurs <strong>de</strong> la persévérance.239


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-J’ai développé ce débat sur la nécessaire distinction entre comportements <strong>et</strong> activitémentale [Doc. 3. p. 46, Doc. 12, p. 250, Doc. 18, p. 371, T1], ainsi que <strong>dans</strong> la partie1 <strong>et</strong> 2 du présent ouvrage. Au cours <strong>de</strong>s recherches qui, je le rappelle, s’inscrivent<strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> la motivation pour la tâche, nous avons r<strong>et</strong>enu comme indicateurs <strong>de</strong>la motivation pour la tâche en LVE :‣ La participation orale en classe (maintenue, nourrie <strong>et</strong> répétée) ;‣ La régularité <strong>dans</strong> les productions, la longueur <strong>de</strong>s productions, le respect <strong>de</strong>sconsignes ;‣ Le questionnement auprès <strong>de</strong> l’enseignant ou <strong>de</strong>s pairs afin <strong>de</strong> planifier,réguler ou prolonger la tâche ;‣ La créativité, définie comme l’élaboration d’un but supplémentaire oudifférent <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> la tâche prescrite, ou encore l’utilisation <strong>de</strong>connaissances/procédures différentes <strong>de</strong> celles étudiées en cours.Chapitre 8 Mise en œuvre du modèle <strong>dans</strong> une démarcheergonomique appliquée à la LVEAvant <strong>de</strong> présenter le détail <strong>de</strong> ces recherches, il me faut rappeler ici leur finalitédidactique : mieux connaître la place <strong>de</strong> la motivation <strong>dans</strong> l’activité pour proposer,ensuite, <strong>de</strong>s tâches ou <strong>de</strong>s dispositifs qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> bien gérer ce facteur dutravail. Elles s’inscrivent donc <strong>dans</strong> un paradigme <strong>de</strong> la motivation qui est celui <strong>de</strong> lamotivation par les tâches [Julkunen, 1999, 2001]. Une telle approche concentre larecherche sur les facteurs externes <strong>de</strong> la motivation : la tâche, telle que nous l’avonsdéfinie <strong>dans</strong> la troisième partie <strong>de</strong> ce volume comme l’association d’un suj<strong>et</strong> à un but<strong>dans</strong> <strong>de</strong>s conditions données. En eff<strong>et</strong>, les facteurs externes sont ceux qui peuventêtre directement manipulés par le chercheur qui tente, ensuite, d’i<strong>de</strong>ntifier l’influence240


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse<strong>de</strong>sces facteurs sur l’activité <strong>de</strong> agents <strong>et</strong> notamment sur leur capacité à s’engager<strong>dans</strong> l’effort <strong>et</strong> à le maintenir. J’ai donc cherché, selon différents contextes, àmesurer l’eff<strong>et</strong> d’un dispositif, d’un proj<strong>et</strong>, ou d’une tâche sur la motivation <strong>de</strong>sagents. Conformément à la démarche <strong>de</strong> la triangulation que j’expose en détail <strong>dans</strong>la <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le [Doc. 18, pp. 371-373, T1], j’ai eu lesouci <strong>de</strong> contextualiser la recherche en veillant à croiser les données, les théories <strong>et</strong>les acteurs afin <strong>de</strong> cerner au plus près le processus motivationnel.Mais d’abord, afin <strong>de</strong> faciliter le renvoi aux travaux, je les présente <strong>de</strong> manièresynoptique.J’ai mené trois gran<strong>de</strong>s recherches longitudinales sur la motivation. La premières’est déroulée au CLV, l’autre à l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble <strong>et</strong> la <strong>de</strong>rnière <strong>dans</strong> troisétablissements scolaires <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Grenoble. Dans le premier cas, il s’agissaitavant tout d’étudier la relation entre l’autonomie <strong>et</strong> la motivation [Doc. 14, p. 279,T1] ; <strong>dans</strong> le <strong>de</strong>uxième cas, j’ai abordé l’eff<strong>et</strong> d’un dispositif tutoré d’apprentissagesur la motivation <strong>et</strong> procédé à une analyse ergonomique <strong>de</strong> l’eff<strong>et</strong> motivationnel d’unlogiciel [Tell Me More, T2] ; <strong>dans</strong> le troisième cas, j’ai fait <strong>de</strong> la motivation unélément central <strong>de</strong> la recherche interdisciplinaire ESCALE qui portait surl’évaluation d’un scénario collaboratif d’apprentissage recourant ou non à l’Intern<strong>et</strong>[Tome 3].Programme <strong>de</strong> recherchePublicationsRecherche AUsage <strong>de</strong>s TICE-Centre <strong>de</strong> langues(CLV) (1997-2005)Angle apprenantDoc. 14, p. 279, T1Angle enseignantDoc. 4, p. 83, T1Recherche BAngle apprenant241


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-IUFM <strong>de</strong> Grenoble (2000-2002)Doc. 20, p.6, Doc. 21, p.19, T2Angle tuteurDoc. 21, 22, p. 41, T2Recommandations ergonomiques doc.23, p.65, T2Recherche CProj<strong>et</strong> ESCALE-Lycées Rhône-Alpes(2003-2008)Angle apprenantDoc. 13, p. 264, T1Doc. 25, p. 34 ; Doc. 26, p. 101, T3Angle enseignantDoc. 19, p. 387, T1Doc. 26, p. 201 ; Doc. 28, p. 250, T3Recherches sur la motivation <strong>de</strong>s enseignantsDans la conception anthropologique du savoir que nous avons développée <strong>dans</strong> laquatrième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te synthèse, il est clair que la motivation, tout comme l<strong>et</strong>ravail, ne partent <strong>de</strong> rien, naissent au moment où le chercheur déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> s’enpréoccuper. Dans la recherche A, nous avons considéré que les textes fondateurs duCLV rédigés par le prési<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> la directrice du CLV, la littérature internationaleconcernant la création <strong>de</strong>s CLV <strong>et</strong> les dispositifs en autonomie, les programmespédagogiques contenus <strong>dans</strong> les livr<strong>et</strong>s du CLV, constituaient autant d’archives quise modifiaient au fil du temps <strong>et</strong> qui généraient chez les agents du CLV un certainnombre <strong>de</strong> représentations <strong>dans</strong> lesquelles s’enracinait le processus motivationnel.Nous avons ensuite recherché les traces d’une influence motivationnelle <strong>de</strong> ces textessur les agents. Martha Borges <strong>et</strong> moi-même [2001] avons réalisé ce travail pour lesenseignants du CLV <strong>et</strong> j’ai pour ma part étudié le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s étudiants242


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-[Doc. 14, p. 279, T1]. Dans les <strong>de</strong>ux cas, j’ai mené le travail d’analyse <strong>de</strong>s discoursen utilisant la théorie cognitivo-discursive <strong>et</strong> son outil « Tropes » [voir quatrièmepartie, chapitre 14]Recherche A : comparaison entre les situations d’enseignement frontal <strong>et</strong> lessituations tutorées à l’université‣ La recherche portait sur un dispositif censé être très motivant pour <strong>de</strong>senseignants <strong>de</strong> langue : une médiathèque <strong>de</strong>stinée aux LVE. Les enseignantsavaient été recrutés sur profil <strong>et</strong> en fonction <strong>de</strong> leur motivation, les locauxétaient flambant neufs <strong>et</strong> aucun équipement technologique ne manquait. Cesenseignants avaient carte blanche pour m<strong>et</strong>tre en place les quatre missions quileur étaient confiées par l’université :‣ la mission d’enseignement ;‣ la mission d’accompagnement à l’ouverture à l’international ;‣ la mission du centre <strong>de</strong> ressources pour toute la communauté universitaire ;‣ la mission <strong>de</strong> recherche sur les formations développées, surtout sur laformation innovante, qui prescrit l’utilisation <strong>de</strong>s TICE. [Borges, 2001,p. 14].Métho<strong>de</strong>Nous sommes partis <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong>s comportements en classe <strong>de</strong> langue. Lescinq enseignants étaient observés selon <strong>de</strong>ux modalités : en classe normale <strong>et</strong> enautonomie guidée. Le but était d’i<strong>de</strong>ntifier les différences comportementales, <strong>de</strong>comparer les stratégies didactiques <strong>et</strong> <strong>de</strong> repérer l’émergence <strong>de</strong> schèmes d’usage <strong>de</strong>sdispositifs technologiques. Les résultats ont fait apparaître <strong>de</strong>s différencesimportantes entre le métier d’enseignant en classe normale <strong>et</strong> en situation <strong>de</strong> tutorat[Doc. 4, p. 83]. Nous avons voulu savoir si la situation <strong>de</strong> tutorat, générant plus <strong>de</strong>désordre <strong>et</strong> moins d’interactions didactiques, n’avait pas un eff<strong>et</strong> négatif sur leur243


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsemotivationà enseigner. Nous avons aussi cherché à déterminer l’impact que le centre<strong>de</strong> langues, en tant que dispositif innovant, avait sur la motivation <strong>de</strong>s enseignants[Borges, 2001, pp. 171-267].Transposition <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> motivationLe traitement <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens menés auprès <strong>de</strong>s enseignants a montré qu’entre lestextes officiels <strong>et</strong> les représentations <strong>de</strong>s enseignants, l’écart était très important[Borges, 2001, p. 16-17 ; Doc. 14, pp. 292-293, T1). C’est en travaillant la notion <strong>de</strong>mission que l’écart était le plus frappant. Car le concept <strong>de</strong> mission, à la différence <strong>de</strong>celui <strong>de</strong> tâche, renvoie à <strong>de</strong>s objectifs généraux plus qu’à <strong>de</strong>s buts <strong>et</strong> performances,<strong>et</strong> surtout, il comporte une dimension axiologique forte, sans doute due à son emploi<strong>dans</strong> le champ religieux. Une mission est une tâche temporaire qui vous élève, vousdépasse, vous est donnée au nom d’un but supérieur. C’est en tout cas ce sens que lesautorités du CLV donnaient à ce terme. En voici un exemple avec la missiond’enseignement, dont le but était :…donner aux langues toute la place qui leur revenait <strong>dans</strong>une université <strong>de</strong>s sciences sociales pour faire face au défi<strong>de</strong>s années 2000 […], perm<strong>et</strong>tre à chaque étudiant <strong>de</strong>travailler selon son niveau, <strong>de</strong> se rem<strong>et</strong>tre à niveau, <strong>de</strong>commencer une autre langue s’il le souhaitait, <strong>de</strong> sepréparer efficacement à leur emploi futur. [Borges, 2001,annexe 3, p. VII]Les quatre missions étaient censées motiver particulièrement les enseignants duCLV <strong>et</strong>, par ricoch<strong>et</strong>, leurs étudiants. Or, l’analyse <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens menés auprès <strong>de</strong>senseignants a montré que l’eff<strong>et</strong> motivationnel <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te dimension messianiquen’était pas très présent <strong>dans</strong> leurs discours. Dans l’analyse lexicométrique <strong>de</strong>sentr<strong>et</strong>iens, on constate que la première mission que se donnent les enseignants, <strong>et</strong> quiarrive bien <strong>de</strong>vant les autres (55 %), est une mission d’enseignement <strong>de</strong> la LVE ; la<strong>de</strong>uxième mission est culturelle, liée à l’international (20 %) ; vient ensuite unemission éducative (17 %) liée à l’autonomisation <strong>de</strong>s étudiants. De plus, lorsqu’ilss’expriment sur la mission d’enseignement, ils évoquent plus <strong>de</strong>s tâches que <strong>de</strong>sambitions professionnelles, comme en témoigne l’exemple suivant : à la question244


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-« quelles sont vos missions d’enseignement ? », ils répon<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> manière assezgénérale <strong>et</strong> distancée, à l’instar <strong>de</strong> c<strong>et</strong> enseignant d’allemand :« Bah, écoutez… c’est <strong>de</strong> fournir un enseignement <strong>de</strong> langueà <strong>de</strong>s étudiants non-spécialistes, c’est ça la définitionofficielle, c’est-à-dire <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre à <strong>de</strong>s étudiants qui nesont pas <strong>de</strong>s linguistes, <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> sciences sociales <strong>et</strong><strong>de</strong> sciences humaines <strong>de</strong> continuer à faire <strong>de</strong>s langues <strong>et</strong> àse perfectionner. » [Borges, 2001, entr<strong>et</strong>ien 1]La mission d’accompagnement <strong>de</strong> la recherche sur les TICE <strong>et</strong> la mission ducentre <strong>de</strong> ressources pour les autres collègues <strong>de</strong> l’université ressortaient peu <strong>de</strong>sentr<strong>et</strong>iens <strong>et</strong> lorsqu’elles étaient mentionnées, elles l’étaient plus comme <strong>de</strong>scontraintes externes que comme <strong>de</strong>s déclencheurs d’engagement [Narcy-Combes,M.-F. <strong>et</strong> J.-P., sous presse). L’analyse du positionnement <strong>de</strong>s enseignants locuteursvis-à-vis du proj<strong>et</strong>, grâce à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s déictiques comme l’utilisation <strong>de</strong>s pronoms je,il, nous, on, a été révélatrice <strong>de</strong> la distance motivationnelle qui les séparait <strong>de</strong> leur« mission ». Or, <strong>et</strong> c’est là tout l’intérêt <strong>de</strong> la triangulation, au fur <strong>et</strong> à mesure <strong>de</strong>sentr<strong>et</strong>iens, l’implication <strong>de</strong>s cinq enseignants interrogés <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> du CLV <strong>et</strong><strong>dans</strong> ses missions grandissait. Il faut dire que l’interviewer ne les interrogeait plussur leurs missions mais sur leurs tâches. L’engagement est alors apparu, souvent <strong>de</strong>manière très passionnée, <strong>dans</strong> la <strong>de</strong>scription détaillé du système pédagogique qu’ilsont mis en place <strong>et</strong> <strong>dans</strong> leur souci <strong>de</strong> l’améliorer en permanence : on r<strong>et</strong>rouve là lescaractéristiques <strong>de</strong> l’enseignant innovateur [Cros & Adamsczewski, 1996]. De plus,les difficultés auxquelles ils étaient confrontés, les doutes qui les assaillaient,l’incompréhension <strong>de</strong> leurs étudiants, l’indifférence relative <strong>de</strong>s autorités, la jalousiequ’ils suscitaient auprès <strong>de</strong>s autres enseignants, rien <strong>de</strong> tout cela ne semblait entamerleur motivation : ils avaient envie d’agir, ils maintenaient leurs efforts <strong>et</strong> ils étaientprêts à recommencer. Je précise que la recherche a duré trois ans, avec une pério<strong>de</strong><strong>de</strong> préobservation <strong>de</strong> six mois, suivie d’une observation d’un mois, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens<strong>et</strong> traitements <strong>de</strong> données qui ont occupé la <strong>de</strong>rnière année [Borges, 2001].Eff<strong>et</strong> sur le modèleDu point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s résultats, la recherche m’a mise sur la voie du poids relatif<strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> la motivation <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur nature ambivalente.245


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-‣ Le premier facteur <strong>de</strong> motivation, <strong>et</strong> <strong>de</strong> loin, reste le facteur langue (enseignerla LVE <strong>et</strong> sa culture), quelles que soient les conditions. C’est un facteur <strong>de</strong>premier rang.‣ Les instruments ne jouent un rôle <strong>de</strong> premier plan que <strong>de</strong> manière négative,c’est à dire lorsqu’ils empêchent la tâche <strong>de</strong> se réaliser. Sinon, ils ne sont que<strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> second rang, utiles, agréables mais non indispensables.‣ L’enseignement en autonomie guidée est à la fois une source <strong>de</strong> motivation <strong>et</strong><strong>de</strong> démotivation : motivation parce qu’elle est nouvelle <strong>et</strong> correspond bienaux besoins du public ; démotivation parce que la formation fait défaut <strong>et</strong> queles enseignants ne savent pas très bien la m<strong>et</strong>tre en œuvre. Les états(motivation →démotivation →motivation), se succè<strong>de</strong>nt au fil <strong>de</strong> l’année.‣ Certains facteurs <strong>de</strong> la motivation, comme le dispositif technologique oupédagogique, sont le fruit <strong>de</strong> l’interprétation du dispositif par l’enseignant aumoment <strong>de</strong> la transposition <strong>de</strong> la tâche. Ils suscitent <strong>de</strong>s traits motivationnelsdits instables, à l’inverse <strong>de</strong>s caractéristiques propres <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s [Gardner <strong>et</strong>Tremblay, 1995].Eff<strong>et</strong> sur la métho<strong>de</strong>Du point <strong>de</strong> vue méthodologique, trois idées se sont imposées à la suite <strong>de</strong> c<strong>et</strong>tepremière recherche :‣ L’absolue nécessité <strong>de</strong> varier <strong>et</strong> confronter les données.‣ L’absolue nécessité <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à plusieurs prises d’information <strong>dans</strong> l<strong>et</strong>emps <strong>et</strong> <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens d’explicitation au moment du traitement<strong>de</strong>s données. Dans une approche ergonomique, les agents ne sont pas <strong>de</strong>ssuj<strong>et</strong>s ni <strong>de</strong>s cobayes, ce sont bien eux, in fine, qui donnent sens à l’action <strong>et</strong>qui sont capables <strong>de</strong> résoudre les contradictions. Le chercheur ém<strong>et</strong> <strong>de</strong>shypothèses, les agents tranchent.246


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-‣ L’intérêt qu’il y aurait à confronter le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s agents (enseignants <strong>et</strong>étudiants) <strong>dans</strong> un même protocole <strong>de</strong> recherche.Recherche C : comparaison entre les situations d’enseignement frontal <strong>et</strong> lessituations tutorées au lycée (le cas <strong>de</strong> l’anglais)Au cours <strong>de</strong> la recherche B, réalisée cinq ans plus tard, nous avons décidé <strong>de</strong> neplus nous intéresser à un terrain <strong>de</strong>stiné à l’innovation mais à étudier commentl’innovation se déroulait (ou non) sur le terrain <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> langue normale. J’aichoisi <strong>de</strong>s classes d’anglais puisque c’était mon domaine <strong>de</strong> spécialité. Mon objectifétait triple :‣ vérifier les résultats que nous avions trouvés ;‣ approfondir le modèle, notamment la phase opératoire que nous avionsabordée jusque là en termes <strong>de</strong> stratégies plutôt que <strong>de</strong> motivation ;‣ comprendre les freins à l’innovation en langue, notamment à l’usage <strong>de</strong>sTICE [Regrain, 1996, Chambers & Davies, 2001, Narcy-combes, 2005].Amélioration <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong>Je n’ai pas changé <strong>de</strong> démarche, c’est-à-dire que je suis partie une fois encore <strong>de</strong>scomportements observés en classe en comparant les <strong>de</strong>ux modalités, classe normale<strong>et</strong> classe en autonomie guidée. Cependant, c<strong>et</strong>te fois-ci, les observations ont étéenrichies car les enregistrements vidéo ont fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux traitementscomplémentaires. La première approche a été celle <strong>de</strong> la didactique professionnelle.Les comportements <strong>de</strong>s enseignants ont été classés par gestes professionnels <strong>et</strong>également selon le contenu <strong>de</strong> l’interaction didactique [Doc. 24, pp. 223-224, T2]. La<strong>de</strong>uxième approche a été celle <strong>de</strong> la psychologie expérimentale, centrée sur uneanalyse minutieuse <strong>de</strong>s interactions profs/élèves [Doc. 23, pp. 156-157, T2]. Nousavons imaginé une typologie <strong>de</strong>s interactions fondée sur une théorie <strong>de</strong> l’autonomiedéveloppée en quatre modalités [Symour, 19977 & Lenhardt, 1992] :247


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-[Le concept] ne repose pas sur une alternative mais surquatre composantes <strong>de</strong> l’autonomie : la dépendance, lacontre-dépendance, l’indépendance, <strong>et</strong> l’interdépendance.Ces quatre composantes perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>ux usagesdistincts <strong>de</strong> ce modèle. Le premier usage perm<strong>et</strong> d’effectuerune lecture <strong>de</strong> l’autonomie du suj<strong>et</strong> <strong>dans</strong> la perspective <strong>de</strong>son développement sur le plan social <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa croissance<strong>de</strong>puis sa p<strong>et</strong>ite enfance jusqu’à son âge adulte, ces quatrecomposantes correspondant à <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> développement<strong>de</strong> l’autonomie <strong>de</strong> la personne. Le second usage consiste àfournir les outils aidant à poser le diagnostic <strong>de</strong> la formed’autonomie que revêt pour <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s adultes tel ou telaspect <strong>de</strong> leurs interactions <strong>dans</strong> un contexte déterminé :dépendance, contre-dépendance, indépendance ouinterdépendance. Il peut ainsi contribuer à caractériser,pour un suj<strong>et</strong> adulte, les formes que revêt, sous l’angle <strong>de</strong>l’autonomie, son adaptation à un environnement social <strong>dans</strong>un contexte personnel ou professionnel. [Doc. 27, p. 138,T3]Nous avons ensuite comparé leurs fréquences <strong>et</strong> leurs durées selon les <strong>de</strong>uxmodalités pédagogiques.À partir <strong>de</strong>s résultats obtenus, nous avons mené trois entr<strong>et</strong>iens, au lieu d’unentr<strong>et</strong>ien postopératoire unique, pour tenter <strong>de</strong> déterminer les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxdispositifs sur la motivation <strong>de</strong>s enseignants <strong>et</strong> l’évolution du processus <strong>de</strong> lamotivation tout au long du proj<strong>et</strong>. À ce jour, seuls les premiers entr<strong>et</strong>iens ont ététraités, le travail <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux autres est encore en cours. Nous avons aussi<strong>de</strong>mandé aux enseignants <strong>de</strong> tenir le carn<strong>et</strong> <strong>de</strong> bord <strong>de</strong> leur expérience. Là encore,leur traitement est en cours. Je vais donc évoquer ici les traitements que j’ai pumener à bien avec Françoise Campanale [Doc. 19, p. 387, T1 ; Doc. 26, p. 201, T2]<strong>et</strong> qui portent sur le premier entr<strong>et</strong>ien. Notre objectif était d’en savoir plus sur laphase opératoire <strong>de</strong> l’action. En eff<strong>et</strong>, il existe <strong>de</strong> nombreuses recherches sur lesaspirations au travail comme conditions <strong>de</strong> l’investissement ou <strong>de</strong> l’engagement ; ilexiste aussi un certain nombre <strong>de</strong> recherches sur la phase postopératoire, quis’appuient notamment sur la théorie <strong>de</strong> l’attribution ou la théorie <strong>de</strong> Bandura ; maistrès peu <strong>de</strong> recherches empiriques portent sur la manière dont la motivation évoluependant la phase opératoire, à savoir le contrôle <strong>de</strong> l’action chez les enseignants. Àl’exception <strong>de</strong> Khul [1987], qui s’y est intéressé sur un plan général, peu d’étu<strong>de</strong>s enDDL y ont été consacrées [Dörnyei, 2001 ; Oxford, 1999].248


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Du point <strong>de</strong> vue ergonomique <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> <strong>de</strong>sstratégies enseignantes, ce travail m’a conduite à élaborer la notion <strong>de</strong> situationhautement dynamique [Doc. 19, pp. 392-396, T2] que j’ai définie comme suit :Le changement est imprévu <strong>et</strong> son contrôle est quasiimpossible, soit parce que l’enseignant ne dispose pas d’unaccès au processus (un élève se m<strong>et</strong> à butiner sur Intern<strong>et</strong> aulieu <strong>de</strong> réaliser la tâche <strong>et</strong> <strong>de</strong>vient inefficace maisl’enseignant ne le voit pas, les élèves sont nombreux) ; soittout simplement parce qu’il ne dispose pas du tout <strong>de</strong>stratégies pour faire face à l’imprévu (l’ordinateur« plante » <strong>et</strong> il ne comprend pas pourquoi). On passe alors àla notion d’environnement hautement dynamique <strong>dans</strong>lequel les variables du contrôle ne créent pas <strong>de</strong> possibilitéd’anticipation, <strong>de</strong> planification, d’activités <strong>de</strong> diagnostic, <strong>de</strong>centration sur le processus au lieu du produit. Lesenseignants interrogés percevaient alors une sorte <strong>de</strong>situation inci<strong>de</strong>ntielle, <strong>et</strong> le fait qu’ils aient dû procé<strong>de</strong>r à<strong>de</strong>s actions correctrices exigeait qu’ils revoient leurs buts cequi créait un sentiment <strong>de</strong> frustration. [Doc. 19, p. 400, T1]La question qui en découle est celle <strong>de</strong> l’impact éventuel <strong>de</strong> ces situationshautement dynamiques sur la motivation à enseigner.La dissonance motivationnelleJ’ai qualifié l’impact négatif <strong>de</strong> la pédagogie tutorale <strong>et</strong> instrumentée sur lamotivation <strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> dissonance motivationnelle [Doc. 19, pp. 392-396,T2]. J’ai construit ce concept en m’inspirant du calcul <strong>de</strong> la motivation proposé parVroom [voir p. ?] <strong>et</strong> qui fait <strong>de</strong> la motivation une force résultant du rapport entre troisvariables : l’expectation, l’instrumentalité <strong>et</strong> la valence. Je n’ai fait que m’en inspirermais ne suivais pas une démarche expérimentale où il aurait été question <strong>de</strong>manipuler <strong>de</strong>s variables pour calculer leur eff<strong>et</strong>. Ce modèle m’a seulement donnél’intuition que les trois facteurs pouvaient influer <strong>de</strong> manière opposée <strong>et</strong> qu’à partir<strong>de</strong> là, je pouvais rechercher, <strong>dans</strong> les discours, les contradictions éventuelles entreplusieurs facteurs. C<strong>et</strong>te façon <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r est caractéristique d’une démarchepolytomique.Exemple : les enseignants adhèrent avec la perspective« pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> » du cadre européen. Ils latrouvent bien adaptée aux nouveaux publics <strong>et</strong> cela leur249


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s scénarios didactiquesstimulant le professeur. Donc, on a là une occurrencepositive P, <strong>de</strong> la pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> surl’instrumentalité I <strong>et</strong> la valence V. En revanche, <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>ype <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>, la langue est au service <strong>de</strong> l’action (ici,l’écriture d’éditoriaux) <strong>et</strong> non la cible du travail <strong>et</strong>, <strong>de</strong>ce fait, la qualité linguistique <strong>de</strong>s éditoriaux en pâtit.Or, les enseignants, comme ceux <strong>de</strong> la recherche A,poursuivent avant tout un but <strong>de</strong> transmission du savoircomme langue <strong>et</strong> culture <strong>et</strong> la langue l’emportehiérarchiquement sur la culture. On a donc là uneoccurrence négative N <strong>de</strong> la pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> sur lamotivation <strong>de</strong>s enseignants qui sont privés <strong>de</strong> leur« vrai » rôle. [Doc. 24, pp. 244-246, T2]. C’est c<strong>et</strong> état<strong>de</strong> tension entre <strong>de</strong>ux buts que j’ai nommé dissonancemotivationnelle.Plus généralement, l’analyse <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens a confirmé les interprétations faites àpartir <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong>s comportements, à savoir qu’en situation <strong>de</strong> tutorat <strong>de</strong>classe 62 , les enseignants ne savent plus parfois « où donner <strong>de</strong> la tête » du fait d’unediminution importante <strong>de</strong> leur champ <strong>de</strong> contrôle. Ils ont le sentiment qu’ils nedistribuent pas leurs interventions auprès <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> manière équitable. À certainsmoments, ils ne savent pas très bien s’ils doivent intervenir entre l’ordinateur <strong>et</strong>l’élève. De plus, <strong>de</strong> nombreux inci<strong>de</strong>nts techniques surviennent qui entravent leursinterventions didactiques, ce qui crée <strong>de</strong>s situations inci<strong>de</strong>ntielles. C<strong>et</strong>te situationhautement dynamique provoque <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong> découragement <strong>et</strong> une baisse <strong>de</strong> lamotivation <strong>dans</strong> ses trois composantes : l’aspiration à agir, le maintien <strong>de</strong> l’effort <strong>et</strong>l’envie <strong>de</strong> recommencer.La dissonance se réguleEt pourtant, la dissonance n’est pas un état stable. Les enseignants sont capables,par leurs discours mêmes, en partageant leur expérience lors d’autoconfrontationscroisées, <strong>de</strong> repérer les moyens à m<strong>et</strong>tre en œuvre pour restaurer la motivation <strong>dans</strong>la phase opératoire, exactement selon le modèle proposé par Hoc <strong>et</strong> que j’ai exposé<strong>dans</strong> la <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> ce volume, <strong>dans</strong> les pages 24 à 31. Ils appliquent <strong>de</strong>s62 Les enseignants ont <strong>de</strong>vant eux la classe entière, mais ils interviennent à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s élèves,ou à leur initiative, sous la forme d’un tuteur. [Baudrit, 2000]250


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsestratégiesréparatrices, ils revoient leurs buts, par exemple en diminuant lesexigences, ils trouvent d’autres moyens pour faire avancer la tâche (en recourant aufrançais, en donnant <strong>de</strong>s exemples), ils jouent sur le calendrier <strong>de</strong>s opérations. Maissurtout, conformément à la perspective fixée par le cadre européen, ils changent leursbuts <strong>et</strong> accor<strong>de</strong>nt la priorité à la réalisation <strong>de</strong> la page d’accueil au détriment <strong>de</strong> lacorrection linguistique <strong>de</strong>s articles qui figurent sur c<strong>et</strong>te page d’accueil. Comme lesélèves évoluent <strong>dans</strong> trois domaines <strong>de</strong> tâche (la LVE, la presse <strong>et</strong> la technique), ilsdéci<strong>de</strong>nt d’évaluer ces trois dimensions du travail à égalité, ce qui leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong>relativiser le poids <strong>de</strong> la correction langagière <strong>dans</strong> la note <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire passer ladimension pragmatique du travail au premier plan. Cependant, s’ils r<strong>et</strong>rouvent oupréservent leur motivation, c’est aussi qu’ils réévaluent la place <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> cours<strong>dans</strong> le long terme <strong>et</strong> lui réservent, en quelque sorte, le statut <strong>de</strong> break, <strong>de</strong> récréationpar rapport au cours normal. Ainsi, les trois enseignants impliqués se rassurent en sedisant qu’il ne s’agit finalement que d’un proj<strong>et</strong> (épuisant), qu’ils vont,heureusement, revenir au cours normal <strong>et</strong> qu’ils ne se livrent pas à ce genred’expérience habituellement. [Doc. 19, p. 402, T1].Conséquences théoriques provisoires <strong>de</strong> ce travail <strong>et</strong> pistes futuresConformément à ce qu’ont trouvé les chercheurs du domaine <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années,ce n’est peut-être pas le manque <strong>de</strong> moyens mais celui <strong>de</strong> formation qui joue le rôle<strong>de</strong> facteur <strong>de</strong> premier rang <strong>dans</strong> la motivation <strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> langues. Ces<strong>de</strong>rniers sont confrontés à un problème d’évolution <strong>de</strong> leur i<strong>de</strong>ntité professionnelle :<strong>de</strong> transm<strong>et</strong>teur <strong>de</strong> savoir linguistique culturel <strong>et</strong> langagier, ils <strong>de</strong>viennentorganisateurs <strong>de</strong> tâches socialement pertinentes en LVE. Il convient donc <strong>de</strong> ne pasnier ces dissonances <strong>et</strong>, au contraire, <strong>de</strong> creuser la dimension socio-affective <strong>de</strong> laformation <strong>de</strong>s enseignants. C’est pour c<strong>et</strong>te raison que je compte ancrer mes futurstravaux sur ces questions <strong>dans</strong> la théorie <strong>de</strong> l’activité que j’ai déjà utilisée pourl’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la motivation <strong>de</strong>s apprenants [Doc. 14, p. 279, T1].Je compte aussi procé<strong>de</strong>r au traitement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux autres entr<strong>et</strong>iens, car lamotivation se dévoile en couche successive comme les sous-couches d’un texte <strong>de</strong>théâtre. Il faut donc procé<strong>de</strong>r à plusieurs entr<strong>et</strong>iens pour que l’enseignant ait accès à<strong>de</strong>s représentations qui lui sont propres <strong>et</strong> qui sont souvent masquées par le discours251


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsesocialdominant. Je m’appuierai, pour confronter les trois entr<strong>et</strong>iens, sur la démarcheque propose Bronckaert [2004] pour analyser l’agir verbal <strong>et</strong> non verbal en situation<strong>de</strong> travail. Le <strong>de</strong>uxième entr<strong>et</strong>ien est un entr<strong>et</strong>ien d’autoconfrontation <strong>et</strong> le troisième,un entr<strong>et</strong>ien d’autoconfrontation croisée. Grâce à l’analyse <strong>de</strong> contenu, je chercheraià savoir quels sont les thèmes motivationnels qui émergent <strong>de</strong> la situationd’autoconfrontation à un épiso<strong>de</strong> inci<strong>de</strong>ntiel, quelles différences apparaissent entreles trois enseignants <strong>et</strong> comment les interpréter. Dans le cas <strong>de</strong> l’autoconfrontationcroisée, je chercherai à connaître l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la confrontation sur leurs sentimentsrespectifs <strong>et</strong> à déterminer si leur dialogue marque <strong>de</strong>s différences <strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue,ou au contraire, se présente comme une voix polyphonique à la manière <strong>de</strong> Ducrot[1980].Recherches sur la motivation <strong>de</strong>s apprenantsLes trois proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> recherche que j’ai réalisés [voir A, B, C, p. 41] avaientcomme point commun <strong>de</strong> comparer l’activité <strong>de</strong>s agents <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s situationsinstrumentées. Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la motivation, ils cherchaient à soulever un certainnombre <strong>de</strong> questions pour tenter d’y répondre. Ces proj<strong>et</strong>s, d’une certaine ampleur,ne peuvent être résumés <strong>de</strong> façon exhaustive <strong>dans</strong> l’espace limité <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage. Deplus, j’ai exposé les théories <strong>et</strong> modèles qui les ont inspirés <strong>et</strong> je viens d’illustrer ladémarche ergonomique par la recherche sur les apprenants. J’ai donc choisi <strong>de</strong>concentrer c<strong>et</strong> exposé sur les questions <strong>de</strong> recherche les plus importantes <strong>et</strong> sur lesréponses souvent complexes ou ambigües qui en ont résulté. Je reviendrai donc, toutau long <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te partie, sur le débat présenté au chapitre 14 à la lumière <strong>de</strong> cesrésultats. Les questions soulevées étaient :‣ La question <strong>de</strong>s buts‣ La question <strong>de</strong> l’autonomie‣ La question <strong>de</strong> l’efficacité‣ La question <strong>de</strong> l’attribution‣ Les TICE, facteurs <strong>de</strong> motivation ?252


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONLa question <strong>de</strong>s butsFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-La question <strong>de</strong>s buts poursuivis par l’apprenant reste matière à débat. Le but peutse définir comme la représentation cognitive qu’un individu se fait <strong>de</strong> la tâche qu’il aà accomplir. Wentzel [1993] distingue but sociaux <strong>et</strong> buts scolaires. Les buts sociauxconcernent la relation qu’un élève établit avec les autres élèves <strong>et</strong> avec l’enseignant.Dans une classe, par exemple, un élève peut avoir pour but <strong>de</strong> s’i<strong>de</strong>ntifier à <strong>de</strong>sjeunes <strong>de</strong> son âge, d’adhérer à un groupe d’élèves pour en partager les valeurs <strong>et</strong> lesproj<strong>et</strong>s, ou encore <strong>de</strong> s’affirmer par rapport à l’autre sexe. Les buts scolaires, àl’inverse, ont trait à l’apprentissage <strong>et</strong> à ses conséquences. Certains chercheurs, telDweck [1986], suggèrent <strong>de</strong> faire la distinction entre buts d’apprentissage <strong>et</strong> buts <strong>de</strong>performance. Les premiers concernent l’acquisition <strong>de</strong> connaissances à proprementparler. Pour les seconds, les élèves souhaitent réussir leurs tâches pour gagnerl’estime, voire l’affection d’un enseignant, afin d’obtenir récompenses oufélicitations. Pour Nicholson [1984], les buts d’apprentissage sont encore différents :ce sont les buts pilotés par la tâche [task-oriented goals]. Dans chacune <strong>de</strong>srecherches rapportées au chapitre 16, j’ai cherché à savoir quel type <strong>de</strong> but pilotaitl’activité <strong>de</strong>s agents <strong>dans</strong> l’activité, s’il existait <strong>de</strong>s buts à long terme <strong>et</strong> à court terme,si <strong>de</strong>s buts différents se renforçaient ou se contrecarraient.La réponse du proj<strong>et</strong> « Tell Me More » (TMM) [Doc. 22, p. 42, Doc. 23, p. 66, T2] :la guerre picrocholine, Macs contre PC.Le programme TMM reste, pour moi, un temps fort d’apprentissage à la rechercheliée à l’activité, la motivation, <strong>et</strong> plus encore, la démotivation ! C’est un proj<strong>et</strong> quis’est conclus par l’abandon d’un grand nombre d’apprenants parmi les membres dupersonnel IATOS. Avec le recul, je suis convaincue que la raison principale <strong>de</strong> c<strong>et</strong>abandon fut que les différents acteurs du programme ne poursuivaient pas les mêmesbuts (ce qui, somme toute, est assez normal) mais surtout, qu’ils n’avaient pas lamême représentation <strong>de</strong>s buts que les autres étaient censés poursuivre. C’estpourquoi je présente c<strong>et</strong>te singulière expérience sous l’intitulé <strong>de</strong>s « buts ».Une fois que les différents partenaires (la société AURALOG, le directeur <strong>de</strong>l’IUFM <strong>de</strong> Grenoble, le responsable du master Métiers <strong>de</strong> la langue <strong>et</strong> moi-même)253


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèses’étaientmis d’accord sur le proj<strong>et</strong> TMM, j’ai réuni les étudiants engagés <strong>dans</strong> leproj<strong>et</strong> pour définir un programme <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> six mois en autonomie guidéepour les membres du personnel <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> la scolarité <strong>et</strong> <strong>de</strong> la comptabilité <strong>et</strong> lesprofesseurs <strong>de</strong>s écoles stagiaires [Doc. 27, T2]. Nous avons donc commencé lesséances <strong>de</strong> formation, à raison d’une fois par semaine. Les participants <strong>de</strong>vaientmonter en salle informatique, où ils étaient accueillis par un tuteur qui les aidait <strong>dans</strong>leur travail. Par ailleurs, nous avions mis à leur disposition le logiciel afin qu’ilspuissent l’utiliser chez eux. Au bout <strong>de</strong> quelques temps, j’ai croisé le responsableinformatique <strong>de</strong> l’IUFM qui m’a proposé d’installer en réseau le logiciel TMM <strong>dans</strong>les bureaux pour perm<strong>et</strong>tre aux employés <strong>de</strong> faire du travail personnel pendant leurtemps <strong>de</strong> pause. Il en avait parlé autour <strong>de</strong> lui <strong>et</strong> tout le mon<strong>de</strong> semblait enthousiasteà c<strong>et</strong>te idée. J’y fus moi-même tout à fait favorable. Trois semaines plus tard,l’assiduité aux séances informatiques commençait à diminuer <strong>et</strong> les tuteursn’arrivaient pas à en connaître la raison. Ils pensèrent que les employés préféraienttravailler seuls <strong>dans</strong> leur bureau ou chez eux. Un mois après le démarrage du proj<strong>et</strong>,je fus convoquée par le directeur <strong>de</strong> l’IUFM qui me pria gentiment <strong>de</strong> m’asseoir <strong>et</strong>me mit <strong>de</strong>vant les yeux une l<strong>et</strong>tre signée du responsable syndical CGT <strong>de</strong> l’IUFM.Voici, en résumé, le contenu <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te missive qui s’organisait en <strong>de</strong>ux points.‣ Il <strong>de</strong>mandait à ce qu’il soit mis un terme à l’expérience TMM.‣ Parce qu’elle provoquait une inégalité <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s membres dupersonnel <strong>de</strong> l’IUFMEn eff<strong>et</strong>, pour <strong>de</strong>s raisons techniques, ceux qui possédaient <strong>de</strong>s Macs (service <strong>de</strong>la comptabilité), n’avaient pas eu la chance <strong>de</strong> voir le réseau TMM installé sur leurintran<strong>et</strong>, tandis que ceux dotés <strong>de</strong> PC (service du personnel), avaient bien eu laversion réseau sur leur poste <strong>de</strong> travail. Il y avait bien là « inégalité <strong>de</strong> traitement ».Le directeur précisa (off the record) que le responsable syndical avait ajouté que« ceux du personnel en profiteraient pour rien foutre, comme déjà ils en foutaient paslourd <strong>et</strong> qu’au lieu <strong>de</strong> travailler ils s’amuseraient sur l’ordinateur ».Le directeur rétorqua que personne n’était censé travailler sur TMM pendant lesheures <strong>de</strong> travail. Ce rappel à l’ordre suscita un tollé car les employés avaient pris254


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsel’expérienceau sérieux <strong>et</strong> la considéraient comme un temps <strong>de</strong> formation continue,donc à prendre sur le temps <strong>de</strong> travail. Pour le directeur, au contraire, c’était « un trucqu’on avait mis en place surtout pour leur faire plaisir ». Conséquence <strong>de</strong> ceproblème, la version réseau fut désinstallée <strong>de</strong>s postes <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> la formationréduite aux séances <strong>de</strong> tutorat en salle informatique <strong>et</strong> au travail personnel à lamaison. Au bout d’un mois <strong>et</strong> <strong>de</strong>mi, l’expérience pour ces <strong>de</strong>ux groupes avait capoté,sauf pour quelques assidus qui « s’accrochaient » envers <strong>et</strong> contre tout.Mes constatations liées à la motivation :‣ Un écart trop grand entre les buts <strong>de</strong> la tâche prescrite (ici, ceux du directeur)<strong>et</strong> ceux <strong>de</strong>s agents (ici, ceux <strong>de</strong>s membres du personnel), ou un problèmed’interprétation différente <strong>de</strong> la tâche, peut provoquer un désinvestissementou un refus d’activité.‣ Les moyens techniques ou pédagogiques ne suffisent pas à motiver au travail,il faut que la satisfaction attendue du travail soit en proportion <strong>de</strong> l’effortaccompli.‣ C<strong>et</strong>te satisfaction n’est pas uniquement pécuniaire mais repose aussi sur unsentiment <strong>de</strong> valeur, <strong>de</strong> reconnaissance sociale [Bourdieu, 1981].‣ Lorsqu’on a bénéficié <strong>de</strong> quelque chose qui n’était pas essentiel au travail, lefait <strong>de</strong> vous le r<strong>et</strong>irer est vécu comme une sanction, <strong>et</strong> on ne peut revenir à lasituation <strong>de</strong> travail initiale. Donc, un facteur <strong>de</strong> second rang (TMM en réseauintran<strong>et</strong>) peut <strong>de</strong>venir facteur <strong>de</strong> premier rang, non pour sa valeurinstrumentale mais à cause <strong>de</strong>s valeurs symboliques qui y sont attachées 63 .En conclusion, nous avions mis en place un proj<strong>et</strong> linguistique qui n’était pascontesté <strong>et</strong> ce proj<strong>et</strong> était tombé à l’eau, non en raison du logiciel ou <strong>de</strong>s tuteurs, maispour <strong>de</strong>s raisons organisationnelles qui échappaient totalement à mon contrôle <strong>et</strong> qui63 Je renvoie à c<strong>et</strong> égard à [Narcy-Combes, 2009].255


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèseavaientconduit à une complète démotivation. C’est à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te expérience quej’ai résolument décidé d’étendre mon obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche « analyse <strong>de</strong> l’activité » à laquestion <strong>de</strong> la motivation.Aujourd’hui, suivant Narcy Combes (J.-P. <strong>et</strong> M.-F.) <strong>et</strong> Starkey-Perr<strong>et</strong>, j’analyseraic<strong>et</strong>te question selon les interprétations <strong>de</strong> Dörnyei [2009] <strong>et</strong> surtout Norton [1995],qui m<strong>et</strong>tent en lumière la dimension socioculturelle <strong>de</strong> la motivation au travail :Ce concept restitue l’individu <strong>dans</strong> le contexte sociocultureloù il intervient <strong>et</strong> s’intéresse aux conséquences <strong>de</strong>s relations<strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> hiérarchie <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> du travail sur laperception que l’individu a <strong>de</strong> lui-même, <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité, <strong>et</strong>sur le pouvoir qu’il s’attribue d’interagir efficacement avecson milieu. On se situe bien au-<strong>de</strong>là du simple champ <strong>de</strong>l’apprentissage <strong>de</strong> L2. Ainsi, l’investissement que les êtreshumains consentent à apporter <strong>dans</strong> le choix <strong>de</strong> leurprofession appelle un r<strong>et</strong>our sur c<strong>et</strong> investissement. Cer<strong>et</strong>our est d’ordre symbolique, par exemple au niveau <strong>de</strong> lareconnaissance sociale, <strong>de</strong> la valorisation <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité, duréseau <strong>de</strong> relations (gratifiant ou sécurisant). Il est aussid’ordre matériel, par exemple les avantages obtenus sousforme <strong>de</strong> logement, vacances, salaire <strong>et</strong>c. semblent-ils payerle suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ses efforts ? [Narcy-Combes <strong>et</strong> al., sous presse]Je reviendrai sur c<strong>et</strong>te question en conclusion <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te synthèse, en expliquantcomment je souhaite explorer c<strong>et</strong>te dimension dont je n’ai pas assez tenu compte<strong>dans</strong> mes précé<strong>de</strong>ntes recherches. Ne constitue-t-elle pas, en tout cas, un bonexemple <strong>de</strong> découverte sérendipitieuse ?La réponse du proj<strong>et</strong> ESCALE [Doc. 24 <strong>et</strong> 25, T3]Il n’est peut-être pas inutile <strong>de</strong> rappeler l’hypothèse générale du proj<strong>et</strong> ESCALE :les TICE sont motivantes parce qu’elles perm<strong>et</strong>tent, entre autres, <strong>de</strong> proposer auxélèves une pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> [Courtois & Josso, 1997] ou une pédagogie <strong>de</strong> typeactionnelle [Les Langues Mo<strong>de</strong>rnes, Raby, Éd., 2008] qui leur offrent <strong>de</strong>s butsd’apprentissage <strong>de</strong> la LVE plus stimulants. Nous avons souhaité vérifier ces proposrebattus par la Doxa, en donnant aux élèves un but socialement pertinent : la création<strong>de</strong> la page Une d’un journal. Il eût été peu convaincant <strong>et</strong> peu déontologique <strong>de</strong>proposer une pédagogie <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> stimulante à un groupe <strong>et</strong> une tâche fastidieuse à unautre, <strong>dans</strong> le seul souci <strong>de</strong> les comparer. Nous aurions trouvé avant d’avoir cherché !256


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Ce que nous voulions, c’était savoir si le proj<strong>et</strong>, qui <strong>de</strong>mandait plus d’effort qu’untravail en cours normal, aurait un eff<strong>et</strong> motivant <strong>et</strong> si la motivation persisterait,d’où nos prises d’information répétées jusqu’à la fin du proj<strong>et</strong>. De plus, nous nous<strong>de</strong>mandions si c’était Intern<strong>et</strong> en tant que tel ou le proj<strong>et</strong> qui jouait un rôle motivant.Nous avons donc proposé aux étudiants <strong>de</strong> créer la page d’accueil d’un journal : soiten condition « informatique », c’est-à-dire en utilisant <strong>de</strong>s outils en ligne dontIntern<strong>et</strong>, mais aussi <strong>de</strong>s dictionnaires électroniques ou <strong>de</strong>s sites Web ; soit encondition « imprimé », c’est-à-dire en s’inspirant <strong>de</strong>s journaux papiers <strong>et</strong> <strong>de</strong>ssupports imprimés mis à leur disposition, comme <strong>de</strong>s dictionnaires imprimés.Un but difficile est motivant pourvu qu’on accor<strong>de</strong> aux élèves les moyens <strong>de</strong> le réaliserPour l’ensemble <strong>de</strong>s élèves, le proj<strong>et</strong> a eu un impact motivant avant <strong>et</strong> après latâche, <strong>et</strong> ils sont presque tous prêts à recommencer l’aventure. 70 % se déclarentprêts à s’engager <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> à l’issue <strong>de</strong> l’expérimentation, 90 % <strong>de</strong>s élèves sedisent prêts à renouveler l’expérience. 83 % proposent <strong>de</strong>s améliorations, ce qui estune indication supplémentaire <strong>de</strong> motivation. Une majorité d’entre eux m<strong>et</strong> en avantle plaisir du changement <strong>et</strong> l’ambiance détendue qui accompagne ce cours, mais ilssont aussi nombreux à prendre conscience, une fois passée la conception ludique dutravail, qu’il s’agit d’un but ambitieux, passionnant, dont ils tirent un grand sentiment<strong>de</strong> fierté. Les modèles <strong>de</strong> Dörnyei [2001] <strong>et</strong> Raby [2007, 2008] se trouvent ainsivalidés : ce qui fon<strong>de</strong> <strong>et</strong> maintient la motivation pour une tâche, c’est le but qui doitêtre lisible <strong>et</strong> pertinent. Il faut que les élèves, dès le départ, aient le sentiment qu’ilsauront les moyens <strong>de</strong> gérer les divers inci<strong>de</strong>nts susceptibles <strong>de</strong> se produire <strong>dans</strong> unesituation dynamique, la possibilité d’évaluer la tâche selon leurs propres critères <strong>et</strong>pas uniquement ceux du professeur, le sentiment que leur effort va payer. Un proj<strong>et</strong>ambitieux, sur une longue durée [Van Lier, 2007], peut stimuler la motivation <strong>et</strong>même la réussite <strong>de</strong>s élèves, confortant l’estime <strong>de</strong> soi <strong>et</strong> le plaisir du travail chez lesplus performants, <strong>et</strong> réparant un peu <strong>de</strong> l’estime <strong>de</strong> soi <strong>de</strong>s élèves en difficultés.257


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONLa question <strong>de</strong> l’autonomieFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-La question <strong>de</strong> l’autonomie ne semble pas susciter beaucoup <strong>de</strong> controverse chezles spécialistes <strong>de</strong> la motivation. L’association entre autonomie <strong>et</strong> motivation semblealler <strong>de</strong> soi comme je l’ai fait remarquer [Doc. 14, p. 279, T1] ainsi que Benson[1997] <strong>et</strong> Prince [2008 & sous presse], <strong>et</strong> finalement, l’autonomie est au cœur <strong>de</strong> lamotivation <strong>dans</strong> toutes les théories exhaustives <strong>de</strong> la motivation [Dickinson, 1995].Elle l’est <strong>dans</strong> la théorie <strong>de</strong> l’autodétermination <strong>de</strong> Deci <strong>et</strong> Ryan [2002] <strong>et</strong> <strong>dans</strong> celle<strong>de</strong> Bandura [2003], car le sentiment d’efficacité perçu est la clef d’une motivationforte. On la r<strong>et</strong>rouve aussi <strong>dans</strong> la théorie <strong>de</strong> l’attribution <strong>de</strong> Weiner [1992] :s’attribuer à soi-même les raisons <strong>de</strong> son succès <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses échecs est un gage d’unplus long maintien <strong>de</strong> l’effort <strong>et</strong> d’une motivation renouvelée, <strong>et</strong>c. Cependant, l<strong>et</strong>ravail autonome tel qu’il s’organise souvent en centre <strong>de</strong> langues ou <strong>dans</strong> les sallesd’auto-apprentissage académique <strong>de</strong> la LVE n’est pas sans soum<strong>et</strong>tre l’apprenant à<strong>de</strong> nombreuses difficultés entraînant stress <strong>et</strong> autres situations potentiellementdémotivantes.La réponse <strong>de</strong>s étudiants du CLVJ’ai donc cherché à savoir <strong>dans</strong> quelle mesure une situation d’auto-apprentissageétait porteuse <strong>de</strong> motivation <strong>et</strong> <strong>de</strong> démotivation [Doc. 14, p. 279, T1].L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s journaux <strong>de</strong> bord tenus par les étudiants a révélé combien il étaitcomplexe <strong>de</strong> répondre à la question <strong>de</strong> l’autonomie, sans doute parce que c’est l’un<strong>de</strong>s concepts qui entraîne la plus gran<strong>de</strong> confusion. Certains enseignants considèrentl’apprentissage en autonomie comme une sorte d’épreuve initiatique ou solipsiste(« Non mais quand même, il est temps qu’ils apprennent à se débrouiller ! ») ; Deci<strong>et</strong> Ryan lient l’autonomie à la motivation intrinsèque, Bandura au sentiment <strong>de</strong> sonefficacité, Dickinson au locus <strong>de</strong> contrôle, c’est-à-dire à la capacité qu’a l’individu àsituer en lui-même la cause <strong>de</strong> son efficacité <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses échecs, <strong>et</strong>c. Je me place doncici du côté <strong>de</strong>s étudiants qui, <strong>dans</strong> la réflexion qu’ils mènent sur leur travail semaineaprès semaine, mélangent un peu toutes ces notions. Il ressort <strong>de</strong> leurs propos[Doc. 14, pp. 193-199, T1] :258


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-‣ Que l’autonomie est source <strong>de</strong> motivation quand elle implique le choix <strong>de</strong>sthèmes <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> une certaine liberté pour s’organiser ;‣ Mais que l’autonomie est source <strong>de</strong> démotivation quand le choix est troplarge <strong>et</strong> qu’aucun cadre n’est fourni pour organiser son travail ;‣ Que l’autonomie n’est pas un état mais un processus qui se construit peu àpeu ;‣ Que leur plus gran<strong>de</strong> préoccupation <strong>et</strong> source <strong>de</strong> motivation ou <strong>de</strong>démotivation, c’est l’anglais, la LVE, qui est le but du travail <strong>et</strong> non latechnologie qui en est le moyen, ou l’autonomie qui en est la modalité.La réponse du proj<strong>et</strong> ESCALE [Doc. 26, p. 131, T2].Plus tard, avec Jean François Bonneville, <strong>dans</strong> le cadre du proj<strong>et</strong> ESCALE, j’aimené une recherche expérimentale visant à m<strong>et</strong>tre en relation le facteur« autonomie » <strong>dans</strong> l’activité en m’inspirant <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> Blin <strong>et</strong> le facteur« autonomie » tel que je l’avais abordé :Autonomy is both in<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nce and inter<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nce […]In<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nce entails taking responsibility for one’s ownlearning.[…] However, learners exercise their in<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>ncewithin a specific socio-cultural context whereinter<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nce through socialization and the nature oftheir interactions with peers and teachers, will impact on thelevels of control they exercise and <strong>de</strong>velop. [Blin, 2007,p. 378]Avec Jean-François Bonneville, nous avons alors choisi <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en œuvre unmodèle qui rend compte <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> l’autonomie, afin qu’il correspon<strong>de</strong> bienà notre vision dynamique <strong>de</strong> la motivation [Symor, 1997 ; Lenhardt, 1992].Cemodèle m<strong>et</strong> en jeu quatre composantes : la dépendance, la contre-dépendance,l’indépendance <strong>et</strong> l’interdépendance.Ce modèle psycho-sociologique repose sur une conceptionrelative <strong>de</strong> l’autonomie comme forme d’adaptation d’unindividu à un milieu à un moment déterminé <strong>et</strong> non pas surune représentation <strong>de</strong> type aptitu<strong>de</strong> ou compétence générale.259


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-Nous avons vidéo-enregistré puis analysé les interactions professeurs-élèves dupoint <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s quatre composantes, puis nous avons recherché, <strong>dans</strong> leursverbalisations, l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s types d’interactions sur leur motivation en tentant <strong>de</strong>répondre à la question : les TICE favorisent-elles l’autonomie <strong>de</strong>s élèves ?Le modèle psychosociologique <strong>de</strong> l’autonomie auquel nous nous sommes référéspour c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong> perm<strong>et</strong>, en dépassant l’alternative classique du « être ou ne pas êtreautonome », <strong>de</strong> présenter une conception <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te autonomie à la fois pragmatique <strong>et</strong>ouverte. Pragmatique car elle place au centre <strong>de</strong> sa philosophie <strong>de</strong> l’action un suj<strong>et</strong>autonome qu’elle considère essentiellement comme acteur <strong>et</strong> réalisateur. Agir passeparfois par une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’ai<strong>de</strong> explicite, voire une dépendance passagère, assumée<strong>et</strong> circonstanciée, condition nécessaire à la réalisation d’une tâche. C’est ce que nousavons pu observer <strong>dans</strong> notre lecture attentive <strong>de</strong>s enregistrements vidéo <strong>de</strong>s groupesPapier <strong>et</strong> Informatique. C’est c<strong>et</strong>te dépendance que nous avons appelé la dépendance<strong>de</strong> nécessité. Elle résulte d’une lecture cognitive <strong>de</strong> la tâche <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses contraintes <strong>et</strong>enjeux. Elle prend parfois les allures <strong>de</strong> la dépendance primaire qui, elle, estconstituée <strong>de</strong> méconnaissances <strong>et</strong> enracinée <strong>dans</strong> les dimensions affectives du suj<strong>et</strong>.Mais elle appartient en fait au registre <strong>de</strong> l’interdépendance, quatrième étape mature<strong>et</strong> adulte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te autonomie dont elle constitue l’un <strong>de</strong>s vol<strong>et</strong>s.L’autre vol<strong>et</strong> est celui <strong>de</strong> l’indépendance, non pas définie comme un repli sur soi,mais obéissant plutôt à un principe d’économie <strong>dans</strong> les relations sociales : je faisseul ce que je peux ou dois faire seul <strong>et</strong> peux simultanément partager mesinformations, mes souhaits, être à l’écoute. L’interdépendance peut être considéréecomme le micromodèle social idéal d’un fonctionnement optimum <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its groupesou binômes. Sans oublier que c<strong>et</strong>te autonomie, sous ses différentes fac<strong>et</strong>tes, a besoind’un carburant pour se manifester : celui du désir <strong>et</strong> <strong>de</strong> la motivation à agir pour c<strong>et</strong>teactivité là.Pour conclure, l’absence <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> explicite <strong>de</strong> la part d’un suj<strong>et</strong> s’explique parle fait qu’il obtient souvent <strong>de</strong> son environnement <strong>de</strong>s réponses spontanées,réfléchies ou automatiques visant la satisfaction <strong>de</strong> ses besoins ou <strong>de</strong> ce que c<strong>et</strong>environnement imagine à propos <strong>de</strong> ses besoins. Elle se caractérise aussi par le faitque les suj<strong>et</strong>s adultes en présence méconnaissent les moyens dont ils disposent, leurspropres capacités ou celles <strong>de</strong>s autres à résoudre leurs problèmes. Le critère <strong>de</strong>260


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsel’absence<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> explicite chez l’un <strong>de</strong>s acteurs pour diagnostiquer une relation<strong>de</strong> dépendance est pertinent <strong>dans</strong> <strong>de</strong> nombreuses situations, mais il n’est pas toujourssuffisant. En impact, que penser d’un l’élève qui, par exemple, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>raitsystématiquement <strong>de</strong>s informations <strong>de</strong> vocabulaire <strong>et</strong> obtiendrait une réponseautomatique alors qu’il aurait à sa disposition un dictionnaire en ligne sur ordinateurou posé sur son bureau ? Doit-on considérer c<strong>et</strong>te relation entre l’élève <strong>et</strong>l’enseignant, basée sur une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> explicite, comme attestant <strong>de</strong> la dépendance <strong>de</strong>l’élève envers l’enseignant ? Si l’on souscrit à la définition initiale <strong>de</strong> la dépendance,l’élève n’est pas dépendant <strong>de</strong> l’enseignant puisqu’il fait <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s explicites <strong>et</strong>l’enseignant y répond. Pourtant, sur le plan <strong>de</strong> la subsidiarité qui définit la relationd’indépendance entre <strong>de</strong>s acteurs, la relation se caractérise plus comme relationd’interdépendance.C’est ici que le rôle <strong>de</strong> l’ordinateur comme pôle <strong>de</strong> ressources <strong>et</strong> comme « quasiacteur» <strong>et</strong> « partenaire » <strong>de</strong>s élèves <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’enseignant nous paraît intéressant. Pourque c<strong>et</strong> outil technique soit un facteur d’indépendance entre les élèves <strong>et</strong>l’enseignant, cela suppose que ceux-ci aient accédé à un seuil <strong>de</strong> savoir-faire <strong>et</strong> <strong>de</strong>maîtrise qui leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> se libérer <strong>de</strong> certaines contraintes liées aux usages[Rabar<strong>de</strong>l, 1995 ; Bruillard & Baron, 2006].La question <strong>de</strong> l’efficacitéLa question <strong>de</strong> la relation entre motivation <strong>et</strong> efficacité fait encore aujourd’huidébat. Si la persévérance apparaît comme une condition <strong>de</strong> l’efficacité, elle n’en estpas la garante, car d’autres facteurs cognitifs <strong>et</strong> affectifs, susceptibles <strong>de</strong> contrecarrerson eff<strong>et</strong>, entrent en compte. C<strong>et</strong>te idée est contestée, soit par les théoriciens <strong>de</strong>l’analyse du travail comme Francès [1995], qui affirme qu’en analyse du travail,aucune corrélation n’a été trouvée entre motivation <strong>et</strong> performance ou efficacité ;soit, par <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> SLA qui expliquent qu’en raison <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>sfacteurs parallèles, le désir <strong>et</strong> l’engagement ne suffisent pas pour être efficace. Desproblèmes cognitifs ou affectifs, par exemple, peuvent contrecarrer la réussite <strong>de</strong> latâche. Dans le proj<strong>et</strong> Escale [Doc. 20-26, T2], j’ai cherché à vérifier, avec FrédériquePénilla, l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la motivation comme facteur <strong>de</strong> performance, <strong>et</strong> nous avonsconstaté qu’un niveau linguistique minimum (facteur cognitif) était nécessaire pour261


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsequela persévérance assure le succès. Dans la recherche TMM, dont il sera questionplus loin, j’ai pu mesurer l’importance du facteur affectif <strong>et</strong> social, déjà bien i<strong>de</strong>ntifiépar Krashen [1985] pour la LVE, <strong>et</strong> la manière dont le filtre d’origine sociale peutnuire à l’efficacité du travail.La réponse du proj<strong>et</strong> ESCALE, [Doc. 22, p. 101, T2]Le proj<strong>et</strong> a comporté entre six <strong>et</strong> huit séances réparties sur trois à cinq semainesselon les classes. La proportion <strong>de</strong>s 77 élèves ayant accompli la tâche <strong>dans</strong> sonintégralité (les <strong>de</strong>ux sous-tâches <strong>de</strong> la phase 1 <strong>et</strong> la production finale incluant l’article<strong>et</strong>/ou l’éditorial en phase 2) est <strong>de</strong> 68 %. Un tiers <strong>de</strong>s élèves n’a ainsi accompli latâche que partiellement. Ils sont 21 % à avoir remis 3 productions sur 4.Pourcentage d'élèves ayant réalisé lesdifférentes phases du proj<strong>et</strong>4% 5% 2%4 travaux/43 travaux/42 travaux/41 travail/4rien rendu21%68%Figure 19 - Répartition <strong>de</strong>s élèves en pourcentage <strong>et</strong> en fonction du nombre <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirsrendusLes résultats rapportés <strong>dans</strong> la troisième partie du présent ouvrage (toutesmodalités confondues) ont montré que tous les élèves ont progressé <strong>dans</strong> lesconnaissances déclaratives, c’est-à-dire culturelles, mais pas <strong>dans</strong> les compétences <strong>de</strong>production (écriture d’articles <strong>de</strong> journaux) <strong>et</strong> <strong>de</strong> compréhension. On a même vu un<strong>et</strong>endance à la baisse entre l’article qui a servi <strong>de</strong> prétest <strong>et</strong> celui qui a servi <strong>de</strong> posttest.Cela illustre bien une approche cognitive <strong>de</strong> la motivation, à savoir que si une262


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthès<strong>et</strong>âcheexige <strong>de</strong> manipuler plusieurs domaines <strong>de</strong> tâche <strong>et</strong> <strong>de</strong> poursuivre plusieursmacrobuts, comme <strong>dans</strong> une page d’accueil (buts pragmatiques, esthétiques <strong>et</strong>linguistiques), le but langagier en souffre ; en eff<strong>et</strong>, les élèves ont la LVE commelangue <strong>de</strong> travail, ils n’ont donc pas suffisamment automatisé leurs connaissances<strong>dans</strong> ce domaine <strong>et</strong> la charge <strong>de</strong> travail mental est trop forte pour que tous les butssoient réalisés <strong>de</strong> manière satisfaisante.Autre question importante du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’efficacité, celle <strong>de</strong>s élèves endifficulté. Le proj<strong>et</strong> a su les motiver <strong>et</strong> leur donner les moyens <strong>de</strong> maintenir c<strong>et</strong>temotivation, ils ont progressé comme les autres <strong>et</strong> leurs productions page d’accueilont été à la hauteur <strong>de</strong> celles d’élèves <strong>de</strong> niveau linguistique meilleur que ce soit <strong>dans</strong>la modalité Informatique ou <strong>dans</strong> la modalité Imprimé.La question <strong>de</strong> l’attributionMais le plus important est peut-être moins la question <strong>de</strong> l’efficacité que celle <strong>de</strong>la réussite, la notion <strong>de</strong> succès (autorécompense) que la notion <strong>de</strong> récompense(origine externe).Se développer n’est pas chez l’homme un processus <strong>de</strong>déploiement purement biologique, c’est en partie <strong>de</strong>venir cequ’on se propose d’être. En d’autres mots, grâce auxfonctions cognitives, l’organisme individuel <strong>de</strong>vient unepersonne se connaissant (conception <strong>de</strong> soi), alors que ledynamisme fondamental <strong>de</strong> l’individu ajoute à c<strong>et</strong>teconception <strong>de</strong> soi une dimension motivationnelle qu’on peuttraduire en termes <strong>de</strong> norme ou <strong>de</strong> « niveau <strong>de</strong> soi »[Lewin]. C’est <strong>dans</strong> le même contexte que se situent latension neutre <strong>de</strong> l’image idéale <strong>et</strong> la conception réaliste <strong>de</strong>soi : le moi perçu <strong>et</strong> le moi conçu. [Nuttin, op. cit., p. 296]La notion d’autorenforcement est à l’origine <strong>de</strong>s théories cognitives <strong>de</strong> lamotivation. Développées <strong>dans</strong> les années 1960, notamment par les théoriciens <strong>de</strong>l’apprentissage sociale [Bandura, 1969] <strong>et</strong> par les théories cognitives [Mischel,1997 ; Heckausen, 1973], elles ont été renforcées par les théories <strong>de</strong> l’attribution <strong>de</strong>Weiner [1974]. Ce <strong>de</strong>rnier a montré que la répercussion émotionnelle d’un échec oud’un succès « objectif » est fonction <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong>s causes qui ont produit cerésultat : si la cause, appelée souvent locus of control, est perçue comme interne, le263


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsesuj<strong>et</strong>en est profondément affecté ; si la cause est perçue comme externe, il peut enêtre émotionnellement peu affecté. L’auto-évaluation du proj<strong>et</strong> par les élèves, quientrait en jeu <strong>dans</strong> la phase 3 <strong>de</strong> notre recherche dynamique <strong>et</strong> qui s’est faite sousforme <strong>de</strong> questionnaires ouverts <strong>et</strong> fermés, a porté sur quatre gran<strong>de</strong>s questions :1. Es-tu satisfait(e) <strong>de</strong> ton travail ? Oui, pourquoi ? Non, pourquoi 642. Quelles sont les plus gran<strong>de</strong>s difficultés que tu as rencontrées ?3. Es-tu prêt(e) à renouveler l’expérience ?4. Qu’est-ce que tu changerais ?Les réponses <strong>de</strong>s élèves montrent la pertinence du modèle dynamique, puisquemême à l’intérieur <strong>de</strong> la motivation intrinsèque, la motivation évolue. Alors que <strong>dans</strong>le questionnaire préopératoire, ils sont une majorité à m<strong>et</strong>tre en avant le plaisir duchangement (1 er rang) <strong>et</strong> l’aspect ludique <strong>de</strong> l’ordinateur (2 ème rang) avec <strong>de</strong>sjustifications du style « c’est cool », « on va pouvoir rigoler avec mon copain », à lafin du proj<strong>et</strong>, ils expliquent leur satisfaction en termes d’apprentissage (1 er rang) <strong>et</strong> <strong>de</strong>créativité (2 ème rang). Les justifications se transforment alors en « on a appris plein<strong>de</strong> choses », « c’était chou<strong>et</strong>te <strong>de</strong> pouvoir créer notre propre page ». Mieux encore,plusieurs élèves closent leur exposé en ces termes : « je n’aurais pas cru que j’auraispu faire une chose pareille ». De plus, la cause principale d’insatisfaction reste lemanque <strong>de</strong> temps : « si on avait eu plus <strong>de</strong> temps, on aurait pu faire mieux » <strong>et</strong> « sion avait eu plus <strong>de</strong> temps, ou aurait pu m<strong>et</strong>tre plus <strong>de</strong> liens » ou encore « j’auraisvoulu créer d’autres pages que le page d’accueil » [Doc. 24, T3]. C<strong>et</strong>te recherchemontre, en outre, que lorsqu’un proj<strong>et</strong> leur apporte une immense satisfaction entermes <strong>de</strong> plaisir <strong>et</strong> <strong>de</strong> succès, la récompense du professeur sous forme <strong>de</strong> note passeau second plan. Certains élèves qui avaient placé ce facteur <strong>de</strong> motivation en<strong>de</strong>uxième position au préquestionnaire, l’ont purement <strong>et</strong> complètement ignoré <strong>dans</strong>l’évaluation finale du proj<strong>et</strong>. On leur avait aussi <strong>de</strong>mandé si le fait que leur page soit64 Notons que les élèves pouvaient répondre oui <strong>et</strong> non, puisque qu’il est rare que nous puissionsrépondre à ces questions <strong>de</strong> manière tranchée. Ils pouvaient être satisfaits pour certaines raisons <strong>et</strong> paspour d’autres.264


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsepubliéesur le Web ou affichée <strong>dans</strong> la médiathèque du lycée était source <strong>de</strong>motivation. Ce fut le cas <strong>dans</strong> la motivation proactive mais très peu <strong>dans</strong> lamotivation rétroactive. Dans ce <strong>de</strong>rnier cas, la publication est vécue comme unfacteur externe, source <strong>de</strong> contrainte car « il faut encore plus faire attention auxfautes en anglais » <strong>et</strong> non comme un facteur <strong>de</strong> fierté ou <strong>de</strong> reconnaissance.Les TICE sont-elles facteurs <strong>de</strong> motivation ?Les recherches menées en didactique <strong>de</strong> l’anglais, en didactique <strong>de</strong>s langues <strong>et</strong> enEIAH en matière <strong>de</strong> conception d’outils informatiques s’accor<strong>de</strong>nt, en général, àsouligner les apports <strong>de</strong>s réseaux informatiques <strong>et</strong> tout particulièrement d’Intern<strong>et</strong> àl’enseignement/apprentissage <strong>de</strong>s langues étrangères. En particulier, Intern<strong>et</strong> offriraitla possibilité d’élaborer <strong>de</strong>s modalités pédagogiques plus efficaces que les modalitésclassiques <strong>dans</strong> lesquelles l’enseignant, face au groupe classe, joue les rôlesd’instructeur, d’évaluateur <strong>et</strong> d’animateur. Les raisons principales <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te efficacitépédagogique tiendraient :‣ à un accès à une information plus authentique <strong>et</strong> diversifiée qu’en class<strong>et</strong>raditionnelle ;‣ à la possibilité donnée aux enseignants <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s tâchesd’apprentissage plus motivantes, fondées sur le modèle du scénariopédagogique, qui autorisent la mise en œuvre d’une pédagogiedifférenciée ;‣ au développement du sens <strong>de</strong> la responsabilité chez les élèves <strong>et</strong> enconséquence, <strong>de</strong> leurs capacités d’autonomie, via un travail <strong>de</strong> typecollaboratif ;‣ à <strong>de</strong> meilleures performances écrites en langues étrangères du fait <strong>de</strong> lanature du travail collaboratif <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s différenciées fournies par ledispositif.Cependant, peu <strong>de</strong> recherches empiriques ont testé ces affirmations sur le terrain<strong>dans</strong> une démarche <strong>de</strong> type scientifique.‣ Oui, les TICE sont motivantes <strong>dans</strong> la mesure où elles perm<strong>et</strong>tentd’organiser <strong>de</strong>s tâches motivantes, mais ce ne sont pas les TICE en tant265


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsequ<strong>et</strong>elles qui sont les principales sources <strong>de</strong> motivation mais la tâche. Eneff<strong>et</strong>, aucune différence statistiquement significative ne différencie lescomportements <strong>et</strong> les réponses apportées par les élèves du groupeInformatique.‣ Oui, les TICE en tant qu’ai<strong>de</strong> à l’apprentissage ont un rôle motivant maispas différent <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> toute ai<strong>de</strong> à l’apprentissage, c’est-à-dire qu’il fautqu’elles soient adaptées à la tâche <strong>et</strong> aux compétences du suj<strong>et</strong> [Nissen,2005, 2008 ; Mangenot, 2001, 2009].‣ Les TICE présentent, toutefois, <strong>de</strong>ux aspects/potentialités spécifiquementmotivants qui les distinguent <strong>de</strong>s autres formes d’ai<strong>de</strong> :a. Une fonction d’accroche <strong>et</strong> <strong>de</strong> séduction qui est d’ailleursapparue <strong>dans</strong> les trois proj<strong>et</strong>s [A, B <strong>et</strong> C] <strong>et</strong> que j’analysecomme fonction magique <strong>dans</strong> un article en préparation [Raby,2009b]b. Une fonction <strong>de</strong> prothèse cognitive [Lemire, 2008] : lespropriétés techniques <strong>de</strong> l’ordinateur perm<strong>et</strong>tent d’accroître lapuissance <strong>de</strong> calcul, <strong>de</strong> se doter d’une mémoire externe riche <strong>et</strong>flexible, <strong>de</strong> réguler son travail en visionnant le produit final <strong>et</strong>,en trouvant <strong>de</strong>s procédures alternatives, <strong>de</strong> manipulerconjointement plusieurs banques <strong>de</strong> données qui accroissent lacapacité <strong>de</strong> cerveau.La réponse <strong>de</strong> TMMJe ne vais pas reprendre ici le bilan <strong>de</strong> l’expertise du logiciel que nous avonsdressé, il figure au tome 2 <strong>de</strong> mes publications. Je vais plutôt tenter <strong>de</strong> montrercomment l’approche ergonomique perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> relier <strong>de</strong>ux domaines qui ont étélongtemps considérés comme distincts, celui <strong>de</strong> la cognition <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> la motivation,266


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse<strong>et</strong>en quoi c<strong>et</strong>te expertise m’a aidée à progresser <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la motivation <strong>et</strong>pas seulement <strong>dans</strong> celui <strong>de</strong>s TICE.L’eff<strong>et</strong> positif <strong>de</strong> la fonction d’accrocheLe logiciel a eu tout d’abord un eff<strong>et</strong> motivant très important : les apprenants (tousvolontaires, je le rappelle) ont été séduits par les « prouesses » <strong>de</strong> l’interface :couleurs, animations, qualité du <strong>de</strong>ssin <strong>et</strong> <strong>de</strong> la vidéo, on avait là un produit ressenticomme « glamour ». Ils furent aussi tous gran<strong>de</strong>ment impressionnés par la navigation<strong>dans</strong> le cédérom <strong>et</strong> la panoplie <strong>de</strong> fonctionnalité <strong>et</strong> d’exercices qu’il offrait. Il fautdire que nombre d’entre eux, surtout chez les IATOS, n’étaient pas du tout familiers<strong>de</strong> ce genre d’outil <strong>et</strong> pour eux, l’ordinateur se limitait au courrier électronique <strong>et</strong> auxlogiciels <strong>de</strong> comptabilité. Ce fut véritablement tout un univers <strong>de</strong> travail qui sedéployait <strong>de</strong>vant eux <strong>et</strong> dont ils ne pensaient pas pouvoir un jour faire le tour.L’eff<strong>et</strong> fut motivant à double titre : d’une part, le fait <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre à leur service unoutil aussi raffiné leur donnait indirectement une certaine reconnaissance, une valeursociale (c’est que, quelque part, ils le méritaient) <strong>et</strong> d’autre part, un tel outil nepouvait qu’être efficace. Plus encore qu’une ai<strong>de</strong> cognitive, qui étendait simplementles capacités du cerveau, TMM allait jouer le rôle d’une prothèse cognitive quiremédiait, au sens médical du terme, à une déficience originelle : l’absence <strong>de</strong> donpour les langues. Ils entr<strong>et</strong>enaient, en fait, une relation magique à l’artefact dont lespropriétés esthétiques luxueuses allaient, comme par enchantement, agir sur leurcerveau <strong>et</strong> leur perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> surmonter leurs échecs passés en langue étrangère. Nousn’avons pas perçu c<strong>et</strong>te relation magique dès l’entrée <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> mais plus tard,<strong>dans</strong> les réponses aux questionnaires <strong>et</strong> lors <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens que nous avons pu avoiravec eux à la fin <strong>de</strong> l’expérience [Doc. 22, p. 42]. Ayant rencontré c<strong>et</strong>te fascination<strong>de</strong> l’outil, <strong>de</strong>puis, chez bien <strong>de</strong>s usagers, j’ai été amenée à construire la notion <strong>de</strong>hook function ou « fonction d’accroche » pour désigner ce pouvoir <strong>de</strong>motivation/séduction propre à l’outil informatique [Doc. 14, p. 279]. Qu’est <strong>de</strong>venuc<strong>et</strong> enthousiasme initial au fil <strong>de</strong> l’usage ? Les analyses ergonomiques d’AmandineKonan <strong>et</strong> Sassia Zouai ont nourri la première partie du rapport [Doc. 21, p. 20, T2].Elles décrivent toutes les possibilités techniques <strong>de</strong> TMM, tout le potentiel <strong>de</strong> l’outilen termes d’utilisation. Elles montrent bien que les concepteurs du logiciel ont essayé267


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse<strong>de</strong>prendre en compte l’usager final <strong>dans</strong> la conception du logiciel, <strong>dans</strong> uneapproche centrée sur l’usager [voir le chapitre 12], mais <strong>de</strong> quel usager s’agit-il ?C’est là tout le problème. L’usager idéal <strong>de</strong> TMM est un consommateur qui attend leplus grand nombre <strong>de</strong> services possibles au meilleur prix. Pourvu qu’on lui donnebeaucoup <strong>de</strong> fonctionnalités <strong>et</strong> d’exercices <strong>et</strong> que l’apprentissage soit ludique (unautre maître mot <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> programmes éducatifs), il sera content. Or, lamotivation, au sens où nous l’entendons, c’est-à-dire qui suppose le maintien <strong>et</strong> lerenouvellement <strong>de</strong> l’action, ne fut finalement pas au ren<strong>de</strong>z-vous. Peu à peu, certainsapprenants ont espacé leur travail avant d’abandonner le proj<strong>et</strong>. Certes, les difficultésinstitutionnelles expliquent en partie le phénomène, mais l’observation <strong>de</strong>sapprenants au travail ainsi que les réponses aux questionnaires suggéraient que <strong>dans</strong>l’ensemble, les apprenants étaient tout à fait satisfaits du logiciel. Commentexpliquer, dès lors, c<strong>et</strong>te apparente contradiction entre un jugement positif sur lelogiciel <strong>et</strong> l’abandon du dispositif <strong>et</strong> du travail ?L’impact négatif du facteur cognitif sur la motivationLes imperfections ergonomiques du logiciel du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’ergonomiecognitive ont été bien mises en évi<strong>de</strong>nce par les <strong>de</strong>ux auteurs <strong>de</strong>s recherches : unenavigation contrainte, une métaphore (le plateau <strong>de</strong> cinéma) pas toujours bienexploitée, <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> navigation entre les exercices, un manque <strong>de</strong> flexibilité,<strong>de</strong>s informations parfois trop abondantes <strong>et</strong> parfois manquantes, une reconnaissancevocale techniquement défectueuse, une simulation <strong>de</strong> dialogue qui s’apparente plusau drill qu’à une situation dialoguée, <strong>et</strong>c. J’ai développé tous ces problèmes <strong>dans</strong> laquatrième partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage. Mais pour conclure sur la motivation, les résultatsont illustré le proverbe « le mieux est l’ennemi du bien », car un logiciel est motivants’il peut véritablement s’inscrire <strong>dans</strong> l’activité <strong>de</strong> l’agent, c’est-à-dire s’il ne suscitepas le syndrome du g<strong>et</strong>ting lost [Raby, 1994], s’il présente <strong>de</strong>s tâches pertinentes, s’ilperm<strong>et</strong> à l’élève une réflexion sur son parcours, s’il respecte les règles d’affordance.Le nombre important <strong>de</strong> fonctionnalités <strong>et</strong> d’exercices se r<strong>et</strong>ournent contrel’apprenant s’il n’a pas un niveau linguistique suffisant. Une fois encore, nousr<strong>et</strong>ombons sur la question du nombre <strong>de</strong> domaines <strong>de</strong> tâches à manipuler <strong>et</strong> <strong>de</strong>domaines <strong>de</strong> connaissances à apprendre : quand il faut apprendre TMM en même268


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthès<strong>et</strong>empsqu’on apprend l’anglais, cela <strong>de</strong>vient trop difficile <strong>et</strong> démotivant ! Des tâchespertinentes ne sont pas forcément complexes ou passionnantes, ce sont <strong>de</strong>s tâches quicorrespon<strong>de</strong>nt au but recherché par l’apprenant.Par ailleurs, l’ensemble <strong>de</strong> mes recherches a montré que les étudiants apprécient<strong>de</strong> pouvoir se créer une niche écologique <strong>dans</strong> laquelle ils détournent tel ou telinstrument à <strong>de</strong>s fins qui leurs sont propres [concept développé <strong>dans</strong> Doc. 12, p. 214,T1]. Le problème <strong>de</strong>s outils comme TMM, qualifiés souvent d’outils fermés, neperm<strong>et</strong>tent pas, <strong>dans</strong> l’usage, les détournements nécessaires à une véritableappropriation du logiciel. C’est un aspect démotivant du produit lié à l’autonomie.Enfin, la recherche a montré l’absolue nécessité d’un tutorat pour le travail enautonomie [Nessen, 2005, 2008 ; Guichon, 2009]. Sans la présence d’un médiateurqui régule les relations entre l’apprenant, le logiciel <strong>et</strong> la LVE, la motivations’effondre. Répétons-le encore, l’autonomie ne se résume pas à un face à face avec lamachine.Chapitre 9 R<strong>et</strong>our sur le modèle : élaboration d’un modèlepolytomique <strong>et</strong> pondéréLes résultats <strong>de</strong>s recherches menées <strong>de</strong> 2003 à 2007 m’ont amenée à revenir sur lemodèle <strong>de</strong> la motivation. Ce va-<strong>et</strong>-vient entre le modèle <strong>et</strong> l’activité continue encoreà caractériser ma démarche scientifique <strong>et</strong> mon travail d’encadrement <strong>de</strong> larecherche. Ce second modèle ne vient pas remplacer le premier, il le complète. Enréalité, j’ai parcouru exactement le même chemin <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> la motivationque <strong>dans</strong> le domaine d’activité : je suis partie d’une vision assez structuraliste duphénomène, en essayant d’en saisir toutes les composantes <strong>de</strong> manière contrastive.C’est la vision d’un couplage tâche/activité que nous offre Montmollin <strong>de</strong> la situation<strong>de</strong> travail, <strong>et</strong> c’est c<strong>et</strong>te vision <strong>de</strong> la motivation que j’ai reprise <strong>dans</strong> la visiondynamique <strong>de</strong> Dörnyei. Certes, ces <strong>de</strong>ux représentations me plaçaient déjà au-<strong>de</strong>làd’une simple taxonomie <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s étudiés, <strong>et</strong> la dimension dynamique étaitapparente, que ce soit pour la tâche ou pour la motivation. Mais <strong>dans</strong> les <strong>de</strong>ux cas, lesschémas ne rendaient pas compte <strong>de</strong> la dimension dialectique du phénomène. De269


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèseplus,j’ai appris sur le terrain qu’un même facteur peut jouer <strong>dans</strong> les <strong>de</strong>ux sens :<strong>dans</strong> le sens <strong>de</strong> l’activité ou <strong>dans</strong> un sens contraire à l’activité ; <strong>dans</strong> le sens d’unrenforcement <strong>de</strong> la motivation ou <strong>dans</strong> le sens <strong>de</strong> son affaiblissement… ou encore<strong>dans</strong> un sens nul. Les facteurs <strong>de</strong> la motivation sont comme la langue d’Esope. 65Une approche polytomiqueIl me fallait donc établir un modèle qui puisse rendre compte du fait que lesfacteurs pouvaient se réaliser selon trois modalités : positive, négative ou neutre.J’utilise le terme polytomique, que j’emprunte à l’analyse statistique, pour désignerc<strong>et</strong>te caractéristique. J’avais découvert les modèles dichotomiques lorsque j’ai vouludécrire une salle d’apprentissage multimédia comme un univers à n dimensions,défini par toutes les variables qui caractérisaient ce dispositif. Pascal Bressoux, lestatisticien <strong>de</strong> l’équipe, recommanda <strong>de</strong> choisir le modèle <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>scorrespondances multiples [Benzecri, 1976, 1980, 1992]. Ce modèle est ditdichotomique, c’est-à-dire qu’il prend en compte à la fois l’occurrence <strong>et</strong> la nonoccurrenced’une variable [Doc. 10, pp. 219-220, T1]. On considère ici que l’activité<strong>de</strong>s agents doit être décrite en termes <strong>de</strong> ce qu’ils font <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce qu’ils ne font pas.Intellectuellement, la démarche s’apparente à celle <strong>de</strong> l’analyse du discours, c’est-àdireà rechercher ce qui n’est pas dit au même titre que ce qui est dit <strong>dans</strong> un texte.Dans le cas <strong>de</strong> la motivation, je ne pouvais pas appliquer ce schéma, puisque mesfacteurs prenaient en compte trois modalités : motivation, démotivation <strong>et</strong> eff<strong>et</strong> nul.J’ai donc recherché les modèles scientifiques qui prenaient en compte plusieursmodalités : ce sont les modèles polytomiques. Voici un exemple d’une telle analysechez les apprenants : considérant que l’autonomie est considérée comme source <strong>de</strong>motivation pour les apprenants, j’ai cherché, <strong>dans</strong> leurs discours, <strong>de</strong>s énoncés <strong>dans</strong>65 Le maître d’Ésope lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’aller ach<strong>et</strong>er, pour un banqu<strong>et</strong>, la meilleure <strong>de</strong>s nourritures <strong>et</strong>rien d’autre. Ésope ne ramène que <strong>de</strong>s langues ! Entrée, plat, <strong>de</strong>ssert, que <strong>de</strong>s langues ! Les invités audébut se régalent puis sont vite dégoûtés. « Pourquoi n’as-tu ach<strong>et</strong>é que ça ? ». « Mais la langue est lameilleure <strong>de</strong>s choses. C’est le lien <strong>de</strong> la vie civile, la clef <strong>de</strong>s sciences, avec elle on instruit, onpersua<strong>de</strong>, on règne <strong>dans</strong> les assemblées... ». « Eh bien achète moi pour <strong>de</strong>main la pire <strong>de</strong>s choses, jeveux diversifier <strong>et</strong> les mêmes invités seront là ». Ésope achète encore <strong>de</strong>s langues, disant que c’est lapire <strong>de</strong>s choses, la mère <strong>de</strong> tout les débats, la nourrice <strong>de</strong>s procès, la source <strong>de</strong>s guerres, <strong>de</strong> lacalomnie <strong>et</strong> du mensonge. [La Fontaine]270


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèselesquelsle terme est affecté <strong>de</strong> la valeur + (par exemple, le choix), <strong>de</strong>s énoncés quiexpriment une valeur - (par exemple, une perte <strong>de</strong> temps) ou encore l’expressiond’une indifférence (ça ne change rien, valeur =). J’aurai donc, pour un même facteur,trois modalités d’occurrence. Autre exemple, <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> Escale, les apprenants<strong>de</strong>vaient juger si la possibilité <strong>de</strong> collaborer sur les divers buts qui leur étaientproposés se révélait motivante pour certaines raisons, démotivante pour d’autres, ouencore sans eff<strong>et</strong>.La pondération <strong>de</strong>s facteursJ’ai éprouvé une autre insatisfaction <strong>de</strong>vant mon premier modèle : il ne rendaitpas compte du poids <strong>de</strong>s facteurs. C’est la recherche que j’ai menée sur le facteur« instrument » comme facteur motivationnel qui m’a mise sur c<strong>et</strong>te voie. L’analyse<strong>de</strong>s journaux tenus par les élèves montrait, en eff<strong>et</strong>, que le facteur motivationnelpouvait jouer <strong>de</strong> manière nécessaire ou contingente. J’ai donc distingué <strong>de</strong>ux typesd’énoncés : ceux <strong>dans</strong> lesquels les apprenants exprimaient le fait que sansl’instrument, ils n’auraient pas pu réaliser la tâche (j’ai appelé c<strong>et</strong>te modalité primaryrank factor) <strong>et</strong> ceux <strong>dans</strong> lesquels ils exprimaient le fait que l’instrument les avaitaidés, stimulés, ou qu’il leur tout simplement plu (j’ai appelé c<strong>et</strong>te modalitésecondary rank factor) [Doc. 14, p. 198, T1]. C<strong>et</strong>te idée m’est d’ailleurs venue suiteà ma réflexion critique sur la triangulation [voir <strong>de</strong>uxième partie]. Il ne suffit pas <strong>de</strong>dégager <strong>de</strong>s facteurs internes ou externes <strong>de</strong> la motivation, il faut aussi prendreconscience du rang (contingent ou nécessaire) qu’ils occupent, afin <strong>de</strong> cibler enpriorité ceux qui sont essentiels <strong>dans</strong> le dispositif pédagogique.Ces recherches m’ont aussi conduite à réévaluer le poids <strong>de</strong> certains facteurs, enaccordant une place importante aux facteurs dits externes, alors que le courantdominant <strong>de</strong>s recherches m<strong>et</strong> l’accent sur les composants internes <strong>de</strong> la motivation.De ce point <strong>de</strong> vue, l’évolution <strong>de</strong> la théorisation <strong>de</strong> Dörnyei est très intéressante. En1998, il a produit un modèle dynamique <strong>de</strong> la motivation qu’il présentait clairementcomme un modèle situé <strong>et</strong> bien adapté à la classe, parce qu’il m<strong>et</strong>tait en relation lamotivation <strong>et</strong> les diverses phases <strong>de</strong> l’action. En 2005, il a élaboré un nouveaumodèle dont les fonctions étaient <strong>de</strong> synthétiser les diverses théories <strong>et</strong> <strong>de</strong> s’appliquerà toutes sortes d’environnements d’apprentissage :271


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-The new construct – the “ L2 Motivational Self-System”attempts to synthesize a number of influential approaches inthe field (e.g. Gardner 1985; Noël 2003; Ushioda 2001) andat the same time broa<strong>de</strong>ns the scope of L2 motivation theoryto make it applicable in diverse language learningenvironments in the current, increasingly globalized world.(For a <strong>de</strong>tailed <strong>de</strong>scription, see Dörnyei 2009). [Dörnyei,2009, p. 212]On pouvait alors penser que, du fait <strong>de</strong> son élargissement <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’accent mis sur lesthéories du moi (i<strong>de</strong>al self+ought self), le modèle allait perdre <strong>de</strong> son efficacité pourrendre compte <strong>de</strong>s situations académiques d’apprentissage. En eff<strong>et</strong>, les diversenvironnements d’apprentissage <strong>de</strong> la L2 incluent <strong>de</strong>s environnements noninstitutionnels. Dès lors, la notion <strong>de</strong> situation <strong>de</strong> travail qui est au cœur <strong>de</strong>l’approche ergonomique disparaissait <strong>et</strong> l’importance <strong>de</strong>s facteurs contextuels ouenvironnementaux diminuait au profit <strong>de</strong>s facteurs relevant du moi. Dans ces<strong>de</strong>rnières formulations, Dörnyei semble conscient du problème lorsqu’il écrit :However, I also felt that we nee<strong>de</strong>d to add a third majorconstituent, which was associated with the direct impact ofthe stu<strong>de</strong>nts’ learning environment. After all, one of the mainachievements of the “educational shift” of motivationresearch in the 1990s was the recognition of themotivational impact of the main components of theclassroom learning situation, such as the teacher, thecurriculum, and the learner group. [Dörnyei, op.cit., p. 217]Et son <strong>de</strong>rnier modèle est composé <strong>de</strong>s mois idéaux <strong>et</strong> prescrits, auxquels il ajoutel’expérience d’apprentissage.Personnellement, les recherches évoquées m’ont convaincue, <strong>dans</strong> le cas <strong>de</strong>l’apprentissage en situation <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s facteurs externes. Certes,les didacticiens <strong>de</strong>s langues ne sauraient les ignorer, surtout ceux qui travaillent surles TICE, mais trop souvent, leur importance reste sous-évaluée parce qu’ils sontassociés à la motivation extrinsèque, considérée comme la « mauvaise » motivationpar rapport à la motivation intrinsèque, qui serait la « bonne » motivation. Il y a là, àmon avis, confusion entre la « nature » <strong>de</strong> la motivation <strong>et</strong> le « facteur » <strong>de</strong> lamotivation <strong>et</strong> je vais tenter <strong>de</strong> m’expliquer sur ce point. La motivation est un étatpsychologique. Il n’existe donc pas, en toute logique, <strong>de</strong> motivation interne ouexterne, comme on le lit souvent, puisqu’elle ne peut être qu’interne. La question est272


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsealors<strong>de</strong> savoir ce qui pousse l’individu à agir, quelles représentations ? Quellesattentes ? Quelles attributions ? Toutes les théories actuelles affirment que le facteurle plus efficace est celui qui émane du suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> non <strong>de</strong> l’environnement. C<strong>et</strong>te visiondichotomique me parait erronée car elle repose sur un modèle homéostatique. Or, <strong>de</strong>ce point <strong>de</strong> vue, l’épistémologie génétique <strong>de</strong> Piag<strong>et</strong> [1967], la théorie <strong>de</strong> l’étayage<strong>de</strong> Bruner [1983] ou la théorie génétique historique <strong>et</strong> culturelle <strong>de</strong> Vygotski [1978]se rejoignent : nous sommes <strong>de</strong>s organismes en perpétuel mouvement <strong>et</strong> déséquilibre,un seul composant du système peut affecter un composant en apparence éloigné, <strong>et</strong>c’est <strong>dans</strong> l’interaction avec notre environnement que se développe l’individu. Enconséquence <strong>de</strong> ces idées très générales, c’est <strong>dans</strong> l’interaction avec les autrescomposants humains <strong>et</strong> matériels <strong>de</strong> la classe que la motivation pour la tâche va sedévelopper chez l’élève. Ce sont bien les facteurs externes, in fine, qui provoquentl’évolution, mais ces facteurs externes sont, en quelque sorte, « traités » par lecerveau <strong>de</strong> l’élève, <strong>et</strong> c’est là que les mécanismes internes interviennent. Nierl’importance <strong>de</strong>s facteurs externes, c’est en fait rej<strong>et</strong>er toute théorie dudéveloppement, en particulier celui <strong>de</strong> la motivation ou <strong>de</strong> la démotivation.L’enseignant, les outils, les pairs méritent tous leur place <strong>dans</strong> les recherches. Maisils ne doivent pas être vus comme <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s externes à l’élève mais comme <strong>de</strong>sinstruments au sens anthropologique que Simondon ou Vygotski accor<strong>de</strong>nt à c<strong>et</strong>erme. La perception que les élèves ont du proj<strong>et</strong>, <strong>de</strong>s outils, <strong>de</strong> l’enseignant, <strong>de</strong>l’évaluation rencontre les « I<strong>de</strong>al L2 self » <strong>et</strong> les « Ought L2 Self ». C’est <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>terencontre que se génère, se maintient <strong>et</strong> se renouvelle la motivation, mais commentrendre compte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te rencontre ? C’est une <strong>de</strong>s questions auxquelles la rechercheen Motivation pour l’Apprentissage d’une LVE en Situation Académique(M.A.L.S.A.) <strong>de</strong>vra répondre <strong>et</strong> c’est ce travail que je songe approfondir <strong>dans</strong> lesannées à venir. J’ai bien conscience qu’il ne sera pas possible <strong>de</strong> progresser <strong>dans</strong>c<strong>et</strong>te voie sans intégrer les récents apports <strong>de</strong>s neurosciences <strong>dans</strong> ce domaine <strong>et</strong> sansrenouveler encore mes métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recherche.273


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-ConclusionLes trois problèmes majeurs rencontrés tout au long <strong>de</strong> mes recherches sur lamotivation sont : le risque <strong>de</strong> la confusion, le risque <strong>de</strong> la trivialité <strong>et</strong> le risque <strong>de</strong>l’échec. Le risque <strong>de</strong> confusion vient <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>s théories <strong>et</strong> <strong>de</strong>s facteurs,j’espère être parvenue à démontrer que la mise à l’épreuve <strong>de</strong> ces théories sur l<strong>et</strong>errain clarifie les problèmes en ne r<strong>et</strong>enant que les modèles qui contribuentréellement à l’analyse <strong>de</strong> l’activité au travail. Le risque <strong>de</strong> trivialité est encore plusgrand, c’est le fameux décalage entre l’arsenal théorique ou méthodologique <strong>et</strong> latrivialité <strong>de</strong>s résultats obtenus (dont certains enseignants diront d’ailleurs « on lesavait <strong>de</strong>puis longtemps »). Je ne pense pas avoir pu éviter ce piège, surtout que, laplupart du temps, je me donne pour objectif <strong>de</strong> vérifier les crédos répandus parl’institution ou la Doxa. Cependant, je pense que le rôle du chercheur ne consiste passeulement à produire <strong>de</strong> nouveaux modèles ou théories, mais plus mo<strong>de</strong>stement, àm<strong>et</strong>tre à l’épreuve <strong>de</strong> la rationalité les croyances <strong>et</strong> les opinions. J’ai l’impressiond’avoir accompli c<strong>et</strong>te tâche sur la motivation. Si je n’ai pas, en l’occurrence,découvert <strong>de</strong> nouveaux facteurs motivationnels, j’ai apporté, par mes recherches, <strong>de</strong>séclaircissements <strong>de</strong> quatre ordres :‣ Le terrain a parfois donné tort à <strong>de</strong>s idées communément développées,comme le fait que les TICE seraient un puissant outil motivationnel enelles-mêmes, ou qu’une tâche réputée difficile est nécessairementdémotivante.‣ J’ai montré que tout facteur motivationnel, qu’il soit externe ou interne,n’était jamais motivant en soi <strong>et</strong> que le même facteur, comme l’autonomie,la collaboration, la responsabilité, le choix, l’enseignant, l’ordinateur,pouvait intervenir <strong>de</strong> trois manières <strong>dans</strong> le processus motivationnel :positive, négative ou neutre.‣ J’ai mis en évi<strong>de</strong>nce l’importance, <strong>dans</strong> les situations <strong>de</strong> classe, ducontrôle <strong>de</strong> l’action <strong>dans</strong> le processus, alors que ce facteur a étérelativement peu exploré <strong>dans</strong> les recherches empiriques.274


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-‣ J’ai redonné aux facteurs externes l’importance qu’ils méritent.Ce qu’il reste à construireJe pense qu’avec les <strong>de</strong>ux outils que j’ai construits, un modèle dynamique qui meservira à analyser l’évolution <strong>de</strong> la motivation au cours <strong>de</strong> l’action, <strong>et</strong> un modèlepondéré qui me servira à analyser le poids <strong>de</strong>s facteurs, j’appréhen<strong>de</strong>rai mieux lamotivation <strong>dans</strong> l’activité. Cependant, je ne suis pas entièrement satisfaite <strong>de</strong> c<strong>et</strong>ravail qui présente encore <strong>de</strong>ux lacunes importantes. L’une concerne le facteur LVE,à la fois langue cible <strong>et</strong> langue <strong>de</strong> travail. Tout a été dit, ou presque, sur l’image quevéhicule la LVE, image cognitive <strong>et</strong> sociale, image esthétique ou instrumentale, <strong>et</strong>sur l’influence que c<strong>et</strong>te image a sur la phase préopératoire <strong>de</strong> la motivation, maisbien peu <strong>de</strong> lignes ont été écrites sur l’impact <strong>de</strong> la LVE, langue étrangère <strong>et</strong> sourced’incompréhension ou d’erreurs, sur la motivation. Ou plutôt, bien <strong>de</strong>s lignesprescriptives ont été écrites sur la nécessité <strong>de</strong> ne pas stigmatiser l’erreur, ou <strong>de</strong>fournir à l’apprenant <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s linguistiques mais peu <strong>de</strong> recherches empiriques sontà notre disposition pour nous renseigner sur le poids <strong>de</strong> ce facteur <strong>dans</strong> l’activité.Enfin, le problème le plus épineux reste celui <strong>de</strong> l’interaction <strong>de</strong>s facteurs. Si nousprenons ce terme <strong>dans</strong> son acception statistique, nous pouvons tout à fait analyser lephénomène, à condition <strong>de</strong> nous placer <strong>dans</strong> une perspective expérimentale. Dans cecas, la variable dépendante sera, bien sûr, les performances <strong>de</strong>s élèves, <strong>et</strong> oncherchera à savoir, par exemple, si on a une interaction du type : plus les élèves ontconfiance en eux <strong>et</strong> moins le professeur intervient, plus les performancesaugmentent ; <strong>et</strong> à l’inverse, moins les élèves ont confiance en eux <strong>et</strong> plus leprofesseur intervient, plus les performances diminuent. Ce type d’analyse a été utilisétrès souvent <strong>dans</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la motivation au travail [Francès, 1995]. Ce peut être unepremière approche intéressante à m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>dans</strong> le cadre d’une quasiexpérimentation.Cependant, je suis plus intéressée par une approche <strong>de</strong> typeprocessus, qui porte moins sur le fait <strong>de</strong> savoir si les facteurs interagissent quecomment ils interagissent <strong>et</strong> pour cela, nous ne disposons pas encore d’un outild’analyse fiable. Il ne s’agit pas, selon moi, d’abord d’un problème méthodologiquemais épistémique [Narcy-Combes, 2008]. Certes, les courants actuels en SLAenglobent aujourd’hui les facteurs cognitifs, motivationnels <strong>et</strong> affectifs <strong>dans</strong>275


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsel’acquisition<strong>de</strong> la L2, dont on dit qu’elle est le produit d’un système cognitif,motivationnel <strong>et</strong> émotionnel. Mais je pense qu’on ne dispose pas encore <strong>de</strong> théoriequi explique avec précision comment ces composantes <strong>de</strong> la personnalitéinteragissent <strong>dans</strong> le travail <strong>de</strong> la LVE en situation académique, <strong>et</strong> c’est <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>tevoie que je souhaite poursuivre mes travaux.Résumé <strong>de</strong> la cinquième partieDans ce chapitre consacré à <strong>de</strong>s recherches plus récentes sur la motivation, j’aitout d’abord exposé les difficultés théoriques <strong>et</strong> méthodologiques liées à cemétaconstruit. J’ai ensuite présenté le modèle dynamique, inspiré <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>Zoltan Dörnyei, que j’ai mis au point pour étudier le processus <strong>de</strong> la motivation ensituation académique. Puis j’ai présenté quelques mises en œuvre du modèle <strong>dans</strong><strong>de</strong>s recherches <strong>de</strong> terrain. Enfin, j’ai montré comment les résultats <strong>de</strong> ces recherchesm’ont amenée, conformément à la démarche <strong>de</strong> l’ergonome, à revenir sur monmodèle pour le corriger <strong>et</strong> le compléter.276


TROISIEME PARTIE : RECHERCHES SUR LA MOTIVATIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-277


CONCLUSIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-CONCLUSIONAu moment <strong>de</strong> conclure ce parcours, c’est la notion d’écart qui s’imposeencore à moi après avoir relu ces pages. Il y a, en eff<strong>et</strong>, un écart que je n’ai pasencore abordé <strong>dans</strong> c<strong>et</strong> ouvrage c’est celui entre les intentions, les proj<strong>et</strong>s, lesambitions du chercheur <strong>et</strong> le résultat <strong>de</strong> ses efforts. C<strong>et</strong> écart est inévitable, bien-sûr,parfois douloureux, mais au final, n’est-ce pas lui qui nous fait poursuivre l’effort ?S’il ne subsistait pas d’écart, il n’y aurait plus <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> à combler <strong>et</strong> donc plusd’énigme à résoudre.L’exercice <strong>de</strong> l’habilitation a ceci d’intéressant <strong>et</strong> <strong>de</strong> profitable au chercheurqu’il conduit à tisser <strong>de</strong>s fils entre <strong>de</strong>s thèmes <strong>de</strong> recherche apparemmentdéconnectés. J’ai été souvent amené à renvoyer mon lecteur d’un chapitre à l’autre<strong>de</strong> l’ouvrage car certaines questions, métho<strong>de</strong>s ou encore auteurs se faisaient écho,entre théorie ergonomique <strong>et</strong> théorie <strong>de</strong> la SLA, entre processus stratégiques <strong>et</strong>processus motivationnels, <strong>et</strong>c. C’est c<strong>et</strong>te démarche en écho qui m’aura sans doutepermis <strong>de</strong> progresser tout au long <strong>de</strong> ce travail. Il reste encore beaucoup à faire pourclarifier <strong>de</strong>s questions épistémiques, pour compléter certains résultats <strong>et</strong> pourapprofondir les modèles. J’ai exposé la partie prospective théorique <strong>et</strong>méthodologique <strong>de</strong> ces perspectives <strong>de</strong> travail en conclusion <strong>de</strong> chaque partie, aussije n’y reviens pas ici. Je souhaite simplement évoquer les proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> recherche <strong>dans</strong>lesquels je suis ou vais être engagée.Sur le plan <strong>de</strong>s TICE, la démarche ergonomique semble en bonne position pourtravailler les usages <strong>de</strong>s nouveaux dispositifs d’apprentissage impliquant les outils <strong>de</strong>type Web 2. François Mangenot m’a proposé <strong>de</strong> coordonner le travail d’une équipe<strong>de</strong> chercheurs du LIDILEM <strong>dans</strong> le cadre d’un appel à proj<strong>et</strong> européen portant sur lesjeux vidéo en classe <strong>de</strong> langue. C’est avec plaisir que je me lancerai <strong>dans</strong> ce proj<strong>et</strong> <strong>de</strong>recherche qui susciterait un renouvellement <strong>de</strong>s problématiques <strong>de</strong> mes recherches278


CONCLUSIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèsesansme contraindre à quitter les questions <strong>de</strong> l’usage <strong>et</strong> <strong>de</strong> la motivation, que jesouhaite toujours approfondir. Par ailleurs, grâce aux trois doctorants algériens dontje co-encadre le travail <strong>de</strong> thèse, je souhaite également continuer à travailler sur ladiffusion, l’intégration <strong>et</strong> l’appropriation <strong>de</strong>s TICE <strong>dans</strong> les pays du Maghreb. En cequi concerne l’apprentissage <strong>de</strong>s langues en situation académique, je compteégalement compléter la recherche menée <strong>dans</strong> le cadre du proj<strong>et</strong> ESCALE. Les<strong>de</strong>rniers entr<strong>et</strong>iens d’autoconfrontation croisée ont produit <strong>de</strong>s résultats non encoreexploités. Il nous reste à procé<strong>de</strong>r aux <strong>de</strong>rnières formes <strong>de</strong> triangulation c'est-à-dire àconfronter le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s enseignants <strong>et</strong> <strong>de</strong>s élèves sur le proj<strong>et</strong>. Je mènerai c<strong>et</strong>ravail avec Frédérique Pénilla qui m’accompagne <strong>dans</strong> le proj<strong>et</strong> ESCALE <strong>de</strong>puiscinq ans <strong>et</strong> qui finit actuellement sa thèse sur l’impact <strong>de</strong> l’apprentissage par lestâches sur les productions écrites d’élèves <strong>de</strong> lycée, en anglais. Par ailleurs, aveccertains collègues <strong>de</strong> la SAES, nous avons entamé une réflexion sur les problèmes <strong>et</strong>les enjeux qui se posent <strong>dans</strong> l’enseignement <strong>de</strong> l’anglais à l’école primaire. J’aidonc accepté d’encadrer le travail <strong>de</strong> thèse d’Émilie Magnat qui souhaite évaluer lespotentialités du tableau électronique <strong>dans</strong> l’apprentissage <strong>de</strong> l’anglais à l’école.Je n’en ai pas fini pour autant avec les dispositifs hybri<strong>de</strong>s <strong>et</strong> je souhaitepoursuivre un travail <strong>de</strong> recherche-action que je mène en master <strong>de</strong> Sciences <strong>de</strong>l’éducation <strong>dans</strong> mon cours d’anglais <strong>de</strong> spécialité. Il s’agit d’un cours qui articul<strong>et</strong>ravail en présentiel <strong>et</strong> à distance, <strong>dans</strong> lequel je laisse les étudiants, pour leur travailpersonnel, entièrement libre <strong>de</strong> choisir les contenus qu’ils abor<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> d’organiser l<strong>et</strong>ravail qu’ils doivent réaliser. J’ai conservé les journaux <strong>de</strong> bord qu’ils rédigentrégulièrement <strong>de</strong>puis quatre ans <strong>et</strong> j’aimerais tenter d’analyser l’évolution <strong>de</strong> leurmotivation tout au long du cours <strong>et</strong>, plus encore, l’évolution <strong>de</strong> leur motivation au fil<strong>de</strong>s années à mesure que les technologies évoluent.Mon intérêt pour les théories <strong>de</strong> l’acquisition <strong>de</strong>s langues secon<strong>de</strong>s m’aégalement poussée à m’intéresser, avec Anna Whittle, à l’acquisition morphologique<strong>de</strong> la LVE par <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> niveau CM2, en comparant les difficultés rencontréespar les élèves en fonction <strong>de</strong> leur situation sociolinguistique : enfants en immersionversus enfants scolarisés.En ce qui concerne mon implication <strong>dans</strong> l’animation <strong>de</strong> la vie scientifique, jepoursuis pour <strong>de</strong>ux ans encore mon rôle <strong>de</strong> représentante France pour EUROCALL.279


CONCLUSIONFrançoise RABY-HDR Volume 1 – Synthèse-EUROCALL est une association qui réunit chercheurs <strong>et</strong> praticiens en matièred’enseignement <strong>de</strong>s langues recourant aux TICE. Le prochain congrès aura lieu en2010 à Bor<strong>de</strong>aux, en France, <strong>et</strong> sa préparation, comme le congrès lui-même, seral’occasion d’échanges scientifiques tout à fait stimulants, du moins nous l’espérons.Par ailleurs, avec un certain nombre <strong>de</strong> collègues appartenant à la Société <strong>de</strong>sAnglicistes <strong>de</strong> l’Enseignement Supérieur, nous avons récemment créé l’Associationpour la Recherche en Didactique <strong>de</strong> l’Anglais (ARDA), présidée par Jean-PaulNarcy, qui se réunira <strong>de</strong>ux fois par an au moment du congrès <strong>de</strong> la SAES <strong>et</strong> lorsd’une journée d’étu<strong>de</strong>. C<strong>et</strong>te association s’est donnée <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> veillescientifique, <strong>de</strong> diffusion <strong>de</strong>s travaux en didactique <strong>de</strong> l’anglais <strong>et</strong> aussi <strong>de</strong> formationau travail <strong>de</strong> recherche en didactique <strong>de</strong> l’anglais. Je compte bien m’investirpleinement <strong>dans</strong> les fonctions <strong>de</strong> secrétaire générale qui m’ont été confiées.Ces proj<strong>et</strong>s d’activité, pour divers qu’ils puissent paraître, ne m’écarteront pas <strong>de</strong>mon obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche, la classe <strong>de</strong> langue (<strong>et</strong> tout particulièrement la classed’anglais) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s finalités <strong>de</strong> mes recherches, qui sont <strong>de</strong> contribuer à mieuxcomprendre l’activité sur le terrain, afin d’améliorer les dispositifs <strong>de</strong> formation enlangue étrangère.280


BIBLIOGRAPHIE282


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