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Zibeline n°38 en PDF

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38Du 16/02/11 au 16/03/11|un gratuit qui se litAuchevetde laCulture


POLITIQUE CULTURELLEColloque Drac, Opéra de Marseille 5Marseille C<strong>en</strong>tre 6, 7Les musiques actuelles 8, 9Sci<strong>en</strong>ces et économie 10Le MuCEM 11Entreti<strong>en</strong> avec Gérard Noiriel 12, 13THÉÂTRELa Minoterie, le Gymnase, les Bernardines 14La Friche, Sirènes et midi net,Théâtre du Petit Matin, Toursky 16La Criée, le L<strong>en</strong>che, le Gyptis 18, 19Jeu de Paume, Toursky 20Vitez, Parvis des arts 21Martigues, Aubagne 22Arles 23Avignon, Istres, Château-Arnoux 24, 25Au programme 26 à 29DANSEAubagne, Pavillon Noir, Merlan 30Nîmes, GTP 31Avignon, Draguignan 32Au programme 33MUSIQUEOpéra 34, 35Chambre, récital 36, 37Symphonique, contemporaine 38, 39Au programme 40 à 45Actuelle 46, 47JEUNESSEMusée Ziem, Prix des lycé<strong>en</strong>s et appr<strong>en</strong>tis 48Toursky, Cavaillon, Port-de-Bouc 49Pavillon Noir, Massalia, Ouest Prov<strong>en</strong>ce, Berre 50Massalia, Le Revest, Sainte Maxime 51Au programme 52, 53Livres 54, 55ARTS VISUELSArles, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce 56Toulon, Aubagne 57Au programme 58, 59CINEMALes r<strong>en</strong>dez-vous d’Annie 60Manosque, les Variétés 61ICI, semaine du son, Institut de l’image 62Les Variétés, Clermont-Ferrand 63LIVRESR<strong>en</strong>contres 64 à 66Littérature 67 à 69Livres/disques 70, 71Livres/Arts 72, 73RENCONTRESAu programme 74, 75HISTOIREEchange et diffusion des savoirs 76ABD Gaston Defferre, le Pharo 77ADHÉRENTS 78Où sont les arts ?Le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de beauté est la chose la plus précieuse du monde,et la plus volatile. On peut passer des journées, des années, unevie sans y toucher, mais il peut surgir sans qu’on y songe, etvous saisir soudain. Les philosophes depuis des millénaires cherch<strong>en</strong>tà <strong>en</strong> définir la source : imitation, perfection, harmonie,transc<strong>en</strong>dance, satisfaction d’un désir inconsci<strong>en</strong>t… tous nousdis<strong>en</strong>t qu’il nous est nécessaire, et fait de nous des humains.On peut l’éprouver sans recours à l’art, au détour d’une asc<strong>en</strong>sion,d’un sourire, <strong>en</strong> admirant le visage ébloui de cette jeunefemme qui repeint <strong>en</strong> vert, au petit matin, les barrières de laPlace Tahrir. Certains l’expérim<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t dans une passe de footballeur,les décors factices de Disneyland, les clips d’ados attardésaux coiffures voluptueusem<strong>en</strong>t sculptées. D’autres dans laviol<strong>en</strong>ce exhibée, la pornographie, les indéc<strong>en</strong>ts déballages dejoie des jeux télévisés, de la télé réalité. Les portes d’accès aus<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de beauté vari<strong>en</strong>t, et ne se val<strong>en</strong>t pas toutes…Mais il est certain que les artistes se coltin<strong>en</strong>t à ça. À bras-lecorps,quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t. Pour le faire surgir d’une réplique, d’unedynamique d’archet, de l’exacte échelle d’un plan, d’une couleur,d’un corps qui s’élève. Et par la conjonction de tout cela, p<strong>en</strong>sé<strong>en</strong>semble, travaillé, répété, ress<strong>en</strong>ti.Le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de beauté est fragile. Celui que l’on construit pourle faire éprouver à l’autre est plus ténu <strong>en</strong>core, plus rare et inestimable.Il témoigne de l’état du monde selon l’<strong>en</strong>droit où ils’épanche, son degré de douleur et d’ordure, son amplitude, saprofondeur, son chatoiem<strong>en</strong>t. C’est cette beauté-là que les artistesnous offr<strong>en</strong>t. Par leur travail, leurs souffrances, leurs plongéesintimes, leur nombrilisme, leur s<strong>en</strong>sibilité instinctuelle et leursagaçants aveuglem<strong>en</strong>ts. Et parce que la beauté qu’on ne peutatteindre brûle ceux qui la regard<strong>en</strong>t avec <strong>en</strong>vie, les hommes depouvoir, souv<strong>en</strong>t, amput<strong>en</strong>t les ailes d’Icare.Ceux qui nous gouvern<strong>en</strong>t aujourd’hui mutil<strong>en</strong>t les artistes <strong>en</strong> lesprivant des moy<strong>en</strong>s minimaux de production, <strong>en</strong> les maint<strong>en</strong>antdans une précarité déstabilisante, <strong>en</strong> les poussant à la margedes maisons d’art gouvernées par des technocrates plus ou moinséclairés qui les protèg<strong>en</strong>t, ou les assèch<strong>en</strong>t. En leur demandantde construire des projets, et non des œuvres, et de résoudre lesproblèmes de la cité, ce qu’ils ne peuv<strong>en</strong>t faire qu’incidemm<strong>en</strong>t.Et <strong>en</strong> appelant sur eux l’opprobre et la méfiance, alors qu’ils onttant besoin d’être aimés.Le monde change. Là-bas, sur l’autre rive, ici, bi<strong>en</strong>tôt. Il fautque les artistes puiss<strong>en</strong>t nous aider à le rêver.AGNÈS FRESCHELRetrouveZ nos éditions précéd<strong>en</strong>tessur www.journalzibeline.fr


COLLOQUE DRAC | OPÉRA DE MARSEILLE POLITIQUE CULTURELLE 05La carpe et le lapinC’est la r<strong>en</strong>contre du monde de la culture et del’<strong>en</strong>treprise. Certains dirai<strong>en</strong>t de la carpe et dulapin. D’autres parl<strong>en</strong>t d’un «début de révolution»,et projett<strong>en</strong>t ainsi l’av<strong>en</strong>ir du financem<strong>en</strong>t de laculture grâce à un nouvel outil : le fonds dedotation, issu de la loi Aillagon sur le mécénatculturel <strong>en</strong> 2003 et de la loi de modernisation del’économie de 2008.Premier dans le g<strong>en</strong>re, le colloque, initié par lesDRAC Languedoc Roussillon et PACA sur le fondsde dotation, un outil patrimonial au service del’intérêt général, réunissait des notaires des coursd’appels de Nîmes et Montpellier, l’ordre des expertscomptables de la région de Montpellier et le groupeAxa. Il s’est t<strong>en</strong>u devant 300 invités à laChartreuse de Vill<strong>en</strong>euve-lez-Avignon : le C<strong>en</strong>treNational des Écritures de la Scène, dirigé parFrançois de Banes Gardonne (qui fut DRAC <strong>en</strong>Paca) signait le même jour la création de sonpropre fonds de dotation et l’ouverture d’un compteAxa. Dés<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de l’État oblige, mais avec sonsouti<strong>en</strong> : ce fonds, qui offre une déduction fiscalede 60% aux <strong>en</strong>treprises, est un outil pour récolterdes fonds privés pour un projet d’intérêt général.Catherine Bergeal, directrice des affairesjuridiques au ministère de l’Économie, rappelle laphilosophie générale : «C’est un outil attractif quicontrairem<strong>en</strong>t aux principes de fondation peut resterdans la main de ses fondateurs et être créé par unesimple déclaration <strong>en</strong> préfecture. Il bénéficie durégime fiscal du mécénat.» Le bilan 2010 seraitexpon<strong>en</strong>tiel : 533 fonds créés (Île de France et Paca<strong>en</strong> tête des régions), 250 millions d’euros investis.Un outil promu largem<strong>en</strong>t par les DRAC qui suscitel’intérêt de comptables et notaires qui veul<strong>en</strong>tmettre leurs compét<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> matière dedéfiscalisation et de droit au service de la cultureet s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t à «promouvoir le mécénat et expliqueraux <strong>en</strong>treprises que c’est un réel outil decommunication et de valorisation.» «On constate undésir croissant de donner un s<strong>en</strong>s à son patrimoineet la volonté de passer d’une logique de r<strong>en</strong>tabilitéà des logiques d’implication» résume Cyril Coste,inspecteur patrimonial pour Axa.Un mariage intéressé, dans la droite ligne de la«culture pour chacun» prônée par l’actuel ministrede la Culture.DELPHINE MICHELANGELILe Colloque s’est t<strong>en</strong>u à la Chartreuse deVill<strong>en</strong>euve-lez-Avignon le 20 janvier <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariatavec les jeudis du mécénat du ministèrede la Culture et de la Communication.Opiner du Chef !Entre les triomphes de Cavalleria-Paillasse etl’extraordinaire concert de Juan Diego Florès (voirp 34), Jeanine Imbert, conseillère municipale,déléguée à l’opéra et Maurice Xiberras, directeurartistique, étai<strong>en</strong>t ravis de prés<strong>en</strong>ter FabrizioMaria Carminati qui a déjà dirigé l’orchestre del’opéra (Il Pirata 2009, Chénier 2010) ; lesmusici<strong>en</strong>s comme les membres des chœurssembl<strong>en</strong>t travailler <strong>en</strong> bonne harmonie avec cechef, directeur artistique des Arènes de Vérone etdu Théâtre Donizetti de Bergame (2000-2006). Ildirigera certaines productions lyriques (deux l’anprochain) et symphoniques. «J’aime Marseille et laFabrizio Maria Carminati, Jeanine Imbert et Marice Xiberras © Yves Bergéchaleur pour l’art lyrique d’un public de connaisseurs.Je suis ravi de travailler avec une équipe soudéeautour du passionné Maurice Xiberras.» MaisJeanine Imbert se plaignit de l’abs<strong>en</strong>ce desubv<strong>en</strong>tions des collectivités locales : «La Mairiede Marseille finance l’opéra à 100%, à hauteur de 16M €, budget maint<strong>en</strong>u, alors que les 3900 abonnésvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de la Région !» Sans préciser que pourobt<strong>en</strong>ir des financem<strong>en</strong>ts, dev<strong>en</strong>ir pôle régional ouopéra national, il faut répondre à des cahiers descharges, passer commande à des compositeurs,jouer certains répertoires. Si l’Opéra de Marseille afait ces dernières années des progrès spectaculairesquant à la qualité des concerts, aux actionspédagogiques et à la programmation des concerts,la maison s’av<strong>en</strong>ture très exceptionnellem<strong>en</strong>tjusqu’à Wozzeck (voir p 40), qui a près d’un siècle !Mais tout cela change ! On appr<strong>en</strong>d la nominationd’Audrey Barrière précédemm<strong>en</strong>t attachée deproduction à Rou<strong>en</strong> et à l’orchestre National deFrance, comme administratrice de l’orchestre. Unconcours de super soliste (violon) est aussiprogrammé. Les travaux extérieurs, si nécessaires,débuteront <strong>en</strong> juin 2011, mais l’activité musicalecontinuera. Ce n’est qu’<strong>en</strong> 2014 que l’opéra fermerap<strong>en</strong>dant deux saisons pour les travaux intérieurs.Le Silo d’Ar<strong>en</strong>c-La Joliette, géré par une Délégationde Service Public, accueillera les productionsqui devront s’adapter. Saisons hors les murs, commeà Lyon. Maurice Xiberras prit soin de rappeler quela qualité ne pâtira pas de cet exil obligé. Le coûtde ces aménagem<strong>en</strong>ts est estimé à 3 millionsd’euros. On rappelle, <strong>en</strong>fin, les actions culturellesess<strong>en</strong>tielles avec les établissem<strong>en</strong>ts scolaires ethospitaliers. Beaucoup de chaleur, de motivationéman<strong>en</strong>t visiblem<strong>en</strong>t de la direction et desresponsables culturels municipaux : cette vieillemaison doit faire peau neuve et pér<strong>en</strong>niser d<strong>en</strong>ouvelles exig<strong>en</strong>ces. Toujours <strong>en</strong> solitaire ?YVES BERGÉ


06 POLITIQUE CULTURELLE MARSEILLE CENTRELaCulture au cœurdes <strong>en</strong>jeuxDeux réunions débats ont eu lieu la même semainesur le développem<strong>en</strong>t culturel et économiqueLe premier, organisé le 4 février par la Mairie du premiersecteur à la Bourse, réunissait un plateau d’interv<strong>en</strong>antschoisis : Michel Pezet 1 , Daniel Hermann 2 ,Dominique Bluzet, Macha Makeïeff, Nicolas Karmitz 3et Jacques Pfister 4 , autour de Patrick M<strong>en</strong>nucci, viceprésid<strong>en</strong>tdélégué à la Culture de la région Paca, etmaire du Premier secteur de Marseille.Celui-ci ne cache pas son ambition de transformer lec<strong>en</strong>tre-ville de Marseille, de le redynamiser grâce à unsouti<strong>en</strong> actif à la vie culturelle et associative. Tout àfait consci<strong>en</strong>t des dangers de la g<strong>en</strong>trification, il confiequ’il veut transformer le quartier Noailles <strong>en</strong> précisantqu’il faut <strong>en</strong> «changer le visage sans changer les visages».Sans exclure, donc. Que révéla cette premièreréunion, destinée à lancer la saison culturelle 2011 ?Tout d’abord une imm<strong>en</strong>se mobilisation : le grand hallde la Bourse débordait littéralem<strong>en</strong>t de monde, on dutouvrir la coursive supérieure (voir notre couverture),puis refuser l’<strong>en</strong>trée à des arrivants de plus <strong>en</strong> plus nombreuxqui t<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t même l’assaut par derrière… C’étaitévid<strong>en</strong>t : les mondes culturels, économiques et politiquesavai<strong>en</strong>t répondu prés<strong>en</strong>t à l’appel mobilisateur autourdu développem<strong>en</strong>t culturel !Le débat, <strong>en</strong> revanche, ne fut pas d’une très grande qualité,les questions de l’animateur («Comm<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>sez-vousà la culture <strong>en</strong> vous rasant le matin», qu’il rectifia d’un«maquillant» pour Macha Makeïeff…) ne permettai<strong>en</strong>tpas d’aller au fond des choses. Quelques remarquesde Marseille !© Agnes Mellonbi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ues cep<strong>en</strong>dant : c’est Jacques Pfister qui,paradoxalem<strong>en</strong>t, nota que l’important n’est pas quela culture soit un ressort économique ! Mais qu’elle <strong>en</strong>treau cœur de la vie, pour la transformer, <strong>en</strong> particuliercelle des salariés et des <strong>en</strong>treprises. Macha Makeïeff,visiblem<strong>en</strong>t peu concernée par la t<strong>en</strong>eur des propos,essaya d’am<strong>en</strong>er le débat sur «les territoires rêvés del’art», mais il fut ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t question des investissem<strong>en</strong>tsdes collectivités -ce qui est le rôle ess<strong>en</strong>tieldes élus <strong>en</strong> termes de politique culturelle- et d’actionsde démocratisation et de mécénat, <strong>en</strong> particulier del’ASSAMI, réseau des Mécènes Intellig<strong>en</strong>ts mis <strong>en</strong>place par Dominique Bluzet.Quant à l’art, comme souv<strong>en</strong>t dans ces contextes, il futmaltraité ! Cinq percussionnistes issus de l’Orchestredes Jeunes de la Méditerranée interprétèr<strong>en</strong>t desarrangem<strong>en</strong>ts devant un public parsemé -les autresétai<strong>en</strong>t au buffet- qui dut se resserrer pour les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre…Revers de l’<strong>en</strong>thousiasme suscité ? Sans doute !Mais il faudrait pr<strong>en</strong>dre garde au risque que l’objet dela culture lui-même (c’est-à-dire une émancipationdes êtres par l’accès à la p<strong>en</strong>sée et aux arts ?) ne disparaissepas au cours de l’élan c<strong>en</strong>sé le susciter.À l’opposéQuelques jours plus tard un autre débat, confid<strong>en</strong>tiel,au petit théâtre de la Friche : devant une poignée despectateurs et journalistes frigorifiés (les conditionsd’accueil du public à la Friche rest<strong>en</strong>t scandaleusem<strong>en</strong>tmisérables), des intellectuels, sociologues, militantsassociatifs, artistes, opérateurs culturels exposai<strong>en</strong>t lesrésultats de la réflexion qu’ils mèn<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble depuis2009, régulièrem<strong>en</strong>t, lors de réunions m<strong>en</strong>suelles.Chacun ayant observé les formes de ségrégation urbaine,et les effets des capitales culturelles sur lesvilles, <strong>en</strong> particulier ce qu’il <strong>en</strong> advi<strong>en</strong>t après, ce collectifse prés<strong>en</strong>te comme un espace de réflexion qui viseà mettre <strong>en</strong> garde, à pointer les effets pervers, voire àprescrire des choix prév<strong>en</strong>tifs. Et à militer s’il le fautcontre de mauvaises décisions, contre l’abandon queviv<strong>en</strong>t certaines associations culturelles aujourd’hui.Un comité de veille, dont vous pouvez consulter le travailsur leur tout nouveau site, www.p<strong>en</strong>sonslematin.org, etauquel vous pouvez vous inscrire !On y p<strong>en</strong>se l’articulation <strong>en</strong>tre artistique, politique etcitoy<strong>en</strong>, on y démonte les dérives immobilières, on yparle d’urbanisme, des choix culturels des autres villeseuropé<strong>en</strong>nes. Mais là <strong>en</strong>core il est peu question del’objet artistique lui-même, et plutôt des lieux etmoy<strong>en</strong>s de production que des objets produits, ou desartistes, ou des pratiques culturelles.Car au-delà du danger d’instrum<strong>en</strong>taliser la Culture pour<strong>en</strong> faire simplem<strong>en</strong>t un levier économique, ou politique,au service ou non d’une ségrégation urbaine, lerisque demeure d’oublier l’<strong>en</strong>jeu culturel lui-même.Qui est de produire et diffuser de l’art et de la p<strong>en</strong>sée.Pour cela il faut avoir les moy<strong>en</strong>s de l’élaborer. Économiquesmais pas seulem<strong>en</strong>t : on demande de plus <strong>en</strong>plus aux artistes et aux opérateurs culturels descomptes sur leur impact dans la cité, <strong>en</strong> termes depédagogie, de notoriété, de gestion. Rarem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>termes de pertin<strong>en</strong>ce artistique, d’inv<strong>en</strong>tivité, d’esthétique,de force émotionnelle, de plongée subjective.Les artistes et écrivains <strong>en</strong> souffr<strong>en</strong>t, ont du mal à sefaire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, se font représ<strong>en</strong>ter pas des relais,administratifs, producteurs, consultants ou communicants,qui transform<strong>en</strong>t leur parole, les convainqu<strong>en</strong>td’<strong>en</strong>trer dans des schémas, des thématiques, dessaisons, des impératifs de productions. Cette t<strong>en</strong>danceactuelle appauvrit la création, et l’édition : l’exclusiondes artistes du cœur des maisons d’arts a comm<strong>en</strong>cé,g<strong>en</strong>trification d’un autre g<strong>en</strong>re...AGNÈS FRESCHEL1Vice-présid<strong>en</strong>t du CG13 <strong>en</strong> charge de la Culture2Adjoint à la culture de Marseille3Fils de Marin Karmitz, fondateurdu réseau MK24Présid<strong>en</strong>t de la CCIMP et de MP13Opérateur culturelPour transformer le c<strong>en</strong>tre-ville, Patrick M<strong>en</strong>nuccimet <strong>en</strong> place une politique, inédite à cette échelle, etse transforme <strong>en</strong> opérateur culturel : non cont<strong>en</strong>t desout<strong>en</strong>ir la vie associative et culturelle des 1 er et 7 earrondissem<strong>en</strong>ts, la mairie du Premier Secteur devi<strong>en</strong>tprogrammateur !Dès cet été le Théâtre Silvain accueillera des séancesde cinéma, mais aussi des concerts symphoniques, laretransmission <strong>en</strong> direct de La Traviata du Festival d’Aix…D’ici là le Kiosque à musique de la Canebière accueilleraLatcho Divano, Kabbalah, Marion Rampal, Ysae,un tremplin rock. La mairie du 1/7 souti<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>tAFLAM et son festival de cinéma arabe, les Belsunciades,la Rue du Flam<strong>en</strong>co, le FID, et bi<strong>en</strong> sûr leFestival du livre de la Canebière.A la r<strong>en</strong>trée la Mairie accueillera Préavis de désordreUrbain, souti<strong>en</strong>dra Mouv’art, les Portes OuvertesConsolat… Bref, tout ce que le c<strong>en</strong>tre-ville compted’initiatives associatives citoy<strong>en</strong>nes semble trouverune oreille att<strong>en</strong>tive. D’autres preuves : l’Espace Dugommieret ses ateliers d’écriture et d’alphabétisation <strong>en</strong>phase avec des confér<strong>en</strong>ces et expositions, pour que lesplus éloignés de la culture crois<strong>en</strong>t des œuvres. LaGalerie Mourlot et son fameux prix, qui s’attache àdécouvrir et promouvoir des tal<strong>en</strong>ts contemporains.La Salle des Lices, dans le 7 e arrondissem<strong>en</strong>t, quiservira de lieu de répétitions et de pré-création auxcompagnies qui <strong>en</strong> sont privées.Le but avoué de cette politique volontariste ? Am<strong>en</strong>erles classes populaires à s’emparer de la culture <strong>en</strong> leuroffrant des voies d’accès, et des propositions abordablestant financièrem<strong>en</strong>t que par leur côté grandpublic : pas question ici d’élaborer une culture fine etcomplexe, nécessitant pour y aborder de s’échiner surdes chemins ardus. Mais ouvrir au plus grand nombreles chemins de l’art est sans aucun doute une étap<strong>en</strong>écessaire aujourd’hui. A.F.www.mairiedupremiersecteur.fr


POLITIQUE CULTURELLE 07Faut-il désirer la g<strong>en</strong>trification ?G<strong>en</strong>try : petite noblesse anglaise… Le terme de g<strong>en</strong>trificationfleurit sous les plumes des sociologues, desjournalistes, des politiques, pour désigner les changem<strong>en</strong>tsqui intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans certains quartiers lors demutations économiques et urbanistiques. Celles quifavoris<strong>en</strong>t l’arrivée de classes moy<strong>en</strong>nes/aisées quiconsomm<strong>en</strong>t, exig<strong>en</strong>t des équipem<strong>en</strong>ts et des services,mais pouss<strong>en</strong>t dehors, vers les banlieues, les classespopulaires qui ne peuv<strong>en</strong>t suivre la hausse des loyers.Le phénomène, à l’œuvre dans tous les c<strong>en</strong>tres-villeseuropé<strong>en</strong>s et états-uni<strong>en</strong>s, <strong>en</strong>traîne une spéculationimmobilière, et s’appuie sur une volonté publique demodernisation des transports, de construction d’écoles…mais aussi sur la construction d’équipem<strong>en</strong>ts touristiqueset culturels. Projet que les hommes politiques,de Jean-Claude Gaudin à Patrick M<strong>en</strong>nucci <strong>en</strong> passantpar Jean-Noël Guérini et R<strong>en</strong>aud Muselier, mais aussiles acteurs économiques comme Jacques Pfister, affich<strong>en</strong>taujourd’hui clairem<strong>en</strong>t pour leur ville.Qu’<strong>en</strong> est-il du processus de g<strong>en</strong>trification dans lec<strong>en</strong>tre-ville de l’agglomération la plus pauvre de France ?Nous avons demandé à Boris Grésillon 1 , spécialistedes questions de géographie urbaine, de nous parlerde ce qui se passe à Marseille…<strong>Zibeline</strong> : Peut-on parler de processus de g<strong>en</strong>trificationà Marseille ?Boris Grésillon : Marseille résiste ! Non par volonté deshabitants ou des politiques, mais parce qu’il manque iciun élém<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiel à la mise <strong>en</strong> place d’un c<strong>en</strong>trevilleg<strong>en</strong>trifié : la richesse. Il faut qu’il y ait une massecritique de foyers disposant de 3000 € par mois pourqu’un plan de rénovation urbaine de ce type puisse seréaliser, pour que les promoteurs, les banques, les commerçants,les investisseurs transform<strong>en</strong>t un quartier.À Marseille il y a trop de pauvres, et pas assez de g<strong>en</strong>trificateurs,c’est-à-dire de bobos ou de créatifs commeon les appelle parfois. Ceux-ci, trop peu nombreux, nepeuv<strong>en</strong>t profiter des phénomènes de rénovation <strong>en</strong> cours,et constatant leur échec ne s’install<strong>en</strong>t pas, ou seréinstall<strong>en</strong>t ailleurs, dans d’autres quartiers ou à Aix.Quel est l’impact de la vie culturelle sur ce processus ?En principe il devrait être un levier, un incitateur.L’exemple de la Belle de Mai est frappant : la Friche,<strong>en</strong> particulier les studios du Pôle média, devrai<strong>en</strong>tattirer les touristes et l’emploi. Or cela reste un des quartiersles plus pauvres de Marseille : la g<strong>en</strong>trificationplanifiée par la Ville lors de l’installation du pôle n’apas pris.Faut-il le regretter, ou s’<strong>en</strong> réjouir ?À P<strong>en</strong>ser le Matin on considère que c’est une chance,qu’il ne faut pas exclure les pauvres dans des banlieuesghettos, et qu’on doit garder le cœur populaire deMarseille, qui <strong>en</strong> fait la richesse paradoxale. Mais le pireserait de laisser ces quartiers végéter dans la pauvreté: il leur faut des équipem<strong>en</strong>ts et des transportspour que la ville soit moins clivée…C’est une ville pauvre, non clivée !Détrompez-vous, il y a des riches à Marseille ! Les écartsde rev<strong>en</strong>us sont les plus importants de France : de 1à 34 ! Les riches ne sont pas visibles, ils viv<strong>en</strong>t derrièredes murs dans des quartiers dont ils ont privatiséles accès… Et il n’y a pas de mixité sociale, les g<strong>en</strong>sde Noailles et de la Préfecture se crois<strong>en</strong>t mais ne semélang<strong>en</strong>t pas. Marseille fonctionne par quartiers,riches et cloisonnés ou pauvres et délaissés…ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNES FRESCHEL1Docteur <strong>en</strong> géographie, maître de confér<strong>en</strong>cesà l’université de Prov<strong>en</strong>ce et membre du laboratoireTelemme. Membre du collectif P<strong>en</strong>sons le matin


08POLITIQUE CULTURELLE LES MUSIQUES ACTUELLESActuellem<strong>en</strong>t,les musiquesLe terme de «musiques actuelles» a quelque chosed’étonnant. D’une part parce qu’il suppose que lesautres musiques <strong>en</strong> création, écrites aujourd’hui,sont des musiques inactuelles. D’autre part parceque ses frontières sont floues : ainsi la chanson,g<strong>en</strong>re anci<strong>en</strong> par excell<strong>en</strong>ce, fait-elle partie desmusiques actuelles. Le jazz et le rock aussi, bi<strong>en</strong>plus anci<strong>en</strong>s que la musique contemporaine… Leministère distingue quatre catégories : la chanson,les musiques improvisées, les musiques amplifiéeset les musiques du monde. Ce qui pose diversesquestions du type : la musique occitane est-elle«du monde» ? Et Bartok ? La musique électroacoustique,amplifiée donc, est-elle actuelle oucontemporaine ? En fait ces catégories <strong>en</strong> cach<strong>en</strong>td’autres, que l’on pourrait décliner <strong>en</strong> musiquesécrites/musiques orales (ce qui n’est pas toujoursvrai) ou musiques savantes/musiques populaires,qui fleure hélas l’élitisme et l’exclusion.Ces questions de terminologie, qui sont aussi desquestions d’esthétique, ne sont pas la préoccupationmajeure du CAC régional : ce Conseil Artistiqueà la Création est avant tout animé du désir desout<strong>en</strong>ir les artistes émergeants. Il complète lesouti<strong>en</strong> aux musiques actuelles de la Région (auxsalles, aux festivals et aux divers tremplins artistiques)<strong>en</strong> aidant directem<strong>en</strong>t les artistes. Ainsicette année, 28 groupes (sur 100 dossiers reçus)ont partagé une <strong>en</strong>veloppe de 200 000 €,attribuée par le CAC : Chinese man, Watcha Clan,Washing Majazz, Alif Tree, Dissonant Nation,The Last, Mina May, Phosph<strong>en</strong>e, Hannah, Dondolo,T<strong>en</strong>te ta chance, Moussu T e lei Jov<strong>en</strong>ts,Nevchehirlian, Ysaé, Choumissa, Diho, Ilanga,Ahmad Compaoré, Kabbalah, Melc, Laur<strong>en</strong>t deWilde, Kami Quintet, B<strong>en</strong>jamin Faugloire, EnzoCarniel et Tchamitchian.Comm<strong>en</strong>t choisir ?Les critères de choix du comité d’experts réuni <strong>en</strong>CAC sont simples : il faut que les structures soi<strong>en</strong>tprofessionnelles -ou <strong>en</strong> voie de professionnalisation-et qu’elles ai<strong>en</strong>t une «pertin<strong>en</strong>ce artistique».L’aide peut interv<strong>en</strong>ir pour sout<strong>en</strong>ir une actionculturelle ou pour produire des concerts et des <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts.Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du il s’agit de rester surla filière indép<strong>en</strong>dante du disque, et d’aider desartistes qui ne sont pas repérés par les majors, etne sont pas <strong>en</strong>trés dans les circuits r<strong>en</strong>tables del’industrie culturelle.Dans ce but, pour la première fois, la région PACAédite une compilation regroupant deux titres dechacun de ces 28 groupes. CD destiné à promouvoirÀ la croisée des mondesBeau projet que celui initié par ledirecteur de la salle du Bois del’Aune, Pierre Ranchain, associant lesclasses de jazz et musiques actuellesdu Conservatoire de Musique d’Aix<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce,et de jeunes slameurset rappeurs du quartier du Jas deBouffan. Unique <strong>en</strong> son g<strong>en</strong>re, leJazzlab est avant tout un projetartistique ambitieux articulé autourde deux artistes de r<strong>en</strong>om : ArchieShepp, saxophoniste de jazz mondialem<strong>en</strong>tconnu et le rappeur américainNapoléon Madoxx. Pilotée conjointem<strong>en</strong>tpar Marc Rocé, rappeurparisi<strong>en</strong>, Seydou Barry, producteur,Juli<strong>en</strong> Baudry, chef de chœur etThierry Riboulet, professeur dans laclasse de musiques actuelles, cetteexpéri<strong>en</strong>ce audacieuse est le moy<strong>en</strong>CDde la sélectionCACartistes2010de réunir sous l’égide de la «musique»deux univers qui viv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>parallèle sans vraim<strong>en</strong>t se croiser. Auconflu<strong>en</strong>t du rigorisme du conservatoireet de l’inv<strong>en</strong>tivité anarchique deces jeunes autodidactes, ce projetles artistes, qui sera distribué gratuitem<strong>en</strong>t dansles salles et les festivals, et est disponible à l’écoutegrâce à la Pacabox de l’Arcade (www.pacabox.com).56 plages sonores pour découvrir des univers extrêmem<strong>en</strong>tdiffér<strong>en</strong>ts… tous produits dans la région.Du rap vocal au jazz contemporain, de la chansonpoétique au métal ard<strong>en</strong>t, de la pop au traditionnel,du slam à l’électro, de la néo-opérette marseillaiseau jazz fusion, les univers se répond<strong>en</strong>t. Avec quelquesconstantes pourtant, comme la quasi abs<strong>en</strong>cede femmes, surtout à la composition et auxinstrum<strong>en</strong>ts !Car ce monde qui se veut jeune, populaire et aumoins progressiste, sinon révolté, serait-il plusrétrograde que ce qu’il affiche ? Clairem<strong>en</strong>t destinéà faire rev<strong>en</strong>ir à la culture une génération qui ses<strong>en</strong>tait exclue des salles, cette nécessaire politiquede souti<strong>en</strong> navigue <strong>en</strong> un canal étroit : nettem<strong>en</strong>tplus liés aux industries culturelles que les autresarts du spectacle les musiques actuelles rêv<strong>en</strong>t des’insérer dans des logiques commerciales qui nerelèv<strong>en</strong>t pas du service public de la culture, ettrimball<strong>en</strong>t de surcroit des préjugés générationnelsineffici<strong>en</strong>ts : les publics du jazz, de la chansonfrançaise et de l’opéra ont s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t le mêmeâge…AGNÈS FRESCHELArchie Shepp © Jan Krickecommun est un moy<strong>en</strong> d’échanger, decommuniquer et d’affranchir les barrières.Faisant fi des stéréotypes, lestextes des artistes banlieusards, nésde la thématique Nord/Sud choisie <strong>en</strong>commun, crois<strong>en</strong>t les arrangem<strong>en</strong>tsdes professionnels… pour ne plusformer qu’un univers syncrétique,mosaïque de cultures et de pratiquesdiffér<strong>en</strong>tes.Les deux sessions de cette Masterclass du 27 et 28 janvier qui fontsuite à une première organisée <strong>en</strong>novembre 2010, déboucheront sur unconcert dans la salle du Bois del’Aune le 6 mai prochain.CHRISTOPHE FLOQUET


Nouveauson auGr<strong>en</strong>ier ?L’affaire avait fait grand bruit la saisondernière : le Gr<strong>en</strong>ier à sons, une desScènes de Musiques Actuelles (SMAC)de la région, subv<strong>en</strong>tionnée par la Villede Cavaillon, le départem<strong>en</strong>t 84, laRégion et l’État, allait se retrouver <strong>en</strong>cessation de paiem<strong>en</strong>t, et disparaître.La ville de Cavaillon, après une baissede subv<strong>en</strong>tion de 10%, avait, suite àdeux inspections du ministère, commandéà Jean-Michel Gremillet un rapportpréconisant la mutualisation avec laScène Nationale qu’il dirige… mettantainsi le directeur dans l’indélicateposition du repr<strong>en</strong>eur hégémonique.Aujourd’hui la SMAC est fermée, et c’estla Scène Nationale qui programme auGr<strong>en</strong>ier. Jean-Michel Gremillet s’<strong>en</strong>explique.<strong>Zibeline</strong> : Avez-vous repris les missionset les financem<strong>en</strong>ts de la SMAC ?Jean-Michel Grémillet : Non, ni lesuns ni les autres. Les SMAC ont desmissions de défrichage, d’action culturelle,d’ouverture aux répétitions desgroupes qui vont être assumées par lesautres salles du territoire, l’Akwaba oula gare du Coustellet. Nous souhaitonssimplem<strong>en</strong>t réaliser l’intégralité desmissions de diffusion qui étai<strong>en</strong>tdévolues à la SMAC. Mais avec moins demoy<strong>en</strong>s !Cette baisse est de quel ordre ?La SMAC avait 320 000 € de subv<strong>en</strong>tionspubliques : 56 000 € de la Régionet 32 000 € du départem<strong>en</strong>t, qu’il n’estpas question de nous réattribuer. Elleavait égalem<strong>en</strong>t, avant la baisse de10% que Cavaillon a opéré sur toutesles associations, 130 000 € de la VilleAlex Baupain © Frederic Stucinqui conserve pour nos missions dediffusion 130 000 € seulem<strong>en</strong>t. Quantà l’État, il n’est pas question non plusde nous réattribuer les 48 000 € de laSMAC, même si, par ailleurs, les subv<strong>en</strong>tionsde la Scène Nationale vontaugm<strong>en</strong>ter dans les prochaines années.On se retrouve donc avec un peu plusd’un tiers des subv<strong>en</strong>tions de la SMAC.Pourquoi avez-vous accepté de vousoccuper du Gr<strong>en</strong>ier à sons, puisque lessyndicats de musici<strong>en</strong>s vous ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tpour responsable du désastre, et qued’autre part vous n’<strong>en</strong> avez pas lesmoy<strong>en</strong>s ?D’abord parce que nous aussi étionsétranglés financièrem<strong>en</strong>t -cet apport de130 000 € va permettre une augm<strong>en</strong>tationde personnel-, et surtout parceque la musique nous intéresse ! J’<strong>en</strong> aitoujours programmé, <strong>en</strong> particulier dela musique contemporaine ou de créationcomme celle de B<strong>en</strong>jamin Dupé-risque que les SMAC se gard<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> depr<strong>en</strong>dre- mais aussi de la chanson.S’ouvrir aux musiques actuelles est pournous une expéri<strong>en</strong>ce nouvelle, qui vachanger notre projet artistique.En quoi ? Quels vont être vos choixesthétiques ?Nous allons programmer des artistesémergeants, <strong>en</strong> nous méfiant des majorset des tourneurs, des pratiquesliées aux industries culturelles qui vontà l’<strong>en</strong>contre de nos missions de servicepublic. Les musiques actuelles souffr<strong>en</strong>tdu téléchargem<strong>en</strong>t, mais aussi des prixpratiqués par les têtes d’affiches quigrèv<strong>en</strong>t les budgets des salles et desfestivals. Nous programmerons doncess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t de la chanson, du jazz,des musiques du monde…Les artistes programmés cette saisonsont surtout des chanteurs. Y aura-t-ildu rock, du rap, de l’électro… ?Il nous faut un peu de temps pourpr<strong>en</strong>dre nos marques mais oui, nousallons recruter un spécialiste de cesmusiques, qui pourra guider nos choix.Et puis dès la saison prochaine nousferons un temps fort autour de l’accordéon,un autre autour de la poésiesonore… Avec des concerts debout,des concerts assis, des r<strong>en</strong>contres <strong>en</strong>treles mondes musicaux, au Gr<strong>en</strong>ier et ici,à la Scène Nationale. Pour que la fermeturede la SMAC ne soit pas seulem<strong>en</strong>tun échec, mais le début d’une nouvelleav<strong>en</strong>ture.ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHELÀ v<strong>en</strong>ir au Gr<strong>en</strong>ierDimoné le 19 marsKarimouche le 16 avrilAmbrose Akinmusire le 12 maiAlex Baupain le 27 mai


10POLITIQUE CULTURELLESCIENCES ET ÉCONOMIEEn vert et contre tous,l’économie libéralejette son dévolu surles libéralités écologiquesau plus grand bénéficede son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t…financier !Taxe-CQue le grand fricm’escroque !Le vert dans l’usufruitÉconomie verte, éco-participation auxécotaxes… désormais toute cause teintéed’éco-quelque-chose est bonnepour justifier de nouvelles taxes sur letravail au bénéfice du spéculatif. D’ailleurs,<strong>en</strong> marge du forum économiquede Davos, Dominique Strauss-Kahnn’a-t-il pas annoncé son int<strong>en</strong>tion demettre <strong>en</strong> place un «fonds vert» pour«aider les états à faire face au changem<strong>en</strong>tclimatique» ? Ri<strong>en</strong> moins que100 milliards de dollars prélevés sur letravail pour faire payer une politiquede croissance industrielle mondialedélirante et, à terme, létale. C’est que,depuis le rapport Stern de 2005, lesgourous de l’économie s’accord<strong>en</strong>t àdire que l’av<strong>en</strong>ir se fera par la croissanceverte. Ils fond<strong>en</strong>t beaucoup d<strong>en</strong>otre désespérance sur la litanie des«créations de nouvelles technologies»,«relance de croissance des paysindustrialisés» et autres «création demillions d’emplois» pour justifier leurpolitique de récession et de vachesmaigres. «Le développem<strong>en</strong>t durable»,«les exig<strong>en</strong>ces de la lutte contre lechangem<strong>en</strong>t climatique», le «développem<strong>en</strong>tde nouvelles technologiespropres» <strong>en</strong> appell<strong>en</strong>t à l’éco-culpabilitécitoy<strong>en</strong>ne pour obt<strong>en</strong>ir l’adhésiondes populations à une forme de développem<strong>en</strong>tqui dessert objectivem<strong>en</strong>tleurs conditions d’exist<strong>en</strong>ce et l’av<strong>en</strong>irmême de l’humanité. C’est sans doutele protocole de Kyoto signé <strong>en</strong> 1997,<strong>en</strong>tré <strong>en</strong> vigueur <strong>en</strong> 2005 et ratifié par183 pays (sans les USA bi<strong>en</strong> sûr) <strong>en</strong>2010, qui a ouvert l’ère du mythe«tout écologique». S’il visait au départet peut-être à juste titre à normaliserau niveau international l’émission desgaz à effet de serre, l’économie spéculativea tout de suite <strong>en</strong>fourché cecheval vapeur, voyant <strong>en</strong> lui une nouvelleet gigantesque possibilité dedétournem<strong>en</strong>ts colossaux de fondspublics.Carbone et SpiritoEt c’est ainsi qu’émergea des brumesjaponaises un des traités les plus fumeuxde l’histoire de la mondialisationcapitaliste. Tout ce que la financeinternationale comptait d’escrocs sejeta sur ce haut vol d’or, avec l’aidecomplaisante des états. C’est de celisier vert qu’émergea l’esprit («spirito»)de la fameuse loi sur la «taxe carbone».Cette taxe <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>taleprét<strong>en</strong>d limiter l’émission de dioxydede carbone, gaz à effet de serre, parincitation économique, et ceci dans lebut «librem<strong>en</strong>t cons<strong>en</strong>ti» de contrôlerle réchauffem<strong>en</strong>t climatique. Cettetaxe «Pigouvi<strong>en</strong>ne» doit son nom à un«brillant économiste» britannique,Arthur Pigou (1877-1959), qui fut lepremier à proposer une taxationcorrectrice des externalités <strong>en</strong> 1920.L’externalité désigne «une situationdans laquelle l’action d’un ag<strong>en</strong>t économiqueinflue, sans que cela soit sonbut, sur la situation d’autres ag<strong>en</strong>ts,alors même qu’ils n’<strong>en</strong> sont pas partiepr<strong>en</strong>ante.»Le Pigou des bois eu fort tôt l’intuitionde ce que pouvait rapporter laspéculation sur le prélèvem<strong>en</strong>t d’unetaxe prét<strong>en</strong>dant décourager les émissionspolluantes <strong>en</strong> faisant payer lespollueurs [<strong>en</strong> bout de chaîne nous, lesconsommateurs] à proportion de leursémissions. En effet cette bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>santetaxe sur les produits finaux «augm<strong>en</strong>teleur prix proportionnellem<strong>en</strong>taux émissions qu’a <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drées leurproduction favorisant les produits ayantinduit moins d’émissions de dioxyde decarbone. Une augm<strong>en</strong>tation progressiveet programmée de la taxe peut permettrede guider les investissem<strong>en</strong>ts sur lelong terme, <strong>en</strong> laissant le temps nécessaireaux consommateurs et aux <strong>en</strong>treprisespour s’adapter» ou… de crever de faim !La bourse ou la vie ?La taxe carbone est basée sur un principetrès libéral de «quotas d’émissions».Elle impose soit un prix déterminé àdes quantités libres de gaz rejetés,soit des prix variables à des quantitésfixes. Et, comme on n’est pas regardant,les deux systèmes peuv<strong>en</strong>t coexister !,la taxe permettant ainsi de racketterles très nombreux petits émetteurs«diffus», difficile à mettre sous quotas,par exemple dans les pays dits «émergeants».En 2009, les pays nordiques se sontmis à appliquer une taxe carbone partielle.La Nouvelle-Zélande, elle, a mis<strong>en</strong> place un marché d’échange dequotas d’émissions et évidemm<strong>en</strong>t legouvernem<strong>en</strong>t français étudie lespossibilités d’emboîter le pas à ce trèsfructueux jeu de bonto. Cette boursedu carbone est un marché de négociationet d’échange de droits d’émissionde gaz à effet de serre (CO 2 , méthane,protoxyde d’azote…). Un «créditcarbone»est une unité, généralem<strong>en</strong>t1 tonne de gaz à effet de serre (GES)et il existe plusieurs types de GES,n’ayant pas tous la même valeur <strong>en</strong>équival<strong>en</strong>t CO 2 . Un tel marché, acceptépar le protocole de Kyoto, peutexister à un niveau national, ou internationalsi les droits attribués sontrigoureusem<strong>en</strong>t de même nature. Leprétexte «moral» de l’établissem<strong>en</strong>td’un tel marché serait d’inciter lesindustries à «gérer financièrem<strong>en</strong>t»leurs efflu<strong>en</strong>ts gazeux. «Sans bourse,une firme A <strong>en</strong> dessous de son quotane fera plus aucun effort de réduction(même s’ils sont faciles et peu coûteuxpour elle), alors que dans le cadre d’unmarché un effort de réduction pourraitse monnayer ; <strong>en</strong> s<strong>en</strong>s inverse, uneindustrie B qui dépasse son quota etpourrait difficilem<strong>en</strong>t (à grands frais)réduire ses émissions pourra acheterdes quotas <strong>en</strong> plus. Globalem<strong>en</strong>t, l’<strong>en</strong>sembleA + B peut réduire ses émissionsà moindre frais que si la même réductionest exigée séparém<strong>en</strong>t à chacun.».Ainsi les droits édictés par les états oustructures internationales devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tmonnayables. Cette bourse des v<strong>en</strong>tsnauséabonds rev<strong>en</strong>dique donc la spéculationcomme méthode d’incitation !Il y a constitution de marchés dérivés(achat et v<strong>en</strong>te à terme…). Acquis àtitre onéreux ou gratuit, les droitsd’émissions sont échangeables.Les verts pomm<strong>en</strong>tDu coup une foison de louches officinesde courtiers s’est constituée dansdes paradis fiscaux comme Chypre,spéculant sur les cours des différ<strong>en</strong>tesTVA nationales, sur la misère du mondeet la qualité de l’air que respir<strong>en</strong>tles pauvres et les riches. C’est la bourseaux v<strong>en</strong>ts pestil<strong>en</strong>tiels, le Wall Streetde la chlingue, le lasdaq de l’œufpourri, le CAC des 40 voleurs. Au boutdu compte c’est nous qui payons lafacture sur notre travail et notresanté.YVES BERCHADSKY


MUCEMPOLITIQUE CULTURELLE11Peut-on se moquerde l’islam ?Ce qu’il y a d’embêtant avec l’islam,c’est qu’on ne peut pas être franchem<strong>en</strong>tanticlérical à son égard commeau (bon vieux ?) temps du combatcontre la calotte. Imaginez-vous qu’onrecevrait sérieusem<strong>en</strong>t, sans sarcasme,une femme qui aurait écrit Catholiqueset modernes aux mardis du MuCEM ?Mais bon, l’islam n’est pas <strong>en</strong> Europeune religion de dominants, l’histoirede la colonisation est lourde, le passifgrand, les racistes actifs et nombreux…et le sarcasme ne peut y être pratiquéde la même manière qu’<strong>en</strong>vers ChristineBoutin. Peut être est-ce pour celaque les comiques beurs, qui le peuv<strong>en</strong>tdavantage, ont tant de succès !Visibilité et modernitéCe n’est pas ce que cherche NilüferGöle, confér<strong>en</strong>cière fascinante, déf<strong>en</strong>seured’un islam moderne : la directriced’études à l’EHESS explique avec beaucoupde tal<strong>en</strong>t l’histoire de la perceptiondu musulman <strong>en</strong> Europe, affirmant quel’on vit un stade post-immigration. Carl’immigré des années 60 (célibataire,travailleur) est dev<strong>en</strong>u un beur dansles années 80 (jeune garçon désœuvréet français) puis, dans les représ<strong>en</strong>tations,une musulmane (fille au foulard,écolière intégrée et rev<strong>en</strong>dicative). Lesmusulmans ne se cach<strong>en</strong>t plus, port<strong>en</strong>tdes foulards (Voiles ? Hijab ? Niqab ?Nilüfer Göle © Muammer Kaymazles mots sont passés dans les lexiqueseuropé<strong>en</strong>s), ne sont plus désignés parleur origine (Turcs, Maghrébins) ouleur langue (Arabe) mais par leur différ<strong>en</strong>cereligieuse, qui fait id<strong>en</strong>tité. Ilsrev<strong>en</strong>diqu<strong>en</strong>t aussi d’avoir des lieux deculte visibles. Or une partie des Europé<strong>en</strong>ss’y refuse, comme on l’a vu lorsdu référ<strong>en</strong>dum contre les minarets <strong>en</strong>Suisse, ou par la volonté de légiférercontre le port du voile <strong>en</strong> France.Pourtant, d’après Nilüfer Göle, cetterev<strong>en</strong>dication de visibilité est la marquemême d’une modernité, d’unevolonté d’intégration dans les sociétéseuropé<strong>en</strong>nes, de participation au débat,à la démocratie. De même la constructionde mosquées donne-t-elle l’occasionde poser les questions ess<strong>en</strong>tielles àl’intégration de la donnée musulmane<strong>en</strong> Europe : quelle langue va-t-on yemployer ? le Turc <strong>en</strong> Allemagne, lePakistanais <strong>en</strong> Angleterre, l’Arabe <strong>en</strong>France ? (Ce qui pose d’ailleurs desquestions particulières à Marseille,puisque la plus grande «communauté»musulmane est Comori<strong>en</strong>ne, même sice n’est pas la plus «visible» ! ). Va-tony donner une place aux femmes, àqui on recommande de prier à la maison,ou au mieux séparées des hommes,derrière ? Quels choix architecturauxpour ces bâtim<strong>en</strong>ts contemporains, quidevront réfléchir leur li<strong>en</strong> aux mosquéesori<strong>en</strong>tales, et à l’urbanisme danslequel ils s’inscriv<strong>en</strong>t ?Vers une solution ?Autant de débats qui surgiront, etferont certainem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer l’islam d’Europedans une modernité qu’on luiréfute : Nilüfer Göle, dans Musulmaneset modernes, explique avec convictionque partout on assimile l’être civiliséà l’être occid<strong>en</strong>tal, rejetant le musulman,(mais aussi le japonais ou lechinois) hors de la modernité si ellediffère du modèle occid<strong>en</strong>tal assimilé.Selon elle, une partie du mondemusulman europé<strong>en</strong> est <strong>en</strong> voie de«créolisation» comme l’aurait ditÉdouard Glissant, c’est-à-dire qu’il necherche plus à se rattacher aux racines(comme Césaire, avec sa négritude,l’avait fait avec l’Afrique) mais àinv<strong>en</strong>ter une manière d’être europé<strong>en</strong>,musulman et moderne. Comme les femmesturques, éduquées, rev<strong>en</strong>dicatives,qui port<strong>en</strong>t le voile pour mieux sortirde la sphère privée.Appr<strong>en</strong>dre à se connaître ? Un jeunemusulman, qui se prés<strong>en</strong>tait commetel, semblait y voir une solution aurejet grandissant d’une certaine Europed’extrême-droite. Connaître les cinqpiliers de l’islam… Sans doute. Admettreque la France est multiculturelle etmulticonfessionnelle. Certes ! Ne pasconsidérer les valeurs occid<strong>en</strong>tales commeles seules porteuses de modernité ?D’accord. Mais personne n’osa dire à cejeune homme, pas même la dame quipestait derrière moi, que toutes lesreligions pratiqu<strong>en</strong>t des interdits absurdes,la ségrégation des sexes, lerejet de l’homosexualité (surtout féminine),l’exclusion plus ou moins viol<strong>en</strong>tedes «infidèles».Contrairem<strong>en</strong>t à ce que veul<strong>en</strong>t nousfaire croire les extrêmes-droites europé<strong>en</strong>nes,l’islam n’est pas plus intolérantque les religions judéo-chréti<strong>en</strong>nes.Mais il <strong>en</strong> est à un stade de recherchede visibilité <strong>en</strong> Europe où les autresne sont pas (plus ?), qui exacerbe cesobscurités liées intrinsèquem<strong>en</strong>t auphénomène religieux (croire n’est pasraisonner). Notre problème d’Europé<strong>en</strong>sest de savoir si nous devons, pourconstruire <strong>en</strong>semble une société libre,compr<strong>en</strong>dre et admettre et pr<strong>en</strong>drepati<strong>en</strong>ce face à ce que nous vivonsforcém<strong>en</strong>t comme des régressions (aurisque de nous installer dans unecondesc<strong>en</strong>dance méprisable), ou repr<strong>en</strong>drele combat matérialiste (au risquede donner du grain à moudre à l’ignoblebête qui remonte). Cornéli<strong>en</strong> ?AGNES FRESCHELLa confér<strong>en</strong>ce de Nilüfer Göle,animée par Thierry Fabre,a eu lieu le 8 février à l’Alcazardans le cadre des mardis du MuCEMÀ v<strong>en</strong>irG<strong>en</strong>re et sexualité à l’heurede la mondialisation :un «choc des cultures» ?par Irène ThéryLe 8 marsMuCEM04 96 13 80 90www.musee-europemediterranee.org


12POLITIQUE CULTURELLE ENTRETIEN AVEC GÉRARD NOIRELL’Histoire, intimem<strong>en</strong>t<strong>Zibeline</strong> : Vous êtes un histori<strong>en</strong> universitaire reconnumais vous cherchez à trouver un large public.Pourquoi ?Gérard Noiriel : Aujourd’hui ce qui me préoccupe c‘estla finalité de mes travaux : pour qui ai-je écrit, dans uncontexte de division du travail qui s’acc<strong>en</strong>tue ? Dansla recherche <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales, il existe des réseauxmondiaux de cinquante ou c<strong>en</strong>t personnes, isolés dureste du monde. C’est extrêmem<strong>en</strong>t regrettable ! Aussi,je développe des activités me permettant de conserverdes relations avec la société, au travers d’un public quin’est pas fait uniquem<strong>en</strong>t de spécialistes. J’ai toujoursagi ainsi : c’est ce que j’appelle la fonction civique demon métier. Je peux à prés<strong>en</strong>t m’y consacrer davantage: il y a une période où il faut s’investir dans sontravail pour être reconnu, mais j’<strong>en</strong> suis quitte aveccet aspect-là ! Je peux m’ouvrir à autre chose.Une fois le statut acquis, c’est évidemm<strong>en</strong>t plus facilede donner une consistance à la parole ! Pourtant celan’a pas dû être aisé...La s<strong>en</strong>sibilité que l’on a sur certains aspects de la réalitéest déterminée par sa propre expéri<strong>en</strong>ce. Je suiss<strong>en</strong>sible à la question du racisme et à la stigmatisation,parce que je les ai vécues, sous différ<strong>en</strong>tes formes,dans mon <strong>en</strong>fance. Lorsque je suis arrivé, jeune <strong>en</strong>seignantdans la Lorraine sidérurgique, je me suis r<strong>en</strong>ducompte que les g<strong>en</strong>s ne compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas le prés<strong>en</strong>tde ces ouvriers car ils n’<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas l’histoire.J’ai été frappé par le rôle que jouait l’immigration etje m’<strong>en</strong> suis préoccupé à une époque où l’on me disaitqu’un tel sujet de thèse ne permettrait pas de fairecarrière ! Ma thèse, consacrée aux ouvriers mineurs deLongwy, m’a permis de tisser des li<strong>en</strong>s avec ce groupe,et a profondém<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cé ma trajectoire, même sij’étais déjà issu d’un milieu populaire. Je me suis plongédans cet univers, dans cette culture populaire. J’aiaussi réalisé que je pouvais concilier deux aspirationstrès fortes <strong>en</strong> moi : le désir de connaissance et la volontéd’action. Le rapport <strong>en</strong>tre histoire et mémoirepermettait de les concilier. J’y suis toujours restéfidèle, et ce que je fais maint<strong>en</strong>ant dans le théâtre <strong>en</strong>est le prolongem<strong>en</strong>t.En participant à la vie de cette communauté ouvrière,comme dans vos émissions à la radio sur l’histoireouvrière, n’avez-vous pas pris le risque de perdre votredistance critique ?Au début j’étais parti pour faire une thèse sur la classeouvrière dans l’<strong>en</strong>tre-deux-guerres, puis j’ai remarquél’importance des fractures, notamm<strong>en</strong>t sur la nationalitéou sur l’origine des ouvriers. Cela m’a obligé à faireun travail de déconstruction pour montrer les clivageset leurs déplacem<strong>en</strong>ts. Mais cette question était perturbantepour les militants qui préférai<strong>en</strong>t décrirel’unité ou l’<strong>en</strong>tité «classe ouvrière». De même, Aigues-Mortes n’a pas de place dans la mémoire ouvrière : cesont des ouvriers qui se sont tapé dessus. Il se trouveque le propre de la recherche n’est pas d’aller faireplaisir aux militants, mais de restituer, dans une dialectiquede proximité et de distance, la logique desacteurs sociaux.Après cette thèse vous auriez pu vous satisfaire de lareconnaissance universitaire…Je ne suis pas représ<strong>en</strong>tatif de mon milieu, ni par mesorigines sociales, ni par mon regard. Je n’ai jamais puDirecteur d’Etudesà l’EHESS, Gérard Noiriels’intéresse depuislongtemps à la questiondu national. L’irruption del’extrême droite sur la scènepolitique l’a convaincu dec<strong>en</strong>trer ses recherchessur l’État-Nation et surl’immigration. Il est v<strong>en</strong>udans notre région l’andernier pour participerà une confér<strong>en</strong>ce surl’immigration itali<strong>en</strong>neaux ABD, pour le spectacleChocolat à la Minoterie,puis à ceux à proposd’Aigues-Mortes, à la Criée(voir Zib 37). Il livre iciune partie du matériauqui l’a transformé <strong>en</strong>histori<strong>en</strong>, et revi<strong>en</strong>tsur le rôle civiqueque peuv<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>irles travaux historiquesm’investir dans des logiques de carrière, je n’ai jamaisvoulu avoir le moindre pouvoir, je ne dirige pas unlabo ou autre… J’ai toujours eu un pied dehors ! Jele regrette parfois, cela n’est pas du tout péjoratifdans mon esprit. Mais je ne peux pas être complètem<strong>en</strong>tà l’intérieur de ce milieu là, j’étouffe! D’où lesrelations que j’ai avec les artistes, avec le monde politiqueet l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t civique. La politique celapasse aussi par la connaissance, par tout un travailcritique, sur des thèmes comme l’id<strong>en</strong>tité nationale.Les mouvem<strong>en</strong>ts sociaux ont-ils pour vous un s<strong>en</strong>sparticulier ?Mon premier réflexe est un mouvem<strong>en</strong>t de culpabilité.On est sept <strong>en</strong>fants dans la famille et mes deux frèressont ouvriers. Lorsqu’on se retrouve <strong>en</strong>semble, je m’interrogetoujours sur le fait que je gagne plus qu’eux.Lorsque vous n’avez plus de mythe explicatif -c’estDieu qui l’a voulu, c’est l’intellig<strong>en</strong>ce…- vous ress<strong>en</strong>tezl’inégalité mais, <strong>en</strong> même temps, c’est difficile dedev<strong>en</strong>ir l’abbé Pierre : le peu que vous avez, vous y t<strong>en</strong>ez.Ces contradictions-là, personnelles, sont revivifiéeschaque fois qu’il y a des mouvem<strong>en</strong>ts sociaux.Évidemm<strong>en</strong>t, il y a des tas de moy<strong>en</strong>s pour s’<strong>en</strong> tirer.L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> est un pour moi, et il a toujours faitpartie de ma vie. Les formes ont pu changer : j’ai étémembre du Parti communiste et, c’est banal dans magénération, exclu <strong>en</strong> 1980. Aujourd’hui j’ai opté pourdes mouvem<strong>en</strong>ts associatifs ou par le travail avec lethéâtre. J’insiste sur le collectif DAJA que l’on a créé:il lance des passerelles ! Et aujourd’hui il faut retisserdes li<strong>en</strong>s car le pouvoir atomise les g<strong>en</strong>s, et les g<strong>en</strong>satomisés se décourag<strong>en</strong>t.J’ai eu la chance d’être étudiant à la grande époque,dans les années 70, où la politique, très prés<strong>en</strong>te,fournissait ces passerelles. C’est ce qui m’a permis dem’<strong>en</strong> sortir. Initialem<strong>en</strong>t je ne voyais pas d’intérêt auxétudes et puis je me suis r<strong>en</strong>du compte que travailler,dev<strong>en</strong>ir savant, avait aussi un s<strong>en</strong>s politique. Quandje regarde les problèmes des étudiants d’aujourd’hui,je ne peux pas croire que tout provi<strong>en</strong>ne d’une questionmatérielle, même si je ne veux pas la sous-estimer.Ce n’est pas un système de bourses parfait, dans cetunivers coupé du reste du monde, qui donnera auxétudiants la petite étincelle qui r<strong>en</strong>verse les montagnes,celle qui donne le goût de travailler.Ce sont ces li<strong>en</strong>s à créer qui m’import<strong>en</strong>t. Je sais quel’on travaille souv<strong>en</strong>t à la marge, mais cela peut-êtretrès précieux car ce sont les marges qui boulevers<strong>en</strong>tles choses établies.Finalem<strong>en</strong>t le li<strong>en</strong>, <strong>en</strong>tre vos sujets de recherches,c’est vous !La logique de la recherche c’est d’élargir. Je suis partide l’immigration, des discriminations et du mondeouvrier, je me suis intéressé à l’épistémologie car j’étaispréoccupé par la question de la vérité et de l’objectivitéde l’histoire ; pour les intellectuels, il s’agit demon milieu. Même si j’élargis mon champ, le c<strong>en</strong>trereste les classes populaires.Parlons donc de ces recherches, comme celles surl’id<strong>en</strong>tité nationale. Y a-t-il un li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre la constructionde la France comme nation et l’apparition duFrançais comme individu ? Le sujet semble dev<strong>en</strong>ir uncitoy<strong>en</strong> qui <strong>en</strong>dosse un rôle politique.Le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t c’est la Révolution Française. Lasouveraineté nationale et le peuple comme nationsont institués. C’est aussi le début de la citoy<strong>en</strong>neté.À partir de 1870, on voit se manifester le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>trele développem<strong>en</strong>t de l’État-Nation et celui de l’individu.Notion d’individualité qui peut paraître paradoxalecar on parle de communauté nationale et les g<strong>en</strong>ssont intégrés dans l’État-Nation. Les discours des partisnationalistes le montr<strong>en</strong>t : ils réduis<strong>en</strong>t ou occult<strong>en</strong>tl’individu au profit de la masse et du collectif. Or, <strong>en</strong>même temps, se produit un développem<strong>en</strong>t de l’individu,de l’individualisme, de l’émancipation individuelle.L’id<strong>en</strong>tité nationale -je ne récuse pas forcem<strong>en</strong>t l’expressionmais ses usages politiques- fait partie desid<strong>en</strong>tités lat<strong>en</strong>tes de l’individu. Quand l’id<strong>en</strong>tité nationalese constitue, cela veut dire que les personnessont rattachées à d’autres groupes, à une classe


POLITIQUE CULTURELLE13et pour toussociale, etc… cela se produit à un mom<strong>en</strong>t de fortmom<strong>en</strong>t de développem<strong>en</strong>t de l’autonomie de l’individu,par le rejet de l’Église, des croyances religieuses,du développem<strong>en</strong>t de l’esprit critique… C’est tout leparadoxe de la République : l’intégration à la nationcoïncide avec le développem<strong>en</strong>t des libertés individuelles!Le rejet, la peur du migrant, à la fin du XIX e , sontellesun moy<strong>en</strong> de recoller tous ces morceaux de lasociété qui sont épars ?Les id<strong>en</strong>tités lat<strong>en</strong>tes peuv<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ir des id<strong>en</strong>titésexplicites, viol<strong>en</strong>tes. Le développem<strong>en</strong>t de l’immigrationpermet de nourrir des discours de rejet desétrangers (L’inv<strong>en</strong>tion de l’immigration, éd. Agone, voirZib’ 15). Mais <strong>en</strong> France le principal clivage demeure<strong>en</strong>tre nation et classe. Le processus d’id<strong>en</strong>tité de classea toujours été fort et a permis d’atténuer le discoursxénophobe. En même temps, le discours sur la nationpermet de souder, de dépasser les contradictions <strong>en</strong>treindividus. Et c’est une fonction explicitem<strong>en</strong>t avancéepar la droite française. On exalte la nation pour souderdes g<strong>en</strong>s qui n’ont aucun intérêt commun.La disparition du discours sur les classes sociales a-tilchangé le discours global que ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les élites surla société, ou que la société fait sur elle-même, depuisles années 80 ?En réalité, cela n’a pas vraim<strong>en</strong>t changé mais cela apermis de réactiver ce que l’on croyait dépassé. Après1945, tous les démocrates t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à distance lesdiscours id<strong>en</strong>titaires parce qu’ils étai<strong>en</strong>t responsablesd’horreurs comme les guerres mondiales, le nazisme…À partir des années 80, on assiste à un changem<strong>en</strong>tavec l’émerg<strong>en</strong>ce du Front national. La résurg<strong>en</strong>ce dudiscours nationaliste s’est faite de façon différ<strong>en</strong>te deson apparition, et c’est ce qui est difficile à compr<strong>en</strong>dre.Il y a des points communs, le rejet de l’immigration,mais cela s’intègre dans un système politique où l<strong>en</strong>ationalisme n’est plus perçu comme une m<strong>en</strong>acedirecte pour la démocratie. Auparavant le nationalismeétait un discours révolutionnaire : il voulait,comme le communisme, détruire les institutions démocratiques.Aujourd’hui, dans les discours du F.N. celane transparait plus. Même si, parv<strong>en</strong>u au pouvoir, ilfinirait par le faire.La reprise de ces thèmes id<strong>en</strong>titaires se fait aussi àdroite, dans un cadre démocratique. C’est là le plusgrave ! Dans les années 30, la limite du discours nationalistet<strong>en</strong>ait <strong>en</strong> ce que les g<strong>en</strong>s se disai<strong>en</strong>t «si onlaisse faire ça, ça va nous retomber dessus». C’est cequi s’est passé avec la création du Front antifasciste<strong>en</strong> 1934. La mobilisation ne se faisait pas sur la questionde l’étranger, dont on se foutait, mais sur les dangerspour la démocratie. Aujourd’hui, c’est beaucoup plusdifficile de faire compr<strong>en</strong>dre aux citoy<strong>en</strong>s qu’ils doiv<strong>en</strong>têtre solidaires, même pour leur intérêt propre.Le nationalisme se combine avec une logique médiatico-politiquequi a intégré son discours.On a troqué arabe contre musulman : est-ce opératoire ?Le nationalisme a besoin de l’actualité pour être efficace.Les stéréotypes, charriés par la logique dufait-divers, se trouv<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t politisés. Commel’islam est à la première page de l’actualité depuisl’Ayatollah Khomeiny (1979), cela a abouti à la généralisationet a ancré des préjugés. Alors qu’au l<strong>en</strong>demainde la guerre d’Algérie, c’était plutôt «arabe» qui étaitévoqué, aujourd’hui il est question d’Islam. C’est lerécit d’actualité qui a ici la place primordiale.Vous avez étudié Aigues-Mortes comme un faisceauconverg<strong>en</strong>t de raisons pour provoquer l’événem<strong>en</strong>t.Pourquoi la mémoire réhabilite-t-elle cet événem<strong>en</strong>tmaint<strong>en</strong>ant ?La r<strong>en</strong>aissance du nationalisme, qu’on appelle <strong>en</strong>corele populisme, se r<strong>en</strong>contre partout <strong>en</strong> Europe. C’estun processus global que l’on a du mal à expliquer etcontre lequel on a du mal à lutter parce que l’on restedans des formes de résistance à l’intérieur de l’État-Nation. Alors que le capitalisme est mondialisé, vouspouvez voir que la lutte contre les plans de rigueur sefait à l’intérieur des États : il n’y a pas de coordination<strong>en</strong> Europe. Pourquoi n’est-on pas capable de dépasserces bornes ? À ce titre je souhaite que l’on s’interroge,et c’est mon cas, sur notre incapacité à aller del’avant. Si l’on compare avec l’époque du massacred’Aigues-Mortes, nous sommes moins internationalistesqu’on ne l’était : Labriola et Guesde t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>tdes meetings communs où ils dénonçai<strong>en</strong>t le capitalismeet ses responsabilités.Les histori<strong>en</strong>s permett<strong>en</strong>t de regarder le passé maisleur rôle d’expert auprès des tribunaux n’est-il pas ambigu? Ne justifi<strong>en</strong>t-ils pas un certain cons<strong>en</strong>susidéologique ?J’ai toujours été hostile à l’interv<strong>en</strong>tion dans les procès-il s’agit surtout du procès Papon. Ce n’est pasaux histori<strong>en</strong>s d’aller témoigner dans un procès carles questions posées sont de nature judiciaire et nonpas sci<strong>en</strong>tifique.N’y a-t-il pas un problème de confusion <strong>en</strong>tre mémoireet histoire ?L’histori<strong>en</strong> qui se r<strong>en</strong>d au tribunal sort de l’histoire pour<strong>en</strong>trer dans la mémoire. Il sort de ses prérogatives caril ne peut y aller avec sa casquette «sci<strong>en</strong>tifique».Il sort de sa distanciation ?BIBLIOGRAPHIECo-fondateur de la revue G<strong>en</strong>èses.Sci<strong>en</strong>ces sociales et histoire, il participeà de nombreuses institutionsnationales et internationales sur lethème de l’id<strong>en</strong>tité nationale. Parmiles nombreux et importants ouvragesqu’il a publiés, on peut citer Lecreuset français, (Seuil, 1988), surla France pays d’immigration ; Les filsmaudits de la République (Fayard,2005) sur les intellectuels ; À quoisert l’id<strong>en</strong>tité nationale (Agone, 2007,voir Zib 3) ; ou <strong>en</strong>core, récemm<strong>en</strong>t,Le massacre des Itali<strong>en</strong>s (Fayard,2010, voir Zib 37). Sa volonté d<strong>en</strong>ourrir le débat citoy<strong>en</strong> se traduitpar la participation à de nombreusesassociations (comme le DAJA) et àla mise <strong>en</strong> scène de faits historiques,qu’il déf<strong>en</strong>d dans Histoire, théâtre etpolitique, (Agone, 2009, voir Zib22).C’est surtout que le questionnem<strong>en</strong>t sci<strong>en</strong>tifique n’estpas du même ressort que le questionnem<strong>en</strong>t judiciaireou politique. On peut faire la même remarque pourl’expertise. J’ai très souv<strong>en</strong>t affaire avec des journalistesqui me demand<strong>en</strong>t si les musulmans immigréss’intègr<strong>en</strong>t. Pour moi, ce n’est pas une question sci<strong>en</strong>tifique! C’est une question politique. Qu’elle que soitla réponse que l’on pourrait donner, on construit lasuspicion à l’égard d’un groupe. Cela ne peut pas êtr<strong>en</strong>eutre !Avec la floraison des statistiques, les sociologues sontsouv<strong>en</strong>t mis à contribution comme experts. Ne fautilpas se méfier de ce g<strong>en</strong>re d’approche ?Il faut faire att<strong>en</strong>tion car il existe une grande diversitéparmi les sociologues et ceux qui se prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t tels !En fait, une partie des sociologues remet <strong>en</strong> cause cesdémarches statistici<strong>en</strong>nes. Là <strong>en</strong>core, ceux qui sort<strong>en</strong>tleurs prérogatives pour faire de l’expertise cour<strong>en</strong>t ungrave danger. Ils confort<strong>en</strong>t un regard porté sur lasociété qui n’est pas neutre mais politiquem<strong>en</strong>tintéressé. Je fais partie de ceux qui appell<strong>en</strong>t à lavigilance à l’intérieur des disciplines. Cette vigilanc<strong>en</strong>écessite des li<strong>en</strong>s avec «la société civile». Le propredes experts c’est de se positionner <strong>en</strong> surplomb. Ilscré<strong>en</strong>t un fossé avec le reste de la société, ce qui esttrès négatif pour leurs propres recherches d’ailleurs.Ils <strong>en</strong> arriv<strong>en</strong>t à cautionner des croyances, commecelle de la corrélation inévitable <strong>en</strong>tre immigration etdélinquance.L’histoire a la capacité d’analyser les situations et deles déconstruire. Si p<strong>en</strong>dant longtemps elle a pu ass<strong>en</strong>erdes vérités, notamm<strong>en</strong>t avec la III e République,peut-elle aujourd’hui permettre un regard plus civique,aider le citoy<strong>en</strong> à pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce de la sociétédans laquelle il vit ?L’exemple de la nation est assez parlant. P<strong>en</strong>dant touteune période, l’histori<strong>en</strong> a légitimé la nation alorsqu’aujourd’hui on est passé à une autre approche. Cequ’il faut faire c’est donner les différ<strong>en</strong>ts aspects d’uneréalité de façon à ce que les citoy<strong>en</strong>s se les appropri<strong>en</strong>tet <strong>en</strong> fass<strong>en</strong>t usage avec une dim<strong>en</strong>sion critique. C’estce que j’appelle une désid<strong>en</strong>tification par le fait. C’esttrès important de privilégier la compréh<strong>en</strong>sion. Dansla lecture prés<strong>en</strong>tée au public du Massacre des Itali<strong>en</strong>s(voir Zib 37) on a mis l’acc<strong>en</strong>t, à dessein, sur l’assassinparce que cela décale les choses : on se demandecomm<strong>en</strong>t ce type <strong>en</strong> est arrivé là ! Les différ<strong>en</strong>ts éclairagesdes personnages permett<strong>en</strong>t de compr<strong>en</strong>dre,mais aussi de montrer, les contradictions. On n’<strong>en</strong> tirepas de morale. Notre travail d’histori<strong>en</strong> s’arrête à c<strong>en</strong>iveau-là. Ensuite c’est le ressort de la politique, ducivique, de la citoy<strong>en</strong>neté. C’est aux personnes, auxspectateurs ici, de continuer.Aller au théâtre c’est donc sortir de la salle de cours ?Si on veut aller vers la compréh<strong>en</strong>sion, il faut se tournervers des artistes. Cela permet de toucher d’autrespublics. J’ai voulu éviter de tomber dans la routinedu discours antiraciste. Il ne faut pas hésiter à lierparti avec les militants. C’est une manière de résistercollectivem<strong>en</strong>t, avec les intérêts que l’on a <strong>en</strong> commun(la remise <strong>en</strong> cause, l’information…). Il est important decréer ces passerelles avec les différ<strong>en</strong>ts milieux, nonseulem<strong>en</strong>t conjoncturellem<strong>en</strong>t mais aussi durablem<strong>en</strong>t.ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RENÉ DIAZ


14 THÉÂTRE LA MINOTERIE | LE GYMNASE | LES BERNARDINESO Nappy daysEnvie d’un spectacle qui décoiffe ? N’hésitezpas, foncez aux Bernardines. Maisdépêchez-vous, après le 18, il sera troptard… D’abord, pr<strong>en</strong>ez le temps de flânersous la t<strong>en</strong>te du théâtre ; un marché descréateurs africains vous y accueille. Bijoux,spécialités à grignoter, le voyage comm<strong>en</strong>cedéjà. Puis laissez-vous conduirejusqu’au théâtre. Eva Doumbia et sacompagnie y ont installé leur cabaretcapillaire, un spectacle habilem<strong>en</strong>t tressé,<strong>en</strong>tre humour et émotion. Sur des textesde Marie Louise Bibish Mumbu, desfemmes parl<strong>en</strong>t, chant<strong>en</strong>t, dans<strong>en</strong>t. Superbem<strong>en</strong>t.Durant plus de 2 heures (qu’onne voit pas passer), on embarque avecelles pour un tour du monde de lacoiffure black dans tous ses états, desloges à la salle de spectacle, de l’AfriqueDrôle d’oiseau !au Brésil <strong>en</strong> passant par la diaspora.Musique, chorégraphie, texte, vidéo,avec des formes aussi variées que cellesdes coiffures africaines, Doumbia réussitEn 1984 B<strong>en</strong>o Besson proposait une mise <strong>en</strong> scène de L’Oiseau vert que toutesles mirettes prés<strong>en</strong>tes ont gardé <strong>en</strong> mémoire. Magique, drôle, politique, sa lecturedu conte de Gozzi était un chef-d’œuvre de théâtralité aboutie… SandrineAnglade repr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> France la pièce avec une sérénité modeste, citant songlorieux aîné dans quelques effets de mise <strong>en</strong> scène, mais proposant uneinterprétation très différ<strong>en</strong>te : les jeunes g<strong>en</strong>s n’y sont plus une force absolue quidoiv<strong>en</strong>t se délivrer des mirages spirituels, et des spectres et lourdeurs d’unesociété minérale. Ici la philosophie se heurte à la réalité du désir, idéalisme etmatérialisme s’affront<strong>en</strong>t à travers des personnages symboliques… mais tout aussidrôles, colorés et vivants ! Les trois heures du voyage pass<strong>en</strong>t comme <strong>en</strong> un rêvepar la grâce de la fable, le tal<strong>en</strong>t des comédi<strong>en</strong>s, la caricature assumée d’un jeuirréaliste rimant parfaitem<strong>en</strong>t avec des costumes et des décors percutants, sansesthétisme fabulateur. Il <strong>en</strong> reste du plaisir, intellig<strong>en</strong>t, qui r<strong>en</strong>voie à l’<strong>en</strong>fance maisconstruit aussi un parcours initiatique qui rapproche rois et <strong>en</strong>fants du peuple,malmène les li<strong>en</strong>s du sang, et <strong>en</strong> appelle à une élévation spirituelle loin d’unmatérialisme qui a viré à l’amour immodéré du matériel. Tout cela <strong>en</strong> chansons,dans une traduction nouvelle qui restitue une langue brutale et crue, de beauxclins d’œil contemporains, et un rythme sans faille…AGNÈS FRESCHELL’Oiseau vert a été joué au Gymnase du 18 au 22 janvier© Gilles Abegg© Agnès Mellonun spectacle vibrant d’énergie et defantaisie, bi<strong>en</strong> dans l’esprit du cabaret.Et <strong>en</strong> posant la question du rapport desfemmes noires avec leurs cheveux, elleLangues de chat...petits biscuits secsmodérém<strong>en</strong>t oblongs, aunom t<strong>en</strong>dre et légèrem<strong>en</strong>tridicule dont il estprud<strong>en</strong>t de se munirlorsque l’on doit gravirdes sommets et surtoutremonter au temps descopains... L‘un des sixhommes [qui] grimp<strong>en</strong>tsur la colline, <strong>en</strong> hypoglycémie(feinte), <strong>en</strong>déplore l’abs<strong>en</strong>ce etcette réplique simplissimedonne le ton d’une pièce découpéedans le carton de l’adolesc<strong>en</strong>ceéternelle. La scène : des plans inclinésqui indiqu<strong>en</strong>t d’où l’on vi<strong>en</strong>t, où l’on vaet à qui l’on parle, bordés sur le devantpar une haie plus que verte, ost<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>tfleurie, comme au pays deOUI-OUI. Les personnages : y’a Bidomqu’est pas maigre, Banchard qu’estyéyé, Arnold le zinzin, Gromeux qui sela pète un peu et Poucet le ténébreux ;cinq vivants et Julot réduit <strong>en</strong> c<strong>en</strong>dresdans sa boîte à chapeau, seul li<strong>en</strong> désormaiset pas pour longtemps <strong>en</strong>treces hommes qui ont été des amis, avantdispersion. Gilles Granouillet, auteurassocié à la Comédie de Saint-Eti<strong>en</strong>nemet dans leur bouche de petites chosesvraies, sans éclat, à l’aune de leurss<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts, pas très élevés, vite fatigués; ri<strong>en</strong> de ce qu’ils dis<strong>en</strong>t ne nousest étranger ; l’hommage funèbre setransforme illico <strong>en</strong> pique-nique Tupperwareet l’asc<strong>en</strong>sion majestueuse <strong>en</strong>débandade aigre-douce. Le metteur <strong>en</strong>suit le fil de son travail sur le métissage etles origines. Car tous ces défrisages,lissages et autres tressages sont autantde marques d’asservissem<strong>en</strong>t plus oumoins volontaire, et l’actuelle t<strong>en</strong>danc<strong>en</strong>appy une désaliénation. Moi et moncheveu inaugure avec tal<strong>en</strong>t Femmesand Black in the world, un cycle despectacles transdisciplinaires écrits pardes femmes noires de générations et decontin<strong>en</strong>ts divers pour représ<strong>en</strong>terl’Afrique et sa diaspora contemporaine.FRED ROBERTMoi et mon cheveu, cabaret capillaire,conçu et mes par Eva Doumbia, estprés<strong>en</strong>té <strong>en</strong> avant-première au théâtredes Bernardines jusqu’au 18 février.04 91 24 30 40Il sera créé pour le Festival deMarseille du 7 au 9 juillet© Laur<strong>en</strong>ce Fragnolscène Eric Leconte affuble les acteursde la Compagnie La Naïve de fauxnezet d’accessoires dérisoires, les faitévoluer sur un espace minuscule au bordd’un gouffre de 20 c<strong>en</strong>timètres, <strong>en</strong>trebouffonnerie et cynisme t<strong>en</strong>dre ; le jeuest juste dans le meilleur s<strong>en</strong>s duterme, n’échappant pas toujours à l’étriqué.Grimpette mélancolique cont<strong>en</strong>uetout <strong>en</strong>tière dans le dernier gested’Arnold seul <strong>en</strong> scène, lançant un avion<strong>en</strong> papier qui vi<strong>en</strong>t piquer du nez auxpieds des spectateurs…MARIE-JO DHÔSix hommes grimp<strong>en</strong>t la colline,mise <strong>en</strong> scène d’Éric Lecontepour la Compagnie La Naïvea été donné à La Minoteriedu 18 au 22 janvier


18 THÉÂTRE LA CRIÉE | LE LENCHE | LE GYPTISInsurrection !Bioscénographied’un génieL’<strong>en</strong>treprise de Fabrice Melquiot estsingulière : mettre <strong>en</strong> scène JacksonPollock pour approcher peut-être del’ess<strong>en</strong>ce du génie… Son échec mêmesigne sa paradoxale réussite : car c’est<strong>en</strong> montrant combi<strong>en</strong> le génie d’unartiste est irréductible à sa vie, etsurtout à la représ<strong>en</strong>tation de celle-ci,que la pièce révèle tout à trac que cetruc là, cette force inv<strong>en</strong>tive qui permetde faire des œuvres puissantes etincontournables, est au fond incompréh<strong>en</strong>sible.Il montre Pollock comme un sale gosse.Viol<strong>en</strong>t, de mauvaise foi, compr<strong>en</strong>antmal ce qu’il fabrique mais fort bi<strong>en</strong> cequ’il rejette, obsédé par la stupeur stupidedu sexe et de l’alcool, y cherchantla folie nécessaire à ses éruptionscréatives. À côté de lui Lee Krasner,admirative de l’œuvre plus que del’homme, vouée au sacrifice de sonpropre tal<strong>en</strong>t, pour un couple voué auxdéchirures. Jusqu’à ce qu’un autrepeintre, Mondrian, reconnaisse <strong>en</strong> ellele tal<strong>en</strong>t qu’elle avait mis de côté. Pasle génie ? Quant à l’autre génie, le vrai,de débordem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> virée il finira parse tuer d’un excès de vitesse volontairedont il ne fut pas la seule victime…Lam<strong>en</strong>table ? L’œuvre est là. Pas surscène, même si Paul Desveaux parvi<strong>en</strong>tà évoquer sans les reproduire lesgestes, les empâtem<strong>en</strong>ts et les couleursdes peintres. Le portrait le plusattachant est nettem<strong>en</strong>t celui de Krasner,magnifiquem<strong>en</strong>t interprétée parClaude Perron. Serge Biavan, rocbrut qui divague, baise dans les arrièrecours et frappe sa femme, donne peu<strong>en</strong>vie de connaître l’œuvre. On auraittort.A.F.Pollock a été joué à la Criéedu 25 au 29 janvierPollock © E. CarecchioSolorigolo© V. ArbeletWe are la France avait un petit côté cynique: le constat du pourrissem<strong>en</strong>t dumonde contemporain était net, maischacun semblait s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre sur l’impossibilitéd’action, et donc la nécessitéde faire avec… Avec Que faire ? B<strong>en</strong>oitLambert et Jean-Charles Masseraabandonn<strong>en</strong>t les tr<strong>en</strong>t<strong>en</strong>aires et s’attach<strong>en</strong>tà un couple plus âgé, retraité etpopulaire. R<strong>en</strong>tre dans sa cuisine etses souv<strong>en</strong>irs… ceux de 68, du militantisme,de l’insurrection. Et c’est touteune littérature révolutionnaire qu’ils pass<strong>en</strong>t<strong>en</strong> revue, comm<strong>en</strong>tant ce qu’ils<strong>en</strong> conserv<strong>en</strong>t, de Marx à Lénine <strong>en</strong>comm<strong>en</strong>çant par Descartes pour finirpar Deleuze… Le tout agrém<strong>en</strong>té debelles analogies avec les insurrectionsartistiques (Joseph Beuys), quelquesmises au panier réjouissantes (le droitinaliénable à la propriété, le surhommede Nietzsche, la démocratie américaineet toute la Révolution Française !),de chansons et de pantomimes (un peusystématiques et pas toujours drôles,aspect le moins réussi du spectacle).Vers la fin cela pr<strong>en</strong>d un tour plus viol<strong>en</strong>t,et le couple qui est passé de l’interrogationà l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, s’acheminevers la révolte. Grâce à Nina Hag<strong>en</strong> !que Martine Schambacher incarneavec une spl<strong>en</strong>dide furie… et que FrançoisChattot-Mouloudji apaise <strong>en</strong>chantant Faut vivre… R<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>tt<strong>en</strong>dre ? Sûrem<strong>en</strong>t pas ! Le couple,après être sorti de «l’amortissem<strong>en</strong>tque nous vivons depuis 68», fabrique<strong>en</strong>semble, et <strong>en</strong> chansons, de beauxcocktails Molotov prêts à l’emploi !AGNES FRESCHELQue faire ? le retour a été jouéà La Criée du 1 er au 12 févrierOn avait fort apprécié, <strong>en</strong>2008, la prestation deRoland Peyron dansMonsieur Armand ditGarrincha. Le revoici surle plateau du théâtre deL<strong>en</strong>che, jusqu’à la fin dumois, dans un nouveaumonologue écrit surmesure pour lui parSerge Valletti. À pleingaz, c’est le titre, dont on© Kevin Louviotne compr<strong>en</strong>d le s<strong>en</strong>squ’<strong>en</strong> cours de route, et qu’il serait dommage de dévoiler. Une heure, c’est ladurée du spectacle, qu’on pourrait définir comme un récit de vie ; une de ceshistoires à tiroirs et à digressions dont Valletti raffole. Sauf que ce n’est pas toutà fait ça. Car qui est-il, ce drôle de bonhomme <strong>en</strong> costume-cravate-manteau quisemble sorti de nulle part et qui y retournera à la fin, <strong>en</strong> traînant derrière lui sonsac de voyage à roulettes ? Est-il celui qu’il raconte, un personnage d’assassindoublé d’un escroc, un minable affabulateur ? Est-il l’acteur qui l’incarne et necesse de pr<strong>en</strong>dre le public à témoin ? La pièce joue constamm<strong>en</strong>t de cette doubleposture du comédi<strong>en</strong>, comme si Valletti voulait ici r<strong>en</strong>dre hommage à l’illusionthéâtrale et au travail d’acteur. Une mise <strong>en</strong> scène sobrissime, des accessoiressimples, quelques jeux de lumière, et on <strong>en</strong>tre dans «ce fragm<strong>en</strong>t de cerveauouvert» qui se livre. On joue le jeu, tout au plaisir de retrouver le s<strong>en</strong>s de la formulede Valletti, ses ruptures de ton et de rythme, auxquels les acc<strong>en</strong>ts de Peyrondonn<strong>en</strong>t tout leur relief. Un bon mom<strong>en</strong>t de théâtre donc, de franche rigoladeparfois, même si la fin manque un peu de tonus.FRED ROBERTLe texte de la pièce vi<strong>en</strong>t d’être publiéavec celui de Roméa et Joliette aux éditions de L’Atalante.À noterÀ plein gaz, mes Eric Louviot, se joue jusqu’au 26 février au Théâtre de L<strong>en</strong>che04 91 91 52 22www.theatredel<strong>en</strong>che.info


L’abondance nuitComme on aimerait que les int<strong>en</strong>tions louables fass<strong>en</strong>t les bons spectacles !Germaine Tillion a écrit une opérette à Rav<strong>en</strong>sbrück pour survivre. Si l’œuvrea valeur de témoignage, c’est aussi une mosaïque mal écrite dans un contexteplus que particulier par une ethnologue qui s’improvise auteur dramatique, etlyrique. Le texte n’est pas bon, trop long, démonstratif, décousu, répétitif, à l’ironielourde –on le serait à moins. Le monter sans distance, intégralem<strong>en</strong>t, n’a pas des<strong>en</strong>s. Heureusem<strong>en</strong>t l’écriture musicale subtile d’Alain Aubin vi<strong>en</strong>t donner un peud’épaisseur à ce qui s’appar<strong>en</strong>te à des songs, mais ils sont trop semblables,redondants… Quant aux comédi<strong>en</strong>nes on ne sait pas très bi<strong>en</strong> ce qu’elles jou<strong>en</strong>t :les prisonnières du camp ou les personnages d’une fiction interne ? Les rôles sontmal distribués, la m<strong>en</strong>euse de jeu ral<strong>en</strong>tit le rythme <strong>en</strong> campant une sorte declown triste décharné, ri<strong>en</strong> n’est vraim<strong>en</strong>t drôle ou vraim<strong>en</strong>t tragique et labourgeoise soignée, personnage ess<strong>en</strong>tiel, est t<strong>en</strong>ue par une comédi<strong>en</strong>ne quin’a ri<strong>en</strong> du rôle. Les chanteuses et musici<strong>en</strong>nes parl<strong>en</strong>t un peu faux, ce qui estpardonnable, celles qui ne chant<strong>en</strong>t pas aussi, hélas… et la mise <strong>en</strong> scènemanque d’idées simples, de décisions, de parti pris. Vraim<strong>en</strong>t dommage pourcette production régionale, féminine, ambitieuse… qu’il faudrait resserrer de touteurg<strong>en</strong>ce !AGNES FRESCHELLe Verfügbar aux Enfers a été créé au Gyptis, Marseille, du 8 au 12 février,puis joué le 12 mars au Comoedia, à Aubagne, et le 16 au Vitez, à Aix© Agnès MellonAntichambre 18 èmeLe Jeu de l’amour et du hasard est unedes pièces les plus innocemm<strong>en</strong>t perversesde Marivaux : sous prétexted’une intrigue pré-conjugale classique-deux jeunes g<strong>en</strong>s veul<strong>en</strong>t se connaîtreavant le mariage sans se dévoilermutuellem<strong>en</strong>t leur id<strong>en</strong>tité véritable-,ne voilà t’il pas qu’une noble se retrouvecourtisée, et amoureuse, d’un (faux)valet qui n’<strong>en</strong> revi<strong>en</strong>t pas d’aimer une(fausse) servante ? Et que le frère et lepère de la belle assist<strong>en</strong>t, voyeurs amusés,au spectacle de ces vrais émoisancillaires ? Marivaux balaye ici de trèsbelle manière les interdits sociaux,prouvant qu’on peut s’av<strong>en</strong>turer à aimerhors de classe même si, finalem<strong>en</strong>t,l’éducation des nobles les distingue<strong>en</strong>core de leurs proches serviteurs.Faire de ceux-ci des nigauds ridicules,obsédés de sexe et d’arg<strong>en</strong>t, peupleaux désirs torves comme le fait Calvarioest donc très drôle, mais sujet àcontres<strong>en</strong>s douteux. Le public lycé<strong>en</strong>se tordait de rire à leurs caricatures.Pas sûr qu’ils ai<strong>en</strong>t compris la forcerévolutionnaire de cette comédie où,pour la première fois, un noble à boutd’amour propose le mariage à uneprét<strong>en</strong>due roturière !A.F.Le jeu de l’amour et du hasarda été joué au Gyptisdu 19 au 21 janvier


20 THÉÂTRE JEU DE PAUME | TOURSKYMythes fondateursSemaine macédoni<strong>en</strong>ne au Toursky et programmationcourageuse d’œuvres inédites, avec le Livre secret, filmde Vlado Cvevanovski avec Jean-Claude Carrière, etune pièce de Jordan Plevnes, poète et chantrecontemporain de la Macédoine, par le théâtre nationalde Strumica, dans la mise <strong>en</strong> scène de DejanProjkovski. Evènem<strong>en</strong>t, la télé macédoni<strong>en</strong>ne s’estdéplacée ! Le thème abordé est <strong>en</strong> effet crucial, il s’agitd’évoquer la vie et l’œuvre de Krste Petkov Misirkov, qui,par ses travaux, est considéré comme l’un des pères dela Macédoine actuelle. D’ailleurs, le besoin de se raccrocherà des héros nationaux fédérateurs est s<strong>en</strong>sibledans toute la pièce qui évoque Philippe de Macédoineet Alexandre. L’antique Pella, Postol <strong>en</strong> 1874 sous l’empireottoman, capitale des deux grands conquérants, vitVers la folie ?Chez Musset, la légèreté est un desmasques de la profondeur, les mots lesplus anodins s’ourl<strong>en</strong>t de s<strong>en</strong>s, on jouesans cesse à laisser press<strong>en</strong>tir les failles.Mise <strong>en</strong> scène complexe que celle de cetimplicite qui affleure au creux dessil<strong>en</strong>ces, des mots ret<strong>en</strong>us, <strong>en</strong> unemusique subtile et ironique. Les petitespièces <strong>en</strong> un acte offr<strong>en</strong>t une paletteriche difficile à appréh<strong>en</strong>der. Les jeunesacteurs de la troupe de FrédériquePlain se gliss<strong>en</strong>t avec un visible plaisirdans leur prose délicate. Il faut qu’uneporte soit ouverte ou fermée les <strong>en</strong>traînedans un charmant marivaudage où less<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts sembl<strong>en</strong>t éclore de leurscontraires, où les lieux communs s’effrit<strong>en</strong>t.Rodolphe Congé et Johan Daismeinterprèt<strong>en</strong>t avec délicatesse les bavardagesqui les conduis<strong>en</strong>t à desDuel singulierLe 2 juin 1626, le cardinal Richelieu interdisait lapratique du duel qui décimait la fougueuse noblesse,bi<strong>en</strong> sûr, la pratique n’<strong>en</strong> cessa pas pour autant, et <strong>en</strong>1967 <strong>en</strong>core on pouvait voir des députés jouer de l’épée(R<strong>en</strong>é Ribière et Gaston Deferre !). Mais la pratique esttombée cep<strong>en</strong>dant <strong>en</strong> désuétude. Heureusem<strong>en</strong>t, Laur<strong>en</strong>tCirade et Paul Staïcu r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t le g<strong>en</strong>re avecéclat, dans l’efficace mise <strong>en</strong> scène d’Agnès Boury. Leurpremier duel a fait rire le monde p<strong>en</strong>dant 8 ans, le secondrisque de solliciter <strong>en</strong>core les zygomatiques de laterre <strong>en</strong>tière. Tous les g<strong>en</strong>res, toutes les époques, deBach aux Bee Gees, de Beethov<strong>en</strong> aux Beatles, deBrahms à Ennio Morricone… Car tous ces compositeursn’ont jamais travaillé que pour ce duo virtuose etdéjanté : c’est ce qu’ils affirm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tout cas, et nousvoulons bi<strong>en</strong> les croire, tant leur spectacle est jubilatoire! Les défis sont nombreux, course poursuiteautour du piano <strong>en</strong> gardant le rythme de la musique, jeudans toutes les positions, debout, assis, couchés ! Avezvousdéjà essayé de jouer du piano les yeux bandés, lesmains m<strong>en</strong>ottées ? aucun problème pour Paul Staïcu…naître le nouveau héros, Misirkov, le «Mozart linguistedes Balkans» avec sa maîtrise de 26 langues. L’<strong>en</strong>jeude son évocation dépassait les limites du spectacle.L’émotion s<strong>en</strong>sible des artistes, aussi attachante quemaladroite, s’affrontait à un texte mal taillé pour lethéâtre, avec sa grandiloqu<strong>en</strong>ce romantique, son éruditionuniversitaire (qui va jusqu’à oser «anthropophonétique»),ses énumérations infinies, ses va et vi<strong>en</strong>t incessants<strong>en</strong>tre passé et prés<strong>en</strong>t, sa volonté d’une impossibleexhaustivité… Oui, la vie du héros fut riche complexe,torturée, balkanique… Le chœur antique dans la plusgrande tradition, avec de belles voix, des accords quiont les acc<strong>en</strong>ts de la liturgie orthodoxe slave… necomp<strong>en</strong>se pas un surtitrage calamiteux, une profusionde cercueils que l’on assemble sans fin, une débaucherévélations qu’ils n’att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t pas.Mais dans l’intérieur bourgeois tout estjolim<strong>en</strong>t réglé, un peu trop sage alorsqu’on att<strong>en</strong>dait de la folie dans On nesaurait p<strong>en</strong>ser à tout. Malgré le battem<strong>en</strong>tde l’horloge qui, imperturbable, rythmela mesure puis s’affole, la course frénétiquedes serviteurs pour remplir lamalle du marquis distrait, on reste sur safaim. Le mouvem<strong>en</strong>t débridé, le tournoiem<strong>en</strong>tdionysiaque, s’<strong>en</strong>lis<strong>en</strong>t. Sansdoute, il aurait été judicieux de resserrerun peu, d’établir une réelle t<strong>en</strong>siondramatique hors de la mécanique.M. C.Il faut qu’une porte soit ouverte oufermée et On ne saurait p<strong>en</strong>ser à toutont été joués du 3 au 5 févrierau Jeu de PaumeCombattants ex aequo, la musique, grand vainqueur !© X-D.R.de farine c<strong>en</strong>sée représ<strong>en</strong>ter la c<strong>en</strong>dre et la poussièrerituelle du deuil, des arrêts sur image dans le meilleurgoût de l’esthétique soviétique… Insondable abîme <strong>en</strong>trele théâtral et le théâtre !La Macédoine est <strong>en</strong> train de se construire : si «la beautédoit sauver le monde» (Dostoïevsky), elle doit aussicréer un art contemporain susceptible de donner à<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre «la musique parfois infernale des Balkans maisqui rayonne aussi d’espoir.» (J. Plevnes).MARYVONNE COLOMBANILe dernier jour de Misirkov a été jouéau Toursky le 28 janvierDu roman au théâtreLe Jeu de Paume était pleincomme un œuf pour les représ<strong>en</strong>tationsde l’adaptationdu roman d’Anna Gavalda,Je l’aimais, dans la mise <strong>en</strong>scène de Patrice Leconte.Mais la puissance du texte,lissé dans cette adaptation,vidé de sa substance pour dev<strong>en</strong>irdu boulevard, manquaitcruellem<strong>en</strong>t. La pure simplicitéde son style s’aplatit sur© BM Palazonscène <strong>en</strong> une certaine mièvrerie, et le rythme a du mal à se trouver. Le décor, chargé,ancre la pièce dans une réalité… conv<strong>en</strong>ue. Il est certes difficile de r<strong>en</strong>dre auspectateur l’émotion ress<strong>en</strong>tie au cœur des pages, d’accorder à des personnages quis’incarn<strong>en</strong>t, la même poésie qu’à leur modèle de papier. Déception donc, et pourtantquel bonheur ! Portant toute la pièce, il y a Gérard Darmon, avec sa voix superbe.La banalité la plus plate pr<strong>en</strong>d alors une épaisseur inatt<strong>en</strong>due. Il s’empare du rôle dePierre avec subtilité et ret<strong>en</strong>ue, jongle avec finesse <strong>en</strong>tre prés<strong>en</strong>t et souv<strong>en</strong>ir, laissantpeu à peu affleurer la poignante douleur de la perte. C’est un vrai privilège que de voirsur scène un si grand acteur. Pour le reste, c’est une bonne occasion de rev<strong>en</strong>ir autexte de Gavalda. M.C.Je l’aimais a été donné au Jeu de Paume, Aix, du 8 au 12 févrierEt tirer une mélodie d’un simple fil t<strong>en</strong>du ? Laur<strong>en</strong>tCirade y ajoute une marionnette fildefériste… Et que direde l’inénarrable scène de séduction de dame violoncelle! C’est ainsi que naquit le violon… Les répliquesmusicales s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t <strong>en</strong> un rythme échevelé, pas untemps mort dans cette mosaïque variée qui use de tousles registres avec le même brio, que ce soit pour le jazz,le classique, le rock. Car l’efficacité burlesque reposesur la virtuosité technique des musici<strong>en</strong>s : quelle extraordinairedémonstration d’indép<strong>en</strong>dance et de décoordination,lorsque le violoncelle joue du piano d’une main, descordes de l’autre, <strong>en</strong> même temps qu’il s’accompagneau didgeridoo, et que son comparse fait l’autre main aupiano tout <strong>en</strong> maniant l’archet ! Take a walk on the wildside à deux sur le violoncelle clôt le génial Duel opus 2.Un mom<strong>en</strong>t de vrai plaisir !M.C.Duel Opus 2 a été interprétéles 21 et 22 janvier


InégalLa Compagnie M<strong>en</strong>inas s’est installéepour cinq semaines au Parvis des Artspour prés<strong>en</strong>ter quatre spectacles,proposer des soirées Cabaret et desateliers théâtre. Cavaliers a été travaillésous le regard complice de son auteur,François Cervantès. La pièce, étrange,mêle dès le début le réel de lareprés<strong>en</strong>tation, <strong>en</strong> s’adressant au vraipublic prés<strong>en</strong>t, et la fiction, mise <strong>en</strong>scène. Puis un autre niveau affleure :ce qui est dit et joué se révèle à la fin nepas être la «vérité» : c‘est ce que confiela traductrice qui joue aussi le rôle dela soeur d’Antonella. Et n’est pas sûreque ce soit sa soeur. Antonella, jouéede façon très s<strong>en</strong>sible par FrancescaGiuliano, se réjouit au début de voir dumonde. Elle sourit, s’adresse aux spectateurs,et peu à peu se livre et raconte :Rouge la mouetteBlessée, tuée, empaillée, La Mouette de Tchékhov est le symbole de la fin desillusions. La scène d’ouverture passionnelle et désespérée donne les couleurs dela mise <strong>en</strong> scène, rouge et noire. «Je suis <strong>en</strong> deuil de ma vie. Je ne connais pas lebonheur» répond Macha à Medvéd<strong>en</strong>ko qui lui demande pourquoi elle est toujoursvêtue de noir… La pièce de Tchékhov ne cesse d’être actuelle, dans sonromantisme, son interrogation perman<strong>en</strong>te sur la nouveauté, la difficulté d’exister,de pr<strong>en</strong>dre une place, être reconnu <strong>en</strong> tant que personne, mais aussi <strong>en</strong> tantqu’artiste par ses aînés. Difficile à transcrire sur l’espace scénique, faire vivre lesmultiples intrigues croisées, r<strong>en</strong>dre s<strong>en</strong>sible les drames, les compromis, les peurs,la tragédie <strong>en</strong>fin. Mikaël Serre adapte le texte tout <strong>en</strong> respectant la t<strong>en</strong>siondramatique, mais surtout donne un beau dynamisme à cette œuvre souv<strong>en</strong>tmontée dans la l<strong>en</strong>teur et l’<strong>en</strong>nui. L’espace de la scène se module avec une belleliberté, les lieux se multipli<strong>en</strong>t avec évid<strong>en</strong>ce, un fauteuil, une piscine gonflable, unfilet de t<strong>en</strong>nis sur lequel la fragile Nina évolue comme un funambule, une t<strong>en</strong>tedans laquelle la génération de ceux qui ont déjà réussi s’<strong>en</strong>ivre et se protège…Rythmes variés, élans, accélérations (comme la superbe scène dans laquelleConstantin court autour des acteurs immobiles avant de sombrer dans le lac), lapièce est m<strong>en</strong>ée tambour battant. On rit, on badine avec profondeur. Les acteurssont d’une fraîcheur revigorante. Une représ<strong>en</strong>tation d’une très belle qualité àlaquelle le public a r<strong>en</strong>du un hommage appuyé.M.C.La mouette a été donnée au théâtre Vitez, Aix, le 2 février© Alain HatatVITEZ | PARVIS DES ARTS THÉÂTRE 21Se récréer© X-D.Rl’exil, le mariage arrangé avec Tonio…confid<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> demi-teintes qui laiss<strong>en</strong>tsourdre déception et frustration.Le mari, pas vraim<strong>en</strong>t choisi, n’a pas lebeau rôle… et le comédi<strong>en</strong> <strong>en</strong> semblegêné ; le plateau vaguem<strong>en</strong>t occupé par3 étagères n’arrange pas les choses.Le samedi soir, la compagnie offrait uncabaret bon-<strong>en</strong>fant autour d’une dégustationaprès le spectacle. Si l’une desinterprètes était touchante dans soninterprétation d’une chanson de Barbara,on ne peut <strong>en</strong> dire autant des prestations«music-hall ringard» des autres.CHRIS BOURGUECavaliers, a été joué au Parvisdes Arts du 18 au 22 janvierL’espace convivial du bar permetles discussions autour d’un verre.© Patrice ClaireLe jeu de mots <strong>en</strong>trere/récréation cherche àpr<strong>en</strong>dre forme et corpsdans l’étape du travailque Danielle Bré prés<strong>en</strong>teavec les jeunescomédi<strong>en</strong>s de sa troupeIn pulverem reverteris.RéCréation s’inscrit dansl’interrogation sur lesrelations <strong>en</strong>tre l’artiste etla société, que la phraseprogrammatrice de cetteannée suggère, «Le livredoit être la hache qui brise la mer deglace qui est <strong>en</strong> nous» (Kafka). L’ouvrageest composé d’un montaged’extraits choisis de Robert Walserdont la photographie projetée surl’écran de fond de scène att<strong>en</strong>d lespectateur, tête légèrem<strong>en</strong>t inclinée,yeux comme perdus dans uneinterrogation intérieure. Interrogationque les personnages repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à leurcompte, <strong>en</strong> lycé<strong>en</strong>s bi<strong>en</strong> typés : la snob,la riche rebelle, la pauvre avide de reconnaissance,l’éternel bizut, leséducteur sûr de lui, le cancre et sesmimiques expressives. Êtres <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>irmais <strong>en</strong> proie aux doutes et dont laforce tourne à vide, sans perspectives.On joue des appar<strong>en</strong>ces, des demivérités,des a priori, des mots que l’ondonne et que l’on repr<strong>en</strong>d. Symptomatique,le «jeu de la vérité» danslequel il faut «à tout prix garder sonmasque» ! Le décor très simple setransforme au fil des scènes, modelépar les acteurs ; le temps est rythmé parles sonneries lycé<strong>en</strong>nes et les extraitsdes textes de Walser sur l’écran, semblablesà des têtes de chapitre.Beaucoup de bonnes idées, pour unemise <strong>en</strong> scène sobre. Mais l’<strong>en</strong>semble,sans doute parce que nous ne sommesqu’au début de ce travail, manque<strong>en</strong>core de rythme. La mosaïque desmom<strong>en</strong>ts qui cherche à montrer lesdiffér<strong>en</strong>tes facettes de la problématique<strong>en</strong>visagée, de l’«opacité» de lajeunesse, se dilue un peu, manqued’une réelle ligne de force. L’idée de lafin de la pièce (les comédi<strong>en</strong>s abandonn<strong>en</strong>tleurs personnages et seprés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t eux-mêmes) tombe à plat,puisqu’il n’y a pas de frontière <strong>en</strong>tre lejeu précédant et la volonté affichée deréalité. Il est cep<strong>en</strong>dant vivifiant deconstater que le théâtre militant etexpérim<strong>en</strong>tal se r<strong>en</strong>ouvelle dans lestextes, et par l’analyse de la sociétécontemporaine.MARYVONNE COLOMBANIRéCréation, version 1a été donné les 26 et 27 janvierau théâtre Vitez, AixLa Version 2 sera représ<strong>en</strong>tée<strong>en</strong> nov 2011 à la Minoterie


22 THÉÂTREMARTIGUES | AUBAGNE | CANNES | VALBONNE© Ko<strong>en</strong> BroosMescal maniéristeLe roman de Malcolm Lowry est puissant, épique,macho, excessif comme son héros le consul anglaisqui aime pénétrer les cercles de l’<strong>en</strong>fer. Le film deHuston est moite et littéraire, populaire et mythiquecomme la fête des morts, désespéré et résignécomme ceux qui s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t que la fin approche, et qu’ilsn’ont jamais été aussi vivants. La mise <strong>en</strong> scène deSous le Volcan par Guy Cassiers réussit l’exploit deproposer une lecture personnelle qui ne trahit jamaisle roman, et rappelle judicieusem<strong>en</strong>t le meilleur dufilm. La manière du metteur <strong>en</strong> scène repose sur desprocédés d’amplification qui plong<strong>en</strong>t le spectateurdans une intimité proche de salles de cinéma.Murmures, démultiplications des images, montages,plans serrés, voix off qui s’incarn<strong>en</strong>t, cohabit<strong>en</strong>tpourtant avec des corps émouvants -les acteurs sontépoustouflants- et un jeu sur la profondeur impossibleau cinéma. Les cercles de l’<strong>en</strong>fer sont ainsi évoquéscomme autant de plans séparés de cloisonstranspar<strong>en</strong>tes qui font écran ou révèl<strong>en</strong>t. Lesrelations amoureuses triangulaires déploi<strong>en</strong>t leursfigures géométriques et le texte, réduit à sesdialogues et ses monologues intérieurs, retracesimplem<strong>en</strong>t la desc<strong>en</strong>te vers l’<strong>en</strong>fer halluciné etdésiré auquel s’abandonne obstiném<strong>en</strong>t le consul,offrant son v<strong>en</strong>tre au couteau. Les grands thèmes duroman, la guerre, les fournaises, les floraisonsdélétères, le corps qui trahit, sont à peine suggérés.Qu’importe : on les voit, et les odeurs parfoissembl<strong>en</strong>t se propager dans l’espace…A.F.Sous le Volcan a été jouéle 28 janvier à Martigueset les 1 er et 2 février à SèteFi la mort !Antigone n’échappera pas à son destintragique. Emmurée vivante par sononcle Créon, nouveau roi de Thèbes, lafille d’Œdipe et de Jocaste refusera delaisser le cadavre de son frère sanssépulture. La voilà qui se terre à côtéde son cercueil. Difficile d’imaginerpire scénario ! Difficile d’imaginerpitreries, facéties et danse macabre !Sauf qu’avec Adèll Nodé-Langlois,tout peut arriver : le meilleur comme lemeilleur. Nez rouge écarlate, cheveux<strong>en</strong> bataille, le teint blanc de l’Auguste,toute de noir vêtue -c’est decirconstance, non ?-, socquettesblanches et escarpins <strong>en</strong> cuir à boutcarré -vite délaissés pour des sabotsnoirs-, elle se lance dans uninénarrable monologue clownesque.On rit de tant de bravade, de perfidie,de roulem<strong>en</strong>ts d’yeux, de ruades (sesdéplacem<strong>en</strong>ts équins autour de la pistesont prétextes à des questionsC’est long la nuitOmbre. Le faisceau d’une lampe anime l’espace deses mouvem<strong>en</strong>ts. «Dans la vie, il y a deux choses quiéclair<strong>en</strong>t les g<strong>en</strong>s, la philosophie et les lampes.»Monologue drôle, léger, de la lampe, marionnetted’un nouveau g<strong>en</strong>re… on s’installe avec plaisir dansce début de spectacle, résultat du travail collectif desept auteurs, cinq compagnies de Paca et d’Île deFrance et autant de metteurs <strong>en</strong> scène. Le projets’est déroulé <strong>en</strong> trois phases, commandes puisrésid<strong>en</strong>ces d’écriture, lectures publiques etmaquette, résid<strong>en</strong>ce (à la distillerie d’Aubagne) etcréation du spectacle. Nous y sommes… Projetambitieux et difficile, avec trop peu de temps pour lamise <strong>en</strong> commun peut-être… Un patchwork demonologues se succède avec plus ou moins debonheur, des longueurs imm<strong>en</strong>ses, des élém<strong>en</strong>ts quipourrai<strong>en</strong>t être intéressants mais qui s’avort<strong>en</strong>td’eux-mêmes. Cela manque d’une patte qui resserreles li<strong>en</strong>s, apporte une t<strong>en</strong>sion dramatique réelle,donne un rythme à ce travail décousu, filandreux.Certains textes ne sont visiblem<strong>en</strong>t pas écrits pourle théâtre, d’autres demanderai<strong>en</strong>t une puissanceabs<strong>en</strong>te. On reti<strong>en</strong>dra les joyeux passages de laserveuse de nuit d’un Mac Drive, «la mouette du drivein» (!), et son monde nourri de référ<strong>en</strong>cesmacdonalesques, de l’infirmière qui organisel’escapade des «vieilles» du c<strong>en</strong>tre médicalisé,quelques bons mots du philosophe frustré, le superbeAntigone © Alain Juli<strong>en</strong>ingénues «quelqu’un a perdu quelquechose ?») et de lucidité brûlante. Car lamort est décomplexée, le destindérisoire et la poisse qui l’<strong>en</strong>glue vautbi<strong>en</strong> un ultime pied de nez… Antigone-Adèll Nodé-Langlois délire, minaude,s’inv<strong>en</strong>te une vie de princesse, sedéhanche sur des riffs de guitare rocket chevauche à califourchon le cercueilcomme s’il s’agissait de jouer aux autotamponneuses.Le pire (<strong>en</strong>fin lemeilleur vous a-t-on dit), c’est qu’on ycroit. On vit là nos dernières heuresavant que la mort ne nous emporteavec elle. Et lorsqu’elle craque ledernier morceau de chocolat ducondamné on est t<strong>en</strong>té de lui <strong>en</strong>demander un carré !MARIE GODFRIN-GUIDICELLIAntigone a été joué du 1 er au 3 févrierau Théâtre des Salins, Martiguesciel étoilé de lettres de la fin. On souhaite à ce travailde trouver son rythme, et de savoir manier lesciseaux avec discernem<strong>en</strong>t.MARYVONNE COLOMBANIMétiers de nuit,prés<strong>en</strong>té par la Cie Le Bruit des Hommeset sequor a été donné au Comœdia d’Aubagnele 12 février. Il sera donné de nouveau le 19 févrierau Théâtre Alexandre 3 à Cannes,et du 1 er au 5 mars à GareAu Théâtre à Vitry-Sur-Seyne (94),le 7 juillet à Valbonne au Festival Arts de la rue


Peterson le glas ?Librem<strong>en</strong>t adaptée du docum<strong>en</strong>taire éponyme deJean-Xavier de Lestrade par Dorian Rossel, Soupçonsretrace une affaire judiciaire comme les États-Unis<strong>en</strong> viv<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t, spectaculaire, longue, chère, oùles notions de culpabilité et d’innoc<strong>en</strong>ce sont parfoisreléguées au second plan, au profit notamm<strong>en</strong>t del’emballem<strong>en</strong>t médiatique. Ce procès est celui deMichael Peterson, écrivain, éditorialiste critique contrela police et le procureur du comté de Durham,bourgade conservatrice de Caroline du Nord, reconnucoupable d’avoir tué sa femme retrouvée morteARLESTHÉÂTRE23au pied de l’escalier de la maison familiale. Partantd’une réécriture des dialogues du docum<strong>en</strong>taire,Dorian Rossel et Carine Corajoud n’ont pas cherchéà r<strong>en</strong>dre compte du réel avec exactitude, mais plus àdéconstruire l’id<strong>en</strong>tité sociale et médiatique crééelors du procès. Très réussie, la première partie, parune scénographie ingénieuse qui joue avec un décormodulable et introduit la vidéo dans laquelle s’incrust<strong>en</strong>tles personnages, multiplie les points de vue,faisant que tous les comédi<strong>en</strong>s jou<strong>en</strong>t tous les rôles,<strong>en</strong> introduisant <strong>en</strong> sus un humour perturbant. Un versantludique qui brouille hélas le propos, et ne permetpas de s’attacher à cette si controversée personnalité,ni de saisir la charge émotionnelle de faitabs<strong>en</strong>te. La deuxième partie, c<strong>en</strong>trée sur le procès,perd de sa pertin<strong>en</strong>ce, au profit d’une prise de paroleun brin mécanique qui fait se succéder toutes lesparties sans réelle distanciation. Et Peterson ?Condamné à la prison à vie.Soupçons a été joué le 25 janvierau théâtre d’Arles© Carole ParodiDétournem<strong>en</strong>ts imaginairesEntièrem<strong>en</strong>t dévolue à l’exploration de la magi<strong>en</strong>ouvelle, thème c<strong>en</strong>tral du temps fort proposé par lethéâtre d’Arles dans le cadre de la programmationTerritoire de cirque commune aussi à Port-de-Boucet Martigues, 14:20 prés<strong>en</strong>tait Notte, voyage <strong>en</strong> clairobscur<strong>en</strong> compagnie de jongleurs et danseurs.Étrange ballet <strong>en</strong> vérité que celui qui se crée surscène, composé de «visions» plus ou moins courtes,impressions de rétines qui racont<strong>en</strong>t une histoire…Des balles lumineuses, seules visibles, ont uneMoins perruqué que Simon Baker, le m<strong>en</strong>talist de lasérie télévisée à audi<strong>en</strong>ce expon<strong>en</strong>tielle, ThierryCollet est non seulem<strong>en</strong>t un acteur qui maîtriseparfaitem<strong>en</strong>t sa partition -le déroulé de sa confér<strong>en</strong>ce-démonstrationest réglée au cordeau- mais unaussi un habile prestidigitateur de nos consci<strong>en</strong>ces.«Ceci n’est pas un spectacle» prévi<strong>en</strong>t-il <strong>en</strong> intro. Etpourtant. Durant plus d’une heure, il utilise la magiem<strong>en</strong>tale pour démontrer à son auditoire que la manipulationest une chose courante. «Il est dans la naturedes choses et des êtres d’être soumis à influ<strong>en</strong>ce». Àtravers un dispositif d’expéri<strong>en</strong>ces collectives, auxquellesse soumett<strong>en</strong>t volontiers les spectateurs, lemaître s’amuse, très sérieusem<strong>en</strong>t, à les manipuler.Par son discours et ses adresses tutoyées, il agit surla p<strong>en</strong>sée et soumet le jugem<strong>en</strong>t de ses cobayes.trajectoire aléatoire sur fond de bande son estivale àbase de criquets, puis animées par des bras àl’ampleur démesurée voilà qu’elles se font tracespersistantes ; mom<strong>en</strong>t de grâce avec un numérod’habillage-déshabillage qui invite la vidéo à brouillerla vision de deux personnages superposés (c’estdonc possible !) ; mélange d’images agrandies dedétail du corps d’un danseur virtuose qui exécute aupremier plan une folle chorégraphie qui nous perd…Tout est relatif, le temps s’étire, les lumièresLe M<strong>en</strong>talist inquisiteurUne manipulation collective, amusante, épatante même,mais qui fait froid dans le dos. La preuve qu’unesociété peut être modélisée par la psychologiesociale, que le prét<strong>en</strong>du libre arbitre est orchestrableet prévisible… Lorsqu’une spectatrice accepte de selaisser planter une longue aiguille dans la gorge, <strong>en</strong>confiance aveugle avec l’orateur qu’elle ne connaîtque depuis 30 minutes, cela devi<strong>en</strong>t proprem<strong>en</strong>t hallucinant.Les derniers mots du spectacle, car il s’agitbi<strong>en</strong> de cela, sont ceux du Grand Inquisiteur deDostoïevski, <strong>en</strong> conclusion d’une hypothèse de lasoirée écrite <strong>en</strong> amont, dans laquelle descriptionsphysiques, choix guidés et déroulé exact étai<strong>en</strong>tconsignés. Spectaculaire !DELPHINE MICHELANGELIdessin<strong>en</strong>t sur les corps des mouvem<strong>en</strong>ts bi<strong>en</strong> réelset pourtant complètem<strong>en</strong>t imaginaires. La magiealors se loge dans d’infimes digressions visuelles quifont ins<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t dévier le réel, le transformesuffisamm<strong>en</strong>t pour réinv<strong>en</strong>ter nos perceptions.Troublante réalité.DO.M.Notte a été proposé le 4 févrierpar le théâtre d’ArlesInflu<strong>en</strong>ces s’est joué au théâtre d’Arlesle 11 février© X-D.R


24 THÉÂTRE AVIGNON | ISTRESPerformance cyclisteEurope, Cap Nord, Arg<strong>en</strong>tine, Patagonie,Australie, Mexique puis Tasmanie,Japon, Népal, Thaïlande... Un tour dumonde consigné dans les carnets deroute de Chantal Valéra et adapté surscène par la formidable Brigitte Mounier,à <strong>en</strong> perdre les pédales ! Véritableperformance de la vie au plateau oùtout se joue à bicyclette, ce Road Movieti<strong>en</strong>t le public <strong>en</strong> haleine, le palpitantau garde à vous et les mirettes éblouies.La comédi<strong>en</strong>ne, une Petite Reine quine craint pas le vide (elle pédale la moitiédu spectacle ou reste dans les airsmiraculeusem<strong>en</strong>t harnachée à son vélo),relate la traversée de cette femme duNord qui découvre à 45 ans, après lavie de femme au foyer, celle de voyageusesolitaire. «J’ai fait mon devoirjusqu’au bout, maint<strong>en</strong>ant j’ai le droitd’être heureuse». 120 000 kms parcourusà vélo <strong>en</strong> 15 ans, avec son lot deUne soupe de vieIl se ti<strong>en</strong>t dans l’ombre, vacille, chuchote presque etfinit par s’installer au cœur du foyer dans lequel il<strong>en</strong>tre comme par effraction, chancelant, <strong>en</strong> proie àune imm<strong>en</strong>se douleur. Jean est-il arrivé au bout de laroute comme il le souhaite ? S’installant, il vaprogressivem<strong>en</strong>t insuffler à la maîtresse des lieux, safille ainsi qu’à son fiancé, et sa mère, l’<strong>en</strong>vie der<strong>en</strong>aître, de respirer à nouveau. Et de fait c’est tout levillage qui va s’épanouir, se transformer et repr<strong>en</strong>drecouleurs, visiblem<strong>en</strong>t, au gré des saisons, tandis queJean, lui, reste prisonnier de sa relation avec safemme partie avec un autre, fantôme prés<strong>en</strong>t etmeurtrier. Dans une lumière tamisée qui tremblotecomme un feu, les personnages boug<strong>en</strong>t peu, lalangue de Giono est l’ess<strong>en</strong>tiel élém<strong>en</strong>t constitutif decette pièce lyrique et s<strong>en</strong>suelle, dont la prose ciseléea la force et l’âpreté des paysages austères du hautpays prov<strong>en</strong>çal cher à l’auteur. Mais dans une© Beatrice Logeais, Maison de la Poesie, ParisRhapsodie d’<strong>en</strong>fanceIl reste toujours quelque chose de l’<strong>en</strong>fance, paraît-il.David Lescot <strong>en</strong> témoigne, avec une désarmantesincérité, dans son spectacle La Commission c<strong>en</strong>tralede l’<strong>en</strong>fance. Un gracieux tour de chant minimaliste,sans armes ni trompettes (juste une guitare tchèquede 64), <strong>en</strong> forme d’hommage aux colos de vacances,où l’ombre portée de son <strong>en</strong>fance vi<strong>en</strong>t délicatem<strong>en</strong>tfrôler la nôtre. Créée pour les gosses de juifscommunistes après la Seconde Guerre mondiale, laCCE portait une idéologie désormais perdue, des airsde l<strong>en</strong>demains qui chant<strong>en</strong>t, des souv<strong>en</strong>irs quel’auteur, acteur, musici<strong>en</strong> égrène et pour lesquels il areçu le Molière de la révélation théâtrale <strong>en</strong> 2009.Une consécration médiatique étonnante, tantl’interprétation parait simple, nonchalante, sansjugem<strong>en</strong>t ni accusations, sans pathos ni révélationcrevaisons, d’intempéries, de coups decafard, la peur de mourir, l’épuisem<strong>en</strong>t,les moustiques… Une quête de libertépour sortir de l’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t domestique,qui passe régulièrem<strong>en</strong>t par lasouffrance mais lui révèle la beauté dumonde, sa fragilité et son hostilité. «Lavraie récolte du voyage, c’est qu’<strong>en</strong>fintu compr<strong>en</strong>ds la place que tu as dans lemonde. On est vivant dans un mondevivant» annonce la nomade émancipée,qui veut aussi, grâce à sa performance,se battre contre les viol<strong>en</strong>ces faites auxfemmes et l’acharnem<strong>en</strong>t des traditionsqui «nous ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans une viequ’on n’a pas choisie». Quitte à pr<strong>en</strong>drele risque de ne plus vouloir rev<strong>en</strong>ir : «Laliberté c’est comme une prison, quandtu y as gouté tu ne peux plus <strong>en</strong> sortir.»DE.M.Road movie à bicyclettede la compagnie des Mers du Nords’est joué au Chêne Noirles 27 et 28 janvier© Regis Nardouxtapageuse. Juste un témoignage parlé-chanté, sansl’ombre d’une ost<strong>en</strong>tation, sur le délitem<strong>en</strong>t dutemps, des souv<strong>en</strong>irs qui se ramass<strong>en</strong>t à la pelle, desodyssées nocturnes dans les t<strong>en</strong>tes féminines, deshymnes communistes et des utopies d’alors. Unepetite ritournelle qui nous laisse étrangem<strong>en</strong>tnostalgique. Mais pas mélancolique.DELPHINE MICHELANGELILa Commission c<strong>en</strong>trale de l’<strong>en</strong>fances’est jouée du 19 au 21 janvierau théâtre des Halles, <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariatavec la Scène Nationale de Cavaillon© Ville de Grande-Synthescénographie qui a l’intérêt de la sobriété, le décor deJacques Mollon -grands pans de peinture noire striéeet opaque évoquant le travail de Soulages- apparaîtcomme redondant, écrasant de son poids la mise <strong>en</strong>scène dépouillée de François Rancillac, imprimant àla diction des comédi<strong>en</strong>s une lourdeur pesante parmom<strong>en</strong>t, déjà «naturellem<strong>en</strong>t» colorée d’outretombe.De cette première pièce écrite par Giono <strong>en</strong>1941 reste le bonheur d’un texte magnifique.DO.M.Le bout de la route a été joué au théâtre de l’Olivier,à Istres, le 29 janvier, et au théâtre de la Passerelle,à Gap, le 1 re février


Risquer sa vie pour la gagner«Vous m’avez émue, j’ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du mon texte différemm<strong>en</strong>t.Merci !». Voilà ce que déclar<strong>en</strong>t les auteurs, prés<strong>en</strong>tsau week-<strong>en</strong>d de lectures À l’Abordage, proposé par leThéâtre du Balcon. Sans compter les applaudissem<strong>en</strong>tsd’un public gourmand de goûter <strong>en</strong> direct lesmots d’auteurs d’aujourd’hui, lus par des comédi<strong>en</strong>squi découvr<strong>en</strong>t quasim<strong>en</strong>t le texte. D’où une émotionnon feinte et parfois contagieuse durant cette navigationthéâtrale où s’embarqu<strong>en</strong>t depuis 3 ans sur leplateau auteurs, interprètes et public. Une invitationau partage m<strong>en</strong>ée par le maître des lieux, Serge Barbuscia,qui distille à l’<strong>en</strong>vi quelques vers de son goût,© X-D.RAVIGNON | CHÂTEAU-ARNOUX THÉÂTREbouteilles à la mer <strong>en</strong> guise de bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue et de capà t<strong>en</strong>ir. Cette année, 12 comédi<strong>en</strong>s auront participéaux 5 escales, reliées par des thèmes «politiques» etcomposées par Ian Soliane, Jean-Louis Leconte,Alain-Didier Weill, Corinne Klomp et Milka Assaf.Cette dernière, cinéaste et auteure, nous emmèneau Liban avec Les Démineuses. Une histoire inspiréede faits réels dans un pays où deux millions de minesanti-personnelles continu<strong>en</strong>t de faire des morts etdes blessés. Après la r<strong>en</strong>contre de femmes démineuses,son projet était de faire un docum<strong>en</strong>taire, «maisles chaines de TV n’étai<strong>en</strong>t pas intéressées» et elleEsquisse étiqueLa Cie itali<strong>en</strong>ne 15Febbraio nous avait fait rire avecson Service de Nettoyage décalé, spectacle anti spectaculaireoù les deux comédi<strong>en</strong>s mal assortis, clownsdu quotidi<strong>en</strong>, parlai<strong>en</strong>t de leur désir de théâtre tout <strong>en</strong>faisant le ménage. Avec Still live ils part<strong>en</strong>t du mêmedécalage, se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t très près du public commedeux comédi<strong>en</strong>s ayant reçu des subv<strong>en</strong>tions pourcréer un spectacle… Cela part bi<strong>en</strong>, puis s’arrête vite,faute de carburant comique, de force ironique, depropos, de texte, d’idées. La forme prés<strong>en</strong>tée dans la25opta, judicieusem<strong>en</strong>t, pour une pièce de théâtre. Luedans sa totalité par Arlette Bach, EmmanuelleBrunschwig, Camille Caraz, Corinne Derian etMarie Pagès, la pièce a reçu le prix Claude Santelli-Association Beaumarchais SACD et le prix CNT. Unexemple de solidarité et d’émancipation, au péril dela vie, dans un pays qui démine son passé.DE.M.À l’Abordage ! s’est t<strong>en</strong>u du 21 au 23 janvierau théâtre du Balcon, Avignonpetite salle du théâtre Durance demande vraim<strong>en</strong>t àêtre étoffée ! Car tourner mine de ri<strong>en</strong> autour de problèmesexist<strong>en</strong>tiels, artistiques ou économiques peutêtre très drôle, mais pour mouliner du ri<strong>en</strong> qui tourneà vide il faut que les rouages soi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> huilés, etfonctionn<strong>en</strong>t à plein.A.F.Still live a été créé au Théâtre Durance,Château-Arnoux, les 10 et 11 février


26 THÉÂTRE AU PROGRAMMEPour conclure…Faute de salle à sa mesure jusqu’à prés<strong>en</strong>t, Jean-Louis B<strong>en</strong>oit a créé son Labiche à Bordeaux, et vi<strong>en</strong>tà Marseille finir sa tournée après une soixantaine dereprés<strong>en</strong>tations… triomphales : le public et la pressesont <strong>en</strong>thousiastes, <strong>en</strong>c<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t la performance dePhilippe Torreton, celle de Dominique Pinon,découvr<strong>en</strong>t ce Labiche inconnu, corrosif, qui parle<strong>en</strong>core de nos bourgeois, de leurs compromissions etde leurs petits états d’âme. De leurs lâchetés. Unmonde qui s’achèvera <strong>en</strong> beauté, dans la grande sallede la Criée <strong>en</strong>fin retrouvée. Sa mise <strong>en</strong> scène duFreischutz à Toulon a égalem<strong>en</strong>t ravi le public (voir p35). Pour mieux qu’on le regrette ? Il promet qu’ilrevi<strong>en</strong>dra à Marseille, autant qu’il le pourra…Un pied dans le crimeDu 8 au 27 marsLa Criée04 91 54 70 54www.theatre-lacriee.comÀ l’EstÉcrit et mis <strong>en</strong> scène par Mélanie Stravato,accompagnée de Malw<strong>en</strong> Voirin, Vers/Thésée estune épopée <strong>en</strong> trois temps, un travail c<strong>en</strong>tré sur sontexte L’indi<strong>en</strong> ne traverse plus la plaine. Ni le chevalqui s’<strong>en</strong> va lorgner du côté de l’Est, vers la Croatie etla Bosnie, avec des images, la musique de SamuelBobin et Véronika Soboljevski…Vers/Thésée (épopée)Du 8 au 13 marsLes Bernardines04 91 24 30 40www.theatre-bernardines.orgDécoiffantSur le texte de Robert Pinget, Abel et Bela, EricLouviot s’attache au binôme complice de deuxcomédi<strong>en</strong>s au chômage qui cherch<strong>en</strong>t à monter lapièce de théâtre idéale. Couple indissociable etconflictuel, ils incarn<strong>en</strong>t tous deux la figure de l’auteurdramatique, offrant un bel hommage au théâtre et auprocessus même de l’écriture au gré de rechercheséchevelées qui parcour<strong>en</strong>t tous les g<strong>en</strong>res avecgourmandise et inv<strong>en</strong>tivité. Par ailleurs l’équipeartistique r<strong>en</strong>contrera le public à l’issue de lareprés<strong>en</strong>tation le 17 mars.Abel et BelaDu 8 au 26 marsLe L<strong>en</strong>che04 91 91 52 22www.theatredel<strong>en</strong>che.info© Brigitte EnguerandConfid<strong>en</strong>cesZerline, vieille domestique au service de la baronneW. depuis tr<strong>en</strong>te ans, se confie à A., un voisin, etraconte ses frustrations, ses désirs de victoires et dev<strong>en</strong>geances. Car Zerline fut la rivale de la baronnedes années durant, vivant par procuration un amourimpossible avec le baron, s’occupant sans fléchir deleur fille Hildegarde. Et <strong>en</strong>fouissant profondém<strong>en</strong>t sess<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts… Yves Beaunesne, qui signe aussi latraduction et l’adaptation du monologue d’HermannBroch, met <strong>en</strong> scène Marilù Marini dans ce désordredes cœurs.Le récit de la servante ZerlineDu 10 au 19 marsLa Criée04 91 54 70 54www.theatre-lacriee.comles 29 et 30 marsThéâtre de Nîmes04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.comEspace-tempsLe collectif Manifeste ri<strong>en</strong>, <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce au L<strong>en</strong>chejusqu’au 5 mars, ouvre l’univers de sa dernièrecréation, Baraque de foire, au public. Jérémy Beschonmet <strong>en</strong> scène des événem<strong>en</strong>ts contemporains ethistoriques, faisant se télescoper les discours depersonnages communs ou illustres, prés<strong>en</strong>ts oudisparus dans les manèges de l’éducation, de laculture, au milieu de fantasmes républicains. À suivre.Baraque de foireDu 1 er au 5 marsLe L<strong>en</strong>che04 91 91 52 22www.theatredel<strong>en</strong>che.infoDélivranceToujours pertin<strong>en</strong>t, le texte d’H<strong>en</strong>rik Ibs<strong>en</strong>, Maison depoupée, est ici mis <strong>en</strong> scène par Michel Fau, acteurgénial et metteur <strong>en</strong> scène cruellem<strong>en</strong>t loufoque. Ilpr<strong>en</strong>d le parti de l’expressionnisme et de l’onirisme,qui n’est pas sans rappeler l’univers de Tim Burton,pour souligner le côté drôle, angoissant et oppressantde la pièce du dramaturge norvégi<strong>en</strong>. Audrey Tautouest Nora, femme-jouet de son mari qui pr<strong>en</strong>dra peuà peu consci<strong>en</strong>ce de son aliénation jusqu’à(re)dev<strong>en</strong>ir un être humain.Maison de poupéeLes 18 et 19 févThéâtre Toursky0 820 300 033www.toursky.orgPhoto de repetition de Romeo et Juliette m.e.s. F. Chatot © Mathieu Bonfils© Manifeste ri<strong>en</strong>ÉperduFrançoise Chatôt aime décidém<strong>en</strong>t les histoiresd’amour ! Tragiques, si possible… Après Ruy Blas etles Caprices de Marianne elle remonte à l’origine dumal, vers le mythe elizabethain lui-même, Roméo etJuliette. Le vrai, celui qu’Yves Bonnefoy a traduit avectoute sa charge poétique, ses images précieuses, laviol<strong>en</strong>ce incontrôlée de ses désirs, et sa jeunessefollem<strong>en</strong>t vivante qui se heurte à une société sourde<strong>en</strong>goncée dans ses vieilles querelles. Intemporel, onvous dit ! Avec toute l’équipe du Gyptis, qui soigneaussi ses fidélités.Roméo et JulietteDu 15 mars au 2 avrilThéâtre Gyptis04 91 11 00 91www.theatregyptis.comPercutantLa cie Cartoun Sardines transforme l’univers deBrecht <strong>en</strong> montant Un homme est un homme <strong>en</strong> unecruelle fantaisie anticonformiste. Dans un univers trèsproche de l’esthétique BD, la troupe pr<strong>en</strong>d le parti durire avec un humour décalé, affublant les personnagesde costumes loufoques -et notamm<strong>en</strong>t GalyGay, embarqué dans une vie qui n’est pas la si<strong>en</strong>ne,passant de pêcheur à soldat naïf et manipulé, lesfaisant évoluer sur des constructions hilarantes etimprobables…Un homme est un hommeDu 8 au 12 marsLa Minoterie04 91 90 07 94www.minoterie.orgle 31 marsSalle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre, Rousset04 42 29 82 53www.rousset-fr.comle 17 maiThéâtre la Colonne, Miramas04 90 58 37 86www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr


MDR au MerlanAprès son cycle thématique sur lamagie c’est aux ressorts comiques quela scène nationale s’attèle, pour fairepartager des découvertes qui emprunt<strong>en</strong>tpeu pourtant au grand g<strong>en</strong>rethéâtral de la Comédie… Le rire est unsujet de réflexion, et d’œuvres, depuisles Anci<strong>en</strong>s et Aristote . Mais sondécl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t, ses implications, saforce et son irrésistible attrait rest<strong>en</strong>ttoujours aussi mystérieux. Surprise,conniv<strong>en</strong>ce, incongruité, répétitions, lerire peut surgir de toutes parts. Et siMaguy Marin avec AhAh avait mis <strong>en</strong>évid<strong>en</strong>ce le caractère infâme decertaines moqueries communes, dontla télé d’aujourd’hui raffole, le Merlaninterrogera plutôt les vertuslibératoires, et critiques, de cesspasmes qui nous agit<strong>en</strong>t parfoispresque à notre insu.En comm<strong>en</strong>çant par un vagabondagede Ronan Tablantec, clown quotidi<strong>en</strong>qui va arp<strong>en</strong>ter la ville pour interroger lerire marseillais : de Dugommier à SaintH<strong>en</strong>ri <strong>en</strong> passant par le Ferry boat,pour des escales publiques dont ilrestituera la synthèse le 25 mars. Puisce sera le tour de Massimo Furlanqui, après avoir restitué <strong>en</strong> 2007 auVélodrome une partie de footmythique, offre ici une restitution,forcém<strong>en</strong>t hilarante, de l’Eurovision de1973. Si si, celui avec Patrick Juvet etAnne-Marie David (les 11 et 12 mars)…Puis un Cheval incongru d’AntoineDefoort et Juli<strong>en</strong> Fournet vi<strong>en</strong>dradétourner absurdem<strong>en</strong>t objets, gestes,mots et concepts, pour un spectaclepas si foutraque, et volontairem<strong>en</strong>t trèslow tech (du 16 au 19 mars). Et celacontinuera jusqu’à fin avril… A.F.Courage… rions6 spectacles du 10 mars au 30 avrilLe Merlan04 91 11 19 20www.merlan.org>1973, Avignon © Pierre NydeggerDéclinPremière des mises <strong>en</strong> scènes issuesdes ateliers de Création de l’Universitéavec les étudiants des cursus théâtreet musique, celui de Frédéric Poinceaus’appuie sur le scénario de RobertBresson (1977), Le Diable probablem<strong>en</strong>t,qui suit les derniers jours de lavie de Charles, étudiant désabusé etsceptique, à travers ses désespoirsamoureux et son indiffér<strong>en</strong>ce politique.Un travail d’adaptation théâtrale, maisaussi de montage vidéo à partir desfragm<strong>en</strong>ts docum<strong>en</strong>taires écologistesdu film et d’extraits d’archives.Le diable probablem<strong>en</strong>tDu 8 au 12 marsThéâtre Vitez, Aix04 42 59 94 37www.theatre-vitez.comIntimisteDans Voyage sur place, Alain Simonmet <strong>en</strong> scène Alain Reynaud, cofondateurde la cie Les Nouveaux Nez, auteuret comédi<strong>en</strong> de ce texte autobiographiquequi raconte son <strong>en</strong>fance dansle petit village Bourg-Saint-Andéol. Untexte basé sur plusieurs séances d’improvisation,qui n’est pas une compilationde souv<strong>en</strong>irs mais un récit à deux voixqui, interprété à deux, casse la dim<strong>en</strong>sionautobiographique. Une façond’accéder à l’universel au travers d’unrécit intime.Voyage sur placeDu 10 au 20 marsThéâtre des Ateliers, Aix04 42 38 10 45www.theatre-des-ateliersaix.com/blog


28 THÉÂTRE AU PROGRAMMEGrains de beautéCatherine Marnas met <strong>en</strong> scène les Lignes defailles de Nancy Huston… Le premier épisode, crééà Gap durant la saison dernière (voir Zib’29), était uneleçon de théâtre, un régal d’intellig<strong>en</strong>ce, des<strong>en</strong>sibilité, d’émotion. Le début d’un voyage àrebours qui cette fois ira au terme : jusqu’à l’originede la faille qui traverse quatre générations, et notrehistoire contemporaine. D’un magnifique romanmonde Catherine Marnas a su faire une sagathéâtrale élégante qui instaure un rapport au récittout à fait nouveau, et limpide. Une longueembarquée de plus de quatre heures, sans uneseconde d’<strong>en</strong>nui… grâce à des comédi<strong>en</strong>s au tal<strong>en</strong>texceptionnel, à un amour s<strong>en</strong>sible du texte, et uneconfiance volontaire dans les vertus de la fable.Lignes de failleLes 12 et 13 mars à 17hThéâtre de la Passerelle, GapLe 18 mars à 19hThéâtres <strong>en</strong> Dracénie, DraguignanLe 24 mars, 1 re partie à 20h30Le 25 mars 2 e partie à 20h30Le 26 mars l’intégrale à 19hThéâtre Les Salins, Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.frFrontièresLe spectacle était <strong>en</strong> «chantier d’écriture» lors desR<strong>en</strong>contres à l’échelle aux Bancs publics <strong>en</strong>novembre (voir zib 36), le voilà achevé. De mon hublotutérin, je te salue humanité et dis blablabla…convoque les tal<strong>en</strong>ts de Mustapha B<strong>en</strong>dofil au texte,de Julie Kretzschmar à la conception et la mise <strong>en</strong>scène, et Thierry Thieû Niang à la chorégraphie pourune partition partagée franco-algéri<strong>en</strong>ne qui croiseles trajectoires et les histoires <strong>en</strong>tre les deux pays.De mon hublot utérin…Le 8 marsThéâtre des Salins, Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.f© Pierre GrosboisRéalismeLe metteur <strong>en</strong> scène arg<strong>en</strong>tin Daniel Veronèseadapte Une Maison de poupée de Ibs<strong>en</strong>, situantl’action à notre époque pour <strong>en</strong> souligner l’actualitétoujours prégnante après des années de féminisme.Rebaptisée Le développem<strong>en</strong>t de la civilisation à v<strong>en</strong>ir,la pièce reste fidèle au texte d’Ibs<strong>en</strong>, faisant de Noraune jeune bourgeoise écervelée qui va peu à peupr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce de son aliénation et desm<strong>en</strong>songes qui gangrèn<strong>en</strong>t son couple. Une mise <strong>en</strong>scène rythmée qui met à nu la brutalité des relations,et notamm<strong>en</strong>t des rapports hommes-femmes.Toujours actuel.Le développem<strong>en</strong>t de la civilisation à v<strong>en</strong>irLe 16 marsThéâtre d’Arles04 90 52 51 51www.theatre-arles.comLes 18 et 19 marsChâteauvallon, Ollioules04 94 22 02 02www.chateauvallon.com> >© Sergio ChiossonePrimalAprès le ret<strong>en</strong>tissant et hilarant Cocorico qu’ilsavai<strong>en</strong>t lancé l’année dernière sur la scène nîmoise,Patrice Thibaud et Philippe Leygnac revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t,accompagnés cette fois de l’incroyable LorellaCravotta, avec Jungles. Le trio se fera fort de faireaccepter à chacun ses reflexes de déf<strong>en</strong>se et desurvie dans une jungle urbaine, animale ous<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>tale. Une partition ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t muette,qui pr<strong>en</strong>dra appui sur la musique de Philippe Leygnacpour l’occasion composée à partir d’instrum<strong>en</strong>tsprimitifs à cordes et à v<strong>en</strong>t…JunglesLes 24 et 25 févThéâtre de Nîmes04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.com© Celine AubertinRévolutionnaire© Marine FromangerLe happ<strong>en</strong>ing fichtrem<strong>en</strong>t tal<strong>en</strong>tueux et élaboré dela bande de jeunes comédi<strong>en</strong>s masculins emm<strong>en</strong>éspar Sylvain Creuzevault fait escale à Sète.Débordant d’inv<strong>en</strong>tivité, avec une façon très nouvelled’aborder la scène et l’histoire… et quelquesimperfections inhér<strong>en</strong>tes à cette superbe jeunessepétaradante (voir Zib 36). Mais le Comité de SalutPublic est toujours vivant !Notre terreurDu 21 au 25/2Scène Nationale de Sète04 67 74 66 97www.theatredesete.comHallucinantEntre théâtre et image-cinéma, Joris Mathieu et laCie Haut et court explor<strong>en</strong>t des espaces scéniqueshigh-tech où la vidéo prédomine, créant desambiances troublantes quasi irréelles pour faire<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le texte d’Antoine Volodine, Des angesmineurs. Récit étrange et sublime de quelquesc<strong>en</strong>t<strong>en</strong>aires nostalgiques du paradis égalitaristeperdu, <strong>en</strong>fermées dans un hôpital expérim<strong>en</strong>tal… quidécid<strong>en</strong>t de donner vie à une poupée de chiffon !Une expéri<strong>en</strong>ce esthétique à la frontière du réel.Des anges mineursLes 22 et 23 févThéâtre de Sète04 67 74 66 97www.sc<strong>en</strong><strong>en</strong>ationale-sete-bassindethau.comDéterréUn des chefs-d’œuvre du théâtre désespéré deSamuel Beckett est aussi un hymne à la vie. Oh lesbeaux jours est une œuvre infinim<strong>en</strong>t tonique etpuissante, à la fois drôle et bouleversante que lacompagnie du Théâtre de l’Eveil prés<strong>en</strong>te pour uneunique représ<strong>en</strong>tation au théâtre de la Colonne.Michel Abécassis dirige Stéphanie Lanier(Winnie) et Pierre Ollier (Willie) : sous l’appar<strong>en</strong>tefrivolité d’un discours se cache la chatoyantepolitesse du désespoir.Oh les beaux joursLe 15 marsThéâtre de la Colonne, Miramas04 90 58 37 86www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr


Pavé historiqueNicolas Bonneau continue d’interroger la mémoiresociale et politique de notre époque et se fait conteurd’un certain mois de mai 68, à travers la parole deceux qui ont vécu ces années. Nourri de la petite etde la grande histoire, il raconte et questionne. Figuresconnues et anonymes se mélang<strong>en</strong>t pour restituercouleurs et émotions d’une époque qui se répercutesûrem<strong>en</strong>t, et se reflète sans doute, sur nos vies.Inv<strong>en</strong>taire 68, un pavé dans l’histoireLe 11 marsEspace Robert Hossein, Grans04 90 55 71 53www.sc<strong>en</strong>esetcines.frUsineLa classe ouvrière existe <strong>en</strong>core aujourd’hui <strong>en</strong>France, on a t<strong>en</strong>dance à l’oublier d’après NicolasBonneau. Le conteur sort des clichés des années 50pour réhabiliter la culture ouvrière, les familles, lesmétiers, les savoir-faire, les rêves… Réalisé grâce aucollectage de paroles d’ouvriers dans les usines duPoitou Char<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> 2007, il mène une véritable<strong>en</strong>quête sociale sur le monde du travail.Sortie d’usine - Récits du monde ouvrierLe 12 marsC<strong>en</strong>tre Culturel Marcel Pagnol, Fos-sur-Mer04 42 11 01 99www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr>NocesC’est LA jeune compagnie parisi<strong>en</strong>ne qui a le v<strong>en</strong>t <strong>en</strong>poupe : après Notre Terreur la cie d’Ores et Déjàvi<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>ter une autre création collective… Audépart, le mariage de Lise et Léo. Puis le bonheur quis’invite à la table, familles et amis rassemblés, les voixqui s’<strong>en</strong>tremêl<strong>en</strong>t comme des bouffées de paradis.Mais le sil<strong>en</strong>ce, caché derrière cette allégresse, lesnon-dits sur le point d’être dits, vont faire basculer lerepas au milieu de chants sidérants de beauté. Écrità partir d’improvisations, le spectacle mis <strong>en</strong> scènepar Sylvain Creuzevault, se mainti<strong>en</strong>t ouvert auxaléas de la représ<strong>en</strong>tation.Le père TralalèreLes 11 et 12 marsScène Nationale, Cavaillon04 90 78 64 64www.theatredecavaillon.com© V. JousseaumePolitici<strong>en</strong>La pièce de Jean-Claude Brisville évoque le souper<strong>en</strong>tre deux hauts dignitaires, Joseph Fouché (MarcOlinger) et Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord(Philippe Noes<strong>en</strong>) <strong>en</strong> juillet 1815. Un souper où l’ons’interroge sur la nature du gouvernem<strong>en</strong>t à donnerà la France, <strong>en</strong> pleine débâcle, et où se révèlera,souv<strong>en</strong>t à demi-mot, celle des protagonistes. Lethéâtre des Capucins du Luxembourg opère avecce souper un rapprochem<strong>en</strong>t avec l’actualitépolitique éclairant.Le SouperDu 10 au 12 marsThéatre du Chêne Noir, Avignon04 90 82 40 57www.ch<strong>en</strong><strong>en</strong>oir.frRéinsertionUn trio d’acteurs poignants, mis <strong>en</strong> scène par ClaudeViala, pour interpréter quelques tranches de la vied’un jeune homme sans emploi (d’après les 7 jours deSimon Labrosse de Carole Frechette). Sout<strong>en</strong>u parses amis, Léo le poète négatif et Nathalie obsédéepar son développem<strong>en</strong>t personnel, Simon raconteses idées pour se «réinsérer dans la vie active». Unet<strong>en</strong>tative, <strong>en</strong>tre le comique de son exist<strong>en</strong>ce et letragique de son imm<strong>en</strong>se solitude, pour trouver saplace dans la société.Les 7 jours de Simon LabrosseDu 17 au 19 marsThéâtre des Halles, Avignon04 90 85 52 57www.theatredeshalles.comFinalInspiré de l’œuvre de Cesare Pavese, Hey Mambo !raconte la nuit dés<strong>en</strong>chantée d’un homme qui décided’abandonner le Métier de vivre. Une fantaisie <strong>en</strong>forme de joyeuse veillée funèbre, une rondegrotesque, émouvante et drôle, autour d’un hommeempêché de dire, <strong>en</strong> toute sérénité, adieu à la vie.Par la compagnie Dynamo théâtre, pour la deuxièmeannée consécutive <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce au Sémaphore.Hey Mambo !Le 11 marsThéâtre le Sémaphore, Port-de-Bouc04 42 06 39 09www.theatre-semaphore-portdebouc.com© Christophe Olinger© Pascal FrançoisRomantiqueTHÉÂTRE29Dans une scénographie inouïe un comédi<strong>en</strong> danseurs’ébroue, magnifique fils des ombres, des couleurset des formes qui <strong>en</strong>vahiss<strong>en</strong>t littéralem<strong>en</strong>t la scène.Il est question ici de la t<strong>en</strong>tation romantique de l’exilsolitaire, de l’appel du désert, du recourscontemporain aux forêts symboliques. Mais lapartition de Therminarias se débat avec la diatribe,trop verbeuse pour le théâtre de Michel Onfray. On<strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t parfois à souhaiter le recours au sil<strong>en</strong>ce…Le recours aux forêtsLe 26 févLe Carré Gaumont, Ste-Maxime04 94 56 77 77www.carreleongaumont.comDeux <strong>en</strong> unLe dédoublem<strong>en</strong>t du Docteur Jekyll est un mythepassionnant, D<strong>en</strong>is Podalydès un acteurépoustouflant qui produit ici une performancephysique inatt<strong>en</strong>due… Reste que, même si le textede Christine Montalbetti est intéressant, l’adaptationscénique <strong>en</strong> solo manque d’épaisseur, et depersonnages secondaires…Le cas JekyllLes 7 et 8 marsThéâtre <strong>en</strong> Dracénie, Draguignan04 94 50 59 59www.theatres<strong>en</strong>drac<strong>en</strong>ie.comVivifiantMarivaux téléporté au cœur des années 50 ? Jean-Luc Revol et sa troupe réussiss<strong>en</strong>t ce pari audacieuxcar les histoires d’amour sont éternelles… La piècesurfe sur des airs <strong>en</strong>diablés de mambo, se pare decostumes aux couleurs de bonbons acidulés, lerythme ne faiblit pas, bref, cela ressemble à unroman-photo s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>tal mais c’est toujours duMarivaux.Le préjugé vaincuLe 18 févThéâtre Durance, Château-Arnoux04 92 64 27 34www.theatredurance.comLe 19 févLe Carré, Sainte-Maxime04 94 56 77 77www.carreleongaumont.com>


30 DANSE AUBAGNE | PAVILLON NOIR | MERLAN | AVIGNONLignes de vieElle court, elle court La Vouivre avec son diptyqueOups + Opus, déjà sa 100 e représ<strong>en</strong>tation au ThéâtreComoedia à Aubagne ! Deux parties comme les deuxfaces d’une histoire amoureuse : la naissance d’uncouple, ses émois s<strong>en</strong>suels, <strong>en</strong>tre désirs et maladresses,dans un duo sur canapé qui convoque lecomique né de l’incongruité (Oups) ; les vicissitudesd’une fin annoncée à travers des tableautins drôles,poétiques, souv<strong>en</strong>t saugr<strong>en</strong>us (Opus). Oups est unepetite forme théâtralisée qui met <strong>en</strong> jeu les corps,dans des déplacem<strong>en</strong>ts millimétrés, l’expression desregards, des visages, des mains, et s’attache au plusinfime détail. Dans l’intuition du geste juste. Opus estune pièce visuelle et sonore qui joue sur l’écho -décalé ou synchronisé- avec les virgules musicalesou les onomatopées acoustiques : mouvem<strong>en</strong>tsaccélérés qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> résistance, s’interromp<strong>en</strong>tbrutalem<strong>en</strong>t, se fig<strong>en</strong>t et recomm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre deuxlongs sil<strong>en</strong>ces des corps. Et toujours ce même amusem<strong>en</strong>tdistancié de Bérangère Fournier et SamuelFaccioli qui incarn<strong>en</strong>t, le temps d’une respirationcommune, la vie comme elle va. On a hâte de découvrirPardi, leur future création 2011.Coïncid<strong>en</strong>ce de la programmation de ce Temps 1 deDanse à Aubagne, Oups était dévoilée à l’Été desHivernales d’Avignon <strong>en</strong> 2009, Fleurs de cimetières(et autres sornettes) l’était la même année dans lecadre du Off. Orchestrée par Myriam Hervé-Gil,cette œuvre écrite par Dominique Wittorisky (motschahutés, images incisives, parole crue) est interprétéepar six danseuses âgées de 50 à 60 ans etune comédi<strong>en</strong>ne. Pièce chorale sur les traces du tempsqui passe et l’étincelle du désir qui brille <strong>en</strong>core, quitire sa force des singularités corporelles et de l’osmoseréussie dans ses aspérités. L’une parle, les autresdans<strong>en</strong>t. Des esquisses, harmonieuses ou dissonantes,sur des chansons de Reggiani ou des ritournelleslégères. Seul bémol, Fleurs de cimetières (et autressornettes) est exclusivem<strong>en</strong>t féminine, comme si lescoups bas de la vieillesse n’étai<strong>en</strong>t portés qu’auxfemmes…MARIE GODFRIN-GUIDICELLIOups + opus et Fleurs de cimetières(et autres sornettes) ont été joués respectivem<strong>en</strong>tles 19 et 22 janvier dans le cadre deDanse temps 1 au Théâtre Comoedia, AubagneVague à l’âme et lame de fondLia Rodrigues, chorégraphe brésili<strong>en</strong>ne, fait foi deprofession. Elle crie et décrit la favela «de Maré» aucœur battant de Rio de Janeiro, son no man’s danse de140 000 âmes. Maelström des turbul<strong>en</strong>ces économiques,sociales et humaines. Bouillonnem<strong>en</strong>t et remousdes corps rompus et corrompus. Une composition<strong>en</strong>tre stochastique et chaos qui recompose un nouvelordre économique émergeant où les pailles du fétuhumain, sur fond et flot de mondialisation, se boulevers<strong>en</strong>t,parfois bouleversantes. L’ordre désordonneles corps aux gestes d’amour viol<strong>en</strong>t et de viol<strong>en</strong>cesPororoca © Sammi Landweeramoureuses. La puissance de l’Amazone océane pourune chorégraphe amazone : le mot Pororoca désigne«un phénomène naturel produit par la confrontationdes eaux du fleuve avec celles de l’océan et qui auBrésil se manifeste à l’embouchure du fleuve Amazone.La force de ce choc bruyant peut r<strong>en</strong>verser desarbres et modifier le lit des rivières et pourtant c’estun processus fragile, résultant d’un équilibre délicat.»Un spectacle viol<strong>en</strong>t, vrai et bouillant, servi par desdanseurs athlètes, poètes de cœur et du corps à corps.Une recherche scripturale qui télescope vraim<strong>en</strong>t lesordres établis, où le support musical est lui-mêmedansé voire soufflé. La Pororoca est une métaphoredu travail de la compagnie dans la favela. Comm<strong>en</strong>tne pas contempler le flux et le reflux d’une vagueocéane… un peu lassante sur la fin ?YVES BERCHADSKYPororoca a été dansé au Merlan,les 12 et 13 février.Il sera repris à Avignondans le cadre des Hivernales04 90 25 61 84www.hivernales-avignon.comOups-Opus © Marine DrouardÉpigonesChaque année quelques danseurs du Ballet Preljocajtravaill<strong>en</strong>t à des compositions personnelles, qu’ilsoffr<strong>en</strong>t au public avec les moy<strong>en</strong>s techniques duPavillon Noir. Une aubaine, dont ils sav<strong>en</strong>t se saisir :on y constate toujours le tal<strong>en</strong>t exceptionnel desinterprètes, et la griffe Preljocaj (gestes brusquesobliques, membres qu’on ramène à soi de la main,saccades et raideurs opposés à de l<strong>en</strong>ts étirem<strong>en</strong>tsextrêmes). Trois des quatre Afflu<strong>en</strong>ts, avec plus oumoins de bonheur, emprunt<strong>en</strong>t à ce vocabulaire pourdécrire une expérim<strong>en</strong>tation aliénante (ÉmilieLalande), les étapes d’un deuil (Lor<strong>en</strong>a O’Neill), unduo d’avatars technologiques fort s<strong>en</strong>suels (Sébasti<strong>en</strong>Durand). Trois pièces intéressantes, construites<strong>en</strong> séqu<strong>en</strong>ces progressives, «utilisant» bi<strong>en</strong> la lumièreet l’espace et mal, trop fort, bout à bout et sans rapports<strong>en</strong>suel avec elle, la musique ; mais avec parfoisde très belles idées chorégraphiques, <strong>en</strong> particulier lel<strong>en</strong>t passage au sol du duo Eve et Adam. La surpriseréelle v<strong>en</strong>ait cep<strong>en</strong>dant de la dernière pièce, théâtrale,déjantée : Baptiste Coissieu, le b<strong>en</strong>jamin de latroupe (23 ans), parodie le jeu des chanteuses de Belcanto, radio crochette le public, joue d’un universtrans rouge et noir tapageur, et hilarant. Un gros grainde folie bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue !A.F.Les pièces des Afflu<strong>en</strong>ts ont été crééesles 4 et 5 février au Pavillon Noir, AixLes Afflu<strong>en</strong>ts © Agnès Mellon


NÎMES | ISTRES | DRAGUIGNAN | GTP | GRASSE DANSE 31EnchantéeLes g<strong>en</strong>s d’ici connaiss<strong>en</strong>t la simplicitéet la pertin<strong>en</strong>ce de Michel Kélém<strong>en</strong>islorsqu’il parle de danse au public, sacapacité à accueillir des démarcheschorégraphiques singulières, et sontravail avec sa compagnie. Mais peusav<strong>en</strong>t qu’il travaille ailleurs, souv<strong>en</strong>t,avec de grands ballets internationaux.Le Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce accueillaitC<strong>en</strong>drillon, qu’il a créée <strong>en</strong>2009 pour le Ballet du Grand Théâtrede G<strong>en</strong>ève. La pièce confirme sontal<strong>en</strong>t de chorégraphe au s<strong>en</strong>s classiquedu terme : ils ne sont pas sinombreux ceux qui sav<strong>en</strong>t aujourd’huiécrire des ballets ! C<strong>en</strong>drillon <strong>en</strong> est un,narratif, avec des mouvem<strong>en</strong>ts d’<strong>en</strong>semble,des pas de deux (pas trop), unvrai décor suggestif qui joue de semitranspar<strong>en</strong>ces,quelques morceaux debravoure (pas trop) pour danseursexceptionnels, et un à-propos musicaltout à fait rare. Avec surtout quelquestrès belles idées chorégraphiques, commele long porté de la belle <strong>en</strong>dormiepar un groupe d’anges mutins, les minauderiesironiques des filles, un joliduo amoureux fait de pudeurs et degestes inachevés… Les grands mom<strong>en</strong>tsatt<strong>en</strong>dus, suggérés par les élans deProkofiev, rest<strong>en</strong>t dans l’esquisse. Unpeu trop peut-être, mais délicieusem<strong>en</strong>t: quand il dispose de 8 semainesde répétitions, de grands danseurs etde moy<strong>en</strong>s, Kélém<strong>en</strong>is peut emm<strong>en</strong>ertout le public au pays des merveilles !AGNÈS FRESCHELC<strong>en</strong>drillon a été danséles 12 et 13 février au GTP© Agnès MellonLet’s dance !Énergie pureC’est une boule d’énergie qui installe doucem<strong>en</strong>t sadanse. Devant Saúl Quirós et David de Jacoba quiimprim<strong>en</strong>t à son corps leurs acc<strong>en</strong>ts plaintifs, BelénLópez pose ses bases, dicte son rythme aux guitaresde Carlos de Jacoba et Carlos Jim<strong>en</strong>ez, suit le violongitan de Fernando Garcia… Mom<strong>en</strong>t de grâce, lorsdu second baile, lorsque que Belén López dansa avecBel<strong>en</strong> Lopez © X-D.R.les percussions de Rafael Jiménez dans un corps àcorps hypnotique. La jeune danseuse montra là toutesa puissance, sa précision et tout son savoir-faire auniveau du zapateado, gracieuse et tonique,rayonnante. Une «performance» qu’elle réitérad’ailleurs souv<strong>en</strong>t, lassant quelque peu le public aufinal. D’autant qu’<strong>en</strong>tretemps, loin des rythmesflam<strong>en</strong>cos, le public eut droit à un bolero des plusmielleux, étrange par<strong>en</strong>thèse sucrée qui cassa lerythme plutôt sout<strong>en</strong>u de ce spectacle finalem<strong>en</strong>tinégal.DO.M.Belén López s’est produite le 18 janvierlors du Festival flam<strong>en</strong>co au Théâtre de NîmesJazz, charleston, classique… De l’univers foisonnantde Gershwin, José Montalvo et DominiqueHervieu reti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l’ess<strong>en</strong>tiel dans leur dernièrecréation, adressée au jeune public à partir de 6 ans,Lalala Gershwin. L’ess<strong>en</strong>tiel <strong>en</strong> forme d’hommage aucompositeur américain, par le biais notamm<strong>en</strong>t dequelques unes de ses œuvres emblématiques, Porgyand Bess notamm<strong>en</strong>t, dont les deux chorégraphesrepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le thème principal de la ségrégationraciale, belle façon d’imager et danser les mom<strong>en</strong>tsforts de l’émancipation des noirs. De fait, sur scènela danse côtoie des images d’archives, le touts’articulant de façon très fluide, sans didactisme,avec une énergie époustouflante de la part desmagnifiques danseurs. Dans un bel élan, le hip hop semâtine de claquettes, la danse classique et africainese complèt<strong>en</strong>t avec grâce, tous les rythmesdialogu<strong>en</strong>t et façonn<strong>en</strong>t les r<strong>en</strong>contres les plusimprobables. Dans ce spectacle «melting pot» lemétissage a la part belle, tout et tous s’<strong>en</strong>tremêl<strong>en</strong>tdans un beau final collectif où chaque registre trouvesa place.DO.M.Lalala Gershwin a été dansé au théâtre de Nîmesle 9 février, les 14 et 15 février au théâtre de l’Olivier,Istres, et sera dansé à Draguignanles 31 mars et 1 er avril, et au théâtre de Grassedu 4 au 6 avrilThéâtres <strong>en</strong> Dracénie, Draguignan04 94 50 59 59www.theatres<strong>en</strong>drac<strong>en</strong>ie.comThéâtre de Grasse04 93 40 53 00www.theatredegrasse.com


32 DANSE AVIGNON | DRAGUIGNANUn conc<strong>en</strong>tré d’AmériquesAprès l’Afrique <strong>en</strong> 2010, le Festival desHivernales visite du 24 février au 5 marsle contin<strong>en</strong>t américain, du Nord au Sud.Une 33 e édition (la seconde pour lesuccesseur d’Amélie Grand EmmanuelSerafini, voir Zib 27) qui offre un panoramaléché, <strong>en</strong>tre figures historiques etdécouvertes, de la danse d’aujourd’hui.22 compagnies occuperont p<strong>en</strong>dant10 jours les scènes avignonnaises etal<strong>en</strong>tours. Figure majeure de la postmoderndance, Trisha Browndébarqueà l’Opéra avec 3 pièces (sinon ri<strong>en</strong> ?),dont l’un de ses chefs-d’œuvre, Setand Resetet sa dernière création l’Amourau théâtre. Mathilde Monnier prés<strong>en</strong>teraun hommage à Merce Cunninghamavec Un américain à Paris. À Cavaillon,c’est l’occasion de découvrir la chorégrapheBrésili<strong>en</strong>ne Lia Rodrigues,avec un spectacle att<strong>en</strong>du, Pororoca(voir p30), <strong>en</strong> co-réalisation avec laScène nationale.Brésil toujours avec Claudio Bernardo,qui fêtera les 15 ans de sa compagnieet prés<strong>en</strong>tera Usdum sur la scènebelge du théâtre des Doms. Et puis,Josette Baïz pour un petit tour à laGare C<strong>en</strong>trale (voir Zib 37) et dans unhommage à Trisha Brown avec 23jeunes danseurs du Groupe Gr<strong>en</strong>ade(le 24 <strong>en</strong> <strong>en</strong>trée libre sur réservation).À cette occasion, les élèves du conservatoired’Avignon auront l’occasion dedémonter leur savoir faire néoclassique<strong>en</strong> dansant le répertoire du plus russedes américains, Balanchine. Le jeunechorégraphe qui monte, Jonah Bokaer,créera pour le Festival Filter, une variationsur les Demoiselles d’Avignon etjouera le solo Three cases of Amnesia,confrontant son corps aux nouvellesavancées technologiques. Il faudraégalem<strong>en</strong>t compter sur le r<strong>en</strong>ouveaude la danse contemporaine cubaine,avec Susana Pous qui clôturera leMiniatures, Jose Navas © Mickael SlobodianFestival et, dans le cadre de l’année duMexique, sur Johanne Saunier dansLine of Oblivion.Abandonnant le nouveau monde, lesHivernales se tourneront vers des rivesplus proches, prés<strong>en</strong>tant deux piècesde chorégraphes tunisi<strong>en</strong>s : Ce qu<strong>en</strong>ous sommes de Radhouane El Meddebet le solo à deux, Kawa d’AïchaM’Barek et Hafiz Dhaou. Autres solià ret<strong>en</strong>ir : Cédric Andrieux par JérômeBel, le mexicain Jorge Arturo Vargasdans Amarillo, le canadi<strong>en</strong> José Navasavec Miniatures, le cubain Abel Ber<strong>en</strong>guerqui partagera la représ<strong>en</strong>tationavec Yourik Golovine et Jean-Sébasti<strong>en</strong>Lourdais.La pratique amateur reste ancrée aucœur du C<strong>en</strong>tre de Développem<strong>en</strong>tChorégraphique. Avec 16 stages dontune master-class exceptionnelle dePeter Goss, du hip hop avec VaniltonLakka, du yoga avec Régine Chopinot,du théâtre avec Jean-FrançoisMatignon, du tango arg<strong>en</strong>tin, du butô…Les HiverÔclites repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>tdu service avec 3 jours de scènes ouvertesaux jeunes tal<strong>en</strong>ts, du 3 au 5mars. Avec pour comm<strong>en</strong>cer, toujoursdans l’idée de transmission, un colloquesur l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dans les conservatoiresorganisé à l’Amphithéâtre Mozart.La destination 2012 ? L’Asie. Mais avant,pr<strong>en</strong>ons le temps d’<strong>en</strong>trer dans ladanse des Amériques.DELPHINE MICHELANGELILes HivernalesDu 24 février au 5 marsAvignon, Cavaillon04 90 25 61 84www.hivernales-avignon.comLa danse se lèveà DraguignanLe chaud et le froid souffl<strong>en</strong>t sur Les V<strong>en</strong>ts du Levant, à Draguignan. Enouverture, place à l’un des temps forts de l’année France-Russie 2010, Suivrontmille ans de calme, fruit prestigieux de la r<strong>en</strong>contre du Ballet Preljocaj avec leThéâtre du Bolchoï (11 mars). Puis le v<strong>en</strong>t du désert balaye sur son passagetoute la programmation ! La compagnie chorégraphique marocaine Anania offredans Madame Plaza (15 mars) un pur mom<strong>en</strong>t de langueur s<strong>en</strong>suelle et de libertéincarné par les Aïtas, chanteuses de cabaret indomptables et fières. Plus au sud,Franck Micheletti et le Collectif Kubilaï Khan Investigations ont jeté l’ancre àAccra, capitale du Ghana, pour créer avec des danseurs africains leur nouvellepartition chorégraphique, musicale et vidéo, Archipelago, dont le festival nousréserve la surprise (25 mars). Plus au sud <strong>en</strong>core, direction Johannesbourg <strong>en</strong>compagnie de Robyn Orlin dont la pièce subversive Daddy (29 mars) lui a valuune pluie de récomp<strong>en</strong>ses, mais aussi le surnom d’<strong>en</strong>fant terrible de la dansesud-africaine. Car Daddy tourne <strong>en</strong> dérision le ballet classique, figure de l’«importationcoloniale sout<strong>en</strong>ue durant l’Apartheid par le gouvernem<strong>en</strong>t blanc nationaliste».Un v<strong>en</strong>t de rébellion qui emportera peut-être dans son tourbillon les danseurs duBallet de Lorraine partis à la r<strong>en</strong>contre de chorégraphes africains <strong>en</strong> prise avec lesDésirs : Boyzie Cekwana d’Afrique du Sud, les Tunisi<strong>en</strong>s Aicha M’Barek etHafiz Dhaou et les Burkinabés Seydou Boro et Salia Sanou (5 avril).MARIE GODFRIN-GUIDICELLIDaddy © John HoggLes V<strong>en</strong>ts du levant, 5 e éditionDu 11 mars au 5 avrilThéâtres <strong>en</strong> Dracénie, Draguignan04 94 50 59 59www.theatres<strong>en</strong>drac<strong>en</strong>ie.com


EmancipationLa chorégraphe montpelliéraine Anne Lopez et sacompagnie Les g<strong>en</strong>s du quai, offr<strong>en</strong>t une réponseà Duel, pièce chorégraphique pour cinq hommescréée l’année dernière. Feu à volonté repr<strong>en</strong>d la notion(masculine) de duel et place l’honneur (féminin)au c<strong>en</strong>tre d’une arène à l’intérieure de laquelle lescinq danseuses, comédi<strong>en</strong>nes et performeuses vontévoluer, répondant de leur singularité et de leur différ<strong>en</strong>ce.Où comm<strong>en</strong>t redonner leur place aux femmesdans la société.Feu à volontéLes 17 et 18 févThéâtre de Nîmes04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.comMultiformesPour sa dernière création, Garry Stewart, l’époustouflantchorégraphe de l’Australian Dance Theatre,a notamm<strong>en</strong>t travaillé avec l’ag<strong>en</strong>ce d’architectesnew-yorkais Diller, Scofidio + R<strong>en</strong>fro pour créer unescénographie mêlant danse, multimédia, écriture etdesign. Be Your Self s’appar<strong>en</strong>te à une expéri<strong>en</strong>ces<strong>en</strong>sorielle qui s’interroge sur le «moi» et le «je», creusantles méandres de l’id<strong>en</strong>tité.Be Your SelfLes 15 et 16 marsThéâtre des Salins, Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.frMétisséC’est une r<strong>en</strong>contre avec l’Afrique, un r<strong>en</strong>dez-vousque le chorégraphe français Hervé Koubi a eu avecdes danseurs ivoiri<strong>en</strong>s, et inversem<strong>en</strong>t, et qui a nourricette chorégraphie particulière. Un «essai chorégraphique»pour 7 danseurs ivoiri<strong>en</strong>s, basé sur uneécriture contemporaine faite de mouvem<strong>en</strong>ts traditionnelsivoiri<strong>en</strong>s décomposés, une forme nouvelleportée par de la musique baroque <strong>en</strong> écho aux pastraditionnels. En 1 re partie seront proposés des travauxd’amateurs composés lors des deux résid<strong>en</strong>cesde la cie à Istres.Un r<strong>en</strong>dez-vous <strong>en</strong> AfriqueLe 12 marsThéâtre de l’Olivier, Istres04 42 56 48 48www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr© Flor<strong>en</strong>t HamonMazoutéLe solo accompagné de Joseph Nadj ouvre unebéance dans le réel et l’humanité. L’homme offre soncorps à l’emprise de cet oiseau de mort et decauchemar, à sa noirceur, à ses lignes, dans uneémouvante performance, au s<strong>en</strong>s plastique du terme.C’est brut et étouffant comme un diamant noir.Akosh S, au saxo et à divers instrum<strong>en</strong>ts, est bi<strong>en</strong>plus qu’un accompagnateur : un créateur d’esprit etun cri déchirant.Les CorbeauxLe 17 fevThéâtres <strong>en</strong> Dracénie, Draguignan04 94 50 59 59www.theatres<strong>en</strong>drac<strong>en</strong>ie.comS<strong>en</strong>suellesDans une atmosphère moite comme les hammams,les corps se meuv<strong>en</strong>t à la vitesse d’une infusion dem<strong>en</strong>the, poses alanguies, têtes r<strong>en</strong>versées, pieds <strong>en</strong>l’air, ondulations imperceptibles. Soudain les femmeslâch<strong>en</strong>t leur énergie cont<strong>en</strong>ue, les chants s’élèv<strong>en</strong>t,rauques, les rires se déploi<strong>en</strong>t… Madame Plaza estune pièce de corps et de voix, d’effleurem<strong>en</strong>ts et dechuchotem<strong>en</strong>ts, créée par Bouchra Ouizgu<strong>en</strong> <strong>en</strong>hommage aux Aïtas, figures de la culturetraditionnelle marocaine. Libres et trucul<strong>en</strong>tes.Madame PlazaLes 8 et 9 marsPavillon Noir, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce0811 020 111www.preljocaj.orgLes 11 et 12 marsThéâtre de Grasse04 93 40 53 00www.theatredegrasse.com>© Hibou photographyMythiqueLa guitare d’Alfredo Lagos, la voix de David Lagoset les pieds d’Israel Galván font resurgir l’âge d’or(La Edad de Oro) du chant et de la danse flam<strong>en</strong>ca,cette époque dorée de la fin du XIX e siècle jusqu’auxannées 30 qui brille <strong>en</strong>core aujourd’hui. Dans cettepetite forme comme dans toutes ses chorégraphies,Israel «galvan-ise» le public qui voit <strong>en</strong> lui le maître duflam<strong>en</strong>co contemporain, singulier dans son style,rageur dans son zapateado (claquem<strong>en</strong>t des piedspointe-talon).La Edad de OroLes 11 et 12 marsCNCDC Châteauvallon, Ollioules04 94 22 02 02www.chateauvallon.comAU PROGRAMME DANSE 33© Aglae Bory © Agathe Poup<strong>en</strong>eyVitalNacera Belaza est l’une des voix les plus singulièresde la jeune génération de chorégraphes (Prix de larévélation chorégraphique 2008) qui pousse la dansevers l’art contemporain. Avec des pièces «abstraites»,une gestuelle minimaliste, une puissance magnifique,une exig<strong>en</strong>ce sans failles car «tout ce qui est mis surle plateau porte sa parole». Le Cri ne déroge pas àcette posture de résistance.Le CriLes 11 et 12 marsPavillon Noir, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce0811 020 111www.preljocaj.orgFrontièreEn collaboration avec les Hivernales, la Chartreusede Vill<strong>en</strong>euve reçoit le spectacle Line Of Oblivion, titrequi évoque la frontière <strong>en</strong>tre Mexique et États-Unis.Une création qui s’appuie sur un récit tiré du romanLa Frontière de verre de Carlos Fu<strong>en</strong>tes. L’occasionde découvrir avec la danseuse Johanne Saunier, cequ’il se passe du côté de la danse sud-américaine,p<strong>en</strong>dant le Festival des Hivernales.Line of OblivionLe 1 er marsChartreuse de Vill<strong>en</strong>euve-les-Avignon04 90 25 61 84www.hivernales-avignon.comFlam<strong>en</strong>coÉcrit pour la danseuse Stéphanie Fuster par Auréli<strong>en</strong>Bory, Questcequetudevi<strong>en</strong>s ? est une errance àtrois temps : d’un flam<strong>en</strong>co rêvé à un travail forc<strong>en</strong>ép<strong>en</strong>dant 8 ans à Séville, puis la danseuse progressevers un auth<strong>en</strong>tique don de soi dans une ultime désolation.Auréli<strong>en</strong> Bory sculpte dans l’espace ce queStéphanie Fuster rapporte de sa propre histoire : unrêve, du labeur, du tal<strong>en</strong>t et des doutes. José Sanchezet Alberto Garcia l’accompagn<strong>en</strong>t à la guitareet au chant.Questcequetudevi<strong>en</strong>s ?Le 17 févrierScène Nationale, Cavaillon04 90 78 64 64www.theatredecavaillon.com>


34MUSIQUEHeureusem<strong>en</strong>t qu’il existe <strong>en</strong>core desvoix rares capable de chanter, dans sapuissance, sa couleur et son expressionpropres, le rôle mythique dePaillasse/Canio (apanage autrefois deTony Poncet ou Mario del Monaco) !Vladimir Galouzine a livré à Marseilleune interprétation d’anthologie. Onn’est pas prêt de retrouver de sitôt unetelle vigueur, voix homogène et cuivréesur tout le registre, du grave barytonantà l’aigu éclatant… et couronnantle tout, pareille force expressive dansl’incarnation du clown désespéré. Soncélèbre air clôturant le premiertableau a bouleversé l’auditoire !Mais le Russe ne fut pas le seul àrécolter les lauriers d’un triomphecollectif. Béatrice Uria Monzon ar<strong>en</strong>du à la brune Santuzza, parOPÉRASemaine royale à l’opéra !Quel temps fort a connu l’Opéra de Marseille à l’orée de février ! En marge des représ<strong>en</strong>tations de CavalleriaRusticana et Pagliacci, le ténor Juan Diego Flórez a fait chavirer le théâtre lors d’un récital mémorable,quand, au Grand-Foyer plein comme un œuf, l’Ensemble Pythéas a exhumé des partitions lumineuses d’H<strong>en</strong>ri TomasiC’est avant tout la grande qualité musicale qu’on loue, à propos des représ<strong>en</strong>tationsdu diptyque vériste de Mascagni et Leoncavallo (du 28 janv. au 6 fév).L’Orchestre de l’Opéra, sous la direction de son tout nouveau «1 er Chef invité»Fabrizio Maria Carminati (voir p.5), a fait preuve de grandes vertus dans cerépertoire au lyrisme exacerbé : comm<strong>en</strong>t résister à l’émotion quand, admirablem<strong>en</strong>tdistillé au cœur du drame, a résonné le fameux Intermezzo instrum<strong>en</strong>talGalouzine phénoménal !Juan Diego fait le showC’est à Marseille, théâtre certesprovincial, mais tout à fait conséqu<strong>en</strong>tpar sa jauge (pas loin de 2000 places)et son histoire (l’une des plus anci<strong>en</strong>sde France), qu’on annonçait la v<strong>en</strong>ued’une des stars des plateaux lyriquesactuels : le ténor Juan Diego Flórez.Le bruit avait couru… et le guichetfermé ! Plus un strapontin pourdéposer ses fesses ! Aussi quand lePéruvi<strong>en</strong> comm<strong>en</strong>ce à chanter… unfrémissem<strong>en</strong>t gagne le public.Peu d’<strong>en</strong>tre eux, sans doute, ont déjà<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du chanter Flórez <strong>en</strong> direct, horsdes diffusions à la télé ou <strong>en</strong> DVD. Lavoix n’est pas grande, certes, maisquelle musicalité, unité de timbre,aisance dans les aigus ! Après que lechanteur a pris la mesure deLe sabre à papa !Les termes «armée d’opérette», s’ils qualifi<strong>en</strong>t d’ordinairedes régim<strong>en</strong>ts fantoches, trouverai<strong>en</strong>t-ils leurorigine dans quelque opéra-bouffe représ<strong>en</strong>té auSecond Empire ? De fait, La Grande Duchesse de Gerolsteind’Off<strong>en</strong>bach est l’œuvre la plus représ<strong>en</strong>tative desguignolades militaires qu’on se plaisait à suivre dansles théâtres de l’époque. Jacques Gervais, dans samise <strong>en</strong> scène créée à l’Odéon les 29 et 30 janvier, <strong>en</strong>l’énergie de son jeu et sa pâte vocalesomptueuse, sa place prépondérantedans le mélodrame. Sa réplique dechoix Luca Lombardo (Turridu) est unformidable ténor marseillais (paradoxalem<strong>en</strong>t,il n’avait plus reparuPlace Reyer depuis dix ans !) qu’onespère revoir bi<strong>en</strong>tôt sur ces planches.De son timbre d’airain, voix de st<strong>en</strong>torspl<strong>en</strong>dide, le baryton Carlos Almaguera assumé magistralem<strong>en</strong>t ladouble casquette Alfio/Tonio des deuxouvrages, quand Nataliya Tymch<strong>en</strong>koa campé une jeune Nedda séduisante ettrès solide vocalem<strong>en</strong>t. Eti<strong>en</strong>neDupuis (Silvio), Stanislas de Barbeyrac(Beppe) et Patricia Fernandez(Lola) ont favorablem<strong>en</strong>t complété unplateau royal ovationné !l’impressionnante salle de l’opéras’étageant jusqu‘au «poulailler», àl’aide de quelque Rossini de bravoure(Messa di Gloria) <strong>en</strong> guise de chauffegosier,le ténor fait chavirer la neflyrique, des balcons au parterre.Alternant mélodies populaires etgrands airs de Verdi (Rigoletto), ilsusp<strong>en</strong>d le public à ses lèvres, le metdans sa poche (Vinc<strong>en</strong>zo Scalera aupiano). On <strong>en</strong> redemande <strong>en</strong> clamantmerci ! Flórez part pour une demiheurede rappels, et l’assistance,debout, glorifie la ribambelle decontre-ut de La Fille du Régim<strong>en</strong>t oules vocalises du Barbier de Séville…On s’<strong>en</strong> souvi<strong>en</strong>dra : c’était à Marseille,un 31 janvier 2011, sous l’ère MauriceXiberras !de Cavalleria Rusticana ? Le Chœur de l’Opéra ne fut pas <strong>en</strong> reste, ni des pointsde vue de la magnific<strong>en</strong>ce vocale, ni de la prés<strong>en</strong>ce scénique. La mise <strong>en</strong> scèneajustée du grand plateau d’Orange (été 2009) par Jean-Claude Auvray aconservé sa puissance austère et sacralisée pour Cavalleria Rusticana, naturalisteet burlesque dans I Pagliacci.Tomasi 2011Mais la plus belle réussite du directeurde l’opéra est peut-être là… Qui auraitimaginé, il y a quelques années, unesalle comble comme celle du GrandFoyer de l’Opéra, le 5 février pourécouter de la musique de chambre ducompositeur H<strong>en</strong>ri Tomasi ? Certes, ceCorse adopté par Marseille (voir p.71)avait, comme Darius Milhaud, ses attachesau bord de la Méditerrané<strong>en</strong>ne,mais depuis quarante ans (il disparaît<strong>en</strong> 1971) on ne peut pas dire que samusique ait été placée, ici ou ailleurs,Ensemble Pytheas © X-D.R.I Pagliacci © Christian Dresse 2011à l’égal de celle de son contemporainméridional. Cep<strong>en</strong>dant, on vi<strong>en</strong>t àprés<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre comme un classiquedu XX e siècle !L’Ensemble Pythéas a livré un beléchantillon de sa musique de chambre.Elle s’ét<strong>en</strong>d sur près de 40 ans : dulyrisme rapsodique de Paghiella ou duChant hébraïque plaintif (Marie-FranceArakélian au piano et Yann Le Rouxau violon), du néo-classique Trio àcordes (avec Pascale Guérin à l’alto etGuillaume Rabier au violoncelle) à laPastorale Inca expressive et moderne(avec Charlotte Campana à la flûte etCécile Gouiran au violon) ou l’ori<strong>en</strong>talisteInvocation et danses rituelles(avec Linda Amrani à la clarinette etVassilia Briano à la harpe)… autantd’interprétations passionnées et soignéesaux couleurs d’une Méditerranée universelle.JACQUES FRESCHELr<strong>en</strong>force l’aspect parodique et complète les pastichesoriginels par une vision colorée fourmillant de référ<strong>en</strong>cesà l’<strong>en</strong>fance, chevaux de bois, sabres <strong>en</strong> plastique…Tout comme le Chœur Phocé<strong>en</strong> hyperactif (dir. RémyLittolff), désopilant dans sa chorégraphie mili-taroburlesque,le plateau de solistes (sous la baguette deChristophe Talmont) a relevé le défi d’une œuvreexigeante des points de vue du chant et de la comédie.En tête, Emmanuelle Zoldan a campé une bellesouveraine racée et fantasque quand son «jouet» lesoldat Fritz (Frédéric Mazzotta) a brillé par son jeucomique. À leur côté Caroline Gea (Wanda), MichelVaissière (Puck), Jean-Marie Delpas (Boum) ouDominique Desmons (Paul) ont servi à souhait labouffonnerie.J.F.


Freischütz paradoxalEn ce mois de janvier, l’opéra de Toulon programmaitpour la première fois de sa longue exist<strong>en</strong>cele symbolique Freischütz de Carl Maria Von Weber,véritable monum<strong>en</strong>t dans la galaxie de l’opéraromantique allemand, puisque le premier du g<strong>en</strong>re,ou presque.Pour l’occasion, la direction musicale avait étéconfiée au tal<strong>en</strong>t de Laur<strong>en</strong>ce Equilbey. Malgréune distribution vocale fort prometteuse, le résultatavait de quoi dérouter les amateurs avertis : Jürg<strong>en</strong>Müller (Max) au timbre puissant voulut héroïquem<strong>en</strong>tassumer sa prestation jusqu’au bout malgréune gêne qui le conduisit par deux fois à l’aphonie !Il rompit ainsi l’équilibre qui régnait jusque là <strong>en</strong>trelui et le reste du plateau remarquablem<strong>en</strong>t incarnépar Jacquelyn Wagner (Agathe), Mélanie Boisvert(Ännch<strong>en</strong>) et Roman Lalcic (Kaspar). L’<strong>en</strong>semblerestait cep<strong>en</strong>dant de très belle qualité, mais cettedistribution vocale ne parv<strong>en</strong>ait pas à masquer undéséquilibre flagrant au sein de l’orchestre : lepupitre de cordes aux couleurs très expressivessurclassait une section de cuivres asphyxiée etquasim<strong>en</strong>t à l’agonie dans la fameuse scène de lagorge aux loups. D’autres légers défauts de mise <strong>en</strong>place pouvai<strong>en</strong>t s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>tre les chœurs etl’orchestre dans le troisième acte, sans doute àcause d’une direction un peu trop souple. Malgréces imperfections musicales la production restaitréussie : les décors et les costumes, qui avai<strong>en</strong>t dequoi surpr<strong>en</strong>dre les incontournables puristes d’opérapar leur esthétique contemporaine, habillai<strong>en</strong>t lamise <strong>en</strong> scène de Jean-Louis B<strong>en</strong>oit de manièretrès convaincante, servis par un jeu de lumièressubtil qui restituait habilem<strong>en</strong>t l’atmosphère fantastiquede cette œuvre emblématique.EMILIEN MOREAULe Freischütz a été crééà l’Opéra de Toulon du 28 janvier au 1 er fevrier© Frederix StephanIl primosole è mioMUSIQUE 35Réduire l’orchestre puccini<strong>en</strong>, une hérésie ? Pasdans La Bohème <strong>en</strong> tous cas ! L’opéra <strong>en</strong> quatretableaux a quelque chose de volontairem<strong>en</strong>t cheap,bohème justem<strong>en</strong>t, et l’Opéra éclaté <strong>en</strong> proposeune version débarrassée de certaines pesanteursdes grosses voix pas toujours souples. Ladistribution est magnifique, d’un goût parfait,d’une musicalité extrême, sans portés ni sanglotsdans la voix… mais avec toutefois tout le volum<strong>en</strong>écessaire pour vous <strong>en</strong> mettre plein le cœur. CarLa Bohème c’est cela, un vrai mélo, avec coup defoudre, misère partagée, pieux m<strong>en</strong>songe et filleperdue au grand cœur. Et la mort tragique, le cridéchirant, presqu’à la dernière mesure ! Le toutaccompagné délicatem<strong>en</strong>t par l’orchestre qui suit,précède, lance les voix comme amoureusem<strong>en</strong>t,avant de tout balayer dans ses élans d’émotion sanscomplexe et sans fausse pudeur. La mise <strong>en</strong> scèned’Olivier Desbordes, ingénieuse, ti<strong>en</strong>t tout ce petitmonde dans une boîte chaleureuse et étroite quine s’ouvre que sur des univers gris et clos, et leschanteurs peuv<strong>en</strong>t y jouer avec un grand naturel.Bi<strong>en</strong> sûr dans cette formation réduite où chaqueinstrum<strong>en</strong>t est soliste on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d le moindredérapage, et le chœur étique se décale un peu.Qu’importe : si La Bohème n’est pas un opéra depoche, se garder d’<strong>en</strong> faire une grosse machine luiredonne un bel air de jouv<strong>en</strong>ce, qui transc<strong>en</strong>de saforce émotionnelle. Un regret ? Des surtitres, ou laversion française, aurai<strong>en</strong>t permis de suivre pas àpas l’évolution subtile des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts… maisvisiblem<strong>en</strong>t dans la salle beaucoup parlai<strong>en</strong>tl’Itali<strong>en</strong>. Ou le Puccini ?AGNÈS FRESCHELLa Bohème a été donnée aux Salins, Martigues,les 22 et 23 janvierLa Boheme © Blaya NellyLes feux de LarmoreProgramme multicolore que celui proposé par lamezzo-soprano J<strong>en</strong>nifer Larmore : Ha<strong>en</strong>del,Off<strong>en</strong>bach, Rossini, Strauss... croisèr<strong>en</strong>t Bizet,Gluck et Humperdinck dans un récital brillant et<strong>en</strong>levé. Le quintette à cordes OPUSFIVE, formé demusici<strong>en</strong>s issus des plus grands <strong>en</strong>sembleseuropé<strong>en</strong>s, souligna avec tal<strong>en</strong>t la prestation de labelle américaine, tout <strong>en</strong> s’illustrant autour depièces extraites de l’art de la fugue de Bach,distribuées çà et là, au gré du concert. Après une<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> matière périlleuse, avec le redoutableWhere shall I fly de Ha<strong>en</strong>del, la cantatrice trouvaprogressivem<strong>en</strong>t ses marques avant de briller demille feux dans la deuxième partie du spectacle,<strong>en</strong>tamée à la lueur d’une bougie, <strong>en</strong> duo avec levioloniste. Le public put apprécier toute la finesseet la musicalité de la chanteuse dans Ab<strong>en</strong>dseg<strong>en</strong>,extrait de Hänsel et Gretel. Alternant passagesplein d’émotion, avec le lied Morg<strong>en</strong> de Strauss, outeintés d’un humour décapant dans Carm<strong>en</strong>,Larmore atteignit sa plénitude dans l’extrait de laC<strong>en</strong>er<strong>en</strong>tola de Rossini ! Virtuosité, chaleur, jeu descène... magnifique. Le bis, tiré d’un opéra de KurtWeill, embrasa définitivem<strong>en</strong>t le théâtre aixois !Ard<strong>en</strong>t et lumineux !CHRISTOPHE FLOQUET


36MUSIQUEChiara Bertoglio, jeune pianiste (27ans) donna son premier récital à huitans et joue, depuis, dans les salles lesplus prestigieuses. Musicologue, ellea écrit cinq livres dont l’un,remarquable, sur le thème du voyageà l’époque romantique. Deux Sonatesde Scarlatti ouvrai<strong>en</strong>t le bal : toucherdélicat, articulation limpide, trilles etornem<strong>en</strong>ts comme de vifs éclairs. Elle<strong>en</strong>chaînait <strong>en</strong>suite 12 Etudes deChopin op. 10, cycle redoutabletechniquem<strong>en</strong>t. Le premier <strong>en</strong> Utmajeur, avec des basses sonores etune main droite si agile. Le Prestodiabolique <strong>en</strong> ut# mineur du n°4 futune bourrasque virtuose. L’Étud<strong>en</strong>°12, la fameuse Révolutionnaireavec ses terribles arpèges à la maingauche, vagues inondant l’Europed’un souffle de liberté. Élan, panache,un romantisme sans mièvrerie. Quedire des Tableaux d’une exposition deMoussorgski, qu’on écoute tropsouv<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t dans leur versionCHAMBRE | RÉCITALRespirer la musiqueorchestrale, certes magnifique, deRavel ! La Prom<strong>en</strong>ade, leitmotiv siriche et varié, un Gnomus intrigant,d’une étonnante théâtralité. IlChiara Bertoglio © Yves BergéVecchio Castello, tout <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>sion,sublime, Bydlo à l’impressionnantcresc<strong>en</strong>do, Limoges-Le Marché sivéloce. Et cette Grande Porte de Kievqu’on aimerait ne pas voir serefermer, tellem<strong>en</strong>t la pianiste habiteces tableaux d’une rare émotion :sous ses doigts un musée aux millecouleurs, intime et grandiose.Le public debout réclama un bis. Il y<strong>en</strong> eut quatre ! dont un très belImpromptu de Schubert n°3 opus142, et Rêverie des Scènes d’Enfant deSchumann, ciselée comme un derniersoupir, qu’on avait <strong>en</strong>vie de partageravec Chiara et sa grande s<strong>en</strong>sibilitémusicale.YVES BERGÉChiara Bertoglio s’est produitele 3 février dans le cadre du cycleÉtoiles montantes du piano itali<strong>en</strong>,à l’Institut Culturel Itali<strong>en</strong>, MarseilleJeunes chambristesL’équipe experte qui concocte leprogramme annuel de la Société deMusique de Chambre de Marseille,autour de Bernard Camau, a le donde faire découvrir des <strong>en</strong>semblespromis à un bel av<strong>en</strong>ir. C’est ainsiqu’<strong>en</strong> leur temps, le Quatuor Ebène etplus récemm<strong>en</strong>t le Quatuor Modiglianiont bouleversé l’auditorium de laFaculté de médecine de la Timoneavant que leur tal<strong>en</strong>t n’explosepartout ! Souhaitons à l’EnsembleRaro la même réussite que celle deces jeunes formations françaises.L’horloge de ce quatuor avec pianoest assurém<strong>en</strong>t Diana Ketler,pianiste souveraine qui a réglé aumillimètre le chant vibrant duvioloncelliste Bernard NaokiH<strong>en</strong>d<strong>en</strong>borg dans les mouvem<strong>en</strong>tsl<strong>en</strong>ts des Quatuors <strong>en</strong> ut mineur op.60de Brahms et celui <strong>en</strong> mi bémolmajeur op.47 de Schumann. Le 1 erfévrier, avec Eric Schumann (ça nes’inv<strong>en</strong>te pas !) au violon et RazvanPopovici à l’alto, les artistes ontdéployé un brillant lyrisme, tissé dansdes phrasés finem<strong>en</strong>t dosés, desnuances colorées et tout un mondepoétique <strong>en</strong>flammé, plaintif, résigné,libre et foisonnant… Rare !JACQUES FRESCHELEnsemble Raro © X-D.RBaroques-Graffitise la joue Parisi<strong>en</strong>ne !C’est au sein de la délicaterotonde néoclassiquedu Petit Temple réforméd’Arles que l’EnsembleBaroques-Graffitiprés<strong>en</strong>tait le 20 janvierun extrait des QuatuorsParisi<strong>en</strong>s de Georg PhilippTelemann. Composés<strong>en</strong> 1730, ces derniersdoiv<strong>en</strong>t leur surnom à latournée parisi<strong>en</strong>ne deTelemann <strong>en</strong> 1737. Depuis2008, l’<strong>en</strong>semble marseillais,sous la directionde Jean-Paul Serra (claviers),défriche ou revisite le répertoire du XVII e et XVIII e , nous promettant un© X-D.Rav<strong>en</strong>ir plein de richesses devant la prolixité du répertoire (parfois inconnu) àl’image du catalogue impressionnant de Telemann. Impossible de ne pas lecomparer à un autre géant, Bach. À défaut de prés<strong>en</strong>ter une universalité quin’apparti<strong>en</strong>t qu’au Cantor de Leipzig, Telemann préfigure par un discoursévolutif le classicisme et l’écriture <strong>en</strong> quatuor matérialisé notamm<strong>en</strong>t parl’émancipation de la viole de gambe qui fait jeu égal avec la voix d’alto (flûteà bec) et le violon. Dans ce contexte, les musici<strong>en</strong>s relayai<strong>en</strong>t des motifsvivaldi<strong>en</strong>s, des phrases <strong>en</strong> écho alternant avec des soli libérateurs sur unebasse continue réduite au clavecin. Au sein de ces pièces baptisées concerto,sonata, suite, Graffiti rafraîchissait avec dynamisme des manuscrits qui,interprétés ainsi, n’ont pas pris une ride.P-A HOYETCe concert a égalem<strong>en</strong>t été donné à la Magalone,Marseille, le 21 janvier


Le baroquedans tousses états !En ce premier mois de l’année, hommage, au GTP,à deux maîtres du baroque tardif : Campra et BachAux antipodes des représ<strong>en</strong>tationsdramatiques de la mort, Campra, dansson Requiem et son De Profundis,préféra une vision douce et apaisée,très intérieure. Pas d’emphase et nide pathos exacerbé, mais une musiquetout <strong>en</strong> ret<strong>en</strong>ue, r<strong>en</strong>due dansune lumière tamisée, parfaitem<strong>en</strong>téquilibrée <strong>en</strong>tre solistes, chœur etorchestre. La dernière pièce du DeF.-X. Roth © Jean RadelProfundis est un modèle du g<strong>en</strong>red’écriture pour chœur : superbes harmonies,contrepoint subtil, finesserythmique… du grand art. La maîtrisede Ca<strong>en</strong> et les musici<strong>en</strong>s duParadis, <strong>en</strong> osmose avec les bellesvoix de Vinc<strong>en</strong>t Lièvre-Picard, hautecontre,Christophe Gautier, taille, etAlain Buet, basse taille, délivrèr<strong>en</strong>tune interprétation juste, ciselée,parfois presque trop intimiste pour leGrand Théâtre! Difficile pourtant dereprocher au chef, Olivier Opdebeeck,ce parti pris musical tant sa lecturecorrespond à l’esprit du compositeuraixois. La mort <strong>en</strong> cette soirée hivernale,avait de douces saveurs !Après le repos éternel, les quatreconcertos Brandebourgeois délivrés lasemaine d’après par l’<strong>en</strong>semble LesSiècles dirigé par François-Xavier Roth,réveillèr<strong>en</strong>t les morts ! Entamés surun tempo <strong>en</strong>diablé, ces petits bijouxinstrum<strong>en</strong>taux, à la géométrie variable-bois et cors dans le 1 er , que descordes dans le 3 e …- émoustillèr<strong>en</strong>t lasalle bondée du théâtre d’Aix. Aprèsquelques problèmes de justesse etMUSIQUE37d’acclimatation au lieu, l’<strong>en</strong>sembledélivra un concert de très bonne facture,quelquefois <strong>en</strong>taché de scoriespassagères, rapidem<strong>en</strong>t gommées parune interprétation <strong>en</strong>thousiaste, pleined’alacrité, à l’image de l’écriture contrapuntiquedébridée du cantor deLeipzig. La mise <strong>en</strong> espace, originaleet efficace, des instrum<strong>en</strong>tistes permitd’apprécier la virtuosité etl’élégance de la claveciniste quandcelle-ci fut au c<strong>en</strong>tre de l’effectif ; lessaillies mélodiques, gerbes de notesgemmées, expurgées des <strong>en</strong>trailles deson instrum<strong>en</strong>t, se métamorphosèr<strong>en</strong>t<strong>en</strong> une texture organique,marque du modernisme du père Bach.La direction chaloupée du chef invitaitnaturellem<strong>en</strong>t les musici<strong>en</strong>s àr<strong>en</strong>trer dans la danse. Enivré par lesmouvem<strong>en</strong>ts ondulatoires des archets,le public se leva, <strong>en</strong>core sous le chocde ces Brandebourgeois… telluriques !CHRISTOPHE FLOQUETDécad<strong>en</strong>ce itali<strong>en</strong>ne,pulsation russeMikhail Rudy © X-D.R.L’opéra conviait à un voyage des sonset des couleurs, sur le chemin d’unpost-romantisme et d’un néo-classicismedécad<strong>en</strong>ts. Cyrano de Bergeracd’Aldo Finzi est un poème symphoniquede belle facture : un thèmetriomphal aux cors annonce unpassage plus lyrique aux cordes,alternance de motifs romanesques,exaltation du personnage, cuivres,percussions et de grandes phraseslegato : un orchestre inspiré sous labaguette du bondissant FabrizioMaria Carminati. On retrouve <strong>en</strong>suitele formidable pianiste russe MikhaïlRudy dans le Concerto n°2 de Chostakovitch: un Allegro vertical, auxpulsations et unissons très stravinski<strong>en</strong>s.Articulation extrême de Rudy !L’Andante est une superbe respiration,émotion ret<strong>en</strong>ue précédant unFinale énergique, deux mains exaltéesparfois crispées sur les traits véloces<strong>en</strong> gammes asc<strong>en</strong>dantes. En bis, unNocturne de Chopin et des extraits dePetrouchka raviss<strong>en</strong>t le public, <strong>en</strong>tretechnique sûre et s<strong>en</strong>sibilité effleurantun piano complice.Avec la Suite Le Guépard de NinoRota, le musici<strong>en</strong> de Fellini, on plongeà nouveau dans l’aristocratie itali<strong>en</strong>nedu XIX e siècle. Carminati dirige cesdanses avec âme (Valse, Mazurka,Polka…), évocation mélodique d’unPrince insouciant : le champagnes<strong>en</strong>t déjà le soufre ! On termine parLes Pins de Rome de Respighi, dontle quatrième volet Les Pins de la ViaAppia <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t l’orchestre dans uncresc<strong>en</strong>do monum<strong>en</strong>tal où l’on<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d l’arrivée glorieuse de l’arméeromaine : un <strong>en</strong>semble puissant etCarminati t<strong>en</strong>ant baguette et légionsymphonique à bout de bras !YVES BERGÉCe concert a eu lieu le 12 févrierà l’Opéra de MarseilleChapeau !Il est des concerts mémorables,ceux auxquelschaque mélomane rêveun jour d’assister. À l’évid<strong>en</strong>ce,les prestationsscéniques de GrigorySokolov, à l’image deson récital du 4 fév dernierpour le Festival demusique de Toulon <strong>en</strong>font partie.Rarem<strong>en</strong>t on a vu unpianiste aussi habité parla musique qu’il interprétait,faisant corps avecGrigory Sokolov © Klaus Rudolphson instrum<strong>en</strong>t sans jamais donner l’impression de se préoccuper d’autre choseque de musique. Autour d’œuvres de Bach et Schumann interprétées avecmaestria et sans esbroufe, ce qui frappe avant tout c’est la luminosité du jeuextrêmem<strong>en</strong>t articulé où chaque note a sa juste valeur tant dans l’attaque quedans la durée, où chaque phrase suit une direction qui embarque l’auditeurvers des sommets témoignant d’une maîtrise phénoménale du clavier. Tout yest tellem<strong>en</strong>t parfait qu’on manque de superlatifs pour qualifier une telleinterprétation. Si d’av<strong>en</strong>ture certains puristes pouvai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core s’offusquerd’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre jouer Bach au piano, force est de constater que son génie de laphrase et du rythme n’y perd<strong>en</strong>t aucune grandeur avec cet interprète qui sait<strong>en</strong> capter toute la vigueur et la restituer avec une dextérité époustouflante.Dans un répertoire plus conv<strong>en</strong>u pour les pianistes, la schizophrénie lat<strong>en</strong>tede Schumann était transcrite, avec une limpidité qui forçait l’admiration, parun jeu <strong>en</strong> clair-obscur on ne peut plus nuancé, qui passait comme aisém<strong>en</strong>td’une mélancolie quasi extatique à la folie dévastatrice.La prestation fut unanimem<strong>en</strong>t saluée par deux bis, honorés dans un répertoirefrançais (Rameau et Couperin) qui laissa le public sans voix, médusé par tantde tal<strong>en</strong>t : superbe !ÉMILIEN MOREAU


38 MUSIQUE SYMPHONIQUE | CONTEMPORAINEÀ rebrousse tempsNord-EstL’Orchestre National de Montpellier proposait unedouble confrontation géographique et chronologique.Dédiée au s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de clarté, Lum<strong>en</strong> deRégis Campo réconciliait les plus récalcitrants avecla création contemporaine : datant de 2001, cetteœuvre d’une dizaine de minutes aux acc<strong>en</strong>ts impressionnistesjoue avec les fondus de timbres, d<strong>en</strong>uances et de couleurs orchestrales ; les notes etmotifs répétés, sur un jeu de tempos et de rythmesallègres, fusant d’un pupitre à l’autre. Dès le départ,la répétition d’un mi aigu obsédant génère des consonanceset harmoniques qui s’ét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à toutl’orchestre sans nous faire oublier un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t detonalité sous-jac<strong>en</strong>te. Le chef Enrique Mazzolatransmettait cet éclatem<strong>en</strong>t jubilatoire de nuancesspectrales à son orchestre qui suggérait brillanceset scintillem<strong>en</strong>ts, inspirés au compositeur marseillaispar ses origines méditerrané<strong>en</strong>nes. Leschanterelles, les bois et les métaux des percussionssans oublier la harpe produisai<strong>en</strong>t un festival deluminesc<strong>en</strong>ces posées ou alternant avec un fondplus crépusculaire, pour finir sur un unisson <strong>en</strong>blanc majeur.Ce sont les thèmes populaires ukraini<strong>en</strong>s de laSymphonie n°2 dite Petite Russi<strong>en</strong>ne de Tchaïkovskiqui nous ram<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t sur des terres plus sept<strong>en</strong>trionales.Le cor et les cuivres évoquai<strong>en</strong>t la Volgasans emphase, les thèmes rythmiques étai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>Prélude sans fugueC’est <strong>en</strong> guise de prélude à la représ<strong>en</strong>tation de Ladisgrâce de J.S. Bach (reprise par Serge Barbusciales 10 et 12 février <strong>en</strong> son théâtre) que le Balcona proposé cette vidéo de Gonzague Z<strong>en</strong>o. Consacréeà l’illustre organiste qui affirma «mon œuvreest faite pour le bonheur de tous les hommes», cetteapproche biographique cont<strong>en</strong>ant de nombreusesréfér<strong>en</strong>ces picturales et musicales du XVIII e siècleet tournée <strong>en</strong> partie avec des acteurs locaux (organistesavignonnais et montpelliérain) a permis deConçu comme une palette de saveursdiverses, le concert de l’OLRAP a débutéavec une œuvre de Luciano Berio,Requies, dont la l<strong>en</strong>te et simple mélodie,longuem<strong>en</strong>t développée et subtilem<strong>en</strong>tcolorée, transporte vers unesérénité sans terreur, et sans mystique.À l’opposé, la Suite de PulcinellaOrchestre National de Montpellier © Marc GinotGary Hoffman © Gerard Proustd’Igor Stravinsky, composée à partird’un matériau musical du XVII e siècleemprunté à Pergolèse. Musique à danser,colorée, figurative, créée <strong>en</strong> 1922pour Diaghilev, elle a permis de mettre<strong>en</strong> valeur les qualités musicalesdes solistes de l’Orchestre d’Avignon,souv<strong>en</strong>t à découvert. Est-ce cettevirtuosité qui a emporté l’<strong>en</strong>thousiasmedu public, qui est resté plus froidpour les belles couleurs de Berio ?C’est avec le lég<strong>en</strong>daire Triple concertode Beethov<strong>en</strong> composé <strong>en</strong> 1804 ques’est clôt le concert : au piano, l’admirableVahan Mardirossian -qui offritune inoubliable prestation lors duconcert de souti<strong>en</strong> à l’Olrap <strong>en</strong> octobre2009- a eu comme part<strong>en</strong>aire l<strong>en</strong>on moins célèbre violoncelliste GaryHoffman (jouant un Amati de 1662)dont le jeu, ce soir-là, fut divin : unescandés et les percussions assurai<strong>en</strong>t des fondationssolides. En milieu de concert, la Bulgare LiyaPetrova (21 ans !) exécutait un 2 e Concerto pour violonde M<strong>en</strong>delssohn sans épanchem<strong>en</strong>t outrancier,avec une maîtrise parfaite des passages les plusdélicats. À la lumière méridionale contemporainerépondait donc la luminosité romantique de l’est,non moins empreinte de séduction. Montpellier àNîmes ? Si seulem<strong>en</strong>t la géopolitique pouvait nousoffrir un tel équilibre dans la richesse et ladiversité !P-A H.L’Orchestre National de MontpellierLanguedoc-Roussillon s’est produitle 4 février au théâtre de Nîmesredécouvrir cette époque où les princes avai<strong>en</strong>ttoute puissance sur les artistes. J.S Bach eut lemalheur d’être <strong>en</strong> désaccord avec l’un d’eux… ets’<strong>en</strong> trouva disgracié… Evénem<strong>en</strong>t sur lequel lespectacle de Serge Barbuscia, qui met <strong>en</strong> scènel’effroyable condition de dép<strong>en</strong>dance de l’artiste,repose. C.R.Vidéo-Bach a été projeté le 9 févrierau Théâtre du Balcon, Avignonsonorité exceptionnelle, une musicalitéhors du commun. Il ne fut guèreévid<strong>en</strong>t pour la violoniste CordeliaPalm, super soliste de l’orchestre, dese faire une place prés de ses deuxgéants malgré son tal<strong>en</strong>t ! D’autantqu’une direction peu mature n’a paspermis aux solistes de compter sur unorchestre qui manquait de la clartéharmonique att<strong>en</strong>due.L’<strong>en</strong>semble fut néanmoins très apprécié: même imparfaitem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>due, lapuissance symphonique de Beethov<strong>en</strong>est inimitable…CHRISTINE REYCe concert a eu lieu le 4 févrierà l’opéra-théâtre d’AvignonVu L’Arlési<strong>en</strong>ne(à Arles…)Effectivem<strong>en</strong>t, cette Arlési<strong>en</strong>ne seulem<strong>en</strong>t évoquéedans le mélodrame était incarnée à la Chapelle duMéjan d’Arles par les acc<strong>en</strong>ts de Marie-ChristineBarrault déclamant la nouvelle inspirée par le conteoriginal. Destinée à l’origine à la pièce de théâtre,une grande partie de la musique de scène (sans leschœurs) comm<strong>en</strong>tait les acc<strong>en</strong>ts de la récitante. Letimbre voilé et parfois puissant de celle-citraduisait le drame terrible de Frederi qui ne seremettra jamais de l’annulation de son mariage avecune Arlési<strong>en</strong>ne pour des raisons de bi<strong>en</strong>séancesociale de la bourgeoisie prov<strong>en</strong>çale. L’<strong>en</strong>sembleangoumoisin Music@16, sous la baguette deJacques Pési ajoutait aux s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts suggérés parle texte des émotions lourdes de s<strong>en</strong>s, à l’exempledu thème de l’innoc<strong>en</strong>t. Marie-Christine Barraultvariait le timbre de sa voix sur les paroles fluettesde Vivette impuissante à contrarier un sombredestin. Malgré le ton populaire de la Marche des roisà l’instrum<strong>en</strong>tation multiple, malgré les acc<strong>en</strong>tsprov<strong>en</strong>çaux et virevoltants de la célèbre Farandoleet du Carillon, <strong>en</strong> dépit des exhortations du bergerBalthazar et de la mère Rose, l’issue fatale survint,ponctuée par ces mots terribles de Fréderi : «…Làdans la terre...». On y croit.Une réussite donc, même si confronter un tel texteet une telle musique donne un alliage lourd des<strong>en</strong>s. Trop parfois peut-être : additionner la forceémotionnelle de Daudet et Bizet peut am<strong>en</strong>er àquelques excès, d’autant que la destinationpremière de la musique pour la scène n’est pasd’accompagner mais de provoquer l’émotion.P-A HOYETCe concert a été donnéle 8 février au Méjan, à Arles


Que reste-t-il…Un studio hybride, mixages <strong>en</strong> directdevant un auditoire vraim<strong>en</strong>t confid<strong>en</strong>tiel: tuilages <strong>en</strong>tre Jacques Di<strong>en</strong>netet Annabelle Playe. Des clins d’œil àla mémoire de Frank Royon Le Mée,trop tôt disparu, à 41 ans, <strong>en</strong> 1993,avec qui Di<strong>en</strong>net avait conçu unspectacle électro-acoustique iconoclasteet décapant (Soop Opéra). Ici,deux claviers, deux expandeurs, processeursmidi stockant des sonséchantillonnés, comme au bon vieuxtemps des pionniers électro duConservatoire de Marseille (Frémiot,Bœuf...) : 1968, première classe demusique électroacoustique dans unConservatoire de France. Ça s<strong>en</strong>taitbon les années 70 !Deux ordinateurs pilotant l’<strong>en</strong>semble,certains sons prov<strong>en</strong>ant de synthésanalogiques. Trois périodes découpéespar des sil<strong>en</strong>ces. La premièrefaite de longues t<strong>en</strong>ues, brouillagesradio, très électronique, voix d’AnnabellePlaye disant des textes se perdantdans l’espace, aphorismes radiophoniquesrappelant Song Book de Cage(Et tout cela m’est adv<strong>en</strong>u par la fautede la musique). Une seconde plusgrave, large, nappes de sons métalliques,improvisations subtiles deDi<strong>en</strong>net au clavier. Une dernière, plusexpressive, sons concrets et cuivrés(cornet), voix d’Annabelle Playe libérantdes «ah !» chaloupés et int<strong>en</strong>ses,belle complicité, battem<strong>en</strong>ts de cœurcomme les Heartbeats de Steve Reich(City Life). Di<strong>en</strong>net a toujours privilégiédans son travail la musique mixteet la synthèse numérique «live».Musici<strong>en</strong>s chaleureux qui aurai<strong>en</strong>t pualler <strong>en</strong>core plus loin dans la démesuredes timbres. Une belle av<strong>en</strong>ture,qui manquait un peu de folie. MaisProcessus mémorielLe MIM (Laboratoire Musique et Informatique deMarseille) proposait un trajet sur le temps et la mémoire,l’imaginaire qui relie passé, prés<strong>en</strong>t, av<strong>en</strong>ir,fiction, réalité, songes, désirs et craintes. Immémorialde Pascale Weber est une évocation poétique,images qui défil<strong>en</strong>t sur des trajectoires sonoresaléatoires, très belle esthétique sur les vibrationsde l’<strong>en</strong>fance et du temps. Tristan-Patrice Challulaur<strong>en</strong>d hommage à Marcel Frémiot, créateur du MIM,avec Comptines pour voix et piano ; il distille cespetites histoires, subtiles et pleines d’humour,modales, tonales, atonales, avec une t<strong>en</strong>dre ironie :l’alouette qui tirelire <strong>en</strong>tre les bleuets et l’azur.Pr<strong>en</strong>ante composition audio-visuelle, Soft Thresholdsde Frank Dufour, qui imprime aux corps desombres acoustiques sur le thème d’Orphée. Savoirset mémoires, création pour piano de Challulau, estun dialogue savant <strong>en</strong>tre le pianiste et le public,une joute ludique où les auditeurs doiv<strong>en</strong>t© Claire Lamurepuisque John Cage prône le nonvouloir,on se laisse aisém<strong>en</strong>t aller àcette rêverie aléatoire.YVES BERGÉSymphonie alpestreIl a muté le langage utilisé par les compositeurs,depuis que Richard Strauss a traduit, à l’orchestresymphonique, l’asc<strong>en</strong>sion montagnarde d’un prom<strong>en</strong>eur<strong>en</strong> quête de lumière ! Certains sont passésdes instrum<strong>en</strong>ts traditionnels aux machines <strong>en</strong>registreuses,usant de sons concrets de la vie quotidi<strong>en</strong>nepour les transformer <strong>en</strong> objets sonores propices àl’émerg<strong>en</strong>ce de nouvelles œuvres. À l’aide detechnologies de pointe, outils informatiques desynthèse du son, procédés de spatialisation de lamatière musicale, le travail expérim<strong>en</strong>tal d’un PierreSchaeffer dans les années 50 a bi<strong>en</strong> évolué : lesfactures sont à prés<strong>en</strong>t soignées, la qualité sonoreidéale.L’atrium du studio du Gmem était plein le 21janvier, pour le concert de clôture des Trans’electroacoustique.Dans un confort d’écoute optimal,reconnaître des motifs et clins d’œil à Bach, Beethov<strong>en</strong>,Chopin. La création pour flûte basse deJean-Pierre Moreau, La liberté comm<strong>en</strong>ce là où© X-D.R.MUSIQUE39Ubris Studio © Yves BergéUbris Studio a eu lieu le 4 févrierà l’Auditorium de la Citéde la Musiqueallongé sur des transats, placé au cœur d’un dispositifde diffusion (une vingtaine d’<strong>en</strong>ceintes), ona pu suivre la prom<strong>en</strong>ade vers les hauteurs alpestrespréparée par le compositeur Lionel Marchetti.Des opus imaginés dans les années 90, mixant dessons naturels (oiseaux, feuillage…), inspirés desélém<strong>en</strong>ts (eau, air…), quelque voix lointaine <strong>en</strong>bribe de dialogue, au rythme pulsé de pas sur laneige dans des ambiances nocturnes aux tramessonores profondes, orgue cristallin, orage fantasmé,un glacier grinçant dardé d’éclairs <strong>en</strong> travellingsonore : tout un cinéma pour l’oreille dans la puretradition électroacoustique !JACQUES FRESCHELs’arrête... démarre sur le souffle de la vie, son vidéde ses harmoniques, détimbrage étonnant, tramemémoirequi se dilue, legato subtil puiscourse-poursuite, retour au sil<strong>en</strong>ce ; belleinterprétation de Nicolas Bauffe. Marcel Formosapropose une œuvre pour piccolo et électroacoustique,Sur l’air de, reprise de son œuvre avecaccompagnem<strong>en</strong>t de percussions : créer, recréer,repartir de l’avant avec une œuvre du passé :doubles-sons, harmoniques, motifs pulsés quis’impos<strong>en</strong>t à la mémoire et traits survoltés, trèsbeau mariage. Passé intérieur, composé et compositepour le plus grand bonheur d’un auditoire…prés<strong>en</strong>t.Y.B.Ce concert a eu lieu à la cité de la Musique,Marseille, le 10 février


40MUSIQUEAU PROGRAMMELYRIQUERossini flamboyantCavatines t<strong>en</strong>dres et cabalettes furieuses sesuccèd<strong>en</strong>t dans cette fabulation buffa allant faireses cabrioles farfelues dans un ori<strong>en</strong>t d’opérette.Dans le dramma giocoso L’Itali<strong>en</strong>ne à Alger, Rossinilivre <strong>en</strong> 1813 sa première grande folie musicale qui,à l’instar du Barbier de Séville ou Le Turc <strong>en</strong> Italie,connaîtra de nombreux succès. Isabella échoue <strong>en</strong>Algérie et t<strong>en</strong>te de r<strong>en</strong>dre la liberté à son amantLindoro, dev<strong>en</strong>u esclave de Mustafa, tout <strong>en</strong>voulant réconcilier le Bey avec sa femme Elvira…La mise <strong>en</strong> scène de Sandrine Anglade r<strong>en</strong>force labizarrerie du livret quand la partie musicale estdirigée par Pascal Verrot avec Allyson MacHardy(Isabella), Jonathan Veira (Mustafà), BlagojNacoski (Lindoro)…AIX .Le 18 mars à 20h30 et le 20 mars à 15h GTP04 42 91 69 69www.legrandtheatre.netPuccini rareOn ne joue pas très souv<strong>en</strong>t La Rondine, comédielyrique <strong>en</strong> trois actes créée à Monte-Carlo <strong>en</strong> 1917et dont le titre français est L’hirondelle (jamaisreprés<strong>en</strong>tée à Toulon). Cet opéra, à part dans laproduction de Puccini, est une comédiedés<strong>en</strong>chantée prévue à l’origine pour être uneopérette. Au Second-Empire, les héros (lacourtisane Magda amoureuse de l’étudiant Ruggerose situe <strong>en</strong>tre Musetta, Violetta et Manon), sur fondde réalisme social, font une escapade amoureuse<strong>en</strong>tre Paris et la Côte d’Azur. Le livret a laréputation de comporter des «faiblesses» quand lestyle hésite <strong>en</strong>tre buffa et seria (le compositeurdésirait réagir contre ce qu’il appelait «l’horriblemusique du temps prés<strong>en</strong>t» de la Grande Guerre). Sidéfici<strong>en</strong>ces il y a, les productions appell<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>comp<strong>en</strong>sation, une distribution valeureuse et unemise <strong>en</strong> scène bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sée. On découvre cellesignée Gino Zampieri quand le couple amoureuxest formé par Maria Luigia Borsi (Magda) et MarcLaho (Ruggero), sous la baguette de GiulianoCarella.TOULON. Les 25 fév. et 2 mars. à 20het le 27 fév. à 14h30 Opéra04 94 93 03 76www.operadetoulon.frLa Rondine © Filippo Brancoli PanteraLyrisme slaveNathalie Manfrino (Tatiana), Armando Noguera(Onéguine) et Florian Laconi (L<strong>en</strong>sky) chant<strong>en</strong>t ledrame lyrique tiré de Pouchkine Eugène Onéguinesur la musique romantique de Tchaïkovski. Au fildu temps, depuis sa création <strong>en</strong> 1878, cet opéraest dev<strong>en</strong>u le plus populaire du répertoire russe, depar la magnific<strong>en</strong>ce des airs, des chœurs & ballets,et les conflits intimes portés par les protagonistes.Le livret met <strong>en</strong> scène les amours malheureuses dela jeune Tatiana et du héros byroni<strong>en</strong> désabuséOnéguine. Dans un univers aristocratique exhalantl’âme russe, les destins se crois<strong>en</strong>t, sans se trouver,de bal <strong>en</strong> duel, sur fonds d’honneur et de vertu.Cette production de l’Opéra de Metz est mise <strong>en</strong>scène par Claire Servais et dirigée par RaniCalderon.AVIGNON. Le 20 fév. à 14h30 et le 22 fév.à 20h30 Opéra-Théâtre04 90 82 81 40www.operatheatredavignon.frFESTIVALSBaroque… aujourd’hui ?Pour sa 9 e édition le festival Mars <strong>en</strong> baroque, àl’initiative de l’<strong>en</strong>semble Concerto Soave dirigé parJean-Marc Aymes, pose des questions relatives àl’art baroque musical, dont l’interprétation a bi<strong>en</strong>évolué depuis quelques déc<strong>en</strong>nies : «Pourquoi jouerla musique baroque <strong>en</strong> 2011 ? Quelles sont les limitesde cet art qui a marqué l’Europe p<strong>en</strong>dant un siècleet demi ? Comm<strong>en</strong>t la recherche musicologique peutellecontribuer à <strong>en</strong>richir l’émotion artistique ? Lamusique baroque s’<strong>en</strong>richit-elle des contacts avecd’autres musiques, europé<strong>en</strong>nes ou non ?». On assisteà des tables-rondes et confér<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> margedes concerts, dont le premier est dansé «à la courde Mantoue», joué par Concerto Soave avec la compagnieIl Ballarino (le 11 mars à 20h30 auThéâtre des Salins à Martigues).Dans son église coutumière à Marseille (Ste Catherine),on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des artistes rompus au style baroque :la soprano Raphaële K<strong>en</strong>nedy (le 13 mars à 18h),le violoncelliste Roel Dielti<strong>en</strong>s (le 16 mars à20h), Luca Guglielmi au clavecin & pianoforte (le17 mars à 20h) et la soprano Stéphanie Révidatavec La Simphonie du Marais, Hugo Reyne et sesflûtes et hautbois (Cantates & Sonates - le 19mars à 20h).Le concert de clôture annonce des «lam<strong>en</strong>ti» baroqueset une création contemporaine de PhilippeGoutt<strong>en</strong>oire avec María Cristina Kiehr (soprano)Concerto Soave et Jean-Marc Aymes aux claviers,l’<strong>en</strong>semble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabédian(le 23 mars à 20h St Cannat – Marseille).Mars <strong>en</strong> baroque. Du 7 au 23 marsMARTIGUES. Théâtre des Salins04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.frMARSEILLE. 04 96 11 04 61www.espaceculture.netProgramme complet surwww.concerto-soave.comAmanda Favier © X-D.R.Création au fémininLa compagnie Les Bijoux Indiscrets (dir. ClaireBodin) organise, dans le Var, la première éditiond’un festival intitulé Prés<strong>en</strong>ces Féminines. Lesmanifestations s’articul<strong>en</strong>t autour de quatreconcerts et des opus d’Elisabeth Jacquet de laGuerre, Hélène de Montgeroult, Marie Bigot, JulieCandeille, Pauline Viardot, Louise Farr<strong>en</strong>c, MelBonis, Cécile Chaminade, Loïsa, Puget, Sophie Gail,Nadia et Lili Boulanger, Marie Jaël… tant decréatrices (et il y <strong>en</strong> a !) souv<strong>en</strong>t «négligées» parl’histoire musicale et les programmes traditionnelsde récitals.À l’affiche : Sonates et trios (le 8 mars à 20h àSix-Fours Théâtre Daudet – <strong>en</strong>trée libre 04 94 74 7779), Compositrices et interprètes au clavier(Concert – lecture le 9 mars à 18h30 ThéâtreMarelios à La Valette - 04 94 23 62 06), Romanceset mélodies (le 10 mars à 20h30 Espace MarcBaron à Saint-Mandrier 0892 68 36 22), Musiquechez Madame de Pompadour (le 12 mars à20h30 au Musée d’Art de Toulon 0892 68 36 22).Confér<strong>en</strong>ces à Toulon au Conservatoire (<strong>en</strong>tréelibre) : Les Compositrices françaises de 1789 à1914 (le 11 mars à 18h Théâtre Jean Racine) etÊtre une femme musici<strong>en</strong>ne sous l’Anci<strong>en</strong> Régime(le 12 mars à 14h30 Auditorium).06 42 12 32 31www.lesbijouxindiscrets.orgConservatoire : 04 94 93 34 29www.cnrr.tpm-agglo.fr«Protest songes»Le 14 mars au Théâtre de L<strong>en</strong>che dans le cadre dufestival Avec le temps (voir p 44), un Concert-Cabaret par le Collectif Musical Gastine : sixmusici<strong>en</strong>s/chanteurs autour d’Anne (composition)et Philippe Gastine (texte) mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène(Joëlle Gattino) des chants de protestation auxacc<strong>en</strong>ts de Kurt Weill, Eric Satie… avec légèreté,fantaisie et rêve.MARSEILLE. Théâtre de L<strong>en</strong>che.04 91 91 52 22www.picturmusic.com04 91 48 74 62


Lieder et compagnie…Christine Kattner (mezzo) chante des Lieder de Schubert et des mélodies deDuparc et Berlioz avec Vladik Polionov au piano (le 18 fév. à 21h au Théâtredu Golfe).C’est l’un des mom<strong>en</strong>ts forts des 3 e musicales de février qui se prolong<strong>en</strong>tavec l’Harmonie locale (20 fév. à 15h30), un concert-confér<strong>en</strong>ce autour deFranz Liszt (22 fév. à 19h)… pour s’achever avec l’Ensemble instrum<strong>en</strong>taldu Pays d’Aix (dir. Pierre Taudou), une formidable soprano colorature quel’on regrette d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre si peu Monique Borelli et la flûtiste Emilie Iannelo(le 27 fév. à 17h – Chapelle des Pénit<strong>en</strong>ts).LA CIOTAT. Jusqu’au 27 fév04 42 08 88 00www.laciotat.comCONTEMPORAINEObjectif luneLe Pierrot lunaire d’Arnold Scho<strong>en</strong>berg est une fusée expressionniste qui marque,dès 1912, l’histoire de la musique <strong>en</strong> conjuguant un langage atonal savantet un traitem<strong>en</strong>t vocal révolutionnaire. Les 21 poésies, candides ou barbares,capricieuses, ironiques ou mélancoliques, traduites du symboliste Albert Giraud,sont conçues comme un mélodrame où le père de l’École de Vi<strong>en</strong>ne oppose au chantclassique de l’opéra le Sprechgesang (chant parlé) : une forme inédite d’alliageverbe et musique.Raoul Lay modélise une interprétation respectant les passages à des hauteursobligées où la soprano Brigitte Peyré trouve, dans la déclamation, un vrai naturel.Les instrum<strong>en</strong>tistes dress<strong>en</strong>t autour d’elle une coque de trémolos feutrés etnocturnals. De surcroît, l’Ensemble Télémaque innove <strong>en</strong> imaginant une véritablecréation théâtrale, mise <strong>en</strong> scène par R<strong>en</strong>aud Marie Leblanc (écritureSuzanne Joubert), qui joue son propre personnage et veut imposer sa visioncabaret face à une diva forcém<strong>en</strong>t lyrique…CAVAILLON. Pierrot lunatique le 8 mars04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.comRésid<strong>en</strong>ce de création au 3bisf jusqu’au 25 fév(ateliers, travail d’acteur, mise scène, répétitions publiques…)L'Ensemble Telemaque © Agnès MellonPassage à l’acteAlban Berg a composé au début des années vingt, l’un des chefs-d’œuvre lyriquedu XX e siècle, et plus généralem<strong>en</strong>t de l’histoire de la musique : Wozzeck.Le texte allemand adapté du drame de Georg Büchner est fardé d‘une musiquepuissante, expressionniste, atonale… Mais malgré le modernisme de sonlangage, le grand public semble aujourd’hui <strong>en</strong> mesure d’<strong>en</strong> goûter les richesses.Il se laisse porter par le drame vécu par le soldat Wozzeck, certes psychologiquem<strong>en</strong>tinstable, mais poussé au passage à l’acte meurtrier par la pressionsociale, sci<strong>en</strong>tifique et affective. Tr<strong>en</strong>te ans après sa dernière représ<strong>en</strong>tation àMarseille, on découvre cette nouvelle coproduction (avec Vlaamse Opera etl’Opéra de Monte-Carlo) dirigée par Lawr<strong>en</strong>ce Foster, mise <strong>en</strong> scène par GuyJoost<strong>en</strong> avec Joch<strong>en</strong> Schmeck<strong>en</strong>becher (Wozzeck), Heidi Brunner (Marie).MARSEILLE. Les 12, 15, 18 mars à 20h et le 20 mars à 14h30 Opéra04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr


42MUSIQUEAU PROGRAMME«De la couleur»C’est l’un des Trois poèmes élastiques de BlaiseC<strong>en</strong>drars, mis <strong>en</strong> musique par Marius Constant,évoquant le peintre Chagall qui donne son titre auconcert de Musicatreize. Roland Hayrabedianpropose des œuvres qui tiss<strong>en</strong>t des li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre lamusique et les arts visuels. Ainsi La Vénus autrottoir de Jean Dubuffet, Terre brulée II de RaoulUbac et Voilier à Cannes de Nicolas de Staël,œuvres exposée au Musée Cantini à Marseille, ontdonné naissance à Kam<strong>en</strong>aia de ChristopheBertrand et Ikhtifa de Zad Moultaka. Dans lemême esprit, la nouvelle création de FrançoisRossé Atyx s’opère de façon singulière <strong>en</strong> tissantdes li<strong>en</strong>s aléatoires <strong>en</strong>tre les 12 chanteurs, le publicet 24 tableaux prés<strong>en</strong>ts. A découvrir !MARSEILLE. Le 5 mars à 19h30 au Musée Cantini04 91 00 91 31 www.musicatreize.org«Foliephonie»Marcelle Deschênes, compositrice, pianiste,pédagogue et artiste multimédia répond à l’invitationtrimestrielle de Lucie Prod’homme pourprés<strong>en</strong>ter son œuvre.MARSEILLE. Le 14 mars à 18h15 (R<strong>en</strong>contre)et 20h30 (Concert)04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.frCHAMBREDuoR<strong>en</strong>aud Capuçon (violon) et Kathia Buniatishvili(piano) jou<strong>en</strong>t un programme royal de sonates : laSonate n°2 (Sz 76) de Bartok, la Sonate n°3 <strong>en</strong> rémineur op. 108 de Brahms et l’incontournableSonate pour violon et piano <strong>en</strong> la majeur de Franck.AVIGNON. Le 19 fév. à 20h30.Opéra-Théâtre04 90 82 81 40www.operatheatreavignon.frR<strong>en</strong>aud Capuçon © X-D.R.QuatuorLes filles du Quatuor Garance (voir Zib 37) jou<strong>en</strong>tles Quatuors à cordes K.421 de Mozart, l’Op. 80 deM<strong>en</strong>delssohn et le Quatuor américain de Dvorak.MARSEILLE. Le 13 mars à 16h30 à l’église Notre-Dame du Montwww.musiqueandco.com04 91 54 76 45Espace Culture04 96 11 04 61C.P.E. BachL’<strong>en</strong>semble Baroques Graffiti s’intéresse, pour safin du Cycle Quatuors à l’un des fils Bach ayantmarqué l’histoire de la musique. Carl PhilippEmanuel Bach (1714-1788) est l’auteur d’oratorios,de cantates, concertos, sonates et fantaisies pourclavecin qui influ<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t Haydn et Mozart. Il aégalem<strong>en</strong>t laissé un traité pédagogique «sur lavraie manière de jouer du piano». Jean-ChristopheFrisch (traverso), Sharman Plesner (alto), Eti<strong>en</strong>neMangot (violoncelle) et Jean-Paul Serra(pianoforte) jou<strong>en</strong>t quelques-uns de ses Quatuorsgalants.ARLES. Le 10 mars à 20h Temple réformé09 51 16 69 59www.baroquesgraffiti.comMARSEILLE. Le 11 mars à 20h30Bastide de la Magalone04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.fr«2, 3, 4 musiques»Le premier des trois concerts annoncés à la BibliothèqueDépartem<strong>en</strong>tale Gaston Defferre est unprélude à un cycle témoignant «des nouvelles configurationsde la musique de chambre, dans la créationcontemporaine» qui se poursuivra avec un trio puisun quatuor de l’Ensemble Télémaque (25 mars et15 avril). Le cycle affiche d’abord le duo de pianosStéphan Oliva et François Raulin pour un hommageà des musici<strong>en</strong>s qui ont marqué l’histoire du jazz(le 18 mars à 19h). Deux confér<strong>en</strong>ces de DanielDahl trait<strong>en</strong>t spécifiquem<strong>en</strong>t du sujet (les 8 et 15mars à 18h30).MARSEILLE. Bibliothèque Départem<strong>en</strong>taleEntrée libre 04 91 08 61 00 www.biblio13.frEros et ThanatosLe Quatuor Syrah formé de Louis-Alexandre Nicoliniet Marie Hafiz (violons), B<strong>en</strong>jamin Clas<strong>en</strong>(alto) et François Torresani (violoncelle) joue unprogramme de musique de chambre qui ravira lespuristes. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d l’une des œuvres de jeunessede Joseph Haydn fondant un nouveau g<strong>en</strong>re (le quatuorà cordes) qui fera florès par la suite, soit le Quatuorn°2 <strong>en</strong> mi bémol majeur op. 1. Vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite l’unedes pièces des plus prisées du répertoire, <strong>en</strong> particulierà cause de son mouvem<strong>en</strong>t l<strong>en</strong>t au rythmefunèbre : le Quatuor <strong>en</strong> ré mineur, D. 810 «La JeuneFille et la Mort» de Franz Schubert.MARSEILLE. Le 19 mars à 17h. Opéra04 91 55 11 10 www.opera.marseille.frModiglianiLes jeunes du Quatuor Modigliani poursuiv<strong>en</strong>t leurpériple méridional. Après Aix au GTP <strong>en</strong> octobre etMarseille à la Société de Musique de Chambre <strong>en</strong>janvier, on les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans la cité des papes pour unprogramme alliant Beethov<strong>en</strong> (Quatuor n°1 <strong>en</strong> famajeur, op.18 n°1) et Debussy (Quatuor <strong>en</strong> sol mineur,op. 10) avant une reprise de leur disque publiérécemm<strong>en</strong>t chez Mirare (MIR 120) consacré àM<strong>en</strong>delssohn : soit le Quatuors <strong>en</strong> fa mineur op. 80.AVIGNON. Le 8 mars à 20h30. Opéra-Théâtre04 90 82 81 40 www.operatheatreavignon.frQuintettes à v<strong>en</strong>tsL’Institut Français des Instrum<strong>en</strong>ts à V<strong>en</strong>t <strong>en</strong>collaboration avec la Cité de la Musique organise,tous les deux ans un Concours International deQuintette à V<strong>en</strong>t. C’est une manifestation uniqueau monde qui met à l’honneur de jeunes instrum<strong>en</strong>tistes(flûte, hautbois, clarinette, basson et cor)dont la 6 e édition est dédiée au compositeur H<strong>en</strong>riTomasi (pour la commémoration des 40 ans depuissa disparition). On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d ses «Cinq Danses Profaneset Sacrées» imposées <strong>en</strong> épreuve finale autourde pièces de Mozart, Reicha, Milhaud, Dvorak…MARSEILLE. Du 21 au 25 fév. Épreuves publiques(<strong>en</strong>trée libre) à la Cité de la Musique La Magalone.Remise des prix et concert des lauréats le 26 fév.04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.frInstitut Français des Instrum<strong>en</strong>ts à V<strong>en</strong>t :www.ifv.orgRECITALSJeune pianisteMartin Helmch<strong>en</strong> a remporté le Concours ClaraHaskil <strong>en</strong> 2001. Depuis, ce musici<strong>en</strong> à la s<strong>en</strong>sibiliténotoire poursuit une trajectoire remarquable…mais se produit peu <strong>en</strong> France. On découvre cetal<strong>en</strong>t dans Bach (Partita n°1 BWV 825),Scho<strong>en</strong>berg (Six miniatures op.19) M<strong>en</strong>delssohn(Romances sans paroles op. 67 6 e livret) etBeethov<strong>en</strong> (Sonate n°29 op.106 «Hammerklavier»).MARSEILLE. Le 8 mars à 20h30 Auditorium de lafaculté de médecine de la Timonewww.musiquedechambremarseille.orgEspace Culture 04 96 11 04 60Martin Helmch<strong>en</strong> © Marco Borggreve


Piano s<strong>en</strong>sibleLe pianiste israéli<strong>en</strong> Iddo Bar-Shai est un poète du piano, au toucher s<strong>en</strong>sibledéveloppant une grande musicalité. Il joue la Sonate «Funèbre» de Chopin,des Mazurkas, ainsi que deux Sonates de Haydn et Janacek.AIX. Le 14 mars à 20h30au Théâtre du Jeu de Paume.04 42 91 69 69www.legrandtheatre.netReine du bel cantoLa soprano June Anderson chante, accompagnée par l’Orchestre de l’Opéra,un florilège d’airs du bel canto et de l’opéra baroque : de Semiramide ou Otellode Rossini à La Somnambule de Bellini, mais aussi Jules César de Ha<strong>en</strong>del oul’incontournable «Casta diva»… La cinquantaine altière, voilà plus de tr<strong>en</strong>te ansque la diva triomphe sur les scènes du monde <strong>en</strong>tier ! Sûr qu’elle fera le pleinet qu’on reti<strong>en</strong>dra son souffle… Car son timbre, aujourd’hui <strong>en</strong>core, a conservéses qualités d’équilibre et d’égalité sur tout le registre, résultat d’une techniquesûre, basée sur la maîtrise de souffle, la souplesse des phrasés et des aigusfrancs et clairs. Dans les emplois bel cantistes appropriés à son c<strong>en</strong>tre de voix,June Anderson demeure une interprète hors-pair.TOULON. Le 11 mars à 20h. Opéra04 94 93 03 76www.operadetoulon.frRADIOSYMPHONIQUEÉvénem<strong>en</strong>t !Orchestre national de France © Radio France-AbramowitzEnfin Paris est à Aix ! France Musique s’installe au GTP, et diffuse <strong>en</strong> direct du4 au 11 mars. Les émissions de Dominique Boutel, Yvan Amar, B<strong>en</strong>oitDuteurtre, Lionel Esparza, Frédéric Lodéon… sont <strong>en</strong>registrées <strong>en</strong> public(<strong>en</strong>trée libre) et invit<strong>en</strong>t Perrine Mansuy, Raphaël Imbert, Angelin Preljocaj…Ce sera aussi l’occasion de rev<strong>en</strong>ir sur l’histoire du Festival d’Aix, et de sep<strong>en</strong>cher sur les dispositifs pédagogiques mis <strong>en</strong> place par le grand Théâtre.Quant aux concerts, ils permettront d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre l’Orchestre National de France,dirigé par Takuo Yuasa, qui joue la 1 re symphonie de Brahms dont la pulsationtragique initiale s’avère toujours aussi captivante. En compagnie des sœursLidia et Sanja Bizjak, la phalange nationale interprète égalem<strong>en</strong>t le Concertopour deux pianos <strong>en</strong> mi bémol majeur de Mozart (le 8 mars). Le Chœur deRadio France (dir. Matthias Brauer) interprètera quant à lui des pièces acappella, hymnes à l’amour des époux Clara et Robert Schumann, (le 11 mars).AIX. Concerts à 20h30 GTP04 42 91 69 69www.legrandtheatre.netJACQUES FRESCHEL


44 AU PROGRAMME | ACTUELLEMUSIQUEAIXThéâtre et Chansons : Lison Tremplin jeune tal<strong>en</strong>tEmilie Marsh (18/2), Sudd<strong>en</strong> (12/3)04 42 27 37 39www.theatre-et-chansons.comARLESCargo de nuit : Tu Tires ou Tu Scratches ? (19/2),Way Of House (5/3), Hidd<strong>en</strong> Orchestra (11/3), RootzUnderground (16/3)04 90 49 55 99www.cargod<strong>en</strong>uit.comAUBAGNEMJC L’Escale : Superkemia (25/2), Aim Bass (4/3)04 42 18 17 17Mjcaubagne.free.frAVIGNONLes Passagers du Zinc : Zombie zombie, Anakronicorkestra (18/2), Lee Scratch Perry, Conquering system(21/2), Faya reflex : the others, Lucid, Konaz, Atom(25/2), soirée special Belge avec Puggy & Stromae(11/3), Robin Leduc, Antoine Léonpaul (12/3)04 90 89 45 49www.passagersduzinc.comBRIANÇONThéâtre Le Cadran : Angelo Debarre Quartet (3/3),Opium par Christine Brotons et Albert Tovi (9 au 12/3)04 92 25 52 52www.theatre-le-cadran.euCHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNEAkwaba : Is it hip hop ? : Mike Ladd and Juice Aleemare the infesticons, Bleubird (18/2), Jahtari, DubWelders (26/2), Pilöt, Phosph<strong>en</strong>e (5/3), ScratchBandits crew, Rah team (12/3)04 90 22 55 54www.akwaba.coopHYÈRESThéâtre D<strong>en</strong>is : The leg<strong>en</strong>dary Tiger Man,Hifiklub (18/2), Fredrika Stahl, Red Rails (18/3)04 98 07 00 70ISTRESL’Usine : Feloche, Isaya (18/2), Tremplin découverteélectro/funk (19/2), Tremplin découverte métal(25/2), Tremplin découverte chanson (4/3), Tremplindécouverte rock (5/3), Stromae (10/3), Tête Raide,Giedre (12/3)04 42 56 02 21www.sc<strong>en</strong>esetcines.frMARSEILLEEspace Juli<strong>en</strong> : Les rois de la Suede (17/2), LeeFields et The expressions, Charles Bradley et TheM<strong>en</strong>ahan street band (26/2), Puggy (10/3)04 91 24 34 10www.espace-juli<strong>en</strong>.comCabaret Aléatoire : Sly Johnson, Yarah Bravo, AliceRussell, Beatspoke, Soulist (18/2), M.O.P, Dj Djel(25/2), Chali2na, La Rumeur (26/2), Ebony Bones,Pope Joan (4/3), Les Sales majestés (5/3), Markize,Ivalys, Pryde, Eradikal Insane, The Omega (12/3)04 95 04 95 09www.cabaret-aleatoire.comLa Machine à Coudre : Tyvek, Binaire (18/2), JackOf Heart, Johnny Division (20/2), The Needs (25/2)04 91 55 62 65www.lamachineacoudre.comLa Mesón : 4 e édition de Cordes sans cible (18 et19/2), Duo Akosh S. et Gidas Etev<strong>en</strong>ard (4 et 5/3)04 91 50 11 61www.lameson.comL’Embobineuse : Zombie Zombie, MarteauMatraque (17/2), Le Singe blanc (19/2), Bleu bird,piano chat (23/2), L’Enfance rouge, Feromil (5/3),Don Vito, Gregaldur, Sieur et Dame (14/3)04 91 50 66 09www.lembobineuse.bizNomad’Café : Sir Joe Quaterman (19/2)04 91 62 49 77www.l<strong>en</strong>omad.comThéâtre l’Antidote : Juli<strong>en</strong> Sigalas (5, 12, 19, 26/3)04 91 34 20 08Le Bicok : Lady Lana Reina, Emile Chick (24/2),Pearl (25/2)04 91 94 50 48www.lebicok.comMuzikMania : Godfathers of Funk (18/2)04 91 44 26 38www.reverbnation.com/muzikomaniaMARTIGUESThéâtre Les Salins: Pink Kong du groupe DuOud (9/3)04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.frVITROLLESChapiteau Kiffa : Hybride festival avec Kronos,Destinity, Sail<strong>en</strong>ce, B<strong>en</strong>ighted, Manimal, My OwnPrivate Alaska, Andreas & Nicolas… (4 et 5/3)04 42 02 46 50MAUBECLa Gare : If if Betwe<strong>en</strong>, Le Singe blanc (18/2), Weused to have a band, Bertrand Belin (25/2), FreeBeans, Syncopera (4/3), Les Ballyshannons (11/3)04 90 76 84 38www.aveclagare.orgNÎMESThéâtre : Coming Soon (12/3)04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.comSALON-DE-PROVENCEPortail Coucou : Adam Bomb (4/3), carte blancheà Garage (12/3)04 90 56 27 99www.portail-coucou.comTOULONOméga Live : Soirée Zoo électro (19/2), soirée des20 ans de Ninja Tune (10/3), soirée UK Bass (12/3)04 98 070 070www.tandem83.comSouad Massi © X-D.R.Toujoursà tempsDu 12 au 23 mars, Marseille a r<strong>en</strong>dez-vous avec lachanson avec comme point d’ancrage la plate formede l’Espace Juli<strong>en</strong>. Le désormais att<strong>en</strong>du festivalAvec le Temps diffusera la bonne parole sur lascène du cours Juli<strong>en</strong> mais égalem<strong>en</strong>t dans deslieux satellites comme L’éoli<strong>en</strong>ne, Le L<strong>en</strong>che, LeParvis des Arts, le Théâtre des 3 Act, le Dock desSuds, Le Cri du Port, La Machine à Coudre et leNomad Café. On y retrouve certaines têtesd’affiche qui sembl<strong>en</strong>t élire domicile sur la scènephocé<strong>en</strong>ne (Arno, Bernard Lavilliers, Abd AlMalik), et d’autres comme Souad Massi (17 marsEspace Juli<strong>en</strong>) et CharlElie (19 mars Espace Juli<strong>en</strong>)qui se (re)découvriront avec plaisir. Après sonpassage remarqué aux Aulnes Rouges l’été dernier,Pigalle (accompagné des Hurlem<strong>en</strong>ts d’Léo)soignera certainem<strong>en</strong>t son grand retour sur scène(15 mars Espace Juli<strong>en</strong>). Art M<strong>en</strong>go (16 marsEspace Juli<strong>en</strong>), B<strong>en</strong> l’Oncle Soul (17 mars Docksdes Suds) et Zaz (18 mars Espace Juli<strong>en</strong>)complèteront un plateau pléthorique ! Et c’est sanscompter les nouveaux tal<strong>en</strong>ts qui ne manqu<strong>en</strong>t pas,citons parmi eux Balbino Medellin, BertrandPierre, Chloé Lacan, Avis de Bâtard, Usthiax,Gaïo, Mi, Imbert Imbert, Maison Rouge…Histoire de ne pas s’<strong>en</strong>nuyer, le Café Juli<strong>en</strong> vibreraau son des platines de DJ Big Buddha tous les soirsavant et… après le concert !FRÉDÉRIC ISOLETTAwww.festival-avecletemps.comLes femmesd’abordSaint-Martin de Crau accueille la 9 e édition duFestival Voix de Femmes du 12 au 26 mars. Avecune féminité qui se décline sous toutes ses formes :concerts, r<strong>en</strong>contres, projections… Vis à vies, LasHermanas Caronni, Anne Baquet, Jeanna Plante,Joyce Jonathan, Djazia Satour, Le Trio F, maisaussi Natasha St Pier et Isaya, magnifique duodécouvert à l’occasion de la dernière édition desAulnes Rouges il y a six mois.F.I.www.festivalsrock.com/Festival-Festival_Voix_de_Femmes


MUSIQUE 45AGEND’JAZZARLESLe Boatel (péniche)ZEF quartet (4/3)06 08 605 324 www.leboatel.comAUBAGNEMJC L’EscaleNightingales (17/2 à 19h), Rémi Abram 4tet (17/3)Les Jeudis de L’Escale : Café-Jazz avec le trio LaDiMatous les 3 e Jeudis du mois et Soirée-Bœuf tous les 2 ejeudis du mois04 42 181 717 www.mjcaubagne.frAVIGNONAJMISylvia Versini-Campinchi octet(17/2 à 20h30),B<strong>en</strong>jamin Moussay Trio (25/2 à 20h30), Kami 5tet (4/3à 20h30), Pierre Christophe 4tet (11/3 à 20h30), JazzStory N°4 Le Vibraphone avec Bernard Jean (17/3 à20h30 ou dès 19h30 pour grignoter), Sébasti<strong>en</strong>Cicorella trio (18/3 à 20h30)La Manut<strong>en</strong>tion 04 90 860 861 www.jazzalajmi.comBRIANÇONThéâtre Le CadranAtelier Jazz et concert avec Passport Quartet <strong>en</strong> diverslieux de la communauté des communes duBriançonnais(19/02 et 20/04)04 92 255 252 www.theatre-le-cadran.euHYERESThéâtre D<strong>en</strong>isAri Ho<strong>en</strong>ig Trio (19/2 à 21h00), Leçon de jazz «DukeEllington» par Antoine Hervé (12/3 à 21h00)www.jazzaporqueroles.org 06 31 798 190MARSEILLEAuditorium des ABD2, 3, 4 Musiques - Duo de piano Oliva&Raulin (18/3 à 19h)0491 086 100 www.biblio13.frAnges et DiablesPaolo Fresu est l’invité du Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ceavec le quartet mouvant Devil 4T. Le trompettiste–dont la r<strong>en</strong>ommée internationale n’est plus à fairedepuis son CD Angel et sa collaboration avec Carla Bleypour The lost chords- était accompagné de PaolinoDalla Porta à la contre basse, Roberto Cecchettoà la guitare et le batteur montpelliérain Joël Allouchepour un set fait de ballades et d’instants sonores plutôtjazz-rock, à la trompette ou au bugle, trèsélectronique. La mise <strong>en</strong> lumière efficace parachevaitle s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’une belle soirée, sage, variée etvirtuose. DAN WARZYCe concert a eu lieu le 8 févrierPartageDe nouvelles compositions du batteur-percussionisteAhmad Compaoré, fruits d’une résid<strong>en</strong>cede création à La Boîte à Musique à La Friche, étai<strong>en</strong>tprés<strong>en</strong>tées le 28 janvier à La Meson. Une balladedémarre avec Raphaël Imbert aux saxophones.On semble deviner My favorite things mais non !Les thèmes sont issus de métissages complexeset d’improvisations. Hervé Samb à la guitare apportele caractère déjanté de ses effets sonores,Paolo Fresu © Roberto CifarelliCité de la Musique - La CaveDuo Luzi Nascim<strong>en</strong>to (18/2 à 21h), 5tet à Gospel &Gospel Time (18/3 à 21h)04 91 392 828 www.citemusique-marseille.comCri du PortCe monde autour de moi - création jeune public (20/2à 17h30), Jean Duino trio (10/3 à 20h30), MoniqueHutter-Daniel Huck 4tet (17/3 à 20h30)04 91 504 151www.criduport.frInga des RiauxSwinging Papy’s (18/2), Claudia Meyer (24/2), AbramJazz4tet (25/2)06 07 575 558www.inga-des-riaux.fr/music.htmlLe ParadoxDaedalus Spirit Orchestra (19/2), Jamse&Lied? (20/2),JB’s & L’Echapée Belle & Guests (24/2), Maycad (3/3),Hofmann Family Blues Expéri<strong>en</strong>ce (10/3)04 91 631 465www.leparadox.frLe Polygone étoiléMusique, on tourne ! Film musicaux : Born to Lose(19/2 à 18h), Hardtime killing floor Blues(19/2 à21h30), Man no run (26/2 à 20h)04 91 24 89 71www.peuple-et-culture.orgThéâtre de la CriéeBernard Jean -vibraphone (11/3 à 21h30) Cabaret Jazz04 96 178 031www.theatre-lacriee.comRoll’ StudioJohnAZZ collectif 4tet (05/03 à 18h30), Elsy Flerag(12/3 à 18h30), Divina 4tet (19/3 à 18h30)04 91 644 315www.rollstudio.frLa MesònSamuel Karpi<strong>en</strong>ia et Stéphane Galeski (18/2 à 20h),Ablaye Cissoko et Volker Goetze (19/2 à 20h), AkoshSzelevényi & Gildas Etev<strong>en</strong>ard (4 et 5/3 à 20h)www.lameson.comStéphane Mondésir aux claviers et programmingélabore un équilibre harmonique pour le perturberaussitôt. Guitare basse et contrebasse sontt<strong>en</strong>ues par Sylvain Terminiello pour un bainbouillonnant auquel se joign<strong>en</strong>t d’autres musici<strong>en</strong>s,un guitariste, le trompettiste ChristopheLeloil pour un final très jazz-rock. Musique quiexpérim<strong>en</strong>te assurém<strong>en</strong>t, dans l’échange etl’écoute, devant un public <strong>en</strong> partage. D.W.MIRAMASComoediaDmitri Baevsky 4tet (10/3 à 21h)04 90 500 526 www.sc<strong>en</strong>esetcines.frOLLIOULLESRoyal Jazz ClubRémi Abram 4tet (5/3 à 21h), Lionel Dandine 4tet(12/3 à 21h)www.myspace.com/royaljazzclubSALON DE PROVENCESalon de Musique / IMFPJonathan Kreisberg (6/3 à 18h), Gérard Guérin 4tet(8/3 à 20h), Christian Brazier 5tet (15/3 à 20h), Jamsessions les lundis et mercredis de 19 à 23h0004 90 531 252 salondemusique@imfp.frLA SEYNE-SUR-MERDamero BarScène ouverte acoustique tous les mercredis / SoiréeSalsa les mardis06 28 475 294 www.myspace.com/damerobarVITROLLESMoulin à JazzMasterclass de guitare avec Manu Codjia et FrançoisArnold (11/3), Duo Handprint & François Arnold Trio(12/3 à 21h00)04 42 796 360 www.charliefree.com


46MUSIQUE ACTUELLECorrespondances spirituellesBlind-Testau Roll’StudioLes rigueurs de l’hiver n’altèr<strong>en</strong>t pas le côté chaleureuxdu Roll’Studio qui a accueilli le Trio T<strong>en</strong>tikcomposé de Fabi<strong>en</strong> G<strong>en</strong>ais aux saxophones, JeanMichel Troccaz à la batterie et R<strong>en</strong>aud Matchoulianà la guitare et banjo alto, pour une soirée auxmusiques très diverses et réappropriées de façoncréative, avec brio. Standards du jazz de Manu Dibangoou Dave Brubeck, mais aussi Brel ou <strong>en</strong>corele répertoire de musique traditionnelle d’Europe del’Est. Le public a même joué le jeu pour retrouvertitres et noms des compositeurs. Fabi<strong>en</strong> G<strong>en</strong>ais amontré un réel tal<strong>en</strong>t d’improvisateur <strong>en</strong> démontantles mécanismes mélodiques etharmoniques de chaque piècejouée. Avec sa formationMéandres, il a été lauréatdu Tremplin Jazz àPorquerolles <strong>en</strong> 2010.Tous nos vœux de succèsl’accompagn<strong>en</strong>t !D.W.Ce concerta eu lieu auRoll’Studiole 25 janvierwww.myspace.com/fabg<strong>en</strong>aisFabi<strong>en</strong> G<strong>en</strong>ais© Dan Warzy© Claude RiviereIls jouai<strong>en</strong>t ce programme très émouvant,issu du projet Bach-Coltrane quia fait leur succès, pour la dernière fois<strong>en</strong> concert : Michel Rossi conduit l<strong>en</strong>ouvel orgue numérique de l’église StMichel de Cassis (finis les tuyaux !),accompagné de Raphaël Imbert à laclarinette basse et aux saxophones,Jean-Luc Di Fraya aux percussions etvoix, Pierre F<strong>en</strong>ichel à la contrebasse.Pourquoi unir Bach et Coltrane, deuxmusici<strong>en</strong>s si éloignés dans le temps ?Raphaël Imbert explique les li<strong>en</strong>s, lemysticisme des deux musici<strong>en</strong>s, leurart des cad<strong>en</strong>ces si proche, leur géniecommun de l’improvisation, terreaude leurs univers respectifs. Puis illance de brillants arpèges qui interrog<strong>en</strong>tl’ess<strong>en</strong>ce même du monde. Unepartita de Bach s’orchestre à l’orgue,une rythmique de bossa se greffe, lesmondes se juxtapos<strong>en</strong>t puis se fond<strong>en</strong>t.Car c’est un choral luthéri<strong>en</strong> duXVI e qui scella la r<strong>en</strong>contre des musici<strong>en</strong>sau Conservatoire, les am<strong>en</strong>a àmêler jazz et baroque, à faire le bœufautour de la basse continue de l’orgue…Les morceaux sont développés<strong>en</strong> choral, contrepoint et inévitablem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> improvisation. QuelqueLui avec euxUn événem<strong>en</strong>t que ce programme musical, issu duCD Fr<strong>en</strong>ch Suite de Thomas Savy ! Une grande maturitétransparaît chez ce jazzman à la clarinettebasse. Deux acolytes sont avec lui pour ce concert :Fabi<strong>en</strong> Moreau, batteur au toucher fin et auxPrès de l’âmeV<strong>en</strong>ue des USA où elle vit désormais, Alexandra Grimal(saxophones) nous a offert quelques heures degrâce. Manolo Cabras (contrebasse), João Lobo (Batterie),Giavanni Di Dom<strong>en</strong>ico (piano) complèt<strong>en</strong>tson 4tet. Dès les premiers sons émis, une atmosphèreétrange <strong>en</strong>vahit la salle. Un langage hors ducommun s’articule, se développe, jamais à court d’argum<strong>en</strong>ts.On songe aux paysages brumeux du GrandMeaulnes ! Alexandra Grimal passe d’un saxo à l’autrepour maint<strong>en</strong>ir un flux musical d<strong>en</strong>se, changerla couleur, rester <strong>en</strong> alerte, <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir le mouvem<strong>en</strong>t.Durant les mom<strong>en</strong>ts de respiration la saxophonisteporte son instrum<strong>en</strong>t amoureusem<strong>en</strong>t contre soncorps, et c’est son âme que l’on voit. D.W.Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz le 5 févrierCD Seminare V<strong>en</strong>to Free Lance / CD Ghibli Label sansbruit²Thomas Savy © Dan WarzyAlexandra Grimal © Dan Warzychose de très aéri<strong>en</strong> <strong>en</strong>vahit et subjuguel’auditoire à partir de grillesharmoniques simples qui sans cesses’<strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t. La voix, le son desv<strong>en</strong>ts, la basse qui s’obstine et l’orguequi éclate nous emmèn<strong>en</strong>t aux anges,vers l’harmonie des sphères. Nouscompr<strong>en</strong>ons ainsi <strong>en</strong> quoi les ligneset les couleurs de Coltrane et de Bachse répond<strong>en</strong>t. Nouveau projet àsuivre : Mozart/Duke Ellington... le 5avril au Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce !DAN WARZY ET MARYVONNE COLOMBANICe concert a eu lieu<strong>en</strong> l’Eglise Saint Michelà Cassis le 23 janvierCD : Bach-ColtraneRaphaël Imbert Project ZZT080101illustrations contrastées, et Stephane Kerecki à lacontrebasse, qui distille une grande émotion. Letrio se démarque par une expressivité singulière.Les emballem<strong>en</strong>ts se déploi<strong>en</strong>t, la t<strong>en</strong>sion monte,les sons chemin<strong>en</strong>t du très grave aux extrêmesaigus. D’un écoulem<strong>en</strong>t turbul<strong>en</strong>t on t<strong>en</strong>d versl’accalmie, <strong>en</strong> conservant toujours un très grandlyrisme. La clarinette basse est dévoreuse d’énergiemais Thomas Savy <strong>en</strong> a à rev<strong>en</strong>dre... Un concertexceptionnel !DAN WARZYCe concert a eu lieu le22 janvier au Moulinà Jazz de VitrollesCD Fr<strong>en</strong>ch Suite Thomas Savy/Scott Colley/Bill Stewart-PlusLoinMusic Harmonia-Mundi


RacinesÀ l’origine le travail d’un photographe, Thomas Heuer,fou des arbres la nuit ; ses clichés arg<strong>en</strong>tiques, auxlongs temps de pose, personnifi<strong>en</strong>t des végétauxnimbés de lune, inspirant à Santu Massiani et DominiqueColonna des poèmes concis, que le groupel’Alba ont mis <strong>en</strong> musique. Les amers de l’île sontd’abord évoqués : I fanali (les sémaphores), chantsobrem<strong>en</strong>t accompagné à la cetera, (le cistre), instrum<strong>en</strong>ttraditionnel. Suiv<strong>en</strong>t les acc<strong>en</strong>ts tziganesd’un violon qui, avant le très dépouillé Di l’Alba,aux mélismes teintés d’Ori<strong>en</strong>t, dans lequel le timbrede la guitare, arpégée dans un style arabo-andalou,semble celui d’une viole d’amour. Retour au cantusacru, avec un Libera me chanté à cinq qui permetd’apprécier a cappella les voix d’une rare qualitéd’un jeune groupe qui ne craint pas de s’ouvrir à desinflu<strong>en</strong>ces diverses : ainsi, dans le chant A Mane Aresu(Matin rasant), la voix haut perchée du chanteur,comme dans le flam<strong>en</strong>co, s’appuie sur une bassebourdoncontinu et un violon aux acc<strong>en</strong>ts hispaniques.Batelli (Navires) s’achève sur une mélopée lancinante,répétée à l’infini, qui semble vouloir emporterles spectateurs dans son sillage… ce qui d’ailleursadvi<strong>en</strong>dra avec le superbe Sta Mane dont la voixsolo, calée sur la rythmique du Kyrie des polyphonistes,conduit à l’apothéose !JEAN-MATHIEU COLOMBANIAtemporelRapprocher dans un même concert Monteverdi etPiazzolla peut sembler étrange. Plus de trois sièclesles sépar<strong>en</strong>t ! Mais le baroque ti<strong>en</strong>t une place privilégiéeparmi les sources savantes du tango, et cesdeux compositeurs ont connu des cheminem<strong>en</strong>tsparallèles <strong>en</strong> r<strong>en</strong>ouvelant profondém<strong>en</strong>t le g<strong>en</strong>remusical dans lequel ils évoluai<strong>en</strong>t.La salle comble du théâtre de Dracénie s’emplitd’une voix nue. Ess<strong>en</strong>ce du tango, le phrasé à peinevoilé de Diego Flores tisse <strong>en</strong>tre le quotidi<strong>en</strong> etl’art d’intimes résonances. Les instrum<strong>en</strong>ts traditionnelsdu tango esquiss<strong>en</strong>t leur première cad<strong>en</strong>ce,pulsations l<strong>en</strong>tes où le corps des danseurs rêve,hersant l’espace scénique de ces pas codifiés paradoxalem<strong>en</strong>tporteurs d’une étonnante liberté. Aubaryton répond le superbe soprano de MarianaFlores. Un son ample, colonne nuancée, qui se jouedes clichés avec humour : ironie des mélismes, etConcert donné le 21 janvier à V<strong>en</strong>tabr<strong>en</strong>CD : Radiche Suprane L’AlbaMonteverdi Piazzolla © Ambronay B. Pich<strong>en</strong>eMUSIQUE47de l’emphase de certaines notes t<strong>en</strong>ues, mais aussit<strong>en</strong>sion subtile des émotions. Monde d’échos, lesmusiques se salu<strong>en</strong>t, se contamin<strong>en</strong>t, les instrum<strong>en</strong>tsgliss<strong>en</strong>t de l’une à l’autre, téorbe ou guitareélectrique pour cet air baroque, piano ou orguepour ce tango ? Merveilleuse dynamique où lesvolutes du baroque s’<strong>en</strong>lac<strong>en</strong>t aux pulsations dutango : même lorsque la voix raconte, simplem<strong>en</strong>t,se press<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t déjà les accords futurs… Lesépoques se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> des instants susp<strong>en</strong>dusd’éternité.M.C.Monteverdi/Piazzolla Angel & Demonios’est donné le 11 février à Draguignan© X-D.RLe livre de Thomas Heuer est publié aux EditionsAlain Piazzola à AjaccioTraditionnel d’iciAubagne, terre de Pagnol et des crèches, accueillaitgaloubets, tambourins, la chorale l’Escolo de laRibo et l’incontournable André Gabriel, mestretambourinaire. L’Escandihado, un groupe jovialaux costumes prov<strong>en</strong>çaux, proposait une march<strong>en</strong>apoléoni<strong>en</strong>ne, des Noëls de Saboly, et la Chorale<strong>en</strong>tonnait chants issus de la Pastorale Maurel, sansoublier la célébrissime Mazurka souto li pin, avecun effectif manquant hélas de voix d’hommes.Gabriel et ses deux jeunes compères survolai<strong>en</strong>t lesdifficultés d’un Air à variations de Pascal Arnaud,et un m<strong>en</strong>uet <strong>en</strong>diablé, de 1800. LesTambourinaires du Pays d’Aubagne interprétai<strong>en</strong>tdanses de salon, rigaudons, cotillons du Roy auxsonorités puissantes, rythmées par des tambourinsaux rythmes réguliers. Et le concert se clôturaitavec la Coupo Santo de Frédéric Mistral, coupe quela Catalogne offrit à la Prov<strong>en</strong>ce, sœur de langue.Des choristes, dont certains ont quatre-vingt ans,habit<strong>en</strong>t ces chants et ces jolies mélodies, dirigéspar Jean Martin, patriarche <strong>en</strong>thousiaste. Desfragilités vocales bi<strong>en</strong> sûr, mais une musique qui ala Prov<strong>en</strong>ce comme capitale : pourquoi seules lesmusiques traditionnelles d’ici serai<strong>en</strong>t-ellesregardées comme ringardes ?YVES BERGÉ© Yves Bergé


48CAHIER JEUNESSEMUSÉE ZIEM | PRIX DES LYCÉENS ET APPRENTISPetit amateur devi<strong>en</strong>dra grand !Le musée Ziem à Martigues, dès lesannées 80, a intégré un service despublics particulièrem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tif auxjeunes. Du coup il n’est pas rare decroiser dans les salles de jeunes <strong>en</strong>fantsqui tir<strong>en</strong>t leurs par<strong>en</strong>ts par la manchedevant des œuvres qu’eux seulsconnaiss<strong>en</strong>t… C’est l’effet boomerang !Heureux élus des ateliers, ils sont aucœur des œuvres comme des poissonsdans l’eau puisqu’ils ont appris ànager avec Céline Laudrin (responsable),Auréli<strong>en</strong> Gonzalez (adjoint) etClaire Malaval (médiatrice). Ils sontv<strong>en</strong>us dans le cadre scolaire (de lacrèche à la terminale pour les établissem<strong>en</strong>tsde Martigues principalem<strong>en</strong>t, etdes <strong>en</strong>virons), p<strong>en</strong>dant leurs vacances(stage d’une semaine), à titre individuel(inscription annuelle qui demanderégularité et fidélité) ou à l’occasiond’un séjour <strong>en</strong> c<strong>en</strong>tres de loisirs… Lesoccasions ne manqu<strong>en</strong>t pas de formerleur regard à l’<strong>en</strong>trelacs des formes, lasuperposition des couleurs, la brisured’une ligne, au gré des expositionstemporaires et de l’accrochage sanscesse r<strong>en</strong>ouvelé des collections. Car leservice des publics colle à l’actualité dumusée pour concevoir des ateliers surmesureet porter un éclairage àchaque fois différ<strong>en</strong>t. En début d’annéepar exemple, les compositions monum<strong>en</strong>taleset abstraites d’Olivier Debré(expo temporaire) comme les toilesd’Alphonse Monticelli (collection) ontété le support à un parcours de s<strong>en</strong>sibilisation<strong>en</strong> deux temps : d’abord ladécouverte in situ des œuvres puis lapratique ouverte à tous les médiums.Croquis dans les salles au crayon grisou au pastel aquarelable, peinture ausol et grands formats, travail à l’<strong>en</strong>crepour l’étude d’un détail et, hors tempsscolaire, reportage photographique. Enfévrier, dès l’ouverture de l’expositionpatrimoniale De la réalité au rêve :l’objet ethnographique et sa représ<strong>en</strong>tation,ils exploreront ce qu’il se passe<strong>en</strong>tre l’objet concret et sa représ<strong>en</strong>tationartistique dans un tableau. Encomm<strong>en</strong>çant par compr<strong>en</strong>dre la notiond’ethnographie, puis <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ant«de petits explorateurs du quotidi<strong>en</strong>» quis’interrogeront sur leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tet le compareront à celui d’autrefois.Dans le temps scolaire, les modulessont conçus avec le conseiller pédagogique<strong>en</strong> arts visuels attaché à l’Inspectionacadémique et les professeurs d’artsplastiques : objectifs, création d’unemallette pédagogique, élaboration dejeux… autant de pistes exploitées demanière ludique. La preuve avec la«fête anniversaire au musée» quiemporte un vif succès, mêlant art,gourmandise et cotillon.M.G.-G.Atelier pour <strong>en</strong>fants du musee Ziem © Delphine WagnerAtelier pour <strong>en</strong>fants du musee Ziem © Delphine WagnerChiffres-clés année 2010+ de 2000 scolaires+ de 200 <strong>en</strong>fants de crèches+ de 600 <strong>en</strong> ateliers individuels+ de 100 goûters-anniversaires+ de 100 <strong>en</strong> c<strong>en</strong>tres de loisirs+ de 300 <strong>en</strong> maisons de quartieret c<strong>en</strong>tres sociaux+ de 40 <strong>en</strong> situation de handicapMusée Ziem, Martigues,service des publics04 42 41 39 50www.musees-mediterranee.orgLes livres <strong>en</strong> partageLe 2 e Forum littéraire des lycé<strong>en</strong>s et des appr<strong>en</strong>tisde la Région Paca a rassemblé jeunes lecteurs,<strong>en</strong>seignants et auteurs à la Friche. Une belle r<strong>en</strong>contreà laquelle ne manquait que Lyonel Trouillot,auteur haïti<strong>en</strong>, dont la visite est annoncée dans leslycées <strong>en</strong> mars.De nombreuses questions ont tourné autour del’adaptation des textes <strong>en</strong> BD. Alfred qui a utilisé leroman de Guillaume Guéraud, Je mourrai pas gibier(éd. Le Rouergue), a déclaré que l’auteur lui avaitlaissé les droits de l’ouvrage et n’a pris connaissanceque du produit fini : «L’adaptation amène le texte unpeu ailleurs... il faut pr<strong>en</strong>dre le parti de la confiance».Mais Alfred travaille seul alors que les auteurs de BDsont souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> binômes, y trouvant une stimulation,comme le confie Antoine Bauza, scénariste deL’<strong>en</strong>cre du passé avec Maël, le dessinateur. Les auteurssont interrogés sur leur rapport à l’image : ils déclar<strong>en</strong>técrire <strong>en</strong> images, certains avou<strong>en</strong>t qu’ils secach<strong>en</strong>t derrière leurs dessins... C’est le cas de MichelRabagliati, le trucul<strong>en</strong>t québécois, qui a créé avec Paul,son personnage, une série teintée d’autobiographie.Grégoire Hervier a été l’objet de plusieurs questionssur la réalité de l’univers qu’il décrit dans Z<strong>en</strong> City(voir p 68). Roman d’anticipation certes, mais sur desbases d’actualité avec l’intrusion dans la vie privée parla surveillance à tout va, grâce à la technologie del’id<strong>en</strong>tification par radiofréqu<strong>en</strong>ce (RFID) ; tout celaexiste déjà avec la reconnaissance des voitures auxpéages, par exemple. L’auteur déclare mettre <strong>en</strong>garde contre les dérives, et le message est reçu.Les questions posées à Sorj Chalandon pour Lalég<strong>en</strong>de de nos pères ont donné lieu à une comparaisonpertin<strong>en</strong>te <strong>en</strong>tre ce qu’il appelle «l’écriture dujour», c’est à dire l’écriture journalistique qui le faitvivre, celle de l’urg<strong>en</strong>ce et de la rigueur, et «l’écriturede la nuit», écriture romanesque, fictive qui laisseplace à la liberté de la création et lui permet de nepas s’assécher.Les auteurs n’ont pas manqué de dire le respect qu’ilsavai<strong>en</strong>t pour les échanges avec les lycé<strong>en</strong>s et pourun Prix sans magouille, ni trucage, ni soupçon. Un belhommage !CHRIS BOURGUE


L’effet papillonIl r<strong>en</strong>tre dans l’arène pieds nus, mini-robe blanchesous long manteau sombre, un brin hagard et plutôtbavard. Juli<strong>en</strong> Candy n’est pas candide, bi<strong>en</strong> qu’il rêve«d’amour originel», mais son drôle d’inv<strong>en</strong>taire à laPrévert souffle réellem<strong>en</strong>t la poésie durant 1 petiteheure. Des papillons de papier qui vol<strong>en</strong>t au boutd’une faux, des bilboquets qui s’accord<strong>en</strong>t avec unmétronome, des tourne-disques réinv<strong>en</strong>tés, des listesde pays qui se racont<strong>en</strong>t (par peur de les voirs’<strong>en</strong>voler ?), des balles rouges qui voltig<strong>en</strong>t sur desscies géantes… Dans son Cirque précaire, tout estprétexte au détournem<strong>en</strong>t inv<strong>en</strong>tif d’objetssaugr<strong>en</strong>us, d’utilisation des forces c<strong>en</strong>trifuges,d’observations malines sur la société deconsommation et ses publicités débilitantes. Mais lepoète-circassi<strong>en</strong>-clown, outre le fait d’êtreparfaitem<strong>en</strong>t ambidextre et subtilem<strong>en</strong>t drôle,TOURSKY | CAVAILLON | PORT-DE-BOUC | GRASSETribulationsde Casse-noisette<strong>en</strong> ChineCri de joie tunisi<strong>en</strong>Spectacle de sortie de la deuxième promotion del’École de cirque de Tunis, mis <strong>en</strong> scène etchorégraphié par Laur<strong>en</strong>ce Levasseur, Sarkha (le cri,création 2009) résonne fortem<strong>en</strong>t aujourd’hui ! Cardans Sarkha les arts du cirque se mêl<strong>en</strong>t à la culturetunisi<strong>en</strong>ne, les cris ne manqu<strong>en</strong>t pas, viol<strong>en</strong>ts, hurlésou simplem<strong>en</strong>t joués, dénonciateurs, on le devine, dumal-être, de conditions de vie déplorables, guerres,brimades religieuses des corps, assujettissem<strong>en</strong>t dela femme mais cris sublimes aussi d’amour, de rêves,d’espoir d’une vie meilleure. Quel éclairageaujourd’hui, et quelle force dans le jeu, parfoismaladroit mais néanmoins gracieux de ces jeunesartistes ! Émouvant, le spectacle l’est aussi grâce auxpoèmes tunisi<strong>en</strong>s de Belkassem Marzougui,Noureddine Bettayeb et Chedli Zoukar pour ne citerCasse noisette © Michel LidvacOn vi<strong>en</strong>t de fêter le nouvel an chinois,les adeptes de mystère se nourriss<strong>en</strong>talors de biscuits-surprises et cherch<strong>en</strong>tà décrypter au milieu des miettes lesarcanes de leur av<strong>en</strong>ir… On s’étonne<strong>en</strong>core des mœurs de ce pays lointain,amalgamant avec une belle ignorancerévolution culturelle, pollution et citéinterdite dans un délicieux méli-mélooù circul<strong>en</strong>t des contesabracadabrants. Aussi lorsque l’on voitannoncé le Cirque national de Chine,on se précipite, et l’on arrache uneséance supplém<strong>en</strong>taire au théâtre,deux soirées d’affilée, salle comble,<strong>en</strong>thousiaste, prête à tous lesémerveillem<strong>en</strong>ts et qui ne peut êtreque transportée. Magie, humour,acrobaties improbables, costumeschatoyants, adresse, légèreté, lespectacle est une pure merveille. Lesurpr<strong>en</strong>ant conte d’Hoffmann, Cass<strong>en</strong>oisette, devi<strong>en</strong>t un fil conducteur, etorchestre les apparitions des jongleurs,des contorsionnistes (le corps humainqu’eux, dits par les artistes, par la musique aussi,pr<strong>en</strong>ante, vivante, musique populaire tunisi<strong>en</strong>nemélangée à des airs soufis. Mais Sarkha c’est aussi ducirque, même si notre conception disciplinaire estbousculée par cette forme hybride qui mêle cirque,danse contemporaine, théâtre et poésie : lesacrobaties d’une grande justesse, que ce soit au mâtchinois ou au trapèze, intègr<strong>en</strong>t les agrès à l’histoire…«Je ne sais pas… / Pourquoi sur cette terre maudite /L’amour a tari / Les roses sont dev<strong>en</strong>ues / Epines / Lat<strong>en</strong>dresse / Rancune / Et haine» dit un poème deChedli Zoukar. Sarkha réhabilite à coup sûr la terremaudite, et dévoile le visage de la liberté…DO.M.Le Cirque precaire © Vinc<strong>en</strong>t d'EaubonneSarkha © Amine FriguiSPECTACLES LIVRESse transforme <strong>en</strong> pâte à modeler), del’antipodiste (il y a jusqu’à 8 ombrellesqui dessin<strong>en</strong>t d’étranges fleursmobiles), du magici<strong>en</strong>, des acrobates,d’incroyables forêts… Le m<strong>en</strong>eur dejeu, le mystérieux oncle Drosselmeyer,a des allures de Karl Lagerfeld :<strong>en</strong>veloppé dans un grand manteaunoir il guide sa jeune nièce à travers lesdiffér<strong>en</strong>ts tableaux. La partition deTchaïkovski est complétée par d<strong>en</strong>ouveaux élém<strong>en</strong>ts, Cadet Rousselleintervi<strong>en</strong>t dans la danse russe parexemple. Joyeux méli-mélo on vousdisait, dont on ne peut se formalisertant la belle énergie de cette troupeconquiert, jusque dans les saluts, réglésau cordeau comme autant d<strong>en</strong>ouveaux numéros. Un savoir-faireincomparable.MARYVONNE COLOMBANILe Casse Noisette «made in China»a été donné les 31 janvieret 1 er février au Tourskypossède une autre corde à son arc, ess<strong>en</strong>tielle. Levioloncelle, son premier métier, avec lequel il joue àl’illusionniste musical, «bruitiste» jonglant habilem<strong>en</strong>tavec les diverses strates mélodiques. Sous lechapiteau, les minots glouss<strong>en</strong>t de surprise et lespar<strong>en</strong>ts retomb<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>en</strong>fance, l’ordinaire devi<strong>en</strong>textraordinaire grâce à un poète visuel, dervichetourneur de petits ri<strong>en</strong>s…DE.M.Le Cirque précaire s’est jouéau théâtre de Cavaillon, sous chapiteau,du 28 au 30 janvier49Sarkha a été joué au Sémaphore, Port-de-Bouc, le 11février, à l’Olivier, Istres, le 13, et sera joué au théâtre deGrasse les 17 et 18 février.04 93 40 53 00www.theatredegrasse.com


50 SPECTACLES PAVILLON NOIR | MASSALIA | OUEST PCE | SIMIANE | BERRELorsque la peinture danseLa danse ne cesse de forger des Pygmalion, desstatues qui s’anim<strong>en</strong>t, des formes immobiles quipr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vie, se redessin<strong>en</strong>t, puisant dans leurs lignesle s<strong>en</strong>s des mouvem<strong>en</strong>ts qui les prolong<strong>en</strong>t. Lesdanseurs de la Cie La Locomotive, issus de l’Écolesupérieure Rosella Hightower, offrai<strong>en</strong>t un mom<strong>en</strong>tde poésie spirituel aux <strong>en</strong>fants. Leur histoireanachronique de la peinture propose un voyage àtravers les tableaux, l’imaginaire libéré, dans une mise<strong>en</strong> lumière d’une efficace subtilité. Yan Giraldou, <strong>en</strong>m<strong>en</strong>eur de jeu, invite les spectateurs à fermer lesyeux, à reconstituer l’image m<strong>en</strong>tale d’un tableauqu’ils aim<strong>en</strong>t, et à s‘y prom<strong>en</strong>er, comme MaryPoppins. Et, <strong>en</strong> revisitant ses souv<strong>en</strong>irs visuels, à selaisser aller à ses émotions, <strong>en</strong> acceptant saconstruction personnelle. Puis on ouvre les yeux etl’on <strong>en</strong>tre dans le rêve des danseurs. Ils jou<strong>en</strong>t avecles cadres, d’où le portrait s’évade, déjou<strong>en</strong>t avechumour les contraintes des limites matérielles, dePlic ploc !Où va l’eau ? Judicieuse question à vrai dire, et toutdép<strong>en</strong>d du point de vue… S’agit-il de celle surlaquelle s’ébatt<strong>en</strong>t les canards, celle qui coule du verreque l’on boit <strong>en</strong> faisant de sonores gargouillis, cellequi remplit la baignoire, celle qui permet de patauger<strong>en</strong> se salissant gaiem<strong>en</strong>t, celle qui traverse le v<strong>en</strong>tre etdonne <strong>en</strong>vie de faire pipi… Tout est question decheminem<strong>en</strong>ts naturels ! À partir d’albums de JeanneAshbé, bi<strong>en</strong> connue des tout-petits qui ne sav<strong>en</strong>t pas<strong>en</strong>core lire, Alain Coulaud met <strong>en</strong> scène descouleurs, des images pleines de couleurs chaudes,douces, sans s<strong>en</strong>s véritables mais poétiques, dessituations qui parl<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> aux <strong>en</strong>fants. Élém<strong>en</strong>t dejeu, l’eau est bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te sur la scène pour la joieébahie de celles et ceux qui n’<strong>en</strong> croi<strong>en</strong>t pas leursyeux… et n’att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t qu’une chose, aller observerde plus près où s’<strong>en</strong>fuit vraim<strong>en</strong>t celle qui procureautant de plaisirs, visuels, sonores, tactiles !DO.M.Où va l’eau ? a été joué, <strong>en</strong> janvier, le 19 à Istres,le 21 à Grans, le 26 à Miramas, le 29 à Foset le 2 février à Berre© X-D.RMarionnettesd’Ori<strong>en</strong>tsIl est des spectacles estampillés «<strong>en</strong>fant» <strong>en</strong> Europequi dans le reste du monde touch<strong>en</strong>t tous les âges,pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t une allure sacrée et fond<strong>en</strong>t des culturesnationales. Ainsi les marionnettes des paysasiatiques… Éric Meslay, voyageur impénit<strong>en</strong>t,parcourt l’Asie et s’attache aux théâtres d’ombres etde marionnettes. R<strong>en</strong>contres avec les derniers grandsmaîtres, étude des différ<strong>en</strong>ts procédés, recherched’une production vivante et auth<strong>en</strong>tique, sa belledémarche lui a permis de constituer uneimpressionnante collection. Marionnettes deBirmanie, imm<strong>en</strong>ses et articulées jusqu’au bout desdoigts, grands cuirs de Thaïlande ou du Laos dont lesmarionnettistes effectu<strong>en</strong>t une danse aux gestescodifiés, lourdes marionnettes du Sri Lanka, rares etgracieuses marionnettes de Chine, aux vêtem<strong>en</strong>ts desoie savamm<strong>en</strong>t ornés, marionnettes aux vivescouleurs de Bali, de Java… incroyable variété de cellesde l’Inde… sans compter celles qui «march<strong>en</strong>t surl’eau»… R<strong>en</strong>dez-vous plutôt sur son site,extraordinaire de précision et d’érudition.Ces marionnettes repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vie <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tations.Ainsi, l’on pouvait applaudir à Simiane La lég<strong>en</strong>de duPrince Rama, d’après le poème du Ramayana, par laCie L’Ombre Chinoise. Entre oiseaux, insectes, bruitsde la forêt, parfums d’<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s, silhouettes filiformesd’arbres nus et de lianes, Carole Errante installel’histoire, relayée par les marionnettes dont lesGalerie, Yan Giraldou © Tomek Jaroliml’immobilité évoquée. Travail <strong>en</strong> miroir, arrêts surimage, mises <strong>en</strong> abîme, échos suggérés <strong>en</strong>tre la Vénusd’Urbino du Titi<strong>en</strong>, La grande Odalisque d’Ingres etL’Olympia de Manet, <strong>en</strong>tre les Trois Grâces de Rub<strong>en</strong>squi côtoi<strong>en</strong>t celles de Raphaël. Puis on <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t auquestionnem<strong>en</strong>t des moy<strong>en</strong>s plastiques, lesmouvem<strong>en</strong>ts s‘accélèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> une géométriedébridée, le cubisme éclot, avant de rev<strong>en</strong>ir à lasilhouette de La Femme à l’ombrelle de Monet,«calme et langoureux vertige»… L’interprétation<strong>en</strong>jouée des danseuses, leur expressivité, la bande soncomposée par Antoine Gu<strong>en</strong>et, tout concourrait aubonheur de ce spectacle d’une belle intellig<strong>en</strong>ces<strong>en</strong>sitive.MARYVONNE COLOMBANIGalerie, Pour une histoire anachronique dans la peinturea été dansé du 27 au 29 janvier au Pavillon Noir, AixLa leg<strong>en</strong>de du Prince Rama (montage) © X-D.Rombres colorées (vertu de la peau de buffle travailléejusqu’à dev<strong>en</strong>ir translucide !) dans<strong>en</strong>t, se meuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>une pantomime délicate. Quelle finesse ! CaroleErrante joue avec une magnifique expressivité,caractérise chaque personnage par un geste, uneattitude souv<strong>en</strong>t très drôle, am<strong>en</strong>ant juste ce qu’il estnécessaire de distanciation pour le spectateur. Lesraga de l’Inde souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le récit, les tambours Kododu Japon rythm<strong>en</strong>t les combats. Un <strong>en</strong>chantem<strong>en</strong>t !M.C.La lég<strong>en</strong>de du Prince Rama a été donnéeà Simiane le 29 janvierL’exposition des Marionnettes d’Asie d’Eric Meslay estvisible jusqu’au 4 mars à Marseille au Parvis des ArtsÀ suivre…Le spectacle de la Cie l’Est et l’Ouest est onirique,porté par d’imaginatives marionnettistes : quelquesnotes de ukulélé, une voix de femme racontant <strong>en</strong>chinois une histoire d’œuf de baleine (qui n’existepas, comme chacun sait), l’emploi très habile d’unrétroprojecteur pour simuler les vagues, deuxmains incarnant comme par magie des poissonsclownsqui frétill<strong>en</strong>t, et on y est, dans cet universaquatique qui préside à toutes les naissances...G.C.La Naissance, 1 er volet d’un projet intitulé EntreRepos et Éveils a été créé au Massalia, du 31 janvierau 5 février


Danse avec le boisDes bouts de bois <strong>en</strong> guise d’agrès decirque et instrum<strong>en</strong>ts de musique, desexercices acrobatiques à la limite deslois de l’équilibre, des objets qui tomb<strong>en</strong>tdu ciel et s’<strong>en</strong>trechoqu<strong>en</strong>t, Deboutde bois est une succession de tableauxvivants où l’homme (Sébasti<strong>en</strong> Dault)ressemble à s’y mépr<strong>en</strong>dre à une marionnette.Parfois c’est lui le maître dujeu qui jongle avec le bois et lui résiste,parfois le bois pr<strong>en</strong>d le dessus qui lecontraint à rouler au sol, à l’esquiver. Unjeu de quilles dans lequel l’artiste, lebois et la création sonore combatt<strong>en</strong>tà armes inégales, car les baguettes sontmagiques et le bois contagieux… aupoint que l’homme se couvre de finsbranchages et se métamorphose <strong>en</strong>arbre vivant, pantin articulé et effarouché.Il gesticule, saute, perd l’équilibre,t<strong>en</strong>te l’impossible : prisonnier des filsinvisibles tirés <strong>en</strong> coulisses, contraintMASSALIA | PÔLEJEUNEPUBLIC | LE CARRÉ SPECTACLES 51© X-D.RAu cœur des petits ri<strong>en</strong>sLa scène est nue, des éclairages au ras du sol détermin<strong>en</strong>t un espace de jeu qui serapeu à peu quadrillé de lumière grâce au travail précis de Bertrand Blayo. Dans cetespace vide Stéfanie James propose un voyage dans le souv<strong>en</strong>ir et les s<strong>en</strong>sations.Tout au long de la petite heure que dure sa proposition elle parcourt le plateau avecdes mouvem<strong>en</strong>ts l<strong>en</strong>ts, quasim<strong>en</strong>t dansés, accompagnés de gestes <strong>en</strong>veloppés desbras et des mains, le buste p<strong>en</strong>ché comme si elle berçait un <strong>en</strong>fant. Parfois, pourséparer ses évocations elle accompagne ses gestes de sons psalmodiés, très doux.Qu’elle s’étonne de la façon dont un flamant rose ti<strong>en</strong>t longuem<strong>en</strong>t sur une seulepatte ou des irisations diaphanes des ailes de libellule, qu’elle imagine les réflexionsd’un nouveau-né sur le monde dans lequel il surgit ou les rêves d’une <strong>en</strong>fant sur unebalançoire, elle joue avec les petits ri<strong>en</strong>s de la vie. Autant dire qu’elle remplit lesvides du temps car, de son propre aveu, le Vide est son sujet. Les textes sonts<strong>en</strong>sibles, parfois imprégnés d’humour, notamm<strong>en</strong>t lorsqu’elle s’amuse du tempslibre ou s’imagine morte, dans un tombeau. En relation étroite avec son public ellele scrute au plus profond, cherchant le contact, inversant les rôles. Cep<strong>en</strong>dant sicertains mom<strong>en</strong>ts sont lumineux, l’<strong>en</strong>semble baigne dans une l<strong>en</strong>teur lassante. Lespectacle gagnerait à adopter des variations de rythme plus franches.CHRIS BOURGUEdans ses déplacem<strong>en</strong>ts par lesimprévisibles bouts de bois, l’hommemarionnettes’interroge sur la façon dese t<strong>en</strong>ir debout. «Comm<strong>en</strong>t va-t-il fairepour s’<strong>en</strong> sortir ?» s’exclame un gamin àvoix haute, inquiet. Pas de panique ! leduo d’artistes de la compagnie La maind’œuvres (sa complice, tapie dans l’ombre,manipule les ficelles) dose savamm<strong>en</strong>tses effets <strong>en</strong>tre les prouesses du cirque,l’art du théâtre d’objets, les bruitagessonores et les arts plastiques. Certains<strong>en</strong>fants décroch<strong>en</strong>t, déconcertés parcet éloge de la l<strong>en</strong>teur et sans douteplus familiers du zapping que de lacontemplation.M.G.-G.Debout de bois a été jouéles 1 et 2 févrierau PôleJeunePublic au RevestVide, mis <strong>en</strong> scène par Didier Kowarsky, s’est jouéau Massalia les 1 et 2 févrierDebout de bois © Mickael TroivauxCe qui n’est pas làLa Cartonnerie fait leplein pour ce spectaclede Patrice Douchet, surun texte de Karin Serres.Le public de jeunesmarseillais s’interroge àhaute voix <strong>en</strong>tre lesscènes : cette histoired’ours que l’on ne voitpas, ces sons v<strong>en</strong>us dufroid, ces clairs-obscurs,ce grand chasseur bottéet agressif, c’est du lard,ou du cochon ?Les deux ! Ici l’on parleLouise les ours © D-Mournet-Rameld’ambival<strong>en</strong>ce, justem<strong>en</strong>t. L’héroïne a onze ans, l’âge où sortir de sa carapace t<strong>en</strong>teet rebute à la fois. C’est alors rassurant d’avoir «dans le dos comme la cuirasse dedouceur d’un énorme manteau, rayonnant de chaleur comme un capot de tracteur».Un ours. Transpar<strong>en</strong>t. Fidèle, jusqu’au jour où l’on ne trouve plus si dégoûtante laperspective d’aller rouler des pelles aux garçons contre les murs du lycée, commesa sœur aînée.La petite demoiselle est jouée par une jeune femme, d’où un effet r<strong>en</strong>forcéd’<strong>en</strong>tre-deux âges. La grande sœur et le père <strong>en</strong>cadr<strong>en</strong>t Louise au propre et aufiguré, mais bizarrem<strong>en</strong>t on s<strong>en</strong>t surtout la force d’une grande abs<strong>en</strong>ce. Les ourssont là ou ne sont point là, certes mais... où est la mère ?Qui traite les poux de ses <strong>en</strong>fants, qui montre le chemin de la féminité à ses filles<strong>en</strong> âge de songer à l’amour ? Louise <strong>en</strong> tout cas le cherche, et ce qu’elle trouveressemble étrangem<strong>en</strong>t aux ivresses adolesc<strong>en</strong>tes. «Il me regarde de ses yeuxbrûlants. Je lui souris, la tête r<strong>en</strong>versée vers lui, si grand. Si éblouissant.» Bi<strong>en</strong>tôt, ceseront les yeux noirs d’un vrai jeune homme qui la raviront.GAËLLE CLOARECLouise les ours a été joué du 9 au 11 février au Théâtre Massaliaet le 3 février au Carré Sainte Maxime


52SPECTACLESAU PROGRAMMEBijouLe Voyage de P<strong>en</strong>azar est une petite merveille.L’histoire d’un serviteur fantastique et trop fidèle quichemine d’un ori<strong>en</strong>t de lég<strong>en</strong>de vers notre mondecontemporain, balloté, malm<strong>en</strong>é, découvrant lesabsurdités des civilisations qu’il traverse comme unHuron <strong>en</strong>goncé. Le texte de François Cervantes estmagnifique, traversé sans cesse de fulgurancessublimes, et Catherine Germain, seule <strong>en</strong> scène sousson masque d’homme ori<strong>en</strong>tal, est sidérante deprécision, d’émotion, de virtuosité.Ils s’install<strong>en</strong>t pour trois semaines à la Cartonnerie (laFriche). Avec ou sans <strong>en</strong>fant, ne les loupez pas !Le Voyage de P<strong>en</strong>azardès 11 ansdu 8 au 28 marsMassalia, Marseille 3 e04 95 04 95 70www.theatremassalia.comAtt<strong>en</strong>tion conte !Entre deux Tour complet du cœur sous chapiteauitinérant, Gilles Cailleau a eu l’heureuse idée d’écrirepour le jeune public une histoire de conte, de fée etde merveilleux. Pas aussi lisse et <strong>en</strong>chantée qu’elle yparaît… Car Même pas peur, nouvelle production duThéâtre du Jeu de Paume, <strong>en</strong>traîne le spectateur dansun voyage au cœur des contes les plus connus, <strong>en</strong>quête de réponses à ses éternelles questions : ça faitvraim<strong>en</strong>t peur un loup ? et un ogre, c’est pire ? Lespetits retrouveront les animaux qui parl<strong>en</strong>t, lesméchantes marâtres et les petits malins, émerveilléspar l’ingéniosité du théâtre forain et l’inv<strong>en</strong>tivité ducirque chères à Gilles Cailleau ; les plus grandsregretteront peut-être d’avoir déjà grandi…Même pas peurdès 7 ansdu 8 au 11 marsThéâtre du Jeu de Paume, Aix0 820 000 422www.lestheatres.net© Agnes Libbra © X-D.RPercussifAprès Echoa et Lisa, le duo qui compose la CieArcosm, Thomas Guerry et Camille Rocailleux,revi<strong>en</strong>t avec Traverse, une comédie musicale qui jouesur des ressorts burlesques. Quand un petit grain desable vi<strong>en</strong>t se loger dans l’esprit d’un homme affairémais soumis de temps <strong>en</strong> temps à de belles rêveriesqui l’emport<strong>en</strong>t très très loin, c’est le règne de lafantaisie et de la magie qui pr<strong>en</strong>d le dessus ! Il estalors rejoint par une danseuse, un violoncelliste, unpercussionniste…Traversedès 6 ans15 févrierThéâtre des Salins, Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.fr15 marsThéâtre Le Cadran, Briançon04 92 25 52 52www.theatre-le-cadran.eu18 marsThéâtre La Passerelle, Gap04 92 52 52 52www.theatre-la-passerelle.euExclusionL’un, François, vi<strong>en</strong>t d’emménager dans une nouvelleville où il ne connaît personne, l’autre, Mathieu, estmalade, d’une maladie dont on ne guérit pas. Lesdeux garçons vont se trouver, appr<strong>en</strong>dre à s’aimer.Le texte de Jean-Rock Gaudreault (paru auxéditions Lansman) s’adresse <strong>en</strong> premier lieu aux<strong>en</strong>fants, leur racontant ce que souv<strong>en</strong>t, pour ne pasfaire souffrir, on leur tait. Sur le terrible sujet de lamaladie, la Cie La Naïve concocte un spectacle sanspathos ni clichés, au plus près de l’émotion.Mathieu trop court, François trop longdès 8 ans23 et 24 févrierThéâtre Comoedia, Aubagne04 42 18 19 88www.aubagne.com30 marsSalle polyval<strong>en</strong>te, Berre L’Etang04 42 10 23 60© Laur<strong>en</strong>ce FragnolÉquestreLe Théâtre du C<strong>en</strong>taure prés<strong>en</strong>te Flux comme un«recueil de poèmes vivants», un parcours fait d’images,de musique et de sons au cours duquel Camille etManolo, acteurs-c<strong>en</strong>taures <strong>en</strong> symbiose avec leurschevaux, r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t compte de flux organiques,migratoires ou monétaires. Un monde surréaliste quin’est pas sans rappeler l’univers des rêves, dans lequella poésie n’est jamais bridée (voir p 10)… Leparcours se fait à l’intérieur et à l’extérieur du théâtre.Flux18 et 19 févrierThéâtre des Salins, Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.frAlchimieDans Fragm<strong>en</strong>ts de vie, Christine Saint-André faitparler les objets, leur histoire, leur insuffle un<strong>en</strong>ouvelle vie. D’abord dans une installation plastiqueoù l’on découvre des sculptures assemblages,antichambre au spectacle qui nous transporte dansl’univers onirique d’un cabinet de curiosités, insolite,avec petites formes cinétiques et marionnettes surtable.Fragm<strong>en</strong>ts de viedès 5 ansdu 18 au 22 févrierMassalia, Marseille 3 e04 95 04 95 70www.theatremassalia.comHistoire(s)Quand la compagnie marseillaise 2B2B r<strong>en</strong>contre laTanzZeit-Jug<strong>en</strong>dcompany de Berlin, cela donne deuxcréations <strong>en</strong> miroir. L’une composée avec cinqdanseurs amateurs de Marseille, Ce que j’att<strong>en</strong>ds,autour de la thématique des murs, des chutes et desrévoltes. L’autre, Brief an LF, pièce chorégraphique quifouille la notion de rébellion à travers l’état physiquequ’elle provoque et les énergies qu’elle libère. Deuxmanières de dire l’Histoire de chaque côté du Rhin,de mai 68 à la chute du mur, par des jeunes qui nel’ont pas connue. Un travail sur la mémoire pourregarder l’av<strong>en</strong>ir, <strong>en</strong>semble.Ce que j’att<strong>en</strong>ds suivi de Brief an LFà partir de 13 ansdu 24 au 26 févrierMassalia, Marseille 3 e04 95 04 95 70>>©www.theatremassalia.comMarion Boriss


GéantLa Gigantea © Eric Dell'ErbaUn <strong>en</strong>fant, sa mère, l’eau, le désert, uneplante, des sorcières, des <strong>en</strong>fants-soldats,un tyran assoiffé de pouvoir, unpeuple <strong>en</strong> guerre… Le monde fantastiquede Amadou Kourouma s’anime !Combinant marionnettes colorées,cirque et théâtre visuel la Cie les Troisclés donne vie au pays imaginaire dujeune Makou dans un spectacle sansparole, La Gigantea (la racine qui procurel’eau, «l’or bleu»), éloqu<strong>en</strong>t parson sil<strong>en</strong>ce, magnifique d’humanité etd’une grande force poétique.La Giganteadès 8 ans11 marsThéâtre Durance, Château-Arnoux04 92 64 27 34www.theatredurance.comAquatiqueLors d’une tempête, la petite sirènesauve le prince de la noyade et <strong>en</strong>tombe amoureuse, malgré tout elle nese mariera pas et ne vivra pas heureuse,éloignée de sa famille et de l’êtreaimé. La nouvelle création d’Anne-Claude Goustiaux fait revivre toute lapoésie du conte d’Anders<strong>en</strong>, sa cruautéaussi car la destinée de la petitesirène est triste et le royaume de la merressemble tant à celui des humains…La petite sirènedès 4 ansdu 16 février au 4 marsBadaboum théâtre, Marseille 1 er04 91 54 40 71www.badaboum-theatre.comBourruSeul, au milieu d’une étrange forêt, Peaud’arbre s’est construit une vie pas trèsrigolote. Un jour, dans son petit univers,débarque un personnage différ<strong>en</strong>t detout ce qu’il a vu jusqu’ici : une femme.D<strong>en</strong>is Athimon et Christine Le Berreincarn<strong>en</strong>t ces deux compagnons d’av<strong>en</strong>turefarfelus qui invit<strong>en</strong>t à les suivredans une forêt peuplée d’animauxétranges, de symboles et de rêves. Àpartir de 7 ans.Peau d’arbredès 7 ans23 févrierThéâtre de Nîmes04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.comReconstructionMon géant est un spectacle émouvant ;l’histoire d’une petite fille, r<strong>en</strong>versée parune voiture, qui rêvait d’être danseuse.Elle trouvera la force de se reconstruiregrâce à une infirmière et à ungrand bonhomme <strong>en</strong> tissu, unemarionnette qu’elle nomme mongéant. Face à un thème grave, la partludique et l’aspect visuel confèr<strong>en</strong>t à cespectacle une légèreté poétique.Mon géantdès 6 ans1 er marsThéâtre le Sémaphore, Port de Bouc04 42 06 39 09www.theatre-semaphoreportdebouc.comEnflamméQuel <strong>en</strong>fant n’a pas rêvé de souffler les bougies de son anniversaire ? Paolo, lui,prépare un énorme gâteau, souffle sans cracher toutes les bougies pour que sonvœu se réalise. Car chaque flamme ravive la petite fée acrobate Kiféegrandir, seulecapable de l’exaucer ! Dans Joyeux anniversaire la Cie Anteprima transformel’ordinaire <strong>en</strong> extraordinaire, lemonde <strong>en</strong> tapis rond, rondcomme le cirque, le gâteau <strong>en</strong>bateau… Les yeuxs’écarquill<strong>en</strong>t émerveillés.Joyeux anniversairedès 4 ansdu 16 au 24 févrierPôleJeunePublic, Le Revest04 94 98 12 10www.polejeunepublic.com© X-D.R


54LIVRESFin du cycle Ivoiri<strong>en</strong>Déjà le sixième volume des av<strong>en</strong>tures de Ayade Yopougon et toujours la même verve. Leshistoires s’<strong>en</strong>châss<strong>en</strong>t avec brio, sansmisérabilisme ni s<strong>en</strong>siblerie, avec unton juste et frais, une narrationresserrée et intellig<strong>en</strong>te, ungraphisme d’une belle efficacité. Cedernier volume voit la résolution desnombreuses intrigues mises <strong>en</strong> placedans les cinq précéd<strong>en</strong>ts. On ritbeaucoup, la langue est savoureuse, avecdes expressions cocasses, «la poule ne seL’art des baguettesLes éditions Picquier cultiv<strong>en</strong>t le domaineasiatique. Surpr<strong>en</strong>ant et drôle, un petit manuel decuisine chinoise, d’une esthétique plutôt vieillotte,mais avec des baguettes <strong>en</strong> bois livrées dès ladeuxième de couverture (d’un inclassable vertamande) ! C’est du sérieux, avec des recettesexpliquées simplem<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants : du chou pakchoià la sauce d’huîtres au poulet aigre-doux <strong>en</strong>passant par les Fourmis grimpant à l’arbre, les<strong>en</strong>fants s’évalu<strong>en</strong>t, se test<strong>en</strong>t, appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t lesproverbes chinois qui émaill<strong>en</strong>t chaque recette,lis<strong>en</strong>t des lég<strong>en</strong>des chinoises, comme celle du selou du génie du foyer. Et si «les fantômes ont faim»,on peut les faire pati<strong>en</strong>ter avec des plats trèsspéciaux. Combi<strong>en</strong> de plats à réussir pour obt<strong>en</strong>irles baguettes d’or ? On se plaît à repr<strong>en</strong>drequelques mots de mandarin, ni hao (bonjour), qing(s’il vous plaît), on s’<strong>en</strong>traîne à jouer desChoc des civilisationsLeur navire stellaire s’écrase sur une planète inconnue. Ils ont fui leurplanète, Onyx, à la technologie raffinée, dominée par les intellig<strong>en</strong>cesartificielles et se retrouv<strong>en</strong>t sur Opale, royaume moy<strong>en</strong>âgeux, peuplé d’êtresétranges aux pouvoirs déroutants. Le roman de Bénédicte Taffin évoque lechoc de ces civilisations qui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. Les mondes créés pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t chairavec une belle précision, s’anim<strong>en</strong>t dans toute la complexité de leurs rouagessavants. Les caractères des personnages sont fouillés, intéressants,vraisemblables dans cette œuvre de sci<strong>en</strong>ce-fiction/fantaisy. Les intrigues secrois<strong>en</strong>t, les points de vue se multipli<strong>en</strong>t, pos<strong>en</strong>t la question de l’appréh<strong>en</strong>sionde l’autre. Des zones d’ombre sont savamm<strong>en</strong>t cultivées pour donner desallures fantastiques, et appr<strong>en</strong>dre au passage aux jeunes à se défier despréjugés, à p<strong>en</strong>ser la liberté, le consumérisme. Ainsi, les héros d’Onyx quitt<strong>en</strong>tune planète sur laquelle tous les désirs matériels, tous satisfaits, n’exist<strong>en</strong>tplus ! Eh bi<strong>en</strong> non, ce n’est pas forcém<strong>en</strong>t le rêve ! Les personnages sedécouvr<strong>en</strong>t des aspirations qui dépass<strong>en</strong>t le cadre de leurprison dorée… Un premier roman qui fait preuve d’unebelle maîtrise, avec un style fluide, aisé. La fin très ouvertelaisse la possibilité d’une suite…M.C.Les yeux d’OpaleBénédicte TaffinGallimard Jeunesse, 19,50 €lave pas et cep<strong>en</strong>dant son œuf est blanc»…Entre Paris et Yopougon on voyage, ons’émeut aussi, le propos se fait grave, maisjamais pesant. La vivacité de l’<strong>en</strong>sembl<strong>en</strong>ous <strong>en</strong>traîne à la suite des différ<strong>en</strong>teshistoires. Un régal, que l’on va bi<strong>en</strong>tôtretrouver au cinéma.M.C.Aya de YopougonMarguerite Abouetet Clém<strong>en</strong>t OubrerieGallimard, Bayou, 17 €baguettes, on découpe un haricot ficelle, ons’initie aux emplois du gingembre qui plaisait tant àConfucius… on reproduit des idéogrammes, ondéguste le durian, «roi des fruits» au parfum defromage pourri ! Bref on s’exotise avec délectation<strong>en</strong>tre une tasse de thé et une sagesse toutechinoise : «si la pierre tombe sur l’œuf, malheur àl’œuf, si l’œuf tombe sur la pierre, malheur àl’œuf»… Un petit ouvrage plus riche qu’il n’yparaît !MARYVONNE COLOMBANIJe cuisine ChinoisMaït Foulkes, MarianneNicolasPicquier jeunesse, 14,50 €Âmes-sœursLa littérature jeunesse sait parfoisreplonger dans l’humus commun, retrouver lesmythes, les modeler, les fondre à propos, pourfaçonner des récits qui emport<strong>en</strong>t le jeunelecteur tout <strong>en</strong> lui accordant la possibilité dedécrypter certaines sources… Myrihandesévoque des personnages tout droit sortis d’unrêve platonici<strong>en</strong> : les âmes sœurs lorsqu’elles seretrouv<strong>en</strong>t, sont capables de fusionner <strong>en</strong> un seulêtre aux pouvoirs extraordinaires ! Le seigneurKryom les traque, et comme on s’<strong>en</strong> doute, deshéros vont devoir vaincre les forces du mal…Par delà le caractère plus que classique du sujet,avec des scènes et des monstres qui évoqu<strong>en</strong>tcertains jeux du type World of Warcraft, le récitest vif et bi<strong>en</strong> m<strong>en</strong>é, l’écriture claire, efficace, laconstruction des épisodes remarquablem<strong>en</strong>tag<strong>en</strong>cée. La fantaisy ne relève donc pas que dela production anglo-saxonne ! Les éditions duDiable Vauvert sav<strong>en</strong>t repérer de jolis tal<strong>en</strong>ts etont le mérite de publier des auteurs qui viv<strong>en</strong>tdans la région. Le plaisir tactile des reliefs de lacouverture et du papier épais, légèrem<strong>en</strong>tgranuleux, comme celui d’un manuscrit anci<strong>en</strong>que l’on décrypte, ajout<strong>en</strong>tau bonheur simple del’intrigue…M.C.MyrihandesLe secret des âmessœursGuilhem MéricAu Diable Vauvert, 18 €Du rose et des ailesFille jusqu’au bout des ongles, cette série des Twini ! Étui t<strong>en</strong>du de tissurose pailleté, cheveux bonbon pour l’héroïne… De quoi heurter toutes<strong>en</strong>sibilité féministe ! Le livre au départ peut hérisser ! Cep<strong>en</strong>dant, Twini estun personnage attachant. Montée sur sa souris Noisette, elle <strong>en</strong>tre à l’écoledes fées pour sa première année. Appréh<strong>en</strong>sions, amitiés et inimitiés, difficultésinavouées la r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t proches de ses jeunes lectrices. Et malgré les appar<strong>en</strong>ces,le livre n’est pas du tout gnangnan ! C’est drôle, plein d’inv<strong>en</strong>tion, et les soucisde Twini rappell<strong>en</strong>t ceux que les <strong>en</strong>fants r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. Le récit comme unefable leur montre que l’amitié, la franchise, la ténacité sont de belles qualitésqui permett<strong>en</strong>t de surmonter beaucoup d’obstacles.L’échec n’est pas insurmontable, l’erreur peut êtrecorrigée… Un charmant petit livre pour lecteursdébutants.M.C.Twini appr<strong>en</strong>d à volerTatiana WoodsGallimard, Folio cadet, 4,90 €


Elle s’appelle LouiseLa Cie Les Racines du v<strong>en</strong>t a plus d’un tourdans son sac ! Stéfanie James est auteure etconteuse, Jean-Christophe Defer musici<strong>en</strong> et LolaPôl illustratrice : tous trois particip<strong>en</strong>t au voyage aulong cours de Tête de lune, spectacle de conte etmusique créé <strong>en</strong> 2006 aujourd’hui publié auxéditions Le Bonhomme vert.Mais qui est Tête de lune au profil délicat sur lacouverture rouge ? C’est Louise, dont la vie estbouleversée «un matin d’automne comme tousles autres matins d’automne» quand elle se réveilletotalem<strong>en</strong>t chauve ; Louise qui «avec un crâne toutneuf, rond comme un œuf» essuie les quolibetsdes copains d’école, se replie dans sa bulle et croisesur son chemin d’étranges personnages : la sorcièreet sa pomme magique, le grand meunier dumonde et son moulin à v<strong>en</strong>t miniature, la fileusedu temps et son fil de vie… Redesc<strong>en</strong>due sur terre,c’est-à-dire dans la cour de récréation, Louise est7ème ciel !déconnectée de la réalité, latête pleine de questionssur le temps oul’infinim<strong>en</strong>t petit. Le textetoujours oscille <strong>en</strong>trehistoirecontemporaine,conte et comptines<strong>en</strong>fantines, glissed’une illustration àl’autre grâce audessin épuré et légercomme une bulle, et se terminecomme au théâtre dans le clap «(Noir) Fin».MARIE GODFRIN-GUIDICELLITête de luneStéfanie Janes et Lola PôlLe Bonhomme vert, 14 €Superstitions et carabistouillesPetit Pierrot et Monsieur l’Escargot sontinséparables. Leur vie <strong>en</strong> couple a démarré sur unblog avant d’être un album publié dans des tonssépia monochromes. Nées sous la plume dudessinateur et scénariste portugais AlbertoVaranda, les av<strong>en</strong>tures des deux compères sonttoujours t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t drôles ! Surtout quand legastéropode le rappelle à l’ordre («n’<strong>en</strong> fais pas troptout de même !»), lui souffle à l’oreille des mots toutdistordus («superstitions et carabistouilles, tout ça»)ou le suit jusque dans ses rêves les plus fous et sespires cauchemars. C’est que Monsieur l’Escargot adu mal à faire redesc<strong>en</strong>dre sur terre ce petit garçonrêveur qui préfère les chimères et les livres à ladure réalité, et se demande comm<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>irimmortel… Alors, quand l’auteur croise Jules Verne,Méliès et Hergé avec les lois de la physique, ledésarroi d’un jeune pubère interdit de séjour auNous voilà au cirque sous un grand chapiteau.Un Monsieur Loyal à la belle moustache annonceun saltimbanque exceptionnel, Jim Pop. Onl’applaudit bi<strong>en</strong> fort. Son numéro est unique aumonde : il s’<strong>en</strong>ferme dans un canon etva être propulsé dans un filet à 100mètres comme un gros ballon defoot. 3, 2, 1... Pop ! C’est parti ! Lesgrandes pages du livre s’empliss<strong>en</strong>tde confettis multicolores. Mais voilàque Jim change sa direction ets’<strong>en</strong>vole dans le ciel pour un supervoyage au-dessus des océans et desmontagnes, voilà qu’il fait le tour duglobe terrestre ! Monsieur Loyalimagine son périple et les dessinssurvol<strong>en</strong>t les paysages… Enfin Jimcabaret La lune friponne avec desconsidérations d’actualité («dis ! c’est quoil’émigration ? c’est un arbre déraciné ! et l’immigration ?c’est une bouture !»), on n’hésite pas une seconde àvouloir nous aussi décrocher la lune.M.G.-GPetit Pierrot, Décrocher la luneAlberto VarandaSoleil productions, 17,50 €revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> plein dans le mille, dans le filet ! A-tilvraim<strong>en</strong>t fait le tour du monde ? Le public est auxanges... L’auteur-illustrateur Tom H<strong>en</strong>ni signe ici son1 er album pour la jeunesse. Ses dessinstrès simples et très colorés jou<strong>en</strong>tsur les couleurs primaires et le vert.Les pages de garde offr<strong>en</strong>t degrandes images éclatantes, idéalespour appr<strong>en</strong>dre et reconnaître lesnuances et les confrontations. Unalbum très attractif.CHRIS BOURGUEJim Pop, l’incroyable numéro ducélèbre homme-canonTom H<strong>en</strong>niLe Rouergue, 14,90 €LIVRESSans bulles !Les 2 BD de la sélection du Prixlittéraire de la Région Paca sontde styles extrêmem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tsmais d’un égal attraitLa saison des flèches est un récit d’une grandeinv<strong>en</strong>tivité. Les dessins aquarellés de GuillaumeTrouillard et le scénario imaginé <strong>en</strong> communavec Samuel St<strong>en</strong>to projett<strong>en</strong>t le lecteur dans ununivers fou. Imaginez un peu : vous pouvezacheter des indi<strong>en</strong>s <strong>en</strong> conserve ! Vous ouvrez laboîte : une famille s’installe chez vous sous sontipi et démonte vos meubles pour construire soncanoë... Prés<strong>en</strong>té comme le journal manuscrit dela famille d’accueil, l’album regorge de trouvailles:livre sur la conserve d’indi<strong>en</strong> avec rappel du rôledes cow-boys, arbre à flèches, élevage... Ça segâte quand débarqu<strong>en</strong>t les chercheurs d’or etque l’appartem<strong>en</strong>t est déclaré «réserv<strong>en</strong>aturelle» !... On plonge avec délices dans cesloufoqueries. De jeunes auteurs-artistes-éditeursdont on att<strong>en</strong>d impatiemm<strong>en</strong>t la prochainepublication !Sans texte ni bulles Fabrica est un récit muet etsombre, <strong>en</strong> noir et blanc, sous une éclatantejaquette rouge. De son graphisme très personnelNicolas Presl dessine une société qui hait lesartistes et préfère les canons : on y arrête lesmusici<strong>en</strong>s, on brûle leurs instrum<strong>en</strong>ts et les livresceux qui ne sont pas dans le droit-chemin, quiont 6 doigts à leurs mains. Un ouvriercache dans son usine unpetit pianiste, <strong>en</strong>fant à 6doigts, et vole pour luides livres. Sans texte oncompr<strong>en</strong>d tout. Un récitpoignant, troisième tomed’une œuvre à découvrirabsolum<strong>en</strong>t.CHRIS BOURGUELa saison des flèchesSt<strong>en</strong>to etTrouillardLa Cerise (Bordeaux),20 €FabricaNicolas PreslAtrabile, 21 €55


56ARTS VISUELS ARLES | AIX-EN-PROVENCEL’homme de ferAvec Sur Mesures, le musée Réattuconfirme une approche originale deses collections. Les sculptures deVladimir Skoda assur<strong>en</strong>t le premiertemps de l’ouverture 2011…Par cette forme muséographique inaugurée <strong>en</strong>2008 avec Christian Lacroix, puis Chambres d’échoet <strong>en</strong>suite À pied d’œuvre, le visiteur est convié àdécouvrir, libre d’inv<strong>en</strong>ter aussi les correspondances<strong>en</strong> germe dans la co-prés<strong>en</strong>ce d’œuvresanci<strong>en</strong>nes et contemporaines. Celles-ci peuv<strong>en</strong>tapparaître dans des similitudes formelles, thématiques,les démarches mises <strong>en</strong> œuvre ou bi<strong>en</strong><strong>en</strong>core à travers le paradoxe de leurs différ<strong>en</strong>ces.Cette att<strong>en</strong>te de l’apparition du s<strong>en</strong>s présupposela confiance des organisateurs <strong>en</strong> la capacité dupublic, qui doit investir de manière cultivée etpati<strong>en</strong>te le parcours, dans un effort intellectuel etphysique ! Pour la partie corporelle, on regretteracomme dans bi<strong>en</strong> des musées le manque d’opportunitésde se poser… Pourtant dès la courd’<strong>en</strong>trée, les trois pointes de métal poli et rouillé<strong>en</strong> leur extrémité (Une seule direction) qui outrepass<strong>en</strong>tla taille du visiteur et jalonn<strong>en</strong>t le passag<strong>en</strong>e peuv<strong>en</strong>t que ret<strong>en</strong>ir l’att<strong>en</strong>tion. Jeux d’intégrationpar reflets inversés (visiteur, architecture,Vladimir Skoda, Une seule direction, 2004-2009, dans la cour du musee. © ADAGP 2011 © Franta Bartonarbre, ciel, cosmos), similitude formelle et gigantismeavec les épines du gleditsia triacanthosproche (l’énergie, le piquant), l’émerg<strong>en</strong>ce (la vie),la cond<strong>en</strong>sation (sculpture/socle/objet/magie).À l’intérieur Vladimir Skoda a déployé un coruscantparterre de billes d’acier (Entropia grande)<strong>en</strong> concordance avec le Rhône et La mort d’Alcibiadepeint par Réattu, correspondance inachevéeà la fluidité, comme à l’antiquité retrouvée. Lasuite de l’exposition se nourrit des œuvres dumaître et sa collection (Vouet, Raspal, Rosa…) <strong>en</strong>écho à d’autres artistes contemporains du musée(Bailly-Maître-Grand, Sterbak, Dejonghe…) et desacquisitions réc<strong>en</strong>tes (Barroco, stupéfiante vidéode Mélina Jaou<strong>en</strong>) ou empruntées (Skoda, V.Barré, Ixion de Toni Grand…). Au visiteur de cultiverses intuitions. Sur mesures.CLAUDE LORINSur mesuresjusqu’au 31 décembreMusée Réattu, Arles04 90 49 35 23www.museereattu.arles.frDouble SaltielRéputée pour son patrimoine et ses grands évènem<strong>en</strong>ts culturels Aix serait-elle t<strong>en</strong>tée par l’art contemporain ?Dédoublant la maison-mère sise au Castellet, la galerie Saltiel y ouvre un second lieu…Le développem<strong>en</strong>t culturel de la ville d’eaux constitueun pôle d’attractivité incontestable à l’échellerégionale jusqu’à l’international. Pour l’art contemporain,si localem<strong>en</strong>t le marché est <strong>en</strong>core restreintet les collectionneurs réputés plutôt rares etfrileux, des initiatives montr<strong>en</strong>t pourtant que lat<strong>en</strong>tation est grande de continuer à relever le défi.Quelques cranes de Basti<strong>en</strong> Cu<strong>en</strong>ot, techniques mixtes © C.Lorin/<strong>Zibeline</strong>Ce n’est pas un nouveau lieu qui s’est installérécemm<strong>en</strong>t dans le cercle <strong>en</strong>core restreint (maisqui s’agrandit) des galeries d’art dans la bonneville du roi R<strong>en</strong>é : à deux pas de l’hôtel de ville lagalerie Saltiel repr<strong>en</strong>d le vaste espace laissé parl’ex galerie Petitjean (on retrouve des artistescommuns) celle-ci t<strong>en</strong>tée par l’eldorado azuré<strong>en</strong>.Pour Maxime Fitoussi, son jeune directeur, ceprojet est une affaire de famille et une av<strong>en</strong>turepersonnelle «j’ai été s<strong>en</strong>sibilisé à l’art dans lagalerie que ti<strong>en</strong>t mon père depuis de nombreusesannées au Castellet. Il y prés<strong>en</strong>te toujours desartistes contemporains mais plus classiquesaussi. Je voulais développer la partie contemporaineet ce lieu se libérait». Comme souv<strong>en</strong>t lecommerce de l’art propose, par nécessité, des œuvresde personnalités reconnues. Erro, Velickovic,Combas <strong>en</strong> particulier sont au portefeuille maisil s’agit aussi d’aider des artistes émerg<strong>en</strong>ts commePhilippe Pasqua ou de jeunes créateurs régionaux.À voir actuellem<strong>en</strong>t, une série de crânes deBasti<strong>en</strong> Cu<strong>en</strong>ot <strong>en</strong>tre design d’objet et traditiondes vanités (une nouvelle série thématique est <strong>en</strong>projet pour avril). Ori<strong>en</strong>tée vers la figuration,peinture et sculpture principalem<strong>en</strong>t, la galeriesouhaite proposer des œuvres à prix de départraisonnables (900 euros pour une pièce unique deBasti<strong>en</strong> Cu<strong>en</strong>ot) tout <strong>en</strong> «…faisant un travail sérieuxet crédible <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant le temps si on veutdurer». Quitte à resserrer un choix qui, à trop vouloirassurer, se disperse un peu par éclectisme ?C.L.Galerie Saltiel, Aix04 94 32 72 01www.galerie-saltiel.fr


TOULON | AUBAGNEARTS VISUELS57Suites <strong>en</strong> paysagesL’Hôtel des arts à Toulon a une prédilection pour l’artabstrait. Mais Jérémy Liron, peintre <strong>en</strong> bâtim<strong>en</strong>ts,aime à se confronter au réel.C’est un bâtisseur d’utopies, un architectedu paysage. Il fait partie decette nouvelle génération de peintresqui se réappropri<strong>en</strong>t le paysage,particulièrem<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>semblesurbains, avec une grande liberté.Selon un point de vue distancié : cadragephotographique, format carré123 x 123 de préfér<strong>en</strong>ce, pellicule dePlexiglas, référ<strong>en</strong>ces cinématographiques(W<strong>en</strong>ders, Godard…) etphilosophiques (Deleuze, Schop<strong>en</strong>hauer).Des «images peintes» quijou<strong>en</strong>t un double jeu simultané,celui de l’illusion de la perspective etde l’espace m<strong>en</strong>teur et celui de lasurface plane délimitée par la combinaisonde matières (liquides, icipas d’empâtem<strong>en</strong>t), de formes (architecturées)et de couleurs (palettede tons sourds). De fait la frontière<strong>en</strong>tre figuration et abstraction paraîtsubjective : «C’est une distinctionque je ne fais pas de manière radicale,convi<strong>en</strong>t-il, car toute imageprélevée du monde <strong>en</strong> est abstraite».Héritier d’une tradition de peintresqu’il nomme volontiers (de la techniquede Rembrandt à la froideur deHockney), Jérémy Liron s’attache àreprés<strong>en</strong>ter une réalité architecturalecontemporaine exempte deprés<strong>en</strong>ce humaine - des barres d’immeublesaux icônes avant-gardistes- dont il gomme les anecdotes pourDans l’abécédaire de Laur<strong>en</strong>t Dessupoiu on peutlire <strong>en</strong> vrac A comme Afrique où il a passé son<strong>en</strong>fance, Z comme Zanzibar où il rêve de voyager,I comme id<strong>en</strong>tité, D comme Di Rosa son ami et Ycomme yuan, «monnaie sous évaluée qui faittrembler le monde». Un inv<strong>en</strong>taireéclectique et exotique à l’image deses toiles expressives et colorées,qui cache des thématiques souv<strong>en</strong>tdouloureuses : l’excision des femmes(polyptique La journée de lafemme à Bamako), l’exil et la perted’id<strong>en</strong>tité (Les sans papiers de laRépublique), la soif de vivre (Sur lestraces de la liberté, collection ÉricCantona). Avec sa palette de couleursprimaires, son s<strong>en</strong>s de l’imageexplosive et son goût de la récup’,son œuvre s’inscrit dans le sillagede la Figuration libre : les figurestotémiques mang<strong>en</strong>t les fondsmonochromes et bayadères sans<strong>en</strong> ret<strong>en</strong>ir non un témoignage socialmais une oeuvre plastique. Quiinviterait à la contemplation par leseul ag<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de couleurs et «deformes suffisamm<strong>en</strong>t habitées».Dès 15 ans, il a composé «desimages g<strong>en</strong>tilles, des aquarelles etdes paysages prov<strong>en</strong>çaux» avantd’<strong>en</strong>trer à l’École nationale desbeaux-arts de Paris ; il s’autorisealors une immersion sauvage dansl’art, la vidéo, le cinéma, sansoublier la leçon des maîtres, allantjusqu’à broyer ses pigm<strong>en</strong>ts,travailler le lavis et les glacis. C’estsans doute dans cette parfaiteLIRON paysageZone de turbul<strong>en</strong>cescomplexe, les corps se par<strong>en</strong>t de rouge ou de vertacidulés et les titres batt<strong>en</strong>t les esprits ! Enveilleur du monde, Laur<strong>en</strong>t Dessupoiu brode surle réel et les faits-divers des histoires universellesà travers la représ<strong>en</strong>tation de personnagesabsorption du passéqu’il a gagné sa liberté.Celle de rep<strong>en</strong>ser lemonde à sa manière,dans un détachem<strong>en</strong>tfeint, l’esprit et le regardmodelés par la photographiequi modifie sonappréh<strong>en</strong>sion de l’espace.Le paysagedevi<strong>en</strong>t-il un objet ?serait-il totalem<strong>en</strong>tLaur<strong>en</strong>t Dessupoiu © Patrick MassaiaLIRON paysagedésincarné ? Ses séries numérotéeset sans titre pourrai<strong>en</strong>t le laissercroire…MARIE GODFRIN-GUIDICELLIJérémy Liron, peintre <strong>en</strong> bâtim<strong>en</strong>tsjusqu’au 13 marsHôtel des arts, Toulon04 94 91 69 18www.hdatoulon.frfétiches immédiatem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tifiables - bouchedémesurée, chevelure-fleur, cou sans fin. Unvocabulaire personnel qui est à la fois une marquede fabrique et un style poétique, <strong>en</strong>tre art brut etnouvelle figuration. Plus libre <strong>en</strong>core, sa galeriede gueules cassées de la vie Gladiateursdes temps modernes estune suite de tableaux <strong>en</strong> 2D, detableaux-masques, voire de trophéesde chasse. Iconoclaste dans sa formeet t<strong>en</strong>dre dans le regard qu’ilporte aux autres… son œuvre estaussi directe qu’un coup de poingdans un gant de velours.M.G.-G.jusqu’au 20 févrierChapelle des Pénit<strong>en</strong>ts noirs, Aubagne04 42 18 17 26www.aubagne.fr


58ARTS VISUELS AU PROGRAMMEOuverture © Driss AroussiBric à brac«En avant vers un monde plus adapté à nos besoins !» écrit David Perrin dans l’unede ses peintures, exclamation accrochée aux ailes <strong>en</strong> feu d’un homme-fusée propulsé <strong>en</strong>tre cielet terre. Cela n’a l’air de ri<strong>en</strong> mais la façon particulière qu’il a de mixer sur la toile de petits mots,des silhouettes et des objets touche immédiatem<strong>en</strong>t : avec humour et poésie il nous signaleque La dépression se déplace à l’ouest, et qu’il est peut-être temps de filer à l’est…M.G.-G.La dépression se déplace à l’ouestDavid Perrinjusqu’au 9 avrilGalerie Territoires partagés, Marseille09 51 21 61 85http://artccessible-territoires-partages.comSil<strong>en</strong>cieux«Le chantier est un lieu paradoxal où s’articul<strong>en</strong>t la constructionet le désordre le chaos et l’organisation, le faire et le défaire»,note Jean Christofol… On ajouterait le bruit et certaines fureurs.Or les photographies de Driss Aroussi traduis<strong>en</strong>t plutôt une susp<strong>en</strong>siondes choses, des g<strong>en</strong>s et des gestes, l’isolem<strong>en</strong>t des objets comme sil’auteur inv<strong>en</strong>tait une archéologie sil<strong>en</strong>cieuse. Il impose des pausesà un univers de tâches laborieuses attribuant à un parpaing ouune brouette immobilisée un statut de sculpture, à l’ouvrier peintreun portrait humble et noble, l’espace d’un instant.C.L.En chantierDriss Aroussijusqu’au 21 maiABD Gaston Defferre, Marseille04 91 08 61 00www.biblio13.frDavid Perrin, La depression se deplace a l'ouest © David PerrinTorchet © X-D.RR<strong>en</strong>dez-vous de printemps170 artistes, 19 nationalités, 3000 m2, 4 jours : le 11 e Salon international de l’art fera les beaux joursdes collectionneurs et des amateurs invités à découvrir une palette de styles, d’universet de techniques. Des toiles de Roger Abate (Marseille) aux sculptures <strong>en</strong> métal d’Olivier Torchet(Montpezat), des céramiques d’Emili Biarnès Raber (Catalogne) aux matériaux de récupérationde Fernando Cosra (Gignac), le choix est vaste.M.G.-G.Salon international de l’artdu 25 au 28 marsParc Chanot, Hall1, Marseillewww.siac-marseille.frTempus fugitLe projet est né d’une résid<strong>en</strong>ce dans les Alpes puis est desc<strong>en</strong>du parBudapest, les bords de la Durance, le lac de Sainte Croix…Les personnages marchant de R<strong>en</strong>aud Vinc<strong>en</strong>t-Roux (on p<strong>en</strong>se plutôt auxaffiches d’Ernest Pignon-Ernest qu’aux séqu<strong>en</strong>ces de Muybridge) se sontfrottés à la foule, usés, froissés, déchirés pour s’imprimer des traces dutemps. Images incertaines de ceux que nous n’aurions qu’imparfaitem<strong>en</strong>tgardés <strong>en</strong> mémoire. Quinze nouveaux Passants peints pour l’évènem<strong>en</strong>tvi<strong>en</strong>dront rajeunir les souv<strong>en</strong>irs.C.L.R<strong>en</strong>aud Vinc<strong>en</strong>t-Roux, Les Passants, installation pour La Bergerie, Marseille, 2011 © Patrice TerrazLes PassantsR<strong>en</strong>aud Vinc<strong>en</strong>t-Rouxjusqu’au 8 marsLa Bergerie, Marseille06 20 65 07 59


ARTS VISUELS59Étonnant voyageurFou de photographie et d’architecture, Iwan Baan (Prix Julius Shulman2010) parcourt la planète pour observer et capturer l’architectured’aujourd’hui, écouter ses battem<strong>en</strong>ts de cœur car la vie s’organise,toujours, autour d’elle. Stade olympique à Pékin, musée Knut Hamsunà Hamaroy… ces nouveaux espaces, ces «interstices» de lumière <strong>en</strong>trecorps et béton qu’il saisit dans des clichés réalisés <strong>en</strong> 35 mm numériquetrouv<strong>en</strong>t à la Villa Noailles une juste résonance.M.G.-G.2010 autour du mondeIwan Baandu 20 février au 27 marsVilla Noailles, Hyères04 98 08 01 98www.villanoailles-hyeres.comVictor Vasarely,Etude originale pour les projetsde la Cite polychrome© X-D.RStade olympique de Pekin, Jacques Herzog et Philippe De Meuron © Iwan BaanUtopies du bonheurPopularisé par ses peintures géométriques et l’art cinétique, Vasarelyest moins connu pour ses ambitieux projets urbanistiques. «L’idée deFolklore Planétaire doit être maint<strong>en</strong>ant plus explicite : à une civilisationmondiale doit correspondre un langage plastique mondial, simple, beauet acceptable par tous». C’est qu’illustre une série d’études originalesexposées dans des prés<strong>en</strong>toirs à déroulem<strong>en</strong>t conçus spécialem<strong>en</strong>tà l’époque et <strong>en</strong> partie restaurés aujourd’hui. V<strong>en</strong>ant du musée didactiquede Gordes où elles fur<strong>en</strong>t exposées de 1970 à 1996, sept tapisseriesmonum<strong>en</strong>tales réalisées par la manufacture d’Aubusson complèt<strong>en</strong>tl’exposition. C.L.L’art et la citéTapisseries d’AubussonFondation Vasarely, Aixjusqu’au 27 mars0 442 200 109www.fondationvasarely.orgDialogue imagéOn ne prés<strong>en</strong>te plus Éric Bourret qui, depuis ses ports d’attache de Marseille et La Ciotat n’<strong>en</strong> finitpas de marcher - au s<strong>en</strong>s propre du terme - avec son appareil <strong>en</strong> bandoulière, restituant sa vision dumonde <strong>en</strong> noir et blanc. Ni Gautier Deblonde dont les photos sont à la une de tous les médiasinternationaux : paysages, portraits, haute couture, ateliers d’artistes…Le réseau Lalan nous avait habitués à confronter les regards : son 3 e r<strong>en</strong>dez-vous photographique nedéroge pas à la règle et c’est tant mieux !M.G.-G.Déambulations photographiques 3Éric Bourret et Gautier Deblondedu 5 au 27 marsEspace culturel du Lavandou06 09 58 45 02Svalbard 2007 © Gautier DeblondePerceptionL’artiste avait conçu <strong>en</strong> 2002 une troublante Time Machine. L’exposition duCarré d’Art propose de remonter le temps de la carrière de Larry Bell, de1959 à nos jours, avec 300 pièces d’une œuvre «davantage au sujet de lalumière et de la surface qu’au sujet du poids et de la masse».Ses fameuses boîtes et cubes translucides, dessins de vapeur et autresdispositifs subtils interrog<strong>en</strong>t avec constance les portes de la perception.Sera prés<strong>en</strong>tée pour la première fois une série des Pink Ladies grâceà des tirages réalisés pour l’exposition.C.L.En perspectiveLarry Belljusqu’au 22 maiCarré d’Art - Musée d’art contemporain, Nîmes04 66 76 35 77Pink Ladies, 1968, « 3H » photographie, 18,4 x 43,5 cm. Collection de l artiste © Larry Bell


60CINÉMA RENDEZ-VOUS D’ANNIELe 17 février à 18h15, au cinéma Variétés, le CEdes Cheminots PACA et le Collectif 13 – Un bateaufrançais pour Gaza prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant-premièreGaza-strophe, Palestine <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du coréalisateurdu film, Samir Abdallah.Les Variétés04 96 11 61 61Le 18 février à 20h30, Le cinéma 3 Casinos àGardanne propose un film surprise <strong>en</strong> avantpremière,suivi d’un verre de l’amitié.Cinéma 3 Casinos04 42 51 44 93www.cinema-gardanne.frLe 22 février à 18h30, <strong>en</strong> salle de confér<strong>en</strong>ce, dansle cadre du cycle Au nom des femmes : Des femmesd’exception, l’Alcazar propose <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariatavec Films Femmes Méditerranée un film irani<strong>en</strong>de Shirin Neshat, Wom<strong>en</strong> without m<strong>en</strong>, librem<strong>en</strong>tinspiré du roman de Shahrnush Parsipur : le destinde quatre femmes converge vers un magnifiqueverger synonyme pour elles d’indép<strong>en</strong>dance, deréconfort et d’amitié. Michèle Sylvander, plastici<strong>en</strong>ne,intervi<strong>en</strong>dra après la projection.Le 23 février à 17h, <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec le C<strong>en</strong>treMéditerrané<strong>en</strong> de Communication Audiovisuelle,projection d’un docum<strong>en</strong>taire de Pelin Esmer,Oyun, la création par neuf paysannes vivant ausud de la Turquie d’une pièce de théâtre qu’ellesintituleront Le Cri des Femmes !Le 23 février à 18h30, Shadi de Maryam Khakipour: à Téhéran, la tradition de la Commediadell’Arte, critiquant les institutions, n’est pas dugoût des autorités. La Compagnie Siâ Bâzi, expulséede son théâtre, est invitée à Paris parAriane Mnouchkine afin de monter un spectacleau Théâtre du Soleil. Une jeune actrice, Shadi, faitimploser les conv<strong>en</strong>tions tacites de la sociétéirani<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> rev<strong>en</strong>diquant un statut d’artiste et defemme libre...Azita Hempartian, journaliste, traductrice-interprèteintervi<strong>en</strong>dra après la projection.Alcazar, Marseille04 91 55 90 00www.bmvr.marseille.frWom<strong>en</strong> without m<strong>en</strong> de Shirin NeshatLe 22 février à 18h, L’Institut Culturel Itali<strong>en</strong>propose Il Gattopardo de Luchino Visconti. AvecBurt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale…adapté du livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa,Palme d’Or au Festival de Cannes 1963.Les 1 er , 8 et 15 mars à 18h, rétrospective Pupi Avati,1998-2010 : Il testimone dello sposo ; Il cuore altrove; La seconda notte di nozze.Institut Culturel Itali<strong>en</strong>, Marseille04 91 48 51 94www.iicmarsiglia.esteri.itLe 24 février à 20h, <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec le cinémaPrado, l’association Cinépage propose GrizzlyMan de Werner Herzog : durant des années, unsympathique illuminé, Timothy Treadwell, filmesa vie quotidi<strong>en</strong>ne au beau milieu des grands ourset des r<strong>en</strong>ards, au fin fond de l’Alaska. Jusqu’aujour d’octobre 2003 où il est dévoré tout cru…Cinépage, Marseille04 91 85 07 17www.cinepage.comGrizzly man de Werner HerzogLes Mardis de la Cinémathèque propos<strong>en</strong>t, le 22février à 19 h, au CRDP, Intimité de Patrice Chéreau.Le 1 er mars, ce sera Belle de Jour de LuisBuñuel avec Catherine D<strong>en</strong>euve, Jean Sorel MichelPiccoli, G<strong>en</strong>eviève Page : épouse d’un jeune internedes hôpitaux, Séverine n’a jamais trouvé unvéritable plaisir auprès de lui. Un des amis duménage, amateur de call-girls, lui glisse un jourl’adresse d’une maison clandestine…Le 8 mars : L’Equipée sauvage de Laszlo B<strong>en</strong>edekavec Marlon Brando, Lee Marvin (drôle dechoix pour le jour de la femme !), et le 15 mars :La vie est à nous de Jean R<strong>en</strong>oir : un vieil ouvrierest m<strong>en</strong>acé de lic<strong>en</strong>ciem<strong>en</strong>t parce qu’il n’est plusassez rapide ; une famille campagnarde dont lesbi<strong>en</strong>s sont saisis réussit à détourner à son profitla v<strong>en</strong>te aux <strong>en</strong>chères ; un jeune ingénieur auchômage s’épuise <strong>en</strong> vain à trouver un emploi.La Cinémathèque de Marseille04 91 50 64 48Le 8 mars à 18h30, le cinéma R<strong>en</strong>oir à Martigues,dans le cadre de Rebelles <strong>en</strong> cinéma, <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariatavec la MJC et la Médiathèque de Martigues,propose une soirée Philo/Bistro/Ciné, animée parle philosophe B<strong>en</strong>oit Spinosa. Projection de Gloriade John Cassavetes.Et le 11 mars, dans le cadre du Festival Regard deFemmes, Samia de Philipe Faucon. Samia, unejeune adolesc<strong>en</strong>te d’origine maghrébine, décidede s’occuper de sa condition de femme dans lareligion musulmane. Soirée animée par GabrielleSébire de La Cinémathèque française.Cinéma R<strong>en</strong>oir04 42 44 32 21http://cinemajeanr<strong>en</strong>oir.blogspot.comLe guepard de Luchino ViscontiDu 9 au 22 mars, l’Institut de l’Image à Aix proposeune programmation de Rebelles au cinéma :À l’est d’Ed<strong>en</strong> d’Elia Kazan, d’après le roman deJohn Steinbeck, avec James Dean, l’éternel rebelle ;Zazie dans le métro de Louis Malle, d’après RaymondQu<strong>en</strong>eau ; Gloria de John Cassavetes : unefemme hérite d’un jeune garçon que son père,traqué par la mafia, lui confie. D’abord rétic<strong>en</strong>te,elle fera tout pour sauver l’<strong>en</strong>fant pourchassé…De Bruit et de fureur de Jean-Claude Brisseau ;À Bout de course de Sidney Lumet : la cavale dedeux militants opposés à la guerre du Vietnam,poursuivis pour avoir dynamité une fabrique d<strong>en</strong>apalm et Samia de Philippe Faucon.Le 12 mars à 18h30, confér<strong>en</strong>ce deSébasti<strong>en</strong> Roncerayde la Cinémathèque Française sur WassupRockers de Larry Clark : pour sortir du quotidi<strong>en</strong>de leur ghetto du c<strong>en</strong>tre de Los Angeles, un groupede jeunes latinos, fans de culture punk, part <strong>en</strong>virée à Beverly Hill où ils se li<strong>en</strong>t à des jeunes fillesde familles riches. Leur prés<strong>en</strong>ce détonne trèsvite dans le paysage local…Institut de l’Image04 42 26 81 82www.institut-image.orgLe 3 mars à 20h, <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec Zinc, l’EspaceMultimédia de la Friche Belle-de-Mai, l’Alhambrapropose l’Immeuble Yacoubian de MarwanHamed, précédé de courts métrages de jeunes réalisateurségypti<strong>en</strong>s : Mayye Zayed, Karim Shaaban,Hadil Nazmy, Islam Kamel.Le 8 mars à 20h30, Films-femmes-Méditerranéeet l’Association des Femmes Chefs d’Entrepriseprés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t Café transit, un film de Kambozia Partovisélectionné aux Oscars 2006 : à la mort de sonépoux, qui t<strong>en</strong>ait un relais routier, à la frontière irano-turque,Reyhan doit, selon la tradition locale,épouser son beau-frère. Mais voulant elle-mêmedécider de sa vie, elle refuse le mariage et rouvrele restaurant.Le 10 mars à 19h, l’Alhambra accueille Festi’Femmesqui propose de découvrir les Jeunes tal<strong>en</strong>ts2011 des femmes humoristes, puis de voir un filmde Jacques Monnet, Clara et les chics types avecDaniel Auteuil, Isabelle Adjani, Josiane Balasko,Christian Clavier, Thierry Lhermitte, MarianneSerg<strong>en</strong>t… La projection sera suivie d’une r<strong>en</strong>contreavec Sylvie Flepp, comédi<strong>en</strong>ne, marraine de l’édition2011 de Festi’Femmes.04 91 03 84 66www.alhambracine.comLe 11 mars au cinéma Variétés, Cooksound Party7 Spéciale Asie : musique, gastronomie et cinémaavec le film de Coré<strong>en</strong> Jeon Yun-su, Le grandchef, adapté de la BD SIK-GAEK et consacrée àla rivalité <strong>en</strong>tre deux cuisiniers.Cuisinier naturellem<strong>en</strong>t doué, Sung-Chan participeà une prestigieuse compétition de cuisine, l’opposantau très ambitieux Bong-Joo. Le concours toucheà sa fin et les deux chefs <strong>en</strong> sont à la dernièreépreuve qui les départagera : la préparation du poissonlune, le fugu, un met extrêmem<strong>en</strong>t toxique s’iln’est pas préparé avec la plus grande att<strong>en</strong>tion.Un m<strong>en</strong>u spécial Cooksound est proposé par KyoSuhi, disponible <strong>en</strong> prév<strong>en</strong>te. Il est prud<strong>en</strong>t deréserver.www.cooksound.com


Sublimerétrospectiveà ManosqueDans la riche diversité de leurprogrammation, les 24 e r<strong>en</strong>contresde Manosque ont proposé unerétrospective très remarquée deJeon Soo-il. De la même générationque Park Chan-Wook, ceréalisateur né <strong>en</strong> 1959 au nord de laCorée du sud, étudiant à Paris VIIDestination Himalaya de Jeon Soo-ildans les années 90, <strong>en</strong>seignantaujourd’hui à l’université deKyungsung, a choisi la voie difficiled’un cinéma indép<strong>en</strong>dant. Brouillantl’ordre chronologique de leurproduction, Pascal Privet aprés<strong>en</strong>té les sept films de Jeon-Soo-il (dont deux seulem<strong>en</strong>t sontLES VARIÉTÉS | MANOSQUE CINÉMAdistribués <strong>en</strong> France à ce jour)mettant <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce la cohér<strong>en</strong>ced’une œuvre de premièreimportance dont chaque partieéclaire le tout. Les sujets <strong>en</strong> sontgraves, exist<strong>en</strong>tiels, universels : les<strong>en</strong>s de la vie, celui de la mort, larecherche d’une id<strong>en</strong>tité. La société,dure à l’homme, aiguise son malêtre : condition des mineurs etmutations économiques du paysdans La petite fille de la terre noire,abandon des <strong>en</strong>fants, viol<strong>en</strong>ce d’unejeunesse désœuvrée, indiffér<strong>en</strong>teaux autres dans Je vi<strong>en</strong>s de Pusan,scission d’un pays Entre chi<strong>en</strong> etloup. L’arrière-plan politico-socialdes scénarios s’y lit sans discourssuperflus : Jeon Soo-il n’aime pasl’explication. Des mots, il ne reti<strong>en</strong>tque la poésie que lui inspir<strong>en</strong>t leslieux repérés pour ses tournages.Les images suffis<strong>en</strong>t et quellesimages! Qualité exceptionnelle de laphoto, maîtrise de la lumière, ducadrage, de la composition, lecinéaste appréh<strong>en</strong>de sespersonnages dans leur espacepropre, les construit dans leursdéplacem<strong>en</strong>ts incessants à traversles quartiers portuaires de Pusan,les suit jusqu’au sommet du mondepour Destination Himalaya, lesaccompagne dans des espacesdétruits ou <strong>en</strong> passe de l’être dont le61film devi<strong>en</strong>t par anticipation la trace.Fuyant toute psychologie réductrice,évitant gros plans et contrechamps,il dit «structurer ses filmscomme des roadmovies», vouloirfaire couler le temps dans uneimage qu’il colore <strong>en</strong> virtuose.L’écho du v<strong>en</strong>t <strong>en</strong> moi associe auxtrois âges de la vie une teintediffér<strong>en</strong>te : le doré merveilleux del’<strong>en</strong>fance, le noir et blanc d’unejeunesse insatisfaite, le bleuté de lavieillesse glissant vers la mort. Lesinterrogations du réalisateurrésonn<strong>en</strong>t d’un film à l’autre.Certains mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scènedirectem<strong>en</strong>t des doubles del’artiste: le professeur de cinémadans L’oiseau qui susp<strong>en</strong>d son vol,le photographe dans le bouleversantMise à nu, ou <strong>en</strong>core (qui sait ?) dansce même film qui n’<strong>en</strong> finit plus demettre <strong>en</strong> abyme l‘acte créatif del’homme <strong>en</strong> noir qui organise lesuicide des autres comme unscénariste scrupuleux.Un cinéma sans concession, d’unes<strong>en</strong>sibilité et d’une force telles qu’ilmériterait d’être diffusé au-delà desvery happy few de Manosque !ÉLISE PADOVANIAccid<strong>en</strong>ts, accid<strong>en</strong>ts…Invité par la région PACA, ThierryFrémaux, le Délégué Général duFestival de Cannes est v<strong>en</strong>u le 1 erfévrier prés<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> avant-premièreaux Variétés le film de PabloTrapero qu’il avait sélectionné àCannes dans Un certain regard, <strong>en</strong>2010. Thierry Frémaux a profité desa «tournée» à Marseille pourexpliquer avec simplicité etgénérosité sa manière de travailler,ses critères de sélection, lescoulisses de Cannes : «Un bon film,c’est un bon scénario, de bonsacteurs, des scènes bi<strong>en</strong> éclairées etsurtout une vraie mise <strong>en</strong> scènequ’elle soit novatrice ou classique.»Carancho, construit comme unthriller, <strong>en</strong> est un bon exemple…Dès l’apparition du titre sur l’écran,CARANCHO, écrit <strong>en</strong> lettres bancheséclaboussées de sang, on sait qu’onne fera pas dans le mièvre ! Le«Carancho», c’est Sosa (RicardoDarin), un avocat spécialisé dans lesaccid<strong>en</strong>ts de circulation à Bu<strong>en</strong>osAires ; il profite, sans scrupulessemble-t-il, des nombreusesvictimes de la route qui <strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>tune poignée d’avocats mafieux,grâce aux assurances et à lacorruption. C’est sur son «lieu detravail» qu’il r<strong>en</strong>contre Luján,(Martina Gusman) une jeuneurg<strong>en</strong>tiste qui se drogue pour t<strong>en</strong>ir lecoup. C’est le coup de foudre maisl’amour ne sauve pas toujours,malgré leurs efforts pour se sortir dela corruption et de la mafia. Unedernière chance qui n’apportera pasla rédemption. Si le thème de lacorruption est un classique, celui del’arnaque à l’assurance pour lesCarancho de Pablo Traperoaccid<strong>en</strong>ts de la route, très nombreux<strong>en</strong> Arg<strong>en</strong>tine, est inédit et traité avecbeaucoup d’énergie par PabloTrapero : plans serrés, montag<strong>en</strong>erveux. Certes, on se serait passéde quelques gros plans pleinsd’hémoglobine mais le spectateurest t<strong>en</strong>u <strong>en</strong> alerte jusqu’au bout,espérant que ces deux solitairespaumés vont s’<strong>en</strong> sortir, bi<strong>en</strong> qu’il lessache condamnés.Le film, imm<strong>en</strong>se succès <strong>en</strong>Arg<strong>en</strong>tine, a provoqué unchangem<strong>en</strong>t de la loi règlem<strong>en</strong>tantle paiem<strong>en</strong>t des indemnités desvictimes des accid<strong>en</strong>ts de la route.Qui a dit que le cinéma ne pouvaitri<strong>en</strong> ?ANNIE GAVA


62 CINÉMA ICI | SEMAINE DU SON | INSTITUT DE L’IMAGELes séquestrés de MeinaLe 27 janvier 1945, Auschwitz est«libéré». Longtemps murés dansl’indicible, confrontés au fil des ans àl’ignorance des nouvellesgénérations ou à l’ignobl<strong>en</strong>égationnisme de quelques-uns, lesderniers survivants inlassablem<strong>en</strong>ttémoign<strong>en</strong>t. Dev<strong>en</strong>u depuis 2002Jour de mémoire et de prév<strong>en</strong>tiondes crimes contre l’humanité <strong>en</strong>Europe, le 27 janvier multiplie lesévénem<strong>en</strong>ts culturels. L’InstitutCulturel Itali<strong>en</strong> a projeté cette annéele film de Carlo Lizzani, Hôtel Meina(2009), adapté d’un romanhomonyme de Nozza. 8 sept. 1943 :grecs et itali<strong>en</strong>s, naufragés de laguerre, partag<strong>en</strong>t la douceur d’unefin d’été près du lac Majeur. À frôlerla mort, la vie s’exacerbe. L’espoirfêté au champagne, à l’annonce deC’est son sonl’armistice de Badoglio, s’éteintavec l’irruption d’une division SS.Réquisition de l’hôtel, tri des hôtes :les juifs seront confinés puisLe 29 janvier, c’était la clôture de la troisième Semaine du Son qui veut«am<strong>en</strong>er à pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce de l’importance de la qualité del’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t sonore», comme l’a rappelé son fondateur ChristianHugonnet, ingénieur <strong>en</strong> acoustique et techniques de prise du son. Alors quele son est un élém<strong>en</strong>t fondam<strong>en</strong>tal de l’équilibre, seuls 2% des Françaisjou<strong>en</strong>t d’un instrum<strong>en</strong>t… contre 65% des Américains ! Cinquante villes <strong>en</strong>France ont donc monté des Semaines du son, et à Marseille c’est le SATIS,Films-Flamme et le FIFA qui l’ont organisée, nous proposant d’appr<strong>en</strong>dre àÉCOUTER un film. Cela a donné une r<strong>en</strong>contre de six heures, au CRDP,autour des films de Robert Guédigian.Après avoir revu Lady Jane, les différ<strong>en</strong>ts interv<strong>en</strong>ants de la «chaîne» du son,Laur<strong>en</strong>t Lafran sur le tournage, Bernard Sasia et Valérie Meffre pour lemontage, Gérard Lamps pour le mixage ont expliqué avec clarté et précisionleur travail respectif. Ils ont fait écouter à un auditoire att<strong>en</strong>tif, les différ<strong>en</strong>tespistes sonores, explicitant leurs choix sur certaines séqu<strong>en</strong>ces. Puis unparcours chronologique des films de Guedigian a éclairci l’évolution dutraitem<strong>en</strong>t du son, aussi bi<strong>en</strong> du point de vue technique qu’esthétique, dupremier film Dernier été, qui date de 1980, jusqu’à son 17 e film, <strong>en</strong> cours demontage, Les pauvres g<strong>en</strong>s.Même si Robert Guédigian, qui présidait le Jury des longs métrages duFestival Premiers Plans d’Angers, n’était pas prés<strong>en</strong>t à la r<strong>en</strong>contre, il étaitbi<strong>en</strong> là, avec ses films et ses fidèles collaborateurs.ANNIE GAVA© A.GHotel Meina de Carlo Lizzaniexécutés quelques semaines plustard malgré l’héroïsme du directeur,de sa fille Noa et d’une résistanteallemande. Huis clos dans l’écrinL’Idéalistedes montagnes dev<strong>en</strong>u étau, HôtelMeina est un film oppressant.Condamnés et bourreauxpartageant le même espace,l’horreur se distille à chaque plan,sur le visage lisse du beaucommandant Krassler, dans les jeuxbonhommes de ses soldats. SiLizzani, qui a travaillé avec les plusgrands -De Santis, Rossellini,Vergano- réussit quelques scènesfortes comme le ballet macabre descadavres <strong>en</strong>chaînés au fond du lac, iln’évite pas l’écueil illustratif. Un filmde plus, dira-t-on et pas un chefd’œuvre,mais raconter <strong>en</strong>core et<strong>en</strong>core sauve les victimes de laseconde mort dont parle Wiesel,celle de l’oubli.ELISE PADOVANIL’Institut de l’Image met à l’honneur jusqu’au 22 février le réalisateur DanoisCarl Theodor Dreyer. Journaliste et cinéaste, homme de foi et de rigueur,Dreyer laisse une filmographie des plus personnelles et <strong>en</strong>voûtantes, et cemalgré un parcours atypique : il tournait peu, peaufinait ses projets àl’extrême, inquiétait les producteurs.Passé à la postérité grâce à la Passion de Jeanne d’Arc, film muet de 1928,puis à Vampyr (1931) et Ordet (1954) qui lui valut un Lion d’or à V<strong>en</strong>ise, il n’aeu de cesse de chercher l’Idéal, celui avec majuscule, au travers depersonnages <strong>en</strong> quête. Jeanne d’Arc bi<strong>en</strong> sûr, le personnage principald’Ordet aussi, et leurs chemins de croix vers le Divin. Jour de colère (1943)et Gertrud, son dernier film tourné <strong>en</strong> 1964 et sous-estimé à sa sortie, où sesprotagonistes sont prêts à tout perdre pour <strong>en</strong>trevoir, ne serait-ce qu’un courtinstant, l’Amour. Ces êtres, dans la folie et la beauté de leurs parcoursspirituels, sont le cœur du travail esthétique de Dreyer.Incroyable faiseur d’images, de gros plans aux émotions palpables, ilsublimait l’interprétation de ses actrices, à l’affut du moindre tressaillem<strong>en</strong>t,de la moindre hésitation. Dans l’absolue précision de ses cadrages, de sesnoirs, de ses blancs, des tons et demi-tons qui les sépar<strong>en</strong>t, le réalisateurdanois impressionne d’Expressionnisme. Encore et toujours avec majuscule,à l’image d’une œuvre qu’il faut décidém<strong>en</strong>t redécouvrir.RÉMY GALVAINInstitut de l’Image04 42 26 81 73www.institut-image.orgOrdet de Carl Dreyer


De la viejuste avantla mortIsabelle Brocart et Emmanuelle Beart © A.GLES VARIÉTÉS | CLERMONT-FERRANDC’est à l’occasion de la 3 e journéePati<strong>en</strong>ts-Greffes de moelle organiséepar l’Institut Paoli-Calmettes qu’aété projeté au cinéma Variétés Macompagne de nuit, le premier longmétrage d’Isabelle Brocard, qui étaitprés<strong>en</strong>te, accompagnée de l’une deses actrices, Emmanuelle Béart.Écrit à quatre mains, le film est néd’un désir de parler de la maladie, dela mort, sans romantisme, et sansréfér<strong>en</strong>ce à une histoire vécue. Julia,superbem<strong>en</strong>t interprétée par EmmanuelleBéart, est une femmeatteinte d’un cancer incurable qui aéloigné ses proches, sans doute pourles protéger, et partage ses derniersjours avec une assistante de vie,jouée admirablem<strong>en</strong>t par HafsiaHerzi.«Avec Hélène Laur<strong>en</strong>t, on a vouluraconter l’histoire d’une r<strong>en</strong>contre,explique la réalisatrice. Le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>treces deux femmes est créé par lamaladie et il devi<strong>en</strong>t un li<strong>en</strong> ess<strong>en</strong>tiel.Il n’y a pas de susp<strong>en</strong>se dans le film :au bout c’est la mort, mais c’est la vieque je voulais filmer, les petitsdétails. Les deux héroïnes sont bi<strong>en</strong>vivantes.»P<strong>en</strong>dant l’écriture, scénaristes, réalisatriceet actrices ont r<strong>en</strong>contrésoignants et malades qui ont parléCINÉMA63de leurs expéri<strong>en</strong>ces, de leursr<strong>en</strong>contres. Car c’est avant tout unehistoire de r<strong>en</strong>contres.«Avant d’aller r<strong>en</strong>contrer des g<strong>en</strong>s <strong>en</strong>soins palliatifs à Villejuif, préciseEmmanuelle Béart, j’étais terrorisée! J’ai beaucoup écouté et plusj’étais là, moins j’avais peur ; ce quiest important c’est la vie, les petitsdétails de la vie, un rayon de soleil,un message, et j’ai compris qu’ilfallait aller à la source énergétiquede ces détails. J’ai essayé de compr<strong>en</strong>dre,à travers le regard et l’écoute,aller au plus proche. Plus je parlaisavec les g<strong>en</strong>s, plus je s<strong>en</strong>tais uneespèce de lumière. Faire ce film achangé mon regard sur la maladie.»Il est certain qu’il faut dépasser lapeur <strong>en</strong> soi pour aller voir ce filmâpre, inconfortable mais superbem<strong>en</strong>tinterprété et plein d’humanitéet d’énergie.ANNIE GAVALA capitale du court métrageAprès DEUX séances d’ouverture dans la salleJean Cocteau (1400 places !) de la Maison de laCulture, comble comme toutes les années, c’estsur les chapeaux de roue qu’a démarré le 33 eFestival International du Court Métrage deClermont-Ferrand.C’est à un véritable marathon que se livr<strong>en</strong>t lesfestivaliers, courant d’une salle à l’autre, slalomant<strong>en</strong>tre les compétitions internationale, nationale oulabo, la rétrospective Nouvelle-Zélande, la Carte Blanche àSacrebleu productions, Courtd’histoire, Courts de contes ouRegards d’Afrique. Le choix estdifficile ! 400 films programmés dont182 sélectionnés parmi les 6 753films reçus, représ<strong>en</strong>tant plus d’unec<strong>en</strong>taine de pays !Cette année, aucun film de la régionPACA n’est sélectionné… Donc nosquelques coups de cœur vont àd’autres ! D’abord deux filmsd’animation très réussis : Lesjournaux de Lipsett, du Canadi<strong>en</strong>Theodore Ushev, prés<strong>en</strong>té commeun journal intime, nous fait découvrirla frénésie créatrice d’Arthur Lipsett,un réalisateur canadi<strong>en</strong> de filmsexpérim<strong>en</strong>taux mort à 49 ans etKam<strong>en</strong>e de la Slovaque KatarinaKerekesova : la visite dans unecarrière de la femme ducontremaître qui rêve d’avoir un<strong>en</strong>fant, et qui constate que son maria changé à force de travailler dur.Des films qui trait<strong>en</strong>t avec légèretéde sujets graves comme Casus Bellidu Grec Georges Zois dont le personnage principalest un caddie : une métaphore originale de la Crise.Anna et les tremblem<strong>en</strong>ts de Solveig Anspachraconte le calvaire d’Anne (Anne Morin) qui t<strong>en</strong>ted’attirer l’att<strong>en</strong>tion de la RATP sur son cas : lesvibrations, dans son appartem<strong>en</strong>t, font tout bouger.Et puis aussi, La fille de l’homme de ManuelShapira, Promise of a spring day du Coré<strong>en</strong> Yoon-Jae Ha, Siggil de Rémi Mazet, Le meilleur ami del’homme de Vinc<strong>en</strong>t Mariette et puis, et puis… lesregrets de tous ces films qu’on ne voit pas !ANNIE GAVALe palmarès !Parmi la tr<strong>en</strong>taine de films récomp<strong>en</strong>sés, le GrandPrix International est attribué au docum<strong>en</strong>taireKawalek Lata (Un bout d’été) de la Polonaise MartaMinorowicz. Prix Spécial du Jury : Los minutos,las horas (Les minutes, les heures)de Janaina Marques. Prix duMeilleur Film d’Animation : Lesjournaux de Lipsett de TheodoreUshev. Prix du public : Suiker(Sucre) de Jero<strong>en</strong> Annokkeé.Palmarès national Grand Prix :Tremblay-<strong>en</strong>-France de Vinc<strong>en</strong>tVivioz ; Prix Spécial du Jury : Ladame au chi<strong>en</strong> de Dami<strong>en</strong> Manivel.Prix du public : L’accordeur d’OlivierTreiner.Grand Prix Labo : Night Mayor duCanadi<strong>en</strong> Guy Maddin. Prix Spécialdu Jury labo : On the way to the seade Tao Gu ; Prix du public : Big BangBig Boom de Blu.Kawalek Latade Marta Minorowicz


64LIVRES RENCONTRESD’Aix à Marseille…Edmonde Charles-Roux était l’invitée des ÉcrituresCroisées. La r<strong>en</strong>contre offrait l’occasion de rev<strong>en</strong>ir surune biographie haute-couture et haute <strong>en</strong> couleurs :l’<strong>en</strong>fance d’une fille d’académici<strong>en</strong> diplomate habituéeà se déplacer avec ses «g<strong>en</strong>s», l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant laguerre, le tal<strong>en</strong>t de la journaliste non conv<strong>en</strong>tionnellede Vogue qui aura réussi à introduire l’artcontemporain sur le papier glacé de la presse de mode,le mariage avec Gaston Defferre et Marseille, leshonneurs de l’académie Goncourt. La deuxième soiréeoffrait un angle d’approche double intéressant : d’unepart, le rapport de l’œuvre à l’image, à travers la formedu récit-photo, l’adaptation cinématographique parDino Risi d’Oublier Palerme, et l’évocation des grandstal<strong>en</strong>ts dénichés par la journaliste ; d’autre part, leregard sur le Prix Goncourt, <strong>en</strong> tant que lauréate etmembre de l’académie du même nom, comme DidierDecoin. Si c’est avec malice que la dame cultive sonpersonnage de grande bourgeoise de gauche, et DidierDecoin celui de bon vivant amateur de bonne chère,E. Charles-Roux © X-D.Rla r<strong>en</strong>contre déçoit tout de même <strong>en</strong> se réduisant àquelques considérations conv<strong>en</strong>ues sur l’état dumonde et des media, et à diverses anecdotessavoureuses. Reste tout de même que la soirée aurapermis, une fois n’est pas coutume, de mettre àl’honneur Marseille <strong>en</strong> plein cœur d’Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce !A. FA.Edmonde Charles-Roux : sa vie, son œuvre, ses passionsles 27 et 28 janvier à la Cité du Livre avec AntoineBoussin, Didier Decoin, Michel GuerrinLumières noiresLe 8 février s’ouvrait à Vitrolles la 2 èmeédition du festival Polar <strong>en</strong> lumières,une semaine consacrée au g<strong>en</strong>re policiersous toutes ses formes. Accueilli par desorganisateurs coiffés de panamas blancsà rubans noirs siglés du nom du festival,un public nombreux a rapidem<strong>en</strong>trempli le hall puis la salle du cinémaLes Lumières. Cette soirée d’ouvertureproposait une affiche alléchante : unetable ronde sur le polar algéri<strong>en</strong>, puis laprojection du film Morituri, <strong>en</strong>compagnie du parrain de lamanifestation, Yasmina Khadra.L’émotion a dominé les discoursd’inauguration, car la v<strong>en</strong>ue à Vitrollesdu célèbre romancier algéri<strong>en</strong> est unsymbole fort de l’évolution politique dela ville et de l’importance croissante dece jeune festival ! Au maire qui luiremettait la médaille de la ville,l’écrivain a d’ailleurs rappelé son<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et son plaisir de rev<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>Prov<strong>en</strong>ce.Hélas, après ces congratulations lasoirée n’a pas t<strong>en</strong>u toutes ses promesses.Le journaliste Adlène Meddi, qu’onavait hâte de r<strong>en</strong>contrer, a été ret<strong>en</strong>u àSerge Scotto avec son inséparable chi<strong>en</strong> Saucisse et Yasmina Khadra © Annie Galva/<strong>Zibeline</strong>Alger, actualité oblige. La table rondem<strong>en</strong>ée par Serge Scotto s’est limitée àdes généralités sur la vie et l’œuvre deKhadra, que ses lecteurs fidèlesconnaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>. On a tout de mêmeappris la g<strong>en</strong>èse du roman Morituri,écrit <strong>en</strong> un mois, dans une sorte detranse dont l’écrivain dit n’avoir aucunsouv<strong>en</strong>ir, à la suite d’un terrible att<strong>en</strong>tatdont il avait été témoin. Premièreapparition du commissaire Llob, ledouble fictionnel de l’auteur, et satireviol<strong>en</strong>te de la corruption politicofinancière, cette œuvre âpre et sansillusions a été adaptée à l’écran parOchaka Touita, qui était égalem<strong>en</strong>tinvité. Le réalisateur de Les Sacrifiés,sorti <strong>en</strong> 1982 et évoquant les luttesfratricides des Algéri<strong>en</strong>s à Paris de 1955à 1962, a choisi d’adapter <strong>en</strong> un seulfilm la trilogie de Khadra, trouvant queMorituri n’offrait pas assez de matièrepour un bon scénario; cela a fort dépluà l’auteur et le public a assisté à un vrairèglem<strong>en</strong>t de comptes ! Ceci a étéd’autant plus frustrant que laproblématique de l’adaptationcinématographique d’une œuvrelittéraire est une question passionnante !Reste à espérer que les séances suivantesont été plus éclairantes !ANNIE GAVA ET FRED ROBERTPolar <strong>en</strong> lumières s’est dérouléà Vitrolles du 8 au 13 févrierÀ quoi rêveKhadra ?Et que lui arrive-t-il dans cet Olympe desinfortunes, où il semble s’être égaré ?Dans ce tout dernier opus, déjà édité <strong>en</strong>collection de poche, où est la force deL’att<strong>en</strong>tat, où sont passées les émotionsde Ce que le jour doit à la nuit ? Khadradéclare avoir écrit un roman. Ce courttexte ressemble pourtant plus à unesorte de conte philosophique (mais oùest la philosophie ?), à une espèce defable allégorique (allégorie de quoi aujuste ?). Pétrie de maximes et de grandesphrases, cette chronique du royaumedes laissés-pour-compte se lit du boutdes yeux et se referme sans états d’âme.Mais avec l’espoir sincère que Khadraretrouve bi<strong>en</strong>tôt le souffle…romanesque. F.R.


66LIVRESRENCONTRESHommes à histoiresFatos Kongoli © JohnFoleyDeux écrivains se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t dans un train, échang<strong>en</strong>tdes mots et pas des moindres «Pain, amour, liberté,ça se dit comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> albanais ?» demande le Français ;émerveillé par la réponse, il <strong>en</strong> fait tout un poème etla conversation se poursuit à Marseille... Fatos Kongoliet Jacques Jouet se souri<strong>en</strong>t finem<strong>en</strong>t et n’ont decesse de se faufiler dans la singularité de l’autre, manifestem<strong>en</strong>travis de se retrouver sur le terrain de la différ<strong>en</strong>ce ;par exemple le premier, celui de Tirana, croit au «style...qui fait l’homme» ; l’autre, l’Oulipi<strong>en</strong>, n’y croit pas etveut les avoir tous! Lecture d’une page de Bodo, dernierroman de Jacques Jouet (voir Zib’ 37) qui déploiefastes et vicissitudes de l’Afrique de la décolonisation,comm<strong>en</strong>tée malicieusem<strong>en</strong>t par l’ami dans un françaisraffiné : on ne compr<strong>en</strong>d pas grand chose à ce livre magnifiquemais difficile à absorber, reste la beauté de lalangue qui serait alors le signe d’une relation spirituelle«Ça pleut direct !»Front couronné d’étoiles… comme un vrai poète àl’anci<strong>en</strong>ne, Bernard Noël porte les stigmates noblesde sa fonction : front large et haut, gloire de cheveuxblancs et regard dévoreur d’espace. Invité de marqueau «cabanon des auteurs» du Théâtre du Petit Matin,l’homme amène avec lui la paix des profondeurs etl’inquiétude ferv<strong>en</strong>te d’un prés<strong>en</strong>t qui va vite. L’œuvreest célébrée, connue pour de bonnes ou de mauvaisesraisons : l’auteur rappelle, sourire <strong>en</strong> coin, après lectured’un extrait de l’Outrage aux mots, les circonstances dela condamnation du Château de Cène pour «outrageaux mœurs» et sa réaction contre son propre avocatBernard Noel © X-D.RJacques Jouet © Isabelle Ravioloà une réalité africaine très complexe ? Riposte immédiate: ce roman n’est ni celui d’un amoureux, ni celuid’un spécialiste, il est simplem<strong>en</strong>t le fruit d’une vieilleculpabilité de pays colon et d’ailleurs l’œuvre de FatosKongoli est elle aussi construite sur le concret des situations,mêlant intime et politique ; suit une liste pittoresquede thèmes récurr<strong>en</strong>ts : les poux, l’alcool, le sexe, lafamille... Éclats de rire prolongés par la lecture d’extraitsde La vie dans une boîte d’allumettes (voir Zib’ 37) marquéspar la cruauté et l’émotion. C’est que FatosKongoli assume fort bi<strong>en</strong> la part autobiographiquede ses récits, jusqu’à intégrer, non sans humour, desfigures d’écrivains, ratés le plus souv<strong>en</strong>t, dont l’un amême le dérisoire privilège de se nommer... Balzac(«Balzac, c’est moi!»).Se faisant traiter de romancier «pur» («ce n’est pas uneinjure n’est-ce pas ?», l’Albanais se rev<strong>en</strong>dique alorsRobert Badinter plaidant son caractère inoff<strong>en</strong>sif !La voix vi<strong>en</strong>t de loin, traine un peu, remonte dans latête et fait de la place au sil<strong>en</strong>ce et à l’autre ; lectureschoisies, plutôt politiques (La Peur de l’autre ou LeGrand massacre) et plutôt de la prose respirée, vibranteet mesurée («il est juste et raisonnable d’<strong>en</strong> finir avec laservilité») <strong>en</strong> écho à l’actualité immédiate. Suivant larègle du lieu, l’auteur s’est prés<strong>en</strong>té comme unchantier de fouilles, corps et langue stockant du«passage», du temps, des g<strong>en</strong>s... «Écrire, c’est poser destraces d’où se lèveront des ombres». Le livre est latombe de la belle au bois dormant qui att<strong>en</strong>d d’êtreréveillée par le lecteur. Ils sont là les lecteurs, tout prèset le dialogue, doux et pati<strong>en</strong>t, construit par petitestouches le portrait d’un homme-poème, sa quête des<strong>en</strong>s «interminable», son désir jamais arrêté, son att<strong>en</strong>tede l’événem<strong>en</strong>t verbal, de la «précipitation de mots»,son accueil respectueux de ce qui vi<strong>en</strong>t. Le travail <strong>en</strong>cours scelle la fidélité au «nous» impossible et toujoursà l’horizon espéré : 7 monologues nés des 7 pronomspersonnels ! En guise d’au revoir généreux, le poètelance une invitation à la r<strong>en</strong>contre et... au sil<strong>en</strong>ce «Lacivilisation peut recomm<strong>en</strong>cer dans les couv<strong>en</strong>ts».MARIE-JO DHÔLe Théâtre du Petit Matin a invité Bernard Noëlle 11 février. La r<strong>en</strong>contre a été suivie le 12 févrierde la prés<strong>en</strong>tation de la Langue d’Anna ditpar Agnès Sourdillon.comme écrivain «d’un petit pays» et qualifie l’amifrançais, à l’aune de son territoire natal, d’écrivain «large»,ce qui n’est pas pour déplaire à Jacques Jouet qui selance alors dans un éloge vibrant de la diversité, etranime pour l’occasion le manifeste Oulipi<strong>en</strong> : refus del’ess<strong>en</strong>ce ou de l’être «qui fait le style», mise à distancepar la multiplication des attaques et points de vue,travail collectif pour désamorcer le singulier, réconciliationdu conceptuel et de l’artisanat et méfianceperman<strong>en</strong>te contre le ludique. Surtout quand on se nommecomme il se nomme !Après quelques élégantes considérations sur la languefrançaise, héritage paternel et espace de liberté dans l’espaceclos de Tirana, Fatos Kongoli reconnaissant sonattachem<strong>en</strong>t à des thèmes personnels comme celui dupays meurtri lance un «je ne peux pas écrire autre chose»qui sonne comme un bel aveu de puissance littéraire !MARIE JO DHOLa r<strong>en</strong>contre du 25 janvier aux ABD, Marseille,était prés<strong>en</strong>tée par Pascal Jourdanadans le cadre d’Écrivains <strong>en</strong> dialogueLibre et laïqueL’écrivain Ahmed Kalouaz, inaugurait le 8 février un<strong>en</strong>ouvelle formule de r<strong>en</strong>contres intimistes à la Bibliothèquedépartem<strong>en</strong>tale de Marseille. Il a rappelé sesdébuts dans l’écriture avec des pièces de théâtrecommandées et diffusées sur France-Culture, puis d<strong>en</strong>ombreuses nouvelles, avant d’aborder le roman. Celuisur son père (Avec tes mains, Le Rouergue, voir Zib’37)s’est imposé un jour ; il l’a écrit très vite, <strong>en</strong> deux mois.Portrait d’un père mutique, ignorant les caresses. Maispartageant des gestes, ceux du labeur. Encore aujourd’huiquand il bricole, fait du cim<strong>en</strong>t, AhmedKalouaz est avec son père, ces gestes lui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tet sont les mots de leur dialogue. Le livre est aussi leportrait d’une génération, celle de la guerre d’Algérie,celle qui donnait «l’impôt révolutionnaire» au FLNsous peine de mort. Selon l’écrivain le danger aujourd’huic’est l’islamisme politique, ceux qui veul<strong>en</strong>timposer des lois religieuses, voil<strong>en</strong>t les femmes etcloitr<strong>en</strong>t les filles. Ahmed Kalouaz, algéri<strong>en</strong> français etlaïque, se bat pour la liberté des corps et des espritsavec des romans qui trait<strong>en</strong>t des femmes battues, de ladrogue, de l’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t.CHRIS BOURGUEAhmed Kalouaz aux ABD © X-D.R


Canal historiqueLe nouveau roman de Juan Gabriel Vásquez nous<strong>en</strong>traîne à nouveau dans l’histoire Colombi<strong>en</strong>ne, etPanamé<strong>en</strong>ne. Mais il remonte plus loin que LesDénonciateurs (Actes Sud), un magnifique petit romanc<strong>en</strong>tré sur un père et un fils, la délation, et lecomportem<strong>en</strong>t criminel du gouvernem<strong>en</strong>t colombi<strong>en</strong><strong>en</strong>vers les réfugiés juifs allemands p<strong>en</strong>dant la 2 ndeguerre mondiale. Histoire secrète du Costaguana est plusambitieux, et un brin moins réussi. Plus épais,embrassant une période nettem<strong>en</strong>t plus large,plusieurs événem<strong>en</strong>ts historiques qui sont autant depéripéties nécessaires à l’avancem<strong>en</strong>t de la narration, ila quelque chose des grandes fresques de GabrielGarcia Marquez. Avec même parfois une t<strong>en</strong>tationpour le fantastique, volontairem<strong>en</strong>t inassumée, il estfondé sur l’histoire des vaincus, les racines de la mainmise américaine sur le Canal panamé<strong>en</strong>, les faussesrévolutions fom<strong>en</strong>tées par les capitalistes, les utopiesdes français déclassés trompés par Ferdinand deLesseps, et les luttes fratricides de Colombi<strong>en</strong>sfanatiques de Dieu ou de la révolution. Là <strong>en</strong>corel’auteur choisit de mettre <strong>en</strong> scène un père et un filsnarrateur, inv<strong>en</strong>te autour d’eux une atmosphèreépaisse, odorante et une foule de personnagesattachants. Joseph Conrad n’est pas le moinsintéressant, et Nostromo ainsi que Cœur des ténèbresintervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t comme des matrices qui ponctu<strong>en</strong>t àl’<strong>en</strong>vers la vie du narrateur… qui hélas intervi<strong>en</strong>t tropsystématiquem<strong>en</strong>t dans son récit, comm<strong>en</strong>tantlourdem<strong>en</strong>t parfois les structures qu’il met <strong>en</strong> placesans laisser tout à fait se dérouler le plaisir de la fable.Comme si l’auteur avait eu peur de se laisser emporterpar les flots trop puissants et l’atmosphère délétèred’un Canal embourbé depuis toujours dans les replisfangeux de l’histoire.AGNÈS FRESCHELLITTÉRATURE LIVRES 67Juan GabrielVásquez étaitl’un des invitésdes Bellesétrangères 2010,consacrées auxécrivainscolombi<strong>en</strong>s(voir Zib 35)Histoire secrètedu CostaguanaJuan GabrielVásquezEd du Seuil, 22 €La vie des bêtesOlivia Ros<strong>en</strong>thal n’est pas à proprem<strong>en</strong>t parler uneamie des animaux, même si Les Félins m’aim<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>,monté au théâtre Gérard Philipe de Saint D<strong>en</strong>is <strong>en</strong>2005, a permis à un public élargi d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre cetteparole à fictions singulières, traversée, façonnée par lapart animale de tout un chacun ; l’œuvre passée etprés<strong>en</strong>te carbure au «vivant», dans sa version collectiveet partagée : son précéd<strong>en</strong>t roman On n’est pas là pourdisparaître mettait <strong>en</strong> scène la douleur de connaîtreune vie <strong>en</strong> pointillés <strong>en</strong> compagnie de la maladie d’A...; le dernier, au titre rigolo-métaphysique Que font lesr<strong>en</strong>nes après noël ?, bi<strong>en</strong> plus complexe que ne le laissecraindre la 4 ème de couverture «ni les animaux ni vous,ne savez comm<strong>en</strong>t faire pour vous émanciper» nefonctionne justem<strong>en</strong>t ni par simple analogie ni parinterpellation directe ; le «vous» de la narratrice est un«je» d’écriture et un pacte de lecture scellé dès la casedépart Vous ne savez pas si vous aimez les animaux,mais vous <strong>en</strong> voulez absolum<strong>en</strong>t un, vous voulez unebête. C’est l’une des premières manifestations de votredésir, un désir d’autant plus puissant qu’il resteinassouvi ». OK, c’est parti pour une traverséeimplacable des steppes de la vie débutante et c’est lamère qui conduit le traîneau. On se laisse glisser deparagraphe <strong>en</strong> paragraphe sur une écriture rythméecomme des stances sans trop savoir à qui ou à quoil’on a affaire : les «je» successifs sont les autres, des «il»ou «elle», des voix de dompteur, soigneur, équarrisseur,boucher même - tout le cycle jusqu’à la vianderefroidie ! - qui expos<strong>en</strong>t méthodiquem<strong>en</strong>t leurexpéri<strong>en</strong>ce et la crois<strong>en</strong>t avec celle de la narratrice quise cherche une id<strong>en</strong>tité sexuelle <strong>en</strong>tre King-Kong et laFéline de Jacques Tourneur ! Drôle et brillant,intellectuel et s<strong>en</strong>sible, franchem<strong>en</strong>t sans histoire, ceroman suggère simplem<strong>en</strong>t que se libérer c’estappr<strong>en</strong>dre à trahir !!MARIE-JO DHOQue font les r<strong>en</strong>nesaprès noël ?OliviaRos<strong>en</strong>thalVerticales16,90 €La clé des songesZuo Luo, Zorro chinois, est inspiré d’une réalitésombre de la Chine : un curieux justicier libère lesfemmes qui, v<strong>en</strong>dues par leur famille pauvre, sont<strong>en</strong>suite séquestrées et battues par leurs maris. Mais ilappr<strong>en</strong>d au cours de l’histoire qu’il est lui-même lepersonnage du jeune chaman écrivain du précéd<strong>en</strong>troman de Christian Garcin, La Piste mongole. Desfemmes disparaiss<strong>en</strong>t, c’est donc d’abord un romanpolicier, à la façon de Chandler ou Melville : un hérostaciturne et massif se lance sur la piste d’un yakusasanguinaire lié aux trois femmes disparues de sa proprevie. Et si tous les ingrédi<strong>en</strong>ts du g<strong>en</strong>re sont réunis - dususp<strong>en</strong>s, des interrogatoires musclés, des bars <strong>en</strong>fuméset des ruelles sombres, une intrigue qui nous emmènede la Chine au Japon <strong>en</strong> passant par le Chinatownnew-yorkais, c’est pour mieux être déjoués : desyakusas impot<strong>en</strong>ts ou réincarnés <strong>en</strong> vieux chi<strong>en</strong>fouineur, des rituels ancestraux de mort par<strong>en</strong>fouissem<strong>en</strong>t, une <strong>en</strong>quête qui se transforme <strong>en</strong>quête intérieure, le but se dissipant comme un mirageau fur et à mesure qu’on avance, le tout sous le regardsans âge d’animaux dubitatifs, la voix sans visage decontes traditionnels, et le rythme exotique d’opéraschinois… Ainsi l’œuvre de l’auteur se construit-ellecomme un labyrinthe aux bifurcations multiples, oùles personnages circul<strong>en</strong>t d’un récit à l’autre, dans laréflexion curieuse de la réalité et des fictions quis’<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> se réinv<strong>en</strong>tant. Et par la puissancechamanique d’une écriture drôle et mélancolique, oùla clé de l’intrigue ti<strong>en</strong>t - et se dérobe - dans lacoïncid<strong>en</strong>ce mystérieuse de destins croisés, et dans laconverg<strong>en</strong>ce sans pourquoi des souv<strong>en</strong>irs, du passé etdu prés<strong>en</strong>t, des mondes extérieurs et intérieurs.AUDE FANLODes Femmesdisparaiss<strong>en</strong>tChristianGarcinVerdier, 16 €


68LIVRESLITTÉRATUREHaletantAbandonnant le polar marseillais Philippe Carreselivre un livre-choc, qui met <strong>en</strong> scène la folie dupouvoir et sa perversion. Comm<strong>en</strong>t un homme pr<strong>en</strong>dla direction de ses compagnons prisonniers dans uncamp de travail que les SS vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de déserter, fuyantl’avancée des troupes soviétiques, <strong>en</strong> 1945. Dans laneige et le froid des monts Tatras à la frontière de laSlovaquie, sans aucun moy<strong>en</strong> de communication avecle monde extérieur, il faut survivre. Quelques femmesréservées au plaisir des soldats, des <strong>en</strong>fants sélectionnéspour leur type ary<strong>en</strong>, des tchèques, des hongrois, desitali<strong>en</strong>s, et un savant polonais constitu<strong>en</strong>t ce peupleperdu. Le jeune Matthias, âgé d’une douzaine d’années,est chargé de t<strong>en</strong>ir le journal de l’organisation dela survie du camp rebaptisé «République». Danksopr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> main le destin de ses camarades, organisetravaux et repas. Mais très vite on s<strong>en</strong>t que son autoritéet le pouvoir qui <strong>en</strong> découle l’<strong>en</strong>ivr<strong>en</strong>t, et il va jusqu’àConfort, vraim<strong>en</strong>t ?Pour mettre <strong>en</strong> garde ses contemporains contre lestechnologies nouvelles au service de la surveillance,Grégoire Hervier les plonge dans la fiction d’unmonde super-fliqué qui, sous couvert de recherche dubonheur et du confort, détruit les libertés individuelles.Dominique Dubois, homme ordinaire,retrouve un emploi après 6 mois de chômage ets’installe à Z<strong>en</strong> City, restant <strong>en</strong> contact avec ses copainspar l’intermédiaire de son blog. Il leur raconte leconfort de son nouvel univers aseptisé avec frigoautomatiquem<strong>en</strong>t réapprovisionné, surveillance etsécurité. Un coup de blues ? Aussi sec un coach <strong>en</strong>image personnelle propose nouvelle garde-robe,nouvelle voiture, nouveau look ! Mais le vernis secraquelle très vite et Dominique <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> résistancesans le vouloir : à la suite du branchem<strong>en</strong>t de sa vieilleParmi tous les romans primés à l’automne dernier,beaucoup ont été chroniqués par <strong>Zibeline</strong>. Mais ilnous <strong>en</strong> manquait un, et non des moindres ! Voici cetoubli réparé, et l’occasion de découvrir un auteur etune œuvre remarquables. À tout juste 34 ans, SofiOksan<strong>en</strong>, née <strong>en</strong> Finlande d’un père finlandais etd’une mère grandie <strong>en</strong> Estonie durant l’occupationsoviétique, est déjà dans son pays une figure des lettreset de l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t politique et social. De son énergieà secouer la langue de bois, de sa révolte contre unecertaine fascination europé<strong>en</strong>ne pour les totalitarismesde gauche, on trouve de nombreuses traces dans son3 e roman, Purge, qui accumule les prix depuis saparution <strong>en</strong> 2008. Prix Finlandia (l’équival<strong>en</strong>t de notreGoncourt) dès sa sortie, prix Rut<strong>en</strong>berg <strong>en</strong> 2009 ; et<strong>en</strong> 2010, le prix du roman Fnac, le prix du livreeuropé<strong>en</strong>, plus le Fémina étranger ! Impressionnant…et mérité. Car Purge est un grand roman. De ceux quiaccroch<strong>en</strong>t et ne lâch<strong>en</strong>t plus ; de ceux qu’on ne peutpas simplem<strong>en</strong>t refermer pour passer à autre chose.Comme beaucoup de jeunes écrivains actuels, Oksan<strong>en</strong>s’empare de l’Histoire pour écrire son histoire,s’installer dans le bureau et les appartem<strong>en</strong>ts abandonnésdu chef des bourreaux. Désormais il rég<strong>en</strong>te,condamne. Malgré son jeune âge, Matthias, le narrateur,est de moins <strong>en</strong> moins dupe et va écrire un cahiersecret dans lequel il relate ses observations sur la foliede Dankso. Il ne reste qu’à t<strong>en</strong>ter l’impossible : la fuite.D’une redoutable efficacité, le récit de Carresefonctionne comme un feuilleton, ménageant régulièrem<strong>en</strong>tdes rebondissem<strong>en</strong>ts qui ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> haleine,transportant le lecteur d’horreur <strong>en</strong> abomination,jusqu’à son dénouem<strong>en</strong>t implacable. Un faux témoignagequi fait froid dans le dos.CHRIS BOURGUEEnclavePhilippe CarresePlon, 20 €Deux femmes puissantesguitare électrique il fait sauter tout le système RFID(id<strong>en</strong>tification par radiofréqu<strong>en</strong>ce) de son immeuble.Espionnage, découverte d’un réseau d’expérim<strong>en</strong>tationde neurosci<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> laboratoire, double-jeu, leroman ménage de grands mom<strong>en</strong>ts de susp<strong>en</strong>s. Dansla forme il alterne les dialogues <strong>en</strong>levés, les restitutionsd’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts, les échanges sur le blog, les comptes-r<strong>en</strong>dusde l’éditeur du journal de Dominique.L’<strong>en</strong>semble est saisissant : cette fiction terrifiantedevi<strong>en</strong>dra-t-elle réalité ? Nos choix les plus banals nesont ils pas déjà surveillés et répertoriés ?C.B.Z<strong>en</strong> CityGrégoire HervierLe Diable Vauvert, 18,50 €qu’elle situe pour sa majeure partie <strong>en</strong> Estonie occid<strong>en</strong>tale,et qu’on pourrait résumer à la r<strong>en</strong>contre dedeux femmes. 1992 : la vieille Aliide aperçoit dans sacour une fille inconnue, «boueuse, loqueteuse etmalpropre», Zara. Elle la recueille, la soigne, la cache ;elle a s<strong>en</strong>ti sur elle l’odeur familière de la peur, v<strong>en</strong>uerôder à nouveau. Tandis qu’Aliide vaque à ses conservesde légumes, passés le mutisme méfiant et lesm<strong>en</strong>songes, peu à peu se dévoil<strong>en</strong>t les secrets de chacuneet comm<strong>en</strong>ce un éprouvant voyage dans le tempset la mémoire d’un pays qui a payé cher sa liberté.Deux femmes, deux époques, mais toujours la viol<strong>en</strong>ce,la honte et le sil<strong>en</strong>ce. La description crue des objetset des gestes quotidi<strong>en</strong>s, le r<strong>en</strong>du minutieux dess<strong>en</strong>sations soulign<strong>en</strong>t avec force ces deux caractèresque la vie a trempés. Au risque de les contraindre àtrahir, à tuer…FRED ROBERTPurgeSofi Oksan<strong>en</strong>Stock, La Cosmopolite, 21,50 €Ouvragesélectionné pourle Prix des lycé<strong>en</strong>set appr<strong>en</strong>tisde la RégionPacaOuvragesélectionné pourle Prix des lycé<strong>en</strong>set appr<strong>en</strong>tisde la RégionPaca


Totem et papousInstantanés du tempsLes écorchés, les cabossés de la vie, Marie-SabineRoger a le don de les mettre <strong>en</strong> scène, avec t<strong>en</strong>dresse,dans des nouvelles dont la chute surpr<strong>en</strong>d souv<strong>en</strong>t :une vieille, tordue comme un vieux cep, dans un fauteuilroulant, une bande de vieux cramés du bulbe commeles définit Vince, la Castagne qui a soixante ans, n’estpas vieux mais a de l’âge, une jeune femme qui, aprèsavoir accompagné dans son dernier voyage son oncle,André qui a vécu sa vie, alors qu’elle occupe le terrain,va avorter ; un homme toujours <strong>en</strong> manque d’elle, pourqui vivre est un exil depuis huit ans.Et puis il y a tous les gestes de la vie qu’elle décrit avecjustesse et sobriété : la valse de deux mariés dans unvillage l’été ; la joie d’un vieux conducteur de poussepoussequi a gagné <strong>en</strong> une course de quoi mangerpour dix jours, les derniers adieux d’une femme à sonSi vivre est difficile…Huit petites nouvelles compos<strong>en</strong>t Les petits de FrédériqueClém<strong>en</strong>çon dont les figures héroïques sont des<strong>en</strong>fants. Toutes, réalistes et cruelles, relat<strong>en</strong>t avecdétachem<strong>en</strong>t les faits de petites vies ordinaires, desmicro-événem<strong>en</strong>ts vécus parfois comme des tragédies,ancrés dans une banalité partagée. C’est d’autant pluseffroyable que l’auteure émaille ses récits deminuscules détails et de longues descriptions, et seplaît à détricoter tous les fils des relations filiales etamoureuses. Les pères sont souv<strong>en</strong>t des personnages<strong>en</strong> creux, abs<strong>en</strong>ts ou p<strong>en</strong>sés comme tels, faibles parincuriosité (Le bannissem<strong>en</strong>t de Jean) ou irresponsabilité(dans Les mains de maman Paul ne compr<strong>en</strong>dpas sa désertion) ; la vie n’est que r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>ts et<strong>en</strong>nui et les souv<strong>en</strong>irs heureux flott<strong>en</strong>t comme «desrêves mauvais» (Les pianistes) ; l’incapacité à grandir età être heureux écrase égalem<strong>en</strong>t les êtres (l’homophobiedétruit Salim dans Deux tu l’auras). Suprême aciditéla mort rôde partout, <strong>en</strong> rêve ou pour de vrai, dans laDès La première empreinte, un «paléo thriller» édité <strong>en</strong>2002 par l’Écailler du Sud, Xavier-Marie Bonnots’est fait une place dans la littérature policière dequalité. Ce docteur <strong>en</strong> histoire et <strong>en</strong> sociologie,titulaire d’un master de littérature, journaliste etdocum<strong>en</strong>tariste a tout de suite su concocter desromans à déguster sans modération. Intrigues efficaceset docum<strong>en</strong>tées, <strong>en</strong>châssem<strong>en</strong>ts subtils, style vif,personnage récurr<strong>en</strong>t attachant, tout pour accrocherl’amateur de polar. Mais pas seulem<strong>en</strong>t. Comme lesprécéd<strong>en</strong>tes, la cinquième <strong>en</strong>quête de Michel dePalma, alias Le Baron, <strong>en</strong>traîne le commandantatypique de la SRPJ de Marseille, ses coéquipiers, et lelecteur à leur suite, dans une traversée au long cours,une remontée des fleuves et du temps. À la r<strong>en</strong>contredes sociétés traditionnelles de Nouvelle-Guinée cettefois-ci. Car, par leur mise <strong>en</strong> scène macabre, le meurtreaugural du Dr Delorme, et les autres <strong>en</strong>suite, ressembl<strong>en</strong>tà tout sauf à de banals règlem<strong>en</strong>ts de compte<strong>en</strong>tre caïds et trafiquants d’arts premiers. Le Pays oubliédu temps touche à cette dim<strong>en</strong>sion mercantile (c’esttout de même un polar !) mais convie à une réflexionplus large, étayée par des référ<strong>en</strong>ces à Freud, Lévi-Strauss, Mead, à des récits et des docum<strong>en</strong>taires aussi.Méditer sur les notions de civilisation et de barbarie ;remettre <strong>en</strong> cause la suprématie occid<strong>en</strong>tale et sesmodèles imposés ; visiter les maisons des hommes,r<strong>en</strong>contrer les Big M<strong>en</strong>, <strong>en</strong>trevoir le s<strong>en</strong>tier des fantômes,c’est à tout cela qu’invite ce roman ambitieux.Ce n’est pas peu.FRED ROBERTLe Pays oublié du tempsXavier-Marie BonnotActes Sud, actes noirs, 21 €père ; le sourire d’une petite fille de quatre vingt dix ansqui ti<strong>en</strong>t son premier nounours serré <strong>en</strong>tre ses bras. Unevieille paysanne qui a toujours travaillé dur et qui,partant dans une résid<strong>en</strong>ce pour vieux, découvre qu’ilne fait jamais noir <strong>en</strong> ville et qu’à prés<strong>en</strong>t elle va vivre…Chacune des dix nouvelles douces-amères du dernierrecueil de Marie-Sabine Roger nous offre uneémotion, comme le souv<strong>en</strong>ir d’un instant que chacuna vécu, comme une photographie de Doisneau ou deSabine Weiss. À découvrir et savourer.ANNIE GAVAIl ne fait jamais noir <strong>en</strong> villeMarie-Sabine RogerThierry Magnier, 16 €disparition de l’être aimé ou haï, dans l’espoir de samort même, ultime délivrance. La jeune Adèle nesouhaite-t-elle pas ardemm<strong>en</strong>t la mort de sa mère carelle l’empêche de rêver (Le rêve de Lazare) ? Tous, petitset grands, étouff<strong>en</strong>t, asphyxiés par l’amour ou ledésamour, la jalousie ou l’abandon : l’amour est amer,mesquin, réduit à son plus simple appareil, conv<strong>en</strong>u,si rarem<strong>en</strong>t partagé… Même l’amour maternel estdésossé jusqu’au sang de manière clinique par FrédériqueClém<strong>en</strong>çon qui ose écrire l’inavouable (LesPetits). Le recueil cond<strong>en</strong>se une telle souffrance quel’on s’inquiète : si le ton était moins neutre et l’écrituremoins blanche, ces huit petites nouvelles serai<strong>en</strong>t-ellessupportables ?MARIE GODFRIN-GUIDICELLILes petitsFrédérique Clém<strong>en</strong>çonL’Olivier, 18 €LIVRES69


70LIVRES/DISQUESL’année Liszt comm<strong>en</strong>ce… avec quelques publications et <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts nouveaux,Le PèlerinLes Années de Pèlerinage constitu<strong>en</strong>t une œuvremonum<strong>en</strong>tale que le jeune Franz Liszt <strong>en</strong>treprit decomposer lors de sa fuite amoureuse avec la pianiste etfuture romancière Marie d’Agoult. De cette cavale decinq ans naquir<strong>en</strong>t trois <strong>en</strong>fants et l’ossature de l’opus(Album d’un voyageur), <strong>en</strong> particulier pour les deuxpremières «années», Suisse et Italie, dont La valléed’Oberman ou Après une lecture de Dante demeur<strong>en</strong>t destêtes de programmes de récitals. C’est à l’âge mûr queLiszt mit un point final à cette architecture pianistiqueunique dans l’histoire de la musique avec son troisièmevolet : Rome. Le compositeur ayant connu une autreFlamboyantLorsqu’elle <strong>en</strong>registre <strong>en</strong> 1996 ces Études de concert pourla firme dirigée par les Gambini, Mûza Rubackyté estpeu connue dans l’hexagone. Débarquée <strong>en</strong> Francedepuis la chute de l’Empire soviétique, la Lituani<strong>en</strong>ne arapidem<strong>en</strong>t étonné le public occid<strong>en</strong>tal par sa fougueexubérante au clavier. C’est que, depuis son <strong>en</strong>trée auConservatoire Tchaïkovski (1976) et son Grand Prix àBudapest (1981), on l’avait surtout <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due à l’Est !Rigutto 91Ce disque a été gravé il y a vingt ans par Bruno Rigutto,pianiste français qui fut l’un des rares disciples de SamsonFrançois et lauréat <strong>en</strong> son temps des concours «MargueriteLong» et «Tchaïkovski». Cet <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t estune «référ<strong>en</strong>ce» de la maison d’édition Lyrinx qui, depuisde longues années, s’évertue à placer sous les feux de larampe des pianistes de tal<strong>en</strong>t. Le choix de pièces de FranzUnité ?Les mots de Robert Schumann «Sa propre vie est dans samusique» apport<strong>en</strong>t un éclairage manifeste à l’œuvresingulière de Franz Liszt (1811-1886). On connaîtfinalem<strong>en</strong>t assez mal, <strong>en</strong> dehors des s<strong>en</strong>tiers conv<strong>en</strong>us,l’œuvre monum<strong>en</strong>tale (plus de mille partitions) de cemusici<strong>en</strong> majeur du courant romantique. Il écrivit danstous les domaines, du piano virtuose, Lieder, poèmessymphoniques, aux grandes fresques religieuses… Jean-Yves Clém<strong>en</strong>t, nommé Commissaire général de l’AnnéeLiszt <strong>en</strong> France, livre sa contribution à la collectionbiographique de Classica. Il synthétise ce qui, dans la vieOfficielCette biographie a été sélectionnée pour La Folle Journéede Nantes 2011. Comme à son habitude la collectionHorizons (25 titres disponibles) propose des ouvragesbi<strong>en</strong> réalisés, synthétiques, compr<strong>en</strong>ant des élém<strong>en</strong>tsbiographiques académiques, une iconographie conséqu<strong>en</strong>te,des analyses succinctes de partitions, tableausynoptique, bibliographie et discographie sélectives… LeFranz Liszt d’Isabelle Werck se structure selon troispériodes : de l’<strong>en</strong>fance prodige à la période brillante dupianiste nomade, les années majeures à Weimar, et cellefemme fascinante, la princesse Carolyne Wittg<strong>en</strong>stein,ajouta V<strong>en</strong>ezie e Napoliz à sa fresque, puis, l’exaltationmystique pr<strong>en</strong>ant le pas sur la vie amoureuse, il reçut lesordres mineurs.La pianiste lituani<strong>en</strong>ne Mûza Rubackyté possèd<strong>en</strong>aturellem<strong>en</strong>t, dans son jeu flamboyant, les qualitéstechniques propres à l’interprétation des morceaux debravoure du Hongrois. Son jeu d’une grande clartédemeure infaillible dans les pages virtuoses. Son cantabileest fluide, fin et profond, doublé d’une expression quigomme tout pathos excessif. Une belle interprétation quiretrace, avec justesse, un voyage initiatique conduisantAvec à propos, la maison d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t marseillaisep<strong>en</strong>sa que les voltiges digitales et flamboyantes de Liszt luiirai<strong>en</strong>t comme un gant. De fait, quinze ans après, onredécouvre avec bonheur les tierces et sixtes, gammes,arpèges, trémolos et variations d’après Paganini, glisserdes noires aux blanches comme <strong>en</strong> lutinant sur un tapisde velours.J.FLiszt résonne, sous les doigts de Rigutto, avec une rareprofondeur. Son jeu ard<strong>en</strong>t rayonne dans les pages dejeunesse, lorsque le compositeur partait à la conquête del’Europe (Sonnets de Pétrarque), s’assombrit à souhaitdans Funérailles, La Notte ou Lugubre gondole n°1,s’<strong>en</strong>flamme (Méphisto-Valse) ou se dépouille (Nuages gris,En rêve)…J.Fet l’œuvre révolutionnaire du Hongrois, grand voyageureuropé<strong>en</strong>, pourrait sembler dispersé, mais qui génère, <strong>en</strong>fait, une improbable unité.J.FFranz LisztJean-Yves Clém<strong>en</strong>tActes Sud / Classica, 18 €de l’abbé vieillissant. Des chapitres analytiques s’intercal<strong>en</strong>tavec à propos dans cette chronologie suivant troisaxes musicologiques relatifs à ses œuvres pour piano,symphoniques et vocales.J.F.Franz LisztIsabelle WerckBleu minuit éditeur, 20 €un homme, ayant vaincu ses passions premières, vers lesvoies de la spiritualité et du divin.JACQUES FRESCHELCoffret 3CD(SACD) Lyrinx LYR 2216CD Lyrinx LYR 156CD Lyrinx LYR 112


ou réédités !Credo«Il faut donc bi<strong>en</strong> le constater : malgré labelle t<strong>en</strong>ue des études liszti<strong>en</strong>nes, la gêne estpartout palpable <strong>en</strong> ce qui concerne laquestion religieuse. Ri<strong>en</strong> d’étonnant : les<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t religieux qui se trouvait déjà <strong>en</strong>contradiction avec le temps de Liszt, l’est plus<strong>en</strong>core avec le nôtre». Alain Galliari pose<strong>en</strong> ces termes les bases d’une approchebiographique peu abordée dans la vasteproduction musicologique sur le pianiste,compositeur qui se fit abbé lacinquantaine v<strong>en</strong>ue (provoquant descomm<strong>en</strong>taires sarcastiques). L’auteurdépasse la contradiction appar<strong>en</strong>te d’unevie duelle : une jeunesse galante éloignéede l’idée de vertu déf<strong>en</strong>due par l’église, auregard d’une vieillesse toute de contritioncharitable. De fait, l’auteur déf<strong>en</strong>d l’idéeque le désir qu’éprouvait Liszt de sedonner à Dieu ne l’avait jamais quittédepuis sa jeunesse «quoique sa vie d’artistel’eût am<strong>en</strong>é sur un chemin tout autre».L’ouvrage chronologique est trèsargum<strong>en</strong>té : il s’appuie sur des texteshistoriques, témoignages, manuscrits (son«testam<strong>en</strong>t» de 1860 <strong>en</strong> particulier),revi<strong>en</strong>t sur une vocation précoce, avortéeà l’age de 17 ans. Il se nourrit des deuxgrandes passions féminines qui influ<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>tle musici<strong>en</strong> (Marie d’Agoult etCarolyne Wittg<strong>en</strong>stein), mais aussi dumonde des idées qui ébauchèr<strong>en</strong>t sap<strong>en</strong>sée : de Saint-Simon à Lam<strong>en</strong>nais oula franc-maçonnerie… Débordant ducadre musical, Galliari comm<strong>en</strong>te certainsthèmes de la croyance de Liszt : l’amourde la Croix, le mystère de la mort, lepéché et la sainteté, jusqu’au BonLarron… Éclairant !JACQUES FRESCHELFranz Liszt et l’espérance du Bon LarronAlain GalliariFayard, 22 €2011, année TomasiIl y a quarante ans disparaissait H<strong>en</strong>ri Tomasi (1901-1971).Depuis, grâce à l’obstination de proches, musici<strong>en</strong>s, journalistes,musicologues, son œuvre lumineuse retrouve les feux de plateauxqu’elle n’aurait pas dû quitter. En même temps que le radicalismeavant-gardiste de la seconde partie du 20 e siècle passe de mode,on redécouvre des factures certes plus classiques, mais nondénuéesd’expression, de savoir-faire et de tal<strong>en</strong>t.2011 fournit donc l’occasion d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre derechef des opus dumusici<strong>en</strong> corse adopté par Marseille. Ainsi le 5 février à l’Opérade Marseille (voir p 36) a-t-on ouï des pièces de sa musique dechambre. Le 6 e Concours de Quintette à V<strong>en</strong>t lui est égalem<strong>en</strong>tdédié (du 21 au 25 fév à la Cité de la Musique de Marseille).Cette commémoration est couronnée par un concert del’Orchestre de Radio-France (dir. Wyung-Whun Chung) àParis où l’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d son Concerto pour trompette (le 4 mars àPleyel) quand, à l’Opéra de Marseille, Emmanuel RossfelderRossini napolitainSur la quarantaine d’opéras composés par Rossini, seule unepoignée est couramm<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tée, avec pour figure de proueLe Barbier de Séville. Nombre d’<strong>en</strong>tre eux ont disparu durépertoire depuis la moitié du 19 e siècle, peut-être à cause de lavirtuosité technique, des tessitures larges qu’ils exig<strong>en</strong>t, pour lesmezzos et ténors qui ont pris le pas, à la fin du 18 e siècle, sur lesvoix baroques. C’est à Naples, où neuf des ses opéras ont étémontés <strong>en</strong>tre 1815 et 1822, que Rossini a connu une troupeextraordinaire de chanteurs emm<strong>en</strong>és par la Colbran. Paul-André Demierre ouvre des perspectives historiques etEt maint<strong>en</strong>ant le chaosLes Monstroplantes contre DR Lars<strong>en</strong> ? Non, ce n’est pas un filmde série Z ou le retour du dessin animé Jayce et les conquérants dela lumière (on croisait ces espèces mi-végétales mi-animales sortiesd’un laboratoire…) mais bi<strong>en</strong> d’un objet sonore non id<strong>en</strong>tifié.Ils ont débité comme une fanfare brûleuse de planches maisdésormais le collectif lyonnais agrège des musici<strong>en</strong>s d’universdivers et variés, et visiblem<strong>en</strong>t les Monstroplantes sont imbibésde SF, version Comics ! Au nombre de neuf si l’on compte lepréposé aux sons <strong>en</strong> tous g<strong>en</strong>res d’une musique véritablem<strong>en</strong>tmutante, les membres de ce groupe omnivore prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t douzetitres, un remix et un inédit live dans une ambiance funky soulCheck point«Chanter dans différ<strong>en</strong>tes langues est un premier pas quant àl’intégration culturelle». La charismatique chanteuse Sista Kexplique tout naturellem<strong>en</strong>t le choix de Radio Babel, nouvelalbum des cosmopolites Watcha Clan. La musique a le pouvoirde passer à travers les frontières, et les quinze titres (+ une vidéo)corrobor<strong>en</strong>t ce pouvoir du son et des mots à outrepasser lescloisons culturelles, de l’Ori<strong>en</strong>t proche à l’Est europé<strong>en</strong> <strong>en</strong>passant par le sud de l’Europe, sans oublier de se ressourcer àcertains fonds électro très bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sés (Fever is rising). Avec leconcours du génial oudiste Mehdi Haddab, le castingmulticulturel pr<strong>en</strong>d son <strong>en</strong>vol et laisse à point nommé sondocum<strong>en</strong>tées sur les représ<strong>en</strong>tationsthéâtrales au San Carlo, ainsi que surl’art vocal, orchestral,l’interprétation et le chant rossini<strong>en</strong>.J.F.Aux éditions Papillonwww.editionspapillon.chDISQUESjoue son Concerto de guitare à la mémoire d’un poète assassiné,Federico Garcia Lorca (le 14 mai)...Comme on n’est d’ordinaire que peu prophète <strong>en</strong> son pays, c’est<strong>en</strong> Allemagne (Trio d’anches d’Hambourg, German Stringsdirigés par Olivier Tardy) qu’on exhume ses trois magnifiquesConcertos pour hautbois (Nicolas Thiébaud), basson (ChristianKunert) et clarinette (Rupert Wachter), ainsi que leDivertim<strong>en</strong>to Corsica. Tout un langage immédiatem<strong>en</strong>tabordable, nourri par laMéditerranée, un lyrisme s<strong>en</strong>suelau chant naturel, à l’harmonieopul<strong>en</strong>te, la texture orchestraleétincelante… et qui vise le cœur !JACQUES FRESCHELCD Farao classics B108062survitaminée et pleine d’énergie rythmique. Jazzy à souhait avecune section cuivres omniprés<strong>en</strong>te, mais les scratches et les bouclesne sont pas <strong>en</strong> reste. Ils concoct<strong>en</strong>tun surpr<strong>en</strong>ant revival arachné<strong>en</strong>avec Spiderman VS les Monstroplantesfunky pur et dur où ledéhanché fait office de dogme !FRÉDÉRIC ISOLETTALes Monstroplantes / Épisode N°1empreinte dans un registre qui a besoin de r<strong>en</strong>ouveau. Laprés<strong>en</strong>tation de ce petit joyau à l’Affranchi le 25 fév et un moisplus tard (le 26 mars) sur la scène du bi<strong>en</strong> nommé Babel MedMusic aux Docks des Sudsdonnera l’opportunité de découvrir<strong>en</strong> live son énergie effervesc<strong>en</strong>te.F.I.Radio BabelWatcha ClanPiranha –Free Promo Disc71


72LIVRES/ARTSPérils <strong>en</strong> la demeureÀ l’heure du formatage mondial, les Habitantsatypiques ne sont pas toujours les bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>us. On est <strong>en</strong>droit de s’interroger (serai<strong>en</strong>t-ils les derniersirréductibles gaulois ?), de réfléchir plus largem<strong>en</strong>t à laquestion du droit inaliénable au logem<strong>en</strong>t et, plusparticulièrem<strong>en</strong>t, à cet habitat synonyme d’indép<strong>en</strong>danceet de liberté auquel Alexa et Irène Brunetconsacr<strong>en</strong>t un ouvrage. Quatre années de voyage «à lar<strong>en</strong>contre des bâtisseurs de tous poils» et des c<strong>en</strong>tainesde clichés plus tard, elles racont<strong>en</strong>t l’inv<strong>en</strong>tivité, laprécarité, l’incompréh<strong>en</strong>sion des riverains, la démarcheéco-responsable, la naissance d’un nouveaupatrimoine à travers des portraits à triple dét<strong>en</strong>te. Lesphotographies d’Alexa Brunet témoign<strong>en</strong>t d’un choixarchitectural comme d’un mode de vie, revue dedétails et de mises <strong>en</strong> situation, intérieurs-extérieurs,avec ou sans les auto-constructeurs. Iconographievivante qui trouve un écho contrasté dans les illustrationsde Maude Grübel <strong>en</strong> ouverture de chaqueséqu<strong>en</strong>ce : ses planches révèl<strong>en</strong>t les lignes de force dechaque «maison» dans ou hors de son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tnaturel ou urbain. Oui, il existe au cœur des villes,comme à Brest, des empêcheurs de tourner <strong>en</strong> rondcomme autant de manières différ<strong>en</strong>tes d’habiter lemonde… Souv<strong>en</strong>t décalés, les courts textes d’IrèneBrunet saisiss<strong>en</strong>t l’ambiance, creus<strong>en</strong>t l’intimité,fouill<strong>en</strong>t les âmes, personnalis<strong>en</strong>t l’édifice, cond<strong>en</strong>s<strong>en</strong>tquelques bouts de vies avec humour, t<strong>en</strong>dresse etquelques saillies parfois… Bref, roulottes, maisons surpilotis, huttes éphémères, yourtes ou habitattroglodyte : dis-moi où tu habites, je te dirais qui tu es !MARIE GODFRIN-GUIDICELLIHabitants atypiquesAlexa Brunet, photographies et Irène Brunet, textesPréface de Joy Sorman, illustrations Maude GrübelImages <strong>en</strong> Manœuvres, 25 €Hors champ et grand écartDeux ans après son exposition à la galerieofmarseille,le Bureau des compét<strong>en</strong>ces et désirs publie Story Mappingde l’artiste vidéaste franco-marocaine BouchraKhalili, trip <strong>en</strong> gris-noir-rouge-blanc raconté parPhilippe Azoury (Mobiles), Pascale Cassagnau (Lescartographies aléatoires ici et là-bas), Omar Berrada (Lecontraire de la voix-off). Leurs écrits fonctionn<strong>en</strong>t surle même principe que les vidéos de Bouchra Khalilioù les «images et les sons taill<strong>en</strong>t leur route séparém<strong>en</strong>t».Des voix hors champ, pas off, qui dis<strong>en</strong>t lesstrates <strong>en</strong>fouies derrières les images, leur montage etleur collure : signes, frontières physiques ou imaginaires,passages, clandestinité, expéri<strong>en</strong>ces humaines. Etla traversée toujours, épine dorsale d’une œuvre écriteà la source d’une <strong>en</strong>fance nomade. Qu’il s’agisse desfilms Anya et Straight Stories. Part 1 ou des installationsvidéos comme Circle Line, son travail naît del’intrication d’élém<strong>en</strong>ts réels et fictionnels, se construità partir d’un récit et d’une parole, se conceptualise,élabore une narration, avant de donner corps à unepartition filmique subjective. Le découpage déséquilibrédu livre <strong>en</strong>tre textes, photos tirées de ses œuvreset photos pleine page de ses exhibitions <strong>en</strong> France et àl’étranger r<strong>en</strong>d compte de l’impossibilité à classifierson œuvre, à la lisière du cinéma, de la vidéo, du docum<strong>en</strong>taire,du reportage… Philippe Azoury ignore quelest le meilleur espace pour la prés<strong>en</strong>ter : la salle decinéma «qui impose la vision bloquée» ou la galeriequi «pose la question d’une distance cultivée» ? rêvantmême d’une devanture de vitrine… En att<strong>en</strong>dantcette r<strong>en</strong>contre inopportune, ce livre est l’occasiond’une autre traversée.M.G.-G.Story MappingBouchra KhaliliCo-édition Bureau des compét<strong>en</strong>ces et désirs, NouvellesDonnes productions/Les objets <strong>en</strong> plus, 14 €Post itL’œuvre-livre de Vinc<strong>en</strong>t Bonnet, P<strong>en</strong>se • bête, opèredélibérém<strong>en</strong>t un changem<strong>en</strong>t de statut du livre <strong>en</strong>posant la question de son rapport au medium photographique,transformant un recueil lambda <strong>en</strong> imagierrépétitif dans sa combinaison interne, <strong>en</strong>têtant dansl’alternance de bandes blanches, muet par l’abs<strong>en</strong>cede repères. Aucun comm<strong>en</strong>taire aucune date aucuneréfér<strong>en</strong>ce. Seul un texte manifeste de Jean-MarieGleize court le long de la couverture et zigzague <strong>en</strong>treles mots : lignes, polaroïd, écran, «à la recherche del’image nue (moins le son), de l’écran nu (moinsl’image)», graphie colorisée, chromos lavés. La libertéest imm<strong>en</strong>se ! À nous de folâtrer <strong>en</strong>tre les photosopérées <strong>en</strong>tre 2010 et 1995 avec la t<strong>en</strong>tation d’<strong>en</strong>repérer certaines car l’artiste est prolixe et régulièrem<strong>en</strong>texposé. Extraites des séries Des conversations etOn ne vit qu’une fois vues à La Compagnie ? dans lavitrine de la galerie Où dans le cadre d’un projet avecLes Instants Vidéos Numériques, l’Atelier Ici et LaMaison du Chant ? à moins que ce ne soit à Puyloubierpour son exposition Liquidations avec Voyonsvoir… Qu’importe, ce tout <strong>en</strong> image composite estun pur conc<strong>en</strong>tré de ses théories et de ses recherchesplastiques sur l’image - Vinc<strong>en</strong>t Bonnet prépare unethèse d’esthétique sur la littéralité de l’image - et un jeude piste <strong>en</strong>tre ses multiples travaux : contributions àdes revues artistiques, éditions de cartes postales oud’affiches, actions dans l’espace public… Toutes d’unehyper efficacité, comme ce livre nu (moins le mot).M.G.-G.P<strong>en</strong>se • bêteVinc<strong>en</strong>t BonnetÉric Pesty éditeur, 18 €


20 par 2 mn«Le projet de notre association est depuisl’origine de promouvoir l’œuvre des artistesplastici<strong>en</strong>s travaillant dans la région Paca,de différ<strong>en</strong>tes pratiques, qu’ils soi<strong>en</strong>treconnus ou non» rappelait JacquelineReynier de Contre V<strong>en</strong>ts et Marées lorsde la prés<strong>en</strong>tation de leur nouveau DvdInstants d’Art volume 2 aux ABD deMarseille. La série Instants d’Art a étéconçue dans cette int<strong>en</strong>tion avec unpremier Dvd paru <strong>en</strong> 2004 réalisé par lecinéaste Jean-Michel Perez. Celui-ci areconduit le protocole minimaliste duprécéd<strong>en</strong>t opus : deux minutes pourchacun des vingt artistes, filmés pour lamajorité dans leur atelier, mouvem<strong>en</strong>tsde caméra au minimum, sans comm<strong>en</strong>taireautre que celui offert par l’artistelui-même, apports choisis et discrets aumontage image/son. Ce dispositif dépouilléévite toute intrusion oubrouillage dans la compréh<strong>en</strong>sion desdémarches et des œuvres et r<strong>en</strong>forcel’empathie <strong>en</strong>vers celles-ci et leurs créateurs.Instants d’Art s’offre ainsi commeune succession de r<strong>en</strong>contres, une mise<strong>en</strong> bouche incitant à découvrir plusavant vingt esthétiques portées selondiffér<strong>en</strong>ts médiums parfois mêlés, de lapeinture (Ceccarelli, Surian, Fabre,Balthazar, Fages, Thébault) à lasculpture/installation (Coadou, Agate,Total mangaGoulois, Luu, Duskova), la céramique(Larp<strong>en</strong>t), le dessin (Houssin, Gouvernet),photo et vidéo (Hetzel, Galle,Duchatelet, Lejeune, Nahon), la poésievisuelle (L<strong>en</strong>zi). Cep<strong>en</strong>dant le budgetde fabrication réduit impose l’abs<strong>en</strong>cede livret : seulem<strong>en</strong>t quelques r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>tsd’usage <strong>en</strong> quatrième decouverture avec la liste des vingt artistes! Léger <strong>en</strong> mains, l’objet fait un peucheap et un peu chic : titre <strong>en</strong> découpe,la couverture cartonnée souple est d’unblanc nacré séduisant. Les meilleursinstants sont à l’intérieur…CLAUDE LORINInstants d’Art volume 2Les films de Nemo, Contre v<strong>en</strong>tset marées, 10 €Le manga, et la bande dessinée japonaisefont l’objet de nombreuses études.Mode d’expression graphique protéiforme,phénomène social, objetconsumériste et industriel planétaire, lemanga révèle «les évolutions de la sociétéet des m<strong>en</strong>talités collectives japonaises»comme ses réceptions par les différ<strong>en</strong>tsgroupes sociaux à l’étranger. Spécialistedu Japon contemporain, passionné dece médium populaire (il est fondateurdu réseau de recherche Manga Networkauquel est r<strong>en</strong>voyé le lecteur pour certainesprécisions) Jean-Marie Bouissounous livre une étude approfondie etlourdem<strong>en</strong>t docum<strong>en</strong>tée. Pour ce faireil croise les différ<strong>en</strong>ts domaines d’analyse: esthétique et sémiologie de l’image,linguistique, histoire et sociologie,économie et politique, philosophie,psychanalyse. Mais bi<strong>en</strong> que redevableà la méthode universitaire ce travail, quiveut visiblem<strong>en</strong>t faire obt<strong>en</strong>ir des lettresde noblesse au g<strong>en</strong>re, constitue <strong>en</strong> touspoints une plongée captivante <strong>en</strong> eauxprofondes d’un mode d’expression souv<strong>en</strong>tconstaté comme stéréotypé etvecteur d’acculturation. Mais n’<strong>en</strong> étaitilpas déjà ainsi dès les années soixantelorsque les chercheurs se sont intéressésà la bande dessinée occid<strong>en</strong>tale dans leslabos des universités ?C.L.MangaHistoire et univers de la bande dessinéejaponaiseJean-Marie BouissouPhilippe Picquier, 19,50 €


74 RENCONTRES AU PROGRAMMELibraires du sud /Libraires à Marseille- 04 96 12 43 42R<strong>en</strong>contres avecle pasteur Frédéric Kelleret le père Paul Bony sur le thème : 50ans de traduction œcuménique de laBible, le 17 fév à 18h30 à la librairieSaint Paul (Marseille)Avec R<strong>en</strong>é L<strong>en</strong>oir et son fils Frédéricpour une confér<strong>en</strong>ce, suivie d’un débat,sur le thème Quelles valeurs universellespour surmonter la crise mondiale, le 24fév à 20h30 à la Manut<strong>en</strong>tion (Embrun)Itinérances littéraires : r<strong>en</strong>contre avecAnahide Ter Minassian et HouriVarjabédian pour Nos terres d’<strong>en</strong>fance -L’Arménie des souv<strong>en</strong>irs (Par<strong>en</strong>thèses,2010), le 16 fév à 17h30 à la librairiePrado Paradis (Marseille), le 17 fév à18h30 la librairie La Carline (Forcalquier),le 18 fév à la librairie Masséna(Nice) ; avec Mathias Énard pour Parleleurde batailles, de rois et d’éléphants(Actes Sud), le 9 mars à la librairie Maupetit(Marseille), le 10 mars au ForumHarmonia Mundi (Aix), le 11 mars à lalibrairie Actes Sud (Arles).AIXBibliothèque Méjanes – 04 42 91 98 88R<strong>en</strong>contre-débat, animée par NathalieGuimard de l’association Fotokino, avecAline Ahond, réalisatrice de courts métrages<strong>en</strong> animation, photographe,auteur-illustrateur de livres jeunesse auxéditions Mémo et Mango, le 2 mars à16h.Fondation Vasarely – 04 42 20 01 09Ateliers d’arts plastiques pour les <strong>en</strong>fantsautour des notions de formes et decouleurs, les 22, 24 et 25 fév de 14h30à 16h30, et les 1 er et 2 mars de 14h30 à16h30.C<strong>en</strong>tre aixois des Archives départem<strong>en</strong>tales– 04 42 52 81 90Dans le cadre de la Journée internationaledes femmes, regard sur Carm<strong>en</strong>Seitaset les femmes ouvrières : performancesautour de la pièce d’Edmonde Franchi,Carm<strong>en</strong>seitas, avec les comédi<strong>en</strong>nes, le 9mars à 18h30 ; débat sur la femme et lemonde du travail animé par les comédi<strong>en</strong>neset les histori<strong>en</strong>s Philippe Miocheet Robert M<strong>en</strong>cherini, le 9 mars à19h30.ARLESAtelier Archipel – 06 21 29 11 92Exposition de Sarah Dorp, sculptures,installations, du 6 au 27 mars.Musée Arlat<strong>en</strong> – 04 90 93 58 11Programmation hors les murs : Ethno’balade : Sur la trace des marins dans lequartier de la Roquette, dès 14h30 le 16 fév.AUBAGNEMédiathèque - 04 42 18 19 90Du 26 fév au 12 mars, installationparticipative de Marie-Pierre Flor<strong>en</strong>son,photographe : médiathèque, unespace et ses mondes. Des photographiesde lecteurs seront prés<strong>en</strong>téessous forme de mosaïque, et les visiteurspourront choisir une citation surla lecture et la placer sous l’image deleur choix. Le 26 février de 15h à17h, café-r<strong>en</strong>contre avec Marie-PierreFlor<strong>en</strong>son.GAPLitera 05 – 04 92 51 13 96Livres nomades, r<strong>en</strong>contrer des livres,des lecteurs, des écrivains : r<strong>en</strong>contreavec D<strong>en</strong>is Grozdanovitch pour sonlivre Rêveurs et nageurs (éd. Points, 2007)et son dernier ouvrage La secrète mélancoliedes marionnettes (L’Olivier, 2011),le 9 mars.ISTRESC<strong>en</strong>tre d’art contemporain intercommunal– 04 42 55 17 10Exposition de Bruno Peinado, Les troisprinces de Sér<strong>en</strong>dip, près de la fontainemoussue. Du 18 fév au 3 avril.LA SEYNELes Chantiers de la lune– 04 94 06 49 26Exposition de Rustha Luna, Armée defemmes, jusqu’au 12 mars.MARSEILLELa Marelle/Des auteurs aux lecteurs –04 91 05 84 72Lieu de résid<strong>en</strong>ces d’auteurs, de r<strong>en</strong>contreset de productions littéraires : FrançoisBeaune <strong>en</strong>tame une résid<strong>en</strong>ce quipr<strong>en</strong>dra fin mi-juillet.Dans le cadre du programme Entre leslignes, r<strong>en</strong>contre avec Maïssa Bey, le 4mars à la médiathèque Louis Aragon àMartigues ; r<strong>en</strong>contre avec Maïssa Beyle 2 mars à la librairie Le Gr<strong>en</strong>ierd’abondance à Salon.CIPM – 04 91 91 26 45Exposition Claude Royet-Journoud,The Time Literary Supplem<strong>en</strong>t, jusqu’au19 mars.Black Mountain College, prés<strong>en</strong>tationdes dernières traductions de RobertCreeley et Charles Olson, avec J. Daive,M. Richet, Auxemery et S. Bouquet, les18 et 19 fév.Import/export – Bombay-Marseille, leretour : 2 e session, à Marseille, aprèsBombay <strong>en</strong> sept 2010, de l’atelier detraduction m<strong>en</strong>é par 3 poètes indi<strong>en</strong>s et3 français, Sampurna Chattarji, MustansirDalvi, Hermant Divate, FranckAndré Jamme, Danielle Mémoire etCaroline Sagot-Duvauroux.Institut Culturel Itali<strong>en</strong> –04 91 48 51 94Exposition Il Risorgim<strong>en</strong>to histoire del’unità, personnages, batailles et allégoriesde l’Italie unie organisée <strong>en</strong> collaborationavec Le Museo C<strong>en</strong>trale del Risorgim<strong>en</strong>tode Rome, du 22 fév au 31 mars.Exposition des photos prises sur lesplateaux des films de Pupi Avati, du 1 ermars au 19 avril.Confér<strong>en</strong>ce d’Angelo Vergari sur Ladanse aujourd’hui <strong>en</strong> Italie et <strong>en</strong> France, le3 mars à 18h.Confér<strong>en</strong>ce de Raffaele de Ritis, histori<strong>en</strong>du spectacle populaire, sur le cirque,le plus grand spectacle du monde, le 17fév à 18h.Echange et diffusion des savoirs –04 96 11 24 50Confér<strong>en</strong>ces à l’Hôtel de région à18h45 : Charles Malamoud, indianiste,sur Vérité, fiction, connaissance : que nousdit l’Inde ?, le 3 mars ; H<strong>en</strong>ri Atlan, bilogisteet philosophe, sur La fraude,demi-vérités et m<strong>en</strong>songe total, le 10 mars.BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00Exposition de Marcel Bataillard, Narcisse,Méduse, Icare, Sisyphe, le peintreaveugle et autres mythes, jusqu’au 26 fév.Exposition Planète mode : modèles surmannequins créés par les sections Modedes lycées d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t professionnelset par les jeunes créateurs indép<strong>en</strong>dants,jusqu’au 26 fév.Galerie Juxtapoz – 09 51 23 10 09Exposition de l’artiste peintre VirginieBiondi, jusqu’au 2 mars.Regards de Prov<strong>en</strong>ce – 04 91 42 51 50Retrospective Félix Ziem, jusqu’au 22mai au Palais des arts de Marseille.ABD Gaston Deferre - 04 91 08 61 00Om al hikaya, la mère des histoires : spectaclelittéraire proposé dans le cadre del’exposition Un lieu des li<strong>en</strong>s, de LamineDiagne, comédi<strong>en</strong> et musici<strong>en</strong>, inspirédes contes de la Tunisie, accompagné duchant des tisseuses berbères et des paysagessonores tunisi<strong>en</strong>s, le 23 fév à 14h30dans l’autoriumDans le cadre de Marseille la Méditerrané<strong>en</strong>ne,table-ronde sur Progrèstechniques et conflits d’intérêt : l’exempledes Arméni<strong>en</strong>s et des Catalans, avecOlivier Raveux et Daniel Faget, le 17 févà 18h30 ; confér<strong>en</strong>ce de Jocelyne Dakhlia,directrice d’études à l’EHESS-CRH, surLangue, commerce et cosmopolitisme, le 10mars à 18h30.Dans le cadre de Ces étonnants archivores,balade-atelier avec NicolasMémain à Saint-Mauront, quartiermarseillais extra-pur, le 26 fév de 10h à16h30.Dans le cadre de la Journée internationaledes femmes, regard sur Carm<strong>en</strong>Seitaset les femmes ouvrières : expo sur l’histoired’une manufacture des tabacs de1890 à 1990, du 1 er au 7 mars ; performancesautour de la pièce d’EdmondeFranchi, Carm<strong>en</strong>seitas, avec les comédi<strong>en</strong>nes,le 7 mars à 18h30 ; débat sur lafemme et le monde du travail animé parles comédi<strong>en</strong>nes et les histori<strong>en</strong>sPhilippe Mioche et Robert M<strong>en</strong>cherini,le 7 mars à 19h30.Association pour l’Intégration despersonnes <strong>en</strong> situation de Handicap –04 91 13 41 30Exposition réalisée <strong>en</strong> collaboration deJean-Jacques Surian : Regards, gestes etsignes, jusqu’<strong>en</strong> mai.Art-Cade – 04 91 47 87 92Archipélique 3 : l’ESBAM prés<strong>en</strong>te unesélection des travaux de la promotion2010 des options Art et Design dans 3galeries de la ville : Montgrand, galeriede l’ESBAM et galerie des Grands BainsDouches, jusqu’au 25 fév.Alphabetville – 04 95 04 96 22Le 8 mars à 18h30, Jean-Paul Fourm<strong>en</strong>trauxprés<strong>en</strong>te Art et Internet (éd.CNRS), Anne Laforest prés<strong>en</strong>te Le netart au musée. Stratégies de conservation desœuvres <strong>en</strong> ligne (éd. Questionsthéoriques).Office du tourisme et des congrès –0826 500 500Activités pour les <strong>en</strong>fants : jeu de pisteEntre pierre et mer : itinéraire pédestreautour du Vieux-Port à la découverte dessculptures de façades sur le thème de lamer, les 10 et 23 fév et le 3 mars ; chasseau trésor autour du Vieux-Port, les 19 et26 fév et 12 mars ; visites du stadevélodrome, du 28 fév au 11 mars.MARTIGUESMusée Ziem – 04 42 41 39 60Exposition De la réalité au rêve, l’objetethnographique et sa représ<strong>en</strong>tation, dujusqu’au 12 juinORANGELibrairie l’Orange bleue –04 90 51 78 59À l’occasion de la journée de la femme,lecture d’extraits du dernier essai deChristine Bard, Une histoire politique dupantalon (éd. Seuil) par la compagnieLabo T., le 11 mars à 19h.SAINT-VINCENT-SUR-JABRONAssociation Terre d’<strong>en</strong>cre –04 92 62 08 07Veillées d’écriture : deux ateliers d’écritureséparés et reliés par un repas, de 19hà minuit les 25 fév et 18 mars à la salleGonsaudTOULONCompagnie Les Bijoux indiscrets –06 42 12 32 31Dans le cadre du 1 er festival musicalPrés<strong>en</strong>ces féminines, confér<strong>en</strong>ces, auConservatoire national, de Flor<strong>en</strong>ceLaunay, histori<strong>en</strong>ne de la musique, surLes compositrices françaises de 1789 à1914, le 11 mars à 18h, et de BertrandPorot, musicologue, sur Être femmemusici<strong>en</strong>ne sous l’anci<strong>en</strong> régime, le 12mars à 14h30.TRETSMaison de la culture et du tourisme –04 42 61 23 7517 e journée des écrivains de Prov<strong>en</strong>ce :r<strong>en</strong>contres et dédicaces avec notamm<strong>en</strong>tGilles Ascaride, H<strong>en</strong>ri-Frédéric Blanc,Sylviane Reboul, Serge Scotto, JeanContrucci, André Fortin, MauriceGouiran… Le 13 mars au Château desRemparts.


Esquisses d’exquises vacances des skis ? Février ne fait pas fièvrede ferveurs sci<strong>en</strong>tifiques et techniques. Ri<strong>en</strong> sur la glisse ! Cecipermet de glisser un mot sur certaines associations surlesquelles parfois nous dérapons faute de blancs espacesLevez le voile sur Petits DébrouillardsL’Association Les Petits Débrouillards a été créée il y a sept ans à Marseille sur laconviction que la culture sci<strong>en</strong>tifique et technique apporte une contributionfondam<strong>en</strong>tale à l’éducation et à la formation des citoy<strong>en</strong>s. Culture qui «ne peuts’acquérir que par la pratique, l’échange, le débat et ce à tout mom<strong>en</strong>t de la vie et <strong>en</strong>étroite liaison avec le quotidi<strong>en</strong>». À cet effet, l’association s’emploie à favoriser auprèsde tous, et plus particulièrem<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>fants et des adolesc<strong>en</strong>ts, l’intérêt pour lessci<strong>en</strong>ces et techniques. Pour faire accéder le plus grand nombre à la connaissanceet la pratique, elle fait appel à tous les moy<strong>en</strong>s pédagogiques <strong>en</strong> privilégiant ladémarche participative, expérim<strong>en</strong>tale et ludique. Cette association n’accueille pasde public dans ses locaux mais intervi<strong>en</strong>t dans diverses structures de toute la régionpour démontrer que la sci<strong>en</strong>ce n’est pas réservée aux seuls spécialistes et qu’elle estomniprés<strong>en</strong>te dans notre vie quotidi<strong>en</strong>ne. En 2002, l’association a ouvert uneant<strong>en</strong>ne dans le Vaucluse désormais localisée à Caumont sur Durance prèsd’Avignon, puis une ant<strong>en</strong>ne varoise à Toulon <strong>en</strong> 2003. L’association cherche <strong>en</strong>perman<strong>en</strong>ce de nouveaux «animateurs sci<strong>en</strong>tifiques». Sa prochaine formation sedéroulera du 23 au 28 avril <strong>en</strong> internat dans le Vaucluse. Pour tout r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t :www.lespetitsdebrouillardspaca.org/spip.php?page=cal<strong>en</strong>drier&id_ev<strong>en</strong>em<strong>en</strong>t=48Siège social et Ant<strong>en</strong>ne Bouches du Rhône : Frais Vallon, Marseille 13 e04 91 66 12 07 / 06 16 43 01 88Brevet supérieur ?Dans le cadre de son cycle de confér<strong>en</strong>ces Horizon des savoirs qui a pour thème cetteannée «peut-on faire l’économie de la sci<strong>en</strong>ce ?», Christophe Bonneuil, chargé derecherche au CNRS au c<strong>en</strong>tre Alexandre Koyré de recherche <strong>en</strong> histoire des sci<strong>en</strong>ceset des techniques et («sous réserve» ?!) Fabi<strong>en</strong>ne Orsi, économiste, chargée derecherche à l’Institut de recherche pour le développem<strong>en</strong>t [IRD] exciteront nosinquiétudes à propos de «l’appropriation» du vivant à l’échelle de l’ADN ou de laremise <strong>en</strong> cause de l’accès des populations les plus pauvres du monde auxmédicam<strong>en</strong>ts. Doit-on pour autant remettre <strong>en</strong> cause les brevets qui sont dev<strong>en</strong>usdes élém<strong>en</strong>ts incontournables de la recherche, de l’innovation et de l’industrie ?Graves questions abordées dans la confér<strong>en</strong>ce : «Vers une privation de laconnaissance ? Médicam<strong>en</strong>ts, vivant : les brevets ont-ils tous les droits ?».Espace Ecureuil, Marseille 6 e , le 15 mars 2011 à 18h30CONCOURSAGGLOPOLE PROVENCEService culture – 04 90 44 77 41Dans le cadre de la 6 e édition de la manifestation Lire Ensemble qui aura lieu du 1 erau 16 avril, lancem<strong>en</strong>t des concours de nouvelles et de marque-pages, dont la datelimite d’<strong>en</strong>voi est fixée au 1 er mars : concours adulte, ouvert à toute personne de plusde 18 ans n’ayant jamais publié sur le thème Bleu(s) à l’âme ; concours jeunes sur lethème Peur bleue(s), concours de marque-pages pour les <strong>en</strong>fants de 3 à 8 ans et decréation de poésie libre illustrée pour les <strong>en</strong>fants de 8 à 11 ans sur le thème du bleu.MARSEILLECouleurs Cactus – 06 98 72 29 07Dans le cadre du 3 e Festival du livre de la Canebière qui aura lieu <strong>en</strong> juin : concoursde nouvelle sur le thème Vers d’autres rivages ouvert à tous les auteurs n’ayant jamaispublié. Date limite d’<strong>en</strong>voi, par courrier et mail) le 2 mai. Appel à candidature pourune œuvre d’art originale, <strong>en</strong> volume, destinée à l’espace public, date limite deréception des dossiers de candidatures le 28 fév.FAIAR Cité des Arts de la rue – 04 91 69 74 67Appel à candidature pour la 4 e promotion, date limite de remise des dossiers fixée au31 mars.SIMIANE-COLLONGUEOMC – 04 42 22 81 51Concours de nouvelles sur le thème L’<strong>en</strong>fance, un droit ? 3 critères à développer : l’artdescriptif, l’art du dialogue et l’art de faire passer des émotions et son ress<strong>en</strong>ti. Formelibre, ouvert aux non professionnels. Exposition des textes et remise des prix le 14 mailors de la Fête des tout-petits. Date limite d’inscription : le 6 mars.


76 HISTOIRE ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRSLa carteFranco Farinelli, géographeitali<strong>en</strong> de son état,était convié à s’exprimersur les bouleversem<strong>en</strong>tsactuels de la cartographieLa cosmogonie grecque p<strong>en</strong>sait la distinction àpartir de trois <strong>en</strong>tités originelles : Ciel, Terre, Océanpermett<strong>en</strong>t de sortir du chaos où tout estconfusion. L’union du Ciel et de la Terre <strong>en</strong>traîne ledon d’un manteau qui recouvre Chton (terre) et surlequel on peut distinguer montagnes et fleuves,ses formes dessinées : elle change alors de nom etdevi<strong>en</strong>t Gê. Dans la p<strong>en</strong>sée occid<strong>en</strong>tale, ce manteauimplique symboliquem<strong>en</strong>t que l’on ne connait pasles choses mais seulem<strong>en</strong>t leur forme. Anaximandre(VII e s avant J.-C.), lui, construit la première cartegéographique de la terre, <strong>en</strong> bronze. Il fixe leschoses et, <strong>en</strong> contrepartie, <strong>en</strong> interdit lechangem<strong>en</strong>t.État et perspectiveCette méditation sur l’espace conduit, plus tard, àune autre construction, celle de l’État moderne.Comme la carte, il est né de la logique géométrique,et réduit la réalité à l’espace. Il est continu,c’est-à-dire que son territoire ti<strong>en</strong>t <strong>en</strong> un seul bloc.Il est homogène, autrem<strong>en</strong>t dit peuplé de g<strong>en</strong>sd’une même culture. Il est isotropique, c<strong>en</strong>tréet le territoiremonde est un regard spatial, un monde qui setranscrit par la carte.Decouverte de l'Amerique -Christophe Colomb debarque sur l'ile de San Salvador <strong>en</strong> 1492autour d’une capitale. Ainsi, la notion d’espaceremplit le cadre de p<strong>en</strong>sée occid<strong>en</strong>tal. Elle émergeréellem<strong>en</strong>t à partir de la r<strong>en</strong>aissance itali<strong>en</strong>ne. ÀFlor<strong>en</strong>ce, au XV e siècle, Brunelleschi édifie leportique de Lo spedale degli innoc<strong>en</strong>ti. Il romptavec le passé et impose ce que nous appelons,depuis, la perspective : le sujet, immobile, voitinstantaném<strong>en</strong>t ce qu’il a devant lui, et, d’un seulcoup d’œil, embrasse ce qui est visible. La relationdu sujet avec la réalité <strong>en</strong> est changée : <strong>en</strong>tre l’êtreet l’objet naît une distance, mesurable, qui permetde connaître, et l’œil ti<strong>en</strong>t la place ess<strong>en</strong>tielle danscette appréh<strong>en</strong>sion. Les villes, l’urbanisme, repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tce modèle flor<strong>en</strong>tin : on construit et l’onperçoit selon la géométrie linéaire. LorsqueChristophe Colomb découvre l’Amérique, il décritsa vision comme un point qui apparaît sur l’horizon: un point de fuite, celui-là même qui règle laperspective moderne. La découverte du nouveauMonde sphèreAujourd’hui, nos conceptions sont bouleversées parl’informatique : l’espace et le temps se confond<strong>en</strong>t.Les lieux s’inscriv<strong>en</strong>t comme une série de pointsindép<strong>en</strong>dants. Mieux, avec le Web, tout ti<strong>en</strong>t dansun seul lieu, la distance s’est anéantie dans l’immédiateté.La globalisation a fait de l’espace uneannexe dans l’explication du fonctionnem<strong>en</strong>t dumonde. La terre de carte est dev<strong>en</strong>ue sphère, et lasphère ne peut être réduite à la carte car certainspoints disparaiss<strong>en</strong>t. C’<strong>en</strong> est fini d’une mondialisationconstituée de flux et organisés par despoints, les villes, sur la surface de la terre. Notrefonctionnem<strong>en</strong>t économique crée une instantanéitédes événem<strong>en</strong>ts et supprime, de ce fait, ladistance du sujet à l’objet. Dans notre mondesphère,nous avons les objets <strong>en</strong> face de nous sanspouvoir les reconnaître. Tous les points y sont à lamême distance, et <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> même temps,contrairem<strong>en</strong>t à l’organisation de la perspective.Comm<strong>en</strong>t alors se représ<strong>en</strong>ter et décrypter lemonde actuel ; comm<strong>en</strong>t alors éviter les crises ?Même sout<strong>en</strong>u, le débat n’apporta pas de réponse.RENÉ DIAZLa crise de la raison cartographique,confér<strong>en</strong>ce du 3 févrierUn magistrat à la voix claireQuel orateur, ce D<strong>en</strong>is Salas ! Une confér<strong>en</strong>ced’une heure et demie que l’on ne voit pas passer, unpropos lucide, nuancé et convaincant... Cette fois<strong>en</strong>core un interv<strong>en</strong>ant du cycle Échange etDiffusion des Savoirs force le respect.Frisson, lorsque le magistrat évoque Mama Galladou,immolée <strong>en</strong> 2006 dans un bus marseillais parune bande de jeunes inc<strong>en</strong>diaires. Une question estalors apparue c<strong>en</strong>trale : la victime demandait àconnaître la vérité, elle voulait savoir qui avait jetéle chiffon imbibé d’ess<strong>en</strong>ce. Or «le droit n’a pasbesoin d’aller chercher cette vérité-là», puisque tousles jeunes étai<strong>en</strong>t reconnus «co-auteurs» des faits.La vérité judiciaire «n’est pas un fait, une donnéeaccessible ; elle est toujours de l’ordre du récit, de lareprés<strong>en</strong>tation, du témoignage.»C’était aussi la demande des familles lors de l’affairedes hormones de croissance ; même sans condamnationpénale, les accusés sont confrontés auxvictimes, «et ce n’est pas ri<strong>en</strong>, cette confrontationcognitive, cathartique.» C’était le cas lors des procèsdes dignitaires nazis après-guerre, lorsqu’il a falluid<strong>en</strong>tifier l’inextricable faute, car du côté del’accusation on att<strong>en</strong>dait la réponse de la justice àl’irréparable, une narration intelligible, la qualificationdes actes. «Les mots du droit se pos<strong>en</strong>t sur descrimes sans nom.»D<strong>en</strong>is Salas questionne la preuve, le passage dutemps de l’écrit, du dossier, à celui du débat contradictoireoù «l’oralité des débats secoue l’écrit»,l’intime conviction, et décrit le mécanisme del’erreur judiciaire «cristallisée sur une vérité emportanttous les acteurs de la justice dans son sillage.»L’affaire Outreau a laissé des traces, et le magistratsouligne l’articulation délicate <strong>en</strong>tre l’intérêt desvictimes et celui des prév<strong>en</strong>us, autour de la notionde vérité. Il nous dit le rôle des médias dominéspar l’émotionnel, l’importance cruciale d’avoir unejustice indép<strong>en</strong>dante face aux compromissionspolitiques et aux intérêts financiers. Parle de démocratie,autre frisson...Et revi<strong>en</strong>t à Mama Galladou, qui a eu sa réponselorsque l’un des jeunes inc<strong>en</strong>diaires a fini paravouer. «Cette demande des victimes a un s<strong>en</strong>s.Jetées hors de l’humanité, avec un corps souillé,elles espèr<strong>en</strong>t une part d’humanité chez leurs agresseurs,qui leur permette de retrouver la leur. Mettreun visage, un nom sur cette viol<strong>en</strong>ce anonyme. Cettedemande inédite de vérité est le défi que la justicedoit relever.»Une part d’irréparable demeure, seulem<strong>en</strong>t on peutalors se dire : c’est toujours un monstre, mais ilapparti<strong>en</strong>t au g<strong>en</strong>re humain.GAËLLE CLOARECQu’est-ce que la vérité judiciaire?,confér<strong>en</strong>ce du 27 janvier


ABD GASTON DEFFERRE | LE PHAROHISTOIRE77T<strong>en</strong>ir aux autresLa Bibliothèque Départem<strong>en</strong>tale des Bouches-du-Rhône héberge jusqu’au 16 avril une expositionmagnifique. Magnifique, parce que ce que l’on yvoit est beau : les photographies sont expressives,bi<strong>en</strong> cadrées, bi<strong>en</strong> construites, et les textes,maquettes et illustrations sont tous de grandequalité. Mais elle est surtout magnifique par cequ’elle offre généreusem<strong>en</strong>t : un accueil et unechaleur humaine rares.La scénographie inv<strong>en</strong>tive et empreinte de s<strong>en</strong>s dudétail invite au voyage tout autant qu’à s’attarderauprès de chacune des personnes r<strong>en</strong>contrées.Dépaysem<strong>en</strong>t : le «bled» est loin, on est invité à s’yr<strong>en</strong>dre via différ<strong>en</strong>ts itinéraires, par le Sahara et lesoasis ou par la côte. De Bou Saad, petit village dusud tunisi<strong>en</strong>, on dirait que les artistes ont tiré lasubstantifique moelle ; riche idée d’associer imagesfixes et sons ! Quelques réglages techniques etl’iPod gracieusem<strong>en</strong>t prêté à l’accueil noustransporte à l’ombre d’un palmier. Des <strong>en</strong>fantss’ébatt<strong>en</strong>t, un mécanici<strong>en</strong> fait vrombir un moteur(la 404, le dromadaire du désert), l’instituteur duvillage murmure, un slammer écrit à sa mère et unevieille dame évoque le passé <strong>en</strong> caressant son chat.Il est aisé de s’attarder ici ou là, selon qu’un visagesoudain se met à nous parler intimem<strong>en</strong>t, ou qu’unobjet détourné de sa fonction première avecingéniosité aura ret<strong>en</strong>u notre regard : ah, poésiedes coussins-millefeuilles <strong>en</strong> boîtes d’œuf, dukanoun fait avec une jante <strong>en</strong> métal ! On est loinde notre culture de l’abondance et du gaspillage…Au-delà du bledCar cette exposition nous parle aussi, par hasard(mais les coïncid<strong>en</strong>ces ont souv<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>s), de larévolution tunisi<strong>en</strong>ne. Conçue avant lesévénem<strong>en</strong>ts, les portraits de B<strong>en</strong> Ali y apparaiss<strong>en</strong>tau détour des images, la pauvreté s’affiche aussi,les conditions de vie qui fleur<strong>en</strong>t la misère, et puisce mot, «bled», et son histoire, qui d’un terme© S. Keller © S. KellerArabe connotant l’attachem<strong>en</strong>t et l’appart<strong>en</strong>ance afait, <strong>en</strong> Français des colonisateurs, un mot péjoratifet méprisant…L’exposition élargit son champ, passe les frontières.Du récit et de la musique partout, de vieuxécouteurs <strong>en</strong> bakélite, une chanson de Pigalle, Dorspetit bled, plus loin quelques portraits <strong>en</strong> pied et lapossibilité d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre chaque homme et chaquefemme vous livrer son histoire dans le creux del’oreille. Voilà la cornemuse traditionnelle dite«mezwed», dont le nom signifie viatique, laprovision que l’on emporte pour la route ; elle estarrivée ici au temps des croisades. Et l’art postal,l’atelier d’écriture, les planches de bandesdessinées...Qui eût cru que le mot «bled, évocateurde grammaire ou de mal du pays, éveille tantd’échos ?»C’est qu’il y <strong>en</strong> a des choses à voir dans cetteexposition, à tel point que l’on se demande si l’onn’a pas réellem<strong>en</strong>t été embarqué <strong>en</strong> voyage, letemps d’une visite ! À l’heure du retour on a <strong>en</strong>core<strong>en</strong> tête la voix douce d’un adolesc<strong>en</strong>t chantant <strong>en</strong>arabe le dépaysem<strong>en</strong>t.À l’origine de ce beau séjour, deux jeunes g<strong>en</strong>s,Samuel Keller, Michaël Zeidler, partis de la Drômepour découvrir le monde. Ils l’ont fait avec grâce,pudeur et générosité, et rigueur sci<strong>en</strong>tifique. Sansoublier le ludique, pour qu’à tout âge on puisse <strong>en</strong>profiter. Ne vous <strong>en</strong> privez pas.GAËLLE CLOARECUn lieu, des li<strong>en</strong>sJusqu’au 16 avrilABD Gaston Defferre, Marseille04 91 08 61 00www.biblio13.frÉcologiede Fos(se)Sous l’égide du commandant de la marine deMarseille, une confér<strong>en</strong>ce organisée par JeanBoutier, infatigable animateur et chercheur r<strong>en</strong>ommé,a permis d’assister à l’exposé de Daniel Fagetspécialiste des relations <strong>en</strong>tre les écosystèmes etles sociétés. Dans le golfe de Fos, dès le XVIII e , lespopulations parl<strong>en</strong>t de dépérissem<strong>en</strong>t. Dans lesarchives, le mot «stérilités» traduit l’inquiétude despêcheurs devant la raréfaction des espèces. Ilsemble que la «pêche aux bœufs», <strong>en</strong> fait un chalut,véritable révolution sur les côtes méditerrané<strong>en</strong>nes,ait fortem<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>té les prises mais aussidégradé les fonds. Parallèlem<strong>en</strong>t, seuls les plusfortunés ont pu investir dans les nouveaux bateaux,laissant pour compte les plus modestes desmarins.À Marseille les industriels du savon se sont installéssur le quai de Rive Neuve, au début du XVIII e siècle,et génèr<strong>en</strong>t des résidus acides très corrosifs, les«c<strong>en</strong>dres» ou «terres» de savonnerie. Ces déchets,<strong>en</strong>combrants et dangereux, sont jetés dans le port.La protestation des autorités municipales, suite àl’obstruction générée dans le bassin, oblige lessavonniers à déverser leurs rejets dans les ansesvoisines : la Réserve, le Pharo, les Catalans. Autantde zones dévastées pour la faune et la flore !La troisième source de dégâts provi<strong>en</strong>t de l’urbanisationet de tous les détritus que l’on immerge sansprécautions. L’<strong>en</strong>semble de ces atteintes provoqu<strong>en</strong>tune raréfaction des espèces comme le phoquemoine ou la datte de mer. Au XIX e siècle, une étapeest franchie dans le saccage. La surpêche <strong>en</strong>traîneune hausse des prix du poisson, la baisse de laconsommation au profit des coquillages et, désormais,la confection de la bouillabaisse avec desespèces v<strong>en</strong>ues de l’Atlantique, acheminées par lefameux P.L.M ! Les anses se rempliss<strong>en</strong>t de «terres»de savonnerie, tandis que l’ext<strong>en</strong>sion du port versla Joliette aura l’heureux effet de les faire disparaîtredans les nouveaux aménagem<strong>en</strong>ts. Quant auxeaux usées, abondantes, elles bénéficieront d’unnouvel émissaire, à Cortiou, pour diffuser la pollutionà l’Est de la ville.Ces atteintes au milieu conduisir<strong>en</strong>t la populationà une réaction paradoxale : il fallait détruire lesprédateurs marins qui m<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t une concurr<strong>en</strong>cedéloyale ! La Royale et les techniques de guerresfur<strong>en</strong>t mobilisées pour détruire dauphins, marsouinset autres phoques ; même la baleine pr<strong>en</strong>d placedans le panorama des monstres (<strong>en</strong> 1870, onexhibe dans les rues de Marseille un cétacé échouédans une crique du Château d’If) ! Fort heureusem<strong>en</strong>t,dans cet âge de ténèbres écologiques, desnaturalistes, comme Antoine Marion et PaulGourret, œuvrèr<strong>en</strong>t pour établir les responsabilités.Prise de consci<strong>en</strong>ce ténue mais vouée à de grandsdéveloppem<strong>en</strong>ts…On att<strong>en</strong>d avec impati<strong>en</strong>ce la sortie du livre deDaniel Faget et la suite de ses développem<strong>en</strong>ts !RENÉ DIAZTransformations de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t maritimedans le golfe de Fos depuis le XVIII e siècle,confér<strong>en</strong>ce du 20 janvier au Pharo, Marseille


78ADHÉRENTSNos Part<strong>en</strong>aires vous offr<strong>en</strong>t invitations, réductions et avantages ! Pour les places gratuites,téléphonez-leur rapidem<strong>en</strong>t pour réserver, puis prés<strong>en</strong>tez votre carte de membre (1 place par carte nominative).Pour les réductions, prés<strong>en</strong>tez simplem<strong>en</strong>t votre carte (réduction valable seulem<strong>en</strong>t pour l’adhér<strong>en</strong>t)Le Gyptis2 invitations par soirpour Roméo et Juliettele 15 mars à 20h30le 16 mars à 19h15tarif réduit B (15€ au lieu de 24)à toutes les représ<strong>en</strong>tations04 91 11 00 91La Criée8 invitationspour Le Récit de la servante Zerlinele 11 mars à 20h04 91 54 70 54La MinoterieTarif réduit pour toutes lesreprés<strong>en</strong>tations8 € au lieu de 12€04 91 90 07 94Les Bancs Publics1 place offerte pour 1 place achetéepour tous les spectacles04 91 64 60 00Théâtre Vitez4 invitations par soirpour Nina ? épiloguele 16 fév à 19hpour Le Verfügbar aux <strong>en</strong>fersle 16 mars à 20h302 invitations par soirPour Le diable probablem<strong>en</strong>tDu 8 au 12 mars04 42 59 94 37Théâtre des Ateliers (Aix)Tarif réduit à 10€Pour Voyage sur placeLes 10, 11, 12, 17, 18 et 19 mars à21hLes 13 et 20 mars à 18h04 42 38 10 45Pavillon Noir (Aix)4 invitations par soirpour Madame PlazaLe 8 mars à 20h30Le 9 mars à 20h30pour Un criLe 11 mars à 20h30Le 12 mars à 19h300811 020 111Le Sémaphore (Port-de-Bouc)Tarif préfér<strong>en</strong>tiel à 8€pour Hey Mambo ! ou le métier devivrele 11 mars à 20h3004 42 06 39 09Tamdem (Var)5 invitationspour le concert de The Leg<strong>en</strong>daryTiger ManLe 18 fév à 21h au théâtre D<strong>en</strong>is(Hyères)pour le concert de Fredrika Stahlle 18 mars à 21h au théâtre D<strong>en</strong>is04 98 07 00 703bisf (Aix)Entrées et visites gratuites surréservations04 42 16 17 75L’institut culturel itali<strong>en</strong>3 adhésions annuellesd’une valeur de 32 €,cette «carte adhér<strong>en</strong>t»vous donnera accès à tousles services de l’Institut,médiathèque et programme culturel.Demande par mail :iicmarsiglia@esteri.itou au 04 91 48 51 94Librairie Apostille(Marseille 6 e )104 Cours Juli<strong>en</strong>5% de réductionsur l’<strong>en</strong>semble du magasinLibrairie Maupetit(Marseille 1 er )La Canebière5% de réductionsur tous les livresLibrairie L’écailler(Marseille 1 er )2 rue Barbaroux5% de réductionsur tous les livresLe Greffier de Saint-Yves(Marseille 1 er )librairie générale et juridique10 rue V<strong>en</strong>ture5% de réductionsur tous les livresLibrairie Regards(Marseille 2 e )C<strong>en</strong>tre de la Vieille Charité5% de réductionsur tous les livresL’histoire de l’œil(Marseille 6 e )25 rue Fontange5% de réductionsur tous les livresLibrairie Imbernon(Marseille 8 e )spécialisée <strong>en</strong> architectureLa Cité Radieuse280 bd Michelet, 3ème étage5% de réductionsur tous les livresLibrairie Arcadia(Marseille 12 e )C<strong>en</strong>tre commercial Saint BarnabéVillage30 rue des électrici<strong>en</strong>s5% de réductionsur tous les livresLibrairie de Prov<strong>en</strong>ce (Aix)31 cours Mirabeau5% de réductionsur tous les livresLibrairie Au poivre d’Âne(La Ciotat)12 rue des frères Blanchard5% de réductionsur tous les livresLa P<strong>en</strong>sée de Midivous offre3 exemplaires de Histoiresd’un 20 janvier,n° des 10 ans de la revuepar mail :chris.bourgue@wanadoo.frArt-Cade – Les Grands BainsDouche de la PlaineUne adhésion et une consommationau bar de la galerie04 91 47 87 92T<strong>en</strong>dances Créatives(Marseille, parc Chanot)Le salon des Loisirs créatifsDu 17 au 20 févTarif préfér<strong>en</strong>tiel à 5€L’imprimeur Mag<strong>en</strong>ta10% de remise sur tous travauxd’impression04 91 32 64 54Auto Partage Prov<strong>en</strong>ce6 mois d’abonnem<strong>en</strong>t gratuit d’essaivous disposez d’une voiture quandvous le souhaitez,à réserver par téléphoneou Internet,24h/24, 7j/7,selon vos besoins04 91 00 32 94www.autopartage-prov<strong>en</strong>ce.comM<strong>en</strong>suel gratuit paraissantle deuxième mercredi du moisEdité à 30 000 exemplairesimprimés sur papier recycléEdité par <strong>Zibeline</strong> SARL76 av<strong>en</strong>ue de la Panouse | n°1113009 MarseilleDépôt légal : janvier 2008Directrice de publicationAgnès FreschelImprimé par Rotimpress17181 Aiguaviva (Esp.)photo couverturePalais de la Bourse© Agnès MellonConception maquetteMax MinnitiRédactrice <strong>en</strong> chefAgnès Freschelagnes.freschel@wanadoo.fr06 09 08 30 34Secrétaire de rédactionspectacles et magazineDominique Marçonjournal.zibeline@gmail.com06 23 00 65 42Secrétaire de rédactionJeunesse, livres et arts visuelsMarie Godfrin-Guidicellim-g-g@wanadoo.fr06 64 97 51 56Arts VisuelsClaude Lorinclaudelorin@wanadoo.fr06 25 54 42 22LivresFred Robertfred.robert.zibeline@free.fr06 82 84 88 94Histoire et patrimoineR<strong>en</strong>é Diazr<strong>en</strong>ediaz@free.frMusique et disquesJacques Frescheljacques.freschel@wanadoo.fr06 20 42 40 57Frédéric Isolettafredisoletta@gmail.com06 03 99 40 07Dan Warzydanwarzy@free.frCinémaAnnie Gavaannie.gava@laposte.net06 86 94 70 44Élise Padovanielise.padovani@orange.frPhilosophieRégis Vlachosregis.vlachos@free.frSci<strong>en</strong>ces et techniquesYves Berchadskyberch@free.frPolyvolantesChris Bourguechris.bourgue@wanadoo.fr06 03 58 65 96Maryvonne Colombanimycolombani@yahoo.fr06 62 10 15 75Delphine Michelangelid.michelangeli@free.fr06 65 79 81 10Marie-Jo Dhôdho.ramon@wanadoo.frMaquettistePhilippe Perottiphilippe.zibeline@gmail.com06 19 62 03 61Ont égalem<strong>en</strong>t participé à ce numéro :Yves Bergé, Aude Fanlo, Emili<strong>en</strong>Moreau, Pierre-Alain Hoyet,Christophe Floquet, Christine Rey,Rémy Galvain, Gaëlle Cloarec,Jean-Mathieu ColombaniPhotographeAgnès Mellon095 095 61 70photographeagnesmellon.blogspot.comDirectrice commercialeVéronique Linaisvlinais@yahoo.fr06 63 70 64 18Chargée de développem<strong>en</strong>tNathalie Simonnathalie.zibeline@free.fr06 08 95 25 47

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