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Les entreprises européennes : entre succès et déboires - Laval

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- elles ont bâti un système de gouvernance <strong>et</strong> de répartition des tâchesrelativement original, basé davantage sur la négociation <strong>entre</strong> Etats <strong>et</strong>l’équilibre des intérêts que sur une répartition « technique » des savoirs<strong>et</strong> des compétences.<strong>Les</strong> <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes s’inscrivent donc totalement dans la logique dela construction européenne : construire un modèle économiqueperformant, capable de répondre aux défis économiques nouveaux(exemple de la conquête de l’espace) <strong>et</strong> aux modèles différents.I) La constitution d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes : une nécessitéNous allons voir qu’encore plus qu’une volonté politique des Etatseuropéens, la constitution d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes renvoie à une sériede nécessités économiques, productives <strong>et</strong> sociales.1 <strong>Les</strong> <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes : une taille trop modestePour exister sur le plan international, les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> doivent atteindre ceque l’on appelle une taille critique. Or, c’est rarement le cas des<strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes quand elles sont seules.


2 L’importance des dépenses de R&DNous l’avons souvent indiqué, pour des pays à hauts niveaux de vie, lacompétitivité des <strong><strong>entre</strong>prises</strong> par les prix est devenue totalement illusoire.Ce qui compte désormais pour ces <strong><strong>entre</strong>prises</strong> c’est ce que l’on appelle lacompétitivité hors prix qui repose sur la capacité d’innovation des<strong><strong>entre</strong>prises</strong>, sur leur image de marque, sur leurs capacités financières, sur leservice après vente…C’est probablement la capacité d’innovation qui est devenue l’armestratégique absolue des <strong><strong>entre</strong>prises</strong> occidentales , <strong>et</strong> la seule façon de résisterà la concurrence des pays à bas coûts de main d’œuvre consiste à toujourssavoir faire ce que ces pays ne savent pas encore faire.Pour parvenir à l’innovation, il faut chercher : c’est ce que l’on appelle laR&D. Or celle-ci est chère <strong>et</strong> parfois ne débouche pas sur des résultatsrentables, d’où la nécessité de m<strong>et</strong>tre en commun les efforts sous peined’être distancés, que ce soit au niveau des Etats ou des <strong><strong>entre</strong>prises</strong>.


3 La montée des <strong><strong>entre</strong>prises</strong> des pays émergentsLa concurrence ne se fait plus seulement avec les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> des paysoccidentaux : les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> des pays émergents deviennent à leur tour desérieuses rivales. On peut trouver ici deux types d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> nouvelles :- les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> industrielles qui s’appuient à la fois sur des coûts demain d’œuvre faibles, mais aussi, <strong>et</strong> de plus en plus, sur des capacitéstechnologiques nouvelles. On pourra par exemple citer le groupe indien desidérurgie Mittal, le groupe automobile indien Tata, les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> chinoises(comme le groupe TCL)….Ces groupes nouveaux posent surtout un défi productif : comment parvenirà produire aussi bien qu’eux, à des prix raisonnables, tout en maintenantnotre avance technologique ?- les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> financières qui s’appuient sur des ressourcesfinancières énormes issues de deux origines :


•<strong>Les</strong> excédents commerciaux liés à l’exportation : on r<strong>et</strong>rouve surtout iciles groupes asiatiques à l’image de la Banque industrielle <strong>et</strong> commerciale deChine considérée aujourd’hui comme la 2° banque mondiale, mais aussi <strong>et</strong>de nouveau le groupe Mittal….•<strong>Les</strong> excédents financiers liés à l’exportation de matières premières,principalement le pétrole, qui perm<strong>et</strong> à ces <strong><strong>entre</strong>prises</strong> de se « payer » des<strong><strong>entre</strong>prises</strong> occidentales : on citera le groupe russe Gazprom ou le groupebrésilien Pétrolas, sans parler des groupes des émirats pétroliers.Ici, on peut également citer une nouveauté, même s’il ne s’agit pas vraimentd’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> : le rôle des « fonds souverains », c’est-à-dire des groupesfinanciers qui appartiennent à des Etats qui ont accumulé des excédentsfinanciers issus de l’exportation de produits ou de l’exportation de matièrespremières.Leur puissance financière est aujourd’hui estimée à 2500 milliards $ <strong>et</strong>devrait atteindre rapidement 12000 milliards $ en 2015Voici les principaux fonds souverains :


Abu Dhabi Investment Authority (créé en 1976, Émiratsarabes unis), gère 625 milliards de dollars.[13]Government Pension Fund-Global (1990, Norvège),322 mds $[13]Government of Singapore Investment Corporation(GIC) (1981, Singapour), 215 mds $[13]Reserve Fund for Future Generation (1953, Koweït),213 milliards $[13]China Investment Corporation (2007, Chine), 200 mds$[13]Stabilisation fund (2004, Russie, 127,5 mds $)[13]Temasek Holdings (1974, Singapour), 108 mds $)[13]Qatar Investment Authority (2005, Qatar, 60 mds $)


II) La difficulté de constituer des <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes.La constitution d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes est donc un enjeu majeur. Il fautreconnaître que jusqu’à une date récente, c<strong>et</strong>te constitution a été plutôt unsuccès, à l’image d’Airbus.Mais dès que des difficultés apparaissent, les problèmes de la particularitémême de ces groupes réapparaissent <strong>et</strong> sont susceptibles de rem<strong>et</strong>tre encause leur existence.1 Le problème de la gouvernance des groupesCes groupes sont nés de la volonté de certains pays européens de les faireexister : leur mode de direction ne peut donc être, à priori, le même quecelui d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> normales :- l’actionnariat est éclaté <strong>entre</strong> différents pays <strong>et</strong> différentes<strong><strong>entre</strong>prises</strong> de différents pays- les intérêts politiques sont étroitement mêlés à la gouvernanceéconomique, de façon relativement légitime.


PAYSL'AllemagneL'AllemagneLa BelgiqueLa BelgiqueLa BelgiqueLe DanemarkL'EspagneL'EspagneL'EspagneLa FranceLa FranceLa FranceLa FranceLa FranceLa FranceLa FranceL'ItalieL'ItalieLa Norvège<strong>Les</strong> Pays BasLa SuèdeLa SuèdeLa SuisseLa SuisseACTIONNAIRES d’ArianespaceASTRIUM GmbHMT AEROSPACE AGALCATEL ALENIA SPACE ETCA SAS.A.B.C.A.TECHSPACE AERO SACHRISTIAN ROVSING A/SCRISAEADS CASASENER GRUPO DE INGENIERIA SAASTRIUM SASCLEMESSY SAC.N.E.S.COMPAGNIE DEUTSCH SASEADS France SASL’AIR LIQUIDE SASAFRANALCATEL ALENIA SPACE ITALIA SpAAVIO SPAKONGSBERG DEFENCE & AEROSPACE ASDUTCH SPACE BVSAAB SPACE ABVOLVO AERO CORPORATIONOERLIKON SPACE AGRUAG AEROSPACE% DU CAPITAL10.87 %7.75 %0.31%2.54 %0.30 %n.s.0.10 %1.91 %n.s.15.81 %0.10 %32.53 %n.s.n.s.1.77 %9.91%1.49%7.87%0.10%1.82%0.77%1.53%2.41 %0.10%


AllemagneBelgiqueEspagneFranceItalieNorvègePays BasSuèdeSuisse18,62%3,15%2,01%60,12%9,36%0,10%1,82%2,3%2,51%


2 Le problème des intérêts nationaux<strong>Les</strong> <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes sont nées d’une volonté commune, mais cecine peut pas exclure la défense par chaque Etat de ses intérêts. Ceux-ci sontde trois natures différentes :- il y a d’abord les intérêts en matière d’emploi : chacun des payseuropéen partenaire d’un proj<strong>et</strong> d’<strong>entre</strong>prise espère en obtenir les gains enemploi les plus élevés, d’autant plus qu’il s’agit souvent d’emplois qualifiés.Ce phénomène est encore plus n<strong>et</strong> en période de crise <strong>et</strong> de suppressionsd ’emplois: chacun espérant souffrir le moins.- il y a ensuite les intérêts plus productifs <strong>et</strong> exportateurs : chaquepays souhaite que l’<strong>entre</strong>prise réalise un maximum de chiffre d’affaires surson territoire <strong>et</strong> participe ainsi à sa croissance économique, à l’accueil descapitaux étrangers <strong>et</strong> aux exportations : les ventes d’Airbus représentent enmoyenne 10% de nos exportations.- il y a enfin les intérêts politiques <strong>et</strong> la « gloire » que chaque paysespère se voir attribuer de l’aventure de l’<strong>entre</strong>prise


FranceAllemagneRoy.UniEurope10,8%10,5%7,5%14,8%Am.nordAsiepacifiqueMoyen-orientAm.latineautres23,9%19,9%8,4%3,1%1,1%


3 <strong>Les</strong> contradictions <strong>entre</strong> Commission européenne <strong>et</strong> <strong><strong>entre</strong>prises</strong>européennesLa principale menace qui pèse sur les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes ne semblepas être paradoxalement la concurrence internationale ou les problèmesproductifs, mais le regard de la Commission européenne sur elles.On le sait, pour la Commission européenne, la concurrence <strong>entre</strong><strong>entre</strong>prise, la libre entrée sur le marché, la capacité d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong> à passerdes accords avec d’autres <strong><strong>entre</strong>prises</strong>…sont les fondements de la réussiteéconomique.C<strong>et</strong>te conception se heurte alors à la conception d’un destin industrielforgé par les Etats, destin qui suppose la protection (temporaire) des<strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes.Disons le, une politique industrielle décidée par les Etats ne reçoit pasl’assentiment de la Commission européenne (ni d’un grand nombre d’Etatseuropéens qui ne font pas partie du proj<strong>et</strong> industriel)


C<strong>et</strong>te « méfiance » de la Commission européenne se matérialise dans laquerelle qui l’oppose aujourd’hui à la direction d’EADS :Nous l’avons vu, des « partenaires » extérieurs s’intéressent de plus en plusà EADS, au point de vouloir s’emparer d’une fraction non négligeable ducapital, d’autant plus que le cours de l’action est particulièrement bas( moins de 16 €).Derrière ces « partenaires » se cachent principalement les intérêts russes,que ce soit au niveau de l’Etat russe lui-même ou au niveau d’intérêtsprivés.La direction d’EADS voudrait éviter des OPA hostiles <strong>et</strong> « sanctuariser » lecapital, c’est-à-dire définir un noyau d’actionnaires stables qui garantirait lesintérêts des Etats européens. Or, au nom de la « concurrence libre <strong>et</strong> nonfaussée » la Commission européenne refuse d’accorder ce privilège.Ce sont donc bien deux conceptions qui s’affrontent : Europe industrielled’un coté, Europe des marchés de l’autre, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> affrontement est porteur derisques pour les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes.


Conclusion : Airbus : simple accident ou remise en cause ?Nous venons de le constater, au départ, le problème d’Airbus est industriel(problèmes de câblage <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ards de livraisons sur l’A380), même si unepartie de ce problème est d’origine politique : la double direction francoallemande.Mais on remarquera que Boeing, <strong>entre</strong>prise privée, est lui aussi confronté àdes r<strong>et</strong>ards techniques sur son 787 « Dreamliner »Sur la base de c<strong>et</strong> accident industriel s’est greffée une crise financière quirévèle la fragilité de la construction Etatique de ce genre d’<strong><strong>entre</strong>prises</strong>.La tentation est alors grande de la part de certains milieux de profiter dec<strong>et</strong>te crise pour transformer les <strong><strong>entre</strong>prises</strong> européennes en <strong><strong>entre</strong>prises</strong>ordinaires, <strong>et</strong> renoncer de ce fait à un proj<strong>et</strong> industriel européen.Une telle dérive est symptomatique des difficultés actuelles de laconstruction européenne qui semble renoncer à ses objectifs initiaux <strong>et</strong> sesambitions pour n’être de plus en plus qu’une simple zone de libre échangeouverte aux plus offrants.

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