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! TRACESREVUE INTERNATIONALE DE COMMUNION ET LIBÉRATION!"#<strong>2013</strong>MARS ANNÉE 14 4 €LITTERAE COMMUNIONISLE RÉVEILDE TOUTUN PEUPLE
!! TRACESRevue internationalede Communion et LibérationLitteræ Communionis- Année 14 -Directeur de la publication :Lionel Michonredactiontraces@gmail.comComité de rédaction : P. FavreA. Guerra - M. IadarolaM. Nkamgnia - S. PlaisirC. Ramadour - M. ZappulliJ. ZucchiTraduction : C. BignaminiV. Casanova - N. DumeryP. Favre - C. FolettiM. Fontana - F. Gillet - C. GirvèsD. Jalade - C. Le Lay - T. MartinG. Mengoni - I. Rey-HermeA. Rigo - M. RosadaCollaboration : Père FrancescoA. Guerra - T. Martin - L. MichonC. Ramadour - L. DaudryJ. RichardMaquette : C. de GuillebonAdresse de la rédactionet du siège social15 av. Franco-Russe - 75007 Parisredactiontraces@gmail.comAbonnementsabonnementstraces@gmail.comImprimeurAccent Tonic’ 20 - ParisNuméro de registre ISSN :1632-4439Numéro paritaire :0111 G 81503Contacts en France :LYON : E. Iadarolaelo.i@free.fr04 78 24 05 34!!SOMMAIREDÉBAT DE SOCIÉTÉ EN FRANCELE MARIAGE EST-IL POUR TOUS ?Alors que le Parlement vient d’adopter la loiproposée par la gauche sur le mariage pourtous, Thibaud Collin, philosophe et écrivainexplique les risques que cela engendre pourl’avenir de notre société. p. 16ÉDITORIALLETTRESPREMIER PLANSOCIÉTÉMARS <strong>2013</strong>La liberté du chrétien 3Communiqué de presse de J. Carrón à propos de Benoît XVIMarie-Michèle, Irma, Anna, etc. 4Une entreprise en difficulté : l’occasion d’une conversionpar Marie-Michèle Poncet 7Politique Un effort commun par Stefano Alberto 10Ils voulaient simplement vivre vraiment...par P. Bergamini et L. Fiore 13Droits et désirsNous ne sommes pas des anges par Alessandra Guerra 16Appartenir, c’est agir par Sylvain Plaisir 20PARIS :A. Guerra01 45 51 98 51cl.france@gmail.comPOITIERS : F. Musereaufas.musereau@piximel.com05 49 54 60 48TOULON : F. Esquierlesesquiez@free.fr04 94 23 75 72VIE DE CLÉGLISENew York Encounter Oh ! Freedom ! par Luca Fiore 22Anniversaire Un père qui s’est offert pour moi par Ubaldo Casotto 26Cambodge La pierre enlevée de mon tombeau par Alessandra Stoppa 30Contacts hors de France :BELGIQUE : Mauro Zappulliclbelgium@gmail.com+ 32 (0)2 64 94 319PAROLESDU PAPEBenoît XVI nous parle comme à des amisExtraits des discours du pape consacrés à l’Année de la foi 36CAMEROUN : M. Bezzimauriziobezzi@tiscali.itBP 20409 YaoundéCANADA :secretary@clonline.caCÔTE D’IVOIRE : Jacques Anozouajacques.anozoua@ci.nestle.comHAÏTI : M. Tambiniavsihaiti@yahoo.frLIBAN : Rony Ramehronyrameh@hotmail.comLUXEMBOURG : A. Cogliatia.cogliati@eib.org+ (0)2 43 79 60 36SUISSE : P. Favrepfav@vtx.ch2!! TRACES MARS <strong>2013</strong>Un moine et don Luigi Giussani26Le père MauroG. Lepori, abbégénéral de l’Ordrecistercien, racontecomment sa relationavec don Giussania été décisivepour sa vocation.UBALDO CASOTTOClaire Ly : « J’existe ! »30Ayant survécu auxcamps de travauxforcés de Pol Pot,cette ex intellectuellebouddhiste arencontré Dieu danssa souffrance. Undialogue rédempteur.ALESSANDRA STOPPA
!!ÉDITORIALÉDITORIALLA LIBERTÉ DU CHRÉTIENLA VIE POLITIQUE EUROPÉENNE est en pleine effervescence : en France, il y a de nombreux débats et de nombreusesmanifestations autour du « mariage pour tous » – qui est en fait le mariage pour quelques-uns,les homosexuels ; en Italie aussi il y a beaucoup de débats, et beaucoup de doutes autour des électionsau Parlement italien ; en Suisse, ce sont les salaires de certains chefs d’entreprises qui posent question etsur lesquels les citoyens sont appelés à voter. Et dans tous ces débats, il y a une réflexion sur l’engagementdes chrétiens en politique, dans tel ou tel parti. Dans ce contexte, Communion et Libération a diffuséune « Note » qui répondait en priorité à la situation italienne, mais qui peut être lue avec intérêt par tous ceux qui sedemandent « comment vivre en tant que chrétiens dans la société ». Ce sont trois extraits d’un livre-entretien danslequel s’exprimait don Luigi Giussani 1 . Une interview qui date de 1976, mais qui n’a rien perdu de son actualité.Le premier point est décisif : « Le premier niveau d’influence qu’une communauté chrétienne vivante puisse avoirsur la politique, se manifeste par sa propre existence dans la mesure où celle-ci implique un espace et des moyensd’expression. […] De par sa nature, elle ne demande pas le privilège exclusif de la liberté d’exister et d’expression,mais plutôt la reconnaissance pour tous du droit à une telle liberté. Par conséquent, par le seul fait d’exister, les communautéschrétiennes – si elles sont authentiques – s’avèrent être les garants et les promoteurs d’une démocratieessentielle ». En ce sens, « la multiplication et l’expansion des communautés chrétiennes vivantes et authentiques nepeuvent que déterminer la création et le développement d’un mouvement dont l’influence sur la société civile tendinévitablement à devenir toujours plus importante ; l’expérience chrétienne devient ainsi l’un des protagonistesde la vie civile, dans un dialogue constant, en se confrontant avec toutes les autres forces et les autres présences quicomposent cette société civile ». De là découle le second point : « Une communauté chrétienne authentique vit enconstante relation avec les autres hommes dont elle partage totalement les besoins, et dont elle perçoit les problèmes.Grâce à la profonde expérience fraternelle qui se développe au sein de cette communauté chrétienne, elle a forcémenttendance à avoir son idée et sa méthode pour affronter les problèmes communs – aussi bien pragmatiques quethéoriques –, et elle offre sa collaboration spécifique aux autres réalités de la société où elle se situe ».Ces deux passages sont des préalables nécessaires pour arriver au troisième niveau, celui de l’engagementde quelques-uns dans la vie politique active : « Lorsque l’on passe de la phase de sollicitation et d’animationpolitico-culturelle à celle de l’engagement politique vrai et juste, ce n’est plus la communauté en tant que tellequi s’engage, mais ce sont les personnes individuellement qui, avec leur propre responsabilité – même si ellessont formées par la vie concrète de ladite communauté – s’engagent dans la recherche d’autres instrumentsd’influence politique aussi bien théoriques que pratiques ».Certains peuvent s’engager, et d’autres non. Et ceux qui s’engagent le font selon des modalités différentes, quidépendent des conditions historiques, des circonstances, de mille facteurs… Mais celui qui lit avec attention lesdeux premiers points y trouvera des éléments de réflexion qui vont bien au-delà d’un rendez-vous électoral. Quesignifie, par exemple, le fait qu’une « communauté chrétienne vivante » est, de par sa nature même, un sujet qui aune certaine influence dans la société ? Et que signifie vraiment le fait d’être présents, d’avoir une influence ? Estceune question de partis ? De pouvoir ? Ou est-ce, avant tout, autre chose ? Et quelle est la place de la foi dans toutcela ? Quelle aide peut-elle apporter ? De quelle manière, en somme, « l’intelligence de la foi » peut-elle devenir« intelligence de la réalité » – comme nous le rappelle sans cesse Benoît XVI – dans toutes les circonstances de lavie, que ce soit la famille, l’économie, le travail, et jusqu’à la politique ?Dans les pages de ce numéro, vous trouverez des articles et des témoignages qui vous permettront d’approfondir cetteréflexion. Ces pages ne sont que le point de départ d’un travail, mais elles servent à mieux comprendre. Et donc à vivre. T1. L. GIUSSANI, Le Mouvement de Communion et Libération. Entretiens avec Robi Ronza, Fayard, Paris, 1988, pp. 141-142.!!TRACESMARS <strong>2013</strong>3
!!LETTRESETTRÀ l’attention de Rédaction de Traces. E-mail : redactiontraces@gmail.comCOMMUNIQUÉ DE PRESSEUne incroyable libertéLa renonciation du pape Benoît XVI de sa charge est un « geste extrême de paternité » et d’identificationavec le Christ.Au regard de l’annonce du renoncement au ministère de Pierre par Benoît XVI, le père Julián Carrón,président de la Fraternité de Communion et Libération, a déclaré : « Par ce geste, aussi impressionnantqu’imprévu, le pape nous témoigne une relation avec le Christ d’une telle plénitude qu’elle nous surprendpar son élan de liberté sans précédent, élan qui privilégie par-dessus tout le bien de l’Église. Ainsi, il montreà tous qu’il se confie totalement au dessein mystérieux d’un Autre. Qui ne désirerait une liberté semblable ?Le geste du pape est un rappel puissant à renoncer à toute assurance humaine, en se confiant exclusivement àla force de l’Esprit Saint, comme si Benoît XVI nous disait avec les paroles de saint Paul : “J’en suis bien sûr d’ailleurs,Celui qui a commencé en vous cette œuvre excellente en poursuivra l’accomplissement jusqu’au Jour duChrist Jésus” (Ph 1, 6). À travers l’annonce du pape, le Seigneur nous demande d’aller au-delà de toute apparence,en faisant mémoire de tout l’enthousiasme humain avec lequel nous avions salué l’élection de Benoît XVI et aveclequel nous l’avons suivi au cours de ces huit années, en étant reconnaissant pour chacune de ses paroles.En souhaitant vivre la même expérience d’identification avec le Christ, qui a dicté au pape cet acte historiquepour la vie de l’Église et du monde, nous accueillons, nous aussi, avec liberté et remplis d’émerveillement,ce geste extrême de paternité, accompli par amour pour ses enfants, en confiant sa personne à la Sainte Vierge,afin qu’il continue d’être père en donnant sa vie pour l’œuvre d’un Autre, pour l’édification de l’Église de Dieu.Avec tous nos frères, et en union avec Benoît XVI, nous demandons à l’Esprit du Christ d’assister l’Églisedans le choix d’un père qui puisse la guider en ce moment historique aussi délicat que décisif ».Le bureau de presse de CL, Milan, le 11 février <strong>2013</strong>COMPRENDRE CL EN VIVANTL’ACTION CARITATIVEDimanche : Jeanne, Stefano etmoi avons pris la route deFleury pour partager avec les prisonniersdu bâtiment D2 la célébrationde la messe de l’Épiphanie duSeigneur. Je vais depuis assez longtempsà Fleury. Parfois un grand cadeausurprenant et inattendu y estreçu, comme c’est arrivé ce jour-làpour Stefano : Carlos, un prisonniercubain lui a demandé si Hayat et luivoulaient bien être ses parrains debaptême. D’autres fois, c’est uneattention en éveil pour goûter à traversdes signes minuscules le prix degestes de reconnaissance, ces gestesqui ne sont plus mécaniques maischargés d’humanité : le sourire deprisonniers qui vous disent bonjour,4!! TRACES MARS <strong>2013</strong>qui vous adressent leurs vœux, etl’un d’eux plaisante avec humoursur la bonne année qui l’attend. Leprêtre avant de célébrer prend unmoment de silence, il nous regardetous avec amitié et nous invite ànous tourner ensemble vers Jésuspour prier et faire le signe de laCroix. Benoît, novice de la Missionde France, vient pour la 1 re fois ;avec simplicité il se joint à Jeanneet Stefano et tous les trois nous fontchanter. C’est la fête des nationsvenues reconnaître la naissance duSauveur. Pour la célébrer ici, nousavons préparé les textes en sept langues: français, espagnol, portugais,anglais, roumain, russe et chinois.Je dis le credo en écoutant à côté demoi un roumain qui le récite danssa langue ; à la fin de l’Eucharistieles roumains chantent un Noël orthodoxecar c’est pour eux le jourde Noël. Chacun bavarde après lepartage des roses si appréciées, pourcertains surtout les jaunes, maispour d’autres celles auréolées derouges ! Un virtuose de la tabla improviseun rythme joyeux et rapide,je poursuis mon dialogue avec monami roumain. Même si maintenantil parle en regardant droit dansles yeux, la tristesse n’a pas quittéson visage, il est plein de révolte,de colère : « C’est trop long, c’esttrop long ! C’est injuste, c’est pourrien ! Je n’ai confiance en personne,même pas dans mon blouson… ».Jésus vient dans cette chair si douloureusedes hommes, il se remetsilencieux entre leurs bras. Dans lavoiture, à l’aller, nous avons lu cette
ESÉcrire à : Rédaction de Traces - 15 avenue Franco-Russe - 75007 Paris - Francephrase du livret de l’action caritative: « Je continue d’aller à l’actioncaritative parce que ma souffranceet la leur ont un sens ». C’est un lieuqui met à nu, qui révèle, dit Stefano.Paradoxalement, toute cette pauvretéet cette misère révèlent ce quiest vrai. J’ai une très grande joie àêtre ici avec Jeanne et Stefano, c’estun lien particulier entre nous, je lesens vrai et je ne sais pas l’expliquer.Je repense à cette phrase de donGiussani qui m’a poussée à vouloircette expérience (alors que jen’en sentais pas le manque) : « Oncomprend le mouvement en vivantl’action caritative ».Marie-Michèle, ParisLA VALEUR DE L’ARGENTTrès cher père Julián, je suis mamande trois petits enfants, etdepuis longtemps je ne versais plusle fonds commun. En parlant avecdes amis, nous avons constaté qu’ilest difficile de vivre un beau rapportavec l’argent, en étant reconnaissantdu peu que l’on a. En me demandantcomment éduquer mes enfantsà donner sa juste valeur à l’argent, jeme suis posé cette question : maisqu’est-ce qui m’éduque, moi ? Pourla première fois de ma vie, j’ai perçula profonde exigence de verser lefonds commun. Arrivée à la maison,j’ai réglé des mois d’arriérés.Lettre anonymeEXCUSEZ-MOI, POUVEZ-VOUSPRIER POUR MOI ?Il y a quelques jours, je venais determiner de prendre mon petitdéjeunerdans un restaurant où je merends souvent avec mon groupe deFraternité. Tandis que je m’apprêtaisà sortir, la serveuse s’est approchéede moi et m’a dit : « Est-ce que jepeux vous parler ? ». J’étais pressée,mais j’ai perçu en elle une urgenceplus grande que mon temps, et je l’aiécoutée sans l’interrompre. Elle m’adit : « J’ai beaucoup de problèmesdans la vie, je me suis rendu compteque Dieu seul peut m’aider. Je n’aijamais participé à une retraite spirituelleet ce week-end j’en suivrai unepour la première fois. Puisque vousme semblez une personne religieuse,je voulais vous demander si vouspouviez prier pour moi ces jours-ciet si vous pouvez m’expliquer commentse déroule une retraite ». Sesmots m’ont prise au dépourvu. Ilest clair que le Christ me met dansdes circonstances face auxquelles jene sais que dire. Devant une personneque je ne connais que de vue,ma seule réponse a été : « Laisse-toisurprendre par tout ce que tu vivras.Demande surtout ta conversion etpose toutes les questions que tu as.Seulement ainsi tu trouveras les réponses,peut-être pas tout de suite,mais certainement dans le futur. Ettu peux compter sur ma prière ». J’aicontinué à penser à elle pendant lereste de la journée. Vendredi je lui aidonné une lettre où je la remerciaisde m’avoir choisie pour prier.Irma, Coatzacoalcos (Mexico)DE MOSCOU À TURIN : LEPLUS FACILE EST DE SUIVRETrès cher Julián, je suis Russe,nous nous sommes connuspersonnellement quand tu es venuà Moscou il y a quelques années.Ma vie a énormément changé.Maintenant je suis à Turin. Pendantquelques années je n’ai pas pusuivre le mouvement. J’avoue quej’en souffrais beaucoup, mais c’étaitdû à une situation objective, et je nepouvais pas la changer. Pour suivremon mari je m’étais retrouvée dansun petit village près de Naples, etj’avoue que pour moi cela a été trèsdur. Ma vie me semblait une mauvaiseblague. Pendant ce temps-là,je me suis beaucoup attachée à larevue Traces. Heureusement qu’unami m’a offert l’abonnement. Et,soudain, quand je ne m’y attendaispas, une joie profonde : je nesais pas comment, je parviens à merendre compte que même cette expérienceétait pour mon bien, queje n’étais pas abandonnée, commele Christ n’était pas abandonné surla croix. Je ne sais pas comment, j’aicommencé à tout regarder commesi c’était un geste éducatif à monégard. Puis un autre miracle : monmari est muté à Turin, et immédiatementje commence à chercher lespersonnes du mouvement. Je vaisà la Journée de début d’année et jedécouvre qu’à Turin on l’organisedans un grand théâtre et que lesgens sont vraiment nombreux. Jedemande à mon mari de venir avecmoi, et il vient, à ma surprise car iln’est pas du mouvement. La vidéocommence et je vois qu’à Milan vousêtes nombreux. Cher Julián, je mesouviens que la moitié des interventionsà Moscou commençaient parune question, c’est-à-dire le cri, lebesoin d’être plus nombreux. Maintenantici je vois ceux qui viennentde rencontrer le mouvement, ainsique ceux qui en font partie depuisGS. Je devrais être la dernière à juger,mais maintenant je parviens àcomprendre la peur de réduire toutau cadre d’une organisation. Et jerepense à notre petite communautérusse, à notre simplicité, parfoisnotre ignorance, mais avec le mêmedésir : suivre. J’ai rencontré le mouvementen 2000, quand j’avais 17
LETTRESEnvoyer vos lettres à : Rédaction de Traces - 15 avenue Franco-Russe - 75007 Paris - France ou par e-mail : redactiontraces@gmail.comans, mais j’ai comme la sensationque je ne l’ai rencontré que maintenantcar il me défie, il défie toute maliberté. Chaque fois je dois refaire lechoix : participer ou non à l’écolede communauté, ou à l’assemblée,ou à un autre geste. Puisque je suisarrivée dans cette ville depuis peu, jen’ai pas encore de relations personnellesqui m’aident à suivre, et puisil y a des problèmes avec la langue,et parfois je me sens incapable parrapport à tous ces gens si préparés. Iln’y a plus à mes côtés un Paolo Pezzichez qui courir avec mes questions,mes doutes ou de belles expériences.Mais bizarrement, justement encette période, il devient plus facile desuivre : on se détache de la coquilleet on s’attache à l’essentiel, c’est-àdire« à la présence qui s’imposait etportait à la vie la provocation d’unepromesse à suivre ».Liuba, TurinIL ÉTAIT LÀ, AU FOND DUPUITS SANS FONDLorsque j’ai appris que ma grandmèreétait malade d’un cancer,j’ai été très atteinte. Tout au long desa maladie j’ai beaucoup souffert,je n’arrivais pas à faire face à sa prochainedisparition. C’était comme sile pilier de ma famille allait s’écrouleret tant d’autres choses avec. J’avaistrès peur, je ne trouvais pas la sérénitéet la paix que je pensais avoir grâceà ma foi. Mais le cheminement del’école de communauté et la présencede mes amis m’ont aidée à chercher levisage de Dieu derrière cette épreuve.Les derniers jours de vie de ma grandmère,j’ai été auprès d’elle, dans sabelle maison toute à son image. Nousétions plusieurs autour d’elle, enfantset petits-enfants, mais la plupart despersonnes ne restaient pas longtemps6!! TRACES MARS <strong>2013</strong>dans la pièce où elle se trouvait,comme s’ils n’arrivaient pas à resterface à la mort, à la regarder s’emparerde ma grand-mère. Dans ma famillepersonne n’est croyant sauf moi. Malgréla douleur et les pleurs, je voulaisêtre à côté d’elle pour l’accompagner,pour lui dire mon affection, maisaussi mon espérance et l’amour deJésus pour elle. Je suis donc restéelongtemps à ses côtés mais à un moment,en m’éloignant, le désespoir etla douleur m’ont saisie entièrement.J’étais dans le gouffre, dans la « nuitsans fin » dont parle le chant de A.Mascagni, « Il mio volto ». Au lieu dem’agiter pour en sortir, je suis allée aufond de cette obscurité, non pas parvolonté, mais parce que je n’avais plusaucune arme, j’étais nue face au vide.Et là j’ai rencontré de nouveau le Seigneur,j’ai réalisé qu’Il était là, au fonddu puits sans fond, qu’Il m’attendaitcomme Il attendait ma grand-mère,les bras ouverts et aimants de notremoi. Cette nouvelle rencontre m’adonné la paix que je n’avais pas sutrouver par mes propres moyenspendant des mois. Quand ma grandmèreest morte, je n’étais pas écraséepar la douleur, mon monde ne s’estpas écroulé, et surtout j’ai pu mettretoute mon énergie et mon amour,renouvelés par le Christ, pour aider àpréparer la cérémonie des funérailleset y chanter avec l’espérance dansmon cœur. « Ma force et mon chant,c’est toi » (Ps 118).Anna, ParisDES NOUVELLES DU BÉNINChers amis, je voudrais accuserréception des journaux queJacqueline a envoyés. J’en fait bonnelecture et en partage autour de moi.Je vous dis toute ma reconnaissancepour votre bienveillante attention àchaque membre de CL. Au mois deseptembre, j’ai déménagé de l’évêchéde Lokossa pour Tchanvédji où jesuis nommé professeur résident augrand séminaire Louis Parisot, quiest le second grand séminaire théologiquedu Bénin. Le séminaire estsitué au Nord du diocèse de Lokossa.C’est un lieu très enclavé, dont l’accèsest très difficile. Nous sommes uneéquipe de 10 professeurs encadrant105 étudiants-séminaristes. Cetteexpérience de professorat changema façon de vivre : encadrant desséminaristes qui vont bientôt sortirprêtres, nous participons à la formationdes prêtres de demain, deleur qualité sur le terrain. Je donnedes cours d’histoire de l’Église, etde patrologie. Je dirige les travauxde recherches de mémoire des étudiantsen fin de cycle de théologie.Les cours demandent beaucoup depréparation et de soins. J’accompagneaussi spirituellement unedizaine d’entre eux. L’année 2012 aété marquée personnellement pardes soins de santé. J’ai été plusieursfois aussi victime d’accidents de voiture.Chaque fois, j’ai ressenti unemain invisible qui m’épargnait…J’ai pu réaliser un vœu qui m’estcher : célébrer Noël à la prison civilede Cotonou : j’y ai célébré lamesse du jour de Noël. L’émotionfut grande ! Belle opportunité pournous offrir à l’Enfant de la Crèche.Qu’Il daigne rassurer nos pas encette nouvelle année qui s’ouvre. Etque chacun de nous trouve grâceet paix de Dieu. Bonne, Heureuseet Sainte Année <strong>2013</strong>. Par la mêmeoccasion je salue chaleureusementchacun des membres et vous assurede ma communion priante. Trèscordialement.Père Christophe, Bénin
PREMIER PLANLA RÉALITÉ DU TRAVAIL!"Une entrepriseen difficulté : l’occasiond’une conversionRencontre avec MARIE-AGNÈS PETIT-CALAS, à Châtillon-en-Bazois (Nièvre) le 8 octobre 2012. Elle nousraconte comment elle et son mari ont fait l’expérience de Dieu dans les difficultés qu’ils ont rencontréessur le plan professionnel.PAR MARIE-MICHÈLE PONCETMARIE-AGNÈS EST MARIÉEdeux sont étudiants et laavec Raphaël, elle estmère de trois enfants,dernière est en seconde.Ils vivent dans le sud depuis 19 ans,près de Toulon à Saint-Cyr-sur-Mer.Après son licenciement de l’entreprised’incinération des déchets dela Seyne-sur-Mer, Raphaël a décidéde créer son entreprise spécialisée enénergies renouvelables, solaire et bois.Marie-Agnès s’est impliquée dans lesoutien de son projet en assurant lesuivi administratif de l’entreprise. Lasituation générale et des revirementsdans les lois économiques ont misen graves difficultés l’entreprise. Deslicenciements se sont imposés, ainsiqu’un combat quotidien pour poursuivre,sans faire sombrer l’entreprise.Engagée dans le travail professionnel,Marie-Agnès l’est autant dans l’écolede communauté qu’elle a fait naître àSaint-Cyr, dans le groupe de G.S., etdans la vie de sa paroisse.Que vis-tu maintenant dans tonactivité professionnelle ?Nous entendons souvent parler ainsidu travail : « Es-tu bien payé ? »,« Quels sont tes relations avec tessupérieurs ? », « Es-tu satisfait ? »,etc. Aujourd’hui, mes questions sontautres : en quoi est-ce pour moi unlieu de vie, donc d’apprentissage ?Comment peux-tu dire que le travailest un lieu où tu apprends à teconnaître ? »!!TRACESMARS <strong>2013</strong>7
!!PREMIER PLANLA RÉALITÉ DU TRAVAIL» Quand mon mari Raphaëla été licencié, j’ai trouvé cela profondémentinjuste, et j’ai éprouvéune grande colère. Aujourd’hui, jeme rends compte que ce licenciementest à l’origine de la créationd’une entreprise qui à son tour meprovoque, me sollicite, m’incite àchercher la raison des choses. À partirde la réalité et non de mes a priori,de mes projets ou de mes rêves.Au quotidien, je dois émettre desfactures pour être payée, pour payerà mon tour mes factures, les fournisseurs,les salariés. Je dois faire desdevis au plus juste, acceptables pourles clients, mais permettant aussila pérennité de l’entreprise. Or, sicela est nécessaire, ce n’est pas suffisant,car les imprévus sont là, il y ale client qui ne paie pas, parfois parnégligence, parfois par malhonnêteté...Il y a le salarié malade, la voitureen panne, le conduit de cheminéequi bloque, la livraison en retard…Alors je reste bloquée sur ce quedevrait être la situation selon moi. Jeme plains, je m’agace, j’ai peur. Oubien, je me souviens que je suis appeléeà accueillir la réalité, à élargirmon regard, changer de perspective.Mais ce changement n’est pas le faitd’une décision.Comment est-ce possible ? Commentdans la même journée préparerle travail, anticiper, accueillirtous les événements pour enfaire une œuvre belle et juste ?Aujourd’hui, après plusieurs années,je comprends que, seule, je suisfragile comme un arbre qui a peude racines. Mes racines s’étendentquand je reconnais cette source originellequi nourrit ma vie et celle deceux qui m’entourent, quand je faisassez confiance pour accepter qu’unautre regarde ce que je vis.L’hiver dernier j’étais fatiguée, inquièteface à la situation économiquecatastrophique de l’entreprise. Unami m’a fait remarquer que je regardaisles autres avec des mitraillettesau fond des yeux. Au contraire, jesuis appelée à les regarder comme leChrist les regarde. En disant cela ilne s’arrêtait pas à mes erreurs, meslimites mais réaffirmait la présencedu Christ en moi et dans l’autre, j’enai été bouleversée. Alors la valeur demon travail n’est plus mon revenumensuel, le travail devient le lieu oùje découvre à travers les difficultés cequi est en moi et en l’autre.Cette découverte rayonnera ensuitesur ma vie de famille, ma vieavec les autres.De quelles difficultés est venuepour toi la nécessité de demanderde l’aide ?Des difficultés économiques. Ellesse traduisent bien sûr par des problèmesconcrets de découverts à labanque ! Ma première réaction aété de minimiser les problèmes, devivre en rêvant que cela irait mieux,qu’un tel paierait ses factures… et çadonne des insomnies.Or il est arrivé qu’un ami ne m’apas laissée raisonner ainsi. Il m’a demandé,et même obligée à lui transmettredes tableaux des comptes del’entreprise toutes les semaines. J’aipu ainsi m’attacher à relancer peu8!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!! PREMIER PLANL’OCCASION D’UNE CONVERSIONà peu et de façon plus insistante lesclients, j’ai pu oser demander des décalagesde paiements, etc. Ce n’étaitpas dans ma nature.Cet ami n’est pas gentil avec moimais exigeant. Le travail quotidienqu’il me demande m’a ouverte àplus d’attention aux circonstances.Comment des réponses te sontellesapparues ?D’une façon tout à fait imprévue.Cet été, je portais ces questions lancinantessur l’entreprise, son étatéconomique, son avenir, les relationsavec mon mari… Dans ce contextelà,je me demandais d’où pourraitvenir une aide qui me fasse entrevoirun début de réponse. Nous avionsdéjà essayé l’audit et le conseil, celanous avait coûté beaucoup sans nousapporter de réponse suffisante.Or, j’ai accompagné en Italie ungroupe de lycéens pour une rencontrede vacances de GS (jeunesseétudiante). Je n’aurais jamais imaginédécouvrir là une réponse à la problématiqued’une entreprise de huitpersonnes. Et pourtant je l’ai comprisen écoutant une lecture de MiguelMañara : la prise de conscience est lemoment clé. Alors que moi, je voudraisavoir la solution du problèmeavant de l’avoir regardé et pris encompte. Pour Miguel Mañara c’est laprise de conscience que ses conquêtesféminines le laissent insatisfait, pourmoi c’est le rapport avec le quotidiende l’entreprise.Une deuxième chose m’a été donnéependant ces vacances de GS enItalie : j’ai vu comment un adultese comportait avec les jeunes qu’ilaccompagnait. Sa disponibilité, sonregard chaleureux, son attention nepartaient jamais de son idée sur lesjeunes, mais de ce qu’ils étaient. J’aicompris que la même chose était possibledans mes relations avec les personnesavec lesquelles je travaille. Jedois continuer à accomplir toutes lestâches concrètes et nécessaires, chercherà être plus efficace, mais je doisregarder l’autre, l’aimer, non pas avecde bons sentiments mais en reconnaissantla source d’où vient notre vieensemble.L’an dernier, nous avons souventrépété : « La réalité est positive ».Dans cette situation, qu’est-ce quecela a voulu dire pour toi ?Cet été nous avons dû licencier deuxpersonnes, je me souviens d’un momentd’échange à la suite des diversentretiens liés à la mise en place dulicenciement. Après avoir fait le tourdes postes possibles de formationscomplémentaires, je me suis entendudire : « Écoute, affirmons que laréalité est positive sinon quel sensauraient ces quatre années de travailensemble ? Osons nous appuyer surcette phrase : même vieux nous pouvonsnaître à nouveau. Prends ce quiarrive comme une opportunité pourfaire une pause et regarder ce que tudésires ». Quand je disais cela je pensaisque cet échange était surréalistemais qu’en même temps il reposaitsur la seule certitude qui tienne.Aujourd’hui, elle a opéré une reconversionprofessionnelle dans un domainequi l’a toujours intéressée etoù elle peut exprimer son talent.Comment ces réponses con cernent-ellestoute ta vie ?Ce que j’apprends précisément dansle travail, se retrouve dans ma vie defamille. Je pourrais avoir une idée surce qui serait bon pour mes enfantsqui sont adolescents, quelles activités,quelles études, quel sport… Mais jesuis appelée à voir chaque jour quemon fils, mes filles aspirent à la plénitudede leur vie à leur façon, selonleurs modalités. Si j’ai un projet devie pour eux, je leur serai bien moinsproche que si je pars de ce qu’ils viventet reste à leur côté avec cette distancequi permet de voir un tableau et nonpas une tache de couleur. Alors, mêmedans des conditions difficiles, naît unejoie réelle et profonde. TABONNEMENTS <strong>2013</strong>TRACESUn regard quiéduque à la réalitéNous vous proposons un abonnement annuel valable pour la parutionde 11 numéros de Traces.POUR LA FRANCEtarif : 40 eurosAbonnement de soutien :60 eurosPOUR L’EUROPE(HORS SUISSE)tarif : 45 eurosPOUR LA SUISSEtarif : 55 CHFPOUR LE CANADAtarif : $ 50 CDNPOUR LES AUTRES PAYS :Envoyez vos dons et vos abonnements aux adressesci-dessous, en précisant la destination du montant.Merci d’adresser vos chèques libellés à l’ordre de :Traces Litterae CommunionisTraces19, rue de Nantes75019 PARIS - FranceCompte-chèques Revue Traces CEL1227 Les Acacias 17 - 602953 -5Préciser : abonnement revue TracesChèques à l’ordre de La Fondation En Route,1857 de Maisonneuve Ouest # 314 - H3H 1J9 -MONTREAL (QUÉBEC) - CANADA!!50 euros (adresseTRACESen France)MARS <strong>2013</strong>9
!! PREMIER PLANPOLITIQUEUn effort communLa place du CHRÉTIEN DANS LA SOCIÉTÉ, le caractère irréductible de la personne face à tous les pouvoirs,la nouveauté de la communion fondée sur le baptême. Ces questions se sont posées dès le début du christianismeet elles sont plus actuelles que jamais. Eléments de réflexion et témoignages.PAR STEFANO ALBERTOLE MESSAGE de Communionet Libération sur la situationpolitique en Italiecontient des critères de jugementqui dépassent largementla circonstance contingentedes élections transalpines. Ils exprimentun jugement historique sur laprésence chrétienne en Italie (et passeulement) et offrent, pour l’Annéede la foi, une occasion supplémentairede vérifier combien elle estpleine de raisons, c’est-à-dire pertinenteface aux exigences de la vie.Dans son interview à Robi Ronzaen 1986, don Giussani soulignait notammentdeux points qui explicitentce que signifie, de manière positive,la « distance critique irréductible »envers ceux qui assument en premièreligne, à partir de leur appartenanceà la communauté chrétienne,le risque et la responsabilité de l’engagementpolitique au sens propre :« Le premier degré d’incidence politiqued’une communauté chrétiennevivante est son existence même, entant que celle-ci implique un espaceet des possibilités d’expression [...].En raison de l’expérience fraternelleprofonde qui se développe en sonsein, la communauté ne peut pas nepas tendre à avoir son idée et sa méthodepour affronter les problèmescommuns, tant pratiques que théoriques,à offrir comme contributionspécifique au reste de la société danslaquelle elle se trouve ».Que signifie l’incidence politiquereprésentée par l’existence mêmed’une communauté chrétienne vivante,son action garante et promotricede démocratie substantielle ?L’Église, dès son apparition dansle courant de l’histoire en tant queréalité communautaire sociologiquementidentifiable, se pose commeun sujet original et, en tant que tel,comme une instance critique enverstoute prétention absolue ou exclusivede quelque pouvoir que ce soit,10!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!! PREMIER PLANUN EFFORT COMMUNnotamment politique ou étatique.Benoît XVI observait, lors de sonintervention à Vérone en 2006 : « JésusChrist a apporté une nouveautésubstantielle, qui a ouvert la voie àun monde plus humain et plus libre,à travers la distinction et l’autonomieréciproque entre l’État et l’Église,entre ce qui est à César et ce qui està Dieu ». Un monde plus humain etplus libre naît de l’affirmation originelle,dans la communauté chrétienne,du caractère irréductible del’individu, dont nul ne peut disposerà sa guise (c’est le fondement de ladémocratie) et de l’affirmation d’unsens ultime de toute chose (bibliquementparlant, le « royaume deDieu ») déjà présent, ici et maintenant,dans la Personne du Christ, quise dévoile lentement dans le temps,dans les limites et les contradictionsde l’histoire, comme une contestationde toute prétention idéologiqueet utopiste.LA RÉPONSE AU DUALISMELa nouveauté de la communion fondéesur le baptême (« Vous tous quiavez été baptisés, vous n’êtes qu’unen Jésus Christ », Gal 3, 26-28) n’estpas une réalité conventionnelle, ellefonde une conscience de soi nouvellepour la personne et la communauté,qui s’exprime par un regardnouveau, valorisant toute chose, etpar un effort d’action nouvelle danstous les domaines de l’existence humaine,y compris la politique.Lorsque, comme aujourd’hui, tendà s’affirmer dans la société une idéede démocratie non pas comme « exigencede rapports exacts, justes entreles personnes et les groupes » (Giussani),mais comme tentative de systématisationou, pire, comme lutte pourl’hégémonie, il ne faut pas s’étonnerque l’on ait tendance à regarder d’unair soupçonneux et hostile la présencecommunautaire chrétienne : « Ontaxera de fermeture, d’intégrismeou de tentative de dictature cléricaletoute manifestation de ce phénomèneessentiel qui fait que le chrétien vit etagit en communion et obéissance, etdonc comme communauté hiérarchique» (Luigi Giussani, Le cheminvers le vrai est une expérience).La proposition éducative de lacommunauté, avec son insistancesur l’unité organique de l’expériencechrétienne comme unité deconscience, d’explication de la réalité,d’organisation de la vie, est la réponseplus que jamais actuelle et nécessaireau dualisme entre la foi et la vie, etau relativisme qui en découle ; cesderniers représentent la plus grandetentation dans la vie de chacun etconnotent même une grande partiedu christianisme contemporain.Ainsi, la distinction nécessaire entrela mission de l’Église en tant que telleet la responsabilité personnelle autonomede l’individu dans le domainepolitique est souvent confondueavec une autonomie mal comprisede critères et de choix par rapport àl’enseignement intégral de l’Église.La note doctrinale de la Congrégationpour la doctrine de la foi« concernant l’engagement et lecomportement des catholiques dansla vie politique » (21 novembre2002) est très claire à ce sujet : « Dansleur existence, il ne peut y avoirdeux vies parallèles, d’un côté lavie qu’on nomme “spirituelle” avecses valeurs et ses exigences ; et del’autre, la vie dite “séculière”, c’està-direla vie de famille, de travail,de rapports sociaux, d’engagementpolitique, d’activités culturelles. »!!TRACESMARS <strong>2013</strong>11
!! PREMIER PLANPOLITIQUE» Le sarment greffé sur la vigne quiest le Christ donne ses fruits en toutsecteur de l’activité et de l’existence.[...] Toute activité, toute situation,tout engagement concret [...], toutcela est occasion providentielle pourun exercice continuel de la foi, del’espérance et de la charité ».RAISON ET NATUREL’expérience chrétienne authentiquepermet de vérifier, y comprisdans les délicates dynamiques del’action politique, combien la foipurifie constamment la raison, enl’aidant à être mieux elle-même.Comme l’a souligné le pape auBundestag à Berlin, non seulementle christianisme n’a jamais imposé àl’État ou à la société un droit révélé,mais il renvoie à la raison et à la natureliées entre elles (c’est-à-dire à l’expérience)comme les véritables sourcesdu droit. Le rappel aux fondementsanthropologiques essentiels pour lavie commune n’entend imposer àpersonne de « valeurs confessionnelles» mais, à travers la responsabilitédes laïcs chrétiens, il veut offrir,dans l’arène du débat public et dansle respect des procédures démocratiques,un témoignage de nouveautéde vie et d’œuvres dans l’ouverture àla vérité et dans la défense de la libertéde tous, comme contribution à laredécouverte et à la défense de ce quel’homme ne peut pas manipuler à saguise, si ce n’est aux dépens du biencommun et de la vie commune.LIBERTÉ SANS RELATIVISMEIl n’appartient pas à l’Église de formulerdes solutions concrètes – etencore moins des solutions uniques –pour des questions temporelles queDieu a laissées au jugement libre etresponsable de chacun, bien qu’elleait le droit et le devoir de prononcerdes jugements moraux sur des réalitéstemporelles, lorsque la foi et laloi morale le requièrent. Si les chrétienssont tenus « de reconnaître lalégitime multiplicité et diversité desoptions temporelles », ils sont égalementappelés à s’opposer à uneconception du pluralisme marquéepar le relativisme moral, qui est nuisiblepour la vie démocratique ellemême,celle-ci ayant besoin de fondementsvrais et solides, c’est-à-direde principes éthiques qui, en raisonde leur nature et de leur rôle de fondementde la vie sociale, ne sont pas« négociables ».En ce qui concerne le militantismepolitique concret, il faut noter quele caractère contingent de certainschoix en matière sociale, le fait quediverses stratégies sont souvent possiblespour réaliser ou garantir unemême valeur substantielle de fond,la possibilité d’interpréter de manièredifférente certains principes fondamentauxde la théorie politique, ainsique la complexité technique d’unebonne partie des problèmes politiques,tout cela explique le fait qu’ily ait en général une pluralité de partisà l’intérieur desquels les catholiquespuissent choisir de militer, pour exercer– surtout à travers la représentationparlementaire – leurs droits etleurs devoirs dans la construction dela vie civile de leur pays.Ce constat évident ne peut cependantse confondre avec un pluralismeindéterminé dans le choixdes principes moraux et des valeursfondamentales auxquels onse réfère. La légitime pluralité desoptions temporelles garde intacte lasource d’où provient l’engagementdes catholiques dans la politique, etcette dernière se réfère directementà la doctrine morale et sociale chrétienne.C’est à cet enseignement queles laïcs catholiques doivent toujoursse conformer pour avoir la certitudeque leur participation à la vie politiqueest empreinte d’une responsabilitécohérente à l’égard des réalitéstemporelles.TLes citations sont extraites de la Note doctrinalesur l’engagement des catholiques en politique,publiée en 2002 par la Congrégationpour la doctrine de la foi, et signée par le cardinalet préfet de l’époque, Joseph Ratzinger.12!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!! PREMIER PLANILS VOULAIENT SIMPLEMENT VIVRE VRAIMENT...Ils voulaient simplementvivre vraiment…... et ils ont fini par « faire » de la politique. Deux histoires (et un témoignage) montrent l’incidence publiquede l’expérience personnelle et d’une foi vivante. Des économies en entreprise à L’ENGAGEMENT face auxvaleurs non négociables.PAR P. BERGAMINI ET L. FIORETRAVAILS’IL EST MIEUXDE NE PAS LICENCIERLes indications de la Directiongénérale avaient été claires : étantdonné la crise, des coupes sombressont nécessaires en <strong>2013</strong>. Pour Daniele,directeur des ressources humainesdans un secteur de 20000 salariésd’une importante société multinationale,cela signifiait une économied’environ 40 millions de dollars.La solution la plus immédiate et laplus évidente : licencier, comme celaavait été fait en 2008, lorsque le mêmeproblème s’était posé, au début de lacrise économique mondiale.Daniele raconte : « On avait faitbeaucoup de coupes, avec des coûtstrès élevés pour les indemnités delicenciement et les conseils en entreprise.Cela avait généré un climat depeur chez les salariés, pour qui la seulemotivation était de sauver leur peau, etdont la dernière pensée était le bien del’entreprise ». Un an et demi plus tard,toutefois, la situation avait changé, et ilavait fallu à nouveau embaucher. Onavait besoin des mêmes profils professionnels.« Une situation schizophrène.Cette crise a déclenché, en particulierdans les sommets, une grande peurpour soi-même et son propre travail.C’est l’instinct de survie qui domine, etl’on fait des choix qui, à court terme,semblent être les plus adaptés du pointde vue économique, mais qui se révèlentensuite mauvais. Tout cela parceque l’on ne tient pas compte de tous lesfacteurs de la réalité ».NON PAS CE QU’IL FAUT FAIRE,MAIS COMMENT LE FAIREDans son cas, face à cette demande,cela signifiait avant tout : « Penserque j’avais à faire à des personnes. Unconstat qui semble évident. Mais ence moment, il est nécessaire de rappelerles évidences pour affronter lapeur qui dessèche et anéantit ». Danielerassemble son équipe proche,constituée de quinze personnes, etdéclare : « Avant tout, apprenons ànous regarder en face. La situation esttendue, et on peut ne pas se sentir à lahauteur. Aidons-nous en ce sens. Ensuite: le problème n’est pas quoi faire,mais comment le faire. Trouvons lessolutions les plus raisonnables pouréconomiser ces quarante millionsde dollars en gardant bien à l’espritle facteur “personne”. En effet, »!!TRACESMARS <strong>2013</strong>13
!! PREMIER PLANPOLITIQUE» quand la crise sera passée et qu’ily aura la reprise, il vaut mieux, mêmepour l’entreprise, avoir à bord lesbonnes personnes. Regardons loin ».La tension s’apaise immédiatement.« C’est comme donner une secousseà l’humanité, la réveiller ».LE CHEMIN LE PLUS LONGMais qu’est-ce qui apporte une secoussede ce genre ? Qu’est-ce qui faitprendre une telle position ? « Pourmoi, tout naît de la rencontre avecle Christ, de ma foi qui, avant tout,me fait prendre au sérieux mon humanité,mes exigences. Elle me faitregarder la réalité sans peur, commeune opportunité, avec patience. Lescirconstances, y compris la crise, sontlà pour entraîner ma liberté, et je nedépends donc pas d’elles. Par conséquent,on peut regarder tous les facteursen jeu. On trouve des solutionsnon instinctives ou réactives, maisraisonnables. En découle une créativitéinattendue ».Pour lui et son équipe, cela a signifiécommencer à dresser une liste deséconomies possibles. Par exemple,éliminer les voyages et les remplacerpar des vidéoconférences et des communicationspar skype, faire revenirles expatriés, revoir les coûts de formation.Et seulement en dernier recours,les licenciements, en tentantd’analyser la situation professionnelleet familiale de chacun. Un travail longet exigeant. « Bien sûr, il est plus faciled’exécuter les ordres passivement,sans apporter sa propre contribution.C’est un chemin plus long, plus articuléet j’ai dû, le premier, expliquer àmes chefs que c’était la bonne direction.Mais si tu es crédible, ceux quitravaillent avec toi ne peuvent que tesuivre ». Les jeux ne sont pas encorefaits, et tout peut arriver. P.B.SOCIÉTÉTROIS JEUNESAU PARLEMENT« ai pensé aux passages de l’Évangileoù les scribes et les pharisiensJ’interrogent Jésus pour comprendrequi il est et pourquoi il parle avec unetelle autorité ». Agostino Lucarelli,Béatrice Leduc-Houte et Marc-AntoineBigras sont trois jeunes lycéensde Montréal ; ils ont 16, 17 et 18 ans.John Zucchi, professeur d’Histoire à laMcGill University les a vus intervenirdevant la commission « Mourir dansla dignité », instituée par l’Assembléenationale du Québec pour interpellerl’opinion publique sur l’opportunitéd’introduire une forme d’euthanasieet de suicide assisté. En les entendantparler, les membres de la commissionn’arrivaient pas à comprendrepourquoi ils étaient là, ni commentils pouvaient parler aussi bien et avecune telle force de conviction.QUI SONT-ILS ?« Monsieur Lucarelli, vous m’étonnezbeaucoup. Par curiosité, que font vosparents ? ». « Ils tiennent un magasin ».« Je vous l’ai demandé parce que, trèsfranchement, je m’étonne de la précisionde vos définitions, ou du moinsde la différence que vous faites entresédation palliative et euthanasie. D’oùnaît tout votre intérêt pour ce sujet ? ».« Mademoiselle Leduc-Houte, vousavez dit que vous rendez visite à despersonnes handicapées ou malades etque vous le faites pour changer votreidée de la vie, ou du moins de la mort.Il s’est passé quelque chose de particulier? ». « Dites-moi, monsieur Bigras,vous étiez amis depuis longtemps ? Oubien vous êtes vous connus en rendantvisite aux handicapés ?Qui sont ces jeunes ? D’où vientla profondeur de leur regard ? Pourquoisont-ils si sûrs ? Ce sont trois desmembres de la communauté de CL auQuébec entendus par la commission.Les autres étaient des cancérologuesrenommés, des infirmières, des enseignantset d’autres professions ; inquietsde la fuite en avant du gouvernementprovincial par rapport aux instancesfédérales, qui avaient confirmé lacondamnation de l’euthanasie dans leCode pénal, ils ont décidé d’agir.« Nous avons rassemblé des signaturesde collègues et de connaissanceset formé des groupes tels que “Cancérologuescontre l’euthanasie”, “Infirmièrescontre l’euthanasie” ou “Jeunes14!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!! PREMIER PLANILS VOULAIENT SIMPLEMENT VIVRE VRAIMENT...contre l’euthanasie” », raconte MarkBasik, chirurgien-cancérologue : « Jetravaille au Jewish General Hospitalet mon chef, juif, a participé lui aussi àcette mobilisation. Nous avons demandésà être entendus. Mais c’était inutilede miser sur des principes ou des idées.Nous avons raconté notre expérience :l’action caritative, le rapport depuisdix ans avec des malades en phaseterminale ou un deuil familial ».ZÉRO VOIXIls ont fait entendre leur voix dansl’espace politique, sans avoir besoinde déléguer quelque chose aux partis.Une position originale, à contre-courantpar rapport au silence des associationspro-life, habituellement hyperactives.« La commission parlementaireest née sous la pression des militantspour l’euthanasie, convaincus d’exprimerun sentiment populaire, expliqueMarc Beauchamp, orthopédiste. Maisla majeure partie de ceux qui ont étéentendus se sont déclarés opposés ».Résultat ? En terme de voix, zéro. Lesparlementaires ont déclaré, en substance,qu’ils ne tiendront pas comptedes résultats de la commission. Pourtant,quelque chose a bougé. L’action aeu du poids. Certains se sont aperçusde la différence, d’une possibilité devie différente. Ainsi, Laureen Pindera,journaliste d’une chaîne de télévisioncanadienne, a commenté ces auditionsen déclarant : « Après avoir entenduCaroline Girouard et Mark Basik, ainsique quelques uns des autres médecins,je sais bien quels médecins je voudraisrencontrer s’il m’arrivait d’avoirun cancer ; ce sont des personnes quine parlent pas simplement des traitementsà donner à leurs patients, maisde la façon de les accompagner dansleur chemin de souffrance, bref, commentles aimer ». Pour le dire avec lesparoles de Benoît XVI, l’intelligence dela foi est devenue une intelligence de laréalité.L.F. TEN FIN DE COMPTE, C’EST MOI QUI AI GAGNÉ.POURQUOI ? J’AI PARLÉ DE MON EXPÉRIENCELa campagne pour le référendum sur les « droits des enfants ». Et un débatà l’école, joué d’avance. Mais…ai eu la preuve évidente de la valeurdu témoignage personnel il y aJ’quelques mois, à l’occasion du référendumqui proposait d’introduire dans laConstitution irlandaise des référencesspécifiques à ce que l’on définit comme« droits des enfants ». Je faisais partied’un groupe de personnes opposées àcette modification, estimant qu’au lieud’élargir les droits des enfants, elletransfèrerait à l’État des pouvoirs quireviennent aux parents.L’expérience la plus importante pourmoi lors de cette campagne a eu lieuun mardi après-midi, dans une école deMalahide, au nord de Dublin. J’avais étéinvité à un débat avec un représentant deChildren’s Rights Alliance, qui rassemblaitles organisations militant pour le « oui ».Le public était composé d’élèves entre13 et 16 ans. Les enseignants étaient tousd’accord : le changement était absolumentnécessaire. Mon interlocuteur aexposé l’argument habituel – la nécessitéde protéger les enfants – et son inévitableconséquence (erronée) : pour le faire, ilfaut leur donner des « droits ». Lorsque jeme suis levé pour parler, j’étais conscientque, pour la première fois, je m’adressaisà des personnes qui seraient directementconcernées par cette disposition. Le slogandu gouvernement était : « Tout lesconcerne (les enfants), mais cela dépendde toi ». En tant qu’adultes, nous avionsl’opportunité de voter pour quelque chosequi concernerait en premier chef ceuxqui étaient trop jeunes pour voter. Unegrande responsabilité. Pouvais-je metenir devant ces jeunes et argumenterpour dire pourquoi ils n’auraient pas dûavoir des « droits » ? Dans ce cas, j’auraistrouvé des paroles meilleures pour menerla campagne gouvernementale de chantagemoral et d’intimidation sentimentale,et mon intervention aurait eu du sens.Dans les six minutes que j’avais àdisposition, j’ai souligné le but de laPAR JOHN WATERSConstitution et j’ai expliqué en quoi lesdroits de la famille sont différents desdroits des individus. Par la nature mêmedu rapport entre parent et enfant, lesdroits individuels s’adaptent mal au véritablebien des enfants dans la famille.J’ai souligné le paradoxe du fait que les« droits » attribués aux enfants pourraientvraisemblablement se traduire parla perte de ce qu’ils ont de plus cher :l’amour et le soin quotidien des parents.Je suis passé par mon expériencepersonnelle, d’abord de fils, puis depère, et j’ai décrit des situations danslesquelles on pouvait observer concrètementla dynamique des « droits » etde la liberté. J’ai demandé aux jeunesd’imaginer différents contextes dans lesquelsles « droits » pourraient jouer unrôle important – par exemple dans le casoù les parents s’opposeraient à quelquechose qu’ils désireraient faire, parce quece serait, à la longue, contraire à leurbien. Que se serait-il passé si l’État étaitprêt à les soutenir contre leurs parents ?Lorsque j’ai fini, un enseignant est intervenulonguement pour exposer les raisonsde la modification. Deux contre un :c’était perdu d’avance.Puis le moment du vote est venu. Àmain levée, les élèves ont voté « non » àdeux contre un. Les bénéficiaires immédiatsde la modification disaient : « Nonmerci ! ». Les jeunes étaient sortis del’obscurité de la mentalité commune etavaient donné un jugement personnelclair. Ce fut un moment émouvant.Après un article que j’ai écrit surcette expérience, certains de ces élèvesont envoyé une lettre au directeur. Ilsont dit que mon adversaire avait exposéune belle thèse, avec « plein de donnéesobjectives », mais pour eux, j’avaisgagné. Pourquoi ? J’avais parlé de monexpérience. « Nous croyons que plus onse réfère à des situations réelles, plus onsuscite l’intérêt des personnes ». T!!TRACESMARS <strong>2013</strong>15
!" SOCIÉTÉDROITS ET DÉSIRSNous ne sommespas des angesLe projet de loi sur le « mariage pour tous » a été discuté au Parlement. Pour THIBAUD COLLIN qui a étéauditionné par l’Assemblée nationale, il s’agit d’une « occasion historique de prise de conscience ». Voicice qu’on peut y gagner (ou y perdre). Tous.PAR ALESSANDRA GUERRAIL EST NÉ EN 68 et il se définitcomme un enfant « de la générationJean-Paul II ». Dans lesannées quatre-vingt dix, « unepériode marquée par l’arrivéedu sida, carrefour historique desrevendications homosexuelles », il adédié ses études à l’être sexué et à lasociété : « Dans le temps j’ai eu deplus en plus conscience du caractèrepolitique et social, mais aussianthropologique et métaphysiquedes questions sur le sexe, le mariage,la famille ». Son premier livre estparu en 2005 : Le Mariage gay. Philosopheet écrivain, Thibaud Collinfait partie des personnalités qui sontintervenues, en décembre dernier, àl’Assemblée nationale à propos duprojet de loi sur le « mariage pourtous », la promesse électorale duprésident François Hollande quidivise la société française.Qu’est-ce que vous observez aujourd’huien France et dans lasociété française à travers ces16!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!! SOCIÉTÉNOUS NE SOMMES PAS DES ANGESdébats ? Qu’est-ce quivous frappe le plus ?Ces débats nous rappellentque le politique n’est pasla mesure de tout l’humain.Le politique n’estpas la source de la justicemais elle est à son service.Quelle que soit l’avenirde ce projet de loi, les Français sontde nouveau invités à cette prise deconscience historique : la démocratiepeut être exercée de manièretotalitaire. C’est aussi l’occasion deréaliser à quel point la parole del’Église est prophétique, en particulierla position anthropologiquede Jean-Paul II sur le mariage et lasexualité dans la lignée de l’encycliqueHumanae vitae.Lors de votre intervention àl’Assemblée nationale, vous avezrelevé un changement culturelfondamental, un réel défi : la volontéhumaine érigée comme référenceultime de tout. Pouvez-vousnous aider à approfondir ce pointafin de mieux comprendre l’origineet les conséquences de cetteprétention ?Différemment du mariage sacramentel,le mariage civil, c’est-àdirel’union d’un homme et d’unefemme qui fondent par là une famille,est l’institution par laquellela société offre un cadre stable pourles enfants. En effet, ils sont ce parquoi la société perdure et se développe.Ici se joue l’articulation entrel’union conjugale et la filiation, oùtrois conditions sont nécessairespour donner un cadre à la naissancede l’enfant : la différence des sexes,l’interdit de l’inceste et la monogamie.Quand on enlève une de cestrois conditions comme veut le fairele projet de loi (la différence dessexes), la filiation n’est plus fondéesur la procréation naturelle, mais surThibaud Collinla seule volonté d’adultes ;une volonté déconnectéedu corps et de la personnesexuée. Nous sommes devantun mouvement quitend à « l’angélisation » del’homme. Nous allons versune liberté pure qui refusetoute dépendance enversle vrai bien de la personne humaine.Le corps est réduit à être unmatériau neutre que la consciencepeut arbitrairement investir d’unsens. Tel est l’enjeu métaphysique dece projet de loi ! La vie devient unmatériau de construction au servicedes projets que les hommes désirent.C’est une tentation qui vientde loin ; certains diront que c’estdéjà dans la Genèse : « Vous serezcomme des dieux » ; on trouve aussichez le grand sophiste Protagoras, àl’époque de Socrate, la thèse selonlaquelle « L’homme est mesure detoute choses ». Mais cette tentationrécurrente a aujourd’hui acquis lesmoyens techniques de s’incarner.La connaissance de la biologie dela reproduction permet de s’émanciperde cette unité profonde de lapersonne sexuée.La volonté comme seul critère :cette direction ne rendra pas plusforts ni les hommes ni la société.Au contraire, ils seront plus fragiles(comme vous le dites : « Oncrée des occasions de conflitsirréductibles » ; « les personneséprouvent toujours plus leur fragilitéet leur précarité »). Pouvezvousnous expliquer pourquoil’affirmation de soi-même n’estsource ni d’accomplissement ni deréel progrès mais contribue à une« société liquide » ?Bien sûr, la volonté est un conceptpositif, quand elle est au service dubien. Par exemple, je discerne unvrai désir et je décide de m’y tenir,par fidélité à un ordre fondamentalqui constitue mon être. Mais quandje transmets la vie, ma volonté vas’incarner dans un ordre qui nem’appartient pas, qui n’est pas demoi mais que j’assume, auquel jeconsens. Si la volonté est déconnectéede ces exigences essentielles ducœur humain et des moyens adéquatspour les réaliser, elle est sonpropre critère et devient velléitaire.De plus, les relations humainessont fondées sur la volonté conçueainsi, c’est-à-dire sans un enracinementdans un ordre naturel fondamental,elles sont déterminées pardes rapports de force ; le plus faibleva être inéluctablement lésé (dans cecas, les enfants adoptables ou « procréables» à qui on ne demande pasleur avis). La souffrance du plusfaible, comme nous avons déjà pule constater au moment de la loi surle divorce par consentement mutuelva grandir et ce à cause de la loi.L’État a pour office d’être untiers, au service d’un ordre ; il estlà pour garantir les droits notammentdes plus petits. Maintenant ily a un État paradoxalement totalitaireet anarchique ! Pour satisfairela revendication de quelques individus,il nie l’ordre humain (ici la différencedes sexes au fondement dela filiation) en déclarant que si leshomosexuels ne pouvaient pas avoird’enfants, c’était en raison d’unepolitique homophobe ! C’est unÉtat qui, pour rendre les hommessoi-disant plus libres, contribue àl’injustice. C’est un État qui au lieude structurer la société engendreune « société liquide », notion utiliséepar le sociologue ZygmuntBauman pour décrire un ensembled’individus pris dans des flux, dansun perpétuel recyclage, où tous lespoints de vue se valent ; l’État estalors agent de l’émiettement ducorps politique. »!!TRACESMARS <strong>2013</strong>17
!! SOCIÉTÉDROITS ET DÉSIRS» Dans son essai, le Grand RabbinBernheim nous met en gardecontre le risque d’une grave réductionanthropologique : « Je ne suispas tout, je ne suis même pas toutl’humain. Je ne sais pas tout surl’humain : l’autre sexe me demeuretoujours partiellement inconnaissable». Qu’en pensez-vous ? Querisquons nous de perdre dans cettetentative d’effacer toute différenceet toute limite ?Ce qui structure l’homme c’est la différencedes sexes et des générations.Tout homme pour grandir a besoinde cette articulation des différences.Ainsi, je deviens père grâce à la féminitéde ma femme. Et vice versa.Cette loi dit que pour satisfaire cedésir de procréer, je n’ai pas besoind’une personne différente de moi ;pour avoir un enfant, la sexualitén’est plus nécessaire. On progressealors vers l’indifférenciation. Et l’étatd’indifférenciation est le signe d’uneposition de toute-puissance.L’homme devient neutre, interchangeable,comme les pièces d’unlego que l’on peut disposer d’unemanière ou d’une autre. C’est la positionathéiste qui nie la différenceentre Dieu et l’homme. On retrouvele mensonge du serpent : « Vousserez comme des dieux ». L’Égliseproclame la différence entre Dieuet l’homme, puis entre l’hommeet l’animal, entre l’homme et lafemme, les parents et les enfants,etc. On est loin du retour au « tohubohu» que notre société libertaireet nihiliste réclame !Ce désir d’enfant est chez la personneayant une orientation homosexuelleune vraie blessure parceque tout être humain désire transmettrela vie qu’il a reçue. Selon lesprésupposés de la revendication gay,la frustration face à une telle injusticeest réparable par la techniquejuridique (adoption) et médicale(PMA). Ces militants sont dans ladémesure ; ils refusent d’admettrequ’une pratique sexuelle avec unepersonne de son sexe empêche detransmettre la vie humaine et doncde devenir parent.Quels sont la racine et le but de ceque vous appelez : « Une logiquede contractualisation et dérégulationde la vie familiale » ?La racine remonte à la vision individualistede la société basée sur larevendication des droits. Les lienshumains vont donc dépendre desdroits et non pas des devoirs quema conscience discerne commeétant requis par la dignité d’autrui.La « famille homoparentale » entredans cette logique du contrat tellequ’on la voit à l’œuvre dans unesociété civile immobilière. Toutceci ouvre la porte à la polygamie ;si trois personnes « s’aiment » etveulent un enfant ensemble, au nomde quoi l’État va-t-il s’y opposer ?C’est ce qu’on appelle la logiquede « l’individu total » c’est-à-dire« tout, tout de suite ».Que signifie la « sexuation », entant que propriété de toute la personne? (alors qu’elle est constammentréduite à une « propriété duseul corps », à un « simple substratbiologique »).Dans les débats actuels il y a unevision dualiste et réductrice dela personne humaine : la volontéd’un côté et le corps biologique del’autre. Alors que l’humain est caractérisépar l’unité profonde de la18!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!! SOCIÉTÉNOUS NE SOMMES PAS DES ANGESpersonne. Par exemple, je suis unepersonne masculine et cette dimensionest porteuse d’une richesseque je vais déployer de différentesfaçons : je suis père par la médiationde ma femme ; ce don de la vie va sepoursuivre dans l’éducation de l’enfantqui va lui-même se développeren se recevant de cette double originesexuée, signe et instrument dela communion de son père et de samère. Actuellement nous ne voyonsplus à quel point il est sécurisantpour l’enfant de regarder ses parentset de savoir par là d’où il vient.En effet, vivre dans la continuitéde son origine et vérifier que celleciperdure dans l’unité dans la vieconjugale de ses parents sont uneressource inestimable pour un enfant,notamment quand il traverseune crise. Ici prend toute sa valeurl’anthropologie de Jean-Paul II quiappelait tout homme à retrouvercette unité de la personne sexuée etpar elle l’unité du couple conjugal etde la famille.Pourquoi avez-vous pris publiquementposition contre ce projetde loi ? Quelle importance a cette« bataille » dans votre vie et votreexpérience ? Ou encore : quel lieny a-t-il entre cette bataille et votreexpérience ?Je suis né en 68, je fais donc partie de« la génération Jean-Paul II ». Monprofesseur de philosophie au lycéepuis à l’université était Jean-MarieMeyer, un proche du pape, membredu Conseil pontifical pour la Famille.Grâce à lui, j’ai eu très jeune uncontact presque direct avec l’expérienceet la doctrine de Jean-Paul II !Il y a eu aussi en 1986 à Paris, l’annéeoù j’ai passé le Bac, un grand congrèsde la famille autour des méthodesde régulation naturelle. Je passaismon bac. Et je me rappelle avoir prisconscience du caractère politique etsocial mais aussi anthropologiqueet métaphysique des questions touchantle sexe, le mariage, la famille.Puis, peu à peu, j’ai discerné que mavocation est d’exercer mon métierde philosophe comme un laïc dansle monde, en étant médiateur, traducteurentre les fidèles chrétiens etla société et vice versa, notammentsur ces sujets. Ainsi en 1990, périodemarquée par l’arrivée du sida, creusethistorique de la revendicationgay, j’ai travaillé sur l’être sexué etla société. En 2005 j’ai publié monpremier Le Mariage gay dans lequelje fais une critique conceptuelle de larevendication homo sexuelle. Vivantdans un monde qui n’est plus chrétien,ma vocation est de faire ce travailde diagnostic au service du biencommun.POUR ALLER PLUS LOINRetrouvez l’essai de Gilles Bernheim, GrandRabbin de France, sur le projet de loi enFrance, sur le site : www.clonline.org/frÀ votre avis, quel est le chemin àparcourir pour « répondre » à lamentalité sur laquelle repose ceprojet de loi ?C’est un très long travail ; il fautcontribuer à la prise de consciencedes expériences élémentaires de lapersonne humaine. Cette « conscientisation», ce travail pédagogique doitredonner aux personnes les outils etle vocabulaire pour qu’elles réapprennentà se connaître elles-mêmes.Actuellement beaucoup de noscontemporains vivent totalementcoupés de leurs expériences élémentaires,des exigences fondamentalesdu cœur humain. Beaucoupressentent ces exigences mais n’ontplus de mots pour les dire. Le rôledes médiateurs est justement de lesaider à se réapproprier eux-mêmes,à retrouver le chemin de cette unité.Nous avons la responsabilité decomprendre de l’intérieur le discoursde l’Église qui a toujours étéprophétique. Regardez la pertinencedu diagnostic de Jean-Paul II sur cequi arrive à l’Église et au monde aujourd’hui! L’Église devra de plus enplus rendre compte de ses paroles etde ses actes, elle subira de plus en plusde pressions sociales, elle sera accuséed’homophobie, elle sera l’objetd’opprobre des « bien-pensants »de toute sorte, etc. Les catholiquesdoivent donc se préparer à assumerpleinement leur discours sur l’humainet à paraître comme cause descandale, « signe de contradiction »comme leur Maître et Époux ! C’estdans ce sens que je vous disais : ceprojet de loi est une occasion de prisede conscience historique. T!!TRACESMARS <strong>2013</strong>19
!! SOCIÉTÉDROITS ET DÉSIRSLe 13 janvier,plus d’un millionde manifestantsse retrouvaient à Parispour protester contrele mariage homosexuel.Cette mobilisation n’apas encore fait reculerle gouvernementfrançais. Mais elleinterroge durablementles catholiques.Appartenir, c’est agirPAR SYLVAIN PLAISIRDEPUIS L’ANNONCE du projetde loi sur le « mariagepour tous », une certaineeffervescence a envahi lasociété française, en particulierle monde catholique. La question,qui peut paraître secondaireface à la réalité et aux contingencespolitiques françaises, a fait renaîtreun aspect qui nous concerne tous etqui va au-delà du clivage « pour oucontre » cette proposition de loi. Eneffet, il faut reconnaître paradoxalementque ce projet de loi a fait émergerun besoin nouveau de s’investirdans la société, de dépasser la seulepréoccupation du bien-être individuel,ce que la crise économique ellemêmen’avait pas réussi à provoquer.La preuve de cela est que l’onrecommence à parler de la valeur dumariage, de la famille, du bien communde notre société, de la valeurde la personne, du désir et du désirhumain, sans distinction sociale niconnotation religieuse ou sexuelle.La « fracture sociale » semble ressoudée,non sans fragilité.Avec surprise, nous avons constatéque ces débats ont relancé le goûtpour la politique dans sa significationla plus noble : « une actionpour le bien et l’intérêt de tous ».Mais d’un autre côté, ce fermentpositif s’accompagne d’une sensationde confusion et d’impuissanceface à l’enjeu sociétal auquel noussommes confrontés. Où sommesnousen train d’aller ? La questionest existentielle et elle intéressetoutes les générations. Et la dernièredécennie lui a donné une intensitéet une urgence plus grandes dansl’ensemble des pays occidentaux.Cette question est, le plus souvent,l’expression de notre fragilité plusque d’une quête. Et l’actualité necontribue pas à la rendre moinsproblématique.QUELLE ESPÉRANCE ?Que peut-on faire, alors ? La seulechose possible semblerait être unengagement prométhéen, illusoire,qui offre un espoir. Mais s’agit-il biend’espérance ? En 1968, devant desétudiants qui occupaient l’universitécatholique de Milan et qui appartenaientaux nouvelles forces révolutionnairesde la société, don Giussanirépondait prophétiquement à ceuxqui soutenaient cette évolution : « Lesforces qui changent l’histoire sont20!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!!SOCIÉTÉAPPARTENIR, C’EST AGIRles mêmes que celles qui changentle cœur de l’homme ». Chacun peutvérifier la force et la vérité de cettephrase. Un jugement sur l’histoireest possible pour qui se trouve dansun milieu qui rend vivante cette expériencede changement. Quelquesannées plus tard, don Giussani disaitune autre phrase qui contribueà éclairer notre temps et nos vraiesaspirations à l’action. Il disait : « Lepremier niveau d’influence politiqued’une communauté chrétiennevivante se manifeste par sa propreexistence, dans la mesure où celle-ciimplique un espace et des moyensd’expression […]. De par sa nature,elle ne demande pas le privilège exclusifde la liberté d’exister et de s’exprimer,mais plutôt la reconnaissancepour tous du droit à une telle liberté.Par conséquent, par le seul fait d’exister,les communautés chrétiennes – sielles sont authentiques – s’avèrentêtre les garants et les promoteursd’une démocratie essentielle » (entretienavec Robi Ronza).Cette phrase, dans le contextehistorique où nous vivons, fait surgirune autre vraie question : ma vie,mon existence, à qui ou à quoi appartiennent-elles? De nos jours, le verbeappartenir peut effrayer. Il évoque unsentiment d’anonymat – « faire partiede » –, ou bien une limitation dela liberté d’entreprendre ou d’agir.Bien au contraire, pour don Giussani,l’appartenance à unecommunauté chrétienne,et de celle-ci àl’Église, est la sourcede notre « liberté devie ».De nos jours, cetteexpression sembletrop simple, commesi elle appartenait à la« foi du charbonnier »ou bien à des « grenouillesde bénitiers ».Sauf que dans lessociétés « démocratiqueset multiculturelles» dans lesquelleson vit, où échanger vade pair avec négocier,où personne n’oses’opposer à la sacrosainte« évolution »,on sera de plus enplus provoqué et doncappelé à redécouvrirce que veut dire « unevie libre ». En particulier,on sera appelé àprendre conscience que la « vie libre »,toujours plus souvent bannie et stérilisée,se fonde sur un fait vieux de 2000ans : reconnaître Jésus Christ présentdans l’histoire et donc dans les circonstancesque l’on doit traverser. Cet événementpeut alors, paradoxalement,renouveler la foi.Il y a tout juste deux ans, alorsque la crise sévissaitdans plusieurs payseuropéens et semblaità peine effleurerla France, notre revueavait publié un tractsigné Communion etLibération. Dans cetract, une phrase dupape Benoît XVI parlaitde la nécessité que« l’intelligence de la foidevienne intelligencede la réalité ». Ce tract disait : « [Cettefoi] devra montrer que le Christ estsi présent qu’il peut réveiller la personne,et donc son désir tout entier,au point de ne pas la laisser dépendretotalement des conjonctures du moment…à travers la présence de personnesqui témoignent une humanitédifférente dans tous les domaines dela vie sociale : école, université, travailet entreprise, jusqu’à la politiqueet à l’engagement. Des personnes quine se sentent pas condamnées à ladéception et au désarroi, « mais quivivent à la hauteur de leur désir parcequ’elles reconnaissent que la réponseest présente ».À deux ans de distance, on peutfaire le constat que cette phrase devientencore plus vraie. Voici le défique chacun a devant lui : appartenirou disparaître.T!!TRACESMARS <strong>2013</strong>21
!" VIE DE CLNEW YORK ENCOUNTEROh ! Freedom !Trois jours de rencontres, d’expositions et de spectacles. Et un thème qui, dans la Grosse Pomme, sembleévident : LA LIBERTÉ. Sauf qu’ici, plutôt que d’en discuter on a pris un autre chemin : l’expérience. Du curéde Newtown au super manager, en passant par Chesterton, la musique afro et les deux cents volontaires,voici la chronique d’un événement qui, chemin faisant, est devenu un point stable.PAR LUCA FIOREDU CROISEMENT de la 34 erue avec la 8 e avenue, onvoit se découper l’EmpireState Building dans toutesa majesté. Un peu plusloin, sur la 8 e , c’est le miroitementdu verre et de l’acier du gratte-cieldu New York Times, construit parRenzo Piano. Le Manhattan Centerfut construit au début du XX e sièclepour servir d’opéra. Il devint parla suite un studio d’enregistrementqu’utilisèrent des artistes commeArturo Toscanini, Leonard Bernsteinet Placido Domingo.Depuis trois ans, à la mi-janvier,c’est aussi le lieu du New York Encounter,la manifestation organiséepar la communauté de Communionet Libération aux États-Unis et parle Centre culturel Crossroads. Un criau milieu du vacarme de la GrossePomme. La ville continue à tourbillonneralors que l’Encounter est maintenantun point stable qui n’hésite pasà attaquer de front le thème fondateurde la culture américaine : la liberté.Pas juste « Freedom » dans l’abstrait,mais « Experiencing Freedom », « faireexpérience de la liberté » comme l’indiquele titre de l’édition <strong>2013</strong>.VIRUS CULTURELTrois jours, trois concerts, neufconférences, deux expositions, unbar, un restaurant, une dizaine destands et plus de 200 volontairesvenus de tous les États-Unis. Lamanifestation grandit, se renforce,et éveille toujours plus d’intérêt. Ilsuffit de voir les centaines de personnesqui remplissent la grandesalle du Manhattan Center lors desprincipales rencontres, ou tous cessponsors potentiels venus expressémentpour vérifier la possibilitéd’investir les prochaines années.Parmi les volontaires, il y a unpeu de tout : étudiants, professionnels,et même une jeune Coréennequi depuis quelques semaines participeà l’école de communauté. Leserveur au bar est le correspondantà New York d’un quotidien italien.Le vestiaire des volontaires – un lieud’où l’on ne voit rien de l’Encounteret où jamais personne ne passe– est gardé par un étudiant milanaisfraîchement débarqué à New Yorket qui vient pour la première fois22!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!"VIE DE CLOH ! FREEDOM !aux États-Unis. Et la cuisineest assurée par un vétérand’Irak et d’Afghanistan quiconnaît à peine CL, mais quia été invité par sa fiancée quifréquente depuis peu les amisdu mouvement. Au bout dequelques heures, on se sentcomme chez soi.C’est Mgr Lorenzo Albacetequi ouvre la manifestation,en commentant immédiatementavec son sourireen coin : « Ils m’ont donnétrente minutes pour parler dela liberté. Il ne faut vraimentpas avoir peur… ». Pourtant,ce fut une demi-heure dontnous n’avons pas à rougir.« Pour comprendre ce qu’estla liberté, il faut regarder lespersonnes qui en ont faitl’expérience ces jours-ci : l’expérienced’une satisfaction,nous a-t-il expliqué. La libertén’est pas le fruit d’une idéologieou d’un programmepolitique, mais elle est le butde l’action d’un homme : leChrist. L’expérience de la présencedu Christ est liée à laliberté ».Il y a, cependant, un virusculturel – en pleine alerte à lagrippe déclenchée par les autoritésà New York, c’est exactementl’image qu’a utilisé MgrAlbacete ! – qui réduit la possibilitéde faire expérience dela liberté. C’est le virus qui lasépare de la foi. « Ceci est possible,pas tant en diminuant ladivinité du Christ qu’en mettanten discussion son humanité,c’est-à-dire sa capacité àrépondre aux exigences de lavie des hommes. C’est le virusde la désincarnation ».Le premier témoin de cetteconception différente de laliberté a été Joshua Stancil.Joshua est incarcéré depuis 17ans et se trouve actuellementà la Nash Correctional Instituteen Caroline du Nord. Ila écrit une lettre à l’occasionde l’Encounter : « Peut-onêtre reconnaissants pour laprison ? Peut-on être reconnaissantspour la désintoxication? Pour le cancer ? Pour ladouleur de l’infidélité ? Pourla faiblesse personnelle ? Pourles épreuves quelles qu’ellessoient ? Il y a dix-sept ans,j’aurais répondu non. Maisaujourd’hui… Je sens quec’est une chose étrange à dire,que je devrais la murmurer,mais la réponse est oui. Parcequ’en toute circonstance, jepeux affirmer un Autre ; entoute circonstance, je peuxoffrir ; en toute circonstance,je peux dire “Tu”. Et je peuxle faire avec la certitude dela bonté ultime de la réalité,même lorsque l’apparence dela réalité est laide au point deme choquer jusqu’à me réduireau silence ».Les mots de Joshua, luspar l’acteur et écrivain TonyHendra, ont résonné dans lasalle du Manhattan Centercomme une intense provocationface à une conceptionembourgeoisée de la foi. Surtoutdans une Amérique qui,quand elle parle de liberté,pense pouvoir se passer de lafoi, et quand elle parle de foi,pense qu’on peut se passerdu désir de liberté. C’est aussiune provocation pour ceuxqui, bien que catholiques, ontdu mal à penser que l’expériencede la foi peut avoir unrôle public qui touche tousles désirs de l’homme, »!!TRACESMARS <strong>2013</strong>23
!!VIE DE CLNEW YORK ENCOUNTER» ses passions, ses intérêts,et qui réduisent trop souventleur présence dans lemonde à un activisme prolife. De manière significative,la question de l’avortementn’a pas été abordée à l’Encounter<strong>2013</strong>. Du moins pasde façon directe. Cependant,on a discuté de liberté religieuse,d’économie, de droit,de littérature, de musique,d’art contemporain…LA CHARGE DES 600Parmi les participants à cetterencontre new-yorkaise, il y aeu Harold Korrell, présidentdu conseil d’administrationde la Southern Energy. Celuiqui est l’un des managers lesmieux payés d’Amérique estvenu parler à l’Encounter dece qui lui a permis de découvrirle plus grand gisementde gaz naturel du pays. Il l’atrouvé là où personne nes’attendait à le trouver, grâceà une curiosité infinie et à lacapacité de lire les signes dela réalité, en particulier s’ilssont imprévus. Il ne devaitrester que le temps de sonintervention, mais il a finalementdécidé de rester jusqu’àla fin.Puis il y a eu le ministrepour les minorités du Pakistan,Paul Bhatti, frère deShah baz Bhatti, tué par lesfondamentalistes islamiques àcause de sa lutte pour la libertéreligieuse. Ensuite, FrancisGreen, professeur au SaintFrancis College de New York,a proposé une relecture del’art des deux derniers sièclesdu point de vue de la liberté :un parcours passionnantd’Eugène Delacroix à MarinaAbramovic, en passant parKandinski, Rothko et Wahrol.Dermot Quinn, du G. K.Chesterton Institute for Faith& Culture a montré la fraîcheuret l’anticonformisme dela pensée chestertonienne. EtAngelo Sala, l’infatigable directeurde Crossroads, l’admetavec franchise : « Je n’auraisjamais parié qu’à New York ily aurait 600 personnes prêtesà suivre une conférence surChesterton un samedi matinà 10 heures ».À la New York EncounterTrattoria, on mange de succulentespâtes à la matriciana,et à l’heure du déjeuner, c’estun chassé-croisé incessantau milieu duquel les serveursdoivent prendre des risquesinsensés. Le bruit est tel qu’onse croirait dans une cantine.Mais les gens sont ici pour serencontrer vraiment. Pour lesamis qui habitent sur les côtesopposées des États-Unis, l’Encounterest devenu un pointfixe de rencontre. Davide,professeur à l’université d’Indianapolis,voudrait ameneraussi ses enfants l’année prochaine: « Ce sera un budgetnon négligeable, mais chaqueannée cela en vaut toujoursplus la peine ».LA MESSE APRÈS LEMASSACRELes soirées de l’Encounter onttoutes été musicales, avec Longingfor Freedom – un parcoursde musique sur les auteursaméricains imaginé par JonathanFields et exécuté par leManhattan Wind Ensemble –et The Katrina Letters, unspectacle créé par ChristopherVath à partir de lettres écrites24!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!"VIE DE CLOH ! FREEDOM !L’une des 200volontairesvenus de tousles États-Unis.pendant la Seconde Guerre mondialepar deux fiancés de la NouvelleOrléans. C’est l’histoire d’un amourpur, simple et libre, au cœur du dramede celui qui combat en Europe et decelle qui l’attend en tremblant.Dans son intervention, le pèreJulián Carrón a reproposé les parolesde Benoît XVI lors de l’ouverture del’Année de la foi : aujourd’hui la foin’est plus un présupposé évident, et« ce présupposé non seulement n’estplus tel mais souvent il est mêmenié ». Le pape le définit comme la« désertification » de la société. Etpour le père Carrón, les signauxd’alarme ne manquent pas : « Laquestion éducative – particulièrementdramatique aux États-Unisavec le récent massacre de Newtown–, la crise économique et financière,le manque de confiance dansles rapports qui engendre un clivagedes liens sociaux et l’insécurité enversl’avenir ».Et c’est justement du massacre deNewtown qu’a parlé le père Peter Cameron,directeur de la revue catholiqueMagnificat, qui travaille commecoadjuteur à la paroisse catholiquede la petite ville du Connecticut. « Ledimanche qui a suivi le massacre,alors que j’étais à la sacristie avant lamesse de 7h30, un homme est entré.Je ne l’avais jamais vu auparavant,mais quelque chose me disait qu’ilavait à voir avec ce qui s’était passé. Ilse présenta comme Michael Murphy,le mari d’Anne-Marie Murphy, l’unedes enseignantes tuées lors du massacre.Mais pourquoi donc M. Murphyétait-il dans la sacristie à cetteheure-là ? “J’ai quatre enfants relativementgrands – m’a-t-il dit – et lamort de leur mère est très difficilepour eux. Pourriez-vous, s’il vousplaît, dire quelque chose pour lesaider ?” Pourquoi Michael Murphyest-il venu chercher un prêtre plutôtqu’un conseiller, ou un analyste ouun psychiatre ? À cause d’une attentesans fin… que seul Jésus Christ peutcombler. La foi n’est pas une option ».Il a continué en nous parlant del’enfant qui est venu le voir, accompagnéde sa mère, pour faire bénir sa médailleprotectrice. La mère lui a raconté,à voix basse, que son fils était là, qu’ila tout vu, et qu’il a réussi à s’échapperparce que l’homme s’était arrêté pourrecharger son fusil. Exemples de vies« prises » par la foi. Existences surprisespar une liberté inattendue.Lors de la fête finale, MaurizioManiscalco, président de l’Encounter,aurait voulu que l’Arturo O’FarrillBand ne s’arrête jamais de jouer.Regarder les gens danser est tellementbeau que l’on ne s’en lasse jamais. Sûrementen raison de la musique afrocubaine,mais peut-être aussi à causede la secousse reçue ces jours-ci. Unenouveauté qui est en train d’entreren eux. La statue de la Liberté est là,immobile. Eux, ils dansent. T!!TRACESMARS <strong>2013</strong>25
!!VIE DE CLANNIVERSAIREUn pèrequi s’est offert pour moiHuit ans après la mort de don Giussani, le père MAURO G. LEPORI, abbé général de l’Ordre cistercien,raconte leurs rencontres rares mais décisives. La continuité avec le charisme du monastère, le rapportentre obéissance et liberté. Et cette phrase le jour de son élection… « Il fallait le temps pour comprendre ».PAR UBALDO CASOTTOLE RENDEZ-VOUS est à 17h30 ce23 janvier au Centre culturelde Milan qui a invité l’abbégénéral des cisterciens àune rencontre autour de laquestion : « Chaque commencementgrandit ou se consume ? Dialoguesur notre temps sur les traces de saintBenoît ». Le père Mauro GiuseppeLepori arrive ponctuel, s’assoit et prévient: « Je ne suis pas un orateur, etdonc vous arrangerez bien mes proposderrière moi ». Alors que, bienau contraire, on resterait des heures àl’écouter. Et il n’y a rien à arranger.Père Mauro, comment avez-vousconnu don Giussani ?Lorsque j’étais étudiant à la fin desannées 70, il venait diriger les retraitesdes étudiants de CL en Suisse.Je me souviens d’une rencontre oùle dialogue alternait entre lui et Balthasaret il était impressionnant devoir la dévotion réciproque entreces deux hommes, comment l’unécoutait l’autre parler.26!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!"VIE DE CLUN PÈRE QUI S’EST OFFERT POUR MOIEt la première rencontre personnelle?En 1992 par l’intermédiaire d’uneamie commune. J’étais déjà moineet maître des novices, et au retourd’une retraite en Hongrie je me suisarrêté à Milan.Une relation est alors née entrenous, totalement gratuite, un dondisproportionné. Et j’ai vécu de lamême façon toutes les rencontressuivantes ; je n’osais pas avoir laprétention de le rencontrer et je l’aitoujours ressenti comme un don desa gratuité.En 1994 vous avez été élu abbé deHauterive. Avez-vous continué à levoir ?J’ai vécu ce jour comme un desmoments les plus intenses dans marelation avec lui. On m’avait appeléau téléphone en me disant qu’onne comprenait pas bien de qui ils’agissait. « Je suis don Giussani… ».À cette époque il commençaità s’exprimer avec difficulté. Il m’aparlé de la charité pour laquelle onchoisit un abbé puis il m’a dit : « Jet’en prie, offre-moi ». Il mettait savie à disposition de ce que j’allaisinitier. J’ai vécu toute cette journéeavec cette voix qui me disait : « Jet’en prie, offre-moi ».L’avez-vous revuensuite ?Mes rencontres aveclui ont été peu nombreuses,cinq en tout.Elles étaient rares etpour moi elles étaient très importantes.Je voulais garder chaque parolecomme un trésor car don Giussaniavait une relation avec les personnes,portée à un point presqueextrême de vérité, d’intensité et decharité.Je me sentais incapable de cueillirce qu’il me communiquait, jesentais toute ma vanité faceà cette grâce. Maintenant,je me rends compte qu’ilfallait le temps nécessairepour que je comprenneet que ces graines laisséesen moi donnent du fruit.Vous citez Mgr Coreccocomme ayant été votrepère spirituel. Commentétait la relation entre cesdeux personnes ?Une autre rencontrefonda m e n t a l eJ’ai vécuet appris dans CLle sens du charismeet de l’expériencechrétienne.pour moi avec don Giussani futauprès du lit de mort de Corecco,cette personne qui m’a accompagnépendant les années d’université etpar la suite.Je fus le témoin de cet ultimeregard entre ces deux hommes quise rencontraient à la limite du mystèrede la vie. Corecco était quasimentà l’agonie et Giussani avec unecharité, une affection et une reconnaissanceincroyables l’embrassaitet pleurait. J’ai vécu en cet instanttoute son intense humanité.Votre relation avec don Giussanidébute donc après votrevocation…Ma vocation a mûriau sein du mouvementet le charisme de donGiussani m’a accompagnédepuis le début.Il m’a surtout appris àembrasser ma proprevocation cistercienne.Aujourd’hui je vis jusqu’au boutle charisme cistercien car j’ai vécuet appris dans CL le sens du charismeet de l’expérience chrétienne.La synergie profonde que donGiussani explicitait entre le charismebénédictin et la méthode dumouvement m’a aidé. J’airedécouvert dans lemonastère les gesteset les dimensionsauxquels j’avaisété éduqué dansle mouvement :la communauté,la prière, l’éducation,l’autorité,l’obéissa n c e …»Père Mauro G. Lepori.!!TRACESMARS <strong>2013</strong>27
!!VIE DE CLANNIVERSAIRE» Et donc vous ne vivez pas le problèmeque l’on nomme « la doubleappartenance » ?Comme abbé général, je suisconfronté à des moines et desreligieuses qui, venant d’un certaincharisme (souvent de mouvements),vivent mal cet aspect,de manière double, comme si uncharisme empêchait d’en vivre unautre.Cela n’a pas été mon expériencecar dans CL j’ai appris le respectpour le charisme dans lequel Dieut’appelle ; j’ai vécu une continuité,non une double appartenance.Si notre vocation est de suivre leChrist, il ne peut y avoir de doubleappartenance.Quand il présenta le père JuliánCarrón, Giussani, parlant de luimême,dit ceci : « Quand nousperdons l’attachement à la modalitéavec laquelle la vérité se communique[…] alors la vérité de lachose commence à émerger clairement». Et donc faisant siennesles paroles de Jésus, il choqua lesspectateurs incrédules : « Il estbon pour vous que je m’en aille ».Cela ne vous semble-t-il pasexagéré ?J'entends de nouveau cettephrase, « je t’en prie, offre-moi »,et je pense que ce « ilest bon que je m’enaille » est l’expressionextrême de la paternité.Un père non seulementtransmet la vie,mais il la donne pourses fils.Pour que le père ne reste pas unsouvenir mais continue à être la vie,il y a ce mystère où l’on doit accepterle don de la vie du père jusqu’àla fin. Jésus dit : « Il est bon que jem’en aille » car il allait s’offrir complètementpour rester avec nous.Je comprendsque « offrir l’autre »signifie accepterque l’autre meurtpour soi.Moi, ce « Je t’en prie, offremoi» je ne l’ai pas encore totalementcompris. Je comprends que« offrir l’autre » signifie accepterque l’autre meurt pour soi. C’estun jugement sur soi. On sait qu’oncontinuera à ne pas donner sa vie,à ne pas s’offrir, à ne pas vouloirs’en aller pour que l’autre grandisse…Et pourtant on comprend que lavérité est autre. Pierre renia, mais ilne pouvait plus ne pas se laisser toucherpar le fait que le Christ allait àla mort.Don Giussani parlait de la nécessitécontinue d’un « nouveau commencement». Comment est votrerelation aujourd’hui avec lui etavec la réalité qui est née de lui ?Le cœur de son charisme est decomprendre que la rencontre avecle Christ est vaine si elle ne devientpas une suite de Jésus objet de l'éducation,une éducation de l’humain.Mais la suite qui ne repart pas continuellementde la rencontre est vide.Don Giussani me rappelle auChrist présent sans lequel rien n’ade sens – saint Benoît dirait : « Nerien préférer au Christ » – et au faitque cette reconnaissance comporteun parcours pour lequel l’Égliset’offre un cadre. Autrement tout seréduit à du moralisme etdu formalisme.Pourriez-vous direen un mot « le » donde don Giussani àl’Église ?Je le répète, l’éducation.Si le fait chrétien n’est paséduqué par une communauté, unefraternité, une compagnie et sanscesse rappelé à la foi, à reconnaîtrele Christ présent, tout devient nonseulement fragile (au point de nepas résister aux attaques et auxLES MESSESDANS LE MONDEPour le huitième anniversaire de lamort de don Giussani (22 février2005), le cardinal Angelo Scola a présidéune messe solennelle au Duomode Milan, le 12 février à 21h. À Rome,la messe a été célébrée le 8 février à20h dans la Basilique des XII SaintsApôtres, par l’évêque de Reggio Emilia-Guastalla,Massimo Camisasca.D’autres messes seront célébréesen Italie et dans le monde. Pour desinformations sur les dates et lieux descélébrations et sur les horaires auCimetière Monumental de Milan oùse trouve la tombe de don Giussani :www.clonline.org28!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!"VIE DE CLUN PÈRE QUI S’EST OFFERT POUR MOIEugenio Coreccoen compagniede don Giussani.« Il y a ce mystèreoù l’on doit accepterle don de la vie du pèrejusqu’à la fin.Accepter qu’il meurtpour soi.C’est un jugement sur soi.On sait qu’on continueraà ne pas donner sa vie,à ne pas s’offrir,à ne pas vouloir s’en allerpour que l’autre grandisse…Et pourtant on comprendque la vérité est autre.Pierre renia,mais il ne pouvait plusne pas se laisser toucherpar le fait que le Christalla à la mort ».tendances du temps), mais aussivain.Le charisme de don Giussani appellel’Église à être elle-même cettemère et cette maîtresse qui non seulementnous donne le Christ, maisqui nous éduque aussi à le suivredans un parcours vers la plénitudede notre humanité.Un jour, vous avez dit : « Quel’on puisse dire de moi ce qui estécrit sur la tombe du père Kentenich,le fondateur de Schoenstatt :“Dilexit ecclesiam” » (Il a aimél’Église)…Alors que je me retrouve aujourd’huidans une position plusexposée et plus proche de l’Églisedans sa hiérarchie, je me rendscompte que l’amour pour l’Égliseest une grande vertu. Car ce n’estpas immédiat quand on se retrouveconfronté à la pauvreté humaine, àla mesquinerie, et à la trahison deson amour pour l’homme, du respectde la liberté et de la possibilitéde grandir des personnes, à latrahison de la miséricorde.Aimer l’Église malgré tout est undon, c’est la sainteté.Malgré tout ?Malgré l’attirance des hommesd’Église pour le pouvoir. Aimerl’Église, cela veut dire lui rappelerqu’elle doit être non pas cohérentemais humblement abandonnée audessein du Christ.Don Giussani en plein 68 eut lecourage de dire que l’obéissanceest encore une vertu et en mêmetemps qu’il fallait se fier totalementà la liberté de qui le suivait.Une contradiction ?Non, car il a rappelé l’obéissancecomme éducation, comme cheminvers la plénitude et donc comme cequi exalte la liberté qui t’est donnéepour cela. L’autorité n’est pas celuiqui te dit ce que tu dois faire maiscelui qui t’aide sur un chemin.Celui qui conçoit l’obéissancecomme le fait de s’adapter à uneforme, ne respecte pas la liberté, iltraite les gens comme des enfantssur la plage qui créent des formessur le sable, puis enlèvent le moule.Il suffit alors d’un souffle de ventpour les faire disparaître.Sans éducation, il n’est paspossible de « donner forme ». T!!TRACESMARS <strong>2013</strong>29
Regarde-moi.!"ÉGLISECAMBODGELa pierre enlevéeDE MONTOMBEAUAyant survécu aux camps de travaux forcés du régime de Pol Pot,l’ex intellectuelle bouddhiste CLAIRE LY raconte sa conversionau catholicisme, le lien avec un Dieu qui a fait irruption dans le silencede son emprisonnement et la rencontre avec l’humanité de Jésus.« La foi n’est ni un saut dans le vide ni une idée. C’est un chemin ».PAR ALESSANDRA STOPPA«J’ai été brave. Tu dois m’applaudir ! ». Le soir, dansla faible lumière de la chambrée, elle parle toujours et seulementavec lui, son ennemi. Elle lui a même donné un nom : « le Dieudes occidentaux ». Il n’existe pas, c’est seulement un objet del’esprit sur lequel se concentrer : comme intellectuelle bouddhistesérieuse, elle l’a choisi pour décharger sa colère et son angoisse, pour nepas mourir de douleur. Et également pour ne pas trahir la cohérence de la voiemoyenne qui conduit au nirvana. « Dans le bouddhisme, on ne peut pas »30!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!"!!TRACESMARS <strong>2013</strong>31
!!ÉGLISECAMBODGE» éprouver de sentiments négatifs.Et Lui, il était le seul à qui je pouvaisdire ce que j’étais en train de vivre ».Elle était prisonnière de la violenced’un killing field, un des camps detravaux forcés créés par le régimede Pol Pot pour réaliser l’utopiecommuniste.En 1977, deux ans ont passédepuis que Claire Ly a été déportée,le 17 avril 1975, le jour où ellea vu les Khmer Rouges, guerriersde la révolution, fusiller son père,son mari, deux de ses frères et sonbeau-frère. Ils ne lui laissent pas letemps de les embrasser, elle doitcommencer à se mettre en routevers la campagne avec un fils detrois ans à la main, un autre dansson ventre et le pistolet derrière latête...UNE FEMME FORTEElle retrouve des milliers d’autresfemmes, bourgeoises comme elle,habituées à la vie de la ville et désormaiscontraintes à travailler dansdes champs marécageux.Réveillées à quatre heures, alignéesen file indienne pour ne pasparler, elles sont courbées toute lajournée sur le riz et l’eau. Le soir,elles se retrouvent aux cours derééducation politique. Celles qui setrompent reçoivent un coup dans lanuque. Nombreuses sont celles quifinissent par tomber malades. Maispas Claire.Alors elle défie ce Dieu imaginaire: « Tu as vu ? Je suis une femmeforte : j’étais une intellectuelle, etdésormais me voici paysanne. Je suisbouddhiste. C’est pour cela que j’attendraijusqu’à ce que je t’entendeapplaudir ».Et Lui ? « Lui, il n’a jamais applaudi! » Aujourd’hui, quarantecinq ans après, elle éclate d’un rired’enfant : « Mais dans ce silence, j’aisu que Lui, Il était là ».« J’EXISTE ! »Elle enseigne à l’Institut dessciences et de théologie des religionsde <strong>Mars</strong>eille et vit en Francedepuis 1980, ayant survécu à quatreannées d’un régime et d’une prisonqui ont exterminé deux millions deCambodgiens.Quatre années d’homicidessommaires et de fosses communes.Et pour elle, quatre annéesde dialogue avec un Dieu quiétait un coupable parfait : « Parceque le marxisme était né en Occidentet parce que j’avais besoin dequelque chose de beaucoup plusgrand sur quoi me défouler. Ilsétaient en train de m’ôter monidentité ».Elle a été arrachée à ses amours,dépouillée de ce qu’elle avait,même physiquement – l’uniforme,les cheveux rasés –, contrainte àallaiter les « enfants du régime » età ne pas prononcer le nom de sespropres enfants : seulement les appelerfils et fille. Mais dans cet actede folie, qui était en train d’anéantirtoute trace humaine, elle n’a pascessé d’avoir un besoin : « J’avaisbesoin de crier : J’existe ! ».Dans ce tourbillon d’endoctrinementet de mort, elle prétendaitexister. Elle ne pouvait accepter lalogique qui justifiait ce qui était entrain d’arriver, la logique du Karma,pour lequel le mal est l’expiationdes fautes des vies passées :32!! TRACES MARS <strong>2013</strong>
!"ÉGLISELA PIERRE ENLEVÉE DE MON TOMBEAULA MANGROVENée en 1946 à Battambang, au Nord-Ouestdu Cambodge, Claire Ly (en khmer, elles’appelle Chhay Hun) a publié depuis peu enItalie son dernier livre : La Mangrove (Siloé,17,25 €), un roman sur la rencontre de deuxcultures, la culture bouddhiste et la culturecatholique. « La mangrove est une plante quipousse au carrefour entre les eaux douceset les eaux salées, elle besoin des deux ».Au sujet de son expérience de la prison, elle aécrit Revenue de l’enfer (Atelier, 15,25 €), suivide Retour au Cambodge (Atelier, 17,25 €).« Ce n’était pas possible que ceuxque j’aimais aient été tués pour expierleurs fautes ».UN ESPACE « NÉCESSAIRE »C’est ainsi qu’elle a commencé àcrier au « Dieu des occidentaux » :« Durant deux ans, je l’ai insulté,sans me préoccuper de son existence.Mais cela a créé un espaceentre moi et Lui ». Un espace « nécessaire», dit-elle, « tellement différentde la divinité qui englobetout ». Elle raconte ce qui a commencéà partir de ce moment-là àdevenir un grand mystère d’amour.« C’est comme ça. Dans un amour,on remercie toujours d’être aiméeet on laisse à l’autre la possibilitéqu’il nous blesse. J’ai même commencéà laisser à Dieu la possibilitéde me faire mal, de ne pas merépondre. Sans que je le sache,d’un seul coup, nous avons étélibres tous les deux ».Ce que deviendrait cetterelation et cette liberté,elle ne le comprendraqu’avec le temps.Avant que n’explosel’enfer, Claire vivait àPhnom Penh, la capitale.« Après avoir enseigné la philosophie,je suis devenue responsablede département au ministèrede l’instruction ». C’est une femmedélicate. Elle a connu l’horreur laplus féroce mais on n’en retrouveElle ne pouvaitaccepter la logiquequi justifiaitce qui étaiten train d’arriver.aucune trace chez elle. Elle n’y a passuccombé. L’idéologie avait violé lebouddhisme theravada à sa racineet massacré les maîtres spirituels ».Elle avait forgé les bourreaux et lesvictimes au sein du même peuple,du même sang, de la même religion.Sa terre était sans âme. Elle a décidéde partir aussitôt avec ses deuxenfants, avec une « paix intime »,qui l’avait accompagnée en toutechose. « Mais je n’avais pas encorecompris que cette paix n’était pas lamienne ».DEUX MOTIFSElle a d’abord pris le chemindes réfugiés vers la Thaïlande et,de là, elle a émigré en France en1980. Dans ses nouvelles études,l’une des premières choses danslesquelles elle s’engage est uneencyclique de Jean-Paul II, Divesin misericordia. « Je l’ai lue et, entant que philosophe, je voulais envérifier la cohérence. Ainsi, je suisallée trouver un prêtre qui m’avaitaccueillie à peine arrivée en Franceet je lui ai demandé une copie del’Évangile. J’ai commencé à lelire ».La figure de Jésus l’a fascinéeimmédiatement. « Cet homme souffrait,pleurait. Il était comme moi. Ilconnaissait mon expérience. Bouddhaest un homme, mais tellement parfaitqu’il n’avait rien d’humain». Jésus restait seulementun maître, et elle,une femme qui l’écoutait.« C’est le fait de lefréquenter, avec son humanité,qui m’a amenéeà croire ».Un jour, en participant à unemesse, elle a entendu clairementque le Christ lui disait : « Cela faitdepuis longtemps que je t’accompagne,mais tu ne voulais pas mereconnaître ».»!!TRACESMARS <strong>2013</strong>33
!!ÉGLISECAMBODGE» « L à , j e m e s u i s renducompte que cette paix m’avaitété accordée par un Autre. Et j’aidécidé de le suivre ». Elle reçoit lebaptême le 24 avril 1983, à 37 ans.Elle raconte que le christianismel’a séduite pour deux motifs.« C’est un Dieu quientre dans ma vie ».Et de plus, il défendla liberté. « Là est magrandeur humaine :ma réponse libre etraisonnable à l’appeldu Christ. Libreaussi de ne pas fairela volonté de Dieu.Tout comme Lui estlibre de ne pas fairela mienne… », dit-elle en souriant.UN CHOIX "RAISONNABLE"D’ACCEPTER UNE FOLIEElle s’émeut quand elle parle duparadoxe de cette relation C’estune « fracture » qui ne l’a pasanéantie. Et c’est un choix « raisonnable» d’accepter une folie :« Car la Résurrection est une folie.Mais sans laquelle, ma foi estvaine. C’est une folie qui me faitutiliser tout mon cœur et toute matête ». Une chose soutient la certitude: « Ma blessure ».Nous pensons alors à tout cequ’elle a vécu, aux images du filmThe killing fields. « J’ai été blesséepar un amour ». Elle ne parle pasde ce à quoi nous pensons : « Mafoi est une certitude blessée. Ellen’est pas fermée, accomplie. Non.Elle ouvre tout mon être à Dieu,qui me précède toujours et que jene possède pas ». Elle trouve amusantqu’en français, tout commeen italien, on dise : J’ai la foi. « Cen’est pas un bien que nous possédons! » dit-elle en riant. Puis, elleredevient sérieuse. « C’est la pierreenlevée de mon tombeau ».34!! TRACES MARS <strong>2013</strong>Ce ne sont ni le tempsni les tribunauxinternationauxqui lui ont renduson identité :« Je n’existe pleinementque quand je suisen relation avec Dieu ».Cet amour a réussi à l'atteindredans sa colère, « ma vraie prison», et à bouleverser la cohérencebouddhiste, « car il me permet dem’aimer comme je suis, si imparfaite,brisée au plus profond de moi.Et il me fait aimer le monde tel qu’ilest, non comme jevoudrais qu’il soit ».Elle a même trouvéles mots pour exprimerce cri qu’elleavait, cette prétentiond’exister, alorsque tout était nié.« Le soi n’est pasune illusion. J’existeréellement. Je ne suispas une particule dutout métaphysique :je suis unique, inscritepour toujoursdans le cœur de monDieu. C’est pour celaque je suis intègre etnon réductible à ceque je fais ». Si onpense à l’identité quilui a été arrachée, cene sont ni le temps, ni les tribunauxinternationaux qui la lui ontrendue : « Chaque jour, je n’existepleinement que quand je suis enrelation avec Dieu. Mon identitéest en devenir ».CE N’EST PAS UNE IDÉEElle est retournée au Cambodgepour la première fois en 2003. « JeDans le christianisme,l’eau ne s’arrêtejamais de jaillir.Et l’aventure consisteà ne pas refermerles mains, maisà les tenir ouvertes.désirais rendre compte de l’espérancequi m’habite dans cetteculture façonnée par le bouddhisme». Comme elle-mêmel’avait été.« La conversion a été une fracturetotale pour moi, mais pas unsaut dans le vide. C’est un chemin :de l’humanité du Christ à sa divinité.En tant que bouddhiste, j’aicru au mystère de l’Incarnationavec toute ma raison. Même s’il nes’agit pas d’un acte ordinaire de lapensée, un raisonnement ».Le mal – « le vrai », précise-telle– est quelque chose qui anéantittout discours intellectuel : « Etla réponse, la foi, n’est pas uneidée : c’est l’expérience d’uneforce de vie en moi qui n’est pasla mienne ». Elle parle toujours dela foi comme d’un chemin. « Cen’est pas une pluie torrentielle,de quelques heures. C’est un filetd’eau, qui pénètre à travers lesfissures de mon désert. C’est uneplénitude qui pénètre jusque dansmon manque ».Dans le bouddhisme, le bonheurest un jetd’eau : les mainstentent de la saisir,mais elle glisse entreles doigts et, en tombantpar terre, elledevient de la boue.« C’est vrai », ditClaire : « On ne peutla saisir. Mais dansle christianisme,l’eau ne s’arrête jamais de jaillir.Et l’aventure consiste à ne pas refermerles mains, mais à les tenirouvertes. Nous suivons Jésus quinous a ouvert le chemin, et qui estnotre compagnon de lutte dansla vie, car le chemin n’a pas defin. Et un cœur ardent le reprendcontinuellement. Il ne peut que lereprendre, toujours ». T
!"ÉGLISELA PIERRE ENLEVÉE DE MON TOMBEAULE CAMBODGE DE POL POT1953.Saloth Sar, mieux connu sous le nom de PolPot (19 mai 1925 - 15 avril 1998), fonde le Partirévolutionnaire du peuple khmer.Pol Pot vient de rentrer dans sa patrie, aprèsavoir étudié en France, s’être approché desidéaux marxistes et avoir adhéré au Particommuniste.1954.Le Cambodge est proclamé indépendant dela France. La dynastie royale de NorodomSihanouk prend le pouvoir et met hors la loile Parti révolutionnaire.Le futur dictateur se réfugie dans la jungle durant douzeans, durant lesquels il donne vie aux guerriers rougesdu Khmer.1970.Les USA considèrent Sihanouk comme partisan des VietCong tout proches et appuient Lon Nol, chef de la sécuritéroyale, pour qu’il prenne le pouvoir. Sihanouk s’allieavec l’ex ennemi Pol Pot, chef des Khmers Rouges etimplique également les Viet Cong.Lorsque les USA retirent leurs troupes du Vietnam, PolPot constitue une armée d’adolescents et de paysanscambodgiens.1975.Le 17 avril, Pol Pot marche sur Phnom Penh, prenantdéfinitivement le contrôle du Cambodge.Le 13 mai 1976, il instaure la République Démocratiquedu Kampuchea. Pour réaliser l’idéal communiste et uneréforme agraire radicale, il déporte les populations descentres urbains dans des camps de travail rural, en procédantà la collectivisation des propriétés privées.La dictature opère des exécutions sommaires et l’éliminationde tous les opposants politiques. Elle fait environdeux millions de victimes.Entretemps, l’inimitié avec le Vietnam se transforme enconflit.1979.En janvier, Pol Pot est démispar les Vietnamiens, quiavaient envahi officiellementle Cambodge quelques moisauparavant.!!TRACESMARS <strong>2013</strong>35
!!BENOÎT XVIBenoît XVI nous parlecomme à des amisNOTRE EXISTENCEMARCHE TOUJOURSSUR UN TERRAIN SÛRLe Noël du Seigneur illumineencore une fois avec sa lumièreles ténèbres qui enveloppent souventnotre monde et notre cœur etil apporte l’espérance et la joie. Faceà cette Sainte Famille naît une autrequestion plus profonde : commentcet enfant petit et faible peut-ilavoir apporté une nouveauté aussiradicale dans le monde au point dechanger le cours de l’histoire ?Toujours à nouveau réapparaîtainsi la question sur l’origine deJésus, la même que lui pose le procureurPonce Pilate au cours duprocès : « D’où es-tu ? » (Jn 19, 29).Et pourtant il s’agit d’une originebien claire. Dans l’Évangile de Jean,quand le Seigneur affirme: « Je suis le paindescendu du ciel »,les juifs réagissent enmurmurant : « Cethomme-là n’est-il pasJésus, fils de Joseph ?Nous connaissonsbien son père et samère. Alors commentpeut-il dire : “Je suisdescendu du ciel” ? »(Jn 6, 42). Et peu après,les citoyens de Jérusalem s’opposentavec force à la prétendue conditionmessianique de Jésus, en affirmantque l’on sait bien « d’où il est. Or,lorsque le Messie viendra, personnene saura d’où il est » (Jn 7, 27). Jésuslui-même fait remarquer à quel36!! TRACES MARS <strong>2013</strong>« Le Verbes’est fait chair »est l’une de cesvérités à laquellenous nous sommestant habitués quel’événement qu’elleexprime ne noustouche presque plus.point est vaine leur prétention deconnaître son origine, et avec celail offre déjà une orientation poursavoir d’où il vient : « Je ne suis pasvenu de moi-même : mais celui quim’a envoyé dit la vérité, lui que vousne connaissez pas » (Jn 7, 28). Quesait-on de son origine véritable ?Dans les quatre Évangiles apparaîtavec clarté la réponse à la question« d’où » vient Jésus : sa véritableorigine est le Père, Dieu ; Il provienttotalement de Lui, mais d’unemanière différente de n’importequel prophète ou envoyé de Dieu,qui l’ont précédé. Cette origine dumystère de Dieu, « que personne neconnaît », est déjà contenue dans lesrécits de l’enfance des Évangiles deMatthieu et de Luc, que nous lisonsen ce temps de Noël. L’ange Gabrielannonce : « L’EspritSaint viendra sur toi,et la puissance duTrès-Haut te prendrasous son ombre ; c’estpourquoi celui quiva naître sera saint,et il sera appelé Filsde Dieu » (Lc 1, 35).Nous répétons cesparoles chaque foisque nous récitons leCredo, la professionde foi : « et incarnatus est de SpirituSancto, ex Maria Virgine », « parl’œuvre de l’Esprit Saint il s’estincarné dans le sein de la ViergeMarie ». À cette phrase, nous nousagenouillons car le voile qui cachaitDieu est, pour ainsi dire, levé et sonmystère insondable et inaccessiblenous touche : Dieu devient l’Emmanuel,« Dieu-avec-nous ».Cette affirmation du Credo neconcerne pas l’être éternel de Dieu,mais elle nous parle plutôt d’une actionà laquelle prennent part les troisPersonnes divines et qui se réalise« ex Maria Virgine ». Sans elle l’entréede Dieu dans l’histoire de l’humaniténe serait pas parvenue à sonbut et il ne se serait pas produit cequi est central dans notre professionde foi : Dieu est un Dieu avec nous.Ainsi, Marie appartient de manièreincontournable à notre foi dans leDieu qui agit, qui entre dans l’histoire.Elle met à disposition toute sapersonne, « elle accepte » de devenirle lieu de la demeure de Dieu.Même sur notre chemin et dansnotre vie de foi, nous pouvons parfoisressentir notre pauvreté, notreincapacité face au témoignage àoffrir au monde. Mais Dieu a précisémentchoisi une humble femme,dans un village inconnu, dans l’unedes provinces les plus reculées dugrand empire romain. Rien n’estimpossible à Dieu ! Avec Lui notreexistence avance toujours en terrainsûr et elle est ouverte à un avenir deferme espérance.L’évangéliste Luc rapporte les parolesde l’archange Gabriel : « L’EspritSaint viendra sur toi, et la puissancedu Très-Haut te prendra sousson ombre » (1, 35). Deux rappelssont évidents : le premier est celuidu moment de la création. Au débutdu Livre de la Genèse nous lisons
© Copyright <strong>2013</strong> — Libreria Editrice Vaticanaque « l’esprit de Dieu planait sur leseaux » (1, 2) ; c’est l’Esprit créateurqui a donné vie à toutes les choseset à l’être humain. Ce qui se passe enMarie, à travers l’action de l’Espritdivin lui-même, est une nouvellecréation : Dieu, qui a appelé l’être dunéant, donne vie avec l’Incarnationà un nouveau début de l’humanité.Les Pères de l’Église parlent plusieursfois du Christ comme du nouvelAdam, pour souligner le début de lanouvelle création de la naissance duFils de Dieu dans le sein de la ViergeMarie. Cela nous fait réfléchir sur lefait que la foi apporte aussi en nousune nouveauté si forte qu’elle produitune seconde naissance. En effet,au début du fait d’être chrétien setrouve le baptême qui nous fait renaîtrecomme fils de Dieu, qui nousfait participer à la relation filiale queJésus a avec le Père. Et je voudraisfaire remarquer que le baptême sereçoit, nous « sommes baptisés » –c’est un passif – car personne n’estcapable de se rendre fils de Dieu toutseul : c’est un don qui est conférégratuitement.Audience généraleSalle Paul VI, 2 janvier <strong>2013</strong>DIEU NE S’EST PAS ARRÊTÉAUX PAROLES, IL NOUS AINDIQUÉ COMMENT VIVREEn ces jours, a retenti à plusieursreprises dans nos églises le terme« Incarnation » de Dieu, pour exprimerla réalité que nous célébronsau cours du Saint Noël : le Fils deDieu s’est fait homme. Mais quesignifie cette parole centrale pour lafoi chrétienne ? Incarnation dérivedu latin « incarnatio ». Saint Ignaced’Antioche et saint Irénée ont utiliséce terme en réfléchissant sur le Prologuede l’Évangile de saint Jean, enparticulier sur l’expression : « Et leVerbe s’est fait chair » (Jn 1, 14). Ici,la parole « chair », selon l’usage juif,indique l’homme dans son intégralité,tout l’homme, mais précisémentsous l’aspect de sa caducité et de satemporalité, de sa pauvreté et de sacontingence. Cela pour nous direque le salut apporté par Dieu quis’est fait chair en Jésusde Nazareth touchel’homme dans sa réalitéconcrète et danstoutes les situationsoù il se trouve. Dieua assumé la conditionhumaine pour laguérir de tout ce quila sépare de Lui, pournous permettre del’appeler, dans son Fils unique, par lenom d’« Abba, Père », et être véritablementfils de Dieu.« Le Verbe s’est fait chair » estl’une de ces vérités à laquelle nousnous sommes tant habitués que lagrandeur de l’événement qu’elle exprimene nous touche presque plus.Et en effet, en cette période de Noël,dans laquelle cette expression revientsouvent dans la liturgie, on est parfoisplus attentif aux aspects extérieurs,aux « couleurs » de la fête, qu’aucœur de la grande nouveauté chrétienneque nous célébrons : quelquechose d’absolument impensable, queseul Dieu pouvait opérer et que nousne pouvons pénétrer que par la foi.Il est alors important de retrouverl’émerveillement face à ce mystère, denous laisser envelopper par la grandeurde cet événement : Dieu, le vraiDieu, Créateur de tout, a parcourucomme homme nos routes. Et il l’afait avec l’humilité d’un enfant.Le fait de l’Incarnation, de Dieuqui se fait homme comme nous, nousmontre le réalisme inouï de l’amourdivin. Il ne se contente pas de parler,mais il se plonge dans notre histoire etassume en lui la fatigue et le poids dela vie humaine. Le Fils de Dieu s’estfait vraiment homme, il est né de laVierge Marie, en un temps et en unlieu déterminés, à Bethléem sous lerègne de l’empereur Auguste, sousle gouverneur Quirinius ; il a grandidans une famille, il a eu des amis, ila formé un groupede disciples, il a instruitles apôtres pourLa recherchedu visage de Dieu continuer sa mission,connaît un tournant il a terminé le cours deinimaginable, parce sa vie terrestre sur laque ce visage peut croix. Cette manièreêtre vu à présent : d’agir de Dieu est unpuissant encouragementà nous interro-c’est celui de Jésus.ger sur le réalisme denotre foi, qui ne doit pas être limitéeau domaine du sentiment, des émotions,mais doit entrer dans le concretde notre existence, doit toucher parconséquent notre vie de tous les jourset l’orienter aussi de manière pratique.Dieu ne s’est pas arrêté aux paroles,mais nous a indiqué commentvivre, en partageant notre propreexpérience, à l’exception du péché.La foi a un aspect fondamental, quiintéresse non seulement l’esprit et lecœur, mais toute notre vie.Saint Jean affirme que le Verbe,le Logos, était dès le début auprès deDieu, et que tout a été fait au moyendu Verbe et rien de ce qui existe n’aété fait sans Lui (cf. Jn 1, 1-3). Cemême Verbe, qui existe depuis toujoursauprès de Dieu, qui est DieuLui-même et au moyen duquel eten vue duquel tout a été créé (cf. Col1, 16-17), s’est fait homme : le Dieuéternel et infini s’est plongé dans lafinitude humaine, dans sa créature,pour reconduire à Lui l’homme ettoute la création. Dans cet enfant, leFils de Dieu contemplé à Noël, nouspouvons reconnaître le véritablevisage, non seulement de Dieu, maisle véritable visage de l’être humain ;!!TRACESMARS <strong>2013</strong>37
!!BENOÎT XVIet ce n’est qu’en nous ouvrant àl’action de sa grâce et en cherchantchaque jour à le suivre, que nousréalisons le projet de Dieu sur nous,sur chacun de nous.Audience généraleSalle Paul VI, 9 janvier <strong>2013</strong>LE DÉSIR DE VOIRSIMPLEMENT QUI IL EST,QUI IL EST POUR NOUSDans l’histoire du peuple d’Israël,nous pouvons reparcourirles étapes d’un long chemin dans lequelDieu se fait connaître, se révèle,entre dans l’histoire à travers les paroleset les actions. Pour cette œuvre,Il se sert de médiateurs, commeMoïse, les Prophètes, les Juges, quicommuniquent au peuple sa volonté,rappellent l’exigence de fidélitéà l’alliance et maintiennent élevéel’attente de la réalisation pleine etdéfinitive des promesses divines.Et c’est précisément la réalisationde ces promesses que nous avonscontemplée au cours du Saint Noël :la Révélation de Dieu parvient à sonsommet, à sa plénitude. En Jésus deNazareth, Dieu visite réellement sonpeuple, visite l’humanité d’une façonqui va au-delà de toute attente :Il envoie son Fils unique ; Dieu luimêmese fait homme. Jésus ne nousdit pas quelque chose de Dieu, Il neparle pas simplement du Père, maisIl est révélation de Dieu, parce qu’Ilest Dieu, et Il nous révèle ainsi levisage de Dieu. Dans le Prologue deson Évangile, saint Jean écrit : « Nuln’a jamais vu Dieu ; le Fils unique,qui est tourné vers le sein du Père,lui, l’a fait connaître » (Jn 1, 18).Je voudrais m’arrêter sur ce fait de« faire connaître le visage de Dieu ».À ce propos, saint Jean, dans sonÉvangile, nous rappelle un fait significatifque nous venons d’écouter.Alors que s’approchait la Passion,38!! TRACES MARS <strong>2013</strong>Jésus rassure ses disciples en les invitantà ne pas avoir peur et à avoirla foi ; puis il instaure un dialogueavec eux dans lequel il parle de Dieule Père (cf. Jn 14, 2-9). À un certainmoment, l’apôtre Philippe demandeà Jésus : « Seigneur, montre-nous lePère et cela nous suffit » (Jn 14, 8). Laréponse de Jésus est une réponse nonseulement à Philippe,mais aussi à nous, etnous introduit dans lecœur de la foi christologique; le Seigneuraffirme : « Qui m’a vua vu le Père » (Jn 14,9). Dans cette expressionest contenue defaçon synthétique lanouveauté du Nouveau Testament,la nouveauté qui est apparue dans lagrotte de Bethléem : il est possible devoir Dieu, Dieu a montré son visage,il est visible en Jésus Christ.Dans l’Ancien Testament il y aune figure à laquelle est lié d’unemanière toute spéciale le thème du« visage de Dieu » ; il s’agit de Moïse,celui que Dieu choisit pour libérerle peuple de l’esclavage d’Égypte,lui donner la Loi de l’alliance et leconduire à la Terre promise. Or, dansle chapitre 33 du Livre de l’Exode, ilest dit que Moïse avait un rapportétroit et de confiance avec Dieu : « LeSeigneur s’entretenait avec Moïseface à face, comme on s’entretientd’homme à homme » (v. 11). En vertude cette confiance, Moïse demandeà Dieu : « Laisse-moi contempler tagloire ! », et la réponse de Dieu estclaire : « Je vais passer devant toi avectoute ma splendeur, et je prononceraidevant toi mon nom… Tu nepourras pas voir mon visage, car onne peut pas me voir sans mourir…Voici une place près de moi… Tu meverras de dos, mais mon visage, personnene peut le voir » (vv. 18-23).« Je crois en Dieu »signifie fonder surLui ma vie, dansles choix concrets,sans peur de perdrequelque chosede moi-même.D’un côté, alors, il y a le dialogue faceà face comme entre amis, mais del’autre il y a l’impossibilité, dans cettevie, de voir le visage de Dieu, qui restecaché ; la vision est limitée. Les Pèresdisent que ces paroles, « tu ne peuxme voir que de dos », veulent dire :tu peux seulement suivre le Christ eten le suivant tu vois depuis son dosle mystère de Dieu ; onpeut suivre Dieu en levoyant de dos.Quelque chose detotalement nouveaua lieu, toutefois, avecl’Incarnation. La recherchedu visage deDieu connaît un tournantinimaginable,parce que ce visage peut être vu àprésent : c’est celui de Jésus, du Filsde Dieu qui se fait homme.Le désir de connaître réellementDieu, c’est-à-dire de voir le visage deDieu est présent en chaque homme,même chez les athées. Et nous avonspeut-être inconsciemment ce désirde voir simplement qui Il est, ce qu’Ilest, qui Il est pour nous. Mais ce désirse réalise en suivant le Christ, ainsinous le voyons de dos et nous voyonsenfin Dieu également comme unami, son visage dans le visage duChrist. L’important est que noussuivions le Christ non seulement aumoment où nous en avons besoin etquand nous trouvons du temps dansnos occupations quotidiennes, maisdans notre vie en tant que telle. Toutenotre existence doit être orientée versla rencontre avec Jésus Christ, versl’amour envers Lui ; et, dans celle-ci,l’amour pour notre prochain doitaussi occuper une place centrale,cet amour qui, à la lumière du Crucifié,nous fait reconnaître le visagede Jésus chez le pauvre, celui qui estfaible, qui souffre. Cela n’est possibleque si le véritable visage de Jésus nous
© Copyright <strong>2013</strong> - Libreria Editrice VaticanaEXTRAITS DES DISCOURS DU PAPECONSACRÉS À L’ANNÉE DE LA FOIest devenu familier dans l’écoute desa Parole, dans le dialogue intérieur,dans la pénétration de cette Parole demanière à le rencontrer réellement,et naturellement dans le Mystèrede l’Eucharistie. Dans l’Évangile desaint Luc est significatif le passage desdeux disciples d’Emmaüs, qui reconnaissentJésus à la fraction du pain,mais préparés par le chemin avec Lui,préparés par l’invitation qu’ils Lui ontadressée de demeurer avec eux, préparéspar le dialogue qui a fait brûlerleur cœur ; ainsi, à la fin, ils voientJésus. Pour nous aussi l’Eucharistieest la grande école où nous apprenonsà voir le visage de Dieu, où nous entronsen relation intime avec Lui ; etnous apprenons dans le même tempsà tourner notre regard vers le momentfinal de l’histoire, quand Il nousrassasiera de la lumière de son visage.Audience généraleSalle Paul VI, 16 janvier <strong>2013</strong>AFFIRMER « JE CROIS »NOUS POUSSE À SORTIR CONTI-NUELLEMENT DE NOUS-MÊMESLe Credo commence ainsi : « Jecrois en Dieu ». C’est une affirmationfondamentale, apparemmentsimple dans son caractèreessentiel, mais qui ouvre au mondeinfini de la relation avec le Seigneuret avec son mystère. Croire en Dieuimplique l’adhésion à Lui, l’accueilde sa Parole et l’obéissance joyeuseà sa révélation. Comme l’enseigne leCatéchisme de l’Église catholique, « Lafoi est un acte personnel : la réponselibre de l’homme à l’initiative deDieu qui se révèle » (n. 166). Pouvoirdire que l’on croit en Dieu est doncà la fois un don – Dieu se révèle, vaà notre rencontre – et un engagement,c’est une grâce divine et uneresponsabilité humaine, dans uneexpérience de dialogue avec Dieuqui, par amour, « parle aux hommescomme à des amis » (Dei verbum, n.2), nous parle afin que, dans la foi etavec la foi, nous puissions entrer encommunion avec Lui.Où pouvons-nous écouter Dieuet sa parole ? C’est fondamentalementdans l’Écriture Sainte, où laParole de Dieu devient audible pournous et alimente notre vie d’« amis »de Dieu. Toute la Bible raconte la révélationde Dieu à l’humanité ; toutela Bible parle de foi et nous enseignela foi en racontant une histoire danslaquelle Dieu conduit son projet derédemption et se fait proche de nousles hommes, à travers de nombreusesfigures lumineuses de personnes quicroient en Lui et qui se confient à Lui,jusqu’à la plénitude de la révélationdans le Seigneur Jésus.C’est sur Abraham que je voudraism’arrêter et arrêter notre attention,car c’est lui qui est la première grandefigure de référence pour parler defoi en Dieu. Que demande Dieu à cepatriarche ? Il lui demande de partiren abandonnant sa terre pour allervers le pays qu’il lui indiquera. « Parsde ton pays, laisse ta famille et la maisonde ton père, va dans le pays que jete montrerai » (Gn 12, 1). Commentaurions-nous répondu, nous, à unesemblable invitation ? Il s’agit en effetd’un départ à l’aveugle, sans savoir oùDieu le conduira ; c’est un cheminqui demande une obéissance et uneconfiance radicales, auxquelles seulela foi permet d’accéder. Mais l’obscuritéde l’inconnu – où Abrahamdoit aller – est éclairé par la lumièred’une promesse ; Dieu ajoute à sonordre une parole rassurante qui ouvredevant Abraham un avenir de vie enplénitude : « Je ferai de toi une grandenation, je te bénirai, je rendrai grandton nom… En toi seront bénies toutesles familles de la terre » (Gn 12, 2.3).La foi conduit Abraham à parcourirun chemin paradoxal. Il serabéni mais sans les signes visibles de labénédiction : il reçoit la promesse dedevenir un grand peuple, mais avecune vie marquée par la stérilité de safemme Sara ; il est conduit dans unenouvelle patrie mais il devra y vivrecomme un étranger ; et l’uniquepossession de la terre qui lui seraconsentie sera celle d’un lopin deterre pour y enterrer Sara (cf. Gn 23,1-20). Abraham est béni parce que,dans la foi, il sait discerner la bénédictiondivine en allant au-delà desapparences, en ayant confiance dansla présence de Dieu même lorsqueses voies lui paraissent mystérieuses.Que signifie cela pour nous ?Lorsque nous affirmons : « Je croisen Dieu », nous disons commeAbraham : « J’ai confiance en toi ; jem’abandonne à toi, Seigneur », maispas comme à Quelqu’un à qui avoirrecours uniquement dans les momentsde difficulté ou à qui consacrercertains moments de la journéeou de la semaine. Dire « Je crois enDieu » signifie fonder sur Lui ma vie,faire en sorte que sa Parole l’orientechaque jour, dans les choix concrets,sans peur de perdre quelque chosede moi-même. Lorsque, dans le ritedu baptême, on demande par troisfois : « Croyez-vous ? » en Dieu, enJésus Christ, dans l’Esprit Saint, laSainte Église catholique et les autresvérités de foi, la triple réponse est ausingulier : « Je crois », parce que c’estmon existence personnelle qui doitêtre transformée par le don de la foi,c’est mon existence qui doit changer,se convertir.TAudience généraleSalle Paul VI, 23 janvier <strong>2013</strong>!!TRACESMARS <strong>2013</strong>39
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