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Lire le livre - Bibliothèque

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Comment sont-el<strong>le</strong>s reliées, ces sept petites compositions indépendantes, siel<strong>le</strong>s n’ont aucune action commune ? Le seul lien qui <strong>le</strong>s tient ensemb<strong>le</strong>, qui en fait unroman, c’est l’unité des mêmes thèmes.Ainsi ai-je rencontré, sur mon chemin, une autre vieil<strong>le</strong> stratégie : la stratégiebeethovènienne des variations; grâce à el<strong>le</strong>, j’ai pu rester en contact direct etininterrompu avec quelques questions existentiel<strong>le</strong>s qui me fascinent et qui, dans ceroman-variations, sont explorées progressivement sous de multip<strong>le</strong>s ang<strong>le</strong>s.Cette exploration progressive des thèmes a une logique et c’est el<strong>le</strong> quidétermine l’enchaînement des parties. Par exemp<strong>le</strong> : la première partie (Les <strong>le</strong>ttresperdues) expose <strong>le</strong> thème de l’homme et de l’Histoire dans sa version élémentaire :l’homme se heurtant à l’Histoire qui l’écrase. Dans la deuxième partie (Maman) <strong>le</strong>même thème est renversé : pour maman, l’arrivée des chars russes représente peu dechose en comparaison des poires de son jardin (« <strong>le</strong>s chars sont périssab<strong>le</strong>s, la poireest éternel<strong>le</strong> »). La sixième partie (Les anges) où l’héroïne, Tamina, meurt noyéepourrait semb<strong>le</strong>r la conclusion tragique du roman; pourtant, <strong>le</strong> roman ne se termine paslà, mais dans la partie suivante qui n’est ni poignante, ni dramatique, ni tragique; el<strong>le</strong>raconte la vie érotique d’un nouveau personnage, Jan. Le thème de l’Histoire y apparaîtbrièvement et pour la dernière fois : « Jan avait des amis qui avaient quitté comme luison ancienne patrie et qui consacraient tout <strong>le</strong>ur temps à la lutte pour sa liberté perdue.Il <strong>le</strong>ur était déjà arrivé à tous de sentir que <strong>le</strong> lien qui <strong>le</strong>s unissait à <strong>le</strong>ur pays n’étaitqu’une illusion et que ce n’était qu’une persévérance de l’habitude s’ils étaient encoreprêts à mourir pour quelque chose qui <strong>le</strong>ur était indifférent »; on touche cette frontièremétaphysique (la frontière : un autre thème travaillé au cours du roman) derrièrelaquel<strong>le</strong> tout perd son sens. L’î<strong>le</strong> où se termine la vie tragique de Tamina fut dominéepar <strong>le</strong> rire (autre thème) des anges, tandis que dans la septième partie retentit <strong>le</strong> « riredu diab<strong>le</strong> » qui transforme tout (tout : Histoire, sexe, <strong>le</strong>s tragédies) en fumée. C’estseu<strong>le</strong>ment là que <strong>le</strong> chemin des thèmes touche à sa fin et que <strong>le</strong> <strong>livre</strong> peut se clore.Dans <strong>le</strong>s six <strong>livre</strong>s qui représentent sa maturité (Aurore, Humain, trop humain, LeGai Savoir, Par-delà <strong>le</strong> bien et <strong>le</strong> mal, La Généalogie de la mora<strong>le</strong>, Le Crépuscu<strong>le</strong> desido<strong>le</strong>s), Nietzsche poursuit, développe, élabore, affirme, affine un seul et mêmearchétype compositionnel. Principes : l’unité élémentaire du <strong>livre</strong> est <strong>le</strong> chapitre; salongueur va d’une seu<strong>le</strong> phrase à plusieurs pages; sans exception, <strong>le</strong>s chapitres neconsistent qu’en un seul paragraphe; ils sont toujours numérotés; dans Humain, trophumain et dans Le Gai Savoir numérotés et pourvus en plus d’un titre. Un certainnombre de chapitres forment une partie, et un certain nombre de parties, un <strong>livre</strong>. Le<strong>livre</strong> est bâti sur un thème principal, défini par <strong>le</strong> titre (par-delà <strong>le</strong> bien et <strong>le</strong> mal, <strong>le</strong> gaisavoir, la généalogie de la mora<strong>le</strong>, etc.); <strong>le</strong>s différentes parties traitent de thèmesdérivés du thème principal (ayant el<strong>le</strong>s aussi des titres, comme c’est <strong>le</strong> cas dansHumain, trop humain, Par-delà <strong>le</strong> bien et <strong>le</strong> mal, Le Crépuscu<strong>le</strong> des ido<strong>le</strong>s, ou bienétant seu<strong>le</strong>ment numérotées). Certains de ces thèmes dérivés sont répartisvertica<strong>le</strong>ment (c’est-à-dire : chaque partie traite de préférence du thème déterminé par<strong>le</strong> titre de la partie) tandis que d’autres traversent tout <strong>le</strong> <strong>livre</strong>. Ainsi une composition estnée qui est à la fois maxima<strong>le</strong>ment articulée (divisée en nombreuses unitésrelativement autonomes) et maxima<strong>le</strong>ment unie (<strong>le</strong>s mêmes thèmes reviennentconstamment). Voilà en même temps une composition pourvue d’un extraordinaire sens

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