- tandis que la musique romantique cherchait à imposer à un mouvement uneunité émotionnel<strong>le</strong>, la structure musica<strong>le</strong> janacékienne repose sur l’alternanceinhabituel<strong>le</strong>ment fréquente de fragments émotionnels différents, voire contradictoires,dans <strong>le</strong> même morceau, dans <strong>le</strong> même mouvement ;- à la diversité émotionnel<strong>le</strong> correspond la diversité de tempi et de mètres quialternent dans la même fréquence inhabituel<strong>le</strong> ;- la coexistence de plusieurs émotions contradictoires dans un espace très limitécrée une sémantique origina<strong>le</strong> (c’est <strong>le</strong> voisinage inattendu des émotions qui étonne etfascine). La coexistence des émotions est horizonta<strong>le</strong> (el<strong>le</strong>s se suivent) mais aussi (cequi est encore plus inaccoutumé) vertica<strong>le</strong> (el<strong>le</strong>s résonnent simultanément en tant quepolyphonie des émotions). Par exemp<strong>le</strong> : on entend en même temps une mélodienostalgique, au-dessous un furieux motif ostinato, et au-dessus une autre mélodie quiressemb<strong>le</strong> à des cris. Si l’exécutant ne comprend pas que chacune de ces lignes a lamême importance sémantique et que, donc, aucune d’entre el<strong>le</strong>s ne doit êtretransformée en simp<strong>le</strong> accompagnement, en murmure impressionniste, il passe à côtéde la structure propre à la musique de Janacek.La coexistence permanente des émotions contradictoires donne à la musique deJanacek son caractère dramatique; dramatique dans <strong>le</strong> sens <strong>le</strong> plus littéral du terme;cette musique n’évoque pas un narrateur qui raconte; el<strong>le</strong> évoque une scène où,simultanément, plusieurs acteurs sont présents, par<strong>le</strong>nt, s’affrontent; cet espacedramatique, on <strong>le</strong> trouve souvent en germe dans un seul motif mélodique. Comme dansces premières mesures de la Sonate pour piano :Le motif forte de six doub<strong>le</strong>s croches dans la quatrième mesure fait encore partiedu thème mélodique développé dans <strong>le</strong>s mesures précédentes (il est composé avec <strong>le</strong>smêmes interval<strong>le</strong>s), mais il forme en même temps sa stricte opposition émotionnel<strong>le</strong>.Quelques mesures plus tard, on voit à quel point ce motif « scissionniste » contredit parsa brutalité la mélodie élégiaque dont il provient :Dans la mesure suivante, <strong>le</strong>s deux mélodies, l’origina<strong>le</strong> et la « scissionniste », serejoignent; non pas dans une harmonie émotionnel<strong>le</strong>, mais dans une contradictoirepolyphonie des émotions, comme peuvent se rejoindre un p<strong>le</strong>ur nostalgique et unerévolte :
Les pianistes dont j’ai pu me procurer <strong>le</strong>s exécutions à la FNAC, voulantimprimer à ces mesures une uniformité émotionnel<strong>le</strong>, négligent tous <strong>le</strong> forte prescrit parJanacek dans la quatrième mesure; ils privent ainsi <strong>le</strong> motif « scissionniste » de soncaractère brutal et la musique de Janacek de toute son inimitab<strong>le</strong> tension, d’aprèslaquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> est reconnaissab<strong>le</strong> (si el<strong>le</strong> est bien comprise) immédiatement, dès <strong>le</strong>stoutes premières notes.Les opéras : je ne trouve pas <strong>le</strong>s Excursions de Monsieur Broucek et je ne <strong>le</strong>regrette pas, considérant cette œuvre comme plutôt ratée; tous <strong>le</strong>s autres sont là, sousla direction de Sir Char<strong>le</strong>s Mackerras : Fatum (écrit en 1904, cet opéra dont <strong>le</strong> <strong>livre</strong>t estversifié et catastrophiquement naïf représente, même musica<strong>le</strong>ment, deux ans aprèsJenufa, une nette régression); puis cinq chefs-d’œuvre que j’admire sans réserve :Katia Kabanova, La Renarde rusée, L’Affaire Makropoulos; et Jenufa : Sir Char<strong>le</strong>sMackerras a l’inestimab<strong>le</strong> mérite de l’avoir enfin (en 1982, au bout de soixante-six ans !)débarrassé de l’arrangement qui lui fut imposé à Prague en 1916. La réussite me paraîtplus éclatante encore dans sa révision de la partition de De la maison des morts. Grâceà lui, on se rend compte (en 1980, au bout de cinquante-deux ans !) à quel point <strong>le</strong>sarrangements des adaptateurs ont affaibli cet opéra. Dans son originalité restituée où ilretrouve toute sa sonorité économe et insolite (aux antipodes du symphonismeromantique), De la maison des morts apparaît, à côté de Wozzeck de Berg, commel’opéra <strong>le</strong> plus vrai, <strong>le</strong> plus grand de notre sombre sièc<strong>le</strong>.Difficulté pratique insolub<strong>le</strong> : dans <strong>le</strong>s opéras de Janacek, <strong>le</strong> charme du chant neréside pas seu<strong>le</strong>ment dans la beauté mélodique, mais aussi dans <strong>le</strong> senspsychologique (sens toujours inattendu) que la mélodie confère non pas globa<strong>le</strong>ment àune scène mais à chaque phrase, à chaque mot chanté. Mais comment chanter à Berlinou à Paris ? Si c’est en tchèque (solution de Mackerras), l’auditeur n’entend que dessyllabes vides de sens et ne comprend pas <strong>le</strong>s finesses psychologiques présentes danschaque tournure mélodique. Donc traduire, comme c’était <strong>le</strong> cas au commencement dela carrière internationa<strong>le</strong> de ces opéras ? C’est problématique aussi : la languefrançaise, par exemp<strong>le</strong>, ne tolérerait pas l’accent tonique mis sur la première syllabedes mots tchèques, et la même intonation acquerrait en français un sens psychologiquetout différent.(Il y a quelque chose de poignant sinon de tragique dans <strong>le</strong> fait que Janacek aconcentré la plupart de ses forces novatrices précisément sur l’opéra, se mettant ainsi àla merci du public bourgeois <strong>le</strong> plus conservateur qu’on puisse penser. En outre : soninnovation réside dans une revalorisation jamais vue du mot chanté, ce qui veut dire inconcreto du mot tchèque, incompréhensib<strong>le</strong> dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent desthéâtres du monde. Diffici<strong>le</strong> d’imaginer une plus grande accumulation volontaired’obstac<strong>le</strong>s. Ses opéras sont <strong>le</strong> plus bel hommage jamais rendu à la langue tchèque.
- Page 9:
faire avec la raison extrahumaine d
- Page 13 and 14:
d’une œuvre pour l’inscrire ai
- Page 15 and 16:
Je ne vois aucun cardinal du Bellay
- Page 17 and 18:
pour sa naïveté et son hyperboliq
- Page 19 and 20:
avait réussi c’eût été pour t
- Page 21 and 22:
attentif à la Révolution de 1917
- Page 23 and 24:
décrire le comique de cette triste
- Page 25 and 26:
l’aubergiste qui arrive tandis qu
- Page 27 and 28:
Les deux mi-tempsL’histoire de la
- Page 29 and 30:
frivolité ou l’indigence.La situ
- Page 31 and 32:
même, ce n’est pas par libre cho
- Page 33 and 34: mais non existants m’ont parlé d
- Page 35 and 36: siècle; le sens de cette réhabili
- Page 37 and 38: de ne pas parler de ses souffrances
- Page 39 and 40: loin de là… »Un autre exemple :
- Page 41 and 42: Bonheur et extaseJe me demande si A
- Page 43 and 44: arbarie; sa « musique ne s’ident
- Page 45 and 46: lessantes pour les autres. Il y a d
- Page 47 and 48: Quatrième partieUne phraseDans «
- Page 49 and 50: français me paraît donc compréhe
- Page 51 and 52: Céline. Mais il y a des auteurs do
- Page 53 and 54: « sans s’interrompre, sans barre
- Page 55 and 56: s’arrêter à n’importe quel mo
- Page 57 and 58: 2.Ce qui est curieux dans cette nou
- Page 59 and 60: en aide à notre mémoire et de rec
- Page 61 and 62: mauvais vers). Si le roman est un a
- Page 63 and 64: frappante, si envoûtante); l’int
- Page 65 and 66: compassion. Harpe et cordes, la dou
- Page 67 and 68: eprésente le mal et l’instinctif
- Page 69 and 70: d’être fascinant, il ne nous fai
- Page 71 and 72: exceptions confirment la règle : s
- Page 73 and 74: omanciers anciens : ils parlent de
- Page 75 and 76: peine nommée, l’auteur ne daigna
- Page 77 and 78: Comment sont-elles reliées, ces se
- Page 79 and 80: finit bien. C’est ce qu’on peut
- Page 81 and 82: Le roman pensé de Musil accomplit
- Page 83: l’absence totale de ce qui est si
- Page 87 and 88: historique s’est estompé; elle s
- Page 89 and 90: compatriotes refusent à Joyce son
- Page 91 and 92: L’ironie veut dire : aucune des a
- Page 93 and 94: loi à laquelle, selon Kafka, toute
- Page 95 and 96: ne peut plus secret, clandestin, di
- Page 97 and 98: Conspiration de détailsLes métamo
- Page 99 and 100: Changement d'opinion en tant qu'aju
- Page 101 and 102: avant, était éclipsé par les sou
- Page 103 and 104: événements les plus infimes » de
- Page 105 and 106: m’accompagne partout où je vais
- Page 107 and 108: La morale de l’extase est contrai
- Page 109 and 110: qui est dans le brouillard : il voi
- Page 111 and 112: Stravinski réagit le 19 octobre :
- Page 113 and 114: N’est-ce pas, dit Vogel, que le c
- Page 115 and 116: plus la force nécessaire pour séd
- Page 117 and 118: testament dans lequel je le priais
- Page 119 and 120: progressivement (mais avec une rage
- Page 121 and 122: déceler; d’abord à cause du min
- Page 123 and 124: grande que les autres. Ainsi en a d
- Page 125 and 126: en livre les notes destinées à sa
- Page 127: Ah, il est si facile de désobéir