13.07.2015 Views

Tante Yvonne raconte - Montigny-Le-Chartif

Tante Yvonne raconte - Montigny-Le-Chartif

Tante Yvonne raconte - Montigny-Le-Chartif

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Le</strong>s sentiersde la mémoireou lesChroniques parentalesTome 1<strong>Tante</strong> <strong>Yvonne</strong> <strong>raconte</strong>.......


PantinMussyCambremerPérigueuxParisRozay2


<strong>Tante</strong> <strong>Yvonne</strong><strong>raconte</strong>....Février - Décembre 19943


La suggestion qui m'a été faite bien gentiment mérite que j'essaie d'y répondre.Il s'agit de retrouver quelques vieux souvenirs d'enfance.J'espère que ma mémoire ne me trahira pas trop, mais, avis très utile à ne pas perdre de vue,Ne vous attendez pas à trouver des choses bien intéressantes.Je commence par situer mes grands-parents paternels et maternels :Grand-père Ernest ROBIN 1839-1912,pharmacien à Rosay-en-Brie était d'origine lorraine, de Blénod-les-Toul exactement.Grand-mère ROBIN, née Caroline THEVENOT, 1847-1922était d'une famille de la Brie.Grand-père Louis LOIR, 1847-1925né à Paris le 2 avril 1847. il était meunier.Son moulin était à la Villette au bout de la rue de Crimée face à l'usine à gaz dans mon enfance.Grand-mère LOIR, née Marie-Pauline MAYER, 1851-1909,née à Paris.Papa, né à Rozay-en-Brie (*) le 21 juin 1870.Maman, née à Paris le 11 janvier 1878.Moi, je suis née le 20 juin 1901 à Pantin,Henriette, le 17 avril 1903 à Pantin également, dans la maison dont je vais parler.Pierre et Jean, le 9 février 1906 alors que nous habitions rue Hoche depuis environ un an.Nous habitions Pantin où papa était médecin.Jusqu'en 1905 nous demeurions place de la Mairie, route des Petits-Ponts,- actuellement avenue duGénéral <strong>Le</strong>clerc, une maison à l'angle de la place et du canal de l'Ourcq.C'est là que nous sommes nées, Henriette en 1903 et moi, son aînée, en 1901.Je me souviens très bien de l'appartement, composé en réalité de trois ou quatre petits logementsréunis, mais je n'ai que de très rares souvenirs, de faits précis, d'ailleurs.bien peu intéressants.Deux me sont restés en mémoire, (pourquoi ?).- D'abord, mon premier crayon de couleur, bleu et très gros, une merveille pour moi. Il m'avait étéoffert par la directrice de l'école de filles qui venait voir maman. Nos parents étaient en relationavec elle, papa étant médecin des écoles.- L'autre souvenir a contribué à enrichir mon vocabulaire d'une expression figurée. Je devaisavoir environ trois ans, je jouais prés de maman dans la salle à manger dont la porte était ouverte.La salle à manger était à l'angle de la maison, une fenêtre donnant place de la Mairie et l'autre côtéavec une autre fenêtre donnant sur le canal.(*) : NDLR - Rozoy est devenu Rozay à la fin de 1933.4


Papa passait dans le couloir. Maman lui dit : "Puisque tu es dérangé, va jeter un coup d'oeil sur lapetite." Henriette dormait dans la chambre.Un "coup d'œil" mais qu'est ce que c'est ? Je connaissais coup de pied, coup de poing, mais, coupd'oeil ?Je quitte vite mes jouets et je trotte derrière papa pour voir ce qu'il allait faire. Bien sûr, je n'ai vuaucun geste, mais seulement des regards attentifs de papa sur le berceau et il revint rendre comptede sa mission à maman. J'ai compris. Depuis, je n'ai jamais entendu ou utilisé cette expression sansme rappeler mon initiation.En 1904, nos parents achètent un terrain, 44 rue Hoche et font bâtir un immeuble. Nous nous yinstallons début 1905.C'est là que Pierre et Jean sont nés en février 1906.La veille de leur naissance, on nous avait conduites, Henriette et moi, chez une famille amie.<strong>Le</strong> lendemain, à notre réveil, on nous annonce que nous avons deux petits frères. et quelqu'unajoute :"Vous en aurez chacune, un." C'était juste, et cela m'a paru tout à fait normal. L'année suivante,naissance de Georges Bordry, il n'avait qu'une sœur : normal aussi donc ; le compte était bon.Notre maison de la rue Hoche avait cinq étages. Nous habitions le premier et les quatre autresétaient occupés par huit locataires, deux par étage.Au rez-de-chaussée, papa avait son bureau, le cabinet de consultation et la salle d'attente. Il y avaitaussi une chambre d'amis pour nos grands-parents.Robin qui habitaient Rozay-en-Brie,quand ils venaient nous voir. Cette chambre donnait accès au jardin. Au milieu de ce jardin, unmarronnier que nous trouvions magnifique.Nous passions là nos après-midi de congés. Au rez-de-chaussée aussi, le logement des concierges et,j'aurais dû commencer par là, l'entrée belle, large, grandes glaces et plantes vertes sur le côté opposéà la porte des concierges. Elle s'ouvrait sur la rue par une grande porte, grille teinte façon bronze etvert, grandes glaces.5


Sur le côté habituellement fermé, une plaqueDocteur Emile ROBINConsultationsAu-delà de l'entrée, côté jardin, une grande pièce de débarras.Dans le jardin, il y avait un petit bâtiment à usage de buanderie où nous pouvions aussi ranger nosjeux de dehors.Avant d'aller plus loin, je pense que je dois parler des frères et sœurs de papa et maman et de leursenfants, nos cousins germains, dont il sera souvent question.Côté ROBIN : deux fils, une fille :L'aîné, papa, Emile, né en juin 1870 suivi de deux petits frères qui sont tous les deux morts enquelques mois.Puis, ma tante Marie, mariée au Docteur Edouard COUVREUR, médecin à Rosay. Ils ont eudeux filles :Marie, née en 1901, quelques semaines après moi,Geneviève, née en 1902, morte celle-ci en 1914 de la tuberculose.Marie, que nous aimions beaucoup, est morte elle aussi de tuberculose en 1920 à dix-neuf ans.Nous en avons eu beaucoup de peine.Troisième, l'oncle René, longtemps célibataire, marié peu de temps avant la mort de grand-mère en1922. Grand-père était mort en 1912.Côté LOIR : trois filles, un fils :L'aînée des filles, la tante Antoinette, mariée à Georges MAHIEUX.Elle a une fille unique, Suzanne, née en 1899.Religieuse de Notre-Dame à Brunoy (Essonne), elle avait rompu tout contact avec nous depuislongtemps, complète indifférence. Elle est décédée le 10 janvier 1995.La deuxième fille, Marie, notre maman.La troisième, ma tante Madeleine, mariée à Gustave BORDRY, deux enfants :Geneviève, un an de moins qu'Henriette etGeorges, un an de moins que Pierre et Jean. ils habitaient Puiseaux, dans le Loiret.Chez nous, deux filles, deux garçons.Chez les Bordry, une fille un garçon, comme déjà précisé.6


Enfin, le fils Paul Loir, marié, trois enfants :Robert, né en 1913, décédé en 1979.Simone, née en 1914Fernande, née en 1920.Tous les trois bien plus jeunes que nous. Nous les aimions beaucoup nos petits cousins.<strong>Le</strong>s relations sont très cordiales avec Simone, mariée à Philippe BOURDEAU.Fernande est aujourd'hui, veuve et maladeLES DIMANCHESNos dimanches se passaient le plus souvent chez nos grands -parents, à Rozay chez grand-père etgrand-mère Robin ou à la Villette chez nos grands-parents Loir où nous rencontrions cousins etcousinesPantin-RozayTout un voyage :D'abord par train en trois étapes :- Pantin - Gare de l'Est- Gare de l'Est - Gretz-Armanvilliers où il fallait changer de train.- de là à Marle, si je ne me trompe (Pierre vérifiera)Enfin, à la descente de ce troisième train, un véhicule genre coupé, tiré par un brave cheval, nousprenait en charge pour nous conduire à Rozay, 11km environ.7


Déjeuner chez grand-père et grand-mère avec oncle, tante et cousines Couvreur.<strong>Le</strong> soir, vers 18 heures, retour aussi lent et compliqué que l'aller.Il y avait bien un petit train sur voie étroite qui passait Rozay, rejoignait la ligne du réseau de l'Està Marle, mais nous ne le prenions pas toujours. <strong>Le</strong>s heures ne correspondaient pas. Il était désignésous le nom de "Bricolo". Son parcours : Marle à Jouy-le-Chatel, et Rosay est entreles deux.<strong>Le</strong>s dimanches à la Villette :Nous y passions généralement la journée complète, réunions familiales plus ou moins nombreuses,oncles, tantes, cousins.L'après-midi, selon le temps et l'envie du jour, jeux avec les cousins, lecture (ma préférence) ousorties dans Paris.Pour aller le matin, train de Pantin à Est-ceinture, arrêt entre Pantin et gare de l'Est, le reste à piedet le soir, après dîner, grand-père nous faisait reconduire en voiture.Pierre et Jean :Tout-petit, vers deux, trois ans, l'un d'eux (lequel, je n'en sais rien), se regarde dans l'armoire àglace de la chambre de papa et maman. C'était pour lui une découverte. Pour la première fois, sansdoute, il voit son image et s'écrie :- "Oh ! Pierre ! " (si c'est Jean) ou- "Oh ! Jean ! " (si c'est Pierre). Il ne se reconnaît pas , il reconnaît son frère.Un jour, à table, l'un des deux affirme : "Papa a trente ans et Maman a vingt-deux ans." Et Papademande : "...et Grand-Père ?" (Il s'agit du grand-père Loir, grand-père Robin était décédé en1912) "Oh ! grand-père, il a au moins cent ans !", (1)ce qui amusera tout le monde, surtout l'intéressé.(1) NDLR : il avait la barbe et il était chauveLES VACANCESNous passions nos vacances soit à Ecouen, soit Villerville, petite plage familiale d'habitués bienconnus, on les retrouvait tous les ans, entre Trouville et Honfleur, face au Havre. Nos grandsparentsLoir y avaient une grande maison où l'on pouvait loger nombreux.Grand-père préférait Ecouen, avec son grand parc, peut-être aussi, à cause de la proximité de Pariset de son usine, mais grand-mère aimait beaucoup Villerville. Maison et jardin étaient au bout duvillage et au bord de la mer.<strong>Le</strong> jardin, beaucoup moins grand que celui d'Ecouen, se terminait moitié en terrasse où l'on avaitun beau point de vue sur la mer, l'estuaire et le Havre juste en face, et l'autre partie permettait dedescendre directement sur la plage par un sentier rocailleux où nous trouvions à mi-chemin lacabine de bain.Jusqu'en 1908, année précédent sa mort, grand-mère nous y réunissait, les Bordry et nous, Pierre,Jean et Georges encore bien petits.En ce qui me concerne, mon premier séjour à Villerville coïncidait avec mes six premièressemaines. Je l'aimais déjà beaucoup, sans doute, puisque je me mettais à pleurer, m'a-t-on dit,quand le train s'arrêtait entre Paris et Trouville. (Il n'y avait pas de TGV en 1901)8


<strong>Le</strong>s grands-parents Bordry, et aussi nos grands-parents Robin, venaient souvent, très aimables et decompagnie agréable. Je me souviens très bien d'eux, surtout du grand-père Bordry, très taquin.Nous aimions beaucoup Villerville, tous, grands et petits et cela me vexait lorsque les grandespersonnes disaient que la mer y était sale, à cause de l'estuaire de la Seine. (Qu'est ce que ça doitêtre maintenant, 90 ans après !)Qui nous aurait dit, en ces étés de notre enfance qu'un des arrières petits-fils de grand-père Loirfranchirait le Channel par le tunnel sous la Manche pour la première fois Paris-Londres en troisheures, le 19 octobre 1994 ?Un de nos grands plaisirs était de regarder les grands bateaux entrer et sortir du port du Havre, soitde la terrasse, soit d'une fenêtre de la maison, une fenêtre de la salle à manger, et j'avais souvent lachance d'être à table en face de cette fenêtre. Cela ne me lassait pas.La dernière année, 1908, où grand-mère Loir était à Villerville, nous nous y sommes trouvés avecdeux familles où il y avait aussi des jumeaux, à peu prés de 1'âge de Pierre et Jean. Grand-mèreavait photographié les trois paires, les six tout seuls. Mais où est la photo ?Heureusement Geneviève en a retrouvé une autre dans les affaires d'Henriette prise la même année,mais avec un groupe qui encadre les six personnages. Henriette et moi en faisons partie, elle, 5 ans,moi 7 et les mamans, que l'on ne reconnaît pas sous leurs grands chapeaux tenus par un voile quicache les figures. Dommage !En 1909, année de la mort de grand-mère, au mois d'août, personne n'est allé à Villerville.NDLR : Une de ces photos a été retrouvée.9


Susanne Mahieux <strong>Yvonne</strong> Robin Henriette Robin Geneviève Bordry Pierre et Jean Robin Georges BordryLa Villette vers 1913Ecouen10


VillervilleEn 1910, je ne sais. En tous cas, si la maison a été ouverte, elle l'a été pour un petit nombre.Tandis qu'en 1911 la maison a été de nouveau bien occupée. C'était le dernier séjour pour nous, dumoins les enfants Robin. Nous nous y sommes trouvés avec les Bordry et y avons passé de trèsbonnes vacances. Cette année-là, un des premiers as célèbres de l'aviation, Latham il me semble,avait organisé une semaine d'aviation au Havre. Il s'agissait pour les pilotes concurrents de traverserl'estuaire de Trouville au Havre.Grand-père avait installé, il le faisait souvent, mais là, importance capitale, sa grande lunette demarine sur la terrasse, et nous faisions la queue les enfants Bordry et nous, pour voir les prouessesde nos as survolant la mer. Ce fut pour nous tous des vacances inoubliables.En 1912, mort du grand-père Robin, au mois de juin. Il n'y eut pas de rassemblement pour lesvacances comme l'année précédente, seulement des petits séjours dispersés ici ou là, je ne mesouviens pas.Papa et maman vont en Lorraine, à Blénod-les-Toul et autres villages environnants, pour voir lafamille de grand-père, que papa lui-même ne connaissait pas.Henriette et moi passons quelques semaines chez grand-mère Robin. Cela nous permet de faireplus ample connaissance avec nos deux cousines Couvreur : Marie, 11 ans et Geneviève, 10.Bien contentes, nous passons les journées chez elles.11


Rozay-en-Brie (grand-mère Robin à la fenêtre)Marie et Geneviève Couvreur12


Quelquefois, mon oncle nous installe toutes les quatre sur la banquette arrière de son auto etpendant qu'il visite ses malades, nous restons sous la garde du chauffeur Emile, dont la femmeCamille assure le travail de la maison (où ils resteront longtemps, bien dévoués et très attachés àla famille). Sachant que nous goûtions fort ce plaisir, il nous conduit sur une petite route quienjambe quatre petits ponts à la suite, genre "montagnes russes ". Cela se fait avec répétitionaller et retour, et à chaque fois que l'itinéraire de mon oncle le permet. Emile et Camilleresteront bien une trentaine d'années chez ma tante, partageant toutes leurs peines.Pendant ce temps, Pierre et Jean sont à Ecouen, sans doute.<strong>Le</strong>s vacances de 1913 ressemblent à celles de 1912, avec une grande différence pour moicependant. En qualité d'aînée, j'ai le privilège de faire mon premier voyage avec papa et maman.Nous allons dans les Vosges, étape à Nancy d'abord, un jour ou deux, puis à Gérardmer et à Fraize,quelques jours dans chacune de ces deux belles haltes.Bons marcheurs tous les trois, nous faisons de belles promenades autour de Gérardmer d'abord,ensuite cela devient plus sérieux. On aborde la montagne : montée vers le col de la Schlucht, pardes sentiers qui grimpent le long de jolies petites rivières où nous admirons leurs cascades, puis parla route avec montée à "la Roche du Diable". Un petit promontoire s'avance au dessus de la Valléedes Lacs. - A voir !Très joli coup d'œil, on voit en enfilade les trois lacs : <strong>Le</strong> plus haut, le plus petit aussi,Retournemer, puis, en descendant la vallée, Longemer, et le plus grand, Gérardmer qu'on ne voitde là qu'en partie, parce que la vallée tourne.Mon souvenir, toujours aussi admiratif comporte peut-être quelques erreurs, mais pour lesdécouvrir, le déplacement vaut la peine. Avis aux amateurs.Tout cela date de 1913.Nous avons fait d'autres promenades au départ de Fraize. Fraize, un petit village au pied du Col duBonhomme, très différent de Gérardmer. Nous montons au col puis au Hohneck. Nous touchons lafrontière de 1871 à 1918, vu les petits poteaux qui la soulignent.Au col du Bonhomme, il y a une petite auberge où nous pouvons apprécier la cuisine toute simple,mais typique du pays.Très bonne auberge. Une grande tonnelle, moitié sur le territoire français, moitié sur le territoirealsacien annexé depuis 1871.<strong>Le</strong>s douaniers des deux côtés, peuvent se réunir, sans sortir duterritoire soumis à leur garde.L'astuce nous amuse ! Ils allaient trinquer, la frontière est là, les unsd'un côté, les autres de l'autre.<strong>Le</strong> retour se fait par Nancy. Grâce aux fonctions de papa, médecinde la Compagnie de l'Est, nous bénéficions d'un permis gratuit enpremière classe.Dans le compartiment voisin du nôtre, je vois, pour la première etunique fois, un général en grand uniforme de l'époque, avec unbicorne de grande tenue aux bords relevés ornés de petites plumes.C'est la fin des vacances, c'est la rentrée des classes pour l'annéescolaire 1913-1914.Mais il n'y avait pas que les vacances, il faut parler maintenant de notre éducation religieuse et denos études.13


L'EDUCATION RELIGIEUSE ET LES ETUDESL'éducation religieuseChez Mademoiselle Rieux, dont je parlerai à propos de nos classes, il n'était pas question, à l'écolemême, d'instruction religieuse mais de neutralité à ce sujet. Cependant, à partir de neuf ans,pendant les deux années de préparation à la première communion et à la confirmation, on conduisaitau catéchisme à l'église paroissiale, très régulièrement, les mardis et vendredis matin, les enfants desécoles libres dont les familles l'avaient demandé.<strong>Le</strong> jour de la première communion était aussi celui de la confirmation donnée pendant lacérémonie de l'après midi. <strong>Le</strong> jour traditionnel , à notre époque, Henriette et moi, était la veille de lafête de l'Ascension (elle, mai 1914, moi, mai 1912).Je dois dire que notre instruction religieuse consistait principalement (uniquement ?), comme àcette époque, à apprendre par cœur le catéchisme questions et réponses, mais les explications à notreportée étaient à peu prés inexistantes.Plus tard, pendant quelques années, Henriette et moi avons suivi le catéchisme de persévérance àSaint Jacques-Saint Christophe de la Villette.Nous avions été baptisés tous les quatre à Saint Germain de Pantin, notre paroisse où Henriette etmoi avons fait notre première communion et nous avons été confirmées, comme je viens de le dire.Quant à Pierre et Jean, admis à Rocroy-St-Léon à 9 ans et demi, collège dirigé par des Oratoriens,ils y ont reçu leur formation religieuse. Ils y ont fait leur première communion et y ont été confirmésen 1917.C'est surtout par ce que maman nous a donné que nous avons été marqués. Nous faisionsrégulièrement notre prière du soir et notre chapelet était glissé sous notre traversin avec l'invitation àdire une dizaine avant de s'endormir.<strong>Le</strong>s étudesEtant l'aînée, j'ai été la première à aller à l'école. Mon bref essai à l'école maternelle, alors quenous habitions encore place de la Mairie et prés des écoles (Je devais avoir trois ans) n'a guère eu desuccès. Il devait être interrompu définitivement parce que j'y avais gagné des poux !Heureusement, le beau crayon bleu est pour moi le seul souvenir concernant nos relations avecl'école publique.Vers l'âge de cinq ou six ans, alors que nous habitions rue Hoche, je fais mes débuts chezMademoiselle Rieux où je resterai jusqu'à mon brevet élémentaire en 1917.Henriette, puis Pierre et Jean prennent le même chemin à ma suite, le moment venu pour eux.<strong>Le</strong> cours de Mademoiselle Rieux, comme on le désignait, était une petite école privée oùl'enseignement primaire de base était excellent. Nous aimions beaucoup les quatre ou cinqenseignantes.Henriette y est restée jusqu'en mars 1918, moment où nous avons quitté à la fois Pantin pourhabiter Paris et la région parisienne devenue dangereuse à cause des bombardements.14


Pierre et Jean après une classe correspondant à la 8ème, étaient entrés au collège Rocroy-St-Léon,à Paris, rue du Faubourg Poissonnière dirigé par des Pères Oratoriens. Ils étaient entrés en 7ème à larentrée d'octobre 1915. <strong>Le</strong> ramassage scolaire existait déjà. Chaque matin, y compris le jeudi (voirPierre), un vieux surveillant passait en taxi prendre quatre ou cinq garçons, élèves de Rocroy,habitant Pantin, pour les emmener au collège.Départ matinal, retour tardif le soir, environ douze heures d'absence de la maison, sauf le jeudi oùils rentraient en début de l'après-midi.A cette époque, nous étions en guerre.Fin juin 1914, le dimanche 28, à Sarajevo capitale de la Bosnie-Herzégovine, alors province del'empire d'Autriche-Hongrie, l'assassinat de l'Archiduc François Ferdinand par un Serbe allait nousmener à la guerre.C'était un beau dimanche d'été, chaud et ensoleillé. Nous avions passé la journée à Ecouen, le soir,retour par le train Ecouen - Gare du Nord puis Gare de l'Est - Pantin.Pendant le trajet d'une gare à l'autre, à Paris, nous nous plaignions de la soif. Papa et maman nousemmenèrent dans une brasserie face à la Gare de l'Est pour nous rafraîchir. C'est alors que le patrons'approcha de papa et lui apprit la nouvelle annoncée par les journaux du soir. Je m'en souvienscomme si cela s'était passé hier et l'expression des visages des adultes, grave et inquiète, est restéegravée dans ma mémoire.L'année scolaire 13-14 venait donc de se terminer ou était sur le point de l'être.J'ai oublié de parler d'un événement familial qui nous a bien impressionné tous les quatre.Je veux parier de l'opération de l'appendicite de Pierre. <strong>Le</strong>s méthodes ont, heureusement, bienchangé depuis. Comme préparation à l'intervention, on l'a laissé pratiquement à la diète pendantplusieurs semaines. Résultat : Il a affronté l'opération très affaibli et a été très long à se remettre.Peu de temps après, en juin, c'est mort de Geneviève Couvreur à 12 ans, de tuberculosepulmonaire. C'est une grande peine pour toute la famille. Ses parents, Marie sa soeur, grand-mèreRobin et nous tous, sommes très impressionnés.En juillet, donc peu après 1'événement de Sarajevo, grand-mère Robin, comme elle le faisait detemps en temps, arrive à Pantin pour un petit séjour et il est décidé que je partirai avec elle pouraller passer quelques semaines à Rozay avec Marie Couvreur, bien seule depuis ]a mort deGeneviève.C'est donc à Rozay que je suis lors de la mobilisation et de la déclaration de guerre.Je revois encore, en fin d'après-midi, le samedi 1er août, le garde champêtre qui parcourt les ruesavec son tambour et qui annonce la tragique nouvelle, Marie et moi blotties dans le coin de lafenêtre de la salle à manger chez ses parents.Nous pleurons en entendant proclamer, entre quelques coups de tambour que le premier jour de lamobilisation est le lendemain 2 août. Alors, papa qui est mobilisable le deuxième jour, devra partirlundi pour rejoindre Orléans.Quelque temps après, maman vient me chercher. Grand-mère m'a conduite à sa rencontre par le"bricolo" à Marles où nous prenons te train, maman et moi pour rentrer à Pantin.Mais les nouvelles du front sont mauvaises. L'armée allemande, son empereur Guillaume II faisantfi de la neutralité de la Belgique, nous envahit par la frontière du nord et descend très vite vers Paris.L'armée belge commandée par son roi, le noble Albert 1er a tenté de s'opposer, mais en vain.15


Grand-père Loir hésite à nous faire partir en province, maman et nous. Mais Paris est déclaré villeouverte. Si l'ennemi approche, on n'y affrontera pas les terribles risques d'un siège et d'une défense.Pour occuper ceux de ses élèves qui le désirent, Mademoiselle Rieux a organisé une classe devacances.Tous les jours nous allons donc "rue de Paris", la rue principale qui va de la "barrière" vers l'est.Tous les jours, les journaux nous renseignent sur l'avance de l'ennemi. Mais les tout premiersjours de septembre, l'espoir renaît. <strong>Le</strong> maréchal Joffre, alors général et commandant en chef desarmées du nord et du nord-est, a fait appel au général Galliéni, commandant les troupes de Paris(gouverneur militaire de Paris), pour avoir des renforts.<strong>Le</strong>s taxis de Paris sont même réquisitionnés pour transporter une partie des troupes.La bataille décisive de la Marne est gagnée et les troupes envoyées de Paris en renfort regagnent lacapitale, tandis que les Allemands battent en retraite.Mais pour revenir à Paris, les fameux taxis de la Marne empruntent notre rue de Paris !Mademoiselle Rieux nous fait sortir pour les voir et les acclamer.Je me souviens d'un, tout particulièrement. A cheval sur le capot, un tirailleur sénégalais branditfièrement son trophée : un casque à pointe et, naturellement, il est particulièrement acclamé.Début septembre 1914, 1 100 taxis conduisent 5 000 hommes vers Nanteuil-le-Haudouin.De son côté, le général de Castelnau au même moment, remporte la victoire du Grand-Couronnequi permet de barrer la route de Nancy aux Allemands.Après ces deux grandes victoires décisives pour couper l'avance des Allemands, le front sestabilise. <strong>Le</strong>s troupes opposées se terrent dans les tranchées.<strong>Le</strong>s Belges et les Anglais (ces derniers : Entente cordiale) qui se sont joints à nous, occupent lesfronts du nord et du nord-est.16


<strong>Le</strong>s russes, de leur côtés, luttent aussi contre les Allemands.C'est notre alliance franco-russe qui a entraîné notre entrée en guerre. En face de nous : l'empireallemand et l'empire austro-hongrois.De nombreux habitants des zones envahies ont évacué leur région et se sont réfugiés dans le centreet le sud de la France.On commence à accorder des permissions aux mobilisés. Papa vient une semaine dans l'été 1915.A ce moment-là, il est responsable d'une ambulance en arrière du front.Au printemps 1916, il est affecté quelque temps à la direction de l'hôpital de Montargis. Mais cedemi repos dure peu.Nous allons passer quelques jours avec lui pendant les vacances de Pâques. Mais il est assez viterenvoyé dans la zone des armées, Verdun peut-être ?A l'arrière, nous avons déjà fait l'expérience des premiers bombardements aériens, d'abord parZeppelins, puis par avions dits Gotha. Quand l'alerte est donné, on descend dans les caves.A Pâques 1917, deuxième permission de Papa, à ce moment là, il est à l'arrière, du côté deCompiègne. Il est fatigué et se plaint de l'estomac.Remarque :<strong>Le</strong>s pages qui précédent ont été écrites par <strong>Tante</strong> <strong>Yvonne</strong>.<strong>Le</strong>s suivantes ont été racontées oralement, sans chronologie.(Enregistrements effectués par Christine,)Conversation du 24-11-94 à Bois-ColombesJean était toujours très exact. Pierre arrivait juste au moment où le préfet fermait la porte. Ceuxqui arrivaient quand la porte était fermée étaient obligés de sonner et ils avaient une mauvaise note.Alors lui, il arrivait juste. Et le préfet lui demandait :"Robin, vous êtes en retard, mais lequel vous êtes ?""Ah ! ça, Mr le Préfet, je n'en sais rien, demandez à mon frère !"Alors le préfet lui disait : "Je sais, vous êtes Pierre."Combien de fois il a abusé de leur ressemblance ! C'est ça que j'aimerais qu'il <strong>raconte</strong>.Henriette et moi sommes restées chez Mlle Rieux jusqu'à mon brevet élémentaire.A Pantin il y avait eu autrefois une école des frères et une école des sœurs très importantes, maiselles avaient été liquidées. L'école des frères avait été reprise par des laïcs ou des frères sécularisés,l'école des soeurs de St Vincent de Paul aussi.Et il y avait deux personnes qui avaient fait un petit cours : Mlle Rieux et une autre, où allaient les<strong>Le</strong>ichnam.Nous avions dans notre voisinage un vétérinaire que papa connaissait bien et madame <strong>Le</strong>ichnamétait très amie avec maman. Ils avaient deux filles. L'aînée devait avoir l'âge d'Henriette et l'autreentre Henriette et Pierre et Jean. Nous passions nos jeudis après-midi ensemble. C'était réglécomme du papier musique. On allait faire une grande trotte tout le long de ce que l'on appelait la ruede Paris - maintenant elle s'appelle rue Jean Olive, c'est le nom d'un maire communiste célèbre.Comme dans tous les pays, vous le savez, la rue principale, c'est la rue de Paris. On arrivait aumarché aux bestiaux. C'était célèbre le marché de la Villette. Il y avait un passage à niveau, desvaches et des moutons (à cause des abattoirs).On goûtait, tantôt chez les unes, tantôt chez les autres.17


<strong>Le</strong>s petites <strong>Le</strong>ichnam n'allaient pas chez Mlle Rieux, le cours ne plaisait pas. Nous, nous étionschez Mlle Rieux tous les quatre, les garçons un peu en cachette. ils avaient 7-8 ans.On entrait sous la voûte d'un immeuble, il y avait un petit jardin puis deux grandes salles puis lepavillon d'habitation. Il y avait dans ce pavillon une pièce de refuge. Quand l'inspecteurvenait (il n'était pas trop tracassier), Madame Soulet, une des maîtresses montait dans cette pièceavec les garçons car Mlle Rieux n'avait pas le droit d'avoir des garçons. Pierre et Jean sont quandmême restés dans ce cours jusqu'en 1915, c'est-à-dire, jusqu'à 9 ans.Il y avait quatre ou cinq classes : les petits, le cours élémentaire, le cours moyen. (on y restait deuxou trois ans) et la classe des grands. Nous étions bien une centaine en tout.<strong>Le</strong> certificat d'études était obligatoire. Quand je suis allée dans les Vosges en 1913, c'était larécompense de mon certificat d'études.Il est arrivé un moment où Pierre et Jean ne pouvaient plus rester, alors on a pensé à Rocroy.C'était le problème ! A Pantin où voulez-vous qu'ils aillent ?<strong>Le</strong> ramassage scolaire était organisé. Il y avait un vieux pion de Rocroy (mon oncle Paul Loir quiavait été à Rocroy, l'avait connu déjà !) qui venait avec un taxi, ces petits taxis de la Marne vert etrouge, et ramassait cinq ou six enfants qui s'entassaient.C'était toujours le même taxi. Il passait les prendre à 7 heures. Ils étaient levés de bonne heure cesgamins. Il en ramassait un, fils du fabriquant de savon et lessive aux Quatre Chemins, les deux filsd'une marchande de bois en gros, peut-être un autre, et Pierre et Jean. Parfois il était en avance.Pierre disait, au pion :"Monsieur, vous êtes en avance d'une minute !""Eh ! qu'est ce que c'est une minute dans la vie d'un peuple ? .!"Ils étaient demi-pensionnaires.A ce moment là pendant la guerre, mon oncle était à Salonique. (*) Alors ma tante Madeleineétait venue chez grand-père parce qu'à Puiseaux, il n'y avait aussi aucune ressource pour les études.(*) : NDLR : le front de Salonique fit plus de 100 000 morts et blessés français18


Alors Georges rencontrait Pierre et Jean. Je ne sais pas comment Georges venait. En métro ?Peut-être, un autre ramassage ?Pierre et Jean avaient toujours des angines au deuxième trimestre. Grand-père le savait, alors lesoir il demandait à Georges :"Est-ce que Pierre est revenu ? Est-ce que Jean est revenu ?""Ah! je ne sais pas, je ne les ai pas vus tous les deux ensemble."Jamais il ne s'est donné la peine de les reconnaître.<strong>Le</strong> dimanche après-midi il se promenait entre les deux mais il ne savait pas qui était à sa droite ouà sa gauche. Ils se retrouvaient aussi à Ecouen.Papa est mort en 1917, alors à ce moment-là, il n'y avait plus de raisons de rester à Pantin. Alorsgrand-père a dit a maman qu'il faudrait rentrer à Paris pour les études des garçons.A ce moment-là, ils rentraient en cinquième. On a décidé le déménagement. On a cherché ettrouvé un appartement très près de Rocroy, dans une rue, la rue Baudin (**), qui monte du squareMonthollon au carrefour Maubeuge, dans le haut. C'était à trois minutes du collège de Pierre etJean.Question :"De quoi vivait votre maman après la mort de son mari ?"Elle avait une pension, les loyers de Pantin, et grand-père l'aidait beaucoup.On a habité donc rue Baudin. L'appartement n'était pas très moderne mais assez grand, il y avaittrois chambres. Maman avait une très grande chambre. Henriette et moi avions une chambre petite,Jean et Pierre aussi, une salle de bains, un long couloir qui menait à la cuisine. Il y avait une autrechambre, la bonne couchait là. On avait quand même une chambre au sixième.On avait une bonne depuis le début de la guerre. Elle est restée cinq ou six ans. Avant la guerre,nous avions eu une lorraine.Fin 17 donc, on décide de déménager, on trouve un appartement et le déménagement devait avoirlieu au mois de mars.Dans l'hiver 17-18 des gros avions de bombardement (des Gotha) ont bombardé la régionparisienne. Il y eut des bombardements très sévères : 31 janvier, février, début mars, unbombardement le vendredi 8 mars et le mardi 12. (***) Grand-père a dit alors :"Il faut partir à Puiseaux."Il a dit à ma tante Madeleine :"Tu as une maison à Puiseaux, va-t'en avec tes enfants et les enfants de Marie."Pas moi, parce que je restais avec maman, mais Henriette, Pierre et Jean et puis Suzanne Mahieuxaussi je crois et puis la cuisinière de grand-père. A ce moment-là il y avait un ménage, le mari étaiten Italie, il était mobilisé, alors il avait une femme de chambre qui restait comme bonne à tout faireet la cuisinière et sa fille qui était à peu prés de nos âges. ils sont partis tout de suite.<strong>Le</strong> bombardement avait eu lieu le 11. Grand-père a décidé ça le 12 et ils sont partis le mercredi.(13/03)Moi, je suis donc restée à Pantin seule avec maman. <strong>Le</strong> déménagement était peut-être huit ouquinze jours après.(**) : NDLR - La rue Baudin est devenue rue Pierre Sémard en 1944(***) : bombardements/Paris & banlieue, zepellins+gothas+berthas = >1000 projectiles, >500 morts, >1200blessés19


Il y avait une poudrerie à La Courneuve, qu'ils ont fait sauter (probablement par des espions) à uneheure de l'après-midi.La maison avait un escalier avec un palier et des fenêtres à chaque étage. A une fenêtre, lescarreaux de droite étaient cassés, la fenêtre d'en dessous, c'étaient les carreaux de gauche, commecela jusqu'au cinquième : les effets de la déflagration étaient très curieux.Nous avons fait le déménagement, de Pantin à la rue Baudin.Tout est resté planté comme ça toute la journée. Des gens ont dit que maman ne s'était pascouchée de la nuit. Elle avait piétiné toute la nuit pour finir de ranger les affaires.C'était pénible aussi de s'en aller. <strong>Le</strong> soir, grand-père a envoyé l'oncle Mahieux qui était mobilisédans l'intendance (il était meunier lui aussi). Ca ne s'était pas trop mal passé.On est revenu à la Villette avec maman. Dans l'appartement de Pantin, on avait laissé toutel'argenterie dans un placard et maman avait toutes les clefs. Il était convenu de porter tout cela dansun coffre dans une banque.Quelques jours avant les Rameaux, nous voilà partis en taxi. On n'avait pas roulé dix minutes, quel'on entend une détonation très forte. On l'avait déjà entendue le matin à sept heures mais on nesavait pas ce que c'était. Alors, le chauffeur de taxi nous dit :"Qu'est-ce qu'elle a pris ce matin, la Gare de l'Est !"C'était la grosse Bertha, un gros canon qui tirait à 100 km (pour 1'époque c'était extraordinaire !).On n'avait tranquille qu'un quart d'heure entre chaque coup de canon, le temps qu'ils rechargent !Avec maman, nous sommes parties le mercredi Saint pour Puiseaux, mais les trains étaient bondés,bondés à la Gare de Lyon.Un tas de réfugiés qui arrivaient. Il y avait eu une avancée très forte des allemands. Dansl'offensive du printemps 1918, on a passé un mauvais moment.A ce moment-là il n'y avait pas de commandement unique.Je me rappelle, j'entends toujours grand-père dire :"Mais enfin, quand est-ce qu'on nous mettra un commandement unique ?"<strong>Le</strong>s Américains commandaient d'un côté, les Anglais de l'autre, les Italiens, qui étaient nos alliés àcette époque là, aussi. Alors, on a nommé Foch.N'empêche qu'ils ont continué à avancer fin du printemps, début de l'été 18. On a été prêts pourl'offensive que Foch avait organisée, à mi juillet.Nous étions à Puiseaux, les allemands étaient arrivés à vingt kilomètres de Paris, ils étaient àEcouen ! Déjà en 14 ils étaient venus très près, mais à la bataille de la Marne, on avait repoussétout ça. Là, ils étaient bien installés. Je me souviens Puiseaux le soir, on entendait au loin le canon.C'était à plus de 100 km et on entendait le bruit de la canonnade.Maurice Genevoix a été réformé en 1915, suite à une grave blessure à la jambe. Il habitait lesbords de la Loire, il aimait beaucoup la Loire, et il parle justement de ces bombardements qu'ilentendait, encore de plus prés que nous.Question :"Vous étiez très nombreux à Puiseaux ?"Oui, au commencement, ma tante est arrivée avec toute sa smala, la première équipe, ils s'étaienttassés comme ils avaient pu et puis, quand maman et moi nous sommes arrivées, les grands-parentsBordry qui habitaient à côté avaient donné une chambre, Henriette et moi nous y couchions. C'étaitla chambre d'Henri, leur plus jeune fils qui était mobilisé. Et puis il y avait une famille, c'était desparents des Bordry qui avaient perdu une vieille tante et qui avaient une maison toute meublée etbien installée.20


Ils ne l'auraient pas louée à n'importe qui, mais ma tante avait obtenu qu'on la loue à maman, labonne et nous. Ils avaient réservé certaines pièces. Ca nous était bien égal de ne pas avoir de salon,et puis une chambre au premier, il y avait largement la place pour nous quatre et la bonne."Puiseaux Août 1918Question :"Vous y êtes restés combien de temps ?"Nous sommes arrivés à Pâques et nous y sommes restés jusqu'au mois d'octobre."Question :"Et pour 1'école ?""Il y avait une demoiselle du pays qui venait nous donner des leçons et nous faisait travaillerindividuellement. Après, les vacances d'été sont arrivées et au mois d'octobre on n'a pas repris parcequ'on savait que le retour à Paris était imminent.C'était 1'époque de la fameuse grippe espagnole.Mon oncle Bordry qui avait passé deux ans à Salonique, était rentré et il avait été affecté àMontereau, je crois. Comme il était fabriquant d'engrais, il s'y connaissait un peu dansl'alimentation pour analyser les aliments bons et mauvais- à ce moment là il fallait se méfier, on avait n'importe quoi à se mettre sous la dent !, alors il était làaux abattoirs.Et puis après, ma tante a eu la grippe espagnole. Elle était allée voir mon oncle à Montereau etavait ramené ça. Alors on est repartis. il fallait que l'eau et l'électricité soient rétablis.Grand-père nous a fait signe, nous sommes rentrés dans le courant d'octobre.On a retrouvé l'appartement tel qu'on l'avait laissé le soir de l'emménagement. On l'a remis enplace et on a tout réinstallé. Pierre et Jean ont repris tout de suite leurs classes à Rocroy, puisHenriette et moi, nous au cours Granja, rue Merrand (???).Papa était mort d'anévrisme en 1917. Il était venu aux vacances de Pâques 17 en permissionnormale de huit jours et il y avait la première communion de Pierre et Jean à l'Ascension. Il voulaitvenir et il dit :"Je vais demander une permission de deux jours." Il ne pouvait pas demander une permission dehuit jours, six semaines après l'autre. Et le matin de sa mort, maman a reçu une carte dans laquelleil disait qu'il avait fait sa demande en disant : "Qui ne risque rien, n'a rien."21


Mais on ne savait pas, il était mort la veille dans l'après-midi.Il était fatigué, il se plaignait de l'estomac. Aux vacances de pâques, c'est curieux les médecins, ilse plaignait de l'estomac, c'était le coeur.Il était dans une ambulance un peu en arrière du front du côté de Compiègne. Il avait été dans desambulances tout à fait derrière les tranchées. Des bombardements il en avait essuyé! Il avait étéobligé d'évacuer ses malades dans la Meuse.A ce moment là il était du côté de Compiègne. Ce jour là, il avait déjeuné au mess avec les autres,il est monté se reposer. L'ordonnance est passée quelques heures après, dans l'après-midiet il l'a trouvé baignant dans son sang. Il avait eu une rupture d'anévrisme, il n'y a rien à faire.Alors deux autres officiers, un des médecins de l'ambulance et un de l'administration.......... fin de la cassette .... manque un bref passageMoi, je devais passer mon brevet quelques semaines après, alors Mlle Rieux me faisait venir avecl'autre candidat, le jeudi matin pour travailler en plus. J'étais là, j'étais chez Mlle Rieux, et ce jour-làmaman avait invité notre jeune tante, la femme de Paul Loir avec Robert, le petit qui était né en1913.Alors elle (*) vient et puis elle a du dire à Mlle Rieux ce qu'il en était. Elle vient me chercher, elleme dit : "parce que, écoutez, vous devez déjeuner à La Villette". Je dis :"Pourquoi (Bé ???), tante Suzanne ne vient pas !""Non, non, c'est changé, vous allez déjeuner à la Villette."Alors on part. Pierre et Jean étaient à Pantin. <strong>Le</strong> jeudi, ils n'allaient pas en classe, alors on les alaissés à la bonne. Henriette et moi, nous sommes parties avec maman sans rien savoir.Ma tante Antoinette, ma tante Mahieux qui était chez grand-père était venue le dire à maman.Nous partons, la tante Bordry était là aussi. Tout à coup, nous avons vu arriver une voiture avecdeux officiers dans la pièce où nous étions. Notre cousine Suzanne, deux ans de plus que moi et quiétait prévenue, nous a emmenées dans une pièce derrière. Nous sentions bien quelque chose degrave. <strong>Le</strong>s tantes sont venues nous trouver, Henriette et moi puis on nous l'a annoncé.Nous sommes allées retrouver maman qui était dans le bureau de grand-père. <strong>Le</strong>s officiers étaientdéjà partis.<strong>Le</strong> soir, grand-père nous a fait reconduire à Pantin mais ma tante Antoinette est restée pour la nuit.<strong>Le</strong> soir, le jeudi soir, les petits étaient déjà couchés, et Mlle Rieux qui était prévenuedepuis le matin quand la bonne était venue me chercher, est venue.On était loin de la chambre où couchaient Pierre et Jean, ils dormaient peut-être déjà.<strong>Le</strong> lendemain matin, quand le taxi est passé, la bonne est descendue leur dire qu'ils n'allaient pasen classe et la raison pour laquelle ils n'y allaient pas. Je me rappelle toujours :"Mais enfin, mais où il est papa, où il est papa ?"Alors on a répondu :"Il est au ciel."<strong>Le</strong>s obsèques :On n'a pas voulu que maman y aille. C'est l'oncle René Robin, il n'était pas mobilisé, (il étaitmobilisé aux Chemins de Fer, s'il vous plaît ! un célibataire, alors qu'il y avait des pères de famillequi exposaient leur vie !) et l'oncle Mahieux, mari de notre tante, la sœur aînée de maman, qui sontallés aux obsèques à ce village près de Compiègne. (Georges Mahieux et <strong>Tante</strong> Antoinette)Une dame du village a proposé son caveau pour l'inhumation parce qu'on ne pouvait pas leramener. Une famille amie d'Ezanville, que la famille connaissait depuis toujours, les filles étaientde l'âge de maman et de mes tantes, elles étaient très amies, avait de la famille à Verberie. C'étaittout près du petit village où papa était mort.(*) : la bonne22


Ce village s'appelle Saintine. C'est là qu'il a été inhumé provisoirement dans le caveau d'unepersonne que nous ne connaissions pas.Dans l'été 17, nous étions à Ecouen, nous sommes allés à Verberie. Nous avons été reçus par cettefamille qui nous a emmené à Saintine et on est allé sur la tombe de papa.Après la guerre on ramenait les corps, alors il a été ramené et inhumé au Père-Lachaise.C'était un caveau que l'on avait fait pour ma grand-mère Loir.Il y a ma grand-mère Loir, papa, grand-père Loir , le ménage Mahieux, le petit garçon qu'Henriettea eu entre Jacques et Geneviève qui n'a vécu qu'une journée, et puis la petite Brigitte. Emile n'avaitpas voulu que le petit garçon soit enterré à Cambremer à cause de l'exemple de la tante Couvreurqui tous les jours allait au cimetière. Il a dit : "Henriette fera pareil", alors on l'a mis avec lesgrands-parents.Pour Brigitte c'est pareil. Quand elle est morte, l'été 44, une famille que nous connaissions apermis qu'on l'inhume dans le caveau. Quelques années après, Pierre est venue la chercher et elleest là aussi. J'y allais tous les ans mais depuis quelques années je n'y vais plus. Dans un vieux sacj'ai un petit croquis que je me suis fait : c'est dans le haut du Père-Lachaise. Il faut rentrer par laporte Gambetta, on passe devant le four crématoire, devant la chapelle, je crois. (*)Cassette 2 face B à 38,5 (fin de la conversation)(*) - NDLR : 51ème division, 4 de la 50 et 14 de la 52. C.A.P. n°134A de 190923


Conversation entre <strong>Yvonne</strong> et Pierre le 17 octobre 1994Histoire du grand-père ROBIN(Ernest)Pierre :"Mon grand-père travaillait très bien, il avalait le grec et le latin, alors le curé du village deBlénod-1es-Toul et ses parents se sont imaginés qu'il serait prêtre. Quand il a eu treize ans, legrand-père a dit qu'il ne voulait pas. Alors, pour le punir, on l'a envoyé en apprentissage chez unfabriquant de brosses à Paris et celui-ci s'est pris d'amitié pour le gamin et il lui a fait faire sapharmacie."<strong>Yvonne</strong> :"Tu ne sais pas, pour payer ses études, il faisait des balais. Grand-père Robin travaillait aussimanuellement pour subvenir à ses frais. Ses parents devaient subvenir à sa pension, mais il n'avaitpeut-être pas beaucoup d'argent de poche."<strong>Le</strong> curé de Blénod en 1869(en 1864, le curé de Blénod s'appelait Harrouard)Est-ce le même que celui qui a tenté de pousserErnest Robin vers le sacerdoce vers 1852 ?Suite de la chronologie de tante <strong>Yvonne</strong> (recopiée de ses notes) :janvier 1922 : Départ pour Schabonneseptembre 1922 : Départ pour Rottingdeanseptembre 1923 : Départ pour Périgueuxseptembre 1924 : prise d'habitseptembre 1925 : professionjuillet 1928 : voyage Parisseptembre 1930 : vœux perpétuelsjuillet 1932 : voyage Paris - Cambremeraoût 1933 : opérationjuillet 1934 : Plombières - Cambremerjuillet 1935 : Plombières24


Interview de maman (tante Marguerite) :Après des études d'institutrice, <strong>Yvonne</strong> partit en Angleterre, faire l'école chez les sœurs àRottingdean. Elle entra dans les ordres en 1925 et fut nommée à Périgueux.Pendant la guerre, tante <strong>Yvonne</strong> fut nommée Supérieure d'une des institutions religieuses à AgenC'est là qu'elle cacha sous des faux noms, pendant une année scolaire, trois petites filles juives.<strong>Le</strong>s gamines se connaissaient déjà et chacune craignait d'être dénoncée par une des deux autres.Elles furent dispersées dans plusieurs établissements et tout se passa bien."......A pâques 1917, deuxième permission de papa, à cemoment, il est fatigué et se plaint de l'estomac....."".....on voiten enfilade les trois lacs, le plus haut, le plus petitaussi Retournemer, puis, en descendant la valléeLongemer et le plus grand Gérardmer qu'on nevoit qu'en partie parce que la vallée tourne......"25


Ecouen190926


Geneviève Bordry <strong>Yvonne</strong> Robin Suzanne Mahieux Henriette Robin Georges Bordry Jean et Pierre Robin Robert Loir Simone Loir FernandeLoirEcouen 1920PhilippeBernard Michel Nicole Pierre-Yves GuyRibérac 194427


Margueritte Henriette Jean <strong>Yvonne</strong> Pierre Geneviève (Ginette) EmilePlace Saint-Augustin 1981(80 ans)Caroline Sabine Philippe Catherine Patrick Claire Nathalie Frédéric Thierry <strong>Tante</strong> <strong>Yvonne</strong> Bruno Eric Véronique Jean-Luc28


Soisy 1991Quatre-vingt seize ans et quatre-vingt dix joursa dit mon ordinateur,mais mon ordinateur, il sait toutmais ne comprend rien !<strong>Tante</strong> <strong>Yvonne</strong>,de Sainte-Alvère à Ribérac,de Cambremer à Périgueux,elle a habité mon enfance.A chaque fois que je la voyais,j'avais un beau sourire.Et ce sourire, je l'ai eu jusqu'au bout,il y a trois semaines encorequand je lui ai apporté la photo de 1906.Alors ce soir, de retour de Bois-Colombes,j'ai le cœur trop gros....Guy18 septembre 199729

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!