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La chefferie traditionnelle des origines à l ... - Aude à la culture

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Les Chefs auBurkina Faso<strong>La</strong> <strong>chefferie</strong> <strong>traditionnelle</strong> <strong>des</strong><strong>origines</strong> <strong>à</strong> l’IndépendanceLe chef de Nobere, [1927] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/30).t2p numéric - 04 68 77 22 22Archivesdépartementalesde l’<strong>Aude</strong>Archivesnationales duBurkina Faso


Chronologie18751879 :Début de <strong>la</strong> conquête duSoudan (actuel Mali) par<strong>la</strong> France.1880 :Gallieni établit unprotectorat sur leMali actuel.1881 :Début de <strong>la</strong> guerre auMali contre Samori Touré.18801880 :Premier ministèreJules Ferry.1883 :Création d’unConseil supérieur<strong>des</strong> Colonies.1894 :Occupationdéfinitive deTombouctoupar les Français ;l’ang<strong>la</strong>is Fergussonreconnaît le paysmossi et signeun traité deprotectorat avecle Mogho Naba.1895 :Décret de créationdu gouvernementgénéral de l’A.-O. F.réunissant <strong>la</strong> Côted’Ivoire,<strong>la</strong> Guinée,le Sénégal et leSoudan (actuel Mali) ;mission Destenave etsignature d’un traitéde protectorat duYatenga.1889 :<strong>La</strong> Franceétablit sonprotectoratsur <strong>la</strong>Côte-d’Ivoire.1896 :Le lieutenantVoulet réalise<strong>la</strong> conquête deOuagadougou.Naba Wobgos’exile en GoldCoast.1886 :L’allemand Krauss atteintOuagadougou.1890 :Création du Soudanfrançais ; mission dudocteur Crozat.1887-1888 :Mission Binger.1897 :Traité de protectoratsigné le 20 janvierentre Voulet et KoukaNaba devenu MoghoNaba Siguiri ; conquêtedu Gourounsi, <strong>des</strong> payslobi et bobo.188518901890-1892 :Mission Monteil. 1893 :<strong>La</strong> Côte-d’Ivoire, <strong>la</strong> Guinée et le Dahomeydeviennent <strong>des</strong> colonies françaises.1898 :Capturé au Soudan, Samori Touré est déporté au Gabon.1900 :Les pays voltaïques sont dissociés du Soudanfrançais et forment les premier et deuxièmeterritoires militaires ; fondation <strong>des</strong> premièresmissions catholiques par les Français.189519001885 :Débats <strong>à</strong> <strong>la</strong> Chambre <strong>des</strong>députés sur <strong>la</strong> politiquecoloniale.1894 :Création duministère <strong>des</strong>Colonies.1884-1885 :Conférence deBerlin définissant lesrègles du partage del’Afrique subsaharienneentre les puissancescoloniales européenneset confirmantl’interdiction de <strong>la</strong>traite <strong>des</strong> esc<strong>la</strong>ves.1904 :Création de <strong>la</strong> colonie duHaut-Sénégal et Niger,l’ensemble de l’actuelBurkina y est intégré.1905 :Le Mogho Naba Siguirimeurt, il est remp<strong>la</strong>cépar le Mogho NabaKom II.190519101911 :Albert Sarraut est nommégouverneur général de l’Indochine.1915-1916 :Grande révoltedans <strong>la</strong> bouclede <strong>la</strong> Volta Noire(Mouhoun).1914 :Les troupes françaises et ang<strong>la</strong>isesoccupent le Togo ; les tirailleurssénéga<strong>la</strong>is participent <strong>à</strong> <strong>la</strong> guerre.19151919 :Création de <strong>la</strong> coloniede <strong>la</strong> Haute-Volta, lepremier gouverneur estCharles Alexis EdouardHesling.1922 :<strong>La</strong> colonie du Nigerest détachée duSoudan français.19201920-1924 :Albert Sarraut,ministre <strong>des</strong> Colonies.19251927 :<strong>La</strong> région de Say est détachéede <strong>la</strong> Haute-Volta et rattachéeau Niger.19301931 :Huit millions devisiteurs pourl’expositioncoloniale <strong>à</strong> Paris.1932 :Suppression de <strong>la</strong> coloniede <strong>la</strong> Haute-Volta partagéeentre <strong>la</strong> Côte-d’Ivoire, leSoudan et le Niger.1934 :Arrivée du chemin defer <strong>à</strong> Bobo-Diou<strong>la</strong>sso.19351932-1933 :Albert Sarraut,ministre <strong>des</strong> Colonies.1942 :Le Mogho Naba Kom II meurt.Son fils, Naba Saga II lui succède.1945 :Création de l’Union pour <strong>la</strong>Défense <strong>des</strong> Intérêts de <strong>la</strong>Haute-Volta par le Mogho NabaSaga II et campagne pour <strong>la</strong>reconstitution de <strong>la</strong> colonie ;Houphouët-Boigny est élu députéde Côte-d’Ivoire.1937 :Création d’une région administrative de<strong>la</strong> Haute-Côte-d’Ivoire regroupant lescercles de Ouagadougou, Kaya, Tenkodogo,Koudougou, Gaoua et Bobo-Diou<strong>la</strong>sso.1947 :Loi rétablissant <strong>la</strong> colonie de <strong>la</strong>Haute-Volta.1940194519501946 :Création de l’Unionfrançaise regroupantl’ensemble <strong>des</strong> coloniesfrançaises ; vote de <strong>la</strong>loi Houphouët-Boignysupprimant le travail forcé.1951-1957 :Albert Sarraut, président del’Assemblée de l’Union française.t2p numéric - 04 68 77 22 221958 :Tentative d’institutiond’une monarchieconstitutionnelle par leMogho Naba Kougri ; le 11décembre, <strong>la</strong> Haute-Voltadevient une républiquemembre de <strong>la</strong> communautéfranco-africaine.1960 :Le 5 août, proc<strong>la</strong>mation del’indépendance de <strong>la</strong> Haute-Volta.1952 :Création du syndicat <strong>des</strong> chefs traditionnels.1957 :Mort du Mogho Naba Saga II,son fils Mogho Naba Kougrilui succède.195519601956 :Vote de <strong>la</strong> loi cadreGaston Deferre re<strong>la</strong>tive <strong>à</strong>l’autonomie <strong>des</strong> territoiresd’outre-mer.Chef avec ses pages, [début XXe siècle] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/25).


Peuples et pays voltaïquesSitués dans <strong>la</strong> boucle duNiger, les pays voltaïques, quiconstituent le Burkina Faso,sont une vaste pénép<strong>la</strong>inecaractérisée par un climatsahélien au nord (faiblesprécipitations) et un climatsoudanais (plus humide) aucentre et au sud. Trois fleuvesprincipaux arrosent le pays :<strong>la</strong> Volta noire (Mouhoun), <strong>la</strong>Volta b<strong>la</strong>nche (Nakambé), <strong>la</strong>Volta rouge (Nazinon).Carte géographique de l’Afrique occidentale (At<strong>la</strong>s colonial français, 1938).En simplifiant une réalitéextrêmement complexe, onpeut répartir <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionen trois gran<strong>des</strong> familles : lesPeuls et les Touaregs venusdu Maghreb ; les popu<strong>la</strong>tionsmandé venues de <strong>la</strong> hautevallée du Niger (Samo,Marka, Bissa, Diou<strong>la</strong>…) ; lespeuples voltaïques (Mossi,Gourmantché, Gourounsi,Bobo, Lobi…).Carte <strong>des</strong> ethnies du Burkina Faso.Habitations <strong>des</strong> Foulbé de Kotédougou (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, t. 1, p. 383).Groupe de guerriers bobos (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong> Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad... , Paris, [1895], p. 75).<strong>La</strong> grande majorité de ces sociétés a une organisation centralisée et hiérarchisée(Mossi, Gourmantché, Peuls…) ; dans <strong>la</strong> partie occidentale dominent <strong>des</strong>sociétés non centralisées <strong>à</strong> organisation vil<strong>la</strong>geoise (Bwaba, Bobo, Sana,Sénoufo…) ou lignagère (Lobi, Birifor, Dagara…).t2p numéric - 04 68 77 22 22Sandou-Faroukou, émir de Dori, 1952 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/19).


Les royaumes mossiLes royaumes mossi, liés par uneorigine légendaire commune et uneorganisation politique simi<strong>la</strong>ire,peuvent <strong>à</strong> juste titre se réc<strong>la</strong>merd’un passé multisécu<strong>la</strong>ire.Proto Mossi, Mossi septentrionaux et Nakomsé (Carte établie par les Archives nationales du Burkina Faso d’après Michel Izard,Introduction <strong>à</strong> l’histoire <strong>des</strong> royaumes mossi, 1970).Si on en croit les récits légendaires, au début du XI e siècle,dans le nord du Ghana actuel, <strong>à</strong> Gambaga, régnait un roiappelé Nédéga. Sa fille, <strong>la</strong> princesse Yenenga était uneguerrière accomplie et son père n’avait nul désir de <strong>la</strong> voirse marier et quitter <strong>la</strong> maison familiale. Selon certainestraditions, <strong>la</strong> jeune fille s’enfuit un jour de chez elle. Sion s’en rapporte <strong>à</strong> d’autres sources, son cheval s’embal<strong>la</strong>alors qu’elle revenait d’une expédition et elle fut séparéede ses troupes. Toujours est-il qu’elle arriva dans une forêt où elle rencontra unchasseur d’éléphants, Riyaare, fils d’un chef malinké. De leur union naquit Ouedraogoqui fut <strong>à</strong> l’origine de <strong>la</strong> dynastie mossi. A <strong>la</strong> mort de sa mère, Ouedraogo se dirigeavers le nord <strong>à</strong> <strong>la</strong> tête de ses hommes et s’instal<strong>la</strong> <strong>à</strong> Tenkodogo. Il eut trois fils :Zoungrana, Raoua et Diaba. Chacun d’entre eux se vit confier une <strong>des</strong> provinces <strong>des</strong>on empire. C’est ainsi qu’auraient pris forme les quatre royaumes mossi : celui deTenkodogo où régna Zoungrana après <strong>la</strong> mort de son père ; celui de Zandoma fondépar Raoua (incorporé ensuite dans l’empire du Yatenga) ; celui d’Oubritenga, oùrégna Oubri, fils de Zoungrana, et qui devint ensuite le royaume de Ouagadougou;celui de Fada N’Gourma, qui auraitété créé au début du XIII e siècle parDiaba Lombo, parent <strong>des</strong> fondateurs<strong>des</strong> royaumes précédents. Oubri fut ungrand conquérant et le poids politiquedu royaume de Ouagadougou en futconforté. Le souverain prit le titrede Mogho naba (chef traditionnel duMogho ou pays mossi).Pays mossi, races de chevaux (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…,Paris, 1892, t. 1, p. 485).Types et costumes mossi (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, t. 1, p. 493).t2p numéric - 04 68 77 22 22Le Mogho Naba, 1950 (C.N.R.S.T. BurkinaFaso, photo Le Moal).Bien que les historiens se divisent sur <strong>la</strong> question, il semblerait qu’auXIX e siècle on dénombrait dix-neuf royaumes mossi. Le souverainde Ouagadougou, le Mogho naba exerçait-il sur ces royaumes unesuzeraineté, était-il <strong>à</strong> <strong>la</strong> tête d’un véritable empire, comme sep<strong>la</strong>isent <strong>à</strong> le rapporter les colonisateurs qui ont tout intérêt, lorsqu’ilsont obtenu sa soumission, <strong>à</strong> faire du Mogho Naba un souverainincontesté ? <strong>La</strong> réalité est certainement plus complexe mais il estcertain qu’au sein <strong>des</strong> royaumes mossi, le Mogho Naba exerçait uneréelle prééminence et qu’il était primus inter pares.Le Tenkodogo Naba et ses ministres, 1957 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/31).


L’expansionnisme colonial<strong>La</strong> conférence de Berlin (L’Illustration, 13 décembre 1884).Dans les années 1880, l’expansionnismecolonial <strong>des</strong> nations européennes s’accélère.Réunie en novembre 1884 <strong>à</strong> l’initiativede Bismarck, <strong>la</strong> conférence internationalede Berlin doit, <strong>à</strong> l’origine, réglementer lecommerce sur le Niger et le Congo. Elles’achève en février 1885 par l’adoption d’unaccord fixant <strong>des</strong> règles aux annexions deterritoires : pour justifier leurs droits sur unpays, les nations européennes doivent prouverqu’elles l’occupent réellement, <strong>la</strong> signaturede traités avec les rois et les chefs africainspeut être un argument de poids dans leursrevendications.En cette même année 1885, <strong>à</strong> Paris, <strong>la</strong> Chambre <strong>des</strong> députés débat du bien-fondéde l’expansion coloniale. Deux camps s’affrontent. Le parti colonial mené par JulesFerry justifie <strong>la</strong> colonisation par trois raisons : économique, humanitaire et patriotique(revanche après <strong>la</strong> défaite de 1870). Les adversaires de <strong>la</strong> colonisation conduits parGeorges Clemenceau se réc<strong>la</strong>ment <strong>des</strong> droits de l’homme et <strong>des</strong> principes fondateursde <strong>la</strong> République. En décembre 1885, le parti colonial l’emporte <strong>à</strong> une très courtemajorité : <strong>la</strong> France s’engage dans <strong>la</strong> voie de <strong>la</strong> colonisation.« Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-<strong>à</strong>vis<strong>des</strong> races inférieures… Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droitparce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les racesinférieures… »Jules FerryJules Ferry (L’Illustration,7 novembre 1885).« Races supérieures ? Races supérieures, c’est bientôt dit… <strong>La</strong> conquête quevous préconisez, c’est l’abus pur et simple de <strong>la</strong> force que donne <strong>la</strong> civilisationscientifique sur les civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, letorturer, en extraire toute <strong>la</strong> force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur.Ce n’est pas le droit, c’en est <strong>la</strong> négation. Parler <strong>à</strong> ce propos de civilisation, c’estjoindre <strong>à</strong> <strong>la</strong> violence l’hypocrisie. »Georges ClemenceauGeorges Clemenceau (L’Illustration,31 octobre 1885).Charles-Emile Freppel (L’Illustration,24 octobre 1885).« Est-ce que <strong>la</strong> France, cet apôtre du droit, de <strong>la</strong> justice, du progrès, de <strong>la</strong> vérité,n’est pas tenue d’initier <strong>à</strong> ces gran<strong>des</strong> choses, non pas les peuples de race inférieure- il n’y a pas de race inférieure -, mais de <strong>culture</strong> inférieure ? Et quand l’occasionse présente <strong>à</strong> nous de leur faire faire quelques pas en avant sous l’action de notreprotectorat, de les amener <strong>à</strong> notre hauteur, de les élever <strong>à</strong> notre niveau, pouvezvousvous refuser <strong>à</strong> ce rôle, <strong>à</strong> cette mission que Dieu et les hommes ont assignée<strong>à</strong> <strong>la</strong> France ? »Charles-Emile Freppel, évêque d’Angers« Lorsqu’une de ces nations de race supérieure, une nation européenne, qu’ils’agisse de <strong>la</strong> France ou de toute autre, s’empare d’un pays peuplé par unerace inférieure, elle se préoccupe le plus souvent fort peu de <strong>la</strong> moraliser et de<strong>la</strong> civiliser ; elle s’attache avant tout, et presque uniquement, <strong>à</strong> retirer de <strong>la</strong>conquête le plus d’avantages matériels qu’elle comporte. »Georges Pérint2p numéric - 04 68 77 22 22Georges Périn (L’Illustration,31 octobre 1885).Chef avec un page portant un sabre, [début XXème siècle] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D.<strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/24).


À <strong>la</strong> découverte de l’AfriqueCarte physique et politique de l’Afrique, (De<strong>la</strong>marche, Gosselin, At<strong>la</strong>sde géographie physique, politique et historique, Paris, 1864).Au début du XIX e siècle, l’Afrique estencore un continent fermé. Sur les carteset les at<strong>la</strong>s européens, elle est une tacheb<strong>la</strong>nche, une terra incognita. Dans lespremiers temps, les explorations sont lefait d’individus isolés qui s’aventurentdans <strong>des</strong> zones non encore reconnuesavec un minimum de bagages et decompagnons. Un demi-siècle plustard, ce sont de véritables expéditionscomportant parfois plusieurs dizainesd’hommes, porteurs et soldats. Bienqu’ils soient très marqués par lespréjugés de leur époque et persuadésde <strong>la</strong> supériorité de leur <strong>culture</strong>, lesexplorateurs sont aussi de rigoureuxobservateurs, attentifs <strong>à</strong> comprendre les territoires qu’ilstraversent. Les récits de voyage qu’ils publient <strong>à</strong> leur retoursont bien accueillis du grand public.Si <strong>la</strong> mission de Louis-Gustave Bingerest avant tout une mission pacifiqued’exploration <strong>des</strong>tinée <strong>à</strong> reconnaître<strong>la</strong> boucle du Niger, elle a égalementun but politique nettement affirmé :relier les établissements français duSoudan au golfe de Guinée.Colonne de soldats (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong> Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895], p. 85).« Je caressais peu <strong>à</strong>peu le rêve d’allernoircir un <strong>des</strong> grandsb<strong>la</strong>ncs de <strong>la</strong> carted’Afrique. »L.-G. BingerPortrait du capitaine Binger (L’Illustration, 14 décembre 1889).Entouré par 200 hommes armés, (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…,Paris, 1892, t. 1, p. 413).t2p numéric - 04 68 77 22 22Passage de <strong>la</strong> rivière (L.-G. Binger, Du Niger augolfe de Guinée…, Paris, 1892, t. 1, p. 115).Louis-Gustave Binger est né en 1856 <strong>à</strong> Strasbourg ; il publie en 1892le récit de son expédition. En 1891-1892, il est <strong>à</strong> <strong>la</strong> tête de <strong>la</strong> missionfrançaise chargée de fixer les limites de <strong>la</strong> Côte-d’Ivoire et <strong>des</strong> Ashantis.Nommé administrateur de <strong>la</strong> nouvelle colonie de Côte-d’Ivoire en1893, il devient, en décembre 1896, directeur <strong>des</strong> Affaires d’Afriqueau ministère <strong>des</strong> Colonies. Il prend sa retraite en 1907 et meurt le10 novembre 1936 <strong>à</strong> L’Isle-Adam. <strong>La</strong> ville de Bingerville, qui fut <strong>la</strong>seconde capitale de <strong>la</strong> Côte-d’Ivoire (entre 1900 et 1934), aprèsGrand-Bassam et avant Abidjan, porte encore son nom aujourd’hui.Gounga naba, [1927] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/27).


<strong>La</strong> mission BingerChargé par les autorités françaises de nouer <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tionsd’amitié avec les chefs et rois indigènes, L.-G. Bingerpart de Saint-Louis du Sénégal le 12 mars 1887. Aprèsson passage <strong>à</strong> Kong le 20 février 1888, il s’efforce envain d’entrer en re<strong>la</strong>tion avec différents chefs du paysbobo et ne trouve un accueil chaleureux qu’en paysmossi, auprès de Boukary Naba, frère du Mogho NabaSanem. Parvenu <strong>à</strong> Ouagadougou le 15 juin, Binger estcontraint de quitter <strong>la</strong> ville le 10 juillet sans avoir pusigner de traité avec l’empereur mossi. L’hostilité quecelui-ci lui témoigne l’empêche de poursuivre sa missionvers le Yatenga et le pays gourmantché, comme il l’avaitprojeté. Contraint de partir vers le sud, il se heurte <strong>à</strong> degraves difficultés matérielles et sa mission s’achève le 20mars 1889 <strong>à</strong> Grand-Bassam.Itinéraire du capitaine Binger (L’Illustration, 14 décembre 1889).Façon de saluer le naba (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, t. 1, p. 451).Des femmes m’offrent de l’eau et du dolo (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, t. 1, p. 397).t2p numéric - 04 68 77 22 22<strong>La</strong> mission du capitaine Binger n’apas eu les résultats escomptés dansle domaine politique : les chefs <strong>des</strong>pays voltaïques, qui commencentsans doute <strong>à</strong> s’inquiéter <strong>des</strong>incursions européennes toujoursplus nombreuses et <strong>des</strong> risquesqu’elles peuvent représenter pourleur souveraineté, ont refusé <strong>des</strong>igner les traités. Cependant, sousl’angle scientifique, l’expédition futun apport considérable sur cettepartie de l’Afrique jusqu’alors trèsmal connue. Son récit de voyagedevint un ouvrage de référencepour les expéditions <strong>à</strong> venir.Des hommes sur les toits s’opposent <strong>à</strong> l’entrée du capitaine <strong>à</strong> Diou<strong>la</strong>sso (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…,Paris, 1892, t. 1, p. 367).Types de scarifications <strong>des</strong> familles gourounga, dafina et bobo (L.-G.Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, t. 2, p. 409).P<strong>la</strong>nche botanique (L.-G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…,Paris, 1892, t. 1, p. 15).Maré Toba, Tema Naba et Ba<strong>la</strong>m Naba, [1930-1960] (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/15).


<strong>La</strong> course aux traitésLe pays mossi est l’enjeu <strong>des</strong> rivalités <strong>des</strong>puissances européennes imp<strong>la</strong>ntées dans<strong>la</strong> région. L’Allemagne, depuis le Togo,veut agrandir son territoire jusqu’aufleuve Niger. Le Royaume-Uni compteannexer l’arrière-pays de <strong>la</strong> Gold Coast.<strong>La</strong> France, depuis ses bases du Soudanfrançais et de <strong>la</strong> Côte-d’Ivoire, <strong>la</strong>nceplusieurs missions <strong>des</strong>tinées <strong>à</strong> relierces territoires au Dahomey et <strong>à</strong> fairebarrage aux prétentions britanniques etalleman<strong>des</strong>.Carte <strong>des</strong> missions alleman<strong>des</strong>, ang<strong>la</strong>ises et françaises d’après l’At<strong>la</strong>s <strong>des</strong> Colonies françaises, Paris, 1902 (A. D. <strong>Aude</strong>, B°184).L’expédition du docteur Crozat(août-novembre 1890) se soldepar un échec politique : il obtient<strong>des</strong> promesses d’amitié du MoghoNaba mais ne parvient <strong>à</strong> faire signeraucun traité. Quant <strong>à</strong> <strong>la</strong> missiondu capitaine Monteil, qui le mènede Saint-Louis (décembre 1890)<strong>à</strong> Tripoli (décembre 1892), ellen’a guère plus de résultats mêmesi celui-ci prétend avoir p<strong>la</strong>cé lesterritoires de <strong>la</strong> boucle du Nigersous protectorat français.Le docteur Crozat (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong>Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895], p. 53).Le départ de Ouagadougou (P.-L Monteil, De Saint-Louis<strong>à</strong> Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895], p. 141).Le capitaine Monteil (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong> Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895] ).L’itinéraire du capitaine Monteil (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong> Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895], p<strong>la</strong>nche hors texte).t2p numéric - 04 68 77 22 22Entrée <strong>à</strong> Dori (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong>Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895], p. 161).En 1894-1895, <strong>des</strong> missions concurrentes sont envoyées par l’Allemagneet <strong>la</strong> France pour s’assurer le protectorat du pays gourmantché. Enpays mossi, George Ekem Fergusson, envoyé <strong>des</strong> Britanniques, obtientdu Mogho Naba Wobgo <strong>la</strong> signature d’un traité de protectorat que lesFrançais s’empressent de récuser.Le Moro Naba, 1949 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/1).


<strong>La</strong> conquête arméeDevant les succès britanniques,le capitaine Destenave reçoitl’ordre de prendre effectivementpossession <strong>des</strong> pays voltaïques auEn-tête de rapport du capitaine Destenave, 1895 (Archives nationales du Sénégal,1 G 211).nom de <strong>la</strong> France. Au Yatenga, <strong>la</strong> guerre de succession au trône quese livrent le naba Baogho et son neveu Bagaré facilite <strong>la</strong> réussitede Destenave. Le 14 mai 1895, celui-ci obtient <strong>la</strong> signature d’untraité incluant pour <strong>la</strong> première fois l’obligation pour le territoired’accueillir un résident et une garnison, traité qui est confirmépar Bagaré, devenu le naba Bulli après <strong>la</strong> mort de son oncle.Rencontrant l’hostilité <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions mossi <strong>à</strong>partir de Yako, Destenave décide d’abandonnerson projet de rejoindre Ouagadougou.Signature du capitaine Destenave, 1895(Archives nationales du Sénégal, 1 G 211).Itinéraire de <strong>la</strong> mission Destenave, 1895 (Archivesnationales du Sénégal, 1 G 211).En juillet 1896, une force arméeimportante quitte Bandiagaraavec <strong>à</strong> sa tête le lieutenantVoulet. Le temps n’est plus auxnégociations. Voulet a ordrede conquérir les pays mossi etgourounsi. Le 1er septembre,devant Ouagadougou, ses250 hommes bien armésfont <strong>la</strong> différence. Devantl’intransigeance de BoukaryNaba qui s’exile, Voulet faitintroniser Kouka Naba, frèrede Boukary. Il peut ainsi fairesigner le traité nécessaire <strong>à</strong> <strong>la</strong>reconnaissance internationalede l’occupation française dupays mossi. Le 19 septembre,le Gourounsi se soumet etHamaria, son chef, signe untraité en tout point comparable<strong>à</strong> celui du Yatenga.Rapport du lieutenant Voulet, 1896 (Archives nationalesdu Sénégal, 1 G 221).Traité de protectorat du Mossi, 1897 (Archives nationales du Sénégal, 15 G 1).Salutations au Mogho Naaba <strong>à</strong> Ouagadougou, [début XX e siècle] (Fonds de <strong>la</strong> Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique ; A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/32).En 1897, les pays lobi et bobo sont conquis. Cependant,les traités signés n’engagent nullement ces popu<strong>la</strong>tionsdotées d’une organisation décentralisée sans chefsuprême. Cette même année et l’année suivante, <strong>des</strong>conventions franco-allemande et franco-britanniquerèglent définitivement les conflits territoriaux etétablissent le tracé <strong>des</strong> frontières <strong>des</strong> pays nouvellementannexés.Soldat et son cheval (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong> Tripoli par le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris,[1895], p. 65).t2p numéric - 04 68 77 22 22Le Moro Naba, [début XXe siècle] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/12).


L’organisation colonialeL’Afrique-Occidentale française, 1933 (Fêtes du cinquantenairedu Soudan français, 1883-1933, A. D. <strong>Aude</strong>, 12 J 565).Rattachés tout d’abord au Soudan français, au sein de l’Afrique-Occidentale française, les pays voltaïques en sont dissociésen 1900 pour constituer les premier et deuxième territoiresmilitaires. En 1904, ils font partie de <strong>la</strong> colonie du Haut-Sénégalet Niger ; ils ne retrouvent une véritable identité territorialequ’en 1919 avec <strong>la</strong> création de <strong>la</strong> Haute-Volta. L’échec de<strong>la</strong> politique cotonnière de Frédéric Charles Hesling, premiergouverneur de <strong>la</strong> Haute-Volta, aggravé par <strong>la</strong> crise économiquede 1929, et les pressions du parti colonial qui ne voit dansces territoires qu’un réservoir de main-d’œuvre entraînenten 1932 le démembrement de <strong>la</strong> colonie au profit <strong>des</strong> troiscolonies limitrophes (Niger, Soudan français et Côte-d’Ivoire).En 1946, le gouvernement français reconstitue <strong>la</strong> Haute-Volta,répondant ainsi <strong>à</strong> l’appel <strong>à</strong> l’union de tous les Voltaïques <strong>la</strong>ncépar le Mogho Naba et le Yatenga Naba. Mais <strong>la</strong> raison principalede cette décision est, en réalité, <strong>la</strong> volonté du gouvernementd’enrayer l’expansion <strong>des</strong> idées communistes et anti-colonialesque défend Félix Houphouët-Boigny, député de <strong>la</strong> Côted’Ivoire.Mogho Naaba Saaga II, 1942-1957(C.N.R.S.T. Burkina Faso).Koudougou, <strong>la</strong> foire au coton, [1900-1936] (Centre National <strong>des</strong> Archivesd’Outre-Mer, 30 Fi 2/21).Dépendant du gouvernement général del’Afrique-Occidentale française, sous l’autoritédu ministre <strong>des</strong> Colonies, l’administration<strong>des</strong> territoires, très centralisée, écarte lesAfricains de toutes les instances de décision.C’est seulement après <strong>la</strong> création de l’Unionfrançaise en 1946 que les Africains autochtonespeuvent enfin faire entendre leur voix ; mais lesystème de désignation de leurs représentantsprofondément injuste écarte <strong>la</strong> grande majoritéd’entre eux <strong>des</strong> responsabilités.Convoi d’ânes chargés de coton, [1900-1936] (Centre National <strong>des</strong> Archivesd’Outre-Mer, 30 Fi 2/38).L’ Afrique du Nord-Ouest (Vivien de Saint-Martinet Schrader, At<strong>la</strong>s universel de géographie, 1923).t2p numéric - 04 68 77 22 22Principale division administrative de <strong>la</strong>colonie, le cercle est géré par un seulhomme, le commandant, qui exercetous les pouvoirs judiciaires, militaires,administratifs et politiques. C’est, selonl’expression d’Albert Londres, le « chefde <strong>la</strong> brousse ».Le cercle de Ouagadougou, 1959 (CentreNational <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 2/57).Le pa<strong>la</strong>is du gouverneur <strong>à</strong> Ouagadougou (MagazineA.O.F, novembre 1955, p. 3, A. D. <strong>Aude</strong>, 12 J 256).Pont sur <strong>la</strong> route de Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, [1900-1936] (Centre National <strong>des</strong>Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 3/56).Le chef peulh de Kourgou, 1955 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/24).


Albert SarrautAlbert Sarraut et Georges Clemenceau (L’Illustration, 12 mai 1906).Personnalité politique incontournable de <strong>la</strong> III e République,Albert Sarraut, élu radical audois, s’implique fortementdans l’administration coloniale. Deux fois président duConseil, de nombreuses fois ministre, il est gouverneurgénéral de l’Indochine de novembre 1911 <strong>à</strong> janvier 1914puis de janvier 1917 <strong>à</strong> mai 1919. Il est ministre <strong>des</strong> Coloniesde janvier 1920 <strong>à</strong> avril 1924 et de juin 1932 <strong>à</strong> septembre1933. Membre de l’Assemblée de l’Union française <strong>à</strong> sacréation en 1946, il en devient le président en 1951 jusqu’<strong>à</strong>sa dissolution en 1958.Les 100 ministres <strong>des</strong> Colonies, 1870-1936(A. D. <strong>Aude</strong>, 12 J 54).Carte de l’Union française (L. Gachon et J. A. Senèze, <strong>La</strong> France et l’Union française, 1949, p. 64).En 1921, il dépose un projet de loi arrêtant un ambitieux programmede mise en valeur <strong>des</strong> colonies françaises et, dans l’exposé <strong>des</strong>motifs, fixe <strong>la</strong> doctrine française de <strong>la</strong> colonisation.t2p numéric - 04 68 77 22 22« A mesure que se déroule l’histoire de notre pays, onvoit se préciser, s’accuser, se fixer progressivement lestraits d’une “doctrine” de colonisation qui, partie d’unconcept de puissance ou de profit métropolitains, maisinstinctivement imprégnée d’altruisme, va travailler aussipour les colonies elles-mêmes, pour leur propre avantage,pour leur accroissement économique et leur développement“humain”, et concilier de plus en plus ces deux élémentssans lesquels, dans une démocratie comme <strong>la</strong> nôtre, aucunepolitique n’est capable d’être popu<strong>la</strong>ire : le cœur et <strong>la</strong>raison, le devoir et l’intérêt...Si les colonies filiales de jadis devaient reprendre touteleur indépendance <strong>à</strong> l’égard de <strong>la</strong> métropole… ce ne seraitpoint une raison d’attiédir dès <strong>à</strong> présent l’ardeur <strong>des</strong> hautsdevoirs que nous trace notre mission tuté<strong>la</strong>ire vis-<strong>à</strong>-vis <strong>des</strong>pays dont l’avenir nous est confié. Ce serait au contraireune raison d’en redoubler le zèle. Car <strong>la</strong> grandeur et <strong>la</strong>dignité souveraines de <strong>la</strong> France, <strong>à</strong> travers le monde et lesâges, est de n’avoir jamais mesuré les dons de son génie aucalcul <strong>des</strong> fermages qu’elle en pouvait retirer. »Albert SarrautAlbert Sarraut (L’Illustration, 17 mars 1906)Albert Sarraut en costume colonial(L’Illustration, 10 janvier 1914).Le Moro Naba, s.d. [début XXe s.] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/19).


RésistancesDans les années 1915-1920, les popu<strong>la</strong>tions voltaïquesaffichent <strong>des</strong> sentiments de plus en plus hostiles <strong>à</strong> l’égardde l’administration coloniale. Le recrutement militaireet l’importance <strong>des</strong> pertes humaines, <strong>la</strong> lourdeur <strong>des</strong>impôts, le régime <strong>des</strong> prestations forcées, et quelquefoisles mauvais traitements infligés par les administrateurs,sont <strong>à</strong> l’origine de ce climat pouvant aller jusqu’<strong>à</strong>l’affrontement.Femmes bobo attendant le passage d’une personnalité, [1930-1960](Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 5/57).Ainsi, en 1915-1916, une révolte d’envergure,provoquée en particulier par <strong>la</strong> levée dans<strong>la</strong> colonie du Haut-Sénégal Niger d’uncontingent de 23 000 hommes, embrase <strong>la</strong>région de <strong>la</strong> Volta noire (environ 190 000hommes concernés). L’administration doitfaire appel <strong>à</strong> <strong>des</strong> renforts militaires venant<strong>des</strong> colonies limitrophes et c’est une véritablearmée composée de 2 500 tirailleurs et d’une puissante artillerie quiréprime dans le sang <strong>la</strong> révolte (plus de 4 895 « rebelles » tués dansles cercles de Dédougou et Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, 415 tués pour les troupescoloniales).Vil<strong>la</strong>ge bobo, entre Banfora et Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, [1930-1960] (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 3/38).En pays lobi, les popu<strong>la</strong>tions demeurent insoumises etfont preuve de résistance face <strong>à</strong> l’envahisseur. Jusquedans les années trente, <strong>des</strong> « tournées de police » sontrégulièrement organisées. Ces tournées sont en fait devéritables raids militaires <strong>des</strong>tinés <strong>à</strong> étouffer toute velléitéd’indépendance. Les mesures de représailles sont sévères :les vil<strong>la</strong>ges sont détruits, les chefs sont <strong>des</strong>titués.Une souka<strong>la</strong> lobi, [1930-1960] (Centre National <strong>des</strong> Archivesd’Outre-Mer, 30 Fi 3/44).« J’ai estimé nécessairede détruire par le feu leshabitations organisées encentre de résistance et muniesde meurtrières. Cette opérationa été réalisée méthodiquementet complètement. Un pareilchâtiment était indispensablepour sanctionner l’attitudeprise par les habitants et servird’exemple dans une région tropindépendante. »Capitaine <strong>La</strong>bouret,commandant du cercle du LobiSimu<strong>la</strong>cre de guerre dans le Lobi, [1930-1960] (CentreNational <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 5/11).P<strong>la</strong>n d’attaque du vil<strong>la</strong>ge de Domatéon, 1929(Archives nationales du Sénégal, 10 G 14).Lobi en tenue de guerre, 1955 (C.N.R.S.T. Burkina Faso,photo Savonnet).t2p numéric - 04 68 77 22 22Chef Peulh de Bobo avec sa plus jeune épouse, 1950 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer,30 Fi 6/17).


<strong>La</strong> transmission du pouvoirLoin d’être homogènes, les sociétés voltaïques sont régies, avant <strong>la</strong> colonisation, par<strong>des</strong> systèmes politiques différents qu’il est possible de c<strong>la</strong>sser en deux grands groupes.Les sociétés <strong>à</strong> pouvoir centralisé ont unchef tout puissant ou naba, entouréd’une cour composée de notablesqui exercent, <strong>à</strong> ses côtés et sous sonautorité, <strong>des</strong> responsabilités profanesou sacrées. Chez les Mossi, le pouvoirou naam vient de Wende, dieu de <strong>la</strong>guerre et de <strong>la</strong> violence qui contrôle lecosmos. Suivant le statut <strong>des</strong> royaumes,le mode de transmission du pouvoirvarie.Le Mogho Naba et sa cour, [vers 1920] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/13).Au sommet de <strong>la</strong> hiérarchie, les chefs <strong>des</strong>quatre principaux royaumes (Tenkodogo,Ouagadougou, Yatenga et Boussouma) sontconsidérés comme <strong>des</strong> keedwende (nomméschefs au nom de Dieu et par Dieu) et <strong>des</strong>dimdamba (rois <strong>à</strong> l’image de Dieu). Viennentensuite <strong>des</strong> chefs <strong>à</strong> statut intermédiaire : lesdimbi au nombre de six qui nomment <strong>à</strong> <strong>la</strong>tête <strong>des</strong> provinces de leurs royaumes <strong>des</strong>chefs ou kombeemba ; ces derniers ont sous Salutations au chef, [début XX e siècle] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/34).leur commandement <strong>des</strong> chefs de cantons et de vil<strong>la</strong>ges qui ont eux-mêmes autoritésur les chefs de quartiers ou de lignages de leur ressort territorial. Le pouvoir est auxmains de certaines familles et se transmet en lignée masculine mais le droit de sang nesuffit pas : il faut que le candidat au pouvoir ait une probité exemp<strong>la</strong>ire et <strong>des</strong> aptitu<strong>des</strong>physiques irréprochables. Après sa nomination, le chef doit se soumettre <strong>à</strong> un rituel <strong>des</strong>acrement (riungu) au cours duquel il s’engage <strong>à</strong> gouverner suivant <strong>la</strong> coutume.t2p numéric - 04 68 77 22 22Dans les sociétés dites « segmentaires », il est très rare que le pouvoir politique soitcentralisé : c’est le cas toutefois chez les Gan où il existe <strong>des</strong> rois (ka-eya) mais où<strong>la</strong> transmission du pouvoir n’est pas héréditaire (le roi est choisi parmi cinq candidatsissus de deux familles). En règle générale, le pouvoir n’est pas centralisé. Ces sociétésacéphales, « sans Etat », peuvent être de type vil<strong>la</strong>geois : on les trouve surtout dansl’ouest du Burkina (Bobo, Bwa, etc.). Le vil<strong>la</strong>ge est alors une unité politique tout<strong>à</strong> fait autonome et repliée sur elle-même. Elles peuvent aussi être <strong>à</strong> organisationlignagère (Lobi, Dagara, Gouin, etc.) : ce n’est plus l’appartenance géographique quiest privilégiée mais l’appartenance biologique <strong>à</strong>une même famille, <strong>à</strong> un lignage. Au niveau de <strong>la</strong>famille, au niveau du vil<strong>la</strong>ge, <strong>des</strong> individus ou <strong>des</strong>groupes d’individus sont investis de parcelles depouvoir, correspondant <strong>à</strong> l’exercice de fonctionsdans l’intérêt général (le chef de famille, le maîtrede <strong>la</strong> terre, les devins).Le Tenkodogo Naaba et sa cour, 1957 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/12,photo Albert Balima-Salfo).Le chef de canton de Zam et sa cour, 1955 (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/23, photo Daniel Droulers).


Les trônes renversésLe colonisateur, conscient de l’importance du pouvoir<strong>des</strong> chefs coutumiers dans les sociétés centralisées,veut utiliser <strong>à</strong> son profit leur connaissance du pays etleur autorité sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. C’est pourquoi, tout enconservant l’organisation de <strong>la</strong> <strong>chefferie</strong> <strong>traditionnelle</strong>,l’administration coloniale limite les domaines d’actiondu chef qui devient un auxiliaire administratif. Il lui estconfié deux missions principales : défendre les intérêts<strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions qu’il représente ; transmettre et faireexécuter les ordres de l’administration.Parade <strong>à</strong> Ouagadougou, [début XX e siècle](Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique,A.D.<strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/16).Les chefs supérieurs, comme le Mogho Naba,moins soumis aux pressions, continuent <strong>à</strong>jouir d’un prestige certain conformément <strong>à</strong><strong>la</strong> coutume. Leur nomination est toutefoisétroitement surveillée par les autoritéscoloniales. Progressivement le Mogho Nabaperd ses pouvoirs et ne peut plus agir sansl’autorisation <strong>des</strong> français.Banfora, chef de canton, [1900-1936] (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/7).Dans l’ensemble, les divisions administrativescoloniales correspondent aux anciennescirconscriptions coutumières (les provincescorrespondent aux quatre royaumes, lescantons aux kombeemba, etc.). Toutefoisce découpage ne respecte pas toujours <strong>la</strong>hiérarchie et l’intégrité <strong>des</strong> anciennes unitésterritoriales.<strong>La</strong> concession du chef, [1930-1960] (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 3/35).t2p numéric - 04 68 77 22 22Le chef de canton est un élément essentieldans ce dispositif ; il est l’intermédiaireincontournable entre le commandantde cercle et les chefs de vil<strong>la</strong>ge et leursadministrés. Il est nommé par le gouverneurde <strong>la</strong> colonie sur proposition <strong>des</strong> notables <strong>des</strong>vil<strong>la</strong>ges ou du chef supérieur. Comme toutfonctionnaire, le chef de canton est noté etson comportement fait l’objet chaque annéed’une appréciation du commandant decercle. A partir de 1918, une rémunérationest attribuée aux chefs et son montantdépend en partie de <strong>la</strong> loyauté dont ils fontpreuve. Le chef est en principe nommé <strong>à</strong> vie.Mais il peut être amené <strong>à</strong> démissionner enraison de son âge ; il peut aussi être <strong>des</strong>tituépour faute grave relevant <strong>des</strong> tribunaux oupour opposition <strong>à</strong> l’autorité coloniale.Chef de canton de Turn<strong>la</strong>, 1934 (Centre National <strong>des</strong>Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/16, photo Betrthier).Préparation du dolo (bière de mil), [1900-1936] (CentreNational <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 1/16).Chef de Koupe<strong>la</strong>, [1955] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/28).


<strong>La</strong> <strong>chefferie</strong> administrativeDans les sociétés du Sud-Ouest, lesadministrateurs coloniaux ont du mal<strong>à</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce une organisationhiérarchisée. Ils ne peuvent s’appuyersur aucune autorité locale pour asseoirleur domination comme ils le font enpays mossi.Bagor, chef lobi du canton de Tolkaboua, 1957 (C.N.R.S.T. Burkina Faso, photo Savonnet).Bintudé Dâ, chef de canton, s.d. (Archivesnationales du Burkina Faso).Dans les premiers temps, certains commandants de cercles(notamment <strong>à</strong> Diébougou) assurent directement l’administrationde leur circonscription depuis leurrésidence : c’est un échec. Dans le Lobi,on essaie d’imp<strong>la</strong>nter artificiellement<strong>des</strong> chefs, choisis parmi <strong>des</strong> personnesétrangères au pays : les expériencesmenées dans les années 1898-1908 nesont guère concluantes ; ces nominationsaccentuent l’incompréhension entre lesautorités coloniales et les popu<strong>la</strong>tionsindigènes.Proposition de nomination de Bintudé Dâ comme chef représentantl’Iridiaka, 1943 (Archives nationales du Burkina Faso, 22 V 131).Les autorités coloniales décident alors de confier lesfonctions de chef <strong>à</strong> <strong>des</strong> personnalités considérées commeinfluentes au sein de leur vil<strong>la</strong>ge : de 1908 <strong>à</strong> 1912, leschefs de terre qui jouissent d’une autorité religieusesont désignés comme chefs administratifs ; <strong>à</strong> partir de1912, <strong>à</strong> l’initiative d’Henri <strong>La</strong>bouret, commandant de <strong>la</strong>circonscription de Diébougou, <strong>des</strong> chefs, choisis parmiles « amis <strong>des</strong> B<strong>la</strong>ncs », sont imposés <strong>à</strong> tous les vil<strong>la</strong>ges.Henri <strong>La</strong>bouret (1878-1959), administrateur colonial (photo H. <strong>La</strong>bouret, 1912-1924).Ne pouvant s’appuyer sur <strong>la</strong> coutume et lestraditions, cette <strong>chefferie</strong> administrative, si elledevient avec le temps un rouage important del’administration coloniale, ne parvient jamais<strong>à</strong> s’imposer complètement.t2p numéric - 04 68 77 22 22Pandité Hien recherché par H. <strong>La</strong>bouret pour ses nombreux crimes par fléchage, 1957 (C.N.R.S.T.Burkina Faso, photo Savonnet).Chef de canton faisant un pa<strong>la</strong>bre <strong>à</strong> ses administrés, [1900-1936] (Centre <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 1/1).


<strong>La</strong> « force noire »<strong>La</strong> préparation du recrutement militaire est un <strong>des</strong> rôles majeurs confiés aux chefs parl’autorité coloniale. Très impopu<strong>la</strong>ire, le recrutement va <strong>à</strong> l’encontre de l’organisation<strong>des</strong> sociétés voltaïques basées sur <strong>la</strong> famille. Les protestationsprennent différentes formes : fuite devant les agentsrecruteurs, insubordination individuelle ou en groupe,muti<strong>la</strong>tions et suici<strong>des</strong>. Il faut tout le prestige <strong>des</strong> chefssupérieurs et <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration <strong>des</strong> chefs de canton et de vil<strong>la</strong>gepour convaincre les hommes de se présenter aux opérationsde recrutement.Les hommes rassemblés pour le recensement, 1955 (Centre <strong>des</strong>Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 1/2, photo Daniel Droulers).Créés par Napoléon III en 1857, les régimentsde tirailleurs sénéga<strong>la</strong>is sont tout d’abordcantonnés dans les opérations militaires enAfrique. Mais, <strong>à</strong> partir de 1914, ils sont appelés<strong>à</strong> prendre part <strong>à</strong> tous les conflits impliquant<strong>la</strong> France dans le monde. En 1910, dans sonouvrage <strong>La</strong> force noire, Charles Mangin, futurgénéral, préconise de faire appel <strong>à</strong> l’immenseréservoir d’hommes qu’est l’Afrique française pour faireface <strong>à</strong> une Allemagne de plus en plus puissante. Ainsi lorsdu premier conflit mondial, ce sont 134 000 tirailleursafricains qui sont envoyés sur le front.Camp d’instruction de Tiaroye, près de Dakar, [début XX e siècle] (Fonds Jean Michel,A. D. <strong>Aude</strong>, 57 Dv 1/7).Dakar, embarquement de tirailleurs, [début XX e siècle] (Fonds Jean Michel,A. D. <strong>Aude</strong>, 57 DV 1/9).Insigne du Comité de <strong>la</strong> journée de l’armée d’Afrique et <strong>des</strong>troupes coloniales, 1917 (A. D. <strong>Aude</strong>, 1 M 1054).Engagé en 1917 dansl’offensive du Chemin <strong>des</strong>Dames, le 63 ème bataillon detirailleurs sénéga<strong>la</strong>is donnel’assaut le 16 avril, près deTroyon et Vendresse. DempaGadia Savadogo de Kaya esttué ce jour-l<strong>à</strong> avec 97 de sescamara<strong>des</strong>. Sur cette partiedu front, entre le 16 et le 30avril, les pertes <strong>des</strong> tirailleurssénéga<strong>la</strong>is s’élèvent <strong>à</strong> 7 300hommes, soit près de <strong>la</strong>moitié <strong>des</strong> effectifs.Affiche de <strong>la</strong> journée de l’armée d’Afrique, 1917 (A. D. <strong>Aude</strong>, 1 M 1055).Le drapeau et le tirailleur sénéga<strong>la</strong>is (Cahier dechansons d’un poilu, A. D. <strong>Aude</strong>, 3 J 2605).t2p numéric - 04 68 77 22 22« Il faut y aller avec tous les moyens et ne pas ménagerle sang noir, pour conserver un peu de b<strong>la</strong>nc. »Général Nivelle(<strong>à</strong> propos de l’offensive du Chemin <strong>des</strong> Dames)Le fanion du 43 e bataillon de tirailleurs sénéga<strong>la</strong>is, 1918 (L’Illustration,12 janvier 1918).Le Moro Naba, [début XX e siècle] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/18).


Esc<strong>la</strong>vage et travail forcéCarte de l’Afrique de l’Ouest, 1749 (Dom Joseph Vaissette, Géographie historique,ecclésiastique et civile, 1755).ils dénoncent dans les sociétés africaines.Aux XVII e et XVIII e siècles, l’Afrique at<strong>la</strong>ntique subitles effets de <strong>la</strong> traite négrière. En dépit <strong>des</strong> voix quise font entendre pour le condamner (philosophes <strong>des</strong>Lumières, mouvement quaker), l’esc<strong>la</strong>vage n’est abolique progressivement par les nations européennes (en1833 par le Royaume-Uni, en 1848 par <strong>la</strong> France, en1865 par les Etats-Unis). En 1885, <strong>la</strong> conférence deBerlin rappelle l’interdiction de <strong>la</strong> traite. A <strong>la</strong> fin du XIX esiècle, <strong>la</strong> vision que les Européens ont de l’esc<strong>la</strong>vagea complètement changé :désormais les colonisateursse présentent comme <strong>des</strong>adversaires convaincus decette pratique qu’au nom deleur « mission civilisatrice »,Cavaliers ramenant <strong>des</strong> captifs (L.-G. Binger, Du Niger au golfe deGuinée…, Paris, 1892, p. 471).Pour mettre en valeur les colonies (constructiondu réseau routier et <strong>des</strong> voies de chemin de fer,exploitation <strong>des</strong> matières premières, etc.), lespopu<strong>la</strong>tions indigènes se voient imposer <strong>des</strong>journées de travail, dans <strong>des</strong> conditions très souventfort éprouvantes et parfois même inhumaines(ravitaillement insuffisant, punitions corporelles,pénibilité extrême <strong>des</strong> tâches, etc.).Carte du chemin de fer en A.-O. F. (L’Illustration, 24 novembre 1906).« Ainsi nous arrivons en Haute-Volta, dansle pays mossi. Il est connu en Afrique sous lenom de réservoir d’hommes : trois millionsde nègres. Tout le monde vient en cherchercomme de l’eau au puits... Voici mille nègresen file indienne, barda sur <strong>la</strong> tête, qui s’envont <strong>à</strong> <strong>la</strong> machine ! Au chemin de fer de <strong>la</strong>Côte d’Ivoire, <strong>à</strong> Tafiré. Sept cents kilomètres.Les vivres ? On les trouvera en route, s’il p<strong>la</strong>ît<strong>à</strong> Dieu ! <strong>La</strong> caravane mettra un mois pouratteindre le chantier. Comme le pas <strong>des</strong>esc<strong>la</strong>ves est docile ! Des hommes resterontsur le chemin, <strong>la</strong> soudure sera vite faite ; onresserrera <strong>la</strong> file. »Albert Londres (1929)Chantier du chemin de fer du Mossi, 1943 (C.N.R.S.T. Burkina Faso, photo G. <strong>La</strong>bitte).Représentation de porteurs, 1903 (Archives nationales du Sénégal, 1 G 286).t2p numéric - 04 68 77 22 22« Les indigènes commencent <strong>à</strong> reprocher <strong>à</strong> leurs chefs deles vendre aux p<strong>la</strong>nteurs b<strong>la</strong>ncs, “les B<strong>la</strong>ncs, murmurentils,ont supprimé l’esc<strong>la</strong>vage pour le rétablir sous une autreforme avec <strong>la</strong> complicité <strong>des</strong> chefs.” »Félix Houphouët Boigny (1946)Travail en cadence, 1943 (C.N.R.S.T. Burkina Faso, photo G. <strong>La</strong>bitte).Le chef de canton de Koudougou et sa suite, [1930-1960] (Centre National <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 6/14).


Rites et pratiques<strong>La</strong> religion que pratiquent les peuples voltaïquesdiffère suivant les ethnies, les vil<strong>la</strong>ges ou les familles.Les rituels permettent d’unir les hommes au sein d’unmême c<strong>la</strong>n et de fixer les règles de vie. Le fétiche estl’intermédiaire entre <strong>la</strong> nature et le sacré. Le masque,lors de sa première sortie, naît <strong>à</strong> <strong>la</strong> vie et est habitépar <strong>des</strong> esprits ou <strong>des</strong> ancêtres. L’exemple du peuplemossi permet d’appréhender les principes généraux deces croyances.Masques sacrés Bobos, [début XX e s.] (Société <strong>des</strong>Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/43).Aux yeux de l’observateur étranger, <strong>la</strong> religion chez lesMossi se caractérise par l’absence de dogme, d’une doctrinevéritablement construite. C’est un syncrétisme panthéiste,accordant une p<strong>la</strong>ce prépondérante au rite, manifestationd’une vision immobiliste du monde : l’homme s’acquitte <strong>des</strong>es obligations vis-<strong>à</strong>-vis <strong>des</strong> divinités et attend de celles-ciqu’elles répondent <strong>à</strong> ses vœux.Fétiche de famille, [début XX e s.] (Société <strong>des</strong>Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/39).Le panthéon mossi se compose d’une multitude de divinitéshiérarchisées. L’homme et l’univers ont été créés par un dieusuprême unique, Wende, assimilé au soleil, qui a réglé une foispour toutes <strong>la</strong> <strong>des</strong>tinée de chacun. Aux côtés de cette divinitéinaccessible aux prières, <strong>la</strong> déesse Tenga, ˜ <strong>la</strong> terre, est l’objetd’un culte particulier, de caractère surtout agraire (fécondité etabondance). De nombreuses divinités secondaires jouent le rôled’intermédiaires entre le dieu suprême et les hommes : les kinkirsi,petits génies innombrables (bons ou mauvais) symbolisant les forcesvitales inhérentes <strong>à</strong> toute chose animée ou inanimée ; les tenkuga,petites divinités terrestres dont les supports visibles peuvent être<strong>des</strong> troncs d’arbres, <strong>des</strong> rochers, etc. ; les kimse ou mânes <strong>des</strong>ancêtres.Le koma (P.-L Monteil, De Saint-Louis <strong>à</strong> Tripolipar le <strong>la</strong>c Tchad…, Paris, [1895], p. 89).t2p numéric - 04 68 77 22 22Les principales cérémoniesreligieuses sont en rapportavec le cycle agraire : letînse, en juillet, qui marquele démarrage <strong>des</strong> activitésagricoles ; le bengdo en août,au moment de <strong>la</strong> maturité<strong>des</strong> p<strong>la</strong>ntations ; le basga,en novembre ou décembre,lorsque les récoltes ont étéengrangées.Fétiche de case, [début XX e s.] (Société <strong>des</strong> Missionnairesd’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/40).Fétiche de vil<strong>la</strong>ge Bobo, [début XX e s.] (Société <strong>des</strong>Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/38).Le chef de l’initiation Toussian avec <strong>des</strong> masques représentant le c<strong>la</strong>n du buffle, 1950 (CentreNational <strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 5/34, photo Père Nadal).


Les fétiches détruitsLes sociétés animistes voltaïques connaissent très tôt l’influencede l’is<strong>la</strong>m (dès le XIV e siècle), tandis que le christianisme nepénètre que bien plus tard, au moment de <strong>la</strong> colonisation.Construction de <strong>la</strong> cathédrale de Ouagadougou, [1934] (Société<strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 DV 1/2).Mosquée de Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, [1900-1936] (Centre National<strong>des</strong> Archives d’Outre-Mer, 30 Fi 2/48).Les Mossi du Yatenga découvrent l’is<strong>la</strong>m lorsde <strong>la</strong> prise de Tombouctou vers 1328. Dansles premiers temps, <strong>la</strong> religion musulmanes’imp<strong>la</strong>nte surtout sur les grands axescommerciaux. Au XVIII e siècle, l’is<strong>la</strong>m sedéveloppe peu <strong>à</strong> peu avec <strong>la</strong> sédentarisationde familles dispensant l’enseignementcoranique. Dans les années 1930, pour enrayerle développement d’une confrérie musulmanehostile aux rites animistes et <strong>à</strong> <strong>la</strong> dominationoccidentale, les autorités coloniales, s’alliantaux chefs coutumiers, privilégient les milieuxmusulmans traditionnels, jugés plus modérés,favorisant ainsi leur expansion.<strong>La</strong> mosquée de Bougaména (L. G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, p. 443).<strong>La</strong> bénédiction (L. G. Binger, Du Niger au golfe de Guinée…, Paris, 1892, p. 457).<strong>La</strong> mission catholique de Ouagadougou, [vers 1930] (Société<strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 DV 1/6).Mossi chrétiens, [vers 1930] (Société <strong>des</strong> Missionnairesd’Afrique, A. D.<strong>Aude</strong>, 47 DV 1/9).Lorsqu’il crée en 1868 <strong>la</strong> Société <strong>des</strong>Missionnaires d’Afrique, le cardinal <strong>La</strong>vigeriesouhaite encourager les conversions aucatholicisme. C’est <strong>à</strong> Koupé<strong>la</strong> en 1900,puis <strong>à</strong> Ouagadougou en 1901, que les PèresB<strong>la</strong>ncs fondent les premières missions. Enétudiant les coutumes et les <strong>la</strong>ngues locales,en créant <strong>des</strong> écoles et <strong>des</strong> dispensaires, enluttant contre l’esc<strong>la</strong>vage et le travail forcé,ils cherchent <strong>à</strong> s’intégrer <strong>à</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion et <strong>à</strong>é<strong>la</strong>rgir leur audience. Mais leurs métho<strong>des</strong>,parfois sévères voire brutales, font que lesmissionnaires sont plus redoutés qu’aiméspar les popu<strong>la</strong>tions.<strong>La</strong> mission catholique de Ouagadougou, [vers 1904] (Société<strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 DV 1/4).t2p numéric - 04 68 77 22 22Les chefs, d’abord hostiles <strong>à</strong> ces nouvelles religionsqui mettent en danger leurs pouvoirs, se font par<strong>la</strong> suite plus conciliants, s’efforçant toutefois depréserver les coutumes ancestrales. A <strong>la</strong> veille del’indépendance de <strong>la</strong> Haute-Volta, sur une popu<strong>la</strong>tiontotale de 4 000 000 d’habitants, 800 000 sontmusulmans tandis que 400 000 sont catholiques.Salutations de bienvenue <strong>à</strong> un Père B<strong>la</strong>nc, [début XX e siècle] (Société <strong>des</strong>Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 DV 1/10).Chef Balloun naba avec ses pages, [début XX e siècle] (Société <strong>des</strong> Missionnaires d’Afrique, A. D. <strong>Aude</strong>, 47 Dv 1/26).

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