L’enjeu principal pour les responsables desgroupes de grands passages, qu’ils soient laïquesou évangéliques, est de donner une image respectueusede leur communauté, qui passe pardes garanties concernant l’état du terrain et lerespect des délais fixés pour la durée du séjour.En contrepartie, ils exigent que les sites qui leursont proposés ne portent pas atteinte à leurauto-estime, d’autant plus que leur demande,univoque, s’en tient au principe de dignité : terrainsstabilisés et enherbés (pour éviter la poussière)raccordés à l’eau et l’électricité (l’emploides groupes électrogènes ayant considérablementdiminué ces cinq dernières années avec lahausse du prix du carburant).Les aires de grands passages sont destinéesà couvrir les besoins d’accueil de ces grandsgroupes organisés en associations et qui, généralement,anticipent leur arrivée par voie decourrier 8 . Dans l’Hérault comme dans beaucoupde départements qui ne disposent pasd’un nombre suffisant d’aires d’accueil, les élusestiment que les grands passages posent moinsde problèmes que les petits groupes locaux. Certainescommunes ont même exprimé, lors de larévision du schéma départemental, leur souhaitde réaliser une aire de grands passages en lieu etplace de l’aire d’accueil qui leur était demandée.La dimension financière constitue évidemmentun élément à prendre en compte, le coût d’uneaire d’accueil s’élevant à 1,4 millions d’eurostandis que celui d’une aire de grand passagechiffre plutôt à hauteur de 400 000 euros. Ainsi,alors qu’en 2003 le schéma héraultais stipulait laréalisation de 840 places de caravanes en airesd’accueil et 1150 places de caravanes en aires degrands passages, ces obligations sont passées en2011 à 704 places de caravanes en aires d’accueilet 1830 places en aires de grands passages. Enterme de réalisations effectives, l’Hérault disposede 190 places permanentes réparties en 6aires d’accueil qui ne ferment qu’une quinzainede jours dans l’année pour effectuer des travaux.Les aires de grands passages réalisées offrentquant à elles une capacité d’accueil de 500places mais leur ouverture est conditionnée parl’arrivée d’un groupe conséquent sur le département.Ces places en aires de grands passagesne sont donc pas comparables aux places proposéesen aires d’accueil du simple fait qu’ellesn’existent que de façon temporaire. Les collectivitésprévoient une ouverture et une gestionestivale de ces équipements, parfois même uneimplantation compatible avec la saisonnalitésupposée des grands passages 9 . Enfin, ces airesdites «de grands passages» n’offrent aucun élémentde confort : il s’agit en tout et pour tout deterrains enherbés alimentés en eau, le plus souventen électricité 10 , disposant d’une cuve pourl’évacuation des eaux usées et dans le meilleurdes cas d’un bloc sanitaire amovible.Le premier conflit qu’il me semble importantd’évoquer avant d’entrer dans des considérationsplus «empiriques» est celui qui décline, surle plan des textes réglementaires, trois niveauxde responsabilité ou du moins de «compétence»concernant l’accueil de ce type de groupes :l’Etat, puis les collectivités et enfin les particuliers.En effet, la circulaire n°2003-43/UHC/DU1/11 du 8 juillet 2003 «relative aux grandsrassemblements des gens du voyage : terrains degrands passages» précise que «les terrains misà disposition des grands groupes sont à rechercherprioritairement dans le patrimoine de l’Etat (…).Lorsque l’Etat ne dispose pas de terrain répondantaux conditions requises, peuvent être utilisés desterrains faisant partie du domaine public ou privéd’une collectivité territoriale ou encore des terrainsappartenant à des particuliers. Dans ce dernier casl’accord du propriétaire est obligatoire.» Autantdire que la question de l’accueil des grands passagesest rendue entièrement «publique». Dansl’Hérault, les recherches de terrains dans le patrimoinede l’Etat n’ont pas donné de résultatsprobants. Les collectivités, malgré le peu d’aménagementque représente une aire de grandspassages et le taux maximal d’aides financièresoctroyées par l’Etat 11 , sont encore majoritairementdéfaillantes en la matière. Il va donc sansdire que les particuliers couvrent une partie nonnégligeable de l’accueil des grands passages 12 ,moyennant parfois des compensations financièresde la part des voyageurs.Les collectivités, malgré le peu d’aménagementque représente une aire degrands passages et le taux maximald’aides financières octroyées par l’Etatsont encore majoritairement défaillantesen la matière. Il va donc sans dire que lesparticuliers couvrent une partie non négligeablede l’accueil des grands passages,moyennant parfois des compensationsfinancières de la part des voyageurs.8- Dans l’Hérault, 57% des groupes avaient annoncé leur arrivéepar courrier en 2010 et 75% des groupes en 2011.9- L’une des aires de grands passages de l’Hérault est situéeen zone inondable et ne peut en conséquence être ouverteentre le 30 septembre et le 1 er mai.10- Le raccordement électrique n’est pas obligatoire pourl’aménagement d’une aire de grands passages (les groupesélectrogènes étaient très fréquemment utilisés au momentdu vote de la loi Besson ; ce qui n’est plus le cas aujourd’huiavec la hausse du prix du carburant). Aujourd’hui, l’absencede possibilité de raccordement au réseau électrique est unmotif de refus d’installation de la part des responsables desgroupes qui considèrent qu’il s’agit d’une incitation à se raccorderillégalement sur le réseau public.11- Dans la limite du seuil de 114 000 euros par opération.12- À titre d’exemple, en 2011, sur 36 étapes de grands passagesrépertoriées dans l’Hérault, seulement 7 ont eu lieusur des aires aménagées et validées par l’Etat.145
Aire d’accueil de grands passages de Mauguio. Languedoc-Roussillon, 2011 © Alexandra Frankewitz Photographe / TransitL’effet « culbuto » du dispositifsupplétif d’accueildes grands passagesLes grands passages relèvent du domaine de la«sécurité publique». En l’absence de possibilitéde les accueillir sur des équipements prévus àcet effet, ils constituent des menaces d’atteinte àla propriété privée. Si l’été certaines aires d’accueilde la région sont délaissées car leur revêtementgoudronné ne permet pas aux familles d’y resterpendant les périodes les plus chaudes, les grandspassages fleurissent le long du littoral et s’intègrentdans le paysage estival. A tel point que cesinstallations spontanées sont devenues un sujetde divertissement sur internet, alimenté de photoset vidéos d’amateurs, toujours appréhendé sousson aspect spectaculaire, mais dont le ton mêle laconsternation à la fascination. Bien entendu, lescitoyens lambda n’imaginent pas l’ampleur du travailréalisé par les groupes pour anticiper leur arrivéeet éviter d’être obligés de «prendre d’assaut»des terrains, qu’ils soient publics ou privés.«Ça a été plus difficile l’an dernier puisque là enl’occurrence les gens du voyage se sont installés surun terrain à nous alors que mon père était en trainde travailler sur cette parcelle à ce moment-là avecle tracteur. La question était simple : ou il partait,ou on lui renversait le tracteur dans le fossé» témoigneun propriétaire agricole qui tolère depuisplusieurs années des installations de grands passages13 . Alors que la municipalité dont il dépenda barricadé et rendu inaccessibles l’intégralité des146terrains communaux qui pourraient être utiliséspar les grands passages, il doit composer chaqueannée avec cette réalité qui se déroule parfois dansune atmosphère très tendue. Pour les voyageurs,le tout est de parvenir à faire entrer quelques caravanessur un terrain qu’ils ont repéré, avant quela police municipale ne vienne s’interposer et entraverl’accès des caravanes restées sur la chaussée.Celles-ci, généralement plus nombreuses,attendent la suite des négociations qui ont lieuentre l’Etat représenté par sa médiatrice (moimême),la collectivité et le propriétaire lorsqu’ilest joignable. La sécurité publique nécessite quoiqu’il en soit une évacuation de la voie publique.Nous arrivons toujours à trouver une solution, lesfamilles le savent et en général, dès lors que lespouvoirs publics prennent en charge la situation,les tensions s’apaisent. Les discussions se déroulentdans l’optique de trouver un compromisentre la reconnaissance du préjudice subi et lanécessité qu’ont les gens du voyage de s’installer,ces derniers invoquant de façon quasi-rituelle lescourriers envoyés à l’avance aux collectivités, lesattestations de bonne conduite signées d’autresmaires et enfin la compensation financière quiest un principe auquel ne dérogent quasimentjamais les groupes de grands passages. Lorsqu’ilsne parviennent pas à indemniser directement lepropriétaire, ils adressent un don au centre com-13- Nous sommes dans une commune voisine de la ville deSète, où une aire de grands passages est programmée depuis2003 à l’échelle intercommunale. À ce jour les propositionsde terrains faites aux services de l’Etat n’ont pas donnésatisfaction...
- Page 4 and 5:
Avant - proposGénéalogied’un re
- Page 6 and 7:
De l’Habitat à l’Habitat Lége
- Page 8 and 9:
Suivent les résumés et analyses d
- Page 10 and 11:
Hors-champ 01 Pierre GilletLa Natur
- Page 12 and 13:
Les résistances àl’idée d’ha
- Page 14 and 15:
Art 01 /L’habitat mobile,éphém
- Page 16 and 17:
Mais les conflits d’usage dans le
- Page 18 and 19:
La progression de ces formes d’em
- Page 20 and 21:
S.BL’étude de ces questions impo
- Page 22 and 23:
C’est bien la force motrice du su
- Page 24 and 25:
Ce travail d’auto-médiatisation
- Page 26 and 27:
Esthétiquement, les aires d’accu
- Page 28 and 29:
A partir de là, comment arriver à
- Page 30 and 31:
4 / La nécessité d’avoiraccès
- Page 32 and 33:
À côté des personnes souffrant d
- Page 34 and 35:
3,6 millions de personnes sont mal
- Page 36 and 37:
Art 01 /Les NewTraveller’s :Mobil
- Page 38 and 39:
Si, dans un premier temps, le dépa
- Page 40 and 41:
Aire d’accueil mise à dispositio
- Page 42 and 43:
2/ Analyse globaleDe ces problémat
- Page 44 and 45:
Revenus et occupationsMadame Legran
- Page 46 and 47:
Camping municipal de Toulouse. Jere
- Page 48 and 49:
Quid de l’habitat léger ?Une dé
- Page 50 and 51:
Art 05 /Une figure dutravail mobile
- Page 52 and 53:
Teneur des propos recueillisOn a af
- Page 54 and 55:
2 / Un coût relativement modérée
- Page 56 and 57:
Art 07 /L’HabitatLéger et Mobile
- Page 58 and 59:
3 / Sociologie et intégrationL’i
- Page 60 and 61:
On s’en doute, la municipalité (
- Page 62 and 63:
Mais comment assurent-ils leur quot
- Page 64 and 65:
t’es pris à la gorge. […] On t
- Page 66 and 67:
Commençons par rappeler que la Ter
- Page 68 and 69:
Quant aux humains, et c’est ce qu
- Page 70 and 71:
Malheureusement, les problématique
- Page 72 and 73:
3 / 1Habitat léger / mobile et soc
- Page 74 and 75:
Parallèlement, dans les années 90
- Page 76 and 77:
Annexes>> Quelques repères en mati
- Page 78 and 79:
- Mars 2011 : le maire fait supprim
- Page 80 and 81:
Cela dit, il ne faudrait pas pour a
- Page 82 and 83:
Famille de Martha /Camp de la poudr
- Page 84 and 85:
«Je n’ai pas l’eau courante. [
- Page 86 and 87:
Instruction et relations socialesL
- Page 88 and 89:
39- Ce qui était le postulat d’A
- Page 91 and 92:
3 / 2Habitat léger / mobile et env
- Page 93 and 94:
92Gio
- Page 95 and 96: Donc, la pensée unique actuelle es
- Page 97 and 98: 96Des exemples d’actions d’acco
- Page 99 and 100: Hors-champ02LE DROITpublicPierre Gi
- Page 101 and 102: Qu’est-ce que le droit public ?No
- Page 103 and 104: Un droit en évolutionLa diffusion
- Page 105 and 106: à ne pas tomber dans le «je fais
- Page 107 and 108: 4 / 1Le diagnostic : statuts des ha
- Page 109 and 110: • Point de blocage : nommer et qu
- Page 111 and 112: 110
- Page 113 and 114: 1123. Les résidences d’accueil,d
- Page 115 and 116: 114Statut des habitants et naturede
- Page 117 and 118: Conclusion :Droit à l’expérimen
- Page 119 and 120: Art 02 /118Le droitau Logement pour
- Page 121 and 122: Le droit positif 5 considère égal
- Page 123 and 124: 122Le carnet anthropométrique d’
- Page 125 and 126: II. Le « Gens du Voyage » 12Le te
- Page 127 and 128: IV. L’Habitat ChoisiPlusieurs ass
- Page 129 and 130: II. L’ «habitant permanentde ter
- Page 131 and 132: - Un terrain familial fait partie d
- Page 133 and 134: 4 / 2Les interactions entre les hab
- Page 135 and 136: ContexteLes données INSEE indiquen
- Page 137 and 138: Il arrive même parfois d’entendr
- Page 139 and 140: 138Des leviers ?Il faut souligner q
- Page 141 and 142: 140De l’exclusionToutes les forme
- Page 143 and 144: M. Untel est adjoint au maire d’u
- Page 145: Art 04 /Les conflitsd’usages auto
- Page 149 and 150: Les aires de grands passagesau pris
- Page 151 and 152: 150Aire d’accueil de grands passa
- Page 153 and 154: Une premièreconclusion ?Nous avons
- Page 155 and 156: Ils / ellesont contribuéà ce recu
- Page 157 and 158: 156Gens du Voyage et monde tsigane
- Page 159 and 160: RemerciementsCet ouvrage est le fru
- Page 161: p 64 empreintes, S. Braultp 66-67 l