Cela dit, il ne faudrait pas pour autant nier lesdifficultés, certains défauts et inconvénients del’HL, et de la pauvreté plus généralement, maisplutôt les interroger. Et quelles qu’en soient lescauses (qui sont détaillées dans les autres articlesdu recueil et doivent rester en toile de fond toutau long de cet article), on ne peut s’éviter de penseraux conséquences.Après cette longue précaution, revenons ausujet : les enfants dans tout cela ? Font-ilscomme ils l’entendent ? Qu’ont-ils choisi ? Etsont-ils dans de bonnes conditions pour grandir,pour assurer leur santé, leur scolarité ? Ont-ils desrelations sociales variées et enrichissantes ? Bref,ont-ils les mêmes chances que les autres ? 10N’avons-nous pas collectivement leur responsabilité? 11 Heureusement que les parents ne sontpas entièrement souverains, le «chef de famille»et son impunité n’ont plus cours et nous ne pouvonsque nous en réjouir. L’individu a des droitset les enfants ont parfois besoin d’aide pour lesfaire respecter. La maltraitance, par exemple, nousoblige à intervenir, nous, collectivement. Et il estimportant de veiller à ne pas fixer notre attentionuniquement sur le spectaculaire et ne pas privilégierl’émotion à la réflexion, le cas particulier àl’intérêt général. Nous ferions comme les journalistesqui interrogent des gens bloqués dans lesbouchons pour mieux dénoncer les grèves destransports qui prennent les «usagers en otage» etennuient le «bon citoyen» qui va bosser, lui. Oucomme l’homme politique qui légifère à la hâteaprès chaque fait-divers. Enfin, nier qu’il failleimposer des lois et des normes et même parfoisprotéger les enfants serait refuser la réalité etfuir nos responsabilités, laisser les mômes subirleur sort et s’en laver les mains. Quant à ceux quiévacuent toute question normative sous prétexteque les notions de bien-être, de confort, de sûreté,de salubrité, d’instruction etc. sont hautementsubjectives 12 , ils esquivent la réflexion et l’obligationde se fixer des limites, des garde-fous, maisaussi des garanties, des protections collectives. 13Pour jouer, il nous faut respecter certaines règlesdu jeu… 14 Et nous n’avons que faire de ceux quise la jouent perso’ et ont appris à dribbler uniquementpour mieux se passer des autres.9- « Les barracas [nous sommes ici au Portugal] sont réputéesoccuper tous les espaces laissés vacants de la ville etde ses environs. […] Elles échappent à toute réglementationde l’urbanisme. Pourquoi ces habitats précaires ont-ils ététolérés au fil des années ? ``Parce que les autorités localeset nationales y ont trouvé leur intérêt, répond Maria JoséMaranhào, sociologue au Centre d’études territoriales deLisbonne. Sur un marché légal de l’habitat très spéculatifcar les terrains à bâtir sont rares, et avec une politique de logementssociaux défaillants, les constructions de baraquesapportent une réponse ``spontanée’’ au besoin de logementdes ouvriers. Ceux-ci n’ayant pas à supporter de loyers, lespressions à la hausse sur les salaires sont réduits. Ce quigarantit une main d’œuvre toujours compétitive’’ ». Article «Liquider les baraques » d’Emmanuel Vaillant dans Le MondeDiplomatique de janvier 2000.10- Effectivement, la liberté ne suffit pas, encore faut-ilqu’il y ait équité.11- « Le seul moyen de lever la difficulté est de nier le postulatd’après lequel les droits de l’individu sont donnés avecl’individu, c’est admettre que l’institution de ces droits estl’œuvre même de l’Etat […]. C’est lui qui a soustrait l’enfantà la dépendance patriarcale, à la tyrannie domestique, c’estlui qui a affranchi le citoyen des groupes féodaux, plus tardcommunaux », écrivait Emile Durkheim dans ses Leçons desociologie (1898-1900).12- Dans le cadre de la « Loi de mobilisation pour le logementet la lutte contre l’exclusion » du 25 mars 2009, l’habitatindigne a une définition juridique (avec deux options, remédiablesou non) : « Constitue un habitat indigne, les locauxutilisés à des fins d’habitation et impropres par nature à cetusage, ainsi que les logements dont l’état (ou celui du bâtimentdans lequel ils sont situés) expose les occupants à desrisques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécuritéphysique ou à leur santé ». Soit 600 000 logements pour plusd’un million de personnes (Fondation Abbé Pierre, op. cit.).13- Le libre cours des logiques individuelles (même bienintentionnées) produit parfois des effets pervers difficiles àcorriger surtout à mesure que s’affaiblissent les interventionspubliques. Gardons à l’esprit ce que démontre parfaitementl’étude de Didier Vanoni et Christophe Robert (op. cit.) : « Ilfaut insister sur le caractère ``nécessairement’’ administrédu secteur de la construction mais aussi de celui de la gestionlocative […], c’est-à-dire la façon dont ces biens sont mis enface d’une demande […] pour garder son équilibre, […] et fairel’objet de régulations soutenues et d’un cadre réglementairesolide. […] Toute velléité de ``libéralisation’’ ou de dérèglementdu secteur [du logement] se traduit toujours par des dysfonctionnementsgraves qui demandent, pour être rattrapés, desefforts redoublés de la puissance publique ».14- Sachant, sans mauvais jeu de mot, que tout mécanismea besoin d’un petit peu de jeu pour fonctionner, sinonça coince. Autrement dit, « l’excellence, dans la plupart dessociétés, est l’art de jouer avec les règles du jeu, en faisant dece jeu avec la règle du jeu un hommage suprême au jeu [luimême]», écrivait Pierre Bourdieu dans son article « La fabledes débats publics » dans Le Monde Diplomatique de janvier2012 (Extrait tiré de Sur l’Etat. Cours au Collège de France,1989-1992, Ed. Raison d’agir, 2012).79
80Bref, qu’on le veuille ou non, il y a des élémentsque la communauté nationale entendvérifier 15 pour la protection physique et psychiquedes citoyens et en particulier des enfants :la qualité et la sûreté du logement, l’accès à l’eau,à l’hygiène et aux soins, à l’éducation et à l’instruction,aux relations sociales diversifiées etc.Pour chacune de ces considérations, on peut toujoursdire que l’on va s’arranger, qu’on est prêt àprendre certains risques et qu’au final on fait biencomme bon nous semble. Mais même avec unedécharge, les pompiers iront tant bien que maltenter de nous sauver (et au risque de leur proprevie parfois), comme les sauveteurs iront à la recherchede quelqu’un perdu en montagne mêmes’il faisait du hors piste en pleine conscience.Idem avec certaines normes de constructionque l’on voudrait ne pas respecter, mais en casde pépin, les occupants seront tous bien heureuxde jouir des infrastructures et de la solidarité publique(ce qui n’est pas de l’assistanat comme leprétendent trop souvent les imbéciles). La collectivitéest donc un filet de sécurité (c’est d’ailleurssans doute pour cela que nous vivons en société),et à ce titre il est légitime qu’elle ait son mot àdire. Il ne s’agit donc pas d’abolir les lois ni d’éliminertoutes les normes. Il s’agit de les interroger,de saisir leur bien-fondé, d’examiner leurs limiteset exagérations, d’envisager éventuellement desexceptions (pourquoi, comment, sous quellesconditions ? etc. 16 ), et de penser à leurs applications,aux aides éventuelles à apporter, mais aussià ce que nous devons faire si celles-ci ne sont pasrespectées alors que les moyens sont disponibles.Cela dit, et cela ne nous empêche pas d’enparler, une multitude de difficultés et d’inconvénientsn’ont pas à être réglementés, seuls les individuspeuvent en juger. Et il convient de garderà l’esprit que nombre de conséquences parfoistragiques sont dues moins aux manquements desindividus qu’aux conditions qui leurs sont imposées(la pauvreté et la peur de l’expulsion, la difficultéà être officiellement domicilié avec toutesles conséquences que cela implique, le manquede terres d’accueil adaptées et correctementéquipées, la négligence des services communauxenvers le ramassage des ordures ménagères, leslogiques de marché qui tendent à exclure systématiquementles moins solvables, une mauvaisevolonté des élus etc.).L’illégalité et la stigmatisation courantes ont, ilme semble, fait se développer une petite paranoïadans ce milieu, c’est pourquoi j’insiste et je le répète,il n’est pas question ici d’accuser qui que cesoit (à part les pouvoirs publics), ni de mettre toutle monde dans le même panier, mais de mettre enévidence, sans pour autant prétendre y répondre,certains problèmes susceptibles d’apparaître etque l’on ne saurait ni généraliser ni balayer d’unrevers de main.Nous nous limiterons à interroger quatregrands axes : la vie familiale en général ; la santéet les besoins sanitaires ; la promiscuité qu’impliquentsouvent les HL ; et enfin l’instruction et lesrelations sociales.La vie familialeLe choix personnel des parents ne peut suffireà tout justifier, et une famille ne sauraitse limiter au couple. Nous devons évidemmenty incorporer les enfants mais aussi les grands-parents,les oncles et tantes, les cousins et cousines,et pourquoi pas les amis. Qu’en est-il des relationsdes habitants d’HL avec cette famille élargie? Est-ce facilité ou le contraire ? Difficile sinonimpossible de le savoir. À la question «Commentvos parents ont-ils réagi à votre installation dans desyourtes avec vos enfants ? » Fred me répondit que«c’est quelque chose qui change. […] Dans mon milieuà moi, ça a fait un peu flop… (rires) Dans le sens‘‘c’est quoi c’truc ?’’. Pas vraiment du contre mais del’inquiétude et de l’incompréhension. Vivre en yourteleur paraissait totalement surréaliste (rires) Mais letemps faisant […], maintenant, il n’y a plus trop dedifficultés […]. Donc ça va mieux que ça ne l’a été ily a un certain temps». 17 Mais laissons cette questionqui repose sur des situations diverses, et quia des réponses extrêmement variées qui dans lefond nous regardent peu.«lI ne s’agit donc pas d’abolir les lois ni d’éliminertoutes les normes. Il s’agit de les interroger,de saisir leur bien-fondé, d’examinerleurs limites et exagérations, d’envisageréventuellement des exceptions (pourquoi,comment, sous quelles conditions ? etc.)»15- Mais qu’on nous laisse faire notre petite cuisine tranquille !L’Etat a même des inspecteurs du travail qui osent vérifier dansles entreprises si la loi et les normes sont bien respectées. Incroyable,quelle outrecuidance ! Heureusement « les inspectionsdans les entreprises sont de plus en plus rares : en 1974, 30 %des entreprises ont été contrôlées, tandis qu’en 1993, seules14 % l’ont été. Seuls 1250 inspecteurs et contrôleurs couvrentl’ensemble des entreprises privées du territoire français (quiemploient 14 millions de salariés), et ils ne sont assistés que partrente cinq médecins et treize ingénieurs en hygiène et sécurité.[…] Par exemple, pour avoir imposé à ses ouvriers des journéesde 15 h et des semaines de 55h, la société Chantiers modernesn’a dû payer que 8160 F d’amende ! Pour des délits similaires, lemagasin Tati a dû payer 3600 F […] Quand on casse l’Etat-providence,quand on renonce à assurer le bien-être et l’égalité parune véritable politique économique et sociale, il n’y a plus qu’unseul moyen pour maintenir l’ordre : renforcer l’Etat pénal et enfermerles pauvres qu’on ne veut plus aider » constataient SylvieTissot & Pierre Tévanian dans Stop quelle violence ? (2001).16- Le problème avec l’HL c’est qu’il regroupe des réalitésbien différentes suivant que l’on est seul, en couple ou enfamille, que l’on est nomade, sédentaire ou saisonnier, quel’on est posé sur un terrain qui nous appartient ou non, quel’on est dans la légalité ou non, accessible ou reculé, dans uncamion pourri ou dans une (ou des) jolie(s) yourte(s) « purecoton et pure laine » etc.17- Entretien que j’ai réalisé en 2010 pour l’associationRELIER (op. cit.).
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