31.07.2015 Views

CONSOMMATION DURABLE Quel rôle pour le consommateur - Crioc

CONSOMMATION DURABLE Quel rôle pour le consommateur - Crioc

CONSOMMATION DURABLE Quel rôle pour le consommateur - Crioc

SHOW MORE
SHOW LESS

Transformez vos PDF en papier électronique et augmentez vos revenus !

Optimisez vos papiers électroniques pour le SEO, utilisez des backlinks puissants et du contenu multimédia pour maximiser votre visibilité et vos ventes.

PREFACENous sommes tous citoyen, contribuab<strong>le</strong>, <strong>consommateur</strong>, engagé dans une vie socia<strong>le</strong> et de famil<strong>le</strong>. Cela se reflète dans tous nosactes au quotidien. Toutefois, nous ne sommes pas toujours conscients ni du rô<strong>le</strong> joué par la consommation dans nos modes de vieactuels, ni de notre impact et pouvoir en tant que <strong>consommateur</strong>s. Or la consommation durab<strong>le</strong> de biens et services s’avère être un<strong>le</strong>vier important afin de mener une politique en faveur d’un développement durab<strong>le</strong> de nos sociétés.Depuis de nombreuses années, la Politique scientifique fédéra<strong>le</strong> centre ses initiatives sur des domaines où la recherche est porteusede solutions concrètes à des problématiques à large incidence sociéta<strong>le</strong>. Outre son investissement dans la connaissance scientifique,el<strong>le</strong> investit aussi dans la transmission des résultats de la recherche auprès d’un plus large public.Ainsi, la Politique scientifique fédéra<strong>le</strong>, via son programme scientifique d’appui à une politique de développement durab<strong>le</strong>, a lancél’initiative cluster ayant <strong>pour</strong> objectif de favoriser <strong>le</strong>s discussions et échanges entre scientifiques travaillant sur une thématiquecommune au sein du programme.Le cluster « Consommation durab<strong>le</strong> : quel rô<strong>le</strong> <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s ? », coordonnée par l’ULB et menée par une dizaine d’équipesde recherche, a permis <strong>le</strong> dialogue entre scientifiques belges mais aussi étrangers. Cela s’est concrétisé à travers l’organisation dequatre séminaires thématiques et la rédaction d’une part d’un ouvrage scientifique (« Sustainab<strong>le</strong> Consumption, Ecology and FairTrade ») et d’autre part de cette brochure destinée à un grand public.Cette publication, disponib<strong>le</strong> en français et en néerlandais, est donc <strong>le</strong> résultat de la volonté de travail<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong> au sein dumonde scientifique, avec l’ambition de faire connaître <strong>le</strong>s résultats des recherches et de <strong>le</strong>s rendre uti<strong>le</strong>s <strong>pour</strong> tout un chacun. Ceciest d’ail<strong>le</strong>urs un des soucis constants de la Politique scientifique fédéra<strong>le</strong>.En espérant que cet outil vous éclairera sur notre rô<strong>le</strong> de <strong>consommateur</strong>s au quotidien, je vous en souhaite une très agréab<strong>le</strong><strong>le</strong>cture.Dr Philippe MettensPrésident du Comité de direction de la Politique scientifique fédéra<strong>le</strong>


SOMMAIRESOMMAIRE1 Contexte du projet : <strong>le</strong>s questions-clé 32 En quoi <strong>le</strong>s modes de consommation actuels ne sont-ils pas soutenab<strong>le</strong>s? 42.1 Remise en cause des modes actuels de production et de consommation 42.2 Pourquoi consommons-nous et <strong>pour</strong>quoi tant? 52.3 Quoi qu’il en soit, nous consommons trop! 82.4 Que serait une consommation soutenab<strong>le</strong>? 92.5 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s difficultés qui s’opposent à l’émergence de modes de consommation plus soutenab<strong>le</strong>s? 112.6 <strong>Quel</strong>s sont <strong>le</strong>s acteurs qui peuvent contribuer à la mise en oeuvre de modes de consommation plus soutenab<strong>le</strong>s? 123 <strong>Quel</strong> rô<strong>le</strong> <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s? 143.1 Le <strong>consommateur</strong>, vecteur de changement? 143.2 Comprendre <strong>le</strong>s choix et comportements de consommation 143.3 Comment expliquer <strong>le</strong>s changements de comportements intervenus à l’égard du tri des déchets? 173.4 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s motivations sont à la base des choix de consommation durab<strong>le</strong>? 183.5 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s comparaisons peut-on faire entre consommation écologique et commerce équitab<strong>le</strong>? 203.6 Comment caractériser <strong>le</strong>s «<strong>consommateur</strong>s engagés»? 213.7 La consommation soutenab<strong>le</strong> émergera-t-el<strong>le</strong> des initiatives prises par <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s? 224 Comment orienter <strong>le</strong>s modes de consommation vers plus de durabilité ? 244.1 Identifier <strong>le</strong>s barrières et <strong>le</strong>s mesures incitatives 244.2 Critique des stratégies et instruments utilisés 244.3 L’utilisation préférentiel<strong>le</strong> des outils d’information se justifie-t-el<strong>le</strong>? 274.4 En quoi <strong>le</strong> marketing peut-il contribuer à la consommation durab<strong>le</strong>? 294.5 <strong>Quel</strong> rô<strong>le</strong> <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s entreprises? 324.6 Et <strong>le</strong>s pouvoirs publics? 335 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s stratégies de changements? 366 Références bibliographiques 387 Equipes de recherche ayant participé au Cluster 39


2 En quoi <strong>le</strong>s modes de consommation actuels ne sont-ils pas soutenab<strong>le</strong>s ?2.1 Remise en cause des modes actuels de production et de consommationLes impacts environnementaux et sociaux des modes de productionet de consommation des pays riches ne permettent pas queceux-ci, tels qu’ils existent aujourd’hui, soient généralisés dansl’espace et dans <strong>le</strong> temps. En effet, la croissance continue de laconsommation est «naturel<strong>le</strong>ment» remise en cause par la limitationdes ressources et des capacités des écosystèmes à restaurer<strong>le</strong>s équilibres perturbés : épuisement et renouvel<strong>le</strong>menttrop <strong>le</strong>nt de certaines ressources, pollutions et dégradationsde l’environnement, transmission aux jeunes générations d’uneplanète pillée et dégradée qui ne sera plus capab<strong>le</strong> de fournir<strong>le</strong>s ressources nécessaires à la satisfaction de <strong>le</strong>urs besoins (dimensiontemporel<strong>le</strong>). Mais ces modè<strong>le</strong>s, pil<strong>le</strong>urs de ressources,sont éga<strong>le</strong>ment dénoncés du fait des pressions socia<strong>le</strong>s et desinégalités qu’ils génèrent: inégalités de l’accès aux ressourceset à la consommation, non respect des droits fondamentaux destravail<strong>le</strong>urs et des humains dans <strong>le</strong>s chaînes de production, salairesincompatib<strong>le</strong>s avec une vie digne, inégalités devant <strong>le</strong>srépercussions des dégradations de l’environnement (dimensionspatia<strong>le</strong>)…Une étude portant sur <strong>le</strong> métabolisme de 4 vil<strong>le</strong>s européennes (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Suède et Norvège) montre que 70à 80 % de l’énergie utilisée au niveau national est liée aux modes de consommation domestique. Les consommations directessont importantes mais sont souvent surpassées par <strong>le</strong>s consommations indirectes attribuées à la consommation de biens etservices (énergie grise, c’est-à-dire l’énergie <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s produire, <strong>le</strong>s embal<strong>le</strong>r, <strong>le</strong>s distribuer, ...)). Les catégories qui génèrent<strong>le</strong>s plus fortes consommations indirectes d’énergie sont la nourriture, <strong>le</strong> transport et <strong>le</strong>s loisirs (Schoot Uiterkamp, 2007).Le concept de développement durab<strong>le</strong> a été formulé <strong>pour</strong> la premièrefois officiel<strong>le</strong>ment en 1987 dans <strong>le</strong> rapport Brundlandt :«<strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong> est un développement qui répondaux besoins du présent sans compromettre la capacité desgénérations futures de répondre aux <strong>le</strong>urs.» 4Depuis <strong>le</strong> premier Sommet de la terre, en 1992 (Conférence desNations Unies sur l’Environnement et <strong>le</strong> Développement, tenue àRio), de nombreuses initiatives ont été mises en chantier danscette optique, au niveau conceptuel, politique, technique, industriel...Des programmes d’actions sont progressivement élaborés<strong>pour</strong> faire face aux grand défis que sont, par exemp<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> réchauffementclimatique, la pauvreté extrême d’une large partiede la population mondia<strong>le</strong>, la perte de biodiversité, <strong>le</strong>s maladies«environnementa<strong>le</strong>s» (carences et excès).En ce qui concerne <strong>le</strong>s modes de production et de consommation,à côté des programmes relatifs à l’industrie, certainesmesures se sont progressivement orientées vers des politiquescentrées sur <strong>le</strong>s produits et la consommation.<strong>Quel</strong>ques documents politiques de référence- Agenda 21 : Agenda 21 : Earth Summit - The United Nations Program of Action from Riohttp ://www.un.org/esa/sustdev/documents/agenda21/english/agenda21toc.htm- 10-year Framework on Sustainab<strong>le</strong> and Consumption (The Marrakech process), Division for Sustainab<strong>le</strong> development (DESA),United nations and United nations Environment program (UNEP)- Nouvel<strong>le</strong> stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durab<strong>le</strong> adoptée par <strong>le</strong> Conseil de l’UE en juin 2006.http ://ec.europa.eu/sustainab<strong>le</strong>/sds2006/index_fr.htm- Loi du 5 mai 1997relative à la coordination de la politique fédéra<strong>le</strong> de développement durab<strong>le</strong>.- Plans de développement durab<strong>le</strong> 2000-2004, 2004-2008 - www.plan2004.be4World Commission on Environment and Development, Our Common Future (Chairman Gro Har<strong>le</strong>m Brundlandt), Oxford University Press, oxford, 1987.


Néanmoins, malgré certains progrès comme l’amélioration desperformances énergétiques des appareils é<strong>le</strong>ctriques, la misesur <strong>le</strong> marché de produits plus respectueux de l’environnement,l’adoption du tri des déchets ménagers, <strong>le</strong>s tendances sont loinde s’inverser. Au contraire, <strong>le</strong>s modes de consommation occidentauxcontinuent de s’imposer comme un modè<strong>le</strong> enviab<strong>le</strong>.Les niveaux de consommation continuent d’augmenter, partoutdans <strong>le</strong> monde, sans <strong>pour</strong> autant que <strong>le</strong>s inégalités se comb<strong>le</strong>nt-Les gains de productivité obtenus vis-à-vis de l’utilisation desressources disparaissent <strong>le</strong> plus souvent face à l’accroissement<strong>le</strong>s consommations.Beaucoup d’auteurs ont montré que l’amélioration de l’efficacitédes ressources ne suffirait pas <strong>pour</strong> répondre aux besoins detous dans une perspective de développement durab<strong>le</strong>. Ce qu’ilfaudrait augmenter c’est l’efficacité de la consommation et nonseu<strong>le</strong>ment cel<strong>le</strong>s des ressources: comment produire plus debien-être en consommant moins? (P-M Boulanger, 2007).2.2 Pourquoi consommons-nous et <strong>pour</strong>quoi tant?Nous venons de <strong>le</strong> souligner : aujourd’hui, la consommation marchande a une emprise sur nos modes de vie et de pensée sanscommune mesure avec cel<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s autres sociétés ont connu dans <strong>le</strong> passé. Pourquoi consommons-nous tant?Selon, l’OCDE (2006), La consommation évolue sous l’influence de nombreux facteurs, parmi <strong>le</strong>squels:- la croissance économique et l’augmentation du revenu disponib<strong>le</strong> par habitant,- <strong>le</strong>s évolutions démographiques : l’augmentation du nombre de ménages unipersonnels, l’augmentation de la participation desfemmes au monde du travail, l’augmentation de la longévité et l’amélioration de la santé, <strong>le</strong> nombre de retraités…- <strong>le</strong>s changements dans <strong>le</strong>s modes et sty<strong>le</strong>s de vie: <strong>le</strong> développement des loisirs, <strong>le</strong>s préférences culturel<strong>le</strong>s <strong>pour</strong> la diversité, lafacilité et la rapidité, entraînant une demande accrue <strong>pour</strong> des produits plus transformés, plus emballés, des taux d’équipementplus é<strong>le</strong>vés,- d’autres éléments comme: la technologie, <strong>le</strong>s institutions, <strong>le</strong>s infrastructures, <strong>le</strong> cadre politique en place, <strong>le</strong>s produits, serviceset informations disponib<strong>le</strong>s sur ces produits et services,…Néanmoins, cette énumération de facteurs socio-économiques et culturels ne rend pas compte des rapports que <strong>le</strong>s individus et <strong>le</strong>sgroupes d’individus entretiennent avec la consommation de biens matériels et de l’évolution de ces rapports. Avant de pouvoir répondreà la question «Pourquoi une consommation d’une tel<strong>le</strong> importance?», il convient de comprendre <strong>pour</strong>quoi nous consommons.Bien entendu, la compréhension que l’on peut développer de la consommation dépend du point de vue que l’on adopte. AinsiSchoot Uiterkamp (2007) décrit la consommation sous cinq ang<strong>le</strong>s de vue différents correspondant à cinq disciplines:- Selon un point de vue naturaliste, la consommation correspond essentiel<strong>le</strong>ment à une transformation de matière etd’énergie. Cette transformation est un procédé «descendant» qui implique l’apparition de pollutions et la perte d’utilité desressources transformées. La consommation est donc à l’origine d’impacts environnementaux, directs et indirects.- En termes d’écosystème, <strong>le</strong>s plantes sont des producteurs tandis que <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s animaux sont des <strong>consommateur</strong>scar ils assurent des fonctions métaboliques. La plus petite unité économique étant <strong>le</strong> ménage, Schoot Uiterkamp par<strong>le</strong> demétabolisme du ménage.- Les économistes, quant à eux, définissent la consommation comme une partie de l’activité économique tota<strong>le</strong>; el<strong>le</strong> correspondaux dépenses tota<strong>le</strong>s en biens et services de consommation.- Les sociologiques considèrent plutôt <strong>le</strong> consumérisme et <strong>le</strong> décrivent comme une société dans laquel<strong>le</strong> de nombreusespersonnes expriment <strong>le</strong>urs buts dans la vie en partie par l’acquisition de biens dont ils n’ont pas besoin <strong>pour</strong> <strong>le</strong>ur surviemais bien <strong>pour</strong> <strong>le</strong>ur image socia<strong>le</strong>.- L’approche anthropologique souligne <strong>le</strong>s ambiguïtés du mot «consommer» qui suggère à la fois un enrichissement et unappauvrissement. Douglas et Isherwood (1996) 5 définissent la consommation comme l’utilisation de biens matériels quine se réduit pas au commerce et qui est autorisée par la loi.5Douglas, M. and Isherwood,B. (1996) The world of goods. London, New York, Rout<strong>le</strong>dge.


Stern (1997) 6 essaye de combiner différentes visions en donnantla définition suivante: la consommation consiste en transformationspar <strong>le</strong>s activités humaines de matériaux et d’énergie. Laconsommation est importante d’un point de vue environnementaldans la mesure où el<strong>le</strong> rend l’énergie et <strong>le</strong>s matériaux moinsdisponib<strong>le</strong>s <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s utilisations futures, amène <strong>le</strong> système biophysiquedans un autre état ou, par ses effets sur ce système,menace la santé humaine, <strong>le</strong> bien-être ou la qualité d’autreséléments importants <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s personnes. Néanmoins, cette définitiondemeure assez matérialiste, et recoupe peu <strong>le</strong>s approchessociologique et anthropologiqueLa consommation <strong>pour</strong> répondre aux besoins et produire du bien-êtreNous consommons d’abord <strong>pour</strong> répondre à des besoins:besoins physiologiques, besoins de protection mais éga<strong>le</strong>mentbesoins d’appartenance ou de distinction. Ces besoins seraientpeu nombreux, finis et, <strong>pour</strong> certains auteurs, universels. Danscette optique, la production répond à une demande des <strong>consommateur</strong>squi satisfont <strong>le</strong>urs besoins au travers de la consommationet atteignent ainsi <strong>le</strong> bien-être. En micro-économie, lathéorie des choix du <strong>consommateur</strong> postu<strong>le</strong> même que la satisfactionde celui-ci croit avec <strong>le</strong>s quantités consommées et doncavec <strong>le</strong> revenu, qui définit la capacité à consommer. Et, cela sevérifierait tant <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s individus que <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s nations. Ainsi,la consommation est souvent considérée comme un moyen deproduire du bien-être individuel et col<strong>le</strong>ctif.«Le bien-être est une notion comp<strong>le</strong>xe. Sa définition est différente d’un dictionnaire à l’autre mais el<strong>le</strong> fait généra<strong>le</strong>mentintervenir <strong>le</strong>s concepts de prospérité, de santé et de bonheur» (OCDE, 2006).Mais ces explications relatives à la satisfaction des besoins etla production de bien-être subissent de nombreuses critiques.Le <strong>consommateur</strong> serait manipulé par <strong>le</strong> système: à côté de besoinsréels, il chercherait à satisfaire de faux besoins créés par<strong>le</strong> marketing, notamment dans <strong>le</strong> but de soutenir <strong>le</strong>s profits desentreprises. De même <strong>le</strong>s biens matériels fourniraient de faussessatisfactions <strong>pour</strong> certains besoins psychologiques et sociaux.Ainsi, selon Marcuse, l’individu est incapab<strong>le</strong> de faire la distinctionentre ses différents besoins à cause du climat idéologiquedans <strong>le</strong>quel il est plongé. La consommation, <strong>pour</strong> une grandepart, n’offrirait en définitive qu’une illusion de liberté.Quant au lien existant entre la consommation et <strong>le</strong> bien-être, i<strong>le</strong>st diffici<strong>le</strong> à expliciter simp<strong>le</strong>ment, de manière linéaire, comme<strong>le</strong> montrent J.Lintott (2007) et I. Cassier & C. Delain (2006).Lorsqu’on compare <strong>le</strong> PIB 7 par habitant et <strong>le</strong> niveau de bienêtredéclaré, on constate que <strong>le</strong>s courbes n’évoluent pas dans<strong>le</strong> même sens. Certains pays pauvres déclarent des niveaux desatisfaction de vie plus é<strong>le</strong>vés que des pays plus riches. Lescomparaisons entre pays conduisent à des conclusions divergentes:il existe bien une corrélation entre PIB par habitant etbien-être déclaré dans <strong>le</strong>s pays à faib<strong>le</strong>s revenus mais pas dans<strong>le</strong>s pays à revenus plus é<strong>le</strong>vés.Au cours du temps, lorsque <strong>le</strong> PIB par habitant augmente, <strong>le</strong>niveau de satisfaction de vie déclaré n’en semb<strong>le</strong> pas systématiquementinfluencé. Au contraire, dans certains pays comme laBelgique, bien que <strong>le</strong> PIB ait augmenté (<strong>le</strong> PIB par habitant a triplédepuis la dernière guerre mondia<strong>le</strong> dans la plupart des payseuropéens), <strong>le</strong> niveau de satisfaction de vie déclaré a diminué.Comment expliquer cela? 8Sources : PIB : GGDC (2006); SV : European Commission (1973-2005)et Veenhoven (2006). Cité par Cassiers et Delain 2006,Regards économiques, IRES6Stern,P.C. (1997). Towards a working definition of consumption for environmental research and policy. In P.C. Stern, T. Dietz, V.W. Ruttan, R.H. Socolow andJ.L. Sweeney (Eds) : Environmentally significant consumption. Washington D.C, National Academy Press, pp 12-26.7PIB : Produit Intérieur Brut, mesure de la richesse d’un état8Cassiers & Delain (2006)


D’une part, toute richesse est relative; el<strong>le</strong> s’évalue par rapportà cel<strong>le</strong> des autres ou par rapport à une situation passée. L’effetd’habitude et la comparaison socia<strong>le</strong> modifient <strong>le</strong>s normes surbase desquel<strong>le</strong>s l’individu évalue son bien-être. Ils produisentun relèvement constant des aspirations individuel<strong>le</strong>s par rapportau niveau de vie matériel<strong>le</strong>. Ce qui influence <strong>le</strong> bonheur, cen’est pas <strong>le</strong> revenu en lui-même mais <strong>le</strong> revenu dont on disposecomparativement aux autres et/ou par rapport à une situationprécédente.D’autre part, la satisfaction de vie ne relève pas uniquementde la richesse matériel<strong>le</strong>. D’autres facteurs jouent éga<strong>le</strong>ment :santé, relations socia<strong>le</strong>s, loisirs, qualité de l’environnement social,politique et naturel. A l’inverse, <strong>le</strong>s inégalités de revenus, <strong>le</strong>taux de chômage, <strong>le</strong>s problèmes de santé d’origine professionnel<strong>le</strong>,la perte de lien social, la détérioration de l’environnementréduisent la perception du bien-être.D’autres indicateurs de bien-être sont aussi utilisés comme l’espérancede vie, un régime alimentaire adéquat... Ces indicateursmontrent parfois une baisse de bien-être quand la consommationcroit. Toutefois ces indicateurs sont établis à l’échel<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>et ne rendent pas compte des différences et inégalitésexistant à l’intérieur d’une population.Un indice de développement humain, publié depuis 1990, ajoute au traditionnel PIB des indices de qualité de vie comme lalongévité et <strong>le</strong> niveau d’éducation.En 2003, 57 pays présentaient un indice de développement humain é<strong>le</strong>vé. Les 5 premiers étaient, par ordre décroissant, laNorvège, l’Islande, l’Australie, <strong>le</strong> Luxembourg et <strong>le</strong> Canada. 88 pays avaient un indice de développement humain moyen et 31pays un indice de développement faib<strong>le</strong>. Les pays <strong>le</strong>s moins bien classés étaient <strong>le</strong> Tchad, <strong>le</strong> Mali, <strong>le</strong> Burkina Faso, <strong>le</strong> SierraLeone et <strong>le</strong> Niger (dernière position).Source: Programme des Nations Unies <strong>pour</strong> l’Environnement,2005Si la consommation n’apporte pas plus de bien-être, <strong>pour</strong>quoi consommons-nous tant ? Différentes tentatives d’explication sontavancées.Recherche de statut ou piège ?Certains psychologues s’appuient sur des arguments évolutionnistes:la possession matériel<strong>le</strong> participerait à la définition dustatut de la personne; un statut plus é<strong>le</strong>vé donnerait plus dechance de survivre et de se reproduire (psychologie évolutionniste).Les biens matériels joueraient un rô<strong>le</strong> primordial dans <strong>le</strong>positionnement social.John Lintott (2007) reprend la théorie de Hirsch sur <strong>le</strong>s biensde distinction <strong>pour</strong> expliquer la course à la consommation. Lesbiens de position que sont par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s voitures, <strong>le</strong>s résidencessecondaires, un haut niveau d’éducation fournissent desavantages en termes de position socia<strong>le</strong> à ceux qui <strong>le</strong>s possèdent.Néanmoins, ces avantages diminuent au fur et à mesureque d’autres personnes acquièrent ces biens. Prenons l’exemp<strong>le</strong>de la voiture. Au départ, disposer d’une voiture procure plus demobilité et de possibilités d’accès. Avec la mise en circulationde voitures plus nombreuses, des infrastructures nécessairescomme <strong>le</strong>s routes et <strong>le</strong>s garages sont développés. Le développementdes infrastructures permet une délocalisation des habitations,des lieux de travail, des commerces. Cet éloignementconstitue un vrai handicap <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s non motorisés et «enferme»<strong>le</strong>s motorisés dans l’usage de la voiture. A un certain moment,il y a tant de voitures que <strong>le</strong>s routes sont congestionnées. Lesavantages diminuent: vitesses réduites, difficultés d’accès et deparking; <strong>pour</strong>tant la voiture reste indispensab<strong>le</strong>. Les tentativesde restaurer la mobilité par <strong>le</strong> développement de nouvel<strong>le</strong>s infrastructuresne font qu’aggraver <strong>le</strong> problème. Chacun semb<strong>le</strong>enfermé dans une spira<strong>le</strong> de consommation sans pouvoir ensortir.Certains travaux récents proposent que d’autres comportements,davantage liés à la consommation quotidienne, résultentd’un ensemb<strong>le</strong> d’éléments tels que la facilité (convenience), <strong>le</strong>shabitudes, <strong>le</strong>s réponses individuel<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s aux contraintesinstitutionnel<strong>le</strong>s bien plus qu’à une recherche de statut oude démonstration. Les <strong>consommateur</strong>s sont alors considéréscomme «enfermés» dans des processus de consommation nonsoutenab<strong>le</strong>s.


La consommation, une question d’identité?Certains auteurs, notamment Jackson (2007), montrent commentdans <strong>le</strong>s sociétés modernes la consommation participe àla construction de l’identité.Jackson développe son idée autour de quatre propositions:Proposition 1: <strong>le</strong>s motivations des êtres humains peuvent êtredécrites en termes de fonctionnements communs (plutôt qu’entermes de besoins, une notion très discutée): physiologiques, reproductifs,psychologiques, spirituels et sociaux; ces différentsfonctionnement étant en relation <strong>le</strong>s uns avec <strong>le</strong>s autres. Noshabitudes de consommation sont motivées par ces fonctionnements.On <strong>pour</strong>rait penser que seuls <strong>le</strong>s fonctionnements physiologiquesexigent la consommation de biens matériels maisdans nos sociétés <strong>le</strong>s autres types de fonctionnements entraînentéga<strong>le</strong>ment la consommation de biens matériels.Proposition 2: l’identité personnel<strong>le</strong> émerge des relationssocia<strong>le</strong>s; <strong>le</strong>s choix individuels sont sous la dépendance de cesrelations. Cette proposition s’inscrit en faux contre un des principesclé de la modernité : la place centra<strong>le</strong> attribuée à l’individuet au choix individuel. En fait, L’individu est limité vis-à-vis del’adoption de choix sociaux ou environnementaux par différentsfacteurs. En plus des contraintes économiques et physiques habituel<strong>le</strong>mentreconnues, l’individu doit négocier <strong>le</strong>s conflits quise dérou<strong>le</strong>nt entre ses différentes motivations; ce faisant, il estlié autant par <strong>le</strong> tissu social dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong> soi est négocié quepar des contraintes purement personnel<strong>le</strong>s.Proposition 3: Les biens matériels contiennent des significationssymboliques. Ils sont importants, non seu<strong>le</strong>ment <strong>pour</strong> ce2.3 Quoi qu’il en soit, nous consommons trop!Différents exemp<strong>le</strong>s et calculs prévisionnels indiquent que l’accroissementde l’efficacité des ressources ne permettra pas àel<strong>le</strong> seu<strong>le</strong> de satisfaire <strong>le</strong>s besoins de tous sans détériorer <strong>le</strong>potentiel de la planète à satisfaire <strong>le</strong>s besoins des générationsfutures:- Aujourd’hui, <strong>pour</strong> que toute la population mondia<strong>le</strong> disposed’un niveau de consommation équiva<strong>le</strong>nt à celui d’un<strong>consommateur</strong> américain moyen, il faudrait augmenter l’efficacitédes ressources d’un facteur 36. Si des taux d’efficacitéé<strong>le</strong>vés ne sont pas atteints, la lutte contre la pauvreté etl’équité ne seront possib<strong>le</strong>s qu’en recourant à la redistribution.(Lintott, 2007)qu’ils permettent de faire mais aussi <strong>pour</strong> ce qu’ils représententà nos yeux et aux yeux des autres. Les propriétés symboliquesdes biens nous permettent de considérer <strong>le</strong>s possessions matériel<strong>le</strong>scomme une partie de notre moi. Le <strong>consommateur</strong> individue<strong>le</strong>st enfermé dans un processus continu de constructionet de reconstruction identitaire dans <strong>le</strong> contexte d’un univers desymbo<strong>le</strong>s sociaux et culturels continuel<strong>le</strong>ment renégocié.Proposition 4: La société de consommation est une défenseculturel<strong>le</strong> contre la perte de sens (anomie).Toute société est, souligne Jackson, une défense contre l’anomie.Le rô<strong>le</strong> évolutif des structures socia<strong>le</strong>s est précisément de fournirdes lois et des institutions socia<strong>le</strong>s qui préservent l’intégritéde la société et la défend contre <strong>le</strong>s chocs et <strong>le</strong>s intrusions.Ainsi, certains de nos fonctionnements sociaux et psychologiquesessentiels sont médiatisés au travers des relations quenous entretenons avec <strong>le</strong>s biens de consommation. Si nouspouvons répondre à ces fonctionnements sans recourir à desbiens matériels, il sera alors possib<strong>le</strong> d’orienter <strong>le</strong>s attitudeset <strong>le</strong>s comportements vers des choix plus soutenab<strong>le</strong>s. Mais lacomp<strong>le</strong>xité des relations existant entre l’identité, <strong>le</strong>s biens et<strong>le</strong> fonctionnement social devraient nous prévenir contre touteprescription simpliste de changement social. D’autant que <strong>le</strong>fonctionnement du système productif, de la croissance et dumarketing, sont orientés de façon à ce que des réponses à cesdifférents types d’attentes soient trouvés dans des achats et despratiques de consommation.- Dans 50 ans, si la population doub<strong>le</strong> et qu’un niveau de productionet de consommation soutenab<strong>le</strong> est atteint partoutdans <strong>le</strong> monde, la charge environnementa<strong>le</strong> par tête <strong>pour</strong>raitaugmenter d’un facteur 5. En vue de réduire de moitié lacharge environnementa<strong>le</strong> par tête, la satisfaction d’un besoindevra être 20 fois plus éco- efficiente que maintenant :une amélioration d’un facteur 20. (Green K. & Vergragt P.,2002)Si la population augmente de 50%, cette amélioration devraatteindre un facteur 15.


L’empreinte écologique est une mesure de la consommation humaine de ressources naturel<strong>le</strong>s, exprimée en hectares globaux.L’empreinte (d’un pays, d’une vil<strong>le</strong> ou d’une personne) correspond à la surface tota<strong>le</strong> nécessaire <strong>pour</strong> produire la nourriture et<strong>le</strong>s fibres qu’il consomme, absorber <strong>le</strong>s déchets provenant de sa consommation d’énergie (une grande partie de l’empreinteest relative au CO2), son infrastructure.Seul 1/4 de la surface de la Terre est biologiquement productive (forêts, eau douce, zone côtières, pâturages…). Au total,l’humanité doit se partager 11,3 milliards d’hectares - soit 1,8 hectare global/pers. En 2001, l’empreinte écologique étaitde 2,2 hectares globaux par personne, soit 21% de plus que disponib<strong>le</strong>. Ce dépassement signifie que <strong>le</strong> capital naturel estdépensé plus vite qu’il n’est régénéré.Source: WWF Belgium2.4 Que serait une consommation soutenab<strong>le</strong>?Si <strong>le</strong>s modes de production et de consommation actuels nesont pas soutenab<strong>le</strong>s, quels changements doivent intervenir ?Comment satisfaire équitab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s besoins de 8,5 milliardsde personnes (estimation <strong>pour</strong> 2050) tout en préservant <strong>le</strong> potentielde la planète à satisfaire <strong>le</strong>s besoins des générationsà venir? La question est comp<strong>le</strong>xe et mobilise de nombreusesréf<strong>le</strong>xions. Il n’y a pas aujourd’hui d’accord sur <strong>le</strong>s objectifs et<strong>le</strong>s moyens à mettre en œuvre: suffira-t-il d’accroître l’efficacitédes ressources et de consommer mieux? Ne s’agit-il pas plutôtde mieux partager <strong>le</strong>s ressources et redistribuer l’accès à laconsommation?La question de la consommation soutenab<strong>le</strong> est souvent envisagéedu seul point de vue environnemental, notamment celui desressources. Pourtant el<strong>le</strong> ne se limite pas à une consommationécologiquement viab<strong>le</strong>, et inclut aussi <strong>le</strong>s dimensions économiqueset socia<strong>le</strong>s du développement durab<strong>le</strong> (lutte contre lapauvreté, partage de l’accès aux ressources et à la consommation,souveraineté alimentaire, respect des droits humains etdes droits des travail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong>s chaînes de production, justerevenu <strong>pour</strong> <strong>le</strong> travail et commerce équitab<strong>le</strong>, …). Dès lors laLe coin des définitions «officiel<strong>le</strong>s»fixation d’objectifs en matière de consommation soutenab<strong>le</strong> secomp<strong>le</strong>xifie encore.S’il est diffici<strong>le</strong> de préciser des objectifs généraux de consommationdurab<strong>le</strong>, il est néanmoins possib<strong>le</strong> de déterminer l’orientationet parfois l’amp<strong>le</strong>ur d’un changement nécessaire. Ainsiau niveau environnemental, <strong>le</strong>s niveaux de CO2, la qualité del’air et de l’eau, <strong>le</strong>s tendances en matière de production dedéchets, entre autres indicateurs, montrent non seu<strong>le</strong>mentquels sont <strong>le</strong>s principaux domaines où <strong>le</strong>s efforts de protectionde l’environnement devraient être intensifiés mais aussi dansquel<strong>le</strong> mesure <strong>le</strong>s ménages contribuent au problème et <strong>le</strong>s solutionsà apporter.Les modes de consommation ne seront soutenab<strong>le</strong>s que s’ilssont écologiquement viab<strong>le</strong>s et s’ils intègrent <strong>le</strong>s dimensionssocia<strong>le</strong>s déjà citées: accès équitab<strong>le</strong> <strong>pour</strong> tous aux ressourceset à la consommation, soutien aux produits et services issusde modes de production socia<strong>le</strong>ment responsab<strong>le</strong>s, commerceéquitab<strong>le</strong>.Le terme «consommation soutenab<strong>le</strong>» est entré dans <strong>le</strong>s discoursdes Nations Unies en 1992 au Sommet de Rio. Différentesinstitutions ont proposé des définitions de la consommationdurab<strong>le</strong>, soutenab<strong>le</strong>, écologiquement viab<strong>le</strong>. Ces définitionsprésentent des points communs et des divergences. La plupartdes définitions mettent l’accent sur <strong>le</strong>s questions environnementa<strong>le</strong>s,notamment la gestion des ressources, et <strong>le</strong> droit desgénérations futures à satisfaire <strong>le</strong>urs besoins. Mais peu abordentexplicitement la question du partage équitab<strong>le</strong> de l’accèsaux ressources et du droit qu’ont tous <strong>le</strong>s êtres humains à satisfaire<strong>le</strong>urs besoins, notamment par <strong>le</strong> biais de la consommation.Les tensions se nouent autour de la question de savoir s’ilconvient de consommer autrement ou de consommer moins. Leconsensus institutionnel existant tend à s’accorder autour de laproposition à consommer autrement, c’est à dire à consommerdes produits plus «soutenab<strong>le</strong>s». Ce consensus évite <strong>le</strong> débatsur <strong>le</strong> niveau de consommation, la nature du comportement deconsommation et l’importance des changements de sty<strong>le</strong> devie.


La consommation écologiquement viab<strong>le</strong> (Brundtland,1994) correspond à l’utilisation de services et de produits quirépondent à des besoins essentiels et contribuent à améliorer lavie tout en réduisant au minimum <strong>le</strong>s quantités de ressourcesnaturel<strong>le</strong>s et de matières toxiques utilisées, ainsi que <strong>le</strong>s quantitésde déchets et de polluants tout au long du cyc<strong>le</strong> de vie duservice ou du produit de sorte que <strong>le</strong>s besoins des générationsfutures puissent être satisfaits.La consommation durab<strong>le</strong> (PNUE,2004) est- la consommation de biens et de services qui répondent auxbesoins essentiels et contribuent à la qualité de la vie desorte que <strong>le</strong>s besoins des générations futures puissent êtresatisfaits- spécifique à un lieu et une problématique- un concept dynamique qui indique <strong>le</strong> sens et parfois l’amp<strong>le</strong>urdu changement souhaité ou nécessaire et peut évoluerdans <strong>le</strong> temps.La consommation durab<strong>le</strong> (Dictionnaire du développementdurab<strong>le</strong>, AFNOR) est «une stratégie axée sur la demande <strong>pour</strong>modifier l’usage des ressources environnementa<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s serviceséconomiques de façon à répondre aux besoins et à augmenterla qualité de la vie <strong>pour</strong> tous, tout en régénérant <strong>le</strong> capitalnaturel <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s générations futures».El<strong>le</strong> est composée des éléments suivants :- Changement structurel par une stratégie de changementsà long terme permettant <strong>le</strong> passage d’une économie industriel<strong>le</strong>à une économie et des modes de vie durab<strong>le</strong>s, allantainsi au-delà de gains incrémentaux d’efficacité;- Équité dans la consommation qui établit l’importance del’équité dans l’accès à la consommation et pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>verdissement de la recherche;- Priorité aux services: priorité à la relation entre <strong>le</strong>s ressourcesenvironnementa<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s services nécessaires aux besoinsde base et à l’amélioration de la qualité de vie (parexemp<strong>le</strong> la nutrition, l’habitat, la mobilité, <strong>le</strong>s loisirs, etc.);- Réorientation des opportunités commercia<strong>le</strong>s: el<strong>le</strong> met audéfi <strong>le</strong>s entreprises de mettre sur <strong>le</strong> marché une nouvel<strong>le</strong>génération de biens et de services durab<strong>le</strong>s et d’étendre <strong>le</strong>urresponsabilité à l’ensemb<strong>le</strong> des impacts du cyc<strong>le</strong> de vie;- Action axée sur la demande: el<strong>le</strong> utilise l’action sur la demandecomme un <strong>le</strong>vier <strong>pour</strong> des bénéfices économiques,sociaux et environnementaux sur la chaîne du produit;- Sty<strong>le</strong> de vie et forces motrices: el<strong>le</strong> aborde <strong>le</strong>s sty<strong>le</strong>s de vieet <strong>le</strong>s forces motrices sous-jacentes de la consommation -comme <strong>le</strong>s revenus, la démographie, la culture et <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs,l’usage du territoire et <strong>le</strong>s politiques publiques - aussi bienque <strong>le</strong> comportement du <strong>consommateur</strong>;- Une priorité <strong>pour</strong> <strong>le</strong> Nord: <strong>le</strong> point de départ est <strong>le</strong> trip<strong>le</strong> impératifdu changement des modes de consommation dans <strong>le</strong>Nord du fait des forts coûts environnementaux des consommationsdu Nord, de l’importance de ces consommations sur<strong>le</strong> commerce, l’investissement et <strong>le</strong>s flux technologiques, del’entraînement des modes de vie du Nord sur <strong>le</strong> Sud;- Responsabilité partagée et solutions diverses: la consommationdurab<strong>le</strong> est de façon croissante une préoccupation partagéedans différents pays riches ou pauvres; cependant il ya différentes priorités et besoins d’action <strong>pour</strong> être insérésdans <strong>le</strong>s différents contextes culturels;- Privé et public: el<strong>le</strong> reconnaît <strong>le</strong>s dimensions individuel<strong>le</strong>s etcol<strong>le</strong>ctives de la consommation: <strong>le</strong> supermarché et la bibliothèque;- Entraînement par <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs: la consommation durab<strong>le</strong> estentraînée de façon ultime par des va<strong>le</strong>urs éthiques et active<strong>le</strong> sens d’une responsabilité étendue <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s choix deconsommation. 9Mais <strong>le</strong>s auteurs de ce dictionnaire ajoutent: «La consommationdurab<strong>le</strong> n’est pas synonyme de consommation écologique,et el<strong>le</strong> inclut aussi <strong>le</strong>s dimensions socia<strong>le</strong>s du développementdurab<strong>le</strong>.» 109Robins N., Roberts S. Our Vision of Sustainab<strong>le</strong> Consumption, International Institute for Environment and Development, 1998.10Brodhag C., Verbrugge G. Consommation durab<strong>le</strong> et va<strong>le</strong>urs culturel<strong>le</strong>s, in Industry and Environment, programme des nations Unies <strong>pour</strong> l’Environnement,1999.10


2.5 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s difficultés qui s’opposent à l’émergence de modes de consommation plus soutenab<strong>le</strong>s ?Aujourd’hui, quinze ans après <strong>le</strong> Sommet de Rio, <strong>le</strong>s changementstardent à se montrer; quels sont <strong>le</strong>s difficultés et <strong>le</strong>sfreins rencontrés qui peuvent expliquer ces débuts laborieux?Selon Edwin Zaccai (2007), la question de la consommationdurab<strong>le</strong> se trouve aujourd’hui à une étape «contradictoire» oùcertaines contradictions agissent comme des freins puissantsvis-à-vis des changements attendus.Première contradiction. Nos économies reposent sur un postulatfondamental: celui de la croissance économique. Dès lors, <strong>le</strong>s<strong>consommateur</strong>s sont encouragés à consommer toujours davantage<strong>pour</strong> soutenir la croissance de l’économie. Dans ce contexte,il est diffici<strong>le</strong> de fixer des limites à la consommation. Dès lors,<strong>le</strong>s discours et <strong>le</strong>s programmes d’action mettent l’accent surla modification des choix de consommation (consommer autrement)plutôt que sur une réduction de la consommation. Mais,alors que l’offre en produits «éco-efficients» croît, <strong>le</strong>s gains dusà l’amélioration de l’efficacité des ressources sont compenséspar des niveaux de consommation plus é<strong>le</strong>vés (effet rebond).Les objectifs écologiques impliquent alors un découplage entrela croissance et <strong>le</strong>s impacts écologiques mais certaines étudesmontrent, comme nous l’avons vu, que ce découplage ne peutsuffire.Autre élément. Bien que la croissance de la consommation nesoit pas toujours associée à une augmentation de bien-être, <strong>le</strong>smodè<strong>le</strong>s culturels et <strong>le</strong> discours publicitaire entretiennent l’idéecontraire, que «<strong>le</strong> bonheur, c’est d’avoir de l’avoir p<strong>le</strong>in nos placards.»(air bien connu). Et, ce modè<strong>le</strong> est exporté partout dans<strong>le</strong> monde si bien qu’on assiste aujourd’hui à une accélérationde l’adoption de standards é<strong>le</strong>vés de consommation dans <strong>le</strong>spays qui s’industrialisent rapidement. Vouloir y mettre des limites<strong>pour</strong>rait être interprété comme de l’éco-colonialisme, sanscompter que nul n’est en mesure de brider autoritairement <strong>le</strong>saspirations à des objectifs de consommation dans des nationsqui s’industrialisent rapidement.Les <strong>consommateur</strong>s tirent des avantages de la compétition exacerbéeentre entreprises qui se traduit par «une guerre de prix»et des prix très bas. Mais cette guerre décourage l’adoption destandards de production plus coûteux intégrant des critères derespect de l’environnement et des critères sociaux, surtout dansun système de production globalisé. En même temps, <strong>le</strong> choixde produits “bons marchés” provenant de pays où l’on pratiquedes salaires très bas peut entraîner la disparition des structuresde production loca<strong>le</strong>s dans des pays à haut niveau de vieet a de graves conséquences socio-économiques, notamment<strong>pour</strong> <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s moins qualifiés. Il semb<strong>le</strong> parfois que<strong>le</strong>s intérêts individuels des personnes, à la fois <strong>consommateur</strong>set travail<strong>le</strong>urs, sont donc en profonde contradiction. Mais enréalité, <strong>le</strong>s risques sont partagés par <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s dontla sécurité peut être mise en défaut; dans ce cas, il y a alorsconvergence des intérêts individuels des personnes, en tant que<strong>consommateur</strong>s et travail<strong>le</strong>urs.Une autre difficulté tient aux types d’instrument privilégiés par<strong>le</strong>s programmes d’action. En effet, <strong>le</strong>s instruments <strong>le</strong>s plus utiliséssont ceux dédiés à l’information des <strong>consommateur</strong>s. Leurchoix tient probab<strong>le</strong>ment au fait qu’ils sont plus faci<strong>le</strong>s à mettreen place que <strong>le</strong> changement des structures par des instrumentsde régulation ou de taxation. Or, l’impact de ce type d’instrumentreste faib<strong>le</strong>. Le modè<strong>le</strong> classique d’un <strong>consommateur</strong> rationnelqui correctement informé peut changer ses habitudes ne fonctionnepas bien (nous <strong>le</strong> verrons). Notamment parce que <strong>le</strong>s choixde consommation résultent d’une dynamique comp<strong>le</strong>xe sous ladépendance de nombreux facteurs (sociaux, psychologiques,économiques, structurels, situationnels,...). En outre, <strong>le</strong>s campagnesde sensibilisation menées par <strong>le</strong>s autorités publiques ou<strong>le</strong>s ONG manquent souvent de professionnalisme face au mondede la publicité. Les citoyens se retrouvent dans un brouillardmédiatique; parmi l’ensemb<strong>le</strong> des messages qui <strong>le</strong>s cib<strong>le</strong>nt, ilsn’en retiennent que quelques uns, parmi <strong>le</strong>s plus percutants.Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de trouver plus d’attitudespositives vis-à-vis de la consommation durab<strong>le</strong> parmi <strong>le</strong>spersonnes présentant un haut niveau d’éducation, bénéficiantsouvent de revenus plus é<strong>le</strong>vés. Là aussi des contradictionsapparaissent puisque ces personnes, plus positives à l’égard dela consommation durab<strong>le</strong> ont des niveaux de consommation, etdonc des impacts écologiques, plus importants. En outre, <strong>le</strong>s<strong>consommateur</strong>s sensibilisés n’expriment pas cette sensibilitépar l’adoption systématique de choix et comportements soucieuxdu développement durab<strong>le</strong>. Comme tous, ils doivent gérer desconflits entre <strong>le</strong>urs différentes motivations, d’ordre individuel etcol<strong>le</strong>ctif, et se trouvent confrontés à une multitude de contraintes.Parmi cel<strong>le</strong>s-ci, <strong>le</strong> manque d’information et de capacitésà traiter l’information ainsi que <strong>le</strong> déficit de confiance vis-àvisdes informations et des sources d’information, rendent <strong>le</strong>s11


<strong>consommateur</strong>s peu capab<strong>le</strong>s de faire des choix entre produitsen faveur de ceux qui répondent aux critères d’une consommationsoutenab<strong>le</strong>.Les politiques axées sur <strong>le</strong>s changements des choix des <strong>consommateur</strong>ssupposent que ces changements seront capab<strong>le</strong>s d’influencer<strong>le</strong>s décisions des producteurs et par là <strong>le</strong>s modes deproduction et <strong>le</strong>s caractéristiques des produits offerts sur <strong>le</strong>marché. Mais une enquête réalisée au niveau européen (Kestemont,1999) a montré que <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s et <strong>le</strong>s organisationsde <strong>consommateur</strong>s n’influencent pas notab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>sdécisions des responsab<strong>le</strong>s «environnement» des entreprises.Pour <strong>le</strong>s entreprises, <strong>le</strong> profil vert des produits n’est pas unfacteur de positionnement de première importance. L’offre enproduits «éco-efficients» reste faib<strong>le</strong>, disparate, de qualité variab<strong>le</strong>.Au niveau social, <strong>le</strong>s accords volontaires n’apportent quedes changements limités et <strong>le</strong>s produits du Fair Trade n’occupentque des niches exiguës. Les changements attendus en matièrede consommation nécessiteront <strong>le</strong> développement d’interactionsavec <strong>le</strong>s entreprises. A cet égard <strong>le</strong>s initiatives prises en matièrede Fair Trade <strong>pour</strong>raient constituer un exemp<strong>le</strong> à étendre dansd’autres secteurs du marché.Un obstac<strong>le</strong> supplémentaire tient à l’absence de véritab<strong>le</strong> politiqueeuropéenne en matière de consommation soutenab<strong>le</strong>. La politiqueeuropéenne des <strong>consommateur</strong>s vise à «contribuer à unemeil<strong>le</strong>ure qualité de vie <strong>pour</strong> tous». El<strong>le</strong> constitue un élémentessentiel de l’objectif stratégique de la Commission consistantà instaurer un nouveau dynamisme économique et à moderniserl’économie européenne. Les mesures prises dans <strong>le</strong> cadre despolitiques de consommation visent à donner aux <strong>consommateur</strong>s<strong>le</strong>s moyens de protéger <strong>le</strong>urs intérêts individuels en opérant deschoix informés. La modification des modes de consommationdans un sens de plus grande durabilité n’est envisagée quecomme l’influence sur <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s d’autres politiquescommunautaires : <strong>le</strong> marché intérieur, l’environnement et <strong>le</strong>développement durab<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s transports, <strong>le</strong>s services financiers,la concurrence, l’agriculture, <strong>le</strong> commerce extérieur, etc.. Onpeut donc affirmer qu’il n’y a pas aujourd’hui de politique européennede la consommation durab<strong>le</strong> et que <strong>le</strong>s initiatives prisesen la matière relèvent des politiques environnementa<strong>le</strong>s et nond’une intégration des principes de développement durab<strong>le</strong> dans<strong>le</strong>s politiques de consommation.L’énoncé de ces contradictions ne constitue pas <strong>pour</strong> autant undésaveu des objectifs de consommation durab<strong>le</strong>, mais plutôt unappel à plus d’efficience et de précision dans <strong>le</strong>s instruments et<strong>le</strong>s stratégies d’acteurs en ces matières.2.6 <strong>Quel</strong>s sont <strong>le</strong>s acteurs qui peuvent contribuer à la mise en œuvre de modes de consommation plusSOUTENAb<strong>le</strong>s?Les différentes études convergent: puisque <strong>le</strong>s choix de consommationdépendent d’un grand nombre de facteurs différents,<strong>le</strong>ur modification impliquera la mise en œuvre coordonnée demesures et d’instruments capab<strong>le</strong>s d’influencer ces différentsfacteurs, par exemp<strong>le</strong>s, l’éco-conception et <strong>le</strong>s normes de produitsfavorisent la mise sur <strong>le</strong> marché de produits plus écoefficients;des politiques d’information et de soutien doiventencourager <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s à <strong>le</strong>s privilégier; des campagnesde sensibilisation sont souvent encore nécessaires <strong>pour</strong> éviter<strong>le</strong>s effets rebond.Dans cette optique, <strong>pour</strong> déterminer où il faut agir et quels sont<strong>le</strong>s moyens à mettre en œuvre, l’approche par cyc<strong>le</strong> de vie offreun cadre d’analyse intéressant. Il permet notamment d’identifier<strong>le</strong>s différents domaines d’action possib<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s niveaux <strong>le</strong>s plusappropriés <strong>pour</strong> l’application des mesures. Une approche «cyc<strong>le</strong>de vie» permet éga<strong>le</strong>ment de mobiliser <strong>le</strong>s différents acteursautour d’un projet cohérent.L’analyse du cyc<strong>le</strong> de vie est un outil d’aide à la décision. El<strong>le</strong> recense et quantifie <strong>le</strong>s flux physiques de matière et d’énergieassociés à chaque étape du cyc<strong>le</strong> de vie d’un produit, en évalue <strong>le</strong>s impacts potentiels puis interprète <strong>le</strong>s résultats obtenus.Sa pratique est aujourd’hui standardisée par la série des normes ISO 14040. (L’éco-conception en actions, ADEME, 2003).Le cyc<strong>le</strong> de vie d’un produit correspond à l’ensemb<strong>le</strong> des étapes par <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s passe un produit. Cela inclut l’extraction et lamise en œuvre des matières premières, la production <strong>le</strong> transport et la distribution, l’utilisation, la réutilisation, la réparation,<strong>le</strong> recyclage, <strong>le</strong> traitement final du déchet. (Dictionnaire du développement durab<strong>le</strong>, AFNOR, 2004).12


Le <strong>consommateur</strong> comme agent économique rationnelBien informé, ce <strong>consommateur</strong> opère des choix rationnels enmaximisant son intérêt, selon des préférences fixes et stab<strong>le</strong>s.L’économie explique comment <strong>le</strong>s humains dépensent <strong>le</strong>ursressources financières, comment ils évaluent <strong>le</strong>s différentespossibilités et comment ils prennent <strong>le</strong>urs décisions d’achat.Selon ce modè<strong>le</strong>, <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> connaît ses besoins et saitcomment <strong>le</strong>s satisfaire. Si ses choix ne correspondent pas auxprojections théoriques, c’est en raison d’un défaut d’information.Sa décision est indépendante des autres institutions que<strong>le</strong> marché, il est un <strong>consommateur</strong> souverain. Les prescriptionspolitiques qui proviennent du modè<strong>le</strong> de choix rationnel sontrelativement simp<strong>le</strong>s. Typiquement, <strong>pour</strong> influencer <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s,il suffit d’accroître <strong>le</strong> flux d’informations ou d’utiliserdes outils financiers <strong>pour</strong> influencer la balance entre <strong>le</strong>s coûtset <strong>le</strong>s bénéfices individuels ou <strong>pour</strong> refléter l’existence de coûtsou de bénéfices sociaux cachés. Mais ce type d’intervention aLe <strong>consommateur</strong> expliqué par ses motivationsL’approche psychologique du <strong>consommateur</strong> explique <strong>le</strong>s comportementspar <strong>le</strong>urs motivations. Cette approche est utiliséeintensivement dans <strong>le</strong> secteur du marketing qui cherche commentconcevoir et positionner <strong>le</strong>s produits <strong>pour</strong> qu’ils soientachetés par <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s. Différents types de motivationssont identifiés. Ainsi, Stern a développé un modè<strong>le</strong> explicatif relatifà l’adoption de comportements écologiques, comprenant 8niveaux de causalité. Dans ce modè<strong>le</strong>, l’individu est au centredu modè<strong>le</strong> et <strong>le</strong> contexte à sa périphérie, <strong>le</strong>s attitudes sont unfacteur d’influence déterminant des comportements. Les attitudessont des «manières» de penser ou de se comporter vis-àvisd’un problème donné. El<strong>le</strong>s se développent à un niveau plusprofond que <strong>le</strong>s opinions et présentent une certaine stabilité; <strong>le</strong>schanger n’est pas faci<strong>le</strong>. Dans ce modè<strong>le</strong> <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> estLe <strong>consommateur</strong> en tant qu’être vivantLes activités humaines sont considérées dans <strong>le</strong>ur écosystème:la consommation est perçue comme une transformation (unedétérioration) de matière et d’énergie. Les problèmes contemporainssont liés au niveau excessif de consommation par <strong>le</strong>s êtreshumains. Cette approche a <strong>le</strong> mérite d’intégrer l’environnementdans <strong>le</strong>s systèmes socio-techniques et de fixer des limites matériel<strong>le</strong>sà la consommation. Mais el<strong>le</strong> néglige <strong>le</strong>s raisons non biophysiquesexpliquant <strong>pour</strong>quoi <strong>le</strong>s humains consomment. Lesbesoins sont évalués au niveau col<strong>le</strong>ctif et non au niveau desindividus. Le <strong>consommateur</strong> individuel n’a pas d’autre pouvoirque celui de dégrader la matière et l’énergie. L’approche biophysiquerévè<strong>le</strong> plutôt <strong>le</strong> pouvoir du <strong>consommateur</strong> col<strong>le</strong>ctif.un succès limité. Cette approche est statique et centrée sur l’individu;el<strong>le</strong> est incapab<strong>le</strong> d’expliquer <strong>le</strong>s changements de préférenceset de tenir compte des influences internes (psychologie)et externes (système socio-technique) qui pèsent sur <strong>le</strong>s choixde consommation. Ce modè<strong>le</strong> longtemps utilisé, en particulierdans <strong>le</strong>s études économiques, est aujourd’hui remis en causecar il ne fonctionne pas bien <strong>pour</strong> comprendre <strong>le</strong>s comportementsobservés en réalité. Pourtant il continue à être utilisé,notamment par ceux qui conçoivent <strong>le</strong>s politiques qui visent àchanger <strong>le</strong>s comportements de consommation et soutient desréf<strong>le</strong>xions aussi importantes que cel<strong>le</strong>s développées par l’OCDE.En analysant <strong>le</strong>s changements de comportements qui sont intervenusau sein de la population belge en ce qui concerne <strong>le</strong> trides déchets, Françoise Bartiaux dresse une critique des modè<strong>le</strong>squi conçoivent <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> comme un agent économiquerationnel (voir point 3.3).défini par ses attitudes et ses comportements; son pouvoir estdéfini par ses choix individuels. Ce modè<strong>le</strong> permet d’expliquerdes «comportements» comme l’achat de biens. Il permet d’expliquer<strong>le</strong>s différences individuel<strong>le</strong>s se manifestant à contexteinchangé. Mais ce modè<strong>le</strong> se révè<strong>le</strong> moins uti<strong>le</strong> vis-à-vis decomportements plus comp<strong>le</strong>xes. Les instruments politiques,reposant sur cette approche, sont la communication marketinget certaines techniques de manipulation. Cette approchesocio-psychologique a été privilégiée lors des discussions degroupe sur la consommation durab<strong>le</strong> menées par Bontinckx etRousseau (voir point 3.4) ainsi que lors de l’analyse réalisée parDe Pelsmaker sur <strong>le</strong> positionnement des produits du commerceéquitab<strong>le</strong> (voir point 4.4).15


Le <strong>consommateur</strong> agissant dans son contexte socialDans cette approche sociologique, <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> est définipar <strong>le</strong>s pratiques - plus proches des actions que des comportements- et <strong>le</strong>s représentations qu’il développe dans un contextedéfini. Ce contexte d’influence comprend <strong>le</strong>s normes et <strong>le</strong>s autresacteurs; c’est par interférence, échange avec <strong>le</strong>s autres, que <strong>le</strong>sindividus forment <strong>le</strong>ur identité; et c’est ce qui est en jeu lorsquel’on achète et consomme un produit. La logique des actions peutvarier largement en fonction des cultures, modes et situations.Un rô<strong>le</strong> important est accordé au progrès technologique qui modifie<strong>le</strong> contexte dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s prennent desdécisions et font des choix. Les individus jouent un rô<strong>le</strong> en tantque co-acteurs mais non de manière isolée. Dans la perspectived’un développement durab<strong>le</strong>, cette approche propose un setd’outils parmi <strong>le</strong>squels figurent en bonne place l’éco-efficienceet la participation. Cette approche est illustrée notamment par<strong>le</strong>s interviews sur la consommation responsab<strong>le</strong> qu’a réaliséColine Ruwet (voir point 3.6) et par <strong>le</strong>s travaux de FrançoiseBartiaux sur <strong>le</strong>s changements de comportements intervenus enmatière de tri des déchets (voir point 3.3).Il existe encore d’autres manières de considérer <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>sAinsi chaque époque peut être caractérisée par un ensemb<strong>le</strong> detechniques et d’objets qui influencent <strong>le</strong>s relations humaines.Les relations traditionnel<strong>le</strong>s ont été remplacées par des relationsaux objets. Les objets que nous consommons n’ont pasqu’une va<strong>le</strong>ur d’usage; ils présentent aussi une dimension plussymbolique, immatériel<strong>le</strong>. Consommer est alors un acte culturel:nous consommons <strong>pour</strong> nous distinguer, créer notre propreunivers; nous consommons des signes, des images autant quedes usages. Or, <strong>le</strong>s objets incorporent de plus en plus de va<strong>le</strong>urimmatériel<strong>le</strong> et d’information, ce qui nécessite de nouvel<strong>le</strong>s facultéschez <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s.Les sty<strong>le</strong>s de vie et <strong>le</strong>s modes de consommation ont évolué trèsfortement en quelques décennies, parallè<strong>le</strong>ment au système socio-technique.De nombreuses études montrent comment <strong>le</strong> systèmesocio-technique et la société s’influencent mutuel<strong>le</strong>ment.Si on considère que <strong>le</strong>s comportements et <strong>le</strong>s pratiques sontdéterminées en grande partie par <strong>le</strong> système socio-technique,alors <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> n’a pas beaucoup de pouvoir: ses comportementsdépendent fondamenta<strong>le</strong>ment de l’époque à laquel<strong>le</strong>il appartient.Si <strong>le</strong>s différents modè<strong>le</strong>s existant appartiennent davantage àl’une ou l’autre approche, certains modè<strong>le</strong>s tentent de concilierdifférents types de facteurs, notamment des facteurs externesliés au marché et au système institutionnel et social et des facteursinternes comme <strong>le</strong>s motivations psychologiques. Des différencess’observent notamment par rapport aux types de facteursd’influence pris en compte, et la manière de rendre compte desrelations existant entre ces facteurs d’influence.À titre d’exemp<strong>le</strong>sSelon <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> Besoin-opportunités-capacités (NOA) 11 , un comportement particulier apparaît quand <strong>le</strong>s individus ont <strong>le</strong>smotivations nécessaires et la possibilité de contrô<strong>le</strong>r <strong>le</strong> comportement. Cette faculté de contrô<strong>le</strong> est déterminée par <strong>le</strong>s opportunitéset <strong>le</strong>s capacités. Les opportunités peuvent se définir comme l’ensemb<strong>le</strong> des conditions externes facilitant l’acquisitiondu comportement, comme la disponibilité objective de biens, des matériaux et des services, <strong>le</strong>ur accessibilité, <strong>le</strong>s informationsadéquates disponib<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s niveaux de prix. Les capacités quant à el<strong>le</strong>s correspondent à l’ensemb<strong>le</strong> des capacités internesd’un individu ou d’un ménage à se procurer des biens et des services : compétences et moyens financiers (revenu, optionde crédit), temporels (plus de temps <strong>pour</strong> partir en vacances), spatiaux (espace dans <strong>le</strong> domici<strong>le</strong> <strong>pour</strong> stocker des biens etdistances des magasins et des services uti<strong>le</strong>s) cognitifs et physiques (santé, aptitude, possession de licences et de permis).Le modè<strong>le</strong> reposant sur des «systèmes de mise à disposition» considère que la consommation d’eau, d’énergie et de nourritureet la col<strong>le</strong>cte des déchets relèvent d’un ensemb<strong>le</strong> de pratiques socia<strong>le</strong>s des ménages, plutôt que de comportementsindividuels et isolés, ces pratiques socia<strong>le</strong>s étant en étroite relation avec <strong>le</strong>s systèmes socio-matériels (par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> systèmede gestion des déchets). Selon ce modè<strong>le</strong>, l’utilisation d’instruments et de mesures politiques visant uniquement <strong>le</strong>s<strong>consommateur</strong>s sont inefficaces <strong>pour</strong> réduire l’impact de la consommation des ménages sur l’environnement. Pour modifier<strong>le</strong>s modes de consommation, ce modè<strong>le</strong> préconise d’agir sur la relation existant entre <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s et <strong>le</strong>s systèmescol<strong>le</strong>ctifs socio-matériels.11Utilisé notamment par Gaters<strong>le</strong>ben, V<strong>le</strong>k16


La capacité d’action attribuée aux <strong>consommateur</strong>s dépend doncdu contexte qui donne sens à l’acte de consommation. La libertéd’un <strong>consommateur</strong> pris individuel<strong>le</strong>ment réside essentiel<strong>le</strong>mentdans <strong>le</strong> choix du magasin, d’acheter tel produit, tel<strong>le</strong> marque,éventuel<strong>le</strong>ment de consommer autrement quand c’est possib<strong>le</strong>.Mais dès qu’un individu décide de ne pas consommer, il sort pardéfinition du registre du <strong>consommateur</strong>. L’attribution de pouvoirou de liberté aux <strong>consommateur</strong>s est forcément restreinte caraujourd’hui c’est principa<strong>le</strong>ment l’offre du marché qui définit<strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s. Pour al<strong>le</strong>r au-delà de la liberté individuel<strong>le</strong>réduite du <strong>consommateur</strong>, il faut passer à la figure du citoyen,qui est alors une autre manière de définir et explorer <strong>le</strong>s relationsde pouvoir et <strong>le</strong>s rapports de force. Mais <strong>le</strong>s deux figuresde <strong>consommateur</strong> et de citoyen ne doivent pas être confonduescar <strong>le</strong>urs contextes de sens et d’action sont très différents.3.3 Comment expliquer <strong>le</strong>s changements de comportements intervenus à l’égard du tri des déchets ?Françoise. Bartiaux (2007) analyse <strong>le</strong>s changements de comportement à l’égard du tri des déchets qui se sont produits en Belgiqueà partir du milieu des années 90. En effet, en une dizaine d’années, la population belge s’est mise à trier ses déchets et à participeraux col<strong>le</strong>ctes sé<strong>le</strong>ctives en vue du recyclage.En 2005, Fost Plus, l’organisme agréé en Belgique dans <strong>le</strong> cadre de l’obligation de reprise des déchets d’emballage, a recyclé82,9 % des emballages mis sur <strong>le</strong> marché.Source : Fost Plus, Rapport d’activités 2005.A cette occasion, F. Bartiaux discute <strong>le</strong>s hypothèses à la base des modè<strong>le</strong>s du <strong>consommateur</strong> rationnel, en particulier <strong>le</strong>s hypothèsesrelatives au rô<strong>le</strong> primordial joué par l’information et à l’adoption de comportement hors de tout contexte institutionnel.Deux théories, en particulier, ont eu et ont toujours beaucoup d’audience : la théorie de l’action raisonnée d’Ajzen & Fishbein(1980) et la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1985). Ces théories prédisent <strong>le</strong> comportement par l’intention d’adopter<strong>le</strong> comportement et par <strong>le</strong>s attitudes. Ces attitudes dépendent des croyances personnel<strong>le</strong>s relatives aux conséquences du comportementet de l’évaluation de ces conséquences. L’intention, el<strong>le</strong>, résulte des attitudes et de la norme subjective, fonctionde la perception de ce que <strong>le</strong>s autres attendent et des motivations à rencontrer ces attentes. Dans la théorie du comportementplanifié, l’intention et <strong>le</strong> comportement sont influencés par la perception du contrô<strong>le</strong> possib<strong>le</strong> des obstac<strong>le</strong>s et des élémentsfacilitants.Se basant sur <strong>le</strong>s résultats d’une enquête quantitative menée auprès de 3.780 ménages belges (1998) 12 , F. Bartiaux montre que<strong>le</strong> changement de comportement s’explique par la perception d’une pression politique forte et <strong>le</strong> développement d’infrastructuresadéquates. Ainsi, on observe que lorsque la pression politique ressentie est forte, tout <strong>le</strong> monde trie de la même manière, ce quin’est pas <strong>le</strong> cas quand la pression ressentie est faib<strong>le</strong>.Sur base de cette enquête et d’autres travaux scientifiques, F. Bartiaux met en évidence certaines observations qui invalide <strong>le</strong> modè<strong>le</strong>de <strong>consommateur</strong> rationnel, notamment- La faib<strong>le</strong>sse de la va<strong>le</strong>ur prédictive de l’évaluation que l’onfait de son propre impact environnemental et <strong>le</strong>s injonctionssi<strong>le</strong>ncieuses à agir faites aux autres. En effet, l’évaluation quel’on porte sur sa participation à la pollution de l’environnementsemb<strong>le</strong> avoir une influence sur <strong>le</strong>s comportements detri des déchets mais pas sur <strong>le</strong>s achats verts. Dans ce cas, ilsemb<strong>le</strong>rait que la rationalité consiste à considérer que ce sont<strong>le</strong>s autres qui doivent agir.- La pluralité des rationalités d’action: quand on demande quel<strong>le</strong>ssont <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures solutions au problème des déchets, différentessolutions sont évoquées mais seuls 15 % des répondantsproposent en premier lieu une «solution domestique»correspondant à un changement de <strong>le</strong>urs comportements. Cesrésultats montrent qu’une majorité de personnes ne soutientpas l’hypothèse d’un développement durab<strong>le</strong> reposant sur deschangements individuels.12Enquête connue sous <strong>le</strong> nom de PSBH : Panel Study of Belgian Households.17


- L’existence de bénéfices secondaires : la pratique du tri,oul’adoption d’un comportement bénéfique à l’environnementpeut être adoptée ou <strong>pour</strong>suivie <strong>pour</strong> des bénéfices secondaires,non conscients, liés à différentes dimensions identitaires:socia<strong>le</strong>, parenta<strong>le</strong>, conjuga<strong>le</strong>. Par exemp<strong>le</strong>, une émigranteespagno<strong>le</strong> vivant à Bruxel<strong>le</strong>s bénéficie d’un sentimentde s’intégrer comme bonne citoyenne lorsqu’el<strong>le</strong> trie sesdéchets. Une implication politique de ces bénéfices secondairesest que l’intérêt du public à continuer une action (tri)est souvent très éloigné des raisons environnementa<strong>le</strong>s quiont motivé <strong>le</strong> développement de cette politique d’actions.- La faib<strong>le</strong>sse de la corrélation existant entre <strong>le</strong>s connaissancesenvironnementa<strong>le</strong>s et la pratique du tri des déchets.- Le manque d’anticipation des pratiques de tri lors desachats: on observe peu de corrélations entre achats vertset tri des déchets. Or, selon la théorie de l’action raisonnée,<strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> devrait adapter ses choix en fonction deses pratiques de tri. Selon Bartiaux, cette séparation menta<strong>le</strong>entre deux pratiques environnementa<strong>le</strong>s correspond à unmécanisme social de défense qui permet d’éviter la reconnaissancedes caractéristiques systémiques des questionsenvironnementa<strong>le</strong>s et d’éviter une déception sociéta<strong>le</strong> quisurviendrait si notre modè<strong>le</strong> de «world socialization» devaitêtre abandonné.Ainsi donc <strong>le</strong>s hypothèses qui soutiennent <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> du <strong>consommateur</strong> rationnel ne se vérifient pas en pratique lorsqu’on analyse<strong>le</strong>s changements intervenus dans <strong>le</strong>s comportements à l’égard du tri des déchets ou dans <strong>le</strong>s choix de produits respectueux del’environnement.3.4 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s motivations sont à la base des choix de consommation durab<strong>le</strong>?Lorsque l’on souhaite modifier <strong>le</strong>s modes de consommation pardes mesures orientées sur <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s, une démarchelogique consiste à chercher comment créer ou stimu<strong>le</strong>r une motivation«environnementa<strong>le</strong>» ou «éthique» chez <strong>le</strong>s personnesqui n’agissent pas encore. Ce faisant, on pose l’hypothèse impliciteque <strong>le</strong> comportement «durab<strong>le</strong>» est adopté <strong>pour</strong> des raisonsenvironnementa<strong>le</strong>s ou éthiques.Ainsi, dans la littérature scientifique, on étudie très souvent <strong>le</strong>scomportements «durab<strong>le</strong>s» comme des comportements soutenuspar des motivations éthiques (environnementa<strong>le</strong>s, socia<strong>le</strong>s,...),adoptés par <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s dans <strong>le</strong> but de contribuer à laprotection de l’environnement ou soutenir des pratiques commercia<strong>le</strong>splus équitab<strong>le</strong>s, des conditions de travail plus respectueusesdes travail<strong>le</strong>urs,... En général, <strong>le</strong>s études existantes neportent pas sur un ensemb<strong>le</strong> varié de comportements identifiéscomme plus respectueux du développement durab<strong>le</strong> mais analysentdes comportements ou pratiques spécifiques comme parexemp<strong>le</strong>s, consommer des aliments biologiques, acheter desdétergents sous label écologique, se déplacer avec <strong>le</strong>s transportsen commun, acheter des produits du commerce équitab<strong>le</strong>,composter <strong>le</strong>s déchets organiques,…Mais cette approche est limitative dans la mesure où des choixfavorab<strong>le</strong>s au développement durab<strong>le</strong> peuvent être effectués<strong>pour</strong> d’autres raisons, d’autres motivations ou sont sous ladépendance d’autres facteurs. En outre, un choix effectué avecla volonté de contribuer à un développement durab<strong>le</strong> peut endéfinitive n’avoir que peu d’effets positifs sur <strong>le</strong> développementdurab<strong>le</strong>. Ainsi, dans <strong>le</strong> domaine de la consommation d’énergiedomestique, on peut constater que <strong>le</strong>s investissements procurantdes économies d’énergie (isolation, amélioration du systèmede chauffage, achat d’appareils éco-performants,...) relèventdavantage de la recherche du confort et d’économies financièresque du souhait de contribuer au développement durab<strong>le</strong>. Et qued’autre part, certains paramètres socio-démographiques (tail<strong>le</strong>et composition du ménage, revenu) et certaines caractéristiquesdes habitations (tail<strong>le</strong>, isolation, environnement urbain ou rural)sont des facteurs d’influence de la consommation plus importantsque <strong>le</strong>s facteurs d’attitude des <strong>consommateur</strong>s. 13On peut constater éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s personnes qui témoignentd’attitudes positives vis-à-vis d’une consommation soutenab<strong>le</strong>ne traduisent pas systématiquement cette attitude positive enactes. De nombreux chercheurs s’interrogent sur cette distanceexistant entre <strong>le</strong>s déclarations et <strong>le</strong>s actes. Ce qui peut paraîtreincohérent relève en fait d’autres types de cohérences. Denombreux éléments d’explication peuvent être avancés, parmi<strong>le</strong>squels: <strong>le</strong>s personnes ne connaissent pas <strong>le</strong>s comportementsattendus, n’ont pas confiance dans la source qui préconise <strong>le</strong>comportement, ne pensent pas que l’action individuel<strong>le</strong> peutcontribuer à une solution, ne souhaitent pas agir seuls et attendentqu’on <strong>le</strong>ur garantisse la participation de tous, situent laresponsabilité de la situation existante sur d’autres acteurs, sevivent captifs de contraintes,...Dès lors, certains chercheurs adoptent une autre approche: ilsn’étudient pas <strong>le</strong>s pratiques ou comportements soutenus par13Références études énergie ULB/CRIOC/ICEDD et UCL/VITO18


des motivations environnementa<strong>le</strong>s ou durab<strong>le</strong>s mais cherchentà connaître <strong>le</strong>s motivations qui engendrent <strong>le</strong>s pratiques oucomportements qui contribuent au développement durab<strong>le</strong>.Il apparaît alors que ces motivations sont très variées, différentesd’un individu à l’autre et, <strong>pour</strong> un même individu, différentesd’un secteur de la consommation à l’autre.La motivation du choix d’un écoproduit ne résulte pas ou pasforcément du respect de l’environnement mais plus souvent dusouhait de réaliser des économies, d’une priorité donnée à lasanté, de la recherche de la facilité, du besoin de se distinguerou de se sentir intégré dans un groupe social. Mis à part la catégoriedes <strong>consommateur</strong>s qui cherchent à se distinguer desautres en adoptant systématiquement des comportements plusdurab<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s autres catégories ont besoin davantage de s’identifierà un groupe et d’agir dans <strong>le</strong> cadre d’une norme. 14En outre, <strong>le</strong> choix d’un produit durab<strong>le</strong> ou l’adoption d’une pratiquedemande la mise en œuvre d’un processus comp<strong>le</strong>xe aucours duquel <strong>le</strong>s différentes motivations, <strong>le</strong>s différents intérêtsd’une personne peuvent entrer en conflit, notamment <strong>le</strong>s intérêtsindividuels, tels que la recherche d’un prix bas, d’un critèreesthétique ou d’une qualité particulière, la facilité et <strong>le</strong>s intérêtscol<strong>le</strong>ctifs, tels que la protection de l’environnement ou <strong>le</strong> respectdes droits des travail<strong>le</strong>urs et de droits humains.Une étude réalisée auprès des <strong>consommateur</strong>s belges 15 est parvenueà la conclusion que <strong>le</strong>s critères environnementaux restentpériphériques dans <strong>le</strong>s décisions d’achat; ils interviennent enbout de course comme une option supplémentaire. Selon <strong>le</strong>s participantsà l’enquête, <strong>le</strong>s questions environnementa<strong>le</strong>s concernant<strong>le</strong>s produits restent sous la responsabilité des autres acteursde marché, principa<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s producteurs. Il est diffici<strong>le</strong><strong>pour</strong> <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s de sé<strong>le</strong>ctionner des produits sur basede <strong>le</strong>urs caractéristiques environnementa<strong>le</strong>s. Le concept d’écoproduitreste flou. En outre, ils estiment que tous <strong>le</strong>s produitsmis sur <strong>le</strong> marché doivent être respectueux de l’environnementet <strong>pour</strong> cela respecter des normes fixées et contrôlées par <strong>le</strong>spouvoirs publics.En fait, à côté d’un petit noyau de <strong>consommateur</strong>s convaincus,<strong>pour</strong> <strong>le</strong>squels la consommation durab<strong>le</strong> est un choix “militant”(voir Ruwet, point 3.6), une grande majorité de personnes semontrent sensib<strong>le</strong>s en matière d’éthique et souhaitent pouvoirconsommer tout en contribuant à un développement durab<strong>le</strong>.El<strong>le</strong>s agissent en choisissant certains produits, certains actesqui <strong>le</strong>ur permettent d’exprimer cette sensibilité mais dans <strong>le</strong> respectde <strong>le</strong>urs contraintes propres. Certaines participeront au trides déchets; d’autres limiteront l’usage de la voiture, d’autresencore achèteront une poudre à <strong>le</strong>ssiver écologique ou du caféMax Havelaar. La consommation durab<strong>le</strong> apparaît comme unvaste catalogue de propositions variées dans <strong>le</strong>quel chacunchoisit <strong>le</strong>s produits, pratiques et comportements qui répondentà <strong>le</strong>urs besoins, s’adaptent à <strong>le</strong>urs contraintes de vie et sont enharmonie avec <strong>le</strong>urs motivations profondes.13Specifying household profi<strong>le</strong>s for more efficient energy demand side management, ULB, CRIOC, ICEDD, 2005, SPSP IISocio-technical and economic factors influencing residential energy consumption, UCL, VITO, DBRI, 2005, SPSD II14Rousseau, Wal<strong>le</strong>nborn & Bontinckx (2007)15Rousseau, Wal<strong>le</strong>nborn & Bontinckx (2007)19


3.5 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s comparaisons peut-on faire entre consommation écologique et commerce équitab<strong>le</strong>?La plupart des études, des documents d’information, des artic<strong>le</strong>sde presse évoquent la consommation durab<strong>le</strong> soit commeune consommation respectueuse de l’environnement (écoconsommation)et privilégient <strong>le</strong>s questions environnementa<strong>le</strong>s,soit aborde la question sous l’ang<strong>le</strong> des questions socia<strong>le</strong>s, notammentcel<strong>le</strong>s du commerce équitab<strong>le</strong> ou du respect des droitsdes travail<strong>le</strong>urs (code d’éthique). Il est beaucoup moins fréquentde voir la question de la consommation durab<strong>le</strong> traitée dans saglobalité, sous toutes ses facettes. Il en résulte des difficultésde compréhension <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s.A cette dichotomie du discours semb<strong>le</strong> correspondre des différencesde dynamiques de consommation. C’est en tout casce que suggère l’étude menée par <strong>le</strong> partenariat ULB - UCL -CRIOC 16 . Les participants aux groupes de discussion déclarentbeaucoup d’intérêt <strong>pour</strong> certaines questions socia<strong>le</strong>s comme <strong>le</strong>travail des enfants mais se montrent plus réticents vis-à-vis durelèvement des normes socia<strong>le</strong>s de production à l’étranger, craignantque cela n’entraîne <strong>le</strong> relèvement des prix des produits.Tout se passe comme si <strong>le</strong>s intérêts individuels prévalaient sur<strong>le</strong>s intérêts col<strong>le</strong>ctifs ou <strong>le</strong>s intérêts des autres personnes. De cepoint de vue, il y a en fait peu de différences entre la perceptiondes questions socia<strong>le</strong>s et environnementa<strong>le</strong>s. L’environnement,bien souvent, n’est pas pris en considération d’un point de vuecol<strong>le</strong>ctif mais bien individuel; il s’agit souvent de l’environnementproche, de celui dans <strong>le</strong>quel on vit et qui peut nuire lorsqu’i<strong>le</strong>st dégradé. Toutefois, <strong>le</strong>s intérêts individuels à faire deschoix environnementaux apparaîtraient plus clairement que ceuxqui proviennent de choix favorab<strong>le</strong>s au commerce équitab<strong>le</strong>.Comme d’autres mouvements similaires, <strong>le</strong> commerce équitab<strong>le</strong>(en anglais, Fair Trade) se base sur la mobilisation des <strong>consommateur</strong>set compte sur <strong>le</strong> pouvoir du <strong>consommateur</strong> <strong>pour</strong> introduiredes changements dans <strong>le</strong>s conditions économiques, socia<strong>le</strong>sou environnementa<strong>le</strong>s de production. L’équipe de M. Ponce<strong>le</strong>tde l’Université de Liège s’est penchée sur la question de savoirs’il existait une dynamique spécifique propre au Fair Trade.Différents sondages montrent qu’il y a une augmentation régulièrede la connaissance du mouvement Fair Trade, de ses principes,de ses membres et de ses produits. Bien que <strong>le</strong>s attitudessoient très positives vis-à-vis du commerce équitab<strong>le</strong>, <strong>le</strong> passageà l’acte reste faib<strong>le</strong> et la part de marché des produits FairTrade reste très petite.En Belgique, en 2004, <strong>le</strong> café issu du commerce équitab<strong>le</strong> représente 1,7% du marché tandis que la part des bananes «équitab<strong>le</strong>s»s’élève à environ 4%. Source : Facts and figures on fair trade in 25 Europeans countries, 2005.En 2005, <strong>le</strong> chiffre d’affaire des produits labellisés Max Havelaar s’élève en Belgique à 21 millions d’euros, soit une augmentationde 21 % par rapport à 2004. Source : Max Havelaar, semaine du commerce équitab<strong>le</strong>, 2006.Café Fair Trade vendu en Belgique: 582.203 kg (2001), 640.482 kg (2002), 726.000 kg (2003),Source: Max Havelaar.L’équipe de recherche a testé l’hypothèse explicative selonlaquel<strong>le</strong> la consommation Fair Trade est une consommationd’engagement qui nécessite des ressources et des compétencesparticulières. Les enquêtes menées indiquent que <strong>le</strong>s ressources<strong>le</strong>s plus importantes qui interviennent dans la consommationFair Trade sont la connaissance et l’expérience du Sud.G. Pirotte (2007) a mené une enquête en Belgique sur la consommationFair Trade auprès d’un doub<strong>le</strong> échantillon: d’une partdes clients de magasins du Monde - OXFAM et d’autre part des<strong>consommateur</strong>s «tout venant». Les résultats ont été analysésd’un trip<strong>le</strong> point de vue: profil sociologique des acheteurs, engagementvis-à-vis du Fair Trade, types d’engagements.16Bruyer V., Wal<strong>le</strong>nborn G., Zaccai E., Delbaere P., Kestemont M-P., Rousseau C. (2004) Critères et impulsins de changements vers une consommationdurab<strong>le</strong> : approche sectoriel<strong>le</strong>, PADD II, Politique Scientifique Fédéra<strong>le</strong>.20


En ce qui concerne <strong>le</strong> profil sociologique des clients des magasinsdu Monde, l’âge, <strong>le</strong> statut socioprofessionnel, l’état civil et<strong>le</strong> niveau de revenu semb<strong>le</strong>nt être des facteurs d’influence. Ondistingue deux profils principaux:- 18-24 ans, sans enfants, bas revenus, célibataire- Plus de 45 ans, 2 enfants, hauts revenus, veuf ou divorcéLa clientè<strong>le</strong> Fair Trade est davantage flamande que francophone.El<strong>le</strong> se situe politiquement plutôt à gauche.Les clients OXFAM achètent plus de produits Fair Trade, plus souventet <strong>pour</strong> des montants plus é<strong>le</strong>vés.Ils sont plus conscients des conséquences de <strong>le</strong>urs achats.Leurs motivations principa<strong>le</strong>s: prix juste aux producteurs duSud, respect des conditions de travail, dignité et autosuffisancedes paysans du Sud. Pour <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s en général, cesmotivations sont éga<strong>le</strong>ment présentes mais ils citent aussi laqualité du produit, ses caractéristiques écologiques, son goût,ses caractéristiques en matière de santé, la «bonne cause» etmême l’achat par curiosité.Les clients OXFAM considèrent la consommation comme unengagement politique et sont des clients plus engagés que lamoyenne des gens. Ils sont davantage affiliés à des organisationsde coopération, de développement, culturel<strong>le</strong>s, associationsartistiques, de protection de l’environnement… Ils sontéga<strong>le</strong>ment plus actifs: prennent part à des manifestations,supportent financièrement des actions de développement ou desactions caritatives. Ils accordent plus de soutien financier auxactions de support que la moyenne des <strong>consommateur</strong>s belges.Leurs attitudes vis-à-vis des problèmes des PVD sont éga<strong>le</strong>mentdifférentes. Les clients OXFAM considèrent que <strong>le</strong>s problèmes desPVD sont dus principa<strong>le</strong>ment à des causes externes alors quela moyenne pense que cette situation provient essentiel<strong>le</strong>mentde causes internes (corruption, mauvaise gestion…). Il semb<strong>le</strong>logique d’attendre un plus grand engagement en faveur du Sudchez ceux qui donnent plus d’importance aux causes externes.Ainsi la consommation de produits du commerce équitab<strong>le</strong> correspondraitbien à une consommation d’engagement chez <strong>le</strong>sclients OXFAM, un engagement qui se différentie selon l’âge:parmi <strong>le</strong>s plus âgé il s’agit essentiel<strong>le</strong>ment d’un engagement detype «charité» tandis que parmi <strong>le</strong>s plus jeunes il s’agit d’unprofil davantage « solidarité ». Chez <strong>le</strong>s autres <strong>consommateur</strong>s,différentes motivations interviennent et nuancent l’engagement.3.6 Comment caractériser <strong>le</strong>s “<strong>consommateur</strong>s engagés”?Parmi <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s, certains se distinguent par l’adoptionvolontaire de modes de consommation soucieux d’un développementdurab<strong>le</strong>, basés sur un ensemb<strong>le</strong> de choix cohérents avec<strong>le</strong>urs engagements. Pour certains d’entre eux, il ne s’agit passeu<strong>le</strong>ment de consommer autrement mais de consommer moinsen adoptant des modes de vie plus frugaux. Selon Michel<strong>le</strong> Dobré(2007), <strong>le</strong> quotidien est un espace dans <strong>le</strong>quel s’ouvre des possibilitésd’action politique et de «résistance ordinaire». El<strong>le</strong> <strong>le</strong>montre à travers tout un travail sociologique historique partantde critiques de la consommation anciennes (J-J Rousseau), enpassant par <strong>le</strong> mouvement écologiste radical des années 60, età travers des enquêtes actuel<strong>le</strong>s menées en France. 17Profils de <strong>consommateur</strong>s engagésC. Ruwet (2007), a rencontré en Belgique <strong>le</strong>s membres d’unréseau de <strong>consommateur</strong>s attentifs et de commerçants privilégiant<strong>le</strong> développement social, environnemental et l’entraideNord-Sud, <strong>le</strong>s questionnant sur <strong>le</strong>s raisons de <strong>le</strong>ur adhésion àce mouvement. A partir des explications avancées, el<strong>le</strong> a élaboréune proposition de «classification» de ces <strong>consommateur</strong>sattentifs.Au cours de l’enquête, deux logiques de représentation sontapparues: la consommation durab<strong>le</strong> en tant que démarche decontestation et d’autre part, la consommation durab<strong>le</strong> en tantqu’alternative crédib<strong>le</strong> au mode de production industriel.La démarche re<strong>le</strong>vant de la contestation repose sur la remise enquestion de certains principes à la base du système marchandmais non de sa logique globa<strong>le</strong>. Ces personnes font des compromisen matière de consommation, équilibrant <strong>le</strong>s choix durab<strong>le</strong>set <strong>le</strong>s choix non durab<strong>le</strong>s. Leurs comportements peuvent varieren fonction des situations et des circonstances.Pour ceux qui voient dans la consommation durab<strong>le</strong> une alternativeau mode de production industriel, il s’agit de sortir du systèmeassocié à une absence d’âme, de sens et à une négationde la vie. Consommer responsab<strong>le</strong> c’est s’engager <strong>pour</strong> un autretype de société centrée sur d’autres va<strong>le</strong>urs. Pour ce profil, la17Dobre M (2002) L’écologie au quotidien. Eléments <strong>pour</strong> une théorie sociologique de la résistance ordinaire, Paris, L’Harmattan.21


consommation durab<strong>le</strong> prend une dimension identitaire. La démarchede consommation durab<strong>le</strong> peut être interprétée commeune tentative, dans un contexte de crise de sens, de réintroduiredes va<strong>le</strong>urs, dans un système économique qui s’est complètementdissocié du monde vécu.Bien que <strong>le</strong>s arguments mobilisés <strong>pour</strong> justifier <strong>le</strong>ur démarchediffèrent selon <strong>le</strong>s profils, un certain nombre de justificationscommunes peuvent être mises en évidence. Cel<strong>le</strong>s-ci peuventêtre structurées autour de trois axes : social, environnementa<strong>le</strong>t politique.Axe social: <strong>le</strong>s personnes évoquent de manière récurrente <strong>le</strong>respect et la confiance <strong>pour</strong> justifier <strong>le</strong>ur démarche de consommationdurab<strong>le</strong>. La confiance est une stratégie <strong>pour</strong> engager lacoopération avec autrui dans une situation de manque ou d’absenced’information. Faire confiance, c’est alors déléguer unepartie de sa capacité d’action. Ensuite, alors que la consommationest appréhendée généra<strong>le</strong>ment de manière individualiste,la démarche responsab<strong>le</strong> insiste sur la dimension relationnel<strong>le</strong>de cette pratique. Ces <strong>consommateur</strong>s accordent une placecentra<strong>le</strong> au respect des conditions de travail, des générationsfutures, de l’environnement mais éga<strong>le</strong>ment de soi.Axe environnemental: différentes visions de l’environnementcoexistent parmi ces <strong>consommateur</strong>s mais <strong>pour</strong> tous, l’environnementconstitue un argument majeur de remise en question dusystème de production industriel.Axe politique: la logique du <strong>consommateur</strong> responsab<strong>le</strong> seconstruit en réaction par rapport à certains postulats des théoriesde l’économie néoclassique: l’utilitarisme, l’infinitude de lanature, l’harmonie des intérêts.Les <strong>consommateur</strong>s «responsab<strong>le</strong>s» <strong>le</strong>s plus affirmés semb<strong>le</strong>ntdonc caractérisés par la prise de conscience du pouvoir de <strong>le</strong>uragir et par la nécessité de <strong>le</strong> régu<strong>le</strong>r politiquement et de lui donnerun sens social.3.7 La consommation SOUTENABLE émergera-t-el<strong>le</strong> des initiatives prises par <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s?Avec Frasel<strong>le</strong> et Scherer (2007), l’équipe du cluster pense quela consommation individuel<strong>le</strong> ne peut pas être à el<strong>le</strong> seu<strong>le</strong> un<strong>le</strong>vier de changement. En effet, <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> économique conventionnel,basé sur la rationalité et l’égalité des parties dans <strong>le</strong>séchanges, ne fonctionne pas bien dans la réalité. L’action du<strong>consommateur</strong> dépend d’une variété de facteurs qui interagissentde manière comp<strong>le</strong>xe. El<strong>le</strong> dépend des systèmes col<strong>le</strong>ctifssocio-matériels auxquels <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> se rattache, du systèmeculturel et des rapports sociaux. Des facteurs psychologiques,propres aux individus s’y superposent, sans oublier lapart importante que prennent des éléments comme la facilité,<strong>le</strong> confort ou la propreté. Un autre élément qui intervient dans<strong>le</strong>s choix des <strong>consommateur</strong>s est la réponse qu’un bien ou unservice apporte aux risques qu’ils perçoivent. Ainsi, il existe unegrande anxiété à propos des risques environnementaux majeurset cette anxiété est paralysante: l’action individuel<strong>le</strong> en faveurde l’environnement n’a plus de sens dans un monde menacépar des risques qui s’évaluent à l’échel<strong>le</strong> planétaire. Dans cecontexte, seuls certains activistes ou <strong>le</strong>aders d’opinions peuventagir. La consommation responsab<strong>le</strong> à vocation mora<strong>le</strong> quel’on attend du <strong>consommateur</strong> nécessite la mobilisation de sonidentité citoyenne, mobilisation qui ne peut s’intégrer dans <strong>le</strong>raisonnement de l’économie conventionnel<strong>le</strong>. En outre, dans<strong>le</strong> cadre de la consommation, l’évocation d’un bénéfice moralà participer au bien commun se heurtera souvent aux normesindividuel<strong>le</strong>s de bien-être et de confort. C’est ainsi que l’on voitéchouer un certain nombre de projets qui mobilisent une logiquede consommation, alors que ces projets sont par ail<strong>le</strong>urs soutenuspar des moyens financiers suffisants. Lorsqu’on fait appelau sens civique du <strong>consommateur</strong>, celui-ci devient «<strong>consommateur</strong>citoyen». Comment ces deux identités peuvent-el<strong>le</strong>sse relier? On observe que <strong>le</strong>s individus ont une interprétationtrès stricte de la citoyenneté et des actions qu’ils sont à mêmed’entreprendre avec cette identité. Bien souvent, ces actions selimitent à cel<strong>le</strong>s qui sont attendues d’eux par <strong>le</strong>s institutions loca<strong>le</strong>sou par <strong>le</strong>s voisins. El<strong>le</strong>s correspondent alors à une attentesocia<strong>le</strong> fortement exprimée et organisée notamment par mise àdisposition de dispositifs facilitant l’action.L’individu n’existe pas indépendamment des relations dans<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il est engagé et la société n’est rien d’autre que <strong>le</strong>système dynamique formé par ces relations. Les changementssociaux résultent de comportements intentionnels d’individus enrelation, et plus précisément, de <strong>le</strong>urs conflits d’intérêts.Le mouvement qualifié de consumérisme social, par contrasteavec <strong>le</strong> consumérisme de marché avant tout attaché au prix etaux aspects matériels de la qualité, prend forme en Europe à lafin des années 80 avec la sensibilisation des <strong>consommateur</strong>saux conditions de travail dans l’industrie du vêtement.Il apparaît que la question du sens, résolue <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s activistes,ne l’est pas <strong>pour</strong> <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> ordinaire, et que redonner22


un sens à l’action individuel<strong>le</strong> n’est faisab<strong>le</strong> qu’à la conditiond’organiser l’action col<strong>le</strong>ctive.Tant que <strong>le</strong> cadre interprétatif mobilisé sera celui de la consommation,participer à l’économie solidaire a peu de raison d’être,ou bien ce n’est que la cerise sur <strong>le</strong> gâteau <strong>pour</strong> un <strong>consommateur</strong>qui recherche avant tout <strong>le</strong>s bénéfices classiques qu’ilattend de la consommation d’un produit ou d’un service en termesde praticité, d’utilité et de confort. En outre, l’iso<strong>le</strong>mentet <strong>le</strong> manque d’implication des acteurs institutionnels locauxinhibent <strong>le</strong> passage à l’action car ils rendent insensée l’actionindividuel<strong>le</strong>.Selon G. Pirotte (2007), il existe une confusion entre ce quepeuvent entreprendre <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s et <strong>le</strong>s citoyens. Le<strong>consommateur</strong> exerce surtout une liberté individuel<strong>le</strong>. Sonpouvoir réel est limité à la sanction, son arme est <strong>le</strong> boycott.Quoique <strong>le</strong> pouvoir du <strong>consommateur</strong> ne puisse pas être nié, ilne semb<strong>le</strong> pas capab<strong>le</strong> d’établir une vraie démocratie au niveauplanétaire. L’action des citoyens est, el<strong>le</strong>, un exercice de libertécol<strong>le</strong>ctive. Du fait qu’el<strong>le</strong> implique la col<strong>le</strong>ctivité, el<strong>le</strong> est pluschère et moins directement accessib<strong>le</strong>.Le <strong>consommateur</strong> est comme un boxeur; il ne peut queréagir et non anticiper.Il <strong>pour</strong>rait être naïf, voire dangereux de considérer la réacquisitionde pouvoir par <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> comme <strong>le</strong> seul <strong>le</strong>vier ducontre-pouvoir citoyen dans <strong>le</strong> contexte de la globalisation. Undes chal<strong>le</strong>nges de la consommation durab<strong>le</strong> réside dans sa capacitéde sortir du piège du <strong>consommateur</strong> responsab<strong>le</strong> qui représenteseu<strong>le</strong>ment une option démocratique par défaut, plutôtque <strong>le</strong> résultat d’un processus visant un système démocratiqueà l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>.23


4 Comment orienter <strong>le</strong>s modes de consommation vers plus de durabilité?4.1 Identifier <strong>le</strong>s barrières et <strong>le</strong>s mesures incitativesLes choix des <strong>consommateur</strong>s sont sous la dépendance dedynamiques comp<strong>le</strong>xes dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s interviennent des facteursexternes (institutions, infrastructures, normes socia<strong>le</strong>s,marchés,...) et des facteurs propres à l’individu (motivations,attitudes, caractéristiques socio-démographiques,...). On peutidentifier des barrières et des facteurs incitatifs à ces différentsniveaux. Ces facteurs internes et externes sont en relation <strong>le</strong>suns avec <strong>le</strong>s autres. Changer <strong>le</strong>s modes de consommation impliquel’identification de ces facteurs mais surtout la compréhensiondes dynamiques qui <strong>le</strong>s lient; il s’agit d’identifier <strong>le</strong>s typeset niveaux d’action, capab<strong>le</strong>s de faire bouger l’ensemb<strong>le</strong>.En une dizaine d’années, <strong>le</strong>s Belges, comme <strong>le</strong>urs autres voisinseuropéens, se sont mis à trier <strong>le</strong>urs déchets et participer aux col<strong>le</strong>ctessé<strong>le</strong>ctives en vue du recyclage. Même <strong>le</strong>s personnes quin’ont pas de motivations fortes à <strong>le</strong> faire, qui se déclarent moinssensib<strong>le</strong>s aux questions environnementa<strong>le</strong>s rejoignent <strong>le</strong> mouvement.L’analyse de cette expérience réussie de changement de4.2 Critique des stratégies et instruments utiliséscomportement de la population indique que la réussite dépendd’une modification cohérente et ajustée dans <strong>le</strong>s temps entredifférents types de facteurs: normes et rég<strong>le</strong>mentations, infrastructuresimportantes, cohérence des discours, sensibilisationet informations pratiques sur <strong>le</strong>s comportements attendus par<strong>le</strong> biais de campagnes professionnel<strong>le</strong>s, répétées régulièrementau cours du temps...On distingue donc des barrières externes: règ<strong>le</strong>s et normes quifont obstac<strong>le</strong> ou font défaut (institutions), des obstac<strong>le</strong>s économiques(coûts, hauteur des investissements,...), des imperfectionsdu marché (défaut d’information) et des barrières comportementa<strong>le</strong>s,propres aux individus (attitudes, motivations,compétences, connaissances,...). L’identification des barrièresne permet pas seu<strong>le</strong>ment de comprendre <strong>pour</strong>quoi la consommationdurab<strong>le</strong> tarde à se développer; el<strong>le</strong> permet éga<strong>le</strong>mentd’identifier <strong>le</strong>s niveaux d’action et <strong>le</strong>s types d’action à mettre enœuvre <strong>pour</strong> soutenir <strong>le</strong> changement.Différents types de stratégies sont envisagés <strong>pour</strong> modifier <strong>le</strong>s modes de consommation; il s’agit principa<strong>le</strong>ment des stratégies quiconsistent à modifier <strong>le</strong>s caractéristiques des produits, à réduire ou à modifier la consommation, en agissant auprès des <strong>consommateur</strong>sou en agissant sur <strong>le</strong> contexte dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s prennent <strong>le</strong>urs décisions.Les programmes d’actions qui visent à encourager des modes de consommation plus soutenab<strong>le</strong>s font appel à différents typesd’instruments, parmi <strong>le</strong>squels on distingue généra<strong>le</strong>ment des instruments rég<strong>le</strong>mentaires, des instruments économiques et desinstruments culturels.À côté des instruments rég<strong>le</strong>mentaires, économiques et culturels «classiques» d’autres instruments sont éga<strong>le</strong>ment utilisés, notammenten terme de planification, de mesure et d’évaluation, de soutien à la recherche et à l’innovation technologique,…Instruments rég<strong>le</strong>mentaires : par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s rég<strong>le</strong>mentations, <strong>le</strong>s normes, <strong>le</strong>s accords volontaires entre <strong>le</strong>s secteurs privés et<strong>le</strong>s autorités publiques, la co-régulation,...Les autorités publiques peuvent agir directement <strong>pour</strong> infléchir<strong>le</strong>s décisions des ménages en imposant des limites ou des normes plus en amont de la chaîne de production: normes degénéra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s instruments rég<strong>le</strong>mentaires <strong>pour</strong> imposer descontraintes rég<strong>le</strong>mentaires à l’acquisition ou à l’utilisation de produits, étiquetage, normes de construction, normes d’efficacitéénergétique...certains produits: par exemp<strong>le</strong>, limiter l’arrosage en période desécheresse, interdire la circulation <strong>le</strong>s jours de pics de pollution,imposer <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> technique des véhicu<strong>le</strong>s. Mais la rég<strong>le</strong>mentationdirecte des activités des ménages est relativementAu cours d’enquêtes menées en Belgique 18 relatives aux attentesen matière de consommation soutenab<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>srare car el<strong>le</strong> est diffici<strong>le</strong> à mettre en place et à faire appliqueront exprimé <strong>le</strong> souhait de voir adopter des mesures contraignantes,ne re<strong>le</strong>vant pas de l’implication personnel<strong>le</strong>. Paret el<strong>le</strong> est relativement intrusive. Les pouvoirs publics utilisentexemp<strong>le</strong>,18Rousseau, Wal<strong>le</strong>nborn & Bontinckx, 2005.24


ils souhaitent que tous <strong>le</strong>s produits mis sur <strong>le</strong> marché soientrespectueux de l’environnement et <strong>pour</strong> cela, respectent desnormes fixées et contrôlées par <strong>le</strong>s pouvoirs publics. En effet, ilsse sentent incompétents <strong>pour</strong> évaluer la qualité écologique desproduits et préfèreraient utiliser <strong>le</strong>urs critères de choix habituelsparmi une gamme certifiée «conforme au développement durab<strong>le</strong>».Ils souhaitent que ces normes et mesures contraignantesne concernent pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s acteurs économiques maiss’appliquent éga<strong>le</strong>ment à eux-mêmes. En effet, avant d’adoptercertains comportements «durab<strong>le</strong>s», ces personnes demandentà être rassurées sur la participation d’autrui et considèrentqu’une rég<strong>le</strong>mentation <strong>le</strong>ur fournirait cette garantie. Mais <strong>le</strong>sobstac<strong>le</strong>s à de tel<strong>le</strong>s rég<strong>le</strong>mentations sont nombreux et el<strong>le</strong>srestent relativement réduites. Parmi ces obstac<strong>le</strong>s, on peut citer<strong>le</strong>s difficultés à élaborer des normes écologiques qui ne soientpas contestées par tel ou tel acteur et qui soient stab<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>temps, malgré <strong>le</strong>s changements dans <strong>le</strong>s connaissances et <strong>le</strong>stechniques environnementa<strong>le</strong>s. Il faut re<strong>le</strong>ver aussi <strong>le</strong>s difficultésd’harmonisation du commerce européen, voire mondial, quilimitent <strong>le</strong>s mesures possib<strong>le</strong>s au niveau des états 19 .Instruments économiques: par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s prix, la fiscalité, <strong>le</strong>s consignes, <strong>le</strong>s incitants financiers...On considère souvent que <strong>le</strong>s instruments économiques présententun meil<strong>le</strong>ur rapport coût/efficacité et sont moins intrusifspar rapport aux décisions des ménages que <strong>le</strong>s mesures rég<strong>le</strong>mentaires.Néanmoins, <strong>le</strong>ur efficacité n’est pas aussi évidente,par exemp<strong>le</strong>, lorsque <strong>le</strong> prix n’est pas un critère de décision principal<strong>pour</strong> <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> ou lorsque <strong>le</strong> différentiel de prix estinsuffisant et ne constitue pas un signal. En outre, <strong>le</strong>s mesureséconomiques doivent être étudiées soigneusement <strong>pour</strong> ne pasintroduire d’inégalités socia<strong>le</strong>s.L’enquête citée plus haut conclut qu’un prix bas ou é<strong>le</strong>vé est unenotion relative qui varie selon <strong>le</strong>s individus, en fonction notammentde l’importance que l’individu accorde au type de produit,à la perception qu’il a de la qualité de ce produit, du revenu dontil dispose... Souvent c’est la comparaison du prix avec celui desbiens comparab<strong>le</strong>s qui intervient et non un prix absolu.L’information est certainement un des outils auquel recourent <strong>le</strong>plus souvent <strong>le</strong>s pouvoirs publics <strong>pour</strong> encourager <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>sà prendre des décisions plus «durab<strong>le</strong>s». L’impactd’une campagne d’information peut varier fortement selon différentsparamètres (type de message, professionnalité de la communication,public cib<strong>le</strong>, moyens,...). Néanmoins, <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>sexpliqués ci-dessus montrent que <strong>le</strong>s instruments d’information,seuls, ne permettent pas <strong>le</strong>s changements de comportementsattendus en matière de consommation durab<strong>le</strong> et qu’ils devraienttoujours être utilisés en complémentarité avec d’autrestypes d’instruments.Ici aussi, on note la présence d’obstac<strong>le</strong>s similaires à ceux quiagissent vis-à-vis des instruments rég<strong>le</strong>mentaires. En Belgique,on a pu observer ces obstac<strong>le</strong>s lors de l’élaboration des propositionsde loi en matière d’écotaxes en 1993. Initia<strong>le</strong>mentces écotaxes devaient permettre de différencier par <strong>le</strong> prix <strong>le</strong>sproduits moins respectueux de l’environnement. Sous l’effet derésistances fortes portant sur <strong>le</strong>s critères employés et sur desquestions de commerce international, <strong>le</strong> système a été modifié<strong>pour</strong> devenir en grande partie celui du Point Vert (Fost Plus) appliquééga<strong>le</strong>ment ail<strong>le</strong>urs en Europe. Or ce système ne comportepas de réel incitant à consommer des produits (emballages)plus écologiques car il ne différentie pas <strong>le</strong>s matériaux selon<strong>le</strong>urs caractéristiques écologiques. En outre, ce système a introduitdes confusions chez <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s qui assimi<strong>le</strong>nt<strong>le</strong> Point Vert à un signe de recyclage, <strong>le</strong>ur indiquant que l’emballageportant ce signe est systématiquement recyclé, ce quin’est pas <strong>le</strong> cas.Instruments culturels (sensibilisation, information, éducation, participation): par exemp<strong>le</strong>, labellisation et étiquetage, campagned’information, modu<strong>le</strong> de formation, processus de prise de décision participative...Les instruments d’information rencontrent moins d’obstac<strong>le</strong>sque <strong>le</strong>s instruments décrits ci-dessus car étant moins contraignantsvis-à-vis des choix, ils suscitent aussi moins de résistancesparmi <strong>le</strong>s acteurs économiques, particulièrement par ceuxqui seraient défavorisés par la mise en œuvre d’instrumentsplus coercitifs. En outre, ils sont davantage compatib<strong>le</strong>s avec<strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s du commerce. Néanmoins, il existe des limites aussi<strong>pour</strong> ces instruments, surtout s’ils sont utilisés par <strong>le</strong>s pouvoirspublics, car ils ne doivent pas pouvoir être considérés commedes atteintes à la libre circulation des biens. En particulier, l’informationdoit pouvoir être soigneusement fondée (malgré <strong>le</strong>sincertitudes, souvent en vigueur dans <strong>le</strong> domaine de l’écologie).19Néanmoins il existe un espace juridique possib<strong>le</strong> au niveau des états : cf Marc Pal<strong>le</strong>maerts (2006) EU and WTO Law.: How tight is the Legal Straitjacket forEnvironmental Product Regulation?, VUB Press, 2006.25


InformationSouligner l’incapacité des outils d’information à induire seulsdes changements durab<strong>le</strong>s ne signifie pas que l’informationn’est pas nécessaire ou uti<strong>le</strong>. Au contraire, dans <strong>le</strong> secteur desproduits et services, une information de bonne qualité peutjouer un rô<strong>le</strong> important <strong>pour</strong> orienter <strong>le</strong>s choix des <strong>consommateur</strong>s.Il faut donc veil<strong>le</strong>r à fournir aux <strong>consommateur</strong>s des systèmesclairs de reconnaissance des produits plus «durab<strong>le</strong>s».Les outils développés <strong>pour</strong> cela sont principa<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s labels(écologiques, biologiques, commerce équitab<strong>le</strong>, label social...),<strong>le</strong>s étiquetages des performances écologiques (éco-profils, étiquetageénergétique...) et <strong>le</strong>s marques col<strong>le</strong>ctives.Le principe de la labellisation consiste à fournir aux <strong>consommateur</strong>sun nouvel outil d’appréciation et de comparaison desproduits, concernant des attributs de qualité qu’ils ne peuventpas évaluer eux-mêmes: <strong>le</strong> respect de critères environnementauxou sociaux tout au long du cyc<strong>le</strong> de vie du produit. Il importedonc que <strong>le</strong> label obtienne la confiance du <strong>consommateur</strong> et luipermette de faire des économies en terme d’information.Le succès de ces instruments d’information varie fortementd’une région géographique à l’autre mais reste limité.Il existe aujourd’hui de nombreux labels, et <strong>le</strong>s tentatives <strong>pour</strong><strong>le</strong>s rationaliser ont échoué en grande partie. Ce genre de rationalisationest diffici<strong>le</strong> en raison du nombre des acteurs impliqués,des stratégies, du type d’information,… Néanmoinson constate que <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s comprennent très mal laplupart des labels et informations relatives à l’environnementreprises dans <strong>le</strong>s étiquetages.la difficulté à harmoniser l’utilisation des labels se reflète par exemp<strong>le</strong> dans l’avis relatif à la problématique des labelsformulé par <strong>le</strong> conseil de la consommation sur <strong>le</strong>s labels <strong>le</strong> 26 janvier 2005. Les différentes parties n’ont pas pu adopter uneposition commune sur cette problématique mais l’avis est intéressant dans la mesure où il souligne <strong>le</strong>s différences de visiondes acteurs.Lorsqu’il analyse <strong>le</strong>s labels utilisés dans <strong>le</strong> cadre du commerceéquitab<strong>le</strong>, De Pelsmacker (2007) précise que la crédibilitéd’un label dépend de la confiance faite à celui qui gère<strong>le</strong> label ainsi que de la qualité perçue de l’information fournie.Certains auteurs pensent qu’il est plus important que <strong>le</strong> labelsoit attrayant que informatif. Mais en fait, l’attractivité dépenden partie de la perception de la quantité et de la qualité del’information fournie.La confiance dans ce type d’information et dans la source émettriceest une condition nécessaire à <strong>le</strong>ur succès. Il faut noter àce propos que <strong>le</strong>s sources d’information considérées comme <strong>le</strong>splus crédib<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s sources de proximité : amis, parents, médecinset autres professions de la santé, autorités communa<strong>le</strong>s;<strong>le</strong> minimum de confiance s’exprimant par rapport aux grandesfirmes de la production et de la distribution et <strong>le</strong>s autorités perçuescomme lointaines (fédéra<strong>le</strong>s, européennes…). 20Pour être utilisab<strong>le</strong>, l’information sur <strong>le</strong>s produits doit répondreà certaines conditions : être très concrète, simp<strong>le</strong> à comprendre,directement visib<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s lieux de vente...Si <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> souhaite pouvoir identifier <strong>le</strong>s produits plusrespectueux de l’environnement, il déclare éga<strong>le</strong>ment vouloir20Rousseau, Wal<strong>le</strong>nborn et Bontinckx, 2007.21Rousseau, Wal<strong>le</strong>nborn et Bontinckx 2007.être informé sur <strong>le</strong>s produits à éviter et disposer d’avertissementsnégatifs du type «la consommation de ce produit nuit àl’environnement».L’étiquetage des produits ne suffit cependant pas <strong>pour</strong> informercorrectement <strong>le</strong> public sur <strong>le</strong>s choix de consommation durab<strong>le</strong>,il doit éga<strong>le</strong>ment pouvoir disposer d’informations fiab<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong>ssubstitutions possib<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s comportements adéquats.Néanmoins certaines enquêtes 21 indiquent qu’il existe de fortesvariations quant aux perceptions déclarées vis-à-vis de l’informationexistante et du rô<strong>le</strong> que cel<strong>le</strong>-ci joue dans la prise dedécision. Les <strong>consommateur</strong>s qui font certains choix durab<strong>le</strong>strouvent que l’information est suffisante et soutient <strong>le</strong>urs actions;en général ces <strong>consommateur</strong>s décrivent des processusactifs de recherche de l’information. Par contre, d’autres<strong>consommateur</strong>s, exprimant des difficultés à passer à l’acte,justifient cette difficulté par <strong>le</strong> manque d’information ou par <strong>le</strong>manque de qualité, de fiabilité de l’information existante. Ces<strong>consommateur</strong>s-là attendent qu’on <strong>le</strong>ur fournisse l’information(processus passif) et parfois, n’utilisent pas l’information fournie,comme <strong>le</strong>s mentions se trouvant sur <strong>le</strong>s étiquetages.26


Sensibilisation : modifier <strong>le</strong>s attitudesNombre d’initiatives en matière de consommation durab<strong>le</strong> partentdu principe que <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s reconnaissent qu’il existe unlien entre <strong>le</strong>urs modes de consommation et l’environnement, maisque la plupart d’entre eux ne savent que faire lors de <strong>le</strong>urs décisionsd’achat ni comment établir un ordre de priorité entre <strong>le</strong>sdifférentes actions. Or <strong>le</strong>s enquêtes montrent qu’il existe encoreun grand nombre de <strong>consommateur</strong>s qui ne font pas <strong>le</strong> lien entre<strong>le</strong>urs choix et actes quotidiens et la qualité de l’environnement ouqui rejettent <strong>le</strong>s responsabilités de la dégradation de l’environnementsur <strong>le</strong>s autres acteurs, entreprises ou pouvoirs publics, quiEduquer: changer <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>ursDe nombreux comportements, en particulier ceux relatif à laconsommation, sont acquis dans l’enfance sur base des modè<strong>le</strong>sparentaux et sociétaux. C’est éga<strong>le</strong>ment dès <strong>le</strong> plusjeune âge que <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs se développent, sur base desquel<strong>le</strong>sse construiront <strong>le</strong>s attitudes qui à <strong>le</strong>ur tour influenceront <strong>le</strong>scomportements. Certaines enquêtent tendent à montrer un effetgénérationnel : <strong>le</strong>s comportements acquis dans l’enfance sontse vivent «captifs» ou qui estiment que <strong>le</strong>s actions individuel<strong>le</strong>ssont inefficaces.L’évolution des attitudes reste un champ d’action fondamental. Eneffet, si des changements de comportement peuvent être obtenuspar <strong>le</strong> biais de différentes pressions externes ou internes, il estmontré que <strong>le</strong>s motivations et pressions internes sont susceptib<strong>le</strong>sde produire des changements plus importants, plus durab<strong>le</strong>set transposab<strong>le</strong>s à différents secteurs de la consommation.<strong>pour</strong>suivis tout au long de la vie et la connaissance des comportementsdes jeunes d’aujourd’hui constitue un bon indicateursdes comportements des générations adultes de demain. Il estdonc important de favoriser un apprentissage actif et responsab<strong>le</strong>des citoyens à tous <strong>le</strong>s niveaux de l’enseignement scolaire,dès <strong>le</strong>s premiers stades.Participer: impliquer <strong>le</strong>s citoyens/<strong>consommateur</strong>s dans la prise de décision <strong>pour</strong> une consommation durab<strong>le</strong>. 22La mise en œuvre de mode de consommation durab<strong>le</strong> peutreposer éga<strong>le</strong>ment sur de nouvel<strong>le</strong>s propositions faites en matièrede gouvernance. Les démarches participatives reposent surl’hypothèse selon laquel<strong>le</strong> sensibiliser et impliquer davantage<strong>le</strong>s citoyens dans <strong>le</strong>s processus décisionnels concernant <strong>le</strong> développementdurab<strong>le</strong> permettra d’atteindre plus rapidement etplus faci<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s objectifs <strong>pour</strong>suivis (en améliorant la qualitéde l’information utilisée au cours du processus de décision, encontribuant à la convergence des objectifs de bien-être privé etsocial). La participation devrait éga<strong>le</strong>ment permettre d’élargirla base socia<strong>le</strong> favorab<strong>le</strong> à une consommation durab<strong>le</strong>, de développeret renforcer <strong>le</strong>s attitudes positives, de faire jouer <strong>le</strong>sinteractions socia<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s changements de comportements.4.3 L’utilisation préférentiel<strong>le</strong> des outils d’information se justifie-t-el<strong>le</strong> ?Si l’information sur <strong>le</strong>s produits est essentiel<strong>le</strong> <strong>pour</strong> comprendre quels sont <strong>le</strong>s comportements attendus, accepter <strong>le</strong>s mesurescontraignantes ou participer à la mise en œuvre des politiques orientées sur <strong>le</strong>s produits, el<strong>le</strong> ne semb<strong>le</strong> pas pouvoir initier, à el<strong>le</strong>seu<strong>le</strong>, des changements de comportements significatifs.Or, la plupart des mesures visant à modifier <strong>le</strong>s modes de consommation reposent sur des actions d’information, très probab<strong>le</strong>ment parceque ces dernières rencontrent moins d’obstac<strong>le</strong>s que <strong>le</strong>s mesures plus contraignantes et sont davantage compatib<strong>le</strong>s avec <strong>le</strong> marché.Plusieurs types d’obstac<strong>le</strong>s interviennent; on peut distinguer:- <strong>le</strong> manque d’une véritab<strong>le</strong> stratégie de communication enmatière de consommation durab<strong>le</strong>, capab<strong>le</strong> de fournir l’informationà un niveau suffisamment important <strong>pour</strong> «contrebalancer»<strong>le</strong>s incitants à consommer;- <strong>le</strong> fait que même avec de «bonnes» campagnes, il y a deslimites - on l’a vu - au modè<strong>le</strong> d’une information influençantfortement <strong>le</strong>s comportements. En effet, si on admet que <strong>le</strong>schoix des ménages dépendent largement du contexte dans<strong>le</strong>quel ils s’effectuent, on peut comprendre qu’un instrumentqui agit uniquement sur <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> ne peut pas seulmodifier son comportement.22Voir à ce propos <strong>le</strong>s travaux et publications de la Fondation Roi Baudouin : Nouvel<strong>le</strong>s formes de participation et de dialogue, 2006.27


Le manque de stratégie de communication en matière deconsommation durab<strong>le</strong> se traduit notamment par un brouillardmédiatique, lié à la diversité des émetteurs et des messages,incapab<strong>le</strong> de faire face à la concurrence exercée par <strong>le</strong>s injonctionsà consommer (publicités, marketing, culture de la consommation).Non seu<strong>le</strong>ment la publicité invite à consommer desproduits et des services ayant des impacts environnementauxtrès importants (voiture privée) et à adopter des comportementspréjudiciab<strong>le</strong>s à l’environnement (rou<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> lit d’une rivière,dans un champ de blé, rou<strong>le</strong>r à grande vitesse,…) mais el<strong>le</strong>entretient surtout une pression généra<strong>le</strong> à la consommation etassure la transmission de va<strong>le</strong>urs et modè<strong>le</strong>s de consommationpartout dans <strong>le</strong> monde. Fait d’autant plus préoccupant,qu’aujourd’hui la publicité avance masquée : l’essentiel desmessages publicitaires se font hors des média traditionnels etéchappent à tout contrô<strong>le</strong>.la publicité «below the line» désigne la publicité diffusée «hors média»: netvertising, packaging, merchandising, marketingdirect, relations publiques, événementiel, etc. Ces dernières décennies, la publicité «below the line» s’est rapidement développée<strong>pour</strong> atteindre dans <strong>le</strong>s années quatre-vingt, 50% du total des dépenses publicitaires. Aujourd’hui en Belgique, el<strong>le</strong>en représenterait 55%!Selon certaines sources, chacun serait touché par plus de 1000messages différents chaque jour mais n’en retiendrait quequelques uns, parmi <strong>le</strong>s plus percutants. Dès lors <strong>pour</strong> vendre,il est essentiel de se démarquer, de retenir l’attention et tous<strong>le</strong>s moyens semb<strong>le</strong>nt bons <strong>pour</strong> y parvenir. Dans ce contexte,il semb<strong>le</strong> diffici<strong>le</strong> de faire émerger des messages éducatifs.D’autant plus que <strong>le</strong>s budgets dédiés à la sensibilisation àla consommation durab<strong>le</strong> sont beaucoup plus faib<strong>le</strong>s que <strong>le</strong>sbudgets publicitaires et que <strong>le</strong>s campagnes menées manquentencore souvent de professionnalisme.Jusqu’à présent <strong>le</strong>s tentatives de régulation de la publicité envue d’instaurer une communication compatib<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>s objectifsd’un développement durab<strong>le</strong> sont restées sans effet.En Belgique, dans <strong>le</strong>s années 90, la Commission <strong>pour</strong> l’étiquetage et la publicité écologique a développé un Code de lapublicité écologique 23 . Malgré une concertation poussée et une gestion paritaire des plaintes, l’expérience s’est avérée peuconcluante. Faib<strong>le</strong>sse des réactions du public, délai de traitement des plaintes, absence de sanction, limitation du champcouvert... Autant d’éléments qui expliquent la «mise au frigo» de ce code.Le débat a repris en 2002 au sein du groupe de travail Sensibilisation et Communication du Conseil Fédéral de DéveloppementDurab<strong>le</strong> (CFDD). Malgré un dialogue ouvert, aucun consensus n’a pu être dégagé et porté dans un avis.Une autre tendance consiste aujourd’hui à envisager <strong>le</strong> mondede la création publicitaire comme un allié potentiel dont <strong>le</strong>scompétences <strong>pour</strong>raient soutenir la promotion de modes deconsommation plus durab<strong>le</strong>s. Certains chercheurs analysentcomment <strong>le</strong>s connaissances et <strong>le</strong>s techniques du marketingpeuvent être utilisées <strong>pour</strong> mieux positionner sur <strong>le</strong> marché <strong>le</strong>sproduits durab<strong>le</strong>s et <strong>pour</strong> promouvoir non pas des produits maisdes idées tel<strong>le</strong> que cel<strong>le</strong> d’une consommation plus durab<strong>le</strong>.La sensibilisation des professionnels de la publicité ne date pas d’hier. En 1999, <strong>le</strong> PNUE organisait un forum sur la publicitéet la communication, afin de sensibiliser <strong>le</strong>s acteurs du secteur et de développer une communication mieux adaptée aux nouvel<strong>le</strong>sattentes des <strong>consommateur</strong>s. Cette démarche a été <strong>pour</strong>suivie et <strong>le</strong>s travaux font l’objet d’intéressants comptes-renduspubliés sur <strong>le</strong> site du PNUE: www.unep.frUn autre obstac<strong>le</strong> à l’efficacité de la diffusion de l’informationtient à la dispersion et à l’hétérogénéité des <strong>consommateur</strong>s,dès lors très diffici<strong>le</strong>s à atteindre, ainsi qu’à la diversité desmotivations qui soutiennent ou freinent l’adoption de choix plusdurab<strong>le</strong>s.En effet, <strong>le</strong>s différents outils développés en matière d’informationainsi que <strong>le</strong>s campagnes de sensibilisation sont souvent élaboréssans tenir compte des caractéristiques des publics ciblés, aucontraire de ce que préconisent <strong>le</strong>s professionnels du marketing.23Texte du code de la publicité écologique: http://mineco.fgov.be/protection_consumer/councils/consumption/pdf/code_fr.pdf28


Or, <strong>le</strong>s enquêtes dont <strong>le</strong>s résultats sont présentés dans cette brochureindiquent que <strong>le</strong>s personnes diffèrent quant à <strong>le</strong>urs motivations,<strong>le</strong>urs contraintes, <strong>le</strong>urs attentes, <strong>le</strong>urs possibilités d’action.Par exemp<strong>le</strong>, la plupart des campagnes invitent à agir «<strong>pour</strong>protéger l’environnement» alors que, nous l’avons vu, ce n’estpas un argument porteur <strong>pour</strong> une majorité de personnes. Leséconomies financières, la recherche du confort, <strong>le</strong> besoin d’appartenanceet de distinction, <strong>le</strong>s avantages en matières de santéet de sécurité sont <strong>pour</strong> certaines catégories de personnes desarguments plus convaincants. Ainsi, <strong>le</strong>s discours actuels existantdans <strong>le</strong> domaine de la consommation durab<strong>le</strong> ne s’adressent qu’àun petit nombre de types de <strong>consommateur</strong>s alors qu’il existe unpotentiel plus important dans ce domaine d’action.Il en va de même lorsque l’on considère <strong>le</strong>s outils élaborés <strong>pour</strong>informer sur <strong>le</strong>s produits. Aujourd’hui, en Europe, on privilégie<strong>le</strong> développement de labels volontaires (label écologique européenet labels écologiques nationaux, labels éthiques et sociaux,labels biologiques…) <strong>pour</strong> aider <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> à identifier<strong>le</strong>s produits plus durab<strong>le</strong>s. Certains de ces labels ont acquisune notoriété considérab<strong>le</strong> mais la plupart d’entre eux restentconfidentiels. De nombreuses raisons sont avancées <strong>pour</strong> expliquerces échecs: non participation des acteurs économiques,comp<strong>le</strong>xité et coût du système de labellisation, structures administrativespeu adaptées à la gestion de ces instruments de marché…On s’interroge moins souvent sur l’attractivité de ce typed’information auprès des <strong>consommateur</strong>s et sur la confiancequ’ils <strong>le</strong>ur accordent. Or, <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s, différant dans <strong>le</strong>slogiques qu’ils développent vis-à-vis du marché, peuvent avoirdes avis très divergents quant à l’utilité et la fiabilité des labelset manifester une confiance variab<strong>le</strong> aux différents promoteursde labels. Ainsi, par exemp<strong>le</strong>, l’intervention de l’état représenteraune garantie <strong>pour</strong> certains alors qu’el<strong>le</strong> éveil<strong>le</strong>ra la méfianced’autres. Il est donc peu vraisemblab<strong>le</strong> qu’un seul type d’instrumentinformatif obtienne l’adhésion d’une majorité de <strong>consommateur</strong>s.Pour toucher plus largement <strong>le</strong> public, il conviendraitde tenir compte de la diversité des profils de consommation etde développer en complément d’autres propositions d’information(éco-profils, étiquetages obligatoires,...).Toutefois il faudrait mieux étudier cette proposition car d’autresétudes (dont De Pelsmacker et al, 2007) indiquent que la multiplicationde labels et autres informations en tout genre nuit à lacrédibilité de chacune d’entre el<strong>le</strong>s.Pour <strong>le</strong>s chercheurs impliqués dans <strong>le</strong> cluster, réduire <strong>le</strong>s effetsde la consommation des ménages sur l’environnement et développerdes modes de consommation plus durab<strong>le</strong>s nécessitel’utilisation d’une combinaison d’instruments, dont <strong>le</strong>s interventionssont coordonnées dans <strong>le</strong> temps et l’espace, réfléchiesdans une approche «cyc<strong>le</strong> de vie» et qui agit à la fois sur <strong>le</strong>s<strong>consommateur</strong>s et sur <strong>le</strong> contexte dans <strong>le</strong>quel ces derniers prennent<strong>le</strong>urs décisions.Les développements observés dans <strong>le</strong> secteur des appareilsé<strong>le</strong>ctrodomestiques indiquent combien il importe d’utiliser unepa<strong>le</strong>tte d’instruments complémentaires. Ainsi, certaines innovationstechnologiques ont permis de mettre sur <strong>le</strong> marché desappareils plus performants en terme de consommation de ressources.De nombreux exemp<strong>le</strong>s sont illustrés dans <strong>le</strong> rapport«Facteur 4, l’équation écologique» réalisé par l’Institut <strong>pour</strong> unDéveloppement durab<strong>le</strong> (IDD). 24 Le développement de normes etde rég<strong>le</strong>mentations en matière d’efficacité énergétique a permisd’éliminer du marché <strong>le</strong>s appareils <strong>le</strong>s moins performants(réfrigérateurs, lave-linge). Le développement de labels et d’étiquetageénergétique aide <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> à choisir <strong>le</strong>s appareilssur base de <strong>le</strong>urs performances énergétiques et l’achat desappareils <strong>le</strong>s plus performants est soutenu par des incitantsfinanciers tels que des primes. Néanmoins ce sont <strong>le</strong> taux depossession, la fréquence et la durée d’utilisation qui influencent<strong>le</strong> plus la consommation domestique d’eau et d’énergie.Il est donc primordial de sensibiliser, d’informer et d’éduquer<strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s notamment <strong>pour</strong> qu’ils utilisent rationnel<strong>le</strong>ment<strong>le</strong>urs appareils mais aussi <strong>pour</strong> qu’ils <strong>le</strong>s utilisent moinsou utilisent moins d’appareils.4.4 En quoi <strong>le</strong> marketing peut-il contribuer à la consommation durab<strong>le</strong>?Le marketing peut-il jouer un rô<strong>le</strong> positif vis-à-vis de l’émergencede modes de consommation plus soutenab<strong>le</strong>s? Différentesétudes réalisées dans <strong>le</strong> secteur des produits issus du commerceéquitab<strong>le</strong> tendent à montrer que <strong>le</strong> marketing peut aiderà mieux positionner <strong>le</strong>s produits sur <strong>le</strong> marché et contribuer àdiffuser <strong>le</strong>s produits mais aussi <strong>le</strong>s projets auprès d’un publicde <strong>consommateur</strong>s plus large.L’équipe de P. De Pelsmacker (2007) s’est intéressé au marketingdes produits du commerce équitab<strong>le</strong>.24http://users.skynet.be/idd/projets/facteur4.htm29


Le marketing est un processus d’échange par <strong>le</strong>quel des commerçants vendent avec profit des produits à un marché de<strong>consommateur</strong>s potentiels qui essayent de satisfaire <strong>le</strong>urs besoins en achetant ces produits. Les instruments du marketingpeuvent être synthétisés par 4 P : produit et marque (Product and brand), prix (Price), distribution (Place) et communication(Promotion). La tâche d’un responsab<strong>le</strong> de marketing est d’identifier des segments de marché susceptib<strong>le</strong>s d’acheter <strong>le</strong>produit, de définir une stratégie de marketing et de traduire cette stratégie en actions tactiques : conception des produits,développement de marques, fixation de prix, distribution et promotion adéquates.<strong>Quel</strong> groupe cib<strong>le</strong> <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s produits du commerce équitab<strong>le</strong>?Les <strong>consommateur</strong>s de produits du commerce équitab<strong>le</strong> sontdiffici<strong>le</strong>s à identifier d’un point de vue socio-démographique.La segmentation doit recourir à d’autres paramètres comme <strong>le</strong>sva<strong>le</strong>urs ou <strong>le</strong>s attitudes. Une étude belge 25 définit 4 groupes de<strong>consommateur</strong>s d’après l’importance attachée à certains attributsdes produits; parmi ceux-ci figurent <strong>le</strong> groupe des Fair Tradelovers (11 %) et celui des Fair Trade likers (40 %). Le groupe«likers»” ne diffère pas de la moyenne en ce qui concerne <strong>le</strong>scaractéristiques socio-démographiques tandis que <strong>le</strong>s «lovers»sont davantage ma<strong>le</strong>s, bien éduqués, âgés de 31 à 44 ans.Le groupe à cib<strong>le</strong>r n’est pas <strong>pour</strong> autant celui qui achète déjàdes produits équitab<strong>le</strong>s. Il peut être plus intéressant de s’adresseraux «likers» dont <strong>le</strong>s attitudes sont positives mais qui n’ontpas tous encore concrétisé cette attitude positive en achats.Le groupe des «likers» se caractérise surtout par <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs queses membres partagent: moins conventionnels et plus idéalistesque la moyenne et moins intéressés par <strong>le</strong>s gratifications personnel<strong>le</strong>s.En termes socio-démographiques, il s’agit plutôt depersonnes plus âgées, bénéficiant d’un haut niveau d’éducation,et de revenus é<strong>le</strong>vés.Pour positionner <strong>le</strong>urs produits, <strong>le</strong>s organisations Fair-trade ontdonc tout intérêt à continuer à développer des arguments devente basé sur l’idéalisme et l’altruisme et d’adopter une attitudenon conventionnel<strong>le</strong>.En ce qui concerne <strong>le</strong> premier P (Product and brand), DePelsmacker observe que <strong>le</strong>s produits du commerce équitab<strong>le</strong>sont vendus sous certaines marques ou sous certains labels.Or, il existe différents labels du commerce équitab<strong>le</strong>; ceux-ci neconstituant qu’une catégorie parmi de nombreuses autres catégoriesde labels. Comme il a déjà été souligné, la coexistencede nombreux labels entraîne une confusion chez <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>set une baisse de la crédibilité de ce type d’instrument.Ainsi, <strong>le</strong> scepticisme à l’égard des labels constitue un frein àl’achat de produits du commerce équitab<strong>le</strong>.25De Pelsmacker & Al., 2007.Quant au prix, il peut être souligné que payer plus <strong>pour</strong> un produitFair Trade semb<strong>le</strong> accepté par certaines personnes maisconstitue un frein <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s autres. Le prix trop é<strong>le</strong>vé est un argumentfréquemment avancé par ceux qui n’achètent pas <strong>le</strong>sproduits issus du commerce équitab<strong>le</strong> et <strong>le</strong> différentiel de prixexistant explique en partie la faib<strong>le</strong> part de marché des produitsFair Trade. De Pelsmacker a calculé qu’en réduisant <strong>le</strong> supplémentde prix du café Fair Trade de 10%, on <strong>pour</strong>rait augmenter<strong>le</strong> taux de pénétration de ce produit jusqu’à 35%.Si on analyse <strong>le</strong> troisième P, relatif à la distribution, l’enquêterelève qu’une majorité de personnes souhaitent pouvoir acheterdes produits Fair Trade dans <strong>le</strong>s supermarchés habituels. Devoirse rendre dans un magasin spécialisé constitue un frein. Les<strong>consommateur</strong>s interrogés déclarent souhaiter recevoir plusd’information principa<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong>s lieux de vente.D’après <strong>le</strong>s résultats de l’enquête menée, <strong>le</strong> produit <strong>le</strong> plusattractif (café) est une marque de producteur de café avec unlabel Fair Trade géré par l’Europe, présentant de l’informationsupplémentaire sur l’emballage, distribué dans <strong>le</strong>s supermarchésordinaires, se trouvant sur <strong>le</strong>s rayons avec <strong>le</strong>s autres typesde cafés.Le produit <strong>le</strong> moins attractif est une marque de distributeur avecun label bio géré par <strong>le</strong> gouvernement belge, distribué dans desmagasins spécialisés et promu via des brochures informatives.Ce que De Pelsmacker montre, c’est bien que la réf<strong>le</strong>xion marketingpeut aider à mieux positionner <strong>le</strong>s produits du commerceéquitab<strong>le</strong>, notamment auprès d’un large public peu ou moinsfamiliarisé avec <strong>le</strong>s questions relatives aux équilibres Nord-Sud.Ainsi, en accord avec <strong>le</strong>s résultats de son enquête, il est évidentque l’introduction des produits du commerce équitab<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>sgrandes chaînes de distribution s’est accompagnée d’une augmentationconsidérab<strong>le</strong> des ventes.30


Le chiffre d’affaires des produits labellisés Max Havelaar a augmenté de 21% grâce à la grande distribution. En 2005, sur<strong>le</strong>s 21 millions d’euros du chiffre d’affaires estimé des produits certifiés Max Havelaar, près de 70% sont réalisés dans <strong>le</strong>sgrandes surfaces.Source: supplément relatif à la semaine du commerce équitab<strong>le</strong> 2006, Libre Belgique du 23/09/2006.Néanmoins ces développements introduisent de nouvel<strong>le</strong>s questionset certaines tensions à l’intérieur même du réseau desacteurs du commerce équitab<strong>le</strong> «traditionnel». C’est ce qu’a misen évidence R. Le Velly (2007) dans sa recherche sur <strong>le</strong>s contradictionsdu développement du commerce équitab<strong>le</strong>. Il montred’abord que <strong>le</strong> commerce équitab<strong>le</strong> n’est pas une réalité homogèneet recouvre de nombreuses situations différentes.Néanmoins, d’une manière généra<strong>le</strong>, on peut définir <strong>le</strong> commerceéquitab<strong>le</strong> comme une forme de commerce qui vise à assurerune juste rémunération du travail des petits producteurs de paysen voie de développement qui s’engagent en retour à garantir <strong>le</strong>sdroits fondamentaux du respect des Droits de l’Homme parmi<strong>le</strong>squels : santé et sécurité au travail, interdiction du travail forcé(esclavage), la non-discrimination entre hommes et femmes,entre personnes de races, de religions différentes, <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>des heures de travail, la liberté syndica<strong>le</strong>, etc.Qu’entend on par petits producteurs Il s’agit de groupes marginalisés qui n’ont pas accès au marché conventionnel travaillantdans <strong>le</strong> cadre de structures de production régies par des principes d’organisation démocratique (coopérative), <strong>le</strong> respect desdroits de l’homme au travail, <strong>le</strong> respect des traditions culturel<strong>le</strong>s, pas de relation de domination entre <strong>le</strong> donneur d’ordre etl’exécutant.Si ces dernières années, on enregistre une forte augmentationdes chiffres de vente des produits du commerce équitab<strong>le</strong> (dueprobab<strong>le</strong>ment à l’amélioration de la qualité des produits, la modernisationdes lieux de vente et l’introduction de produits ducommerce équitab<strong>le</strong> dans la grande distribution), ces développementsont généré des tensions au sein même de la filière. Lecommerce équitab<strong>le</strong> contient une remise en cause des modè<strong>le</strong>scommerciaux conventionnels mais, <strong>pour</strong> accroître <strong>le</strong>s ventes, <strong>le</strong>sacteurs reviennent aux rouages de l’économie classique.Le prix juste est celui qui permet d’assurer au producteur un salairecompatib<strong>le</strong> avec une vie digne; il doit permettre de couvrir<strong>le</strong>s coûts de production, assurer <strong>le</strong> maintien et <strong>le</strong> développementdu système de production et générer un bénéfice raisonnab<strong>le</strong>.Toutefois, la fixation du prix équitab<strong>le</strong> ne peut pas faire abstractiondu prix du marché. Deux approches existent en matièrede fixation des prix : une approche “prix minimaux” où <strong>le</strong> prixpayé au producteur ne peut descendre en dessous d’un certainmontant et une approche «marché» où on considère <strong>le</strong> prix dumarché auquel on ajoute une prime de développement. Parfois<strong>le</strong>s prix du commerce équitab<strong>le</strong> sont au même niveau que ceuxdu marché conventionnel Cela n’implique pas que cette rémunérationsoit insuffisante <strong>pour</strong> assurer de bonnes conditions devie aux producteurs. Mais, <strong>pour</strong> nombre de militants du Nord quiassocient <strong>le</strong> prix équitab<strong>le</strong> à un prix nécessairement supérieurau prix de marché, ce fait est diffici<strong>le</strong> à entendre.De même, <strong>le</strong> développement des ventes au-delà de la clientè<strong>le</strong>militante nécessite l’offre de produits commercialisab<strong>le</strong>s,c’est à dire répondant aux normes et aux goûts de la clientè<strong>le</strong>européenne (contraire au principe d’authenticité culturel<strong>le</strong>) etfournis en volume suffisant et régulier (contraire au principe detravail<strong>le</strong>r avec des petits groupes marginalisés). Il faut soulignercombien il est diffici<strong>le</strong> de mettre sur <strong>le</strong> marché des produits quidoivent plaire au plus grand nombre tout en travaillant avec despetits producteurs.Le commerce équitab<strong>le</strong> repose aussi sur des relations de proximitéentre <strong>le</strong> producteur, <strong>le</strong> distributeur et <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong>.Dans <strong>le</strong>s magasins du monde, par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> client reçoit desinformations sur <strong>le</strong>s producteurs. Certaines filières réalisent el<strong>le</strong>s-mêmes<strong>le</strong>s opérations commercia<strong>le</strong>s. D’autres filières, <strong>le</strong>sfilières de labellisation, sont <strong>le</strong> vecteur de l’accroissement desdébouchés mais, en déléguant <strong>le</strong>s opérations d’importation etde commercialisation, el<strong>le</strong>s tendent aussi à maintenir la relationimpersonnel<strong>le</strong> existant entre producteurs et <strong>consommateur</strong>s. Enoutre, il est possib<strong>le</strong> de montrer que cette stratégie de labellisation/délégationdonne un pouvoir de marché à l’aval de lafilière, induisant des pressions sur <strong>le</strong>s conditions d’achat auxgroupements de producteurs (Le Velly, 2007).31


4.5 <strong>Quel</strong> rô<strong>le</strong> <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s entreprises?Vis-à-vis de la consommation durab<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s entreprises peuvent jouer un rô<strong>le</strong> d’impulsion important, surtout dans une société dominéepar son marché.El<strong>le</strong>s peuvent se doter de règ<strong>le</strong>s éthiques environnementa<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s, recourir à des méthodes de production plus respectueusesde l’environnement, communiquer de manière transparente sur <strong>le</strong>urs impacts sociétaux, mettre sur <strong>le</strong> marché des produits durab<strong>le</strong>s,conçus et fabriqués dans <strong>le</strong> respect de critères environnementaux,...qu’est-ce que la responsabilité socia<strong>le</strong> des entreprises - RSE?En juil<strong>le</strong>t 2001, la Commission a présenté <strong>le</strong> livre vert intitulé «Promouvoir un cadre européen <strong>pour</strong> la responsabilité socia<strong>le</strong>des entreprises.» La RSE y est définie comme «l’intégration volontaire par <strong>le</strong>s entreprises de préoccupations socia<strong>le</strong>s et environnementa<strong>le</strong>sdans <strong>le</strong>urs activités commercia<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>urs relations avec <strong>le</strong>urs parties prenantes». COM 2001(366)Qui peut influencer <strong>le</strong>s décision des entreprises et comment ?Selon N. Frasel<strong>le</strong> et I. Sherer (2007) différents groupes de stakeholdersstimu<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s compagnies à agir de manière socia<strong>le</strong>mentresponsab<strong>le</strong>. Les stakeholders sont regroupés en 4 catégories :organisationnel<strong>le</strong>s (employés, clients, shareholders, fournisseurs,investisseurs,..), communauté (résidents locaux, grouped’intérêt spécifique), régulation (municipalités, autorités politiques)et <strong>le</strong>s média. Tous sont directement ou indirectementaffectés ou affectent <strong>le</strong>s activités de l’entreprise. Dans cecontexte, <strong>le</strong>s changements dans la société surviennent suite auxconflits qui surgissent entre <strong>le</strong>s entreprises et <strong>le</strong>s stakeholders.Parmi, ces stakeholders, <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s semb<strong>le</strong>nt avoirmoins d’influence que la direction des entreprises, <strong>le</strong>s actionnaireset <strong>le</strong> personnel de l’entreprise, du moins en ce qui concernel’orientation de la gestion environnementa<strong>le</strong> des activités del’entreprise. 26Les investissements et <strong>le</strong>s investisseurs constituent un autrefacteur d’influence important, une question analysée par E. DeKeu<strong>le</strong>neer (2007).Les investissements socia<strong>le</strong>ment responsab<strong>le</strong>s visent à offrir desinvestissements dans <strong>le</strong>s compagnies qui font attention à <strong>le</strong>ursimpacts sur la société. Si <strong>le</strong>s flux financiers relatif à ce type d’investissementdevenaient suffisamment importants cela <strong>pour</strong>raitinfluencer <strong>le</strong> comportement des entreprises qui souhaitent attirer<strong>le</strong>s investisseurs intéressés par ce type d’investissement.Différents standards sont utilisés <strong>pour</strong> évaluer la contribution des entreprises au développement durab<strong>le</strong>. Les premiers standardsutilisés dans <strong>le</strong>s années 70 et 80 par certains fonds d’investissement et fonds de pensions furent des critères d’exclusionà base mora<strong>le</strong> vis-à-vis de certaines activités : tabac, alcool, armes, production dangereuse <strong>pour</strong> l’environnement,travail des enfants. Les critères ont ensuite évolué <strong>pour</strong> donner lieu à des définitions qualitatives positives de ce qu’est laresponsabilité socia<strong>le</strong> des entreprises, associée avec la notion de développement durab<strong>le</strong> dans l’économie. La responsabilitésocia<strong>le</strong> des entreprises correspond à la prise en compte de l’impact sur la société des différentes activités de l’entreprise. El<strong>le</strong>est évaluée à l’aide d’un set d’indicateurs portant sur <strong>le</strong>s performances non financières (socia<strong>le</strong>s, environnementa<strong>le</strong>s,…)des entreprises.Les investisseurs peuvent influencer <strong>le</strong>s entreprises de différentes manièresDifférentes banques offrent des possibilités d’épargne et de dépôtdont la rémunération va en partie à des projets qui visent lasolidarité et <strong>le</strong> développement soutenab<strong>le</strong>. En Belgique cela neconcerne pas un flux financier très important et n’exerce doncpas une influence significative sur <strong>le</strong>s entreprises.Une autre possibilité correspond à confier son épargne à desbanques qui accordent des financements uniquement à desprojets sé<strong>le</strong>ctionnés selon des critères éthiques ou de développementdurab<strong>le</strong>. Ces banques éthiques n’ont pas non plusune grande influence sur <strong>le</strong> comportement des entreprises mais26Kestemont in Bruyer V., Wal<strong>le</strong>nborn G., Zaccaï E., Delbaere P., Kestemont M-P., Rousseau C. (2004) Critères et impulsions de changements vers uneconsommation durab<strong>le</strong> : approche sectoriel<strong>le</strong>, PADDII32


el<strong>le</strong>s soutiennent la création d’entreprises répondant aux critèresd’un développement durab<strong>le</strong>.On peut éga<strong>le</strong>ment réaliser des investissements sur <strong>le</strong> marchéfinancier selon des critères éthiques, en sé<strong>le</strong>ctionnant <strong>le</strong>s actionsque l’on veut soutenir ou éviter sur base des cotes fourniespar des agences spécialisées (Ethibel en Belgique). Ou choisirdes fonds d’investissements qui travail<strong>le</strong>nt avec des critèreséthiques (SRI Funds).Beaucoup d’investisseurs se déclarent intéressés par l’investissementéthique mais il y a une marge importante entre <strong>le</strong>sdéclarations et la réalité. Les niveaux d’investissement éthiqueaugmentent mais restent limités. L’impact de ces investissementssur <strong>le</strong> marché financier reste lui aussi limité. L’influencela plus importante semb<strong>le</strong> être une pression accrue à communiquersur <strong>le</strong>s impacts sociétaux des entreprises.Dans <strong>le</strong> domaine des investissements éthiques, certaines questionsfondamenta<strong>le</strong>s demeurent, par exemp<strong>le</strong>: Les définitionsdes investissements éthiques sont el<strong>le</strong>s fiab<strong>le</strong>s? Les méthodesutilisées conduisent à sous-évaluer ou au contraire surévaluer<strong>le</strong>s performances socia<strong>le</strong>s des entreprises de certains secteurs?Certains types de critères ne sont pas pris, ou sont insuffisammentpris en compte, comme la manière dont sont conçus etcommercialisés <strong>le</strong>s produits. Les investissements éthiquessont ils plus performants? Ce n’est pas évident ni qu’ils fassentmieux, ni qu’ils fassent moins bien. Mais doivent-ils être évaluésuniquement sous l’aspect financier si <strong>le</strong>s investisseurs attendentéga<strong>le</strong>ment des performances d’ordre éthique?Dekeu<strong>le</strong>neer (2007) montre que <strong>le</strong>s critères pris en compte<strong>pour</strong> évaluer la responsabilité socia<strong>le</strong> des entreprises ne sontpas encore suffisamment fiab<strong>le</strong>s. Il plaide <strong>pour</strong> un engagementplus grand des gestionnaires de fond eux-mêmes, étant donné lafaib<strong>le</strong>sse des procédures d’évaluation et de classement.On observe bien une influence diffuse des acteurs sociaux diversvis-à-vis des entreprises mais diffici<strong>le</strong> à concrétiser et à accentuer,vu <strong>le</strong>s contradictions qui contextualisent la consommationdurab<strong>le</strong> (voir point 2.4).4.6 Et <strong>le</strong>s pouvoirs publics?Le rô<strong>le</strong> que peuvent avoir <strong>le</strong>s pouvoirs publics vis-à-vis de l’émergence de modes de consommation plus durab<strong>le</strong>s n’a pas fait l’objetd’études spécifiques dans <strong>le</strong> cluster. Certaines réf<strong>le</strong>xions et propositions apparaissent néanmoins en filigrane des différentes étudessur <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s et <strong>le</strong>s choix de consommation. Nous en reprenons quelques unes ci-après.Organiser <strong>le</strong> débat sociétalPuisque <strong>le</strong>s mesures mises en place tardent à produire <strong>le</strong>urseffets, on peut penser que <strong>le</strong>s instruments classiques et <strong>le</strong>s mesureshabituel<strong>le</strong>s n’engendreront pas un changement suffisant;<strong>le</strong>s progrès dépendront au moins en partie de la créativité, dudéveloppement de nouvel<strong>le</strong>s idées, de l’action hors des sentiersbalisés et d’un soutien large de la société. C’est <strong>pour</strong>quoi <strong>le</strong>débat sociétal devrait être ouvert sur toutes <strong>le</strong>s questions quepose la remise en cause de nos modes de consommation etde production, même <strong>le</strong>s plus diffici<strong>le</strong>s, cel<strong>le</strong>s qui font l’objetde positions contradictoires, cel<strong>le</strong>s qui semb<strong>le</strong>nt souffrird’un «tabou» comme, par exemp<strong>le</strong>, la croissance économiqueest-el<strong>le</strong> nécessaire?, Existe-t-il des réponses non matériel<strong>le</strong>s ounon marchandes aux besoins? La simplicité volontaire peut-el<strong>le</strong>constituer un modè<strong>le</strong> enviab<strong>le</strong>?Développer une véritab<strong>le</strong> politique «durab<strong>le</strong>» de la consommationPour <strong>le</strong> moment <strong>le</strong>s mesures visant la consommation durab<strong>le</strong>proviennent d’initiatives d’autres politiques comme <strong>le</strong>s politiquesenvironnementa<strong>le</strong>s ou <strong>le</strong>s politiques de développement. Ilserait certainement très uti<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s piliers environnementauxet sociaux soient davantage intégrés dans la politique même deAssurer la cohérence entre <strong>le</strong>s politiques, dans l’espace et dans <strong>le</strong> tempsLa première cohérence concerne <strong>le</strong>s politiques concernant <strong>le</strong>sdifférentes matières : actuel<strong>le</strong>ment un même gouvernement peutinviter à accroître la consommation <strong>pour</strong> soutenir l’économie etd’autre part encourager <strong>le</strong>s économies et <strong>le</strong>s changements deconsommation et qu’il n’y aient plus côte à côte une politiquede la consommation et des prescriptions de consommation durab<strong>le</strong>.Cela permettrait notamment de mieux impliquer <strong>le</strong>s organisationsde <strong>consommateur</strong>s dans <strong>le</strong>s actions à mener.comportement <strong>pour</strong> faire face aux enjeux du développementdurab<strong>le</strong>, notamment <strong>pour</strong> respecter <strong>le</strong>s termes des accordspassés au niveau international (Kyoto, biodiversité,…). Cetteschizophrénie se traduit, par exemp<strong>le</strong>, vis-à-vis du commerce33


équitab<strong>le</strong>, par <strong>le</strong> soutien d’actions culturel<strong>le</strong>s en faveur de cetteforme de commerce mais d’autre part, par <strong>le</strong> développement derèg<strong>le</strong>s juridiques rendant diffici<strong>le</strong> l’intégration de clauses socia<strong>le</strong>sdans <strong>le</strong>s appels d’offres <strong>pour</strong> marchés publicsLa cohérence concerne éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s politiques menées auxdifférents échelons de pouvoir : européen, national, régional etcommunal. Par exemp<strong>le</strong>, en Belgique, il est diffici<strong>le</strong> de concevoirune politique de produits basée sur une approche du cyc<strong>le</strong> devie car <strong>le</strong>s différentes étapes de la vie d’un produit relèvent dediverses compétences qui ne collaborent pas faci<strong>le</strong>ment.Enfin la cohérence devrait être éga<strong>le</strong>ment assurée dans <strong>le</strong> tempsnotamment par l’adoption d’une planification à long terme.Agir sur <strong>le</strong> contexte dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong> <strong>consommateur</strong> prend ses décisionsPuisqu’il est reconnu, par un ensemb<strong>le</strong> de chercheurs d’horizonsdifférents, que <strong>le</strong>s changements dans <strong>le</strong>s modes de consommationne viendront pas du changement volontaire de millionsd’individus, <strong>le</strong>s autorités publiques devraient prendre des mesures<strong>pour</strong> infléchir <strong>le</strong> contexte dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>sprennent <strong>le</strong>urs décisions. Ce contexte comprend notamment <strong>le</strong>marché, <strong>le</strong>s institutions, <strong>le</strong>s infrastructures, <strong>le</strong>s communautésculturel<strong>le</strong>s.très vive chez <strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s, comme <strong>le</strong> montrent différentssondages. Les <strong>consommateur</strong>s se sentant incapab<strong>le</strong>s d’identifier<strong>le</strong>s produits durab<strong>le</strong>s parmi l’offre existante, ils souhaitentqu’on <strong>le</strong>ur garantissent que <strong>le</strong>s produits offerts soient tous plusrespectueux du développement durab<strong>le</strong>. Remarquons éga<strong>le</strong>mentque <strong>le</strong> relèvement des normes de base est éga<strong>le</strong>ment undes moyens <strong>le</strong>s plus efficaces dont on dispose <strong>pour</strong> éviter uneconsommation durab<strong>le</strong> à deux vitesses.Un premier axe <strong>pour</strong>rait viser à développer une véritab<strong>le</strong> politique«durab<strong>le</strong>» des produits non seu<strong>le</strong>ment afin d’élargir l’offreen produits respectueux du développement durab<strong>le</strong> mais aussi<strong>pour</strong> assurer <strong>le</strong> relèvement des normes de base <strong>pour</strong> l’ensemb<strong>le</strong>des produits mis sur <strong>le</strong> marché. Cette demande de normes estMontrer l’exemp<strong>le</strong>Modifier ses propres choix et modes de consommation est probab<strong>le</strong>mentl’une des mesures <strong>le</strong>s plus importantes que <strong>le</strong>s autoritéspubliques peuvent prendre <strong>pour</strong> contribuer à des modesde consommation plus durab<strong>le</strong>s. Tout d’abord, la modificationdes consommations des organismes publics peut entraîner unediminution notab<strong>le</strong> des impacts environnementaux et sociauxpuisque l’Etat est l’un des principaux <strong>consommateur</strong>s. Cettemodification constituerait en outre une inf<strong>le</strong>xion de la demandeque l’on peut espérer suffisamment importante <strong>pour</strong> constituerun signal <strong>pour</strong> <strong>le</strong> secteur de la production. La demande <strong>pour</strong> desproduits plus soucieux du développement durab<strong>le</strong> <strong>pour</strong>rait ainsiUn autre axe concerne <strong>le</strong> changement des structures et des institutions.Par exemp<strong>le</strong>, la politique d’aménagement du territoiredevrait veil<strong>le</strong>r à permettre de sortir du règne de la voiture privée,notamment par la relocalisation des activités et <strong>le</strong> développementd’infrastructures permettant d’autres formes de mobilité.Concrétiser <strong>le</strong>s changementsNous l’avons souligné, certaines barrières internes freinent <strong>le</strong>changement de comportement des individus : <strong>le</strong> sentiment d’incapacité,l’ignorance des «bons» comportements, <strong>le</strong> poids desroutines. L’autorité publique, peut contribuer à <strong>le</strong>ver ces barrièresen informant très concrètement sur <strong>le</strong>s changements attenduset en permettant aux personnes d’expérimenter de nouvel<strong>le</strong>spratiques. Par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> succès du compostage individuel peuts’expliquer par la mise à disposition du public de «compostières»,de guides pratiques indiquant comment faire, de formationset d’une mise en réseau par quartier, animé par des maîtrescomposteurs. Ce projet souligne éga<strong>le</strong>ment l’influence quepeut avoir la mise en réseau et l’action col<strong>le</strong>ctive. C’est dans cecontexte que l’action individuel<strong>le</strong> en faveur de comportements«durab<strong>le</strong>s» prend tout son sens. Les autorités publiques peuventcontribuer à une re-socialisation de la consommation en soutenantl’action col<strong>le</strong>ctive, notamment en impliquant systématiquement<strong>le</strong>s groupes de références, <strong>le</strong>s relais et <strong>le</strong>s communautésloca<strong>le</strong>s.encourager une amplification de l’offre durab<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> marchédédié au grand public. Mais l’adoption de pratiques plus durab<strong>le</strong>spar <strong>le</strong>s administrations et autorités publiques prend toutson sens en tant que va<strong>le</strong>ur d’exemp<strong>le</strong>, un exemp<strong>le</strong> attendu par<strong>le</strong>s citoyens, susceptib<strong>le</strong> d’entraîner <strong>le</strong>ur adhésion en <strong>le</strong>ur montrantconcrètement quels sont <strong>le</strong>s choix et <strong>le</strong>s comportements àadopter. En outre, l’adoption de choix de consommation durab<strong>le</strong>légitime <strong>le</strong> discours de l’émetteur et accroît la crédibilité de sesmessages auprès de la population.Le greening des marchés publics et la gestion environnementa<strong>le</strong>des activités administratives semb<strong>le</strong>nt des voies prometteuses,34


encore à développer mais dont il ne faut pas sous-estimer <strong>le</strong>sdifficultés : difficultés juridiques et techniques lorsqu’il fautintroduire des critères environnementaux et sociaux dans <strong>le</strong>s cahiersde charges des appels d’offre tout en respectant <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>sdes marchés publics, difficultés institutionnel<strong>le</strong>s et structurel<strong>le</strong>slorsqu’il faut sensibiliser, convaincre <strong>le</strong>s organes décisionnelsen matière d’achat et de gestion ou lorsqu’il faut sensibiliser,convaincre et former un personnel très nombreux et diversifié.35


365 <strong>Quel</strong><strong>le</strong>s stratégies de changements?De nombreux éléments agissent conjointement sur <strong>le</strong>s décisionsdes <strong>consommateur</strong>s, ce qui rend <strong>le</strong> changement comp<strong>le</strong>xe maisoffre la possibilité d’intervenir à différents niveaux par différentsmoyens.L’OCDE définit cinq conditions <strong>pour</strong> qu’une masse critique de<strong>consommateur</strong>s fassent des choix respectueux de l’environnement :- Une structure de prix des biens et services de consommationqui internalise <strong>le</strong>s coûts et <strong>le</strong>s avantages <strong>pour</strong> l’environnement- Un cadre d’action et de rég<strong>le</strong>mentation qui établit clairement<strong>le</strong>s priorités et <strong>le</strong> sens du changement- La mise à disposition de tout un éventail de biens et servicesrespectueux de l’environnement- Une technologie et une infrastructure qui prennent en compte<strong>le</strong>s critères de qualité environnementa<strong>le</strong>- Un cadre éducatif, d’apprentissage et d’information qui favoriseet permet l’action des <strong>consommateur</strong>sNéanmoins <strong>le</strong>s principes énoncés s’appliquent davantage àune consommation écologiquement viab<strong>le</strong> qu’à une véritab<strong>le</strong>consommation durab<strong>le</strong>. Avec ces prescriptions, il est toujourspossib<strong>le</strong> de consommer des biens inéquitab<strong>le</strong>s. En outre, el<strong>le</strong>srésultent d’une réf<strong>le</strong>xion basée sur <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s de rationalitéque nous avons critiqué ci-avant.De nouvel<strong>le</strong>s stratégies doivent encore émerger. C’est précisémentlà que peut intervenir l’appui de la recherche scientifique :mieux comprendre ce qui influence <strong>le</strong>s comportements humains,tirer <strong>le</strong>s enseignements des observations, construire des modè<strong>le</strong>splus performants, investiguer de nouvel<strong>le</strong>s voies d’action,développer des indicateurs…Ainsi T. Jackson (2005) analyse la littérature scientifiqueconcernant la consommation durab<strong>le</strong> et propose d’en tirer des«<strong>le</strong>çons» politiques. Il énonce une série de principes sur <strong>le</strong>squelsdevrait reposer <strong>le</strong>s stratégies développées <strong>pour</strong> encourager uneconsommation durab<strong>le</strong>:- En général, la relation existant entre <strong>le</strong>s commodités matériel<strong>le</strong>set la qualité de la vie n’est pas interprétée correctement.Nous l’avons vu, <strong>le</strong> bien-être n’est pas, ou pas uniquementune question de revenus et de possessions matériel<strong>le</strong>s maisrepose sur d’autres va<strong>le</strong>urs comme la santé, <strong>le</strong>s relationssocia<strong>le</strong>s, la santé, un travail épanouissant, la réalisation desoi... Les politiques devraient mettre l’accent sur ces autreséléments qui contribuent à la qualité de la vie.- Les gouvernements jouent un rô<strong>le</strong> essentiel vis-à-vis du contextedans <strong>le</strong>quel s’opèrent <strong>le</strong>s choix individuels et peuvent avoirpar ce biais une grande influence sur <strong>le</strong>s changements decomportement des <strong>consommateur</strong>s. Ils peuvent introduiredes modifications structurel<strong>le</strong>s aux différents niveaux institutionnelsou géographiques (région, état, international).Ils peuvent influer sur <strong>le</strong>s changements technologiques, <strong>le</strong>marché, <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs...- On considère souvent que <strong>le</strong> marché offre aux <strong>consommateur</strong>sla liberté de choisir <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> de vie qui reflète <strong>le</strong> mieux<strong>le</strong>urs besoins et désirs. Mais <strong>le</strong>s recherches montrent que<strong>le</strong>s <strong>consommateur</strong>s sont souvent enfermés dans des modè<strong>le</strong>sde consommation insoutenab<strong>le</strong>s et qu’ils n’ont pas de réel<strong>le</strong>liberté de choix. L’intervention des pouvoirs publics est dèslors nécessaire <strong>pour</strong> faciliter <strong>le</strong> changement.- Les modes de consommation sont divers et cette diversitéest une force <strong>pour</strong> <strong>le</strong> changement. Certains petits groupesde la société expérimentent de nouveaux sty<strong>le</strong>s de vie plussoutenab<strong>le</strong>s : <strong>le</strong>s autorités devraient <strong>le</strong>s soutenir et <strong>le</strong>s aiderà diffuser <strong>le</strong>urs propositions en développant un contexte plusfavorab<strong>le</strong>.- Le rô<strong>le</strong> du gouvernement doit changer: en plus d’un rô<strong>le</strong> decontrô<strong>le</strong>, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de gestionnaire du changement est indispensab<strong>le</strong>dans <strong>le</strong>s matières dont il est question ici. Assurer avecsuccès la conduite de nouveaux processus d’apprentissagedemande une écoute attentive des autres et la remise enquestion de ses propres pratiques. Cela implique éga<strong>le</strong>mentd’assurer la cohérence des visions, des stratégies, des actionspratiques et des processus d’évaluation.- Une stratégie efficace nécessite d’être développée en collaborationavec <strong>le</strong>s stakeholders et implique l’utilisation complémentaired’instruments variés.Comme nous l’avons vu tout au long de cette brochure, de nombreuxobstac<strong>le</strong>s s’opposent à l’obtention de résultats significatifsinfluant <strong>le</strong>s tendances dominantes des modes actuels deconsommation qui sont non durab<strong>le</strong>s <strong>pour</strong> une série de raisons.Les recherches dont nous nous sommes fait l’écho montrenten même temps un foisonnement d’études plus fines, et aussid’initiatives multip<strong>le</strong>s dans cette direction. Des changementssont à l’œuvre tant au niveau de la prise de conscience socia<strong>le</strong>que d’initiatives d’acteurs et de pouvoirs publics. Le tab<strong>le</strong>auque nous avons dressé permet de sortir d’une vision relativementsimplifiée dans laquel<strong>le</strong> la consommation durab<strong>le</strong> seraitun idéal largement partagé et pouvant être mobilisé par desincitations au changement et de l’information: <strong>le</strong>s enjeux sontplus comp<strong>le</strong>xes, <strong>le</strong>s directions multip<strong>le</strong>s, et <strong>le</strong>s connaissancesnécessaires plus fines.


Il reste à inventer, à développer des modes de communication qui donnent envie de consommer autrement, aux différentsprofils qui s’expriment dans <strong>le</strong> champ de la consommation.C’est <strong>pour</strong>quoi il importe de professionnaliser la communication sur la consommation durab<strong>le</strong> : connaître <strong>le</strong>s caractéristiquesdes publics cib<strong>le</strong>s, partir de ses attentes, s’appuyer sur <strong>le</strong>s motivations personnel<strong>le</strong>s importantes, intégrer <strong>le</strong> plaisir dans <strong>le</strong>spropositions de consommation durab<strong>le</strong>... Mais aussi placer l’action individuel<strong>le</strong> dans un cadre plus large: à côté des coûts etdes avantages <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s individus, il faut mettre en perspective <strong>le</strong>s coûts et avantages <strong>pour</strong> la col<strong>le</strong>ctivité.37


6 Références bibliographiquesContributions à la publication scientifique éditée par Edwin Zaccaï,Sustainab<strong>le</strong> consumption : Ecology and Fair Trade, Rout<strong>le</strong>dge, Londres, 2007.BARTIAUX F. (2007) Greening some consumption behaviours : do new routines require agency and ref<strong>le</strong>xivity ?BOULANGER P-M. (2007) What’s wrong with consumption : overconsumption, underconsumption, misconsumptionDE KEULENEER E. (2007) Investing in sustainability : individual actions, strategies and efficiency.DE PELSMACKER P, JANSSENS W., MIELANTS C., STERCKX E. (2007) Marketing ethical products : What can we <strong>le</strong>arn from fair-tradeconsumer behaviour in Belgium.DOBRE M. (2007) Consumption : a field for resistance and moral containmentJACKSON T. (2007) Unsustainab<strong>le</strong> consumption in social and psychological contextFRASELLE N. & SHERER-HAYNES I. (2007) Social change for changing the consumer’s behaviour. Application of the actionalist theoryto the issue of consumption.HAYNES I. (2007) Impact of the construction of quality networks at farmer’s <strong>le</strong>vel : the examp<strong>le</strong> of Fair Trade cotton.LE VELLY (2007) Can fair trade be extended to massive sa<strong>le</strong>s ?LINTOTT. (2007) Sustainab<strong>le</strong> consumption and sustainab<strong>le</strong> welfarePIROTTE G. (2007) Consumption as a solidarity-based commitment : the case of Oxfam Worldshops’s customers.ROUSSEAU C. & BONTINCKX C. (2007) “Testing propositions towards sustainab<strong>le</strong> consumption among consumers”RUWET C. (2007) What justifications for a sustainab<strong>le</strong> consumption ?STASSART ?UITERKAMP T.S. (2007) Sustainab<strong>le</strong> household consumption : Fact, future or fantasy ?WALLENBORN G. (2007) How to attribute power to consumers ? When epistemology and politics converge.Autres références utiliséesCASSIERS I., DELAIN C. (2006) La croissance ne fait pas <strong>le</strong> bonheur : <strong>le</strong>s économistes <strong>le</strong> savent-ils ? Regards Economiques, Numéro38, UCL.BOULANGER P-M, LUSSIS B. (2005) Les barrières internes à l’efficacité énergétique : l’apport de la psychologie socia<strong>le</strong>, IDD.GREEN K.; VERGRAGT P. (2002) Towards sustainab<strong>le</strong> households : a methodology for developing sustainab<strong>le</strong> technological and socialinnovations, Futures, Volume 34, Number 5, Elsevier ScienceJACKSON T. (2005) Motivating Sustainab<strong>le</strong> Consumption. A review of evidence on consumer behaviour and behavioural change, SDRN,Centre for Environmental Strategy, University of Surrey.JACKSON T., MICHALIS L. (2003)Towards Sustainab<strong>le</strong> Consumption Policy - a review of the consumption debate and its policyimplications,SDC.OECD (2002)Towards Sustainab<strong>le</strong> Household Consumption? Trends and Policies in OECD CountriesOECD Publishing, 164 p.PNUE (2004) Modes de consommation et de production durab<strong>le</strong>s - Pour en savoir plusROBINS N., ROBERT S. (1998) Our vision of sustainab<strong>le</strong> consumption, International Institute for Environment and development.ZACCAI E. (2002) Le développement durab<strong>le</strong>, dynamique et constitution d’un projet, P.I.E – Peter LangZACCAI E. (2005) Assessing the ro<strong>le</strong> of consumers in sustainab<strong>le</strong> product policies, Environment, Development and Sustainability,SSN : 1387-585X (Paper) 1573-2975 (Online) www.springerlink.com/ , pp.1-1738


7 Equipes de recherche ayant participé au ClusterUniversité Libre de Bruxel<strong>le</strong>sCentre d’Etude sur <strong>le</strong> Développement Durab<strong>le</strong>16EATProf. Edwin ZaccaïUniversité Catholique de LouvainCentre Entreprise - EnvironnementProfs. Marie-Pau<strong>le</strong> Kestemont et Nadine Frasel<strong>le</strong>Université Catholique de LouvainInstitut de DémographieProf. Françoise BartiauxUniversité de LiègeService Changement social et développementProf. Marc Ponce<strong>le</strong>tUniversité de LiègeSocio-economie, Environnement et DéveloppementProf Marc MormontUniversity of AntwerpenManagement SchoolProf. De Pelsmacker P.Institut <strong>pour</strong> un Développement Durab<strong>le</strong>Mr Paul-Marie BoulangerCentre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs - CRIOCMme Catherine Rousseau39

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!