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LE CINÉMA À L’ÉPREUVE DES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION

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INTRODUCTION GENERA<strong>LE</strong><br />

1. Ce rapport est consacré à l’analyse des principales mutations économiques de l’exploitation en<br />

salles des films cinématographiques en France et à ses conséquences sur le reste de la filière. L’angle<br />

disciplinaire retenu se situe au carrefour de l’économie industrielle et du droit de la concurrence, qui<br />

concourent à analyser les conséquences de la concentration économique d’un secteur d’activité sur<br />

les conditions d’exercice économique des acteurs de la filière et sur la quantité et la qualité de la<br />

production.<br />

2. En matière de cinéma et à la différence des industries culturelles, où les coûts fixes sont faibles (comme<br />

le livre, par exemple), il est impossible de réaliser, distribuer et donner à voir un film sans mobiliser<br />

des moyens très importants. Les coûts fixes massifs contraignent la filière cinématographique à tenter<br />

d’anticiper les goûts du public et à concentrer ses ressources sur les films qui sont réputés pouvoir<br />

atteindre le public le plus large. L’offre de films tend donc naturellement à se concentrer vers un type<br />

de films destiné à attirer massivement le public. La diversité se réduit mécaniquement, sous l’effet de la<br />

concentration des moyens, autour d’un petit nombre de films. La politique culturelle mise en œuvre<br />

dans le secteur du cinéma par les pouvoirs publics tout au long des 70 dernières années vise à<br />

contrecarrer ce mouvement naturel et à préserver la diversité de l’offre de films.<br />

3. Une question préalable vient naturellement à l’esprit : est-ce que la diversité des films est un objectif<br />

partagé exclusivement par les élites culturelles ou la demande de diversité répond-elle aux attentes<br />

d’un public plus large ?<br />

4. Déterminer le niveau optimal de diversité des films, a fortiori dans un environnement où le nombre<br />

de films est très élevé, n’est pas chose simple. La première méthode consiste à considérer que les<br />

spectateurs réclament les films qu’ils voient et ne souhaitent pas que soit subventionnée une offre<br />

de films qui encombrerait les salles et les programmes de télévision sans qu’ils désirent les voir.<br />

Cette approche repose sur l’idée que les spectateurs révèlent leurs préférences par les choix qu’ils<br />

font. Cette approche semble, en apparence, bien ancrée dans les canons de la science économique.<br />

Elle est pourtant bien fragile, y compris au regard des fondamentaux de cette discipline. En effet,<br />

la consommation de films n’est absolument pas un acte identique à la consommation d’une autre<br />

marchandise, précisément parce qu’un film est à la fois une marchandise et un bien culturel. Le fait<br />

d’être un bien culturel donne à l’acte de consommation d’un film des propriétés bien spécifiques qui<br />

obligent à repenser les attentes de diversité prêtées au public.<br />

• Premièrement, les films, et notamment les films d’auteur ou le cinéma étranger non-américain,<br />

sont des « biens d’expérience ». Le goût vient avec l’expérience et si celle-ci devient impossible,<br />

faute d’écrans, la prophétie selon laquelle « les gens n’aiment pas les films difficiles » devient<br />

auto-réalisatrice. Cette remarque s’applique à la majorité des biens culturels. Plus l’espace des<br />

choix possibles se réduit, plus les choix effectivement observés se centrent sur un nombre<br />

restreint de produits. Dit autrement, l’attente de diversité émanant du public n’est pas une<br />

donnée exogène inscrite dans l’ADN du goût dominant mais elle est endogène, c’est-à-dire très<br />

largement déterminée par la palette des choix offerts.<br />

• Deuxièmement, un bien n’a pas qu’une valeur de consommation immédiate mais également une<br />

« valeur d’option ». Nombreux sont ceux qui ne prennent pas le métro mais sont prêts à payer<br />

pour qu’il existe un métro de qualité, soit par altruisme envers ceux qui ont besoin du métro,<br />

soit comme une option, au cas où les autres transports seraient indisponibles. Il en va de même<br />

avec les biens culturels. Nombreux sont ceux qui ne fréquentent pas régulièrement les musées<br />

mais sont contents de payer des impôts pour que ceux-ci existent. La notion de valeur d’option<br />

suggère que la disposition des individus à payer pour les films qu’ils ne verront pas n’est toutefois<br />

pas égale à zéro. Concrètement, nombreux sont ceux qui sont prêts à payer pour qu’existent des<br />

films qu’ils ne voient pas. La demande réelle de diversité de l’offre de films est donc supérieure<br />

à la demande manifestée par le public à l’occasion du choix des films qu’il voit effectivement.<br />

• Troisièmement, un film n’a pas qu’une valeur instantanée. Avec le temps, certains films qui furent<br />

des échecs publics à leur sortie s’avèrent marquants pour l’histoire du cinéma. Parfois, certains<br />

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