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témoignage littéraire
Solange avait des projets, une carrière, de la force. Elle est comme interrompue. Lui, Kouhouesso, c’est un
homme habité par une grande idée : faire un film au coeur de la forêt. Cette idée fait partie de sa séduction,
et va devenir la rivale de Solange.
Il ne sont pas complètement étrangers l’un à l’autre, ces deux-là. On sent d’ailleurs sur scène leur grande
connivence dans l’adaptation des Das Plateau, et j’aime spécialement la scène de la fin, la camaraderie
– quasiment – qui émane d’eux. Il y a des points de contacts entre eux, sur lesquels prend la passion.
Ce sont deux villageois, au départ, deux dominés – une femme, un noir – et deux exilés, chacun à leur
façon. Kouhouesso est né dans un village à l'Ouest de l'Afrique, très loin du village natal de Solange, dans
le Sud-Ouest de la France, mais il y a comme des échos entre les deux golfes, Guinée et Gascogne.
Solange est comédienne : c'est une spécialiste de l'attente. Les comédiens attendent sur un plateau, avant de
tourner ; ils attendent entre deux films, qu'on pense à eux, qu'on les appelle. Je me demande comment les
acteurs font pour supporter de dépendre à ce point des autres. Moi, je peux exercer mon métier d'écrivain
quand je veux. D'ailleurs beaucoup d’acteurs ou d’actrices deviennent réalisateurs,
comme mon personnage Kouhouesso.
Les femmes sont éduquées à attendre, plus que les hommes. C'est le syndrome
Belle au bois dormant. Le prince traverse la forêt à cheval, il se bat
contre les épineux, il taille sa route ; la Belle attend endormie dans le château.
On peut lutter contre cette éducation, mais il y a toujours le risque qu'elle
rattrape les femmes, sur un " accident " de la vie. Je trouve que Das Plateau
nous fait sentir l’attente de Solange, dans la mise et scène et le jeu de la comédienne,
en particulier avec l’usage audacieux de la voix off « dans sa tête ».
_ Marie Darrieussecq © Yanndiener
J'avais envie d'un livre très cinématographique, d'une aventure. J'adore raconter
des histoires, entraîner les gens ailleurs, sans tomber dans la pure distraction.
J'ai envie que les gens se demandent comment l'histoire se termine,
mais qu'ils réfléchissent aussi en chemin. Le Collectif Das Plateau invente un
théâtre très « hollywoodien », et ça me plaît.