Sentience Des Animaux
"The question is not can they reason but can they suffer" - Peter Singer
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Rapport<br />
janvier 2011<br />
<strong>Sentience</strong><br />
des animaux<br />
Émotions et conscience
Sommaire<br />
Introduction............................................................................................................................................................................................................................ 3<br />
Avant-propos......................................................................................................................................................................................................................... 5<br />
I De l’altruisme à l’amitié ................................................................................................................................................................................ 7<br />
II Du rire à la colère .................................................................................................................................................................................................. 11<br />
III <strong>Des</strong> animaux et des humains .................................................................................................................................................................. 19<br />
Conclusion .............................................................................................................................................................................................................................. 25<br />
Références bibliographiques ........................................................................................................................................................................... 26<br />
© One Voice, 2011
INTRODUCTION<br />
<strong>Sentience</strong> « [...] en français il nous manque un mot pour désigner la chose la plus importante du<br />
monde, peut-être la seule qui importe : le fait que certains êtres ont des perceptions, des émotions,<br />
et que par conséquent la plupart d’entre eux (tous ?) ont des désirs, des buts, une volonté qui leur<br />
sont propres. Comment qualifier cette faculté de sentir, de penser, d’avoir une vie mentale<br />
subjective ? Les Anglo-Saxons ont le nom sentience (et l’adjectif sentient) pour désigner cela [...].»<br />
À la suite d’Estiva Reus dans Les Cahiers antispécistes (CA n° 26, novembre 2005), One Voice<br />
utilisera ce néologisme pour combler la lacune de la langue française…<br />
Le sentience des animaux, sauvages et domestiques, est un sujet vaste et en perpétuelle croissance.<br />
Chaque jour, de nouvelles observations viennent alimenter ce qui est aujourd’hui une certitude :<br />
la plupart des animaux ont une vie mentale riche et méconnue. Seule une poignée d’éthologues osent<br />
pourtant s’intéresser à leurs émotions et à l’ensemble de leurs capacités cognitives.<br />
En sciences, il n’est pas toujours facile d’accorder aux animaux ce que l’on croyait être le propre de<br />
l’homme, d’autant plus quand cela est susceptible de remettre en question des siècles de pratiques qui<br />
deviennent subitement très critiquables d’un point de vue éthique… Que des grands singes, nos proches<br />
cousins, apprennent à parler et à échanger sur des sujets abstraits est encore loin d’être admis, alors<br />
que le fait que des chiens apprennent à leur tour un langage symbolique ne peut que déranger. Et quand<br />
on découvre que les vaches elles-mêmes ont une vie mentale et relationnelle complexe, on s’aperçoit<br />
que finalement, pour voir, il suffit de regarder…<br />
L’objectif de One Voice, avec ce nouveau rapport, n’est pas de dresser un bilan exhaustif de la sentience<br />
au sein du règne animal, mais de faire découvrir un panorama de ce que beaucoup ignorent. Ouvrir les<br />
yeux sur ceux qui nous entourent est un pas vers une compréhension mutuelle, qui devrait permettre<br />
d’endiguer la violence qui régit dans la société actuelle notre rapport aux animaux.<br />
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4<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
AVANT-PROPOS<br />
La définition précise de la « sentience » et la question de savoir dans quelle mesure elle est présente<br />
chez tout animal font l’objet de nombreux débats. Tous les animaux sont sensibles, à un degré plus ou<br />
moins élevé, mais de façon générale, un animal sensible éprouve un ensemble de sentiments<br />
(sensations, perceptions et émotions) positifs ou négatifs, depuis la douleur et la peur jusqu’au<br />
plaisir et à la joie. Le plus fondamentalement, la « sentience », d’après l’écrivain et neuroscientifique<br />
Eleanor Boyle, est le fait qu’un animal ait « la capacité d’éprouver une émotion et d’avoir mal, cette<br />
expérience pouvant être ou ne pas être complexe du point de vue cognitif ou similaire à celle des<br />
humains. La “sentience” implique donc que les structures, les réseaux et les systèmes neuraux<br />
enregistrent d’importants stimuli et y réagissent par le plaisir ou l’aversion * ». Pour être sensible, un<br />
animal n’a pas besoin d’être intelligent, conscient de ce qui l’entoure ni conscient de lui-même, mais<br />
des études scientifiques ont montré que certains animaux présentaient un type de capacités mentales<br />
de haut niveau que l’on avait cru propre à l’être humain.<br />
Certains animaux ont fait la preuve de leur capacité de penser et de raisonner en démontrant :<br />
– qu’ils étaient conscients d’eux-mêmes ;<br />
– qu’ils comprenaient et qu’ils étaient capables de résoudre des problèmes nouveaux ;<br />
– qu’ils se faisaient des images ou des représentations mentales ;<br />
– qu’ils comprenaient ce que d’autres animaux savaient ou se disposaient à faire ;<br />
– qu’ils se représentaient des catégories et pouvaient maîtriser l’utilisation d’un langage.<br />
« Notre science la plus formelle ne cesse de confirmer ce que nous dit notre bon sens. Un animal<br />
est quelqu’un, et non pas quelque chose. Il a une biographie, et non pas simplement une biologie.<br />
Ce que nous faisons aux animaux importe tout autant pour eux que ce que nous faisons à nos<br />
semblables importe pour nous. »<br />
Tom REGAN,<br />
professeur émérite de philosophie,<br />
université d’État de Caroline du Nord.<br />
* Boyle, E. Neuroscience and Animal <strong>Sentience</strong>, 2009 (www.animalsentience.com).<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux 5
6<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
I. DE L’ALTRUISME À L’AMITIÉ<br />
S’il est des comportements au sein du règne animal qui nous étonnent autant qu’ils nous<br />
émeuvent, c’est sans nul doute ceux qui témoignent de leur capacité d’empathie.<br />
Longtemps décriés par les scientifiques – de tels comportements iraient à l’encontre de la<br />
sélection naturelle – ils font aujourd’hui l’objet d’études approfondies.<br />
Les liens qui unissent les individus de certaines<br />
espèces vont bien au-delà de la génétique. Parmi<br />
elles, les éléphants offrent de nombreuses<br />
occasions d’observer de tels comportements.<br />
L’un des cas les plus marquants est rapporté par<br />
Marc Bekoff (2007), biologiste spécialiste du<br />
comportement animal, lors d’un séjour au sein<br />
de la réserve de Samburu au Kenya : « Babyl<br />
marchait très lentement. Comme nous l’avons<br />
appris, cette femelle était estropiée et ne<br />
pouvait se déplacer à la même vitesse que le<br />
reste du troupeau. Nous constations pourtant<br />
que les éléphants de son groupe ne la laissaient<br />
pas à la traîne et l’attendaient. […] Ils se<br />
comportaient ainsi depuis des années. Ils<br />
marchaient un moment, s’arrêtaient et se<br />
retournaient pour voir où elle était. Selon la<br />
façon dont elle s’en sortait, ils l’attendaient ou<br />
non. […] Il arrivait même que la matriarche la<br />
nourrisse. »<br />
Il raconte aussi comment une jeune femelle<br />
grizzly a pris soin de son frère blessé après que<br />
leur mère eut été abattue, en allant pêcher du<br />
poisson pour lui afin qu’il puisse se nourrir…<br />
Plus étonnant encore, ce type de comportement<br />
s’observe même chez les poules, dont le<br />
comportement s’avère beaucoup plus riche que<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
7
ce que l’on a l’habitude de croire. Une poule,<br />
estropiée suite à une attaque de renard, s’est<br />
ainsi vue flanquée de deux gardes du corps de<br />
la même espèce, deux sœurs de douze ans de<br />
moins qu’elle, qui ont décidé de surveiller ses<br />
arrières lors de ses repas avant de se restaurer<br />
elles-mêmes. Plus tard, ayant perdu sa patte<br />
blessée, c’est toujours elles qui se sont chargées<br />
de gratter la terre pour qu’elle puisse manger,<br />
ce qu’elle ne manquait pas de leur rappeler en<br />
cas d’oubli… Et quand elle finit par mourir,<br />
presque deux ans plus tard, c’est une véritable<br />
déprime qui gagna durant près de trois semaines<br />
ses deux vieilles amies et les deux nouvelles qui<br />
les avaient rejointes entre-temps. (YOUNG, 2003)<br />
L’empathie – étymologiquement « souffrir<br />
dedans » – c'est la capacité de se mettre à la<br />
place de l'autre, de comprendre ce qu'il ressent.<br />
Dans les différents exemples cités précédemment,<br />
la capacité d'empathie débouche sur un<br />
comportement altruiste : des individus tiennent<br />
compte des difficultés que rencontrent un des<br />
leurs et s’adaptent en conséquence,<br />
lui offrant même l’assistance dont il a besoin,<br />
en dépit des contraintes que cela implique. Les<br />
multiples cas d’adoptions régulièrement observés<br />
chez des espèces sauvages ou domestiques sont<br />
du même acabit, d’autant plus quand adoptant<br />
et adopté appartiennent à des espèces<br />
différentes… <strong>Des</strong> chiennes allaitantes qui<br />
acceptent un chaton parmi leurs chiots n’ont rien<br />
d’exceptionnel, elles n’en restent pas moins<br />
remarquables ! Frans de Waal (2001) rapporte<br />
même le cas d’une chienne ayant allaité trois<br />
tigres dans un zoo en Thaïlande et cohabitant<br />
pacifiquement avec eux, bien qu’ils aient atteint<br />
l’âge adulte… et d’une autre ayant adopté trois<br />
bébés léopards des neiges au zoo de Pékin.<br />
Et qui a pu oublier cette femelle gorille, Binti, qui<br />
sauva un petit garçon de 3 ans, tombé dans son<br />
enclos en 1996 au zoo de Chicago ? Pour tous<br />
c’était là un témoignage de la compassion dont<br />
notre société aurait bien besoin aujourd’hui,<br />
comme le rappelle Frans de Waal (2001) qui,<br />
citant le primatologue suisse Jörg Hess, souligne :<br />
« Un tel incident ne peut paraître sensationnel<br />
qu’à ceux qui ignorent tout des gorilles. »<br />
Car ce qui se dessine derrière ces anecdotes<br />
récurrentes, c’est une sorte d’évidence, pour qui<br />
observe telle espèce, de ce que sont ses<br />
capacités réelles, qui ne surprennent finalement<br />
que ceux qui ne la connaissent pas.<br />
L’étude réalisée par Thomas Kunz sur les<br />
chauves-souris frugivores de Floride a été<br />
l’occasion pour lui d’observer une scène<br />
inattendue, lors d’une venue au monde :<br />
« Une femelle était restée tête en bas, alors que,<br />
dans ces circonstances, il faut prendre la<br />
position inverse. Une autre, jouant le rôle de<br />
sage-femme, resta deux heures et demie à ses<br />
côtés pour lui venir en aide, lui léchant le<br />
postérieur, l’entourant de ses ailes, peut-être<br />
pour empêcher le nouveau-né de tomber. Elle<br />
8<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
éventait sans arrêt la mère épuisée. […] Elle<br />
semblait lui donner des instructions :<br />
l’accouchée adopta la position correcte après<br />
que sa compagne lui en eut fait la démonstration<br />
à quatre reprises. Or c’est une posture qui, en<br />
temps normal, ne sert qu’à uriner et à déféquer<br />
(ce que la “sage-femme” ne faisait pas).<br />
À chaque fois, la mère suivit son exemple. […]<br />
Quand le petit fut venu au monde, il grimpa sur<br />
le dos de sa mère, aidé par la “sage-femme” qui<br />
le poussait du nez. » (DE WAAL, 2001)<br />
La naissance est un moment important pour tous<br />
les animaux, où la vie et la mort se frôlent, où<br />
mère et enfant sont extrêmement vulnérables.<br />
Quoi qui les motive, c’est aussi l’occasion<br />
d’observer des comportements chargés<br />
d’émotions, où des liens familiaux et amicaux se<br />
resserrent ou se révèlent. Dans son ouvrage sur<br />
la vie des vaches, Rosamund Young (2003)<br />
rapporte plusieurs anecdotes autour de la<br />
naissance des veaux. Dans cette ferme où elle a<br />
grandi, les animaux vont et viennent comme bon<br />
leur semble, choisissent d’être à l’extérieur ou<br />
en étable, et les veaux restent auprès de leur<br />
mère jusqu’à ce que l’un ou l’autre se lasse.<br />
Dans ce cadre peu conventionnel, le<br />
comportement des vaches peut s’exprimer<br />
librement, ce qui a conduit l’auteur à des<br />
observations surprenantes.<br />
Elle rapporte notamment à plusieurs reprises le<br />
cas de vaches venant auprès de leur fille sur le<br />
point de mettre bas… Elle raconte aussi l’histoire<br />
émouvante de Little Dolly qui, ayant mis bas<br />
d’un veau mort-né et trop gros, et alors qu’elle<br />
pouvait à peine marcher, a pourtant rejoint sa<br />
mère à plusieurs champs de là… Cette dernière<br />
a pris soin d’elle durant six jours, après quoi<br />
Little Dolly, rassérénée, est retournée dans ses<br />
propres quartiers.<br />
Mais les liens que tissent les bovins entre eux<br />
vont au-delà de la filiation. Ils se lient d’amitié<br />
pour la vie, souvent dès le plus jeune âge. C’est<br />
le cas par exemple de deux taureaux blancs,<br />
surnommés « The White Boys », nés à un jour<br />
d’intervalle et devenus immédiatement<br />
inséparables, marchant côte à côte et dormant<br />
l’un sur l’autre. Forcées de se côtoyer du fait de<br />
la proximité de leurs fils, les deux mères sont<br />
elles-mêmes devenues amies et le sont restées<br />
par la suite.<br />
Les histoires d’amitié entre animaux sont<br />
toujours touchantes. Elles vont au-delà de<br />
l’empathie et illustrent tout simplement<br />
l’affection que peuvent se témoigner des<br />
animaux entre eux. Marc Bekoff (2007) raconte<br />
l’histoire de deux Jack Russell, trouvés dans la<br />
rue. L’un d’eux saignait des yeux, tandis que<br />
l’autre montait visiblement la garde à côté de<br />
son ami. Le premier, nommé Ben, qui avait reçu<br />
des coups de couteau, dut subir une ablation<br />
des deux yeux. Il rejoignit quelques jours plus<br />
tard son ami, nommé Bill, dans un refuge, et ce<br />
dernier devint immédiatement son guide, au<br />
refuge d’abord, puis au sein du foyer qui les<br />
adopta ensemble. Il promenait Ben, cramponné<br />
à sa nuque, le guidant par des petits coups<br />
d’épaule et de légères tractions… La même<br />
histoire se produisit entre une mule aveugle,<br />
Annie, et Charlie, un bœuf qui lui servait de<br />
guide. Ils s’étaient rencontrés au sein d’un<br />
refuge américain et étaient tout de suite devenus<br />
amis, dormant et jouant ensemble, Charlie<br />
guidant désormais Annie jusqu’à l’abreuvoir à<br />
chaque fois qu’elle en avait besoin…<br />
L’amitié d’Owen, le bébé hippopotame, et de<br />
Mzee, la tortue géante de 130 ans, réunis dans<br />
un parc kenyan suite au tsunami de 2004, a<br />
quant à elle fait le tour du monde et l’objet d’un<br />
livre (HATKOFF et al., 2006). Aujourd’hui encore,<br />
ils sont inséparables…<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
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10<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
II. DU RIRE À LA COLÈRE<br />
Si les animaux tissent des liens bien plus étroits qu’on ne l’imagine, leur quotidien est aussi<br />
loin d’être monotone. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, leur vie n’est pas une<br />
simple succession de réalisations de leurs instincts, mais un enchaînement plus ou moins<br />
complexe de comportements pouvant être émotionnellement ou intellectuellement chargés.<br />
Les activités ludiques tiennent ainsi une place<br />
importante et, comme pour les humains, le rire<br />
est là pour en témoigner. Si les découvertes<br />
scientifiques vont bon train sur ce sujet, le rire<br />
n’a pas encore été identifié chez toutes les<br />
espèces – ce qui ne signifie pas qu’il est absent !<br />
Chez nos proches cousins, les chimpanzés, le<br />
rire se traduit par une forme de halètement,<br />
volontiers communicatif, et souvent associé aux<br />
chatouilles ou aux courses-poursuites qu’il fait<br />
d’ailleurs perdurer en évitant que cela ne<br />
dégénère. (MATSUSAKA, 2004)<br />
On sait désormais que les chiens aussi rigolent<br />
lorsqu’ils jouent. Bien sûr ce rire leur est propre,<br />
c’est une sorte d’exhalation forcée particulière,<br />
qu’ils utilisent aussi pour initier une phase de<br />
jeux ou signifier leurs bonnes intentions<br />
(Simonet, 2001). Plus étonnant encore, le rire<br />
a été découvert chez les rats domestiques, qui<br />
s’avèrent particulièrement sensibles aux<br />
chatouilles. Les conséquences sont troublantes.<br />
« Les rats que l’on chatouille s’attachent aux<br />
chercheurs et en redemandent. Leurs sentiments<br />
servent effectivement de ciment social. Les rats<br />
ne rient que lorsqu’ils sont contents, de même<br />
que les animaux ne jouent que lorsque tout va<br />
bien. » (BEKOFF, 2007) Même chez les oiseaux,<br />
et surtout chez les perroquets et les aras, le rire<br />
semble être présent. Bekoff rapporte ainsi les<br />
propos de Michael Tobias, réalisateur et écrivain,<br />
qui s’occupe d’un grand ara rouge depuis une<br />
dizaine d’années. « L’ara ricane, glousse et rit à<br />
gorge déployée ; il taquine quiconque<br />
l’approche, crie de joie en courant partout dans<br />
la maison, grimpe aux arbres et en descend d’un<br />
bond, et joue même au “tapis volant” : il se fait<br />
traîner dans les couloirs sur de grandes<br />
serviettes que tirent ceux qu’il a asservis. […]<br />
Les perroquets […] ne se contentent pas de rire ;<br />
ils le font à bon escient. Si l’ara lance un petit<br />
Frisbee à Michael avec son énorme bec et que<br />
celui-ci le manque ou le reçoit en pleine figure,<br />
l’ara jubile et se roule presque par terre. Il sait<br />
exactement là où les gens sont chatouilleux et<br />
titille les aisselles de Michael jusqu’à le faire<br />
pleurer de rire. » (BEKOFF, 2007)<br />
Si l’on n’a pas encore découvert comment tous<br />
les animaux rient, une chose est certaine, c’est<br />
que le jeu, lui, est omniprésent et en général<br />
facilement identifiable, au moins chez les<br />
mammifères.<br />
Chez les chiens, comme chez les autres canidés,<br />
une phase de jeu entre deux individus est<br />
ponctuée de révérences (play bow) où le chien<br />
aplatit ses pattes avant et relève le postérieur,<br />
en remuant parfois aussi la queue. C’est à la fois<br />
une invitation au jeu et un signal d’apaisement,<br />
un rappel que « tout cela n’est qu’un jeu » qui<br />
évite que certains gestes soient mal interprétés.<br />
(BEKOFF, 2007) Les jeux peuvent consister en<br />
des courses-poursuites, à la chasse d’une proie<br />
imaginaire, ou à des jeux de lutte. Souvent il<br />
s’agit donc de mimer et certainement de<br />
s’entraîner à des comportements qui pourraient<br />
être utiles plus tard, mais ils peuvent aussi être<br />
purement ludiques, comme le montre cette<br />
vidéo, qui circule sur Internet, de deux jeunes<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
11
enards sauvages découvrant par hasard dans<br />
un jardin les joies du trampoline…<br />
Les facéties d’un jeune rhinocéros, observé par<br />
Bekoff (2007) et un de ses étudiants au Kenya,<br />
qui « courait dans tous les sens sous le regard<br />
attentif de sa mère, comme s’il était pris d’un<br />
accès de folie » n’est pas sans rappeler un des<br />
jeux favoris des veaux, observé par Young<br />
(2003), qui vont et viennent en courant près<br />
de leur mère.<br />
Mais le jeu n’est pas l’apanage des jeunes et les<br />
adultes aussi peuvent s’y adonner. Dans les zoos,<br />
où les animaux ont tendance à s’ennuyer, certains<br />
soigneurs inventent pour eux des activités<br />
ludiques. C’est le cas de Max et Patty, au zoo<br />
du Bronx, qui ont appris à jouer à une sorte de<br />
cache-tampon avec leurs soigneurs. Ces derniers<br />
cachent un objet que les éléphants affectionnent<br />
(un tambourin ou un pneu par exemple) pour<br />
le leur faire rechercher. Lorsqu’ils se rapprochent<br />
de la cachette un coup de sifflet les en avertit.<br />
« Ils sont tout excités lorsqu’ils se rapprochent<br />
de l’objet caché et, lorsqu’ils le trouvent, agitent<br />
vivement leurs oreilles. » (LINDEN, 2002)<br />
Les poissons aussi ont des capacités étonnantes<br />
en matière de jeu et d’apprentissage. Ils font<br />
preuve d’intelligence sociale, adoptent des<br />
stratégies de manipulation, de punition et de<br />
réconciliation. Certains montrent des traditions<br />
culturelles stables et sont capables de coopérer<br />
face à des prédateurs pour se nourrir. (LALAND<br />
et al., 2003)<br />
Le poisson est un animal sentient, capable<br />
d’éprouver, stress, peine et douleur… mais il sait<br />
aussi innover et jouer ! Aux États-Unis, le poisson<br />
rouge nommé Comet a défrayé la chronique<br />
en prouvant les capacités d’apprentissage<br />
extraordinaires dont sont capables les membres<br />
de son espèce. Son propriétaire lui a ainsi appris<br />
plusieurs tours, dont ceux de mettre un ballon<br />
dans un but de ramener un anneau à la surface…<br />
<strong>Des</strong> vidéos sont visibles sur<br />
http://www.fish-school.com/.<br />
<strong>Des</strong> chercheurs s’intéressent d’ailleurs à<br />
l’intelligence des poissons. Ils ont notamment<br />
conclu que certaines espèces étaient capables<br />
de se représenter mentalement leur<br />
environnement et d’utiliser cette connaissance<br />
de manière complexe pour y circuler. En outre,<br />
12<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
de nombreux poissons vivent en groupes<br />
sociaux et sont capables de reconnaître leurs<br />
compagnons. (FSBI, 2002) Une étude, réalisée<br />
sur les guppies, a ainsi montré qu’ils<br />
apprenaient plus facilement un trajet vers une<br />
source de nourriture quand le poisson enseignant<br />
leur était familier. (SWANEY et al., 2001)<br />
Dans les océans, certains cétacés, et notamment<br />
les dauphins, quel que soit leur âge, jouent à<br />
faire des anneaux de bulles avec leur évent. Ils<br />
les poussent, les font tourner, les suivent à<br />
plusieurs ou passent au travers ! Mais la<br />
fabrication de jouets a aussi été observée chez<br />
les grands singes, qui semblent aimer jouer à la<br />
poupée… « Richard Wrangham a vu ainsi un jeune<br />
mâle de six ans, Kakama, promener et bercer un<br />
morceau de bois comme si c’était un nouveau-né.<br />
Et cela pendant des heures ! Une fois, il alla même<br />
jusqu’à construire un nid dans un arbre pour y<br />
installer l’objet de son affection. » (DE WAAL, 2001)<br />
Au-delà du jeu, les capacités étonnantes des<br />
animaux incluent leur capacité à prévoir l’avenir<br />
qui s’illustre notamment à travers un<br />
comportement particulièrement complexe qu’est<br />
l’utilisation d’outils.<br />
Depuis la première observation, par Jane Goodall<br />
en 1964, d’un chimpanzé préparant puis utilisant<br />
une brindille de bois pour pêcher des fourmis,<br />
les découvertes se sont multipliées, attestant<br />
de l’existence de véritables cultures différentes<br />
d’une communauté à l’autre. Concernant le<br />
cassage des noix par exemple, les chimpanzés<br />
d’Afrique de l’Ouest ont développé une<br />
technique du marteau et de l’enclume absente<br />
chez les autres chimpanzés. Ils utilisent deux<br />
cailloux, de forme spécifique, et vont parfois très<br />
loin de l’arbre portant les noix pour en trouver<br />
qui soient bien adaptés…<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
13
Dans un autre registre, les loutres de mer aussi<br />
utilisent une pierre qu’elles vont chercher au<br />
fond de l’eau et qu’elles utilisent pour ouvrir<br />
les huîtres. Et chez les oiseaux, le pinson-pic<br />
des Galapágos utilise des brindilles ou des<br />
épines de cactus pour fouiller l’écorce des arbres<br />
à la recherche des larves d’insectes.<br />
Une étude publiée en mai 2009 dans les<br />
comptes-rendus de la revue de l’Académie<br />
nationale des sciences américaine rend compte<br />
d’observations concernant quatre corbeaux freux<br />
maintenus en captivité à l’université de<br />
Cambridge. Ces corbeaux ont confectionné des<br />
crochets pour attraper des vers dans un tube. Ils<br />
ont aussi su choisir des cailloux ayant une taille<br />
adaptée pour passer à travers des tuyaux de<br />
diamètres variés et faire ainsi basculer une<br />
plate-forme libérant de la nourriture. L’auteur<br />
principal de cette étude, Christopher Bird, a<br />
déclaré : « Nous avons constaté qu’ils étaient<br />
capables de choisir parmi une diversité d’outils<br />
ceux qui étaient les plus appropriés et qu’ils<br />
faisaient preuve de souplesse dans les types<br />
d’outils utilisés. »<br />
Alex Kacelnik, professeur d’écologie<br />
comportementale à l’université d’Oxford, a mené<br />
des recherches sur l’utilisation des outils chez<br />
les corbeaux de Nouvelle-Calédonie. Selon lui, le<br />
fait que l’on observe ce type de comportement<br />
exceptionnel chez des oiseaux est révélateur.<br />
« Cela signifie que l’évolution peut inventer plus<br />
d’une fois des formes similaires d’intelligence<br />
poussée : ce n’est pas une chose réservée aux<br />
seuls primates ni aux seuls mammifères. »<br />
Les stratégies que mettent en place les animaux<br />
pour obtenir ce qu’ils désirent varient en<br />
fonction de leurs capacités cognitives. Elles<br />
peuvent être particulièrement innovantes et<br />
montrer une grande adaptabilité.<br />
On peut citer comme exemple celui du chat qui<br />
saute pour attirer l’attention de son maître afin<br />
que ce dernier vienne lui ouvrir, ou bien de cet<br />
orang-outan d’un zoo de Seattle, qui a caché la<br />
première orange reçue pour faire croire qu’elle<br />
avait roulé dans un endroit inaccessible, afin<br />
d’en obtenir une seconde. Un de ses<br />
compagnons qui avait tout observé a adopté la<br />
même technique le lendemain pour obtenir lui<br />
aussi deux oranges ! (LINDEN, 2002)<br />
14<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
Développer des ruses fait donc également partie<br />
de la panoplie comportementale des animaux.<br />
Deux éléphants captifs dans le Bronx ont ainsi<br />
mis en place une véritable stratégie pour<br />
prolonger leur séjour dans l’enclos extérieur.<br />
Pour les faire rentrer, les soigneurs avaient pris<br />
l’habitude de les attirer en déposant des<br />
friandises dans l’enclos intérieur. Comme ils ont<br />
compris qu’ils devaient y être tous les deux pour<br />
que les soigneurs ferment les portes, ils rentrent<br />
et mangent un peu chacun son tour, attendant<br />
patiemment que l’autre soit ressorti pour entrer !<br />
Et les dauphins captifs ne sont pas en reste :<br />
« Une grande piscine hébergeait tout un groupe<br />
de ces mammifères marins, et ceux-ci aimaient<br />
jouer avec les objets que les visiteurs laissaient<br />
tomber par négligence : stylos à bille, pièces de<br />
monnaie, étuis en plastique. Périodiquement,<br />
la direction envoyait des plongeurs nettoyer tout<br />
cela en passant un système d’aspiration sur le<br />
fond. Un jour qu’ils procédaient à ce type de<br />
nettoyage, les plongeurs constatèrent qu’ils ne<br />
trouvaient pas grand-chose. La raison apparaissait<br />
clairement à toutes les personnes qui<br />
observaient la piscine d’en haut. Zippy, l’un<br />
des dauphins les plus vieux, se positionnait<br />
devant les plongeurs, à distance juste suffisante<br />
pour être hors de portée de vue, et il ramassait<br />
tous les objets dans sa bouche. Puis il se<br />
rendait derrière les nageurs, dans une zone<br />
qu’ils avaient déjà balayée et qu’ils ne pouvaient<br />
pas voir. Et là, le dauphin redéposait ses trésors<br />
sur le fond.<br />
Lorsque les plongeurs finirent par éventer le<br />
manège de Zippy, il essaya une autre ruse. Dès<br />
qu’il les voyait se préparer à entrer dans la<br />
piscine pour nettoyer, il se hâtait de ramasser<br />
ses objets préférés et les cachait auprès des<br />
arrivées d’eau, en un endroit où le flot ne les<br />
emportait pas, mais où les plongeurs ne<br />
pouvaient pas les atteindre. » (LINDEN, 2002)<br />
<strong>Des</strong> expériences réalisées par des chercheurs<br />
de l’université de Bristol ont montré que les<br />
cochons aussi avaient recours à la tromperie.<br />
Cette découverte est importante, car elle indique<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
15
que ces animaux ont conscience d’eux-mêmes<br />
ainsi que des croyances et des intentions des<br />
autres animaux. Au cours de ces expériences, on<br />
a montré à un cochon où de la nourriture était<br />
cachée. Un second cochon n’a pas tardé à se<br />
rendre compte que le premier était « informé » et<br />
il l’a suivi. Le cochon « informé » a vite compris<br />
qu’il valait mieux pour lui faire semblant<br />
d’ignorer où se trouvait la nourriture. Dès lors, il<br />
ne s’y rendait que lorsque l’autre s’était éloigné<br />
dans une autre direction.<br />
Mais d’autres animaux que les vertébrés sont<br />
capables d’innover et de développer d’autres<br />
capacités surprenantes. Un groupe de<br />
scientifiques qui travaillait pour l’EFSA sur la<br />
nécessité de protection des invertébrés utilisés<br />
à des fins scientifiques a ainsi conclu ce qui suit<br />
concernant leurs capacités à ressentir la<br />
souffrance :<br />
« Certaines espèces d’invertébrés :<br />
(I) possèdent une mémoire à court terme et à<br />
long terme,<br />
(II) montrent une capacité d’apprentissage<br />
complexe comme l’apprentissage social, la<br />
suppression conditionnelle, la discrimination<br />
et la généralisation, et l’apprentissage inversif,<br />
(III) se montrent conscients de la relation<br />
spatiale et forment des cartes cognitives,<br />
(iv) manifestent de la tromperie,<br />
(V) adoptent les comportements appropriés au<br />
cours d’études de réponses opérantes pour être<br />
encouragés ou éviter une punition,<br />
(VI) possèdent des récepteurs sensibles à des<br />
stimuli nociceptifs connectés par voies<br />
nerveuses à un système nerveux central et à des<br />
centres cérébraux,<br />
(VII) possèdent des récepteurs aux opioïdes,<br />
(viii) modifient leurs réponses à des stimuli qui<br />
seraient douloureux pour l’homme après avoir<br />
reçu des analgésiques,<br />
(IX) répondent à des stimuli qui seraient<br />
douloureux pour l’homme de façon à éviter<br />
ou à minimiser les dommages pour l’organisme,<br />
(X) montrent une réticence à se soumettre de<br />
nouveau à une procédure douloureuse, ce qui<br />
indique qu’ils peuvent apprendre à associer des<br />
événements apparemment non douloureux à des<br />
événements apparemment douloureux. »<br />
(EFSA, 2005)<br />
Les poulpes par exemple, sont capables de<br />
résoudre des labyrinthes et de se souvenir de<br />
la solution ou même de se mettre en colère.<br />
En 2008, l’aquarium Sea-Star de Coburg, en<br />
Allemagne, a connu une série de pannes<br />
électriques dues à des courts-circuits. Il s’est<br />
avéré que ces courts-circuits étaient provoqués<br />
par Otto, un poulpe qui grimpait la nuit sur le<br />
bord de son aquarium pour asperger un spot d’un<br />
jet d’eau. Les responsables de l’établissement<br />
en ont conclu que la lumière le gênait et ont placé<br />
le spot plus en hauteur, pour que le poulpe ne<br />
puisse plus l’atteindre. L’un d’eux a déclaré :<br />
« Otto cherche constamment à attirer l’attention,<br />
et il trouve toujours de nouveaux tours, si bien<br />
que nous nous sommes rendu compte que nous<br />
devions le surveiller davantage – et peut-être lui<br />
donner aussi un peu plus de jouets avec lesquels<br />
il puisse se divertir. »<br />
Roland Anderson, de l’aquarium de Seattle, aux<br />
États-Unis, explique que les pieuvres géantes<br />
du Pacifique, quand on nettoie leur aquarium,<br />
réagissent d’une manière qui pourrait bien<br />
devoir être interprétée comme de la colère. Elles<br />
virent au rouge vif et essayent d’attraper les<br />
objets utilisés pour le nettoyage. D’après<br />
Anderson, « il semble également possible que<br />
les pieuvres manifestent de la colère en<br />
projetant de l’eau sur tout ce qui leur déplaît…<br />
Une de nos biologistes de l’équipe de nuit a<br />
remarqué que l’une des pieuvres pratiquait une<br />
discrimination envers elle, car à chaque fois<br />
qu’elle arrivait, l’animal l’aspergeait d’eau. Il<br />
s’est avéré que c’était parce qu’elle se servait<br />
d’une lampe torche pour vérifier le débit de la<br />
pompe à eau, ce qui dérangeait probablement<br />
la pieuvre ». (ANDERSON, 2000)<br />
Les chercheurs du département de neurobiologie<br />
de l’université hébraïque de Jérusalem ont<br />
récemment étudié des poulpes qui étaient<br />
entraînés à apprendre et à mémoriser des<br />
tâches. Ils ont mis en évidence des similitudes<br />
frappantes avec le cerveau des vertébrés et ont<br />
obtenu de nouvelles informations sur la façon<br />
dont le cerveau de ces animaux stocke les<br />
souvenirs. Au Royaume-Uni, le poulpe bénéficie<br />
d’ailleurs d’une protection légale qui le met à<br />
l’abri des expériences intempestives.<br />
16<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
De nouveaux travaux publiés par des chercheurs<br />
de la Queen’s University, en Irlande du Nord,<br />
viennent s’ajouter aux preuves toujours plus<br />
nombreuses que les crustacés peuvent souffrir.<br />
<strong>Des</strong> pagures qui ont reçu des petits chocs<br />
électriques préfèrent changer de coquille et<br />
présentent un comportement de stress, se<br />
manifestant notamment par une friction de<br />
l’abdomen. Selon les chercheurs, cette friction<br />
est « une réaction motrice protectrice considérée<br />
comme un signe de douleur chez les vertébrés »,<br />
tout comme le léchage du doigt par quelqu’un<br />
qui vient de se brûler.<br />
<strong>Des</strong> études scientifiques sur les invertébrés ont<br />
montré que les blattes, les mouches et les<br />
limaces présentaient des réponses<br />
comportementales et physiologiques indiquant<br />
une douleur. <strong>Des</strong> travaux réalisés sur les<br />
criquets, les limaces et les escargots ont montré<br />
que ces animaux établissaient des priorités et<br />
faisaient des choix.<br />
Récemment, des chercheurs australiens se sont<br />
aperçus d’une chose étonnante chez les abeilles,<br />
à savoir qu’elles étaient capables de compter. Ils<br />
ont entraîné des abeilles, en les récompensant<br />
avec de l’eau sucrée, à suivre un chemin balisé<br />
par des marques de couleur à travers un<br />
labyrinthe constitué de cylindres et comportant<br />
plusieurs niveaux de bifurcations. Lors d’une<br />
autre expérience, les abeilles ont su faire la<br />
différence entre des schémas comprenant deux<br />
points et des schémas en comprenant trois. Ces<br />
abeilles ne « comptent » pas littéralement, mais<br />
elles sont capables de remarquer le nombre de<br />
points et de s’en souvenir.<br />
Le Dr Shaowu Zhang, directeur de recherches<br />
à l’ARC Centre of Excellence in Vision Science,<br />
en Australie, à qui l’on doit ces travaux sur les<br />
abeilles qui « comptent », a déclaré : « Nous<br />
n’avions jamais pensé observer de telles capacités<br />
chez des insectes. Notre sentiment, à présent<br />
– au vu de ces facultés très élémentaires – est<br />
qu’il n’existe probablement pas de frontière entre<br />
les insectes, les animaux et nous…»<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
17
18<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
III. DES ANIMAUX ET DES HUMAINS<br />
À travers leurs relations avec les humains les animaux révèlent une autre facette de leur<br />
personnalité. Leurs attentes vis-à-vis de nous sont à la mesure de leur générosité à notre<br />
égard.<br />
Young rapporte ainsi à de multiples reprises le<br />
cas d’animaux venant solliciter l’aide des<br />
humains. Elle relate notamment l’histoire d’une<br />
vache venue lui demander de l’aide. Réveillée au<br />
milieu de la nuit par des meuglements profonds<br />
et déterminés, elle trouva Araminta le pis<br />
engorgé de lait. Son veau n’ayant visiblement<br />
pas tété de la journée, elle devina qu’il était<br />
malade ou mort. Après l’avoir conduite à l’étable<br />
pour la traire et ainsi la soulager, elle lui<br />
demanda de la conduire à lui. Mais d’après<br />
Young, les vaches croient que les humains<br />
savent tout et, au lieu d’avancer, Araminta<br />
attendait de la suivre. Elle fit donc semblant de<br />
savoir et commença à marcher. Puis elle fit faire<br />
demi-tour à la vache qui « comprit » enfin que<br />
Young ne savait pas où aller. Accélérant<br />
subitement le pas, elle la conduisit enfin à son<br />
veau, à trois champs de là, qui était effectivement<br />
souffrant et fut ainsi sauvé.<br />
Elle raconte aussi comment Audrey, une brebis<br />
élevée au biberon, est venue chercher de l’aide<br />
pour sa sœur. Elle était alors dans la cuisine<br />
quand elle entendit un coup très fort contre la<br />
porte du fond accompagné d’un bêlement<br />
strident et continu. Elle se précipita pour ouvrir<br />
la porte et découvrit Audrey qui, aussitôt, bêla<br />
de plus belle et courut sur la pelouse, s’arrêta,<br />
se retourna, la regarda et courut encore, comme<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
19
pour lui demander de la suivre. Elle la suivit<br />
donc en courant et découvrit plus loin, dans la<br />
piscine, Sybil, la sœur d’Audrey, qui nageait en<br />
rond, incapable de sortir de l’eau toute seule…<br />
Les histoires de sauvetages sont toujours<br />
chargées d’émotions et poussent à s’interroger<br />
sur ce qui motive un animal à aider ou à sauver.<br />
Frans de Waal (2001), rapporte le cas des chiens<br />
sauveteurs lors du tremblement de terre de<br />
Mexico en 1985, déprimés de ne retrouver<br />
personne vivant. « La logique en question est<br />
celle de la récompense : un chien dressé y aura<br />
droit s’il trouve une victime, et n’a aucune raison<br />
de se préoccuper de sa condition. Pourtant, tous<br />
ceux de l’équipe de sauvetage finirent par<br />
déprimer. Il leur fallait des périodes de repos<br />
de plus en plus longues, leur enthousiasme<br />
disparut. […] La solution à ce problème de<br />
motivation est très révélatrice de ce que<br />
voulaient les chiens. Un vétérinaire mexicain<br />
joua le rôle d’un survivant : les sauveteurs le<br />
cachèrent dans les ruines et laissèrent les<br />
animaux le retrouver. L’un après l’autre, ils<br />
repérèrent son odeur et alertèrent leurs maîtres,<br />
“sauvant” ainsi sa vie. Réconfortés par cet<br />
exercice, ils furent prêts à se remettre à la<br />
tâche. » Pour ces chiens, trouver des victimes<br />
n’est pas qu’un moyen d’obtenir une<br />
récompense. Ils s’investissent affectivement<br />
et veulent réellement sauver des gens…<br />
Cette idée semble corroborée par d’autres<br />
observations, faites dans un cadre où aucun<br />
dressage préalable n’a été effectué.<br />
En 1996, trois dauphins sauvages ont sauvé un<br />
touriste d’une attaque de requins dans le golfe<br />
d’Aqaba, en bordure de la mer Rouge. Ils<br />
l’entourèrent pour tenir tête aux agresseurs et<br />
les maintenir à distance… (DE WAAL, 2001)<br />
En 1999, Lulu, un cochon nain du Vietnam, a<br />
sauvé la vie de Joanne Altsmann. Le jour où<br />
celle-ci a été victime d’un infarctus, Lulu est sortie<br />
de la maison et est allée se coucher sur la route,<br />
obligeant une voiture à s’arrêter. La petite truie<br />
a ensuite guidé le conducteur vers la maison.<br />
20<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
Les chiens seraient aussi capables de prévoir un<br />
problème de santé chez leurs maîtres et de se<br />
comporter en conséquence : « Un chien nommé<br />
Joe avait pour tâche d’aider une femme atteinte<br />
de […] sclérose en plaques. Certains jours, elle<br />
perdait plus l’équilibre que d’autres. Or, non<br />
seulement le chien percevait le moment où elle<br />
avait besoin de soutien, mais il se mettait à<br />
marcher à sa gauche (du côté où sa jambe ne<br />
fonctionnait pas bien) de façon à lui procurer un<br />
point d’appui. On ne lui avait pourtant pas<br />
appris à faire cela. » (LINDEN, 2002)<br />
Parmi les interactions les plus troublantes entre<br />
animaux et humains, il faut évoquer les<br />
différentes recherches ayant conduit à<br />
apprendre un langage à un animal. Il faut pour<br />
communiquer avoir quelque chose à partager, et<br />
tous ceux qui se sont lancés sur cette voie n’ont<br />
pas connu un succès identique. Seuls ceux qui<br />
se sont investis émotionnellement avec les<br />
animaux ont obtenu des résultats.<br />
Washoe est une femelle chimpanzé à qui un<br />
couple, Allen et Beatrix Gardner, puis Roger<br />
Fouts, ont appris l’ASL, le langage des signes<br />
américain. Elle a été élevée comme un enfant<br />
sourd. Née en Afrique en 1966, et décédée en<br />
2007 à Washington, elle a irrémédiablement<br />
marqué l’histoire scientifique.<br />
Elle vivait avec ses compagnons d’expériences<br />
à Ellensburg (Washington), à l’Institut de<br />
communication chimpanzé et humaine, où un<br />
immense bâtiment a été construit pour eux. Ils y<br />
utilisent l’ASL pour communiquer entre eux et<br />
avec leurs compagnons humains. Washoe, par<br />
exemple, signait pour demander quand il serait<br />
l’heure de manger, pour demander qu’on la<br />
chatouille, ou qu’on lui donne des bananes ou<br />
des pommes. Elle a enseigné l’ASL à Loulis,<br />
qu’on lui a fait adopter après la mort de son<br />
propre bébé, ainsi que les « bonnes manières »<br />
pour un chimpanzé vivant avec des humains.<br />
Quand elle était petite, elle signait quand elle<br />
jouait avec sa poupée et a continué ensuite à<br />
signer pour elle-même.<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
21
Inspirée par les Gardner, une jeune psychologue,<br />
Francine Patterson, décide d’apprendre l’ASL à<br />
une jeune femelle gorille d’un an, Koko.<br />
L’expérience débute durant l’été 1972, au zoo de<br />
San Francisco, et se poursuit encore, au sein de<br />
la Gorilla Foundation. La particularité de<br />
Patterson est qu’elle est la seule à avoir posé<br />
des questions métaphysiques à Koko. Sa<br />
personnalité haute en couleur et ses<br />
extravagances lui ont valu de perdre quasiment<br />
toute crédibilité auprès de la communauté<br />
scientifique. Il n’en demeure pas moins que<br />
certains de ses échanges avec Koko soulèvent de<br />
nombreuses interrogations. Par exemple, quand<br />
elle demande à Koko ce qu’est une insulte, Koko<br />
répond : « Penser diable sale », ou bien à:<br />
« Quand meurent les gorilles ? », elle répond :<br />
« Ennui, vieux. » Quelques jours après que son<br />
chat s’est fait écraser, elle signe devant une<br />
photo d’un chat qui lui ressemble : « Pleurer,<br />
triste, renfrognée. » Koko maîtrise également le<br />
mensonge, la plaisanterie, invente de nouveaux<br />
signes pour nommer un nouvel objet (comme<br />
« bracelet doigt » pour bague). Elle maîtriserait<br />
également la métaphore : un jour qu’elle veut du<br />
jus de fruit mais qu’on ne lui en donne pas, elle<br />
se résigne à boire de l’eau avec une paille, dans<br />
un récipient posé sur le sol, et signe alors<br />
« éléphant assoiffé » !<br />
D’autres chercheurs ont, quant à eux, enseigné<br />
un langage symbolique à des bonobos. Il s’agit<br />
de Sue Savage-Rumbaugh et de son équipe,<br />
dont les résultats des recherches, toujours en<br />
cours, notamment sur Kanzi et Panbanisha, ne<br />
cessent de susciter l’émoi de la communauté<br />
scientifique.<br />
Kanzi est né en 1980 et a vécu depuis l’âge de<br />
6 mois au centre de recherche sur le langage de<br />
l’université de Géorgie. Lui et sa famille ont<br />
aujourd’hui déménagé à <strong>Des</strong> Moines dans l’Iowa,<br />
où un immense centre de recherche dédié aux<br />
grands singes a été spécialement construit. Sa<br />
compréhension du langage humain est évaluée<br />
à plus de 500 mots, ce qui est l’équivalent de<br />
celle d’un enfant de 2 ans et demi. Pour<br />
s’exprimer, il a à sa disposition un tableau de<br />
lexigrammes. Chacun réfère à un objet, et Kanzi<br />
et ses pairs les assemblent pour former des<br />
phrases et interagir avec les humains.<br />
Panbanisha est la demi-sœur de Kanzi. Elle<br />
appartient à la deuxième génération de bonobos<br />
élevés par le centre. L’ensemble des<br />
observations effectuées par les humains sur<br />
le groupe de bonobos avec lequel ils partagent<br />
leur vie est passionnant. Kanzi et Panbanisha<br />
traduisent par exemple aux expérimentateurs<br />
ce que « dit » Matata, la mère de Kanzi qui,<br />
capturée dans la nature, n’a jamais appris à se<br />
servir du tableau de symboles. On peut<br />
également citer ce jour où Panbanisha a rappelé<br />
à Bill, un chercheur, que ses lunettes étaient sur<br />
la machine à laver. Alors qu’il se reposait, elle<br />
utilisait une ancienne table de symboles non<br />
électronique, Bill lui a donc demandé d’utiliser<br />
le clavier électronique, qui est une table des<br />
symboles parlante, car il ne voyait rien. Elle a<br />
alors tapé à la vitre de séparation pour qu’il<br />
s’approche, et lui a tendu le tableau où elle a<br />
pointé « saisir », puis lui a désigné ses lunettes.<br />
Sous-entendu : « Tu ne vois rien car tu n’as pas<br />
tes lunettes. » Après qu’il les a mises, elle a<br />
pointé « clavier ». Il s’est alors rendu compte<br />
qu’il n’avait pas allumé le clavier électronique…<br />
D’autres espèces génétiquement moins proches<br />
de l’homme ont fait l’objet d’expériences<br />
similaires. C’est le cas de la chienne Sofia par<br />
exemple, à qui des chercheurs brésiliens ont<br />
appris à se servir de signaux arbitraires pour<br />
communiquer avec les humains et en particulier<br />
pour demander différents objets ou activités.<br />
Elle a ainsi montré qu’elle pouvait utiliser des<br />
lexigrammes intentionnellement et de manière<br />
spontanée pour obtenir ce qu’elle désirait. Et<br />
quand elle les utilise, elle regarde attentivement<br />
son maître (elle ne vit pas en laboratoire) pour<br />
s’assurer que celui-ci l’a bien vue…<br />
(PONGRÁCZ ROSSI, ADES, 2008)<br />
Le perroquet Alex, décédé en 2007, a lui aussi<br />
bouleversé la communauté scientifique. Ce gris<br />
du Gabon, dont les performances ont fait le tour<br />
du monde, avait une intelligence estimée<br />
comparable à celle d’un enfant de 5 ans. Il<br />
connaissait un millier de mots, en utilisait<br />
spontanément 150 et pouvait en inventer de<br />
nouveaux à partir de ceux qu’il connaissait. Il<br />
savait décrire certains objets en fonction de leur<br />
matière. Il était également capable de comparer<br />
des choses et de dire par exemple laquelle était<br />
22<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
la plus grosse ou la plus petite. Il possédait<br />
également un talent particulier pour les<br />
mathématiques et savait dénombrer jusqu’à 6. Il<br />
travaillait sur le 7 et le 8 au moment de sa mort.<br />
Plus étonnant encore, il avait intégré le concept<br />
équivalent au zéro. Il apprenait à lire le son des<br />
lettres et était en train d’intégrer le concept des<br />
phonèmes au moment de sa mort. Quand il en<br />
avait assez de travailler, il disait : « Je veux<br />
rentrer » pour signifier qu’il voulait rejoindre sa<br />
cage… Alex avait passé le test de Piaget et atteint<br />
le stade 6 qui correspond à la compréhension de<br />
la permanence de l’objet. Il avait tissé des liens<br />
très forts avec sa propriétaire, Irène Pepperberg,<br />
qui a créé une fondation à son nom.<br />
Finalement, ce qui lie ces histoires entre elles<br />
et en font tout l’intérêt, c’est qu’elles sont, plus<br />
que des études scientifiques, des histoires<br />
d’amitié et d’amour entre des chercheurs et les<br />
individus auxquels ils se consacrent. Parce qu’ils<br />
ont fait preuve de sensibilité, ce que d’autres<br />
scientifiques se refusent absolument à faire,<br />
ils ont fait des découvertes capitales sur les<br />
capacités cognitives des animaux, brouillant<br />
à tout jamais l’illusoire frontière que certains<br />
avaient tenté de tracer entre l’animal et<br />
l’humain.<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
23
24<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux
CONCLUSION<br />
La sentience des animaux est un sujet aussi vaste que passionnant. Chaque jour, de<br />
nouvelles observations viennent enrichir nos connaissances sur la vie mentale des autres<br />
êtres vivants. Pourtant, au lieu de bouleverser notre façon de penser, elles demeurent<br />
de l’ordre de l’anecdotique. Pour la plupart d’entre nous, ces histoires d’animaux qui<br />
éprouvent des émotions sont vite oubliées.<br />
Écouter son cœur n’est pas toujours chose aisée, et moins encore quand ce qu’il nous<br />
souffle a le potentiel d’une remise en question globale de nos modes de vie et de<br />
consommation. Car que pourrait nous souffler d’autre notre cœur, quelle autre voie<br />
pourraient nous indiquer nos consciences, quand nous découvrons les trésors de la vie<br />
émotionnelle des animaux ? Comment vivre chaque jour à l’identique lorsqu’on sait<br />
l’amitié qui lie des veaux entre eux, la solidarité qui peut unir des poules, les espiègleries<br />
dont peuvent faire preuve les pieuvres, les jeux dont sont capables les poissons ? Comment<br />
comprendre notre incapacité à témoigner aux animaux qui nous entourent une amitié qui,<br />
chez eux, est parfois susceptible de traverser la frontière de l’espèce ? Car finalement, ce<br />
qui pourrait nous faire gagner une humanité vraie, ne serait-ce pas notre capacité à éviter<br />
à l’autre des souffrances, dès lors que nous savons qu’il souffre ?<br />
Avec ce rapport, One Voice ouvre une porte pour que chacun, enfin, regarde ceux qui<br />
l’entourent et y voie d’autres vies, pour que chacun comprenne qu’il n’est pas seul. Un<br />
monde d’humains serait bien triste. Mais au contraire, notre monde est riche, riche<br />
d’émotions, riche d’histoires, riche de différences. Et ensemble, nous pouvons aussi en faire<br />
un monde de paix.<br />
One Voice • <strong>Sentience</strong> des animaux<br />
25
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