LA SAGA CONTINUE - 1
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L’implacable justice sud-africaine<br />
bakchich<br />
N° 31 | du samedI 3 au vendredI 9 JuIllet 2010 | InformatIons, enquêtes et mauvaIs esprIt<br />
L 13723 - 31 - F: 1,50 �<br />
bettencourt<br />
la saga continue<br />
Bel : 2€ - CH : 2,90fs<br />
page 5<br />
marseille<br />
Trois caïds du milieu<br />
tombent à l’eau<br />
bédéreportage<br />
Petit tour<br />
par les îles Caïmans<br />
dossier<br />
Les banques suisses<br />
en pleine déconfiture<br />
livres<br />
La Palestine racontée<br />
par ceux qui la vivent<br />
héritier<br />
Arthur de Villepin,<br />
son père, ce héros<br />
football<br />
Jean-Pierre Escalettes<br />
raccroche les crampons<br />
Et sur Internet
Apéro<br />
de la farce<br />
au scandale<br />
d'etat<br />
Jusqu’à l’emballement de ces derniers jours, l’affaire Bettencourt<br />
ressemblait à une tragédie œdipienne. Les extraits<br />
des conversations entre l’actionnaire de L’Oréal et son<br />
avocat, Georges Kiejman (lire page 5), telles qu’elles ont été<br />
enregistrées par le fameux maître d’hôtel, témoignent du climat qui<br />
régnait dans le « nœud de vipères » des Bettencourt. Les appréciations<br />
portées sur la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez,<br />
préoccupée par son « brushing », et ses « débiles » d’assesseurs,<br />
ne devraient pas contribuer à la sérénité des débats qui devaient<br />
débuter le 1 er juillet, avant un probable renvoi.<br />
Mais voici qu’avec les révélations sur l’évasion fiscale de Liliane<br />
Bettencourt, la farce devient affaire d’État. Ministre du Budget,<br />
Éric Woerth prétendait rapatrier l’argent des riches, quitte à faire<br />
imploser le système bancaire suisse. Ce qui ne lui vaut pas que des<br />
amis au sein de l’UMP helvète (lire notre dossier pages 6 et 7, « Les<br />
petits Suisses ne se sucrent plus »).<br />
Le scandale, le voici : Florence Woerth entre au service de Liliane<br />
Bettencourt à la fin 2007, au moment même où, comme l’a révélé<br />
Bakchich, le fisc apprend l’existence, au Liechtenstein, d’un compte<br />
appartenant au photographe François-Marie Banier alimenté par<br />
les comptes suisses de Mme Bettencourt.<br />
Comment Éric Woerth peut-il prétendre avoir découvert le compte<br />
Banier seulement « courant 2009 » ? Pourquoi ses services n’ont-ils<br />
pas, en trente mois d’enquête, déposé plainte ? Par quel hasard le<br />
gestionnaire de fortune Patrice de Maistre est-il l’invité des chasses<br />
présidentielles (lire page 3) ? Voici un joli teasing pour le feuilleton<br />
de l’été, « la milliardaire, sa fille et le ministre » ✹<br />
NICoLaS BEau<br />
“ „<br />
Mon rêve est de faire aimer la TVA aux Français<br />
alain Juppé, dans une interview pour Lexpress.fr, le 28 juin.<br />
CouP dE BouLE<br />
SuPER SaRKo (S’)ÉPaRgNE<br />
Un œil rivé sur les médias, un<br />
autre sur les sondages, Super<br />
Sarko s’est rendu compte que<br />
les libertés prises par certains<br />
ministres (les cigares de Blanc,<br />
l’hôtel de luxe sud-africain de<br />
Yade, les appartements de fonction<br />
d’Amara et d’Estrosi…) commençaient<br />
à agacer les Français.<br />
Pour quelqu’un qui est associé au<br />
bling-bling et qui ne pense qu’à sa<br />
réélection en 2012, il y a urgence à<br />
communiquer sur le sujet.<br />
Super Sarko, donc, qui ne recule<br />
jamais devant les grandes envolées,<br />
évoque, dans une lettre à<br />
Fillon, un devoir « d’exemplarité »,<br />
et même un « impératif moral »,<br />
pour exiger des coupes (pas trop)<br />
claires dans les dépenses des<br />
ministères.<br />
« Ceux qui incarnent l’intérêt<br />
général ne peuvent être exonérés<br />
de l’effort demandé à la nation »,<br />
écrit-il. Ben, justement, celui qui<br />
est au sommet de l’État oublie<br />
de mentionner ce qu’il pourrait<br />
faire pour réduire ses dépenses.<br />
Il supprime, certes, la gardenparty<br />
du 14 Juillet, mais il oublie<br />
de revenir sur l’augmentation de<br />
170 % de son salaire (20 000 euros<br />
mensuels), et il oublie de restituer<br />
la carte de crédit qui lui permet<br />
de rincer ses amis au restaurant<br />
du Bristol.<br />
un avion à 176 miLLions<br />
Surtout, il ne renonce pas à son<br />
« Sarko One », l’Airbus A330 qu’il<br />
a réclamé dès son élection pour<br />
faire la nique au président américain<br />
et à son Air Force One. L’A319<br />
qui trimballait les précédents<br />
présidents était jugé indigne de<br />
sa personne. Allons donc pour<br />
un nouvel appareil doté d’une<br />
chambre, de salles de réunion, et<br />
permettant de transporter une<br />
soixantaine d’invités. Certains<br />
font remarquer que l’achat et le<br />
réaménagement de ce coucou ont<br />
coûté 176 millions d’euros. Ces<br />
manants ne comprennent rien<br />
à la grandeur de Super Sarko.<br />
Lui sait que, contrairement à ce<br />
que disent la Commission européenne<br />
et le FMI, la France n’a<br />
pas de problèmes financiers et<br />
n’a pas à réduire le train de vie<br />
de son chef ✹<br />
aLCESTE<br />
2 BaKCHICH HEBdo N°31 | du SaMEdI 3 au VENdREdI 9 JuILLET 2010<br />
Le retour de la semaine<br />
Nous n’avions pas eu le plaisir d’entendre Frédéric Lefebvre depuis des semaines.<br />
Le frétillant porte-parole de l’uMP n’a rien trouvé de plus important que de<br />
lancer une pétition pour l’arbitrage vidéo dans le football. Et « ce n’est pas<br />
une diversion par rapport à l’affaire Bettencourt », a-t-il osé préciser. Lancé, il a<br />
ensuite justifié les dépenses du gouvernement. « Le Président, il est exigeant<br />
avec (...) lui-même. Quand il fait un voyage avec l’avion de la République française,<br />
il paye lui-même son dentifrice ! » Pour la brosse à reluire, c’est gratuit.<br />
La règle de la semaine<br />
L’an dernier, Mirko Fischer s’était fait traiter tel un pédophile en puissance par<br />
la compagnie British airways lors d’un vol. Ce trentenaire luxembourgeois avait<br />
changé de place avec sa femme enceinte, qui désirait s’asseoir côté couloir.<br />
Fischer s’est retrouvé à côté d’un garçon de 12 ans, ce qui a fait accourir le personnel.<br />
Sur British airways, il est en effet interdit aux adultes masculins de s’asseoir<br />
à côté d’un enfant voyageant seul. une règle qui pourrait changer puisque<br />
Fischer vient de se faire verser 3 000 euros pour « discrimination sexuelle ». En<br />
2006, le maire de Londres, Boris Johnson, avait même dû prouver devant les<br />
autres passagers de British airways que les gamins assis à côté de lui étaient…<br />
ses propres enfants !<br />
La promesse de la semaine<br />
La baisse de la TVa à 5,5 % pour les restaurateurs est très critiquée par les<br />
consommateurs, qui n’ont pas vu les prix diminuer. didier Chenet, président<br />
de Synhorcat, le deuxième syndicat de la profession, n’imagine pourtant pas<br />
« qu’on puisse changer les règles » et explique cette désillusion « dans la mesure<br />
où nous avons mal expliqué les limites de la baisse des prix ». Les amateurs de<br />
farce peuvent consulter sur le Web une archive du Parisien (28 avril 2009) où<br />
le même Chenet s’enflammait : « Nous allons renvoyer du pouvoir d’achat aux<br />
Français », qui signait à l’occasion un « contrat d’avenir ». aucune sanction pour<br />
ceux qui ne le respectaient pas. Ce n’était certainement pas assez expliqué ✹<br />
Mot à Mot<br />
Il y a eu un style pour chaque Louis<br />
après Louis XIII, un style Empire, un<br />
style Second Empire, un modern style,<br />
et presque un style Pompidou, à cause<br />
des tuyaux du Centre. Mais pas de style<br />
Mitterrand ou Chirac : la République,<br />
même monarchique, ne mange pas de<br />
ce pain-là.<br />
Hélas, il risque de rester un style Sarkozy,<br />
voire plusieurs. La première année fut<br />
paillettes-bling-bling, avec yachts et<br />
Rolex, conférences de presse olé-olé<br />
LES TRoPHÉES<br />
et intermittences du cœur qui faisaient<br />
de Closer un supplément illustré du<br />
Journal officiel. L’an II fut plus sévère :<br />
passant du Fouquet’s au Salon de l’agriculture,<br />
le boss découvrit que le peuple<br />
ne l’aimait pas forcément, et décida<br />
de le rabrouer. « Casse-toi, pov’ con ! »<br />
restera dans les annales comme le crachat<br />
d’un ex-hussard chahuté dans les<br />
ports bretons et les usines où des paltoquets<br />
avaient l’audace de le dominer de<br />
20 centimètres sans finir pendus à des<br />
crocs de boucher.<br />
L’an III sera défensif : et d’une, aidé par<br />
deux laquais obséquieux, dont l’un se<br />
flattait jadis d’être l’impertinent apôtre<br />
de l’esprit bête et méchant, l’Élysée a<br />
balayé deux comiques pas assez troupiers<br />
pour marcher au pas. Secundo, la<br />
justice a flingué en vol et en comparu-<br />
sommaire<br />
apéro<br />
Les Faits saiLLants<br />
de L’actuaLité<br />
P.3 Le parcours d’un enfant (pourri)<br />
gâté nommé éric Woerth.<br />
P.3 alain Finkielkraut tape sur les<br />
Bleus et vos nerfs ? Bakchich le tacle.<br />
P.3 chuuut, Jean-marie !<br />
Quand Le Pen perturbe les débats<br />
de la région Paca… en ronflant.<br />
P.4 Bandits. Les relations troubles<br />
entre le roi des yachts de luxe et trois<br />
caïds marseillais.<br />
fiLouteries<br />
nos enquêtes<br />
et nos dossiers<br />
P.5 affaire Bettencourt. Bakchich<br />
publie des enregistrements inédits<br />
des écoutes réalisées à l’insu du<br />
plein gré de l’actionnaire principal<br />
de L’oréal. où son avocat,<br />
M e georges Kiejman, se lâche…<br />
P.6-7 Le dossier de la semaine.<br />
Pauvres Suisses : c’est la fin de<br />
leur si cher secret bancaire, et leurs<br />
établissements financiers vivent de<br />
bien sombres heures. Y a pas le feu<br />
au lac, mais presque.<br />
P.8 Le secrétariat d’État aux<br />
transports est au point mort.<br />
Bazar<br />
environnement, médias,<br />
conso, sPort, PiPoLes…<br />
P.9 afrique du sud. Rien que pour la<br />
Coupe du monde, une « fast justice »<br />
a été instaurée. Bonjour les dégâts.<br />
P.10-11 Petit tour en bédéreportage<br />
sur les îles caïmans où il fait bon<br />
s’évader.<br />
P.12 mondanités. C’est moche, une<br />
soirée rien que pour les beaux.<br />
CuLture<br />
Bouquin, cinéma,<br />
musique, Bédé…<br />
P.14 Jean-Jacques Bourdin fait honneur<br />
au métier de journaliste. Si, si !<br />
P.15 une autre garden-party est<br />
possible, nous dit alain Riou.<br />
P.16 après le fiasco des Bleus<br />
au Mondial, Jean-Pierre escalettes,<br />
le boss de la FFF, rentre au vestiaire.<br />
tion quasi immédiate un gus qui avait<br />
mal parlé de not’ Président, si bien que<br />
tout le monde a su qu’il était venu incognito<br />
visiter la banlieue en pleine nuit.<br />
Normal, les mots anodins « Sarkozy, je<br />
te vois ! » avaient déjà causé des pépins<br />
à un naïf. Notez que Bernadette Soubirous<br />
avait dit la même chose à une<br />
dame sans être inquiétée. Comme quoi,<br />
n’est pas vierge qui veut.<br />
Finalement, les Bleus donnent le ton<br />
du jour : bling-blingueurs mijotant<br />
dans des rumeurs de débauche, caïds<br />
plutôt mégalos qui font vibrer Bachelot,<br />
massacreurs de syntaxe n’ayant jamais<br />
lu la Princesse de Clèves, cracheurs d’insanités<br />
à l’occasion, ils se sont ramassés<br />
comme de vrais bouffons au premier<br />
tour. Qui a dit : « Eux aussi » ? ✹<br />
JaCQuES gaILLaRd
finkielkraut aussi<br />
est une racaille<br />
foot Alain Finkielkraut n’a eu de cesse de critiquer les joueurs de l’équipe de France, les traitant<br />
de « voyous » et de « caïds arrogants ». Le philosophe préfère jouer avec des Blancs pur jus.<br />
Les insultes de Nicolas<br />
Anelka contre son entraîneur<br />
Raymond Domenech<br />
s’expliquent par les<br />
mœurs des « encapuchonnés » des<br />
cités. Ainsi pense le philosophe<br />
Alain Finkielkraut, même pas<br />
rond comme un ballon. « L’équipe<br />
de France est une bande de voyous<br />
qui ne connaît qu’une seule morale,<br />
celle de la mafia », clamait-il sur<br />
Europe 1, le 20 juin. « On voit l’esprit<br />
de la cité se laisser dévorer<br />
par l’esprit des cités », surenchérissait<br />
Finkielkraut sur France<br />
Inter, oubliant que les joueurs ont<br />
depuis longtemps quitté la cité de<br />
leur jeunesse et qu’ils gagnent, au<br />
bas mot, 100 000 euros par mois.<br />
N’empêche, pour l’intellectuel,<br />
« il est temps de ne plus confier le<br />
destin d’une équipe à des voyous<br />
arrogants et inintelligents et de<br />
sélectionner des gentlemen ».<br />
Or, en matière de gentleman,<br />
Finkie est un modèle. Au début<br />
du mois de juin 1991, il participe,<br />
avec des écrivains et des journalistes,<br />
à un match de foot organisé<br />
par Patrick Poivre d’Arvor. Pour<br />
jouer cette partie, PPDA avait<br />
obtenu le Parc des Princes en le<br />
demandant à… Jacques Chirac.<br />
Contre l’avis du gestionnaire du<br />
stade, Michel Jazy : « Il [PPDA]<br />
ne m’a pas demandé, à moi. Moi,<br />
personnellement, je ne le lui aurais<br />
pas accordé : pourquoi PPDA et<br />
pas d’autres ? » confiait Jazy à<br />
PaCa<br />
Pierre Carles, dans son film Pas<br />
vu, pas pris.<br />
À l’époque, Finkielkraut trouvait<br />
sûrement « gentlemen »<br />
et n’ayant rien à voir avec une<br />
« morale de la mafia » le fait<br />
qu’un particulier (PPDA) puisse<br />
inviter ses copains à jouer au<br />
foot dans le stade du PSG✹<br />
anaëlle verzaux<br />
Le grOs rOuPiLLOn Du PeTiT jean-Marie<br />
a Jean-Marie Le Pen en plein débat du conseil régional<br />
de Paca, dans la matinée du 28 juin.<br />
a La partie de foot d’Alain Finkielkraut, en juin 1991, ici avec le comédien André<br />
Dussolier. En haut, les journalistes et écrivains participant au match organisé par<br />
PPDA posent. Tiens, que des Blancs ! C’était une autre époque… Pour Finkielkraut,<br />
aujourd’hui, les Bleus ne sont plus black-blanc-beur, mais black-black-black.<br />
Rien ne saurait troubler la quiétude du menhir<br />
du Front national. Ni la divulgation par Bakchich<br />
Hebdo du manuscrit jamais paru de<br />
son ex-femme, Pierrette Le Pen. Ni les guerres de<br />
succession au FN, où les longs couteaux s’affûtent<br />
autour de sa fille Marine et de Bruno Gollnisch.<br />
Et encore moins une séance plénière du conseil<br />
régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, où il<br />
exerce son dernier mandat d’élu.<br />
Dans une salle climatisée, quand la Provence commence<br />
à atteindre ses brûlantes températures,<br />
Jean-Marie a piqué un long et paisible roupillon,<br />
le matin du 28 juin. Il faut dire que les débats ne<br />
volaient pas très haut et ne risquaient pas de sortir<br />
des bras de Morphée l’ex-député poujadiste.<br />
Deux délibérations étaient mises au vote par le<br />
président du conseil régional, le socialiste Michel<br />
Vauzelle. L’une pour accorder 3 millions d’euros<br />
d’aide aux sinistrés du Var, frappé par de fortes<br />
intempéries le 14 juin. L’autre pour entrer en rébellion<br />
contre l’État. Un gel « par principe » des crédits<br />
non encore engagés dans le cadre du contrat de plan<br />
État-région. Rien de moins qu’une déclaration de<br />
guerre au gouvernement. Bien trop insuffisant pour<br />
réveiller le menhir endormi ✹<br />
xavier monnier<br />
Parcours d’une girouette nommée Éric Woerth<br />
lors des élections régionales du 15 mars 1998, socialistes et communistes obtiennent<br />
davantage de sièges que l’uDF et le rPr en Picardie. Charles Baur, président<br />
du conseil régional depuis 1985, est donné perdant. alors que Philippe Séguin,<br />
patron du mouvement gaulliste, s’oppose à tout accord avec le Front national,<br />
Baur conserve son siège grâce à onze élus d’extrême droite. Parmi ceux qui n’ont<br />
pas hésité à copiner avec eux, un « jeune » élu de l’oise de 42 ans, Éric Woerth.<br />
le 31 août 1998, il se justifie dans le Figaro, arguant que l’objectif est d’« éviter<br />
que cette région ne soit donnée au Parti communiste ». l’actuel ministre du Travail<br />
n’a jamais été très regardant. Son mentor en politique n’est-il pas Jean-François<br />
mancel, président du conseil général de l’oise pendant près de vingt ans et<br />
condamné pour prise illégale d’intérêts, en 2005, par<br />
la cour d’appel de Paris ?<br />
Conseiller parlementaire d’alain Juppé à matignon,<br />
Woerth crée ensuite le Club de la boussole, qui<br />
soutient Jean-Pierre raffarin. il est remercié en<br />
devenant, en 2004, secrétaire d’État de la réforme<br />
de l’État. Financier du rPr sous Jacques Chirac, il<br />
retourne rapidement sa veste en 2007, en prenant la<br />
présidence de l’association de financement pour<br />
la campagne de nicolas Sarkozy.<br />
enfin, Mediapart vient de publier les comptes de<br />
l’association de soutien à l’action d’Éric Woerth,<br />
sorte de mini parti dont le ministre ne parle<br />
jamais en public, et qui touche de grosses subventions<br />
de l’umP. Qui dit mieux ? ✹<br />
Charon chasse le Maistre<br />
réduites récemment à peau de chagrin<br />
par la volonté de coupe et de rigueur de<br />
Sarko i er , les chasses du « domaine de<br />
Chambord », présidé par son conseiller<br />
Pierre Charon, auront tout de même<br />
connu un riche début d’année. À la première<br />
battue en février dernier, Patrice<br />
de maistre, le désormais célèbre gestionnaire<br />
de fortune de liliane Bettencourt,<br />
a ainsi été convié. et si Charon l’appelait<br />
pour que liliane fasse une donation ?<br />
Histoire de pouvoir réorganiser de<br />
petites sauteries ? ou, à défaut, qu’il en<br />
touche un mot au couple Woerth…<br />
La clé Deschamps à l’OM<br />
Joli micmac à l’olympique de marseille<br />
en début de semaine. Dragué par le club<br />
anglais de liverpool, l’entraîneur Didier<br />
Deschamps a finalement prolongé son<br />
contrat sur le vieux Port. non sans une<br />
petite montée en pression du côté de<br />
son agent, Jean-Pierre Bernès, qui a<br />
cru que le président du conseil de surveillance<br />
du club, vincent labrune, bloquait<br />
les négociations. après un coup de<br />
fil entre les deux hommes, lundi 28 juin<br />
au soir, tout est rentré dans l’ordre. Pas<br />
au courant des négociations en cours<br />
et franchement pro-Deschamps, vincent<br />
labrune ne s’est jamais opposé à<br />
sa prolongation. « Les dirigeants ont<br />
dû évoquer son nom pour bloquer une<br />
demande contractuelle de Deschamps »,<br />
décrypte une gentille souris de la Commanderie,<br />
le centre d’entraînement de<br />
l’om. raté<br />
Des flics villepinistes<br />
les flics de France sont de moins en<br />
moins sarkozystes. la preuve, lors du<br />
meeting fondateur du parti de villepin,<br />
le 19 juin à Paris, un certain nombre de<br />
policiers – en civil – étaient venus bénévolement<br />
gonfler les rangs du service<br />
d’ordre. au risque de se faire ficher par<br />
leurs collègues en faction ?<br />
Apéro<br />
CHeF SCooP<br />
Larcher accro à sa garçonnière<br />
en mai 2009, les révélations de Bakchich<br />
avaient fait capoter le projet de<br />
Gérard larcher de s’attribuer un pied à<br />
terre de 340 mètres carrés, rue Bonaparte,<br />
dans le vi e arrondissement de<br />
Paris. rebelote, cet été, le président du<br />
Sénat va emménager dans un appartement<br />
de fonction de 140 mètres<br />
carrés, toujours rue Bonaparte. les<br />
temps sont durs…<br />
Marseille en scène<br />
Travail de précision à la communauté<br />
urbaine de marseille (Cum) pour les<br />
élus de droite. Tout à leur envie de dézinguer<br />
le socialiste eugène Caselli et son<br />
mentor, le président du conseil général<br />
tout aussi rose, Jean-noël Guérini, les<br />
politiques locaux doivent se garder de<br />
sortir trop de dossiers. et surtout vérifier<br />
la période sur lesquelles ils courent.<br />
Jusqu’en 2008, la Cum était en effet<br />
présidée par Jean-Claude Gaudin… Des<br />
fois que des affaires louches auraient<br />
survécu à l’alternance. De l’art de doser<br />
la mauresque.<br />
TF1 mise juste<br />
Toute nouvelle sur le marché des jeux<br />
en ligne, la chaîne de Bouygues va-telle<br />
faire un carton avec… la nomination<br />
du patron de France Télévisions ?<br />
Depuis plusieurs mois, des hauts<br />
pontes de TF1 avaient misé, en privé,<br />
sur l’arrivée de rémy Pfimlin, le patron<br />
de Presstalis (ex-nmPP), à la tête du<br />
service public. Sur le mode « quelqu’un<br />
va réussir à convaincre Sarko que<br />
nommer Bompard est une connerie<br />
énorme ». Bonne intuition.<br />
La diplomatie inaudible<br />
malgré les élections en Guinée-Conakry,<br />
le dimanche 27 juin, la politique africaine<br />
de la France ne dévie pas de<br />
sa route… à plusieurs voix. Quand le<br />
ministre des affaires étrangères, Bernard<br />
Kouchner, n’a qu’un but, faire<br />
élire son ami alpha Condé, le patron<br />
de la cellule afrique de l’Élysée, andré<br />
Parant, a un autre chouchou, Sidya<br />
Touré. « De toute façon, plus personne<br />
ne les écoute », décrit un ministre africain.<br />
notre coq chante dans le vide ✹<br />
Du SameDi 3 au venDreDi 9 JuilleT 2010 | BaKCHiCH HeBDo n°31 3
MARSEILLE<br />
Apéro<br />
Trois bandiTs sonT dans un baTeau<br />
Début juin, la Brigade de recherche et<br />
d’intervention de Marseille arrêtait trois<br />
figures du grand banditisme et Alexandre<br />
Rodriguez, le numéro un mondial<br />
du yachting de luxe. Explications.<br />
L’extorsion de fonds, le braquage<br />
et les machines à<br />
sous peuvent rapporter<br />
gros. Inconvénient, il faut blanchir<br />
l’argent gagné. Bernard<br />
Barresi, en cavale depuis un braquage<br />
à Mulhouse en 1990, Michel<br />
Campanella, condamné à quatre<br />
ans pour « recel en bande organisée<br />
», et son petit frère Gérald,<br />
suspecté d’être impliqué dans de<br />
multiples règlements de compte,<br />
ont été serrés, début juin, à bord<br />
de l’Atlas, un magnifique yacht<br />
appartenant à Alexandre Rodriguez,<br />
39 ans. Ce sympathique<br />
garçon est alors patron de Rodriguez<br />
Group, une société cannoise<br />
leader mondial du yachting de<br />
luxe spécialisée dans les jolis<br />
bateaux à 20 millions pièce.<br />
Alexandre Rodriguez avait apparemment<br />
suffisamment d’affection<br />
pour les trois caïds pour partager<br />
leurs sorties en mer, faisant<br />
même de Gérald Campanella son<br />
chauffeur personnel… Les magistrats<br />
se demandent donc si certaines<br />
filiales de Rodriguez Group,<br />
notamment aux États-Unis, en<br />
Suisse, en Tunisie et dans les<br />
BAB’ EL WEB<br />
dati danielle<br />
Sur Rachida-dati.eu, son blog truffé habituellement de<br />
photos bling-bling, Rachida Dati a commenté le petit déj’<br />
organisé le 28 juin pour parler de l’immigration avec des<br />
parlementaires européens. « Alors que les populations ”à<br />
intégrer” ont changé, nous constatons que les politiques<br />
d’intégration ont quant à elles peu ou pas évolué », a-telle<br />
rapporté, parlant d’« échec » de la politique d’immigration.<br />
Éric Besson et son prédécesseur, Brice Hortefeux,<br />
qui ont eu le culot de lui ôter voitures et gardes du corps<br />
en avril, apprécieront l’analyse.<br />
Équatueur<br />
On trouve vraiment les offres les plus insolites sur le<br />
Web. Voici la dernière à la mode en Équateur : « Recherches,<br />
captures ou meurtres… Nous éliminons ceux<br />
qui vous incommodent. » Ces tueurs à gage recrutés sur<br />
Internet proposent leurs services pour un prix compris<br />
entre 300 et 2 500 euros, selon les ressources de la<br />
victime. Ces propositions ne sont, hélas, pas des canulars,<br />
d’après les autorités de la ville de Guayaquil, qui<br />
imputent à ces commandes 11 % des 212 homicides de<br />
ces six derniers mois.<br />
Lâche ta com<br />
En pleine période d’austérité, le gouvernement britannique<br />
vient d’annoncer un audit pour fermer certains<br />
sites peu efficaces et dispendieux créés par les ministères.<br />
En France, malgré les appels répétés du député<br />
UMP Lionel Tardy, ils sont peu nombreux à avoir précisé<br />
le coût de leur communication sur le Net. Le site<br />
PCinpact.com a publié les quelques réponses. On apprend<br />
que le ministère de l’Éducation nationale a dépensé la<br />
bagatelle de 1,244 million d’euros en 2009, uniquement<br />
pour sa cyber-com. Ou encore que les services du<br />
Premier ministre ont investi 242 000 euros pour le référencement<br />
du site sur la grippe A toujours en activité :<br />
pandemie-grippale.gouv.fr. Pour l’efficacité que l’on sait ✹<br />
Émirats arabes unis, n’auraient<br />
pas servi à recycler de l’argent<br />
sale. La commission rogatoire<br />
du juge d’instruction Philippe<br />
Dorcet parle de « blanchiment,<br />
extorsion de fonds, infractions à la<br />
législation sur les jeux et association<br />
de malfaiteurs ». Rodriguez<br />
a aussitôt démissionné de l’ensemble<br />
de ses<br />
mandats au sein<br />
de Rodriguez<br />
Group, laissant<br />
la présidence<br />
à Gérard, son<br />
père, fondateur<br />
de la boîte en 1972.<br />
En revanche, la semaine dernière,<br />
Alexandre était toujours administrateur<br />
de Service de navigation<br />
de plaisance (SNP) Boat Service.<br />
Une discrète société installée à<br />
Genève, au troisième étage du<br />
9, rue du commerce. Si l’avocat<br />
suisse Edmond Tavernier, fondateur<br />
de cette entreprise, n’a pas<br />
trouvé le temps de nous répondre,<br />
une employée a expliqué à Bakchich<br />
que « ce sont surtout les factures<br />
qui passent par la Suisse.<br />
L’activité est ailleurs ». L’activité<br />
de SNP Boat Service ? « L’achat, la<br />
location, la vente de bateaux neufs<br />
et d’occasion », ainsi que l’acquisition<br />
de places dans les ports…<br />
La justice helvétique devrait rapidement<br />
recevoir une commission<br />
4 BAKCHICH HEBDO N°31 | DU SAMEDI 3 AU VENDREDI 9 JUILLET 2010<br />
Les filiales du leader des<br />
yachts de luxe auraient<br />
servi au blanchiment.<br />
rogatoire internationale. D’autant<br />
que le domicile, au moins fiscal,<br />
d’Alexandre et de son papa est à<br />
Corsier, une commune à côté de<br />
Genève. Toutefois, des proches du<br />
dossier évitent de trop accabler<br />
le champion du yachting de luxe.<br />
Ils le décrivent comme un fêtard<br />
sans envergure, excité de s’encanailler<br />
avec<br />
des voyous. En<br />
clair, ce millionnaire<br />
n’aurait<br />
pas tiré profit<br />
de ce mariage<br />
avec Bernard<br />
Barresi et les frères Campanella.<br />
« D’ailleurs, dans les interrogatoires,<br />
les voyous ne cessent de<br />
couvrir Alexandre Rodriguez »,<br />
assure un témoin. Malheureusement<br />
pour lui, l’association de<br />
malfaiteurs est punie de dix ans<br />
de prison. Auxquels s’ajoutent dix<br />
ans si le blanchiment est commis<br />
en bande organisée. La demande<br />
de mise en liberté d’Alexandre a<br />
été rejetée la semaine dernière ✹<br />
AMÉDÉE SONPIPET<br />
www.bakchich.info<br />
Le contrat qui lie Barresi au conseil<br />
général des Bouches-du-Rhône :<br />
http://minu.me/2irf<br />
Combien a coûté le nouvel avion<br />
de Nicolas Sarkozy?<br />
A. 58 concerts de Johnny pour le 14 Juillet.<br />
B. 251 garden-parties à l’Élysée.<br />
C. 18 526 mensualités de mission<br />
de Christine Boutin.<br />
D. 146 600 mois de cigares pour Christian Blanc.<br />
E. 298 811 nuits d’hôtel des Bleus en Afrique du Sud.<br />
Réponse :Toutes. Le nouvel avion présidentiel A330-<br />
200 disponible en automne coûtera 176 millions<br />
d’euros, d’après le Parisien (27/06).<br />
Pflimlin en campagne<br />
L’info. « De Bompard à Pflimlin, la valse<br />
des favoris », le Monde, 1 er juillet.<br />
Le décryptage. Le quotidien du soir<br />
revient sur le sprint final qui voit s’opposer<br />
Alexandre Bompard, actuel président<br />
d’Europe 1, et Rémy Pflimlin,<br />
patron de Presstalis, pour le poste de<br />
président de France Télévisions. En filigrane<br />
de l’article, le lancement de la<br />
campagne de Pflimlin. Dans le papier,<br />
un mot pour l’actionnaire : il est pour<br />
la suppression de la pub. Un mot pour<br />
les amis du Président (Stéphane Courbit<br />
et Alain Minc) : il est pour la vente de<br />
la régie pub. Un mot pour les producteurs<br />
: il critique le « centralisme » de la<br />
direction actuelle. Et un mot pour l’opinion<br />
: il veut nommer le numéro deux.<br />
Un bel exercice réalisé par Pflimlin avec<br />
l’aide du Monde. Prochain coup pour<br />
Bompard ?<br />
Fisc à papa<br />
L’info. « Affaire Bettencourt : le patron<br />
du fisc s’explique », le Figaro, 29 juin.<br />
Le décryptage. Interviewé dans le<br />
quotidien de Serge Dassault, Philippe<br />
Parini, le directeur général des finances<br />
publiques, prend la défense d’Éric<br />
Woerth, son ancien ministre de tutelle.<br />
Un soutien pas vraiment surprenant.<br />
En effet, Parini connaît Nicolas Sarkozy<br />
depuis 1993, date à laquelle ce dernier,<br />
alors secrétaire d’État au Budget, le<br />
nomme directeur du personnel. L’indépendance<br />
chevillée au corps, il le suivra<br />
dans les Hauts-de-Seine, comme trésorier<br />
payeur général, de 1998 à 2002.<br />
Plus tard, il prendra part à la rédaction<br />
du programme présidentiel de l’actuel<br />
locataire de l’Élysée. Un parcours qui<br />
n’enlève rien à la sincérité de son soutien<br />
à un ministre en difficulté.<br />
Parce qu’il le vaut bien<br />
L’info. « Éric Woerth est un homme<br />
intègre, honnête, sans doute le ministre<br />
du Budget qui a le plus été impliqué<br />
dans la lutte contre la fraude fiscale et<br />
les paradis fiscaux », Luc Chatel, i-Télé,<br />
27 juin.<br />
Le décryptage. Tout à sa mission de<br />
porte-parole du gouvernement, celui<br />
qui est aussi ministre de l’Éducation<br />
n’a pas lésiné dans le soutien à son<br />
collègue en délicatesse. Une solidarité<br />
tout aussi sincère que celle de Philippe<br />
Parini, qui ne doit bien sûr rien au fait<br />
qu’avant d’entrer en religion sarkozyste<br />
Luc Chatel a été pendant douze ans l’un<br />
des hauts cadres de L’Oréal.<br />
France Télé, c’est raté<br />
L’info. « Bompard à la tête de France<br />
TV », Europe1.fr, 28 juin.<br />
Le décryptage. Le site de la radio<br />
Europe 1, dirigée – jusqu’à preuve du<br />
contraire – par Alexandre Bompard,<br />
s’est fendu, lundi matin, d’une brève<br />
reprenant le quotidien Libération. Las,<br />
alors que rien n’est officiel, que Lagardère,<br />
par la voix de Didier Quillot, a<br />
démenti qu’Alexandre Bompard avait<br />
négocié son départ, et que Rémy Pflim<br />
lin serait sur le point d’emporter le fauteuil<br />
de patron de la télé publique. Du<br />
coup, le site d’Europe 1 a retiré l’article.<br />
Après une gueulante de Bompard ?<br />
Coup bas<br />
L’info. « Moi, je suis toujours là. Je n’ai<br />
pas disparu après les élections [régionales]<br />
comme d’autres têtes de liste l’ont<br />
fait dans le passé », Valérie Pécresse, le<br />
Figaro, 30 juin.<br />
Le décryptage. Un tacle directement<br />
adressé à Jean-François Copé, qui, en<br />
2004, avait déserté le conseil régional<br />
d’Ile-de-France suite à sa défaite en<br />
tant que tête de liste UMP. Et qui a<br />
décidé, avec des élus du Val-d’Oise<br />
(Claude Bodin, Francis Delattre) et<br />
Roger Karoutchi, que ce serait à lui<br />
de se présenter aux élections régionales<br />
de 2014 en Ile-de-France contre<br />
Valérie Pécresse. Un test avant la présidentielle<br />
de 2017 ✹
écoutes Bakchich publie des enregistrements inédits de Liliane Bettencourt, de son avocat, Georges Kiejman, et de Patrice de Maistre, son<br />
gestionnaire de fortune, datés de juillet 2009. La conversation porte sur le futur procès de François-Marie Banier. Instructif.<br />
Le procès de François-<br />
Marie Banier, accusé<br />
« d’abus de faiblesse »<br />
par Françoise Bettencourt,<br />
la fille de<br />
Liliane Bettencourt,<br />
devait s’ouvrir jeudi au tribunal<br />
correctionnel de Nanterre. Au<br />
moment où nous mettons sous<br />
presse, il paraît fort probable,<br />
compte tenu du climat explosif<br />
autour des écoutes pirates de la<br />
femme la plus riche de France,<br />
que cette audience soit reportée.<br />
Aujourd’hui, Bakchich publie<br />
des enre gis-<br />
trementsinédits, datés du<br />
21 juillet 2009,<br />
qui révèlent une<br />
certaine fébrilité<br />
du côté des<br />
défenseurs de Mme Bettencourt.<br />
L’avocat de celle-ci, Georges<br />
Kiejman, ancien ministre de la<br />
Justice de François Mitterrand,<br />
dévoile à sa cliente et à Patrice<br />
de Maistre, son gestionnaire de<br />
fortune, les enjeux du procès<br />
qui s’annonce. Cinq jours avant<br />
cet entretien, la fille de Liliane<br />
Bettencourt a assigné en correctionnelle<br />
François-Marie Banier,<br />
sans attendre les conclusions de<br />
l’enquête préliminaire lancée<br />
quelques mois plus tôt par le<br />
parquet.<br />
Georges Kiejman : Mme Bettencourt<br />
me demandait ce qu’elle<br />
pourrait faire, elle [Françoise, sa<br />
fille, ndlr]. Ben, elle, elle pourrait<br />
se retirer, purement et simplement.<br />
Il y a peu de chance qu’elle<br />
le fasse. (…) Et puis, elle a un<br />
avocat qui ne l’y incitera pas.<br />
Liliane Bettencourt : Vous<br />
connaissez son avocat ?<br />
G.K. : Oui, je le connais très bien.<br />
(…) C’était mon adversaire dans<br />
une affaire qui s’est plaidée en<br />
Lituanie [l’affaire Marie Trintignant,<br />
où Olivier Metzner défendait<br />
Bertrand Cantat, et Kiejman,<br />
la famille Trintignant, ndlr].<br />
(…) J’en ai encore parlé avec Mme<br />
Daubigney ce matin, qui est le<br />
procureur adjoint de Nanterre,<br />
et qui est, elle, à l’audience. Parce<br />
que je voulais me faire confirmer<br />
la date de classement de l’affaire.<br />
Elle m’a dit le 22 septembre.<br />
(…) J’ai eu une conversation<br />
très libre avec elle. Je lui ai dit :<br />
« Écoutez, vous<br />
savez bien que<br />
ce qui complique<br />
cette histoire,<br />
hein, on est entre<br />
nous deux, on ne<br />
peut pas dire<br />
ça à la presse, (…) c’est que Mme<br />
Prevost-Desprez [présidente du tribunal,<br />
ndlr] ne veut pas renoncer<br />
parce qu’elle considère cela comme<br />
un beau procès, parce que c’est<br />
beau pour son ego, sa vanité et son<br />
brushing. »<br />
Plus tard, dans la conversation,<br />
Georges Kiejman revient sur le<br />
cas de Mme Daubigney. Mme Bettencourt<br />
ne se souvient plus de qui<br />
il parle.<br />
L.B. : Qui c’est, elle ?<br />
P. de M. : Elle, c’est la femme qui<br />
est le procureur adjoint de Nanterre.<br />
G.K. : C’est le numéro deux du<br />
parquet de Nanterre. C’est une<br />
femme très bien, très pondérée,<br />
avec beaucoup d’autorité, très<br />
calme. Ce n’est pas toujours le cas<br />
– il y a certaines femmes un peu<br />
hystériques, mais ce n’est pas son<br />
cas. (…) Elle n’a pas l’intention<br />
d’aborder le fond. (…) Quand j’en<br />
parlais avec [Mme Daubigney],<br />
je lui disais : « Mais, enfin, vous<br />
savez bien, Mme le procureur,<br />
c’est quelque chose qui devrait se<br />
discuter, non pas devant un tribunal,<br />
mais uniquement comme<br />
un cas entre psychanalystes », et<br />
elle riait ! Et elle disait : « C’est<br />
exactement ça. »<br />
Si, durant tout l’entretien, Liliane<br />
Bettencourt s’exprime peu et<br />
semble dépassée par la conversation<br />
entre son avocat et son gestionnaire<br />
de fortune, elle semble plus<br />
présente dès lors que le cas de sa<br />
fille est évoqué. Comme si elle cherchait<br />
à comprendre les intentions<br />
de sa fille dans ce procès. Évacuant<br />
les questions financières gênantes,<br />
Kiejman et de Maistre ne lésinent<br />
pas sur les longues digressions<br />
d’ordre psychologique. Quitte à<br />
manier la brosse à reluire.<br />
Filouteries<br />
L’affaire Bettencourt<br />
toujours<br />
les écoutes révèlent une<br />
certaine fébrilité des<br />
défenseurs de Bettencourt.<br />
scoop raté pour « le monde » et « l’obs »<br />
L’affaire Bettencourt, devenue l’affaire Woerth,<br />
est aussi une affaire de presse. Depuis la mimai,<br />
en effet, l’entourage de la fille de Liliane<br />
Bettencourt, Françoise, en possession des fameuses<br />
écoutes, s’agite pour rendre ce document public.<br />
Selon nos informations, le Monde puis le Nouvel<br />
Observateur ont été approchés aux fins de publier<br />
les écoutes réalisées au domicile de la patronne de<br />
L’Oréal. Les documents ont été proposés aux deux<br />
publications. Et ce sont finalement Mediapart puis<br />
le Point qui en diffuseront de larges extraits.<br />
couacs et déontologie<br />
Il est pour le moins étonnant que les deux médias<br />
approchés dans un premier temps soient passés à<br />
côté d’un scoop pareil, qui, en période de crise, leur<br />
aurait assuré un regain des ventes certain (comme<br />
en témoigne le boom récent des abonnements à<br />
Mediapart).<br />
Plusieurs raisons à cela. La première, c’est que les<br />
rédactions concernées n’avaient pas conscience<br />
qu’un ministre était mis en cause de manière aussi<br />
directe dans les enregistrements. Ensuite, pour le<br />
Monde, il semblerait que l’argument juridique<br />
– c’est-à-dire une possible atteinte à la vie privée<br />
– ait pesé lourd. Quant au Nouvel Obs, des couacs<br />
de communication interne entre les différents<br />
services ont laissé échapper le scoop. Pour le plus<br />
grand plaisir de Mediapart ✹<br />
simon piel<br />
P. de M. : Françoise a été écrasée<br />
par sa mère. Parce que vous,<br />
c’est… Voilà, c’est toute la<br />
lumière.<br />
L.B. : (inaudible).<br />
P. de M. : Vous, c’est la lumière et,<br />
elle, c’est l’ombre. (…)<br />
G.K. : C’est ce que j’appelle le syndrome<br />
de la fille de Nefertiti. (…)<br />
Nefertiti était très belle, mais sa<br />
fille était un peu moins belle. Un<br />
visage intéressant, mais un peu<br />
triste. Et on voit toute la tristesse<br />
qu’il y a à avoir une mère trop<br />
lumineuse.<br />
De Maistre interroge Kiejman sur<br />
le calendrier judiciaire, sur l’éventualité<br />
que le jugement aborde le<br />
fond, ce qu’ils craignent manifestement.<br />
G.K. : (…) Ça dépend du compte<br />
rendu du jugement, parce que ce<br />
n’est pas parce que cette juge veut<br />
être devant une télévision qu’elle<br />
ne rendra pas un jugement de<br />
non-lieu.<br />
P. de M. : (...) On ne peut rien<br />
faire.<br />
G.K. : Non, d’autant plus que,<br />
vraiment, je ne les connais pas,<br />
mais les deux assesseurs que<br />
(inaudible) – un homme et une<br />
femme –, ils ont l’air de débiles<br />
légers.<br />
P. de M. : Ils feront ce qu’elle leur<br />
dira.<br />
Puis Kiejman choisit de revenir,<br />
à nouveau, sur le cas d’Olivier<br />
Metzner. Une obsession.<br />
G.K. : On parlait de Metzner. Ça<br />
aurait été Jean Veil, ça aurait été<br />
Jean-François Prat, ça aurait été<br />
Brodin, ça aurait été, enfin, les<br />
quelques grands avocats civils<br />
qui existent, j’aurais immédiatement<br />
pris mon téléphone.<br />
P. de M. : Oui, c’est ça.<br />
G.K. : Et j’aurais dit (inaudible) :<br />
« Explique-moi pourquoi ce<br />
procès idiot doit se dérouler. »<br />
P. de M. : C’est ça.<br />
G.K. : Mais, lui, c’est difficile d’expliquer…<br />
Metzner, c’est un type<br />
pas bête, qui a commencé comme<br />
avocat de voyous, en trouvant<br />
des vices de procédure qui ont<br />
permis de les mettre en liberté.<br />
(…) Il a conquis sa gloire comme<br />
ça. Comme un type assez besogneux<br />
qui traitait le problème<br />
des procédures. Et, petit à petit,<br />
les gens fortunés l’ont amené à<br />
faire du droit pénal financier. (…)<br />
C’est un type qui travaille tout le<br />
temps, qui n’a de satisfaction, lui,<br />
que narcissique.<br />
L.B. : Vous parlez de qui, là ?<br />
P. de M. : De l’avocat de votre fille,<br />
M e Metzner.<br />
L.B. : Il paraît que c’est un crac.<br />
G.K. : C’est un crac de la procédure.<br />
Non, je vous assure, ce n’est<br />
pas un vrai crac ✹ lucie delaporte<br />
www.bakchich.info<br />
les fortunées mésaventures de<br />
liliane Bettencourt, alias lady<br />
“Gaga”: http://minu.me/2lsy<br />
du samedi 3 au vendredi 9 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°31 5
les petits suisses<br />
suisse Tout fout le camp ! Le Parlement vient de valider la fin d’un trésor national : le secret bancaire. Comme si les banques avaient besoin de ça, entre<br />
les fichiers de clients HSBC perdus dans la nature, un comptoir fantôme, un établissement qu’on dépouille… et Sarko qui leur fait la morale !<br />
L’affaire remonte à l’année dernière, mais<br />
ce n’est qu’en juin 2010 que la Suisse a officialisé<br />
la fin de ce qui a fait sa fortune et sa<br />
renommée : le fameux secret bancaire. À cette<br />
fin, le Conseil fédéral a demandé aux parlementaires<br />
d’entériner, par un traité international,<br />
la trahison de l’UBS. La principale banque du pays<br />
est officiellement autorisée à dénoncer ses clients américains.<br />
On peut se demander pourquoi la France, voisine<br />
de la Suisse, n’a pas réclamé le même traité.<br />
6 Bakchich heBDo n°31 | Du sameDi 3 au venDreDi 9 juillet 2010<br />
D’autant plus que, l’an passé, Nicolas Sarkozy s’était<br />
montré très virulent pour exiger la fin des paradis fiscaux.<br />
Il était soutenu par l’un de ses principaux lieutenants, Éric<br />
Woerth, alors ministre du Budget et des Comptes publics.<br />
Le 20 avril 2009, ce dernier créait une « cellule de régularisation<br />
des avoirs non déclarés ». En clair, le fraudeur avait<br />
dorénavant la possibilité d’envoyer un avocat en éclaireur.<br />
Le contribuable distrait ne se dévoilait que s’il acceptait le<br />
compromis proposé par le ministère du Budget.<br />
Quelles sanctions pour le mauvais payeur ? Le patrimoine<br />
rapatrié fait l’objet d’une taxation au titre de l’impôt sur le<br />
revenu (et éventuellement sur la fortune) sur les trois dernières<br />
années, parfois sur six ans. En contrepartie, Éric<br />
Woerth oublie d’appliquer les pénalités et, surtout, n’engage<br />
pas de poursuites. Un contri-<br />
buable qui aurait dissimulé par<br />
inadvertance 5 millions d’euros<br />
en Suisse peut s’en tirer avec<br />
une amende de 500 000 à<br />
1 million d’euros, soit 10 à<br />
20 % du bas de laine.<br />
En 2009, Bakchich posait déjà une question<br />
: cette cellule de régularisation ne<br />
s’applique-t-elle pas seulement aux<br />
« petits cachottiers », à ceux qui ne<br />
planquent que quelques millions et qui<br />
ont ouvert des comptes à leur nom, du<br />
temps où la Suisse était un vrai paradis<br />
fiscal ? Les « gros cachottiers », en<br />
revanche, comme Liliane Bettencourt,<br />
se dissimulent derrière des trusts ou<br />
des fondations, où leurs identités, théoriquement,<br />
n’apparaissent pas.<br />
Le 23 mars 2007, Éric<br />
Woerth, trésorier<br />
de l’UMP et de la<br />
campagne présidentielle<br />
de Nicolas Sarkozy, et<br />
Patrick Devedjian, député<br />
des Hauts-de-Seine, débarquent<br />
à Genève. Leur mission<br />
? Recevoir les oboles de<br />
généreux donateurs. Entre<br />
200 000 et 250 000 Français,<br />
travaillent en Suisse, souvent<br />
dans les banques et la<br />
gestion de fortune<br />
L’une des principales figures<br />
de l’UMP Suisse est Serge<br />
Vinet, longtemps délégué au<br />
Conseil supérieur des Français<br />
de l’étranger. Le Monde<br />
a révélé qu’il gérait la fortune<br />
de Christian Poncelet,<br />
l’ex-président du Sénat.<br />
Pas étonnant que les attaques<br />
de Sarkozy contre le<br />
secret bancaire et la place financière<br />
suisses soient restées en travers<br />
de la gorge de Vinet et de ses<br />
amis. « Non seulement il n’a<br />
pas la reconnaissance du<br />
ventre, mais sa mémoire<br />
flanche. Nicolas Sarkozy<br />
devrait se souvenir qu’à<br />
l’époque où il était avocat<br />
d’affaires il fréquentait<br />
assidûment les bureaux<br />
d’Heyer Management à<br />
Genève », raconte un ancien<br />
responsable de l’UMP Suisse.<br />
Heyer Management appartenait<br />
La banque uBs a été<br />
autorisée à dénoncer<br />
ses clients américains.<br />
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les banques helvètes<br />
connaissent bien des malheurs, d’où l’idée de leur<br />
consacrer un dossier. Il serait inapproprié de parler de<br />
gaffes, car il s’agit davantage de pratiques inavouables<br />
qui, pendant longtemps, ont été tolérées et qui, maintenant,<br />
ne le sont plus.<br />
Outre l’UBS, Bakchich met l’accent sur HSBC Suisse.<br />
Par l’intermédiaire d’Hervé Falciani, un informaticien<br />
français, 127 000 comptes sont tombés entre les mains de<br />
la justice niçoise. Depuis, la France a transmis une liste<br />
de 5 728 contribuables italiens au procureur de Turin, et<br />
s’apprête à livrer 3 000 autres comptes à l’Espagne (lire<br />
« Falciani, l’homme qui fait trembler HSBC »).<br />
Dans un tout autre genre, nous racontons comment la<br />
petite banque Syz, installée à Genève,<br />
réalise un chiffre d’affaires de près de<br />
1 milliard d’euros en France, sans même<br />
déclarer ses salariés et ses bénéfices<br />
(lire « Va voir à Paris Syz j’y suis »).<br />
Puis, pour vous éclairer sur les mœurs<br />
des banquiers helvètes, Bakchich<br />
raconte comment la société financière Norinvest Holding<br />
a acheté la Banque de patrimoines privés Genève<br />
en mars 2009, l’a dépecée et ne l’a pas payée (lire « Un banquier<br />
Rouge de colère »).<br />
Enfin, nous nous attardons sur Éric Woerth, ministre<br />
du Travail, qui occupe, parmi ses importantes fonctions,<br />
celle de trésorier de l’UMP. Ce qui le conduit à se rendre en<br />
Suisse (lire « L’UMP Suisse remet les pendules à l’heure »),<br />
où le parti du président de la République française recrute<br />
principalement ses adhérents chez les banquiers et les<br />
gestionnaires de fortune… ✹<br />
Dossier réalisé par améDée sonpipet<br />
l’UMP SUiSSe reMet leS PendUleS à l’heUre<br />
à Jacques Heyer, un gestionnaire<br />
de fortune genevois exilé à Saint-<br />
Tropez. En délicatesse avec la justice<br />
de son pays, Heyer est notamment<br />
soupçonné d’avoir dilapidé<br />
la fortune de Didier Schuller,<br />
ancien conseiller général des<br />
Hauts-de-Seine, proche de Patrick<br />
Balkany, lui-même meilleur pote<br />
du locataire de l’Élysée.<br />
Avertissement à sArko<br />
L’UMP Suisse a profité du passage<br />
de Pierre Lellouche, secrétaire<br />
d’État aux Affaires européennes,<br />
le 28 mars, pour rappeler que, lors<br />
des élections législatives de 2012,<br />
11 députés représenteront les<br />
Français de l’étranger. Les élus de<br />
Suisse pourraient alors rejoindre<br />
une autre bannière que celle<br />
déployée par Nicolas Sarkozy.<br />
« Nous avons aussi mis à contribution<br />
les élus de la région Rhône-<br />
Alpes, Bernard Accoyer, président<br />
de l’Assemblée nationale et député<br />
de Haute-Savoie, Étienne Blanc,<br />
député de l’Ain, et Pierre Hérisson,<br />
sénateur de Haute-Savoie. Ils<br />
ont tous fait passer le message à<br />
l’Élysée : arrêter de taper sur la<br />
Suisse. Près de 60 000 habitants de<br />
ces départements travaillent dans<br />
les cantons de Genève et de Vaud »,<br />
raconte encore un dirigeant UMP<br />
Suisse qui préfère se montrer<br />
prudent. Un responsable local du<br />
parti qui avait menacé de faire<br />
des révélations à la presse a été<br />
dégagé sans ménagement ✹<br />
Va voir à Paris Syz j’y suis<br />
la banque privée suisse syz & co se porte très bien. pour 2009, son bénéfice<br />
annoncé est de 51 millions d’euros. ce n’est pas pour la féliciter que la<br />
brigade financière de paris compte la convoquer. elle soupçonne l’établissement<br />
de travail au noir à grande échelle. la syz est accusée de vendre des<br />
fonds communs de placement (des « oyster funds » luxembourgeois) à des<br />
clients institutionnels français, à des banques… sans même être déclarée dans<br />
l’hexagone ! l’établissement réaliserait un chiffre d’affaires annuel de près de<br />
1 milliard d’euros en France, sans y posséder ni filiale, ni bureau, ni salarié.<br />
en octobre 2009, un Français de 37 ans a déposé une plainte au pénal. il<br />
affirme avoir travaillé à la banque syz de septembre 2004 jusqu’à son licenciement,<br />
le 17 juillet 2009, comme « vendeur sur la France », sans avoir été<br />
déclaré. en février 2010, Bakchich révélait l’ouverture d’une enquête préliminaire<br />
par le parquet de paris.<br />
Depuis, l’ancien employé de syz a été entendu par la brigade financière. son<br />
ex-employeur doit être convoqué à son tour ✹
ne se sucrent plus<br />
falciani, l’homme qui fait trembler hsbc<br />
Le 24 août 2007, Hervé Falciani,<br />
informaticien à la<br />
banque HSBC, à Genève,<br />
rentre à pied chez lui. Un fourgon<br />
surgit. Il est embarqué sans<br />
ménagement et se retrouve dans<br />
un sous-sol, une arme braquée<br />
sur la tempe. Deux hommes qui se<br />
disent du Mossad lui apprennent<br />
qu’une organisation islamiste<br />
libanaise, le Hezbollah, tente de<br />
pirater sa banque. Les services<br />
secrets israéliens lui demandent<br />
de les aider. Pourquoi lui ? Hervé<br />
Falciani est d’origine juive. C’est<br />
un informaticien de talent. Il a<br />
débuté sa carrière bancaire à<br />
Monaco, chez Edmond Safra.<br />
Né en 1932, issu d’une famille de<br />
banquiers juifs syriens, Edmond<br />
Safra est une légende. À 16 ans,<br />
il gère déjà le département des<br />
métaux précieux de la banque de<br />
son père au Liban. Puis il fait du<br />
négoce en Italie, crée un établissement<br />
financier au Brésil, avant<br />
de s’établir à Genève. Il y fonde la<br />
Republic National Bank of New<br />
York (RNB), qu’il vend au géant<br />
HSBC en 1999. La même année,<br />
Safra décède dans des conditions<br />
mystérieuses à Monaco.<br />
liban<br />
Hervé Falciani accepte de collaborer.<br />
Il suit au Liban, en<br />
février 2008, une autre informaticienne<br />
recrutée par HSBC,<br />
Georgina Mikhael. Cette Franco-<br />
Libanaise fournit à Hervé Falciani<br />
un faux passeport au nom<br />
de Ruben al-Chidiack. Que fait le<br />
couple à Beyrouth ? Proposer ses<br />
talents dans l’analyse informatique<br />
des données ? Ou vendre<br />
des informations subtilisées<br />
dans les ordinateurs de HSBC, à<br />
savoir 127 000 comptes,<br />
comme l’affirme la<br />
justice suisse ? Une<br />
banque libanaise alerte alors le<br />
ministère public de la Confédération,<br />
qui ouvre une enquête le<br />
29 mai 2008.<br />
Le 21 décembre 2008, Georgina<br />
Mikhael est arrêtée à son bureau,<br />
interrogée et relâchée. Le lendemain,<br />
c’est au tour d’Hervé<br />
Falciani. Il est menotté, son<br />
appartement est perquisitionné.<br />
L’informaticien est questionné<br />
par Laurence Boillat, procureur<br />
fédéral suppléant. Curieusement,<br />
il sort libre du commissariat de<br />
police. Le lendemain matin, Falciani<br />
quitte la Suisse pour le sud<br />
de la France. De son côté, Mikhael<br />
disparaît et se réfugie au Liban.<br />
bavure<br />
Comment expliquer que la justice<br />
suisse laisse s’échapper un<br />
couple soupçonné d’avoir volé<br />
des milliers de données à la Hong<br />
Kong & Shanghai Banking Corporation<br />
(HSBC) ? N’est-ce pas<br />
porter un terrible coup au secret<br />
bancaire, qui fait la fortune de<br />
la Confédération ? Quand HSBC<br />
découvre la bavure, il est trop<br />
tard. Hervé Falciani, franco-italien,<br />
ne peut pas être extradé<br />
de France. Nouvelle gaffe pour<br />
rattraper la première : la justice<br />
suisse transmet une demande<br />
d’entraide judiciaire au parquet<br />
de Nice. Le 20 janvier 2009, l’informaticien<br />
est interpellé dans<br />
les Alpes-Maritimes et interrogé<br />
en présence de Laurence Boillat.<br />
Mais, ce que la Suisse n’a pas<br />
prévu, c’est qu’Éric de Montgolfier,<br />
le procureur de Nice, ouvre<br />
à son tour une enquête préliminaire<br />
et garde l’unité centrale de<br />
l’ordinateur d’Hervé Falciani. La<br />
fuite se transforme en chutes du<br />
Niagara. La justice française se<br />
retrouve en possession des 127 000<br />
comptes de HSBC Suisse.<br />
Or la RNB d’Edmond Safra<br />
accueillait une clientèle sensible.<br />
Des sociétés et des hommes d’affaires<br />
israéliens et du Moyen-<br />
Orient. Le 9 décembre 2009, le<br />
Parisien évoque « La liste secrète<br />
volée à la Suisse » et révèle que<br />
« ces documents sont entre les<br />
mains du ministère des Finances ».<br />
Éric Woerth a effectivement récupéré<br />
les données de l’ordinateur<br />
de Falciani. Il annonce fièrement<br />
qu’il détient une liste de 3 000<br />
mauvais contribuables tricolores.<br />
Pourquoi seulement 3 000 ?<br />
de 7… à 24 000 noms<br />
De son côté, Montgolfier évoque<br />
assez rapidement « une vingtaine<br />
de noms qui nous inquiètent ».<br />
Interrogé par Bakchich, le procureur<br />
ajoute : « Je me garderai<br />
encore de parler de blanchiment.<br />
Toutefois, certains mouvements<br />
de fonds nous intriguent. » Quant<br />
à HSBC, elle tente de minimiser<br />
et assure, en décembre 2009,<br />
qu’Hervé Falciani ne serait<br />
parti qu’avec… sept noms. En<br />
mars 2010, Alexandre Zeller, le<br />
patron de HSBC Suisse, reconnaît<br />
que « ce vol pourrait concerner<br />
quelque 15 000 clients existants ».<br />
À quoi il faut ajouter 9 000 autres<br />
clients qui avaient clos leurs<br />
comptes. Soit 24 000 personnes.<br />
Le 11 mars 2010, HSBC adresse<br />
une lettre à tous les clients de<br />
l’établissement financier, évoquant<br />
« l’ampleur très importante<br />
» des informations dispersées<br />
dans la nature. Ce qui laisse<br />
à penser qu’il y aurait bien plus<br />
de 24 000 clients concernés. En<br />
fait, les 127 000 comptes intéressent<br />
180 pays. En mai, la France<br />
a transmis 5 728 noms à l’Italie,<br />
et, en juin, 3 000 comptes environ<br />
détenus par 1 500 Espagnols. Et ce<br />
n’est que le début… ✹<br />
un banquier rouge de colère<br />
Mort aux faibles ! Genève a un petit air de Dallas.<br />
Du temps de sa splendeur, quand il circulait en<br />
jet privé, François Rouge n’avait que des amis<br />
sur les bords du lac Léman. Depuis qu’il est tombé,<br />
mis en examen pour blanchiment d’argent et association<br />
de malfaiteurs dans l’affaire du Cercle<br />
Concorde, l’ancien banquier compte ses copains sur<br />
les doigts d’une main. Résultat, peu après sa sortie des<br />
Baumettes, il doit brader son établissement financier, la<br />
Banque de patrimoines privés Genève (BPG).<br />
Une petite banque prospère, avec filiale aux Bahamas, spécialisée<br />
dans la gestion de fortune. Les bonnes années, la<br />
BPG dégage entre 3,5 et 4 millions d’euros de bénéfices.<br />
Sans ses ennuis, François Rouge aurait pu en tirer entre<br />
60 et 90 millions. Pis, en 2008-2009 s’ajoute la dégradation<br />
du secteur bancaire. En mars 2009, la société d’investissement<br />
genevoise Norinvest annonce le rachat de la BPG.<br />
Aucun prix n’est avancé, mais les spécialistes de la finance<br />
helvétique estiment que la BPG a été bradée autour de<br />
40 millions d’euros. Massimo Esposito, le patron de Norinvest<br />
Holding, affirme assez cyniquement dans le quotidien<br />
financier l’Agefi : « On ne choisit pas nécessairement le<br />
moment d’une acquisition, mais on exploite plutôt des opportunités<br />
lorsqu’elles se présentent. Le cataclysme a aussi un<br />
bon côté, en rétablissant des multiples raisonnables. »<br />
bradée à 22 millions<br />
Norinvest possède la Banque Cramer, un établissement<br />
comparable à la BPG, riche d’une filiale à Lugano, en Suisse<br />
italienne. Mais, depuis plus d’un an, le repreneur tarde à<br />
payer. « Sous prétexte d’avoir trouvé des squelettes dans les<br />
placards, Norinvest ne cesse de provoquer des conflits, bloquant<br />
les versements », constate un proche du dossier.<br />
En gagnant des mois, sinon des années, Norinvest espère<br />
pouvoir étrangler l’ancien banquier François Rouge et le<br />
contraindre à céder la BPG pour une bouchée de pain. Le<br />
7 juin dernier, dans une demande d’arbitrage déposée à<br />
Genève, Massimo Esposito entendait s’approprier la BPG<br />
pour 22 petits millions… ✹<br />
www.bakchich.info<br />
La folle saga du Cercle Concorde : http://minu.me/2lwt<br />
du samedi 3 au vendredi 9 juiLLet 2010 | BakChiCh heBdo n°31 7
L’HUMEUR DE PROBST<br />
Filouteries<br />
L’HOMMAGE<br />
DU ViCE AU VERSA<br />
Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, de Charles<br />
Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité.<br />
C’est la semaine des farces.<br />
Un véritable mardi gras d’été.<br />
Un 1 er avril en pleine chaleur<br />
où tous se découvrent d’un fil.<br />
Et se vautrent dans la galéjade,<br />
le burlesque. Merci les Bleus,<br />
cocorico, vive la France, banzaï !<br />
Vous avez tout déclenché. Pour<br />
ridicule qu’elle soit, la commission<br />
parlementaire mise sur pied<br />
pour comprendre la débâcle sud-<br />
africaine du foot français a<br />
au moins permis à Tapie de<br />
s’amuser. Nanard se met à clamer<br />
sur les ondes qu’il ne faut pas<br />
« confondre foot et politique » et<br />
que les députés ont mieux à faire.<br />
Lui, l’ancien ministre de la Ville,<br />
le président de l’OM condamné<br />
pour corruption, a décidé de se<br />
transformer en Père la morale. Un<br />
peu comme si Julien Dray prenait<br />
la défense d’Éric Woerth, empêtré<br />
désormais dans l’affaire Bettencourt.<br />
Ou si Dominique Paillé, le<br />
conseiller de Sarko, pris les doigts<br />
dans le pot de confiture du financement<br />
de l’UDF, s’y mettait. Ou<br />
si le casinotier Bernard Laporte<br />
volait au secours de la curée. Ah,<br />
tiens, ils l’ont fait. L’hommage du<br />
vice au vice, et vice versa. Que de<br />
blagues pour aller à la plage !<br />
Revenons à la fameuse commission<br />
sur le Waterloo du ballon<br />
rond français. Après tout, c’est<br />
l’argent du contribuable qui<br />
nourrit en grande partie le monde<br />
du foot. Alors pourquoi ne pas<br />
saisir la commission des finances<br />
du Sénat ? L’Euro 2016 arrive,<br />
une rivière de grisbi public va se<br />
mettre à couler et mieux vaudra<br />
surveiller où mènera son cours.<br />
Si Tapie tient à séparer les<br />
gens, il faudra en toucher un<br />
mot à son ami Bernard Kouchner.<br />
Toujours ministre des<br />
Affaires étrangères quand sa<br />
femme, Christine Ockrent, dirige<br />
la voix et l’image de la France à<br />
l’étranger avec l’audiovisuel extérieur<br />
français. Le sinistre « AEF ».<br />
Même Borloo et DSK avaient<br />
compris que leurs compagnes ne<br />
pouvaient décemment continuer<br />
à présenter les infos quand leur<br />
coquin de mari se retrouvait avec<br />
un maroquin.<br />
Et puisque l’heure est à l’économie,<br />
à la fin des garden-<br />
parties et presque au bol de riz,<br />
le Kaiser Sarkoko devrait penser<br />
à remanier et à dissoudre. Gouvernement<br />
réduit, Conseil économique<br />
et social détruit. Vingt millions<br />
d’euros économisés, au bas<br />
mot, pour des machins à utilité<br />
réduite. Arrachons la chienlit !✹<br />
www.bakchich.info<br />
Jean-François Probst vous stimule ?<br />
Dégustez ses chroniques Web :<br />
http://minu.me/1vbh<br />
8 BAkCHiCH HEBDO N°31 | DU SAMEDi 3 AU VENDREDi 9 JUiLLET 2010<br />
confidences<br />
France Télécom relativise<br />
Le patron de France Télécom, Stéphane<br />
Richard, est un grand sage. En pleine<br />
crise financière et sociale, il a affirmé,<br />
lors du forum Génération France animé<br />
par Jean-François Copé, lundi 28 juin :<br />
« J’ai le sentiment qu’on a toujours<br />
dramatisé la question du chômage en<br />
France. Dans beaucoup d’entreprises,<br />
il y a un phénomène d’attachement<br />
excessif au travail dans nos vies. » Chez<br />
France Télécom, on préfère être pendu<br />
au bout du fil…<br />
La rigueur s’insinue partout<br />
La réduction du train de vie de l’État<br />
imposée par Sarkozy a trouvé un<br />
étrange écho à l’Assemblée. Quatre<br />
cas de licenciement de collaborateurs<br />
parlementaires en vingt-quatre heures<br />
et sept sur une semaine. Droite, gauche<br />
et extrême gauche confondues. Dont<br />
un après une collaboration de treize<br />
années. Un amendement est dans les<br />
tuyaux pour leur permettre d’accéder à<br />
la profession d’avocat en cas de reconversion.<br />
Histoire de mettre le parquet !<br />
Des idées de reconversion<br />
Laurent de Sarnez, frère de Marielle,<br />
la muse du Modem, a mieux réussi<br />
sa reconversion que sa sœurette. Exmercenaire<br />
passé par le continent noir,<br />
beaucoup, et dans les équipes de Bob<br />
Dénard, un peu, Laurent s’est assagi.<br />
Pour s’occuper de l’intendance du président<br />
équatoguinéen Obiang-Nguema,<br />
nouveau roi pétrolier d’Afrique équatoriale.<br />
Peut-être un exemple à suivre<br />
pour François Bayrou…<br />
L’Éducation se met au régime<br />
Les révélations sur les notes de frais un<br />
peu trop salées de l’un de ses jeunes<br />
conseillers, Alexandre Gelbard, ont fait<br />
réagir Luc Chatel. Le ministre de l’Éducation<br />
nationale a demandé aux membres<br />
de son cabinet de ne plus aller à<br />
l’Arpège. Restaurant renommé et fort<br />
cher d’Alain Passard, situé à deux pas de<br />
l’hôtel Matignon, où Alexandre Gelbard<br />
avait son rond de serviette.<br />
À la pêche aux voix<br />
L’UMP aura, dimanche 4 juillet, les yeux<br />
rivés vers le sud des Yvelines : à Rambouillet,<br />
où se rejoue une législative<br />
partielle serrée entre le parti majoritaire<br />
et Europe Écologie. Le précédent<br />
scrutin, entaché d’irrégularités, s’était<br />
conclu sur un écart d’une seule voix en<br />
faveur de l’UMP Jean-Frédéric Poisson.<br />
La Verte Anny Poursinoff, entre-temps<br />
réélue conseillère régionale, postule<br />
à nouveau, soutenue par David<br />
Fischer, suppléant PS. Un Fischer pour<br />
un Poisson, ça ne s’invente pas ✹<br />
GOUVERNEMENT<br />
Les TransporTs en roue LiBre<br />
Normalement, c’est pour la<br />
rentrée, après la réforme<br />
des retraites. Mais qu’il<br />
est long à venir, ce remaniement<br />
ministériel ! Usés jusqu’à la corde,<br />
certains membres du gouvernement<br />
sont en roue libre depuis<br />
des mois. Y a-t-il encore un pilote<br />
pour gérer les Transports, s’interrogent,<br />
par exemple, nombre<br />
d’acteurs du secteur ? « C’est vrai<br />
qu’on passe de plus en plus de<br />
temps à s’occuper des affaires de<br />
Charente-Maritime », avoue-t-on<br />
au cabinet du sous-ministre aux<br />
Transports, Dominique Bussereau,<br />
présent au gouvernement<br />
depuis… 2002 !<br />
En bon cumulard,<br />
Bussereau<br />
s’est fait élire<br />
président du<br />
conseil général<br />
de Charente-<br />
Maritime en 2008. Depuis la tempête<br />
Xynthia, il choie son fief, où<br />
il passe chaque fin de semaine.<br />
Le si scolaire Bubusse a même<br />
été jusqu’à protester contre la<br />
décision de Sarko et de Fillon de<br />
faire détruire les maisons sur les<br />
côtes dangereuses. C’est qu’il faut<br />
bien veiller à ses arrières, des fois<br />
que la promesse élyséenne d’une<br />
promotion ministérielle – pour<br />
avoir accepté de se faire battre par<br />
Ségolène Royal aux régionales en<br />
Poitou-Charentes – ne se concrétiserait<br />
pas. Quoi qu’il en soit, Bussereau,<br />
placé sous la tutelle paralysante<br />
de Borloo, ne se risque<br />
plus sur les dossiers sensibles.<br />
Fin juin, il a fait marrer tout le<br />
Les prétendants sont<br />
à l’affût d’un poste<br />
abandonné par Bussereau.<br />
monde en animant, sur le terrain,<br />
la Journée mondiale de la sécurité<br />
au passage à niveau (sic) !<br />
En toute logique, plusieurs prétendants<br />
briguent la place de Bussereau.<br />
Comme le député UMP du<br />
Val-d’Oise Yannick Paternotte,<br />
encouragé par certains groupes<br />
comme Veolia, et qui, avec son<br />
club Hermes, tente de se rendre<br />
incontournable sur les transports.<br />
Mais il paraît bien poussif face au<br />
sprint du sénateur UMP des Alpes-<br />
Maritimes Louis Nègre, qui dispose<br />
de deux atouts : ancien prof<br />
de gym, Nègre est le poulain d’Estrosi,<br />
le ministre de l’Industrie.<br />
Mis sur orbite,<br />
Nègre a raflé en<br />
peu de temps la<br />
présidence de<br />
deux lobbies – la<br />
Fédération des<br />
industries ferroviaires<br />
et un think-tank financé<br />
par les autoroutiers – en sus de<br />
son mandat de maire de Cagnessur-Mer,<br />
de vice-président de la<br />
communauté Nice-Côte d’Azur<br />
et de président de deux ou trois<br />
autres babioles.<br />
Hasard ou pas, ces derniers<br />
temps, le Medef Transports a<br />
lancé des messages d’amour à<br />
Estrosi sur le mode : on aimerait<br />
beaucoup que le secrétariat aux<br />
Transports soit rattaché, dans<br />
le prochain gouvernement, au<br />
ministère de l’Industrie plutôt<br />
qu’à celui de l’Écologie, qui nous<br />
brime et nous traite de pollueur.<br />
Ça sent le coup monté ✹ ÉMiLE BORNE<br />
bettencourt, le ps démissionne<br />
Une enquête parlementaire plutôt qu’une demande de démission. Voilà la<br />
ligne du Parti socialiste dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Lors de la réunion<br />
de groupe des députés PS, mardi 29 juin, la question du départ du ministre du<br />
Travail, Éric Woerth, ne s’est même pas posée. Étonnant, quand on sait que, pour<br />
Frédéric Mitterrand et l’affaire Polanski, Hortefeux et celle des « Auvergnats »,<br />
ou encore Marie-Luce Penchard et le délit de favoritisme, le mot ne faisait pas<br />
peur à ces roses oreilles.<br />
« Nous avons convenu avec Martine Aubry d’une approche, non pas dans l’incantation,<br />
mais au plus près de la vérité », pondère Jean-Marc Ayrault, président des<br />
élus socialistes. Et d’ajouter : « Il ne faut pas descendre une personne en tant que<br />
telle, mais poser des questions précises. » Seul Arnaud Montebourg avait exigé<br />
la démission de Woerth, avant d’être ramené dans le rang. « Il ne faut pas nous<br />
tromper, le texte principal, c’est les retraites ! » clame<br />
un député bien calé sur la ligne du parti.<br />
À cela, une autre solution de repli a été évoquée<br />
: une proposition de loi, à la mi-juillet,<br />
sur le non-cumul entre la fonction de<br />
ministre et celle de trésorier d’un parti<br />
politique. Tremble, Éric Woerth !<br />
Faut-il rappeler que François Mitterrand<br />
était un grand ami d’André Bettencourt,<br />
défunt époux de Liliane ? Que les deux<br />
hommes se sont rencontrés avant la<br />
guerre, dans l’organisation d’extrême<br />
droite la Cagoule ? Que c’est là également<br />
que Mitterrand fit la rencontre du<br />
fondateur de L’Oréal, Eugène Schueller,<br />
alors financier du groupuscule ? Faut-il rappeler,<br />
enfin, que ce dernier, grâce à un témoignage de<br />
Tonton, évita l’épuration d’après-guerre ? Heureusement,<br />
il y a prescription. Pas démission ✹<br />
LOUiS CABANES
Bazar<br />
afrique du sud À événement exceptionnel, mesures exceptionnelles. Pour la Coupe du monde de foot, l’Afrique du Sud a créé des tribunaux<br />
spéciaux. Du 28 mai au 25 juillet, c’est une justice pour le moins expéditive et on ne peut plus sévère qui est appliquée au pays de Mandela.<br />
Les juges sont<br />
devenus foot<br />
En s’aventurant, en<br />
pleine Coupe du<br />
monde, en Afrique du<br />
Sud, Bakchich s’est<br />
exposé à bien des<br />
dangers. Pas à celui<br />
de l’insécurité, dans un pays où<br />
la moyenne des homicides s’établit<br />
à 50 par jour, pour 18 000 cambriolages<br />
et 15 000 braquages de<br />
voitures par an. Bakchich a bravé<br />
un péril bien plus grand, qui peut<br />
vous donner, au<br />
moindre contrôle<br />
de police, l’envie<br />
d’uriner dans un<br />
endroit inapproprié.<br />
Il s’agit de<br />
la dernière trouvaille<br />
de la justice sud-africaine :<br />
les tribunaux spéciaux Coupe du<br />
monde.<br />
Des cours de justice spécialement<br />
créées par le gouvernement de<br />
Jacob Zuma – pourtant peu à<br />
l’aise avec la justice – pour parer<br />
à toutes les infractions pénales en<br />
lien avec le Mondial de foot. Du<br />
recel de tickets au non-respect des<br />
sponsors de la Fifa, en passant par<br />
le vol à la tire. Le décret, paru au<br />
journal officiel local le 21 mai dernier,<br />
est fort explicite sur la nature<br />
de cette justice aussi ronde que<br />
ballonnée : « Des mesures exceptionnelles<br />
pour s’assurer que les<br />
effractions contre la multitude de<br />
fans de foot et des équipes présentes<br />
soient rapidement traitées. »<br />
Cinquante-six tribunaux pour<br />
les neuf villes hôtes de la compétition,<br />
avec 260 procureurs et 93<br />
traducteurs, ouverts du 28 mai<br />
au 25 juillet, et un budget de<br />
45 millions de rands (5 millions<br />
d’euros). Pour une justice expéditive.<br />
« Malgré l’interdiction du<br />
dopage, la justice sud-africaine<br />
semble agir sous stéroïdes »,<br />
ricane le Mail and Guardian,<br />
l’un des journaux les plus fouineurs<br />
du pays. Quinze ans de<br />
prison ferme pour les braqueurs<br />
de deux journalistes portugais,<br />
arrêtés et condamnés en quarante-huit<br />
heures à Johannesburg.<br />
Trois ans de taule pour un<br />
Nigérian qui a recelé 30 tickets<br />
volés à Pretoria. Deux ans au<br />
trou pour un jeune de 21 ans qui a<br />
piqué une cou-<br />
verture, trois<br />
bouteilles de<br />
bière et un<br />
guide touristique<br />
à un fan<br />
allemand perdu<br />
à Rustenburg. Cas réglés en<br />
moins d’un jour. Une « fast justice<br />
» qui commence à inquiéter<br />
les pontes des tribunaux arc-enciel.<br />
Particulièrement après le<br />
cas emblématique d’un jeune de<br />
22 ans, condamné à Johannesburg,<br />
en vingt minutes, à trois<br />
ans de cabane pour avoir volé<br />
le téléphone portable d’un fan<br />
argentin. Le tout sans arme… et<br />
avec un casier vierge.<br />
« On a 400 000 vols chaque année<br />
dans le pays. Que va-t-il se passer<br />
si on continue d’infliger d’aussi<br />
lourdes peines pour un délit<br />
aussi mineur ? » pointe, dans les<br />
colonnes du Mail and Guardian,<br />
Barbara Holtmann, une huile<br />
de la criminologie locale. « Je ne<br />
vois pas quel bénéfice cette sorte<br />
de justice va avoir sur le pays. »<br />
Jugement de plus en plus partagé<br />
par les ONG locales et la presse<br />
anglo-saxonne, qui commence à<br />
tirer à boulets rouges. Car l’un<br />
des siens a été touché ! Un journaliste<br />
britannique a été condamné,<br />
le 28 juin, à 3 000 rands (320 euros)<br />
trois ans de prison pour un<br />
sud-africain qui a volé le<br />
téléphone d’un supporteur.<br />
Quand la Fifa dit non, c’est nom<br />
Pas à une entorse près avec la législation d’un pays ou son histoire, la Fifa a<br />
gentiment mis les pieds dans le plat en afrique du sud.<br />
Fin d’apartheid oblige, les noms afrikaners des villes sud-africaines ont certes<br />
été conservés, mais les dénominations africaines des municipalités leur ont été<br />
accolées. depuis 1994, Pretoria s’appelle donc aussi tshwane, Bloemfontein<br />
peut être nommée mangaung, Pietersburg se dit Polokwane… mais après que<br />
de pauvres fans paumés se sont plaints d’être troublés par la double dénomination<br />
des villes hôtes des matchs sur les tickets et divers papiers officiels,<br />
l’instance internationale a pris la décision la plus diplomatique du monde :<br />
abandonner les dénominations africaines. sage et saine approche. et tant pis<br />
pour les siècles de lutte des noirs en afrique du sud.<br />
après tout, seuls les Blancs ont les moyens d’assister en masse aux matchs de<br />
la coupe du monde ✹ x.m.<br />
d’amende pour ne pas avoir donné<br />
sa bonne adresse de logement au<br />
Cap… Il est soupçonné d’avoir<br />
voulu critiquer le tout-sécuritaire<br />
mis en place par l’Afrique<br />
du Sud pendant le tournoi. Bref,<br />
un pisse-copie doublé d’un pissefroid.<br />
Rien qu’un malfaisant qui<br />
voulait embêter la Fifa, pourtant<br />
protégée depuis le 1 er septembre<br />
2006 (!) par le « 2010 Fifa World Cup<br />
South Africa Special Measures<br />
Act », un texte qui portait déjà<br />
les germes de la « fast justice »<br />
censée préserver la Fédé et ses<br />
sponsors des désagréments de la<br />
compétition (lire, ci-dessous, l’encadré<br />
« Mini-jupes interdites »).<br />
Des terres occupées, une justice<br />
mise au pas… Seize ans après la<br />
fin de l’apartheid, l’Afrique du<br />
Sud retrouve les joies de l’état<br />
d’exception ✹<br />
xavier monnier<br />
www.bakchich.info<br />
road trip, le carnet de bord de nos<br />
envoyés très spéciaux en afrique<br />
du sud : http://minu.me/2lrq<br />
Mini-jupes interdites<br />
depuis le scandale des mini-jupes<br />
lors du match Pays-Bas - danemark,<br />
le 15 juin, les journaux sud-africains<br />
se déchaînent contre la Fifa. Pour<br />
rappel, 36 charmantes jeunes filles<br />
en courtes tenues oranges sont<br />
arrêtées dans l’enceinte du stade<br />
soccer city, à johannesburg. motif :<br />
entorse à la législation sur le marketing.<br />
les jeunes femmes sont soupçonnées<br />
d’avoir fait de la pub pour<br />
Bavaria, une bière hollandaise non<br />
autorisée dans les stades du mondial,<br />
le partenaire officiel de la Fifa<br />
étant Budweiser. aucun logo de la<br />
marque Bavaria n’est apposé sur<br />
les jupes, qui ont cependant bien<br />
été offertes, au même titre que<br />
les tickets d’entrée, par le brasseur<br />
néerlandais.<br />
après un déferrement express de<br />
deux meneuses de revue hollandaises<br />
devant les tribunaux spéciaux<br />
et une tempête diplomatique,<br />
les charges ont été abandonnées. et<br />
les mères sud-africaines de râler. les<br />
jeunes recrues locales n’ont même<br />
pas été payées, quand le scandale a<br />
assuré une super pub à Bavaria. un<br />
peu batave sur ce coup-là… ✹ x.m.<br />
le merveilleux<br />
royaume miGrant<br />
la mauvaise Foi de monnier<br />
Il est un royaume invisible et<br />
migrant, qui, tous les quatre ans,<br />
apparaît un mois durant. s’impose<br />
au monde en général et à un pays en<br />
particulier. voire le colonise pendant<br />
six semaines, focalise les yeux de la<br />
planète sur lui, avant de le laisser<br />
exsangue, ivre et heureux.<br />
Quand il le peut…<br />
ou qui affiche un souverain<br />
mépris pour ladite nation où il a<br />
daigné faire halte. et, à la tête de ce<br />
merveilleux royaume qui a inventé la<br />
colonisation migrante, trône un roi<br />
dont nul n’ose saper l’autorité. Pas<br />
même les États des G8, G20 ou autres<br />
puissances émergentes de la scène<br />
internationale. Pas même l’onu qui<br />
Goinfre<br />
compte moins d’adhérents que la tentaculaire<br />
Fifa.<br />
l’association et son patron, sepp<br />
Blatter, ont bloqué les principales villes<br />
d’afrique du sud, imposé les stades à<br />
rénover et n’ont guère bourse déliée.<br />
se sont goinfrés sur les revenus télé,<br />
marketing, sponsoring.<br />
et ont vu l’afrique du sud<br />
leur tailler des lois sur<br />
mesure. du jamais vu encore, et surtout<br />
pas dans les coupes du monde<br />
française ou allemande.<br />
une coupe réglée mais pas encore<br />
pleine pour Blatter. Qui souhaite se<br />
représenter à la présidence de la Fifa<br />
en 2011. sepp ne se lasse pas de ses<br />
cueillettes ✹<br />
du samedi 3 au vendredi 9 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°31 9
eportage Parmi le chapelet d’îles qui font les Caraïbes, entre la Jamaïque et Cuba, flottent les minuscules îles Caïmans, petits morceaux de terre<br />
spécialisés dans l’évasion fiscale. Un paradis que notre dessinatrice Essi a visité, sans doute pour ouvrir quelques comptes au nom de Bakchich…<br />
10 Bakchich heBdo N°31 | du samedi 3 au veNdredi 9 juillet 2010
du samedi 3 au vendredi 9 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°31 11
Bazar<br />
moNdaNités<br />
la moche soirée des beaux<br />
La der des ders avant l’Apocalypse.<br />
Une nuit pour<br />
sauver la patrie en danger.<br />
Contre la chienlit des gueules en<br />
biais et des corps grassouillets.<br />
Ce havre de reproduction entre<br />
gens parfaits, c’était la soirée<br />
organisée à Paris, tout près<br />
des Champs-Élysées, par le site<br />
Tres-select.com, le 25 juin. Soirée<br />
à laquelle Bakchich était convié.<br />
Rendez-vous était donné au Grand<br />
Palais. Tapis rouge, limousines,<br />
champagne, vitres teintées. Le<br />
tralala du frelu-<br />
quet vernis. « La<br />
beauté sera votre<br />
entrée », avait<br />
d’abord écrit le<br />
site. Avant de<br />
le changer en<br />
« Les votes seront votre entrée ».<br />
Délit de belle gueule ! Six cents<br />
marmousets sélectionnés à la<br />
forme des abdos et à la taille du<br />
bonnet pour que, le temps d’une<br />
soirée, la citrouille se transforme<br />
en carrosse.<br />
Mais le concours de beauté a un<br />
prix : 40 euros l’entrée, 10 euros le<br />
demi de bière, 8 euros la bouteille<br />
d’eau et jusqu’à 500 euros celle de<br />
whisky. Bénis des dieux, les rois<br />
de la presse ne sont jamais maudits.<br />
Vodka offerte, table à l’étage<br />
et vue sur le dancefloor. Une Suis-<br />
Cela pourrait être une histoire de<br />
bruit et de fureur racontée par un<br />
idiot : un syndicat a été envahi. Pour se<br />
défendre des trublions qui ont renversé<br />
ses pots de fleurs, il n’a eu d’autre choix<br />
que d’assigner devant un tribunal les deux<br />
seuls zigotos qui ont pu être identifiés :<br />
l’un, michel roger, fondateur de<br />
la compagnie de théâtre jolie<br />
môme, pour avoir parlé dans<br />
un mégaphone ; l’autre, ludovic Prieur,<br />
animateur du site d’actualités alternatives<br />
hns-info.net, pour avoir raconté la<br />
scène sur internet. c’est néanmoins ce<br />
qui est arrivé à la cfdt, qui attaque des<br />
une heure du mat’, la<br />
boîte se vide, les « stars »<br />
ne sont jamais venues.<br />
sesse et une Slovaque s’invitent,<br />
alléchées par la bouteille. Sourires<br />
aux lèvres et papilles en extase.<br />
L’Helvète (guère underground)<br />
se targue de rouler en BMW,<br />
bosse dans la finance et a fait le<br />
déplacement depuis Berne. Bien<br />
modeste à côté des stars annoncées<br />
: Jessica Simpson, blonde<br />
américaine qui chante comme<br />
Anelka pense, et « FX », de Secret<br />
Story 3, sont attendus. Jamais<br />
venus. Tout comme des joailliers<br />
et des DJ reconnus. Une minette<br />
à la triste mine :<br />
« L’ambiance est<br />
moyenne. Les<br />
mecs, il y en a<br />
plein de moches<br />
et il y a des<br />
filles en robe de<br />
plage. » Berezina des bas résilles !<br />
Et de conclure : « Tout ça m’a coûté<br />
350 euros pour venir de Narbonne,<br />
sans une seule star ! » Une autre<br />
déchante : « J’ai une copine qui a<br />
été au-delà de la 1 000 e place sur<br />
Facebook et qui a été prise. » Une<br />
heure du mat’, la salle se vide.<br />
Des mâles en rut titubent de solitude.<br />
Des filles déchaussent leurs<br />
talons hauts. Le retour sera dur.<br />
La limousine devient Noctilien.<br />
Pause au Pizza Pino. Dodo. Sans<br />
big bang du bling-bling ✹<br />
fraNcesca gasse<br />
militaNts, ya Basta !<br />
les Petites faBles d’aNgeliNa<br />
Procès<br />
travailleurs, qu’elle est censée défendre,<br />
pour « violation de domicile ». et cela,<br />
au risque de créer une jurisprudence et<br />
de rendre l’occupation de locaux, l’une<br />
des armes favorites de la lutte syndicale,<br />
délictueuse à l’avenir.<br />
mais la cfdt s’en est prise à la compagnie<br />
jolie môme, qui joue,<br />
mais aussi milite, et dont le fief<br />
à saint-denis ne désemplit pas<br />
chaque fois qu’il s’agit d’y lever le poing<br />
pour saluer la mémoire de la commune<br />
ou pour fredonner Ya Basta. de cette<br />
affaire est né Wanted, un spectacle qui<br />
se veut le procès du militantisme.<br />
12 Bakchich heBdo N°31 | du samedi 3 au veNdredi 9 juillet 2010<br />
bruits de la ville<br />
Femme à lunettes sur la sellette<br />
Recrue star du dernier mercato<br />
télé, Audrey Pulvar n’a pas<br />
réussi son passage de France 3<br />
à i-Télé. Malgré les lunettes<br />
de Pulvar, i-Télé a stagné face<br />
à l’ennemi BFM. Pis, le franc<br />
caractère de la dame indispose<br />
autant les boss de la chaîne<br />
d’info que les grands patrons de<br />
Canal +. Pulvar animera donc,<br />
à partir de septembre prochain,<br />
la matinale de France Inter.<br />
Avec ou sans ses légendaires<br />
binocles ?<br />
bern en route pour europe 1<br />
Un poil défrisé de voir son<br />
chroniqueur Didier Porte viré,<br />
Stéphane Bern négocie son<br />
départ de France Inter vers<br />
Europe 1. Le « fou du roi » vise<br />
la place de Michel Drucker,<br />
dont l’émission de fin d’aprèsmidi<br />
reste le boulet de la grille<br />
de la station. Lagardère plutôt<br />
que Sarkozy, Fogiel plutôt que<br />
Val. La radio française a les<br />
dilemmes qu’elle mérite.<br />
mon père, ce hérault<br />
Malgré une grève des<br />
aiguilleurs du ciel à Orly, le<br />
19 juin, et malgré des béquilles,<br />
Gérard Depardieu a pris l’avion<br />
pour rejoindre le Cap-d’Agde<br />
et son festival des Hérault<br />
du cinéma. Fendant foule et<br />
contrôles, à la grande aigreur<br />
de passagers peu compréhensifs.<br />
En même temps que le festival,<br />
présidé par le réalisateur visionnaire<br />
de Camping, s’est tenu le<br />
salon régional du vin Vinocap.<br />
Et quand il s’agit de jaja, Gégé<br />
n’attend pas ✹<br />
loin de moi l’idée de caricaturer la cfdt,<br />
même si elle tient aujourd’hui le mauvais<br />
rôle de la fable. mais le fait qu’elle<br />
ait opté pour la confrontation avec des<br />
intermittents mécontents rappelle des<br />
méthodes que l’on s’attend à trouver<br />
plutôt du côté du patronat que de celui<br />
d’un syndicat de travailleurs.<br />
le symbole de ces deux militants que<br />
patronat, syndicat, mais aussi médias,<br />
opportunément absents, veulent faire<br />
taire en dit long sur le rapport de force<br />
qui s’établit aujourd’hui entre les « puissants<br />
» et les « faibles ». le jugement est<br />
attendu le 17 septembre ✹<br />
écolo façoN NicoliNo<br />
Allons-y gaiement, ou presque.<br />
les barbares ont souvent la belle<br />
vie. ils pillent, violent, assassinent et<br />
repartent le sourire aux lèvres vers de<br />
nouvelles aventures. Notons ensemble<br />
l’existence d’une sous-espèce remarquable,<br />
celle des soudards bigots. ceuxlà<br />
peuvent aisément faire deux choses<br />
en même temps. Par exemple, étriper<br />
tout en lisant à haute voix d’admirables<br />
passages de la Bible. on en a connu. il<br />
y en a encore.<br />
le cas étasunien au vietnam est, pour<br />
tout dire, fascinant. dans le même<br />
temps que les américains pressaient<br />
la france de donner son<br />
indépendance à l’algérie,<br />
invoquant entre autres de<br />
hautes raisons morales, ils préparaient<br />
avec ardeur la plus vaste guerre<br />
chimique de l’histoire du monde. dans<br />
un livre en tout point remarquable,<br />
andré Bouny (Agent orange, éd. demilune,<br />
23 euros) revient en détail sur<br />
la démence d’un plan de destruction<br />
de la forêt tropicale vietnamienne.<br />
d’abord appelé « Trail Dust » (« traînée<br />
de poussière »), puis « hadès » (le<br />
dieu grec des enfers), enfin « Ranch<br />
Hand » (« ouvrier agricole »), celui-ci<br />
a consisté, pendant dix ans, à partir<br />
de janvier 1962, à épandre par avions<br />
un défoliant appelé « agent orange ».<br />
un extraordinaire poison censé tuer les<br />
le joli temPs<br />
de l’ageNt oraNge<br />
Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino<br />
tient un blog sans concessions sur l’environnement, Planète sans visa.<br />
Damoclès<br />
bakchich<br />
c’est aussi<br />
sur internet !<br />
arbres sous lesquels se protégeaient les<br />
combattants vietnamiens, et, au passage,<br />
les récoltes. en ce temps-là, oublié<br />
depuis des lustres, un officier américain<br />
pouvait déclarer sans gêne : « Trees are<br />
our enemy. » les arbres étaient donc des<br />
ennemis. et les buffles, et les rizières, et<br />
les villages en paille, et les petits vieux,<br />
et les petits jeunes, et les bambins, et<br />
leurs mamans. sans compter les guérilleros,<br />
qui, plus mobiles, évitaient pour<br />
l’essentiel ces frappes qu’on n’appelait<br />
pas encore chirurgicales.<br />
l’« agent orange » contenait de la<br />
dioxine, qui est d’une stabilité chimique<br />
redoutable. elle passe dans<br />
les tissus vivants, sans se<br />
dégrader. ce qui explique<br />
qu’environ 3 millions de vietnamiens<br />
souffrent encore de ces épandages. et,<br />
parmi eux, à peu près 300 000 enfants,<br />
car les effets se font sentir aussi sur la<br />
descendance. tous ne sont pas tordus<br />
comme des acrobates tristes. tous ne<br />
sont pas cancéreux. tous ne sont pas<br />
fatigués à l’extrême. mais tous ont une<br />
épée de damoclès au-dessus de la tête.<br />
ou déjà plantée dans le creux des reins.<br />
« So what ? » comme devaient dire les<br />
présidents kennedy, johnson puis Nixon<br />
en regardant l’énigmatique carte du<br />
vietnam sous les bombes. oui, quoi ? et<br />
puis Bush. et puis l’irak. et puis guantanamo.<br />
et notre totale indifférence ✹<br />
bakchich info<br />
informations, enquêtes et mauvais esprit
littérature Le journaliste Karim Lebhour publie Jours tranquilles à Gaza, immersion totale là où l’existence n’est pas aussi misérable que les<br />
médias, simplificateurs, le laissent croire. De son côté, Elias Sambar nous convie au voyage avec son Dictionnaire amoureux de la Palestine.<br />
Si la palestine m’était contée<br />
Les « jours tranquilles »,<br />
on les a connus à<br />
Clichy avec Henry<br />
Miller, et ce n’est pas<br />
l’expression qui saute<br />
aux yeux pour parler<br />
de la survie à Gaza. C’est pourtant<br />
le titre du livre, et il n’est<br />
pas innocent. Drôle de tranquillité<br />
avec la lutte entre frères,<br />
Hamas contre Fatah, l’islamisation<br />
forcée, le blocus, l’opération<br />
« Plomb durci » et autres drones<br />
qui continuent de bombarder, la<br />
tragédie de la flottille attaquée<br />
par les commandos israéliens :<br />
ce coin de Méditerranée n’apparaît<br />
pas comme la mer de la Tranquillité<br />
! Les jours décrits dans ce<br />
livre nous sont donc inconnus…<br />
débrouille art<br />
En puzzle, ils sont des moments<br />
d’une histoire qualifiée de petite,<br />
celle qui reste dans l’ombre de la<br />
grande. C’est elle, cette inconnue,<br />
que raconte Karim Lebhour, journaliste<br />
correspondant de RFI et<br />
de la Croix. À Gaza, 40 kilomètres<br />
de long sur 10 de large, il se sent<br />
chez lui. Ses chroniques débutent<br />
en mai 2007. Pour lui, c’est l’angoisse<br />
des balles perdues, celle de<br />
la guerre invisible entre le Fatah<br />
et le Hamas. Mais le blocus aura<br />
le mot de la fin. De la faim ? Le<br />
journal de cet homme tranquille<br />
s’arrête après le drame sanglant<br />
de la flottille, qui, dit-on, pourrait<br />
entraîner un poil de souplesse<br />
dans le lien qui étrangle Gaza.<br />
Entre les deux, le lecteur suit<br />
de bout en bout une succession<br />
d’expériences singulières, parfois<br />
cocasses, sur une terre désormais<br />
réglée sur la pendule du Hamas :<br />
des prisonniers obtenant des<br />
réductions de peine contre la<br />
lecture du Coran, des femmes<br />
« méduses » dans les eaux de Gaza,<br />
le jilbab ayant remplacé le maillot<br />
de bain… Ou, plus sérieusement,<br />
cette scène qui résume à elle seule<br />
les tensions gazaouites : la carriole<br />
d’une « famille » érafle la jeep<br />
d’une autre. Résultat : une vendetta<br />
et neuf morts. Mais le Gaza<br />
de la seule misère, d’« hommesfourmis<br />
» décrits par les médias,<br />
n’entre pas dans ce livre. Ici,<br />
c’est une immersion totale dans<br />
une bande de terre qui est aussi<br />
autre chose qu’une victime, et où<br />
l’art de la débrouille est un pied<br />
de nez au blocus. Où l’immense<br />
gâchis de l’après-retrait israélien,<br />
en 2005, s’explique aussi par cette<br />
guerre entre frères et une corruption<br />
ravageuses.<br />
Heureusement, comme il n’est pas<br />
instituteur, Karim Lebhour ne<br />
distribue pas de bons ou de mau-<br />
Photo<br />
les jeunes pousses au révélateur<br />
Al’heure où les discours<br />
semblent<br />
monocordes, les<br />
visages trop tristement<br />
familiers, puisque ce<br />
sont toujours les mêmes<br />
qui hantent la presse, le<br />
cinéma et les médias en<br />
règle générale, reGeneration²<br />
revigore notre désir<br />
de sang neuf. En découvrant<br />
ici les travaux de<br />
80 photographes qui<br />
sèment le si rare parfum de la nouveauté, l’on ne<br />
peut qu’être comblé.<br />
Tout d’abord parce que ces artistes ont été sélectionnés<br />
parmi 700 autres appartenant à plus de 100<br />
écoles d’art et de photographie. Ensuite parce que<br />
le concours avait été lancé par le Musée de l’Élysée<br />
de Lausanne, qui reste l’une des institutions les plus<br />
reconnues sur la scène photographique mondiale.<br />
Un peu de culture<br />
vais points. Ses chroniques entre<br />
palmiers ensoleillés, kalachnikov<br />
et maisons en ruine montrent la<br />
vérité ordinaire d’un « fiasco politique<br />
parmi les plus flagrants de ce<br />
début de siècle » ✹<br />
Gabrielle Prudhon<br />
Jours tranquilles à Gaza,<br />
par Karim lebhour, éd. riveneuve,<br />
162 pages, 15 euros.<br />
Ceux qui aiment la littérature<br />
sont trop peu à le<br />
savoir, mais le Bien des<br />
absents, le roman d’Elias Sanbar<br />
publié il y a dix ans, compte<br />
parmi les plus grands livres.<br />
Sanbar cumule deux inconvénients,<br />
son immense modestie et<br />
sa qualité de Palestinien. Deux<br />
réalités qui riment mal avec<br />
la reconnaissance. Le Bien des<br />
absents, c’est, vu avec les yeux<br />
et entre les larmes d’un gosse,<br />
Enfin parce que la richesse des œuvres, la diversité<br />
d’angles innovants, de regards neufs comme la<br />
beauté ici dévoilée sous des instantanés bien surprenants<br />
ne peuvent nous laisser en douter : certains<br />
grands noms de la photographie de demain sont là.<br />
Qu’ils s’inspirent de quelques grands maîtres, qu’ils<br />
s’en détachent, les évitent ou les ignorent, cette<br />
génération d’artistes porte un regard sur le monde<br />
d’aujourd’hui dont on se souviendra.<br />
Leurs travaux sont exposés au Musée de l’Élysée de<br />
Lausanne jusqu’au 26 septembre 2010 puis parcourront<br />
le monde pour finir à New York, du 20 janvier<br />
au 17 mars 2011. Excellente raison, pour beaucoup<br />
d’entre nous qui ne peuvent se permettre de tels<br />
voyages, de se procurer ce livre. Comme un coup de<br />
cœur, un flash… ✹<br />
renaud santa maria<br />
reGeneration², Photographes de demain, par William a. ewing<br />
et Nathalie Herschdorfer, éd. thames and Hudson, 224 pages,<br />
208 photographies dont 194 en couleurs, 34,95 euros.<br />
l’exil de 1947, de la Palestine vers<br />
Beyrouth. Avec, pour seul viatique,<br />
un meuble à petits tiroirs.<br />
Ils contiennent toute la vie d’une<br />
famille et résument celle d’un<br />
peuple chassé vers l’exode : les<br />
titres de propriété, les photos,<br />
les certificats de naissance et de<br />
Bédé<br />
décès, des trousseaux de clés.<br />
Sanbar est trop bien élevé pour<br />
glisser dans ses pages une analyse<br />
de type « historique ». À 60 ans, il<br />
a retrouvé les images cachées au<br />
fond de ses yeux comme sur une<br />
pellicule oubliée.<br />
exigeNce Noble<br />
Le même Elias Sambar a publié<br />
en avril dernier un Dictionnaire<br />
amoureux de la Palestine.<br />
Pas grand-chose de Tsahal, du<br />
« Plomb durci », du Hamas ou du<br />
mur… La plume d’Elias se fixe<br />
une exigence plus noble, perpétuer<br />
la Palestine, dire son histoire<br />
millénaire et sa culture. Sanbar<br />
parle plus, et tant mieux, de Mahmoud<br />
Darwich, de Stefan Zweig,<br />
de Jean-Luc Godard et de Jean<br />
Genet que d’Ariel Sharon.<br />
Ce dico nous parachute en Palestine,<br />
pays qui n’existe plus, sans<br />
mettre un pied dans l’avion ✹<br />
jacques-marie bourGet<br />
Dictionnaire amoureux de la Palestine,<br />
par elias Sanbar, éd. Plon,<br />
481 pages, 24,50 euros.<br />
manuel d’absurdité<br />
« I l vaut mieux mobiliser son<br />
intelligence sur des conneries<br />
que sa connerie sur des choses<br />
intelligentes. » un principe shadock<br />
qui devrait en faire méditer<br />
plus d’un par les temps qui courent.<br />
mais c’est en un grand dessinateur,<br />
manu larcenet, que la<br />
vertu sur pieds a trouvé son plus<br />
noble prêcheur.<br />
son dernier livre fixe de nouvelles<br />
tables de la loi céleste et séculière.<br />
Peu de gens savent : 169 révélations<br />
fondamentales permettant aux<br />
imbéciles d’appréhender le monde<br />
avec un minimum de sérieux. vaste<br />
programme, qui demande une<br />
instruction méthodique et rigoureuse.<br />
À chaque double page, un<br />
psaume trempé à l’eau bénite<br />
de l’absurdité et du surréalisme,<br />
illustré d’une icône loufoque. ce qui donne : « Peu de gens savent que Gaston<br />
Lagaffe ne s’est jamais vraiment remis de la mort de Franquin. » accompagné<br />
d’un dessin du héros gaffeur, clope au bec, usé et dépressif. ou bien : « Peu de<br />
gens savent que mon oncle Jean-Jacques était le sosie de l’inoubliable Raymond<br />
Devos. Mais quand il nous tapait, mon frère et moi, avec sa ceinture, il était<br />
beaucoup moins drôle. » je vous laisse imaginer le ton du psaume.<br />
larcenet immole son génie au feu du meilleur bois : l’humour noir, la poésie,<br />
la folie, gorgés d’une humanité tactile et humide. comme les yeux de tous ses<br />
personnages, un rond semblable à une goutte de lune. un grand bol d’air ✹<br />
louis cabanes<br />
Peu de gens savent : 169 révélations fondamentales permettant aux imbéciles<br />
d’appréhender le monde avec un minimum de sérieux,<br />
par Manu larcenet, éd. les rêveurs, 332 pages, 28 euros.<br />
du samedi 3 au vendredi 9 juillet 2010 | bakchich hebdo n°31 13
Musique<br />
calvi on the rocks<br />
Festival<br />
un décor idyllique, l’île de Beauté,<br />
et une affiche paradisiaque… Pour sa<br />
huitième édition, Calvi on the Rocks<br />
investit les environs de la citadelle<br />
de Calvi pour cinq jours de musique<br />
non-stop. Et pas des moindres : les<br />
meilleurs artistes électroniques de<br />
l’année 2010 seront réunis sur la<br />
plage, au théâtre de la Verdure et<br />
dans les clubs des environs, de midi<br />
à l’aurore. Débuté vendredi 2 juillet,<br />
le festival présente des concerts<br />
azimutés des New-Yorkais post-punk<br />
LCD Soundsystem, des Australiens<br />
disco Midnight Juggernauts, des<br />
Anglais synth-pop hot Chip et du<br />
Français électro-krautrock Joakim<br />
& the Disco (qui célèbre également<br />
le 10 e anniversaire de son label,<br />
Tigersushi). une kyrielle de DJ’s et<br />
de producteurs de tous bords seront<br />
également des festivités, aux platines<br />
ou en live. On pourra découvrir One<br />
in Other, le nouvel album ultraémotionnel<br />
de l’ex-égérie du Pulp,<br />
Chloé, lever les bras au bon souvenir<br />
de la techno old school du père de<br />
Detroit, Carl Craig, se dandiner sur<br />
le groove ténébreux de l’Argentin<br />
Matias Aguayo, avant de s’achever<br />
sur les tueries dancefloor de Busy P.<br />
(alias Pedro Winter, le boss du label<br />
Ed Banger). C’est en bikini et les pieds<br />
dans l’eau que cette grand-messe<br />
dédiée aux musiques émergentes<br />
s’achèvera, le 7 juillet. La soirée<br />
finale, Calvi on the Beach, fera alors<br />
la part belle à la fine fleur du label de<br />
Cologne kompakt (Superpitcher et DJ<br />
koze) et aux folies psychédéliques du<br />
Parisien Étienne Jaumet. Bonheur.<br />
Du 2 au 7 juillet.<br />
Tarifs : 25 euros (1 jour),<br />
110 euros (5 jours).<br />
how i get over<br />
the roots<br />
Ras la casquette à l’envers du rap<br />
bling-bling ? Excellente nouvelle :<br />
The Roots sortent leur neuvième<br />
album studio, How I Get Over. Onze<br />
ans après le chef-d’œuvre Things Fall<br />
Appart, le collectif de Philadelphie<br />
façonne une savoureuse mixture<br />
hip-hop mâtinée de jazz, de soul et de<br />
rock indé. Ce disque élégant, produit<br />
par Black Thought et Questlove,<br />
revient sur les présidences Bush et<br />
Obama et regorge de guest stars.<br />
On y retrouvera notamment le<br />
crooner John Legend et un sample<br />
de la folkeuse californienne Joanna<br />
Newsom. un grand cru.<br />
americana 3<br />
roch voisine<br />
Tabernacle, Roch Voisine se prend<br />
pour Johnny Cash ! Après Memphis<br />
et Nashville, le Québécois au blouson<br />
de cuir file en Californie revisiter<br />
les Beach Boys (God Only Knows),<br />
Joni Mitchell (Both Sides Now)<br />
ou les Monkees (I’m a Believer).<br />
Si la sélection d’Americana 3 s’avère<br />
exquise, difficile de ne pas ricaner.<br />
Charismatique comme une boîte de<br />
sardines, l’ex-hockeyeur interprète les<br />
originaux à la note près avec le timbre<br />
fadasse qu’on lui connaît… Cerise<br />
(pourrie) sur le gâteau : une version<br />
de California Dreamin’ en français ✹<br />
ÉLÉONORE COLIN<br />
Un peu de culture<br />
ciné Deux scientifiques donnent vie à une créature mutante et sexy. Deux truands<br />
kidnappent une jeune fille pleine de ressources. Deux séries B d’été explosives.<br />
L’été est enfin arrivé, avec<br />
son cortège de nanars, de<br />
séries B, voire de séries Z.<br />
En attendant la rentrée,<br />
voici deux séries B passionnantes<br />
qui jouent avec les codes du genre<br />
et les nerfs du spectateur.<br />
Splice est un petit film d’épouvante<br />
sous l’influence de David<br />
Cronenberg. Deux scientifiques<br />
parviennent, en mixant l’ADN<br />
d’êtres humains et d’animaux,<br />
à créer une créature mutante,<br />
mystérieuse et sexy. Le cinéaste<br />
canadien Vincenzo Natali (Cube)<br />
joue sur la peur des manipulations<br />
génétiques et s’engage sur<br />
des sentiers peu fréquentés avec<br />
des scènes de sexe, de mutilation,<br />
d’inceste. Dommage qu’il se<br />
fourvoie avec une dernière partie<br />
qui évoque des navets comme la<br />
Mutante, quand le monstre se<br />
met à boulotter tout ce qui bouge.<br />
Plus grave, Splice dégage une<br />
morale assez<br />
douteuse – la<br />
même que dans<br />
le Frankenstein<br />
de 1930 ou dans<br />
la Mouche de<br />
Cronenberg –, à<br />
savoir : le scientifique qui se prend<br />
pour Dieu doit être puni de mort à<br />
la fin. Beuuurk !<br />
La Disparition d’Alice Creed est<br />
nettement plus passionnante. À<br />
l’origine, une contrainte : comment<br />
réaliser son premier longmétrage<br />
avec le budget café de<br />
Arielle Dombasle, la plus vieille<br />
jeune fille de France, vous le<br />
confirmera : en prenant de l’âge, on se<br />
réveille plus tôt le matin. Et c’est ainsi<br />
que, sur BFM TV, il m’est maintenant<br />
loisible de regarder l’émission de Jean-<br />
Jacques Bourdin sans avoir à mettre<br />
mon réveil. ça tombe bien puisque,<br />
dans le PAF, ce journaliste<br />
est le seul qui fasse<br />
une émission d’entretien<br />
sans pratiquer cet art exigeant en se<br />
mettant à quatre pattes, la position<br />
favorite d’Elkabbach. Notre cher Jean-<br />
Pierre ne vient-il pas, une fois encore,<br />
de se faire coincer les doigts dans<br />
l’étau de la déontologie : il a interrogé<br />
un banquier de Goldman Sachs après<br />
lui avoir transmis ses terribles questions<br />
à l’avance. Ce qui fait que l’ami<br />
14 BAkChICh hEBDO N°31 | Du SAMEDI 3 Au VENDREDI 9 JuILLET 2010<br />
splice et alice creed<br />
le choc des séries B<br />
La disparition : un<br />
scénario malin et des<br />
acteurs en état de grâce.<br />
çA ENVOIE<br />
Du BOuRDIN !<br />
Shrek 4 ? À 33 ans, le réalisateur<br />
britannique J. Blakeson imagine<br />
une histoire de kidnapping, ce<br />
qui sous-entend unité de lieu et<br />
peu de person-<br />
n a g e s . S o i t<br />
deux hommes<br />
qui enlèvent<br />
une jeune fille,<br />
Alice Creed.<br />
Bâillonnée, déshabillée,<br />
Alice est menottée sur<br />
un lit, en attendant la rançon du<br />
papa. Pourtant, rien ne va se<br />
passer comme prévu… S’il n’a<br />
pas de budget, J. Blakeson a des<br />
idées. Il imagine donc un scénario<br />
à tiroirs, avec un rebondissement<br />
tous les quarts d’heure. L’écriture<br />
<strong>LA</strong> ZAPPETTE DE BOuRGET<br />
Déontologie<br />
des traders a eu le temps d’écrire ses<br />
réponses, lues au micro. Le dialogue<br />
était aussi spontané qu’au temps de<br />
l’ORTF, le monstre qui, justement, a<br />
accouché d’Elkabbach.<br />
Pour réussir dans son entreprise,<br />
Bourdin utilise une recette très compliquée.<br />
Cela s’appelle le journalisme. Ne<br />
pas faire de compromis,<br />
bien travailler son dossier<br />
et ne pas lâcher le<br />
mollet du type d’en face tant qu’il n’a<br />
pas répondu à la question. Incroyable,<br />
dans nos médias engraissés en batterie<br />
au tourteau de la connivence.<br />
Et l’émission de Bourdin, même s’ils y<br />
vont équipés d’un gilet pare-balles, les<br />
hommes politiques se battent pour y<br />
figurer. Je pose donc la question : ces<br />
élus et autres puissants sont-ils maso-<br />
est virtuose, et Blakeson vous<br />
cloue à votre fauteuil avec une<br />
réalisation sèche, très seventies.<br />
Si on reconnaît un bon réalisateur<br />
à sa capacité à goupiller un bon<br />
casting, on notera que Blakeson<br />
a du nez avec son formidable<br />
trio : Eddie Marsan (Miami Vice),<br />
Martin Compston (Sweet Sixteen)<br />
et Gemma Arterton (Prince<br />
of Persia). Un scénario malin et<br />
retors, une mise en scène au cordeau,<br />
des acteurs en état de grâce :<br />
vous pourriez rater ça ? ✹<br />
MARC GODIN<br />
Splice, de Vincenzo natali<br />
et la Disparition d’Alice Creed,<br />
de J. Blakeson. En salles le 30 juin.<br />
chistes ? Non, ils veulent seulement,<br />
en catalogue de La Redoute de leur<br />
propre salade, débiter leur langue de<br />
bois à tout prix. Chez Bourdin, l’enchère<br />
est élevée. Celui qui arrive au<br />
bout de l’émission sans être nu ou ridicule<br />
a gagné. Notre excellent confrère<br />
a compris que l’esprit de sel était le<br />
bon ingrédient pour captiver le public.<br />
Comme quoi le vieux journalisme peut<br />
être moderne.<br />
Mercredi, celui qui était sur la planche<br />
à débiter s’appelait Tron – je n’invente<br />
rien –, secrétaire d’État à la Fonction<br />
publique. Outre ses cheveux transplantés,<br />
qui donnent un effet laque<br />
dont on croyait Bernadette Chirac<br />
seule détentrice, Georges Tron a vite<br />
été nu sur le billard de Bourdin. La<br />
veille, c’est Mélenchon qui a chanté<br />
« Tiens, voilà du Bourdin ». Jean-Luc<br />
nous a joué son opéra de quat’ sous<br />
au petit poil : compétent, convaincant,<br />
rigolo. Plutôt que de gâcher son talent<br />
avec son Parti de gauche, Mélenchon<br />
ferait mieux de donner des cours à<br />
des baratineurs comme Tron ou Copé.<br />
L’égoïne de la télé aurait du meilleur<br />
bois à scier ✹<br />
en salles<br />
carlos<br />
d’olivier assayas<br />
Mini-série de Canal + de 5 h 30, Carlos<br />
n’avait pu concourir à Cannes à cause<br />
de son origine télévisuelle, ce qui<br />
n’avait pas empêché Elephant, téléfilm<br />
hBO, de gagner la Palme en 2003.<br />
Conçue pour l’étranger, une version<br />
courte de 2 h 30 percute aujourd’hui<br />
nos écrans et, d’après Olivier Assayas :<br />
« Elle est bonne. Mais si vous avez vu<br />
la version longue, vous êtes perdant. »<br />
Vous voilà prévenus…<br />
Du silence et Des ombres<br />
(reprise)<br />
de robert mulligan<br />
un classique, un des plus beaux rôles<br />
de Gregory Peck, incroyable en avocat<br />
progressiste qui défend des Noirs dans<br />
l’Amérique de la Grande Dépression.<br />
une œuvre délicate et mystérieuse.<br />
intégrale Pierre etaix<br />
(reprise)<br />
de Pierre etaix<br />
Pendant des années, les films de<br />
Pierre Etaix (le Soupirant, Yoyo, Tant<br />
qu’on a la santé…) ont été invisibles,<br />
suite à de sombres histoires de sous.<br />
Après le come-back de Tati il y a un<br />
mois, Etaix revient nous faire coucou.<br />
Et si 2010 n’était pas si pourrie ?<br />
twilight chaPitre 3 :<br />
hésitation<br />
de David slade<br />
hésitation ? Non, en fait, je n’hésite<br />
pas, je n’irai pas voir le troisième volet<br />
de cette série pathétique.<br />
centurion<br />
De neil marshall<br />
J’avais été bluffé par The Descent,<br />
petit film d’horreur spéléologique.<br />
Depuis, Neil Marshall torche nanar<br />
sur nanar, des trucs catastrophiques.<br />
Après un Doomsday apocalyptique,<br />
notre homme revient avec Centurion,<br />
décalque nullos du Gladiator de Ridley<br />
Scott. Passez votre chemin ✹ M. G.<br />
la Bakchich TEaM<br />
Directeur de la publication : Xavier Monnier •<br />
Directeur de la rédaction : Nicolas Beau •<br />
conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget •<br />
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: Alceste, Daniel Carton, Jacques<br />
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Patrice Lestrohan, Fabrice Nicolino, Jean-<br />
François Probst, Alain Riou • Maquette : Émilie<br />
Parrod, Victor Buchotte, Marjorie Guigue •<br />
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Claire Vierling • Rédaction : Monsieur B, Sacha<br />
Bignon, Émile Borne, Louis Cabanes, Renaud<br />
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Salomonovitch, Anaëlle Ver-zaux • Dessinateurs<br />
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Thiriet •<br />
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Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs<br />
auteurs respectifs.
Pour montrer sa volonté de réduire<br />
le train de vie de l’État, notre rigoureux<br />
président de la République vient<br />
d’annuler, purement et simplement,<br />
l’annuelle garden-party de l’Élysée. Il<br />
s’agit là d’un signal fort, au point qu’on<br />
peut se demander s’il n’est pas trop<br />
radical. Le 14 juillet, date rassembleuse,<br />
est associé à l’idée de fête. Plutôt que<br />
de congédier les violons du bal, on pourrait<br />
rapprocher le sommet de l’État des<br />
citoyens de base en appliquant<br />
au plus haut niveau<br />
la rigueur imposée aux<br />
Français. Plutôt que de tout détruire, on<br />
pourrait réduire drastiquement les frais<br />
en faisant appel à cette débrouillardise<br />
qui caractérise notre peuple.<br />
En s’inspirant des apéros Facebook,<br />
qui font fureur, on demanderait par<br />
exemple aux invités d’apporter leurs<br />
bouteilles. Ou, pour resserrer les liens<br />
avec la communauté musulmane, mis<br />
à mal par la controverse sur la burqa, on<br />
ferait appel aux boucheries halal, nettement<br />
moins chères que les autres (on<br />
me signale qu’on trouve, à Belleville,<br />
des merguez pour 2 euros les dix).<br />
Une fête est réussie quand elle permet<br />
aux participants de renouer avec leur<br />
RÉInvEntER<br />
<strong>LA</strong> gARDEn-PARty<br />
LE BILLEt D’A<strong>LA</strong>In RIOU<br />
Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou<br />
fait aussi du cinéma. Son cinéma.<br />
Champomy<br />
enfance. Or, dans cet ordre d’idées,<br />
M. Ali, épicier au Kremlin-Bicêtre, propose<br />
justement des crocodiles en sucre<br />
de gélatine à des prix réellement bradés.<br />
Et qui dit réjouissances dit champagne.<br />
L’Élysée connaît-il le Champomy ?<br />
Un poste assez coûteux, c’est la location<br />
de marquises et d’auvents démontables,<br />
pour abriter les invités. La belle<br />
saison rend plus disponibles les tentes<br />
Quechua dont dispose l’association Don<br />
Quichotte. Son animateur,<br />
Augustin Legrand, serait<br />
certainement heureux de<br />
mettre ce parc de toiles, destiné aux SDF,<br />
à la disposition de ceux qui en ont vraiment<br />
besoin. Concernant les toilettes<br />
de la « Présidente », qui représente<br />
l’élégance française, on ne peut que la<br />
diriger vers les « aubaines » (sic) de La<br />
Redoute, proposées, sur Internet, avec<br />
des réductions allant jusqu’à 70 %.<br />
Mais la maîtrise des dépenses est plus<br />
saine quand elle s’accompagne d’une<br />
hausse des recettes. C’est l’occasion de<br />
créer une taxe sur les rosettes, dont<br />
s’acquitteraient gaiement les nouveaux<br />
promus dans l’ordre de la Légion d’honneur,<br />
au prorata, bien sûr, de la hauteur<br />
de leur grade ✹<br />
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Arthur galoupiot de Villepin<br />
Le lancement de République solidaire, le parti de Dominique de<br />
Villepin, samedi 19 juin, aura vu l’émergence d’un (presque)<br />
novice des sorties politico-médiatiques : Arthur de Villepin, fils<br />
du meilleur ennemi de Nicolas Sarkozy. Talkie-walkie vissé à<br />
l’oreille, orchestrant le bon enchaînement des musiques qui<br />
accompagnent le meeting, le jeune homme de 22 ans n’en est<br />
pas à ses premières gammes au côté de papa.<br />
Nourrissant les plus grandes ambitions pour son fils, « DDV »,<br />
successivement ministre des Affaires étrangères et Premier<br />
ministre, a l’habitude d’emmener Arthur avec lui au cours de<br />
ses voyages officiels. À tel point que la devise du prince Arthur<br />
pourrait être : « Mon père, ce héros. »<br />
Au siège de l’ONU, à New York, Arthur, encore gamin, s’assied<br />
dans la salle du Conseil de sécurité, où son père prononce son<br />
discours du 14 janvier 2003 sur l’Irak. L’extase.<br />
Mais, à cette époque, sa vocation n’est pas encore sûre. À 16 ans, en<br />
mars 2004, le fils du patron du Quai d’Orsay hésite. Son physique<br />
avantageux (les mauvaises langues disent la fonction prestigieuse<br />
de son papa) le conduit à dévoiler son agréable personne dans une<br />
double page du magazine pipole Oh La ! Il est choisi par une marque<br />
de mode italienne (Krizia) pour sa campagne de pub. Arthur est<br />
salué pour sa « beauté aristocratique », tandis que son père est présenté<br />
comme « le plus séduisant ministre des Affaires étrangères<br />
de la planète ».<br />
pRince-moi<br />
En 2005, Arthur Galouzeau de Villepin passe des pages pipoles à<br />
celles des faits divers. L’adolescent est mêlé à une bagarre dans le<br />
XVI e arrondissement de Paris, boulevard Émile-Augier. La police<br />
intervient, mais le fils du Premier ministre évite de justesse un<br />
séjour au commissariat en tendant son téléphone portable à l’un des<br />
policiers, qui se retrouve en ligne avec Dominique de Villepin…<br />
Noblesse oblige, Papa le met en garde et, deux ans après, en<br />
mars 2007, devant les étudiants de Harvard, Villepin père s’exclame :<br />
« Je dis à mon fils : “Engage-toi dans la Légion étrangère, fais du parachutisme…<br />
Ma génération est allée au Népal, en Inde, avec quelques<br />
sous en poche…” » Son Népal à lui, Arthur va le chercher, toujours<br />
en 2007 et toujours au côté de son père, au cours d’un voyage officiel<br />
au Tchad. Il y fait la connaissance du colonel Brahim Déby, fils du<br />
président tchadien. On le verra arborer fièrement un treillis couleur<br />
sable et un foulard de baroudeur. Une vocation est née.<br />
Jean Sarkozy, son éternel rival (inconscient et non encore<br />
déclaré), a du souci à se faire pour la présidentielle de 2022 !✹<br />
SIMOn SO<strong>LA</strong>L<br />
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DU SAMEDI 3 AU vEnDREDI 9 jUILLEt 2010 | BAKCHICH HEBDO n°31 15
Ben la der<br />
escalettes<br />
mis sur la touche<br />
hors jeu Super-notable du glorieux ballon tricolore, le président de la Fédération française<br />
de football est donc tombé. Un exorcisme plutôt qu’une thérapie...<br />
Des professionnels de la profession, qui le<br />
savent têtu, le voyaient se maintenir quelques<br />
semaines encore. Et vider les lieux<br />
plus tard, pour sauver la face. Erreur. Le<br />
patron de la Fédération française de foot (FFF), Jean-<br />
Pierre Escalettes, pourtant soutenu<br />
par la Fédération internationale,<br />
a donc, dès lundi, donné<br />
raison à sa ministre, Bachelot,<br />
qui jugeait sa démission « inéluctable<br />
». Pour cause de soutien<br />
mordicus à l’entraîneur<br />
honni Domenech, un homme<br />
de la maison FFF. Et donc pour<br />
le Waterloo qui s’est ensuivi :<br />
matchs perdus, injures (présumées)<br />
d’Anelka, grève de<br />
l’entraînement, etc. Simple<br />
rappel : officiellement pape en<br />
son royaume, l’apparatchik en<br />
chef JPE avait été réélu pour<br />
quatre ans, fin 2008, au taux<br />
soviétique de 93,50 % des voix,<br />
un chouia mieux qu’en 2004<br />
(92,60 %). L’appareil et la réalité<br />
du foot sont peut-être des<br />
choses différentes.<br />
désolation impuissante<br />
Tout avait cependant martialement commencé. À<br />
peine intronisé, Escalettes, 75 ans aujourd’hui (l’âge<br />
de départ en retraite des évêques), ex-prof d’anglais<br />
à Ribérac (Dordogne), blanchi sous le harnois du<br />
foot amateur, le clamait : « Je veux remettre l’église<br />
(sic) au centre du village et m’accrocherai à la rigueur<br />
morale et économique. » Cinq ans plus tard, au plus<br />
fort des frasques sud-africaines des Bleus, le même<br />
nous jouait le grand air de la désolation impuissante<br />
: « Le foot français (dirigé par qui, au fait ?) a<br />
fait honte à son pays. » Est-ce possible ?<br />
« Il [JPE] a été dépassé (par les événements, les joueurs,<br />
etc.) », plaident ses défenseurs. Ah bon ? Ce n’est pas<br />
plutôt pour maîtriser les événements qu’on devient<br />
patron de la Fédé ? Un prospère « machin », aurait dit<br />
de Gaulle, où la démocratie se pratique à l’indirecte ?<br />
Et où, dans un grand jeu d’influences<br />
compliqué, le débonnaire<br />
foot du dimanche voisine<br />
avec des clubs pros en argent<br />
massif. « Des associations loi<br />
1901 contre le CAC 40 », blague<br />
un supporteur.<br />
repoussoir<br />
« Ce n’est pas dans ma nature<br />
d’abandonner le navire », avait<br />
encore lancé, d’Afrique du<br />
Sud, le grandiloquent Jean-<br />
Pierre, repoussoir, ou à peu<br />
près, de quelques Bleus de 98.<br />
Exact : c’est « le navire » qui l’a<br />
« abandonné ». La semaine dernière,<br />
dans la galaxie footeuse,<br />
la moindre de ses heureuses<br />
décisions passées était à tout<br />
coup attribuée à tel ou tel autre<br />
membre du presidium du foot<br />
français, lequel n’avait pas tant<br />
désavoué Escalettes dans son soutien à Raymond.<br />
Tout le problème des apparatchiks, au fond : on cause<br />
très fort instances, droits télé, bâtiments de prestige,<br />
et on se retrouve piégé par des embrouilles d’ego et<br />
des sales coups vieux comme le monde… ✹<br />
patrice lestrohan<br />
www.bakchich.info<br />
l’intrigant parcours de Jean-pierre escalettes :<br />
http://minu.me/2liu<br />
passe-teMps renVoyÉ De l’ÉMission Fort-BoyarD<br />
16 BaKchich heBDo n°31 | DU saMeDi 3 aU VenDreDi 9 JUillet 2010<br />
Au Quai pour Juppé<br />
autant commencer par une nouvelle<br />
gaie. pour le Nouvel Obs (24 juin),<br />
c’est fait. le jovial Juppé sera du remaniement<br />
ministériel de l’automne et<br />
au maroquin des affaires étrangères,<br />
qu’il avait déjà occupé sous Balladur.<br />
le tout histoire de le faire taire, de<br />
rassembler la droite parlementaire,<br />
d’embêter Villepin, mais aussi, selon<br />
un conseiller élyséen, parce que le<br />
maire de Bordeaux est de ces « poids<br />
lourds » de la politique « dont les<br />
propos impriment dans l’opinion »<br />
(sic). ils « impriment » surtout à<br />
rebrousse-poil, comme l’a prouvé la<br />
dissolution ratée de 1997.<br />
Sénat et scénarios<br />
Éventuel « candidat républicain »<br />
nanti d’un « programme de salut<br />
public » pour « redresser la France » à<br />
la prochaine présidentielle, le toujours<br />
entreprenant chevènement tient un<br />
autre fer au feu, croit savoir le Monde<br />
(27-28 juin) : « Peut-être obtenir la présidence<br />
du Sénat en septembre 2011. »<br />
À cette date, et compte tenu du changement<br />
d’orientation politique des<br />
grands électeurs, la haute assemblée<br />
sera en effet à la portée de la gauche.<br />
« “il ferait un bon candidat de compromis“,<br />
glisse son entourage. » on<br />
est heureux d’apprendre que le « salut<br />
public » passe par des « compromis »<br />
avec d’accommodants notables<br />
locaux.<br />
« Match » hoche le ton<br />
la disparition de Bigeard, le Bigeard<br />
de Dien Bien phu et de la guerre d’algérie,<br />
enflamme Match (24 juin) :<br />
« C’est un soldat de l’an II. Comme<br />
Murat, aubergiste devenu maréchal<br />
et prince. Hoche, palefrenier, qui fit<br />
trembler les monarchies coalisées,<br />
Lefebvre, saute-ruisseau comme lui, qui<br />
sera maréchal et duc de Dantzig… » en<br />
fait d’« an II », Marcel, lui, était plutôt<br />
des dernières heures (de la décolonisation).<br />
et puis il semble que tous ces<br />
prestigieux prédécesseurs se soient<br />
aussi fait connaître par des victoires.<br />
Louvrier qualifié<br />
l’idée ne vient pas spontanément<br />
à l’esprit, mais il faut sûrement y<br />
accorder crédit, puisqu’elle inspire un<br />
titre politique à Paris-Match (24 juin) :<br />
« Nicolas Sarkozy, de l’hyperprésidence<br />
à l’hypersobriété. » en d’autres termes,<br />
« l’hyperprésident veut se faire rare…<br />
et désirable ». confirmation apportée<br />
par son conseiller com, Franck louvrier<br />
: « Le Président ne veut pas être<br />
sur tous les sujets à la fois. » sur les<br />
retraites, la « rigueur » et le choix du<br />
repreneur du Monde, par exemple ?<br />
Strauss sans stress<br />
le détail biographique est peu connu,<br />
mais vaut pour l’anecdote : étudiant à<br />
hec au début des années 70, strauss-<br />
Kahn avait adhéré à l’Union des étudiants<br />
communistes, rappelle l’Express<br />
(24 juin), qui cite dans la foulée la biographie<br />
du même, publiée en 2000<br />
par les confrères Vincent Giresse et<br />
Véronique le Billon : « Ses actes militants<br />
se cantonnent au strict registre de<br />
la symbolique. Une petite grève contre<br />
les frais d’études. » cependant qu’il<br />
« sèche ostensiblement les cours de<br />
marketing, pour cause d’incompatibilité<br />
idéologique ». le grand capital a<br />
sûrement accusé le coup. Déjà…<br />
L’acmé de la jupe<br />
en virée en irak pour le Point (24 juin),<br />
à deux mois du départ des « troupes<br />
américaines », notre consœur anne<br />
nivat a rencontré deux autochtones<br />
qui parlent, sans surprise, de « retour<br />
au Moyen Âge ». Une jeune architecte :<br />
« Après trente-cinq ans d’oppression,<br />
on est redevenus des primitifs. Dans<br />
les années 60, les femmes portaient<br />
des jolies jupes et allaient au cinéma,<br />
c’était un autre monde. » sa tante<br />
Fatima, 65 ans, ex-enseignante en<br />
français et en anglais, « célibataire et<br />
non voilée » : « [saddam], c’était un<br />
homme cruel, c’était un tueur, mais<br />
nous étions un pays respectable. »<br />
en tout cas, c’était un pays auquel la<br />
France, et même à l’occasion les États-<br />
Unis, présentaient leurs « respects ».<br />
Ségolène et les garçons<br />
« ségolène ne pense qu’à ça », titre le<br />
Point (24 juin), « ça » étant, bien sûr,<br />
la primaire socialiste. Mais, attention,<br />
confie l’intéressée : « Je ne veux pas<br />
revivre la primaire de 2006. Je n’oublie<br />
rien. Je ne vis pas dans le passé, mais<br />
je sais ce qu’ils m’ont fait. » À savoir :<br />
la diffusion de la vidéo pirate où elle<br />
s’en prenait aux enseignants fautifs<br />
de donner d’onéreux cours particuliers<br />
dans le privé, « la trahison d’Éric<br />
Besson », l’absence « de soutien du<br />
premier secrétaire [hollande] contre<br />
Lionel Jospin et deux anciens ministres<br />
des Finances [Fabius et DsK] »,<br />
« l’abandon de Strauss-Kahn », encore<br />
lui, « qui part en vacances », etc. royal<br />
aura perdu pour avoir trop fédéré.<br />
Vengeur mosquée<br />
Libération (29 juin) rappelle avec àpropos<br />
que l’immense mosquée de<br />
8 000 mètres carrés, inaugurée par<br />
Fillon lundi dernier à argenteuil, se<br />
situe « à quelques encablures de la<br />
fameuse dalle » où, en octobre 2005,<br />
le premier flic de France sarkozy avait<br />
lancé : « Vous en avez assez de cette<br />
bande de racailles ? Eh bien, on va<br />
vous en débarrasser ! » À la vérité, le<br />
seul dont « on » se soit « débarrassé »,<br />
à argenteuil, c’est de son successeur à<br />
l’intérieur, hortefeux, officiellement<br />
retenu à paris par « l’examen » de la<br />
réforme des collectivités territoriales.<br />
plus sûrement interdit, de facto,<br />
d’inauguration après sa condamnation<br />
pour « injure raciale ». la banlieue ne<br />
réussit qu’à moitié au régime ✹ p. l.<br />
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