Stratégies
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Tribunes<br />
opinions<br />
Le Native advertisiNg,<br />
copaiN de La pub ou bouLet<br />
du jourNaLisme ?<br />
Brand Content Le Native Advertising apparaît comme une forme<br />
de publicité séduisante, mais qui ne fait pas l’unanimité.<br />
raïd Zaraket consultant directeur de projet en communication d’influence<br />
et relation médias chez Comfluence<br />
d’après une étude présentée par Yahoo<br />
et Enders Analysis, les dépenses<br />
en Native Advertising augmenteront<br />
de 156 % au cours des cinq prochaines<br />
années pour atteindre les 13,2 milliards<br />
d’euros d’ici 2020. La publicité native<br />
permet aux annonceurs d’établir un lien fort<br />
avec les internautes sans perturber leur expérience<br />
de navigation. Cela arrive à point nommé<br />
puisque la publicité traditionnelle display<br />
est de plus en plus critiquée car trop abondante,<br />
intrusive et (trop) souvent mal ciblée.<br />
L’inquiétante explosion des ad-bloqueurs monopolise<br />
l’actualité sectorielle, car elle déstabilise<br />
les acteurs de la publicité en ligne. Les<br />
éditeurs sont donc priés de repenser leur modèle<br />
économique… Et vite !<br />
PuBliCité hyBride. Le Native Advertising est<br />
un type de brand content qui fait ses preuves,<br />
permettant aux annonceurs d’afficher directement<br />
leur(s) publicité(s) sous forme de<br />
contenu rédactionnel au sein d’autres articles<br />
d’un site internet informationnel. Ce<br />
format dit « premium » ne fait pas l’unanimité.<br />
Pourtant, il pourrait convenir à différents<br />
publics : d’une part, aux publishers à l’affût<br />
d’espaces supplémentaires à commercialiser,<br />
d’autre part, aux internautes, moins « agressés<br />
» dans leur lecture grâce à un message publicitaire<br />
mieux ciblé, et enfin, aux médias,<br />
lesquels doivent faire face à une crise structurelle<br />
sans précédent et sont en quête de<br />
nouveaux revenus publicitaires.<br />
SuJetS « aliBiS ». Oui, mais le sujet porte un<br />
débat passionné. Certains plaident l’expertise<br />
de marque sur un sujet donné quand<br />
d’autres crient à la tromperie de l’internaute.<br />
Et le journaliste dans tout ça ? Il craint<br />
que la légitimité de ses articles ne soit menacée<br />
par la présence de tels contenus. La<br />
frontière entre le contenu journalistique<br />
et le contenu publicitaire est subtile en apparence,<br />
mais les objectifs de lecture ont<br />
la nécessité d’être bien distingués, afin de<br />
participer à la sincérité du contenu. La vendetta<br />
du journaliste s’oriente sur ces sujets<br />
« alibis » dont l’objectif est de valoriser la<br />
marque, sans vraiment servir le lecteur.<br />
Un bon exemple il y a quelques mois : le cas<br />
de Buzzfeed UK. En publiant un contenu en<br />
Native Advertising pour la marque Dylon,<br />
Buzzfeed n’a pas respecté les règles émises<br />
par l’Advertising Standards Authority. L’ASA<br />
est l’équivalent de notre ARPP et a pour vocation<br />
de réguler la publicité au Royaume-Uni.<br />
L’ASA n’a pas attendu longtemps pour imposer<br />
le retrait pur et simple de l’article, car<br />
celui-ci ne mentionnait pas clairement qu’il<br />
s’agissait d’un contenu promotionnel.<br />
interdéPendanCeS. À vouloir faire de la publicité<br />
au contenu premium, ciblé et équivalent à<br />
un environnement éditorial existant, le danger<br />
de la suspicion pèse sur ce qui est pourtant<br />
l’avenir incontournable de la publicité comme<br />
source de revenu pour le journalisme. Les<br />
« liaisons dangereuses » du Native Advertising<br />
plongent les protagonistes dans une guerre ouverte<br />
éthique. Le journaliste n’est pas plus un<br />
publicitaire qu’un publicitaire pourrait rivaliser<br />
en journalisme. Le débat a pourtant trouvé<br />
une issue aux États-Unis où les rédacteurs et<br />
les marqueteurs réussissent à coexister, pour<br />
sauver leur modèle économique, à l’exemple du<br />
Washington Post ou du Wall Street Journal. En<br />
France, on y travaille…<br />
Les médias ont besoin des marques pour financer<br />
leurs contenus, car le modèle 100 % payant<br />
ne peut être appliqué partout. Les annonceurs<br />
ont toujours besoin des médias, pour bénéficier<br />
de leur crédibilité et de leur savoir-faire<br />
éditorial. Aujourd’hui, l’objectif est clair, il faut<br />
trouver des compromis acceptables sur le plan<br />
aussi bien déontologique qu’économique, afin<br />
de ne pas perdre de vue l’essentiel : le lecteurconsommateur<br />
qui, avec le succès des ad-bloqueurs,<br />
peut enrayer la machine salutaire du<br />
Native Advertising. ◊<br />
StratégieS N° 1914 48<br />
31/08/2017