So Foot Septembre 17
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* Ne craquez pas sous la pression – Informations : 01 55 27 00 07
TAG HEUER : CHRONOMÉTREUR OFFICIEL DE LA LFP
Les joueurs repoussent sans cesse leurs limites
et ne craquent pas sous la pression.
boutique.tagheuer.com
édito
Le transfert du siècle révèle
un possible décryptage subliminal de
deux chiffres voisins, 222 et 2022. Le Qatar (et
non pas le PSG) aurait ainsi dépensé 222 millions d’euros
pour Neymar afin de sécuriser sa coupe du monde de 2022.
Les récentes attaques diplomatiques assorties du blocus de l’Arabie
saoudite et de ses alliés se sont additionnées aux enquêtes toujours
en cours du Fifagate sur d’éventuelles corruptions pour l’attribution du
mondial 2022. Tête de gondole de la stratégie sportive planétaire du Qatar, son
PSG a en outre salement morflé en 2017: un désastre historique à Barcelone (1-6) et un
championnat de France raflé par Monaco ont éloigné le “rêve en plus grand” de gagner
la ligue des champions. Alors Doha devait réagir dès cet été en frappant un grand coup.
Son PSG a donc décidé de porter le fer sur ses deux bourreaux: arracher Neymar au Barça
et chiper Mbappé (voire Fabinho) à l’ASM! Se sachant par avance entravé par les règles du
fair-play financier de l’UEFA, Nasser Al-Khelaïfi s’était adjoint dès le 2 juin dernier les services
d’Antero Henrique, nouveau directeur sportif mais véritable cost killer chargé de dégraisser
l’effectif parisien. Signe révélateur, Unai Emery est passé totalement au second plan durant
cette campagne de recrutement estivale. Comme si le prestige avait d’abord pris le pas sur le
sportif. Car avec l’arrivée de Neymar, Emery aura la délicate mission de sublimer son équipe
en y injectant… un joueur-équipe! Le pari est réalisable mais une greffe réussie nécessitera
une nouvelle formule tactique optimale incorporant un joueur d’exception à un groupe
parisien pas toujours en phase avec les préceptes du coach basque… Surtout, avec la venue
probable de Mbappé, tout échec sera désormais interdit. Pas facile, là non plus: les
grandes seigneuries européennes (Real, Milan, Barça, Bayern), inquiètes de la montée
en puissance du rival parisien, vont se liguer contre lui tant sur le plan sportif que
sur le plan juridico-financier. Via le PSG, Doha a donc misé très gros sur Neymar,
joker géostratégique malgré lui. Joueur-monde de 25 ans, ultra bankable et
plus que jamais “futur Ballon d’or”, il est l’artisan espéré d’une victoire
parisienne en C1, voire même d’une coupe du monde 2018 avec la
Seleção. Ses succès consolideront le projet du mondial au
Qatar. Encore cinq ans à tenir, pour Doha. C’est aussi
la durée du contrat de la star brésilienne qui
court jusqu’en 2022. CQFD? j CG
résumé
de l’épisode
précédent
Vous avez manqué le dernier
numéro de So Foot ?
Voici les infos qu’il ne fallait
pas louper.
Diego Maradona se régale des
elasticos de Ronaldinho. Anthony
Le Tallec a
joué contre
Ronaldinho
en ligue des
champions.
Pour
Ronaldinho, être
seul, ça veut
dire que tu n’as
pas d’amis. Un
jour, le père
de Ronnie,
soudeur la
semaine et
gardien au stade Olimpico le weekend,
s’est offert un caméscope. Ronan
Le Crom a recroisé Ronaldinho une
fois ou deux. Ronaldinho a découvert
le couscous chez Talal El-Karkouri.
Ronaldinho regrette de ne jamais avoir
connu Jean-Paul II. Tostão pense que
Ronnie vit dans un autre monde, un
monde fermé. Si l’écrivain Tristan
Garcia avait eu 8 ans en 2002, il aurait
probablement adoré Ronaldinho.
Quand il va en boîte, le sosie de
Ronaldinho a toujours une table pour
lui, gratuitement. Si ça n’avait tenu
qu’à lui, Ronaldinho, aurait dribblé
deux fois l’équipe adverse plutôt que
de marquer. – PAR STÉPHANE MOROT
OURS
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PROCHAIN NUMÉRO
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5/10/2017
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sommaire
Avant-match
10. Rapido. Koffi Djidji répond à toutes
sortes de questions débiles mais
existentielles.
10. Timothée a des crayons tout neufs
pour la rentrée. Et il n’a pas attendu pour
les affûter.
14. L’effet papillon. Comment
l’invention de l’autoradio a conduit
Neymar au PSG.
16. Regard critique. Laurent Pionnier
aime aussi les ballons quand ils sont
rouges. Interview tanin et palais avec
le gardien de Montpellier.
18. Infiltré. Liquidation judiciaire
d’Évian-Thonon-Gaillard, tout doit
disparaître! Même les cartons de packs
d’eau, proposés comme lots d’une vente
aux enchères en juillet dernier.
20. Gros perso. Mario Vargas Llosa,
prix Nobel de littérature 2010.
22. Jour après jour. Un mois
de Neymar, de Neymar et un peu de
Neymar.
Portraits
54. Ernesto Valverde. Disciple de
Cruyff, ami de Guardiola et passionné de
photographie, le nouveau coach du Barça est
considéré comme l’un des entraîneurs les plus
talentueux de sa génération. Ça tombe bien,
il va devoir éteindre un incendie et vaincre
Goliath.
64. Christian Pulisic. Il n’a peur de rien,
c’est un Américain. Peut-être le tout premier
à pouvoir devenir une superstar du football,
ce sport d’Européens. Retour sur le jeune
parcours du petit prodige de Dortmund.
Couverture
26. Unai Emery. Voilà plus d’un
an que le coach espagnol a remplacé
Laurent Blanc à la tête du PSG, et
il ne s’était encore jamais vraiment
exprimé. Il le fait ici, à l’occasion d’une
interview de plus d’une heure et demie,
où l’entraîneur parisien évoque autant
Neymar que Verratti, la “démontada”
au Camp Nou que des difficultés d’être
en couple dans le football professionnel.
Dix pages de confessions.
Ernesto Valverde et Renaud Bouchez
sommaire
Dossier
38. Guide Ligue 1
50. Guide Liga
60. Guide Bundesliga
68. Guide Serie A
74. Guide Premier League
Témoignage
88. Fernando Aristeguieta. De retour au
pays après un passage en Europe, notamment
au FC Nantes, l’attaquant international
vénézuélien a pris en pleine face la réalité
de son pays: rationnement, corruption et
violences policières… Ce qui l’a poussé lui
aussi à manifester dans la rue contre le régime
de Maduro. Il raconte.
Entretiens
42. Dimitri Payet. L’équipe de France,
Marcelo Bielsa, le Champions Project de
l’OM, Slaven Bilic, les requins de La Réunion,
son transfert à West Ham… Le héros de
l’Euro 2016 revient sur ces derniers mois
pendant lesquels il a changé de statut,
passant d’espoir un peu déchu de la Jonelière
à chouchou de Didier Deschamps.
80. Petr Cech. Alors qu’il vient d’entamer
sa quatorzième saison en Premier League,
l’ancien gardien du Stade Rennais a passé
l’essentiel de sa carrière dans l’ombre des
Buffon, Casillas ou Neuer. Ce qui ne l’a pas
empêché de gagner foison de titres, tant
individuels que collectifs, et de donner deuxtrois
concerts.
Décrassage
94. Histoire vraie. En 1933, Antoine Raab
est capitaine des espoirs allemands. En
2006, il meurt à Nantes. Entre les deux, sa vie
change du tout au tout le jour où il refuse de
faire un salut nazi. Réfugié en France, il finit en
Loire-Atlantique, où il participe après-guerre
à la fondation du FCN.
96. L’amateur du mois. À la rencontre
du numéro 6 de l’Entente Sportive Rédénoise,
qui ne sort jamais sans sa perruque mulet.
98. Pierre la Police sait des choses du foot
que vous n’imaginez pas.
98. Loto Foot. Si Lova Moor ne s’appelle pas
vraiment Lova Moor, Denai Moore s’appelle
vraiment Denai Moore. Et elle a vraiment
coché une grille de Loto Foot.
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p88
ARISTEGUIETA n.m.
Individu qui vient
d’arrêter David Guetta.
p12
CAGE n.f. Endroit clos
(par des barreaux, du grillage)
servant à tenir enfermés
des animaux vivants.
p80
CUDICINI n.m. Dessinateur
qui ne dessine que des culs.
p26
DI MARIA adj. numéral. invar.
Entre neuf et onze Maria.
p10
DJIDJI 1. n. Personne qui commet
des crimes dans des parcs
zoologiques. Djidji, la mort au zoo.
p26
DRAXLER n.m. Véhicule doté
d’un moteur très puissant, destiné
aux compétitions de vitesse
sur très courte distance.
p80
BERGEROO n.f. Lieu, bâtiment
où l’on abrite les moutons. -
Enfermer le loup dans la bergeroo,
introduire quelqu’un dans un lieu
où il peut faire du mal.
p38
BIELSA n.f. Société anonyme
qui plaît à l’œil.
p42
BILIC, se dit d’un stylo à bille.
Stylo bilic.
p80
CECH adj. Qui n’est pas ou est
peu imprégné de liquide. Même
mouillées, elles sont cech.
p22
BÖLÖNI, journaliste et
essayiste française prénommée
Natacha.
p26
EMERY 1. n.m. Abrasif
fait d’une roche (corindon)
réduite en poudre. 2. n.m.
Administration municipale.
Secrétaire d’emery.
p42
ÉVRA interj. Onomatopée
imitant un bruit fort et sec.
Évra, encore une porte qui
claque!
p80
HASEK loc.adj. Sans eau.
Nettoyage hasek.
p80
LOLLICHON 1. n.m. Sein
rigolo. 2. Petit concombre
cueilli avant sa maturité,
que l’on conserve dans
du vinaigre.
?
p98
MAY 1. n.m.
Cinquième mois
de l’année.
p26
NEYMAR n.m. Nez trop
long ou trop gros, en
tout cas insatisfaisant.
p42
PAYET n.f. Lamelle de
métal brillant, de nacre,
de plastique, servant
d’ornement (sur un
tissu, un maquillage,
etc.)
p16
PIONNIER n.m.
Soldat employé
aux travaux de
terrassement.
p64
PULISIC, mot
prononcé par un mec
bourré qui cherche
absolument un Prisunic.
p80
TERRY 1. adj. Sans eau.
Une rivière terry.
?
?
p54
VALVERDE n.f. anat. Valvule
coupée en dés.
p80
WENGER n.m. Personne
qui venge, punit.
p42
THAUVIN adj. Qui
a une admiration
exagérée, partiale et
exclusive pour son
pays.
SIM TRIQUETTE
Romain Philippon, Dppi, Martin Ilgner et Iconsport
Le coin des parieurs
PORTUGOLOCR7, ou Loïc dans le civil, est du genre à tenter des choses.
Comme poser un billet de cent euros sur un pari cumulant onze matchs
de foot et un de tennis. Un coup de folie payant, puisque son portefeuille
s’est gonflé de 5 492 euros. Idéal avant de partir en vacances.
“Il m’a presque fallu une
journée pour m’en remettre”
Bon, comment on en vient à poser 100 euros
sur un cumulé de 12 matchs? Je ne sais
pas, comme ça. On était dimanche, je ne
faisais rien de la journée et j’ai bien senti
les matchs qu’il y avait. Cent euros, c’est
beaucoup, certes, mais si tu regardes tous
les matchs que j’ai mis, il n’y en avait pas
de compliqués. À part le Real, il n’y a rien
de fou.
C’était un pari très réfléchi? Non, pas
vraiment. Il ne faut pas trop réfléchir
d’ailleurs, il faut mettre ce que tu sens.
J’ai des potes qui mettent un match, puis
qui l’enlèvent, qui le remettent… Il faut
suivre sa première intuition, souvent. Je
suis vachement le football, donc je sais
toujours les matchs qu’il y a, et là, je me
suis dit que j’allais mettre les grosses
équipes de chaque pays, en gros, et puis
voilà…
Comment tu as suivi toutes ces rencontres?
Normalement, j’aime bien suivre les
matchs sur lesquels je parie à la télé.
Mais là, j’étais chez un ami qui n’avait
pas les chaînes, donc j’ai suivi sur une
application. Je n’étais même pas trop
stressé car finalement tous les matchs
se sont bien passés pour moi, je n’ai pas
connu le but à la dernière minute ou
quelque chose comme ça. Par contre, j’ai
suivi le dernier match, le Barça-Real.
Et là, il y avait un peu de stress? Ah là, ouais,
quand même. Bon, je me disais quand même
que le Real pouvait le faire, mais quand il y a
eu le penalty de Messi, franchement, je me suis
dit que c’était fini. Après, il y a les deux buts
du Real, mais même à 3-1 à quelques secondes
de la fin, j’étais stressé (rires), j’attendais
vraiment le coup de sifflet final. Ensuite, je suis
vite allé sur Winamax pour être sûr que j’avais
bien tout validé, que je n’avais pas oublié un
match ou un truc comme ça.
C’était quoi ta réaction quand tu as officiellement
gagné les 5 000 euros? Franchement, je ne
réalisais pas. J’avais déjà gagné quelque chose
comme 2 700 euros, mais là, 5 000 euros…
Il m’a presque fallu une journée pour m’en
remettre. Le lendemain, j’avais encore du mal
à y croire. C’est quand même énorme comme
somme.
Tu étais tout seul pour ce dernier match? Non,
j’étais chez mon cousin. On regardait le
match, mais je n’avais pas dit que si le Real
gagnait, je prenais 5 000 euros, j’avais peur
que ça me porte malheur. Mais pendant le
match, ils ont bien vu que j’avais des réactions
disproportionnées sur les buts du Real. J’aime
bien le club, en plus je suis portugais, donc je
supporte Cristiano Ronaldo, mais bon, là, ce
n’était qu’une Supercoupe d’Espagne. Donc
ils sentaient bien qu’il y avait un truc bizarre
(rires).
Tu comptes faire quoi de cet argent? Je
pars en vacances dans deux jours, donc
ça va me permettre de me faire plaisir.
En plus, j’avais un budget super limité,
donc ça tombe vraiment bien. Je ne
vais pas tout cramer, mais je vais bien
prendre 2 000 euros. Puis je vais garder
le reste. Et j’ai quand même laissé cent
euros sur mon compte Winamax pour
mes prochains paris.
“On regardait le match,
mais je n’avais pas dit
que si le Real gagnait, je
prenais 5 000 euros.
Mais pendant le match,
ils ont bien vu que
j’avais des réactions
disproportionnées”
Tu vas reproduire cette technique de
combinés de grande ampleur? Pas
forcément. Ces derniers temps,
je préfère parier sur un buteur en
particulier, ou alors sur le “but pour les
deux équipes”. Sur ce pari, au final, je
ne sais pas trop pourquoi j’ai mis autant de
matchs, je me suis lâché… Mais c’est quand
même super rare.
Tu as déjà connu une grosse désillusion en pari
sportif? Il y a tout juste quatre mois, j’avais
parié cinq ou dix euros sur quinze buteurs
durant le week-end. Je pouvais gagner
quelque chose comme neuf ou dix mille euros.
Et puis, à la fin, j’en avais treize sur quinze et
il ne me restait plus que Bacca du Milan et
Suarez du Barça, donc j’étais hyper confiant, et
puis, comme par hasard, ils n’ont pas marqué.
Là, c’était vraiment une grosse désillusion. Sur
le coup, tu les insultes un peu et puis ça passe
(rires). PROPOS RECUEILLIS PAR GASPARD MANET
•
12 SO FOOT _ AVANT-MATCH
PUBLI-RÉDACTIONNEL: DES ABSCISSES DÉSORDONNÉES
LES COULISSES DU POUVOIR
Chez les footballeurs comme chez The Defenders, chacun a son parcours bien à lui. Avant de maîtriser
n’importe quelle situation, Daredevil a perdu la vue en voulant sauver un vieil homme. Une épreuve dont
il est sorti grandit et avec une meilleure ouïe. Luke Cage, lui, est devenu un homme invulnérable après un
détour par la case prison. Iron Fist, de son coté, à carrément survécu à un crash d’avion avant d’apprendre
les rudiments du Kung-Fu avec des moines. Jessica Jones n’a pas non plus été épargné par le destin.
Tombée dans le coma suite à un accident de voiture, la jeune femme s’en est finalement sortie avec des
superpouvoirs impressionnants. Et si les footeux étaient eux aussi des Defenders, ça donnerait quoi?
Réponses, ici et maintenant.
Leader
Messi
Le patron
CR7
3000 abdos par jour
pour être le meilleur
Sergio Ramos
Homme dacier
et casque en or
Zlatan Ibrahimovic
N°1 selon lui-même
Inné
Neymar
N°1 selon les supporters
du PSG
Patrice Evra
Le poids des mots, le choc
des tibias
Acquis
Marco Veratti
Caïd de la Ligue 1
Paul Pogba
Les Bleus dans les yeux
Gareth Bale
Chignon tout plein
Isco
Ancien gros devenu beau
Kylian Mbappé
Taillé dans le Rocher
Suiveur
Alexis Sanchez
Enfant de la mine
TIMOTHÉE OSTERMANN LA PISCINE 1/2
…
par SOFOOT
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«Moi qui adore les paris
ce jeu est parfait !»
«Ce jeu est fantastique. Il y a
même le championnat tunisien.»
- Nikola K.- - Mathieu V.-
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22 SO FOOT _ AVANT-MATCH
JOUR APRÈS JOUR
UN MOIS DE NEYMAR DA SILVA SANTOS JUNIOR, DIT NEYMAR JR.,
PLUS COURAMMENT APPELÉ NEYMAR
Jeudi 20 juillet. Même en
vacances, il n’y pas de petites
économies: le maire de la
commune de Forges refuse de
remplacer le portrait de François
Hollande par celui d’Emmanuel
Macron, parce que ça l’obligerait à
acheter un nouveau cadre. Pas de
dépenses inutiles non plus pour
cette Américaine dont le mariage
est annulé à la dernière seconde,
et qui convie des sans-abri à se
partager le buffet. Pendant ce
temps-là, d’autres refusent de se
serrer la ceinture: Chelsea claque
80 millions d’euros pour Alvaro
Morata, Manchester United
balance 85 millions pour Romelu
Lukaku, pendant qu’un acheteur
anonyme s’offre pour 1,8 million
de dollars une pochette utilisée
par Neil Armstrong pour ranger
des petits cailloux ramassés sur
Vive le sport sur France Télé.
la Lune. Le PSG espère lui aussi
la décrocher avec Neymar, mais
le transfert du Brésilien traîne en
longueur.
Vendredi 21 juillet. La journée
commence très mal: Claude Rich
s’éteint à l’âge de 88 ans, et Chester
Bennington, chanteur de Linkin
Park, se suicide à seulement 41 ans.
Pas de panique toutefois, Salvador
Dali est là pour nous prouver que
les grands artistes sont éternels:
en ouvrant son cercueil pour un
test de paternité près de trente ans
après sa mort, on a découvert que
sa moustache était intacte. Une
nouvelle qui plonge le monde dans
l’euphorie: la CAN passe à l’heure
d’été et à vingt-quatre nations,
Chicharito signe à West Ham,
Magic System donne un concert
dans un avion, et un Gallois
“Trop, c’est trop. On vit sur une planète,
on vit dans un monde. Y’a pas que le
foot, tu vois?”
Patrick Montel, commentateur sportif à France Télévisions
annonce à sa copine qu’il va boire
une pinte au pub et revient cinq
jours plus tard après un séjour à
Ibiza. Attention tout de même aux
lendemains de cuite: à Schalke 04,
les joueurs en retard ne paient
plus d’amende, mais effectuent des
heures sup à la boutique du club.
Ah, au fait: Neymar n’est toujours
pas à Paris.
Samedi 22 juillet. Attention,
journée de cruelles désillusions:
le Sporting Club de Bastia est
confirmé en National 3, des
chercheurs de l’université de
Manchester établissent qu’en plus
de ne pas pouvoir se gratter le
front, le tyrannosaure ne pouvait
pas courir à plus de 18 km/h, le
meilleur buteur de Côte d’Ivoire
reçoit un trophée avec l’étiquette
du prix encore collée dessous
(37 euros), et Neymar aurait
annoncé à ses coéquipiers qu’il
restait en Catalogne, selon la SER.
Sauf que selon Le Parisien, il aurait
plutôt annoncé à ses coéquipiers
qu’il partait. Romain Bardet met
tout le monde d’accord et sauve
sa place sur le podium du Tour de
France au Stade Vélodrome… pour
une petite seconde. Avec celle de
Valère Germain, ça fait déjà deux
arrivées réussies à Marseille cette
saison.
Dimanche 23 juillet. Pas de
surprise, Christopher Froome
remporte son quatrième Tour de
France haut la main, et Warren
Barguil rentre à Paris avec le
maillot à pois sur les épaules. De
quoi faire passer plus facilement la
pilule du retour de Luis Fernandez
au Paris Saint-Germain, à la
formation. Sans rapport aucun,
une étude démontre que les
couples les plus heureux sont ceux
qui boivent ensemble. Attention
à ne pas abuser de la boisson,
toutefois, parce qu’on finit parfois
par faire les pires conneries: deux
joueurs du Stade Français sont
accusés de violences volontaires
et d’agression sexuelle avec
circonstances aggravantes. “Un des
hommes a baissé son pantalon et a
plaqué Jessica contre un mur tout
en lui attrapant les seins”, raconte
une des victimes. Elles sont
passées où, les valeurs de l’ovalie?
Lundi 24 juillet. Le chiffre vient
de tomber: ce sont les Norvégiens
qui jouissent le plus, 35 %
d’entre eux prétendent atteindre
l’orgasme au moins une fois par
jour. Et ce sont les Brésiliens qui
jouissent le plus fort, loin devant
la concurrence. En attendant
de faire péter les décibels avec
l’arrivée du plus célèbre d’entre
eux à Paris, on va devoir se
résoudre à prendre un peu moins
de plaisir en ligue 1: Benjamin
Mendy s’en va à Manchester City
et devient le défenseur le plus
cher de l’histoire du foot. En Italie
Magic Mike.
aussi, on fait une croix sur un
distributeur de bonheur, puisque
Antonio Cassano annonce sa
retraite après les tergiversations
de son épouse: “Contrairement à
ce qui a été publié sur les réseaux
sociaux de ma femme, je voudrais
clarifier la situation. Carolina a
eu tort, et après réflexion j’ai pris
la décision suivante: Antonio
Cassano ne jouera plus au football.”
Inutile de chercher du réconfort
en Angleterre: selon une étude du
Times, il paraît que conduire plus
de deux heures, c’est comme la télé
et le racisme, ça rend idiot.
Mardi 25 juillet. Gerard Piqué
lâche une bombe sur Twitter: une
photo de Neymar et lui, avec pour
seule légende “Se queda”, soit “Il
reste”. On dirait du Julien Lepers.
En attendant, le prodige brésilien
n’est pas sur les campagnes de
“Ce qui dérange les gens, c’est mon
génie. Les insectes attaquent seulement
les lampes qui brillent” Cristiano Ronaldo
pub du Barça, et le site de porno
franchouillard Jacquie et Michel
promet des accès illimités dès
l’officialisation du transfert. C’est
à peu près à ce moment-là que la
journée devient complètement
folle: à Miami, une maison est
mystérieusement bombardée par
sept kilos de saucisses surgelées ;
à Brest, la police met enfin la main
sur l’individu qui maculait les
distributeurs de billets de matière
fécale ; en Belgique, une dame
de 79 ans est flashée à 238 km/h
au milieu de la nuit parce qu’elle
voulait “prendre l’air” ; et en
Espagne, Marca annonce un accord
entre le Real Madrid et Monaco
pour le transfert de Mbappé à
180 millions d’euros. Vivement
demain!
Mercredi 26 juillet. Les temps
sont durs pour tout le monde, mais
plus particulièrement pour les
hommes, puisqu’on apprend que la
concentration de spermatozoïdes
a été divisée par deux en moins
d’un demi-siècle dans les pays
occidentaux. Gerard Piqué, dans
un souci de prouver le contraire,
avoue que son tweet était un coup
de bluff, avant d’affirmer que
Neymar ferait une belle connerie
en signant dans un championnat
“plus faible que la Liga”: “Il ne
peut pas être le meilleur joueur du
monde là-bas, à moins de gagner
la ligue des champions.” Ça tombe
bien, c’est à peu près ça, le plan.
Et Étienne Didot se charge de le
lui rappeler: “Pourquoi il ouvre
autant sa gueule, celui-là? Aussi
bon joueur soit-il, qui il est pour
juger notre championnat?” Nice se
fait un plaisir de transformer les
mots du milieu breton en actes en
arrachant le nul contre l’Ajax, en
tour préliminaire de C1, grâce à un
but de Balotelli. Enfin la reprise,
putain!
Jeudi 27 juillet. Mais que fait
la police? Aux États-Unis, trois
détenus s’échappent de prison
et se paient le luxe de filmer leur
cavale pendant une semaine.
Pas mal, mais ça reste très loin
des champions du monde toutes
catégories dans l’art de narguer
24 SO FOOT _ AVANT-MATCH
“Le fisc, ça veut dire fédération
internationale de sodomie citoyenne”
Jean-Marie Bigard, profession humoriste
la justice, à savoir le couple
Balkany, qui court toujours. Mais
qui pourrait finalement être
rattrapé par la patrouille suite
à un renvoi en correctionnelle
par le parquet national financier
pour “blanchiment de fraude
fiscale aggravée” et “corruption
passive”. Indécence toujours:
Valère Germain claque un triplé
au Vélodrome pour son premier
match officiel sous ses nouvelles
couleurs. Et Neymar, il en est où? Il
arrive, il arrive…
Vendredi 28 juillet. Puisqu’on
parle du loup… Neymar annule
un événement de promotion Nike
parce qu’il “travaille actuellement
à un transfert”. Bon. Dans la série
des petits jeux qui durent depuis
un peu trop longtemps, il y a cette
jeune femme en Lozère qui simule
son propre enlèvement pour s’offrir
un week-end coquin avec son
amant. Lequel serait un homme
politique selon les forces de police,
qui n’ont pas vraiment apprécié de
monopoliser cinquante hommes
et un hélicoptère pendant deux
jours pour retrouver la soi-disant
victime. Le HAC, lui non plus, n’a
pas de temps à perdre, et prend la
tête de la ligue 2 pour la reprise du
championnat (0-3), pendant que
Châteauroux s’offre une remontada
sensationnelle sur le terrain de
Brest (2-3). Après tout, ils ont le
même maillot que le Barça.
Samedi 29 juillet. À Boulognesur-Mer,
un bébé naît vivant
malgré une interruption médicale
de grossesse pratiquée quelques
heures plus tôt. “En trente-cinq ans
de carrière, je n’ai jamais vu ça”,
constate le directeur de l’hôpital.
De son côté, Laszlo Bölöni, coach
du Royal Antwerp, oublie le
nom de sa nouvelle recrue mais
n’oublie pas de se moquer de son
embonpoint: “Qui ça? Non, je suis
sérieux, vous parlez de qui? Ah,
mon attaquant! Il est arrivé hier, on
n’a même pas encore eu le temps de
le mettre sur une balance. Et quand
je le vois, je pense que la balance
ne va pas être contente.” Beaucoup
moins drôle: en Afrique du Sud,
le choc entre le Kaizer Chiefs FC
et les Orlando Pirates est marqué
par la mort de deux spectateurs
lors d’un mouvement de foule.
Un drame qui n’a pas empêché
la rencontre de se dérouler…
Victoire des Chiefs 1-0. À Miami, le
premier Clasico de la saison n’est
spectaculaire que sur le terrain:
le Barça remporte l’International
Champions Cup en battant le Real
(3-2) grâce à un Neymar en très
grande forme, sans doute parce
qu’on évoque désormais un contrat
de cinq ans au Paris Saint-Germain.
Qui, lui aussi, remporte un match
de gala délocalisé: le trophée des
champions, à Tanger, face à l’ASM
(2-1). Ça se précise.
Dimanche 30 juillet. Dans
le Yorkshire, un jeune homme
débourse 280 000 euros pour
s’offrir une Ferrari et la pulvérise
une heure plus tard lors d’une
sortie de route. Une belle allégorie
du parcours de l’équipe de France
féminine à l’Euro: les Bleues
sortent de la compétition par la
toute petite porte, éliminées par
l’Angleterre (1-0) sans avoir rien
montré en quatre matchs. Aux
États-Unis, une femme de 45 ans
est attaquée par son boa, qui
s’est enroulé autour de sa taille:
les policiers n’ont pas d’autre
choix que de décapiter le serpent.
Tout le contraire de la FFF, qui
maintient Olivier Echouafni sur
le banc des Bleues malgré un
Euro calamiteux. Il faut dire que
le sélectionneur a une excuse en
béton: “Je suis surtout déçu par la
qualité de jeu de nos adversaires.
Dans notre groupe, on n’avait que
des équipes qui attendaient, qui ne
produisaient pas de jeu, donc pas
de spectacle, et malgré cela, on a
réussi à se créer des situations.”
Quelqu’un pour ramener Olivier à
la raison? Et pourquoi pas le petit
Charlie Edwards, 10 ans, qui visite
Laszlo et une jeune femme
qui ne sait pas mettre son t-shirt.
le Muséum d’histoire naturelle de
Londres et corrige une erreur de
dénomination d’un dinosaure. Il s’y
connaît en foot, Charlie?
Lundi 31 juillet. Au Chili, les
joueurs de Colo-Colo pénètrent
tous sur la pelouse avec un chien
abandonné en laisse, pour inciter
les supporters à les adopter…
Jean-Michel Aulas est lui aussi
prêt à s’engager pour une bonne
cause: la sienne. S’il se réjouit de
l’arrivée de plus en plus probable
de Neymar au PSG, “pour apporter
une visibilité extrême à la ligue 1”, il
déplore que “ce gain d’attractivité
ne compense pas la perte de
revenus liés à l’absence de ligue
des champions. Si Paris, au travers
de moyens disproportionnés, et
Monaco confisquent les deux
premières places qualificatives,
les autres sont exclus du système
engendrant les revenus les plus
importants. Ça lèse ceux qui
travaillent le mieux.” La preuve
avec Cristiano Ronaldo. Le Ballon
d’or est mis en examen pour fraude
fiscale. Mais le Portugais ne s’en
laisse pas compter, et fustige les
jaloux: “Ce qui dérange les gens,
c’est mon génie. Les insectes
attaquent seulement les lampes
qui brillent.” La goutte de trop pour
Jeanne Moreau, qui s’éclipse à l’âge
de 89 ans et ne verra donc jamais
Neymar sous le maillot parisien.
ER
Mardi 1 août. Les rois de
l’évasion, épisode 2: dans
“Vous parlez de qui? Ah, mon attaquant!
Il est arrivé hier, on n’a même pas
encore eu le temps de le mettre sur une
balance. Et quand je le vois, je pense
que la balance ne va pas être contente”
Laszlo Bölöni, coach du Royal Antwerp
l’Alabama, douze salopards
parviennent à s’échapper de prison
grâce à du beurre de cacahuète,
qu’ils ont utilisé pour modifier le
numéro inscrit sur la porte de leur
cellule. Manque de bol, onze des
douze fugitifs sont repris moins de
vingt-quatre heures plus tard. Pas
de chance non plus pour ce bon
vieux Freddy Adu, qui cherche un
quatorzième club pour poursuivre
sa carrière, et échoue lors d’un
essai au Sandecja Nowy Sacz, en
Pologne. Tristesse toujours: Jérôme
Golmard, ancien numéro un du
tennis français, décède à 43 ans
de la maladie de Charcot. Pendant
ce temps-là, Tinder propose un
contrat de sponsoring de plus de
13 millions d’euros à Manchester
United, qui hésite à valider le
“match”.
Mercredi 2 août. Pendant que
la Nasa publie une offre d’emploi
pour gérer des agressions
extraterrestres, des activistes
norvégiens anti-immigration
confondent des sièges de bus avec
des femmes en burka… C’en est
trop pour Jean-Marie Bigard, qui
définit le fisc comme la “fédération
internationale de sodomie
citoyenne”. Heureusement, Neymar
sèche l’entraînement barcelonais et
annonce (encore) son départ à ses
futurs ex-partenaires. Ne reste plus
qu’à passer la visite médicale la
plus attendue de l’histoire.
Jeudi 3 août. Nouvelle dinguerie
sur le marché des transferts:
Kylian Mbappé voudrait partir,
selon L’Équipe. Insuffisant pour
faire de l’ombre à Neymar, qui
est officiellement parisien et
récupère le numéro 10 du PSG,
gracieusement offert par Javier
Pastore. Problème: la Liga refuse
les 222 millions d’euros du PSG, un
tarif que José Mourinho ne trouve
“pas élevé pour Neymar”. Qu’en
pense ce Chinois qui qui a dépensé
8 733 euros dans une station de
ski suisse pour un verre de whisky
millésimé de deux centilitres?
Vendredi 4 août. Le rappeur
Prodigy serait mort en s’étouffant
avec un œuf. Mais l’info
primordiale du jour concerne, une
fois n’est pas coutume, Neymar: le
Brésilien est arrivé à Paris et sera
présenté le lendemain au Parc des
Princes. Sinon, la ligue 1 démarre
par une victoire de Monaco
contre Toulouse, et la ligue 2 se
poursuit avec la rencontre entre
Geoffrey Jourdren et son nouveau
public de Nancy, qui scande le
nom du gardien remplaçant. “Je
José fait la Mou.
“Pour 200 millions d’euros, je ne pense
pas qu’il soit cher. Neymar est l’un des
meilleurs joueurs du monde, il pèse
lourd commercialement et le PSG y a
évidemment pensé”
José Mourinho
ne demande pas qu’on soit gentil
avec moi, mais un minimum de
jugeote, réclame le portier titulaire.
Mais bon, si une intelligence, ça
s’achetait au supermarché, je pense
que tout le monde en achèterait
une.” Si seulement c’était vrai.
Samedi 5 août. Tremblement de
terre sur la planète sport: pour la
dernière course de sa carrière en
individuel, Usain Bolt perd son
titre de champion du monde sur
100 mètres à Londres. Il est battu
par… Justin Gatlin, suspendu
pour dopage à deux reprises. En
Allemagne, c’est la vidéo de la
Supercoupe qui tombe en panne
et oublie donc d’invalider un but
du Bayern Munich, vainqueur du
Borussia Dortmund aux tirs au but.
Neymar préfère mater la ligue 1 et
Paris, qui s’impose tranquillement
contre Amiens, pendant que les
Dogues de Marcelo Bielsa bouffent
tout cru les Canaris de Claudio
Ranieri, et que Mariano Diaz, la
recrue de l’OL, prend la tête du
classement des buteurs peroxydés.
Dimanche 6 août. Enfin le retour
du football dominical! Pour fêter
ça, Marseille expédie Dijon 3-0,
David Villa s’offre un triplé dans
le derby new-yorkais et les Pays-
Bas remportent l’Euro féminin à
domicile. Un bon signe pour Nice,
qui engage Wesley Sneijder? Le
seul mécontent de la journée se
nomme Patrick Montel. “Trop, c’est
trop, s’enflamme le commentateur
de France Télévisions au sujet de
l’arrivée de Neymar au PSG. On
vit sur une planète, on vit dans un
monde. Y’a pas que le foot, tu vois?”
Argument béton.
Lundi 7 août. L’hygiène, c’est
important. Raison pour laquelle
trois femmes ayant eu des rapports
sexuels non protégés avec Usher
portent plainte contre le chanteur,
qui leur aurait transmis l’herpès
dont il était porteur. Coup de froid
sur Paris, qui apprend la dernière
rumeur: Zlatan Ibrahimovic
pourrait rejoindre l’OM. Ce
qui permettrait au club, sans
manquer de respect à personne, de
réellement naître?
Mardi 8 août. Un titre tous
les quinze matchs: c’est le ratio
de Zinédine Zidane en tant
qu’entraîneur du Real après sa
victoire en Supercoupe de l’UEFA
contre Manchester United. Ratio
toujours, un restaurant chinois
décide de faire varier ses prix en
fonction du tour de poitrine de la
cliente. L’histoire ne précise pas
dans quel sens.
Mercredi 9 août. Pendant que
le Festival interceltique bat son
plein à Lorient, l’ancien Breton
Ousmane Dembélé annonce à
ses dirigeants qu’il veut rejoindre
le Barça. Problème: Dortmund
réclame 120 millions… Si cet argent
était mieux utilisé, le festival ne
serait pas devenu payant. Parole
de Montel.
Jeudi 10 août. On arrête tout:
Mbappé aurait choisi Neymar
comme nouvelle destination.
Bonjour le fair-play financier.
Vendredi 11 août. D’ailleurs, le
Brésilien, dont le contrat est enfin
homologué, sait désormais où il
fera ses grands débuts. Ce sera
à Guingamp et au Roudourou,
dont le nombre de places dépasse
celui des habitants. Jaloux d’une
telle médiatisation, Ibra relance
une rumeur: un jeu vidéo d’action
se déroulant dans l’espace et
dont il sera le héros devrait sortir
dans quelques jours. Pourra-t-on
y modifier génétiquement des
porcs pour chourer leurs organes,
comme vient de le réussir la
science? Y verra-t-on l’attaquant
suédois au mondial 2026, que
le Maroc rêve officiellement
d’organiser?
Samedi 12 août. Tremblement
de terre sur la planète sport, bis:
pour la dernière course de sa
carrière tout court, la finale du
relais 4 x 100 mètres, Usain Bolt
se claque. Encore plus triste que
le match de Chelsea, premier
champion sortant à encaisser
trois buts lors d’une première
journée anglaise. Les vacances ne
se passent guère mieux pour ceux
qui n’ont pas repris: alors qu’un
pic de 720 kilomètres de bouchon
est enregistré à la mi-journée en
France, un déséquilibré corse tire
à la carabine pour faire fuir des
nudistes de la plage. Son amende
devrait toutefois être un peu moins
conséquente que celle de Neymar,
obligé de verser 2,1 millions
d’euros au fisc brésilien.
Dimanche 13 août. Bretagne,
Guingamp, stade du Roudourou.
Devant des caméras qui diffusent
le match dans 183 pays, un prodige
brésilien marque un but et adresse
une passe décisive pour son
premier match en ligue 1. C’est
bien, mais c’est moins bien que
Nilmar. PAR FLORIAN CADU ET JULIEN
F
MAHIEU / PHOTOS: PANORAMIC ET ICONSPORT
26 SO FOOT _ COUVERTURE
“IL FAUT QU’ON
TUE PLUS”
UNAI EMERY
Avant même son arrivée au PSG, il était la cible d’un traitement
médiatique particulier. Il était venu pour faire passer un cap au club
de la capitale, mais on ne voyait en lui qu’un “entraîneur pour l’Europa League”,
malgré un palmarès personnel supérieur à celui du foot hexagonal. Douze mois
plus tard, non, Unai Emery n’a pas fait mieux que Laurent Blanc, pour le plus
grand plaisir de la corporation franco-française. Mais il est toujours là. “Gagner,
c’est un voyage”, dit-il. Et, en signe de confiance, sa direction lui a donné le joueur
censé abréger les étapes. Par Pierre Boisson et Javier Prieto Santos / Photos: Dppi, DR, Iconsport, Panoramic
et Renaud Bouchez
28 SO FOOT _ COUVERTURE
CQuel bilan tirez-vous de votre première saison
au PSG? Nous avons remporté trois titres
mais, évidemment, terminer deuxièmes du
championnat et être éliminés en huitièmes
de finale de ligue des champions, ça ne faisait
pas partie de nos plans. On aurait pu faire
mieux. Il faut toutefois respecter le travail de Monaco et
de Nice, cela crée un environnement concurrentiel positif
pour le championnat de France. Quant à la Champions…
50 % de cet affrontement contre le Barça ont été très bons.
Mais la défaite au retour a tiré la sonnette d’alarme. Et
suscité les “pourquoi”. La vérité, c’est qu’il nous a manqué
quelque chose.
Et personnellement, comment avez-vous vécu cette saison?
Cela a été une saison d’adaptation. J’ai scanné le club pour
voir à quel niveau je pouvais lui apporter quelque chose.
C’est ce qui explique que la seconde
partie de saison a été très différente
de la première.
Pourquoi? Parce que, après le round
d’observation, j’ai pris des décisions
plus personnelles sur la manière
dont je voulais voir jouer l’équipe.
J’ai été plus exigeant. Sur nos trente
derniers matchs, nous n’en avons
perdu que deux: contre Barcelone
et Nice. Cette année, je veux qu’on
se dépasse, que le PSG soit la
référence du football français. Au
niveau européen et mondial, le club
ambitionne de devenir une marque
reconnue, et la Champions est la
vitrine idéale pour cela. Gagner cette coupe, c’est un défi,
mais il ne faut pas en faire une fixette. Il faut que ce soit
un processus. Gagner, c’est un voyage. Il y a des étapes à
respecter.
Comment faire pour que ce voyage soit moins long? Il faut
vivre des expériences, trébucher, se relever. L’expérience
du 4-0 est positive, mais celle du 6-1 l’est également,
car elle met en lumière nos
carences. L’important, c’est de
tirer des leçons. Ce qu’on a fait,
en conservant les éléments les
plus importants et en signant des
joueurs comme Daniel Alves, qui a
une grande expérience et qui est un
compétiteur-né.
Peut-on dire que la confrontation
contre le Barça a été le résumé
parfait de votre saison? Lors du
match aller, le PSG a été génial.
Mais ce que je recherche, c’est la
régularité dans le génial. Je veux
une équipe qui soit capable d’être
constante au niveau du travail, de
l’exigence, de la compétitivité, des
résultats. Je veux qu’on soit forts
quand l’adversité l’exige. Daniel
Alves, on l’a signé pour ça. Quand
on signe Draxler et Guedes en décembre dernier, pareil.
Pour moi, il n’y avait pas assez de concurrence dans ce
groupe. À partir du moment où on a pris Draxler, Di Maria
a été bien meilleur. Guedes n’a pas beaucoup joué, mais
“L’implication de
Verratti au PSG ne se
discute pas. Ces petits
flirts estivaux ont dû lui
plaire. Après tout, qui
n’aime pas être dragué?
Tout le monde aime
qu’on s’intéresse à lui”
lui aussi a provoqué le réveil d’autres joueurs. Je veux que
mes joueurs soient toujours en alerte, pour que personne
ne passe à côté de certains matchs. Je suis convaincu que
les jeunes cadres de la maison, comme Marquinhos, Rabiot
ou Verratti, vont progresser au contact de joueurs comme
Alves. Ils vont passer un cap, celui qui leur permettra de
relever n’importe quel défi.
C’est aussi la raison pour laquelle vous avez pris Neymar?
Neymar, c’est simple: il a 25 ans et il est déjà habitué à
gagner. Il est programmé pour ça. L’enjeu est double: faire
en sorte qu’à son contact tout le groupe soit tiré vers le
haut, mais aussi l’aider à devenir un joueur encore plus
important qu’il ne l’est aujourd’hui.
Que va apporter le PSG à Neymar, selon vous? Neymar est
un très grand joueur, mais on a envie qu’il devienne un
géant. Qu’il soit le meilleur joueur
du monde. C’est gagnant-gagnant.
Parce que parallèlement, Neymar
offre une exposition mondiale au
club, et plus il sera grand, plus le
club sera grand. Le but, à terme,
c’est évidemment de gagner la ligue
des champions.
Comment comptez-vous l’utiliser
dans votre système? C’est avant tout
un accélérateur de jeu. Il part de son
côté gauche, il repique, il percute,
et il est capable de déstabiliser
n’importe quelle défense au monde.
Et je ne parle pas que de ses buts,
parce que Neymar, c’est aussi et
surtout énormément de passes décisives, potentiellement.
Pour cela, il faut qu’il redessine des circuits préférentiels,
comme ceux qu’il pouvait avoir avec Suarez et Messi. Mais
je n’ai aucune inquiétude à ce sujet: quand on a son talent,
on s’adapte très vite, on a une faculté plus importante à
combiner avec les autres. Les connections avec Cavani,
Verratti ou Di Maria vont se faire naturellement. Ce mec
peut s’adapter partout. Il sait combiner, il sait dribbler, il
sait partir en contre-attaque, il sait renverser un match à lui
tout seul, il sait… Putain, il sait tout faire, c’est pour ça qu’il
est aussi bon (rires). Je n’ai pas envie que Neymar change
son jeu. C’est en restant lui-même qu’il arrivera à poser des
problèmes à ses adversaires. S’ils veulent l’arrêter, ce sont
eux qui devront s’adapter à lui, pas le contraire. Neymar, il
faut le laisser jouer, le regarder. Et prendre du plaisir.
Vous n’avez pas peur du tsunami médiatique? Il sait très
bien faire abstraction de ces choses-là. Des joueurs comme
ça, ce qui les intéresse, au fond, c’est la pelouse. C’est
normal que tout le monde s’emballe, ce n’est pas n’importe
quel joueur. On me dit que son arrivée rajoute de la
pression sur le club, je réponds: c’est tant mieux. Neymar
ne sera jamais un problème à Paris. Le football, c’est de
l’exigence. Ma mission, mon obligation, c’est de faire
gagner le PSG. Avec ou sans Neymar, d’ailleurs.
Comment gère-t-on un ego comme celui de Neymar, quand
on est coach? Il y a un truc que beaucoup de gens ont
tendance à oublier: avant d’être des footballeurs, les
joueurs sont des êtres humains. Comme n’importe qui. Il
faut donc d’abord commencer par respecter l’homme, c’est
le point de départ pour comprendre le footballeur. Neymar,
je ne sais pas s’il est dans le top 5 ou dans le top 3 des
Krychowiak, mieux placé que pendant ses matchs.
meilleurs joueurs du monde, mais j’ai énormément
de respect pour lui et j’ai envie qu’il devienne le
numéro un, qu’il se sente bien, comme tous les
autres joueurs de l’effectif. Si on l’aide à se sentir
bien, il nous aidera à gagner la ligue des champions.
Vous n’avez jamais entraîné un joueur de ce calibre. Il
a la réputation d’être une diva. Il y a quelques années,
il a même fait virer son entraîneur (Dorival à Santos,
ndlr)… Ça vous fait peur? Non, pas du tout. Neymar,
c’est un être humain. Tu m’en parles comme si
c’était une machine. Mais je ne vais pas m’adresser à
Neymar en tant que meilleur footballeur du monde,
mais en tant que personne. L’humain, ce n’est pas
une facette, c’est la base, et malheureusement,
certains ont parfois du mal à le comprendre. Moi,
j’ai toujours fonctionné comme ça, que ce soit avec
les joueurs modestes, les talentueux ou les battants.
Je ne vais pas changer cette ligne de conduite
avec Neymar.
Palmarès: Ligue Europa (2014,
Verratti, qui a mal digéré l’élimination
2015, 2016), coupe de la ligue
contre le Barça, a failli quitter le club cet (2017), coupe de France (2017),
été. Comment l’avez-vous convaincu de trophée des champions (2016,
rester? L’implication de Verratti au
2017)
PSG ne se discute pas. Ces petits flirts
estivaux ont dû lui plaire. Après tout,
qui n’aime pas être dragué? Tout le
monde aime qu’on s’intéresse à lui. L’important, c’est
qu’il soit encore là. S’il est resté, c’est parce que le
président lui a donné des garanties sur l’avenir. On
lui a aussi rappelé la progression qui a été la sienne
depuis qu’il est arrivé ici –et qu’il n’a pas de mal à
reconnaître. Verratti est ambitieux, il veut devenir
une référence du football mondial. Ça tombe bien, le
PSG ambitionne exactement la même chose.
Mais vous comprenez que certains cadres aient pu
avoir des doutes après le traumatisme du 6-1…
Aux États-Unis, les businessmen ont coutume de
dire: “Sans échec, on ne peut pas réussir.” Le chemin
La fiche
UNAI EMERY
Né le 3 novembre 1971
à Fontarrabie, Espagne
1,81 m, 73 kg
Ancien milieu de terrain
Clubs (joueur): Real Sociedad
(1990-1996), Toledo (1996-
2000), Racing de Ferrol (2000-
2002), Leganés (2002-2003),
Lorca Deportiva (2003-2005)
Clubs (entraîneur): Lorca
Deportiva (2004-2006), Almeria
(2006-2008), Valence (2008-
2012), Spartak Moscou (2012),
Séville FC (2013-2016), Paris
Saint-Germain (depuis 2016)
30 SO FOOT _ COUVERTURE
du succès, c’est ça: se relever et apprendre. Pour ne pas
avoir à revivre un 6-1. Vous savez, quand le PSG s’est
intéressé à moi, j’ai demandé au président pourquoi il me
voulait. Il m’a répondu que j’étais un entraîneur jeune,
avec un palmarès. À ses yeux, mon CV prouvait que j’étais
capable d’emmener mes équipes au bout. Et, en même
temps, je n’ai pas encore gagné suffisamment de titres
pour être repu de victoires. J’ai encore faim. Quelque part,
je suis à l’image du PSG: c’est un club jeune qui a encore
beaucoup à prouver. Nous sommes sur le bon chemin.
Ici, il y aura bientôt un centre d’entraînement unique au
monde, et un projet solide et fort.
Vous doutez, parfois? Quand on perd, je reprends le match
de A à Z, je me mets dans mon monde et je fais ce que
je sais faire: travailler. L’exigence est mon moteur, je vis
grâce à elle. Mon exigence personnelle a toujours été plus
importante que celle que m’imposaient les clubs. Ce n’est
pas différent à Paris.
Comment faites-vous pour transformer une équipe quand
vous la prenez en main? Je regarde beaucoup nos matchs,
et j’insiste pour que les joueurs les analysent aussi. Ils
voient 80 % des matchs que nous disputons. Qu’est-ce
qu’ils voient dans ces vidéos? Ce qu’il faut faire pour
gagner. Il faut du temps
pour qu’ils assimilent tout ce
qu’on bosse à l’entraînement
et pour qu’ils intériorisent
tout ce qu’ils voient dans ces
sessions vidéo. Aujourd’hui,
je considère que l’équipe sait
à peu près comment il faut
jouer.
Vous avez dû faire des
concessions? Il y a des choses
que tu ne peux pas changer.
Un joueur lent ne va pas
devenir rapide… Le PSG est
une équipe qui généralement
gagne, mais à laquelle il
manque toujours un petit
quelque chose dans les
moments importants. Ce sont
ces détails qu’il faut travailler,
avec des joueurs d’expérience,
et avec le mental. Les
dernières années, le Barça et
le Real Madrid ont gagné de
nombreuses Champions. Mais
ce n’était pas le cas il y a dix ou quinze ans. Gagner, c’est
un apprentissage. Le PSG est dans la même situation que
le Real ou le Barça d’il y a quinze ans.
Mais le PSG ne peut pas se permettre d’attendre
quinze ans… L’année dernière, je me suis assis avec le
président et je lui ai dit: “Président, on peut prendre
différents chemins. Si tu choisis de faire le chemin avec
moi, tu dois m’écouter et changer certaines choses avec
le directeur sportif.” Le président a décidé de remplacer
Kluivert par Antero. Maintenant, nous sommes tous sur la
même longueur d’onde. Le président connaît mes besoins
et, avec l’aide d’Antero, il les satisfait. Quand je suis arrivé,
j’écoutais le directeur sportif et le président. Je leur disais:
“OK, vous connaissez mieux l’équipe que moi, je vous fais
confiance.” J’ai été passif. Maintenant, c’est fini.
“Je veux que Monaco,
Lyon ou Nice soient
forts. Et je veux qu’ils
soient exigeants avec
moi parce que ça va
m’aider. Je ne peux pas
enchaîner des matchs
faciles, gagner cinq
matchs de suite sans
une contre-attaque,
pour ensuite jouer
contre le Barça, la
Juventus, le Real ou
le Bayern”
On imagine mal un mec comme vous se laisser dicter ses
choix… Ça s’est toujours passé comme ça! À Valence,
la première saison, j’ai dû m’adapter, et c’est seulement
lors de la deuxième année que j’ai pu prendre des
décisions stratégiques fortes concernant le recrutement,
la philosophie de jeu, ou le choix de mes collaborateurs.
À Séville, pareil. Quand j’arrive dans un club, je ne
chamboule pas tout. D’abord j’écoute, j’observe avant
d’imposer ma méthode de travail. À Paris, cela m’a
pris plusieurs mois puisque ce n’est qu’en décembre
dernier que je suis réellement entré en scène. À partir
de décembre, j’ai été plus direct avec les footballeurs.
Je voulais qu’on joue à ma façon. Désormais, le plan de
travail est clair pour tout le monde.
Au début, on a l’impression que vous vous êtes contenté de
suivre le modèle de Laurent Blanc… Mais il fallait que ça
se passe comme ça. Je ne pouvais pas changer du jour
au lendemain une équipe qui venait de tout remporter
en France. J’ai d’ailleurs dit au président: “Le niveau est
déjà très haut, il va falloir un peu de temps avant qu’on
franchisse un nouveau cap.” Et puis Ibrahimovic venait
de partir. J’avais besoin de savoir comment l’équipe allait
répondre sans lui. Il était très important ici, ce n’était pas
seulement un buteur, c’était un gagnant. C’est parfois
ce qui nous a manqué: l’esprit
de conquête. Sur le terrain, j’ai
des champions, mais je veux des
conquérants. Généralement, le PSG
défend en confisquant le ballon
aux adversaires. Mais il faut aussi
qu’on soit prêts à jouer contre des
adversaires qui ne nous laisseront
pas contrôler le ballon. C’est ce qui
s’est passé à Barcelone, par exemple.
Il faut qu’on élargisse notre palette
pour qu’on puisse lutter contre
n’importe qui, qu’on devienne “toutterrain”.
Il y a des montages vidéo de ce match
au Camp Nou où on vous voit dire aux
joueurs d’aller de l’avant. En même
temps, on voit Thiago Silva ordonner
à ses coéquipiers de redescendre…
Il faut vivre ces moments pour
les comprendre. Il faut les vivre…
Quelques jours avant le match, j’ai
parlé avec un joueur de l’équipe.
On évoquait des expériences
antérieures. À un moment, je lui
ai posé une colle: “Disons que tu gagnes 3-1 à l’aller.
Comment tu appréhendes le match retour? Tu t’y prendrais
comment?” Le joueur a réfléchi, puis a fini par me dire: “Je
ne sais pas, ça dépend…” Moi: “Non, ça ne dépend pas! La
seule chose que tu dois savoir, c’est que tu dois marquer. Il
ne faut pas calculer, il faut en mettre un. Oublie tes calculs,
va à l’attaque. Parce que si tu mets un but, l’équipe d’en
face devra en mettre quatre. Il faut avoir un plan dans la
tête. Là, c’est clair, il faut mettre un but pour tuer le match.”
En allant à Barcelone, mon message était clair: il fallait
mettre un but.
Apparemment, ils n’ont pas tout compris… Si, si, si. Mais
parfois, il y a une différence entre ce que tu veux faire, et
ce que tu peux faire. Peut-être que nous n’avions pas les
moyens de faire ce que nous voulions.
Ça va, il reste une minute, ça va passer.
Vous avez pu louper quelque chose dans la causerie à la
mi-temps? Vous n’avez pas su inverser le cours du match…
Non. Ce jour-là, pendant la mi-temps, l’équipe a bien
réagi. Si on exclut le penalty du 3-0 et les cinq dernières
minutes, l’équipe a mis un but, s’est procurée une
occasion, un face-à-face…
Alors il y a quelque chose que vous avez mal fait pendant
ce match? Oui, mais ça, je le garde pour moi. Ce sont des
choses que tu dois… Non… Normalement, je ne regrette
pas mes décisions, j’apprends. Je ne regrette rien parce
que, à ce moment-là, c’est ce que j’ai senti, ce que je
voulais.
Benitez disait que, parfois, quand la folie se met en marche,
tu peux travailler autant que tu veux, on ne peut rien faire…
Je vais te dire quelque chose: il faut être là, sur le terrain.
Ce que le joueur sent là, sur la pelouse, quand les choses
se passent, c’est unique. Et il faut le comprendre. Toi,
tu es dehors et tu cries: “Aaaaah, fais ça!” Lui, il pense:
“Viens là à ma place, et tu vas voir.” La vérité, c’est
que Barcelone n’a même pas été si fort ce jour-là. J’ai
parlé avec des entraîneurs, des gens qui connaissent le
foot. L’un d’eux m’a dit: “Analyse la première mi-temps:
OK vous n’avez pas attaqué. Mais le Barça a marqué
deux fois sur deux erreurs de ton équipe, même pas des
occasions.” On est toujours responsables de ce qui nous
arrive.
C’est parfois compliqué d’insuffler un nouvel état
d’esprit à un groupe. Lorsque vous êtes arrivé, vous avez
apparemment eu du mal à faire comprendre à vos joueurs
qu’il fallait qu’ils maîtrisent les phases de contre-attaque.
Face au Barça au Camp Nou, tu dois pouvoir jouer
en contre-attaque pour leur faire mal. Au Parc, on a
justement gagné sur des attaques rapides. Lors de mes
32 SO FOOT _COUVERTURE
premiers mois au PSG, je me suis rendu compte que les
joueurs ne voulaient pas dévorer les espaces alors qu’ils
en avaient l’opportunité. Ils voulaient constamment
avoir le ballon dans les pieds! Après la récupération du
ballon, on avait tendance à trop le faire tourner. C’était
quasi automatique. J’ai dû convaincre le groupe qu’il
fallait qu’on puisse maîtriser les phases de contre-attaque,
qui nous seraient précieuses à des moments clés de la
saison. Les premiers mois, ils ont eu du mal à comprendre
pourquoi. Ils voulaient récupérer et jouer. On l’a travaillé
à l’entraînement, avec les vidéos, mais c’était difficile de le
mettre en pratique en championnat. En ligue 1, on jouait
souvent contre des équipes qui
défendaient très bas, donc on
avait rarement l’occasion de faire
des tests grandeur nature. J’ai
dit au groupe: “Putain, les gars,
ne nous privons pas de faire des
contre-attaques, on a les joueurs
pour.” Lucas, il a les jambes pour
contre-attaquer. Di Maria et
Cavani, pareil. Il ne faut pas qu’on
se prive de gagner des matchs
comme ça, même si j’aime la
possession de balle, vraiment. À
Valence, à Almeria et à Séville, on
avait le ballon. J’aime les latéraux
offensifs. J’aime que mes joueurs
regardent les buts adverses, mais
il faut s’adapter à des situations:
je ne veux pas qu’on fasse un
match nul ou qu’on perde un
match juste parce qu’on n’a pas
voulu ou su faire de contreattaques.
Il faut qu’on maîtrise
toutes les facettes du jeu. Il faut
qu’on soit plus agressifs dans les
derniers mètres. Il faut qu’on tue
plus.
Di Maria avait un peu de mal à
“tuer”, comme vous dites, l’année
dernière. Il faut être sur son dos
pour qu’il donne son maximum? L’an passé, en première
partie de saison, Di Maria ne marquait pas de buts. Il
faut qu’il soit plus présent dans la surface, il faut qu’il
repique dans l’axe si besoin, et c’est ce qu’il a fait en
deuxième partie de saison. Après, il n’y a pas de rendement
individuel s’il n’y a pas de rendement collectif. L’inverse
est aussi vrai. Lorsque Di Maria est devenu meilleur, toute
l’équipe est devenue meilleure. Lors du match contre le
Barça, Di Maria est sorti blessé à la 60 e minute. Il n’est
revenu que pour le match retour au Camp Nou. Si ça avait
été un autre match, je ne l’aurais pas fait rentrer car il
n’était pas totalement rétabli physiquement. Vu l’enjeu, j’ai
quand même décidé de lui accorder vingt minutes, parce
que j’étais persuadé qu’il pourrait marquer en contre. Et
c’est ce qui a failli se passer. Il y a deux ans contre City,
le PSG avait déjà été affaibli par les blessures. Pour ça, la
solution est simple: il faut qu’on double les postes pour
que ces situations ne se reproduisent plus.
Vous ne pensez pas que, parfois, la concurrence peut être
néfaste pour certains joueurs plus sensibles, comme Javier
Pastore par exemple? Quand vous êtes arrivé, vous deviez
jouer en 4-2-3-1 et il devait être votre numéro 10… Avec
Pastore, le problème est clair: il était blessé. Cela fait deux
“La vérité, c’est que
Barcelone n’a même pas
été si fort ce jour-là.
J’ai parlé avec des
entraîneurs, des gens
qui connaissent le foot.
L’un d’eux m’a dit:
‘Analyse la première
mi-temps: OK vous
n’avez pas attaqué.
Mais le Barça a marqué
deux fois sur deux
erreurs de ton équipe,
même pas des
occasions.’ On est
toujours responsables
de ce qui nous arrive”
ans qu’il n’a pas de continuité. Avec moi, il a à peine joué
la première demi-saison, quatre matchs peut-être. Et contre
Barcelone, il était sur le banc mais il était très juste…
Vous avez réussi à transfigurer Banega, un joueur au profil
similaire, qui était déprimé avant de jouer pour vous. Vous
pouvez faire la même chose avec Pastore? Nous avons
besoin du talent de Pastore aux moments clés des matchs
importants: il fait partie de ces joueurs qui, s’il sont
disponibles dans les matchs cruciaux, peuvent faire la
différence. Pour cela, il faut qu’il ait de la continuité, qu’il
joue un pourcentage élevé de matchs. L’année dernière, il
n’a été disponible que 25 % du temps.
À Valence, vous aviez l’habitude
d’acheter des livres à vos joueurs. Vous
l’avez fait l’année passée? Oui, mais
seulement avec quelques joueurs…
Des livres en français ou en brésilien.
Quel type de livres? C’est très
personnel. Lire m’a beaucoup aidé
et je crois que ça peut aussi aider les
joueurs.
Vous pensez qu’ils les lisent? Euuuh…
Oui! Il y a des joueurs de l’effectif
qui lisent. Je leur conseille en tout
cas de le faire parce que ça fait du
bien. C’est relaxant. Et il y a des
livres qui peuvent te faire progresser.
Par exemple, récemment, j’ai lu
les livres d’Agassi, de Simeone et
de Nadal, je suis en train de lire
celui de Ferguson et après j’ai celui
d’Ancelotti qui m’attend. Je lis aussi
beaucoup de livres de développement
personnel. Par exemple: L’Intelligence
émotionnelle de, de… (Il cherche) Rhaa,
comment il s’appelle, ce couillon?
Est-ce que vous avez… (Il coupe)
Attends, il faut que je retrouve le
nom de l’auteur parce que le livre est très bon. Tape dans
Google, s’il te plaît, Intelligence émotionnelle… Ah voilà,
Daniel Goleman!
Les livres de développement personnel peuvent parfois
ressembler à de la littérature de charlatan, non? Dans le
football, on peut gagner en attaquant constamment, se
procurer vingt occasions par match et finir à 1-0. Ou on
peut choisir de défendre tout le temps pour ne pas prendre
de but, tirer une fois au but et gagner. Les deux sont
valables. Laquelle tu préfères, toi? Voilà: moi, je ne fais pas
attention aux opinions des uns et des autres, je respecte
tout le monde.
Vous n’avez pas vraiment bénéficié de ce respect en
arrivant en France. Comme Jardim, Bielsa ou Ancelotti,
vous avez été très critiqué par ce qu’on appelle “le village
français”… Quand j’étais en Espagne, j’étais très content
que des entraîneurs étrangers viennent coacher chez
nous. Denoueix à la Real Sociedad, Montanier, Toshack
le Gallois, Simeone, Bielsa, etc. Ils ont tous apporté des
choses. Moi, je suis venu en France et je tâche d’apporter
ma contribution. Je l’ai dit quand je suis arrivé: je veux que
le football français progresse et qu’il évolue. Parfois, j’ai
Reflets de France.
34 SO FOOT _COUVERTURE
la sensation qu’ici, en France, on se regarde un peu. Moi,
j’aime regarder vers l’extérieur.
On a une vision un peu bornée? Oui. Enfin non, je ne veux
pas dire ça… Je parle juste pour moi: quand j’entraîne en
Espagne, je suis content que Simeone, Luis Fernandez ou
Raynald Denoueix viennent chez nous, pour apprendre,
pour les voir travailler.
Vous savez combien d’entraîneurs ayant coaché en France
ces vingt dernières années ont gagné une coupe d’Europe?
Pfff… (Il réfléchit) Je crois que personne…
Ancelotti et vous. Et on vous a critiqué pour n’avoir gagné que
trois Europa Leagues. Ça ne vous a pas agacé, ces critiques?
Non. Dans le football, ce que tu as fait ne vaut rien. Je crois
vraiment à ça. Quand on me dit que je suis le seul à avoir
gagné trois Europa Leagues avec Trapattoni, je réponds:
“Oui, mais ce n’est pas une finalité.
Il faut la gagner encore et encore.”
Je ne peux pas dire: “J’ai gagné”.
Je dois gagner.
Vous pensez vraiment que le PSG
peut gagner la ligue des champions?
Moi, je vis de la gagne. L’Europa
League, je ne la gagne pas en
me disant au début: “Je veux
la gagner.” Je la gagne au fur
et à mesure, en voulant gagner
à chaque fois. Ce que je veux
aujourd’hui? D’abord, être premier
en phase de poules. Et si je suis
premier, je voudrai gagner les
huitièmes. Je ne peux pas sauter
dix marches d’escalier d’un coup
parce que je vais me cogner et
m’assommer. Donc je dois grimper
marche par marche (il se met
à compter: un, deux, trois, etc.).
Mais attention: à chaque fois d’un
pied ferme. Ferme, ferme, ferme. C’est quoi la meilleure
préparation pour la ligue des champions? Le championnat.
Gagner en championnat, c’est la première étape, et dans
un championnat compétitif, c’est pour ça que je veux que
Monaco soit fort, que Bordeaux, Lyon, Nice soient forts. Et
je veux qu’ils soient exigeants avec moi parce que ça va
m’aider à me préparer pour le coup d’après. Je ne peux pas
enchaîner des matchs faciles, gagner cinq matchs de suite
sans une contre-attaque, pour ensuite jouer contre le Barça,
la Juventus, le Real ou le Bayern. Peut-être que je gagnerai
ces matchs-là sur deux contre-attaques, donc il faut qu’il
y ait des équipes en championnat qui m’obligent à jouer
comme cela.
“Quand j’arrive dans un
club, je ne chamboule
pas tout. J’écoute,
j’observe avant
d’imposer ma méthode
de travail. À Paris, ce
n’est qu’en décembre
dernier que je suis
réellement entré en
scène. Désormais, le
plan de travail est clair
pour tout le monde”
Je voulais leur montrer que je me foutais de qui allait jouer,
que peu importe les joueurs sur le terrain, on allait gagner.
J’avais confiance.
C’est possible au PSG? C’est possible de dire que Thiago
Motta, c’est la même chose que Nkunku… (Il coupe à
nouveau) Attends: moi, ce que je dis, c’est que l’important,
c’est la concurrence. Et je dis que l’année dernière, pendant
les matchs aller, on a manqué de concurrence. Je ne dis
pas que tous les joueurs se valent dans l’absolu. Mais en
relativité…
C’est une manière de dire que le collectif est plus important
que l’individu. Cela marche bien dans des équipes comme
le Barça, le Real ou la Juve, où les joueurs sont imprégnés
de l’importance de “l’institution”, avec des cadres comme
Xavi, Ramos ou Pirlo qui expliquent aux autres que le club
est plus important que les joueurs. Dans un club plus “jeune”
comme le PSG, où aucun des joueurs
n’a grandi ici, c’est possible? Une des
améliorations que j’ai voulu apporter,
et je crois qu’il faut continuer à le
faire, c’est le “sentiment”. Je veux
que l’équipe sente plus le PSG,
qu’elle sente plus la ville.
Comment? (Rires) Il faut chercher…
Le match contre le Barça: personne
n’avait jamais senti quelque chose
d’aussi fort que ce jour-là. Je veux
que cela se répète. On le vit en ligue
des champions, mais on peut aussi
le vivre en championnat, dans les
matchs à la maison. L’année dernière,
il y avait des moments un peu froids.
Tu gagnes, mais avec froideur, c’est
normal, pam-pam. Non. Je veux que
les gens vibrent.
D’une certaine façon, vous avez
apporté ça. Une émotion qu’il n’y avait
pas quand le PSG a perdu contre City, comme si de rien
n’était. Vous, vous avez au moins créé des souvenirs. Oui, et
le 4-1 contre Monaco a été beau aussi. Ces moments sont
des trucs à vivre, et à chaque fois, je profite, j’apprécie.
Pas tant le moment, d’ailleurs, que le chemin parcouru:
le travail avec mes hommes, l’exigence, etc. Après, est-ce
que j’ai profité du 4-0 contre le Barça? Oui. Le 6-1? Non.
Parce que ça a été une raclée. Mais je l’ai vécue. Et ces
sentiments, ces émotions, même si elles sont négatives, il
faut les vivre, tout le monde n’a pas la chance de passer par
des trucs pareils. Ce moment terrible, ce qu’on ressent, je
l’ai vécu. Pour qu’il y ait de bons jours, il faut qu’il y en ait
des mauvais.
Vous êtes comme les requins qui sont stimulés par l’odeur du
sang? Un peu, oui. Parfois je me protège des critiques, et
parfois je les écoute. Parce que quand je les écoute, ça me
motive.
Au début de l’année, vous disiez que, pour vous, le plus
important, c’était les numéros et pas le nom des joueurs.
Une fois, avec Almeria, vous aviez même tiré la composition
de votre équipe aux dés, pour le démontrer à vos joueurs…
(Il coupe) C’est vrai pour les dés: c’était notre premier
match en première division, contre le Deportivo
La Corogne, et on a gagné 3 à 0. Un grand match.
C’est difficile d’imaginer des entraîneurs comme vous, comme
Bielsa, être heureux. Vous l’êtes? Je suis heureux, oui.
L’autre jour, je l’expliquais à l’équipe: tous les jours, je me
lève et je rends grâce au club de me donner la chance de
travailler ici. Je me lève à 8 heures du matin, et ensuite, au
travail! Tout de suite, je suis dans une mentalité positive.
Vous parlez comme un robot. Moi, quand je me réveille, j’ai
envie de rester au lit. Vous essayez de vous autoconvaincre?
Oui, mais de l’autoconviction non simulée. Je dis
aux joueurs qu’ils doivent faire pareil, se lever et aller
s’entraîner dans la joie. Tu peux avoir mal dormi, avoir des
problèmes, mais il faut garder
en tête que, par-dessus tout, tu
as de la chance, tu es heureux,
tu as envie de t’entraîner,
d’être avec l’équipe.
Vous êtes marié? Je suis
séparé. J’ai un fils.
À cause du football? Des circonstances de la vie. Ce n’est
pas facile d’être en couple quand tu entraînes. Depuis,
j’ai appris à me relaxer.
Comment? Je n’ai pas vraiment l’habitude de voir des
films mais j’essaye de m’installer devant la télé parfois.
Je me relaxe quand je suis avec mon fils. Et ce qui me
relaxe vraiment, c’est une randonnée en montagne, ou
une marche près de la mer.
Un bon verre de vin? Oui, de temps en temps. Après les
matchs, j’aime bien manger avec mes proches, mon fils,
mon frère. Un bon repas, un petit verre de vin, prendre
“Ce n’est pas facile d’être en
couple quand tu entraînes.
Depuis, j’ai appris à me relaxer.
Ce qui me relaxe vraiment, c’est
une randonnée en montagne,
ou une marche près de la mer”
mon temps pour le
boire tranquillement.
Là, je me relaxe.
Ensuite, vient le jour
suivant et je me mets
à travailler, analyser,
analyser, analyser.
À quelle heure vous
vous couchez? J’ai un processus dans ma vie. Je me
lève à 8 heures du matin, je travaille, puis soit je fais une
sieste d’environ une heure et demie, et j’en profite pour
travailler jusqu’à 2 heures du matin. Soit je ne fais pas de
sieste, et je me couche plus tôt.
Vous avez des flashs pendant la nuit? On a tous ça.
Souvent, je me réveille pour écrire des trucs. J’ai un livre
sur ma table de nuit, je prends des notes dessus pour
m’en souvenir le matin.
Des notes qui parlent de football? Oui, de
football. • PROPOS RECUEILLIS PAR PB ET JPS
Sa
2
36 SO FOOT _GUIDE SAISON 2017-18
Youpi, c’est
la rentrée!
ison
017-18
38 SO FOOT _GUIDE FRANCE
France
Marcelo Bielsa, Neymar, Mario Balotelli, les tifos de la Meinau, Thomas Lemar, Fekir
et les jeunes du centre de formation de l’OL, Valère Germain, Kylian Mbappé, Marco
Verratti, Claudio Ranieri sur le banc des Canaris, Daniel Alves, Falcao, Wesley
Sneijder, Memphis Depay… Pour une fois, les monteurs de Canal et de beIN Sports
n’ont pas eu à s’arracher les cheveux pour réaliser les teasers de rentrée de la ligue 1.
Seul hic, ça les a poussés à couper les tacles de Yannick Cahuzac et les passes de
Benjamin Nivet. Par Maëva Alliche et Swann Borsellino, avec Antoine Donnarieix / Photos: Panoramic et Iconsport
“7-5 c’est la Champion’s League.”
Bons baisers de Paris.
“Cette fois, on n’a
pas eu Despacito,
on a eu Neymar.
C’était parfait
comme sujet
estival”
Paulo Cesar de Oliveira Campos,
ambassadeur du Brésil à Paris
Ligão 1
ANALYSE Cigarillo au bec, barbe travaillée et
costume impeccable, Paulo Cesar de Oliveira Campos,
ambassadeur du Brésil en France, reçoit dans ses locaux
du cours Albert-I er , dans le huitième arrondissement de
Paris. Et s’il revient fraîchement de vacances, il n’a pas
loupé le tube de l’été: “Cette fois, on n’a pas eu Despacito,
on a eu Neymar. C’était parfait comme sujet estival.”
Mais aussi Dani Alves, qui rejoint Lucas, Marquinhos,
Thiago Silva, Thiago Motta (Brésilien de naissance) et
Maxwell, toujours dans le coin, dans la grande famille
brésilienne du Paris Saint-Germain. Inutile de préciser
que le diplomate, qui se souvient de Rai et Valdo, est ravi
de cette colonie de VRP de luxe: “Les jeunes français
découvrent le Brésil grâce à ça. Il y a énormément de
Brésiliens à Paris, alors forcément ils vont se demander:
quel est ce pays? Qui sont ces gens? Par ailleurs, c’est
excellent pour la sélection. Il y aura, grâce au PSG, une
complicité entre les joueurs.” Et en attendant que Fabinho,
lui aussi annoncé dans la capitale, ne vienne garnir un
peu plus les rangs auriverdes du vice-champion de France
en titre, Paulo Cesar de Oliviera Campos donne sa petite
explication de la romance franco-brésilienne: “Un million
de Brésiliens viennent tous les ans en France. La France est
un pays qui a peut-être eu la plus forte influence culturelle
sur le Brésil dans plusieurs domaines. Dans la littérature,
la culture. L’académie brésilienne de lettres est une copie
de l’institut de France.”
Si pour le soleil, il faudra repasser, en termes de foot et
sur le papier, la ligue 1 2017-2018 n’a rien à envier à une
brochure touristique sur le Brésil, avec photos d’une
danseuse du carnaval de Rio ou d’un footballeur jonglant
sur la plage d’Ipanema. Car le PSG, Monaco et leurs
riches donateurs ne sont pas les seuls à s’être attelés à
la difficile tâche de rendre plus séduisant ce bon vieux
championnat de France. Les clubs plus modestes s’y sont
mis aussi, à l’image de Lille ou Nantes, où les dirigeants
ont décidé d’arrêter de faire confiance aux vieux routiers
du football français. Fini les Fred Antonetti, René Girard,
Élie Baup et compagnie, les Canaris et les Dogues sont
allés chercher des noms qui en jettent. Marcelo Bielsa
pour les Nordistes, Claudio Ranieri pour les Nantais.
Rien de moins qu’un apôtre du beau football et un récent
vainqueur de Premier League. Même l’OM a fait du
rangement pour que l’ensemble ait l’air plus cohérent et
convaincant. Cet été, sous la houlette de son président
passé par Harvard, Jacques-Henri Eyraud, les Olympiens
ont laissé l’agitation et les rumeurs qui pourrissent
chaque mercato en bouclant très tôt un recrutement
discret mais sérieux avec Valère Germain, Adil Rami,
Steve Mandanda et Luiz Gustavo. Ajoutez à cela l’arrivée
pour l’instant payante du coach espagnol Garcia à Saint-
Étienne, le maintien de Lucien Favre à Nice, malgré une
cour assidue du Borussia Dortmund, Mario Balotelli qui
s’installe lui aussi durablement sur la Côte d’Azur où il
aura Wesley Sneijder comme voisin, le prodige belge
Youri Tielemans qui pose ses valises en Principauté,
l’espoir de Chelsea Bertrand Traoré paré du maillot
lyonnais, les tribunes pleines de la Meinau à Strasbourg
et vous obtenez l’une des ligue 1 les plus affriolantes
que l’Hexagone ait jamais connues. Coup de la panne
interdit. Surtout maintenant que Loulou est parti. •
40 SO FOOT _GUIDE FRANCE
Vadim Vasilyev vous présente ses nouveaux actifs.
Le guide du troll
Bronzé, ancien moche mais nouveau riche, le championnat de France,
c’est des vacances à Miami: sympa sur le papier mais finalement très
décevant. La preuve, l’OM, malgré son Champions Project, n’a pas
20 millions à mettre sur un “grand numéro 9” ; l’AS Monaco vend ses
meilleurs joueurs à tour de bras ; le “frisson” Nice a raté ses deux
premières sorties et son barrage de ligue des champions ; Ranieri
a été obligé de pousser une mini gueulante en conf de presse pour
qu’enfin Kita respecte ses promesses d’achat et Bielsa a perdu de sa
légende en signant dans un club qui dit vouloir devenir, selon les mots
de son nouveau DG Marc Ingla, “une start-up du foot, avec des projets
transversaux et pluridisciplinaires” en utilisant des “best practices”
et un hashtag: #LoscUnlimited. Mais encore? Le Paris Saint-Germain
va dominer le championnat aussi aisément qu’il dompte le fair-play
financier, et il faut s’abonner à deux chaînes payantes pour être sûr de
voir Neymar jouer au stade de la Licorne d’Amiens. Comment peut-on
regarder un tel championnat, franchement? Surtout si c’est pour être
salement installé dans un canapé convertible Conforama premier prix.
Le nouveau gang des Lyonnais.
La tendance
mercato
Un seul mot d’ordre dans les cabines d’essayages de
la ligue 1: on ose tout. Alors que Nasser Al-Khelaïfi
arpente les boutiques de luxe, l’Olympique de
Marseille de Frank McCourt donne un second souffle
au Made in France (Mandanda, Rami, Germain).
Relooking extrême avec Cristina Cordula pour
l’Olympique Lyonnais qui ne mise plus seulement
sur de bons joueurs de ligue 1 et les pépites (Gouiri,
Aouar, Maolida et Geubbels) de son centre de
formation (encore élu le meilleur de France!) mais
a opté pour l’importation de masse (Mariano
Diaz, Traoré, Tete, Marcelo). À Nice, on est plutôt
friperies. Il faut dire qu’après avoir réussi à donner
une nouvelle vie aux vieilleries Ben Arfa, Dante et
Balotelli, ce joli Wesley Sneijder pourrait bien revenir
à la mode à l’automne-hiver 2017-2018. 2018, l’année
des hipsters lillois, qui ont décidé d’acheter des
joueurs “prometteurs”. Comprendre: que personne
ne connaît à part Marcelo Bielsa (qui porte toujours
le jogging, soit dit en passant). Enfin, chez les
pauvres, le troc restera toujours à la mode. Comme
Benjamin Nivet.
Le fait divers
de la saison
C’était le bras de fer chinois du mercato. La
feuille de Hatem Ben Arfa a perdu contre le
ciseau d’Antero Henrique. Résultat, le crack de
la génération 1987 a encore une belle saison
à meubler devant lui. Friand de tournage
vidéo pour alimenter sa page Facebook mais
conscient que son acting est moins efficace
que ses petits ponts, Hatem passe derrière
la caméra et décide, sans l’accord du Paris
Saint-Germain, de tourner un deuxième opus
du Substitute de Dhorasoo. Équipé de sa
caméra façon Antoine de Maximy dans J’irai
dormir chez vous, Hatem arrive à se faire
inviter chez Nasser, où il découvre que Jesé
et Krychowiak ont été recrutés sur de fausses
VHS et que Patrick Kluivert aurait quitté le
navire après qu’un corbeau ait menacé de
dévoiler une vidéo d’un rendez-vous entre
l’ex-directeur sportif du club et la femme d’un
joueur dans le parking du Parc des Princes.
En plein montage, Hatem reçoit un coup
de fil de Fabien Onteniente qui lui propose
de produire son film et de le rebaptiser
4 zéros. Hatem accepte et quitte la capitale
en champion. De son côté, le PSG espère qu’il
n’y aura pas de nouvel opus appelé 6-1.
L’équipe à suivre
pour pouvoir se la
raconter en 2020
Il y avait Manau et la tribu de Dana. Il y a la Meinau et
les tribunes de fadas. Alors qu’une certaine France du
foot regrettait la non-accession du RC Lens en ligue 1, les
Strasbourgeois et leurs 15 000 abonnements annuels rappellent
à tout le monde qu’on peut sauter avec une choucroute et
une flammekueche dans le bide. Auteur d’un début de saison
convaincant, avec des joueurs du cru, des tauliers et quelques
bons coups comme Jonas Martin, le Racing est prêt à se
réinstaller dans l’élite de manière durable. Il ne faudra donc
pas se plaindre d’avoir loupé le wagon quand ils seront sur le
podium dans cinq ans. Merci Marc Keller.
Chiffre
11.
Non, il ne s’agit pas du numéro
floqué au dos de Neymar, mais bien
du nombre de clubs par lesquels
Gaël Kakuta est passé au cours de sa
carrière professionnelle, le tout à seulement 26 ans.
Promesse de Chelsea formée au RC Lens, Kakuta
signe son premier contrat pro avec les Blues sans
être encore majeur. Blessé gravement à la cheville
un mois seulement après ses débuts en pro à 17 ans,
Kakuta va enchaîner galère sur galère, prêt sur prêt
(Fulham, Bolton, Dijon, Vitesse Arnhem, Lazio),
avant qu’une année convaincante au Rayo Vallecano
incite le FC Séville à acheter l’éternel espoir français.
Une nouvelle blessure plus tard, Kakuta part pour
l’Hebei China Fortune, qui le prête de nouveau à
La Corogne à l’intersaison 2016-2017, pour finalement
débarquer cet été… au Amiens SC. Au même âge,
Xavier Gravelaine avait joué dans sept clubs. Il a fini
sa carrière en ayant porté dix-sept maillots différents.
Record en vue?
Les cotes
pour le titre
by Winamax
PSG: 1,20
Monaco: 6
Marseille: 17
Lyon: 25
Nice: 50
Encore un Hollandais sur la Côte d’Azur.
Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat
42 SO FOOT _GUIDE FRANCE
Avant d’être l’un des héros de l’Euro 2016 et de devenir la tête de
gondole du fameux OM Champions Project, Dimitri Payet a longtemps
été considéré comme un “bon joueur de ligue 1”. Il aura fallu attendre que Marcelo
Bielsa le sorte de sa glacière, puis un exil réussi à West Ham, pour que le
Réunionnais se débride enfin. Entretien taille patron. Par Grégory Letort, à Saint-Paul
(La Réunion) / Photos: Romain Philippon, PA Images/Iconsport, Iconsport et Afp/Dppi
“ÊTRE CON,
JE SAIS FAIRE”
“En arrivant en
métropole, je me
suis senti tout petit
sur une grande
terre. Il y avait du
monde partout.
J’avançais dans
l’inconnu…
J’étais à l’étranger,
clairement”
CCet été, tu as démarré tes vacances en
organisant un match de gala à La Réunion.
Comment est né ce projet? En fait, l’idée
existait déjà par le passé. Il s’agissait de
rassembler ceux que l’on appelle ici ‘les
Créopolitains’ –qui sont les Réunionnais qui évoluent
ailleurs, principalement en métropole– et de les mettre
face à la sélection locale de La Réunion. La dernière
fois, c’était il y a quatre ans et depuis, ça s’était arrêté.
Mais c’est quelque chose qu’on appréciait, nous les
joueurs. J’ai voulu remettre ça au goût du jour et le faire
à ma façon. Le but, aussi bien pour la sélection de l’île
que pour les Réunionnais, c’est de nous réunir dans
une ambiance festive et de profiter du moment. Je suis
quelqu’un du sud de l’île et j’ai voulu, pour la première
édition, organiser ça au stade Michel-Volnay de Saint-
Pierre. Pour moi, c’était symbolique. C’est le point de
départ de ma carrière.
C’est effectivement dans ce stade que Le Havre t’a repéré.
Quel souvenir gardes-tu de ton départ pour la Normandie?
J’avais 12 ans. J’avais envie d’y aller. Je me souviens
que ma mère n’était pas très chaude à cette idée. Mais
pour moi c’était vraiment le début de quelque chose,
c’était la première fois que j’allais vivre en métropole.
Ça reste un moment important de ma vie. À l’époque,
quand je monte dans l’avion, je me dis que je vais tout
faire pour devenir professionnel.
La métropole, ça représentait quoi pour toi? C’était
vague, un continent inexploré. Je ne savais pas à quoi
m’attendre. Le premier truc marquant, déjà, c’est le
changement de température. Mais surtout, je pars seul,
mes parents ne sont venus qu’après. Je me sentais
tout petit sur une grande terre. Il y avait du monde
partout. J’avançais dans l’inconnu. J’étais à l’étranger,
clairement. Moi je viens d’une île, tout le monde se
connaît, il fait beau, on est tranquille. Au Havre, je suis
rentré dans un autre univers… Les deux premières
années se déroulent sans problème. Après, je suis
rattrapé par mon adolescence. J’ai 15 ou 16 ans, ça fait
plus de deux ans que je suis parti de la maison, mon
pays me manque, la cuisine réunionnaise me manque,
et derrière, ça ne suit plus. Je ne dirais pas que j’ai été
pris dans un engrenage mais ce qui est sûr c’est que je
n’ai pas tout fait pour que Le Havre me garde. Quand
j’ai été viré du club et que je suis revenu à La Réunion,
je me suis dit “je vais jouer ici, je ne veux plus entendre
parler du foot en métropole”. Ça a duré un temps. Mais
c’est revenu vite. Très vite.
Les Réunionnais aiment le foot, mais paradoxalement, ils
sont peu nombreux à percer en métropole… Je pense que
c’est parce qu’on a du retard sur la Guadeloupe et la
Martinique dans la préparation et la découverte du haut
niveau. Je travaille sur cette question avec mon agent
et ami d’enfance: on essaie de prendre en charge les
La fameuse papayet
qui se ramasse à la foufourche.
44 SO FOOT _GUIDE FRANCE
“À La Réunion,
on ne peut pas nier
ce problème, on a
des requins. Quand
je prends l’avion
pour venir ici,
à l’atterrissage,
j’entends
carrément le pilote
mettre en garde
les touristes contre
les risques.
Le danger existe”
Strass et Payet.
Réunionnais en métropole pour les aider à rentrer plus
facilement dans ce monde professionnel. Quand je suis
parti, je ne savais pas grand-chose, maintenant que j’ai
dix ans de carrière, je peux aider, conseiller. J’aimerais
que dans les années à venir, il y ait un maximum de
Réunionnais au plus hau t niveau.
Le problème des Réunionnais n’est-il pas leur attachement
absolu à leur île? C’est un problème, mais c’est un beau
problème. On est vraiment attachés à notre terre et ça
nous joue des tours parfois quand on est loin. Mais ce
lien, c’est quelque chose qu’il faut garder.
Tu as été nommé ambassadeur de l’île. Comment vis-tu
ce rôle? À la cool. Le mot ambassadeur est pour moi
un peu fort. Essayer de mettre La Réunion en valeur,
je le faisais déjà avant, donc ça n’a pas changé grandchose.
Je fais un peu de représentation, je fais passer
des messages. Par exemple, en marge de mon match de
gala, j’ai fait découvrir des facettes de l’île aux joueurs
venus à cette occasion: Brice Samba, Max Lopez, Bilal
Boutobba… L’idée, c’est qu’ils en parlent autour d’eux.
La Réunion est vite présentée comme le petit caillou
tout en bas mais les gens ne savent pas toujours ce qu’il
y a dessus: un cadre magnifique, le volcan, la mer, la
montagne.
Le problème, c’est que ce caillou, on le résume souvent
à ses paysages et à ses attaques de requin… J’essaie
de faire contrepoids autant que je peux. Après on ne
peut pas nier ce problème, on a des requins. Quand je
prends l’avion pour venir ici, à l’atterrissage, j’entends
carrément le pilote mettre en garde les touristes
contre les risques. Le danger existe… Bon, il ne faut pas
s’arrêter à ça non plus. On a ce souci mais on essaie
de le régler. Et puis, il y a le lagon qui est sans risque.
On a le volcan, aussi. Bref, beaucoup d’atouts qui font
que cette île est très particulière. Pour ceux qui ne
connaissent pas, c’est aussi une terre de métissage.
Rien que le nom, La Réunion… Sur cette île, il y a un
melting-pot incroyable: des populations originaires
des Comores, de Madagascar, de Maurice, des
chrétiens, des musulmans. Et je trouve qu’on se
mélange plutôt bien. Par les temps qui courent,
c’est important de mettre ça en valeur.
Ce qu’il s’est passé en Guyane pourrait
arriver à La Réunion à ton avis? Nous
aussi on a eu des problèmes
divers et variés. Après, ce
qui peut se passer dans
les Dom-Tom, c’est
la conséquence de
problèmes de société
qui sont au fond
les mêmes qu’en
métropole, mais où
tout est moins médiatisé.
Quand il y a un problème
sur une île, quand on bloque
quelque chose, ça se voit vite.
Forcément, on n’a pas les mêmes
infrastructures qu’en métropole...
Après le centre de formation du
Havre, tu es revenu sur tes terres
pour jouer avec l’AS Excelsior, un
club basé à Saint-Joseph. Qu’est-ce que tu apprends en
championnat régional que tu n’apprends pas dans une
académie? C’est plus formateur qu’on ne le croit. En
jouant très jeune avec les seniors, on assimile très
vite des choses qu’on n’aurait apprises qu’une fois
parvenu au niveau professionnel avec un parcours
classique. Cette saison-là m’a aidé à devenir un petit
bonhomme puis un homme. Je m’en suis servi pour
devenir pro. J’avais 15-16 ans, je me suis frotté à des
adultes, des monuments du foot réunionnais. Ça m’a
forgé un caractère. J’ai appris à prendre des coups.
C’est une année qui a compté pour moi. Déjà, il y a
la pression du résultat. Avec l’Excelsior, on jouait le
titre. On a aussi gagné la coupe de La Réunion. Il y
a des ambitions dans le club et tu es mis face à tes
responsabilités. Mais il y a surtout le fait de jouer
contre des hommes. Moi, j’étais encore un gamin et
j’ai dû me mettre dans le bain. J’étais peut-être plus
attendu que les autres. Ça m’a habitué à une forme de
pression avec laquelle j’ai dû composer par la suite…
On te ressort souvent les images de ta carrière de
vendeur de vêtements quand tu étais en stage au centre
de formation de Nantes? Ah oui, ça c’est la base quand
on me voit. “N’oublie pas d’où tu viens, tu vendais des
chemises avant.” Mais ça a compté pour moi, c’est
durant ce stage que je me suis définitivement dit:
“Bouge-toi le cul, Dim’. Ce n’est pas ce que tu veux faire.
Ce que tu veux, c’est être footballeur.”
Justement, tu as mis du temps à te bouger le cul. Tu
étais capable de fulgurance mais tu enchaînais aussi
beaucoup de matchs insipides. Tu as réellement signé
ta saison référence à 28 ans. Comment expliques-tu
cette explosion sur le tard? Je ne me suis pas posé
la question. Je ne suis pas quelqu’un qui ressasse le
passé, qui vit de regrets, ça c’est fait comme ça, c’est
tout. Il n’y a pas eu de déclic particulier. Au fil des
années, mes entraîneurs ont essayé de me maintenir
le plus souvent possible sous pression et de ne pas me
lâcher. Le fait de revenir en équipe de France après
une longue absence a aussi été important. Ça m’a fait
comprendre qu’il fallait être bon tout le temps. C’est
un rythme à intégrer. Je travaille pour. C’est valable
pour tout métier, dans toute situation: quand ça va
bien, on a tendance à en faire un peu moins. Et c’est là
qu’on est en danger.
Tu as longtemps été considéré comme un bon joueur
de ligue 1. Comment expliques-tu que tu sois devenu
un joueur de niveau international? C’est une question
de caractère, vouloir plus. Après, c’est vrai aussi que
mon passage d’un an et demi en Angleterre m’a fait
changer d’univers. Là-bas j’avais même une chanson
à mon nom. C’était exceptionnel à vivre. La Premier
League c’est LE championnat, le fief du football: des
stades incroyables, remplis, des supporters qui sont
toujours là, des pelouses magnifiques quel que soit
l’adversaire. Il y a tout pour s’éclater. Et puis là-bas, à
partir du moment où tu es performant, tous les regards
portés sur toi évoluent. C’est le championnat le plus
difficile au monde: quand on arrive à se faire une place
là-dedans, on est perçu différemment.
À West Ham, tu enchaînais des séquences dignes de
YouTube. Des gestes qu’on t’a moins vu faire en ligue 1
à ton retour… Le charme du jeu anglais, sans dire que
Payet c’est fou.
c’est du houra football, c’est d’être ouvert. Là-bas, la
philosophie c’est jouer pour gagner. Donc qu’on soit
face au premier ou au dernier, le match n’est jamais
gagné: il y a un tel impact physique que ça ne peut
jamais être facile. Après en ligue 1, il faut quand même
garder à l’esprit que je suis arrivé en méforme après
un mois de bras de fer...
Quel souvenir gardes-tu de ta saison sous la direction de
Marcelo Bielsa à l’OM? Ça a été le déclic, c’est là que je
me suis vraiment accompli. J’ai commencé à atteindre
le haut niveau avec Bielsa. Et en plus, je l’ai fait à
Marseille, à l’OM, une ville et un club où il n’est jamais
simple de réussir.
Il a fallu des rencontres avec Bielsa puis Bilic, deux
étrangers, pour que tu passes un cap… C’est vrai. C’est
peut-être ce qu’il me fallait: me confronter à une autre
culture. Est-ce que je suis le seul? Aujourd’hui en
ligue 1, il y a de plus en plus d’entraîneurs étrangers.
C’est recherché même. Disons que j’ai besoin de
sentir de l’affection, de sentir qu’on compte sur moi.
Avec mon départ au Havre puis à Nantes, les liens
avec ma famille ont été coupés assez tôt. Peut-être
que je recherchais ça aussi à travers mes entraîneurs.
Je savais, et je sais encore, que les démonstrations
d’affection, c’est quelque chose qui compte
énormément pour moi. À partir du moment où je
ressens ça, je peux mourir pour eux.
Bilic, il t’a managé comment? Comme un père, justement.
On se parlait tous les jours: il a vite compris comment
je fonctionnais. Ça s’est vu dans mon adaptation qui a
été très rapide. C’est un nerveux. C’est un Croate, hein.
Il peut gueuler. Mais il arrive à bien gérer les hommes.
Et quand il te prend à partie, tu le vis comment? Pas du
tout mal. Je relativise. Et puis je me mets à sa place:
il est entraîneur d’une équipe et l’un de ses joueurs
demande à partir. Ça ne peut pas être évident à vivre.
Forcément, il a dû s’adapter. Mais je ne lui en veux pas.
Tu as avoué un jour que tu savais comment faire chier
les autres et être pénible. Ah oui, ça je sais. Être con, je
sais faire. C’est une de mes spécialités. C’est un petit
jeu. Quand j’ai envie de faire chier mon monde, je le
fais. Mes coachs l’ont compris: quand je fais un peu la
gueule, quand je traîne les pieds, ils me parlent: “Qu’estce
qu’il y a encore, t’es pas content?” C’est une façon
de me faire entendre. Les coachs qui me connaissent
jouent le jeu et finalement, ça se passe très bien.
Ça c’est passé comme ça avec Bielsa? Avec lui, j’ai
vraiment eu la sensation qu’il croyait en moi. À son
arrivée, il m’a montré une vidéo d’un de mes matchs.
Je ne me souviens plus duquel, mais je me rappelle
ce qu’il m’a dit ensuite: “Je veux ce Dimitri-là. Mais
en revanche, je ne le veux pas deux ou trois semaines,
je ne le veux pas deux mois, je le veux tout le temps.”
“Je savais, et je sais
encore, que les
démonstrations
d’affection, c’est
quelque chose qui
compte
énormément pour
moi. À partir du
moment où je
ressens ça, je peux
mourir pour mes
coachs”
46 SO FOOT _GUIDE FRANCE
Dimitri au piquet.
“Je ne suis pas
envieux des Lillois:
je sais ce qui les
attend. Une saison
avec Bielsa, c’est
épuisant, mais ça
vaut le coup”
La fiche
DIMITRI PAYET
Né le 29 mars 1987
à Saint-Pierre, France
1,75 m, 77 kg
Milieu offensif
Clubs: Saint-Joseph (2003-2005),
Nantes (2005-2007), Saint-
Étienne (2007-2011), Lille (2011-
2013), Marseille (2013-2015),
West Ham (2015-2017), Marseille
(depuis 2017)
International français,
35 sélections
Sa faculté à tout analyser, ça explique l’année que j’ai
passée avec lui. Pour s’en rendre compte, il suffit de
s’attarder sur l’équipe que Bielsa a construite cette
saison-là à Marseille. Regardez Mendy ou encore
Lemina. Tous ceux qui sont partis ont soit vraiment
lancé leur carrière ailleurs, soit passé un cap. C’est
indéniable.
Paradoxalement, il génère beaucoup de critiques. En
France, on l’a presque résumé à sa glacière… Bah, c’est
marrant. Moi je trouve ça plutôt cool. Cette habitude
n’existait pas en ligue 1. Ça a contribué à en faire un
personnage. Regardez l’effet que produit son retour
à Lille. Je vais suivre avec attention ce qu’il va faire
là-bas. Bielsa, il fait partie de ceux qui vont amener
plus de spectateurs dans les stades, rendre notre
championnat encore plus attractif. Bon, je ne suis pas
envieux des Lillois: je sais ce qui les attend. Une saison
avec lui, c’est épuisant. Mais quand on vit une année
comme on l’a fait à Marseille, à se retrouver pas loin du
titre, ça vaut le coup.
On a l’impression que Bielsa, c’est un entraîneur qui
pense beaucoup le jeu quand Didier Deschamps serait
davantage dans l’analyse de celui de l’adversaire. Tu
es d’accord avec ça? Oui plutôt. Mais il y a aussi un
adversaire en face et il faut savoir s’adapter à lui.
Bielsa et Deschamps sont deux entraîneurs avec des
approches différentes, mais ça s’explique par le fait que
le coach Deschamps a été joueur de haut niveau.
Tu te rapproches de Deschamps quelques mois avant
l’Euro. Comment ça se passe? C’est venu d’une simple
discussion. Une discussion assez brève. Quand il
me rappelle en mars pour affronter les Pays-Bas et
la Russie, ce qui est alors le dernier rassemblement
avant la compétition, il demande à me parler. C’était
le dernier train… On s’est retrouvés en tête-à-tête. Ça
n’a pas duré longtemps, mais c’était assez complet,
assez fort. Tout est parti de là. Je ne m’étais pas préparé
spécifiquement à cet entretien mais j’imaginais bien,
après une année à ne pas être appelé, qu’il allait
vouloir me parler. Donc j’avais un peu réfléchi à ce que
j’allais pouvoir dire. Bizarrement ça n’a servi à rien: il
a directement mis les pieds dans le plat et abordé les
sujets qu’il fallait. Il y avait de tout: mon état d’esprit,
ce qu’il attendait de moi, ce qu’il allait me demander, ce
que je devais faire et apporter à cette équipe de France.
Je me suis senti à l’aise. C’était ce que j’avais besoin
d’entendre.
À chaque liste où tu ne figurais pas, ce qui
ressortait, c’était ton incompréhension.
Maintenant, avec le recul, tu comprends? Oui,
parce qu’on parle de l’équipe de France: on
est cinquante, soixante joueurs à pouvoir y
prétendre. Quand on regarde aujourd’hui
Didier Deschamps annoncer la liste des
attaquants ou des milieux offensifs, il y a
toujours deux ou trois absents. Et quand
on regarde les noms, on voit que ce sont
des joueurs de grande qualité. Il a le choix,
beaucoup de choix. Il faut se battre pour
avoir sa place. Je l’ai bien intégré. C’est ce
que je fais aujourd’hui. Le mondial 2018,
c’est la dernière étape de mon aventure avec
les Bleus. Si j’arrive à être dans ce wagonlà
et à vivre une première coupe de monde, je vais
mordre dedans. Je sais qu’avec tous ces petits jeunes
qui arrivent et qui sont pétris de talent, au vu de mon
âge, ça sera un objectif difficilement atteignable de
prétendre à l’Euro deux ans plus tard...
Tu es un des derniers rescapés de cette fameuse
génération 1987. Quand tu vois Mbappé, Dembélé ou
Lemar aujourd’hui, qu’est-ce que ça te fait? C’est juste
exceptionnel leur niveau de jeu, leur fraîcheur, ce qu’ils
apportent à cette équipe. C’est pour ça que je sais que
je me dirige vers ma dernière aventure en bleu. Je me
retrouve un peu en eux: Lemar est un Guadeloupéen,
Dembélé est un dribbleur, Mbappé pareil. Le courant
passe très bien. Ils sont respectueux, à l’écoute. Je suis
devenu en très peu de temps un ancien, un vieux, mais
je le vis plutôt bien.
Tu l’as refait dans ta tête cet Euro? Ouais, bien sûr. J’ai
des flashs. Je repense à plein de choses, à cette finale,
à ce but d’Eder, au poteau de Gignac, à plein de trucs.
La dernière fois que j’ai pleuré de bonheur, c’était
à l’Euro, contre la Roumanie. Ce but, je l’ai revu un
paquet de fois. Ça me donne des frissons… Ça a été un
mois qui a changé ma vie, forcément que j’y repense.
Après, ça s’est inscrit dans un cadre général: on a
vécu une aventure exceptionnelle avec notre public.
Mais c’était marrant de voir, “Payet président!” en une
des magazines. Quand on m’a envoyé la photo de la
couverture, je ne me doutais pas que c’était sérieux: je
pensais que c’était un montage fabriqué sur Twitter.
Puis, quand j’ai vu le magazine, je me suis dit “ah ouais,
quand même, c’est assez fou”. Surtout, pendant cet Euro,
les gens ont pu avoir une autre perception de moi. On a
découvert l’homme, pas seulement le joueur.
Que ce soit Eder qui marque, ça fait encore plus mal? Lui
ou un autre... Le résultat, c’est qu’on a perdu. Eder, c’est
pas un mec qui écrase l’Europe mais il a fait gagner
son équipe à l’Euro. C’est comme ça, je respecte. Il faut
aussi dire bravo au Portugal. Ils ont fait ce qu’il fallait,
ils ont gagné les matchs qu’il fallait. Si on regarde bien,
s’il n’y a pas cette formule avec les meilleurs troisièmes,
ils sont éliminés en poules. Ils reviennent quand même
de là. Il faut aussi féliciter leur parcours.
Quand tu quittes West Ham pour Marseille, tu dis “on
rentre à la maison”. Pourquoi Marseille est plus “la
maison” que Nantes, Saint-Étienne ou Lille? Parce que
ce que j’ai vécu à Marseille en deux ans, ça a été assez
fort. Je me suis attaché à ce club, à ces
supporters, à ce stade… J’ai quitté l’OM
sur un goût d’inachevé. Le fait d’avoir
joué à Marseille lors de l’Euro a fait
remonter tout ça. Et puis j’ai vu que les
supporters restaient derrière moi malgré
mon changement de club. Je m’étais dit
en partant que je reviendrai un jour jouer
à l’OM. Je ne pensais pas que cela se
ferait aussi rapidement, mais j’avais cette
idée dans un coin de ma tête. À la base,
quitter l’OM n’était pas dans mon plan
de carrière. On ne me force jamais à rien,
mais ce départ pour West Ham, il tient
à mon amour pour Marseille. Je savais
qu’il y avait un passage devant la DNCG
et que les joueurs les plus chers seraient
vendus avant cette date sinon le club ne
serait pas dans les clous. Je savais qu’il
fallait aussi rendre service au club. C’est
pour ça que j’ai accepté de partir. J’aurais
pu dire: “Ben non, je reste là, démerdezvous.”
Quand on aime l’OM, on ne peut
pas envisager de laisser ce club dans la
merde.
Dix huit mois plus tard, pourquoi décides-tu
d’aller au bras de fer avec West Ham pour
revenir à l’OM? Il y a eu plusieurs raisons
mais la première était sportive: les
objectifs de West Ham n’étaient plus les
mêmes que la saison précédente et je me
suis senti en danger sur mon football et
pour ma place en sélection. Il y avait un
choix à faire. A mon retour, je retrouve
un OM changé sur tous les plans. J’ai
l’impression que ça n’est plus le même
club. Ça n’est plus la même gestion.
Bien évidemment, il y a eu un nouveau
propriétaire, mais il y a surtout d’autres
méthodes qui ressemblent plus à un
grand club.
Tu as rencontré Frank McCourt avant de
signer? Non, le président Eyraud m’a
montré ses discours mais je ne l’ai jamais
rencontré avant ma signature. J’ai vu
des messages qui m’étaient destinés
personnellement. Avec le discours du
président Eyraud, la présence du coach
Garcia et le sentiment de savoir où je
mettais les pieds, je n’avais pas besoin de
ça non plus pour m’engager.
Quand tu signes, l’OM ne paraît pourtant pas en mesure
de lutter contre Paris, Monaco ou même Lyon… Oui mais
moi, c’est le projet qui m’intéresse. Je veux contribuer à
faire un grand Marseille. C’est toujours plus intéressant
d’être au début d’une histoire que d’arriver en cours. Je
ne me suis pas posé de questions. Connaissant Garcia,
je savais que s’il prenait une équipe, c’était pour gagner.
Je n’étais pas spécialement inquiet. S’il a pris cette
équipe, c’est qu’il avait eu des garanties.
En mars dernier, quand il y a cette déroute au Vélodrome
contre Paris, tu le vis comment? J’étais très déçu,
évidemment. C’est toujours difficile de perdre un
clasico. Surtout à domicile. Surtout sur un tel score.
Mais on apprend. On a un groupe assez jeune. Ça nous
a fait mal. Mais à partir de ce match, on n’a plus perdu
en ligue 1. Derrière, au-delà des paroles du coach, il y
a une prise de conscience du vestiaire. Gueuler après
un 5-1, je ne pense pas que ça ait de l’effet. Bien sûr
qu’il faut analyser le match: pourquoi? Comment? Mais
gueuler sur un mec qui a perdu 5-1? S’il n’est pas fou, il
est déjà en train de se remettre en questions en rentrant
chez lui. Et deux-trois jours après, il va encore se dire
“merde on a pris 5-1”… Je crois qu’on est sortis plus
grands de ce match-là.
Swipe à droite.
“Eder, c’est pas un
mec qui écrase
l’Europe mais il a
fait gagner son
équipe à l’Euro.
C’est comme ça, je
respecte”
48 SO FOOT _GUIDE FRANCE
Dimitri pose son like.
“J’ai dit à Évra,
‘tu pètes les plombs’.
Il y a encore
quelques mois, il
nous disait, ‘arrêtez
avec vos conneries
d’Instagram’.
Aujourd’hui, c’est
lui qui s’affiche sur
la toile…”
À ton retour, tu as retrouvé Thauvin et cette fois, ça a
fonctionné. Tu as eu une phrase assez drôle à ce sujet:
“On est moins cons qu’avant.” C’est-à-dire? Ça résume
bien l’histoire. On a deux ans de plus qu’à la première
époque. Maintenant, on est proches, on se parle, on se
voit. J’ai gagné en maturité, lui aussi, d’où le “on est un
peu moins cons”. On s’est rendu compte qu’en jouant
ensemble, on gagnerait plus qu’à se faire la guerre.
C’est des trucs cons mais c’est ça. Avant, on avait déjà
notre caractère, il y avait aussi des non-dits mais on a
su se poser les bonnes questions pour tout remettre
à plat. En jouant ensemble, on a vu qu’on se rendait
service mutuellement.
Tu as aussi retrouvé Patrice Évra… Exactement, j’ai
retrouvé Tonton après un Euro passé dans son couloir.
Avec plaisir, puisque sa venue a crédibilisé le projet.
Quand il appelle Dugarry “Duarig”, on se dit que ce n’est
pas forcément le cas… Ça ne me choque pas plus que
ça. Il a une façon particulière de s’exprimer. Mais
c’est quelqu’un qui assume ce qu’il dit et ce qu’il fait.
Ses sorties, c’est propre à lui. Nous, on en rigole plus
qu’autre chose. Il faut être au quotidien avec lui pour le
comprendre. Si on le voit juste avec un regard extérieur,
on aura tendance à poser un mauvais jugement sur le
personnage. Je peux vous assurer que quand on le voit
tous les jours, on sait pourquoi il a fait cinq finales de
ligue des champions, pourquoi il a gagné X titres avec
Manchester, pourquoi Ferguson en a fait son capitaine.
C’est un mec avec qui tu peux partir à la guerre. Même
si tu n’as pas envie, tu finis par y aller à mains nues.
Quand je suis arrivé à l’OM, il est venu me parler. À
l’Euro, pareil, il était sur mon dos. C’est aussi avec lui
que j’ai eu une discussion à mon retour en sélection.
Quand je suis revenu, c’était Tonton l’arrière gauche
et il m’a dit: “Dim’, arrête tes conneries. Ce que tu
fais à West Ham, ça c’est Dim’. Mais ce que tu fais en
sélection, ça n’est pas toi. Donc arrête de m’emmerder
à venir sur la pointe des pieds et fais la même chose
tout simplement, ça se passera bien.” Ça a duré quinze
secondes mais j’ai gardé les mots en mémoire.
Tu lui parles de ses vidéos sur Instagram? Je lui ai dit,
“tu pètes les plombs”. Il y a quelques mois, il nous
disait encore,“arrêtez avec vos conneries d’Instagram”.
Aujourd’hui, c’est lui qui s’affiche sur la toile, c’est assez
marrant. Il ne nous les montre pas avant publication,
on les découvre comme tout le monde. Après, le
lendemain, on les décrypte.
Pour rester sur les dingues, à La Réunion, il y a une course
assez folle: une traversée de l’île sur 170 kilomètres. C’est
un défi qui te tenterait? J’y ai pensé, j’y pense. Après, ça
ne s’appelle pas La diagonale des fous pour rien. On
verra. Pour l’instant, je ne me sens pas prêt, mais ça
n’est pas un truc que j’exclus de faire à l’avenir. • PROPOS
RECUEILLIS PAR GL
50 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE
Espagne
On a souvent résumé la Liga à un championnat à deux vitesses. Cette année, il risque
de passer à trois vitesses tant le Real semble au-dessus du lot sur ce qu’il a montré
en août, alors même que le Barça sort d’un été meurtrier et que l’Atlético n’a pas pu
se renforcer comme il le voulait. Reste à savoir qui finira quatrième… Par Antoine
Donnarieix / Photos: Panoramic et Iconsport
Protège-tibias skin: la sensation de ne rien porter.
Madrid tout
puissant,
Barcelone un
peu moins
ANALYSE Un coup de tour Eiffel sur le crâne. Voilà ce que le
FC Barcelone a ressenti au moment où Neymar da Silva Sr., père de,
est venu remettre à la direction blaugrana un chèque de 222 millions
d’euros de la part de Qatar Sports Investments. Choqué par la décision
de son diamant brésilien de quitter le navire, le Barça va tousser un
moment avant de se remettre de cette absence dans son onze de départ.
Surtout qu’avec les 220 millions, le Barça s’est mis dans la peau d’un
smicard longue durée devenu soudainement vainqueur à l’Euromillions,
en balançant son pognon et en n’en faisant qu’à sa tête. Premier achat
impulsif: le bourrin Paulinho –devenu l’objet de la première plus-value
de l’histoire du championnat chinois–, alors même que l’historique Xavi
soufflait le nom du Niçois Seri dans les médias depuis des semaines. Pas
très toque friendly, comme politique. L’autre problème, quand on a plein
d’argent, c’est que tout le monde le sait. Et dans de tels cas, la montre joue
rarement en faveur de l’acheteur en demande urgente de renforts, surtout
lorsqu’il a affaire à des clubs qui ne sont pas vendeurs, et donc disposés
à le faire cracher un max. Alors, pour forcer les transferts de Dembélé et
Coutinho, le Barça a poussé ses targets estivales à instaurer le bras de fer
avec leurs employeurs respectifs. Une stratégie mesquine déjà utilisée
en juillet avec Verratti. En vain. Et si cet été, le “Més que un club” avait
en réalité perdu bien plus qu’un joueur? Le terrain, c’est une chose, mais
c’est en réalité au niveau de son image que l’institution Barça s’est salie,
au moment même où la position du très décrié Josep Maria Bartomeu
à sa tête se fragilise de jour en jour. Que va devenir le club que l’on a
cité comme référence, même lors des années sans titre, pendant près de
dix ans? En vérité, et ce n’est pas très bon signe, l’été 2017 blaugrana a
dangereusement rappelé celui de
2000, lorsque Luis Figo avait lui
aussi tourné le dos au Més pour
devenir le premier Galactique
de l’ère Pérez, marquant le début
d’une longue traversée du désert
sportive et d’une période de
mauvaises dépenses (transferts
à la va-vite de Petit, Overmars,
puis Christanval et Rochemback
l’année suivante) en Catalogne.
L’été blaugrana
rappelle
dangereusement
celui de 2000, lorsque
Luis Figo a quitté
le Mes pour le Real
En forçant un peu le trait, on
pourrait dire que le Barça a réussi l’exploit de faire un mercato plus
laborieux que l’Atlético, pourtant interdit de recrutement. Les Matelassiers
ont réussi à conserver toutes leurs forces vives, en s’épargnant en plus des
feuilletons avec leurs joueurs les plus courtisés, la rumeur Griezmann à
MU, par exemple, ayant rapidement été étouffée. À croire que la solidarité
dans la souffrance ne s’applique pas que sur le terrain chez le champion
d’Espagne 2014. À moins que ce ne soit la perspective de fouler la pelouse
toute fraîche du Wanda Metropolitano, le nouveau stade des Colchoneros.
Mieux, l’Atlético a trouvé un moyen de contourner les sanctions à son
encontre: l’ex-Sévillan Vitolo, futur joueur de l’Atléti, jouera ainsi les quatre
premiers mois de la saison à Las Palmas avant de rejoindre la capitale
en janvier 2018. Une filouterie signée le “Cholo” Simeone. Si ça devrait
suffire pour rester compétitif, pas sûr que ça permette à l’autre club de
Madrid de lutter avec son voisin sur trente-huit journées, tant le Real a
fait forte impression en cette présaison. Depuis sa désignation à la tête
de l’équipe il y a dix-neuf mois, Zidane a empoché sept titres majeurs sur
neuf possibles avec les Merengues. Championne d’Espagne et double
championne d’Europe en titre, la Maison Blanche tient en Zinédine Zidane
son cavalier qui surgit hors de la nuit, son héros presque invincible. Tenu
en haute estime par le vestiaire, c’est lui le Galactique désormais, alors que
sportivement, le Real se “bayernise” peu à peu, en arrêtant le recrutement
bling-bling mais en doublant les postes avec les meilleurs jeunes du pays
(Isco, Asensio, Vazquez). De quoi laisser augurer une dynastie de cinq
titres d’affilée? •
52 SO FOOT _ GUIDE ESPAGNE
‘J’aurais dû les prendre
une taille au-dessus.”
Le manuel du troll
Depuis que les Anglais se sont mis à faire n’importe quoi,
la Liga serait devenue le meilleur championnat du monde.
“Il n’y a qu’à voir les résultats en coupe d’Europe”, clament
les amoureux d’un foot qui ressemble à du hand, mais sans
l’intensité. La coupe d’Europe? Bah oui, forcément. Mais
de quel championnat viennent les Modric, Bale, Cristiano
Ronaldo, Suarez et Mascherano, exactement? Indice: d’un
championnat où il est mal vu de simuler, où l’on n’insulte
pas les mères des joueurs qui tirent des corners, où les
pelouses n’ont pas de psoriasis et où l’arbitre n’est pas le seul
décisionnaire du résultat final.
Le club à suivre
pour se la péter
en 2020
Avancer que Marco Asensio sera Ballon d’or d’ici cinq ans,
c’est prendre un risque trop modéré pour passer pour un
visionnaire, et ce même si vous êtes le seul à avoir vu en
direct les trois buts plantés par le petit génie des Baléares
face à la Macédoine lors de l’Euro U21 en Pologne en
juin dernier. Entre-temps, ses lucarnes face au Barça en
Supercoupe d’Espagne ont fait trop d’audience. Misez plutôt
sur un cheval que personne ne voit venir. “Oui mais lequel?”
Le Betis, bien sûr! L’autre club de Séville, qui est en fait le
club de Séville, a tout pour plaire: il a une histoire, il défend
les couleurs d’une ville cool, n’est pas trop mainstream
depuis que son voisin lui a piqué la vedette, et son vrai nom
sonne incroyablement bien: Real Betis Balompié. Le foot
étant par essence cyclique, la période dorée du FC va bientôt
se terminer –Sampaoli l’a d’ailleurs senti–, ce qui veut dire
que son voisin va à son tour entamer un âge vertueux. Pour
les fans de vintage, notez que l’immense Joaquin, 36 ans, est
toujours là. Et lui ne se fringue pas en Joma.
Asensio fulgurant.
Le chiffre
1335.
En
partenariat sportif officieux entre le promu
kilomètres, la
distance à vol d’oiseau
qui sépare Gérone
de Manchester, deux
villes jumelées via un
en Liga et les Citizens. Voilà plusieurs
années que les Blanquivermells sont
devenus ni plus ni moins qu’une filiale de
Manchester City. En août 2015, Chidiebere
Nwakali, Ruben Sobrino et Florian Lejeune
avaient été prêtés au Girona FC. Pablo
Mari et Maffeo ont suivi un an plus tard.
Cette année, c’est le défenseur belge Jason
Denayer qui a été envoyé s’aguerrir en
Catalogne. L’origine de ce deal tacite?
Plombé par une dette colossale, Gérone
est racheté en 2015 par Media Base Sports.
L’un des deux proprios de cette boîte se
nomme Pere Guardiola, et n’est autre que
le frère de Pep.
Le fait divers
de la saison
Dans la famille de l’ancien footballeur Jean-François Hernandez, je
demande les deux fils: Lucas et Theo. Le premier, joueur de l’Atlético
Madrid, a été condamné en janvier dernier à trente et un jours de
travaux d’intérêt général pour des faits de violence domestique. Sa
compagne, Amelia Llorente, qui a fini à l’hôpital pour des blessures,
a écopé de la même peine pour avoir attaqué son compagnon en
premier et vandalisé sa voiture… Mais alors que le juge a prononcé
une interdiction de s’approcher et de communiquer, la presse
espagnole a fait savoir cet été que les deux amants se sont mariés
en juin à… Las Vegas. Tombé pendant ses vacances à L’Escala sur ce
mauvais remake de la romance entre Nabilla et Thomas Vergara, un
casteur de la chaîne W9 contacte Amelia et lui propose d’intégrer
à l’automne 2017 le casting de la prochaine saison de Moundir et
les apprentis aventuriers. Bien lui en prend puisqu’elle remporte
l’émission et noue des contacts avec l’ancien candidat de Koh-Lanta.
Un peu trop rapprochés au goût de Lucas, qui découvre le pot aux
roses lors de la diffusion de l’émission, découpe les talons des
Louboutin d’Amelia pour se venger et part vivre chez son frère cadet,
Theo. Qui a lui aussi vécu un été délicat, en dépit d’un transfert vers
le Real Madrid. Début juin, le latéral gauche a été visé par une plainte
pour agression sexuelle déposée par une jeune femme à Marbella,
alors même qu’il n’aurait pas dû se trouver en Andalousie mais à
Rambouillet avec les espoirs français. Sa saison 2017-2018 est toute
tracée: embrouille avec Luca Zidane à l’entraînement, après que
celui-ci l’a tagué en légende d’un tuto de jonglages sur Snapchat. En
réponse, le clan Hernandez, torse nu, clashe la famille Zidane sur
YouTube et lui donne rendez-vous “à moitié route”.
La tendance
mercato
On ne sait pas si c’est la politique environnementale
du pays –contraint de doubler son volume de
recyclage d’ici 2020 pour éviter des sanctions de l’UE–
qui a inspiré les clubs de Liga, mais toujours est-il
que niveau recrutement, la tendance est à la récup.
Une bonne tripotée des signatures en provenance de
l’étranger enregistrées par les clubs espagnols cet été
est en fait constituée de simples retours au pays de
joueurs ayant déjà plus ou moins fait leurs preuves en
Espagne. Et ça ne concerne pas que des locaux. Ainsi,
Gabriel Paulista (Valence), Carlos Bacca (Villarreal),
ou Éver Banega (FC Séville) sont revenus dans le
championnat qui les a révélés en Europe, imitant du
même coup les natifs Deulofeu (FC Barcelone), Javi
Garcia (Betis) et Nolito (FC Séville). Évidemment,
Jesus Navas ne pouvait pas passer à côté de l’occasion
de se rapprocher de sa mère. Le voilà revenu de son
exil à Manchester, prêt à entamer sa onzième saison
avec Séville. Le réalisateur Étienne Chatiliez peut
enfin s’attaquer à la suite de Tanguy.
Jesus salue ses disciples.
Les cotes
pour le titre
by Winamax
Real Madrid: 1,80
Barcelone: 1,86
Atletico Madrid: 28
FC Séville: 120
Bilbao: 250
Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat
54 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE
On l’appelle “la fourmi”. Disciple de Cruyff, ami
de Guardiola et passionné de photographie,
Ernesto Valverde est considéré comme l’un des entraîneurs
les plus talentueux de la Liga. Portrait du pompier censé
éteindre l’incendie provoqué par ce pyromane de Neymar.
Par Léo Ruiz et Aquiles Furlone / Photos: DR, Iconsport et Panoramic
EL’écrivain Bernardo Atxaga préfère prévenir
tout de suite: “C’est un pur hasard. Un
paradoxe, même, que je sois l’ami de
deux des entraîneurs les plus importants
d’Espagne.” Le premier, Julen Lopetegui,
sélectionneur de la Roja depuis l’année
dernière, est originaire comme lui d’Asteasu, un petit
village basque de 1500 habitants. Quant au nouvel
entraîneur du Barça, Ernesto Valverde, il en est
proche depuis plus de vingt-cinq ans. “Je l’ai connu
par l’intermédiaire de son frère Mikel, un illustrateur
avec qui j’ai fait plusieurs livres pour enfants”,
explique-t-il. À l’époque, Atxaga et Mikel Valverde
ont leurs habitudes au Latino, un petit restaurant
de Vitoria. “Nos familles s’étaient installées dans
le même quartier de la ville. Un jour, Mikel s’est
pointé avec Ernesto. J’ai alors demandé: ‘Et ce frère,
qu’est-ce qu’il fait dans la vie?’ En fait, il jouait déjà
à l’Espanyol Barcelone. C’est dire à quel point je
suivais le foot…” Si l’écrivain basque le plus traduit
au monde ne savait rien de l’amour du nouveau
coach blaugrana pour le ballon rond, c’est aussi parce
que chez les Valverde, arrivés dans le Pays basque
en provenance de l’Estrémadure six mois après la
naissance d’Ernesto, le foot n’a jamais été le centre
d’intérêt numéro un. “J’ai su plus tard que Mikel
56 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE
2015. Bilbao fête la Supercoupe d’Espagne.
“Concentre-toi sur
le football, parce
que ce n’est pas
avec un appareil
photo que tu vas
gagner ta vie”
Javier Clemente à Valverde
était lui aussi très doué, mais le dessin et la peinture
l’intéressaient d’avantage, poursuit Atxaga. Encore
aujourd’hui, dans notre bande, il y a des chanteurs, des
musiciens, des écrivains. À Vitoria, Ernesto a toujours
baigné dans le monde de la culture.” Pour remettre de
l’ordre dans la maison, le Barça serait-il allé débusquer
un intello? “Non”, répondent catégoriquement tout ceux
qui le connaissent. “C’est une étiquette que lui collent
les médias espagnols depuis toujours, s’agace Moises
Hurtado, son ancien joueur à l’Espanyol. Tout ça parce
qu’il aime lire et faire des photos.” Fan d’expositions
en tout genre, notamment celles qui concernent les
photographes William Klein, Henri Cartier-Bresson
ou Daido Moriyama, Ernesto Valverde se garde bien
d’étaler son attrait pour la culture en public, par peur
d’être enfermé dans la même case que son pote et
ancien coéquipier Guardiola. “Pep, c’est vrai, aime le
théâtre et la littérature, mais qu’y a-t-il d’exceptionnel
à apprécier ce genre de choses? Aujourd’hui, certains
croient qu’il passe ses journées à offrir des livres à son
équipe… C’est faux, évidemment, mais quand je vois
tous ces raccourcis qui sont faits, ça me fait peur. Je n’ai
pas envie que tout le monde pense que je me promène
au quotidien avec un appareil photo... Pep est une
personne normale, comme moi, comme tout le monde…
Heureusement qu’il y a des coachs qui vont au ciné, qui
aiment la cuisine ou qui s’intéressent à la géographie
ou à l’histoire de l’art: ce n’est pas incompatible avec
le football. Ces passions aident même à stabiliser une
personne.” Discret, “Txingurri”, –la Fourmi, en euskeracomme
l’a baptisé Javier Clemente, n’entretient pas
le storytelling sur sa personne. C’est en tout cas ce
qu’il a indiqué le 1 er juin dernier aux journalistes
venus assister à sa première conférence de presse à
Barcelone. “Parfois, on fait croire que j’ai écrit une thèse
sur Cervantès, mais je suis ici pour entraîner une équipe
de football.” Une manière de dire que non, lui, “l’homme
normal”, n’endossera pas le costume du nouveau
philosophe du Barça.
Game of thrones,
des flingues et des pipes
Si Valverde rejette l’étiquette d’intello, il est “doté d’une
évidente sensibilité artistique”, dixit Atxaga. Le
recordman de matchs passés sur le banc de l’Athletic
Bilbao n’est pas non plus tout à fait basque. Son
histoire est celle de ces milliers de familles qui,
sous le franquisme, ont quitté l’Estrémadure, région
historiquement pauvre et ignorée, pour l’étranger,
la Catalogne ou le Pays basque. Lui est né à Viandar
de la Vera, un village de 300 âmes situé à quelques
encablures de Las Hurdes, un patelin isolé du monde,
rendu célèbre par le célèbre documentaire de Luis
Bunuel Terre sans pain. “Le coin a beaucoup changé.
Désormais, on n’arrache plus la tête des poulets
vivants!”, sourit Valverde. Et pour cause, la région,
célèbre pour ses conquistadors et pour le meilleur
jambon du monde, le Pata Negra, est devenue l’eldorado
de la plus grande communauté soufie d’Europe et des
stars du monde hispanique en quête de tranquillité.
Mais aussi un lieu de décor prisé des réalisateurs
de Game of Thrones. “C’est un endroit merveilleux perdu
dans une vallée où la nature est encore bien préservée,
définit-il. Je n’y ai jamais vécu, mais j’ai encore de
la famille là-bas et j’essaye d’y aller le plus souvent
possible.” Une double identité qui lui épargne une autre
étiquette, la basque, et qui l’a mené plus tôt que prévu
vers ce qui deviendra sa troisième maison en Espagne:
Barcelone. “Pour un joueur de Sestao qui se démarque,
comme c’était son cas à ses débuts, le chemin classique
est de rejoindre Bilbao, analyse Atxaga. Mais lui n’était
pas natif du Pays basque et, à l’époque, c’était encore
un problème pour les dirigeants de l’Athletic. C’est ainsi
qu’il s’est retrouvé à l’Espanyol.” Pendant deux saisons,
le petit ailier droit ne fait pas seulement les beaux jours
des Periquitos –une troisième place en Liga et une
finale de coupe de l’UEFA, qui feront de lui la première
recrue du Barça de Cruyff à l’été 1988–, il s’attache aussi
à une ville qu’il découvre à travers son autre passion:
la photo. “Barcelone était déjà plus développée que les
autres grandes villes espagnoles, dit-il. On sentait une
certaine effervescence artistique, un côté avant-gardiste
qui la rendait unique et très attirante.” Quelques
semaines à peine après sa signature à l’Espanyol,
Valverde réussit le concours d’entrée de l’Institut
d’études photographiques de Catalogne (IEFC).
Pendant ses quatre saisons catalanes, les journalistes
prennent l’habitude de le croiser dans la ville ou autour
des hôtels où séjourne son équipe, un appareil photo
à la main. Mais jamais ils ne verront ses photos de
poulpes, de fellation, de supporters ou de l’international
algérien Rafik Djebbour avec une arme, jusqu’à la sortie
de son livre, Medio tiempo, en 2012, préfacé par Atxaga.
“Ernesto n’est pas différent du reste de sa famille: il est
profondément droit, sérieux et intelligent. La photo, il l’a
toujours laissée dans la sphère privée, notamment pour
éviter qu’on dise de lui après une contre-performance
qu’il a la tête ailleurs.”
“Avec son intelligence,
il aurait pu faire ce qu’il voulait”
L’arrivée de Valverde sur le banc du Barça n’était
qu’une question de temps. Par deux fois auparavant
–après la mort de Tito Vilanova puis après l’échec de
Tata Martino–, Zubizarreta, alors directeur sportif des
Blaugranas, avait tenté de faire revenir en Catalogne
celui qui avait fait briller une deuxième fois l’Espanyol
entre 2006 et 2008, avec une nouvelle finale de l’UEFA
en prime. Txingurri, l’actuel directeur sportif de l’OM
le connaît bien: en plus d’avoir partagé avec lui le
vestiaire du Barça pendant deux ans, c’est lui qui l’a
installé pour la première fois sur un banc de touche
de Liga. C’était en 2003, à l’Athletic Bilbao, dont il a
aussi porté le maillot pendant six ans. “Honnêtement,
Valverde entraîneur, c’était loin d’être une évidence,
assure Victor Munoz, son coach lors de sa dernière
saison à Majorque. Il n’avait pas cette vocation. Avec
son intelligence, il aurait pu faire ce qu’il voulait après
sa carrière de joueur. Mais il a vu cette possibilité, et
son ami Zubi l’a mis sur la voie.” À sa manière, Javier
Clemente participe également à la reconversion du
joueur sur le banc: “Un jour, il a vu mes photos et m’a
dit: ‘Concentre-toi sur le football, parce que ce n’est
pas avec un appareil photo que tu vas gagner ta vie.’”
Après onze saisons en Liga, Valverde opte donc pour
une carrière de coach. Un travail qui lui permet de
voir du pays. De le photographier aussi. Un moyen de
“s’évader de l’univers du football, parfois oppressant”.
Une manière, aussi, d’aiguiser un sens de l’observation
qui fait de lui l’un des entraîneurs les plus pointilleux
de Liga. “Ernesto a toujours été très, très attentif sur
“Heureusement
qu’il y a des coachs
qui vont au ciné,
qui aiment la
cuisine ou qui
s’intéressent à la
géographie ou à
l’histoire de l’art: ce
n’est pas
incompatible avec
le football”
Ernesto Valverde
La fiche
ERNESTO VALVERDE
Né le 9 Février 1964
à Viandar de la Vera, Espagne
1,77 m, 76 kg
Ancien attaquant
Clubs (joueur):
Alavès Vitoria (1982-1985),
Sestao Sport (1985-1986),
Espanyol Barcelone (1986-1988),
FC Barcelone (1988-1990),
Athletic Bilbao (1990-1996),
Real Majorque (1996-1997)
Palmarès: Coupe du roi (1989),
coupe des vainqueurs de coupe
(1990)
Clubs (entraîneur): Athletic Bilbao
(2002-2005), Espanyol Barcelone
(2005-2008), Olympiakos (2008-
2009), Villareal (2009-2010),
Olympiakos (2010-2012), Valence
(2012-2013), Athletic Bilbao
(2013-2017), FC Barcelone
(depuis 2017)
Palmarès: Coupe du roi (2006),
supercoupe d’Espagne (2015),
championnat grec (2009,
2011,2012), coupe de Grèce
(2009, 2012)
Ancien international espagnol
1 sélection
58 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE
“J’ai l’impression
que la notion de
plaisir est
indexée au nombre
de passements de
jambe qu’un joueur
peut réaliser dans
un match. Je ne
suis pas contre la
futilité, je suis un
ami de l’efficacité”
Ernesto Valverde
Valverde au Comedy Club.
tout ce qui concerne le football, explique Javier Irureta,
le coach du grand Deportivo La Corogne, qui l’a eu
sous ses ordres en début et en fin de carrière, à Sestao
et à l’Athletic. Les conversations, l’organisation... En
ce sens-là, il se démarquait des autres. C’est sans
doute pour cela qu’il fait aujourd’hui partie de l’élite
des entraîneurs.” L’un des plus prometteurs, déclarait
même Cruyff avant de s’en aller. Une chose est sûre:
Valverde est suffisamment installé et respecté dans le
milieu pour se permettre d’aller systématiquement au
bout de ses contrats –il n’a été viré qu’une seule fois,
à Villarreal– et de refuser régulièrement des offres
importantes, dont celles du Barça, parce qu’il préférait
être chez lui, à Bilbao. Une institution qui n’a rien à
envier aux Blaugranas, selon la Fourmi: “Si le slogan
du Barça est ‘Més que un club’, alors on peut dire
que celui de l’Athletic pourrait être ‘Mucho mas que
un club’.” Malgré ce crime de lèse-majesté, ceux qui
ont porté le maillot blaugrana ne semblent pas tenir
rigueur au successeur de Luis Enrique. Au contraire.
“Ernesto sait parfaitement où il met les pieds, explique
Lobo Carrasco, son ancien coéquipier au Barça. Il est
toujours resté très connecté avec les gens de la maison.
C’est un ami intime de Guardiola, d’Unzué, de Koeman
et d’un paquet d’autres. Et puis surtout, il a toujours été
proche du club dans sa façon de penser le football.”
Didier Domi et la Méditerranée
De Valverde, tous ses anciens joueurs disent la même
chose. Un “excellent manager”, un “homme franc”,
“direct”, “transparent”, “calme”, “équilibré”, “ouvert au
dialogue”. Joseba Etxeberria est sans doute le mieux
placé pour en parler. Il l’a eu comme coéquipier et
entraîneur, avant de devenir l’un de ses assistants à
l’Athletic Bilbao. “Ernesto est quelqu’un de strict, ditil.
Il aime l’ordre, la discipline, le respect des horaires.
Mais c’est aussi quelqu’un de très proche de ceux avec
qui il travaille. Je dirais que sa principale qualité est
celle-là: tout le monde autour de lui sent son soutien
et sa confiance,
mais aussi son
exigence, qui n’est
pas des moindres.”
Cet “homme de
consensus”, qui ne
cède ni à l’euphorie
ni à l’abattement,
capable de redresser
un FC Valence en
piteux état et de
reprendre en main
l’Athletic post-
Bielsa au cours de la
même année (2013),
n’a pas débarqué
à Barcelone dans
l’unique but de jouer
au paratonnerre. S’il
est là, c’est aussi pour
mettre pleinement
à l’œuvre le football
qu’il aime. L’offensif,
évidemment, mis
en pratique avec les
moyens du bord à
Bilbao, mais aussi et
surtout à l’Olympiakos, la seule (double) expérience
hors d’Espagne de cet amoureux de la Méditerranée.
Didier Domi était alors le défenseur central de
Valverde lors de son premier passage en Grèce, en
2008-2009. “C’est un coach qui te regarde droit dans
les yeux. Lors de la présaison en Autriche, il a tout
de suite imposé deux choses. D’abord, l’obligation de
récupérer le ballon en cinq ou six secondes. Aujourd’hui
c’est à la mode, mais à l’époque, c’était la première
fois que j’entendais parler de ça. La deuxième, c’est
d’aller très, très vite vers l’avant. La possession de balle
n’est pas une obsession chez lui. Ce qu’il veut, c’est voir
ses attaquants plonger dans l’espace à la moindre
ouverture.” Une tactique qui porte rapidement ses
fruits. “Lors de la phase de poules d’Europa League, on
met 5-1 à Benfica et 4-0 à l’Hertha Berlin, ce qui n’était
pas rien.” Domi n’a pas non plus oublié le sens du
détail de son ancien coach, spécialiste de la correction
vidéo. “Après un derby où on avait fait beaucoup de
conneries, il nous avait organisé une séance vidéo. Sur
le tableau, il y avait deux colonnes: erreurs évitables et
erreurs non évitables. Il nous a remis tout le match et à
chaque pause, on devait mettre une croix dans une des
colonnes.”
2017, l’odyssée de l’espace
En Grèce, où il est considéré par les fans de
l’Olympiakos comme un dieu supplémentaire,
Valverde était allé chercher deux choses: des titres (il a
remporté les trois championnats qu’il a disputés) et de
la lumière. Au sens propre pour ses photos, mais aussi
pour lui-même. “Le Barça et le Real ont toujours été
des clubs importants, mais aujourd’hui, ce sont Jupiter
et Saturne et le reste des clubs espagnols ne sont que
des astéroïdes, philosophe Atxaga. À Athènes, Ernesto
a découvert Neptune. Depuis, il est prêt pour continuer
son voyage dans l’espace.” Pour ce faire, la Fourmi se
basera sur son triple héritage: celui de Javier Clemente,
qui “a toujours su construire des blocs équipes très
solides et difficiles à battre” . Celui de Johan Cruyff,
bien sûr, qui “a révolutionné la manière d’entraîner en
privilégiant le travail avec le ballon”, mais aussi celui
de Jupp Heynckes, “un fin psychologue, capable de
t’inoculer l’idée que tu es plus fort que l’adversaire”.
Autant de références, différentes les unes des autres,
qui font dire à Etxeberria que Valverde est fin prêt
à piloter un vaisseau comme le Barça. “Avec lui, je
crois que l’équipe sera plus complète tactiquement,
parce qu’il va être capable de développer différentes
formes d’attaque, juge-t-il. En plus, c’est un analyste
méticuleux des coups de pied arrêtés, un des points
faibles du Barça ces dernières années.” Avec le départ
de Neymar, qu’il avait viré d’un entraînement après
que ce dernier se soit écharpé avec le Portugais
Semedo, Valverde a toutefois perdu l’une de ses armes
principales. Mais pas forcément sa préférée. “Pour
moi, le football, c’est atteindre des objectifs, pas faire
des petits ponts. Parfois, j’ai l’impression que la notion
de plaisir est indexée au nombre de passements de
jambe qu’un joueur peut réaliser dans un match. Je ne
suis pas contre la futilité, je suis un ami de l’efficacité.
Le foot, c’est comme la photographie: le but n’est pas
de chercher l’instantané, mais de trouver quelque
chose de durable.” Ne reste plus qu’à appuyer sur le
déclencheur. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR LR ET AF SAUF CEUX
DE VALVERDE, RECUEILLIS PAR JAVIER PRIETO SANTOS
60 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE
Allemagne
La Buli n’est plus le parent pauvre du football européen. Problème: cette excellente
santé financière en fait de plus en plus un championnat à deux vitesses, où le Bayern
écrase ses rivaux –cinq titres de suite depuis 2013– et Dortmund monopolise une
des deux autres marches du podium. Mais Leipzig et son sponsor qui donne des ailes
comptent bien prouver qu’on peut produire le meilleur foot dans des canettes neuves
plutôt que dans de vieux pots. Par Julien Duez, Sophie Serbini et Côme Tessier / Photos: Panoramic,
Imago/Panoramic
Au Stade de la Mousson.
Konrad Laimer, Emil
Forsberg et Naby Keita
du RB Leipzig.
Anciens
et nouveaux
riches
ANALYSE On n’avait pas vu ça depuis bientôt vingt ans en Allemagne.
Pour la première fois depuis la victoire surprise de Kaiserslautern en
1998, un promu s’est installé dans l’élite et, dès sa première saison, s’est
mué en candidat pour le Meisterschale. Certes, le Bayern a sorti ses
gros bras quand il le fallait pour faire plier son adversaire et s’octroyer
confortablement un cinquième titre de suite. Il n’empêche, un nouveau
club ambitieux et culotté a fait son apparition
en Bundesliga. Son nom: le RB Leipzig, pour
RasenBallsport mais aussi et surtout pour Red Bull.
Quand PepsiCo et Heineken se ruinent pour devenir
partenaires officiels de la ligue des champions, le
géant autrichien, lui, va carrément la disputer. Et de
manière plus crédible qu’avec Salzbourg. Un petit club
qui émerge, c’est toujours sympa, mais là, la donne est
différente. Comme la boisson énergisante, l’aventure
du RB Leipzig n’a rien de vraiment rafraîchissante.
Mais elle est au moins un bon indicateur de ce que la
Bundesliga est en train de devenir: une compétition qui
se joue à coups de biffetons. Car si le RB et Hoffenheim,
quatrième et soutenu par le milliardaire Dietmar Hopp,
passent encore pour les vilains canards, ils ne sont
pas si différents des autres. Le Bayern enregistre des
recettes dingues tous les ans et Dortmund devient de
plus en plus gourmand. La Buli est devenue un secteur
à gros rendement financier. Avec ses stades pleins tous
les week-ends, elle bénéficie en outre d’une image de
marque honnête… et rentable. Le mercato a confirmé cette
tendance pour Anthony Alyce, économiste du football: “Le
transfert de James au Bayern est purement économique.
Il vient pour vendre des maillots et assurer la pub du club
à l’étranger.” Cologne, de son côté, a envoyé Anthony
Modeste en Chine, pour capitaliser
“Le transfert de
James au Bayern
est purement
économique. Il
vient pour vendre
des maillots et
assurer la pub du
club à l’étranger”
Anthony Alyce,
économiste du football
sur les 25 buts en championnat d’un
joueur recruté 4,5 millions d’euros il
y a deux ans plutôt que d’essayer de
confirmer une étonnante cinquième
place…
Les faits sont là… En cinq ans, les
revenus télé ont explosé au-delà
de la raison et sont plus proches
que jamais de la Premier League.
À la fin de l’année 2017-2018, les
clubs allemands vont se répartir
un pactole de 1,6 milliard d’euros
–contre 560 millions il y a quatre
ans–, dont 70 % seront redistribués
sur la base des performances des
cinq dernières années. De quoi
renforcer le fossé entre les clubs participant régulièrement
à l’Europe et les clubs plus modestes. Et tant pis si ces
derniers ont une histoire, il vaut mieux avoir un mécène
aujourd’hui. Que peuvent espérer Mayence, Fribourg
et les autres? Au mieux, une place anecdotique pour la
Ligue Europa, pendant que d’autres détournent la règle
du “50+1” –stipulant qu’un club ne peut être détenu à
plus de 50 % par un actionnaire– qui est censée éviter
toute dépendance d’une équipe vis-à-vis d’une seule et
même personne ou entreprise. Pour autant, Anthony
Alyce renvoie d’un revers de main mauvais auspices
et accusations de concurrence déloyale. Selon lui, ce
nouveau modèle allemand peut tenir: “Quand Wolfsburg
a gagné la Bundesliga en 2009, tout le monde s’excitait
sur l’argent de Volkswagen et l’idée d’un VfL qui roule
sur la Buli. On voit où ils en sont aujourd’hui après la
crise subie par la boîte. On ne peut jamais savoir avec les
entreprises. Les clubs qui ne respectent pas la fameuse
règle du 50+1 sont finalement plus fragiles que les autres.
Et puis Hoffenheim n’a pas d’image. Dortmund, oui.” La
leçon allemande est là: il n’y a qu’une seule chose qui ne
s’achète pas, la passion et le public. Le genre de truc à
même de donner des ailes. •
62 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE
Le manuel
du troll
Pour les néo-fans de foot teuton se cherchant
encore une équipe, il y a Leipzig. Pardon,
“Hypezig”, comme l’appellent les startupeurs
et les fans de techno qui voient en la ville d’ex-
Allemagne de l’Est un “nouveau Berlin” et dans
l’Institut für Zukunft le nouveau Berghain. Le
club chaperonné par Red Bull donne à toute
une région sinistrée –la Saxe– l’espoir de revoir
du football de haut niveau. Sauf que pour voir
ce “bol d’air frais” recevoir le Barça ou Arsenal,
il faudra d’abord survivre à la traversée de
l’Eisenbahnstrasse, la rue la plus dangereuse
du pays, où gangs turcs et néonazis s’affrontent
régulièrement. Parce que l’Allemagne de
l’Est, derrière la carte postale romantique des
paysages post-industriels, ça reste toujours une
belle no-go zone, peuplée de chômeurs tellement
déçus du socialisme qu’ils en sont devenus
fascistes. Alors oui, le football authentique
qui fleure bon la RDA existe toujours, au
Lokomotive Leipzig, finaliste de la C2 en 1987 et
au Chemie, deux fois champion de RDA. Mais
tous ces souvenirs, vous pourrez seulement les
entendre de la bouche aigrie de vieux Saxons
alcooliques. Pas de la part de supporters d’un
nouveau club monté par un sponsor qui a mis
vingt ans à se rendre compte que le foot offre
davantage de visibilité que le roller ou les
compétitions de snowboard.
Impressionantes
ces lunettes 3D.
Le joueur à suivre
dès maintenant
pour se la péter
en 2020
Cet été, le Hertha Berlin a fêté ses 125 ans en grande
pompe: match de gala face à Liverpool, expo consacrée
au club dans un musée de la capitale, hommages
rendus par tout le pays… L’autre “Vieille Dame” semble
plus que jamais sur la pente ascendante, sa récente
qualification pour la Ligue Europa (la première en
huit ans) en est la preuve ultime. Un club a besoin de
symboles forts. Or, le chef d’orchestre de cette conquête
du futur n’est autre que l’entraîneur Pal Dardai, aussi
détenteur du plus grand nombre d’apparitions avec
le maillot du club. Et puis, comme chacun le sait, la
réussite sportive passe par la réussite économique.
Alors, pour gagner en visibilité et conquérir les
States, les Berlinois ont engagé cet été un wonderkid
américain: Jonathan Klinsmann, gardien de but et fils
de l’ancien buteur légendaire de la Mannschaft. Né à
Newport Beach d’une mère américaine, il compte déjà
plusieurs capes avec les jeunes de la Team USA. S’il
plonge aussi bien que son père le faisait, il ne devrait
pas avoir de mal à stopper ce penalty de Marco Asensio
en quart de finale de la C1 2020.
Le fils Klinsmann,
en pleine imitation de Mario.
C’est Joshua Kimmich
qui gagne avec la pierre.
Le chiffre
69,95.
Le prix en euros du
maillot le moins cher de la
saison en Bundesliga. En
l’occurrence, celui du SC Fribourg. Cela ne
comprend pas le flocage “Se queda”.
La tendance mercato
Pour le plus grand plaisir d’Arnaud Montebourg, le pays qui a fait
d’Anthony Modeste une légende recrute bleu-blanc-rouge. Mais vu la
balance import-export, on est plus sur de la matière première que sur du
produit fini. Jugez plutôt: Dan-Axel Zagadou, Mickaël Cuisance, Abdou
Diallo, Jean-Kévin Augustin, Amin Harit… Bon, il y a bien Corentin
Tolisso, le Neymar de la Buli. Non pas en termes d’aura, mais de prix, le
plus élevé de l’histoire du championnat. 41,5 millions d’euros. Signe que
malgré l’opulence, les clubs allemands restent prudents.
Le fait divers
de la saison
C’est un secret de Polichinelle: Kevin Grosskreutz essaie coûte que coûte
de revenir à Dortmund, son club, que ni Thomas Tuchel, ni Galatasaray,
ni le VfB Stuttgart ne sont parvenus à chasser de son esprit. Pour ce
faire, le gamin de la Ruhr devra se faire voir depuis la D2, puisqu’il
évolue désormais sous les couleurs de Darmstadt. Après avoir pissé
dans un hôtel, jeté son döner au visage d’un fan de Cologne et entraîné
des jeunes du centre de formation de Stuttgart dans une bagarre après
avoir fait le mur pour sortir en boîte de nuit, Kevin, bientôt trente ans,
s’est fait licencier de Stuttgart et a réussi à convaincre le BvB –bon
prince– de l’autoriser à s’entraîner avec sa réserve pour garder la forme.
Cette année donc, il profite de la publicité de son passage devant le juge
le 26 septembre pour demander devant les caméras du M6 allemand la
mascotte du Borussia, Emma l’abeille, en mariage. Cette dernière accepte,
mais déchante vite lorsqu’une sextape de leur lune de miel fait surface
sur Internet. Le titre: “Très très Grosskreutz!”
Les cotes
pour le titre
by Winamax
Bayern Munich: 1,14
Dortmund: 6,25
Leipzig: 16
Leverkusen: 50
Schalke: 50
Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat
64 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE
Du soccer, on connaissait la crinière rousse d’Alexi Lalas, le syndrome
de la Tourette de Tim Howard ou les clips de rap de Clint Dempsey. Un
peu de swag, beaucoup de bonne volonté, mais un manque cruel de grands talents.
C’était avant Christian Pulisic, 18 ans, milieu offensif du Borussia Dortmund classé
dans la catégorie ados surdoués aux côtés de Kylian Mbappé, Marcus Rashford
ou Ousmane Dembélé. De quoi imposer enfin la classe américaine dans le beautiful
game? Par David Alexander Cassan, à Hershey (États-Unis) / Photos: Picture-Alliance/Dppi, Aubrey Judith et Zuma/Panoramic
Le prix Pulisic
BLe sang-froid devant le but, les changements
de direction et le nom floqué derrière les
omoplates fleurent bon les Balkans, mais
Christian Pulisic est un Américain, un vrai.
Un adolescent américain qui fêtera ses 19 ans
en septembre, et compose depuis quelques années
déjà avec l’exil en Europe. “Il reste parfois debout tard
la nuit pour regarder des matchs de NBA, regrette
Kelley, sa mère. On l’engueule un peu, mais que voulezvous…
Il sait qu’il va passer une journée difficile le
lendemain.” Un adolescent (presque) à l’image de ses
contemporains, qui écoute Rihanna ou Kodak Black,
communique avec ses amis sur Snapchat et ne raterait
le bal de promo de fin d’année pour rien au monde.
Pas même pour une convocation avec les adultes
de la Team USA pour préparer la Copa America
2016, celle du centenaire, à laquelle les Yankees sont
exceptionnellement invités – et qu’ils organisent.
Bienveillant avec l’ado qu’il a lancé en sélection, le
sélectionneur Jürgen Klinsmann lui accorde en mai
de l’année dernière une permission exceptionnelle
de vingt-quatre heures pour fêter la fin de son cursus
scolaire avec des camarades qu’il n’a pas côtoyés
de l’année (il a passé son GED, équivalent du bac,
par correspondance). Sauf qu’il n’existe aucun vol
commercial entre Kansas City, où l’équipe nationale
s’apprête à affronter la Bolivie en amical, et le petit
aéroport de Harrisburg, en Pennsylvanie, tout près de
sa High School de Hershey. “On a dû affréter un jet
privé, on n’avait pas le choix! Mon mari et moi voulions
absolument qu’il profite de l’expérience du bal de fin
d’année”, justifie Kelley Pulisic, prof d’EPS dans une
middle school de Harrisburg, qui reçoit en
maillot de Dortmund floqué au nom de son
fils. L’histoire ne dit pas si “l’expérience” aura
tenu de Carrie ou d’American Pie, mais dès le
lendemain à Kansas City, Christian entre en
jeu et ouvre son compteur en sélection sur son
deuxième ballon, d’un plat du pied imparable.
Lors de sa dernière visite à la High School de
Hershey en juin dernier, le plus jeune buteur de
l’histoire de la sélection US s’est pointé en Porsche
décapotable, pour une séance de dédicaces et
quelques jongles sous les flashs. C’est que le
numéro 10 de l’équipe nationale ne devrait plus
quitter ses épaules, et que son surnom d’American
Messi suscite espoir et sarcasmes des passionnés de
soccer partout dans le pays. Un destin à la mesure
de ce jeune homme (très) pressé?
“On y va doucement sur le sponsoring”
Dernier adolescent prodige (sur)vendu au reste du
monde par les États-Unis, Freddy Adu vient d’être
comparé à un “vieil aspirateur” par l’entraîneur du
club de D2 polonaise où il effectuait un énième
essai infructueux. Mais cette fois, l’histoire semble
différente. Contrairement au Ghanéen d’origine ou
même à Landon Donovan et Clint Dempsey, qui
n’auront jamais vraiment tutoyé le gratin du foot
européen, Pulisic a déjà goûté au parfum de la ligue
des champions une dizaine de fois la saison dernière,
dont une titularisation à Santiago Bernabeu, en poules.
Un rêve devenu réalité pour Christian qui, enfant,
“Mon mari
et moi voulions
absolument
qu’il profite de
l’expérience du bal
de fin d’année, on
a donc affrété un jet
privé pour qu’il
puisse y assister”
Kelley Pulisic, la mère de Christian
66 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE
“On a plein de
bons jeunes aux
États-Unis, mais en
général, papa et
maman n’aiment
pas qu’on leur crie
dessus. Il faut leur
répéter combien
ils sont forts.
À l’arrivée, il leur
manque du
caractère. Pour
Christian, c’était
différent”
Steve Klein, directeur sportif
des Pennsylvania Classics, dernier
club de Pulisic aux USA
La fiche
CHRISTIAN PULISIC
Né le 18 septembre 1998
à Hershey, États-Unis
1,72 m, 69 kg
Milieu offensif
Club: Borussia Dortmund (depuis
2015)
Palmarès: Coupe d’Allemagne
(2017)
International américain
16 sélections
punaisait des posters de Luis Figo
dans sa chambre et enregistrait
les matchs du Real Madrid,
club favori de son père, sur le
magnétoscope familial. Profitant
des pépins de Marco Reus et Mario
Götze pour s’imposer dans le
onze de Thomas Tuchel, Christian
facture aussi une quarantaine de
matchs de Bundesliga alors qu’il n’a
pas encore l’âge légal de descendre
une bière dans son pays. Des temps
de passage jamais vus pour un
États-Unien, de quoi le voir bientôt
sur les billboards de Times Square
comme LeBron James, Tom Brady ou
d’autres vedettes du sport US avant
lui? Sa famille temporise. “Bien sûr,
je saute sur mon canapé quand il marque un but ou
fait une passe décisive. Mais l’essentiel est ailleurs: je
veux avant tout que ce soit une bonne personne. Le foot
ne durera pas éternellement”, prévient sa mère. Mark
Pulisic, le paternel, préfère lui aussi calmer le jeu: “On
y va doucement sur le sponsoring, parce que Christian
a encore beaucoup de progrès à faire et qu’il y a déjà
beaucoup de hype dans les médias.” La lucidité du
clan expliquerait pour partie l’éclosion du gamin au
plus haut niveau, si l’on en croit Steve Klein, directeur
sportif des Pennsylvania Classics. Le Borussien y
a parfait sa formation sous l’œil de son père Mark,
entraîneur de profession, avant de franchir l’Atlantique.
“Vous savez, on a autant de bons joueurs de 11-12 ans
aux États-Unis qu’ailleurs. Sauf qu’en général, papa
et maman n’aiment pas qu’on leur crie dessus, et les
entraîneurs ne les corrigent pas de peur qu’ils partent
dans un autre club… Il faut leur répéter combien ils sont
forts. À l’arrivée, il leur manque du caractère. Christian
était très fort, mais il était traité comme les autres: s’il
manquait un gardien, son père le mettait aux cages et il
y allait sans rechigner.”
Christian et la chocolaterie
Pulisic est né à Hershey, au cœur du comté de
Lancaster, en Pennsylvanie rurale. De hauts silos à
grain chromés y font office de buildings, et les SUV
familiaux y doublent les petites calèches noires des
Amish, communauté anabaptiste réfractaire au progrès
–bien connue des amateurs de la série Banshee. Mais
pour l’Américain moyen, Hershey est d’abord un géant
du chocolat et de la confiserie, dont le siège est installé
dans la bourgade éponyme. Une ville dont les deux
avenues principales s’appellent Chocolate et Cocoa,
et dont les lampadaires prennent la forme conique
des Hershey Kisses, petits chocolats ultrapopulaires.
Ex-coéquipière au lycée de Mia Hamm, superstar
mondiale du foot féminin, Kelley Pulisic n’a jamais
abusé des sucreries mais elle a succombé à Mark,
rencontré sur le campus de l’université de George
Mason dont ils défendaient tous deux les couleurs au
soccer. Papa et maman mordus de ballon rond, c’est
sans surprise que le plus jeune de leurs trois enfants
tombe dans la marmite de potion magique. Il boit
même la tasse à huit ans, lorsque les Pulisic quittent
Hershey pour passer un an en Angleterre, dans le
petit village de Hackley. “Il allait jouer au citystade
le soir. C’était le plus jeune mais il savait se défendre:
les Anglais étaient étonnés de voir un Américain
aussi fort”, s’amuse la maman. De retour au pays,
pour ne pas dégoûter ses compatriotes et aiguiser sa
vision du jeu face à des adversaires plus grands, plus
costauds, Christian est surclassé de deux catégories
d’âge. La soccer mom applaudit évidemment depuis la
touche: “On entendait souvent les parents de l’équipe
adverse dire ‘oh, qui est ce petit bout de chou? Il est
trop mignon!’ Je gloussais discrètement, parce que je
savais ce qui allait se passer… Après qu’il a zigzagué
entre ses adversaires et marqué un but, ils hurlaient
‘que quelqu’un le prenne au marquage, bon sang!’”
Mark, à la fois son père et son entraîneur en club, poste
lui-même une vidéo des skills de son fils sur YouTube
dès 2008, alors qu’il n’a même pas dix ans. Un moyen
pour le vidéaste amateur de vivre sa carrière à travers
celle de son rejeton? Pas du tout, jure-t-il: “J’avais déjà
entraîné des jeunes avant que Christian ne soit né, et
je suis un peu devenu son coach à domicile, c’est vrai,
mais une telle détermination ne s’apprend pas: à six ou
sept ans, il ne supportait pas de rater une passe du pied
gauche. Après le dîner, dans le noir, il ressortait faire
des jongles du mauvais pied, et ne rentrait pas avant
d’avoir battu son record. On devait l’obliger à arrêter
pour aller au lit.” Les parents insistent, à l’unisson:
contrairement au père des sœurs Williams ou à tant de
faiseurs de champions, ils n’ont jamais rien imposé à
Christian. “Il a toujours été très perfectionniste, c’est sa
personnalité, assure Kelley. À deux ans, la plupart des
enfants gribouillent. Eh bien lui, il coloriait en suivant
les lignes.”
Le rêve européen existe aussi
Génie précoce du coloriage, Christian est
unanimement apprécié par ses anciens professeurs de
Hershey, qui louent son calme, son sens de l’humour
“de premier de la classe” (selon Darin Hickethier,
prof de maths), ou ses capacités en algèbre. “Il était
agréable et bon élève, alors qu’il ratait beaucoup de
cours à cause du soccer”, remet Melissa Repsch, prof
d’anglais. En effet, Christian n’a que 13 ans lorsqu’il
commence à parcourir le pays avec la sélection…
U15. Et son père fait jouer ses relations pour inscrire
son fils à quelques stages en Europe, à Chelsea ou
au FC Barcelone. Afin de se rapprocher du rêve né
sur VHS et le “sortir de sa zone de confort”, explique
Mark Pulisic, visiblement dans le vrai puisqu’à 15 ans,
son fils part pour un an de “résidence” en Floride,
organisée par la fédé américaine. “C’était dur pour lui
comme pour nous, mais il jouait enfin avec des gamins
de son niveau”, analyse Kelley avec le recul. Après
quelques séances de musculation et les miracles de
la puberté, Christian prend de l’épaisseur et termine
ce premier exil en fanfare: il est désigné MVP du
tournoi amical U17 organisé par Nike en décembre
2013, remporté par les gringos après une victoire
4-1 contre le Brésil en finale. Cette fois-ci, l’Europe
lui tend les bras, plusieurs clubs ayant relevé la
performance. Reste à obtenir un passeport européen
pour échapper au règlement interdisant à tout joueur
extracommunautaire de disputer une compétition
officielle avant ses 18 ans: c’est chose faite grâce à
la nationalité croate de Mate, le grand-père. Trois
possibilités se détachent alors: Arsenal (qui ne fera
pas d’offre ferme), le PSV Eindhoven (plusieurs essais
et une offre “sérieuse”), et Dortmund, donc. “Le plus
Visite du stade en audioguide.
important pour moi, c’était que le club ait bien observé
Christian. Qu’il soit prêt à le faire progresser et lui
faire signer un contrat au bout, éclaire Mark. Il était
hors de question de traverser l’Atlantique pour un
simple rêve.” Le BVB se montre le plus convaincant, en
offrant un poste d’entraîneur des U10 à Pulisic père.
Lequel se souvient encore de l’agenda chargé de son
fils à leur arrivée dans la Ruhr. “Christian avait cours
le matin, allemand l’après-midi, et entraînement en
soirée, de 18 heures à 20 heures. Ces longues journées
lui évitaient de penser à sa mère, à ses amis et à sa
vie d’adolescent normal qui lui manquaient.” Six mois
après son arrivée, Christian remporte le championnat
U17 sous les ordres de Hannes Wolf, l’actuel entraîneur
du VfB Stuttgart. Et un an plus tard, avec les grands, il
est décisif en finale de coupe d’Allemagne, obtenant
un penalty face à Francfort. Charlie Grimes, ami de
la famille ayant succédé à Mark Pulisic comme coach
du Lebanon Valley College, tout près de Hershey,
n’hésite pas à s’enflammer: “J’ai été leur rendre visite
en Europe et avec Mark, on est allés voir la demi-finale
de Champions entre le Barça et le Bayern, celle où
Messi a mis Boateng sur les fesses. Ça va paraître
dingue, mais quand j’ai vu jouer Christian en U17 dans
la foulée, j’ai retrouvé un peu de Messi dans sa façon de
changer de rythme avec le ballon, sans forcer, en voyant
les choses avant les autres… En rentrant aux USA, j’ai
dit à ma femme: ‘Il n’en a plus pour très longtemps.’”
Depuis, Pulisic a brûlé toutes
les étapes et son père est rentré
aux États-Unis début 2017, après
que son fils a signé un contrat
à la hauteur de son talent (et
des convoitises). “On refait ses
matchs au téléphone et on lui
envoie du chocolat Hershey
de temps en temps, mais il
a besoin d’apprendre à être
un adulte sans que papa soit là”, s’absout Mark. Le
prodige peut compter sur la présence en Allemagne
de son cousin Will Pulisic, gardien des U19 du BVB
qui l’avait déjà accompagné en Floride, mais aussi
de Haji Wright et Weston McKennie, qui intègrent
cette année l’équipe première du grand rival, Schalke
04. Une génération prête à enfoncer la porte du
foot européen? Sans doute, mais d’abord une bande
d’adolescents américains comme les autres, partis
loin de chez eux après le bal de fin d’année, des rêves
plein la tête. Enfin, pas tout à fait comme les autres
non plus: en plus d’être polyvalent –il peut évoluer
aux trois postes derrière l’attaquant–, Pulisic est aussi
polyglotte. Il parle déjà allemand et espagnol, en plus
de l’anglais, et serait en train d’apprendre le français,
pour son pote Aubameyang. Toujours pratique d’être
fluent en plusieurs langues si l’on veut commander un
jet privé. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR DAC
“Christian a
toujours été très
perfectionniste,
c’est sa
personnalité.
À deux ans, la
plupart des enfants
gribouillent. Et bien
lui, il coloriait, en
suivant les lignes”
Kelley Pulisic, la mère de Picasso
68 SO FOOT _ GUIDE ITALIE
Italie
Après six ans de règne sans partage, la Juventus a enfin vu débarquer autour d’elle
une flopée de nouveaux ambitieux et quelques vieux retapés à coups de chinoiseries
qui rêvent de la faire gicler du trône. Et si c’était pour cette année? Par Maxime Brigand
et Simon Capelli-Welter / Photos: Panoramic, Imago/Panoramic et Iconsport
Bonucci, nouveau chef
d’orchestre du Milan AC.
La Vieille Dame
et ses élèves
ANALYSE Parce qu’il avait l’étiquette de cerveau,
Bruce Reynolds était sûr de lui: “C’est l’Eldorado,
le coup de notre vie, celui qui va nous assurer un
bel avenir.” Personne ne sait vraiment si le chef de
l’Entreprise –cette bande de pères de famille célèbres
pour le casse du train postal entre Glasgow et Londres
en août 1963– est mort heureux ou non, mais peu
importe, le bonhomme a touché ses rêves. Plus de
cinquante ans plus tard, voilà un autre plan, un autre
rêve. Cette fois, deux cerveaux: Massimiliano Mirabelli
et Marco Fassone. “Nous avions en tête ce que nous
devions faire, sans annonce. Dans l’ombre, nous avons
réfléchi et programmé, avant de passer à l’action.” La
révolution du Milan AC a commencé avec un nom
d’opération assez simple: Rossoneri Sport Investment
Lux. Elle marque la fin d’une époque débutée le
20 février 1986, symbolisée par Berlusconi, et le début
d’une autre, qui a pour simple objectif de “permettre au
Milan de revenir sur le devant de la scène”. “Revenir”,
que l’on pourrait traduire par “tout reconstruire”. En
bons chefs d’un “chantier ouvert”, Mirabelli, nommé
directeur sportif, et Fassone, administrateur délégué,
auront donc passé l’été à constituer une équipe pour
monter leur casse, à grands coups de millions: Kessié,
Musacchio, Rodriguez, Borini, André Silva, Calhanoglu,
Conti, Biglia… Mais le vrai braquage, lui, s’est déroulé
sans arme ni violence. En deux jours à peine, le club
lombard faisait main basse sur le meilleur défenseur
d’Italie. Un monument que tout le monde voyait finir à
la Juve… Leonardo Bonucci est la preuve que, même en
Serie A, on peut se faire plaquer. Comme s’il n’y avait
pas assez de bordel, l’ancien défenseur bianconero a
même lâché une dernière claque à son ex avant de se
barrer: “Je viens ici pour renverser l’équilibre.”
Alors quoi, maintenant? La Serie A aurait repris de
l’intérêt? La Juve et son cul posé sur ses six couronnes
consécutives seraient vraiment en danger, tout de
suite? Soyons sérieux… “Notre chemin est long, nous
voulons ouvrir un cycle. On se laisse deux-trois ans
pour devenir une équipe importante”, répond Mirabelli.
De son côté, Massimiliano Allegri, resté dans les bras
de la Vieille Dame malgré la défaite en finale de C1
contre le Real, ne doute pas non plus et affirme que “le
futur s’annonce bien”. Peu de suspense, donc. Peut-être
parce que, dans son histoire récente, la Juve a vu filer
des cadres chaque été (Pogba, Pirlo, Vidal, Tévez) et
que ça ne l’a pas empêchée de gagner. Sûrement parce
qu’elle a toujours su avoir un temps d’avance. Cette
fois, elle a gratté Mattia Caldara à l’Atalanta, peut-être
le futur grand central transalpin –même s’il faudra
certainement un peu de temps pour voir Chiellini
trouver de nouveaux automatismes. Turin a également
renforcé sa fanfare avec les jongleurs Douglas Costa
et Bernardeschi et le funambule Matuidi. De quoi
70 SO FOOT _ GUIDE ITALIE
regarder en haut, vers l’Europe, plutôt que de paniquer
pour une vulgaire baston de rue.
Parmi les turbulents qui vont tout de même chercher
des noises, Naples, troisième la saison dernière mais
surtout meilleure attaque avec 94 buts, n’a pas dit son
dernier mot. Cet été, le DJ clopeur Maurizio Sarri a
réussi à garder l’ensemble de son escouade, tout en
y ajoutant le chewing-gum de Chambray-lès-Tours,
Adam Ounas. Assez solide pour croire à un premier
titre depuis 1990?
Dernier prétendant pour troubler la quiétude de la
Vieille Dame, la Roma y aura encore cru toute la
saison dernière, mais elle connaît son destin: perdre.
Comment être cette fois optimiste? Totti parti, la
Louve a vu Spalletti, Sabatini, Salah, Rüdiger faire
leurs bagages à leur tour. Dur à encaisser, malgré
les réponses apportées (Gonalons, Defrel, Kolarov,
Ünder, Pellegrini, Karsdorp) et le retour d’Eusebio
Di Francesco, disciple de Zeman et plus beau blase
du championnat, sur le banc maison. Si trouver une
alternative immédiate à la Juventus semble donc être
aussi laborieux que de résoudre un Rubik’s Cube à
une main, il vaut mieux, cette fois encore, chercher des
pistes à étudier pour demain. Comme celle menant à
l’Inter, qui a récupéré Luciano Spalletti pour entamer,
elle aussi, une nouvelle ère à l’accent chinois. L’été aura
au moins permis de déblayer le sol des poubelles qui
traînaient là: le licenciement complexe de Mancini
et l’affaire De Boer. Désencombrer, cela n’aura
malheureusement pas été le cas d’un club comme la
“Je viens ici
Fiorentina, qui a rempli ses caisses cet été en laissant pour renverser
partir Borja à l’Inter et Bernardeschi à la Juve –où il a
pris le numéro 33, en hommage à Jésus-Christ, le signe l’équilibre”
d’un futur fuoriclasse s’il en est. Pire, Andrea Della Leonardo Bonucci
Valle, le proprio de la Violette a décidé de remettre la
belle sur le marché. La doublette Veretout-Eysseric n’y
changera pas grand-chose.
Il faudrait donc fouiller dans les vieilles recettes
pour trouver de solides arguments chargés de
nous convaincre de tuer nos week-ends devant un
championnat qui menaçait il y a quelques années
encore de disparaître de nos esprits. Pourquoi ne pas
croire en la Lazio de Simone Inzaghi, qui n’aura perdu
que Biglia durant l’intersaison? Un rapide coup d’œil
lâché sur la Supercoupe d’Italie début août –la Lazio a
battu la Juve (3-2) au terme d’un match dingue– aura
permis de se rendre compte que cette équipe a un
cœur énorme avec Lucas Leiva, et un buteur excité en
la personne de Ciro Immobile. Elle pourra donc faire
sauter n’importe quel gros costaud sur une soirée de
grâce. Assez pour prendre le fauteuil d’équipe bonbon
de l’Atalanta, quatrième l’an dernier? Pas impossible du
tout. Mais pour le renversement de l’équilibre promis
par Leonardo Bonucci, il faudra a priori repasser.
Sauf si… •
Bien vu la police
Comic Sans MS.
Le fait divers
de la saison
Déprimé par la retraite, Antonio Cassano
couine pour trouver de l’occupation.
Avec son cœur en mousse, Tiziano
Crudeli accepte de lui céder sa place de
commentateur des matchs du Milan AC
sur Diretta Stadio. Problème, dès sa
première représentation, “Fantantonio”
invite quelques amis pour le soutenir. Ces
derniers démantèlent le plateau en fêtant
un but de la Sampdoria et provoquent la
détresse du patron de la chaîne. Là aussi,
Cassano est obligé de soigner sa sortie:
une claque dans la gueule du boss de
7 Gold. De rage, il plaque tout et se lance
dans la poésie.
Ciro Immobile et Edin Dzeko,
derby de Rome.
La tendance mercato
Malgré la flambée des prix, dont même l’Italie ne saurait éviter certaines
conséquences, la tendance reste la chasse aux bons coups et aux affaires.
Bonucci au Milan contre 40 millions d’euros quand Chelsea ou ManCity en
auraient lâché 80 sans sourciller, Douglas Costa en prêt payant à la Juve, et
avec une option d’achat de “seulement” 40 millions, Matuidi pour moins de
20 millions quand le Barça crache le double pour Paulinho… En vérité, si les
clubs italiens ne réalisent pas des transferts mirobolants, ce n’est pas seulement
parce qu’ils ont le sens de la mesure, c’est aussi parce qu’aucun d’entre eux n’a
les moyens du PSG ou de City.
Le manuel
du troll
Qui dit Serie A dit tableau noir,
coachs au top et catenaccio. Cliché,
cliché, cliché. Si la Serie A est
tactique, mentale et verrouillée,
c’est uniquement parce qu’elle est
pauvre en talents offensifs à même
de déstabiliser le moindre semblant
d’organisation défensive. En fait, ce ne
sont pas les défenses qui sont à louer
en Italie, mais la qualité des attaques
qui est à relativiser. Et pas qu’un peu.
S’il le faut, remonter à la finale de C1,
où la Juve n’a absolument rien montré
face au Real. Et puis, Mandzukic
serait-il titulaire chez un candidat
au titre européen? Un championnat
où Dzeko finit meilleur buteur estil
à prendre au sérieux? Un alliage
Hamsik, Mertens, Insigne, Callejon
ferait-il trembler Angers? La Roma?
Sa priorité offensive est Lucas du
PSG, please… La prochaine fois qu’on
vous parlera de maîtrise tactique,
répondez pauvreté offensive, et le tour
est joué. Ou zappez sur la ligue 1.
Un congrès de vegans.
Les cotes
pour le titre
by Winamax
Juventus: 1,62
Naples: 5,50
Milan: 6,75
AS Rome: 9
Inter Milan: 11
Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat
72 SO FOOT _ GUIDE ITALIE
Ce moment inoubliable
où la météorite a percuté la tribune.
Le chiffre
3.
Comme le nombre de
“fils de” dans l’effectif
de la Fiorentina cette
saison: Ianis Hagi, Giovanni
Simeone et Federico Chiesa.
Dommage que la cellule de
recrutement de la Viola soit
passée à côté de Thibault
Giresse.
L’équipe à suivre
avant qu’elle ne
devienne hype en
2020
Benevento Calcio 1929
Les puristes diront Talleyrand ou Grégoire VIII, mais le
vrai héros de Bénévent s’appelle George. George Puscas,
soit un mec né avec un nom pour briller, forcément. Seule
différence: le bonhomme n’a pas eu besoin de prendre le
micro pour asseoir sa légende et faire sauter le Stadio Ciro
Vigorito (13 000 places seulement) du nouveau promu le
8 juin dernier en finale d’accession face à Carpi. L’attaquant
des Stregoni s’est contenté de couper un centre puissant
du dernier homme à collier de Campanie, Lorenzo Venuti.
Résultat, au bout de la première saison en Serie B de
l’histoire du Benevento Calcio, le bonbon du président
Oreste Vigorito va désormais pétiller dans la bouche des
grands. Bénévent en Serie A, c’est chouette, mais c’est
surtout l’occasion d’assister à une belle baston avec le
voisin du Napoli et de voir ce que le Guadeloupéen Andrew
Gravillon a dans le bide. Sinon, Bénévent a une sorcière sur
son écusson. Mais ne pas se fier à la mention “1929”, c’est
une contrefaçon: le club a déjà été dissout puis refondé trois
fois. La dernière en 2005.
Blaise à l’italienne.
74 _ GUIDE ANGLETERRE
Angleterre
Big Two, Big Four, Big Five, Big Six… Et peut-être bientôt un Big Seven avec
l’émergence d’Everton. Bref, encore plus de chocs pour le championnat le plus riche
et médiatisé de la planète. Pour encore plus de buts? Rien n’est moins sûr au regard
du dernier mercato très orienté vers l’arrière. Bientôt la fin des portes ouvertes
dans le plus grand parc d’attractions du monde? Par Kevin Charnay et Mathias Edwards /
Photos: Panoramic et Iconsport
Dele Alli et
Christian Eriksen.
Benjamin Mendy incognito.
Le nouveau logo Manpower.
Ménage à trois
ANALYSE Stades pleins, temps morts inexistants, stars en pagaille,
matchs à midi pour que le public asiatique puisse aussi croquer: cette
année encore, le feuilleton de la Premier League proposera un spectacle
fait de tous les clichés que le genre impose, à la plus grande joie de son
audience –la plus large au monde. Mais il y a un particularisme que le
blockbuster le plus cher du football tente peu à peu d’éradiquer: ses
bourdes défensives, qui ont longtemps fait le bonheur des bêtisiers
(voire la tendance mercato). Outre l’importation de gardiens de but et
d’entraîneurs étrangers, gages de rigueur, c’est aujourd’hui sur le plan
tactique que la Premier League fait sa révolution. Et c’est évidemment un
technicien italien qui a initié le mouvement.
Ce sont en effet des valises bien pleines qu’Antonio Conte a posées à
Londres l’été dernier, en prenant en main la destinée de Chelsea. Conte, ce
sont des costards Dolce & Gabbana, des Berluti, des implants capillaires et
un autobronzant, mais pas que. L’excédent de bagages de l’ancien Mister
de la Juve contenait un 3-4-3 aussi commun en Serie A qu’inhabituel
en Premier League. Dans un championnat où la routine de toutes les
grosses écuries était rythmée par le 4-2-3-1, le concept a intrigué, avant
de semer la terreur chez les adversaires des Blues et de permettre à son
dépositaire transalpin d’être élu manager de l’année par ses pairs. Un
an plus tard, la formule a fait école et s’est répandue comme une traînée
de poudre. D’Arsenal à Crystal Palace, en passant par Everton ou encore
l’archaïque Stoke City (pourtant pas le club le plus progressiste en matière
de jeu), ce sont pas moins de sept équipes qui se sont présentées avec
trois défenseurs centraux sur les deux premières journées de la saison qui
vient de débuter. Des formations essentiellement
managées par des entraîneurs non-britanniques,
ceci expliquant peut-être cela. Si bon nombre
d’équipes ont revu leur plan de jeu, c’est également
pour cesser d’être ridicules when wednesday comes.
Depuis le sacre du Chelsea de Di Matteo en 2012,
aucun club anglais n’est parvenu à se hisser en
finale de la ligue des champions. Pire, ils ne sont que
deux –à nouveau Chelsea en 2014, et Manchester
City en 2016– à avoir atteint le stade des demi-finales. Un ratio risible
au regard des sommes investies, qui pousse à plus de sérieux dans la
construction d’effectifs en mal d’équilibre, les joutes européennes n’étant
malheureusement pas compatibles avec l’insouciance offensive dont se
délectent chaque week-end les fans du championnat anglais.
À ce jour, Chelsea mis à part, l’équipe qui semble le mieux maîtriser ce
nouveau système se nomme Tottenham. Ça tombe bien, c’est un vrai
prétendant au titre. Cinquièmes en 2014-2015, troisièmes en 2015-2016,
dauphins des Blues la saison passée: la logique voudrait que la courbe
ascendante des Spurs mène les coéquipiers d’Hugo Lloris sur la plus
haute marche du podium en fin de saison. Avouons-le, un triomphe des
Spurs serait jouissif. Et pas seulement parce que Tottenham n’a plus
été sacré depuis 1961. Pour son coach, d’abord. Disciple revendiqué de
Marcelo Bielsa, Mauricio Pochettino n’a cessé de faire progresser l’équipe
depuis son arrivée en 2014. Adepte d’un pressing haut, l’homme n’est
prisonnier d’aucun schéma, seul compte l’épanouissement de ses trois
pépites (Eriksen, Alli, Kane). Et puis, Tottenham, c’est également une
direction sportive cohérente, plus intelligente que clinquante. Quand il
s’agit d’acheter, tout du moins. Car pour ce qui est de vendre, le club sait
faire, on l’a encore vu cet été. Malgré tout, les bookmakers placent le club
du nord de Londres derrière les deux Manchester et Chelsea. Car il y a un
paramètre que les vice-champions en titre vont devoir gérer: jouer toute
leur saison à domicile à Wembley, le temps que leur nouvelle enceinte
sorte de terre. C’est loin d’être gagné: l’an passé, c’est ce qui a saccagé leur
campagne en C1. •
76 _ GUIDE ANGLETERRE
Marcus Rashford, focus.
Le manuel du troll
La Premier League est une cible facile. Comme tout ce qui
attire le regard, elle provoque des jalousies et ses défauts
sont très vite pointés du doigt. Pour être sûr de s’attirer fav
et RT, il faut s’en prendre à l’argent. Ce sale pognon qui fait
l’essence de la Premier League et qui permet à ses clubs
d’acheter à prix d’or le moindre type qui score plus de huit
buts en ligue 1 ou des milieux défensifs sénégalais. Mais ce
ne sont pas les droits télés exorbitants qui leur font passer
des tours en ligue des champions, où ils se font ridiculiser
par des Espagnols d’un mètre soixante. Pour se payer ce
championnat certes bien filmé mais survendu, une blague
comparant les clubs d’outre-Manche à des oiseaux de
ville reconnaissables à leur roucoulement fera forcément
mouche. Exemple: “Ce n’est pas grave, on arrivera bien à
vendre Bouna Sarr 25 millions à un de ces pigeons d’Anglais,
lol.” Succès populaire garanti.
Sadio Mané aux platines.
La tendance
mercato
Le pauvre Rio Ferdinand, dont le statut
de défenseur le plus cher de l’histoire
a tenu douze ans, risque de prendre un
coup de vieux si la tendance se confirme:
Victor Lindelöf à Manchester United
pour 35 millions d’euros, Kyle Walker et
Benjamin Mendy à Manchester City pour
respectivement 57 et 57,5 millions, Michael
Keane à Everton pour 34, et Antonio
Rüdiger à Chelsea pour 38 millions… Cet été,
la parole fut à la défense de l’autre côté de
la Manche. Même les Spurs, extrêmement
hermétiques l’an passé (26 buts encaissés
seulement, meilleur total du championnat)
et surtout d’ordinaire assez sages en matière
de mercato, ont succombé à la tentation:
les Londoniens ont déboursé 42 millions
d’euros pour s’offrir les services du
prometteur Davinson Sanchez, le défenseur
colombien de l’Ajax. Preuve que les Anglais
ont enfin compris que le football se gagnait
aussi derrière? Ou simple envie de claquer
un pognon dont ils ne savent plus quoi
faire? Probablement un peu des deux.
L’équipe à suivre
pour se la péter
en 2020
Ronald Koeman n’est pas homme à perdre son temps. Au
terme de sa première saison à la tête d’Everton, revoilà les
Toffees sur la scène européenne, avec un tour préliminaire
d’Europa League en guise de galop d’essai. Et avec le butin
récolté lors de la vente de Romelu Lukaku à Manchester
United pour 85 millions, la team de Morgan Schneiderlin
a refait toute sa garde-robe en prévision de l’objectif top 4:
34 millions pour Michael Keane, 27 pour Davy Klaassen,
28,5 pour Jordan Pickford, 49,4 pour Gylfi Thor Sigurdsson.
En plus du retour de l’icône Wayne Rooney, treize ans après
son départ. Un recrutement qui permettra à Everton de
transformer le Big Six en Big Seven. D’ici quelques années,
une qualification pour la ligue Europa sera considérée
comme un échec, à Goodison Park.
Le fait divers
de la saison
7 avril 2018, 33 e journée, sprint final
dans la course au titre. Manchester City
reçoit le rival Manchester United. Après
des semaines d’absence sur blessure à
cause d’une hygiène de vie douteuse,
Benjamin Mendy est bel et bien présent
pour inscrire le but de la victoire. Un gros
déboulé côté gauche, une frappe croisée
toute écrasée, des filets qui tremblent,
un stade en ébullition et le signe JuL en
gage de célébration. Toute l’Angleterre se
questionne sur la signification de ce geste.
La réponse deux semaines plus tard avec
la sortie de What’s happening?, la suite de
Qu’est-ce qui se passe?, featuring entre le
rappeur marseillais et Skepta, qui a décidé
de prendre un tournant pour relancer sa
carrière. Le single est un tube, devient viral
sur les réseaux sociaux, et le buzz atteint son
sommet quand Kate Middleton claque un
signe JuL en direct à la télévision. Mercé.
Le chiffre
0.
Depuis l’instauration de la
Premier League en 1992,
les Écossais Ferguson
et Dalglish, les Italiens
Conte, Ranieri, Mancini et Ancelotti, le
Chilien Pellegrini, le Portugais Mourinho
et le Français Wenger ont remporté le
championnat, mais aucun coach anglais. Et
ça ne devrait pas être pour cette année, car
aucun gros club ne semble décidé à donner
les clés à Big Sam Allardyce.
Les cotes
pour le titre
by Winamax
Manchester City: 2,75
Manchester United: 4
Chelsea: 4
Tottenham: 9
Arsenal: 11,5
Liverpool: 11,5
Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat
78 SO FOOT _ LÉGENDE
80 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE
On l’a dit sur le déclin lorsque Thibaut Courtois lui est passé devant à
Chelsea et qu’il a dû trouver Arsenal comme porte de sortie. Pourtant,
à 35 ans, Petr Cech vient de battre le record de clean sheets en Premier League.
Il est aussi le seul gardien à avoir remporté deux Golden Glove avec deux clubs
différents. Pas mal pour quelqu’un de discret qui a passé l’essentiel de sa carrière
dans l’ombre des Buffon, Casillas ou Neuer. Pas grave, pour la lumière, Petr Cech
a toujours la scène. Par Ronan Boscher et Maxime Brigand, à Pilsen (République tchèque) /
Photos: Martin Ilgner pour So Foot, Picture-Alliance/Dppi et Iconsport
Il en est à son troisième rencard mais
Petr Cech ne montre aucun signe
de lassitude. Face à lui, des caméras
tournent un documentaire pour la
télévision tchèque et lui font enchaîner
les plans de coupe, après l’avoir accompagné
deux jours à Londres, chez lui. Le gardien
s’exécute, multiplie les dégagements dans
les travées de la Doosan Arena de Pilsen, ou
les marches face caméra à la Bernard de la
Villardière. “Trois jours de tournage pour n’en
garder que dix-huit minutes… c’est étrange la
télé quand même”, s’agacerait presque son agent
en communication. Le lendemain, le portier
d’Arsenal retournera dans son ancienne école,
puis filera à Prague, avant la reprise avec les
Gunners. Derrière la Doosan Arena, délestée
de sa tribune en bois et de sa piste d’athlétisme,
Petr se dirige vers une table de pique-nique en
bois, les mêmes que sur les aires d’autoroute. Il
regarde les terrains du centre d’entraînement du
Viktoria Pilsen, où il a débarqué en 1989 avec la
ferme intention de devenir le Cech fort.
Tu te souviens de ton premier match ici? J’avais
huit ans. On jouait sur une moitié de terrain, avec
des petits buts. Je n’étais pas gardien à l’époque,
plutôt ailier gauche. J’avais une bonne vision du
jeu donc la majorité des ballons passaient par
moi. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais cette
capacité naturelle à organiser les mouvements.
Mais je n’étais pas très rapide. Puis, un jour, j’ai
joué mon premier match en tant que gardien, là,
juste derrière.
Alors? Moi, je jouais gardien au hockey sur glace
depuis quelques années. Je voulais ressembler
à mon idole d’enfance, Dominik Hasek. Au
hockey, ce poste m’a toujours attiré. Et puis les
équipements sont devenus trop chers pour ma
famille. Quand tu es gardien au hockey, tu dois
acheter tellement de choses… Et comme à cet
âge-là tu grandis chaque année, ça devenait
impossible à gérer. Finalement, mon père a vu
le problème arriver et m’a vraiment emmené au
foot. J’y ai tout de suite retrouvé une forme de
plaisir. Mais je me suis fixé au poste de gardien
un peu par hasard en fait. Un gardien m’a cassé
la jambe pendant un duel: fracture tibia-péroné.
Je suis resté blessé pendant presque un an.
J’ai peiné à revenir. Je n’arrivais qu’à capter les
ballons, à être au sol, mais courir me faisait mal,
et je peinais à faire soixante minutes dans un
match. Je ne tenais qu’une demi-heure max. Un
jour de match, les gardiens ne sont pas venus au
rendez-vous. Et ce jour-là, j’ai fait un bon match.
Le lendemain, l’entraîneur des gardiens est venu
me voir pour me dire qu’il voulait que je reste à
ce poste. Mon coach n’était pas trop d’accord, vu
que j’étais l’un des seuls gauchers de l’équipe. J’ai
alterné entre le but et le terrain entre mes huit et
dix ans.
Comment ça se passe, une enfance à Pilsen?
On était très heureux, même si on n’avait rien,
en fait. Pas de PlayStation, pas d’ordinateur,
rien à la télé. On vivait encore dans un pays
communiste... Les seules choses qu’on avait,
c’était le sport et les copains. Je jouais au basket,
au hockey, je faisais de l’athlé… La préparation
physique, la coordination, tout ça, c’était naturel
pour moi, pour nous. On ne se contentait pas
d’une seule activité sportive. C’était la base
des réussites sportives du pays à l’époque. On
faisait du sport parce qu’on n’avait rien d’autre
à faire. Aujourd’hui, il y a trop de distractions,
donc c’est plus compliqué. Il faudrait retrouver
ce travail avec les gamins, dès le plus jeune âge,
parce qu’ils n’ont plus cette capacité naturelle
d’adaptation, je trouve.
Tu expliques souvent que le système communiste
était parfait pour les enfants. Comment tes parents
l’ont vécu, eux? Quand tu es un gamin de six ans,
tu ne comprends pas encore trop ce que veut dire
vivre dans un pays comme la Tchécoslovaquie.
On n’avait pas de moyen de comparaison, on
“Éric Durand me parlait
souvent de Christophe
Lollichon mais on ne s’était
jamais rencontrés avant le
printemps. Et puis un jour,
je vais chercher ma voiture
sur le parking. On discute
et il me dit: ‘Pourquoi
tu joues aussi bas?’”
Cech cheveux.
82 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE
avait simplement notre liberté et le rythme
était simple: on allait à l’école, on posait nos
affaires chez nous et on allait dehors avec les
copains devant le bloc d’appartements. C’était
exceptionnel, je n’avais qu’à regarder par la
fenêtre s’il y avait du monde. Je me suis régalé.
Pour les parents, c’était complètement différent
et ça, on ne l’a compris que plus tard. On reparle
de cette époque avec les parents, les grandsparents,
les copains. Chacun a son expérience,
son histoire. Aujourd’hui, tout est différent. Si
l’on regarde bien, il y a moins d’espaces de jeu
pour les enfants, plus de circulation dans les
rues, les familles n’habitent plus vraiment dans
les appartements… Mais les possibilités d’achat
d’une maison sont beaucoup plus simples qu’à
l’époque.
Tu étais réputé pour être un très bon élève. Ma
mère me disait dernièrement qu’en fait, je n’étais
jamais content. En République tchèque, tu es
noté de 1 à 5. 1, c’est la meilleure note. Eh bien
quand je rentrais chez moi avec un 2, j’étais
énervé parce que j’ai toujours voulu atteindre la
perfection. Je disais souvent à ma mère: “Si je
peux faire 100 %, pourquoi je vais me contenter
de 99 %?” Dans ma vie, encore aujourd’hui,
je suis comme ça. J’ai toujours été l’un des
meilleurs de ma classe mais parce que c’est ce
que je recherchais. J’accepte que quelqu’un soit
meilleur que moi, c’est aussi ce qui me motive car
je me dis: “S’il arrive à faire aussi bien telle chose,
pourquoi pas moi?” Après, l’école, c’était aussi
une stratégie: je faisais tous mes devoirs pendant
les pauses et ça me permettait d’être tranquille
ensuite chez moi, de gagner dix-quinze minutes
de liberté supplémentaire.
Tu abordes le foot de la même manière? On va
dire que quand je commence quelque chose,
c’est pour le faire du mieux possible. Alors,
si un exercice peut me permettre de gagner
0,5 % de performance, je le prends. Je sais que
le corps humain a des limites mais personne
ne les connaît. Le sport, c’est pareil: quand tu
atteins un certain niveau, certaines personnes
disent que tu ne peux plus t’améliorer. Mais c’est
toujours possible. Aujourd’hui, l’évolution du
foot te permet de travailler avec de nouvelles
techniques, de découvrir de nouvelles
inspirations… La performance, c’est une
recherche constante. Si tu vas à l’entraînement
sans challenge, tu acceptes de t’enfermer dans
une routine et tu ne progresses plus. Par exemple,
je capte des ballons depuis trente ans donc je ne
peux plus m’améliorer là-dessus. La répétition est
trop simple donc j’essaye surtout de travailler la
phase de préparation, l’approche, de me mettre
en danger. Je veux maîtriser les événements.
Il y a des choses qu’on ne peut pas anticiper. En
octobre 2006, quand Stephen Hunt t’a fracassé le
crâne, as-tu craint de perdre tout ce que tu avais
appris jusque-là? Déjà, première chose, j’étais
content d’avoir survécu. Deuxième chose, j’étais
préparé à tous les scénarios, puisqu’on m’avait
dit, en gros, que ma carrière était finie. Mais j’ai
“Pour certains mots
français, le masculin et le
féminin changeaient du
tchèque. En cours de
français, ça générait des
situations marrantes,
comme quand, ma femme
et moi, on confondait le
chat et la chatte, par
exemple… Tu vois le truc…”
tout fait pour me donner la chance de revenir.
Chaque minute était consacrée à mon retour.
Je ne voulais pas avoir de regrets. Heureusement,
mon corps a bien réagi aux traitements. Tout est
réparé à 100 %, mon cerveau n’a aucun problème
de coordination. Je suis chanceux.
Ça t’agace de porter ce casque? J’aimerais jouer
sans, hein… Mais, déjà, ça pourrait créer des
problèmes avec les assurances. Ensuite, je n’ai
aucune certitude sur mon état de santé si je
reprends un choc à la tête. Je préfère avoir le
casque et vivre avec que prendre un risque qui
pourrait m’être fatal.
Il y avait un bel imbroglio autour de son
homologation, pour une question de sponsoring
notamment… Le médecin m’a conseillé
Canterbury, qui était le seul équipementier
capable de faire ce genre de casques à l’époque.
Mais en Champions League, je n’avais pas le
droit d’arborer le logo. Ensuite, le casque n’est
pas reconnu comme un équipement officiel sur
un terrain de foot, donc il a fallu parler avec la
FA, avec l’UEFA, avec toutes les associations
pour bénéficier d’une exception… Les premières
années, avant chaque match, l’arbitre devait
vérifier le casque, on devait signer des papiers…
C’était vraiment la galère (rires).
Tu as toujours des plaques dans la tête? Oui, à
vie… Au début, ça sonnait toujours à l’aéroport.
Les portiques devaient sans doute être moins
précis qu’aujourd’hui. Ça sonne plus rarement
désormais.
Quand tu pars du Sparta Prague en 2002, tu choisis
Rennes. Pourquoi? Quitter le Sparta Prague
pour venir en France, c’était une façon de me
rapprocher de mon rêve: la Premier League. Pour
progresser, franchir un cap, je devais rejoindre
un championnat plus compétitif et comme
je n’avais que 19 ans à l’époque, je ne pouvais
pas obtenir de permis de travail pour jouer en
Angleterre. Arsenal s’était renseigné… J’ai eu
deux choix: l’Allemagne et la France. Je parlais
déjà allemand, donc la Bundesliga, c’était plus
simple. Mais comme Rennes a présenté la plus
grosse offre pour le Sparta, je suis reparti de zéro,
dans un pays où je ne connaissais personne et
dont je ne comprenais pas un mot de la langue.
J’ai adoré la Bretagne, sincèrement. J’étais avec
ma femme, on avait vingt ans, je jouais pour
un bon club, avec des personnes sympas et des
infrastructures exceptionnelles. Il n’y avait qu’un
match par semaine sauf quand il y avait la coupe
de la ligue ou la coupe de France donc ça nous
laissait un peu de temps pour découvrir la région.
On a quasiment tout fait: Carnac, Brest, le Mont-
Saint-Michel, Dinan, Dinard… Maintenant que je
joue 50 matchs par saison, c’est plus dur.
Découvrir une nouvelle culture, ça te plaît? C’est
quelque chose que les gens sous-estiment
souvent. La carrière de certains joueurs s’est
arrêtée car ils ne voulaient pas apprendre une
nouvelle langue ou ne voulaient pas s’intégrer.
Il y a quelque chose qu’il ne faut pas oublier:
quand tu arrives dans un nouveau club, que tu es
étranger, tu dois être meilleur que le joueur local,
sinon, c’est fini. Et quand tu ne comprends pas
ce que l’on te dit, ça impacte tes performances.
Forcément, au départ, ça fait pas mal de travail,
ce n’est pas simple, mais c’est le seul moyen de
réussir. Quand je suis arrivé à Rennes, la ligue 1
reprenait à peine une semaine plus tard, je n’avais
pas le droit de prendre du retard si je voulais
pouvoir communiquer avec mes coéquipiers.
Je suis un gardien qui parle beaucoup. Pour moi,
c’est essentiel de donner des informations hyper
précises aux défenseurs. Au bout d’un mois, je
connaissais tout du fonctionnement du club et je
comprenais le français, tout était donc lancé.
Comment as-tu appris le français? Avec ma
femme, je passais entre une et deux heures
chaque jour, pendant trois mois, avec la
professeure engagée par le club, une prof
exceptionnelle. Elle nous faisait faire des jeux
de rôle. Elle découpait des photos dans les
magazines, des saucissons, des légumes. Je
faisais le vendeur et ma femme jouait la cliente.
C’était plus simple et rapide, super drôle à faire
aussi. Pour certains mots, le masculin et le
féminin changeaient du tchèque. Ça générait
des situations marrantes, comme quand on
confondait le chat et la chatte, par exemple… Tu
vois le truc… Et puis il y a eu la télé. Je regardais
tous les films avec les sous-titres en français.
Friends, aussi. Je me suis intéressé au rugby, je
regardais le Top 16 le samedi avant les matchs.
Je m’amusais à comprendre les stratégies. Ma
femme, elle, c’était souvent Les colocataires,
“En match, il pourrait
y avoir dix types à poil
en tribunes que je ne les
verrais même pas”
Jamais sans son casque.
Plein de chocolat.
84 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE
La fiche
PETR CECH
Né le 20 mai 1982
à Pilsen, République tchèque
1,97 m, 87 kg
Gardien de but
Clubs: Chmel Bisany (1999-
2001), Sparta Prague (2001-
2002), Stade Rennais (2002-
2004), Chelsea (2004-2015),
Arsenal (depuis 2015)
Palmarès: Ligue des champions
(2012), ligue Europa (2013),
Premier League (2005, 2006,
2010, 2015), coupe d’Angleterre
(2007, 2009, 2010, 2012, 2017),
coupe de la ligue anglaise (2005,
2007, 2015), Community Shield
(2005, 2009, 2015, 2017)
International tchèque
124 sélections
une émission de téléréalité. Mais au départ,
quand on allumait la télé, on ne comprenait pas
grand-chose et on laissait le truc défiler. Ça me
rendait fou! La langue tchèque est déjà tellement
compliquée que le reste paraît assez simple. Bon,
les terminaisons sont dures. Mais le français
est la langue que j’ai apprise le plus vite. Après,
il y a eu l’espagnol. La seule langue qui me
manquait. Asier del Horno, à Chelsea, ne parlait
pas un mot d’anglais. Ça devenait hyper difficile
de communiquer donc j’ai appris quelques
mots. Aujourd’hui, à Arsenal, je donne les
consignes collectives en anglais et les consignes
individuelles dans la langue natale du défenseur
concerné.
À Rennes, tu as fait une rencontre qui semble
être décisive pour la suite de ta carrière: celle de
Christophe Lollichon. Oui, la première année
à Rennes a été assez dure. Philippe Bergeroo
m’avait recruté mais a été viré au bout de
dix matchs. L’objectif était d’être européen et
on a passé la majorité de la saison relégable…
Forcément, ça m’a un peu fait peur. Christophe
était entraîneur au centre de formation et,
parfois, faisait du rab avec Éric Durand, le
gardien numéro deux. Éric me parlait souvent
de lui mais on ne s’était jamais rencontrés avant
le printemps. Et puis un jour, je vais chercher
ma voiture sur le parking. On discute et il me
demande: “Pourquoi tu joues aussi bas ?” Je ne
comprends pas trop, j’avais joué assez bas
toute ma vie. Il me donne deux-trois conseils.
Après la fin de saison, Lazlo Bölöni devient le
nouveau coach et modifie l’organigramme. On
m’a consulté et j’ai proposé Christophe comme
entraîneur des gardiens. On part en stage à
Carnac pour une quinzaine de jours. Pour lui,
c’était comme une période d’essai. Au bout de
trois jours, je me suis demandé ce que j’avais fait.
Il était fou. Premier match amical, il avait collé
des élastos sur la pelouse, dans le prolongement
des lignes de la surface de réparation et hurlait
derrière le but: “Va plus haut! Va plus haut!” Il
ne me laissait pas une seconde pour souffler.
C’est là qu’on a commencé à analyser les matchs
en détails, lui et moi. Il y avait du débat. On a la
même philosophie autour du poste de gardien:
on veut trouver la perfection.
On peut parler d’une relation de couple, non?
Encore aujourd’hui, chaque discussion débute de
la même manière: on parle de foot et ensuite, on
aborde d’autres sports, puis on parle d’histoire,
de politique… Pendant l’année, quand tu voyages
ou que tu es à l’hôtel, ça te laisse du temps pour
se découvrir mutuellement. Nous, on en profitait
aussi pour faire des recherches, fouiller les
détails, regarder les vidéos. Ce n’est pas habituel
dans une relation joueur-entraîneur. Quand je
joue mon match, je ne vois pas tout ce qu’il se
passe autour du terrain. Je suis à 200 % sur mon
boulot et la limite, ce sont les lignes de touche.
Il pourrait y avoir dix types à poil en tribunes
que je ne les verrais même pas.
Christophe situe le sommet de votre relation
dans la préparation de la finale de la ligue des
champions 2012… On a passé des heures et des
heures devant des vidéos. On analysait chacun
une phase de jeu puis on en discutait ensemble.
On regardait des penaltys, des situations de
jeu du Bayern, des actions de Robben, Ribéry,
la manière dont Gomez arrivait à se rendre
disponible… On a tout regardé pendant deux
semaines, y compris avec les autres gardiens
–Hilario, Turnbull, Blackman. Avec du recul, je
me demande encore comment il est possible
de regarder autant d’images pour préparer une
rencontre. Mais ce fut la clé de notre succès sur
cette finale. Il fallait couper la relation Robben-
Ribéry. Si l’un renversait le jeu, c’était pour
l’autre. Si l’un récupérait le ballon, il fallait se
préparer à voir l’autre rentrer. On devait maîtriser
les combinaisons entre les deux. Sans eux,
Gomez, qui en était déjà à 35 buts dans la saison,
n’avait plus de liberté. Tout partait de là.
Il paraît que tu as fêté la victoire avec un cigare et
un cognac… Je pense qu’il faut que les moments
spéciaux soient traités de façon spéciale. Ce
soir-là, à Munich, je me suis dit: “On prend
un bon cigare, un bon cognac, on s’installe
tranquillement et on profite.” Il faut cette phase
où tu te poses pour réfléchir à ce que tu viens de
faire. Quand tu es sur le terrain, tu cours dans
tous les sens, tu t’éparpilles mais tu peux vite
manquer d’un vrai moment. Dans le foot, il faut
savoir prendre le temps de s’arrêter et là, j’étais
avec Christophe Lollichon et Didier Drogba. On
était vidés, physiquement et mentalement.
À Chelsea, tu as fait partie de ce qu’on a appelé le
“comité du Bridge”, avec Drogba, Terry, Lampard,
sur lequel Mourinho s’est notamment appuyé.
Vous faisiez quoi exactement? On devait gérer
le vestiaire. Quand tu es dans un groupe avec
cinq ou six joueurs sûrs d’être titulaires, et
un autre où 15-16 joueurs peuvent prétendre
à commencer le match, ça change pas mal
la donne. Il y a une tension, une pression sur
tout le monde. Dans une vie en groupe, avec
cette concurrence, il y a toujours des moments
difficiles. Certains s’aiment, d’autres pas, mais
il faut savoir respecter le travail d’équipe, sur
le terrain. Si tu ne dis pas bonjour en arrivant à
l’entraînement, c’est ton problème. Mais si, sur le
terrain, j’ai besoin que tu me couvres, quand je te
dis “Couvre-moi”, tu me couvres. Dans un groupe,
le terrain décide. Ensuite, la vie privée, c’est pas
notre problème. Cette sorte de comité avait la
capacité de rendre, en gérant la vie de groupe, la
tâche plus simple à l’entraîneur.
Quand ce comité a-t-il dû remettre les pendules à
l’heure? Le premier moment, c’était au départ de
José Mourinho. C’était un coup de froid pour tout
le monde. La deuxième fois, c’était avec Villas-
Boas, quand il est parti. Tout allait vraiment mal
cette saison-là. Il a fallu trouver une façon de
sauver ce qu’il était encore possible de sauver, de
regrouper tout le monde sur un objectif, la ligue
des champions. Que l’on a remportée.
Luis Felipe Scolari t’avait personnellement visé
à son départ de Chelsea, en pointant du doigt
ce comité justement. Tu l’as vécu comment?
C’est son hypothèse, mais sincèrement, je
n’ai jamais compris pourquoi il m’a ciblé. Ça
ne se passait pas bien et nous, on essayait de
trouver la solution pour améliorer la situation.
Peut-être que Scolari ne l’a pas bien compris.
“À Rennes, je n’avais qu’un
match par semaine sauf
quand il y avait la coupe de
la ligue ou la coupe de
France donc ça me laissait
un peu de temps pour
découvrir la Bretagne.
Avec ma femme, on a
quasiment tout fait:
Carnac, Brest, le Mont-
Saint-Michel, Dinan,
Dinard…”
Malheureusement, c’est peut-être humain de
trouver quelqu’un pour essayer de cacher ses
propres fautes ou faiblesses ou le fait de ne pas
avoir réussi. Mais honnêtement, s’il n’était pas
parti, on n’aurait même pas fini onzièmes. On
était dans l’impasse.
Chelsea, c’est aussi Carlo Cudicini pour toi. Il est
devenu ta doublure mais c’est aussi lui qui t’a
fait découvrir la musique… C’est vrai. Un soir, je
retrouve Hilario et Carlo à Londres pour dîner.
Après le restaurant, on passe chez Carlo et là
on voit, à côté de sa télé, une petite batterie,
deux guitares et tout ce qu’il fallait pour jouer
à RockBand sur Xbox. On savait que Carlo
jouait du piano depuis déjà quelques années
et on a voulu essayer. J’ai pris la batterie et j’ai
tout de suite adoré. Pour moi, c’était comme un
atelier de relaxation. Rapidement, j’ai acheté
RockBand pour chez moi. Ensuite, je me suis
acheté une vraie batterie électronique avec des
CD sans piste batterie. C’est comme ça que tout
a vraiment commencé. Puis, j’ai joué lors des
repas de famille, quand certains amis venaient
à la maison… Ma femme m’a inscrit à des cours.
Moi, je voulais simplement être sûr que ça ne
me prendrait pas trop de temps. Je me suis dit
un truc simple: “Certains vont au golf pendant
toute une journée. La batterie, au moins, tu peux
en faire une heure par-ci, par-là…” Aujourd’hui, je
joue un peu tous les jours, trente minutes comme
deux heures. Les cours m’ont donné la technique
et les codes pour pouvoir m’entraîner tout seul.
Pourquoi postes-tu tes sessions de batteries sur
YouTube? En fait, je voulais montrer qu’on n’était
pas obligé d’être parfait pour partager ce genre
de vidéos. La majorité des personnes n’ont pas
confiance dans ce qu’ils font. La succession
de vidéos permet de mesurer la progression,
la différence dans le jeu. Je pense avoir réussi
à rassurer des gens. C’est ça le message
subliminal.
Tu es allé sur scène quelques fois. Tu y prends du
plaisir? Je vais être franc: la première fois que
je suis monté sur scène, j’étais bien plus stressé
qu’avant un match. J’ai ressenti une pression
énorme parce que c’était une plongée dans
86 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE
l’inconnu pour moi. Tout ça a été rendu possible
parce que j’étais ambassadeur d’un projet dont
le nom veut, en gros, dire “Avec nous, tu peux le
faire” en français. On organisait des concerts,
des expositions, on ouvrait les portes aux
jeunes artistes, qu’ils soient peintres, musiciens,
photographes… Ça a permis à certains, qui
n’arrivaient pas à faire parler d’eux, de se faire
remarquer. Je devais être une sorte d’exemple
donc je me suis retrouvé comme batteur, après
quatre petits mois d’expérience, à un concert de
charité. Je n’étais… pas très bon (rires). Jouer en
live, je ne savais pas ce que c’était et là, on était à
Prague, avec des centaines de personnes, quatre
télévisions… Et après coup, quand j’ai vu les gens
danser, sauter, chanter, j’ai explosé de joie. J’ai
tout de suite souhaité faire un vrai concert mais à
une condition: que ce soit un groupe qui vienne
me chercher pour mes qualités, pas l’inverse.
Europe 2 était partenaire de ce concert de charité.
Je discutais de cette envie avec un mec de chez
eux et il me dit: “Ouais, je joue du clavier avec un
groupe.” Je le connaissais depuis trois ans et il
ne m’en avait jamais parlé. Là, il me propose de
venir jouer avec eux et voilà comment je me suis
retrouvé en concert avec Eddie Stoilow puis en
festival après.
Musique toujours. Lorsqu’il parle de jeu, Jürgen
Klopp aime dire qu’il veut voir du heavy metal dans
le style de ses équipes. Il disait aussi qu’Arsenal
ressemblait plutôt à “une chanson silencieuse”.
Tu penses qu’Arsenal joue quel style de musique
aujourd’hui? C’est vrai qu’on est proche de la
musique classique (rires). On est dans la beauté,
la synchronisation des instruments… C’est une
philosophie désormais ancrée dans les gènes
du club: on refuse de jouer sans la manière et
ça se transmet de génération en génération. Je
crois qu’on a trouvé le bon équilibre lors des
derniers mois de la saison dernière. L’idée est
de continuer à contrôler le match mais en se
sécurisant davantage derrière.
Tu as quitté Chelsea lors de l’été 2015, après avoir
tout gagné. Depuis quelques années, Arsenal
traîne une image de losers. Tu comprends cette
étiquette? En arrivant au club, je me suis dit: “Ok,
Arsenal n’a plus gagné la Premier League depuis
“Peu importe la manière,
Mourinho veut le résultat.
La philosophie d’Arsenal
est complètement opposée
à ça: on ne gagne pas à tout
prix, on veut le faire
avec la manière, même
si on commence à changer
cette approche”
dix ans mais moi, je veux être celui qui arrive à les
ramener vers le titre.” Je ne me voyais pas quitter
ce championnat qui est, selon moi, le meilleur du
monde, et je voulais aussi continuer à me battre
pour le titre. Le souci, c’est qu’on ne développe
pas une mentalité de vainqueur en claquant des
doigts. Chelsea avait un avantage simple: sur
les dix dernières années, le club a gagné un peu
plus de quinze titres. La première raison à ça,
c’est que d’une année à l’autre, les changements
dans l’effectif n’ont pas été très violents. Quand
tu faisais le bilan en fin de saison, il y avait
toujours un titre, que ce soit la Premier League,
une FA Cup, une C1 ou autre chose. Arsenal n’a
rien gagné, au-delà des victoires en Cup, depuis
2004. Si l’on regarde bien, il n’y a quasiment
personne de l’effectif qui a remporté la Premier
League… Il y a Danny Welbeck et moi. On doit
apprendre ensemble, on doit trouver ce chemin
vers la victoire. Mon rêve, aujourd’hui, ce serait
de gagner autant avec Arsenal qu’avec Chelsea
mais je ne pense pas disposer de dix ans devant
moi pour ça…
Pour la première fois depuis 1996, le club ne va
pas disputer la ligue des champions… Il y a une
situation paradoxale: on vient de finir la saison
cinquième avec 75 points. La saison précédente,
on termine deuxième avec 71 points. Il faut voir
comment la Premier League a évolué. Quand
je suis arrivé, il y avait Manchester United, pas
encore vraiment Chelsea, City ne comptait pas
dans la course au titre, Tottenham non plus…
Aujourd’hui, la concurrence et les effectifs sont
dingues. Gagner un match devient de plus en
plus compliqué chaque saison.
Ce mental de gagnant, il te vient de Mourinho?
Quand il est arrivé de Porto, il a apporté une
chose principale: il venait d’un club où il n’était
pas acceptable pour lui de terminer deuxième
du championnat. Il a apporté le même esprit
à Chelsea. Il ne pense que par la victoire, quel
qu’en soit le prix. Il déteste les matchs nuls. Si on
rentrait au vestiaire avec un nul, on savait qu’il
ne serait pas satisfait. Par contre, il voulait aussi
qu’on soit capable de garder un 1-0 ou d’envoyer
un 5-0 si c’était possible. Peu importe la manière,
Mourinho veut le résultat. La philosophie
d’Arsenal est complètement opposée à ça: on
ne gagne pas à tout prix mais on veut gagner
avec la manière. On commence à changer cette
approche.
Tu te sens différent des autres footballeurs?
J’ai décidé de prendre ma vie en charge, de la
contrôler. Je ne ferai jamais quelque chose parce
que mon agent me dit: “Petr, tu fais ci, tu fais
ça.” Je cherche toujours à comprendre le but
d’une action même si, bien évidemment, j’ai des
personnes qui travaillent avec moi parce que le
monde du foot l’impose. Je ne peux pas gérer
toutes les négociations, je n’ai pas le temps,
mais ceux qui m’entourent savent ce que je
veux. Certains joueurs subissent les choix de
leur entourage. C’est dangereux, car une fois
ta carrière terminée, ces personnes arrêtent de
travailler avec toi et tu peux vite te retrouver
perdu.
Arsène Wenger dit souvent que la retraite
l’angoisse. Et toi? Ça ne me fait pas peur, je pense
que ça ouvre aussi des possibilités pour faire
des choses différentes. Je passe mes licences
d’entraîneur actuellement, ce qui me permettra
d’être prêt si on me donne l’opportunité de
continuer dans le foot. Je commence aussi à
travailler sur l’amélioration du fonctionnement
du foot en République tchèque. Là, je suis dans
une routine voyage-match, voyage-match, donc
je n’ai pas vraiment eu de temps libre depuis
mes 17 ans. Parfois, je me dis que j’en aurai peutêtre
marre de reproduire cette routine en tant
qu’entraîneur. Après, quand Arsène Wenger parle
de retraite, il ne parle pas de la même que moi,
qui approche des quarante ans. Je comprends
que ça puisse l’angoisser. Tu me reposeras la
question au même âge qu’Arsène, peut-être que
ça me fera peur aussi. Une chose est sûre: quand
je vais arrêter le foot, vous ne me trouverez
jamais à la maison, assis, les jambes en l’air, à ne
rien faire.
Ton père tient toujours son cahier de statistiques
sur tes performances? Oui! Il l’a toujours… Il a
commencé à le tenir lors de mes débuts chez les
pros, au Chmel Blsany, en 1999. La dernière fois
que je l’ai vu, je lui ai dit que c’était peut-être le
moment d’arrêter, en rigolant. Il commence à ne
plus avoir de place. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR RB
ET MB
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88 SO FOOT _ TÉMOIGNAGE
Le Venezuela
reste ma terre
L’ancien attaquant international vénézuélien du FC Nantes Fernando Aristeguieta est rentré
cet été au pays et a finalement décidé d’y rester. Il a quitté le club portugais du CD National pour relever
le challenge sportif du Caracas FC, mais aussi pour soutenir son peuple touché par une crise humanitaire
et sociale sans précédent. Il raconte ici ce Venezuela exsangue, qui attend désespérément
l’intervention de la communauté internationale.
Par Fernando Aristeguieta, avec Arthur Jeanne / Photos: DR, collection personnelle FA et Afp
\Après la Seconde Guerre mondiale, de
nombreux pays européens étaient en
lambeaux, dévastés. Beaucoup de gens
avaient perdu leur propriété, beaucoup
d’hommes étaient morts. Les jeunes
d’alors voyaient très peu d’opportunités de
construire leur vie sur ce continent. Ce fut le
cas de mes grands-parents, qui, en même temps
que des millions de personnes, décidèrent de
traverser l’Atlantique pour arriver sur des terres
dont ils ne connaissaient rien. Le Venezuela.
Ici, ils trouvèrent un pays prospère, plein
d’opportunités. Eux-mêmes racontent que ce qui
les fascina immédiatement fut l’accueil que leur
réservèrent les Vénézuéliens: jamais ils ne se
sentirent étrangers sur cette terre. Ils arrivèrent
très jeunes et restèrent pour toujours. Presque
soixante-dix ans plus tard, dix de mes treize
cousins, qui sont tous vénézuéliens, vivent hors
de nos frontières.
Dollar negro
Quand on atterrit à Caracas, la sortie de
l’aéroport est toujours un petit choc. À cause de
la différence entre le froid aseptisé et climatisé
qui règne dans l’enceinte de l’aéroport et la
chaleur humide de l’extérieur. Cette fois-ci,
je n’ai presque pas pu percevoir ce brusque
changement de température. À peine avais-je
mis les pieds dehors que j’étais assailli par une
meute de gens qui se disputaient violemment
pour prendre en charge mes affaires. Ils
pensaient déjà au possible pourboire que j’allais
leur laisser. J’étais paralysé. D’abord par la
peur de me faire détrousser, et ensuite quand je
compris ce qui se passait, ce que cela signifiait
sur l’état de mon pays.
Je ne dis pas que les choses allaient bien quand
je vivais ici. À l’époque déjà, ce pays paraissait
figé dans le temps, comme s’il refusait d’avancer.
La monnaie se dévaluait à vitesse grand V et,
depuis de nombreuses années, un contrôle des
changes empêchait chaque Vénézuélien de
posséder ou d’effectuer tout type de transaction
avec une monnaie étrangère.
En raison de notre proximité géographique avec
les États-Unis, et de l’influence américaine, le
Vénézuélien a toujours calculé la valeur de sa
monnaie en la comparant au dollar. Il existait –et
il existe toujours– la valeur du dollar officiel, qui
est le taux de change imposé par les autorités et
qui s’obtenait –et s’obtient encore– uniquement
par le biais du gouvernement. Et puis, il y a le
“dollar negro”, qui est le taux de change non
officiel, celui de la vie de tous les jours, de la rue.
Le Vénézuélien lambda pouvait aspirer au dollar
officiel, en suivant un processus long et formaté
pour voyager et étudier. Aujourd’hui, il est
pratiquement impossible de l’obtenir. Certaines
entreprises, en revanche, selon le secteur
d’activité dans lequel elles opèrent, ont toujours
accès au dollar officiel pour l’importation.
Le processus de sélection des entreprises
qui ont accès au dollar officiel est discutable
et, généralement, il s’agit d’entreprises qui
appartiennent à des proches du gouvernement.
À l’origine, les différences entre le dollar officiel
et le “dollar negro” n’étaient pas énormes,
mais elles se sont creusées au fur et à mesure
et, aujourd’hui, certaines entreprises peuvent
échanger un dollar contre dix bolivars, alors
que, dans la rue, le taux de change est d’un
dollar pour treize mille bolivars (le prix officieux
du dollar alors que j’écris ces lignes; il change
tous les jours). Cela signifie que certaines
entreprises peuvent littéralement acheter des
dollars au gouvernement pour mille fois moins
cher que le reste de la population.
Kidnappings, flics ripoux
et pénuries
Une personne qui gagne le salaire minimum
au Venezuela gagne environ aujourd’hui trente
euros par mois. Un ingénieur récemment
diplômé n’atteint même pas les cent euros
mensuels. Cela signifie pour ma génération
qu’il est parfaitement impossible de penser
à s’émanciper de sa famille. Parmi mes amis
qui vivent au Venezuela, aucun n’a pu quitter
le foyer parental. Aucun ne peut contribuer
aux économies de la famille. Chaque jour ils
Quand t’as pas de serviette.
90 SO FOOT _ TÉMOIGNAGE
Un petit whisky au coin du feu.
travaillent mais, à la fin du
mois, ils ont moins gagné que le
prix des places d’un bon match
de football en famille.
Mais ce n’est pas le pire. Le pire
existait déjà avant que je ne
quitte le pays. Je veux parler de
l’insécurité. Les Vénézuéliens
vivent avec la peur constante
qu’il puisse leur arriver quelque
chose. N’importe où, n’importe
quand. Quelque chose d’aussi
naturel que sortir son téléphone portable
dans la rue pour passer un coup de fil est une
activité quasiment interdite pour nous. Il y a
quelques années, on m’a mis un flingue sur la
tempe pour me prendre mon téléphone. Une
fois que la nuit tombe, si tu es au volant, tu
dois être en alerte, vérifier que personne ne te
suive, puisque les secuestros express sont de
plus en plus fréquents. La plupart du temps, ces
secuestros durent quelques heures à peine et les
kidnappeurs contactent la famille de la victime
pour lui demander de l’argent liquide, des
ordinateurs, des consoles de jeux vidéo ou des
montres. Chaque chose de valeur qu’il y a dans
une maison peut être utilisée comme rançon.
Nous connaissons de nombreuses astuces
pour éviter les secuestros. Comme éviter à
tout prix que l’on puisse savoir combien de
personnes sont dans la voiture, et surtout
combien de femmes sont à bord, car elles sont
plus vulnérables. Les kidnappeurs arrêteront
moins facilement un véhicule dont ils ignorent
le nombre de personnes qui sont à l’intérieur.
Nous avons aussi des recommandations sur
comment agir en cas de secuestro. Par exemple,
“La police ne se
contente pas de gaz,
elle utilise aussi des
billes en verre solide.
Mon ami Miguel
Castillo a été touché
par une bille le
10 mai dernier. Il est
mort le jour même”
ne jamais regarder
les agresseurs dans
les yeux. Car si tu
reconnais l’un d’eux
et qu’il s’en rend
compte, il n’aura pas
d’autre choix que de
te tuer.
Le taux d’homicides
a beau augmenter,
les crimes
demeurent de plus
en plus impunis. Désormais, quand quelqu’un
aperçoit un barrage de police, il se sent plutôt
nerveux car il sait que les policiers eux-mêmes
cherchent n’importe quel motif, la plupart
du temps fallacieux, pour te faire chanter et
ainsi exiger de l’argent
liquide. La seule fois où
j’ai reçu une amende,
j’étais heureux. Car cela
voulait dire que le policier
était honnête et qu’il
n’avait pas l’intention de
m’extorquer de l’argent.
Mais combien de fois on
a arrêté mon véhicule
pour des motifs absurdes
et faux? Et ce, dans le
simple but de m’annoncer,
ensuite, que si je leur filais
un peu d’argent pour le
“rafraîchissement”, ils
me laisseraient partir…
Évidemment, les médias
ne parlent jamais de cela.
Le gouvernement a petit
La première manif de Fernando.
à petit pris possession des
différentes chaînes de télé,
et la censure est partout.
Au Venezuela, comme
dans beaucoup de pays
sous-développés, l’accès à
Internet est un luxe, tout
comme la télévision câblée.
Par conséquent, dans
énormément de foyers
vénézuéliens, les seules
sources d’information
sont manipulées par le
gouvernement. Avant
même que je quitte le
Venezuela, j’avais bien
compris la ligne que
souhaitait suivre le
chavisme: les pouvoirs
publics ne servaient
plus le pays mais le
gouvernement, et le
président violait désormais
en tout impunité la
constitution. Tout cela
s’est aggravé depuis mon
départ. Mais surtout, de
nouveaux problèmes sont apparus, rendant
aujourd’hui impossible la vie des Vénézuéliens.
Je veux parler notamment de ces pénuries qui
engendrent des queues immenses pour acheter
les produits de base. Devant des supermarchés
vides, la plupart du temps. Le gouvernement
a pris une mesure populaire qui consiste à
déterminer le prix de certains produits de
nécessité, comme le lait, les couches, la farine
ou le sucre. Or, ces prix ne couvrent pas les
coûts de production. Cela signifie que les
entreprises qui manufacturent ces produits
vendent à perte. Logiquement, ces entreprises
ont arrêté de produire au rythme où elles
le faisaient auparavant, et cela a engendré
pénuries et rationnements. Dans toute la ville,
devant les supermarchés ou les pharmacies,
90 % des Vénézuéliens n’ont plus les moyens de se nourrir.
Rebeca Leon, habitante de Caracas, en fait partie.
les files interminables
s’amoncellent. Les gens
attendent pour acheter
des choses qu’ils devraient
pouvoir trouver à chaque
coin de rue. Ici, le sucre est
pratiquement impossible à
trouver. Même chose pour les
médicaments. Pour trouver
un simple antibiotique,
cela peut prendre des jours.
Évidemment, les hôpitaux
n’ont guère plus accès aux
médicaments, et des milliers
de Vénézuéliens meurent
aujourd’hui de cette pénurie.
Les médicaments pour les
personnes qui souffrent d’un
cancer ou du sida doivent être
importés depuis l’étranger,
avec le coût que cela
implique. C’est inabordable pour la majorité de
ces malades.
Autrefois, vous pouviez voir un mendiant
fouiller une poubelle pour tenter d’y trouver à
manger. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des
mendiants, mais des familles dites “ordinaires”
qui font les poubelles. C’est déchirant et
désespérant. J’ai vu des gens pleurer, supplier
pour un morceau de pain. Cela te fige le sang.
Aux feux rouges, auparavant, tu pouvais voir un
artiste de rue faire un petit show pour gagner
de l’argent, ce sont désormais des dizaines de
gamins qui mendient. Les parcs publics sont des
“Alors que j’écris ces
lignes, Edgar Rito,
joueur de l’équipe
de seconde division
Gran Valencia, est
derrière les barreaux
pour avoir protesté
contre la dictature.
Et Ender Peña, 17 ans,
capitaine de l’équipe
Loteria del Tachira,
a été assassiné lors
d’une manifestation”
no man’s land à cause
de la délinquance. Les
transports publics
tombent en lambeaux.
Ce n’est pas que
la qualité de vie a
baissé, c’est qu’elle a
quasiment disparu.
Coup d’État,
“résistance”
et tirs de billes
J’évoquais plus
haut l’impunité
du gouvernement.
Il faut savoir qu’en
décembre 2015,
l’opposition a gagné
70 % des sièges
à l’Assemblée
nationale. Mais le gouvernement n’a reconnu
aucune mesure votée par cette Assemblée.
Au Venezuela, à mi-mandat, le peuple peut,
par le biais d’une pétition, solliciter la tenue
d’un référendum pour destituer le président.
C’est arrivé l’an passé, le nombre de signatures
nécessaires pour la tenue du référendum a été
largement atteint, mais le Conseil national
électoral a invalidé les signatures, et il n’y a
eu aucun référendum. Et cette année, la Cour
suprême de justice a tout bonnement décidé
d’annuler le pouvoir de l’Assemblée nationale.
Il s’agit purement et simplement d’un coup
d’État. Ça a été la goutte d’eau qui a fait
déborder le vase. Les gens sont descendus dans
la rue pour manifester. Mécontent, le président
a convoqué des élections pour une Assemblée
nationale constituante le 30 juillet 2017. La
Constitution vénézuélienne indique clairement
que pour convoquer les gens ainsi, il est
obligatoire de consulter le peuple par le biais
d’un référendum. Mais une fois de plus, la
Constitution a été bafouée. Puisqu’il s’agit d’une
élection frauduleuse et anticonstitutionnelle,
l’opposition a demandé au peuple de s’abstenir
de participer. Le Conseil national électoral a
alors pris une autre mesure absurde: éliminer
tous les contrôles qui assuraient la régularité
du vote. Impossible de savoir combien de fois
certaines personnes ont voté, comme il était
impossible de connaître l’identité réelle des
votants. Tout cela a généré un climat hostile et
très tendu dans la population.
Les manifestations sont différentes chaque
jour, mais je vais essayer d’expliquer leur
mécanisme à Caracas. Il y a différents points
de rassemblement, qui se rejoignent au niveau
de l’autoroute qui traverse la ville ou sur une
autre avenue importante. Il faut savoir que
les institutions publiques les plus notables
se trouvent en centre-ville. Le gouvernement,
dans son discours, dit constamment que les
manifestations se forment uniquement à l’est
de Caracas, l’endroit qu’il considère comme
le lieu de résidence des bourgeois et des
riches. Ce n’est pas le cas, mais c’est l’image de
propagande qu’ils vendent. Ce qui est certain,
92 SO FOOT _ TÉMOIGNAGE
C’est quand même classe,
les maillots sans sponsor.
c’est que, pour justifier ce discours, ils ont été
bien plus brutaux dans la répression à l’ouest de
la ville. Là-bas, les gens commencent à peine à
se réunir qu’ils sont immédiatement réprimés
par la violence et les grenades lacrymogènes.
C’est à l’ouest que la guardia nacional et la
police nationale ont été jusqu’à tirer sur les
immeubles résidentiels de la zone. À l’inverse, à
l’est, les rassemblements sont tolérés.
Selon le jour, il y a différentes destinations pour
le cortège, par exemple le Conseil national
électoral, la Cour suprême de justice ou la
Defensoria del Pueblo. Tu marches donc avec
des milliers de personnes, tu chantes des
hymnes à la liberté, et puis soudain, c’est le
déluge de gaz lacrymogène, et là, évidemment,
le réflexe, c’est de faire marche arrière. Sur
les côtés de la rue, tu vois les mecs de la
“résistance”. C’est ainsi qu’on a appelé ceux
qui se battent avec la police quand celle-ci
commence à charger. Alors que tu as tendance
à t’éloigner de la police, apeuré, ces mecs se
préparent à entrer en action. Certains portent
des masques anti-gaz, d’autres utilisent
simplement des mouchoirs et leur tee-shirt
pour protéger leur visage. Ensuite les lunettes,
le casque. C’est émouvant de voir, à cet instant
d’angoisse généralisée, comment ces types
se préparent sereinement pour défendre la
retraite de milliers de personnes qui exercent
uniquement leur droit constitutionnel de
manifester. La résistance supporte tant qu’elle
peut, mais la police ne se contente pas de gaz,
elle utilise aussi les lances à eau et les tirs de
billes. C’est ce qui a causé la plupart des morts
durant ces mois de manifestations. Les billes
sont en verre solide, comme celles qu’utilisent
les enfants pour jouer, mais tirées par des fusils,
elles deviennent des projectiles mortels. Mon
ami Miguel Castillo a été touché par une bille
le 10 mai dernier. Il est mort le jour même. Trois
autres de mes amis ont été blessés, trois d’entre
eux au cours de manifestations auxquelles je
participais.
Il existe un autre type de manifestations qui
s’est avéré très efficace. On les appelle des
trancazos. Cela consiste à barricader la rue
devant ta maison de manière à ce que les
véhicules ne puissent plus circuler. Ce sont des
barricades faites de branches, de sacs-poubelle
et de petites pierres. Les premiers trancazos
ont duré deux heures, et au fur et à mesure
des jours, ils se sont allongés. Aujourd’hui, il
y a des trancazos de dix heures. Évidemment,
les gens ouvrent la rue en cas d’urgence ou
pour les équipes de presse. Les trancazos
sont efficaces car en multipliant toutes ces
barricades, il est impossible pour la police de
sévir en même temps dans tous les endroits.
La police peut “ouvrir” une rue, mais quand ils
partent réprimer dans un autre lieu, les voisins
la ferment à nouveau.
Les footballeurs vénézuéliens
solidaires
Depuis plus de quatre mois que nous sommes
dans la rue, la dictature a tué plus de cent
vingt manifestants. Le discours du pouvoir
est toujours un discours de confrontation.
Le président du pays a pris la parole il y a
quelques jours à la télévision nationale: “Ce
que nous n’obtiendrons pas dans les urnes, nous
l’obtiendrons par les armes.” En même temps
qu’il déverse ses messages de haine, il affirme
que l’opposition est responsable de la violence
dans les rues. Un mensonge de plus. Alors qu’ils
ont tué plus de cent vingt personnes, deux
Soirée spiritisme à Caracas.
policiers uniquement
sont morts.
Qu’on ne vienne
pas me dire que les
manifestations sont
violentes, j’ai participé à
nombre d’entre elles et
ça n’est pas le cas. Porter
un masque à gaz et un
casque pour se protéger
ne fait pas de vous un
manifestant violent.
C’est vrai, les types de
la résistance se battent,
à coups de pierres et de
cocktails Molotov, mais
ils le font uniquement
quand la garde commence à réprimer. Il n’y
a aucune manifestation où la violence a été
déclenchée par les manifestants. J’en suis
témoin.
“J’aimerais être
le témoin de
ce Venezuela qui
change, où les gens
s’enthousiasment à
l’idée de reconstruire
un pays qui fut
si noble avec nos
ancêtres et avec
nous-mêmes”
En réaction à tout cela, le syndicat des joueurs
de foot a demandé à la fédération vénézuélienne
de football l’autorisation de faire une minute
de silence avant chaque match de première
division. Comme la fédération est fortement
influencée par le gouvernement, la requête a
été rejetée. Les joueurs prirent la courageuse
décision d’effectuer la minute de silence une
fois le match commencé. L’arbitre siffla le
début du match, un joueur
donna le coup d’envoi, puis
aucun joueur ne bougea
pendant une minute. Cet
acte courageux eut une
grande répercussion au
Venezuela et aussi dans le
monde entier. Bien plus que
s’il s’était agi d’une minute
de silence “classique”. Du
coup, la fédération autorise
désormais les minutes de
silence quand la demande
est formulée. Alors que
j’écris ces lignes, Edgar
Rito, joueur de l’équipe
de seconde division Gran
Valencia, est derrière les barreaux pour avoir
protesté contre la dictature. Cette semaine,
Ender Peña, 17 ans, capitaine de l’équipe
Loteria del Tachira, de la première division
des moins de 18 ans, a été assassiné lors d’une
manifestation.
Vous pourriez vous demander pourquoi un
footballeur qui fait carrière en Europe a décidé
de rentrer au Venezuela alors que la situation
est dramatique et que le commun des mortels
ici cherche à fuir le pays. Je me pose souvent
la question. La première des réponses, c’est
que ce que m’offre le Caracas FC, j’aurais
difficilement pu l’obtenir ailleurs. Je ne parle
pas de proposition économique –qui est bien
inférieure à ce que je pourrais continuer à
gagner à l’étranger– mais du projet, qui consiste
à remettre le nom du club au panthéon du
football vénézuélien. Mes années à l’étranger et
mes sélections m’ont apporté une expérience
que je peux mettre à profit pour aider mes
coéquipiers à grandir, pas uniquement sur le
terrain. Surtout, j’ai bon espoir que la situation
change bientôt au Venezuela. La reconstruction
du pays et de sa société est une chose que je
souhaite voir, et à laquelle je veux participer. J’ai
commencé ces lignes en racontant l’histoire de
mes grands-parents. L’Europe d’après-guerre
semble aujourd’hui très loin. Aujourd’hui, nous
voyons l’Europe, malgré ses problèmes, comme
un modèle à suivre. De nombreux exemples de
pays qui sont passés d’une situation critique à
la prospérité en un laps de temps relativement
court existent. Je pense au Japon ou, sans
aller si loin, la Colombie, notre pays frère, qui,
il y a à peine vingt ans, était en guerre contre
le narcotrafic et les paramilitaires, et qui vit
aujourd’hui un très bon moment. J’aimerais être
le témoin de ce Venezuela qui change, où les
gens s’enthousiasment à l’idée de reconstruire
un pays qui fut si noble avec nos ancêtres et
avec nous-mêmes. Malgré la crise humanitaire
et sociale, le Venezuela reste ma terre. • FERNANDO
ARISTEGUIETA
94 _ DÉCRASSAGE
HISTOIRE VRAIE
Le joueur
du grenier
Grand espoir allemand des années 30, Antoine Raab a forgé sa
légende loin des terrains, tandis qu’il fuyait son pays. Ennemi du régime
d’Adolf Hitler, il a traversé la France pour trouver refuge à Nantes, sans
jamais abandonner ni son engagement contre la guerre, ni les terrains
de football. Même pendant l’Occupation.
-“Il me disait souvent que c’était lui qui avait
relancé le FC Nantes.” Loin de l’encombrant
passé de Marcel Saupin, Donatien Nozay
préfère l’histoire méconnue d’Antoine
Raab, son ami allemand. Pour ce retraité
de Treillières, petite ville au nord de Nantes,
son compagnon de l’Occupation est celui qui a
permis le développement du FC Nantes après la
guerre, au terme d’un invraisemblable parcours
pour fuir l’Allemagne d’Hitler.
1933. Stade de Francfort. Antoine Raab est
capitaine de l’équipe des juniors allemands,
qui joue en lever de rideau de l’équipe fanion.
Une fois le drapeau à la croix gammée levé,
tous les joueurs allemands font un salut nazi,
sauf un. Avec son brassard, Antoine Raab,
avant droit, refuse de lever le bras. Devant
45 000 personnes, l’affront est terrible. “Comme
j’étais international junior, ils ne pouvaient pas
m’arrêter”, témoigne Antoine Raab en 1995
sur les ondes de Radio France Loire-Océan.
Mais la clémence ne dure pas. “Après un an et
demi, ils sont venus me chercher et je n’ai plus
vu mes parents pendant dix ans.” La déchirure
est d’autant plus forte que son engagement
pacifiste vient de sa famille. Né en 1913, Antoine
Raab grandit avec les récits de guerre de son
père. “Quand mon père est revenu en 1918, il m’a
expliqué la guerre. À partir de ce moment-là, je
me suis dit que je n’avais pas le droit de tuer mon
prochain.” De fil en aiguille, Antoine devient
également antireligieux, la religion étant, selon
lui, complice de trop nombreuses guerres.
Avant un match entre Francfort et Hambourg,
il est choqué par un prêtre qui baptise un sousmarin
“qui a fait des milliers de victimes à
Dunkerque”. Son catholicisme s’évapore à tout
jamais ce jour-là. Marie-Annick Barreau, une
habitante de Treillières, a un souvenir tenace
de cette aversion: “À la mort de mon père, il est
venu pour les funérailles, mais il est resté sur le
parvis. Il ne pouvait pas entrer dans l’église.” Son
anticléricalisme fait de lui un ennemi d’État. Fin
1935, il est condamné à quinze ans de travaux
forcés. Courageusement, méthodiquement, il
s’applique pendant neuf mois à fabriquer la… clé
de sa cellule, et parvient à s’enfuir. Il se planque
chez “une dame dont le mari a été fusillé”, se
procure un side-car et un uniforme SS: le road
trip jusqu’à l’Alsace commence.
“C’est bien toi, n’est-ce pas?”
Après avoir passé la frontière à la nage, il se
retrouve à Forbach sans argent, sans vêtements
et sans amis. Miraculeusement, il rejoint la
capitale parisienne, mais ne parlant pas un
mot de français, il erre dans le quartier de
Barbès sans pouvoir manger et perd quatorze
kilos. Admis à l’hôpital en sous-alimentation,
il masque tant bien que mal ses origines. C’est
là qu’un certain Weiss, dirigeant d’origine
suisse du Cercle Athlétique de Paris, reconnaît
le footballeur d’antan. Il appelle sa femme
pour récupérer un numéro de Kicker avec sa
photo et le flanque sous son nez. “C’est bien
toi, n’est-ce pas?” Raab ne peut plus se cacher.
Le voilà contraint de… s’engager avec le CA de
Paris! Malgré les protestations de la fédération
allemande, il obtient sa licence de footballeur
amateur. Il joue son premier match contre le
Red Star, au milieu de plusieurs internationaux.
“Pendant le premier quart d’heure, je nageais
un peu. Mais au bout de trente minutes, c’est
revenu, j’étais à l’aise.” Raab revit. Et attire
les convoitises. En échange d’un boulot, il
signe à la Saint-Pierre, un club de Nantes.
Malheureusement, le job de dessinateur dans
un bureau d’études est remis en cause par la
présence de dossiers liés à la défense nationale.
Raab ne se fait pas prier et s’engage plus au
nord, avec le Stade Rennais. Mais sa carrière
est vite interrompue: la guerre éclate. À la fin
d’un dernier match amical contre Belgrade,
l’annonce est faite dans les vestiaires: pour les
cinq Allemands et Autrichiens présents, c’est
l’internement à Vitré, avant un travail dans une
usine d’armement de Montluçon.
Travail à la ferme
La progression de la Wehrmacht remet
tout en cause. Il doit à nouveau fuir par ses
propres moyens. À l’usine, Raab exhorte
ses compatriotes et convainc deux cents
ouvriers de partir. Lui file vers Cahors, où il est
rapidement repéré par la Gestapo. Il n’est pas
arrêté de suite. Il est d’abord envoyé dans un
hôpital catholique –pour soigner une vilaine
blessure de foot. Malgré son refus de prier, la
sœur supérieure le cache au retour de la police
secrète. Raab s’en sort de justesse. Il reprend la
route pour sa dernière planque: un grenier dans
le village reculé
de Treillières, où
les parents de sa
fiancée rencontrée
à Nantes se sont installés pendant la guerre.
Marie-Annick Barreau se souvient qu’Antoine
Raab “utilisait alors un nom d’emprunt à
consonance alsacienne, avec Albert pour
prénom”. Rapidement, “Albert” devient une
figure des villages environnants. “Il ne restait
pas dans le grenier, précise Donatien Nozay.
Il travaillait souvent à la ferme de M. Lucas.”
L’Allemand s’acclimate bien. Il rend la vie de
ses nouveaux amis meilleure en détournant
des fils pour leur installer l’électricité, ou en
les distrayant sur le terrain de foot, tous les
dimanches. “C’était un grand footballeur
allemand, il était bien plus fort que nous,
grand et costaud, les muscles saillants.” Son
intégration ne suffit toutefois pas à assurer sa
Une fois le drapeau à la croix
gammée levé, tous les
joueurs allemands font un
salut nazi, sauf un. Devant
45 000 personnes, Antoine
Raab refuse de lever le bras
tranquillité. Plusieurs
fois “vendu” aux
Allemands, Raab s’en
sort grâce à de faux
papiers. Il restera sur place jusqu’à la Libération,
se permettant même de faire imprimer
régulièrement des tracts invitant les Allemands
à la désertion, qu’il diffuse en les lançant pardessus
le mur de la caserne locale.
Le FCN et la paix
À la fin de la guerre, Raab fait son retour
dans le centre-ville de Nantes avec sa fiancée,
Marinette. Il y croise par hasard Pierre Lautrey,
le dirigeant du FC Nantes fraîchement fondé.
Le football revient par la grande porte. Même
si, physiquement, la planque dans le grenier a
eu raison de ses muscles et de son endurance.
Il deviendra donc entraîneur-joueur du FCN,
dès 1946 –“Il me disait souvent qu’il avait été le
premier entraîneur du club”, raconte aujourd’hui
Donatien Nozay– puis, peu à peu, il occupe
toutes les fonctions importantes. Gilbert
Le Chenadec, qui signe avec le FCN en 1958,
se souvient de lui comme “vice-président, aux
côtés de M. Clerfeuille”, avec qui il forme un
duo de “grosses personnalités”. Il est également
le premier à occuper un poste de directeur
sportif, lorsque Nantes est désespérément
coincé en D2. Il participe ainsi à la venue de
Gondet, de Blanchet… et d’Arribas, auquel il
finit par s’opposer, jugeant son jeu trop osé, trop
révolutionnaire. Le FC Nantes avancera sans
lui. Après avoir ouvert un magasin de sport,
Antoine Raab décède le 2 décembre 2006. Il a
93 ans. L’histoire ne dit pas s’il y eut une messe
à son enterrement. • PAR CÔME TESSIER. TOUS PROPOS
RECUEILLIS PAR CT, SAUF MENTION / ILLUSTRATION: GIANPAOLO
PAGNI
96 SO FOOT _ DÉCRASSAGE
#AMAT’
Mulet
défensif
Thomas Guennoc, 28 ans et numéro 6 de l’Entente Sportive Rédénoise, est connu en Bretagne
pour sa faculté à tacler dans toutes les situations. Il est aussi connu jusqu’en Normandie,
mais pour sa perruque mulet, qu’il aime arborer en soirée kiné.
EEn pleine installation de nouveaux fûts
de bière, Philippe peine à contenir son
rire. Le président de l’ES Rédéné, club
de la petite ville du même nom située
dans le Finistère, vient d’entendre
le prénom “Thomas”. “Le ‘Tacleur fou’, vous
voulez dire? C’est comme ça qu’on l’appelle,
ici! Thomas, il tacle tout ce qui bouge!” Les
bases sont posées. Dans l’équipe première de
Rédéné –le club en compte trois–, qui évolue
en deuxième division de district, c’est donc
Thomas qui se charge du sale boulot. À savoir
allonger ses grandes jambes sur le sol et
glisser sur le fessier pour découper l’adversaire.
“Dans ma famille, on a tous été milieux
défensifs et on n’a jamais été techniques, admet
le numéro 6 de 28 ans. Donc on a tout misé
sur ce geste. Mes deux frères taclaient, mon
père taclait… J’adore
être dans la boue et finir
un match totalement
dégueulasse. C’est une
tradition familiale.”
Quels que soient la
surface (“de l’herbe, du
stabilisé, du synthétique,
et même en salle”) ou le
moment (entraînement,
compétition ou match
entre potes), Thomas
s’abîme les genoux.
Parfois en accompagnant
son intervention
glissée d’un cri: “VAN
GUENNOOOOC”,
hurlement né de la fusion
entre Guennoc –son
nom de famille– et Van Bommel. Ce surnom,
qu’il s’est auto-attribué, a même trouvé sa
place au dos de son vieux maillot du RC Lens.
Pour le Breton d’origine, son style de jeu est
totalement légitime en plus d’être efficace.
D’ailleurs, son seul but en championnat, il l’a
marqué en taclant. “J’emmerde ceux qui disent
qu’un bon défenseur est un défenseur qui reste
“J’emmerde ceux qui
disent qu’un bon
défenseur est un
défenseur qui reste
debout. Ce que j’aime
par-dessus tout, c’est
voir le latéral partir
sur l’aile et venir tout
arracher avec mes
grandes tiges”
debout, avance-t-il. C’est faux: il n’y a rien de
plus efficace qu’un tacle. Ce que j’aime pardessus
tout, c’est voir le latéral partir sur l’aile
et venir tout arracher avec mes grandes tiges.”
Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser,
le co-meilleur buteur du club en coupe de
France (avec un seul but) ne brise jamais
de carrière, et bénéficie très souvent de
l’indulgence des arbitres. Lors de son premier
match avec l’ESR en 2015, il fait deux fautes en
tant que dernier défenseur dès le quart d’heure
de jeu, sans récolter de carton. Un nouveau
type de joueur intelligent? “Vu qu’il passe 80 %
de son temps par terre et qu’il ne connaît que
ce geste, on a parfois un peu peur, reconnaît
Sébastien, son entraîneur. Mais c’est plus
spectaculaire qu’autre chose. Là où il est très
fort, c’est qu’il n’a pris
qu’un jaune la saison
dernière. Il n’est pas
dangereux. Mais ce n’est
pas Ronaldinho, quoi…”
Dans son club précédent
(toujours en Bretagne),
une spectatrice en a
fait l’amère expérience.
Tranquillement posée
le long de la main
courante, la retraitée
ne porte pas attention
à Thomas, alors
que celui-ci ose une
diagonale pour son
ailier. La transversale,
complètement ratée,
finit dans le visage de la
pauvre dame. Résultat: perte de connaissance
de la victime, appel au Samu et match arrêté.
La défense de l’intéressé? “Elle n’avait qu’à
regarder le match!” En dehors du terrain, le
kinésithérapeute de profession a aussi ses
excès. Il n’est par exemple pas le dernier à
s’autoriser quelques verres après un effort
–“Au repas de fin de saison, il a fini cul nu sur
la table devant tous les supporters”, selon
son président–, ou à fomenter un canular.
Dernièrement, au cours d’une soirée qu’il
organisait chez lui, la sentinelle a tout d’abord
piégé une taupe dans son jardin, puis a
planqué l’animal dans le coffre de l’un de ses
coéquipiers. Jusqu’au lendemain, histoire que
la voiture et les affaires de foot soient imbibées
de l’odeur.
Coqueluche de l’ES Rédénoise, Thomas jouit
d’une réputation qui a depuis longtemps
dépassé le cadre du championnat de deuxième
division du Finistère. Pour en avoir la preuve,
il suffit de demander à n’importe quel jeune
kiné ayant réalisé ses études en Bretagne. “Je
suis même connu jusqu’à Alençon”, clame-t-il.
Mais il doit cette notoriété à un artifice: une
perruque mulet, qu’il enfilait lorsqu’il partait
en soirée étudiante, son maillot lensois sur le
dos. En hommage à Tony Vairelles, son idole.
“Tony, c’est un bagarreur, c’est un mec qui
mouille le maillot, confie-t-il sincèrement. C’est
quand même un mec qui est allé au Quatre As,
une boîte à côté de Nancy, avec sa carabine
22 long rifle, pour défendre son frère. Après,
il a demandé à sa femme de lui ramener une
paire de baskets en prison parce qu’il avait
usé toute la gomme de ses chaussures et qu’il
voulait monter une équipe. Ça, ça me fait
kiffer. Franchement, comment peut-on préférer
Neymar?” Alors, pour prouver son amour à
“Tony l’Anguille”, Thomas fait du cosplay
lorsqu’il part en fiesta. Mais pas seulement. Il
a aussi disputé un match officiel en intégralité
avec son mulet vissé sur le crâne (“Ça gratte,
ça tombe, mais ça vaut le coup”). “Un jour, j’ai
voulu balancer un de ses mulets sales, mais il
m’a répondu que c’était absolument hors de
question, témoigne sa compagne. Il l’a aussi
mis sur la tête d’Inès, notre fille, alors qu’elle
n’était âgée que de 2 mois.” Si elle aime passer
autant de temps par terre que son père, la
petite n’est pas près de marcher. • PAR FLORIAN
CADU / PHOTO: BERNARD LE BARS
Le grand vainqueur de la coupe.
98 SO FOOT _ DÉCRASSAGE
PIERRE LA POLICE
LOTO FOOT
Denai Moore
Biberonnée au reggae, la chanteuse anglaise d’origine jamaïcaine s’est émancipée en
empruntant la voie de l’électro-rock à la fin de son adolescence. Un gap artistique. Ça tombe
bien, il faut parfois savoir faire le grand écart pour maîtriser les subtilités du Loto Foot.
Roger Moore vs Denai Moore
Au nom de l’amour narcissique!
Dédicace à moi-même.
1 N 2
Handspinner vs Pokémon Go
1 N 2
Même si je n’ai pas vraiment suivi la hype
Pokémon Go, j’étais fan du dessin animé quand
j’étais enfant. Musicalement, c’est toujours le
meilleur générique de l’histoire d’ailleurs.
Usain Bolt vs Christophe Lemaitre
Si je ne choisis pas Usain sur ce coup,
1 N 2
je pense qu’on va m’invalider mes papiers
jamaïquains. Bolt “To Di World!”
Theresa May vs Brian May
1 N 2
J’ai déjà rencontré Brian May en chair et en
os donc je dois le choisir, en plus il m’a donné
un badge cool que j’ai épinglé sur une de mes
vestes préférées.
“Wenger out!” vs “Wenger in!”
1 N 2
En tant que fan d’Arsenal, c’est dur de
l’admettre, mais je suis assez pro Wenger Out.
Mais en même temps, je n’ai pas envie de le voir
partir.
Wembley vs Stade de France
1 N 2
Je ne suis allée dans aucun des deux stades
mais ça fait partie de mes rêves de voir un
match à Wembley.
Olivier Giroud vs Harry Kane
1 N 2
Si je me base sur la rivalité Arsenal/Tottenham,
je suis un peu obligée de prendre Giroud.
En plus, il a vraiment des super cheveux!
BBC vs Bale, Benzema, Cristiano 1 N 2
Je suis une énorme fan de Masterchef.
De toute émission de cuisine en fait. Je regarde
ça avec un thé et des gâteaux.
God Save The Queen
vs La Marseillaise
1 N 2
La plupart des hymnes sont plutôt boring.
Je pense qu’ils devraient être repensés et
modernisés avec davantage de pyrotechnie et
d’impro vocale! PAR JPS / PHOTO: DR
v
“En tant que fan
d’Arsenal, c’est dur de
l’admettre, mais je suis
assez pro Wenger Out!”
À écouter: Denai Moore, We Used To Bloom, Because Music
.
CHRISTOPHE DUGARRY
@TeamDugaRMC
LA RADIO
PAS COMME
LES AUTRES
DeBonneville-Orlandini Photo © Jérôme Dominé - Abacapress
TEAM DUGA 18H-20H