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So Foot Septembre 17

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* Ne craquez pas sous la pression – Informations : 01 55 27 00 07

TAG HEUER : CHRONOMÉTREUR OFFICIEL DE LA LFP

Les joueurs repoussent sans cesse leurs limites

et ne craquent pas sous la pression.

boutique.tagheuer.com


édito

Le transfert du siècle révèle

un possible décryptage subliminal de

deux chiffres voisins, 222 et 2022. Le Qatar (et

non pas le PSG) aurait ainsi dépensé 222 millions d’euros

pour Neymar afin de sécuriser sa coupe du monde de 2022.

Les récentes attaques diplomatiques assorties du blocus de l’Arabie

saoudite et de ses alliés se sont additionnées aux enquêtes toujours

en cours du Fifagate sur d’éventuelles corruptions pour l’attribution du

mondial 2022. Tête de gondole de la stratégie sportive planétaire du Qatar, son

PSG a en outre salement morflé en 2017: un désastre historique à Barcelone (1-6) et un

championnat de France raflé par Monaco ont éloigné le “rêve en plus grand” de gagner

la ligue des champions. Alors Doha devait réagir dès cet été en frappant un grand coup.

Son PSG a donc décidé de porter le fer sur ses deux bourreaux: arracher Neymar au Barça

et chiper Mbappé (voire Fabinho) à l’ASM! Se sachant par avance entravé par les règles du

fair-play financier de l’UEFA, Nasser Al-Khelaïfi s’était adjoint dès le 2 juin dernier les services

d’Antero Henrique, nouveau directeur sportif mais véritable cost killer chargé de dégraisser

l’effectif parisien. Signe révélateur, Unai Emery est passé totalement au second plan durant

cette campagne de recrutement estivale. Comme si le prestige avait d’abord pris le pas sur le

sportif. Car avec l’arrivée de Neymar, Emery aura la délicate mission de sublimer son équipe

en y injectant… un joueur-équipe! Le pari est réalisable mais une greffe réussie nécessitera

une nouvelle formule tactique optimale incorporant un joueur d’exception à un groupe

parisien pas toujours en phase avec les préceptes du coach basque… Surtout, avec la venue

probable de Mbappé, tout échec sera désormais interdit. Pas facile, là non plus: les

grandes seigneuries européennes (Real, Milan, Barça, Bayern), inquiètes de la montée

en puissance du rival parisien, vont se liguer contre lui tant sur le plan sportif que

sur le plan juridico-financier. Via le PSG, Doha a donc misé très gros sur Neymar,

joker géostratégique malgré lui. Joueur-monde de 25 ans, ultra bankable et

plus que jamais “futur Ballon d’or”, il est l’artisan espéré d’une victoire

parisienne en C1, voire même d’une coupe du monde 2018 avec la

Seleção. Ses succès consolideront le projet du mondial au

Qatar. Encore cinq ans à tenir, pour Doha. C’est aussi

la durée du contrat de la star brésilienne qui

court jusqu’en 2022. CQFD? j CG

résumé

de l’épisode

précédent

Vous avez manqué le dernier

numéro de So Foot ?

Voici les infos qu’il ne fallait

pas louper.

Diego Maradona se régale des

elasticos de Ronaldinho. Anthony

Le Tallec a

joué contre

Ronaldinho

en ligue des

champions.

Pour

Ronaldinho, être

seul, ça veut

dire que tu n’as

pas d’amis. Un

jour, le père

de Ronnie,

soudeur la

semaine et

gardien au stade Olimpico le weekend,

s’est offert un caméscope. Ronan

Le Crom a recroisé Ronaldinho une

fois ou deux. Ronaldinho a découvert

le couscous chez Talal El-Karkouri.

Ronaldinho regrette de ne jamais avoir

connu Jean-Paul II. Tostão pense que

Ronnie vit dans un autre monde, un

monde fermé. Si l’écrivain Tristan

Garcia avait eu 8 ans en 2002, il aurait

probablement adoré Ronaldinho.

Quand il va en boîte, le sosie de

Ronaldinho a toujours une table pour

lui, gratuitement. Si ça n’avait tenu

qu’à lui, Ronaldinho, aurait dribblé

deux fois l’équipe adverse plutôt que

de marquer. – PAR STÉPHANE MOROT

OURS

SO FOOT, mensuel, édité par SO PRESS,

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par Renaud Bouchez

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PROCHAIN NUMÉRO

en kiosque le

5/10/2017

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sommaire

Avant-match

10. Rapido. Koffi Djidji répond à toutes

sortes de questions débiles mais

existentielles.

10. Timothée a des crayons tout neufs

pour la rentrée. Et il n’a pas attendu pour

les affûter.

14. L’effet papillon. Comment

l’invention de l’autoradio a conduit

Neymar au PSG.

16. Regard critique. Laurent Pionnier

aime aussi les ballons quand ils sont

rouges. Interview tanin et palais avec

le gardien de Montpellier.

18. Infiltré. Liquidation judiciaire

d’Évian-Thonon-Gaillard, tout doit

disparaître! Même les cartons de packs

d’eau, proposés comme lots d’une vente

aux enchères en juillet dernier.

20. Gros perso. Mario Vargas Llosa,

prix Nobel de littérature 2010.

22. Jour après jour. Un mois

de Neymar, de Neymar et un peu de

Neymar.

Portraits

54. Ernesto Valverde. Disciple de

Cruyff, ami de Guardiola et passionné de

photographie, le nouveau coach du Barça est

considéré comme l’un des entraîneurs les plus

talentueux de sa génération. Ça tombe bien,

il va devoir éteindre un incendie et vaincre

Goliath.

64. Christian Pulisic. Il n’a peur de rien,

c’est un Américain. Peut-être le tout premier

à pouvoir devenir une superstar du football,

ce sport d’Européens. Retour sur le jeune

parcours du petit prodige de Dortmund.

Couverture

26. Unai Emery. Voilà plus d’un

an que le coach espagnol a remplacé

Laurent Blanc à la tête du PSG, et

il ne s’était encore jamais vraiment

exprimé. Il le fait ici, à l’occasion d’une

interview de plus d’une heure et demie,

où l’entraîneur parisien évoque autant

Neymar que Verratti, la “démontada”

au Camp Nou que des difficultés d’être

en couple dans le football professionnel.

Dix pages de confessions.

Ernesto Valverde et Renaud Bouchez


sommaire

Dossier

38. Guide Ligue 1

50. Guide Liga

60. Guide Bundesliga

68. Guide Serie A

74. Guide Premier League

Témoignage

88. Fernando Aristeguieta. De retour au

pays après un passage en Europe, notamment

au FC Nantes, l’attaquant international

vénézuélien a pris en pleine face la réalité

de son pays: rationnement, corruption et

violences policières… Ce qui l’a poussé lui

aussi à manifester dans la rue contre le régime

de Maduro. Il raconte.

Entretiens

42. Dimitri Payet. L’équipe de France,

Marcelo Bielsa, le Champions Project de

l’OM, Slaven Bilic, les requins de La Réunion,

son transfert à West Ham… Le héros de

l’Euro 2016 revient sur ces derniers mois

pendant lesquels il a changé de statut,

passant d’espoir un peu déchu de la Jonelière

à chouchou de Didier Deschamps.

80. Petr Cech. Alors qu’il vient d’entamer

sa quatorzième saison en Premier League,

l’ancien gardien du Stade Rennais a passé

l’essentiel de sa carrière dans l’ombre des

Buffon, Casillas ou Neuer. Ce qui ne l’a pas

empêché de gagner foison de titres, tant

individuels que collectifs, et de donner deuxtrois

concerts.

Décrassage

94. Histoire vraie. En 1933, Antoine Raab

est capitaine des espoirs allemands. En

2006, il meurt à Nantes. Entre les deux, sa vie

change du tout au tout le jour où il refuse de

faire un salut nazi. Réfugié en France, il finit en

Loire-Atlantique, où il participe après-guerre

à la fondation du FCN.

96. L’amateur du mois. À la rencontre

du numéro 6 de l’Entente Sportive Rédénoise,

qui ne sort jamais sans sa perruque mulet.

98. Pierre la Police sait des choses du foot

que vous n’imaginez pas.

98. Loto Foot. Si Lova Moor ne s’appelle pas

vraiment Lova Moor, Denai Moore s’appelle

vraiment Denai Moore. Et elle a vraiment

coché une grille de Loto Foot.

Panoramic, collection personnelle Fernando Aristeguita, Martin Ilgner et Romain Philippon


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Edition Légende

également disponible


index

!

#

p88

ARISTEGUIETA n.m.

Individu qui vient

d’arrêter David Guetta.

p12

CAGE n.f. Endroit clos

(par des barreaux, du grillage)

servant à tenir enfermés

des animaux vivants.

p80

CUDICINI n.m. Dessinateur

qui ne dessine que des culs.

p26

DI MARIA adj. numéral. invar.

Entre neuf et onze Maria.

p10

DJIDJI 1. n. Personne qui commet

des crimes dans des parcs

zoologiques. Djidji, la mort au zoo.

p26

DRAXLER n.m. Véhicule doté

d’un moteur très puissant, destiné

aux compétitions de vitesse

sur très courte distance.

p80

BERGEROO n.f. Lieu, bâtiment

où l’on abrite les moutons. -

Enfermer le loup dans la bergeroo,

introduire quelqu’un dans un lieu

où il peut faire du mal.

p38

BIELSA n.f. Société anonyme

qui plaît à l’œil.

p42

BILIC, se dit d’un stylo à bille.

Stylo bilic.

p80

CECH adj. Qui n’est pas ou est

peu imprégné de liquide. Même

mouillées, elles sont cech.

p22

BÖLÖNI, journaliste et

essayiste française prénommée

Natacha.

p26

EMERY 1. n.m. Abrasif

fait d’une roche (corindon)

réduite en poudre. 2. n.m.

Administration municipale.

Secrétaire d’emery.

p42

ÉVRA interj. Onomatopée

imitant un bruit fort et sec.

Évra, encore une porte qui

claque!

p80

HASEK loc.adj. Sans eau.

Nettoyage hasek.

p80

LOLLICHON 1. n.m. Sein

rigolo. 2. Petit concombre

cueilli avant sa maturité,

que l’on conserve dans

du vinaigre.

?

p98

MAY 1. n.m.

Cinquième mois

de l’année.

p26

NEYMAR n.m. Nez trop

long ou trop gros, en

tout cas insatisfaisant.

p42

PAYET n.f. Lamelle de

métal brillant, de nacre,

de plastique, servant

d’ornement (sur un

tissu, un maquillage,

etc.)

p16

PIONNIER n.m.

Soldat employé

aux travaux de

terrassement.

p64

PULISIC, mot

prononcé par un mec

bourré qui cherche

absolument un Prisunic.

p80

TERRY 1. adj. Sans eau.

Une rivière terry.

?

?

p54

VALVERDE n.f. anat. Valvule

coupée en dés.

p80

WENGER n.m. Personne

qui venge, punit.

p42

THAUVIN adj. Qui

a une admiration

exagérée, partiale et

exclusive pour son

pays.

SIM TRIQUETTE

Romain Philippon, Dppi, Martin Ilgner et Iconsport


Le coin des parieurs

PORTUGOLOCR7, ou Loïc dans le civil, est du genre à tenter des choses.

Comme poser un billet de cent euros sur un pari cumulant onze matchs

de foot et un de tennis. Un coup de folie payant, puisque son portefeuille

s’est gonflé de 5 492 euros. Idéal avant de partir en vacances.

“Il m’a presque fallu une

journée pour m’en remettre”

Bon, comment on en vient à poser 100 euros

sur un cumulé de 12 matchs? Je ne sais

pas, comme ça. On était dimanche, je ne

faisais rien de la journée et j’ai bien senti

les matchs qu’il y avait. Cent euros, c’est

beaucoup, certes, mais si tu regardes tous

les matchs que j’ai mis, il n’y en avait pas

de compliqués. À part le Real, il n’y a rien

de fou.

C’était un pari très réfléchi? Non, pas

vraiment. Il ne faut pas trop réfléchir

d’ailleurs, il faut mettre ce que tu sens.

J’ai des potes qui mettent un match, puis

qui l’enlèvent, qui le remettent… Il faut

suivre sa première intuition, souvent. Je

suis vachement le football, donc je sais

toujours les matchs qu’il y a, et là, je me

suis dit que j’allais mettre les grosses

équipes de chaque pays, en gros, et puis

voilà…

Comment tu as suivi toutes ces rencontres?

Normalement, j’aime bien suivre les

matchs sur lesquels je parie à la télé.

Mais là, j’étais chez un ami qui n’avait

pas les chaînes, donc j’ai suivi sur une

application. Je n’étais même pas trop

stressé car finalement tous les matchs

se sont bien passés pour moi, je n’ai pas

connu le but à la dernière minute ou

quelque chose comme ça. Par contre, j’ai

suivi le dernier match, le Barça-Real.

Et là, il y avait un peu de stress? Ah là, ouais,

quand même. Bon, je me disais quand même

que le Real pouvait le faire, mais quand il y a

eu le penalty de Messi, franchement, je me suis

dit que c’était fini. Après, il y a les deux buts

du Real, mais même à 3-1 à quelques secondes

de la fin, j’étais stressé (rires), j’attendais

vraiment le coup de sifflet final. Ensuite, je suis

vite allé sur Winamax pour être sûr que j’avais

bien tout validé, que je n’avais pas oublié un

match ou un truc comme ça.

C’était quoi ta réaction quand tu as officiellement

gagné les 5 000 euros? Franchement, je ne

réalisais pas. J’avais déjà gagné quelque chose

comme 2 700 euros, mais là, 5 000 euros…

Il m’a presque fallu une journée pour m’en

remettre. Le lendemain, j’avais encore du mal

à y croire. C’est quand même énorme comme

somme.

Tu étais tout seul pour ce dernier match? Non,

j’étais chez mon cousin. On regardait le

match, mais je n’avais pas dit que si le Real

gagnait, je prenais 5 000 euros, j’avais peur

que ça me porte malheur. Mais pendant le

match, ils ont bien vu que j’avais des réactions

disproportionnées sur les buts du Real. J’aime

bien le club, en plus je suis portugais, donc je

supporte Cristiano Ronaldo, mais bon, là, ce

n’était qu’une Supercoupe d’Espagne. Donc

ils sentaient bien qu’il y avait un truc bizarre

(rires).

Tu comptes faire quoi de cet argent? Je

pars en vacances dans deux jours, donc

ça va me permettre de me faire plaisir.

En plus, j’avais un budget super limité,

donc ça tombe vraiment bien. Je ne

vais pas tout cramer, mais je vais bien

prendre 2 000 euros. Puis je vais garder

le reste. Et j’ai quand même laissé cent

euros sur mon compte Winamax pour

mes prochains paris.

“On regardait le match,

mais je n’avais pas dit

que si le Real gagnait, je

prenais 5 000 euros.

Mais pendant le match,

ils ont bien vu que

j’avais des réactions

disproportionnées”

Tu vas reproduire cette technique de

combinés de grande ampleur? Pas

forcément. Ces derniers temps,

je préfère parier sur un buteur en

particulier, ou alors sur le “but pour les

deux équipes”. Sur ce pari, au final, je

ne sais pas trop pourquoi j’ai mis autant de

matchs, je me suis lâché… Mais c’est quand

même super rare.

Tu as déjà connu une grosse désillusion en pari

sportif? Il y a tout juste quatre mois, j’avais

parié cinq ou dix euros sur quinze buteurs

durant le week-end. Je pouvais gagner

quelque chose comme neuf ou dix mille euros.

Et puis, à la fin, j’en avais treize sur quinze et

il ne me restait plus que Bacca du Milan et

Suarez du Barça, donc j’étais hyper confiant, et

puis, comme par hasard, ils n’ont pas marqué.

Là, c’était vraiment une grosse désillusion. Sur

le coup, tu les insultes un peu et puis ça passe

(rires). PROPOS RECUEILLIS PAR GASPARD MANET


12 SO FOOT _ AVANT-MATCH

PUBLI-RÉDACTIONNEL: DES ABSCISSES DÉSORDONNÉES

LES COULISSES DU POUVOIR

Chez les footballeurs comme chez The Defenders, chacun a son parcours bien à lui. Avant de maîtriser

n’importe quelle situation, Daredevil a perdu la vue en voulant sauver un vieil homme. Une épreuve dont

il est sorti grandit et avec une meilleure ouïe. Luke Cage, lui, est devenu un homme invulnérable après un

détour par la case prison. Iron Fist, de son coté, à carrément survécu à un crash d’avion avant d’apprendre

les rudiments du Kung-Fu avec des moines. Jessica Jones n’a pas non plus été épargné par le destin.

Tombée dans le coma suite à un accident de voiture, la jeune femme s’en est finalement sortie avec des

superpouvoirs impressionnants. Et si les footeux étaient eux aussi des Defenders, ça donnerait quoi?

Réponses, ici et maintenant.

Leader

Messi

Le patron

CR7

3000 abdos par jour

pour être le meilleur

Sergio Ramos

Homme dacier

et casque en or

Zlatan Ibrahimovic

N°1 selon lui-même

Inné

Neymar

N°1 selon les supporters

du PSG

Patrice Evra

Le poids des mots, le choc

des tibias

Acquis

Marco Veratti

Caïd de la Ligue 1

Paul Pogba

Les Bleus dans les yeux

Gareth Bale

Chignon tout plein

Isco

Ancien gros devenu beau

Kylian Mbappé

Taillé dans le Rocher

Suiveur

Alexis Sanchez

Enfant de la mine

TIMOTHÉE OSTERMANN LA PISCINE 1/2


par SOFOOT

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«Moi qui adore les paris

ce jeu est parfait !»

«Ce jeu est fantastique. Il y a

même le championnat tunisien.»

- Nikola K.- - Mathieu V.-

@

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22 SO FOOT _ AVANT-MATCH

JOUR APRÈS JOUR

UN MOIS DE NEYMAR DA SILVA SANTOS JUNIOR, DIT NEYMAR JR.,

PLUS COURAMMENT APPELÉ NEYMAR

Jeudi 20 juillet. Même en

vacances, il n’y pas de petites

économies: le maire de la

commune de Forges refuse de

remplacer le portrait de François

Hollande par celui d’Emmanuel

Macron, parce que ça l’obligerait à

acheter un nouveau cadre. Pas de

dépenses inutiles non plus pour

cette Américaine dont le mariage

est annulé à la dernière seconde,

et qui convie des sans-abri à se

partager le buffet. Pendant ce

temps-là, d’autres refusent de se

serrer la ceinture: Chelsea claque

80 millions d’euros pour Alvaro

Morata, Manchester United

balance 85 millions pour Romelu

Lukaku, pendant qu’un acheteur

anonyme s’offre pour 1,8 million

de dollars une pochette utilisée

par Neil Armstrong pour ranger

des petits cailloux ramassés sur

Vive le sport sur France Télé.

la Lune. Le PSG espère lui aussi

la décrocher avec Neymar, mais

le transfert du Brésilien traîne en

longueur.

Vendredi 21 juillet. La journée

commence très mal: Claude Rich

s’éteint à l’âge de 88 ans, et Chester

Bennington, chanteur de Linkin

Park, se suicide à seulement 41 ans.

Pas de panique toutefois, Salvador

Dali est là pour nous prouver que

les grands artistes sont éternels:

en ouvrant son cercueil pour un

test de paternité près de trente ans

après sa mort, on a découvert que

sa moustache était intacte. Une

nouvelle qui plonge le monde dans

l’euphorie: la CAN passe à l’heure

d’été et à vingt-quatre nations,

Chicharito signe à West Ham,

Magic System donne un concert

dans un avion, et un Gallois

“Trop, c’est trop. On vit sur une planète,

on vit dans un monde. Y’a pas que le

foot, tu vois?”

Patrick Montel, commentateur sportif à France Télévisions

annonce à sa copine qu’il va boire

une pinte au pub et revient cinq

jours plus tard après un séjour à

Ibiza. Attention tout de même aux

lendemains de cuite: à Schalke 04,

les joueurs en retard ne paient

plus d’amende, mais effectuent des

heures sup à la boutique du club.

Ah, au fait: Neymar n’est toujours

pas à Paris.

Samedi 22 juillet. Attention,

journée de cruelles désillusions:

le Sporting Club de Bastia est

confirmé en National 3, des

chercheurs de l’université de

Manchester établissent qu’en plus

de ne pas pouvoir se gratter le

front, le tyrannosaure ne pouvait

pas courir à plus de 18 km/h, le

meilleur buteur de Côte d’Ivoire

reçoit un trophée avec l’étiquette

du prix encore collée dessous

(37 euros), et Neymar aurait

annoncé à ses coéquipiers qu’il

restait en Catalogne, selon la SER.

Sauf que selon Le Parisien, il aurait

plutôt annoncé à ses coéquipiers

qu’il partait. Romain Bardet met

tout le monde d’accord et sauve

sa place sur le podium du Tour de

France au Stade Vélodrome… pour

une petite seconde. Avec celle de

Valère Germain, ça fait déjà deux

arrivées réussies à Marseille cette

saison.

Dimanche 23 juillet. Pas de

surprise, Christopher Froome

remporte son quatrième Tour de

France haut la main, et Warren

Barguil rentre à Paris avec le

maillot à pois sur les épaules. De

quoi faire passer plus facilement la

pilule du retour de Luis Fernandez

au Paris Saint-Germain, à la

formation. Sans rapport aucun,

une étude démontre que les

couples les plus heureux sont ceux

qui boivent ensemble. Attention

à ne pas abuser de la boisson,

toutefois, parce qu’on finit parfois

par faire les pires conneries: deux

joueurs du Stade Français sont

accusés de violences volontaires

et d’agression sexuelle avec

circonstances aggravantes. “Un des

hommes a baissé son pantalon et a

plaqué Jessica contre un mur tout

en lui attrapant les seins”, raconte

une des victimes. Elles sont

passées où, les valeurs de l’ovalie?

Lundi 24 juillet. Le chiffre vient

de tomber: ce sont les Norvégiens

qui jouissent le plus, 35 %

d’entre eux prétendent atteindre

l’orgasme au moins une fois par

jour. Et ce sont les Brésiliens qui

jouissent le plus fort, loin devant

la concurrence. En attendant

de faire péter les décibels avec

l’arrivée du plus célèbre d’entre

eux à Paris, on va devoir se

résoudre à prendre un peu moins

de plaisir en ligue 1: Benjamin

Mendy s’en va à Manchester City

et devient le défenseur le plus

cher de l’histoire du foot. En Italie


Magic Mike.

aussi, on fait une croix sur un

distributeur de bonheur, puisque

Antonio Cassano annonce sa

retraite après les tergiversations

de son épouse: “Contrairement à

ce qui a été publié sur les réseaux

sociaux de ma femme, je voudrais

clarifier la situation. Carolina a

eu tort, et après réflexion j’ai pris

la décision suivante: Antonio

Cassano ne jouera plus au football.”

Inutile de chercher du réconfort

en Angleterre: selon une étude du

Times, il paraît que conduire plus

de deux heures, c’est comme la télé

et le racisme, ça rend idiot.

Mardi 25 juillet. Gerard Piqué

lâche une bombe sur Twitter: une

photo de Neymar et lui, avec pour

seule légende “Se queda”, soit “Il

reste”. On dirait du Julien Lepers.

En attendant, le prodige brésilien

n’est pas sur les campagnes de

“Ce qui dérange les gens, c’est mon

génie. Les insectes attaquent seulement

les lampes qui brillent” Cristiano Ronaldo

pub du Barça, et le site de porno

franchouillard Jacquie et Michel

promet des accès illimités dès

l’officialisation du transfert. C’est

à peu près à ce moment-là que la

journée devient complètement

folle: à Miami, une maison est

mystérieusement bombardée par

sept kilos de saucisses surgelées ;

à Brest, la police met enfin la main

sur l’individu qui maculait les

distributeurs de billets de matière

fécale ; en Belgique, une dame

de 79 ans est flashée à 238 km/h

au milieu de la nuit parce qu’elle

voulait “prendre l’air” ; et en

Espagne, Marca annonce un accord

entre le Real Madrid et Monaco

pour le transfert de Mbappé à

180 millions d’euros. Vivement

demain!

Mercredi 26 juillet. Les temps

sont durs pour tout le monde, mais

plus particulièrement pour les

hommes, puisqu’on apprend que la

concentration de spermatozoïdes

a été divisée par deux en moins

d’un demi-siècle dans les pays

occidentaux. Gerard Piqué, dans

un souci de prouver le contraire,

avoue que son tweet était un coup

de bluff, avant d’affirmer que

Neymar ferait une belle connerie

en signant dans un championnat

“plus faible que la Liga”: “Il ne

peut pas être le meilleur joueur du

monde là-bas, à moins de gagner

la ligue des champions.” Ça tombe

bien, c’est à peu près ça, le plan.

Et Étienne Didot se charge de le

lui rappeler: “Pourquoi il ouvre

autant sa gueule, celui-là? Aussi

bon joueur soit-il, qui il est pour

juger notre championnat?” Nice se

fait un plaisir de transformer les

mots du milieu breton en actes en

arrachant le nul contre l’Ajax, en

tour préliminaire de C1, grâce à un

but de Balotelli. Enfin la reprise,

putain!

Jeudi 27 juillet. Mais que fait

la police? Aux États-Unis, trois

détenus s’échappent de prison

et se paient le luxe de filmer leur

cavale pendant une semaine.

Pas mal, mais ça reste très loin

des champions du monde toutes

catégories dans l’art de narguer


24 SO FOOT _ AVANT-MATCH

“Le fisc, ça veut dire fédération

internationale de sodomie citoyenne”

Jean-Marie Bigard, profession humoriste

la justice, à savoir le couple

Balkany, qui court toujours. Mais

qui pourrait finalement être

rattrapé par la patrouille suite

à un renvoi en correctionnelle

par le parquet national financier

pour “blanchiment de fraude

fiscale aggravée” et “corruption

passive”. Indécence toujours:

Valère Germain claque un triplé

au Vélodrome pour son premier

match officiel sous ses nouvelles

couleurs. Et Neymar, il en est où? Il

arrive, il arrive…

Vendredi 28 juillet. Puisqu’on

parle du loup… Neymar annule

un événement de promotion Nike

parce qu’il “travaille actuellement

à un transfert”. Bon. Dans la série

des petits jeux qui durent depuis

un peu trop longtemps, il y a cette

jeune femme en Lozère qui simule

son propre enlèvement pour s’offrir

un week-end coquin avec son

amant. Lequel serait un homme

politique selon les forces de police,

qui n’ont pas vraiment apprécié de

monopoliser cinquante hommes

et un hélicoptère pendant deux

jours pour retrouver la soi-disant

victime. Le HAC, lui non plus, n’a

pas de temps à perdre, et prend la

tête de la ligue 2 pour la reprise du

championnat (0-3), pendant que

Châteauroux s’offre une remontada

sensationnelle sur le terrain de

Brest (2-3). Après tout, ils ont le

même maillot que le Barça.

Samedi 29 juillet. À Boulognesur-Mer,

un bébé naît vivant

malgré une interruption médicale

de grossesse pratiquée quelques

heures plus tôt. “En trente-cinq ans

de carrière, je n’ai jamais vu ça”,

constate le directeur de l’hôpital.

De son côté, Laszlo Bölöni, coach

du Royal Antwerp, oublie le

nom de sa nouvelle recrue mais

n’oublie pas de se moquer de son

embonpoint: “Qui ça? Non, je suis

sérieux, vous parlez de qui? Ah,

mon attaquant! Il est arrivé hier, on

n’a même pas encore eu le temps de

le mettre sur une balance. Et quand

je le vois, je pense que la balance

ne va pas être contente.” Beaucoup

moins drôle: en Afrique du Sud,

le choc entre le Kaizer Chiefs FC

et les Orlando Pirates est marqué

par la mort de deux spectateurs

lors d’un mouvement de foule.

Un drame qui n’a pas empêché

la rencontre de se dérouler…

Victoire des Chiefs 1-0. À Miami, le

premier Clasico de la saison n’est

spectaculaire que sur le terrain:

le Barça remporte l’International

Champions Cup en battant le Real

(3-2) grâce à un Neymar en très

grande forme, sans doute parce

qu’on évoque désormais un contrat

de cinq ans au Paris Saint-Germain.

Qui, lui aussi, remporte un match

de gala délocalisé: le trophée des

champions, à Tanger, face à l’ASM

(2-1). Ça se précise.

Dimanche 30 juillet. Dans

le Yorkshire, un jeune homme

débourse 280 000 euros pour

s’offrir une Ferrari et la pulvérise

une heure plus tard lors d’une

sortie de route. Une belle allégorie

du parcours de l’équipe de France

féminine à l’Euro: les Bleues

sortent de la compétition par la

toute petite porte, éliminées par

l’Angleterre (1-0) sans avoir rien

montré en quatre matchs. Aux

États-Unis, une femme de 45 ans

est attaquée par son boa, qui

s’est enroulé autour de sa taille:

les policiers n’ont pas d’autre

choix que de décapiter le serpent.

Tout le contraire de la FFF, qui

maintient Olivier Echouafni sur

le banc des Bleues malgré un

Euro calamiteux. Il faut dire que

le sélectionneur a une excuse en

béton: “Je suis surtout déçu par la

qualité de jeu de nos adversaires.

Dans notre groupe, on n’avait que

des équipes qui attendaient, qui ne

produisaient pas de jeu, donc pas

de spectacle, et malgré cela, on a

réussi à se créer des situations.”

Quelqu’un pour ramener Olivier à

la raison? Et pourquoi pas le petit

Charlie Edwards, 10 ans, qui visite

Laszlo et une jeune femme

qui ne sait pas mettre son t-shirt.

le Muséum d’histoire naturelle de

Londres et corrige une erreur de

dénomination d’un dinosaure. Il s’y

connaît en foot, Charlie?

Lundi 31 juillet. Au Chili, les

joueurs de Colo-Colo pénètrent

tous sur la pelouse avec un chien

abandonné en laisse, pour inciter

les supporters à les adopter…

Jean-Michel Aulas est lui aussi

prêt à s’engager pour une bonne

cause: la sienne. S’il se réjouit de

l’arrivée de plus en plus probable

de Neymar au PSG, “pour apporter

une visibilité extrême à la ligue 1”, il

déplore que “ce gain d’attractivité

ne compense pas la perte de

revenus liés à l’absence de ligue

des champions. Si Paris, au travers

de moyens disproportionnés, et

Monaco confisquent les deux

premières places qualificatives,

les autres sont exclus du système

engendrant les revenus les plus

importants. Ça lèse ceux qui

travaillent le mieux.” La preuve

avec Cristiano Ronaldo. Le Ballon

d’or est mis en examen pour fraude

fiscale. Mais le Portugais ne s’en

laisse pas compter, et fustige les

jaloux: “Ce qui dérange les gens,

c’est mon génie. Les insectes

attaquent seulement les lampes

qui brillent.” La goutte de trop pour

Jeanne Moreau, qui s’éclipse à l’âge

de 89 ans et ne verra donc jamais

Neymar sous le maillot parisien.

ER

Mardi 1 août. Les rois de

l’évasion, épisode 2: dans

“Vous parlez de qui? Ah, mon attaquant!

Il est arrivé hier, on n’a même pas

encore eu le temps de le mettre sur une

balance. Et quand je le vois, je pense

que la balance ne va pas être contente”

Laszlo Bölöni, coach du Royal Antwerp


l’Alabama, douze salopards

parviennent à s’échapper de prison

grâce à du beurre de cacahuète,

qu’ils ont utilisé pour modifier le

numéro inscrit sur la porte de leur

cellule. Manque de bol, onze des

douze fugitifs sont repris moins de

vingt-quatre heures plus tard. Pas

de chance non plus pour ce bon

vieux Freddy Adu, qui cherche un

quatorzième club pour poursuivre

sa carrière, et échoue lors d’un

essai au Sandecja Nowy Sacz, en

Pologne. Tristesse toujours: Jérôme

Golmard, ancien numéro un du

tennis français, décède à 43 ans

de la maladie de Charcot. Pendant

ce temps-là, Tinder propose un

contrat de sponsoring de plus de

13 millions d’euros à Manchester

United, qui hésite à valider le

“match”.

Mercredi 2 août. Pendant que

la Nasa publie une offre d’emploi

pour gérer des agressions

extraterrestres, des activistes

norvégiens anti-immigration

confondent des sièges de bus avec

des femmes en burka… C’en est

trop pour Jean-Marie Bigard, qui

définit le fisc comme la “fédération

internationale de sodomie

citoyenne”. Heureusement, Neymar

sèche l’entraînement barcelonais et

annonce (encore) son départ à ses

futurs ex-partenaires. Ne reste plus

qu’à passer la visite médicale la

plus attendue de l’histoire.

Jeudi 3 août. Nouvelle dinguerie

sur le marché des transferts:

Kylian Mbappé voudrait partir,

selon L’Équipe. Insuffisant pour

faire de l’ombre à Neymar, qui

est officiellement parisien et

récupère le numéro 10 du PSG,

gracieusement offert par Javier

Pastore. Problème: la Liga refuse

les 222 millions d’euros du PSG, un

tarif que José Mourinho ne trouve

“pas élevé pour Neymar”. Qu’en

pense ce Chinois qui qui a dépensé

8 733 euros dans une station de

ski suisse pour un verre de whisky

millésimé de deux centilitres?

Vendredi 4 août. Le rappeur

Prodigy serait mort en s’étouffant

avec un œuf. Mais l’info

primordiale du jour concerne, une

fois n’est pas coutume, Neymar: le

Brésilien est arrivé à Paris et sera

présenté le lendemain au Parc des

Princes. Sinon, la ligue 1 démarre

par une victoire de Monaco

contre Toulouse, et la ligue 2 se

poursuit avec la rencontre entre

Geoffrey Jourdren et son nouveau

public de Nancy, qui scande le

nom du gardien remplaçant. “Je

José fait la Mou.

“Pour 200 millions d’euros, je ne pense

pas qu’il soit cher. Neymar est l’un des

meilleurs joueurs du monde, il pèse

lourd commercialement et le PSG y a

évidemment pensé”

José Mourinho

ne demande pas qu’on soit gentil

avec moi, mais un minimum de

jugeote, réclame le portier titulaire.

Mais bon, si une intelligence, ça

s’achetait au supermarché, je pense

que tout le monde en achèterait

une.” Si seulement c’était vrai.

Samedi 5 août. Tremblement de

terre sur la planète sport: pour la

dernière course de sa carrière en

individuel, Usain Bolt perd son

titre de champion du monde sur

100 mètres à Londres. Il est battu

par… Justin Gatlin, suspendu

pour dopage à deux reprises. En

Allemagne, c’est la vidéo de la

Supercoupe qui tombe en panne

et oublie donc d’invalider un but

du Bayern Munich, vainqueur du

Borussia Dortmund aux tirs au but.

Neymar préfère mater la ligue 1 et

Paris, qui s’impose tranquillement

contre Amiens, pendant que les

Dogues de Marcelo Bielsa bouffent

tout cru les Canaris de Claudio

Ranieri, et que Mariano Diaz, la

recrue de l’OL, prend la tête du

classement des buteurs peroxydés.

Dimanche 6 août. Enfin le retour

du football dominical! Pour fêter

ça, Marseille expédie Dijon 3-0,

David Villa s’offre un triplé dans

le derby new-yorkais et les Pays-

Bas remportent l’Euro féminin à

domicile. Un bon signe pour Nice,

qui engage Wesley Sneijder? Le

seul mécontent de la journée se

nomme Patrick Montel. “Trop, c’est

trop, s’enflamme le commentateur

de France Télévisions au sujet de

l’arrivée de Neymar au PSG. On

vit sur une planète, on vit dans un

monde. Y’a pas que le foot, tu vois?”

Argument béton.

Lundi 7 août. L’hygiène, c’est

important. Raison pour laquelle

trois femmes ayant eu des rapports

sexuels non protégés avec Usher

portent plainte contre le chanteur,

qui leur aurait transmis l’herpès

dont il était porteur. Coup de froid

sur Paris, qui apprend la dernière

rumeur: Zlatan Ibrahimovic

pourrait rejoindre l’OM. Ce

qui permettrait au club, sans

manquer de respect à personne, de

réellement naître?

Mardi 8 août. Un titre tous

les quinze matchs: c’est le ratio

de Zinédine Zidane en tant

qu’entraîneur du Real après sa

victoire en Supercoupe de l’UEFA

contre Manchester United. Ratio

toujours, un restaurant chinois

décide de faire varier ses prix en

fonction du tour de poitrine de la

cliente. L’histoire ne précise pas

dans quel sens.

Mercredi 9 août. Pendant que

le Festival interceltique bat son

plein à Lorient, l’ancien Breton

Ousmane Dembélé annonce à

ses dirigeants qu’il veut rejoindre

le Barça. Problème: Dortmund

réclame 120 millions… Si cet argent

était mieux utilisé, le festival ne

serait pas devenu payant. Parole

de Montel.

Jeudi 10 août. On arrête tout:

Mbappé aurait choisi Neymar

comme nouvelle destination.

Bonjour le fair-play financier.

Vendredi 11 août. D’ailleurs, le

Brésilien, dont le contrat est enfin

homologué, sait désormais où il

fera ses grands débuts. Ce sera

à Guingamp et au Roudourou,

dont le nombre de places dépasse

celui des habitants. Jaloux d’une

telle médiatisation, Ibra relance

une rumeur: un jeu vidéo d’action

se déroulant dans l’espace et

dont il sera le héros devrait sortir

dans quelques jours. Pourra-t-on

y modifier génétiquement des

porcs pour chourer leurs organes,

comme vient de le réussir la

science? Y verra-t-on l’attaquant

suédois au mondial 2026, que

le Maroc rêve officiellement

d’organiser?

Samedi 12 août. Tremblement

de terre sur la planète sport, bis:

pour la dernière course de sa

carrière tout court, la finale du

relais 4 x 100 mètres, Usain Bolt

se claque. Encore plus triste que

le match de Chelsea, premier

champion sortant à encaisser

trois buts lors d’une première

journée anglaise. Les vacances ne

se passent guère mieux pour ceux

qui n’ont pas repris: alors qu’un

pic de 720 kilomètres de bouchon

est enregistré à la mi-journée en

France, un déséquilibré corse tire

à la carabine pour faire fuir des

nudistes de la plage. Son amende

devrait toutefois être un peu moins

conséquente que celle de Neymar,

obligé de verser 2,1 millions

d’euros au fisc brésilien.

Dimanche 13 août. Bretagne,

Guingamp, stade du Roudourou.

Devant des caméras qui diffusent

le match dans 183 pays, un prodige

brésilien marque un but et adresse

une passe décisive pour son

premier match en ligue 1. C’est

bien, mais c’est moins bien que

Nilmar. PAR FLORIAN CADU ET JULIEN

F

MAHIEU / PHOTOS: PANORAMIC ET ICONSPORT


26 SO FOOT _ COUVERTURE

“IL FAUT QU’ON

TUE PLUS”

UNAI EMERY


Avant même son arrivée au PSG, il était la cible d’un traitement

médiatique particulier. Il était venu pour faire passer un cap au club

de la capitale, mais on ne voyait en lui qu’un “entraîneur pour l’Europa League”,

malgré un palmarès personnel supérieur à celui du foot hexagonal. Douze mois

plus tard, non, Unai Emery n’a pas fait mieux que Laurent Blanc, pour le plus

grand plaisir de la corporation franco-française. Mais il est toujours là. “Gagner,

c’est un voyage”, dit-il. Et, en signe de confiance, sa direction lui a donné le joueur

censé abréger les étapes. Par Pierre Boisson et Javier Prieto Santos / Photos: Dppi, DR, Iconsport, Panoramic

et Renaud Bouchez


28 SO FOOT _ COUVERTURE

CQuel bilan tirez-vous de votre première saison

au PSG? Nous avons remporté trois titres

mais, évidemment, terminer deuxièmes du

championnat et être éliminés en huitièmes

de finale de ligue des champions, ça ne faisait

pas partie de nos plans. On aurait pu faire

mieux. Il faut toutefois respecter le travail de Monaco et

de Nice, cela crée un environnement concurrentiel positif

pour le championnat de France. Quant à la Champions…

50 % de cet affrontement contre le Barça ont été très bons.

Mais la défaite au retour a tiré la sonnette d’alarme. Et

suscité les “pourquoi”. La vérité, c’est qu’il nous a manqué

quelque chose.

Et personnellement, comment avez-vous vécu cette saison?

Cela a été une saison d’adaptation. J’ai scanné le club pour

voir à quel niveau je pouvais lui apporter quelque chose.

C’est ce qui explique que la seconde

partie de saison a été très différente

de la première.

Pourquoi? Parce que, après le round

d’observation, j’ai pris des décisions

plus personnelles sur la manière

dont je voulais voir jouer l’équipe.

J’ai été plus exigeant. Sur nos trente

derniers matchs, nous n’en avons

perdu que deux: contre Barcelone

et Nice. Cette année, je veux qu’on

se dépasse, que le PSG soit la

référence du football français. Au

niveau européen et mondial, le club

ambitionne de devenir une marque

reconnue, et la Champions est la

vitrine idéale pour cela. Gagner cette coupe, c’est un défi,

mais il ne faut pas en faire une fixette. Il faut que ce soit

un processus. Gagner, c’est un voyage. Il y a des étapes à

respecter.

Comment faire pour que ce voyage soit moins long? Il faut

vivre des expériences, trébucher, se relever. L’expérience

du 4-0 est positive, mais celle du 6-1 l’est également,

car elle met en lumière nos

carences. L’important, c’est de

tirer des leçons. Ce qu’on a fait,

en conservant les éléments les

plus importants et en signant des

joueurs comme Daniel Alves, qui a

une grande expérience et qui est un

compétiteur-né.

Peut-on dire que la confrontation

contre le Barça a été le résumé

parfait de votre saison? Lors du

match aller, le PSG a été génial.

Mais ce que je recherche, c’est la

régularité dans le génial. Je veux

une équipe qui soit capable d’être

constante au niveau du travail, de

l’exigence, de la compétitivité, des

résultats. Je veux qu’on soit forts

quand l’adversité l’exige. Daniel

Alves, on l’a signé pour ça. Quand

on signe Draxler et Guedes en décembre dernier, pareil.

Pour moi, il n’y avait pas assez de concurrence dans ce

groupe. À partir du moment où on a pris Draxler, Di Maria

a été bien meilleur. Guedes n’a pas beaucoup joué, mais

“L’implication de

Verratti au PSG ne se

discute pas. Ces petits

flirts estivaux ont dû lui

plaire. Après tout, qui

n’aime pas être dragué?

Tout le monde aime

qu’on s’intéresse à lui”

lui aussi a provoqué le réveil d’autres joueurs. Je veux que

mes joueurs soient toujours en alerte, pour que personne

ne passe à côté de certains matchs. Je suis convaincu que

les jeunes cadres de la maison, comme Marquinhos, Rabiot

ou Verratti, vont progresser au contact de joueurs comme

Alves. Ils vont passer un cap, celui qui leur permettra de

relever n’importe quel défi.

C’est aussi la raison pour laquelle vous avez pris Neymar?

Neymar, c’est simple: il a 25 ans et il est déjà habitué à

gagner. Il est programmé pour ça. L’enjeu est double: faire

en sorte qu’à son contact tout le groupe soit tiré vers le

haut, mais aussi l’aider à devenir un joueur encore plus

important qu’il ne l’est aujourd’hui.

Que va apporter le PSG à Neymar, selon vous? Neymar est

un très grand joueur, mais on a envie qu’il devienne un

géant. Qu’il soit le meilleur joueur

du monde. C’est gagnant-gagnant.

Parce que parallèlement, Neymar

offre une exposition mondiale au

club, et plus il sera grand, plus le

club sera grand. Le but, à terme,

c’est évidemment de gagner la ligue

des champions.

Comment comptez-vous l’utiliser

dans votre système? C’est avant tout

un accélérateur de jeu. Il part de son

côté gauche, il repique, il percute,

et il est capable de déstabiliser

n’importe quelle défense au monde.

Et je ne parle pas que de ses buts,

parce que Neymar, c’est aussi et

surtout énormément de passes décisives, potentiellement.

Pour cela, il faut qu’il redessine des circuits préférentiels,

comme ceux qu’il pouvait avoir avec Suarez et Messi. Mais

je n’ai aucune inquiétude à ce sujet: quand on a son talent,

on s’adapte très vite, on a une faculté plus importante à

combiner avec les autres. Les connections avec Cavani,

Verratti ou Di Maria vont se faire naturellement. Ce mec

peut s’adapter partout. Il sait combiner, il sait dribbler, il

sait partir en contre-attaque, il sait renverser un match à lui

tout seul, il sait… Putain, il sait tout faire, c’est pour ça qu’il

est aussi bon (rires). Je n’ai pas envie que Neymar change

son jeu. C’est en restant lui-même qu’il arrivera à poser des

problèmes à ses adversaires. S’ils veulent l’arrêter, ce sont

eux qui devront s’adapter à lui, pas le contraire. Neymar, il

faut le laisser jouer, le regarder. Et prendre du plaisir.

Vous n’avez pas peur du tsunami médiatique? Il sait très

bien faire abstraction de ces choses-là. Des joueurs comme

ça, ce qui les intéresse, au fond, c’est la pelouse. C’est

normal que tout le monde s’emballe, ce n’est pas n’importe

quel joueur. On me dit que son arrivée rajoute de la

pression sur le club, je réponds: c’est tant mieux. Neymar

ne sera jamais un problème à Paris. Le football, c’est de

l’exigence. Ma mission, mon obligation, c’est de faire

gagner le PSG. Avec ou sans Neymar, d’ailleurs.

Comment gère-t-on un ego comme celui de Neymar, quand

on est coach? Il y a un truc que beaucoup de gens ont

tendance à oublier: avant d’être des footballeurs, les

joueurs sont des êtres humains. Comme n’importe qui. Il

faut donc d’abord commencer par respecter l’homme, c’est

le point de départ pour comprendre le footballeur. Neymar,

je ne sais pas s’il est dans le top 5 ou dans le top 3 des


Krychowiak, mieux placé que pendant ses matchs.

meilleurs joueurs du monde, mais j’ai énormément

de respect pour lui et j’ai envie qu’il devienne le

numéro un, qu’il se sente bien, comme tous les

autres joueurs de l’effectif. Si on l’aide à se sentir

bien, il nous aidera à gagner la ligue des champions.

Vous n’avez jamais entraîné un joueur de ce calibre. Il

a la réputation d’être une diva. Il y a quelques années,

il a même fait virer son entraîneur (Dorival à Santos,

ndlr)… Ça vous fait peur? Non, pas du tout. Neymar,

c’est un être humain. Tu m’en parles comme si

c’était une machine. Mais je ne vais pas m’adresser à

Neymar en tant que meilleur footballeur du monde,

mais en tant que personne. L’humain, ce n’est pas

une facette, c’est la base, et malheureusement,

certains ont parfois du mal à le comprendre. Moi,

j’ai toujours fonctionné comme ça, que ce soit avec

les joueurs modestes, les talentueux ou les battants.

Je ne vais pas changer cette ligne de conduite

avec Neymar.

Palmarès: Ligue Europa (2014,

Verratti, qui a mal digéré l’élimination

2015, 2016), coupe de la ligue

contre le Barça, a failli quitter le club cet (2017), coupe de France (2017),

été. Comment l’avez-vous convaincu de trophée des champions (2016,

rester? L’implication de Verratti au

2017)

PSG ne se discute pas. Ces petits flirts

estivaux ont dû lui plaire. Après tout,

qui n’aime pas être dragué? Tout le

monde aime qu’on s’intéresse à lui. L’important, c’est

qu’il soit encore là. S’il est resté, c’est parce que le

président lui a donné des garanties sur l’avenir. On

lui a aussi rappelé la progression qui a été la sienne

depuis qu’il est arrivé ici –et qu’il n’a pas de mal à

reconnaître. Verratti est ambitieux, il veut devenir

une référence du football mondial. Ça tombe bien, le

PSG ambitionne exactement la même chose.

Mais vous comprenez que certains cadres aient pu

avoir des doutes après le traumatisme du 6-1…

Aux États-Unis, les businessmen ont coutume de

dire: “Sans échec, on ne peut pas réussir.” Le chemin

La fiche

UNAI EMERY

Né le 3 novembre 1971

à Fontarrabie, Espagne

1,81 m, 73 kg

Ancien milieu de terrain

Clubs (joueur): Real Sociedad

(1990-1996), Toledo (1996-

2000), Racing de Ferrol (2000-

2002), Leganés (2002-2003),

Lorca Deportiva (2003-2005)

Clubs (entraîneur): Lorca

Deportiva (2004-2006), Almeria

(2006-2008), Valence (2008-

2012), Spartak Moscou (2012),

Séville FC (2013-2016), Paris

Saint-Germain (depuis 2016)


30 SO FOOT _ COUVERTURE

du succès, c’est ça: se relever et apprendre. Pour ne pas

avoir à revivre un 6-1. Vous savez, quand le PSG s’est

intéressé à moi, j’ai demandé au président pourquoi il me

voulait. Il m’a répondu que j’étais un entraîneur jeune,

avec un palmarès. À ses yeux, mon CV prouvait que j’étais

capable d’emmener mes équipes au bout. Et, en même

temps, je n’ai pas encore gagné suffisamment de titres

pour être repu de victoires. J’ai encore faim. Quelque part,

je suis à l’image du PSG: c’est un club jeune qui a encore

beaucoup à prouver. Nous sommes sur le bon chemin.

Ici, il y aura bientôt un centre d’entraînement unique au

monde, et un projet solide et fort.

Vous doutez, parfois? Quand on perd, je reprends le match

de A à Z, je me mets dans mon monde et je fais ce que

je sais faire: travailler. L’exigence est mon moteur, je vis

grâce à elle. Mon exigence personnelle a toujours été plus

importante que celle que m’imposaient les clubs. Ce n’est

pas différent à Paris.

Comment faites-vous pour transformer une équipe quand

vous la prenez en main? Je regarde beaucoup nos matchs,

et j’insiste pour que les joueurs les analysent aussi. Ils

voient 80 % des matchs que nous disputons. Qu’est-ce

qu’ils voient dans ces vidéos? Ce qu’il faut faire pour

gagner. Il faut du temps

pour qu’ils assimilent tout ce

qu’on bosse à l’entraînement

et pour qu’ils intériorisent

tout ce qu’ils voient dans ces

sessions vidéo. Aujourd’hui,

je considère que l’équipe sait

à peu près comment il faut

jouer.

Vous avez dû faire des

concessions? Il y a des choses

que tu ne peux pas changer.

Un joueur lent ne va pas

devenir rapide… Le PSG est

une équipe qui généralement

gagne, mais à laquelle il

manque toujours un petit

quelque chose dans les

moments importants. Ce sont

ces détails qu’il faut travailler,

avec des joueurs d’expérience,

et avec le mental. Les

dernières années, le Barça et

le Real Madrid ont gagné de

nombreuses Champions. Mais

ce n’était pas le cas il y a dix ou quinze ans. Gagner, c’est

un apprentissage. Le PSG est dans la même situation que

le Real ou le Barça d’il y a quinze ans.

Mais le PSG ne peut pas se permettre d’attendre

quinze ans… L’année dernière, je me suis assis avec le

président et je lui ai dit: “Président, on peut prendre

différents chemins. Si tu choisis de faire le chemin avec

moi, tu dois m’écouter et changer certaines choses avec

le directeur sportif.” Le président a décidé de remplacer

Kluivert par Antero. Maintenant, nous sommes tous sur la

même longueur d’onde. Le président connaît mes besoins

et, avec l’aide d’Antero, il les satisfait. Quand je suis arrivé,

j’écoutais le directeur sportif et le président. Je leur disais:

“OK, vous connaissez mieux l’équipe que moi, je vous fais

confiance.” J’ai été passif. Maintenant, c’est fini.

“Je veux que Monaco,

Lyon ou Nice soient

forts. Et je veux qu’ils

soient exigeants avec

moi parce que ça va

m’aider. Je ne peux pas

enchaîner des matchs

faciles, gagner cinq

matchs de suite sans

une contre-attaque,

pour ensuite jouer

contre le Barça, la

Juventus, le Real ou

le Bayern”

On imagine mal un mec comme vous se laisser dicter ses

choix… Ça s’est toujours passé comme ça! À Valence,

la première saison, j’ai dû m’adapter, et c’est seulement

lors de la deuxième année que j’ai pu prendre des

décisions stratégiques fortes concernant le recrutement,

la philosophie de jeu, ou le choix de mes collaborateurs.

À Séville, pareil. Quand j’arrive dans un club, je ne

chamboule pas tout. D’abord j’écoute, j’observe avant

d’imposer ma méthode de travail. À Paris, cela m’a

pris plusieurs mois puisque ce n’est qu’en décembre

dernier que je suis réellement entré en scène. À partir

de décembre, j’ai été plus direct avec les footballeurs.

Je voulais qu’on joue à ma façon. Désormais, le plan de

travail est clair pour tout le monde.

Au début, on a l’impression que vous vous êtes contenté de

suivre le modèle de Laurent Blanc… Mais il fallait que ça

se passe comme ça. Je ne pouvais pas changer du jour

au lendemain une équipe qui venait de tout remporter

en France. J’ai d’ailleurs dit au président: “Le niveau est

déjà très haut, il va falloir un peu de temps avant qu’on

franchisse un nouveau cap.” Et puis Ibrahimovic venait

de partir. J’avais besoin de savoir comment l’équipe allait

répondre sans lui. Il était très important ici, ce n’était pas

seulement un buteur, c’était un gagnant. C’est parfois

ce qui nous a manqué: l’esprit

de conquête. Sur le terrain, j’ai

des champions, mais je veux des

conquérants. Généralement, le PSG

défend en confisquant le ballon

aux adversaires. Mais il faut aussi

qu’on soit prêts à jouer contre des

adversaires qui ne nous laisseront

pas contrôler le ballon. C’est ce qui

s’est passé à Barcelone, par exemple.

Il faut qu’on élargisse notre palette

pour qu’on puisse lutter contre

n’importe qui, qu’on devienne “toutterrain”.

Il y a des montages vidéo de ce match

au Camp Nou où on vous voit dire aux

joueurs d’aller de l’avant. En même

temps, on voit Thiago Silva ordonner

à ses coéquipiers de redescendre…

Il faut vivre ces moments pour

les comprendre. Il faut les vivre…

Quelques jours avant le match, j’ai

parlé avec un joueur de l’équipe.

On évoquait des expériences

antérieures. À un moment, je lui

ai posé une colle: “Disons que tu gagnes 3-1 à l’aller.

Comment tu appréhendes le match retour? Tu t’y prendrais

comment?” Le joueur a réfléchi, puis a fini par me dire: “Je

ne sais pas, ça dépend…” Moi: “Non, ça ne dépend pas! La

seule chose que tu dois savoir, c’est que tu dois marquer. Il

ne faut pas calculer, il faut en mettre un. Oublie tes calculs,

va à l’attaque. Parce que si tu mets un but, l’équipe d’en

face devra en mettre quatre. Il faut avoir un plan dans la

tête. Là, c’est clair, il faut mettre un but pour tuer le match.”

En allant à Barcelone, mon message était clair: il fallait

mettre un but.

Apparemment, ils n’ont pas tout compris… Si, si, si. Mais

parfois, il y a une différence entre ce que tu veux faire, et

ce que tu peux faire. Peut-être que nous n’avions pas les

moyens de faire ce que nous voulions.


Ça va, il reste une minute, ça va passer.

Vous avez pu louper quelque chose dans la causerie à la

mi-temps? Vous n’avez pas su inverser le cours du match…

Non. Ce jour-là, pendant la mi-temps, l’équipe a bien

réagi. Si on exclut le penalty du 3-0 et les cinq dernières

minutes, l’équipe a mis un but, s’est procurée une

occasion, un face-à-face…

Alors il y a quelque chose que vous avez mal fait pendant

ce match? Oui, mais ça, je le garde pour moi. Ce sont des

choses que tu dois… Non… Normalement, je ne regrette

pas mes décisions, j’apprends. Je ne regrette rien parce

que, à ce moment-là, c’est ce que j’ai senti, ce que je

voulais.

Benitez disait que, parfois, quand la folie se met en marche,

tu peux travailler autant que tu veux, on ne peut rien faire…

Je vais te dire quelque chose: il faut être là, sur le terrain.

Ce que le joueur sent là, sur la pelouse, quand les choses

se passent, c’est unique. Et il faut le comprendre. Toi,

tu es dehors et tu cries: “Aaaaah, fais ça!” Lui, il pense:

“Viens là à ma place, et tu vas voir.” La vérité, c’est

que Barcelone n’a même pas été si fort ce jour-là. J’ai

parlé avec des entraîneurs, des gens qui connaissent le

foot. L’un d’eux m’a dit: “Analyse la première mi-temps:

OK vous n’avez pas attaqué. Mais le Barça a marqué

deux fois sur deux erreurs de ton équipe, même pas des

occasions.” On est toujours responsables de ce qui nous

arrive.

C’est parfois compliqué d’insuffler un nouvel état

d’esprit à un groupe. Lorsque vous êtes arrivé, vous avez

apparemment eu du mal à faire comprendre à vos joueurs

qu’il fallait qu’ils maîtrisent les phases de contre-attaque.

Face au Barça au Camp Nou, tu dois pouvoir jouer

en contre-attaque pour leur faire mal. Au Parc, on a

justement gagné sur des attaques rapides. Lors de mes


32 SO FOOT _COUVERTURE

premiers mois au PSG, je me suis rendu compte que les

joueurs ne voulaient pas dévorer les espaces alors qu’ils

en avaient l’opportunité. Ils voulaient constamment

avoir le ballon dans les pieds! Après la récupération du

ballon, on avait tendance à trop le faire tourner. C’était

quasi automatique. J’ai dû convaincre le groupe qu’il

fallait qu’on puisse maîtriser les phases de contre-attaque,

qui nous seraient précieuses à des moments clés de la

saison. Les premiers mois, ils ont eu du mal à comprendre

pourquoi. Ils voulaient récupérer et jouer. On l’a travaillé

à l’entraînement, avec les vidéos, mais c’était difficile de le

mettre en pratique en championnat. En ligue 1, on jouait

souvent contre des équipes qui

défendaient très bas, donc on

avait rarement l’occasion de faire

des tests grandeur nature. J’ai

dit au groupe: “Putain, les gars,

ne nous privons pas de faire des

contre-attaques, on a les joueurs

pour.” Lucas, il a les jambes pour

contre-attaquer. Di Maria et

Cavani, pareil. Il ne faut pas qu’on

se prive de gagner des matchs

comme ça, même si j’aime la

possession de balle, vraiment. À

Valence, à Almeria et à Séville, on

avait le ballon. J’aime les latéraux

offensifs. J’aime que mes joueurs

regardent les buts adverses, mais

il faut s’adapter à des situations:

je ne veux pas qu’on fasse un

match nul ou qu’on perde un

match juste parce qu’on n’a pas

voulu ou su faire de contreattaques.

Il faut qu’on maîtrise

toutes les facettes du jeu. Il faut

qu’on soit plus agressifs dans les

derniers mètres. Il faut qu’on tue

plus.

Di Maria avait un peu de mal à

“tuer”, comme vous dites, l’année

dernière. Il faut être sur son dos

pour qu’il donne son maximum? L’an passé, en première

partie de saison, Di Maria ne marquait pas de buts. Il

faut qu’il soit plus présent dans la surface, il faut qu’il

repique dans l’axe si besoin, et c’est ce qu’il a fait en

deuxième partie de saison. Après, il n’y a pas de rendement

individuel s’il n’y a pas de rendement collectif. L’inverse

est aussi vrai. Lorsque Di Maria est devenu meilleur, toute

l’équipe est devenue meilleure. Lors du match contre le

Barça, Di Maria est sorti blessé à la 60 e minute. Il n’est

revenu que pour le match retour au Camp Nou. Si ça avait

été un autre match, je ne l’aurais pas fait rentrer car il

n’était pas totalement rétabli physiquement. Vu l’enjeu, j’ai

quand même décidé de lui accorder vingt minutes, parce

que j’étais persuadé qu’il pourrait marquer en contre. Et

c’est ce qui a failli se passer. Il y a deux ans contre City,

le PSG avait déjà été affaibli par les blessures. Pour ça, la

solution est simple: il faut qu’on double les postes pour

que ces situations ne se reproduisent plus.

Vous ne pensez pas que, parfois, la concurrence peut être

néfaste pour certains joueurs plus sensibles, comme Javier

Pastore par exemple? Quand vous êtes arrivé, vous deviez

jouer en 4-2-3-1 et il devait être votre numéro 10… Avec

Pastore, le problème est clair: il était blessé. Cela fait deux

“La vérité, c’est que

Barcelone n’a même pas

été si fort ce jour-là.

J’ai parlé avec des

entraîneurs, des gens

qui connaissent le foot.

L’un d’eux m’a dit:

‘Analyse la première

mi-temps: OK vous

n’avez pas attaqué.

Mais le Barça a marqué

deux fois sur deux

erreurs de ton équipe,

même pas des

occasions.’ On est

toujours responsables

de ce qui nous arrive”

ans qu’il n’a pas de continuité. Avec moi, il a à peine joué

la première demi-saison, quatre matchs peut-être. Et contre

Barcelone, il était sur le banc mais il était très juste…

Vous avez réussi à transfigurer Banega, un joueur au profil

similaire, qui était déprimé avant de jouer pour vous. Vous

pouvez faire la même chose avec Pastore? Nous avons

besoin du talent de Pastore aux moments clés des matchs

importants: il fait partie de ces joueurs qui, s’il sont

disponibles dans les matchs cruciaux, peuvent faire la

différence. Pour cela, il faut qu’il ait de la continuité, qu’il

joue un pourcentage élevé de matchs. L’année dernière, il

n’a été disponible que 25 % du temps.

À Valence, vous aviez l’habitude

d’acheter des livres à vos joueurs. Vous

l’avez fait l’année passée? Oui, mais

seulement avec quelques joueurs…

Des livres en français ou en brésilien.

Quel type de livres? C’est très

personnel. Lire m’a beaucoup aidé

et je crois que ça peut aussi aider les

joueurs.

Vous pensez qu’ils les lisent? Euuuh…

Oui! Il y a des joueurs de l’effectif

qui lisent. Je leur conseille en tout

cas de le faire parce que ça fait du

bien. C’est relaxant. Et il y a des

livres qui peuvent te faire progresser.

Par exemple, récemment, j’ai lu

les livres d’Agassi, de Simeone et

de Nadal, je suis en train de lire

celui de Ferguson et après j’ai celui

d’Ancelotti qui m’attend. Je lis aussi

beaucoup de livres de développement

personnel. Par exemple: L’Intelligence

émotionnelle de, de… (Il cherche) Rhaa,

comment il s’appelle, ce couillon?

Est-ce que vous avez… (Il coupe)

Attends, il faut que je retrouve le

nom de l’auteur parce que le livre est très bon. Tape dans

Google, s’il te plaît, Intelligence émotionnelle… Ah voilà,

Daniel Goleman!

Les livres de développement personnel peuvent parfois

ressembler à de la littérature de charlatan, non? Dans le

football, on peut gagner en attaquant constamment, se

procurer vingt occasions par match et finir à 1-0. Ou on

peut choisir de défendre tout le temps pour ne pas prendre

de but, tirer une fois au but et gagner. Les deux sont

valables. Laquelle tu préfères, toi? Voilà: moi, je ne fais pas

attention aux opinions des uns et des autres, je respecte

tout le monde.

Vous n’avez pas vraiment bénéficié de ce respect en

arrivant en France. Comme Jardim, Bielsa ou Ancelotti,

vous avez été très critiqué par ce qu’on appelle “le village

français”… Quand j’étais en Espagne, j’étais très content

que des entraîneurs étrangers viennent coacher chez

nous. Denoueix à la Real Sociedad, Montanier, Toshack

le Gallois, Simeone, Bielsa, etc. Ils ont tous apporté des

choses. Moi, je suis venu en France et je tâche d’apporter

ma contribution. Je l’ai dit quand je suis arrivé: je veux que

le football français progresse et qu’il évolue. Parfois, j’ai


Reflets de France.


34 SO FOOT _COUVERTURE

la sensation qu’ici, en France, on se regarde un peu. Moi,

j’aime regarder vers l’extérieur.

On a une vision un peu bornée? Oui. Enfin non, je ne veux

pas dire ça… Je parle juste pour moi: quand j’entraîne en

Espagne, je suis content que Simeone, Luis Fernandez ou

Raynald Denoueix viennent chez nous, pour apprendre,

pour les voir travailler.

Vous savez combien d’entraîneurs ayant coaché en France

ces vingt dernières années ont gagné une coupe d’Europe?

Pfff… (Il réfléchit) Je crois que personne…

Ancelotti et vous. Et on vous a critiqué pour n’avoir gagné que

trois Europa Leagues. Ça ne vous a pas agacé, ces critiques?

Non. Dans le football, ce que tu as fait ne vaut rien. Je crois

vraiment à ça. Quand on me dit que je suis le seul à avoir

gagné trois Europa Leagues avec Trapattoni, je réponds:

“Oui, mais ce n’est pas une finalité.

Il faut la gagner encore et encore.”

Je ne peux pas dire: “J’ai gagné”.

Je dois gagner.

Vous pensez vraiment que le PSG

peut gagner la ligue des champions?

Moi, je vis de la gagne. L’Europa

League, je ne la gagne pas en

me disant au début: “Je veux

la gagner.” Je la gagne au fur

et à mesure, en voulant gagner

à chaque fois. Ce que je veux

aujourd’hui? D’abord, être premier

en phase de poules. Et si je suis

premier, je voudrai gagner les

huitièmes. Je ne peux pas sauter

dix marches d’escalier d’un coup

parce que je vais me cogner et

m’assommer. Donc je dois grimper

marche par marche (il se met

à compter: un, deux, trois, etc.).

Mais attention: à chaque fois d’un

pied ferme. Ferme, ferme, ferme. C’est quoi la meilleure

préparation pour la ligue des champions? Le championnat.

Gagner en championnat, c’est la première étape, et dans

un championnat compétitif, c’est pour ça que je veux que

Monaco soit fort, que Bordeaux, Lyon, Nice soient forts. Et

je veux qu’ils soient exigeants avec moi parce que ça va

m’aider à me préparer pour le coup d’après. Je ne peux pas

enchaîner des matchs faciles, gagner cinq matchs de suite

sans une contre-attaque, pour ensuite jouer contre le Barça,

la Juventus, le Real ou le Bayern. Peut-être que je gagnerai

ces matchs-là sur deux contre-attaques, donc il faut qu’il

y ait des équipes en championnat qui m’obligent à jouer

comme cela.

“Quand j’arrive dans un

club, je ne chamboule

pas tout. J’écoute,

j’observe avant

d’imposer ma méthode

de travail. À Paris, ce

n’est qu’en décembre

dernier que je suis

réellement entré en

scène. Désormais, le

plan de travail est clair

pour tout le monde”

Je voulais leur montrer que je me foutais de qui allait jouer,

que peu importe les joueurs sur le terrain, on allait gagner.

J’avais confiance.

C’est possible au PSG? C’est possible de dire que Thiago

Motta, c’est la même chose que Nkunku… (Il coupe à

nouveau) Attends: moi, ce que je dis, c’est que l’important,

c’est la concurrence. Et je dis que l’année dernière, pendant

les matchs aller, on a manqué de concurrence. Je ne dis

pas que tous les joueurs se valent dans l’absolu. Mais en

relativité…

C’est une manière de dire que le collectif est plus important

que l’individu. Cela marche bien dans des équipes comme

le Barça, le Real ou la Juve, où les joueurs sont imprégnés

de l’importance de “l’institution”, avec des cadres comme

Xavi, Ramos ou Pirlo qui expliquent aux autres que le club

est plus important que les joueurs. Dans un club plus “jeune”

comme le PSG, où aucun des joueurs

n’a grandi ici, c’est possible? Une des

améliorations que j’ai voulu apporter,

et je crois qu’il faut continuer à le

faire, c’est le “sentiment”. Je veux

que l’équipe sente plus le PSG,

qu’elle sente plus la ville.

Comment? (Rires) Il faut chercher…

Le match contre le Barça: personne

n’avait jamais senti quelque chose

d’aussi fort que ce jour-là. Je veux

que cela se répète. On le vit en ligue

des champions, mais on peut aussi

le vivre en championnat, dans les

matchs à la maison. L’année dernière,

il y avait des moments un peu froids.

Tu gagnes, mais avec froideur, c’est

normal, pam-pam. Non. Je veux que

les gens vibrent.

D’une certaine façon, vous avez

apporté ça. Une émotion qu’il n’y avait

pas quand le PSG a perdu contre City, comme si de rien

n’était. Vous, vous avez au moins créé des souvenirs. Oui, et

le 4-1 contre Monaco a été beau aussi. Ces moments sont

des trucs à vivre, et à chaque fois, je profite, j’apprécie.

Pas tant le moment, d’ailleurs, que le chemin parcouru:

le travail avec mes hommes, l’exigence, etc. Après, est-ce

que j’ai profité du 4-0 contre le Barça? Oui. Le 6-1? Non.

Parce que ça a été une raclée. Mais je l’ai vécue. Et ces

sentiments, ces émotions, même si elles sont négatives, il

faut les vivre, tout le monde n’a pas la chance de passer par

des trucs pareils. Ce moment terrible, ce qu’on ressent, je

l’ai vécu. Pour qu’il y ait de bons jours, il faut qu’il y en ait

des mauvais.

Vous êtes comme les requins qui sont stimulés par l’odeur du

sang? Un peu, oui. Parfois je me protège des critiques, et

parfois je les écoute. Parce que quand je les écoute, ça me

motive.

Au début de l’année, vous disiez que, pour vous, le plus

important, c’était les numéros et pas le nom des joueurs.

Une fois, avec Almeria, vous aviez même tiré la composition

de votre équipe aux dés, pour le démontrer à vos joueurs…

(Il coupe) C’est vrai pour les dés: c’était notre premier

match en première division, contre le Deportivo

La Corogne, et on a gagné 3 à 0. Un grand match.

C’est difficile d’imaginer des entraîneurs comme vous, comme

Bielsa, être heureux. Vous l’êtes? Je suis heureux, oui.

L’autre jour, je l’expliquais à l’équipe: tous les jours, je me

lève et je rends grâce au club de me donner la chance de

travailler ici. Je me lève à 8 heures du matin, et ensuite, au

travail! Tout de suite, je suis dans une mentalité positive.

Vous parlez comme un robot. Moi, quand je me réveille, j’ai

envie de rester au lit. Vous essayez de vous autoconvaincre?

Oui, mais de l’autoconviction non simulée. Je dis

aux joueurs qu’ils doivent faire pareil, se lever et aller

s’entraîner dans la joie. Tu peux avoir mal dormi, avoir des


problèmes, mais il faut garder

en tête que, par-dessus tout, tu

as de la chance, tu es heureux,

tu as envie de t’entraîner,

d’être avec l’équipe.

Vous êtes marié? Je suis

séparé. J’ai un fils.

À cause du football? Des circonstances de la vie. Ce n’est

pas facile d’être en couple quand tu entraînes. Depuis,

j’ai appris à me relaxer.

Comment? Je n’ai pas vraiment l’habitude de voir des

films mais j’essaye de m’installer devant la télé parfois.

Je me relaxe quand je suis avec mon fils. Et ce qui me

relaxe vraiment, c’est une randonnée en montagne, ou

une marche près de la mer.

Un bon verre de vin? Oui, de temps en temps. Après les

matchs, j’aime bien manger avec mes proches, mon fils,

mon frère. Un bon repas, un petit verre de vin, prendre

“Ce n’est pas facile d’être en

couple quand tu entraînes.

Depuis, j’ai appris à me relaxer.

Ce qui me relaxe vraiment, c’est

une randonnée en montagne,

ou une marche près de la mer”

mon temps pour le

boire tranquillement.

Là, je me relaxe.

Ensuite, vient le jour

suivant et je me mets

à travailler, analyser,

analyser, analyser.

À quelle heure vous

vous couchez? J’ai un processus dans ma vie. Je me

lève à 8 heures du matin, je travaille, puis soit je fais une

sieste d’environ une heure et demie, et j’en profite pour

travailler jusqu’à 2 heures du matin. Soit je ne fais pas de

sieste, et je me couche plus tôt.

Vous avez des flashs pendant la nuit? On a tous ça.

Souvent, je me réveille pour écrire des trucs. J’ai un livre

sur ma table de nuit, je prends des notes dessus pour

m’en souvenir le matin.

Des notes qui parlent de football? Oui, de

football. • PROPOS RECUEILLIS PAR PB ET JPS


Sa

2

36 SO FOOT _GUIDE SAISON 2017-18

Youpi, c’est


la rentrée!

ison

017-18


38 SO FOOT _GUIDE FRANCE

France

Marcelo Bielsa, Neymar, Mario Balotelli, les tifos de la Meinau, Thomas Lemar, Fekir

et les jeunes du centre de formation de l’OL, Valère Germain, Kylian Mbappé, Marco

Verratti, Claudio Ranieri sur le banc des Canaris, Daniel Alves, Falcao, Wesley

Sneijder, Memphis Depay… Pour une fois, les monteurs de Canal et de beIN Sports

n’ont pas eu à s’arracher les cheveux pour réaliser les teasers de rentrée de la ligue 1.

Seul hic, ça les a poussés à couper les tacles de Yannick Cahuzac et les passes de

Benjamin Nivet. Par Maëva Alliche et Swann Borsellino, avec Antoine Donnarieix / Photos: Panoramic et Iconsport

“7-5 c’est la Champion’s League.”


Bons baisers de Paris.

“Cette fois, on n’a

pas eu Despacito,

on a eu Neymar.

C’était parfait

comme sujet

estival”

Paulo Cesar de Oliveira Campos,

ambassadeur du Brésil à Paris

Ligão 1

ANALYSE Cigarillo au bec, barbe travaillée et

costume impeccable, Paulo Cesar de Oliveira Campos,

ambassadeur du Brésil en France, reçoit dans ses locaux

du cours Albert-I er , dans le huitième arrondissement de

Paris. Et s’il revient fraîchement de vacances, il n’a pas

loupé le tube de l’été: “Cette fois, on n’a pas eu Despacito,

on a eu Neymar. C’était parfait comme sujet estival.”

Mais aussi Dani Alves, qui rejoint Lucas, Marquinhos,

Thiago Silva, Thiago Motta (Brésilien de naissance) et

Maxwell, toujours dans le coin, dans la grande famille

brésilienne du Paris Saint-Germain. Inutile de préciser

que le diplomate, qui se souvient de Rai et Valdo, est ravi

de cette colonie de VRP de luxe: “Les jeunes français

découvrent le Brésil grâce à ça. Il y a énormément de

Brésiliens à Paris, alors forcément ils vont se demander:

quel est ce pays? Qui sont ces gens? Par ailleurs, c’est

excellent pour la sélection. Il y aura, grâce au PSG, une

complicité entre les joueurs.” Et en attendant que Fabinho,

lui aussi annoncé dans la capitale, ne vienne garnir un

peu plus les rangs auriverdes du vice-champion de France

en titre, Paulo Cesar de Oliviera Campos donne sa petite

explication de la romance franco-brésilienne: “Un million

de Brésiliens viennent tous les ans en France. La France est

un pays qui a peut-être eu la plus forte influence culturelle

sur le Brésil dans plusieurs domaines. Dans la littérature,

la culture. L’académie brésilienne de lettres est une copie

de l’institut de France.”

Si pour le soleil, il faudra repasser, en termes de foot et

sur le papier, la ligue 1 2017-2018 n’a rien à envier à une

brochure touristique sur le Brésil, avec photos d’une

danseuse du carnaval de Rio ou d’un footballeur jonglant

sur la plage d’Ipanema. Car le PSG, Monaco et leurs

riches donateurs ne sont pas les seuls à s’être attelés à

la difficile tâche de rendre plus séduisant ce bon vieux

championnat de France. Les clubs plus modestes s’y sont

mis aussi, à l’image de Lille ou Nantes, où les dirigeants

ont décidé d’arrêter de faire confiance aux vieux routiers

du football français. Fini les Fred Antonetti, René Girard,

Élie Baup et compagnie, les Canaris et les Dogues sont

allés chercher des noms qui en jettent. Marcelo Bielsa

pour les Nordistes, Claudio Ranieri pour les Nantais.

Rien de moins qu’un apôtre du beau football et un récent

vainqueur de Premier League. Même l’OM a fait du

rangement pour que l’ensemble ait l’air plus cohérent et

convaincant. Cet été, sous la houlette de son président

passé par Harvard, Jacques-Henri Eyraud, les Olympiens

ont laissé l’agitation et les rumeurs qui pourrissent

chaque mercato en bouclant très tôt un recrutement

discret mais sérieux avec Valère Germain, Adil Rami,

Steve Mandanda et Luiz Gustavo. Ajoutez à cela l’arrivée

pour l’instant payante du coach espagnol Garcia à Saint-

Étienne, le maintien de Lucien Favre à Nice, malgré une

cour assidue du Borussia Dortmund, Mario Balotelli qui

s’installe lui aussi durablement sur la Côte d’Azur où il

aura Wesley Sneijder comme voisin, le prodige belge

Youri Tielemans qui pose ses valises en Principauté,

l’espoir de Chelsea Bertrand Traoré paré du maillot

lyonnais, les tribunes pleines de la Meinau à Strasbourg

et vous obtenez l’une des ligue 1 les plus affriolantes

que l’Hexagone ait jamais connues. Coup de la panne

interdit. Surtout maintenant que Loulou est parti. •


40 SO FOOT _GUIDE FRANCE

Vadim Vasilyev vous présente ses nouveaux actifs.

Le guide du troll

Bronzé, ancien moche mais nouveau riche, le championnat de France,

c’est des vacances à Miami: sympa sur le papier mais finalement très

décevant. La preuve, l’OM, malgré son Champions Project, n’a pas

20 millions à mettre sur un “grand numéro 9” ; l’AS Monaco vend ses

meilleurs joueurs à tour de bras ; le “frisson” Nice a raté ses deux

premières sorties et son barrage de ligue des champions ; Ranieri

a été obligé de pousser une mini gueulante en conf de presse pour

qu’enfin Kita respecte ses promesses d’achat et Bielsa a perdu de sa

légende en signant dans un club qui dit vouloir devenir, selon les mots

de son nouveau DG Marc Ingla, “une start-up du foot, avec des projets

transversaux et pluridisciplinaires” en utilisant des “best practices”

et un hashtag: #LoscUnlimited. Mais encore? Le Paris Saint-Germain

va dominer le championnat aussi aisément qu’il dompte le fair-play

financier, et il faut s’abonner à deux chaînes payantes pour être sûr de

voir Neymar jouer au stade de la Licorne d’Amiens. Comment peut-on

regarder un tel championnat, franchement? Surtout si c’est pour être

salement installé dans un canapé convertible Conforama premier prix.

Le nouveau gang des Lyonnais.

La tendance

mercato

Un seul mot d’ordre dans les cabines d’essayages de

la ligue 1: on ose tout. Alors que Nasser Al-Khelaïfi

arpente les boutiques de luxe, l’Olympique de

Marseille de Frank McCourt donne un second souffle

au Made in France (Mandanda, Rami, Germain).

Relooking extrême avec Cristina Cordula pour

l’Olympique Lyonnais qui ne mise plus seulement

sur de bons joueurs de ligue 1 et les pépites (Gouiri,

Aouar, Maolida et Geubbels) de son centre de

formation (encore élu le meilleur de France!) mais

a opté pour l’importation de masse (Mariano

Diaz, Traoré, Tete, Marcelo). À Nice, on est plutôt

friperies. Il faut dire qu’après avoir réussi à donner

une nouvelle vie aux vieilleries Ben Arfa, Dante et

Balotelli, ce joli Wesley Sneijder pourrait bien revenir

à la mode à l’automne-hiver 2017-2018. 2018, l’année

des hipsters lillois, qui ont décidé d’acheter des

joueurs “prometteurs”. Comprendre: que personne

ne connaît à part Marcelo Bielsa (qui porte toujours

le jogging, soit dit en passant). Enfin, chez les

pauvres, le troc restera toujours à la mode. Comme

Benjamin Nivet.


Le fait divers

de la saison

C’était le bras de fer chinois du mercato. La

feuille de Hatem Ben Arfa a perdu contre le

ciseau d’Antero Henrique. Résultat, le crack de

la génération 1987 a encore une belle saison

à meubler devant lui. Friand de tournage

vidéo pour alimenter sa page Facebook mais

conscient que son acting est moins efficace

que ses petits ponts, Hatem passe derrière

la caméra et décide, sans l’accord du Paris

Saint-Germain, de tourner un deuxième opus

du Substitute de Dhorasoo. Équipé de sa

caméra façon Antoine de Maximy dans J’irai

dormir chez vous, Hatem arrive à se faire

inviter chez Nasser, où il découvre que Jesé

et Krychowiak ont été recrutés sur de fausses

VHS et que Patrick Kluivert aurait quitté le

navire après qu’un corbeau ait menacé de

dévoiler une vidéo d’un rendez-vous entre

l’ex-directeur sportif du club et la femme d’un

joueur dans le parking du Parc des Princes.

En plein montage, Hatem reçoit un coup

de fil de Fabien Onteniente qui lui propose

de produire son film et de le rebaptiser

4 zéros. Hatem accepte et quitte la capitale

en champion. De son côté, le PSG espère qu’il

n’y aura pas de nouvel opus appelé 6-1.

L’équipe à suivre

pour pouvoir se la

raconter en 2020

Il y avait Manau et la tribu de Dana. Il y a la Meinau et

les tribunes de fadas. Alors qu’une certaine France du

foot regrettait la non-accession du RC Lens en ligue 1, les

Strasbourgeois et leurs 15 000 abonnements annuels rappellent

à tout le monde qu’on peut sauter avec une choucroute et

une flammekueche dans le bide. Auteur d’un début de saison

convaincant, avec des joueurs du cru, des tauliers et quelques

bons coups comme Jonas Martin, le Racing est prêt à se

réinstaller dans l’élite de manière durable. Il ne faudra donc

pas se plaindre d’avoir loupé le wagon quand ils seront sur le

podium dans cinq ans. Merci Marc Keller.

Chiffre

11.

Non, il ne s’agit pas du numéro

floqué au dos de Neymar, mais bien

du nombre de clubs par lesquels

Gaël Kakuta est passé au cours de sa

carrière professionnelle, le tout à seulement 26 ans.

Promesse de Chelsea formée au RC Lens, Kakuta

signe son premier contrat pro avec les Blues sans

être encore majeur. Blessé gravement à la cheville

un mois seulement après ses débuts en pro à 17 ans,

Kakuta va enchaîner galère sur galère, prêt sur prêt

(Fulham, Bolton, Dijon, Vitesse Arnhem, Lazio),

avant qu’une année convaincante au Rayo Vallecano

incite le FC Séville à acheter l’éternel espoir français.

Une nouvelle blessure plus tard, Kakuta part pour

l’Hebei China Fortune, qui le prête de nouveau à

La Corogne à l’intersaison 2016-2017, pour finalement

débarquer cet été… au Amiens SC. Au même âge,

Xavier Gravelaine avait joué dans sept clubs. Il a fini

sa carrière en ayant porté dix-sept maillots différents.

Record en vue?

Les cotes

pour le titre

by Winamax

PSG: 1,20

Monaco: 6

Marseille: 17

Lyon: 25

Nice: 50

Encore un Hollandais sur la Côte d’Azur.

Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat


42 SO FOOT _GUIDE FRANCE

Avant d’être l’un des héros de l’Euro 2016 et de devenir la tête de

gondole du fameux OM Champions Project, Dimitri Payet a longtemps

été considéré comme un “bon joueur de ligue 1”. Il aura fallu attendre que Marcelo

Bielsa le sorte de sa glacière, puis un exil réussi à West Ham, pour que le

Réunionnais se débride enfin. Entretien taille patron. Par Grégory Letort, à Saint-Paul

(La Réunion) / Photos: Romain Philippon, PA Images/Iconsport, Iconsport et Afp/Dppi

“ÊTRE CON,

JE SAIS FAIRE”

“En arrivant en

métropole, je me

suis senti tout petit

sur une grande

terre. Il y avait du

monde partout.

J’avançais dans

l’inconnu…

J’étais à l’étranger,

clairement”

CCet été, tu as démarré tes vacances en

organisant un match de gala à La Réunion.

Comment est né ce projet? En fait, l’idée

existait déjà par le passé. Il s’agissait de

rassembler ceux que l’on appelle ici ‘les

Créopolitains’ –qui sont les Réunionnais qui évoluent

ailleurs, principalement en métropole– et de les mettre

face à la sélection locale de La Réunion. La dernière

fois, c’était il y a quatre ans et depuis, ça s’était arrêté.

Mais c’est quelque chose qu’on appréciait, nous les

joueurs. J’ai voulu remettre ça au goût du jour et le faire

à ma façon. Le but, aussi bien pour la sélection de l’île

que pour les Réunionnais, c’est de nous réunir dans

une ambiance festive et de profiter du moment. Je suis

quelqu’un du sud de l’île et j’ai voulu, pour la première

édition, organiser ça au stade Michel-Volnay de Saint-

Pierre. Pour moi, c’était symbolique. C’est le point de

départ de ma carrière.

C’est effectivement dans ce stade que Le Havre t’a repéré.

Quel souvenir gardes-tu de ton départ pour la Normandie?

J’avais 12 ans. J’avais envie d’y aller. Je me souviens

que ma mère n’était pas très chaude à cette idée. Mais

pour moi c’était vraiment le début de quelque chose,

c’était la première fois que j’allais vivre en métropole.

Ça reste un moment important de ma vie. À l’époque,

quand je monte dans l’avion, je me dis que je vais tout

faire pour devenir professionnel.

La métropole, ça représentait quoi pour toi? C’était

vague, un continent inexploré. Je ne savais pas à quoi

m’attendre. Le premier truc marquant, déjà, c’est le

changement de température. Mais surtout, je pars seul,

mes parents ne sont venus qu’après. Je me sentais

tout petit sur une grande terre. Il y avait du monde

partout. J’avançais dans l’inconnu. J’étais à l’étranger,

clairement. Moi je viens d’une île, tout le monde se

connaît, il fait beau, on est tranquille. Au Havre, je suis

rentré dans un autre univers… Les deux premières

années se déroulent sans problème. Après, je suis

rattrapé par mon adolescence. J’ai 15 ou 16 ans, ça fait

plus de deux ans que je suis parti de la maison, mon

pays me manque, la cuisine réunionnaise me manque,

et derrière, ça ne suit plus. Je ne dirais pas que j’ai été

pris dans un engrenage mais ce qui est sûr c’est que je

n’ai pas tout fait pour que Le Havre me garde. Quand

j’ai été viré du club et que je suis revenu à La Réunion,

je me suis dit “je vais jouer ici, je ne veux plus entendre

parler du foot en métropole”. Ça a duré un temps. Mais

c’est revenu vite. Très vite.

Les Réunionnais aiment le foot, mais paradoxalement, ils

sont peu nombreux à percer en métropole… Je pense que

c’est parce qu’on a du retard sur la Guadeloupe et la

Martinique dans la préparation et la découverte du haut

niveau. Je travaille sur cette question avec mon agent

et ami d’enfance: on essaie de prendre en charge les


La fameuse papayet

qui se ramasse à la foufourche.


44 SO FOOT _GUIDE FRANCE

“À La Réunion,

on ne peut pas nier

ce problème, on a

des requins. Quand

je prends l’avion

pour venir ici,

à l’atterrissage,

j’entends

carrément le pilote

mettre en garde

les touristes contre

les risques.

Le danger existe”

Strass et Payet.

Réunionnais en métropole pour les aider à rentrer plus

facilement dans ce monde professionnel. Quand je suis

parti, je ne savais pas grand-chose, maintenant que j’ai

dix ans de carrière, je peux aider, conseiller. J’aimerais

que dans les années à venir, il y ait un maximum de

Réunionnais au plus hau t niveau.

Le problème des Réunionnais n’est-il pas leur attachement

absolu à leur île? C’est un problème, mais c’est un beau

problème. On est vraiment attachés à notre terre et ça

nous joue des tours parfois quand on est loin. Mais ce

lien, c’est quelque chose qu’il faut garder.

Tu as été nommé ambassadeur de l’île. Comment vis-tu

ce rôle? À la cool. Le mot ambassadeur est pour moi

un peu fort. Essayer de mettre La Réunion en valeur,

je le faisais déjà avant, donc ça n’a pas changé grandchose.

Je fais un peu de représentation, je fais passer

des messages. Par exemple, en marge de mon match de

gala, j’ai fait découvrir des facettes de l’île aux joueurs

venus à cette occasion: Brice Samba, Max Lopez, Bilal

Boutobba… L’idée, c’est qu’ils en parlent autour d’eux.

La Réunion est vite présentée comme le petit caillou

tout en bas mais les gens ne savent pas toujours ce qu’il

y a dessus: un cadre magnifique, le volcan, la mer, la

montagne.

Le problème, c’est que ce caillou, on le résume souvent

à ses paysages et à ses attaques de requin… J’essaie

de faire contrepoids autant que je peux. Après on ne

peut pas nier ce problème, on a des requins. Quand je

prends l’avion pour venir ici, à l’atterrissage, j’entends

carrément le pilote mettre en garde les touristes

contre les risques. Le danger existe… Bon, il ne faut pas

s’arrêter à ça non plus. On a ce souci mais on essaie

de le régler. Et puis, il y a le lagon qui est sans risque.

On a le volcan, aussi. Bref, beaucoup d’atouts qui font

que cette île est très particulière. Pour ceux qui ne

connaissent pas, c’est aussi une terre de métissage.

Rien que le nom, La Réunion… Sur cette île, il y a un

melting-pot incroyable: des populations originaires

des Comores, de Madagascar, de Maurice, des

chrétiens, des musulmans. Et je trouve qu’on se

mélange plutôt bien. Par les temps qui courent,

c’est important de mettre ça en valeur.

Ce qu’il s’est passé en Guyane pourrait

arriver à La Réunion à ton avis? Nous

aussi on a eu des problèmes

divers et variés. Après, ce

qui peut se passer dans

les Dom-Tom, c’est

la conséquence de

problèmes de société

qui sont au fond

les mêmes qu’en

métropole, mais où

tout est moins médiatisé.

Quand il y a un problème

sur une île, quand on bloque

quelque chose, ça se voit vite.

Forcément, on n’a pas les mêmes

infrastructures qu’en métropole...

Après le centre de formation du

Havre, tu es revenu sur tes terres

pour jouer avec l’AS Excelsior, un

club basé à Saint-Joseph. Qu’est-ce que tu apprends en

championnat régional que tu n’apprends pas dans une

académie? C’est plus formateur qu’on ne le croit. En

jouant très jeune avec les seniors, on assimile très

vite des choses qu’on n’aurait apprises qu’une fois

parvenu au niveau professionnel avec un parcours

classique. Cette saison-là m’a aidé à devenir un petit

bonhomme puis un homme. Je m’en suis servi pour

devenir pro. J’avais 15-16 ans, je me suis frotté à des

adultes, des monuments du foot réunionnais. Ça m’a

forgé un caractère. J’ai appris à prendre des coups.

C’est une année qui a compté pour moi. Déjà, il y a

la pression du résultat. Avec l’Excelsior, on jouait le

titre. On a aussi gagné la coupe de La Réunion. Il y

a des ambitions dans le club et tu es mis face à tes

responsabilités. Mais il y a surtout le fait de jouer

contre des hommes. Moi, j’étais encore un gamin et

j’ai dû me mettre dans le bain. J’étais peut-être plus

attendu que les autres. Ça m’a habitué à une forme de

pression avec laquelle j’ai dû composer par la suite…

On te ressort souvent les images de ta carrière de

vendeur de vêtements quand tu étais en stage au centre

de formation de Nantes? Ah oui, ça c’est la base quand

on me voit. “N’oublie pas d’où tu viens, tu vendais des

chemises avant.” Mais ça a compté pour moi, c’est

durant ce stage que je me suis définitivement dit:

“Bouge-toi le cul, Dim’. Ce n’est pas ce que tu veux faire.

Ce que tu veux, c’est être footballeur.”

Justement, tu as mis du temps à te bouger le cul. Tu

étais capable de fulgurance mais tu enchaînais aussi

beaucoup de matchs insipides. Tu as réellement signé

ta saison référence à 28 ans. Comment expliques-tu

cette explosion sur le tard? Je ne me suis pas posé

la question. Je ne suis pas quelqu’un qui ressasse le

passé, qui vit de regrets, ça c’est fait comme ça, c’est

tout. Il n’y a pas eu de déclic particulier. Au fil des

années, mes entraîneurs ont essayé de me maintenir

le plus souvent possible sous pression et de ne pas me

lâcher. Le fait de revenir en équipe de France après

une longue absence a aussi été important. Ça m’a fait

comprendre qu’il fallait être bon tout le temps. C’est

un rythme à intégrer. Je travaille pour. C’est valable

pour tout métier, dans toute situation: quand ça va

bien, on a tendance à en faire un peu moins. Et c’est là

qu’on est en danger.

Tu as longtemps été considéré comme un bon joueur

de ligue 1. Comment expliques-tu que tu sois devenu

un joueur de niveau international? C’est une question

de caractère, vouloir plus. Après, c’est vrai aussi que

mon passage d’un an et demi en Angleterre m’a fait

changer d’univers. Là-bas j’avais même une chanson

à mon nom. C’était exceptionnel à vivre. La Premier

League c’est LE championnat, le fief du football: des

stades incroyables, remplis, des supporters qui sont

toujours là, des pelouses magnifiques quel que soit

l’adversaire. Il y a tout pour s’éclater. Et puis là-bas, à

partir du moment où tu es performant, tous les regards

portés sur toi évoluent. C’est le championnat le plus

difficile au monde: quand on arrive à se faire une place

là-dedans, on est perçu différemment.

À West Ham, tu enchaînais des séquences dignes de

YouTube. Des gestes qu’on t’a moins vu faire en ligue 1

à ton retour… Le charme du jeu anglais, sans dire que


Payet c’est fou.

c’est du houra football, c’est d’être ouvert. Là-bas, la

philosophie c’est jouer pour gagner. Donc qu’on soit

face au premier ou au dernier, le match n’est jamais

gagné: il y a un tel impact physique que ça ne peut

jamais être facile. Après en ligue 1, il faut quand même

garder à l’esprit que je suis arrivé en méforme après

un mois de bras de fer...

Quel souvenir gardes-tu de ta saison sous la direction de

Marcelo Bielsa à l’OM? Ça a été le déclic, c’est là que je

me suis vraiment accompli. J’ai commencé à atteindre

le haut niveau avec Bielsa. Et en plus, je l’ai fait à

Marseille, à l’OM, une ville et un club où il n’est jamais

simple de réussir.

Il a fallu des rencontres avec Bielsa puis Bilic, deux

étrangers, pour que tu passes un cap… C’est vrai. C’est

peut-être ce qu’il me fallait: me confronter à une autre

culture. Est-ce que je suis le seul? Aujourd’hui en

ligue 1, il y a de plus en plus d’entraîneurs étrangers.

C’est recherché même. Disons que j’ai besoin de

sentir de l’affection, de sentir qu’on compte sur moi.

Avec mon départ au Havre puis à Nantes, les liens

avec ma famille ont été coupés assez tôt. Peut-être

que je recherchais ça aussi à travers mes entraîneurs.

Je savais, et je sais encore, que les démonstrations

d’affection, c’est quelque chose qui compte

énormément pour moi. À partir du moment où je

ressens ça, je peux mourir pour eux.

Bilic, il t’a managé comment? Comme un père, justement.

On se parlait tous les jours: il a vite compris comment

je fonctionnais. Ça s’est vu dans mon adaptation qui a

été très rapide. C’est un nerveux. C’est un Croate, hein.

Il peut gueuler. Mais il arrive à bien gérer les hommes.

Et quand il te prend à partie, tu le vis comment? Pas du

tout mal. Je relativise. Et puis je me mets à sa place:

il est entraîneur d’une équipe et l’un de ses joueurs

demande à partir. Ça ne peut pas être évident à vivre.

Forcément, il a dû s’adapter. Mais je ne lui en veux pas.

Tu as avoué un jour que tu savais comment faire chier

les autres et être pénible. Ah oui, ça je sais. Être con, je

sais faire. C’est une de mes spécialités. C’est un petit

jeu. Quand j’ai envie de faire chier mon monde, je le

fais. Mes coachs l’ont compris: quand je fais un peu la

gueule, quand je traîne les pieds, ils me parlent: “Qu’estce

qu’il y a encore, t’es pas content?” C’est une façon

de me faire entendre. Les coachs qui me connaissent

jouent le jeu et finalement, ça se passe très bien.

Ça c’est passé comme ça avec Bielsa? Avec lui, j’ai

vraiment eu la sensation qu’il croyait en moi. À son

arrivée, il m’a montré une vidéo d’un de mes matchs.

Je ne me souviens plus duquel, mais je me rappelle

ce qu’il m’a dit ensuite: “Je veux ce Dimitri-là. Mais

en revanche, je ne le veux pas deux ou trois semaines,

je ne le veux pas deux mois, je le veux tout le temps.”

“Je savais, et je sais

encore, que les

démonstrations

d’affection, c’est

quelque chose qui

compte

énormément pour

moi. À partir du

moment où je

ressens ça, je peux

mourir pour mes

coachs”


46 SO FOOT _GUIDE FRANCE

Dimitri au piquet.

“Je ne suis pas

envieux des Lillois:

je sais ce qui les

attend. Une saison

avec Bielsa, c’est

épuisant, mais ça

vaut le coup”

La fiche

DIMITRI PAYET

Né le 29 mars 1987

à Saint-Pierre, France

1,75 m, 77 kg

Milieu offensif

Clubs: Saint-Joseph (2003-2005),

Nantes (2005-2007), Saint-

Étienne (2007-2011), Lille (2011-

2013), Marseille (2013-2015),

West Ham (2015-2017), Marseille

(depuis 2017)

International français,

35 sélections

Sa faculté à tout analyser, ça explique l’année que j’ai

passée avec lui. Pour s’en rendre compte, il suffit de

s’attarder sur l’équipe que Bielsa a construite cette

saison-là à Marseille. Regardez Mendy ou encore

Lemina. Tous ceux qui sont partis ont soit vraiment

lancé leur carrière ailleurs, soit passé un cap. C’est

indéniable.

Paradoxalement, il génère beaucoup de critiques. En

France, on l’a presque résumé à sa glacière… Bah, c’est

marrant. Moi je trouve ça plutôt cool. Cette habitude

n’existait pas en ligue 1. Ça a contribué à en faire un

personnage. Regardez l’effet que produit son retour

à Lille. Je vais suivre avec attention ce qu’il va faire

là-bas. Bielsa, il fait partie de ceux qui vont amener

plus de spectateurs dans les stades, rendre notre

championnat encore plus attractif. Bon, je ne suis pas

envieux des Lillois: je sais ce qui les attend. Une saison

avec lui, c’est épuisant. Mais quand on vit une année

comme on l’a fait à Marseille, à se retrouver pas loin du

titre, ça vaut le coup.

On a l’impression que Bielsa, c’est un entraîneur qui

pense beaucoup le jeu quand Didier Deschamps serait

davantage dans l’analyse de celui de l’adversaire. Tu

es d’accord avec ça? Oui plutôt. Mais il y a aussi un

adversaire en face et il faut savoir s’adapter à lui.

Bielsa et Deschamps sont deux entraîneurs avec des

approches différentes, mais ça s’explique par le fait que

le coach Deschamps a été joueur de haut niveau.

Tu te rapproches de Deschamps quelques mois avant

l’Euro. Comment ça se passe? C’est venu d’une simple

discussion. Une discussion assez brève. Quand il

me rappelle en mars pour affronter les Pays-Bas et

la Russie, ce qui est alors le dernier rassemblement

avant la compétition, il demande à me parler. C’était

le dernier train… On s’est retrouvés en tête-à-tête. Ça

n’a pas duré longtemps, mais c’était assez complet,

assez fort. Tout est parti de là. Je ne m’étais pas préparé

spécifiquement à cet entretien mais j’imaginais bien,

après une année à ne pas être appelé, qu’il allait

vouloir me parler. Donc j’avais un peu réfléchi à ce que

j’allais pouvoir dire. Bizarrement ça n’a servi à rien: il

a directement mis les pieds dans le plat et abordé les

sujets qu’il fallait. Il y avait de tout: mon état d’esprit,

ce qu’il attendait de moi, ce qu’il allait me demander, ce

que je devais faire et apporter à cette équipe de France.

Je me suis senti à l’aise. C’était ce que j’avais besoin

d’entendre.

À chaque liste où tu ne figurais pas, ce qui

ressortait, c’était ton incompréhension.

Maintenant, avec le recul, tu comprends? Oui,

parce qu’on parle de l’équipe de France: on

est cinquante, soixante joueurs à pouvoir y

prétendre. Quand on regarde aujourd’hui

Didier Deschamps annoncer la liste des

attaquants ou des milieux offensifs, il y a

toujours deux ou trois absents. Et quand

on regarde les noms, on voit que ce sont

des joueurs de grande qualité. Il a le choix,

beaucoup de choix. Il faut se battre pour

avoir sa place. Je l’ai bien intégré. C’est ce

que je fais aujourd’hui. Le mondial 2018,

c’est la dernière étape de mon aventure avec

les Bleus. Si j’arrive à être dans ce wagonlà

et à vivre une première coupe de monde, je vais

mordre dedans. Je sais qu’avec tous ces petits jeunes

qui arrivent et qui sont pétris de talent, au vu de mon

âge, ça sera un objectif difficilement atteignable de

prétendre à l’Euro deux ans plus tard...

Tu es un des derniers rescapés de cette fameuse

génération 1987. Quand tu vois Mbappé, Dembélé ou

Lemar aujourd’hui, qu’est-ce que ça te fait? C’est juste

exceptionnel leur niveau de jeu, leur fraîcheur, ce qu’ils

apportent à cette équipe. C’est pour ça que je sais que

je me dirige vers ma dernière aventure en bleu. Je me

retrouve un peu en eux: Lemar est un Guadeloupéen,

Dembélé est un dribbleur, Mbappé pareil. Le courant

passe très bien. Ils sont respectueux, à l’écoute. Je suis

devenu en très peu de temps un ancien, un vieux, mais

je le vis plutôt bien.

Tu l’as refait dans ta tête cet Euro? Ouais, bien sûr. J’ai

des flashs. Je repense à plein de choses, à cette finale,

à ce but d’Eder, au poteau de Gignac, à plein de trucs.

La dernière fois que j’ai pleuré de bonheur, c’était

à l’Euro, contre la Roumanie. Ce but, je l’ai revu un

paquet de fois. Ça me donne des frissons… Ça a été un

mois qui a changé ma vie, forcément que j’y repense.

Après, ça s’est inscrit dans un cadre général: on a

vécu une aventure exceptionnelle avec notre public.

Mais c’était marrant de voir, “Payet président!” en une

des magazines. Quand on m’a envoyé la photo de la

couverture, je ne me doutais pas que c’était sérieux: je

pensais que c’était un montage fabriqué sur Twitter.

Puis, quand j’ai vu le magazine, je me suis dit “ah ouais,

quand même, c’est assez fou”. Surtout, pendant cet Euro,

les gens ont pu avoir une autre perception de moi. On a

découvert l’homme, pas seulement le joueur.

Que ce soit Eder qui marque, ça fait encore plus mal? Lui

ou un autre... Le résultat, c’est qu’on a perdu. Eder, c’est

pas un mec qui écrase l’Europe mais il a fait gagner

son équipe à l’Euro. C’est comme ça, je respecte. Il faut

aussi dire bravo au Portugal. Ils ont fait ce qu’il fallait,

ils ont gagné les matchs qu’il fallait. Si on regarde bien,

s’il n’y a pas cette formule avec les meilleurs troisièmes,

ils sont éliminés en poules. Ils reviennent quand même

de là. Il faut aussi féliciter leur parcours.

Quand tu quittes West Ham pour Marseille, tu dis “on

rentre à la maison”. Pourquoi Marseille est plus “la

maison” que Nantes, Saint-Étienne ou Lille? Parce que

ce que j’ai vécu à Marseille en deux ans, ça a été assez


fort. Je me suis attaché à ce club, à ces

supporters, à ce stade… J’ai quitté l’OM

sur un goût d’inachevé. Le fait d’avoir

joué à Marseille lors de l’Euro a fait

remonter tout ça. Et puis j’ai vu que les

supporters restaient derrière moi malgré

mon changement de club. Je m’étais dit

en partant que je reviendrai un jour jouer

à l’OM. Je ne pensais pas que cela se

ferait aussi rapidement, mais j’avais cette

idée dans un coin de ma tête. À la base,

quitter l’OM n’était pas dans mon plan

de carrière. On ne me force jamais à rien,

mais ce départ pour West Ham, il tient

à mon amour pour Marseille. Je savais

qu’il y avait un passage devant la DNCG

et que les joueurs les plus chers seraient

vendus avant cette date sinon le club ne

serait pas dans les clous. Je savais qu’il

fallait aussi rendre service au club. C’est

pour ça que j’ai accepté de partir. J’aurais

pu dire: “Ben non, je reste là, démerdezvous.”

Quand on aime l’OM, on ne peut

pas envisager de laisser ce club dans la

merde.

Dix huit mois plus tard, pourquoi décides-tu

d’aller au bras de fer avec West Ham pour

revenir à l’OM? Il y a eu plusieurs raisons

mais la première était sportive: les

objectifs de West Ham n’étaient plus les

mêmes que la saison précédente et je me

suis senti en danger sur mon football et

pour ma place en sélection. Il y avait un

choix à faire. A mon retour, je retrouve

un OM changé sur tous les plans. J’ai

l’impression que ça n’est plus le même

club. Ça n’est plus la même gestion.

Bien évidemment, il y a eu un nouveau

propriétaire, mais il y a surtout d’autres

méthodes qui ressemblent plus à un

grand club.

Tu as rencontré Frank McCourt avant de

signer? Non, le président Eyraud m’a

montré ses discours mais je ne l’ai jamais

rencontré avant ma signature. J’ai vu

des messages qui m’étaient destinés

personnellement. Avec le discours du

président Eyraud, la présence du coach

Garcia et le sentiment de savoir où je

mettais les pieds, je n’avais pas besoin de

ça non plus pour m’engager.

Quand tu signes, l’OM ne paraît pourtant pas en mesure

de lutter contre Paris, Monaco ou même Lyon… Oui mais

moi, c’est le projet qui m’intéresse. Je veux contribuer à

faire un grand Marseille. C’est toujours plus intéressant

d’être au début d’une histoire que d’arriver en cours. Je

ne me suis pas posé de questions. Connaissant Garcia,

je savais que s’il prenait une équipe, c’était pour gagner.

Je n’étais pas spécialement inquiet. S’il a pris cette

équipe, c’est qu’il avait eu des garanties.

En mars dernier, quand il y a cette déroute au Vélodrome

contre Paris, tu le vis comment? J’étais très déçu,

évidemment. C’est toujours difficile de perdre un

clasico. Surtout à domicile. Surtout sur un tel score.

Mais on apprend. On a un groupe assez jeune. Ça nous

a fait mal. Mais à partir de ce match, on n’a plus perdu

en ligue 1. Derrière, au-delà des paroles du coach, il y

a une prise de conscience du vestiaire. Gueuler après

un 5-1, je ne pense pas que ça ait de l’effet. Bien sûr

qu’il faut analyser le match: pourquoi? Comment? Mais

gueuler sur un mec qui a perdu 5-1? S’il n’est pas fou, il

est déjà en train de se remettre en questions en rentrant

chez lui. Et deux-trois jours après, il va encore se dire

“merde on a pris 5-1”… Je crois qu’on est sortis plus

grands de ce match-là.

Swipe à droite.

“Eder, c’est pas un

mec qui écrase

l’Europe mais il a

fait gagner son

équipe à l’Euro.

C’est comme ça, je

respecte”


48 SO FOOT _GUIDE FRANCE

Dimitri pose son like.

“J’ai dit à Évra,

‘tu pètes les plombs’.

Il y a encore

quelques mois, il

nous disait, ‘arrêtez

avec vos conneries

d’Instagram’.

Aujourd’hui, c’est

lui qui s’affiche sur

la toile…”

À ton retour, tu as retrouvé Thauvin et cette fois, ça a

fonctionné. Tu as eu une phrase assez drôle à ce sujet:

“On est moins cons qu’avant.” C’est-à-dire? Ça résume

bien l’histoire. On a deux ans de plus qu’à la première

époque. Maintenant, on est proches, on se parle, on se

voit. J’ai gagné en maturité, lui aussi, d’où le “on est un

peu moins cons”. On s’est rendu compte qu’en jouant

ensemble, on gagnerait plus qu’à se faire la guerre.

C’est des trucs cons mais c’est ça. Avant, on avait déjà

notre caractère, il y avait aussi des non-dits mais on a

su se poser les bonnes questions pour tout remettre

à plat. En jouant ensemble, on a vu qu’on se rendait

service mutuellement.

Tu as aussi retrouvé Patrice Évra… Exactement, j’ai

retrouvé Tonton après un Euro passé dans son couloir.

Avec plaisir, puisque sa venue a crédibilisé le projet.

Quand il appelle Dugarry “Duarig”, on se dit que ce n’est

pas forcément le cas… Ça ne me choque pas plus que

ça. Il a une façon particulière de s’exprimer. Mais

c’est quelqu’un qui assume ce qu’il dit et ce qu’il fait.

Ses sorties, c’est propre à lui. Nous, on en rigole plus

qu’autre chose. Il faut être au quotidien avec lui pour le

comprendre. Si on le voit juste avec un regard extérieur,

on aura tendance à poser un mauvais jugement sur le

personnage. Je peux vous assurer que quand on le voit

tous les jours, on sait pourquoi il a fait cinq finales de

ligue des champions, pourquoi il a gagné X titres avec

Manchester, pourquoi Ferguson en a fait son capitaine.

C’est un mec avec qui tu peux partir à la guerre. Même

si tu n’as pas envie, tu finis par y aller à mains nues.

Quand je suis arrivé à l’OM, il est venu me parler. À

l’Euro, pareil, il était sur mon dos. C’est aussi avec lui

que j’ai eu une discussion à mon retour en sélection.

Quand je suis revenu, c’était Tonton l’arrière gauche

et il m’a dit: “Dim’, arrête tes conneries. Ce que tu

fais à West Ham, ça c’est Dim’. Mais ce que tu fais en

sélection, ça n’est pas toi. Donc arrête de m’emmerder

à venir sur la pointe des pieds et fais la même chose

tout simplement, ça se passera bien.” Ça a duré quinze

secondes mais j’ai gardé les mots en mémoire.

Tu lui parles de ses vidéos sur Instagram? Je lui ai dit,

“tu pètes les plombs”. Il y a quelques mois, il nous

disait encore,“arrêtez avec vos conneries d’Instagram”.

Aujourd’hui, c’est lui qui s’affiche sur la toile, c’est assez

marrant. Il ne nous les montre pas avant publication,

on les découvre comme tout le monde. Après, le

lendemain, on les décrypte.

Pour rester sur les dingues, à La Réunion, il y a une course

assez folle: une traversée de l’île sur 170 kilomètres. C’est

un défi qui te tenterait? J’y ai pensé, j’y pense. Après, ça

ne s’appelle pas La diagonale des fous pour rien. On

verra. Pour l’instant, je ne me sens pas prêt, mais ça

n’est pas un truc que j’exclus de faire à l’avenir. • PROPOS

RECUEILLIS PAR GL


50 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE

Espagne

On a souvent résumé la Liga à un championnat à deux vitesses. Cette année, il risque

de passer à trois vitesses tant le Real semble au-dessus du lot sur ce qu’il a montré

en août, alors même que le Barça sort d’un été meurtrier et que l’Atlético n’a pas pu

se renforcer comme il le voulait. Reste à savoir qui finira quatrième… Par Antoine

Donnarieix / Photos: Panoramic et Iconsport


Protège-tibias skin: la sensation de ne rien porter.

Madrid tout

puissant,

Barcelone un

peu moins

ANALYSE Un coup de tour Eiffel sur le crâne. Voilà ce que le

FC Barcelone a ressenti au moment où Neymar da Silva Sr., père de,

est venu remettre à la direction blaugrana un chèque de 222 millions

d’euros de la part de Qatar Sports Investments. Choqué par la décision

de son diamant brésilien de quitter le navire, le Barça va tousser un

moment avant de se remettre de cette absence dans son onze de départ.

Surtout qu’avec les 220 millions, le Barça s’est mis dans la peau d’un

smicard longue durée devenu soudainement vainqueur à l’Euromillions,

en balançant son pognon et en n’en faisant qu’à sa tête. Premier achat

impulsif: le bourrin Paulinho –devenu l’objet de la première plus-value

de l’histoire du championnat chinois–, alors même que l’historique Xavi

soufflait le nom du Niçois Seri dans les médias depuis des semaines. Pas

très toque friendly, comme politique. L’autre problème, quand on a plein

d’argent, c’est que tout le monde le sait. Et dans de tels cas, la montre joue

rarement en faveur de l’acheteur en demande urgente de renforts, surtout

lorsqu’il a affaire à des clubs qui ne sont pas vendeurs, et donc disposés

à le faire cracher un max. Alors, pour forcer les transferts de Dembélé et

Coutinho, le Barça a poussé ses targets estivales à instaurer le bras de fer

avec leurs employeurs respectifs. Une stratégie mesquine déjà utilisée

en juillet avec Verratti. En vain. Et si cet été, le “Més que un club” avait

en réalité perdu bien plus qu’un joueur? Le terrain, c’est une chose, mais

c’est en réalité au niveau de son image que l’institution Barça s’est salie,

au moment même où la position du très décrié Josep Maria Bartomeu

à sa tête se fragilise de jour en jour. Que va devenir le club que l’on a

cité comme référence, même lors des années sans titre, pendant près de

dix ans? En vérité, et ce n’est pas très bon signe, l’été 2017 blaugrana a

dangereusement rappelé celui de

2000, lorsque Luis Figo avait lui

aussi tourné le dos au Més pour

devenir le premier Galactique

de l’ère Pérez, marquant le début

d’une longue traversée du désert

sportive et d’une période de

mauvaises dépenses (transferts

à la va-vite de Petit, Overmars,

puis Christanval et Rochemback

l’année suivante) en Catalogne.

L’été blaugrana

rappelle

dangereusement

celui de 2000, lorsque

Luis Figo a quitté

le Mes pour le Real

En forçant un peu le trait, on

pourrait dire que le Barça a réussi l’exploit de faire un mercato plus

laborieux que l’Atlético, pourtant interdit de recrutement. Les Matelassiers

ont réussi à conserver toutes leurs forces vives, en s’épargnant en plus des

feuilletons avec leurs joueurs les plus courtisés, la rumeur Griezmann à

MU, par exemple, ayant rapidement été étouffée. À croire que la solidarité

dans la souffrance ne s’applique pas que sur le terrain chez le champion

d’Espagne 2014. À moins que ce ne soit la perspective de fouler la pelouse

toute fraîche du Wanda Metropolitano, le nouveau stade des Colchoneros.

Mieux, l’Atlético a trouvé un moyen de contourner les sanctions à son

encontre: l’ex-Sévillan Vitolo, futur joueur de l’Atléti, jouera ainsi les quatre

premiers mois de la saison à Las Palmas avant de rejoindre la capitale

en janvier 2018. Une filouterie signée le “Cholo” Simeone. Si ça devrait

suffire pour rester compétitif, pas sûr que ça permette à l’autre club de

Madrid de lutter avec son voisin sur trente-huit journées, tant le Real a

fait forte impression en cette présaison. Depuis sa désignation à la tête

de l’équipe il y a dix-neuf mois, Zidane a empoché sept titres majeurs sur

neuf possibles avec les Merengues. Championne d’Espagne et double

championne d’Europe en titre, la Maison Blanche tient en Zinédine Zidane

son cavalier qui surgit hors de la nuit, son héros presque invincible. Tenu

en haute estime par le vestiaire, c’est lui le Galactique désormais, alors que

sportivement, le Real se “bayernise” peu à peu, en arrêtant le recrutement

bling-bling mais en doublant les postes avec les meilleurs jeunes du pays

(Isco, Asensio, Vazquez). De quoi laisser augurer une dynastie de cinq

titres d’affilée? •


52 SO FOOT _ GUIDE ESPAGNE

‘J’aurais dû les prendre

une taille au-dessus.”

Le manuel du troll

Depuis que les Anglais se sont mis à faire n’importe quoi,

la Liga serait devenue le meilleur championnat du monde.

“Il n’y a qu’à voir les résultats en coupe d’Europe”, clament

les amoureux d’un foot qui ressemble à du hand, mais sans

l’intensité. La coupe d’Europe? Bah oui, forcément. Mais

de quel championnat viennent les Modric, Bale, Cristiano

Ronaldo, Suarez et Mascherano, exactement? Indice: d’un

championnat où il est mal vu de simuler, où l’on n’insulte

pas les mères des joueurs qui tirent des corners, où les

pelouses n’ont pas de psoriasis et où l’arbitre n’est pas le seul

décisionnaire du résultat final.

Le club à suivre

pour se la péter

en 2020

Avancer que Marco Asensio sera Ballon d’or d’ici cinq ans,

c’est prendre un risque trop modéré pour passer pour un

visionnaire, et ce même si vous êtes le seul à avoir vu en

direct les trois buts plantés par le petit génie des Baléares

face à la Macédoine lors de l’Euro U21 en Pologne en

juin dernier. Entre-temps, ses lucarnes face au Barça en

Supercoupe d’Espagne ont fait trop d’audience. Misez plutôt

sur un cheval que personne ne voit venir. “Oui mais lequel?”

Le Betis, bien sûr! L’autre club de Séville, qui est en fait le

club de Séville, a tout pour plaire: il a une histoire, il défend

les couleurs d’une ville cool, n’est pas trop mainstream

depuis que son voisin lui a piqué la vedette, et son vrai nom

sonne incroyablement bien: Real Betis Balompié. Le foot

étant par essence cyclique, la période dorée du FC va bientôt

se terminer –Sampaoli l’a d’ailleurs senti–, ce qui veut dire

que son voisin va à son tour entamer un âge vertueux. Pour

les fans de vintage, notez que l’immense Joaquin, 36 ans, est

toujours là. Et lui ne se fringue pas en Joma.


Asensio fulgurant.

Le chiffre

1335.

En

partenariat sportif officieux entre le promu

kilomètres, la

distance à vol d’oiseau

qui sépare Gérone

de Manchester, deux

villes jumelées via un

en Liga et les Citizens. Voilà plusieurs

années que les Blanquivermells sont

devenus ni plus ni moins qu’une filiale de

Manchester City. En août 2015, Chidiebere

Nwakali, Ruben Sobrino et Florian Lejeune

avaient été prêtés au Girona FC. Pablo

Mari et Maffeo ont suivi un an plus tard.

Cette année, c’est le défenseur belge Jason

Denayer qui a été envoyé s’aguerrir en

Catalogne. L’origine de ce deal tacite?

Plombé par une dette colossale, Gérone

est racheté en 2015 par Media Base Sports.

L’un des deux proprios de cette boîte se

nomme Pere Guardiola, et n’est autre que

le frère de Pep.

Le fait divers

de la saison

Dans la famille de l’ancien footballeur Jean-François Hernandez, je

demande les deux fils: Lucas et Theo. Le premier, joueur de l’Atlético

Madrid, a été condamné en janvier dernier à trente et un jours de

travaux d’intérêt général pour des faits de violence domestique. Sa

compagne, Amelia Llorente, qui a fini à l’hôpital pour des blessures,

a écopé de la même peine pour avoir attaqué son compagnon en

premier et vandalisé sa voiture… Mais alors que le juge a prononcé

une interdiction de s’approcher et de communiquer, la presse

espagnole a fait savoir cet été que les deux amants se sont mariés

en juin à… Las Vegas. Tombé pendant ses vacances à L’Escala sur ce

mauvais remake de la romance entre Nabilla et Thomas Vergara, un

casteur de la chaîne W9 contacte Amelia et lui propose d’intégrer

à l’automne 2017 le casting de la prochaine saison de Moundir et

les apprentis aventuriers. Bien lui en prend puisqu’elle remporte

l’émission et noue des contacts avec l’ancien candidat de Koh-Lanta.

Un peu trop rapprochés au goût de Lucas, qui découvre le pot aux

roses lors de la diffusion de l’émission, découpe les talons des

Louboutin d’Amelia pour se venger et part vivre chez son frère cadet,

Theo. Qui a lui aussi vécu un été délicat, en dépit d’un transfert vers

le Real Madrid. Début juin, le latéral gauche a été visé par une plainte

pour agression sexuelle déposée par une jeune femme à Marbella,

alors même qu’il n’aurait pas dû se trouver en Andalousie mais à

Rambouillet avec les espoirs français. Sa saison 2017-2018 est toute

tracée: embrouille avec Luca Zidane à l’entraînement, après que

celui-ci l’a tagué en légende d’un tuto de jonglages sur Snapchat. En

réponse, le clan Hernandez, torse nu, clashe la famille Zidane sur

YouTube et lui donne rendez-vous “à moitié route”.

La tendance

mercato

On ne sait pas si c’est la politique environnementale

du pays –contraint de doubler son volume de

recyclage d’ici 2020 pour éviter des sanctions de l’UE–

qui a inspiré les clubs de Liga, mais toujours est-il

que niveau recrutement, la tendance est à la récup.

Une bonne tripotée des signatures en provenance de

l’étranger enregistrées par les clubs espagnols cet été

est en fait constituée de simples retours au pays de

joueurs ayant déjà plus ou moins fait leurs preuves en

Espagne. Et ça ne concerne pas que des locaux. Ainsi,

Gabriel Paulista (Valence), Carlos Bacca (Villarreal),

ou Éver Banega (FC Séville) sont revenus dans le

championnat qui les a révélés en Europe, imitant du

même coup les natifs Deulofeu (FC Barcelone), Javi

Garcia (Betis) et Nolito (FC Séville). Évidemment,

Jesus Navas ne pouvait pas passer à côté de l’occasion

de se rapprocher de sa mère. Le voilà revenu de son

exil à Manchester, prêt à entamer sa onzième saison

avec Séville. Le réalisateur Étienne Chatiliez peut

enfin s’attaquer à la suite de Tanguy.

Jesus salue ses disciples.

Les cotes

pour le titre

by Winamax

Real Madrid: 1,80

Barcelone: 1,86

Atletico Madrid: 28

FC Séville: 120

Bilbao: 250

Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat


54 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE


On l’appelle “la fourmi”. Disciple de Cruyff, ami

de Guardiola et passionné de photographie,

Ernesto Valverde est considéré comme l’un des entraîneurs

les plus talentueux de la Liga. Portrait du pompier censé

éteindre l’incendie provoqué par ce pyromane de Neymar.

Par Léo Ruiz et Aquiles Furlone / Photos: DR, Iconsport et Panoramic

EL’écrivain Bernardo Atxaga préfère prévenir

tout de suite: “C’est un pur hasard. Un

paradoxe, même, que je sois l’ami de

deux des entraîneurs les plus importants

d’Espagne.” Le premier, Julen Lopetegui,

sélectionneur de la Roja depuis l’année

dernière, est originaire comme lui d’Asteasu, un petit

village basque de 1500 habitants. Quant au nouvel

entraîneur du Barça, Ernesto Valverde, il en est

proche depuis plus de vingt-cinq ans. “Je l’ai connu

par l’intermédiaire de son frère Mikel, un illustrateur

avec qui j’ai fait plusieurs livres pour enfants”,

explique-t-il. À l’époque, Atxaga et Mikel Valverde

ont leurs habitudes au Latino, un petit restaurant

de Vitoria. “Nos familles s’étaient installées dans

le même quartier de la ville. Un jour, Mikel s’est

pointé avec Ernesto. J’ai alors demandé: ‘Et ce frère,

qu’est-ce qu’il fait dans la vie?’ En fait, il jouait déjà

à l’Espanyol Barcelone. C’est dire à quel point je

suivais le foot…” Si l’écrivain basque le plus traduit

au monde ne savait rien de l’amour du nouveau

coach blaugrana pour le ballon rond, c’est aussi parce

que chez les Valverde, arrivés dans le Pays basque

en provenance de l’Estrémadure six mois après la

naissance d’Ernesto, le foot n’a jamais été le centre

d’intérêt numéro un. “J’ai su plus tard que Mikel


56 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE

2015. Bilbao fête la Supercoupe d’Espagne.

“Concentre-toi sur

le football, parce

que ce n’est pas

avec un appareil

photo que tu vas

gagner ta vie”

Javier Clemente à Valverde

était lui aussi très doué, mais le dessin et la peinture

l’intéressaient d’avantage, poursuit Atxaga. Encore

aujourd’hui, dans notre bande, il y a des chanteurs, des

musiciens, des écrivains. À Vitoria, Ernesto a toujours

baigné dans le monde de la culture.” Pour remettre de

l’ordre dans la maison, le Barça serait-il allé débusquer

un intello? “Non”, répondent catégoriquement tout ceux

qui le connaissent. “C’est une étiquette que lui collent

les médias espagnols depuis toujours, s’agace Moises

Hurtado, son ancien joueur à l’Espanyol. Tout ça parce

qu’il aime lire et faire des photos.” Fan d’expositions

en tout genre, notamment celles qui concernent les

photographes William Klein, Henri Cartier-Bresson

ou Daido Moriyama, Ernesto Valverde se garde bien

d’étaler son attrait pour la culture en public, par peur

d’être enfermé dans la même case que son pote et

ancien coéquipier Guardiola. “Pep, c’est vrai, aime le

théâtre et la littérature, mais qu’y a-t-il d’exceptionnel

à apprécier ce genre de choses? Aujourd’hui, certains

croient qu’il passe ses journées à offrir des livres à son

équipe… C’est faux, évidemment, mais quand je vois

tous ces raccourcis qui sont faits, ça me fait peur. Je n’ai

pas envie que tout le monde pense que je me promène

au quotidien avec un appareil photo... Pep est une

personne normale, comme moi, comme tout le monde…

Heureusement qu’il y a des coachs qui vont au ciné, qui

aiment la cuisine ou qui s’intéressent à la géographie

ou à l’histoire de l’art: ce n’est pas incompatible avec

le football. Ces passions aident même à stabiliser une

personne.” Discret, “Txingurri”, –la Fourmi, en euskeracomme

l’a baptisé Javier Clemente, n’entretient pas

le storytelling sur sa personne. C’est en tout cas ce

qu’il a indiqué le 1 er juin dernier aux journalistes

venus assister à sa première conférence de presse à

Barcelone. “Parfois, on fait croire que j’ai écrit une thèse

sur Cervantès, mais je suis ici pour entraîner une équipe

de football.” Une manière de dire que non, lui, “l’homme

normal”, n’endossera pas le costume du nouveau

philosophe du Barça.

Game of thrones,

des flingues et des pipes

Si Valverde rejette l’étiquette d’intello, il est “doté d’une

évidente sensibilité artistique”, dixit Atxaga. Le

recordman de matchs passés sur le banc de l’Athletic


Bilbao n’est pas non plus tout à fait basque. Son

histoire est celle de ces milliers de familles qui,

sous le franquisme, ont quitté l’Estrémadure, région

historiquement pauvre et ignorée, pour l’étranger,

la Catalogne ou le Pays basque. Lui est né à Viandar

de la Vera, un village de 300 âmes situé à quelques

encablures de Las Hurdes, un patelin isolé du monde,

rendu célèbre par le célèbre documentaire de Luis

Bunuel Terre sans pain. “Le coin a beaucoup changé.

Désormais, on n’arrache plus la tête des poulets

vivants!”, sourit Valverde. Et pour cause, la région,

célèbre pour ses conquistadors et pour le meilleur

jambon du monde, le Pata Negra, est devenue l’eldorado

de la plus grande communauté soufie d’Europe et des

stars du monde hispanique en quête de tranquillité.

Mais aussi un lieu de décor prisé des réalisateurs

de Game of Thrones. “C’est un endroit merveilleux perdu

dans une vallée où la nature est encore bien préservée,

définit-il. Je n’y ai jamais vécu, mais j’ai encore de

la famille là-bas et j’essaye d’y aller le plus souvent

possible.” Une double identité qui lui épargne une autre

étiquette, la basque, et qui l’a mené plus tôt que prévu

vers ce qui deviendra sa troisième maison en Espagne:

Barcelone. “Pour un joueur de Sestao qui se démarque,

comme c’était son cas à ses débuts, le chemin classique

est de rejoindre Bilbao, analyse Atxaga. Mais lui n’était

pas natif du Pays basque et, à l’époque, c’était encore

un problème pour les dirigeants de l’Athletic. C’est ainsi

qu’il s’est retrouvé à l’Espanyol.” Pendant deux saisons,

le petit ailier droit ne fait pas seulement les beaux jours

des Periquitos –une troisième place en Liga et une

finale de coupe de l’UEFA, qui feront de lui la première

recrue du Barça de Cruyff à l’été 1988–, il s’attache aussi

à une ville qu’il découvre à travers son autre passion:

la photo. “Barcelone était déjà plus développée que les

autres grandes villes espagnoles, dit-il. On sentait une

certaine effervescence artistique, un côté avant-gardiste

qui la rendait unique et très attirante.” Quelques

semaines à peine après sa signature à l’Espanyol,

Valverde réussit le concours d’entrée de l’Institut

d’études photographiques de Catalogne (IEFC).

Pendant ses quatre saisons catalanes, les journalistes

prennent l’habitude de le croiser dans la ville ou autour

des hôtels où séjourne son équipe, un appareil photo

à la main. Mais jamais ils ne verront ses photos de

poulpes, de fellation, de supporters ou de l’international

algérien Rafik Djebbour avec une arme, jusqu’à la sortie

de son livre, Medio tiempo, en 2012, préfacé par Atxaga.

“Ernesto n’est pas différent du reste de sa famille: il est

profondément droit, sérieux et intelligent. La photo, il l’a

toujours laissée dans la sphère privée, notamment pour

éviter qu’on dise de lui après une contre-performance

qu’il a la tête ailleurs.”

“Avec son intelligence,

il aurait pu faire ce qu’il voulait”

L’arrivée de Valverde sur le banc du Barça n’était

qu’une question de temps. Par deux fois auparavant

–après la mort de Tito Vilanova puis après l’échec de

Tata Martino–, Zubizarreta, alors directeur sportif des

Blaugranas, avait tenté de faire revenir en Catalogne

celui qui avait fait briller une deuxième fois l’Espanyol

entre 2006 et 2008, avec une nouvelle finale de l’UEFA

en prime. Txingurri, l’actuel directeur sportif de l’OM

le connaît bien: en plus d’avoir partagé avec lui le

vestiaire du Barça pendant deux ans, c’est lui qui l’a

installé pour la première fois sur un banc de touche

de Liga. C’était en 2003, à l’Athletic Bilbao, dont il a

aussi porté le maillot pendant six ans. “Honnêtement,

Valverde entraîneur, c’était loin d’être une évidence,

assure Victor Munoz, son coach lors de sa dernière

saison à Majorque. Il n’avait pas cette vocation. Avec

son intelligence, il aurait pu faire ce qu’il voulait après

sa carrière de joueur. Mais il a vu cette possibilité, et

son ami Zubi l’a mis sur la voie.” À sa manière, Javier

Clemente participe également à la reconversion du

joueur sur le banc: “Un jour, il a vu mes photos et m’a

dit: ‘Concentre-toi sur le football, parce que ce n’est

pas avec un appareil photo que tu vas gagner ta vie.’”

Après onze saisons en Liga, Valverde opte donc pour

une carrière de coach. Un travail qui lui permet de

voir du pays. De le photographier aussi. Un moyen de

“s’évader de l’univers du football, parfois oppressant”.

Une manière, aussi, d’aiguiser un sens de l’observation

qui fait de lui l’un des entraîneurs les plus pointilleux

de Liga. “Ernesto a toujours été très, très attentif sur

“Heureusement

qu’il y a des coachs

qui vont au ciné,

qui aiment la

cuisine ou qui

s’intéressent à la

géographie ou à

l’histoire de l’art: ce

n’est pas

incompatible avec

le football”

Ernesto Valverde

La fiche

ERNESTO VALVERDE

Né le 9 Février 1964

à Viandar de la Vera, Espagne

1,77 m, 76 kg

Ancien attaquant

Clubs (joueur):

Alavès Vitoria (1982-1985),

Sestao Sport (1985-1986),

Espanyol Barcelone (1986-1988),

FC Barcelone (1988-1990),

Athletic Bilbao (1990-1996),

Real Majorque (1996-1997)

Palmarès: Coupe du roi (1989),

coupe des vainqueurs de coupe

(1990)

Clubs (entraîneur): Athletic Bilbao

(2002-2005), Espanyol Barcelone

(2005-2008), Olympiakos (2008-

2009), Villareal (2009-2010),

Olympiakos (2010-2012), Valence

(2012-2013), Athletic Bilbao

(2013-2017), FC Barcelone

(depuis 2017)

Palmarès: Coupe du roi (2006),

supercoupe d’Espagne (2015),

championnat grec (2009,

2011,2012), coupe de Grèce

(2009, 2012)

Ancien international espagnol

1 sélection


58 SO FOOT _GUIDE ESPAGNE

“J’ai l’impression

que la notion de

plaisir est

indexée au nombre

de passements de

jambe qu’un joueur

peut réaliser dans

un match. Je ne

suis pas contre la

futilité, je suis un

ami de l’efficacité”

Ernesto Valverde

Valverde au Comedy Club.

tout ce qui concerne le football, explique Javier Irureta,

le coach du grand Deportivo La Corogne, qui l’a eu

sous ses ordres en début et en fin de carrière, à Sestao

et à l’Athletic. Les conversations, l’organisation... En

ce sens-là, il se démarquait des autres. C’est sans

doute pour cela qu’il fait aujourd’hui partie de l’élite

des entraîneurs.” L’un des plus prometteurs, déclarait

même Cruyff avant de s’en aller. Une chose est sûre:

Valverde est suffisamment installé et respecté dans le

milieu pour se permettre d’aller systématiquement au

bout de ses contrats –il n’a été viré qu’une seule fois,

à Villarreal– et de refuser régulièrement des offres

importantes, dont celles du Barça, parce qu’il préférait

être chez lui, à Bilbao. Une institution qui n’a rien à

envier aux Blaugranas, selon la Fourmi: “Si le slogan

du Barça est ‘Més que un club’, alors on peut dire

que celui de l’Athletic pourrait être ‘Mucho mas que

un club’.” Malgré ce crime de lèse-majesté, ceux qui

ont porté le maillot blaugrana ne semblent pas tenir

rigueur au successeur de Luis Enrique. Au contraire.

“Ernesto sait parfaitement où il met les pieds, explique

Lobo Carrasco, son ancien coéquipier au Barça. Il est

toujours resté très connecté avec les gens de la maison.

C’est un ami intime de Guardiola, d’Unzué, de Koeman

et d’un paquet d’autres. Et puis surtout, il a toujours été

proche du club dans sa façon de penser le football.”

Didier Domi et la Méditerranée

De Valverde, tous ses anciens joueurs disent la même

chose. Un “excellent manager”, un “homme franc”,

“direct”, “transparent”, “calme”, “équilibré”, “ouvert au

dialogue”. Joseba Etxeberria est sans doute le mieux

placé pour en parler. Il l’a eu comme coéquipier et

entraîneur, avant de devenir l’un de ses assistants à

l’Athletic Bilbao. “Ernesto est quelqu’un de strict, ditil.

Il aime l’ordre, la discipline, le respect des horaires.

Mais c’est aussi quelqu’un de très proche de ceux avec

qui il travaille. Je dirais que sa principale qualité est

celle-là: tout le monde autour de lui sent son soutien

et sa confiance,

mais aussi son

exigence, qui n’est

pas des moindres.”

Cet “homme de

consensus”, qui ne

cède ni à l’euphorie

ni à l’abattement,

capable de redresser

un FC Valence en

piteux état et de

reprendre en main

l’Athletic post-

Bielsa au cours de la

même année (2013),

n’a pas débarqué

à Barcelone dans

l’unique but de jouer

au paratonnerre. S’il

est là, c’est aussi pour

mettre pleinement

à l’œuvre le football

qu’il aime. L’offensif,

évidemment, mis

en pratique avec les

moyens du bord à

Bilbao, mais aussi et

surtout à l’Olympiakos, la seule (double) expérience

hors d’Espagne de cet amoureux de la Méditerranée.

Didier Domi était alors le défenseur central de

Valverde lors de son premier passage en Grèce, en

2008-2009. “C’est un coach qui te regarde droit dans

les yeux. Lors de la présaison en Autriche, il a tout

de suite imposé deux choses. D’abord, l’obligation de

récupérer le ballon en cinq ou six secondes. Aujourd’hui

c’est à la mode, mais à l’époque, c’était la première

fois que j’entendais parler de ça. La deuxième, c’est

d’aller très, très vite vers l’avant. La possession de balle

n’est pas une obsession chez lui. Ce qu’il veut, c’est voir

ses attaquants plonger dans l’espace à la moindre

ouverture.” Une tactique qui porte rapidement ses

fruits. “Lors de la phase de poules d’Europa League, on

met 5-1 à Benfica et 4-0 à l’Hertha Berlin, ce qui n’était

pas rien.” Domi n’a pas non plus oublié le sens du

détail de son ancien coach, spécialiste de la correction

vidéo. “Après un derby où on avait fait beaucoup de

conneries, il nous avait organisé une séance vidéo. Sur

le tableau, il y avait deux colonnes: erreurs évitables et

erreurs non évitables. Il nous a remis tout le match et à

chaque pause, on devait mettre une croix dans une des

colonnes.”

2017, l’odyssée de l’espace

En Grèce, où il est considéré par les fans de

l’Olympiakos comme un dieu supplémentaire,

Valverde était allé chercher deux choses: des titres (il a

remporté les trois championnats qu’il a disputés) et de

la lumière. Au sens propre pour ses photos, mais aussi

pour lui-même. “Le Barça et le Real ont toujours été

des clubs importants, mais aujourd’hui, ce sont Jupiter

et Saturne et le reste des clubs espagnols ne sont que

des astéroïdes, philosophe Atxaga. À Athènes, Ernesto

a découvert Neptune. Depuis, il est prêt pour continuer

son voyage dans l’espace.” Pour ce faire, la Fourmi se

basera sur son triple héritage: celui de Javier Clemente,

qui “a toujours su construire des blocs équipes très

solides et difficiles à battre” . Celui de Johan Cruyff,

bien sûr, qui “a révolutionné la manière d’entraîner en

privilégiant le travail avec le ballon”, mais aussi celui

de Jupp Heynckes, “un fin psychologue, capable de

t’inoculer l’idée que tu es plus fort que l’adversaire”.

Autant de références, différentes les unes des autres,

qui font dire à Etxeberria que Valverde est fin prêt

à piloter un vaisseau comme le Barça. “Avec lui, je

crois que l’équipe sera plus complète tactiquement,

parce qu’il va être capable de développer différentes

formes d’attaque, juge-t-il. En plus, c’est un analyste

méticuleux des coups de pied arrêtés, un des points

faibles du Barça ces dernières années.” Avec le départ

de Neymar, qu’il avait viré d’un entraînement après

que ce dernier se soit écharpé avec le Portugais

Semedo, Valverde a toutefois perdu l’une de ses armes

principales. Mais pas forcément sa préférée. “Pour

moi, le football, c’est atteindre des objectifs, pas faire

des petits ponts. Parfois, j’ai l’impression que la notion

de plaisir est indexée au nombre de passements de

jambe qu’un joueur peut réaliser dans un match. Je ne

suis pas contre la futilité, je suis un ami de l’efficacité.

Le foot, c’est comme la photographie: le but n’est pas

de chercher l’instantané, mais de trouver quelque

chose de durable.” Ne reste plus qu’à appuyer sur le

déclencheur. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR LR ET AF SAUF CEUX

DE VALVERDE, RECUEILLIS PAR JAVIER PRIETO SANTOS


60 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE

Allemagne

La Buli n’est plus le parent pauvre du football européen. Problème: cette excellente

santé financière en fait de plus en plus un championnat à deux vitesses, où le Bayern

écrase ses rivaux –cinq titres de suite depuis 2013– et Dortmund monopolise une

des deux autres marches du podium. Mais Leipzig et son sponsor qui donne des ailes

comptent bien prouver qu’on peut produire le meilleur foot dans des canettes neuves

plutôt que dans de vieux pots. Par Julien Duez, Sophie Serbini et Côme Tessier / Photos: Panoramic,

Imago/Panoramic

Au Stade de la Mousson.


Konrad Laimer, Emil

Forsberg et Naby Keita

du RB Leipzig.

Anciens

et nouveaux

riches

ANALYSE On n’avait pas vu ça depuis bientôt vingt ans en Allemagne.

Pour la première fois depuis la victoire surprise de Kaiserslautern en

1998, un promu s’est installé dans l’élite et, dès sa première saison, s’est

mué en candidat pour le Meisterschale. Certes, le Bayern a sorti ses

gros bras quand il le fallait pour faire plier son adversaire et s’octroyer

confortablement un cinquième titre de suite. Il n’empêche, un nouveau

club ambitieux et culotté a fait son apparition

en Bundesliga. Son nom: le RB Leipzig, pour

RasenBallsport mais aussi et surtout pour Red Bull.

Quand PepsiCo et Heineken se ruinent pour devenir

partenaires officiels de la ligue des champions, le

géant autrichien, lui, va carrément la disputer. Et de

manière plus crédible qu’avec Salzbourg. Un petit club

qui émerge, c’est toujours sympa, mais là, la donne est

différente. Comme la boisson énergisante, l’aventure

du RB Leipzig n’a rien de vraiment rafraîchissante.

Mais elle est au moins un bon indicateur de ce que la

Bundesliga est en train de devenir: une compétition qui

se joue à coups de biffetons. Car si le RB et Hoffenheim,

quatrième et soutenu par le milliardaire Dietmar Hopp,

passent encore pour les vilains canards, ils ne sont

pas si différents des autres. Le Bayern enregistre des

recettes dingues tous les ans et Dortmund devient de

plus en plus gourmand. La Buli est devenue un secteur

à gros rendement financier. Avec ses stades pleins tous

les week-ends, elle bénéficie en outre d’une image de

marque honnête… et rentable. Le mercato a confirmé cette

tendance pour Anthony Alyce, économiste du football: “Le

transfert de James au Bayern est purement économique.

Il vient pour vendre des maillots et assurer la pub du club

à l’étranger.” Cologne, de son côté, a envoyé Anthony

Modeste en Chine, pour capitaliser

“Le transfert de

James au Bayern

est purement

économique. Il

vient pour vendre

des maillots et

assurer la pub du

club à l’étranger”

Anthony Alyce,

économiste du football

sur les 25 buts en championnat d’un

joueur recruté 4,5 millions d’euros il

y a deux ans plutôt que d’essayer de

confirmer une étonnante cinquième

place…

Les faits sont là… En cinq ans, les

revenus télé ont explosé au-delà

de la raison et sont plus proches

que jamais de la Premier League.

À la fin de l’année 2017-2018, les

clubs allemands vont se répartir

un pactole de 1,6 milliard d’euros

–contre 560 millions il y a quatre

ans–, dont 70 % seront redistribués

sur la base des performances des

cinq dernières années. De quoi

renforcer le fossé entre les clubs participant régulièrement

à l’Europe et les clubs plus modestes. Et tant pis si ces

derniers ont une histoire, il vaut mieux avoir un mécène

aujourd’hui. Que peuvent espérer Mayence, Fribourg

et les autres? Au mieux, une place anecdotique pour la

Ligue Europa, pendant que d’autres détournent la règle

du “50+1” –stipulant qu’un club ne peut être détenu à

plus de 50 % par un actionnaire– qui est censée éviter

toute dépendance d’une équipe vis-à-vis d’une seule et

même personne ou entreprise. Pour autant, Anthony

Alyce renvoie d’un revers de main mauvais auspices

et accusations de concurrence déloyale. Selon lui, ce

nouveau modèle allemand peut tenir: “Quand Wolfsburg

a gagné la Bundesliga en 2009, tout le monde s’excitait

sur l’argent de Volkswagen et l’idée d’un VfL qui roule

sur la Buli. On voit où ils en sont aujourd’hui après la

crise subie par la boîte. On ne peut jamais savoir avec les

entreprises. Les clubs qui ne respectent pas la fameuse

règle du 50+1 sont finalement plus fragiles que les autres.

Et puis Hoffenheim n’a pas d’image. Dortmund, oui.” La

leçon allemande est là: il n’y a qu’une seule chose qui ne

s’achète pas, la passion et le public. Le genre de truc à

même de donner des ailes. •


62 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE

Le manuel

du troll

Pour les néo-fans de foot teuton se cherchant

encore une équipe, il y a Leipzig. Pardon,

“Hypezig”, comme l’appellent les startupeurs

et les fans de techno qui voient en la ville d’ex-

Allemagne de l’Est un “nouveau Berlin” et dans

l’Institut für Zukunft le nouveau Berghain. Le

club chaperonné par Red Bull donne à toute

une région sinistrée –la Saxe– l’espoir de revoir

du football de haut niveau. Sauf que pour voir

ce “bol d’air frais” recevoir le Barça ou Arsenal,

il faudra d’abord survivre à la traversée de

l’Eisenbahnstrasse, la rue la plus dangereuse

du pays, où gangs turcs et néonazis s’affrontent

régulièrement. Parce que l’Allemagne de

l’Est, derrière la carte postale romantique des

paysages post-industriels, ça reste toujours une

belle no-go zone, peuplée de chômeurs tellement

déçus du socialisme qu’ils en sont devenus

fascistes. Alors oui, le football authentique

qui fleure bon la RDA existe toujours, au

Lokomotive Leipzig, finaliste de la C2 en 1987 et

au Chemie, deux fois champion de RDA. Mais

tous ces souvenirs, vous pourrez seulement les

entendre de la bouche aigrie de vieux Saxons

alcooliques. Pas de la part de supporters d’un

nouveau club monté par un sponsor qui a mis

vingt ans à se rendre compte que le foot offre

davantage de visibilité que le roller ou les

compétitions de snowboard.

Impressionantes

ces lunettes 3D.

Le joueur à suivre

dès maintenant

pour se la péter

en 2020

Cet été, le Hertha Berlin a fêté ses 125 ans en grande

pompe: match de gala face à Liverpool, expo consacrée

au club dans un musée de la capitale, hommages

rendus par tout le pays… L’autre “Vieille Dame” semble

plus que jamais sur la pente ascendante, sa récente

qualification pour la Ligue Europa (la première en

huit ans) en est la preuve ultime. Un club a besoin de

symboles forts. Or, le chef d’orchestre de cette conquête

du futur n’est autre que l’entraîneur Pal Dardai, aussi

détenteur du plus grand nombre d’apparitions avec

le maillot du club. Et puis, comme chacun le sait, la

réussite sportive passe par la réussite économique.

Alors, pour gagner en visibilité et conquérir les

States, les Berlinois ont engagé cet été un wonderkid

américain: Jonathan Klinsmann, gardien de but et fils

de l’ancien buteur légendaire de la Mannschaft. Né à

Newport Beach d’une mère américaine, il compte déjà

plusieurs capes avec les jeunes de la Team USA. S’il

plonge aussi bien que son père le faisait, il ne devrait

pas avoir de mal à stopper ce penalty de Marco Asensio

en quart de finale de la C1 2020.

Le fils Klinsmann,

en pleine imitation de Mario.


C’est Joshua Kimmich

qui gagne avec la pierre.

Le chiffre

69,95.

Le prix en euros du

maillot le moins cher de la

saison en Bundesliga. En

l’occurrence, celui du SC Fribourg. Cela ne

comprend pas le flocage “Se queda”.

La tendance mercato

Pour le plus grand plaisir d’Arnaud Montebourg, le pays qui a fait

d’Anthony Modeste une légende recrute bleu-blanc-rouge. Mais vu la

balance import-export, on est plus sur de la matière première que sur du

produit fini. Jugez plutôt: Dan-Axel Zagadou, Mickaël Cuisance, Abdou

Diallo, Jean-Kévin Augustin, Amin Harit… Bon, il y a bien Corentin

Tolisso, le Neymar de la Buli. Non pas en termes d’aura, mais de prix, le

plus élevé de l’histoire du championnat. 41,5 millions d’euros. Signe que

malgré l’opulence, les clubs allemands restent prudents.

Le fait divers

de la saison

C’est un secret de Polichinelle: Kevin Grosskreutz essaie coûte que coûte

de revenir à Dortmund, son club, que ni Thomas Tuchel, ni Galatasaray,

ni le VfB Stuttgart ne sont parvenus à chasser de son esprit. Pour ce

faire, le gamin de la Ruhr devra se faire voir depuis la D2, puisqu’il

évolue désormais sous les couleurs de Darmstadt. Après avoir pissé

dans un hôtel, jeté son döner au visage d’un fan de Cologne et entraîné

des jeunes du centre de formation de Stuttgart dans une bagarre après

avoir fait le mur pour sortir en boîte de nuit, Kevin, bientôt trente ans,

s’est fait licencier de Stuttgart et a réussi à convaincre le BvB –bon

prince– de l’autoriser à s’entraîner avec sa réserve pour garder la forme.

Cette année donc, il profite de la publicité de son passage devant le juge

le 26 septembre pour demander devant les caméras du M6 allemand la

mascotte du Borussia, Emma l’abeille, en mariage. Cette dernière accepte,

mais déchante vite lorsqu’une sextape de leur lune de miel fait surface

sur Internet. Le titre: “Très très Grosskreutz!”

Les cotes

pour le titre

by Winamax

Bayern Munich: 1,14

Dortmund: 6,25

Leipzig: 16

Leverkusen: 50

Schalke: 50

Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat


64 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE


Du soccer, on connaissait la crinière rousse d’Alexi Lalas, le syndrome

de la Tourette de Tim Howard ou les clips de rap de Clint Dempsey. Un

peu de swag, beaucoup de bonne volonté, mais un manque cruel de grands talents.

C’était avant Christian Pulisic, 18 ans, milieu offensif du Borussia Dortmund classé

dans la catégorie ados surdoués aux côtés de Kylian Mbappé, Marcus Rashford

ou Ousmane Dembélé. De quoi imposer enfin la classe américaine dans le beautiful

game? Par David Alexander Cassan, à Hershey (États-Unis) / Photos: Picture-Alliance/Dppi, Aubrey Judith et Zuma/Panoramic

Le prix Pulisic

BLe sang-froid devant le but, les changements

de direction et le nom floqué derrière les

omoplates fleurent bon les Balkans, mais

Christian Pulisic est un Américain, un vrai.

Un adolescent américain qui fêtera ses 19 ans

en septembre, et compose depuis quelques années

déjà avec l’exil en Europe. “Il reste parfois debout tard

la nuit pour regarder des matchs de NBA, regrette

Kelley, sa mère. On l’engueule un peu, mais que voulezvous…

Il sait qu’il va passer une journée difficile le

lendemain.” Un adolescent (presque) à l’image de ses

contemporains, qui écoute Rihanna ou Kodak Black,

communique avec ses amis sur Snapchat et ne raterait

le bal de promo de fin d’année pour rien au monde.

Pas même pour une convocation avec les adultes

de la Team USA pour préparer la Copa America

2016, celle du centenaire, à laquelle les Yankees sont

exceptionnellement invités – et qu’ils organisent.

Bienveillant avec l’ado qu’il a lancé en sélection, le

sélectionneur Jürgen Klinsmann lui accorde en mai

de l’année dernière une permission exceptionnelle

de vingt-quatre heures pour fêter la fin de son cursus

scolaire avec des camarades qu’il n’a pas côtoyés

de l’année (il a passé son GED, équivalent du bac,

par correspondance). Sauf qu’il n’existe aucun vol

commercial entre Kansas City, où l’équipe nationale

s’apprête à affronter la Bolivie en amical, et le petit

aéroport de Harrisburg, en Pennsylvanie, tout près de

sa High School de Hershey. “On a dû affréter un jet

privé, on n’avait pas le choix! Mon mari et moi voulions

absolument qu’il profite de l’expérience du bal de fin

d’année”, justifie Kelley Pulisic, prof d’EPS dans une

middle school de Harrisburg, qui reçoit en

maillot de Dortmund floqué au nom de son

fils. L’histoire ne dit pas si “l’expérience” aura

tenu de Carrie ou d’American Pie, mais dès le

lendemain à Kansas City, Christian entre en

jeu et ouvre son compteur en sélection sur son

deuxième ballon, d’un plat du pied imparable.

Lors de sa dernière visite à la High School de

Hershey en juin dernier, le plus jeune buteur de

l’histoire de la sélection US s’est pointé en Porsche

décapotable, pour une séance de dédicaces et

quelques jongles sous les flashs. C’est que le

numéro 10 de l’équipe nationale ne devrait plus

quitter ses épaules, et que son surnom d’American

Messi suscite espoir et sarcasmes des passionnés de

soccer partout dans le pays. Un destin à la mesure

de ce jeune homme (très) pressé?

“On y va doucement sur le sponsoring”

Dernier adolescent prodige (sur)vendu au reste du

monde par les États-Unis, Freddy Adu vient d’être

comparé à un “vieil aspirateur” par l’entraîneur du

club de D2 polonaise où il effectuait un énième

essai infructueux. Mais cette fois, l’histoire semble

différente. Contrairement au Ghanéen d’origine ou

même à Landon Donovan et Clint Dempsey, qui

n’auront jamais vraiment tutoyé le gratin du foot

européen, Pulisic a déjà goûté au parfum de la ligue

des champions une dizaine de fois la saison dernière,

dont une titularisation à Santiago Bernabeu, en poules.

Un rêve devenu réalité pour Christian qui, enfant,

“Mon mari

et moi voulions

absolument

qu’il profite de

l’expérience du bal

de fin d’année, on

a donc affrété un jet

privé pour qu’il

puisse y assister”

Kelley Pulisic, la mère de Christian


66 SO FOOT _ GUIDE ALLEMAGNE

“On a plein de

bons jeunes aux

États-Unis, mais en

général, papa et

maman n’aiment

pas qu’on leur crie

dessus. Il faut leur

répéter combien

ils sont forts.

À l’arrivée, il leur

manque du

caractère. Pour

Christian, c’était

différent”

Steve Klein, directeur sportif

des Pennsylvania Classics, dernier

club de Pulisic aux USA

La fiche

CHRISTIAN PULISIC

Né le 18 septembre 1998

à Hershey, États-Unis

1,72 m, 69 kg

Milieu offensif

Club: Borussia Dortmund (depuis

2015)

Palmarès: Coupe d’Allemagne

(2017)

International américain

16 sélections

punaisait des posters de Luis Figo

dans sa chambre et enregistrait

les matchs du Real Madrid,

club favori de son père, sur le

magnétoscope familial. Profitant

des pépins de Marco Reus et Mario

Götze pour s’imposer dans le

onze de Thomas Tuchel, Christian

facture aussi une quarantaine de

matchs de Bundesliga alors qu’il n’a

pas encore l’âge légal de descendre

une bière dans son pays. Des temps

de passage jamais vus pour un

États-Unien, de quoi le voir bientôt

sur les billboards de Times Square

comme LeBron James, Tom Brady ou

d’autres vedettes du sport US avant

lui? Sa famille temporise. “Bien sûr,

je saute sur mon canapé quand il marque un but ou

fait une passe décisive. Mais l’essentiel est ailleurs: je

veux avant tout que ce soit une bonne personne. Le foot

ne durera pas éternellement”, prévient sa mère. Mark

Pulisic, le paternel, préfère lui aussi calmer le jeu: “On

y va doucement sur le sponsoring, parce que Christian

a encore beaucoup de progrès à faire et qu’il y a déjà

beaucoup de hype dans les médias.” La lucidité du

clan expliquerait pour partie l’éclosion du gamin au

plus haut niveau, si l’on en croit Steve Klein, directeur

sportif des Pennsylvania Classics. Le Borussien y

a parfait sa formation sous l’œil de son père Mark,

entraîneur de profession, avant de franchir l’Atlantique.

“Vous savez, on a autant de bons joueurs de 11-12 ans

aux États-Unis qu’ailleurs. Sauf qu’en général, papa

et maman n’aiment pas qu’on leur crie dessus, et les

entraîneurs ne les corrigent pas de peur qu’ils partent

dans un autre club… Il faut leur répéter combien ils sont

forts. À l’arrivée, il leur manque du caractère. Christian

était très fort, mais il était traité comme les autres: s’il

manquait un gardien, son père le mettait aux cages et il

y allait sans rechigner.”

Christian et la chocolaterie

Pulisic est né à Hershey, au cœur du comté de

Lancaster, en Pennsylvanie rurale. De hauts silos à

grain chromés y font office de buildings, et les SUV

familiaux y doublent les petites calèches noires des

Amish, communauté anabaptiste réfractaire au progrès

–bien connue des amateurs de la série Banshee. Mais

pour l’Américain moyen, Hershey est d’abord un géant

du chocolat et de la confiserie, dont le siège est installé

dans la bourgade éponyme. Une ville dont les deux

avenues principales s’appellent Chocolate et Cocoa,

et dont les lampadaires prennent la forme conique

des Hershey Kisses, petits chocolats ultrapopulaires.

Ex-coéquipière au lycée de Mia Hamm, superstar

mondiale du foot féminin, Kelley Pulisic n’a jamais

abusé des sucreries mais elle a succombé à Mark,

rencontré sur le campus de l’université de George

Mason dont ils défendaient tous deux les couleurs au

soccer. Papa et maman mordus de ballon rond, c’est

sans surprise que le plus jeune de leurs trois enfants

tombe dans la marmite de potion magique. Il boit

même la tasse à huit ans, lorsque les Pulisic quittent

Hershey pour passer un an en Angleterre, dans le

petit village de Hackley. “Il allait jouer au citystade

le soir. C’était le plus jeune mais il savait se défendre:

les Anglais étaient étonnés de voir un Américain

aussi fort”, s’amuse la maman. De retour au pays,

pour ne pas dégoûter ses compatriotes et aiguiser sa

vision du jeu face à des adversaires plus grands, plus

costauds, Christian est surclassé de deux catégories

d’âge. La soccer mom applaudit évidemment depuis la

touche: “On entendait souvent les parents de l’équipe

adverse dire ‘oh, qui est ce petit bout de chou? Il est

trop mignon!’ Je gloussais discrètement, parce que je

savais ce qui allait se passer… Après qu’il a zigzagué

entre ses adversaires et marqué un but, ils hurlaient

‘que quelqu’un le prenne au marquage, bon sang!’”

Mark, à la fois son père et son entraîneur en club, poste

lui-même une vidéo des skills de son fils sur YouTube

dès 2008, alors qu’il n’a même pas dix ans. Un moyen

pour le vidéaste amateur de vivre sa carrière à travers

celle de son rejeton? Pas du tout, jure-t-il: “J’avais déjà

entraîné des jeunes avant que Christian ne soit né, et

je suis un peu devenu son coach à domicile, c’est vrai,

mais une telle détermination ne s’apprend pas: à six ou

sept ans, il ne supportait pas de rater une passe du pied

gauche. Après le dîner, dans le noir, il ressortait faire

des jongles du mauvais pied, et ne rentrait pas avant

d’avoir battu son record. On devait l’obliger à arrêter

pour aller au lit.” Les parents insistent, à l’unisson:

contrairement au père des sœurs Williams ou à tant de

faiseurs de champions, ils n’ont jamais rien imposé à

Christian. “Il a toujours été très perfectionniste, c’est sa

personnalité, assure Kelley. À deux ans, la plupart des

enfants gribouillent. Eh bien lui, il coloriait en suivant

les lignes.”

Le rêve européen existe aussi

Génie précoce du coloriage, Christian est

unanimement apprécié par ses anciens professeurs de

Hershey, qui louent son calme, son sens de l’humour

“de premier de la classe” (selon Darin Hickethier,

prof de maths), ou ses capacités en algèbre. “Il était

agréable et bon élève, alors qu’il ratait beaucoup de

cours à cause du soccer”, remet Melissa Repsch, prof

d’anglais. En effet, Christian n’a que 13 ans lorsqu’il

commence à parcourir le pays avec la sélection…

U15. Et son père fait jouer ses relations pour inscrire

son fils à quelques stages en Europe, à Chelsea ou

au FC Barcelone. Afin de se rapprocher du rêve né

sur VHS et le “sortir de sa zone de confort”, explique

Mark Pulisic, visiblement dans le vrai puisqu’à 15 ans,

son fils part pour un an de “résidence” en Floride,

organisée par la fédé américaine. “C’était dur pour lui

comme pour nous, mais il jouait enfin avec des gamins

de son niveau”, analyse Kelley avec le recul. Après

quelques séances de musculation et les miracles de

la puberté, Christian prend de l’épaisseur et termine

ce premier exil en fanfare: il est désigné MVP du

tournoi amical U17 organisé par Nike en décembre

2013, remporté par les gringos après une victoire

4-1 contre le Brésil en finale. Cette fois-ci, l’Europe

lui tend les bras, plusieurs clubs ayant relevé la

performance. Reste à obtenir un passeport européen

pour échapper au règlement interdisant à tout joueur

extracommunautaire de disputer une compétition

officielle avant ses 18 ans: c’est chose faite grâce à

la nationalité croate de Mate, le grand-père. Trois

possibilités se détachent alors: Arsenal (qui ne fera

pas d’offre ferme), le PSV Eindhoven (plusieurs essais

et une offre “sérieuse”), et Dortmund, donc. “Le plus


Visite du stade en audioguide.

important pour moi, c’était que le club ait bien observé

Christian. Qu’il soit prêt à le faire progresser et lui

faire signer un contrat au bout, éclaire Mark. Il était

hors de question de traverser l’Atlantique pour un

simple rêve.” Le BVB se montre le plus convaincant, en

offrant un poste d’entraîneur des U10 à Pulisic père.

Lequel se souvient encore de l’agenda chargé de son

fils à leur arrivée dans la Ruhr. “Christian avait cours

le matin, allemand l’après-midi, et entraînement en

soirée, de 18 heures à 20 heures. Ces longues journées

lui évitaient de penser à sa mère, à ses amis et à sa

vie d’adolescent normal qui lui manquaient.” Six mois

après son arrivée, Christian remporte le championnat

U17 sous les ordres de Hannes Wolf, l’actuel entraîneur

du VfB Stuttgart. Et un an plus tard, avec les grands, il

est décisif en finale de coupe d’Allemagne, obtenant

un penalty face à Francfort. Charlie Grimes, ami de

la famille ayant succédé à Mark Pulisic comme coach

du Lebanon Valley College, tout près de Hershey,

n’hésite pas à s’enflammer: “J’ai été leur rendre visite

en Europe et avec Mark, on est allés voir la demi-finale

de Champions entre le Barça et le Bayern, celle où

Messi a mis Boateng sur les fesses. Ça va paraître

dingue, mais quand j’ai vu jouer Christian en U17 dans

la foulée, j’ai retrouvé un peu de Messi dans sa façon de

changer de rythme avec le ballon, sans forcer, en voyant

les choses avant les autres… En rentrant aux USA, j’ai

dit à ma femme: ‘Il n’en a plus pour très longtemps.’”

Depuis, Pulisic a brûlé toutes

les étapes et son père est rentré

aux États-Unis début 2017, après

que son fils a signé un contrat

à la hauteur de son talent (et

des convoitises). “On refait ses

matchs au téléphone et on lui

envoie du chocolat Hershey

de temps en temps, mais il

a besoin d’apprendre à être

un adulte sans que papa soit là”, s’absout Mark. Le

prodige peut compter sur la présence en Allemagne

de son cousin Will Pulisic, gardien des U19 du BVB

qui l’avait déjà accompagné en Floride, mais aussi

de Haji Wright et Weston McKennie, qui intègrent

cette année l’équipe première du grand rival, Schalke

04. Une génération prête à enfoncer la porte du

foot européen? Sans doute, mais d’abord une bande

d’adolescents américains comme les autres, partis

loin de chez eux après le bal de fin d’année, des rêves

plein la tête. Enfin, pas tout à fait comme les autres

non plus: en plus d’être polyvalent –il peut évoluer

aux trois postes derrière l’attaquant–, Pulisic est aussi

polyglotte. Il parle déjà allemand et espagnol, en plus

de l’anglais, et serait en train d’apprendre le français,

pour son pote Aubameyang. Toujours pratique d’être

fluent en plusieurs langues si l’on veut commander un

jet privé. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR DAC

“Christian a

toujours été très

perfectionniste,

c’est sa

personnalité.

À deux ans, la

plupart des enfants

gribouillent. Et bien

lui, il coloriait, en

suivant les lignes”

Kelley Pulisic, la mère de Picasso


68 SO FOOT _ GUIDE ITALIE

Italie

Après six ans de règne sans partage, la Juventus a enfin vu débarquer autour d’elle

une flopée de nouveaux ambitieux et quelques vieux retapés à coups de chinoiseries

qui rêvent de la faire gicler du trône. Et si c’était pour cette année? Par Maxime Brigand

et Simon Capelli-Welter / Photos: Panoramic, Imago/Panoramic et Iconsport


Bonucci, nouveau chef

d’orchestre du Milan AC.

La Vieille Dame

et ses élèves

ANALYSE Parce qu’il avait l’étiquette de cerveau,

Bruce Reynolds était sûr de lui: “C’est l’Eldorado,

le coup de notre vie, celui qui va nous assurer un

bel avenir.” Personne ne sait vraiment si le chef de

l’Entreprise –cette bande de pères de famille célèbres

pour le casse du train postal entre Glasgow et Londres

en août 1963– est mort heureux ou non, mais peu

importe, le bonhomme a touché ses rêves. Plus de

cinquante ans plus tard, voilà un autre plan, un autre

rêve. Cette fois, deux cerveaux: Massimiliano Mirabelli

et Marco Fassone. “Nous avions en tête ce que nous

devions faire, sans annonce. Dans l’ombre, nous avons

réfléchi et programmé, avant de passer à l’action.” La

révolution du Milan AC a commencé avec un nom

d’opération assez simple: Rossoneri Sport Investment

Lux. Elle marque la fin d’une époque débutée le

20 février 1986, symbolisée par Berlusconi, et le début

d’une autre, qui a pour simple objectif de “permettre au

Milan de revenir sur le devant de la scène”. “Revenir”,

que l’on pourrait traduire par “tout reconstruire”. En

bons chefs d’un “chantier ouvert”, Mirabelli, nommé

directeur sportif, et Fassone, administrateur délégué,

auront donc passé l’été à constituer une équipe pour

monter leur casse, à grands coups de millions: Kessié,

Musacchio, Rodriguez, Borini, André Silva, Calhanoglu,

Conti, Biglia… Mais le vrai braquage, lui, s’est déroulé

sans arme ni violence. En deux jours à peine, le club

lombard faisait main basse sur le meilleur défenseur

d’Italie. Un monument que tout le monde voyait finir à

la Juve… Leonardo Bonucci est la preuve que, même en

Serie A, on peut se faire plaquer. Comme s’il n’y avait

pas assez de bordel, l’ancien défenseur bianconero a

même lâché une dernière claque à son ex avant de se

barrer: “Je viens ici pour renverser l’équilibre.”

Alors quoi, maintenant? La Serie A aurait repris de

l’intérêt? La Juve et son cul posé sur ses six couronnes

consécutives seraient vraiment en danger, tout de

suite? Soyons sérieux… “Notre chemin est long, nous

voulons ouvrir un cycle. On se laisse deux-trois ans

pour devenir une équipe importante”, répond Mirabelli.

De son côté, Massimiliano Allegri, resté dans les bras

de la Vieille Dame malgré la défaite en finale de C1

contre le Real, ne doute pas non plus et affirme que “le

futur s’annonce bien”. Peu de suspense, donc. Peut-être

parce que, dans son histoire récente, la Juve a vu filer

des cadres chaque été (Pogba, Pirlo, Vidal, Tévez) et

que ça ne l’a pas empêchée de gagner. Sûrement parce

qu’elle a toujours su avoir un temps d’avance. Cette

fois, elle a gratté Mattia Caldara à l’Atalanta, peut-être

le futur grand central transalpin –même s’il faudra

certainement un peu de temps pour voir Chiellini

trouver de nouveaux automatismes. Turin a également

renforcé sa fanfare avec les jongleurs Douglas Costa

et Bernardeschi et le funambule Matuidi. De quoi


70 SO FOOT _ GUIDE ITALIE

regarder en haut, vers l’Europe, plutôt que de paniquer

pour une vulgaire baston de rue.

Parmi les turbulents qui vont tout de même chercher

des noises, Naples, troisième la saison dernière mais

surtout meilleure attaque avec 94 buts, n’a pas dit son

dernier mot. Cet été, le DJ clopeur Maurizio Sarri a

réussi à garder l’ensemble de son escouade, tout en

y ajoutant le chewing-gum de Chambray-lès-Tours,

Adam Ounas. Assez solide pour croire à un premier

titre depuis 1990?

Dernier prétendant pour troubler la quiétude de la

Vieille Dame, la Roma y aura encore cru toute la

saison dernière, mais elle connaît son destin: perdre.

Comment être cette fois optimiste? Totti parti, la

Louve a vu Spalletti, Sabatini, Salah, Rüdiger faire

leurs bagages à leur tour. Dur à encaisser, malgré

les réponses apportées (Gonalons, Defrel, Kolarov,

Ünder, Pellegrini, Karsdorp) et le retour d’Eusebio

Di Francesco, disciple de Zeman et plus beau blase

du championnat, sur le banc maison. Si trouver une

alternative immédiate à la Juventus semble donc être

aussi laborieux que de résoudre un Rubik’s Cube à

une main, il vaut mieux, cette fois encore, chercher des

pistes à étudier pour demain. Comme celle menant à

l’Inter, qui a récupéré Luciano Spalletti pour entamer,

elle aussi, une nouvelle ère à l’accent chinois. L’été aura

au moins permis de déblayer le sol des poubelles qui

traînaient là: le licenciement complexe de Mancini

et l’affaire De Boer. Désencombrer, cela n’aura

malheureusement pas été le cas d’un club comme la

“Je viens ici

Fiorentina, qui a rempli ses caisses cet été en laissant pour renverser

partir Borja à l’Inter et Bernardeschi à la Juve –où il a

pris le numéro 33, en hommage à Jésus-Christ, le signe l’équilibre”

d’un futur fuoriclasse s’il en est. Pire, Andrea Della Leonardo Bonucci

Valle, le proprio de la Violette a décidé de remettre la

belle sur le marché. La doublette Veretout-Eysseric n’y

changera pas grand-chose.

Il faudrait donc fouiller dans les vieilles recettes

pour trouver de solides arguments chargés de

nous convaincre de tuer nos week-ends devant un

championnat qui menaçait il y a quelques années

encore de disparaître de nos esprits. Pourquoi ne pas

croire en la Lazio de Simone Inzaghi, qui n’aura perdu

que Biglia durant l’intersaison? Un rapide coup d’œil

lâché sur la Supercoupe d’Italie début août –la Lazio a

battu la Juve (3-2) au terme d’un match dingue– aura

permis de se rendre compte que cette équipe a un

cœur énorme avec Lucas Leiva, et un buteur excité en

la personne de Ciro Immobile. Elle pourra donc faire

sauter n’importe quel gros costaud sur une soirée de

grâce. Assez pour prendre le fauteuil d’équipe bonbon

de l’Atalanta, quatrième l’an dernier? Pas impossible du

tout. Mais pour le renversement de l’équilibre promis

par Leonardo Bonucci, il faudra a priori repasser.

Sauf si… •

Bien vu la police

Comic Sans MS.

Le fait divers

de la saison

Déprimé par la retraite, Antonio Cassano

couine pour trouver de l’occupation.

Avec son cœur en mousse, Tiziano

Crudeli accepte de lui céder sa place de

commentateur des matchs du Milan AC

sur Diretta Stadio. Problème, dès sa

première représentation, “Fantantonio”

invite quelques amis pour le soutenir. Ces

derniers démantèlent le plateau en fêtant

un but de la Sampdoria et provoquent la

détresse du patron de la chaîne. Là aussi,

Cassano est obligé de soigner sa sortie:

une claque dans la gueule du boss de

7 Gold. De rage, il plaque tout et se lance

dans la poésie.


Ciro Immobile et Edin Dzeko,

derby de Rome.

La tendance mercato

Malgré la flambée des prix, dont même l’Italie ne saurait éviter certaines

conséquences, la tendance reste la chasse aux bons coups et aux affaires.

Bonucci au Milan contre 40 millions d’euros quand Chelsea ou ManCity en

auraient lâché 80 sans sourciller, Douglas Costa en prêt payant à la Juve, et

avec une option d’achat de “seulement” 40 millions, Matuidi pour moins de

20 millions quand le Barça crache le double pour Paulinho… En vérité, si les

clubs italiens ne réalisent pas des transferts mirobolants, ce n’est pas seulement

parce qu’ils ont le sens de la mesure, c’est aussi parce qu’aucun d’entre eux n’a

les moyens du PSG ou de City.

Le manuel

du troll

Qui dit Serie A dit tableau noir,

coachs au top et catenaccio. Cliché,

cliché, cliché. Si la Serie A est

tactique, mentale et verrouillée,

c’est uniquement parce qu’elle est

pauvre en talents offensifs à même

de déstabiliser le moindre semblant

d’organisation défensive. En fait, ce ne

sont pas les défenses qui sont à louer

en Italie, mais la qualité des attaques

qui est à relativiser. Et pas qu’un peu.

S’il le faut, remonter à la finale de C1,

où la Juve n’a absolument rien montré

face au Real. Et puis, Mandzukic

serait-il titulaire chez un candidat

au titre européen? Un championnat

où Dzeko finit meilleur buteur estil

à prendre au sérieux? Un alliage

Hamsik, Mertens, Insigne, Callejon

ferait-il trembler Angers? La Roma?

Sa priorité offensive est Lucas du

PSG, please… La prochaine fois qu’on

vous parlera de maîtrise tactique,

répondez pauvreté offensive, et le tour

est joué. Ou zappez sur la ligue 1.

Un congrès de vegans.

Les cotes

pour le titre

by Winamax

Juventus: 1,62

Naples: 5,50

Milan: 6,75

AS Rome: 9

Inter Milan: 11

Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat


72 SO FOOT _ GUIDE ITALIE

Ce moment inoubliable

où la météorite a percuté la tribune.

Le chiffre

3.

Comme le nombre de

“fils de” dans l’effectif

de la Fiorentina cette

saison: Ianis Hagi, Giovanni

Simeone et Federico Chiesa.

Dommage que la cellule de

recrutement de la Viola soit

passée à côté de Thibault

Giresse.

L’équipe à suivre

avant qu’elle ne

devienne hype en

2020

Benevento Calcio 1929

Les puristes diront Talleyrand ou Grégoire VIII, mais le

vrai héros de Bénévent s’appelle George. George Puscas,

soit un mec né avec un nom pour briller, forcément. Seule

différence: le bonhomme n’a pas eu besoin de prendre le

micro pour asseoir sa légende et faire sauter le Stadio Ciro

Vigorito (13 000 places seulement) du nouveau promu le

8 juin dernier en finale d’accession face à Carpi. L’attaquant

des Stregoni s’est contenté de couper un centre puissant

du dernier homme à collier de Campanie, Lorenzo Venuti.

Résultat, au bout de la première saison en Serie B de

l’histoire du Benevento Calcio, le bonbon du président

Oreste Vigorito va désormais pétiller dans la bouche des

grands. Bénévent en Serie A, c’est chouette, mais c’est

surtout l’occasion d’assister à une belle baston avec le

voisin du Napoli et de voir ce que le Guadeloupéen Andrew

Gravillon a dans le bide. Sinon, Bénévent a une sorcière sur

son écusson. Mais ne pas se fier à la mention “1929”, c’est

une contrefaçon: le club a déjà été dissout puis refondé trois

fois. La dernière en 2005.

Blaise à l’italienne.


74 _ GUIDE ANGLETERRE

Angleterre

Big Two, Big Four, Big Five, Big Six… Et peut-être bientôt un Big Seven avec

l’émergence d’Everton. Bref, encore plus de chocs pour le championnat le plus riche

et médiatisé de la planète. Pour encore plus de buts? Rien n’est moins sûr au regard

du dernier mercato très orienté vers l’arrière. Bientôt la fin des portes ouvertes

dans le plus grand parc d’attractions du monde? Par Kevin Charnay et Mathias Edwards /

Photos: Panoramic et Iconsport

Dele Alli et

Christian Eriksen.

Benjamin Mendy incognito.


Le nouveau logo Manpower.

Ménage à trois

ANALYSE Stades pleins, temps morts inexistants, stars en pagaille,

matchs à midi pour que le public asiatique puisse aussi croquer: cette

année encore, le feuilleton de la Premier League proposera un spectacle

fait de tous les clichés que le genre impose, à la plus grande joie de son

audience –la plus large au monde. Mais il y a un particularisme que le

blockbuster le plus cher du football tente peu à peu d’éradiquer: ses

bourdes défensives, qui ont longtemps fait le bonheur des bêtisiers

(voire la tendance mercato). Outre l’importation de gardiens de but et

d’entraîneurs étrangers, gages de rigueur, c’est aujourd’hui sur le plan

tactique que la Premier League fait sa révolution. Et c’est évidemment un

technicien italien qui a initié le mouvement.

Ce sont en effet des valises bien pleines qu’Antonio Conte a posées à

Londres l’été dernier, en prenant en main la destinée de Chelsea. Conte, ce

sont des costards Dolce & Gabbana, des Berluti, des implants capillaires et

un autobronzant, mais pas que. L’excédent de bagages de l’ancien Mister

de la Juve contenait un 3-4-3 aussi commun en Serie A qu’inhabituel

en Premier League. Dans un championnat où la routine de toutes les

grosses écuries était rythmée par le 4-2-3-1, le concept a intrigué, avant

de semer la terreur chez les adversaires des Blues et de permettre à son

dépositaire transalpin d’être élu manager de l’année par ses pairs. Un

an plus tard, la formule a fait école et s’est répandue comme une traînée

de poudre. D’Arsenal à Crystal Palace, en passant par Everton ou encore

l’archaïque Stoke City (pourtant pas le club le plus progressiste en matière

de jeu), ce sont pas moins de sept équipes qui se sont présentées avec

trois défenseurs centraux sur les deux premières journées de la saison qui

vient de débuter. Des formations essentiellement

managées par des entraîneurs non-britanniques,

ceci expliquant peut-être cela. Si bon nombre

d’équipes ont revu leur plan de jeu, c’est également

pour cesser d’être ridicules when wednesday comes.

Depuis le sacre du Chelsea de Di Matteo en 2012,

aucun club anglais n’est parvenu à se hisser en

finale de la ligue des champions. Pire, ils ne sont que

deux –à nouveau Chelsea en 2014, et Manchester

City en 2016– à avoir atteint le stade des demi-finales. Un ratio risible

au regard des sommes investies, qui pousse à plus de sérieux dans la

construction d’effectifs en mal d’équilibre, les joutes européennes n’étant

malheureusement pas compatibles avec l’insouciance offensive dont se

délectent chaque week-end les fans du championnat anglais.

À ce jour, Chelsea mis à part, l’équipe qui semble le mieux maîtriser ce

nouveau système se nomme Tottenham. Ça tombe bien, c’est un vrai

prétendant au titre. Cinquièmes en 2014-2015, troisièmes en 2015-2016,

dauphins des Blues la saison passée: la logique voudrait que la courbe

ascendante des Spurs mène les coéquipiers d’Hugo Lloris sur la plus

haute marche du podium en fin de saison. Avouons-le, un triomphe des

Spurs serait jouissif. Et pas seulement parce que Tottenham n’a plus

été sacré depuis 1961. Pour son coach, d’abord. Disciple revendiqué de

Marcelo Bielsa, Mauricio Pochettino n’a cessé de faire progresser l’équipe

depuis son arrivée en 2014. Adepte d’un pressing haut, l’homme n’est

prisonnier d’aucun schéma, seul compte l’épanouissement de ses trois

pépites (Eriksen, Alli, Kane). Et puis, Tottenham, c’est également une

direction sportive cohérente, plus intelligente que clinquante. Quand il

s’agit d’acheter, tout du moins. Car pour ce qui est de vendre, le club sait

faire, on l’a encore vu cet été. Malgré tout, les bookmakers placent le club

du nord de Londres derrière les deux Manchester et Chelsea. Car il y a un

paramètre que les vice-champions en titre vont devoir gérer: jouer toute

leur saison à domicile à Wembley, le temps que leur nouvelle enceinte

sorte de terre. C’est loin d’être gagné: l’an passé, c’est ce qui a saccagé leur

campagne en C1. •


76 _ GUIDE ANGLETERRE

Marcus Rashford, focus.

Le manuel du troll

La Premier League est une cible facile. Comme tout ce qui

attire le regard, elle provoque des jalousies et ses défauts

sont très vite pointés du doigt. Pour être sûr de s’attirer fav

et RT, il faut s’en prendre à l’argent. Ce sale pognon qui fait

l’essence de la Premier League et qui permet à ses clubs

d’acheter à prix d’or le moindre type qui score plus de huit

buts en ligue 1 ou des milieux défensifs sénégalais. Mais ce

ne sont pas les droits télés exorbitants qui leur font passer

des tours en ligue des champions, où ils se font ridiculiser

par des Espagnols d’un mètre soixante. Pour se payer ce

championnat certes bien filmé mais survendu, une blague

comparant les clubs d’outre-Manche à des oiseaux de

ville reconnaissables à leur roucoulement fera forcément

mouche. Exemple: “Ce n’est pas grave, on arrivera bien à

vendre Bouna Sarr 25 millions à un de ces pigeons d’Anglais,

lol.” Succès populaire garanti.

Sadio Mané aux platines.


La tendance

mercato

Le pauvre Rio Ferdinand, dont le statut

de défenseur le plus cher de l’histoire

a tenu douze ans, risque de prendre un

coup de vieux si la tendance se confirme:

Victor Lindelöf à Manchester United

pour 35 millions d’euros, Kyle Walker et

Benjamin Mendy à Manchester City pour

respectivement 57 et 57,5 millions, Michael

Keane à Everton pour 34, et Antonio

Rüdiger à Chelsea pour 38 millions… Cet été,

la parole fut à la défense de l’autre côté de

la Manche. Même les Spurs, extrêmement

hermétiques l’an passé (26 buts encaissés

seulement, meilleur total du championnat)

et surtout d’ordinaire assez sages en matière

de mercato, ont succombé à la tentation:

les Londoniens ont déboursé 42 millions

d’euros pour s’offrir les services du

prometteur Davinson Sanchez, le défenseur

colombien de l’Ajax. Preuve que les Anglais

ont enfin compris que le football se gagnait

aussi derrière? Ou simple envie de claquer

un pognon dont ils ne savent plus quoi

faire? Probablement un peu des deux.

L’équipe à suivre

pour se la péter

en 2020

Ronald Koeman n’est pas homme à perdre son temps. Au

terme de sa première saison à la tête d’Everton, revoilà les

Toffees sur la scène européenne, avec un tour préliminaire

d’Europa League en guise de galop d’essai. Et avec le butin

récolté lors de la vente de Romelu Lukaku à Manchester

United pour 85 millions, la team de Morgan Schneiderlin

a refait toute sa garde-robe en prévision de l’objectif top 4:

34 millions pour Michael Keane, 27 pour Davy Klaassen,

28,5 pour Jordan Pickford, 49,4 pour Gylfi Thor Sigurdsson.

En plus du retour de l’icône Wayne Rooney, treize ans après

son départ. Un recrutement qui permettra à Everton de

transformer le Big Six en Big Seven. D’ici quelques années,

une qualification pour la ligue Europa sera considérée

comme un échec, à Goodison Park.

Le fait divers

de la saison

7 avril 2018, 33 e journée, sprint final

dans la course au titre. Manchester City

reçoit le rival Manchester United. Après

des semaines d’absence sur blessure à

cause d’une hygiène de vie douteuse,

Benjamin Mendy est bel et bien présent

pour inscrire le but de la victoire. Un gros

déboulé côté gauche, une frappe croisée

toute écrasée, des filets qui tremblent,

un stade en ébullition et le signe JuL en

gage de célébration. Toute l’Angleterre se

questionne sur la signification de ce geste.

La réponse deux semaines plus tard avec

la sortie de What’s happening?, la suite de

Qu’est-ce qui se passe?, featuring entre le

rappeur marseillais et Skepta, qui a décidé

de prendre un tournant pour relancer sa

carrière. Le single est un tube, devient viral

sur les réseaux sociaux, et le buzz atteint son

sommet quand Kate Middleton claque un

signe JuL en direct à la télévision. Mercé.

Le chiffre

0.

Depuis l’instauration de la

Premier League en 1992,

les Écossais Ferguson

et Dalglish, les Italiens

Conte, Ranieri, Mancini et Ancelotti, le

Chilien Pellegrini, le Portugais Mourinho

et le Français Wenger ont remporté le

championnat, mais aucun coach anglais. Et

ça ne devrait pas être pour cette année, car

aucun gros club ne semble décidé à donner

les clés à Big Sam Allardyce.

Les cotes

pour le titre

by Winamax

Manchester City: 2,75

Manchester United: 4

Chelsea: 4

Tottenham: 9

Arsenal: 11,5

Liverpool: 11,5

Il s’agit des cotes avant la reprise du championnat


78 SO FOOT _ LÉGENDE


80 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE

On l’a dit sur le déclin lorsque Thibaut Courtois lui est passé devant à

Chelsea et qu’il a dû trouver Arsenal comme porte de sortie. Pourtant,

à 35 ans, Petr Cech vient de battre le record de clean sheets en Premier League.

Il est aussi le seul gardien à avoir remporté deux Golden Glove avec deux clubs

différents. Pas mal pour quelqu’un de discret qui a passé l’essentiel de sa carrière

dans l’ombre des Buffon, Casillas ou Neuer. Pas grave, pour la lumière, Petr Cech

a toujours la scène. Par Ronan Boscher et Maxime Brigand, à Pilsen (République tchèque) /

Photos: Martin Ilgner pour So Foot, Picture-Alliance/Dppi et Iconsport

Il en est à son troisième rencard mais

Petr Cech ne montre aucun signe

de lassitude. Face à lui, des caméras

tournent un documentaire pour la

télévision tchèque et lui font enchaîner

les plans de coupe, après l’avoir accompagné

deux jours à Londres, chez lui. Le gardien

s’exécute, multiplie les dégagements dans

les travées de la Doosan Arena de Pilsen, ou

les marches face caméra à la Bernard de la

Villardière. “Trois jours de tournage pour n’en

garder que dix-huit minutes… c’est étrange la

télé quand même”, s’agacerait presque son agent

en communication. Le lendemain, le portier

d’Arsenal retournera dans son ancienne école,

puis filera à Prague, avant la reprise avec les

Gunners. Derrière la Doosan Arena, délestée

de sa tribune en bois et de sa piste d’athlétisme,

Petr se dirige vers une table de pique-nique en

bois, les mêmes que sur les aires d’autoroute. Il

regarde les terrains du centre d’entraînement du

Viktoria Pilsen, où il a débarqué en 1989 avec la

ferme intention de devenir le Cech fort.

Tu te souviens de ton premier match ici? J’avais

huit ans. On jouait sur une moitié de terrain, avec

des petits buts. Je n’étais pas gardien à l’époque,

plutôt ailier gauche. J’avais une bonne vision du

jeu donc la majorité des ballons passaient par

moi. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais cette

capacité naturelle à organiser les mouvements.

Mais je n’étais pas très rapide. Puis, un jour, j’ai

joué mon premier match en tant que gardien, là,

juste derrière.

Alors? Moi, je jouais gardien au hockey sur glace

depuis quelques années. Je voulais ressembler

à mon idole d’enfance, Dominik Hasek. Au

hockey, ce poste m’a toujours attiré. Et puis les

équipements sont devenus trop chers pour ma

famille. Quand tu es gardien au hockey, tu dois

acheter tellement de choses… Et comme à cet

âge-là tu grandis chaque année, ça devenait

impossible à gérer. Finalement, mon père a vu

le problème arriver et m’a vraiment emmené au

foot. J’y ai tout de suite retrouvé une forme de

plaisir. Mais je me suis fixé au poste de gardien

un peu par hasard en fait. Un gardien m’a cassé

la jambe pendant un duel: fracture tibia-péroné.

Je suis resté blessé pendant presque un an.

J’ai peiné à revenir. Je n’arrivais qu’à capter les

ballons, à être au sol, mais courir me faisait mal,

et je peinais à faire soixante minutes dans un

match. Je ne tenais qu’une demi-heure max. Un

jour de match, les gardiens ne sont pas venus au

rendez-vous. Et ce jour-là, j’ai fait un bon match.

Le lendemain, l’entraîneur des gardiens est venu

me voir pour me dire qu’il voulait que je reste à

ce poste. Mon coach n’était pas trop d’accord, vu

que j’étais l’un des seuls gauchers de l’équipe. J’ai

alterné entre le but et le terrain entre mes huit et

dix ans.

Comment ça se passe, une enfance à Pilsen?

On était très heureux, même si on n’avait rien,

en fait. Pas de PlayStation, pas d’ordinateur,

rien à la télé. On vivait encore dans un pays

communiste... Les seules choses qu’on avait,

c’était le sport et les copains. Je jouais au basket,

au hockey, je faisais de l’athlé… La préparation

physique, la coordination, tout ça, c’était naturel

pour moi, pour nous. On ne se contentait pas

d’une seule activité sportive. C’était la base

des réussites sportives du pays à l’époque. On

faisait du sport parce qu’on n’avait rien d’autre

à faire. Aujourd’hui, il y a trop de distractions,

donc c’est plus compliqué. Il faudrait retrouver

ce travail avec les gamins, dès le plus jeune âge,

parce qu’ils n’ont plus cette capacité naturelle

d’adaptation, je trouve.

Tu expliques souvent que le système communiste

était parfait pour les enfants. Comment tes parents

l’ont vécu, eux? Quand tu es un gamin de six ans,

tu ne comprends pas encore trop ce que veut dire

vivre dans un pays comme la Tchécoslovaquie.

On n’avait pas de moyen de comparaison, on


“Éric Durand me parlait

souvent de Christophe

Lollichon mais on ne s’était

jamais rencontrés avant le

printemps. Et puis un jour,

je vais chercher ma voiture

sur le parking. On discute

et il me dit: ‘Pourquoi

tu joues aussi bas?’”

Cech cheveux.


82 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE

avait simplement notre liberté et le rythme

était simple: on allait à l’école, on posait nos

affaires chez nous et on allait dehors avec les

copains devant le bloc d’appartements. C’était

exceptionnel, je n’avais qu’à regarder par la

fenêtre s’il y avait du monde. Je me suis régalé.

Pour les parents, c’était complètement différent

et ça, on ne l’a compris que plus tard. On reparle

de cette époque avec les parents, les grandsparents,

les copains. Chacun a son expérience,

son histoire. Aujourd’hui, tout est différent. Si

l’on regarde bien, il y a moins d’espaces de jeu

pour les enfants, plus de circulation dans les

rues, les familles n’habitent plus vraiment dans

les appartements… Mais les possibilités d’achat

d’une maison sont beaucoup plus simples qu’à

l’époque.

Tu étais réputé pour être un très bon élève. Ma

mère me disait dernièrement qu’en fait, je n’étais

jamais content. En République tchèque, tu es

noté de 1 à 5. 1, c’est la meilleure note. Eh bien

quand je rentrais chez moi avec un 2, j’étais

énervé parce que j’ai toujours voulu atteindre la

perfection. Je disais souvent à ma mère: “Si je

peux faire 100 %, pourquoi je vais me contenter

de 99 %?” Dans ma vie, encore aujourd’hui,

je suis comme ça. J’ai toujours été l’un des

meilleurs de ma classe mais parce que c’est ce

que je recherchais. J’accepte que quelqu’un soit

meilleur que moi, c’est aussi ce qui me motive car

je me dis: “S’il arrive à faire aussi bien telle chose,

pourquoi pas moi?” Après, l’école, c’était aussi

une stratégie: je faisais tous mes devoirs pendant

les pauses et ça me permettait d’être tranquille

ensuite chez moi, de gagner dix-quinze minutes

de liberté supplémentaire.

Tu abordes le foot de la même manière? On va

dire que quand je commence quelque chose,

c’est pour le faire du mieux possible. Alors,

si un exercice peut me permettre de gagner

0,5 % de performance, je le prends. Je sais que

le corps humain a des limites mais personne

ne les connaît. Le sport, c’est pareil: quand tu

atteins un certain niveau, certaines personnes

disent que tu ne peux plus t’améliorer. Mais c’est

toujours possible. Aujourd’hui, l’évolution du

foot te permet de travailler avec de nouvelles

techniques, de découvrir de nouvelles

inspirations… La performance, c’est une

recherche constante. Si tu vas à l’entraînement

sans challenge, tu acceptes de t’enfermer dans

une routine et tu ne progresses plus. Par exemple,

je capte des ballons depuis trente ans donc je ne

peux plus m’améliorer là-dessus. La répétition est

trop simple donc j’essaye surtout de travailler la

phase de préparation, l’approche, de me mettre

en danger. Je veux maîtriser les événements.

Il y a des choses qu’on ne peut pas anticiper. En

octobre 2006, quand Stephen Hunt t’a fracassé le

crâne, as-tu craint de perdre tout ce que tu avais

appris jusque-là? Déjà, première chose, j’étais

content d’avoir survécu. Deuxième chose, j’étais

préparé à tous les scénarios, puisqu’on m’avait

dit, en gros, que ma carrière était finie. Mais j’ai

“Pour certains mots

français, le masculin et le

féminin changeaient du

tchèque. En cours de

français, ça générait des

situations marrantes,

comme quand, ma femme

et moi, on confondait le

chat et la chatte, par

exemple… Tu vois le truc…”

tout fait pour me donner la chance de revenir.

Chaque minute était consacrée à mon retour.

Je ne voulais pas avoir de regrets. Heureusement,

mon corps a bien réagi aux traitements. Tout est

réparé à 100 %, mon cerveau n’a aucun problème

de coordination. Je suis chanceux.

Ça t’agace de porter ce casque? J’aimerais jouer

sans, hein… Mais, déjà, ça pourrait créer des

problèmes avec les assurances. Ensuite, je n’ai

aucune certitude sur mon état de santé si je

reprends un choc à la tête. Je préfère avoir le

casque et vivre avec que prendre un risque qui

pourrait m’être fatal.

Il y avait un bel imbroglio autour de son

homologation, pour une question de sponsoring

notamment… Le médecin m’a conseillé

Canterbury, qui était le seul équipementier

capable de faire ce genre de casques à l’époque.

Mais en Champions League, je n’avais pas le

droit d’arborer le logo. Ensuite, le casque n’est

pas reconnu comme un équipement officiel sur

un terrain de foot, donc il a fallu parler avec la

FA, avec l’UEFA, avec toutes les associations

pour bénéficier d’une exception… Les premières

années, avant chaque match, l’arbitre devait

vérifier le casque, on devait signer des papiers…

C’était vraiment la galère (rires).

Tu as toujours des plaques dans la tête? Oui, à

vie… Au début, ça sonnait toujours à l’aéroport.

Les portiques devaient sans doute être moins

précis qu’aujourd’hui. Ça sonne plus rarement

désormais.

Quand tu pars du Sparta Prague en 2002, tu choisis

Rennes. Pourquoi? Quitter le Sparta Prague

pour venir en France, c’était une façon de me

rapprocher de mon rêve: la Premier League. Pour

progresser, franchir un cap, je devais rejoindre

un championnat plus compétitif et comme

je n’avais que 19 ans à l’époque, je ne pouvais

pas obtenir de permis de travail pour jouer en

Angleterre. Arsenal s’était renseigné… J’ai eu

deux choix: l’Allemagne et la France. Je parlais

déjà allemand, donc la Bundesliga, c’était plus

simple. Mais comme Rennes a présenté la plus

grosse offre pour le Sparta, je suis reparti de zéro,

dans un pays où je ne connaissais personne et

dont je ne comprenais pas un mot de la langue.

J’ai adoré la Bretagne, sincèrement. J’étais avec

ma femme, on avait vingt ans, je jouais pour

un bon club, avec des personnes sympas et des

infrastructures exceptionnelles. Il n’y avait qu’un

match par semaine sauf quand il y avait la coupe

de la ligue ou la coupe de France donc ça nous

laissait un peu de temps pour découvrir la région.

On a quasiment tout fait: Carnac, Brest, le Mont-

Saint-Michel, Dinan, Dinard… Maintenant que je

joue 50 matchs par saison, c’est plus dur.

Découvrir une nouvelle culture, ça te plaît? C’est

quelque chose que les gens sous-estiment

souvent. La carrière de certains joueurs s’est

arrêtée car ils ne voulaient pas apprendre une

nouvelle langue ou ne voulaient pas s’intégrer.

Il y a quelque chose qu’il ne faut pas oublier:

quand tu arrives dans un nouveau club, que tu es

étranger, tu dois être meilleur que le joueur local,

sinon, c’est fini. Et quand tu ne comprends pas

ce que l’on te dit, ça impacte tes performances.

Forcément, au départ, ça fait pas mal de travail,

ce n’est pas simple, mais c’est le seul moyen de

réussir. Quand je suis arrivé à Rennes, la ligue 1

reprenait à peine une semaine plus tard, je n’avais

pas le droit de prendre du retard si je voulais

pouvoir communiquer avec mes coéquipiers.

Je suis un gardien qui parle beaucoup. Pour moi,

c’est essentiel de donner des informations hyper

précises aux défenseurs. Au bout d’un mois, je

connaissais tout du fonctionnement du club et je

comprenais le français, tout était donc lancé.

Comment as-tu appris le français? Avec ma

femme, je passais entre une et deux heures

chaque jour, pendant trois mois, avec la

professeure engagée par le club, une prof

exceptionnelle. Elle nous faisait faire des jeux

de rôle. Elle découpait des photos dans les

magazines, des saucissons, des légumes. Je

faisais le vendeur et ma femme jouait la cliente.

C’était plus simple et rapide, super drôle à faire

aussi. Pour certains mots, le masculin et le

féminin changeaient du tchèque. Ça générait

des situations marrantes, comme quand on

confondait le chat et la chatte, par exemple… Tu

vois le truc… Et puis il y a eu la télé. Je regardais

tous les films avec les sous-titres en français.

Friends, aussi. Je me suis intéressé au rugby, je

regardais le Top 16 le samedi avant les matchs.

Je m’amusais à comprendre les stratégies. Ma

femme, elle, c’était souvent Les colocataires,

“En match, il pourrait

y avoir dix types à poil

en tribunes que je ne les

verrais même pas”


Jamais sans son casque.

Plein de chocolat.


84 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE

La fiche

PETR CECH

Né le 20 mai 1982

à Pilsen, République tchèque

1,97 m, 87 kg

Gardien de but

Clubs: Chmel Bisany (1999-

2001), Sparta Prague (2001-

2002), Stade Rennais (2002-

2004), Chelsea (2004-2015),

Arsenal (depuis 2015)

Palmarès: Ligue des champions

(2012), ligue Europa (2013),

Premier League (2005, 2006,

2010, 2015), coupe d’Angleterre

(2007, 2009, 2010, 2012, 2017),

coupe de la ligue anglaise (2005,

2007, 2015), Community Shield

(2005, 2009, 2015, 2017)

International tchèque

124 sélections


une émission de téléréalité. Mais au départ,

quand on allumait la télé, on ne comprenait pas

grand-chose et on laissait le truc défiler. Ça me

rendait fou! La langue tchèque est déjà tellement

compliquée que le reste paraît assez simple. Bon,

les terminaisons sont dures. Mais le français

est la langue que j’ai apprise le plus vite. Après,

il y a eu l’espagnol. La seule langue qui me

manquait. Asier del Horno, à Chelsea, ne parlait

pas un mot d’anglais. Ça devenait hyper difficile

de communiquer donc j’ai appris quelques

mots. Aujourd’hui, à Arsenal, je donne les

consignes collectives en anglais et les consignes

individuelles dans la langue natale du défenseur

concerné.

À Rennes, tu as fait une rencontre qui semble

être décisive pour la suite de ta carrière: celle de

Christophe Lollichon. Oui, la première année

à Rennes a été assez dure. Philippe Bergeroo

m’avait recruté mais a été viré au bout de

dix matchs. L’objectif était d’être européen et

on a passé la majorité de la saison relégable…

Forcément, ça m’a un peu fait peur. Christophe

était entraîneur au centre de formation et,

parfois, faisait du rab avec Éric Durand, le

gardien numéro deux. Éric me parlait souvent

de lui mais on ne s’était jamais rencontrés avant

le printemps. Et puis un jour, je vais chercher

ma voiture sur le parking. On discute et il me

demande: “Pourquoi tu joues aussi bas ?” Je ne

comprends pas trop, j’avais joué assez bas

toute ma vie. Il me donne deux-trois conseils.

Après la fin de saison, Lazlo Bölöni devient le

nouveau coach et modifie l’organigramme. On

m’a consulté et j’ai proposé Christophe comme

entraîneur des gardiens. On part en stage à

Carnac pour une quinzaine de jours. Pour lui,

c’était comme une période d’essai. Au bout de

trois jours, je me suis demandé ce que j’avais fait.

Il était fou. Premier match amical, il avait collé

des élastos sur la pelouse, dans le prolongement

des lignes de la surface de réparation et hurlait

derrière le but: “Va plus haut! Va plus haut!” Il

ne me laissait pas une seconde pour souffler.

C’est là qu’on a commencé à analyser les matchs

en détails, lui et moi. Il y avait du débat. On a la

même philosophie autour du poste de gardien:

on veut trouver la perfection.

On peut parler d’une relation de couple, non?

Encore aujourd’hui, chaque discussion débute de

la même manière: on parle de foot et ensuite, on

aborde d’autres sports, puis on parle d’histoire,

de politique… Pendant l’année, quand tu voyages

ou que tu es à l’hôtel, ça te laisse du temps pour

se découvrir mutuellement. Nous, on en profitait

aussi pour faire des recherches, fouiller les

détails, regarder les vidéos. Ce n’est pas habituel

dans une relation joueur-entraîneur. Quand je

joue mon match, je ne vois pas tout ce qu’il se

passe autour du terrain. Je suis à 200 % sur mon

boulot et la limite, ce sont les lignes de touche.

Il pourrait y avoir dix types à poil en tribunes

que je ne les verrais même pas.

Christophe situe le sommet de votre relation

dans la préparation de la finale de la ligue des

champions 2012… On a passé des heures et des

heures devant des vidéos. On analysait chacun

une phase de jeu puis on en discutait ensemble.

On regardait des penaltys, des situations de

jeu du Bayern, des actions de Robben, Ribéry,

la manière dont Gomez arrivait à se rendre

disponible… On a tout regardé pendant deux

semaines, y compris avec les autres gardiens

–Hilario, Turnbull, Blackman. Avec du recul, je

me demande encore comment il est possible

de regarder autant d’images pour préparer une

rencontre. Mais ce fut la clé de notre succès sur

cette finale. Il fallait couper la relation Robben-

Ribéry. Si l’un renversait le jeu, c’était pour

l’autre. Si l’un récupérait le ballon, il fallait se

préparer à voir l’autre rentrer. On devait maîtriser

les combinaisons entre les deux. Sans eux,

Gomez, qui en était déjà à 35 buts dans la saison,

n’avait plus de liberté. Tout partait de là.

Il paraît que tu as fêté la victoire avec un cigare et

un cognac… Je pense qu’il faut que les moments

spéciaux soient traités de façon spéciale. Ce

soir-là, à Munich, je me suis dit: “On prend

un bon cigare, un bon cognac, on s’installe

tranquillement et on profite.” Il faut cette phase

où tu te poses pour réfléchir à ce que tu viens de

faire. Quand tu es sur le terrain, tu cours dans

tous les sens, tu t’éparpilles mais tu peux vite

manquer d’un vrai moment. Dans le foot, il faut

savoir prendre le temps de s’arrêter et là, j’étais

avec Christophe Lollichon et Didier Drogba. On

était vidés, physiquement et mentalement.

À Chelsea, tu as fait partie de ce qu’on a appelé le

“comité du Bridge”, avec Drogba, Terry, Lampard,

sur lequel Mourinho s’est notamment appuyé.

Vous faisiez quoi exactement? On devait gérer

le vestiaire. Quand tu es dans un groupe avec

cinq ou six joueurs sûrs d’être titulaires, et

un autre où 15-16 joueurs peuvent prétendre

à commencer le match, ça change pas mal

la donne. Il y a une tension, une pression sur

tout le monde. Dans une vie en groupe, avec

cette concurrence, il y a toujours des moments

difficiles. Certains s’aiment, d’autres pas, mais

il faut savoir respecter le travail d’équipe, sur

le terrain. Si tu ne dis pas bonjour en arrivant à

l’entraînement, c’est ton problème. Mais si, sur le

terrain, j’ai besoin que tu me couvres, quand je te

dis “Couvre-moi”, tu me couvres. Dans un groupe,

le terrain décide. Ensuite, la vie privée, c’est pas

notre problème. Cette sorte de comité avait la

capacité de rendre, en gérant la vie de groupe, la

tâche plus simple à l’entraîneur.

Quand ce comité a-t-il dû remettre les pendules à

l’heure? Le premier moment, c’était au départ de

José Mourinho. C’était un coup de froid pour tout

le monde. La deuxième fois, c’était avec Villas-

Boas, quand il est parti. Tout allait vraiment mal

cette saison-là. Il a fallu trouver une façon de

sauver ce qu’il était encore possible de sauver, de

regrouper tout le monde sur un objectif, la ligue

des champions. Que l’on a remportée.

Luis Felipe Scolari t’avait personnellement visé

à son départ de Chelsea, en pointant du doigt

ce comité justement. Tu l’as vécu comment?

C’est son hypothèse, mais sincèrement, je

n’ai jamais compris pourquoi il m’a ciblé. Ça

ne se passait pas bien et nous, on essayait de

trouver la solution pour améliorer la situation.

Peut-être que Scolari ne l’a pas bien compris.

“À Rennes, je n’avais qu’un

match par semaine sauf

quand il y avait la coupe de

la ligue ou la coupe de

France donc ça me laissait

un peu de temps pour

découvrir la Bretagne.

Avec ma femme, on a

quasiment tout fait:

Carnac, Brest, le Mont-

Saint-Michel, Dinan,

Dinard…”

Malheureusement, c’est peut-être humain de

trouver quelqu’un pour essayer de cacher ses

propres fautes ou faiblesses ou le fait de ne pas

avoir réussi. Mais honnêtement, s’il n’était pas

parti, on n’aurait même pas fini onzièmes. On

était dans l’impasse.

Chelsea, c’est aussi Carlo Cudicini pour toi. Il est

devenu ta doublure mais c’est aussi lui qui t’a

fait découvrir la musique… C’est vrai. Un soir, je

retrouve Hilario et Carlo à Londres pour dîner.

Après le restaurant, on passe chez Carlo et là

on voit, à côté de sa télé, une petite batterie,

deux guitares et tout ce qu’il fallait pour jouer

à RockBand sur Xbox. On savait que Carlo

jouait du piano depuis déjà quelques années

et on a voulu essayer. J’ai pris la batterie et j’ai

tout de suite adoré. Pour moi, c’était comme un

atelier de relaxation. Rapidement, j’ai acheté

RockBand pour chez moi. Ensuite, je me suis

acheté une vraie batterie électronique avec des

CD sans piste batterie. C’est comme ça que tout

a vraiment commencé. Puis, j’ai joué lors des

repas de famille, quand certains amis venaient

à la maison… Ma femme m’a inscrit à des cours.

Moi, je voulais simplement être sûr que ça ne

me prendrait pas trop de temps. Je me suis dit

un truc simple: “Certains vont au golf pendant

toute une journée. La batterie, au moins, tu peux

en faire une heure par-ci, par-là…” Aujourd’hui, je

joue un peu tous les jours, trente minutes comme

deux heures. Les cours m’ont donné la technique

et les codes pour pouvoir m’entraîner tout seul.

Pourquoi postes-tu tes sessions de batteries sur

YouTube? En fait, je voulais montrer qu’on n’était

pas obligé d’être parfait pour partager ce genre

de vidéos. La majorité des personnes n’ont pas

confiance dans ce qu’ils font. La succession

de vidéos permet de mesurer la progression,

la différence dans le jeu. Je pense avoir réussi

à rassurer des gens. C’est ça le message

subliminal.

Tu es allé sur scène quelques fois. Tu y prends du

plaisir? Je vais être franc: la première fois que

je suis monté sur scène, j’étais bien plus stressé

qu’avant un match. J’ai ressenti une pression

énorme parce que c’était une plongée dans


86 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE

l’inconnu pour moi. Tout ça a été rendu possible

parce que j’étais ambassadeur d’un projet dont

le nom veut, en gros, dire “Avec nous, tu peux le

faire” en français. On organisait des concerts,

des expositions, on ouvrait les portes aux

jeunes artistes, qu’ils soient peintres, musiciens,

photographes… Ça a permis à certains, qui

n’arrivaient pas à faire parler d’eux, de se faire

remarquer. Je devais être une sorte d’exemple

donc je me suis retrouvé comme batteur, après

quatre petits mois d’expérience, à un concert de

charité. Je n’étais… pas très bon (rires). Jouer en

live, je ne savais pas ce que c’était et là, on était à

Prague, avec des centaines de personnes, quatre

télévisions… Et après coup, quand j’ai vu les gens

danser, sauter, chanter, j’ai explosé de joie. J’ai

tout de suite souhaité faire un vrai concert mais à

une condition: que ce soit un groupe qui vienne

me chercher pour mes qualités, pas l’inverse.

Europe 2 était partenaire de ce concert de charité.

Je discutais de cette envie avec un mec de chez

eux et il me dit: “Ouais, je joue du clavier avec un

groupe.” Je le connaissais depuis trois ans et il

ne m’en avait jamais parlé. Là, il me propose de

venir jouer avec eux et voilà comment je me suis

retrouvé en concert avec Eddie Stoilow puis en

festival après.

Musique toujours. Lorsqu’il parle de jeu, Jürgen

Klopp aime dire qu’il veut voir du heavy metal dans

le style de ses équipes. Il disait aussi qu’Arsenal

ressemblait plutôt à “une chanson silencieuse”.

Tu penses qu’Arsenal joue quel style de musique

aujourd’hui? C’est vrai qu’on est proche de la

musique classique (rires). On est dans la beauté,

la synchronisation des instruments… C’est une

philosophie désormais ancrée dans les gènes

du club: on refuse de jouer sans la manière et

ça se transmet de génération en génération. Je

crois qu’on a trouvé le bon équilibre lors des

derniers mois de la saison dernière. L’idée est

de continuer à contrôler le match mais en se

sécurisant davantage derrière.

Tu as quitté Chelsea lors de l’été 2015, après avoir

tout gagné. Depuis quelques années, Arsenal

traîne une image de losers. Tu comprends cette

étiquette? En arrivant au club, je me suis dit: “Ok,

Arsenal n’a plus gagné la Premier League depuis

“Peu importe la manière,

Mourinho veut le résultat.

La philosophie d’Arsenal

est complètement opposée

à ça: on ne gagne pas à tout

prix, on veut le faire

avec la manière, même

si on commence à changer

cette approche”

dix ans mais moi, je veux être celui qui arrive à les

ramener vers le titre.” Je ne me voyais pas quitter

ce championnat qui est, selon moi, le meilleur du

monde, et je voulais aussi continuer à me battre

pour le titre. Le souci, c’est qu’on ne développe

pas une mentalité de vainqueur en claquant des

doigts. Chelsea avait un avantage simple: sur

les dix dernières années, le club a gagné un peu

plus de quinze titres. La première raison à ça,

c’est que d’une année à l’autre, les changements

dans l’effectif n’ont pas été très violents. Quand

tu faisais le bilan en fin de saison, il y avait

toujours un titre, que ce soit la Premier League,

une FA Cup, une C1 ou autre chose. Arsenal n’a

rien gagné, au-delà des victoires en Cup, depuis

2004. Si l’on regarde bien, il n’y a quasiment

personne de l’effectif qui a remporté la Premier

League… Il y a Danny Welbeck et moi. On doit

apprendre ensemble, on doit trouver ce chemin

vers la victoire. Mon rêve, aujourd’hui, ce serait

de gagner autant avec Arsenal qu’avec Chelsea

mais je ne pense pas disposer de dix ans devant

moi pour ça…

Pour la première fois depuis 1996, le club ne va

pas disputer la ligue des champions… Il y a une

situation paradoxale: on vient de finir la saison

cinquième avec 75 points. La saison précédente,

on termine deuxième avec 71 points. Il faut voir

comment la Premier League a évolué. Quand

je suis arrivé, il y avait Manchester United, pas

encore vraiment Chelsea, City ne comptait pas

dans la course au titre, Tottenham non plus…

Aujourd’hui, la concurrence et les effectifs sont

dingues. Gagner un match devient de plus en

plus compliqué chaque saison.

Ce mental de gagnant, il te vient de Mourinho?

Quand il est arrivé de Porto, il a apporté une

chose principale: il venait d’un club où il n’était

pas acceptable pour lui de terminer deuxième

du championnat. Il a apporté le même esprit

à Chelsea. Il ne pense que par la victoire, quel

qu’en soit le prix. Il déteste les matchs nuls. Si on

rentrait au vestiaire avec un nul, on savait qu’il

ne serait pas satisfait. Par contre, il voulait aussi

qu’on soit capable de garder un 1-0 ou d’envoyer

un 5-0 si c’était possible. Peu importe la manière,

Mourinho veut le résultat. La philosophie

d’Arsenal est complètement opposée à ça: on

ne gagne pas à tout prix mais on veut gagner

avec la manière. On commence à changer cette

approche.

Tu te sens différent des autres footballeurs?

J’ai décidé de prendre ma vie en charge, de la

contrôler. Je ne ferai jamais quelque chose parce

que mon agent me dit: “Petr, tu fais ci, tu fais

ça.” Je cherche toujours à comprendre le but

d’une action même si, bien évidemment, j’ai des

personnes qui travaillent avec moi parce que le

monde du foot l’impose. Je ne peux pas gérer

toutes les négociations, je n’ai pas le temps,

mais ceux qui m’entourent savent ce que je

veux. Certains joueurs subissent les choix de

leur entourage. C’est dangereux, car une fois

ta carrière terminée, ces personnes arrêtent de

travailler avec toi et tu peux vite te retrouver

perdu.

Arsène Wenger dit souvent que la retraite

l’angoisse. Et toi? Ça ne me fait pas peur, je pense

que ça ouvre aussi des possibilités pour faire

des choses différentes. Je passe mes licences

d’entraîneur actuellement, ce qui me permettra

d’être prêt si on me donne l’opportunité de

continuer dans le foot. Je commence aussi à

travailler sur l’amélioration du fonctionnement

du foot en République tchèque. Là, je suis dans

une routine voyage-match, voyage-match, donc

je n’ai pas vraiment eu de temps libre depuis

mes 17 ans. Parfois, je me dis que j’en aurai peutêtre

marre de reproduire cette routine en tant

qu’entraîneur. Après, quand Arsène Wenger parle

de retraite, il ne parle pas de la même que moi,

qui approche des quarante ans. Je comprends

que ça puisse l’angoisser. Tu me reposeras la

question au même âge qu’Arsène, peut-être que

ça me fera peur aussi. Une chose est sûre: quand

je vais arrêter le foot, vous ne me trouverez

jamais à la maison, assis, les jambes en l’air, à ne

rien faire.

Ton père tient toujours son cahier de statistiques

sur tes performances? Oui! Il l’a toujours… Il a

commencé à le tenir lors de mes débuts chez les

pros, au Chmel Blsany, en 1999. La dernière fois

que je l’ai vu, je lui ai dit que c’était peut-être le

moment d’arrêter, en rigolant. Il commence à ne

plus avoir de place. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR RB

ET MB


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88 SO FOOT _ TÉMOIGNAGE

Le Venezuela

reste ma terre

L’ancien attaquant international vénézuélien du FC Nantes Fernando Aristeguieta est rentré

cet été au pays et a finalement décidé d’y rester. Il a quitté le club portugais du CD National pour relever

le challenge sportif du Caracas FC, mais aussi pour soutenir son peuple touché par une crise humanitaire

et sociale sans précédent. Il raconte ici ce Venezuela exsangue, qui attend désespérément

l’intervention de la communauté internationale.

Par Fernando Aristeguieta, avec Arthur Jeanne / Photos: DR, collection personnelle FA et Afp

\Après la Seconde Guerre mondiale, de

nombreux pays européens étaient en

lambeaux, dévastés. Beaucoup de gens

avaient perdu leur propriété, beaucoup

d’hommes étaient morts. Les jeunes

d’alors voyaient très peu d’opportunités de

construire leur vie sur ce continent. Ce fut le

cas de mes grands-parents, qui, en même temps

que des millions de personnes, décidèrent de

traverser l’Atlantique pour arriver sur des terres

dont ils ne connaissaient rien. Le Venezuela.

Ici, ils trouvèrent un pays prospère, plein

d’opportunités. Eux-mêmes racontent que ce qui

les fascina immédiatement fut l’accueil que leur

réservèrent les Vénézuéliens: jamais ils ne se

sentirent étrangers sur cette terre. Ils arrivèrent

très jeunes et restèrent pour toujours. Presque

soixante-dix ans plus tard, dix de mes treize

cousins, qui sont tous vénézuéliens, vivent hors

de nos frontières.

Dollar negro

Quand on atterrit à Caracas, la sortie de

l’aéroport est toujours un petit choc. À cause de

la différence entre le froid aseptisé et climatisé

qui règne dans l’enceinte de l’aéroport et la

chaleur humide de l’extérieur. Cette fois-ci,

je n’ai presque pas pu percevoir ce brusque

changement de température. À peine avais-je

mis les pieds dehors que j’étais assailli par une

meute de gens qui se disputaient violemment

pour prendre en charge mes affaires. Ils

pensaient déjà au possible pourboire que j’allais

leur laisser. J’étais paralysé. D’abord par la

peur de me faire détrousser, et ensuite quand je

compris ce qui se passait, ce que cela signifiait

sur l’état de mon pays.

Je ne dis pas que les choses allaient bien quand

je vivais ici. À l’époque déjà, ce pays paraissait

figé dans le temps, comme s’il refusait d’avancer.

La monnaie se dévaluait à vitesse grand V et,

depuis de nombreuses années, un contrôle des

changes empêchait chaque Vénézuélien de

posséder ou d’effectuer tout type de transaction

avec une monnaie étrangère.

En raison de notre proximité géographique avec

les États-Unis, et de l’influence américaine, le

Vénézuélien a toujours calculé la valeur de sa

monnaie en la comparant au dollar. Il existait –et

il existe toujours– la valeur du dollar officiel, qui

est le taux de change imposé par les autorités et

qui s’obtenait –et s’obtient encore– uniquement

par le biais du gouvernement. Et puis, il y a le

“dollar negro”, qui est le taux de change non

officiel, celui de la vie de tous les jours, de la rue.

Le Vénézuélien lambda pouvait aspirer au dollar

officiel, en suivant un processus long et formaté

pour voyager et étudier. Aujourd’hui, il est

pratiquement impossible de l’obtenir. Certaines

entreprises, en revanche, selon le secteur

d’activité dans lequel elles opèrent, ont toujours

accès au dollar officiel pour l’importation.

Le processus de sélection des entreprises

qui ont accès au dollar officiel est discutable

et, généralement, il s’agit d’entreprises qui

appartiennent à des proches du gouvernement.

À l’origine, les différences entre le dollar officiel

et le “dollar negro” n’étaient pas énormes,

mais elles se sont creusées au fur et à mesure

et, aujourd’hui, certaines entreprises peuvent

échanger un dollar contre dix bolivars, alors

que, dans la rue, le taux de change est d’un

dollar pour treize mille bolivars (le prix officieux

du dollar alors que j’écris ces lignes; il change

tous les jours). Cela signifie que certaines

entreprises peuvent littéralement acheter des

dollars au gouvernement pour mille fois moins

cher que le reste de la population.

Kidnappings, flics ripoux

et pénuries

Une personne qui gagne le salaire minimum

au Venezuela gagne environ aujourd’hui trente

euros par mois. Un ingénieur récemment

diplômé n’atteint même pas les cent euros

mensuels. Cela signifie pour ma génération

qu’il est parfaitement impossible de penser

à s’émanciper de sa famille. Parmi mes amis

qui vivent au Venezuela, aucun n’a pu quitter

le foyer parental. Aucun ne peut contribuer

aux économies de la famille. Chaque jour ils


Quand t’as pas de serviette.


90 SO FOOT _ TÉMOIGNAGE

Un petit whisky au coin du feu.

travaillent mais, à la fin du

mois, ils ont moins gagné que le

prix des places d’un bon match

de football en famille.

Mais ce n’est pas le pire. Le pire

existait déjà avant que je ne

quitte le pays. Je veux parler de

l’insécurité. Les Vénézuéliens

vivent avec la peur constante

qu’il puisse leur arriver quelque

chose. N’importe où, n’importe

quand. Quelque chose d’aussi

naturel que sortir son téléphone portable

dans la rue pour passer un coup de fil est une

activité quasiment interdite pour nous. Il y a

quelques années, on m’a mis un flingue sur la

tempe pour me prendre mon téléphone. Une

fois que la nuit tombe, si tu es au volant, tu

dois être en alerte, vérifier que personne ne te

suive, puisque les secuestros express sont de

plus en plus fréquents. La plupart du temps, ces

secuestros durent quelques heures à peine et les

kidnappeurs contactent la famille de la victime

pour lui demander de l’argent liquide, des

ordinateurs, des consoles de jeux vidéo ou des

montres. Chaque chose de valeur qu’il y a dans

une maison peut être utilisée comme rançon.

Nous connaissons de nombreuses astuces

pour éviter les secuestros. Comme éviter à

tout prix que l’on puisse savoir combien de

personnes sont dans la voiture, et surtout

combien de femmes sont à bord, car elles sont

plus vulnérables. Les kidnappeurs arrêteront

moins facilement un véhicule dont ils ignorent

le nombre de personnes qui sont à l’intérieur.

Nous avons aussi des recommandations sur

comment agir en cas de secuestro. Par exemple,

“La police ne se

contente pas de gaz,

elle utilise aussi des

billes en verre solide.

Mon ami Miguel

Castillo a été touché

par une bille le

10 mai dernier. Il est

mort le jour même”

ne jamais regarder

les agresseurs dans

les yeux. Car si tu

reconnais l’un d’eux

et qu’il s’en rend

compte, il n’aura pas

d’autre choix que de

te tuer.

Le taux d’homicides

a beau augmenter,

les crimes

demeurent de plus

en plus impunis. Désormais, quand quelqu’un

aperçoit un barrage de police, il se sent plutôt

nerveux car il sait que les policiers eux-mêmes

cherchent n’importe quel motif, la plupart

du temps fallacieux, pour te faire chanter et

ainsi exiger de l’argent

liquide. La seule fois où

j’ai reçu une amende,

j’étais heureux. Car cela

voulait dire que le policier

était honnête et qu’il

n’avait pas l’intention de

m’extorquer de l’argent.

Mais combien de fois on

a arrêté mon véhicule

pour des motifs absurdes

et faux? Et ce, dans le

simple but de m’annoncer,

ensuite, que si je leur filais

un peu d’argent pour le

“rafraîchissement”, ils

me laisseraient partir…

Évidemment, les médias

ne parlent jamais de cela.

Le gouvernement a petit

La première manif de Fernando.

à petit pris possession des

différentes chaînes de télé,

et la censure est partout.

Au Venezuela, comme

dans beaucoup de pays

sous-développés, l’accès à

Internet est un luxe, tout

comme la télévision câblée.

Par conséquent, dans

énormément de foyers

vénézuéliens, les seules

sources d’information

sont manipulées par le

gouvernement. Avant

même que je quitte le

Venezuela, j’avais bien

compris la ligne que

souhaitait suivre le

chavisme: les pouvoirs

publics ne servaient

plus le pays mais le

gouvernement, et le

président violait désormais

en tout impunité la

constitution. Tout cela

s’est aggravé depuis mon

départ. Mais surtout, de

nouveaux problèmes sont apparus, rendant

aujourd’hui impossible la vie des Vénézuéliens.

Je veux parler notamment de ces pénuries qui

engendrent des queues immenses pour acheter

les produits de base. Devant des supermarchés

vides, la plupart du temps. Le gouvernement

a pris une mesure populaire qui consiste à

déterminer le prix de certains produits de

nécessité, comme le lait, les couches, la farine

ou le sucre. Or, ces prix ne couvrent pas les

coûts de production. Cela signifie que les

entreprises qui manufacturent ces produits

vendent à perte. Logiquement, ces entreprises

ont arrêté de produire au rythme où elles

le faisaient auparavant, et cela a engendré

pénuries et rationnements. Dans toute la ville,

devant les supermarchés ou les pharmacies,


90 % des Vénézuéliens n’ont plus les moyens de se nourrir.

Rebeca Leon, habitante de Caracas, en fait partie.

les files interminables

s’amoncellent. Les gens

attendent pour acheter

des choses qu’ils devraient

pouvoir trouver à chaque

coin de rue. Ici, le sucre est

pratiquement impossible à

trouver. Même chose pour les

médicaments. Pour trouver

un simple antibiotique,

cela peut prendre des jours.

Évidemment, les hôpitaux

n’ont guère plus accès aux

médicaments, et des milliers

de Vénézuéliens meurent

aujourd’hui de cette pénurie.

Les médicaments pour les

personnes qui souffrent d’un

cancer ou du sida doivent être

importés depuis l’étranger,

avec le coût que cela

implique. C’est inabordable pour la majorité de

ces malades.

Autrefois, vous pouviez voir un mendiant

fouiller une poubelle pour tenter d’y trouver à

manger. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des

mendiants, mais des familles dites “ordinaires”

qui font les poubelles. C’est déchirant et

désespérant. J’ai vu des gens pleurer, supplier

pour un morceau de pain. Cela te fige le sang.

Aux feux rouges, auparavant, tu pouvais voir un

artiste de rue faire un petit show pour gagner

de l’argent, ce sont désormais des dizaines de

gamins qui mendient. Les parcs publics sont des

“Alors que j’écris ces

lignes, Edgar Rito,

joueur de l’équipe

de seconde division

Gran Valencia, est

derrière les barreaux

pour avoir protesté

contre la dictature.

Et Ender Peña, 17 ans,

capitaine de l’équipe

Loteria del Tachira,

a été assassiné lors

d’une manifestation”

no man’s land à cause

de la délinquance. Les

transports publics

tombent en lambeaux.

Ce n’est pas que

la qualité de vie a

baissé, c’est qu’elle a

quasiment disparu.

Coup d’État,

“résistance”

et tirs de billes

J’évoquais plus

haut l’impunité

du gouvernement.

Il faut savoir qu’en

décembre 2015,

l’opposition a gagné

70 % des sièges

à l’Assemblée

nationale. Mais le gouvernement n’a reconnu

aucune mesure votée par cette Assemblée.

Au Venezuela, à mi-mandat, le peuple peut,

par le biais d’une pétition, solliciter la tenue

d’un référendum pour destituer le président.

C’est arrivé l’an passé, le nombre de signatures

nécessaires pour la tenue du référendum a été

largement atteint, mais le Conseil national

électoral a invalidé les signatures, et il n’y a

eu aucun référendum. Et cette année, la Cour

suprême de justice a tout bonnement décidé

d’annuler le pouvoir de l’Assemblée nationale.

Il s’agit purement et simplement d’un coup

d’État. Ça a été la goutte d’eau qui a fait

déborder le vase. Les gens sont descendus dans

la rue pour manifester. Mécontent, le président

a convoqué des élections pour une Assemblée

nationale constituante le 30 juillet 2017. La

Constitution vénézuélienne indique clairement

que pour convoquer les gens ainsi, il est

obligatoire de consulter le peuple par le biais

d’un référendum. Mais une fois de plus, la

Constitution a été bafouée. Puisqu’il s’agit d’une

élection frauduleuse et anticonstitutionnelle,

l’opposition a demandé au peuple de s’abstenir

de participer. Le Conseil national électoral a

alors pris une autre mesure absurde: éliminer

tous les contrôles qui assuraient la régularité

du vote. Impossible de savoir combien de fois

certaines personnes ont voté, comme il était

impossible de connaître l’identité réelle des

votants. Tout cela a généré un climat hostile et

très tendu dans la population.

Les manifestations sont différentes chaque

jour, mais je vais essayer d’expliquer leur

mécanisme à Caracas. Il y a différents points

de rassemblement, qui se rejoignent au niveau

de l’autoroute qui traverse la ville ou sur une

autre avenue importante. Il faut savoir que

les institutions publiques les plus notables

se trouvent en centre-ville. Le gouvernement,

dans son discours, dit constamment que les

manifestations se forment uniquement à l’est

de Caracas, l’endroit qu’il considère comme

le lieu de résidence des bourgeois et des

riches. Ce n’est pas le cas, mais c’est l’image de

propagande qu’ils vendent. Ce qui est certain,


92 SO FOOT _ TÉMOIGNAGE

C’est quand même classe,

les maillots sans sponsor.

c’est que, pour justifier ce discours, ils ont été

bien plus brutaux dans la répression à l’ouest de

la ville. Là-bas, les gens commencent à peine à

se réunir qu’ils sont immédiatement réprimés

par la violence et les grenades lacrymogènes.

C’est à l’ouest que la guardia nacional et la

police nationale ont été jusqu’à tirer sur les

immeubles résidentiels de la zone. À l’inverse, à

l’est, les rassemblements sont tolérés.

Selon le jour, il y a différentes destinations pour

le cortège, par exemple le Conseil national

électoral, la Cour suprême de justice ou la

Defensoria del Pueblo. Tu marches donc avec

des milliers de personnes, tu chantes des

hymnes à la liberté, et puis soudain, c’est le

déluge de gaz lacrymogène, et là, évidemment,

le réflexe, c’est de faire marche arrière. Sur

les côtés de la rue, tu vois les mecs de la

“résistance”. C’est ainsi qu’on a appelé ceux

qui se battent avec la police quand celle-ci

commence à charger. Alors que tu as tendance

à t’éloigner de la police, apeuré, ces mecs se

préparent à entrer en action. Certains portent

des masques anti-gaz, d’autres utilisent

simplement des mouchoirs et leur tee-shirt

pour protéger leur visage. Ensuite les lunettes,

le casque. C’est émouvant de voir, à cet instant

d’angoisse généralisée, comment ces types

se préparent sereinement pour défendre la

retraite de milliers de personnes qui exercent

uniquement leur droit constitutionnel de

manifester. La résistance supporte tant qu’elle

peut, mais la police ne se contente pas de gaz,

elle utilise aussi les lances à eau et les tirs de

billes. C’est ce qui a causé la plupart des morts

durant ces mois de manifestations. Les billes

sont en verre solide, comme celles qu’utilisent

les enfants pour jouer, mais tirées par des fusils,

elles deviennent des projectiles mortels. Mon

ami Miguel Castillo a été touché par une bille

le 10 mai dernier. Il est mort le jour même. Trois

autres de mes amis ont été blessés, trois d’entre

eux au cours de manifestations auxquelles je

participais.

Il existe un autre type de manifestations qui

s’est avéré très efficace. On les appelle des

trancazos. Cela consiste à barricader la rue

devant ta maison de manière à ce que les

véhicules ne puissent plus circuler. Ce sont des

barricades faites de branches, de sacs-poubelle

et de petites pierres. Les premiers trancazos

ont duré deux heures, et au fur et à mesure

des jours, ils se sont allongés. Aujourd’hui, il

y a des trancazos de dix heures. Évidemment,

les gens ouvrent la rue en cas d’urgence ou

pour les équipes de presse. Les trancazos

sont efficaces car en multipliant toutes ces

barricades, il est impossible pour la police de

sévir en même temps dans tous les endroits.

La police peut “ouvrir” une rue, mais quand ils

partent réprimer dans un autre lieu, les voisins

la ferment à nouveau.

Les footballeurs vénézuéliens

solidaires

Depuis plus de quatre mois que nous sommes

dans la rue, la dictature a tué plus de cent

vingt manifestants. Le discours du pouvoir

est toujours un discours de confrontation.

Le président du pays a pris la parole il y a

quelques jours à la télévision nationale: “Ce

que nous n’obtiendrons pas dans les urnes, nous

l’obtiendrons par les armes.” En même temps

qu’il déverse ses messages de haine, il affirme

que l’opposition est responsable de la violence

dans les rues. Un mensonge de plus. Alors qu’ils

ont tué plus de cent vingt personnes, deux


Soirée spiritisme à Caracas.

policiers uniquement

sont morts.

Qu’on ne vienne

pas me dire que les

manifestations sont

violentes, j’ai participé à

nombre d’entre elles et

ça n’est pas le cas. Porter

un masque à gaz et un

casque pour se protéger

ne fait pas de vous un

manifestant violent.

C’est vrai, les types de

la résistance se battent,

à coups de pierres et de

cocktails Molotov, mais

ils le font uniquement

quand la garde commence à réprimer. Il n’y

a aucune manifestation où la violence a été

déclenchée par les manifestants. J’en suis

témoin.

“J’aimerais être

le témoin de

ce Venezuela qui

change, où les gens

s’enthousiasment à

l’idée de reconstruire

un pays qui fut

si noble avec nos

ancêtres et avec

nous-mêmes”

En réaction à tout cela, le syndicat des joueurs

de foot a demandé à la fédération vénézuélienne

de football l’autorisation de faire une minute

de silence avant chaque match de première

division. Comme la fédération est fortement

influencée par le gouvernement, la requête a

été rejetée. Les joueurs prirent la courageuse

décision d’effectuer la minute de silence une

fois le match commencé. L’arbitre siffla le

début du match, un joueur

donna le coup d’envoi, puis

aucun joueur ne bougea

pendant une minute. Cet

acte courageux eut une

grande répercussion au

Venezuela et aussi dans le

monde entier. Bien plus que

s’il s’était agi d’une minute

de silence “classique”. Du

coup, la fédération autorise

désormais les minutes de

silence quand la demande

est formulée. Alors que

j’écris ces lignes, Edgar

Rito, joueur de l’équipe

de seconde division Gran

Valencia, est derrière les barreaux pour avoir

protesté contre la dictature. Cette semaine,

Ender Peña, 17 ans, capitaine de l’équipe

Loteria del Tachira, de la première division

des moins de 18 ans, a été assassiné lors d’une

manifestation.

Vous pourriez vous demander pourquoi un

footballeur qui fait carrière en Europe a décidé

de rentrer au Venezuela alors que la situation

est dramatique et que le commun des mortels

ici cherche à fuir le pays. Je me pose souvent

la question. La première des réponses, c’est

que ce que m’offre le Caracas FC, j’aurais

difficilement pu l’obtenir ailleurs. Je ne parle

pas de proposition économique –qui est bien

inférieure à ce que je pourrais continuer à

gagner à l’étranger– mais du projet, qui consiste

à remettre le nom du club au panthéon du

football vénézuélien. Mes années à l’étranger et

mes sélections m’ont apporté une expérience

que je peux mettre à profit pour aider mes

coéquipiers à grandir, pas uniquement sur le

terrain. Surtout, j’ai bon espoir que la situation

change bientôt au Venezuela. La reconstruction

du pays et de sa société est une chose que je

souhaite voir, et à laquelle je veux participer. J’ai

commencé ces lignes en racontant l’histoire de

mes grands-parents. L’Europe d’après-guerre

semble aujourd’hui très loin. Aujourd’hui, nous

voyons l’Europe, malgré ses problèmes, comme

un modèle à suivre. De nombreux exemples de

pays qui sont passés d’une situation critique à

la prospérité en un laps de temps relativement

court existent. Je pense au Japon ou, sans

aller si loin, la Colombie, notre pays frère, qui,

il y a à peine vingt ans, était en guerre contre

le narcotrafic et les paramilitaires, et qui vit

aujourd’hui un très bon moment. J’aimerais être

le témoin de ce Venezuela qui change, où les

gens s’enthousiasment à l’idée de reconstruire

un pays qui fut si noble avec nos ancêtres et

avec nous-mêmes. Malgré la crise humanitaire

et sociale, le Venezuela reste ma terre. • FERNANDO

ARISTEGUIETA


94 _ DÉCRASSAGE

HISTOIRE VRAIE

Le joueur

du grenier

Grand espoir allemand des années 30, Antoine Raab a forgé sa

légende loin des terrains, tandis qu’il fuyait son pays. Ennemi du régime

d’Adolf Hitler, il a traversé la France pour trouver refuge à Nantes, sans

jamais abandonner ni son engagement contre la guerre, ni les terrains

de football. Même pendant l’Occupation.

-“Il me disait souvent que c’était lui qui avait

relancé le FC Nantes.” Loin de l’encombrant

passé de Marcel Saupin, Donatien Nozay

préfère l’histoire méconnue d’Antoine

Raab, son ami allemand. Pour ce retraité

de Treillières, petite ville au nord de Nantes,

son compagnon de l’Occupation est celui qui a

permis le développement du FC Nantes après la

guerre, au terme d’un invraisemblable parcours

pour fuir l’Allemagne d’Hitler.

1933. Stade de Francfort. Antoine Raab est

capitaine de l’équipe des juniors allemands,

qui joue en lever de rideau de l’équipe fanion.

Une fois le drapeau à la croix gammée levé,

tous les joueurs allemands font un salut nazi,

sauf un. Avec son brassard, Antoine Raab,

avant droit, refuse de lever le bras. Devant

45 000 personnes, l’affront est terrible. “Comme

j’étais international junior, ils ne pouvaient pas

m’arrêter”, témoigne Antoine Raab en 1995

sur les ondes de Radio France Loire-Océan.

Mais la clémence ne dure pas. “Après un an et

demi, ils sont venus me chercher et je n’ai plus

vu mes parents pendant dix ans.” La déchirure

est d’autant plus forte que son engagement

pacifiste vient de sa famille. Né en 1913, Antoine

Raab grandit avec les récits de guerre de son

père. “Quand mon père est revenu en 1918, il m’a

expliqué la guerre. À partir de ce moment-là, je

me suis dit que je n’avais pas le droit de tuer mon

prochain.” De fil en aiguille, Antoine devient

également antireligieux, la religion étant, selon

lui, complice de trop nombreuses guerres.

Avant un match entre Francfort et Hambourg,

il est choqué par un prêtre qui baptise un sousmarin

“qui a fait des milliers de victimes à

Dunkerque”. Son catholicisme s’évapore à tout

jamais ce jour-là. Marie-Annick Barreau, une

habitante de Treillières, a un souvenir tenace

de cette aversion: “À la mort de mon père, il est

venu pour les funérailles, mais il est resté sur le

parvis. Il ne pouvait pas entrer dans l’église.” Son

anticléricalisme fait de lui un ennemi d’État. Fin

1935, il est condamné à quinze ans de travaux

forcés. Courageusement, méthodiquement, il

s’applique pendant neuf mois à fabriquer la… clé

de sa cellule, et parvient à s’enfuir. Il se planque

chez “une dame dont le mari a été fusillé”, se

procure un side-car et un uniforme SS: le road

trip jusqu’à l’Alsace commence.

“C’est bien toi, n’est-ce pas?”

Après avoir passé la frontière à la nage, il se

retrouve à Forbach sans argent, sans vêtements

et sans amis. Miraculeusement, il rejoint la

capitale parisienne, mais ne parlant pas un

mot de français, il erre dans le quartier de

Barbès sans pouvoir manger et perd quatorze

kilos. Admis à l’hôpital en sous-alimentation,

il masque tant bien que mal ses origines. C’est

là qu’un certain Weiss, dirigeant d’origine

suisse du Cercle Athlétique de Paris, reconnaît

le footballeur d’antan. Il appelle sa femme

pour récupérer un numéro de Kicker avec sa

photo et le flanque sous son nez. “C’est bien

toi, n’est-ce pas?” Raab ne peut plus se cacher.

Le voilà contraint de… s’engager avec le CA de

Paris! Malgré les protestations de la fédération

allemande, il obtient sa licence de footballeur

amateur. Il joue son premier match contre le

Red Star, au milieu de plusieurs internationaux.

“Pendant le premier quart d’heure, je nageais

un peu. Mais au bout de trente minutes, c’est

revenu, j’étais à l’aise.” Raab revit. Et attire

les convoitises. En échange d’un boulot, il

signe à la Saint-Pierre, un club de Nantes.

Malheureusement, le job de dessinateur dans

un bureau d’études est remis en cause par la

présence de dossiers liés à la défense nationale.

Raab ne se fait pas prier et s’engage plus au

nord, avec le Stade Rennais. Mais sa carrière

est vite interrompue: la guerre éclate. À la fin

d’un dernier match amical contre Belgrade,

l’annonce est faite dans les vestiaires: pour les

cinq Allemands et Autrichiens présents, c’est

l’internement à Vitré, avant un travail dans une

usine d’armement de Montluçon.

Travail à la ferme

La progression de la Wehrmacht remet

tout en cause. Il doit à nouveau fuir par ses

propres moyens. À l’usine, Raab exhorte

ses compatriotes et convainc deux cents

ouvriers de partir. Lui file vers Cahors, où il est

rapidement repéré par la Gestapo. Il n’est pas

arrêté de suite. Il est d’abord envoyé dans un

hôpital catholique –pour soigner une vilaine

blessure de foot. Malgré son refus de prier, la

sœur supérieure le cache au retour de la police

secrète. Raab s’en sort de justesse. Il reprend la

route pour sa dernière planque: un grenier dans


le village reculé

de Treillières, où

les parents de sa

fiancée rencontrée

à Nantes se sont installés pendant la guerre.

Marie-Annick Barreau se souvient qu’Antoine

Raab “utilisait alors un nom d’emprunt à

consonance alsacienne, avec Albert pour

prénom”. Rapidement, “Albert” devient une

figure des villages environnants. “Il ne restait

pas dans le grenier, précise Donatien Nozay.

Il travaillait souvent à la ferme de M. Lucas.”

L’Allemand s’acclimate bien. Il rend la vie de

ses nouveaux amis meilleure en détournant

des fils pour leur installer l’électricité, ou en

les distrayant sur le terrain de foot, tous les

dimanches. “C’était un grand footballeur

allemand, il était bien plus fort que nous,

grand et costaud, les muscles saillants.” Son

intégration ne suffit toutefois pas à assurer sa

Une fois le drapeau à la croix

gammée levé, tous les

joueurs allemands font un

salut nazi, sauf un. Devant

45 000 personnes, Antoine

Raab refuse de lever le bras

tranquillité. Plusieurs

fois “vendu” aux

Allemands, Raab s’en

sort grâce à de faux

papiers. Il restera sur place jusqu’à la Libération,

se permettant même de faire imprimer

régulièrement des tracts invitant les Allemands

à la désertion, qu’il diffuse en les lançant pardessus

le mur de la caserne locale.

Le FCN et la paix

À la fin de la guerre, Raab fait son retour

dans le centre-ville de Nantes avec sa fiancée,

Marinette. Il y croise par hasard Pierre Lautrey,

le dirigeant du FC Nantes fraîchement fondé.

Le football revient par la grande porte. Même

si, physiquement, la planque dans le grenier a

eu raison de ses muscles et de son endurance.

Il deviendra donc entraîneur-joueur du FCN,

dès 1946 –“Il me disait souvent qu’il avait été le

premier entraîneur du club”, raconte aujourd’hui

Donatien Nozay– puis, peu à peu, il occupe

toutes les fonctions importantes. Gilbert

Le Chenadec, qui signe avec le FCN en 1958,

se souvient de lui comme “vice-président, aux

côtés de M. Clerfeuille”, avec qui il forme un

duo de “grosses personnalités”. Il est également

le premier à occuper un poste de directeur

sportif, lorsque Nantes est désespérément

coincé en D2. Il participe ainsi à la venue de

Gondet, de Blanchet… et d’Arribas, auquel il

finit par s’opposer, jugeant son jeu trop osé, trop

révolutionnaire. Le FC Nantes avancera sans

lui. Après avoir ouvert un magasin de sport,

Antoine Raab décède le 2 décembre 2006. Il a

93 ans. L’histoire ne dit pas s’il y eut une messe

à son enterrement. • PAR CÔME TESSIER. TOUS PROPOS

RECUEILLIS PAR CT, SAUF MENTION / ILLUSTRATION: GIANPAOLO

PAGNI


96 SO FOOT _ DÉCRASSAGE

#AMAT’

Mulet

défensif

Thomas Guennoc, 28 ans et numéro 6 de l’Entente Sportive Rédénoise, est connu en Bretagne

pour sa faculté à tacler dans toutes les situations. Il est aussi connu jusqu’en Normandie,

mais pour sa perruque mulet, qu’il aime arborer en soirée kiné.

EEn pleine installation de nouveaux fûts

de bière, Philippe peine à contenir son

rire. Le président de l’ES Rédéné, club

de la petite ville du même nom située

dans le Finistère, vient d’entendre

le prénom “Thomas”. “Le ‘Tacleur fou’, vous

voulez dire? C’est comme ça qu’on l’appelle,

ici! Thomas, il tacle tout ce qui bouge!” Les

bases sont posées. Dans l’équipe première de

Rédéné –le club en compte trois–, qui évolue

en deuxième division de district, c’est donc

Thomas qui se charge du sale boulot. À savoir

allonger ses grandes jambes sur le sol et

glisser sur le fessier pour découper l’adversaire.

“Dans ma famille, on a tous été milieux

défensifs et on n’a jamais été techniques, admet

le numéro 6 de 28 ans. Donc on a tout misé

sur ce geste. Mes deux frères taclaient, mon

père taclait… J’adore

être dans la boue et finir

un match totalement

dégueulasse. C’est une

tradition familiale.”

Quels que soient la

surface (“de l’herbe, du

stabilisé, du synthétique,

et même en salle”) ou le

moment (entraînement,

compétition ou match

entre potes), Thomas

s’abîme les genoux.

Parfois en accompagnant

son intervention

glissée d’un cri: “VAN

GUENNOOOOC”,

hurlement né de la fusion

entre Guennoc –son

nom de famille– et Van Bommel. Ce surnom,

qu’il s’est auto-attribué, a même trouvé sa

place au dos de son vieux maillot du RC Lens.

Pour le Breton d’origine, son style de jeu est

totalement légitime en plus d’être efficace.

D’ailleurs, son seul but en championnat, il l’a

marqué en taclant. “J’emmerde ceux qui disent

qu’un bon défenseur est un défenseur qui reste

“J’emmerde ceux qui

disent qu’un bon

défenseur est un

défenseur qui reste

debout. Ce que j’aime

par-dessus tout, c’est

voir le latéral partir

sur l’aile et venir tout

arracher avec mes

grandes tiges”

debout, avance-t-il. C’est faux: il n’y a rien de

plus efficace qu’un tacle. Ce que j’aime pardessus

tout, c’est voir le latéral partir sur l’aile

et venir tout arracher avec mes grandes tiges.”

Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser,

le co-meilleur buteur du club en coupe de

France (avec un seul but) ne brise jamais

de carrière, et bénéficie très souvent de

l’indulgence des arbitres. Lors de son premier

match avec l’ESR en 2015, il fait deux fautes en

tant que dernier défenseur dès le quart d’heure

de jeu, sans récolter de carton. Un nouveau

type de joueur intelligent? “Vu qu’il passe 80 %

de son temps par terre et qu’il ne connaît que

ce geste, on a parfois un peu peur, reconnaît

Sébastien, son entraîneur. Mais c’est plus

spectaculaire qu’autre chose. Là où il est très

fort, c’est qu’il n’a pris

qu’un jaune la saison

dernière. Il n’est pas

dangereux. Mais ce n’est

pas Ronaldinho, quoi…”

Dans son club précédent

(toujours en Bretagne),

une spectatrice en a

fait l’amère expérience.

Tranquillement posée

le long de la main

courante, la retraitée

ne porte pas attention

à Thomas, alors

que celui-ci ose une

diagonale pour son

ailier. La transversale,

complètement ratée,

finit dans le visage de la

pauvre dame. Résultat: perte de connaissance

de la victime, appel au Samu et match arrêté.

La défense de l’intéressé? “Elle n’avait qu’à

regarder le match!” En dehors du terrain, le

kinésithérapeute de profession a aussi ses

excès. Il n’est par exemple pas le dernier à

s’autoriser quelques verres après un effort

–“Au repas de fin de saison, il a fini cul nu sur

la table devant tous les supporters”, selon

son président–, ou à fomenter un canular.

Dernièrement, au cours d’une soirée qu’il

organisait chez lui, la sentinelle a tout d’abord

piégé une taupe dans son jardin, puis a

planqué l’animal dans le coffre de l’un de ses

coéquipiers. Jusqu’au lendemain, histoire que

la voiture et les affaires de foot soient imbibées

de l’odeur.

Coqueluche de l’ES Rédénoise, Thomas jouit

d’une réputation qui a depuis longtemps

dépassé le cadre du championnat de deuxième

division du Finistère. Pour en avoir la preuve,

il suffit de demander à n’importe quel jeune

kiné ayant réalisé ses études en Bretagne. “Je

suis même connu jusqu’à Alençon”, clame-t-il.

Mais il doit cette notoriété à un artifice: une

perruque mulet, qu’il enfilait lorsqu’il partait

en soirée étudiante, son maillot lensois sur le

dos. En hommage à Tony Vairelles, son idole.

“Tony, c’est un bagarreur, c’est un mec qui

mouille le maillot, confie-t-il sincèrement. C’est

quand même un mec qui est allé au Quatre As,

une boîte à côté de Nancy, avec sa carabine

22 long rifle, pour défendre son frère. Après,

il a demandé à sa femme de lui ramener une

paire de baskets en prison parce qu’il avait

usé toute la gomme de ses chaussures et qu’il

voulait monter une équipe. Ça, ça me fait

kiffer. Franchement, comment peut-on préférer

Neymar?” Alors, pour prouver son amour à

“Tony l’Anguille”, Thomas fait du cosplay

lorsqu’il part en fiesta. Mais pas seulement. Il

a aussi disputé un match officiel en intégralité

avec son mulet vissé sur le crâne (“Ça gratte,

ça tombe, mais ça vaut le coup”). “Un jour, j’ai

voulu balancer un de ses mulets sales, mais il

m’a répondu que c’était absolument hors de

question, témoigne sa compagne. Il l’a aussi

mis sur la tête d’Inès, notre fille, alors qu’elle

n’était âgée que de 2 mois.” Si elle aime passer

autant de temps par terre que son père, la

petite n’est pas près de marcher. • PAR FLORIAN

CADU / PHOTO: BERNARD LE BARS


Le grand vainqueur de la coupe.


98 SO FOOT _ DÉCRASSAGE

PIERRE LA POLICE

LOTO FOOT

Denai Moore

Biberonnée au reggae, la chanteuse anglaise d’origine jamaïcaine s’est émancipée en

empruntant la voie de l’électro-rock à la fin de son adolescence. Un gap artistique. Ça tombe

bien, il faut parfois savoir faire le grand écart pour maîtriser les subtilités du Loto Foot.

Roger Moore vs Denai Moore

Au nom de l’amour narcissique!

Dédicace à moi-même.

1 N 2

Handspinner vs Pokémon Go

1 N 2

Même si je n’ai pas vraiment suivi la hype

Pokémon Go, j’étais fan du dessin animé quand

j’étais enfant. Musicalement, c’est toujours le

meilleur générique de l’histoire d’ailleurs.

Usain Bolt vs Christophe Lemaitre

Si je ne choisis pas Usain sur ce coup,

1 N 2

je pense qu’on va m’invalider mes papiers

jamaïquains. Bolt “To Di World!”

Theresa May vs Brian May

1 N 2

J’ai déjà rencontré Brian May en chair et en

os donc je dois le choisir, en plus il m’a donné

un badge cool que j’ai épinglé sur une de mes

vestes préférées.

“Wenger out!” vs “Wenger in!”

1 N 2

En tant que fan d’Arsenal, c’est dur de

l’admettre, mais je suis assez pro Wenger Out.

Mais en même temps, je n’ai pas envie de le voir

partir.

Wembley vs Stade de France

1 N 2

Je ne suis allée dans aucun des deux stades

mais ça fait partie de mes rêves de voir un

match à Wembley.

Olivier Giroud vs Harry Kane

1 N 2

Si je me base sur la rivalité Arsenal/Tottenham,

je suis un peu obligée de prendre Giroud.

En plus, il a vraiment des super cheveux!

BBC vs Bale, Benzema, Cristiano 1 N 2

Je suis une énorme fan de Masterchef.

De toute émission de cuisine en fait. Je regarde

ça avec un thé et des gâteaux.

God Save The Queen

vs La Marseillaise

1 N 2

La plupart des hymnes sont plutôt boring.

Je pense qu’ils devraient être repensés et

modernisés avec davantage de pyrotechnie et

d’impro vocale! PAR JPS / PHOTO: DR

v

“En tant que fan

d’Arsenal, c’est dur de

l’admettre, mais je suis

assez pro Wenger Out!”

À écouter: Denai Moore, We Used To Bloom, Because Music


.

CHRISTOPHE DUGARRY

@TeamDugaRMC

LA RADIO

PAS COMME

LES AUTRES

DeBonneville-Orlandini Photo © Jérôme Dominé - Abacapress

TEAM DUGA 18H-20H

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