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Le Petit Journal N°7

Le Petit Journal des Galeries Vallois Edition N°7 du programme "Paris-Cotonou-Paris" Journal N°7 avec les artistes: Marius Dansou, Roberto Diago, Didier Viodé, Jean Baptiste Janisset et Mekef.

Le Petit Journal des Galeries Vallois Edition N°7 du programme "Paris-Cotonou-Paris"
Journal N°7 avec les artistes: Marius Dansou, Roberto Diago, Didier Viodé, Jean Baptiste Janisset et Mekef.

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<strong>Le</strong> <strong>Petit</strong> <strong>Journal</strong><br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

MARIUS DANSOU<br />

INTERVIEW DE MARIUS<br />

DANSOU<br />

même avec le fer à béton sur les tresses et ça m’a encouragé<br />

à continuer.<br />

A J : Depuis quelques années, on assiste à une véritable<br />

reconnaissance internationale de l’art contemporain<br />

en Afrique, comment l’expliques-tu ?<br />

Au Bénin, et plus généralement en Afrique, la coiffure<br />

féminine a une fonction de langage social particulièrement<br />

élaboré. Selon la manière dont elle a structuré ses<br />

cheveux, la femme qui l’arbore indique ses intentions,<br />

son humeur. Des coiffures très codifiées au point de<br />

constituer un véritable « langage des coiffures ». L’une<br />

des plus explicites est nommée : « Si tu sors, je sors ».<br />

plusieurs expositions au Bénin, au Togo, au Sénégal, en<br />

Angleterre et en France. ■<br />

André Jolly<br />

André Jolly : Comment est né ton intérêt pour les<br />

arts plastiques ?<br />

Marius Dansou : À la fin de mes études au lycée, je<br />

dessinais, je sculptais du bois de pirogue pour faire<br />

apparaître des visages. Puis j’ai intégré l’atelier de Dominique<br />

Zinkpè. A cette époque-là, il y a eu un moment<br />

important, ce fut le projet de Dominique, ‘’Boulv’Art<br />

– <strong>Le</strong>s artistes dans la rue’’, un atelier à l’air libre, à la<br />

place de l’Étoile Rouge. J’ai participé, mais pas comme<br />

artiste, en fait je jouais le rôle de coursier. Quand il y<br />

avait besoin de quelque chose, c’est moi qui filais pour<br />

trouver et rapporter. Mais c’était la première fois que je<br />

voyais tant d’artistes travailler ensemble, des Béninois,<br />

des artistes étrangers. Il y avait une super ambiance et<br />

ça m’a vraiment motivé, donné l’envie de me lancer à<br />

mon tour.<br />

A J : Dans le bureau de Noël Vitin, à l’Institut Français,<br />

il y a y a un genre d’applique en métal sur le mur<br />

faite par toi. Elle date du moment où tu as commencé<br />

à travailler le fer ?<br />

M D : Comme je te l’ai dit, j’ai commencé avec des<br />

visages sculptés dans le bois de pirogue. Puis j’ai associé<br />

du métal, donc bois + métal, toujours pour représenter<br />

des visages. Puis, petit à petit, la matière métal<br />

s’est imposée à moi. Donc oui, ce travail dans le bureau<br />

de Noël, c’est à l’époque où j’ai commencé à travailler<br />

exclusivement sur le métal, avec le fer à béton. Lorsque<br />

je travaillais les masques en bois ou en fer, ma vision<br />

était en 2D. Depuis que les sculptures de têtes sont<br />

apparues, je modèle le fer en 3D.<br />

A J : En effet, ton travail a beaucoup évolué. Il est<br />

connu pour tes œuvres inspirées des coiffures féminines.<br />

Comment s’est produite cette évolution ?<br />

M D : C’est parce que nous avons beaucoup évolué. Au<br />

Bénin, par exemple, cette évolution est née, selon moi,<br />

avec des initiatives comme Boulv’Art en particulier. <strong>Le</strong>s<br />

artistes se sont remis en question, ont été confrontés<br />

à d’autres artistes, à d’autres expériences. Si on prend<br />

par exemple Gérard Quenum, il avait fait une première<br />

installation. Depuis, il en fait d’autres, s’est lancé dans<br />

la peinture. Boulv’art, ça nous a beaucoup motivé. On a<br />

travaillé. Si l’Afrique est bien reconnue aujourd’hui, ça<br />

vient donc des artistes eux-mêmes.<br />

A J : A côté de ton travail d’artiste, tu as une autre<br />

activité qu’on peut résumer par le mot « Parking ».<br />

M D : Avec mes amis, on a remarqué qu’à Cotonou, il<br />

n’y a pas vraiment de lieu de rencontre pour les artistes,<br />

des endroits où ils puissent se retrouver pour discuter,<br />

échanger. D’où l’idée du « Parking », un bar qu’on a créé<br />

avec Benjamin Déguénon. Pas une simple buvette. On<br />

y accrochait des œuvres de plasticiens, il y avait aussi<br />

des musiciens, des chanteurs qui venaient s’y produire.<br />

Récemment, on a dû changer de place. Maintenant,<br />

c’est toujours le « Parking », mais on est dans un local<br />

plus grand qui comporte une salle d’exposition. C’est<br />

très récent, pour commencer, on a accroché des œuvres<br />

de nous-mêmes et de quelques amis. Mais je prévois,<br />

à la rentrée, de faire une première exposition avec un<br />

photographe. Et bien sûr de continuer avec l’ambiance<br />

musicale. ■<br />

C’est en parcourant les albums photos de sa mère que<br />

Marius Dansou fut frappé par la dimension artistique<br />

et la grande variété des coiffures que celle-ci y arborait.<br />

Il y puise alors son principal sujet pour ses créations. Et<br />

c’est avec un matériau particulièrement viril, difficile à<br />

travailler, le fer à béton, utilisé d’ordinaire sur les chantiers<br />

de construction, qu’il édifie des sculptures inspirées<br />

des coiffures traditionnelles béninoises.<br />

Pour Marius, le fer n’est pas un fil à retordre. Il en fait<br />

un crayon, celui qui dessine, qui trace et qui relie.<br />

D’un côté, la tradition : ce langage des coiffures et le<br />

travail ancestral du fer, dans la continuité des forgerons<br />

royaux de l’ancien royaume du Dahomey et, de l’autre,<br />

la modernité et l’apparente légèreté de sculptures où le<br />

vide et le plein se répondent pour atteindre un esthétisme<br />

d’une grande délicatesse.<br />

Au-delà de ressusciter des coiffes du patrimoine, l’artiste,<br />

pris dans le tournis des formes, s’est mis à sculpter<br />

des coiffures au gré de son inspiration. Et par un<br />

retournement dont l’art a le secret, certaines sculptures<br />

se sont échappées de l’atelier et des salles d’exposition<br />

pour se percher sur les têtes de jeunes filles.<br />

C’est ‘’la nature qui imite l’art’’ soutenait Oscar Wilde.’’<br />

(Saidou Alceny Barry , dans Bois Sacré, 2014)<br />

Ses travaux récents ont valu à Marius de participer à<br />

Coiffe béninoise, © Sophie Négrier.<br />

M D : En fait, l’idée m’est venue en voyant une photo<br />

de ma mère quand elle était jeune fille. Elle devait avoir<br />

dans les 25 ans. C’était l’époque des coiffures afro, mais<br />

là, c’était une coiffure très élaborée, très belle. Je me<br />

suis posé la question, le défi d’arriver à représenter ces<br />

tresses avec mon fer à béton.<br />

A J : Comment résous-tu l’apparente contradiction<br />

qu’il y a entre la rigidité du fer à béton et la souplesse,<br />

la flexibilité des tresses ?<br />

M D : J’ai beaucoup travaillé pour arriver à manipuler<br />

le fer à béton, à le dominer et à me l’approprier et à partir<br />

de là, à représenter toute la diversité et la souplesse<br />

des tresses africaines.<br />

A J : Est-ce qu’il y a des artistes qui t’ont influencé, aidé ?<br />

M D : Oui, il y a Dominique Zinkpè. J’ai intégré son<br />

atelier très tôt et comme je te l’ai dit, participé d’une<br />

certaine façon à Boulv’Art. Mais je ne suis pas, à vrai<br />

dire, influencé par son travail. C’est plutôt le personnage<br />

qui m’a impressionné, son énergie, sa façon de<br />

travailler, de penser, d’encourager les autres. J’ai aussi<br />

été impressionné par les photos de tresses du nigérian<br />

Okhai Ojeikere, son catalogue « Hairstyles », en noir<br />

et blanc, est étonnant et montre ces coiffures très élaborées<br />

crées par les Nigérianes. Mais j’ai découvert ces<br />

photos quand j’avais déjà commencé à travailler moi-<br />

p. 14<br />

p. 15

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