Catalogue Culture Vélo 2018

LE VÉLO,
TOUT SAUF
L’ENNUI
Rien de tel pour faire le point sur la montée en puissance du
vélo de mobilité dans la vie de tous les jours, que de demander
à un spécialiste de la course cycliste, comme Patrick Chassé,
d’où vient ce vent favorable qui pousse la bicyclette à se
faufiler partout où le besoin de liberté se fait sentir.
De l’ambiance, de l’esprit et une lecture de la course qui ont du
vous coller au canapé ces derniers mois, alors que vous auriez
du refaire le toit de la véranda. Ecoutons celui qui pratique
autant qu’il aime, de Bordeaux à Paris et peut-être même de
l’un à l’autre, un de ces quatre.
PATRICK CHASSÉ
Journaliste de formation, producteur, Patrick Chassé commente et anime aujourd’hui les grands rendez vous de cyclisme sur la Chaîne l’Equipe.
QUEL REGARD PORTEZ VOUS SUR TOUTES CES PERSONNES
QUI SE REMETTENT AU VÉLO CHAQUE JOUR, PARTOUT EN
FRANCE ? AVEZ VOUS L’IMPRESSION QUE LA VITRINE DU
CYCLISME DE COMPÉTITION LES A TOUCHÉ DE SA GRÂCE ?
Non. C’est autre chose. Il y a une nécessité derrière ce phénomène mais également une
prise de conscience. Celle qu’il faut retrouver l’usage de sa mobilité et cela ne concerne plus
uniquement les milieux urbains. Après, un vélotafeur et un compétiteur peuvent avoir des
points communs. Dans les 2 cas, il y a une perspective de loisir, de plaisir, de bien-être. Le
vélotafeur le découvrira à l’usage alors que c’est la motivation première d’un cyclo licencié.
Il faut du temps pour que cette mutation produise ses effets. Et c’est toujours un peu cela
le problème : la logique aberrante du “ temps court ” qui ne laisse aucune chance au changement
de fond. A Bordeaux, où je vis à mi-temps, on a interdit la circulation automobile
sur le Pont de Pierre, l’un des 4 seuls ponts pour traverser la Garonne en agglomération.
Evidemment, comme toute mesure imposée en France, ça couine. La solution du vélo ne
relève pas toujours du libre arbitre quand il s’agit de raccourcir ses temps de transport. C’est
une nécessité, on va dire “ pour la bonne cause ” et à long terme, tout le monde y trouvera
sans doute son compte. Il faut juste laisser les choses se mettre en place avant de juger de
leur efficacité.
LE GRAND RETOUR DU VÉLO DANS NOS SOCIÉTÉS
ENGOURDIES, VA T’IL REDONNER UN PEU D’AIR AU
DÉPLACEMENT QUOTIDIEN ?
En ville, le VAE va remplacer petit à petit le 2 roues motorisées, parce qu’il est moins dangereux.
Aujourd’hui, sur un scooter, tu te fais peur. Et les images d’accidentés ne cessent de
t’habiter. Les vélos à assistance électrique sont plus maniables, plus légers et la limitation
de vitesse à 25 km/heure est un facteur rassurant. Ils vont s’imposer. L’usage du vélo induit
des comportements de conduite plus fluides. Après, il y a les problèmes de cohabitation
entre les différents usagers. Il faut à tout prix désamorcer les conflits. Le vélo débarque
aujourd’hui en ville en “ libérateur ”. Avec parfois un esprit de conquête sur l’automobile,
non dénué d’arrière-pensées. De fait, le ton monte facilement entre un gars confiné dans
sa voiture et celui à vélo qui te nargue, pas toujours gentiment, en se jouant des embouteillages.
Ces derniers temps, j’ai tendance à faire plus de reproches aux cyclistes. Moins
de provocations, de virulence, de polémiques via les réseaux sociaux et le partage de la
route sera beaucoup plus naturel et apaisé. La démonstration d’une certaine bienveillance
doit venir des vélos, le trait d’union d’une mobilité apaisée entre piétons et automobilistes.
différents, on ne va pas changer pas d’état d’esprit en fonction de sa monture. Je ne me
sens pas différent de quelqu’un qui se contente de rouler en VLS (Vélo Libre Service). Le
vélo est accessible physiquement et doit le rester économiquement.
C’est une des conditions pour en faire une nouvelle norme de nos usages en termes de déplacement
et de respect de l’environnement et cela ne nous interdira même pas de nous
identifier secrètement aux plus grands champions cyclistes ! A vélo, il y aura toujours de la
place pour tout le monde.
200 EUROS DE PRIME D’ETAT POUR L’ACHAT D’UN VAE,
ALORS QUE LE VÉLO TRADITIONNEL NE BÉNÉFICIE
D’AUCUN SOUTIEN. C’EST RAISONNABLE, POUR
UNE SOCIÉTÉ QUI DOIT ASSURER SA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE ?
Non, évidemment. Le vélo dans son ensemble doit être encouragé. Le Vélotaf en particulier.
Pour moi c’est le point de départ. Hier, lorsque j’arrivais au bureau à vélo, je passais
pour un original. Et depuis peu, pour un “ bobo à la mode ”. En encourageant massivement
les gens à s’équiper, on inversera cette perception et le pari sera gagné. Maintenant, toutes
les formes de soutien à la pratique du vélo sont bonnes à prendre. Tout simplement parce
que la multimobilité des individus va devenir une tendance incontournable. L’idée que
chacun d’entre nous peut être un utilisateur de vélo potentiel va s’installer. Derrière chaque
conducteur de voiture ou de scooter, il y a un cycliste qui s’ignore (plus pour longtemps…).
PENSEZ VOUS QU’ON PUISSE UN JOUR REMPLACER LE
PARKING AUTOMOBILE DES BUREAUX DE L’EQUIPE, PAR UN
VASTE RACK À VÉLO?
Pas gagné. Même si à l’Equipe, on a tout l’espace nécessaire pour accueillir les cyclistes. La
voiture, on en a besoin. Arrêtons la chasse aux sorcières. Le mec qui vient en voiture bosser,
on ne lui donne pas toujours le choix ou la solution. Le jour où tu arriveras dans une société
où tes collègues sont tous des vélotafeurs, ou que ta boite te proposera de subventionner
l’achat de ton vélo comme elle te rembourse aujourd’hui ton pass Navigo, ca bougera parce
que tu voudras – toi aussi- être mainstream. Le mode de transport dominant va changer et
le phénomène va s’enclencher. L’Equipe ne sera pas en reste, on s’en doute.
LE VÉLO DE MOBILITÉ DEVIENT UN PHÉNOMÈNE DE
SOCIÉTÉ QUI MOBILISE LES FRANÇAIS. IL Y A 30 ANS C’ÉTAIT
UNIQUEMENT UN PHÉNOMÈNE SPORTIF, AVEC LE TOUR PAR
EXEMPLE. L’ATTRACTIVITÉ DU VÉLO SE DÉPLACE SELON
VOUS ?
Le vélo est en mouvement. Physiquement et socialement. Une dérive de ce mouvement
consisterait à reproduire les mêmes modèles de consommation en catégorisant . Les
usagers. Les usages excentriques, les effets de mode, les codifications des schémas de
consommation visent à créer des signes de différenciation. C’est inévitable et cela séduit
de nouveaux usagers. Mais ces différents modes de consommation (sport, fixie, VAE…) ne
doivent pas opposer les pratiquants les uns aux autres. On peut avoir un seul ou trois vélos
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WE
ARE
CULTURE
VÉLO