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rapport_violences_policieres_acat (1)

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74 RAPPORT D’ENQUÊTE . L’ORDRE ET LA FORCE<br />

TÉMOIGNAGE<br />

« J’ai été extrait du centre<br />

de rétention pour être<br />

conduit [au commissariat<br />

de] Chessy. L’officier de<br />

police judiciaire auquel<br />

j’ai été présenté m’a<br />

découragé de porter<br />

plainte, en me disant que<br />

cela ne servirait à rien et<br />

que je risquais trois mois<br />

de prison si je portais<br />

plainte. J’ai eu peur et<br />

je n’ai donc pas porté<br />

plainte. ¨* »<br />

* Témoignage recueilli par La Cimade le<br />

10 septembre 2014 dans le cadre d’une<br />

saisine du Défenseur des droits et<br />

transmis à l’ACAT à la suite d’un entretien<br />

le 15 janvier 2015<br />

LORSQUE LES FORCES DE L’ORDRE REFUSENT D’ENREGISTRER DES PLAINTES<br />

La loi oblige tout agent de police judiciaire à recevoir les plaintes déposées par les victimes<br />

d’infractions 148 . Pourtant, lorsqu’il s’agit de déposer plainte auprès d’un policier ou d’un<br />

gendarme concernant des faits commis par un membre du corps auquel il appartient, il<br />

n’est pas rare de se voir opposer un refus. À de très nombreuses reprises, la CNDS puis<br />

le Défenseur des droits ont dénoncé ces pratiques. La CNDS constatait ainsi en 2010,<br />

et ce pour la dixième année consécutive, des refus de la part d’agents d’enregistrer des<br />

plaintes contre les membres du corps auquel ils appartiennent 149 . Des témoignages de<br />

refus de plainte ont également été portés à la connaissance de l’ACAT au cours de son<br />

enquête. Plusieurs avocats rencontrés estiment que les refus de plaintes dans des affaires<br />

d’usage excessif de la force par la police ou la gendarmerie sont fréquents. Certains ont<br />

ainsi expliqué à l’ACAT qu’ils conseillent désormais à leurs clients d’adresser leur plainte<br />

directement au procureur de la République, afin de leur épargner des démarches inutiles.<br />

Certaines associations présentes dans les centres de rétention témoignent à leur tour de<br />

difficultés à faire enregistrer des plaintes par les agents de police assurant la gestion des<br />

CRA, et la majorité d’entre elles transmettent elles-mêmes les plaintes au procureur de la<br />

République.<br />

LORSQUE LES FORCES DE L’ORDRE DISSUADENT DE PORTER PLAINTE<br />

Sans être confrontées à un refus de plainte explicite, les victimes sont parfois fortement<br />

dissuadées dans leur démarche. Des échanges verbaux avec des agents leur expliquant<br />

que la procédure sera longue et coûteuse ou qu’ils risquent à leur tour de faire l’objet<br />

de poursuites pénales ont par exemple conduit certaines personnes à renoncer à porter<br />

plainte ou à retirer la plainte qu’elles avaient pu déposer. L’ACAT a reçu plusieurs témoignages<br />

en ce sens concernant notamment des personnes placées en centre de rétention.<br />

Dans plusieurs situations, les associations intervenant en CRA ont constaté, par exemple,<br />

que des personnes retenues avaient renoncé à un dépôt de plainte après avoir été convoquées<br />

par le responsable du centre, ou après avoir discuté avec des agents de police.<br />

LES ASSOCIATIONS D’AIDE AUX VICTIMES MENACÉES<br />

L’enquête conduite par l’ACAT a révélé que les plaignants ne sont pas les seuls à être la<br />

cible de pressions. Plusieurs associations intervenant en CRA ont porté à la connaissance<br />

de l’ACAT des faits inquiétants. Trois salariés de l’association ASSFAM ont ainsi été convoqués<br />

par l’IGPN après avoir transmis au procureur des plaintes de personnes retenues. Le<br />

<strong>rapport</strong> sur les centres et les locaux de rétention administrative pour 2013 précise ainsi<br />

que « les intervenants [de l’ASSFAM], convoqués à plusieurs reprises et interrogés [par<br />

l’IGPN] sur leur rôle en matière de plaintes, ont été oralement invités à privilégier les mains<br />

courantes aux plaintes et à distinguer par eux-mêmes les actes de <strong>violences</strong> policières<br />

des techniques d’immobilisation 150 . » En 2013, une intervenante de La Cimade au CRA de<br />

Cayenne a par ailleurs été convoquée une fois par la police judiciaire et questionnée sur<br />

une plainte qu’elle avait transmise, se voyant reprocher notamment d’inciter les personnes<br />

retenues à porter plainte. Dans une autre situation, le personnel de La Cimade intervenant<br />

au CRA du Mesnil-Amelot a été convoqué par le capitaine de police d’un commissariat au<br />

sujet d’une plainte considérée par ce dernier comme abusive. Il en est de même concernant<br />

l’association Forum Réfugiés. Fin 2012, deux de ses salariés intervenant au CRA de<br />

Marseille avaient aidé une personne à rédiger une plainte signalant des <strong>violences</strong> qu’elle<br />

disait avoir subies lors d’une tentative de reconduite à la frontière. Les deux intervenants,<br />

ainsi que l’association Forum Réfugiés, ont, dans le cadre de cette affaire, été poursuivis<br />

pour dénonciation calomnieuse, plainte finalement classée sans suite par le Parquet.<br />

148. Code de procédure pénale, article 15-3<br />

149. Voir par exemple CNDS, Avis 2008-44, 2008-88, 2008-120, 2009-48, 2009-155 et 2010-10 ; Défenseur des droits, Rapport<br />

annuel 2011, p. 129<br />

150. ASSFAM, Forum Réfugiés, France Terre d’Asile, La Cimade, Ordre de Malte, Centres et locaux de rétention administrative, <strong>rapport</strong><br />

2013, p. 43

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