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Epistemologie des sciences sociales

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prend volontiers l’appellation de « cultural studies » ;<br />

il se surdétermine enfin, en ce que, si chaque pôle est une constellation de positions, de courants, de<br />

références illustrant à l’envi la tendance à la dissémination et à la pluralisation analysée dans les<br />

points précédents, l’ensemble paraît marqué par un clivage majeur, qui de marginal dans la période<br />

antérieure, occupe le devant de la scène à partir <strong>des</strong> années soixante dix : celui entre rationalisme<br />

d’un côté, relativisme et postmodernisme de l’autre [58]. Le rationalisme (parfois qualifié de néorationalisme<br />

chez certains auteurs), pose comme critère fondamental de scientificité la réduction du<br />

discours à un ensemble cohérent d’énoncés empiriquement étayables. Il admet, dans ce cadre, divers<br />

programmes et se scinde en deux orientations fondamentales distinctes, selon le statut attribué à<br />

l’intentionnalité et à la subjectivité <strong>des</strong> acteurs : cette question est suffisamment prégnante pour<br />

générer les deux traditions de recherche différentes associées aux deux premiers pôles. En revanche,<br />

toutes deux se distinguent – malgré les revendications en paternité de tel ou tel auteur – du<br />

relativisme qui submerge le troisième pôle dans la période récente : les notions mêmes de<br />

scientificité et de critère de scientificité y deviennent illusoires et superfétatoires.<br />

Il est donc possible de reconstruire l’espace épistémologique actuel de ces disciplines de deux façons<br />

différentes : 1 / à partir de leurs prémisses et de leurs implications, selon l’opposition<br />

rationalisme/relativisme ; dans ce cas, les deux premiers pôles relèvent du rationalisme expérimental,<br />

mais se distinguent l’un de l’autre en ce que le premier pense possible de réduire le sujet et le sens, ce<br />

que le second refuse, s’ouvrant ainsi à la raison interprétative [59] ; 2 / à partir de la dynamique et de la<br />

pragmatique <strong>des</strong> débats et <strong>des</strong> affrontements ; à ce niveau, le second pôle est souvent amené à occuper<br />

une position de médiation ou de tentative de dépassement <strong>des</strong> polémiques nouées entre les deux autres,<br />

dès lors qu’elles ne se posent pas au niveau générique de l’opposition entre rationalisme/relativisme,<br />

mais à celui du sens et de l’action. Des auteurs comme Giddens (1976, 1984) ou Habermas en sociologie<br />

(1987), Moscovici en psychologie sociale (in Jodelet et al., 1970), illustrent bien cette position.<br />

C’est cette perspective dynamique et pragmatique que nous allons adopter : nous présenterons donc<br />

d’abord les deux extrêmes, le pôle positiviste et le pôle textualiste et constructiviste, et en dernier, le<br />

pôle du rationalisme non réductionniste.<br />

1 / Le premier pôle qualifié de positiviste, logiciste, cognitiviste, maintient dans un univers dont nous<br />

avons indiqué ci-<strong>des</strong>sus combien il avait été bouleversé dans ses valeurs et ses certitu<strong>des</strong>, l’idéal du<br />

positivisme logique et du béhaviorisme. Il oscille entre diverses versions entre lesquelles le lien le plus<br />

clair est la mise entre parenthèses du sujet. Ne renonçant pas à la tradition stricte de la démarcation<br />

(Cuin, 2000), foncièrement hostile aux dérives herméneutiques, il poursuit et élargit le mouvement<br />

d’affinement <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> logiques et mathématiques engagé dans les <strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong> depuis le début<br />

du siècle. Il reçoit, notamment en psychologie sociale, l’appui incontestable du cognitivisme et de ses<br />

succès [60]. Ce dernier, en ramenant les diverses formes de connaissance au modèle unique de la<br />

cognition et en cherchant à décrire par la formalisation de mécanismes infraconscients ses structures<br />

fondamentales, produit un modèle alternatif et puissant à l’ancien béhaviorisme, susceptible de mordre<br />

sur les <strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong> et d’entraîner un cognitivist turn… On peut le voir notamment à l’œuvre en<br />

anthropologie, dans les tentatives d’élaboration d’une théorie « naturaliste » de la culture (Sperber,<br />

1996). Bien qu’en totale opposition à l’atomisme logique associé à ce courant, et par divers côtés<br />

ambigu [61], le structuralisme peut être rattaché à ce pôle, notamment dans ses implications<br />

épistémologiques objectivistes. Ainsi, le Métier de sociologue (Bourdieu et al., 1968) qui, en France,<br />

renouvela brillamment l’objectivisme durkheimien au moyen de l’épistémologie de Bachelard est à la

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