Epistemologie des sciences sociales
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second, plus marginal et moins unifié, a son point de départ en ethno-méthodologie. On insiste sur le fait<br />
que l’intervention supposée d’abord épistémique de l’observateur sociologue ou ethnologue l’engage<br />
dans une interaction, et qu’inversement les acteurs, eux, passent une bonne partie de leur temps à rendre<br />
compte de leurs actions, qu’ils ont donc une activité cognitive interactive. On étudie ces interactions, à la<br />
fois actionnelles et cognitives.<br />
Le dernier programme résulte de ce déplacement de la sociologie du système à l’acteur. On reconnaît<br />
toujours la spécificité du social collectif, le fait que les normes, les valeurs collectives et les institutions<br />
doivent être présupposées pour comprendre les activités individuelles, mais on ne croit plus que la notion<br />
de système (Parsons) ou de structure d’une société puisse être identifiée en présupposant la cohérence de<br />
ses fonctions et de ses rôles. À vrai dire, pas un sociologue n’a soutenu une thèse aussi forte, et souvent<br />
ont été introduites <strong>des</strong> distorsions entre explication systémique et vécu <strong>des</strong> acteurs. Ainsi Bourdieu avait<br />
proposé une explication exigeant le pli d’une double structure interne, qui pouvait rester inconsciente –<br />
d’un côté le maintien ou l’accroissement du capital symbolique, via de l’autre les habitus – derrière deux<br />
faces visibles, les enjeux symboliques de prestige et de statut social, et les échanges économiques. Mais<br />
cet agencement présupposait une articulation entre économie et prestige social, et certains de ceux qui ont<br />
suivi Bourdieu, ne parvenant pas à établir une articulation bien définie, ont préféré retrouver dans<br />
l’acteur le croisement de toutes les perspectives. Ils évitent de devoir présupposer le mode d’unité ou<br />
d’articulation du social puisque la tâche de cet acteur est précisément de jouer de la diversité peu<br />
réductible <strong>des</strong> dimensions <strong>des</strong> activités <strong>sociales</strong>. Nous allons esquisser le premier programme, et voir<br />
quelles sont ses difficultés. Nous signalerons ensuite quelques voies du second et du troisième et nous<br />
demanderons si action et cognition peuvent être <strong>des</strong> objets communs entre les trois.<br />
Le programme « économiste »<br />
La cohérence en est imposante. On proposera de progresser en parallèle dans deux voies, l’une théorique<br />
et formelle, l’autre expérimentale ou plus généralement empirique. Un modèle de théorie nous est donné<br />
par l’économie, en combinant théorie de la décision, théorie de l’équilibre général et théorie <strong>des</strong> jeux. La<br />
première nous donne une définition de la rationalité d’une décision pour un agent, étant donné ses<br />
préférences et les conséquences probables <strong>des</strong> différentes actions qui s’offrent à lui – on suppose qu’il «<br />
maximise » l’utilité qui découle pour lui de l’action choisie. La seconde nous montre comment <strong>des</strong><br />
décisions prises par les individus, au niveau dit « micro », donnent <strong>des</strong> résultats agrégeables au niveau «<br />
macro », si ces activités individuelles s’inscrivent dans un processus d’échange. La troisième suppose<br />
que les acteurs individuels n’agissent pas simplement de manière indépendante, mais qu’ils tiennent<br />
compte du fait que leurs actions vont induire <strong>des</strong> réactions <strong>des</strong> autres, réactions elles-mêmes déterminées<br />
en fonction de ce qu’ils supposent être les actions <strong>des</strong> premiers. Du point de vue épistémologique, la<br />
première pose un cadre conceptuel et le lie à une axiomatique, la seconde montre l’existence d’un<br />
équilibre et propose de reconstruire les données à partir de ce point d’équilibre, la troisième propose un<br />
mode de calcul <strong>des</strong> interactions, mais ses présupposés conceptuels et axiomatiques ne sont pas totalement<br />
éclaircis.<br />
Tout ce programme présuppose la rationalité <strong>des</strong> acteurs. Cette rationalité est d’abord normative, puis on<br />
affine le modèle pour se rapprocher de conditions plus réalistes. Ainsi, on suppose d’abord une<br />
information parfaite, puis on admet que l’information est limitée, et même que son acquisition exige un<br />
certain coût. Mais ces limitations restent encore définies de manière théorique. Elles consistent surtout à<br />
introduire de l’incertitude. Dans tous les cas, on pose la norme de maximisation de l’utilité (pondérée par