compréhension du système des castes que la négation moderne de la hiérarchie ne permet pas d’aborder directement. Disposant alors comme Tocqueville d’un point de comparaison extérieur, il était en mesure de retourner sur nous-mêmes le « miroir indien ». Ainsi était réalisée « la mise en perspective hiérarchique de l’idéologie individualiste ». Toutes les objections formulées à l’encontre du holisme méthodologique sont-elles écartées ? Il en subsiste qui portent sur l’objet envisagé – l’individualisme –, et sur la méthode employé – le holisme. Un fois de plus, il convient de clairement distinguer l’individualisme comme règles de compréhension et d’explication propres à une méthode de l’analyse sociologique, et l’individualisme comme système de valeurs et de préférences collectives caractéristique de la société moderne. En tant que système, il ne se présente pas comme un ensemble cohérent. Il existe plusieurs traditions individualistes, les unes religieuses, les autres laïques. Aussi L. Dumont procède-t-il à une série de distinctions. Suivant la suggestion de Max Weber, il distingue l’« individualisme dans le monde », qui concerne un individu « social en fait » et vivant en société – même si en tant qu’être moral il est « non social » en principe et en pensée –, et un « individualisme hors du monde », qui concerne un individu « autonome, indépendant, ayant quitté la société proprement dite » – comme le renonçant indien. « En fait d’individu », il déclare qu’il faut également distinguer « le sujet empirique, échantillon indivisible de l’espèce, de l’être moral tel qu’on le rencontre avant tout dans notre idéologie moderne de l’homme et de la société ». De la même façon, Max Weber oppose l’individu agent empirique, matière première de toute sociologie à « l’être de raison, le sujet normatif des institutions ». On s’achemine ici, par le rejet de toute conception substantialiste, vers une vue à la fois relationnelle et relativiste de l’individu qui, pas plus que la société globale, n’est une donnée auto-subsistante. L’idée d’une totalité sociale strictement déterminée par l’idéologie est également ambiguë. On peut, en effet, douter de la cohérence des totalités idéologiques dont procéderaient les sociétés. Les idéologies modernes ne sont-elles pas plutôt des compromis à équilibre instable ? La conception holiste, dans la mesure où elle fait de chaque société la copie de son modèle idéologique, la renferme sur elle-même. Pourtant L. Dumont, qui invoque l’unité du genre humain, tient à ce que chaque totalité soit ouverte sur les autres. On ne peut résoudre l’incompatibilité entre le principe universaliste et cette fermeture de « totalités sociales » qu’en ne considérant pas ces dernières comme concrètes. L. Dumont lui-même reconnaît que « l’idée du tout, séduisante, reste énigmatique et par trop concrète ». Ces totalités sont des rapports d’interdépendance pensés et pratiqués par des sujets normatifs et non vécus par des individus empiriques. Pour sortir des confusions engendrées par la notion de holisme, il faut donc « renoncer au préjugé substantialiste qui confond réalité et totalité, et traiter la vie sociale comme un processus de communication avec des degrés variables d’objectivité et d’efficacité. C’est en fonction de ces deux caractères que la notion de totalité sociale pourra être (elle aussi) appréhendée dans une perspective relationnelle et relativiste » (F. Bourricaud, 1984). Quelle valeur accorder, en définitive, à l’opposition holisme/individualisme. Cette opposition suffit-elle à distinguer des types sociaux ? Ne tire-t-elle pas sa validité et sa signification de n’être qu’une abstraction ? Si l’on peut effectivement qualifier une idéologie de holiste ou d’individualiste, on s’expose à quelques dangers en accolant ces mêmes termes à des sociétés. On sait ce qu’il faut penser de la distinction « sociétés traditionnelles / sociétés industrielles » : ce sont des schématisations commodes qui ne résistent pas à une analyse approfondie du changement social. Il n’empêche, comme l’écrit R. Boudon (1982), qu’une tradition sociologique importante qui va de Montesquieu à l’anthropologie structurale s’intéresse à l’analyse synchronique des systèmes d’institutions sociales. Dans ce cas, il s’agit de rendre compte d’un ensemble d’institutions observées dans une société donnée et à une époque
donnée. « Supposer que les institutions sont cohérentes revient à supposer qu’elles s’impliquent réciproquement et par conséquent forment un système. » De l’identification d’ensembles d’éléments interdépendants, on passe cependant à la détermination de types de systèmes ; et sur les types ainsi dégagés, les interprétations diffèrent singulièrement. Le dossier naguère constitué par A. Guerreau (1980) sur le féodalisme le montre bien à propos de ce qui est communément désigné par les expressions, à tort indistinctement employées, de « société féodale », « régime féodal », « féodalité ». Ces systèmes sont globalement analysés en termes d’organisation, de distribution, de cohésion, de « niveaux », que l’on déclare « articulés », d’agencements que l’on dit plus ou moins rigides ou plus ou moins plastiques. L. Dumont (1964) manifestait une salutaire prudence en invitant à renoncer à ces liaisons et à la légalité qu’elles postulent. « Il faut nous pénétrer de ce principe que nous ne connaissons pas la loi générale des rapports entre les divers niveaux que nous distinguons à l’intérieur d’une société : nous avons, au contraire, à découvrir la nature de ces rapports dans chaque cas concret et, si elle n’est pas conforme à nos préjugés, à nous incliner devant le fait. » Mais trop souvent des postulats réifiés président à la construction de modèles destinés à rendre compte de la totalité des phénomènes observés, et qui finissent par se confondre avec la réalité présente ou passée. En histoire, on soutiendra ainsi : « Toutes les sociétés, dans une certaine aire géographique (ou mieux géographico-historique, et pendant une plus ou moins longue durée, ont fonctionné selon un modèle : le concept qui exprime le mieux l’agencement, l’interdépendance hiérarchisée des éléments qui le composent est celui de système. Mieux que celui de structure plus limité et plus immobile, quoique utile à certains niveaux, il rend compte de la cohésion de ce qu’il décrit sans en exclure, au contraire, les possibilités de contradictions. » De ce système, on étudiera le fonctionnement-évolution. « Tel est le mécanisme fondamental de l’histoire des sociétés que l’historien doit déceler, analyser, expliquer » (J. Le Goff, 1980). Ces vues schématiques et d’autres similaires sont généralement ralliées et reçues sans discussion. Il n’est pas sans intérêt de les examiner à la lumière de quelques études et essais qui intéressent la philosophie des sciences sociales et les méthodes propres à la sociologie. Critique du totalisme Le texte classique de F.-A. Hayek, Scientisme et sciences sociales (1952), développe une critique solidement argumentée de l’objectivisme, du totalisme et de l’historicisme scientistes. Il traite directement de l’extension aux sciences humaines des procédures qui ont fait leur preuve dans les sciences de la nature – et indirectement des différents modes de connaissance des phénomènes sociaux. Pour ces dernières sciences, la tâche consiste à restreindre les sensations à leur domaine, à revenir aux faits objectifs, à réviser systématiquement les concepts du sens commun en les reconstruisant au moyen de l’expérimentation. À côté de ce remodelage conceptuel, les sciences sociales sont aux prises avec une question qui en dessine le domaine : « Comment, par ses actions, déterminées par ce qu’il croit savoir, par ses opinions et ses conceptions, l’homme construit un autre monde dont l’individu fait partie ? » Les termes mêmes dans lesquels la question est posée montrent que le progrès dans des disciplines suppose une application effective du subjectivisme ; plus précisément, il exige la reconnaissance du caractère subjectif des faits sociaux, et, corrélativement, le renoncement à traiter de façon purement objective ces derniers qui doivent, au contraire, être toujours rapportés à un dessein humain. On voit que l’explication d’un phénomène donné, si elle peut ne pas nécessiter une connaissance supplémentaire de sa nature spécifique, requiert souvent que l’objet auquel elle s’applique soit étudié en termes de perception et de représentation.
Épistémologie des sciences social
consolident à la fois l’espace a
- entendues au sens large - confron
acceptant diverses contraintes synt
ces cas, les interférences avec le
suivent privilégient soit l’ordr
[3] Notamment dans ses liens avec l
1 - Les sciences historiques par Ja
à la formulation théorique et à
Cette opération, on le sait, l’h
s’interdisait d’aller chercher
L’opposition ne passe donc pas en
l’histoire, qui est épopée et q
servir à cette opération). On ret
est sans doute excessive mais elle
Simiand et qu’il s’efforcera d
problèmes de description - mieux,
durée : régularités qui affecten
ne relève pas, par exemple, de l
cognitive telle que la conçoit et
professionnelles, tantôt la naïve
suggère une réponse globale. Le r
Boutier J., Julia D. (éd.), Passé
White H., Metahistory. The Historic
[37] G. A. Reisch, « Chaos, Histor
2 - La géographie par Jean-Franço
discipline peut envisager de traite
mérite de soulever le problème de
entreprises et des collectivités l
La géographie régionale s’est
Toutefois, la principale subdivisio
peut-elle faire comprendre Paris ou
permet de les repérer. La démarch
Source : R. Brunet, Géographie uni
La géopolitique et la géographie
Outre que la géographie néopositi
techniques de transport, des goûts
Les débats épistémologiques et m
prétendait traiter la géographie
contemporain, les économistes éta
Le paradoxe de la méta-optimisatio
tous. En simulant mentalement le fo
affaiblis. L’apprentissage épist
partir de ses déterminants de choi
éalisme empirique. De temps à aut
L’expert joue un rôle partisan q
pour son manque de pertinence concr
tenter d’extraire d’expérience
de lui fournir des faits stylisés,
4 - Les sciences du langage et de l
aux conditions empiriques des langu
premier abord très paradoxale, pui
logiciens de Port-Royal ou le premi
des niveaux emboîtés. L’effort
extralinguistique, et Hjelmslev s
tableau combinatoire des unités ph
obéissent à des règles précises
pouvait l’accueillir, en ignorant
ouverts. Toute la sémiologie peirc
stabilisée dans un code : les anim
Un emprunt décisif à la linguisti
ou l’indication : « Prenez la pr
penser, « Je vous félicite » pou
elèverait également de cette cat
Greimas A. T., Sémiotique, diction
[48] Semiotics and Significs, p. 85
psychologie, soit la sociologie ? Q
dans la durée des déterminations
Le contraste n’en est que plus ne
On aimerait pouvoir poursuivre l’
singulières, et l’expérimentati
espaces intermédiaires et transdis
Glissements paradigmatiques Trois m
d’intérêt. Il permettrait peut-
C’est donc du côté des cadres a
indépendantes et en permanente int
car ils constituent des relations d
le constitue comme une réponse imm
dynamique recherche ses lois d’é
méthodologie causale sont abandonn
; 2 / pertinente ; si 1 / il est fa
prend volontiers l’appellation de
ascule d’un paradigme entomologis
Berthelot J.-M., Sociologie. Épist
la querelle allemande des sciences
Paris, puf, 1993. Pour notre part,
Deuxième partie. Les grandes trave
second, plus marginal et moins unif
nos fonctions de choix devient trè
L’acteur avait d’autres préfé
l’individualisme démocratique, l
compte des particularités des lang
créativité représentationnelle e
Maintenant pourquoi un individu aba
comprendre les pratiques. Il ne nou
l’expliquait par une relation de
Troisième partie. Unité et plural
inscrivent le problème dans un esp
variables, d’une discipline à l
tensions internes et sa tendance ir
confirmative ou invalidante. En d
Nous allons, dans un premier temps,
définissant des entités pertinent
a / La logique de cet arbre est tri
— La psychologie qui décide de l
précise un ou des programmes devie
évoquée plus haut - pourra convai
d’arrière-fond, susceptible de t
2. le mode de construction des disc
Le pôle que nous proposons de qual
développent des positions épisté
une entreprise plus modeste, mais p
supprimant. Pôle du symbolique et
comme nous allons le voir, source d
d’un marxisme « fonctionnaliste
Berger P. et Lukmann T., La constru
déviance, Paris, Armand Colin, 199
igueur interne et à son heuristiqu
Philosophie des sciences et philoso
pourraient être tentés de répond
À première vue, les focalisations
moins) dans le cas des théories de
impératifs moraux catégoriques do
Dans toutes les sciences empiriques
1 / Les Balinais désirent proteste
harmonie avec ses désirs et ses cr
contraintes aux attributions de cro
Parmi les problèmes qui ont été
pas symétrique. Par ailleurs : «
critères d’identification d’un
En résumé, cet ensemble d’argum
Prémisse-Propositions particulièr
propriétés susceptibles de change
nier la même proposition en même
Bibliographie Abell P., « Homo Soc
Lazarsfeld P., Philosophie des scie
Table of Contents Épistémologie d
Notes 5 - Les sciences du social Do
Modélisateurs et narrateurs : le d