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Epistemologie des sciences sociales

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[7] La multiplicité <strong>des</strong> scénarios explicatifs est généralement tenue pour normale dans nos disciplines ;<br />

voir P. Ricœur, Le conflit <strong>des</strong> interprétations. Essais d’herméneutique, Paris, Le Seuil, 1969.<br />

[8] J. Revel (éd.), Jeux d’échelle. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard - Le Seuil, 1996.<br />

[9] Une maxime helvétique exprime bien l’universalité de la démarche : « Quand on voir c’qu’on voit<br />

[les observations], quand on sait c’qu’on sait [les analogies], on a raison de penser c’qu’on pense [les<br />

conclusions] » ; voir J.-C. Gardin, article paru sous ce titre dans L’Homme, 1997, n° 143, p. 83 à 90.<br />

Cette « raison » dont la sagesse populaire se réclame est sans doute plus lâche que la rationalité attribuée<br />

à la méthode comparative telle qu’on la pratique dans nos disciplines. La différence majeure tient à la<br />

nature de l’argumentation développée pour établir la pertinence <strong>des</strong> analogies invoquées et justifier les<br />

transferts qui s’ensuivent, d’un contexte d’observation à un autre. Ces contextes sont tous d’ordre «<br />

ethnologique », formellement parlant, en ce sens qu’ils décrivent autant de situations particulières où se<br />

trouvent les acteurs dont on étudie les mœurs, l’histoire, les interactions, les œuvres, etc. L’usage s’est<br />

ainsi établi de faire précéder du préfixe « ethno- » certains types de recherche où les observations<br />

recueillies auprès de sociétés étrangères à celle qu’on étudie servent à fonder ou à critiquer les<br />

interprétations proposées (ex. : l’ethno-archéologie, à la fois pourvoyeuse et pourfendeuse d’idées<br />

inégalement reçues en archéologie ; voir A. Gallay, L’archéologie demain, Paris, Belfond, 1986, p. 165 à<br />

181). La distance qui sépare les cultures ou contextes comparés, en substance ou dans l’espace-temps, est<br />

en préhistoire immédiatement visible ; mais le mode de raisonnement est formellement le même aux<br />

échelles plus courtes où travaillent les « modernistes », sociologues, économistes ou autres.<br />

[10] S. Schama, Dead Certainties (Unwarranted Speculations), New York, Knopf, 1990.<br />

[11] Cl. Grignon, « Le savant et le lettré, ou l’examen d’une désillusion », p. 83, Revue européenne <strong>des</strong><br />

<strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong>, 1996, vol. XXXIV, n° 103, p. 81 à 98. Voir aussi les critiques du « littérarisme » par J.<br />

Bouveresse : « Un abus de pouvoir “scientiste” […] qui consiste à croire que ce que dit la science ne<br />

devient intéressant et profond qu’une fois retranscrit dans un langage littéraire et utilisé de façon<br />

“métaphorique”, un terme qui semble autoriser et excuser presque tout » (Prodiges et vertiges de<br />

l’analogie. De l’abus <strong>des</strong> belles-lettres dans la pensée, Paris, Raisons d’agir, 1999, 4 e de couverture).<br />

[12] Cl. Grignon, art. cité (n. 1, p. 411).<br />

[13] L.-A. Gérard-Varet, J.-C. Passeron (éd.), Le modèle et l’enquête : les usages du principe de<br />

rationalité dans les <strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong>, Paris, Éditions de l’École <strong>des</strong> hautes étu<strong>des</strong> en <strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong>,<br />

1995.<br />

[14] P.-M. Menger, « La temporalité de l’action », in Cl. Grignon et al. (éd.), 2000, sous presse.<br />

[15] D. Casajus, « L’hypercube est-il bon à penser? », p. 116, in L’Homme, 1994, n° 130, p. 111 à 119.<br />

On commenterait dans les mêmes termes certains usages trompeurs de la méthode hypothético-déductive,<br />

considérée ici et là comme un gage de scientificité ; l’archéologie « nouvelle » <strong>des</strong> années 1950-1970,<br />

par exemple, la prisait particulièrement. Or, il est facile de montrer qu’une construction présentée sur le<br />

mode hypothético-déductif est en fait une rationalisation <strong>des</strong> opérations mentales qui l’ont précédée tout<br />

au long d’un processus de découverte où l’empirico-inductif a sa part ; J.-C. Gardin, Une archéologie<br />

théorique, Paris, Hachette, 1979, p. 198 à 201.<br />

[16] On a pu le vérifier récemment à travers les suites de l’« affaire Sokal » en France. Le physicien Alan<br />

Sokal ayant mis en évidence par un pastiche l’inanité de certaines références aux <strong>sciences</strong> naturelles et<br />

aux mathématiques dans la littérature <strong>des</strong> <strong>sciences</strong> de l’homme, nombre d’auteurs réagirent fortement,<br />

indignés qu’on osât s’en prendre à <strong>des</strong> autorités intellectuelles établies et persuadés en outre que Sokal<br />

n’entendait rien à leurs écrits. Le débat, qui dure encore, souligne le défaut de commensurabilité entre les<br />

questions d’épistémologie soulevées par Sokal et les considérations <strong>sociales</strong> ou philosophiques<br />

mobilisées par ses détracteurs. Le point à retenir pour notre propos est que les spécialistes <strong>des</strong> <strong>sciences</strong><br />

naturelles furent peu présents dans le débat, nourri essentiellement par un flot d’articles issus d’experts en<br />

<strong>sciences</strong> humaines ou en philosophie. Sur les objectifs de ce « faux », voir A. Sokal et J. Bricmont,

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