Désolé j'ai ciné #6
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On ne reviendra pas sur la qualité hautement discutable des shows<br />
Marvel qui, hors Netflix (et encore, on n’oublie pas la calamiteuse “Iron<br />
Fist”, dont la seconde saison est plus que jamais dans les tuyaux),<br />
aura aligné plus de déceptions (“The Gifted”, “The Runaways”, “The<br />
Inhumans”,...) que de shows vraiment immanquables (“Legion”); reste<br />
adaptation d’une aventure papier sur le petit écran, un événement à<br />
part entière... et encore plus quand ledit comics n’est pas forcément<br />
connu du grand public.<br />
Librement adapté du plus ou moins confidentiel “La Cape et L’Épée”<br />
et chapoté par Joe Pokaski (scénariste de “Heroes” et de “Daredevil”),<br />
qui en modifie grandement la substance (changement de lieu, de<br />
background pour la naissance des pouvoirs et du statut social des<br />
héros en tête), “Cloak and Dagger” se paye également un pitch plutôt<br />
couillu pour un show de la firme : l’itinéraire de deux adolescents issus<br />
de milieux sociaux différent, Tyrone Johnson et Tandy Bowen, qui<br />
se découvrent des super pouvoirs les liant mystérieusement l’un à<br />
l’autre (le premier peut générer une étrange substance qui lui permet<br />
de se téléporter, la seconde peut faire jaillir des lames brillantes de<br />
ses paumes), dit pouvoirs qui sont encore plus imposants quand ils<br />
sont associés, mais qui pourraient presque s’apparenter à un fardeau<br />
commun.<br />
Transcendant son simple statut de show super-héroïque, la série<br />
s’impose dès son excellent épisode pilote comme un solide et grisant<br />
teen drama férocement ancré dans son époque et son cadre (la<br />
Nouvelle-Orléans, dont les stigmates de l’ouragan Katrina sont toujours<br />
bien présents), tant il traite avec justesse des maux douloureux qui<br />
gangrènent l’Amérique sous Trump : les inégalités sociales, le racisme,<br />
la pauvreté et la violence sous toutes ses formes (les gangs, la police,<br />
l’école,...).<br />
Un monde empoisonné où la vie d’adulte, même dans les quartiers<br />
plus huppés, s’appréhende à la dure; un réalisme rafraîchissant<br />
auquel le show ajoute une description étonnamment profonde de<br />
ses personnages et de leur mal-être évident, renforçant de facto le<br />
sentiment d’empathie envers eux que peut ressentir un spectateur<br />
conquis par ce regard juste et désespéré de l’adolescence, et cette<br />
romance contrariée.<br />
Sans vrai nemesis (pour le moment tout du moins) pas dénué de<br />
quelques clichés mais porté avec conviction par un couple Olivia Holt/<br />
Aubrey Joseph à l’alchimie étincelante, “Cloak and Dagger” est un<br />
teen drama cohérent, tendu, mature et bien rythmé, une belle petite<br />
surprise que l’on n’attendait pas et qui démontre que quand Marvel y<br />
met les formes, la qualité ne peut qu’être au rendez-vous...<br />
Jonathan Chevrier