Désolé j'ai ciné #6
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On avait laissé le <strong>ciné</strong>ma de Jason Reitman pas forcément au beau fixe il y a un tout petit<br />
peu plus de trois ans maintenant avec le peu fameux «Men, Women and Children», tentative<br />
désespérée de revenir aux sources de son <strong>ciné</strong>ma bienveillant (que beaucoup n’hésiteront<br />
pas à taxer de surcoté et complètement inoffensif) au regard hautement affuté, mais sans<br />
la présence tutélaire de Diablo Cody au scénario.<br />
Un manque que n’aura décemment pas son retour sur grand écran, «Tully», puisque le bonhomme<br />
a fait en sorte de réunir autour de lui le duo magique qui avait fait de son brillant<br />
et amer «Young Adult», son dernier grand film : Cody au scénario et Charlize Theron face<br />
caméra; pour une vision loin d’être idyllique de l’accomplissement maternel.<br />
Décortiquant l’envers du décor de ce moment de grâce qu’est le miracle de donner la vie,<br />
le septième long-métrage de Reitman ne se prive jamais de montrer les mille et une difficultés<br />
que peut rencontrer toute femme choisissant d’être mère, de la fatigue accumulée à<br />
la cadence infernale des habitudes d’un quotidien presque ingérable appelées à se répéter<br />
sans cesse (une exploration prenante des thèmes de l’épuisement parental et de la dépression<br />
postpartum). Avec une approche intimiste proche du documentaire, «Tully», plus<br />
encore que «Young Adult», appelle au droit à l’imperfection de ses super-héroïnes de la vie<br />
de tous les jours, obligées de plier sous le poids d’exigences impossibles, et Marlo (Charlize<br />
Theron, fantastique et douloureusement empathique), la mère courage au bout du rouleau<br />
du métrage, a cruellement besoin d’aide. Une aide qui prendra les traits angéliques de Tully<br />
(Mackenzie Davis, touchante), une baby-sitter tout en énergie et en délicatesse, qui viendra<br />
prendre le relai une fois la nuit venue, et qui bouleversera dans les grandes largeurs le quotidien<br />
de la matriarche fraîchement quarantenaire.<br />
Comédie acerbe et inspirée glissant tendrement vers la tragédie mélancolique, plongeant<br />
souvent tête la première dans les scènes attendues et les tics de tout drame indépendant<br />
US tout en épousant, à travers certains dialogues, une vérité aussi brutale que nécessaire,<br />
sublimé par des comédiennes totalement impliquées; «Tully» s’inscrit dans la droite lignée<br />
du précédent long du trio Reitman/Diablo/Theron (et peut-être même de «Juno», au fond),<br />
et incarne un portrait tendre et humain de la quarantaine, de cet âge du milieu de vie tiraillé<br />
par les questionnements et les conséquences de nos choix passés.<br />
Un beau film simple, vrai, mature et joliment bouleversant, qui nous réconcilie clairement<br />
avec le <strong>ciné</strong>ma du rejeton d’Ivan Reitman.<br />
Jonathan Chevrier