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LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018 117<br />
PRO<br />
Le magazine indépendant de l’assurance<br />
www.newsassurancespro.com<br />
<strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> <strong>à</strong> l’aube<br />
d’un <strong>nouveau</strong> <strong>cycle</strong><br />
Imprimé sur du papier recyclé, ne jetez pas ce journal sur la voie publique : donnez-le. Merci !<br />
Interview<br />
« Les réassureurs deviennent<br />
des transformateurs de risques »,<br />
Pierre <strong>La</strong>coste, Groupama<br />
Tarifs<br />
Les réassureurs entrevoient la fin<br />
du <strong>cycle</strong> baissier<br />
Réassurance vie<br />
Un marché prometteur mais qui<br />
demeure complexe<br />
P.2<br />
P.4<br />
P.6
2 WWW.NEWSASSURANCESPRO.COM<br />
LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018<br />
INTERVIEW<br />
« Les réassureurs tendent <strong>à</strong> devenir davantage<br />
des transformateurs de risques que des<br />
preneurs de risques »<br />
Pierre <strong>La</strong>coste<br />
Directeur <strong>réassurance</strong><br />
Groupama<br />
Quelles tendances marquantes<br />
du marché de la <strong>réassurance</strong><br />
avez-vous observé en 2017 et<br />
au début de l’année 2018 ?<br />
<strong>La</strong> sinistralité mondiale record en<br />
2017 n’a pas empêché les réassureurs<br />
d’y faire face. Ils ont absorbé<br />
environ 30% des dommages assurés<br />
et en ont rétrocédé environ 20%.<br />
En 2017, l’industrie de la <strong>réassurance</strong><br />
a donc montré toute sa<br />
résilience : les acteurs ont bien fait<br />
face <strong>à</strong> leurs engagements et leurs<br />
notes n’ont pas été dégradées par<br />
les agences de notation.<br />
Les hausses de tarifs ont finalement<br />
été contenues <strong>à</strong> des niveaux<br />
inférieurs <strong>à</strong> 5% pour les traités non<br />
sinistrés. Même si la sinistralité a<br />
été forte en 2017, cela a certes<br />
affecté les résultats des réassureurs,<br />
mais pas leurs fonds propres. Leurs<br />
capacités sont donc intactes.<br />
Comment les réassureurs parviennent-ils<br />
<strong>à</strong> maintenir leurs<br />
capacités ?<br />
Nous observons que les réassureurs<br />
cèdent eux-mêmes de plus en plus<br />
de risques pour diminuer leur coût<br />
en capital et continuer <strong>à</strong> dégager<br />
des marges raisonnables.<br />
Cela constitue pour nous un point<br />
de vigilance dans le choix de nos<br />
partenaires, car les réassureurs<br />
tendent <strong>à</strong> devenir davantage des<br />
transformateurs de risques que des<br />
preneurs de risques.<br />
Les assureurs sont en demande<br />
de transparence sur les transferts<br />
d’expositions des réassureurs.<br />
Quels sont les risques émergents<br />
pour lesquels vous anticipez une<br />
demande future?<br />
Nous continuons <strong>à</strong> voir se développer<br />
des couvertures permettant<br />
de protéger le compte de résultat<br />
des compagnies et leur ratio<br />
combiné. Les assureurs cotés en<br />
bourse n’aimant particulièrement<br />
pas les fluctuations, cela leur offre<br />
la possibilité de lisser leurs résultats<br />
dans le temps.<br />
Il existe aussi des risques émergents<br />
comme les nouvelles technologies<br />
et les potentielles expositions cyber<br />
des objets connectés placés dans la<br />
voiture ou la maison. Il est difficile de<br />
quantifier ce type de risques et de<br />
bâtir des scénarii de modélisation.<br />
C’est sur ce type de sujet que les<br />
réassureurs apportent une valeur<br />
ajoutée en terme de partage de<br />
risque et de prospection. Il est par<br />
ailleurs probable que des obligations<br />
cat’ voient le jour pour se prémunir<br />
contre le risque cyber.<br />
Dans quelle mesure la <strong>réassurance</strong><br />
alternative peut-elle<br />
encore se développer ?<br />
<strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> alternative a bien<br />
résisté en 2017 et se professionnalise,<br />
mais elle ne répond pas <strong>à</strong><br />
tous les besoins des cédantes. Cela<br />
permet cependant de challenger les<br />
réassureurs sur leurs conditions et<br />
leurs tarifs, ainsi que de diversifier<br />
ses partenaires.<br />
<strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> alternative recèle<br />
encore une marge de progression,<br />
mais ne se pose pas en concurrent<br />
direct des réassureurs traditionnels,<br />
qui en sont d’ailleurs les premiers<br />
utilisateurs.<br />
Propos recueillis par<br />
<strong>La</strong>ura Fort<br />
News Assurances Pro est un magazine édité par Seroni - 11 passage Saint-Pierre Amelot 75011 PARIS, 508488905 RCS P Paris /// Adresse de la<br />
rédaction : Seroni - 11 passage Saint-Pierre Amelot 75011 PARIS / Tél : 01 45 88 98 94 / contact@news-assurances.com /// Directeur de la publication :<br />
Sébastien Jakobowski / sjakobowski@seroni.fr /// Rédacteur en chef : Florian Delambily / fdelambily@news-assurances.com /// Journalistes : <strong>La</strong>ura Fort ///<br />
Partenariats et communication : Directeur : Sébastien Jakobowski / sjakobowski@seroni.fr /// Imprimé par : Dupli-print - 2 rue Descartes 95330 Domont ///<br />
Dépôt légal : <strong>à</strong> parution /// CPPAP : 0322 W 91666 /// ISSN : 2119-4440/numéro de déclaration : 10000000043815 /// Toute reproduction, même partielle,<br />
est interdite sans l’autorisation expresse de l’éditeur (loi du 11 mars 1957)
LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018 WWW.NEWSASSURANCESPRO.COM 3<br />
MARCHÉ<br />
Capacités : les réassureurs montrent leur résilience<br />
Malgré une fréquence élevée<br />
d’événements climatiques de<br />
grande ampleur en 2017, les<br />
réassureurs disposent toujours<br />
de capacités significatives. Mais<br />
pour combien de temps ?<br />
Par <strong>La</strong>ura Fort<br />
Selon Aon Benfield, les pertes<br />
économiques dues aux catastrophes<br />
naturelles ont<br />
atteint 353 milliards de dollars (302<br />
milliards d’euros) <strong>à</strong> l’échelle mondiale<br />
en 2017. 330 événements<br />
ont été dénombrés, mais les dégâts<br />
principaux sont imputables aux ouragans<br />
Harvey, Irma, Maria, Hato et<br />
Debbie ayant touché les États-Unis,<br />
les Caraïbes, la Chine et l’Australie.<br />
Sans oublier les feux de forêt en<br />
Californie (13 milliards de dollars de<br />
dommages économiques), un glissement<br />
de terrain en Sierra Leone,<br />
des inondations en Chine (12 milliards<br />
de dollars de dégâts), la sécheresse<br />
et les orages en Europe,<br />
ou encore les séismes au Mexique.<br />
Pour autant, les réassureurs disposaient<br />
encore <strong>à</strong> la fin du premier<br />
trimestre 2018 de 610 milliards<br />
de dollars de capitaux disponibles<br />
selon Aon. « Après les événements<br />
naturels de 2017, très lourds en<br />
termes de sinistres, nous constatons<br />
une résilience absolue des<br />
réassureurs : en effet, les capacités<br />
déployées après ces catastrophes<br />
tout comme le niveau des tarifs se<br />
sont maintenus », confirme Catherine<br />
Bourland directrice générale,<br />
de la branche <strong>réassurance</strong> d’Aon<br />
France.<br />
Le contexte financier a soutenu les<br />
réassureurs, qui rétrocèdent de<br />
plus en plus de risques aux marchés<br />
: « Dans un contexte de taux<br />
bas, les investisseurs disposent de<br />
nouvelles capacités <strong>à</strong> déployer sur<br />
le marché européen et américain »,<br />
assure Michel Elbilia, responsable<br />
de marché <strong>réassurance</strong> chez Covéa.<br />
L’effet de change a aussi joué<br />
en faveur des réassureurs en 2017 :<br />
en effet, pour les réassureurs européens,<br />
la faiblesse du dollar face <strong>à</strong><br />
l’euro ou <strong>à</strong> la livre leur a permis de<br />
réduire leurs expositions relatives,<br />
souvent détenues en monnaie locale.<br />
Au final, même sur les zones géographiques<br />
sensibles, les capacités<br />
des réassureurs sont encore au<br />
rendez-vous. Tout est question de<br />
prix… « On peut trouver des capacités<br />
sur des zones sensibles, mais<br />
<strong>à</strong> des prix parfois prohibitifs. Sur la<br />
zone Caraïbes, cela devient difficile<br />
et les tarifs ont augmenté d’au<br />
moins 30% sur les Etats-Unis et le<br />
Japon », atteste Joël Delplace, directeur<br />
adjoint de Verspieren Global<br />
Markets. Avant d’ajouter : « Les cédantes<br />
trouvent toujours preneurs<br />
de leurs risques, mais la capacité<br />
se raréfie. D’ailleurs, les réassureurs<br />
ont de plus en plus recours<br />
<strong>à</strong> la rétrocession pour optimiser<br />
leurs capacités tout en cherchant <strong>à</strong><br />
les faire payer au meilleur prix aux<br />
cédantes ».<br />
Diversifier et rétrocéder<br />
Les réassureurs peuvent-ils alors<br />
encaisser plusieurs années consécutives<br />
avec une sinistralité record ?<br />
S&P Global Ratings estime d’abord<br />
que la moitié des 20 premiers réassureurs<br />
sont plus exposés au risque<br />
cat nat en 2018 qu’en 2017, malgré<br />
des réserves de capitaux solides.<br />
Pour l’agence, une répétition du<br />
scénario de 2017 fragiliserait le<br />
marché et des notations négatives<br />
pourraient alors intervenir pour les<br />
sociétés de <strong>réassurance</strong> considérées<br />
comme surexposées.<br />
Pour éviter cela, les réassureurs<br />
diversifient toujours leurs expositions,<br />
nouent des partenariats avec<br />
des acteurs locaux sur les zones<br />
géographiques les plus risquées et/<br />
ou rétrocèdent une partie de leurs<br />
risques aux marchés financiers.<br />
Car ils ne peuvent pas miser sur une<br />
hausse brutale des tarifs : « À l’avenir,<br />
il y aura probablement moins de<br />
<strong>cycle</strong>s de fortes baisses ou de fortes<br />
hausses. S’il ne se produit pas<br />
d’évènement majeur d’ici la fin de<br />
l’année, les tendances tarifaires ne<br />
seront certainement pas <strong>à</strong> la hausse<br />
pour les renouvellements 2019,<br />
compte tenu <strong>à</strong> la fois des capacités<br />
disponibles et du niveau actuel des<br />
prix. Les mérites propres de chaque<br />
dossier comme la spécificité de<br />
chaque relation cédante-réassureur<br />
resteront des éléments clés dans<br />
les négociations », conclut Pierre<br />
<strong>La</strong>coste, directeur <strong>réassurance</strong> de<br />
Groupama.
4 WWW.NEWSASSURANCESPRO.COM<br />
LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018<br />
TARIFS<br />
Les réassureurs entrevoient la fin du <strong>cycle</strong><br />
baissier en matière tarifaire<br />
Pour la première fois depuis<br />
six ans, les tarifs repartent <strong>à</strong><br />
la hausse. <strong>La</strong> conséquence<br />
d’une année 2017 chargée en<br />
sinistres.<br />
Par <strong>La</strong>ura Fort<br />
Les répercussions des événements<br />
climatiques de<br />
grande ampleur survenus en<br />
2017 ne se sont pas fait attendre.<br />
<strong>La</strong> baisse des tarifs a marqué un<br />
temps d’arrêt, synonyme pour les<br />
observateurs du marché d’un retour<br />
<strong>à</strong> davantage de réalisme de la<br />
part des réassureurs.<br />
D’autant plus que ces derniers<br />
n’ont pas pu compenser leurs<br />
pertes par le rendement de leurs<br />
actifs, étant donné le faible niveau<br />
des taux d’intérêt. « Lors du dernier<br />
renouvellement, nous avons<br />
constaté un tarif de <strong>réassurance</strong><br />
globalement ajusté <strong>à</strong> l’exposition.<br />
Pour le prochain renouvellement,<br />
il est trop tôt pour se prononcer<br />
sur les tendances tarifaires », précise<br />
Michel Elbilia, responsable de<br />
marché <strong>réassurance</strong> chez Covéa.<br />
Figer les conditions tarifaires<br />
dans le temps<br />
<strong>La</strong> saison des renouvellements du<br />
début de l’année 2018 a démontré<br />
une stabilité des demandes<br />
des grands comptes, et les risk<br />
managers tentent toujours de<br />
sceller des accords de long terme<br />
pour figer les conditions dans le<br />
temps. Certaines cédantes auront<br />
donc pu échapper <strong>à</strong> la hausse des<br />
tarifs.<br />
Celle-ci est comprise entre 0% et<br />
5% selon les observateurs du marché,<br />
avec une augmentation plus<br />
importante sur les lignes catatastrophes<br />
naturelles aux États-Unis<br />
ou aux Caraïbes (entre +10% et<br />
+30%).<br />
Willis Re évalue quant <strong>à</strong> lui la<br />
hausse moyenne entre 0% et<br />
+7,5%. Les majorations de tarifs<br />
prennent donc bien en compte le<br />
réajustement de la tarification par<br />
rapport au risque américain, ainsi<br />
que la gestion des accumulations<br />
et des expositions.<br />
Pas de hausses démesurées<br />
Par effet d’escalier (et de mutualisation<br />
du risque), les hausse de<br />
tarifs liées aux événements climatiques<br />
de 2017 (et <strong>à</strong> l’augmentation<br />
des coûts de rétrocession<br />
des réassureurs) se sont aussi<br />
répercutées sur les compagnies<br />
européennes.<br />
Lesquelles ont bien fait savoir<br />
qu’elles acceptaient certes une<br />
stabilisation des tarifs, mais que<br />
les hausses démesurées seraient<br />
âprement remises en cause.<br />
« Pour les renouvellements de<br />
janvier 2018, nous avons constaté<br />
un arrêt de la baisse des prix, et<br />
non une hausse des tarifs comme<br />
nous nous y attendions. Au final,<br />
les cédantes se sont révélées<br />
plus raisonnables dans leurs exigences<br />
de baisses et les réassureurs<br />
plus sérieux dans leurs<br />
révisions tarifaires », remarque<br />
Philippe Renault., PDG de Guy<br />
Carpenter France.<br />
Le retour <strong>à</strong> la hausse des tarifs<br />
ne signifie cependant pas que<br />
les réassureurs vont manquer de<br />
capacités… « Certes la baisse<br />
des tarifs s’est enrayée mais les<br />
réassureurs ont encore de l’appétit<br />
et le marché demeure sain et<br />
concurrentiel », constate Philippe<br />
Renault.<br />
Ce que confirme Joël Delplace,<br />
directeur adjoint de Verspieren<br />
Global Markets : « En Europe, le<br />
marché est arrivé <strong>à</strong> saturation et<br />
la concurrence est vive entre les<br />
réassureurs ».<br />
Les cédantes en ont cependant<br />
pour leur argent : « Cette année<br />
pousse les réassureurs <strong>à</strong> affiner<br />
leur stratégie, ce que les cédantes<br />
observent avec une relative satisfaction<br />
», reconnaît Philippe Renault.
LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018 WWW.NEWSASSURANCESPRO.COM 5<br />
TENDANCE<br />
<strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> alternative, un pari gagnant<br />
Après les événements climatiques<br />
de 2017, la <strong>réassurance</strong><br />
dite alternative a servi les cédantes<br />
comme les réassureurs<br />
qui s’étaient couverts auprès des<br />
marchés financiers. Quant aux investisseurs,<br />
ils en redemandent !<br />
Par <strong>La</strong>ura Fort<br />
D’année en année, les émissions<br />
et l’encours des obligations<br />
catastrophes augmentent.<br />
En 2017, selon Artemis, 12,5<br />
milliards de dollars (10,7 milliards<br />
d’euros) de cat’ bonds et d’ILS (insurance-linked<br />
securities) ont été émis<br />
et leur encours atteignait 31 milliards<br />
de dollars. Des montants qui ont quasiment<br />
doublé en dix ans : en 2007,<br />
8,3 milliards de dollars de cat’ bonds<br />
étaient émis et l’encours s’élevait <strong>à</strong><br />
15,9 milliards de dollars. Et sur le seul<br />
premier trimestre 2018, les émissions<br />
frôlent déj<strong>à</strong> les 12 milliards de dollars<br />
tandis que les encours se chiffrent <strong>à</strong><br />
près de 37 milliards de dollars.<br />
L’essentiel de la <strong>réassurance</strong> dite<br />
alternative vise cependant <strong>à</strong> couvrir<br />
les risques de catastrophes naturelles<br />
aux États-Unis ou au Japon. Les<br />
séismes aux Etats-Unis représentent<br />
ainsi 10,7% des encours des cat’<br />
bonds et ILS, les risques liés <strong>à</strong> l’assurance<br />
de prêts hypothécaires 7,9%,<br />
les séismes au Japon 7,3%, et les<br />
tempêtes et ouragans aux Etats-Unis<br />
5,9%, selon Artemis.<br />
Il existe également une forte demande<br />
en Amérique latine, où les Etats investissent<br />
même directement. Le Chili a<br />
par exemple souscrit <strong>à</strong> ce jour 500<br />
millions de dollars de cat’ bonds, la<br />
Colombie 400 millions de dollars et le<br />
Pérou 200 millions de dollars.<br />
Arme de négociation<br />
En France, les émissions ont plutôt valeur<br />
de test et de monnaie d’échange.<br />
« En France, ce marché a certes été<br />
peu utilisé, mais il est bien présent et<br />
joue probablement un rôle dans la<br />
stabilisation des prix des réassureurs<br />
traditionnels », constate Catherine<br />
Jim Yong Kim, président de la Banque Mondiale, qui a émis « pandemic catastrophe bond ».<br />
Bourland, directrice générale de la<br />
branche <strong>réassurance</strong> d’Aon France.<br />
Covéa a par exemple souscrit 90 millions<br />
d’euros auprès d’Hexagon Re<br />
pour couvrir le risque de tempête en<br />
France métropolitaine <strong>à</strong> partir du 1er<br />
janvier 2018. « Covéa a émis une<br />
obligation de 90 millions d’euros<br />
sur quatre ans pour couvrir son programme<br />
d’événements naturels force<br />
de la nature (Covéa achète une<br />
capacité de 1,6 milliard d’euros pour<br />
ce programme). L’objectif, pour Covéa,<br />
était de connaitre le marché des<br />
ILS et de nous faire connaître. Cette<br />
première émission a été un succès,<br />
salué par le marché des capitaux.<br />
Fort de ce succès, nous sommes en<br />
mesure d’utiliser cette carte comme<br />
une alternative <strong>à</strong> la <strong>réassurance</strong> traditionnelle<br />
en terme de prix et dans une<br />
certaine mesure », explique Michel<br />
Elbilia, responsable de marché <strong>réassurance</strong><br />
chez Covéa.<br />
Philippe Renault, PDG de Guy Carpenter<br />
France, confirme ce positionnement<br />
stratégique des cédantes<br />
françaises : « À ce jour, elles n’ont<br />
pas vraiment besoin de capacités<br />
alternatives, mais s’y intéresser aujourd’hui<br />
pourrait se révéler utile dans<br />
le cas où le prix des capacités traditionnelles<br />
augmenterait de manière<br />
déraisonnable ou si la capacité faisait<br />
défaut. Les acheteurs auront alors<br />
développé un savoir-faire pour travailler<br />
différemment ».<br />
Pourtant, les investisseurs auraient<br />
bien pu se retirer, du fait des pertes<br />
subies par ces cat’ bonds en 2017.<br />
« Pour la première fois dans l’histoire<br />
des cat’ bonds, celles-ci ont répondu<br />
pour partie <strong>à</strong> la sinistralité en 2017<br />
et les marchés de capitaux ont maintenu<br />
leurs capacités. Ainsi, certaines<br />
des obligations ont bien été touchées<br />
et les investisseurs n’ont pas été<br />
effrayés », note Catherine Bourland.<br />
S&P Global Ratings avait notamment<br />
listé 13 obligations catastrophes qui<br />
pouvaient subir des pertes après les<br />
dommages causés par le seul ouragan<br />
Irma. « Après les événements<br />
climatiques aux Caraïbes, nous pensions<br />
que la <strong>réassurance</strong> alternative<br />
allait se contracter, ce qui n’a pas été<br />
le cas. Elle évolue même vers une<br />
plus grande accessibilité », avance<br />
Philippe Renault.<br />
D’ailleurs, son usage se diversifie : la<br />
Banque mondiale a par exemple émis<br />
300 millions de dollars de « pandemic<br />
catastrophe bonds » en 2017 et les<br />
« terrorism bonds » devraient également<br />
voir le jour. <strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> alternative<br />
a encore de beaux jours devant<br />
elle. « Les réassureurs traditionnels<br />
réassurent quant <strong>à</strong> eux de plus en<br />
plus leurs engagements sur les marchés<br />
de capitaux. Le niveau de la<br />
<strong>réassurance</strong> alternative devrait donc<br />
a minima se maintenir », estime C.<br />
Bourland. Seule ombre au tableau : le<br />
niveau des taux d’intérêt. En effet, si<br />
une hausse des taux devait intervenir,<br />
les ILS deviendraient moins attractives<br />
et les capacités se raréfieraient.
6 WWW.NEWSASSURANCESPRO.COM<br />
LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018<br />
RÉASSURANCE VIE<br />
Un marché prometteur mais complexe<br />
<strong>La</strong> demande mondiale de <strong>réassurance</strong><br />
vie ne se tarit pas, mais<br />
les réassureurs, eux, ne peuvent<br />
pas toujours y répondre, en particulier<br />
du fait des risques financiers<br />
que certains produits soustendent.<br />
Par <strong>La</strong>ura Fort<br />
Moins exposée médiatiquement<br />
que la <strong>réassurance</strong><br />
dommages, la <strong>réassurance</strong><br />
vie n’en reste pas moins un marché<br />
porteur. Selon S&P Global Ratings,<br />
les primes brutes ont augmenté, de<br />
64 milliards de dollars (environ 54 milliards<br />
d’euros) en 2016 <strong>à</strong> environ 73<br />
milliards de dollars en 2017, aidées<br />
par des taux de change favorables.<br />
Même hors effets de change, l’agence<br />
de notation note que la croissance de<br />
ce marché se chiffre <strong>à</strong> environ 6%<br />
d’une année sur l’autre.<br />
<strong>La</strong> demande des cédantes demeure<br />
forte et challenge les réassureurs<br />
sur leurs capacités. « Il y a un regain<br />
d’intérêt pour les couvertures de surmortalité<br />
et plus généralement pour<br />
des couvertures plus structurées,<br />
ou calibrées plus finement, afin de<br />
répondre en même temps <strong>à</strong> plusieurs<br />
dimensions du risque (politique de<br />
souscription, gain en terme de SCR,<br />
impact comptable ou réglementaire…)<br />
», estime Arnaud Chevalier,<br />
directeur commercial et technique<br />
vie de la branche <strong>réassurance</strong> d’Aon<br />
France.<br />
Une demande majoritairement<br />
portée par l’Amérique du Nord<br />
<strong>La</strong> demande vient cependant majoritairement<br />
d’Amérique du Nord, qui<br />
génère environ la moitié des primes<br />
de la <strong>réassurance</strong> vie, et plus récemment<br />
d’Asie. « En France, les recours<br />
<strong>à</strong> la <strong>réassurance</strong> en quote-part diminuent<br />
de la part des compagnies traditionnelles<br />
et des IP, tandis que les<br />
mutuelles 45 continuent <strong>à</strong> céder »,<br />
observe Joël Delplace, directeur adjoint<br />
de Verspieren Global Markets.<br />
Toujours en France, le marché ne<br />
s’est pas encore adapté aux transformations<br />
du business des assureurs.<br />
Les difficultés des réassureurs<br />
se concentrent sur la couverture de<br />
l’épargne. « <strong>La</strong> véritable problématique<br />
est une aversion forte des réassureurs<br />
aux risques de marché et<br />
donc un marché étroit, qui nécessite<br />
de calibrer les structurations de manière<br />
fine, mais aussi robuste dans la<br />
durée, pour satisfaire et l’intérêt fort<br />
des cédantes et le peu d’appétence<br />
des réassureurs », constate Arnaud<br />
Chevalier.<br />
Horizons longs et<br />
volatilité importante<br />
<strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> de l’épargne reste<br />
donc le point noir du marché. « <strong>La</strong><br />
<strong>réassurance</strong> de l’épargne reste très<br />
faible. Etant donné le fait que cela<br />
représente des horizons longs avec<br />
une volatilité importante, les réassureurs<br />
montrent peu d’appétence <strong>à</strong><br />
couvrir le risque », précise Arnaud<br />
Chevalier. Aon fait le même constat :<br />
« <strong>La</strong> <strong>réassurance</strong> de l’épargne reste<br />
très faible. Etant donné le fait que<br />
cela représente des horizons longs<br />
avec une volatilité importante, les réassureurs<br />
montrent peu d’appétence<br />
<strong>à</strong> couvrir le risque... ».<br />
Autre problématique : la prochaine<br />
entrée en vigueur des normes IFRS<br />
17. « Les normes IFRS 17 complexifient<br />
les achats de <strong>réassurance</strong>, les<br />
compagnies d’assurance transférant<br />
des risques pour des besoins réglementaires<br />
et ajustant leurs achats<br />
globaux en fonction des exigences<br />
du régulateur », déplore le directeur<br />
commercial et technique vie de la<br />
branche <strong>réassurance</strong> d’Aon France.<br />
Pour autant, S&P Global Ratings<br />
prévoit une croissance stable des<br />
primes sur le segment de la <strong>réassurance</strong><br />
vie d’environ 3% par an, et<br />
un rendement des capitaux propres<br />
d’environ 10% entre 2018 et 2020,<br />
contre 7% <strong>à</strong> 9% pour la <strong>réassurance</strong><br />
dommages. Cette croissance devrait<br />
notamment être soutenue par les marchés<br />
émergents, en particulier l’Asie.<br />
« Le marché de la <strong>réassurance</strong> des<br />
assurances de personnes se développe<br />
notamment dans les marchés<br />
émergents qui voient croître le besoin<br />
des assurances directes de type prévoyance<br />
», remarque Pierre <strong>La</strong>coste,<br />
directeur <strong>réassurance</strong> de Groupama.<br />
S&P surveille cependant que l’expansion<br />
sur les marchés émergents<br />
n’expose pas trop fortement les réassureurs<br />
aux risques liés <strong>à</strong> la limitation<br />
des données de marché et des données<br />
actuarielles sous-jacentes.<br />
Enfin, des réglementations comme<br />
le règlement général sur la protection<br />
des données (RGPD) pourraient<br />
rendre l’accès aux données plus difficile<br />
en Europe et le coût de leur stockage<br />
plus élevé.
LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018 WWW.NEWSASSURANCESPRO.COM 7<br />
PERSPECTIVES<br />
Le marché encore immature face aux risques cyber<br />
Les polices d’assurance cyber<br />
ont beau être commercialisées<br />
depuis plus de dix ans, les réassureurs<br />
n’y ont pas encore apporté<br />
de réponse satisfaisante.<br />
Par <strong>La</strong>ura Fort<br />
Le risque cyber est considéré<br />
comme majeur par les assureurs<br />
comme les réassureurs,<br />
du fait de ses potentielles répercussions<br />
économiques et politiques.<br />
« Nous travaillons avec les réassureurs<br />
pour obtenir pour nos clients<br />
la meilleure appréciation et couverture<br />
du risque. Si la couverture<br />
d’assurance est développée aux<br />
États-Unis, elle est encore récente<br />
en France, donc peu de cédantes<br />
se sont encore organisées <strong>à</strong> ce<br />
sujet en matière de <strong>réassurance</strong> »,<br />
relève Philippe Renault, PDG de<br />
Guy Carpenter France. Selon une<br />
étude de Scor publiée en 2017<br />
sur la couverture du cyber-risque,<br />
seule la moitié des entreprises du<br />
CAC 40 avait souscrit une police<br />
d’assurance cyber fin 2016.<br />
Le marché mondial est actuellement<br />
estimé <strong>à</strong> environ 3 milliards de<br />
dollars (environ 2,6 milliards<br />
d’euros). Et les analystes prévoient<br />
des taux annuels de croissance de<br />
20% <strong>à</strong> 40% pour les prochaines<br />
années qui pourraient porter le<br />
niveau de prime <strong>à</strong> 10 milliards de<br />
dollars en 2020 et <strong>à</strong> 20 milliards de<br />
dollars en 2025.<br />
L’offre de <strong>réassurance</strong> est encore<br />
timide : le marché avait généré<br />
environ 500 millions de dollars de<br />
prime en 2015, dont <strong>à</strong> peine 100<br />
millions de dollars en Europe. « Le<br />
marché se trouve encore dans une<br />
phase de mesure des expositions<br />
et d’études, en particulier sur les<br />
problématiques de cumuls », explique<br />
Fabien Ramaharobandro,<br />
directeur technique non vie de la<br />
branche <strong>réassurance</strong> d’Aon France.<br />
Pour cette raison, Scor constate<br />
ainsi dans son étude que « l’offre<br />
de <strong>réassurance</strong> est essentiellement<br />
proportionnelle et les réassureurs<br />
introduisent fréquemment des limites<br />
par événement ou annuelles.<br />
Alors que le marché de l’assurance<br />
se développe <strong>à</strong> bon train,<br />
une capacité de <strong>réassurance</strong> restreinte<br />
pourrait bien vite apparaître<br />
comme un frein, si la connaissance<br />
du risque ne progresse pas dans<br />
les années qui viennent ».<br />
Expositions silencieuses<br />
Dans son rapport « Assurer le<br />
risque cyber » paru en janvier<br />
2018, le Club des juristes préconisait<br />
alors d’élaborer des scénarii de<br />
catastrophes cyber et de renforcer<br />
la coopération entre les marchés<br />
de l’assurance et de la <strong>réassurance</strong><br />
avec l’ANSSI (Agence nationale de<br />
la sécurité des systèmes d’information).<br />
Si les réassureurs ne se bousculent<br />
pas sur ce marché, c’est aussi<br />
parce que le risque cyber, encore<br />
peu connu, n’en est pas moins explosif...<br />
Son caractère systémique<br />
le rend complexe <strong>à</strong> modéliser et<br />
<strong>à</strong> tarifer. En effet, Scor note que<br />
l’interconnectivité des systèmes,<br />
l’utilisation de logiciels ou de matériels<br />
standards, ou encore l’externalisation<br />
des services informatiques<br />
créent des facteurs de propagation<br />
d’attaques et de catastrophes cyber<br />
<strong>à</strong> l’échelle mondiale.<br />
Autre problématique qui donne du<br />
fil <strong>à</strong> retordre autant aux assureurs<br />
qu’aux réassureurs : les expositions<br />
dites « silencieuses ». Certains cyber-risques<br />
peuvent en effet relever<br />
des contrats responsabilité civile<br />
ou dommages, ce qui empêche les<br />
assureurs et par répercussion les<br />
réassureurs, de connaître précisément<br />
leur exposition aux risques<br />
cyber.<br />
« Le risque Cyber est déj<strong>à</strong> présent,<br />
de manière silencieuse, dans les<br />
polices de responsabilités et de<br />
dommages notamment lorsque<br />
ce risque n’est pas exclu formellement<br />
des polices d’assurances.<br />
Ces couvertures silencieuses ne<br />
sont généralement pas identifiées,<br />
ni tarifées par les assureurs », précise<br />
Michel Elbilia, responsable de<br />
marché <strong>réassurance</strong> chez Covéa.
STORY BUILDING - CREDIT PHOTO : GERALDINE ARESTEANU<br />
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