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Le magazine CNC, hiver 2019

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HIVER <strong>2019</strong><br />

Vivre le<br />

territoire<br />

<strong>Le</strong>s efforts de conservation menés par les Autochtones contribuent<br />

à la réconciliation et au lien entre les humains et le territoire.


De nouveaux<br />

sentiers pour<br />

la conservation<br />

Une nouvelle dynamique se dessine<br />

pour la conservation de la nature<br />

au Canada, dans laquelle les<br />

Autochtones retrouvent leurs voix. Nous<br />

vivons une période de changements « où les<br />

peuples autochtones décideront de ce que la<br />

conservation et la protection signifient pour<br />

eux et pour les terres ainsi que les eaux, et que<br />

l’espace leur est donné pour diriger la mise en<br />

œuvre de celles-ci dans leurs territoires. » 1<br />

Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>)<br />

reconnaît le profond lien spirituel qui unit<br />

les peuples autochtones aux territoires sur<br />

lesquels ils ont veillé depuis des millénaires.<br />

Chef de file du domaine de la conservation,<br />

<strong>CNC</strong> reconnaît également avoir beaucoup<br />

à apprendre des savoirs traditionnels<br />

autochtones, lesquels aideront nos équipes<br />

à mieux gérer et conserver les terres.<br />

<strong>CNC</strong> mène déjà de nombreux et fructueux projets<br />

en collaboration avec des communautés<br />

autochtones d’un océan à l’autre, à l’autre. Dans<br />

ce numéro de notre <strong>magazine</strong>, vous pourrez<br />

en apprendre plus sur certaines des approches<br />

innovatrices qui découlent de ces partenariats.<br />

Nous pouvons toutefois en faire encore<br />

davantage. <strong>CNC</strong> a en effet une occasion sans<br />

précédent de faire bénéficier les communautés<br />

et nations autochtones des compétences que<br />

nous avons acquises pour les épauler dans<br />

l’atteinte leurs objectifs de conservation.<br />

Nous croyons qu’en œuvrant ensemble dans<br />

un esprit de réconciliation, nous pouvons<br />

contribuer à rétablir les liens unissant les<br />

peuples autochtones et le territoire. Nous entrevoyons<br />

un avenir où nos relations avec les<br />

communautés autochtones se développent et<br />

sont fondées sur le respect mutuel et le désir<br />

partagé d’atteindre des objectifs de conservation<br />

de grande envergure et durables pour le<br />

bien de cette Terre que nous partageons tous.<br />

John Lounds<br />

John Lounds<br />

Président et chef de la direction<br />

1<br />

Nous nous levons ensemble, 2018. Cercle autochtone d’experts.<br />

Conservation de la nature Canada | 245, avenue Eglinton Est, bureau 410 | Toronto (Ontario) Canada M4P 3J1<br />

<strong>magazine</strong>@conservationdelanature.ca | Tél. : 416 932-3202 | Sans frais : 1 800 465-0029<br />

Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) est le chef de file au pays en matière de conservation des terres, œuvrant à la protection<br />

de nos milieux naturels les plus importants et des espèces qu’ils abritent. Depuis 1962, <strong>CNC</strong> et ses partenaires ont contribué à la<br />

protection de 2,8 millions d’acres (plus de 1,1 million d’hectares) de terres, d’un océan à l’autre.<br />

<strong>Le</strong> <strong>magazine</strong> Conservation de la nature Canada est distribué aux donateurs et sympathisants de <strong>CNC</strong>.<br />

MC<br />

Marque de commerce de La Société canadienne pour la conservation de la nature<br />

Imprimé sur du papier Rolland Opaque fait à 30 % de fibres post-consommation, certifié Écologo et Procédé<br />

sans chlore. Ce papier est fabriqué au Canada par Rolland, qui utilise le biogaz comme source d’énergie.<br />

L’impression est effectuée au Canada, avec des encres végétales par Warrens Waterless Printing. La publication<br />

de ce <strong>magazine</strong> a sauvegardé 29 arbres et 104 292 litres d’eau*.<br />

Graphisme par Evermaven.<br />

FSCMD n’est pas responsable des calculs concernant l’économie des ressources réalisée en choisissant ce papier.<br />

TKTKTKTKTKTKT<br />

CALCULATEUR : WWW.ROLLANDINC.COM/FR. COUVERTURE : ALEXANDER KAYSEAS (OSKĀPĒWIS, NOM DONNÉ PAR SON GRAND-PÈRE, SIGNIFIANT « ASSISTANT DE L’AÎNÉ », ALORS QU’ON LE PRÉPARE À RECEVOIR LES ENSEIGNEMENTS DE LA TERRE-MÈRE ET DES AÎNÉS). PHOTO DE DANE ROY. CETTE PAGE : TERRITOIRE DU TRAITÉ NO 4, SASK. PHOTO DE DANE ROY.<br />

*<br />

2 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


HIVER <strong>2019</strong><br />

SOMMAIRE<br />

Conservation de la nature Canada<br />

14 Conserver pour lutter<br />

contre les changements<br />

climatiques<br />

Conserver la nature contribuera au stockage<br />

du carbone ainsi qu’à l’adaptation de la<br />

population et de la vie sauvage aux impacts<br />

des changements climatiques.<br />

16 Pointe Saint-Pierre<br />

Ce trésor gaspésien recèle des joyaux naturels<br />

et historiques qui méritent d’être explorer.<br />

Découvrir son identité<br />

dans la nature<br />

Par Raechel Bonomo, créatrice de contenu et rédactrice<br />

TJ WATT. AVEC LA PERMISSION DE RAECHEL BONOMO.<br />

17 Conscience durable<br />

L’artiste et commissaire d’exposition anichinabée<br />

Jaimie Isaac honore son lien à la nature en<br />

utilisant toujours une bouteille réutilisable.<br />

18 Liés au territoire<br />

Des peuples autochtones et <strong>CNC</strong> s’associent<br />

pour conserver des terres où se conjuguent<br />

valeurs, langues et culture autochtones.<br />

12 Renard véloce<br />

Filant à des vitesses pouvant atteindre les<br />

60 km/heure, ce renard porte bien son nom.<br />

14 <strong>CNC</strong> à l’œuvre<br />

Agrandir Darkwoods (C.-B.); grande nouvelle<br />

pour la petite chauve-souris brune (Sask.);<br />

ski de fond pour la conservation (QC).<br />

16 La notion de réciprocité<br />

Eli Enns, politologue Nuu-chah-nulth<br />

canadien, explique comment les efforts de<br />

conservation menés par les Autochtones<br />

contribuent à la réconciliation et au lien entre<br />

les humains et le territoire.<br />

18 Il n’y a rien de tel!<br />

Souvenirs d’une merveilleusement<br />

longue saison passée sur le « Grand Lac »<br />

(lac Supérieur), en Ontario.<br />

J’ai longtemps cherché à comprendre ce que voulait dire « être Autochtone ».<br />

Je savais que mon grand-père était Kanien’keha’:ka (Mohawk), mais j’ai toujours<br />

senti un fossé spirituel entre ma culture et mon identité. Que pouvait<br />

signifier le fait d’être Autochtone, et quelles étaient mes responsabilités à l’égard<br />

de ma communauté et de la Terre-Mère?<br />

Ce n’est que lorsque je suis sortie pour aller dans la nature que j’ai commencé<br />

à trouver des réponses à ces questions. J’ai découvert mon identité sur le territoire.<br />

Dans les mots de Darryl Chamakese, rapportés par l’auteure d’origine saulteaux<br />

Michelle Brass dans l’article Liés au territoire, « Valeurs, langues et culture<br />

sont indissociables du territoire. » La culture autochtone vit et respire dans l’eau<br />

des rivières et des ruisseaux, et dans les grands arbres qui étendent leur ombre<br />

sur les plantes qu’ils surplombent.<br />

La résilience des peuples autochtones et sa culture sont manifestes là où les<br />

paysages sont florissants. Cette force trouve écho sur les sites sur lesquels veille<br />

Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) à travers le pays. Nous reconnaissons que<br />

les peuples autochtones vivent en harmonie avec la diversité écologique depuis des<br />

temps immémoriaux. <strong>CNC</strong> a beaucoup à apprendre du savoir traditionnel autochtone,<br />

ce qui contribuera à faire de nous d’encore meilleurs protecteurs de la nature.<br />

Je me vois et je vois ma culture dans le travail que nous accomplissons à <strong>CNC</strong>, et je<br />

me sens si liée à mes frères et sœurs qui se reconnaissent eux aussi dans le territoire.<br />

En m’entretenant avec Eli Enns, un politologue Nuu-chah-nulth canadien, j’ai<br />

appris sur la réciprocité et comment les communautés autochtones ont vécu depuis<br />

la création du monde. <strong>Le</strong>s lois traditionnelles Nuu-chah-nulth guident M. Enns dans<br />

son travail et dans sa relation au territoire. L’échange d’énergie avec le territoire, par<br />

la réciprocité, nous permet de protéger les paysages naturels, de profiter de la nature<br />

et d’avancer vers la réconciliation.<br />

Que ce soit dans les collines de la vallée de la rivière Qu’Appelle dans le sud-est<br />

de la Saskatchewan, un lieu de rencontre au cœur du territoire du Traité no 4, dans<br />

la forêt montagneuse de Darkwoods, en Colombie-Britannique, ou ailleurs, nous<br />

pouvons tous trouver une part de nous-mêmes dans la nature. Il suffit de sortir et<br />

d’aller à sa rencontre.<br />

conservationdelanature.ca<br />

HIVER <strong>2019</strong> 3


D’UN OCÉAN<br />

À L’AUTRE<br />

Conserver la nature<br />

pour lutter contre<br />

les changements<br />

climatiques<br />

La conservation jouera un rôle crucial dans nos efforts pour atténuer<br />

les changements climatiques, en contribuant au stockage du carbone<br />

et en permettant à la population et à la vie sauvage de s’adapter aux<br />

conditions changeantes.<br />

Avec la récente mise en garde du Groupe d’experts intergouvernemental<br />

sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies selon laquelle il ne<br />

nous reste qu’un peu plus d’une décennie pour limiter le réchauffement<br />

planétaire, vient la possibilité d’agir.<br />

En fournissant deux solutions en une pour réduire les impacts des changements<br />

climatiques rapides, la nature jouera un rôle majeur dans nos actions. En effet, les<br />

terres que nous protégeons et que nous restaurons emmagasinent le carbone et<br />

aident la population et la nature à s’adapter au climat changeant.<br />

La nature stocke le carbone depuis fort longtemps. <strong>Le</strong>s combustibles fossiles que<br />

nous brûlons aujourd’hui sont en fait du carbone séquestré par d’anciens milieux<br />

forestiers, zones humides et océans. Protéger et restaurer de tels habitats permet à la<br />

nature de continuer d’absorber l’excédent de carbone présent dans l’atmosphère.<br />

Une étude récente publiée dans Proceedings of the National Academy of Science<br />

révèle d’ailleurs que la conservation de la nature pourrait assurer le tiers de la<br />

réduction des émissions qui est nécessaire pour empêcher une hausse de 2 °C de la<br />

température moyenne à l’échelle mondiale.<br />

<strong>Le</strong>s milieux humides, les forêts et les prairies nous protègent d’événements<br />

météorologiques extrêmes, comme les inondations et les sécheresses, ainsi que de<br />

la hausse du niveau des mers. De plus, des habitats naturels intacts et connectés<br />

aideront certaines espèces à déplacer leurs aires de distribution en réponse aux<br />

changements climatiques.<br />

À travers le pays, Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) protège et restaure<br />

certains des milieux naturels parmi les plus importants. Ces projets de conservation<br />

sont essentiels à la protection de nos espaces naturels et de la vie sauvage, mais<br />

également pour la diminution du carbone dans l’atmosphère et pour aider les<br />

collectivités à faire face aux impacts des changements climatiques.<br />

POUR EN SAVOIR PLUS<br />

conservationdelanature.ca/changements-climatiques<br />

PHOTO : GORDON MACPHERSON. ILLUSTRATION : CHELSEA PETERS.<br />

4 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


Voici quelques-uns des projets à travers<br />

le pays où <strong>CNC</strong> contribue à réduire les<br />

impacts des changements climatiques.<br />

Colombie-Britannique<br />

En plus d’être le plus vaste projet de conservation de terres<br />

privées au pays et un tronçon clé du corridor faunique des<br />

Rocheuses à l’échelle de l’Amérique du Nord, Darkwoods<br />

stocke une quantité considérable de carbone. <strong>CNC</strong> obtient<br />

des fonds pour la conservation en enregistrant et en<br />

vendant des crédits de carbone certifiés associés à sa<br />

propriété, permettant ainsi à des organisations de<br />

compenser leurs émissions de gaz à effets de serre.<br />

ILLUSTRATIONS : CHELSEA PETERS. PHOTOS : C.-B. : GORDON MACPHERSON; QC : ISTOCK; MAN.: JASON BANTLE; ONT. : <strong>CNC</strong>; N.-B. : MIKE DEMBECK.<br />

Ontario<br />

Québec<br />

<strong>Le</strong>s corridors écologiques<br />

favorisent les déplacements des<br />

espèces et des habitats naturels<br />

en réponse aux changements<br />

climatiques. Grâce au financement<br />

provenant du Fonds vert<br />

du Gouvernement du Québec,<br />

<strong>CNC</strong> et ses partenaires fournissent<br />

de l’information aux<br />

résidents locaux et assurent la<br />

sauvegarde de ces corridors.<br />

<strong>Le</strong>s milieux humides sont essentiels à plusieurs espèces sauvages.<br />

Ils jouent également un rôle majeur dans la filtration de l’eau,<br />

l’absorption des eaux de crue et la séquestration du carbone. Dans<br />

les milieux humides de Minesing, <strong>CNC</strong> et ses partenaires ont<br />

conservé plus de 5 500 hectares (13 500 acres). Voilà qui contribue<br />

à protéger la nature, mais aussi les collectivités situées en aval qui<br />

seront protégées des événements météo extrêmes qui sont en<br />

hausse à cause des changements climatiques.<br />

Manitoba<br />

La planification de la conservation de la nature doit tenir compte des impacts des<br />

changements climatiques, tels que les événements météorologiques extrêmes, les<br />

inondations, et les fluctuations de températures. Au Manitoba, <strong>CNC</strong> procède à la mise<br />

à jour de plusieurs de ses Plans de conservation d’aires naturelles afin que les changements<br />

climatiques soient pris en considération dans les actions qui en découlent.<br />

Nouveau-Brunswick<br />

La protection et la restauration d’habitats<br />

côtiers font partie d’une stratégie clé pour<br />

aider à protéger les collectivités de la hausse<br />

du niveau des mers ainsi que des marées<br />

extrêmes résultant des changements climatiques.<br />

<strong>CNC</strong> conserve des habitats côtiers<br />

dans les quatre provinces de l’Atlantique. <strong>Le</strong>s<br />

propriétés de <strong>CNC</strong> y protègent des habitats<br />

d’importance pour les oiseaux migrateurs<br />

et pour d’autres espèces tout en servant de<br />

zones de protection pour le littoral.1<br />

HIVER <strong>2019</strong> 5


SUR LES<br />

SENTIERS<br />

La pointe Saint-Pierre recèle de superbes<br />

paysages et une abondante vie sauvage, en<br />

plus d’être empreinte d’une riche histoire.<br />

Pointe Saint-Pierre<br />

Ce trésor de la péninsule gaspésienne, au Québec, recèle de joyaux<br />

naturels et historiques qui méritent d’être explorés.<br />

Située entre les villages de Gaspé et<br />

Percé, la pointe Saint-Pierre constitue<br />

l’habitat naturel de milliers d’oiseaux<br />

de mer, dont l’arlequin plongeur et le garrot<br />

d’Islande. <strong>Le</strong> phoque gris et plusieurs espèces<br />

de baleines peuvent aussi être observés le<br />

long de son littoral.<br />

Couverte de prés et de forêts, la pointe<br />

Saint-Pierre est bordée de falaises côtières<br />

d’une dizaine de mètres. Cette pointe au paysage<br />

rude, qui se trouve dans le prolongement<br />

des Appalaches, abrite une biodiversité<br />

exceptionnelle ainsi que des peuplements<br />

denses de forêt mixte des Maritimes. Depuis<br />

2008, <strong>CNC</strong> a conservé plus de 53 hectares<br />

(130 acres) dans la région de la pointe<br />

Saint-Pierre.<br />

UN PATRIMOINE À CONSERVER<br />

En plus de receler de superbes paysages<br />

et une abondante vie sauvage, la pointe<br />

Saint-Pierre est empreinte d’une riche<br />

histoire. La Maison <strong>Le</strong>Gros, avec son style<br />

loyaliste traditionnel et sa touche<br />

victorienne, témoigne en effet du patrimoine<br />

bâti de marchands jersiais jadis établis dans<br />

la région.<br />

<strong>Le</strong>s Jersiais, issus de l’île anglo-normande<br />

de Jersey, ont joué un rôle capital dans le<br />

commerce et les pêcheries en Gaspésie. Ils<br />

sont d’ailleurs les ancêtres d’un grand nombre<br />

de familles de la région. De 1880 à 1957, les<br />

Alexandre, <strong>Le</strong>Maîstre, Mouilpied, <strong>Le</strong>Huguet,<br />

<strong>Le</strong>Marquand et <strong>Le</strong>Gresley et se sont souvent<br />

rendus à la maison <strong>Le</strong>Gros pour y célébrer<br />

mariages, naissances, anniversaires, mais<br />

MIKE DEMBECK. MÉDAILLON : MARIUS JOMPHE.<br />

6 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


LES<br />

INDISPENSABLES<br />

Conscience<br />

durable<br />

Visiter la maison <strong>Le</strong>Gros permet d’en savoir plus sur<br />

le quotidien <strong>hiver</strong>nal des habitants de la région.<br />

aussi pour pleurer la mort de membres de<br />

leurs familles.<br />

Donnée à <strong>CNC</strong> en 2007, cette habitation<br />

exceptionnelle, de par la conservation de<br />

son architecture d’origine, de son intérieur<br />

et de son contenu original (meubles, photos,<br />

accessoires et grenier), semble figée dans<br />

le temps. Elle offre à ses visiteurs de plonger<br />

dans le quotidien d’une famille jersiaise<br />

de l’époque.<br />

UN SITE SPECTACULAIRE À EXPLORER<br />

La Gaspésie regorge de merveilles naturelles<br />

à observer et à explorer. En 2011, le <strong>magazine</strong><br />

National Geographic avait d’ailleurs désigné<br />

la région parmi les meilleures destinations<br />

touristiques au monde.<br />

La pointe Saint-Pierre forme l’extrémité<br />

est de la péninsule gaspésienne. Plongez dans<br />

sa nature d’une grande beauté en arpentant<br />

ses sentiers où des panneaux d’interprétation<br />

vous informent sur la région.<br />

LOCALISATION<br />

La pointe Saint-Pierre se trouve entre Percé<br />

et Gaspé, à 975 km au nord-est de Montréal.<br />

LA MAISON LEGROS<br />

• Érigée entre 1880-1885<br />

• Témoin du passé jersiais<br />

• Cachet historique incomparable<br />

• Plus grande maison de la pointe Saint-Pierre<br />

L’artiste et commissaire anichinabée Jaimie Isaac honore<br />

son lien à la nature et le privilège d’avoir accès à de l’eau<br />

potable en utilisant toujours une bouteille réutilisable.<br />

J’ai été commissaire d’une exposition<br />

intitulée Boarder X mettant en lumière<br />

le travail d’artistes autochtones<br />

qui pratiquent la planche à roulettes, le<br />

surf et la planche à neige afin d’exploiter<br />

le relief du territoire qu’ils habitent. Étant<br />

adepte de ce mode de vie, mais vivant<br />

dans la prairie, la pratique des sports de<br />

planche dicte où et quand je voyage pour<br />

me connecter à la nature; et c’est surtout<br />

dans des lieux près de l’océan et des montagnes.<br />

J’apporte presque toujours une<br />

gourde ou une bouteille d’eau, préférablement<br />

en acier inoxydable ou en cuivre. Je<br />

suis très consciente de la pollution que<br />

constituent les bouteilles de plastique<br />

dans les sites d’enfouissement et dans<br />

l’océan, du privilège d’avoir accès à de<br />

l’eau propre, et aussi du fait que des millions<br />

de personnes dans le monde n’ont<br />

pas ce privilège. Sachant ceci, l’utilisation<br />

d’un contenant réutilisable est une façon<br />

d’opérer un changement de culture et<br />

de poser un geste responsable qui prend<br />

en considération les générations futures.<br />

Pour ne pas l’oublier, je me rappelle le<br />

proverbe autochtone : « Nous n’héritons<br />

pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons<br />

à nos enfants. »1<br />

<strong>CNC</strong>. JUAN LUNA. AVEC LA PERMISSION DE JAIMIE ISAAC.<br />

ESPÈCES À OBSERVER<br />

• Courlis corlieu<br />

• Eider à duvet<br />

• Faucon émerillon<br />

• Garrot d’Islande<br />

• Phoque gris<br />

DESTINATION NATURE<br />

Trois sentiers d’une longueur totale de 10 km.<br />

Apportez vos raquettes et vos jumelles.1<br />

Destinations Nature<br />

Pour en savoir plus : destinationsnature.ca<br />

conservationdelanature.ca HIVER <strong>2019</strong> 7


Liés au<br />

territoire<br />

Des peuples autochtones et Conservation de la nature Canada travaillent ensemble pour<br />

conserver des milieux naturels où se conjuguent valeurs, langues et culture autochtones.<br />

PAR Michelle Brass<br />

8 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


Par un matin frais d’automne, dans le sud-est de<br />

la Saskatchewan, la vallée de la rivière Qu’appelle est<br />

splendide et sereine. Ce site traditionnel de rassemblement<br />

représente le cœur du territoire du Traité no 4. Ce<br />

traité, signé en 1874 entre la Couronne et des nations autochtones,<br />

est un des 11 traités numérotés qui dressent les grandes<br />

lignes de l’entente visant à partager le territoire et à vivre en partenariat<br />

« aussi longtemps que le Soleil se lèvera et que les rivières couleront. »<br />

Cette référence au territoire n’est pas un hasard, car pour les<br />

peuples autochtones, le territoire est à la source de tout. « Valeurs,<br />

langues et culture sont indissociables du territoire », affirme Darryl<br />

Chamakese, facilitateur linguistique de l’Alliance pour l’éducation du<br />

Traité no 4 (Treaty 4 Education Alliance), en se tournant vers les<br />

collines ondoyantes de la vallée. « J’aimerais même que “ Éducation<br />

sur le terrain ”, soit remplacé par “ Enseignements de la Terre mère ”,<br />

ou par “ Marcher la Terre mère ”, pour traduire le lien étroit que nous<br />

entretenons tous avec la Terre. »<br />

Ce lien a été rompu quand, après la signature des traités, le Canada<br />

a déplacé de force plusieurs peuples autochtones de leurs territoires.<br />

<strong>Le</strong>s impacts de ces mesures sur les communautés autochtones, et sur<br />

les écosystèmes, ont été ressentis à travers le pays. Par exemple, après<br />

plus d’un siècle de développement agricole et urbain et d’exploitation<br />

des ressources, seulement 20 % de l’habitat indigène des prairies subsiste<br />

aujourd’hui en Saskatchewan, ce qui rend les efforts de conservation<br />

cruciaux et urgents.<br />

Cette urgence de conserver des habitats en déclin rapide, et de raviver<br />

les langues autochtones et l’enseignement culturel liés à ces territoires,<br />

est une des raisons pour lesquelles Conservation de la nature Canada<br />

(<strong>CNC</strong>) a contacté l’Alliance pour l’éducation du Traité no 4, selon Jennifer<br />

McKillop, vice-présidente régionale par intérim de <strong>CNC</strong> Saskatchewan.<br />

TKTKTKTKTKTKT<br />

DANE ROY<br />

conservationdelanature.ca<br />

HIVER <strong>2019</strong> 9


Comment pouvons-nous être une<br />

organisation qui concentre ses efforts<br />

sur le territoire, sans travailler de<br />

concert avec les Autochtones?<br />

JENNIFER MCKILLOP, VICE-PRÉSIDENTE PAR INTÉRIM, <strong>CNC</strong> - RÉGION DE LA SASKATCHEWAN<br />

« Ceci est né du constat que nous sommes<br />

une organisation qui se consacre principalement<br />

à la conservation des terres, mais qui<br />

jusque-là avait établi peu de partenariats<br />

avec des peuples autochtones en Saskatchewan.<br />

Comment pouvons-nous être une organisation<br />

qui concentre ses efforts sur le territoire,<br />

sans travailler de concert avec les communautés<br />

autochtones qui en sont les<br />

gardiens immémoriaux? »<br />

Offert en partenariat par l’Alliance pour<br />

l’éducation du Traité no 4 et <strong>CNC</strong>, <strong>Le</strong>arning<br />

the Land (Apprendre le territoire) est un<br />

projet éducatif qui amène des élèves à améliorer<br />

leurs connaissances des habitats naturels<br />

et des espèces en péril. Cela se fait par<br />

l’entremise d’activités menées en classe (recherches<br />

et productions artistiques) et à l’extérieur<br />

(promenade à la découverte de<br />

plantes médicinales et visite de sites culturels<br />

significatifs qui peuvent se trouver sur des<br />

réserves ou sur des propriétés de <strong>CNC</strong>).<br />

<strong>Le</strong> partenariat de <strong>CNC</strong> avec l’Alliance pour<br />

l’éducation du Traité no 4 a été tout naturel,<br />

puisque les éducateurs autochtones souhaitaient<br />

déjà voir les élèves revenir sur le territoire<br />

pour raviver leurs liens à celui-ci.<br />

« Nous avons toujours constaté que les<br />

élèves étaient avides des projets éducatifs que<br />

nous avons menés sur le terrain. Ils en veulent<br />

plus, ils aiment ça et ils en retirent beaucoup<br />

», dit Scott Fulton, consultant pour<br />

<strong>Le</strong>arning the Land de l’Alliance pour l’éducation<br />

du Traité no 4. « Nous espérons que de<br />

tels projets contribueront à renforcer l’éducation<br />

sur le territoire, la conservation des prairies<br />

indigènes et la revitalisation des langues<br />

au sein des écoles et des communautés du<br />

Traité no 4. »<br />

Jennifer McKillop croit à la réussite<br />

de ce projet : « <strong>Le</strong> volet éducatif et les relations<br />

qui se créent sont ce qui rapportera<br />

le plus pour tous à long terme. Voilà le<br />

véritable enjeu. »<br />

Établir des relations<br />

En Ontario, Esme Batten abonde dans le<br />

même sens. Elle a passé des années à établir<br />

des relations avec les membres de la Première<br />

Nation non cédée des Chippewas de<br />

Nawash et celle de Saugeen, qui forment<br />

ensemble la Nation Saugeen Ojibway. À titre<br />

de coordonnatrice de la biologie de la conservation<br />

dans la péninsule Saugeen Bruce,<br />

Mme Batten affirme que ces relations, et les<br />

partenariats qui en découlent naturellement,<br />

sont essentiels à son travail et aux efforts de<br />

conservation de <strong>CNC</strong>.<br />

« Si nous ne travaillons pas de concert<br />

avec les communautés autochtones, nous<br />

passons à côté d’un élément essentiel de la<br />

conservation, selon Mme Batten. Sans leurs<br />

précieux savoirs millénaires, nous ne pourrions<br />

en faire autant et il nous faudrait plus<br />

de ressources pour arriver là où les peuples<br />

autochtones sont déjà. »<br />

<strong>CNC</strong> et la Nation Saugeen Ojibway<br />

partagent leurs connaissances et leur<br />

expertise pour dresser un inventaire<br />

d’espèces significatives d’un point de vue<br />

culturel, de plantes médicinales, d’espèces<br />

en péril et d’espèces envahissantes dans la<br />

région. Intégrer des savoirs traditionnels<br />

fournit une connaissance approfondie qui<br />

contribue à une planification de la gestion<br />

plus efficace, dit Mme Batten.<br />

« Nous pouvons comparer nos informations<br />

avec celles des aînés. S’ils disent qu’une<br />

espèce végétale était très commune et que,<br />

par exemple, nous n’en avons documenté que<br />

30 plants dans un milieu donné, alors qu’eux<br />

se souviennent qu’il y en avait des centaines,<br />

voilà une information critique pour savoir ce<br />

qu’il advient de l’espèce sur ce territoire. »<br />

Comprendre ce qui se passe sur le<br />

territoire est une des principales raisons<br />

pour lesquelles la Nation Saugeen Ojibway<br />

a établi un partenariat avec <strong>CNC</strong>, dit Doran<br />

Ritchie, coordonnateur de la planification<br />

des infrastructures au bureau de l’environnement<br />

de la Nation Saugeen Ojibway.<br />

Selon lui, « C’est un exercice en autorité<br />

juridictionnelle. La Nation Saugeen Ojibway<br />

a le droit d’avoir son mot à dire et de donner<br />

son consentement sur ce qui se passe sur son<br />

territoire. C’est généralement un défi pour<br />

les promoteurs et le Gouvernement de comprendre<br />

ce que cela implique. Une organisation<br />

comme <strong>CNC</strong> est un peu plus ouverte<br />

sur comment cela se traduit en regard de ce<br />

qu’elle essaie elle-même de faire. Au bout du<br />

compte, nous essayons tous les deux de protéger<br />

ces milieux. »<br />

Gauche : Darryl Chamakese et son fils. Droite : Des aînés comme Francis Bird sont d’importants collaborateurs<br />

qui partagent leurs connaissances dans le cadre de l’Alliance pour l’éducation du Traité no 4.<br />

DANE ROY.<br />

10 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca<br />

natureconservancy.ca


SENSE HORAIRE : NEIL OSBORNE. DANE ROY. ETHAN MELEG.<br />

Partager des valeurs<br />

C’est cet objectif commun qui rend ces partenariats<br />

possibles, convient Colin Richardson,<br />

directeur de l’intendance de la Nation Haïda à<br />

Haida Gwaii, en Colombie-Britannique. « <strong>Le</strong>ur<br />

valeur liée à la conservation et la protection du<br />

territoire est très conforme à Yah’guudang,<br />

notre valeur fondamentale haïda qui est de<br />

faire preuve de respect. Je dirais que ces deux<br />

valeurs sont très proches l’une de l’autre et<br />

créent donc la possibilité d’une belle relation. »<br />

<strong>CNC</strong> et la Nation Haïda ont tout une tâche<br />

qui les attend : une occasion de partenariat<br />

qui, malgré ses défis, pourrait être enrichissante.<br />

Ils s’engagent dans un vaste projet de<br />

restauration en copropriété et en cogestion.<br />

En effet, après que des pratiques d’exploitation<br />

forestière aient causé des dommages<br />

écologiques et culturels à l’habitat du saumon,<br />

une décision de la Cour provinciale de<br />

la Colombie-Britannique a mené au transfert<br />

de terres à <strong>CNC</strong> et à la Nation Haïda pour<br />

partager la propriété et la gestion de l’aire de<br />

conservation Gamdis Tlagee.<br />

« C’est une première pour <strong>CNC</strong>. Nous nous<br />

concentrons sur l’établissement d’une relation<br />

de confiance et apprenons comment avancer<br />

au sein d’une relation de respect mutuel »,<br />

affirme Hillary Page, directrice de la conservation<br />

en Colombie-Britannique.<br />

Pour les Haïdas, progresser au sein d’une<br />

relation de respect mutuel veut dire prendre<br />

en considération la Déclaration des Nations<br />

Unies sur les droits des peuples autochtones<br />

(DNUDPA). Ce document universel a été rédigé<br />

sur vingt ans par des peuples autochtones<br />

d’à travers le monde. Il représente les normes<br />

minimales à respecter dans tout engagement<br />

avec les Autochtones et évoque leur droit à la<br />

survie, à la dignité et à leur bien-être sur leurs<br />

territoires. <strong>Le</strong> Canada a annoncé son appui à<br />

la DNUDPA en mai 2016. Colin Richardson<br />

indique qu’il aimerait que ce document international<br />

constitue le fondement de la relation<br />

de la Nation Haïda avec <strong>CNC</strong>.<br />

Bien qu’il faille du temps et des efforts pour<br />

établir ces partenariats, Hillary Page reconnaît<br />

qu’un soutien mutuel est crucial pour contrer<br />

la disparition rapide du territoire. « Nous avons<br />

hâte de travailler avec les communautés autochtones<br />

pour parvenir à faire de la conservation<br />

culturelle et écologique » ajoute-t-elle.<br />

Au bureau de la Nation Saugeen Ojibway,<br />

M. Ritchie mentionne qu’il est fantastique<br />

que <strong>CNC</strong> tende la main à la Nation, mais que<br />

des questions litigieuses demeurent. Il dit<br />

qu’il est essentiel de comprendre l’histoire,<br />

d’accepter que les peuples autochtones<br />

soient les premiers propriétaires de la terre<br />

et de connaître la politique qui consiste à<br />

travailler avec les Autochtones sur leurs<br />

territoires traditionnels et non cédés. « Ils<br />

A : Nation Saugeen Ojibway<br />

B : Alliance pour l’éducation du Traité no 4<br />

doivent savoir ce que ça signifie de travailler<br />

sur les terres des Premières Nations. Voici<br />

nos droits, voici nos valeurs, et voici comment<br />

nous voulons être inclus dans les<br />

plans futurs. Pour moi, voilà ce qui importe<br />

quand on travaille avec des organisations<br />

comme <strong>CNC</strong>. »<br />

Colin Richardson affirme pour sa part<br />

qu’un processus bien élaboré doit être mis<br />

en place pour comprendre et définir la relation.<br />

Garder en tête les objectifs communs<br />

contribuera à faire progresser cette relation.<br />

Honorer le territoire<br />

Dans la vallée de la rivière Qu’Appelle,<br />

Scott Fulton tourne son regard vers le site<br />

du rassemblement annuel du Traité no 4<br />

qui permet d’honorer et de renforcer les<br />

liens créés par cette entente. Il revient sur<br />

l’alliance naturelle entre <strong>CNC</strong> et l’Alliance<br />

pour l’éducation du Traité no 4 pour la<br />

protection de l’écosystème des prairies.<br />

« C’est un peu comme d’observer des terres<br />

avant leur colonisation et de prendre en<br />

compte leur valeur », dit-il.<br />

Ce lien avec le passé est ce qui guide<br />

l’avenir de <strong>Le</strong>arning the Land qui en est<br />

à sa cinquième année et qui entreprend un<br />

projet de cartographie intégrant des toponymes<br />

autochtones. Reconnaître la valeur<br />

de ces paysages contribue à ce que les étudiants<br />

autochtones explorent leur histoire<br />

et leur relation au territoire, ravivent leurs<br />

langues et les savoirs liés à leurs cultures,<br />

selon M. Chamakese.<br />

C<br />

TRAVAILLER ENSEMBLE<br />

Trois des collaborations entre les Autochtones et<br />

<strong>CNC</strong> à travers le pays.<br />

B<br />

C : Haida Gwaii<br />

« Il y a cette histoire très ancienne qui<br />

remonte bien avant 1874 et que nos jeunes<br />

doivent apprendre, sinon nous sommes<br />

colonisés » dit Darryl Chamakese. « Toute<br />

cette vallée de la rivière Qu’Appelle portait<br />

le nom de kâ-têpwêwi-sîpiy (“la rivière qui<br />

appelle” dans la langue crie). On y trouve<br />

des zones où la chasse et la cueillette de<br />

petits fruits étaient pratiquées, ainsi que<br />

des sites sacrés qui nous définissent en tant<br />

que peuple. Voilà ce qui est intéressant<br />

avec ce projet de cartographie. <strong>Le</strong>s étudiants<br />

vont apprendre les noms d’origine de ces<br />

lieux, mais aussi découvrir les territoires<br />

traditionnels, les cours d’eau, petits lacs et<br />

les sites sacrés. »<br />

Dans une région où la superficie des paysages<br />

naturels pré-contact (avant l’arrivée des<br />

Européens) diminue rapidement, ces types<br />

de collaborations annoncent une transition<br />

vers ce que les peuples autochtones appellent<br />

« l’esprit et l’intention derrière les traités ». En<br />

travaillant ensemble, de telles collaborations<br />

novatrices peuvent fournir des méthodes<br />

concrètes pour protéger la terre et les cultures<br />

pour nos enfants et petits-enfants. Cela commence<br />

en prenant des mesures respectueuses<br />

et réfléchies pour établir des relations réellement<br />

basées sur le partage du territoire au<br />

bénéfice de tous.1<br />

Michelle Brass, auteure et journaliste,<br />

habite en Saskatchewan. Elle est d’origine<br />

Saulteaux et membre de la Première<br />

Nation Yellow Quill.<br />

A<br />

conservationdelanature.ca<br />

HIVER <strong>2019</strong> 11


PROFIL<br />

D’ESPÈCE<br />

Renard<br />

véloce<br />

Filant à des vitesses<br />

pouvant atteindre<br />

les 60 km/heure, ce<br />

renard porte bien<br />

son nom.<br />

CRAIG MILLER<br />

12 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


TAILLE ET APPARENCE<br />

<strong>Le</strong> renard véloce, le plus petit canidé d’Amérique<br />

du Nord, est à peu près de la taille d’un<br />

chat domestique et peut peser jusqu’à 3 kg.<br />

Son pelage est roux-jaunâtre avec une large<br />

bande grise couvrant son dos et sa queue<br />

dont l’extrémité est noire. Son ventre est plus<br />

clair et les côtés de son museau sont noirs.<br />

AIRE DE DISTRIBUTION<br />

La population de renards véloces s’étend<br />

du sud de l’Alberta et de la Saskatchewan<br />

jusqu’au Texas et au Nouveau-Mexique.<br />

Aujourd’hui, l’espèce n’est présente que sur<br />

40 % de son aire de répartition historique<br />

et de nombreuses populations sont isolées.<br />

TERRIER<br />

<strong>Le</strong> renard véloce est le canidé qui passe le<br />

plus de temps sous terre; son terrier est donc<br />

très important pour sa survie. Il l’utilise tout<br />

au long de l’année pour se mettre à l’abri de<br />

ses prédateurs et y élever ses petits.<br />

CHASSE NOCTURNE<br />

<strong>Le</strong> renard véloce chasse surtout la nuit. On<br />

peut toutefois l’apercevoir prenant un bain<br />

de soleil aux abords de son terrier pendant<br />

la journée. Sa diète consiste principalement<br />

de rongeurs, mais il lui arrive aussi de se<br />

nourrir d’oiseaux et de leurs œufs, d’insectes,<br />

de plantes et de charognes.<br />

PRAIRIES<br />

Au Canada, le renard véloce ne vit plus que<br />

dans une petite région des prairies du sud<br />

de l’Alberta et de la Saskatchewan. Plus de<br />

70 % de la superficie des prairies indigènes<br />

au Canada a aujourd’hui disparu et la<br />

destruction se poursuit. La protection de<br />

ces prairies est essentielle à la survie du<br />

renard véloce et d’autres espèces qui<br />

dépendent de cet écosystème.<br />

CONTRIBUEZ À LA SURVIE D’ESPÈCES<br />

Pour aider à la protection d’habitats naturels<br />

comme celui du renard véloce, visitez<br />

conservationdelanature.ca/donnez<br />

Un rétablissement<br />

« haute vitesse »<br />

<strong>Le</strong> retour du renard véloce est l’une des plus<br />

belles histoires de réintroduction d’une espèce<br />

au pays. Autrefois abondant dans les prairies<br />

à herbes courtes et à herbes mixtes de l’Alberta,<br />

de la Saskatchewan et du sud-ouest du Manitoba,<br />

l’espèce a été déclarée disparue du pays en 1930.<br />

Ce déclin résultait principalement de la disparition<br />

de son habitat.<br />

En 1973, un programme privé de rétablissement<br />

a permis d’élever en captivité des renards véloces<br />

provenant des États-Unis, pour éventuellement<br />

les réintroduire dans la nature au Canada. Appuyé<br />

par des organismes fédéraux, des organismes sans<br />

but lucratif et des intervenants du milieu universitaire,<br />

dont le Cochrane Ecological Institute et le<br />

Conservation Research Centre du Zoo de Calgary,<br />

ce programme a mené à l’une des réintroductions<br />

d’espèce les plus réussies au pays. <strong>Le</strong>s premiers<br />

renards véloces élevés en captivité ont été relâchés<br />

en 1983 le long de la frontière entre l’Alberta et la<br />

Saskatchewan et dans la région de la crête de la<br />

rivière Milk. Ces renards ont survécu et, au fil des<br />

ans, ont été rejoints par d’autres congénères élevés<br />

en captivité. De 1983 à 1997, plus de 900 individus<br />

ont été relâchés en Alberta et en Saskatchewan.<br />

Environ 650 renards véloces vivent aujourd’hui<br />

au Canada. Cette population semble stable et<br />

est maintenant connectée à celles du Montana.<br />

L’espèce est désignée menacée en vertu de la Loi<br />

sur les espèces en péril du Canada et sa situation<br />

demeure précaire en raison de la fragmentation<br />

et de la disparition de son habitat.<br />

Protéger les prairies<br />

<strong>Le</strong> travail à l’échelle du paysage de Conservation<br />

de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) dans des régions de<br />

prairies comme celle du sud-est de l’Alberta,<br />

contribue à protéger l’habitat du renard véloce.<br />

En juillet 2018, un terrier de renards véloces<br />

a été découvert sur une propriété de <strong>CNC</strong> dans<br />

cette région. Voilà qui démontre que le travail<br />

de conservation et de gestion de terres privées<br />

d’organisations comme <strong>CNC</strong> vient en aide à des<br />

espèces en péril, dans ce cas-ci en fournissant<br />

à une espèce menacée un milieu naturel contribuant<br />

à son rétablissement.<br />

En travaillant avec les collectivités, d’autres<br />

organismes de conservation et les propriétaires<br />

fonciers, <strong>CNC</strong> continuera de protéger et de gérer<br />

ces milieux naturels pour faire en sorte que des<br />

espèces comme le renard véloce trouvent des<br />

milieux sauvages où ils pourront vivre.1<br />

HIVER <strong>2019</strong> 13


<strong>CNC</strong><br />

À L’ŒUVRE<br />

1<br />

Agrandir Darkwoods<br />

COLOMBIE-BRITANNIQUE<br />

1<br />

2<br />

Pour en savoir plus<br />

Visitez conservationdelanature.ca/noustrouver<br />

pour plus d’information sur les projets de <strong>CNC</strong>.<br />

3<br />

<strong>Le</strong> bassin versant de Next Creek se trouve au cœur de Darkwoods, l’aire de<br />

conservation phare de Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) dans le<br />

sud-est de la Colombie-Britannique. Pour l’instant, la plus grande portion<br />

de ce bassin versant ne fait pas partie de l’aire de conservation; elle appartient<br />

à des intérêts privés et n’est pas protégée; mais cela est sur le point de changer.<br />

Nous amassons présentement des fonds pour acquérir et assurer la gestion<br />

de la propriété Next Creek, d’une superficie de 9 700 hectares (19 500 acres).<br />

La campagne de financement permettra d’accroître de 14 % la superficie de<br />

Darkwoods et d’assurer la gestion d’habitats indispensables pour des douzaines<br />

d’espèces en péril. Cela renforcera la protection de la seule forêt pluviale<br />

tempérée intérieure au monde.<br />

En novembre 2018, le personnel de <strong>CNC</strong> s’est joint à Catherine McKenna, la<br />

ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, et à George<br />

Heyman, ministre de l’Environnement et de la Stratégie contre les changements<br />

climatiques de la Colombie-Britannique, pour célébrer les contributions importantes<br />

du Gouvernement du Canada et de la Province de la Colombie-Britannique dans la<br />

conservation des habitats des Rocheuses canadiennes.<br />

<strong>Le</strong>s deux gouvernements ont annoncé des investissements totalisant 14,65 millions<br />

de dollars (7 millions de dollars du Gouvernement du Canada par l’entremise du<br />

Programme de conservation des aires naturelles et 7,65 millions de la province de<br />

la Colombie-Britannique). Ces fonds seront investis directement dans l’expansion<br />

de Darkwoods par l’acquisition de la propriété de Next Creek.<br />

Nous cherchons actuellement à amasser 2 millions de dollars auprès de particuliers,<br />

d’entreprises et de fondations dans le but de finaliser ce projet.<br />

Darkwoods et Next Creek sont des territoires situés le long du lac Kootenay,<br />

entre Nelson et Creston. La menace provenant d’activités industrielles ou d’activités<br />

récréatives incompatibles fait de l’acquisition de Next Creek la plus grande priorité<br />

de conservation de <strong>CNC</strong> en Colombie-Britannique.<br />

L’aire de conservation Darkwoods fournit un habitat vital à 50 espèces en péril, y<br />

compris le grizzly, le carcajou, le caribou des montagnes et le pin à écorce blanche.<br />

L’expansion de Darkwoods s’inscrit dans le projet de <strong>CNC</strong> d’amasser et d’investir<br />

au moins 25 millions de dollars pour accroître considérablement son travail de<br />

conservation dans la région des Rocheuses canadiennes. <strong>CNC</strong> vise à y acquérir<br />

un plus grand nombre de terres à, à entreprendre la restauration de sites dégradés<br />

hautement prioritaires, et à travailler avec des partenaires pour la protection<br />

d’écosystèmes et d’espèces sauvages.<br />

Pour en savoir plus et faire un don, visitez natureconservancy.ca/darkwoods (en anglais).<br />

GRIZZLY : DONALD M. JONES/MINDEN PICTURES. DARKWOODS : GORDON MACPHERSON.<br />

<strong>Le</strong>s montagnes de Darkwoods, riches d’une impressionnante<br />

variété d’habitats, s’élèvent à partir des rives du lac Kootenay.<br />

14 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


Il est possible que le<br />

champignon associé au<br />

syndrome du museau<br />

blanc ne puisse survivre<br />

dans le climat sec des<br />

Prairies. Voilà une bonne<br />

nouvelle pour la petite<br />

chauve-souris brune!<br />

SENS HORAIRE, D’EN HAUT À DROITE : DENNIS MINTY. ISTOCK. AVEC LA PERMISSION DE JOE POISSANT. STEVE GETTLE/MINDEN PICTURES.<br />

2<br />

3<br />

Grande nouvelle pour<br />

la petite chauve-souris brune<br />

SASKATCHEWAN<br />

Joe Poissant, chercheur spécialisé dans les chauves-souris et qui travaille avec <strong>CNC</strong>, a récemment<br />

découvert des petites chauves-souris brunes (vespertilions bruns) à l’aire de conservation des<br />

prairies patrimoniales Old Man on His Back (OMB) de <strong>CNC</strong>. Voilà qui est inhabituel, non seulement<br />

parce que cette espèce est en voie de disparition, mais aussi parce qu’elle niche habituellement dans les<br />

cavités des arbres, alors que OMB est une vaste étendue de prairies mixtes où les arbres se font rares.<br />

Cet été, M. Poissant a enregistré des sons émis par des petites chauves-souris brunes sur la propriété<br />

OMB à l’aide d’un appareil enregistrant les ultrasons (Anabat). Comme ces chauves-souris ne migrent<br />

pas sur de longues distances, il pense qu’elles nichent dans les structures qui se trouvent sur la propriété,<br />

notamment les vieux bâtiments en briques ou les étables, et qu’elles hibernent seulement à quelques<br />

degrés au-dessus du point de congélation.<br />

C’est à cause du syndrome du museau blanc que la petite chauve-souris brune est en voie de disparition<br />

en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada. Toutefois, cette infection fongique ne survivrait<br />

pas dans le climat sec des prairies. Pour s’assurer que l’espèce disposera d’endroits où se jucher ce printemps,<br />

le personnel et les bénévoles de <strong>CNC</strong> ont construit et installé des nichoirs à chauves-souris à OMB.<br />

Du ski de fond pour la conservation<br />

QUÉBEC (RÉGION DE L’OUTAOUAIS)<br />

En collaboration avec l’Institut Kenauk, <strong>CNC</strong> travaille pour approfondir<br />

sa compréhension des loups et d’autres grands mammifères qui vivent<br />

sur la propriété Kenauk, et ce, afin de s’assurer que des mesures de<br />

conservation et de gestion protégeront ces espèces.<br />

En février <strong>2019</strong>, des équipes de skieurs bénévoles surveilleront les<br />

pistes de ski de fond de Kenauk pour y relever des traces de loups de<br />

l’Est et de coyotes. L’observation de ces animaux, de leurs empreintes et<br />

de leurs excréments permettra à l’équipe d’estimer la taille de la population<br />

de loups de l’Est sur la propriété Kenauk et d’étudier le bagage génétique<br />

de l’espèce. <strong>Le</strong> loup de l’Est est menacé au Canada en raison de<br />

la fragmentation de son habitat et de son hybridation avec le coyote.<br />

<strong>Le</strong>s données collectées nous aideront à approfondir nos connaissances<br />

du loup de l’Est, dont l’aire de répartition est limitée aux<br />

grandes forêts du Québec et du centre de l’Ontario.1<br />

Pleins feux sur<br />

nos partenaires<br />

Lowe’s Canada est déterminé<br />

à réduire l’empreinte écologique<br />

de ses activités, notamment<br />

la quantité de déchets envoyés<br />

à des sites d’enfouissement.<br />

C’est dans cette perspective que<br />

l’entreprise a adopté des mesures<br />

concrètes pour encourager sa<br />

clientèle à ne plus utiliser des sacs<br />

de plastique lorsqu’elle fait des<br />

achats dans ses magasins.<br />

Cette année, afin de décourager<br />

l’utilisation de sacs de plastique<br />

et d’inciter ses clients à adopter<br />

de nouvelles habitudes, l’entreprise<br />

a instauré des frais pour ces<br />

sacs dans toutes les quincailleries<br />

Lowe’s, RONA et Réno-Depôt qui<br />

lui appartiennent : 5 ¢ pour un<br />

sac ordinaire et 10 ¢ pour un sac<br />

plus épais. <strong>Le</strong>s profits sont remis à<br />

Conservation de la nature Canada<br />

(<strong>CNC</strong>) afin d’appuyer la conservation<br />

de milieux naturels à travers<br />

le pays.<br />

<strong>CNC</strong> a cerné 90 aires naturelles<br />

prioritaires à travers le Canada où<br />

l’organisme cherche continuellement<br />

des occasions de protéger<br />

de nouvelles propriétés. Cet<br />

avantageux partenariat conclu<br />

avec Lowe’s Canada fournit à<br />

l’organisme les ressources dont il<br />

a besoin pour protéger les aires<br />

naturelles que nous chérissons et<br />

les espèces qu’elles abritent.<br />

conservationdelanature.ca


UNE FORCE POUR<br />

LA NATURE<br />

La<br />

réciprocité<br />

avec le<br />

territoire<br />

Eli Enns explique comment les efforts de conservation menés par les Autochtones<br />

contribuent à la réconciliation et au lien entre les humains et le territoire<br />

TJ WATT<br />

16 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


TJ WATT<br />

Eli Enns se rappelle ses 10 ans alors qu’il<br />

observait son oncle Joe sculpter un canot<br />

traditionnel sur la rive d’Echachist. Cet<br />

ancien village baleinier, situé sur une île à l’extrême<br />

ouest du Canada, se trouve à environ 10 minutes<br />

en bateau de Tofino, en Colombie-Britannique.<br />

* L’objectif 1 est l’initiative nationale<br />

canadienne visant à conserver<br />

au moins 17 % des zones<br />

terrestres et des eaux intérieures<br />

et 10 % des zones côtières et<br />

marines d’ici 2020 par l’entremise<br />

de réseaux d’aires protégées, et<br />

d’autres mesures efficaces de<br />

conservation dans des superficies<br />

clairement définies.<br />

Après avoir observé son oncle sculpter méticuleusement le thuya<br />

géant, le jeun Eli décida d’explorer l’île isolée et tranquille.<br />

« Il y a peu d’animaux sur l’île, parce qu’elle est difficile d’accès<br />

à cause des fortes marées qui s’y abattent tout autour, explique Eli<br />

Enns. Au moment où j’ai atteint le haut d’une crête, un cerf s’y<br />

trouvait déjà. Quelques mètres nous séparaient; nous nous sommes<br />

regardés dans les yeux. C’est un souvenir impérissable. »<br />

M. Enns est un politologue Nuu-chah-nulth canadien et un expert<br />

de renommée internationale dans le domaine de la conservation du<br />

patrimoine bioculturel. Il est cofondateur du parc tribal Ha’uukmin,<br />

dans la réserve de biosphère de Clayoquot Sound désignée par<br />

l’UNESCO, sur l’île de Vancouver, d’où viennent ses ancêtres paternels.<br />

Eli Enns est également coprésident du Cercle autochtone d’experts<br />

(CAE) de Conservation 2020. <strong>Le</strong> CAE se consacre à diriger des efforts<br />

de conservation au Canada autour des aires protégées et de conservation<br />

autochtones (APCA), en s’appuyant sur leur importance pour<br />

l’atteinte de l’Objectif 1 * du Canada dans l’esprit de la réconciliation.<br />

« Pour moi, l’aspect le plus important et le plus fondamental<br />

d’une APCA est qu’il s’agit de l’application moderne de modes<br />

de gouvernance traditionnels. <strong>Le</strong> cœur et l’âme d’une APCA sont<br />

la langue, la culture et les valeurs et principes traditionnels de<br />

gouvernance. <strong>Le</strong> parc tribal Ha’ukkmin se base sur la ha’hopa et la<br />

ha’houlthee, d’anciennes lois d’uyuthluk usma, soit la compréhension<br />

de notre relation avec le territoire. »<br />

Selon M. Enns, la différence entre un parc tribal ou une APCA, et<br />

un parc national ou provincial, est que les moyens de subsistance<br />

durables sont pris en compte dans les parcs tribaux et les APCA.<br />

« C’est un élément clé dans la création des APCA. Pour y maintenir<br />

une saine biodiversité, nous devons demeurer en relation avec le territoire.<br />

Et un aspect de cette relation est l’utilisation de ce territoire. Tout<br />

cela remonte à la loi de la réciprocité. »<br />

La réciprocité joue un rôle significatif<br />

dans la manière dont les Autochtones du<br />

Canada interagissent avec le territoire et<br />

veillent sur lui.<br />

« Mon oncle <strong>Le</strong>vi m’a toujours dit que<br />

chaque fois que nous prenons quelque<br />

chose au territoire, nous devons lui redonner<br />

quelque chose », se rappelle M. Enns.<br />

<strong>Le</strong>s communautés autochtones vivent<br />

dans cette optique du partage avec le<br />

territoire, et ce, depuis la création du<br />

monde, et c’est quelque chose que pratique<br />

Eli Enns dans sa relation avec la<br />

Terre-Mère.<br />

« J’ai toujours compris ceci intellectuellement<br />

avant même d’en faire l’expérience,<br />

se rappelle M. Enns. J’ai vécu cette expérience<br />

pour la première fois peu après le<br />

décès de mon père, alors que je pêchais avec<br />

mon oncle Joe. Sur le chemin du retour, mon<br />

oncle a rangé notre bateau à côté d’un îlot de<br />

rochers et a demandé à l’un d’entre nous d’aller<br />

ramasser des œufs dans des nids d’oiseaux<br />

de mer situés au-dessus de nous. J’ai pris un<br />

seau et grimpé sur les rochers, incertain de<br />

ce qui allait arriver. Ma présence a fâché les<br />

oiseaux. J’envahissais leur territoire. Cela m’a<br />

remué le cœur. »<br />

Aujoud’hui, Eli Enns croit que par la réciprocité<br />

et la protection du territoire nous avançons<br />

vers la réconciliation entre les nations.<br />

Avant de revenir au bateau, le jeune Eli<br />

a appris de la nature une leçon dont il avait<br />

besoin et qui a influencé sa relation avec la<br />

Terre-Mère pour le restant de sa vie : « J’ai<br />

trouvé un nid, mais j’ai été soulagé de voir<br />

que tous les œufs avaient éclos ou qu’ils<br />

avaient été mangés par un prédateur. Quand<br />

je me suis retourné, j’ai vu mon oncle éviscérer<br />

le poisson que nous avions attrapé et le laisser<br />

aux oiseaux. C’était un échange d’énergie.<br />

Je me suis alors senti mieux. Je suis donc<br />

retourné chercher des œufs, et sans avoir<br />

le cœur lourd, j’ai été capable d’en trouver.<br />

Voilà un exemple de réciprocité telle que<br />

mon oncle <strong>Le</strong>vi me l’avait enseignée. »1<br />

<strong>Le</strong>s communautés<br />

autochtones vivent<br />

dans cette optique<br />

du partage avec le<br />

territoire, et ce, depuis<br />

la création du monde.<br />

<strong>Le</strong> polypode réglisse, une espèce indigène, occupe une place importante<br />

dans l’histoire familiale d’Eli Enns et dans la culture autochtone.<br />

conservationdelanature.ca<br />

HIVER <strong>2019</strong> 17


GRANDEUR<br />

NATURE<br />

Il n’y a rien de tel!<br />

Par Gary A. Bouchard (nom traditionnel (Zhowno Biness ou « Oiseau-tonnerre du Sud ») de la Première Nation Pays Plat (Pawgwasheeng ou « Eau peu profonde »)<br />

La nuit passée fut probablement la dernière de cette<br />

merveilleusement longue saison sur le « Grand Lac »<br />

(lac Supérieur), en Ontario, où j’ai mené des suivis pour<br />

Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>). Chaque saison de<br />

travail sur le terrain, depuis 2012, j’y évalue les perturbations<br />

occasionnées par les visiteurs et le niveau de fréquentation, tout<br />

en surveillant la présence d’espèces envahissantes. <strong>Le</strong>s journées<br />

sont longues, mais chaque jour passé sur le lac Supérieur vaut<br />

mieux, pour moi, qu’une journée dans n’importe quel bureau.<br />

J’adore faire des suivis sur l’île Wilson, les îles Powder et sur<br />

d’autres îles du lac Supérieur.<br />

Hier fut aussi ma dernière nuit sur le bateau à dormir à la<br />

belle étoile, sans me faire réveiller par le son d’un espiègle<br />

mésangeai du Canada arrachant des brindilles pour me les<br />

lancer à la tête. Ce matin, je jette un coup d’oeil vers un nid<br />

d’aigle qui se trouve tout près pour voir si son occupante est<br />

toujours là à me surveiller... Oui, elle y est. « Boozhoo,<br />

kookum migiizii!» (« Bonjour, grand-mère aigle! »).<br />

<strong>Le</strong> ciel est d’un gris sombre typique pour un matin de<br />

novembre sur Gitchi Gumee (lac Supérieur).<br />

Je pense au fait que je ne ressens presque plus le mouvement<br />

des vagues et comment ceux qui n’ont jamais navigué sur le<br />

Grand Lac, ou qui n’y ont pas été depuis des années, peuvent<br />

encore le ressentir pendant un certain temps une fois de retour<br />

sur la terre ferme. Je me dis aussi que je devrais toujours prendre<br />

plus de photos et de vidéos, car beaucoup de gens n’ont pas la<br />

chance d’admirer les merveilles qui composent mon quotidien.<br />

Il n’y a rien de tel que de naviguer sur le Grand Lac. Cela<br />

peut être assez exténuant. Toutefois, le grand air ne m’affecte<br />

plus autant qu’avant; il ne m’épuise plus comme c’est le cas<br />

pour les gens que j’emmène en expédition. Durant le tournoi<br />

de pêche communautaire, il n’est d’ailleurs pas rare de passer<br />

16 heures sur le lac.<br />

Je regarde le lac et j’y vois une eau pure aux reflets verts et<br />

bleus. Je me souviens d’avoir amené en expédition des jeunes<br />

de notre centre multiculturel; je revois leur émerveillement<br />

devant les couleurs du lac Supérieur : ses berges, ses vagues<br />

immenses, le choc d’y plonger. Il m’arrive parfois d’oublier ce<br />

que l’on ressent en voyant toute cette beauté pour la première<br />

fois. Ma vie... Il n’y a rien de tel!1<br />

PETE RYAN<br />

18 HIVER <strong>2019</strong> conservationdelanature.ca


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protégés par <strong>CNC</strong>, ce qui contribuera<br />

à la restauration d’écosystèmes rares,<br />

au soutien d’espèces en péril et à<br />

l’amélioration de la qualité de notre air<br />

et de notre eau. Plusieurs options vous<br />

sont offertes pour contribuer, comme<br />

celle de donner sur une base mensuelle<br />

ou de faire un don testamentaire.<br />

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Pourquoi un citadin a-t-il choisi<br />

d’appuyer la conservation de<br />

la nature?<br />

Toute ma vie, j’ai habité près du centre-ville de<br />

Montréal. Alors, pourquoi donc appuyer Conservation<br />

de la nature Canada (<strong>CNC</strong>)? Pourquoi passer des journées<br />

à la campagne à nettoyer des dégâts laissés par d’autres<br />

ou à arracher des plantes qui n’auraient jamais dû traverser<br />

l’Atlantique?<br />

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Donner sur une base mensuelle est<br />

facile, flexible et pratique. En répartissant<br />

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naturels, et ce, sur une base quotidienne.<br />

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pour la planification à long terme du<br />

travail de <strong>CNC</strong>. Vous pouvez faire un don<br />

testamentaire, un don de titres cotés en<br />

bourse ou de REER/FERR, d’assurance vie,<br />

ou un don de terre.<br />

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55, avenue du Mont-Royal Ouest, bureau 1000, Montréal (Québec) H2T 2S6<br />

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NOUVELLES PROPRIÉTÉS<br />

M. Rittinger<br />

Mark Rittinger<br />

Vice-président,<br />

Marketing et développement<br />

C’est parce que je ressens un profond besoin d’agir pour<br />

contribuer à la conservation des milieux naturels au<br />

Canada. Quand je fais de la randonnée, les montagnes,<br />

rivières et lacs de l’est du Canada touchent une corde<br />

sensible en moi. Aider financièrement <strong>CNC</strong> sur une base<br />

régulière par des dons mensuels, et en faisant occasionnellement<br />

du travail bénévole, sont les meilleurs moyens<br />

que je connaisse pour transmettre un patrimoine naturel<br />

dont d’autres pourront profiter.<br />

L’éminent biologiste Edward O. Wilson a affirmé lors<br />

d’une conférence à laquelle j’ai assisté qu’il croit que nous<br />

avons une obligation morale de stopper la destruction<br />

de l’environnement afin de permettre à d’autres espèces<br />

de poursuivre leur évolution. Si nos actions menaient à<br />

l’extinction de l’humanité, ce serait en effet tragique. Quel<br />

droit moral nous permet de détruire l’environnement<br />

naturel vital des végétaux et des animaux avec lesquels<br />

nous partageons notre planète?<br />

Donc quand Conservation de la nature Canada<br />

acquiert des milieux naturels pour assurer la protection<br />

de salamandres, de tortues ou d’oiseaux rares, je<br />

comprends. Et je veux faire tout en mon possible pour<br />

donner un coup de main.<br />

~ Peter Solonysznyj est un <strong>Le</strong>ader en conservation<br />

de <strong>CNC</strong> et bénévole depuis 2008.<br />

Partagez vos histoires avec nous à <strong>magazine</strong>@conservationdelanature.ca

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