« LES GARS… SORTEZ VOS TÉLÉPHONES ! » Dans ce quartier de Nice, une block party bat son plein. Comme celles qui ont initié le mouvement hip-hop à New York il y a une quarantaine d’années. Des platines, des enceintes, des rappeurs, du graff, un barbecue… Des danseurs, aussi. Parmi eux, le prodige du secteur. Diablo, 26 ans. C’est pour lui que l’un des jeunes sur la cinquantaine présente recommande de sortir les smartphones. Dans le cercle de danse formé quelques minutes plus tôt à même le bitume, Diablo délivre une performance qui vous fait instantanément comprendre pourquoi ce type élevé dans l’environnement urbain et brut que nous découvrons aujourd’hui, très loin des ambiances carte postale de la Côte d’Azur, s’est imposé ces dernières années comme l’un des meilleurs street dancers au monde. Comme son corps se désarticule pour laisser tous ses membres bouger d’une façon hallucinante, Diablo ouvre une porte vers une dimension artistique sauvage autant qu’esthétique, dont l’ADN se trouve ici, sur cette Place des Amaryllis où se côtoieront jeunes et anciennes générations, dans un esprit de SUR SON TERRAIN Observez bien les pieds de Diablo quand il danse. Il a foulé le bitume de Nice de nombreuses années avant de s’envoler à l’international, pour y bâtir une carrière qui fait la fierté des siens. bonne humeur. Ici, aujourd’hui, c’est la fête, mais sur cette même place, quelques mois plus tôt, un jeune a perdu la vie, fauché par des balles destinées à un autre. Un drame lié à une dette de drogue, dont témoigne aujourd’hui ce petit arbre entre la sono et le barbecue, orné de fleurs et de messages rendant hommage au disparu. La French Riviera, façon promenade des Anglais, c’est là-bas, une quarantaine de minutes à pied en traçant à droite, après la Poste et le supermarché à l’angle de l’avenue Martin Luther King. Sa route, Diablo l’a poussée encore plus loin, jusqu’en Angleterre ou aux USA, et s’est fait un nom en dansant. Auprès de stars de la musique et en brillant lors des rassemblements de danse urbaine les plus reconnus. Mais aujourd’hui, c’est chez lui, dans son quartier d’enfance, aux Moulins, qu’il tenait à nous inviter. On rencontre Diablo pour la première fois fin 2018, autour d’un plat asiatique – chez Quan Viet, Paris 17. Il habite officiellement en Île-de-France depuis quelques mois. Comme on envisage de lui dédier un article, le danseur nous annonce être « chaud », mais propose que nous venions là d’où il vient, à Nice, pour y rencontrer ses talentueux amis et leur offrir de la visibilité dans le sujet. Né d’une mère béninoise et d’un père espagnol, Diablo avance rarement seul et veut honorer ceux qui l’ont accompagné et soutenu ces quinze dernières années. Nous le recroisons début mars. La veille, il a marqué l’histoire de la street dance. Devant les 17 000 spectateurs de l’AccorHotels Arena venus assister au Juste Debout, en duo avec son partenaire Stalamuerte, Diablo a remporté le titre en hip-hop. Et sur la route de sa finale, dans une ambiance de folie, il a battu les Twins, des jumeaux réputés indétrônables parmi les plus célèbres danseurs new school de la planète. Des frères originaires de Sarcelles devenus millionnaires en remportant un concours de danse télévisé aux États- Unis lancé par la chanteuse Jennifer Lopez. On les a aussi vus très souvent aux côtés de Madonna, avec laquelle ils dansent depuis des années. Des missions internationales, Diablo en connaît très tôt. « Quand j’avais 16 ou 17 ans, l’équipe d’une artiste américaine m’avait contacté pour un casting, et j’ai passé du temps à Londres du coup », raconte le danseur installé dans un VTC qui nous transporte du phare de Nice (où nous réalisions quelques photos) jusqu’aux Moulins. En 2012, il danse au Super Bowl d’Indianapolis avec Madonna. Le Niçois a alors 19 ans et se produit devant 114 millions de téléspectateurs lors du mega show musical donné à mi-match de l’événement majeur du football américain. 26 THE RED BULLETIN
EN MODE VIP Dans le cercle, pour quelques dizaines de personnes. Un mois auparavant, Diablo dansait devant 17 000 spectateurs lors du Juste Debout.