Actuel n°17
l’estampe contemporaine
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(3) Kiki Smith
(16) Daniel Nassoy
(22) Corinne Lepeytre
(28) Sylvain Konyali
(34) Karol Felix
(40) Raúl Velasco
(46) Abdelsalam Salem
(40) Raúl Velasco
(56) Le Salon d’Automne
(52) Biennale de Limay
Ont collaboré à l’écriture de ce numéro :
Véronique Blondel, Catherine de Braekeleer, Christian Massonnet, Abdelsalam Salem,
Sylvie Abélanet, Pablo Flaiszman, Érik Desmazières,Daniel Nassoy,
Dagmar Srnenská, José Ruiz Correa, Muriel Baumgartner, Sabine Delahaut,
Pierre Guérin, Annie Latrille.
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Kiki Smith
En prélude à l’exposition que lui consacre
le Centre de la gravure et de l’image
imprimée de La Louvière,
la revue Actuel a le plaisir de vous proposer
un dossier spécial se focalisant sur l’œuvre
gravé de l’artiste américaine Kiki Smith.
Le travail de Kiki Smith, c’est celui de la chair
et des émotions dans une approche à la fois
pudique et provocante, intime et universelle.
Le corps y incarne les questionnements
qui traversent son œuvre : la vulnérabilité,
la douleur, l’angoisse de la disparition.
La vie et la mort.
Il y est question des origines et des peurs
ancestrales, de naissance et de renaissance,
dans un monde évoquant l’imagerie
des contes de fées. Un monde étrange
et symbolique où l’animalité en dit long
sur notre humanité.
Une exploration de la condition humaine
où l’artiste construit et déconstruit l’image
de la femme pour en révéler toute
la complexité.
Mais aussi une sensibilité à la nature,
comme pour célébrer notre présence
au monde.
Aussi éphémère soit-elle.
Rendez-vous entre chien et loup,
à la rencontre d’une artiste qui tend
à associer brutalité et beauté.
Actuel est une émanation
du groupe Facebook
« Parlons Gravure »
Comité de sélection :
Sabine Delahaut
Jean-Michel Uyttersprot
Catho Hensmans
Comité de rédaction :
Jean-Michel Uyttersprot
Pascale De Nève
© Kiki Smith
pour l’estampe en couverture
Pour toutes informations :
magazine.actuel@gmail.com
www.actueldelestampe.com
Éditeur responsable :
K1L éditions.
Imprimé par la Ciaco,
Louvain-la-Neuve, Belgique.
Couverture : Tintoretto Gesso 250 g
Intérieur : Indigo Tatami Ivoire 135 g
Prix de vente : 20 €
N° ISSN : 0774-6008
EAN: 9782930980270
Pascale De Nève
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Kiki Smith
L’œuvre gravé de Kiki Smith
Kiki Smith n’a jamais eu d’atelier à proprement
parler. Son œuvre gravé résulte
de collaborations avec des ateliers de gravure
et leurs imprimeurs, quelques maisons d’édition
et institutions publiques, ainsi qu’avec
les universités au sein desquelles
elle enseigne et travaille.
Son goût pour le travail collectif l’amène,
dès la fin des années 70, à rejoindre le collectif
d’artistes Colab (Collaborative Projects, Inc.)
basé à New York,
où elle conçoit
des objets
et impressions
sérigraphiques
pour des
expositions
expérimentales
dans des lieux
insolites.
Kiki Smith intègre ensuite l’atelier
et maison d’édition Universal Limited Art Editions
(ULAE), à West Islip, Long Island, où elle réalise
sa première estampe Untitled (Hair),1990.
Le directeur Bill Goldston et Craig Zammiello,
maître imprimeur en lithographie, lithogravure
et photogravure, l’entraînent sur des chemins
inédits en jouant avec
la photocopieuse (Banshee Pearls, 1991),
la photographie ou l’usage d’un filtre rouge
(Las Animas, 1997).
Forte de ces expériences,
Kiki Smith se met à dessiner.
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Sa première exposition personnelle à la galerie
Pace Wildenstein à New York, en 1994,
marque les débuts de sa collaboration avec
l’atelier Spring Street Workshop, succursale
de la Pace Editions, Inc., New York.
Plus récemment,
elle y réalise des impressions
numériques (Untitled (with wolf),
2001, et Sitting with a Snake, 2007).
Le troisième lieu de création
marquant pour Kiki Smith est l’atelier
de gravure de Felix Harlan
et de Carol Weaver, à New York.
Depuis 1997, l’artiste y a réalisé plus
de 115 éditions d’estampes.
Les deux imprimeurs veillent
à produire des estampes
ambitieuses, souvent issues
de projets complexes.
Leur compétence et leur expérience
en font bien plus
que des techniciens, ils prennent
une part active au processus créatif.
Sous leur impulsion, l’artiste trouve
un environnement favorable
à la mise en œuvre
de ses motivations émotionnelles,
se met à l’aquatinte et travaille à partir
de spécimens réels ou de photographies
d’animaux morts ou empaillés.
En 1997, Kiki Smith décide de créer sa propre
maison d’édition, Thirteen Moons.
Cette nouvelle phase dans sa carrière lui permet
de publier en toute liberté monotypes, livres
d’artistes et estampes, et de repousser encore
davantage les limites techniques ou de jouer
sur les mêmes motifs grace à différents médias.
Son attrait pour les livres et sa pratique du livre
d’artiste lui donnent l’occasion d’enseigner la
fabrication du livre et la reliure au Centre LeRoy
Neiman Center for Print Studies,
à la Columbia University, un lieu qui encourage
l’exploration de nouvelles possibilités
techniques grâce à des stages,
des résidences d’artistes et des expositions.
En 2001, Kiki Smith commence à faire
des multiples en textile en collaboration
avec l’atelier Fabric Workshop and Museum,
Philadelphia, initiant par là
une nouvelle relation d’atelier.
En 2003, elle se rend chez James Brown,
à Oaxaca, Mexique, pour publier un livre
d’artiste, The Blue Feet (2003) et Hunters and
Gatherers (2003), portfolio comprenant sept
gravures accompagnées de poèmes haïkus
écrits par l’écrivaine Susanna Moore.
Aujourd’hui, KS travaille simultanément avec
trois ou quatre ateliers d’impression,
principalement situés à New York
ou dans les alentours.
Véronique Blondel
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Blue Prints: Wolf Girl. Eau-forte, aquatine et pointé sèche, 1999 (détail). © Kiki Smith & Thirteen Moons – É.R. : Catherine de Braekeleer, 10 rue des Amours 7100 La Louvière – Graphisme : inextenso.be
KIKI05.10.2019
> 23.02.2020
SMITH
EXPOSITION
ENTRE CHIEN ET LOUP / IN THE TWILIGHT
10 RUE DES AMOURS B-7100 LA LOUVIÈRE | +32 (0)64 27 87 27 | WWW.CENTREDELAGRAVURE.BE
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Kiki Smith
Entre chien
et loup / In the
twilight
Cette première exposition de Kiki Smith
en Belgique comprend plus de 100 estampes,
sculptures, dessins et peinture
de 1981 à nos jours.
Le titre de l’exposition de Kiki Smith évoque
cette heure particulière du passage
du jour à la nuit, ce moment où le chien
est placé à la garde du bercail et où le loup
profite de l’obscurité pour sortir du bois !
Toute l’œuvre de Kiki Smith oscille entre lumière
et obscurité, glisse de la quiétude d’une nature
apprivoisée à une animalité indomptable pour
entrer dans le monde de la nuit, cet instant
particulier où plaisir et peur se rejoignent.
Par moments, l’artiste nous parle sans tabous
de la bestialité qui niche au creux de notre
humanité. Elle dévoile nos craintes insondables,
ce qui hante le plus profond de notre intimité
et que l’on voudrait garder caché.
Mais, en hurlant à la lune, le loup, tout comme
Kiki Smith, se relie également à sa force, celle
de l’énergie spirituelle et de l’inconscient auquel
la connaissance universelle est accessible.
Ils entrent tous deux en connexion avec
le monde, ses mythes et ses symboles,
ainsi qu’avec les lois de la nature.
Car l’heure bleue, autre métaphore
de cet intervalle incertain entre le jour
et la nuit, est aussi réputée la meilleure pour
sentir le parfum des fleurs, tout comme pour
écouter le chant des oiseaux : dans bon nombre
de ses œuvres plus récentes, Kiki Smith tente
de capter et de traduire cette symphonie
éphémère, allégorie d’un monde où régneraient
pour un bref instant la concorde et la sérénité.
Catherine de Braekeleer
Les textes sont extraits du catalogue de l’exposition
Kiki Smith - Entre chien et loup/In the twilight
du Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée de La Louvière, Belgique.
128 pages, format 210 × 50 mm ( format vertical).
Couverture rigide, toilée noire avec vignette en embossage et impression bleue en dorure à chaud.
Prix de vente : 20 €
Textes de Catherine de Braekeleer, Véronique Blondel et Jean Fremon.
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Kiki Smith est née
à Nuremberg en
1954 et habite New
York depuis 1976.
Principalement
connue comme
sculpteur,
elle se consacre
aussi à la gravure
et à la création
de livres d’artistes.
Son œuvre témoigne
des développements
de l’art américain
depuis les années
1980. Fille du
sculpteur minimaliste
Tony Smith,
elle s’inscrit
en réaction par
rapport à la rationalité de l’art conceptuel
et du minimalisme pour retrouver
et exprimer la charge émotionnelle
du corps et de ses attributs à travers
une grande liberté de matériaux.
En rappelant par certains côtés le travail
de l’artiste américaine Louise Bourgeois,
elle explore l’imagerie du corps féminin dans
ses aspects les plus cachés.
Son inspiration se nourrit aussi d’un riche
bestiaire largement emprunté au monde
imaginaire des contes de fées.
Elle associe la puissance du bronze
à des matériaux fragiles, comme le papier
sur lequel elle trace des dessins qui ont
la finesse et la texture de la peau humaine.
Ses sculptures, dessins, estampes
et photographies ont été exposés à travers
les États-Unis, le Canada et l’Europe,
et son œuvre complète plusieurs grandes
collections publiques comme celles
du Corcoran Museum of Art (Washington, D.C.),
du Musée d’Israël (Jérusalem), du Whitney
Museum of American Art (New York)
et de la Tate Gallery (Londres).
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Œuvres : © Kiki Smith
Couverture : Friend, eau-forte et rehauts, 2008, © Galerie Lelong & Co.
Page 2 : How I Know I’m Here, linogravure, burin, eau-forte, 1985-2000, photo CGII (Marc Segond)
Page 3: Puppets, aquatinte, collage, eau-forte, 1993-1994, photo CGII (Marc Segond)
Page 5 : Banshee Pearls, lithographie avec ajouts de feuilles d’aluminium sur papier japonais fait main, 1991,
photo Kiki Smith Studio
Page 6 : Nocturne, eau-forte, pointe sèche, aquatinte, 2007, photo CGII (Marc Segond)
Page 7 : The Blue Feet, eau-forte et pointe sèche, 2003, photo CGII (Marc Segond)
Page 8 : Blue Prints, Wolf Girl, eau-forte, aquatinte et pointe sèche, 1999.
Photo Kiki Smith Studio – Graphisme : inextenso.be
Page 9 : Still, eau-forte, aquatinte et pointe sèche sur Chine collé, 2006, © Galerie Lelong & Co.
Page 10 : Out of the Woods, photogravure et typographie, 2002, © Galerie Lelong & Co.
Page 11 : Splendid, eau-forte sur Japon, 2002, Photo Kiki Smith Studio
Pages 12, 13 : Litter, lithographie en 4 couleurs avec ajouts à la feuille d’aluminium, 1999, © Galerie Lelong & Co.
Page 14 : Las animas, photogravure, 1997, photo CGII (Marc Segond)
Page 15 : Sitting with a Snake, estampe numérique sur soie, 2007, © Galerie Lelong & Co.
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Daniel NASSOY
Je découvre la photographie en faisant
des clichés de Paris en argentique noir et blanc
et en développant moi-même mes photos.
Cela se produit alors que je me détache de plus
en plus du métier que je pratique à l’époque :
l’informatique pour les grandes entreprises.
Je découvre, grâce à de nombreuses
expositions, des artistes photographes
comme Robert Doisneau, Toni Catany,
Joel-Peter Witkin, Sarah Moon, ou encore Robert
Mapplethorpe.Je me sens enfermé dans
ce monde strict et codé des ordinateurs.
En 1997, je décide d’abandonner
mon métier pour une autre voie,
le multimédia, et en 1998,
je perfectionne ma technique
de la retouche en suivant
plusieurs formations.
En 2001, je m’inscris
à la Maison des artistes comme
graphiste-photographe d’art.
Depuis ce jour, je travaille comme
photographe indépendant
et graphiste.
Pour mes premiers clichés,
j’utilise les méthodes
traditionnelles de la photographie
noir et blanc, parfois teintée d’une
touche de sépia
(film 24 x 36, avec virage).
Puis je me dirige vers les moyens
technologiques modernes
(ordinateurs, scan, logiciel
Photoshop, grands tirages
numériques en labo), avant
de passer à la prise de vue numérique pour
recréer une vision personnelle du monde, des
sensations, des pensées et sentiments.
Mon travail évolue au rythme des avancées
techniques autour de l’image numérique.
Ma trajectoire de « photo’graphiste »
commence par la création avec des moyens très
simples - quelques lumières, une tenture noire -
d’un petit théâtre nocturne où j’explore
les corps nus masculins. De nombreux modèles
se prêtent à ce jeu fantasmatique où l’objectif
tend un miroir aux désirs et aux rêves
de chacun. Ma recherche photographique
est alors purement esthétique. Pendant une
dizaine d’années, je vais perfectionner ma
technique et aiguiser mon regard.
Cette période voit la naissance de ma série
a-PARIS-tions .
C’est dans l’espace d’un véritable
décor, tantôt réel, tantôt réinventé,
que je déploie mes nus, au terme d’un travail
de projection poétique où la magie
photo’graphiste donne
sa pleine mesure.
Je continue d’ajouter au fur et à mesure
des rencontres de modèles et d’objets en verre
de nouvelles créations pour ma série
phare Homme Objets, en réaction à l’utilisation
du corps humain dans la publicité.
Cette étape est importante pour moi,
car d’une démarche très esthétisante je passe
à une démarche revendicative.
En 2016, je démarre la série Cartes du corps ,
où des drapeaux
et des cartes de pays
sont incrustés
dans des corps masculins.
La pose adoptée
par les modèles donne
parfois des clés
sur l’acceptation
de l’homosexualité dans
les pays représentés.
Les cartes deviennent alors
les veines ou quelquefois
les meurtrissures des corps
dans lesquels elles se
retrouvent incrustées.
Cette série présente mon
soutien aux combats
de tous les jours contre
l’homophobie.
Depuis 2017, je travaille sur
une nouvelle série, Transparences, dont l’objectif
est de photographier un ensemble
de personnes très différentes pour montrer
que tout être humain est beau et peut dévoiler
son corps pour l’art.
Depuis 2018, je continue mon histoire
avec un travail pour la protection de la nature
et de l’homme. Avec la vision de celui
qui l’engendre, l’artiste, l’enveloppant ainsi
et tout au long de sa tâche dans une douce
et bénéfique quiétude si propice à l’exercice
de son art.
Daniel Nassoy
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Page 16 : L’Homme à la rose, photogravure, 30 × 40 cm, 2019
Page 17 : L’Homme à la tête d’anthurium, photogravure, 30 × 40 cm, 2019
Page 18 : L’Homme couché, photogravure, 40 × 30 cm, 2019
Page 18 : L’Homme des sables, photogravure, 40 × 30 cm, 2019
Page 20 : L’Homme arbre, photogravure, 30 × 40 cm, 2019
Page 21 : Dos nu, photogravure, 30 × 40 cm, 2019
Daniel NASSOY
87, rue Saint-Maur
75011 Paris
danielnassoy.com
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Corinne
Lepeytre
Mes premiers coups de foudre pour
l’estampe furent Rembrandt, Goya et Piranèse ;
puis, en 2006, au musée Carnavalet, l’exposition
« Érik Desmazières, Paris à grands traits ». En complément
de cette exposition, le film de Gallix
m’a fait découvrir les images de l’atelier de René Tazé
et j’ai su que je pousserais un jour les portes d’un atelier de gravure.
C’est ainsi qu’en 2012 je suis arrivée à l’atelier des Arquebusiers
où j’ai eu la chance de rencontrer Francis Capdeboscq
qui m’a transmis le savoir-faire pour différentes techniques
de la taille-douce : l’enchantement fut immédiat. J’ai d’abord travaillé
l’eau-forte. L’aquatinte venait en complément. Puis l’aquatinte a pris
le dessus, pour être enfin l’unique technique. La rencontre avec le travail
de Pablo Flaiszman a été déterminante.
Elle m’a permis d’« oser » le grand bain de l’aquatinte sur zinc.
En parallèle des Arquebusiers, j’ai intégré l’Atelier aux Lilas pour
la typographie et l’estampe. C’était l’occasion d’élargir les rencontres
artistiques et amicales. La découverte de ces ateliers collectifs
fut capitale : infinie richesse du collectif ; j’y ai rencontré
des personnalités d’une grande générosité qui font avancer
le monde de l’estampe.
Et j’ai eu envie de prolonger ces gestes.
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Corinne Lepeytre est née en juillet 1968.
Elle vit et travaille à Paris.
Son parcours est atypique car,
dans une première partie
de sa vie professionnelle,
elle a exercé dans les services
de sociétés commerciales.
En 2010, elle arrête cette activité
et se consacre aux arts graphiques
et à la matière picturale - restauration
de tableaux, peinture selon les
techniques anciennes, dorure à la feuille,
élaboration des icônes -,
et elle découvre la gravure.
Depuis 2012, elle suit les cours de Paris
Ateliers et participe à de nombreuses
manifestations expositions collectives
de l’estampe.
Repères :
Depuis 2016, Salon d’Automne (section
gravure). Depuis 2015 : Fête de
l’estampe, Charbonnel et Journée de
l’estampe contemporaine.
2019 : Pointe et burin, Les bouquinistes
dans l’estampe contemporaine (Salon
Livres rares Grand Palais),
Puls’Art (Le Mans).
Membre de l’Atelier aux Lilas pour
la typographie et l’estampe
www.corinne-lepeytre.fr
lepeytre.corinne@free.fr
.
Page 22 : 16 Rue Beauregard Paris, aquatinte, 2019
Page 24 : Base sous-marine Bordeaux, aquatinte, 2018
Page 25 : Aux Tuileries Paris, aquatinte, 2018
Page 26 : Arquebusiers Paris, aquatinte, 2019
Page 27 : Balade au fil des toits Paris 2, aquatinte, 2019
Balade au fil des toits Paris, aquatinte, 2019
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Pour Corinne, grande voyageuse, le paysage urbain est un terrain de prédilection, et surtout Paris,
parce que c’est là que sont ses racines. Grâce à une grande maîtrise de l’aquatinte, elle promène
un regard curieux et érudit à travers cette ville ; elle nous révèle parfois les faces cachées et surtout
l’âme des lieux, mystérieuse ou énigmatique. Avec Corinne comme guide, du détail au grand ensemble,
à la lumière vive du jour ou dans la pénombre de la nuit, nous découvrons les strates de l’Histoire,
les empreintes et traces que les humains ont laissées sur les murs de la ville aux multiples facettes.
.
Christian Massonnet
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Sylvain Konyali
Artiste nomade fasciné par l’autoportrait
des centaines de fois recommencé,
Sylvain Konyali revient toujours au reflet
de son visage, gratté, mordu à l’acide, griffé,
effacé,à nouveau mordu, à nouveau gratté.
Il y a sûrement dans cette démarche
obsessionnelle le souvenir de Rembrandt qui,
sa vie durant, a gravé son visage en multipliant
les états, les repentirs, les variantes, sans doute
entraîné par la fascination de voir ses traits
altérés par le temps qui passe. Sylvain Konyali
est à l’évidence trop jeune pour que ce soit
là le but de l’exercice. Mais l’art de l’estampe
a ceci de spécifique qu’il permet de conserver,
grâce à l’impression d’états, une image
de l’œuvre en devenir,
en l’occurrence jamais achevée.
Souvent art de la lenteur, la gravure peut être
aussi griffure, morsure rapide, et servir une sorte
de journal intime graphique qui rend compte
des relations avec les proches ou avec
des paysages traversés. Car Sylvain Konyali
se déplace à travers l’Europe, en Belgique,
dans le Massif central, à Marseille, à Madrid,
aux Baléares, dans son camion qui devient
un atelier de gravure déployable. L’estampe
est souvent art de la série - les séries sont
innombrables dans l’histoire de ce médium.
Sylvain Konyali a bien compris les possibilités
de créer ainsi des histoires sans paroles
ou de courts textes poétiques
en regard d’images gravées et imprimées
à la hâte, ou même de textes gravés
dans le cuivre.
Page 28 : Autopoème,
eaux-fortes successives, troisième état,
60 × 80 cm, 2019
Ces productions intimistes sur soi
et sur ses proches n’auront pas empêché
Sylvain Konyali de s’imprégner
de l’air de l’Espagne, de ses musées,
et d’y faire de belles découvertes - telle celle
de Sofonisba Anguissola (1532-1625),
talentueuse portraitiste qui, au cours d’une
longue existence, réalisa notamment de
nombreux autoportraits et est l’une des très
rares femmes artistes dont les œuvres sont
accrochées aux cimaises du Prado - ouvrant là
un nouveau champ d’exploration et lui offrant de
sortir de son face-à-face « format passeport »,
ainsi qu’il le qualifie, avec lui-même.
Érik Desmazières,
membre de l’Académie des beaux-arts.
Page 32-33 :Autoportraits sur une plaque de cuivre,
pointe-sèche, états successifs, cuivre de 9 × 12,5 cm
Chapitre I - Bruxelles
Chapitre II - Moselle
Chapitre III - Florence
Chapitre IV - Issoudun
Chapitre V - Madrid
Chapitre V bis - Montluçon
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Museo del Prado: Sofonisba Anguissola,
burin ( 1 er état ),
70 × 85 cm,
2019
Museo del Prado: Sofonisba Anguissola,
burin ( 3 e état ),
70 × 85 cm,
2019
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Karol Felix
Felix considère l’expression parfaite d’un motif
comme principe pictural important.
La brillance et la précision de la ligne tracée
sont les éléments primordiaux
de son œuvre.
Il faut y ajouter les couleurs et lumières
favorisant l’interprétation de la symbolique
des motifs, issus de philosophies
et cultures anciennes.
Ainsi, Felix exprime non seulement son respect
pour les signes et les repères millénaires
de l’humanité et de l’histoire, mais aussi pour
la richesse de leur monde de pensée.
Le courant mythique ou expressif de son travail
atteint souvent un haut niveau d’abstraction
spirituelle. Le langage contemporain est coupé
de son sens et de sa signification originelle
et se situe au même niveau
que celui des mythologies anciennes.
Tout l’œuvre de Felix respire l’harmonie
et l’équilibre.
Il s’oriente vers l’intériorité de l’homme.
Karol Felix a créé un monde rempli
de personnages imaginaires, d’histoires,
de mythes, de légendes.
Dagmar Srnenská
Karol Felix est né en 1961 à Košice,
Il vit et travaille à Nitra, en Slovaquie.
http://www.karolfelix.sk
Les chemins des actions et des actes,
de la connaissance et de la sagesse et ceux de la
dévotion devraient mener l’homme à la perfection.
Karol Felix essaye d’exprimer cette philosophie
par l’harmonie des lignes et des formes,
ainsi que par le principe de compositions
choisies.
La couleur et la lumière gardent leur magie
et leur intemporalité.
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Page 34 : Interior of Desire, manière noire, 30 × 22 cm, 2011
Page 35 : Base, impression jet d’encre, 82 × 56 cm, 2019
Page 36 : Still Life for Andy Warhol, manière noire, 20 × 15 cm, 1998
Page 37 (de gauche à droite) : Eyes for Magician, manière noire, 22 × 16 cm, 1998
Levitation of Clowns, manière noire, 30 × 22 cm, 2011
First, Second, Third…, manière noire, 10 × 7 cm, 1995
Levitation I, manière noire, 121 × 16 cm, 1995
Pages 38 et 39 : Mother of Pearls, impression jet d’encre, 58 × 79 cm, 2018
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Raúl Velasco
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours
peint et dessiné, comme la plupart de ceux
qui évoluent dans le monde des traits
et des couleurs.
Au cours de mon enfance, j’ai passé beaucoup
de temps dans l’atelier de l’artiste José Ruiz
Correa, où j’ai reçu, très tôt,
les bases de ma formation artistique.
J’ai poursuivi mes études aux Beaux-Arts
de Valence, où j’ai eu l’opportunité de m’ouvrir
aux différentes techniques de l’estampe.
Peu à peu, j’ai fait le choix de la gravure
sur bois comme mon principal moyen
d’expression artistique. J’y ai également appris
les techniques de la reliure artisanale.
Ces deux savoir-faire conjugués m’ont conduit
par la suite à la création de livres d’artiste.
Je n’ai jamais arrêté cependant de peindre
et de dessiner, ce qui a notablement enrichi
mon travail de gravure. J’aime laisser
les techniques artistiques se croiser
et se nourrir mutuellement.
La gravure me pose en permanence le défi
de trouver le moyen terme entre une expression
artistique libre et spontanée et un savoir-faire
technique maîtrisé et pointu. L’artiste et l’artisan
doivent en effet pouvoir s’y retrouver.
La gravure sur bois donne accès, de plus,
à un langage graphique particulièrement fort
et puissant : elle permet d’explorer les différents
types de bois, chacun avec ses caractéristiques,
ses veines, ses textures ; elle offre par ailleurs
d’incroyables possibilités en matière
de superposition de couleurs.
C’est dans cette direction que s’orientent
mes travaux les plus récents : les différents
passages, le jeu des superpositions
et des transparences, les relations chromatiques
qui se nouent entre les différents éléments
constitutifs du tableau final donnent lieu,
dans mes gravures, à des estampes riches
en nuances. Une certaine complexité technique
invite à regarder l’image dans toute
sa profondeur, jusqu’à s’y perdre !
Mon œuvre s’appuie sur un imaginaire personnel
fondé sur le goût de la poésie, de la littérature
et de la musique ; les références à la mythologie
et aux symboles y sont nombreuses.
Mes compositions présentent des personnages,
des visages, souvent des arbres, des oiseaux,
des ruines : elles s’appuient sur des associations
d’éléments qui comportent toujours une forte
charge de sens, tout en donnant lieu
à des interprétations ouvertes.
Les différents rapports qu’on peut établir entre
les divers éléments de mes gravures suggèrent
de multiples histoires et des narrations riches
d’imagination et de poésie.
Par ailleurs, mes gravures ne sont pas exemptes
d’une réflexion sociale et politique,
en ce qu’elles prennent en considération
la destruction de la nature et la solitude
de l’individu dans le monde urbain.
À mon arrivée à Paris en 2009,
j’ai intégré l’Atelier aux Lilas pour la typographie
et l’estampe. Depuis, je participe activement
à la gestion et au fonctionnement
de l’association.
J’ai ainsi été amené à travailler sur des projets
collectifs fondés sur le partage et l’échange.
Entre autres, avec la graveuse canadienne
Sarah Norquay, qui m’a fait partager
son savoir-faire en matière de « solarplates »
et de photopolymères ; puis avec le collectif
L’Un dans l’Autre , avec qui j’ai participé
à des résidences artistiques au Bénin en 2012
et à Cuba en 2016, et organisé
le spectaculaire projet
« Le Rouleau de printemps » aux Lilas :
impression de gravures sur bois de grand
format, à l’aide d’un rouleau compresseur ;
enfin, avec le Kollektiv Tod Verlag
de Berlin, avec qui je partage depuis plus
de huit ans des projets de livres d’artistes
et participe à différents salons à Paris
(Salon Pages du livre d’artiste et Bibliophilie),
Bruxelles, Barcelone, Hambourg...
Impliqué dans les évolutions de la gravure
contemporaine, je continue à m’engager
dans de nombreux projets et reste ouvert
à de nouvelles rencontres.
Raúl Velasco
41
42
Raúl Velasco
49 bis, rue des Cascades
75020 Paris
http://www.estampe-artpopulaire.com/
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44
Page 40 : Lunaire, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
Le Scarabée, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
Page 42 : L’Étoile, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
Page 44 : (de gauche à droite) La escalera de los sabios, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
Racines, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
No Borders, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
La Rencontre. La nuit tombe, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
La Rencontre. La Traversée, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
La Rencontre. Ophiura ; La Mémoire et la Mer, gravure sur bois, 65 × 50 cm, 2018
Page 45 : Le Minotaure, gravure sur bois, 50 × 65 cm, 2018
45
Abdelsalam
Salem
Page 46 : Corosion 1#, aquatinte, 40 × 40 cm, 2017
Page 47 : Accumulation of time 6#, détail, jet d’encre, aquatinte, 2016
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Né en 1977 à Assiout, Abdelsalam Salem
vit et travaille à Minia City, en Égypte.
Diplômé de diverses facultés dans
la spécialisation gravure
et emploi des arts graphiques orientés
vers les installations artistiques contemporaines,
Salem a travaillé en tant que professeur assistant
au département des arts graphiques à la faculté
des beaux-arts de l’université de Minia.
Son travail a été largement exposé aux niveaux
national et international, y compris lors
de 8 expositions personnelles et
plus de 70 expositions collectives et ateliers.
Dans le domaine de la gravure, certaines
intentions paraissant d’approche facile
se révèlent ardues à la réalisation par manque
d’expérience, alors que d’autres, semblant plus
compliquées, s’apprivoisent et se comprennent
par le fait d’étudier les théories de base.
Comme pour la science dans tous ses aspects,
l’art de la gravure est obscur pour une grande
partie de la population ne connaissant
pas ses processus de création, mais
s’émerveillant devant le résultat
«miraculeux » obtenu.
La gravure nécessite une disponibilité
particulière qui doit être maintenue
par ses pratiquants afin de mettre en lumière les
aspects esthétiques de l’œuvre d’art imprimée.
Le spectateur pouvant ainsi mieux l’appréhender
et la comprendre.
Elle joue alors un rôle important dans nos
sociétés, en particulier lorsqu’elle soulève des
questions liées au contexte politique, culturel,
social ou économique.
Elle est également un médium artistique
qui entretient des relations très particulières
avec celui qui la pratique.
Lors de son élaboration, elle échappe parfois
au contrôle direct et se dérobe momentanément
à l’observation de l’artiste, contrairement aux
créations des peintres et des sculpteurs
par exemple. Son processus de production reste
de ce fait à la fois très critique et non critique.
Abdelsalam Salem possède une connaissance
approfondie de tous les éléments de base
de l’art de la gravure, mais il se concentre
particulièrement sur l’expérimentation, toujours
en quête de l’effet de surprise,
ce qui lui a permis de donner un autre statut
à cette discipline dans son pays d’origine.
Depuis sa première approche par la découverte
du burin, Salem cherche une manière d’exprimer
son style de dessin spontané. La variété des
techniques traditionnelles le permettant,
il crée des techniques innovantes dans
un but de simplification de l’image.
Abdelsalam travaille dans le souci
que ses œuvres laissent une trace exprimant
ce qui se passe politiquement et socialement
dans son pays.
La plupart du temps, ces questions sont
un moteur à sa création et au cœur
de son travail. Les traces que les révolutions
arabes ont laissées sur lui l’amènent
à créer des œuvres imprimées sous forme
d’installations. Sa capacité à contrôler
et adapter en gravure des lignes douces,
comme s’il les dessinait sur un papier,
et d’arriver à la restitution d’une ligne sensible
créant un dessin émotionnel est sa marque.
Le travail d’Abdelsalam occupe une place
particulière dans le monde des arts égyptiens
et arabes. Ses œuvres parlent de son parcours
croissant dans le monde de la gravure.
https://www.facebook.com/4Printmakingstudio
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48
Accumulation of time 7#,
aquatinte, 50 × 50 cm, 2016
Accumulation of time 5#,
aquatinte, 50 × 50 cm, 2016
Corosion 4#,
aquatinte, 40 × 40 cm, 2017
Corosion 5#,
aquatinte, 40 × 40 cm, 2017
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Accumulation of time 6#,
aquatinte, 50 × 50 cm, 2016
Abdelsalam Salem est un artiste égyptien dont
le travail procède du même enthousiasme qui
l’anime au quotidien.
Dans son œuvre gravé, il joue littéralement avec
des « sous-matériaux », que ce soit
du linoléum ou du plexiglas. Il naît sous ses
gouges un univers géométrique sensible
et dynamique dont la composition assoie aussi
un sentiment d’équilibre. Abdelsalam Salem
possède un sens subtil de la couleur qui donne
à son œuvre sérielle une belle élégance
et une réelle qualité plastique.
Sylvie Abélanet, artiste graveure, Paris, France
Abdelsalam Salem est un chercheur infatigable
d’images. Il crée dans cette série de gravures,
grâce à une technique très personnelle et avec
le contraste noir et blanc, une harmonie entre
les formes géométriques et la liberté des gestes
qui nous donne l’impression de toute une palette
des couleurs dépliée sur le papier. Graveur
inclassable à la recherche de techniques
nouvelles, Abdelsalam joue avec toutes
les combinaisons possibles afin d’exploiter
au maximum tous ses moyens d’expression.
C’est un chercheur infatigable d’images avec
l’œil de l’artiste qui perçoit les émotions
là où la plupart des gens ne voient rien.
Pablo Flaiszman, artiste graveur, Argentine
50
Corosion Art book,
aquatinte, 18 × 40 cm, 2017
51
Huitième Biennale d’estampe
contemporaine de Limay
Christine Bouvier, Cécile Marical,
Ayda-Su Nuroğlu, Pascale Parrein.
Commissaire de l’exposition : Muriel Baumgartner
La cellule est la plus petite unité vivante capable
de se reproduire de façon autonome, et le corps
humain en compte cent mille milliards (10 14 ),
en plus d’être colonisé par des organismes
unicellulaires (bactéries) dans une proportion
une à dix fois supérieure ! Les cellules
se développent et prennent vie sur la terre grâce
à l’eau. Indispensable à la vie, l’eau symbolise
l’origine de toute création, elle est présente
dans toutes les phases de l’existence,
depuis l’apparition de la vie jusqu’à la mort,
et même lors de la putréfaction.
L’élément liquide est en cela un lieu de passage,
créant un espace intermédiaire d’un monde
à l’autre, du monde des vivants au royaume
des morts, il est le médium qui permet de faire
le voyage, d’aller « de l’autre côté ».
La mort est inhérente à la vie. Elle prend dans notre
imaginaire de multiples visages, de multiples
formes, elle se dessine par nos tentatives
égotiques ou spirituelles d’explorer l’inconnu,
et ce, malgré nos peurs conscientes
ou inconscientes.
Dans la mythologie grecque, l’eau parcourt
les Enfers dont elle alimente les fleuves :
Achéron, le fleuve du chagrin, Styx, le fleuve
de la haine, Léthé, le fleuve de l’oubli, Cocyte,
le torrent des lamentations, et Phlégéthon,
la rivière de flammes. Oui, le fluide peut être feu.
C’est dans les profondeurs qu’Hypnos vit près
de Léthé. Fils de la nuit et frère jumeau
de Thanatos, il nous gouverne en même temps
qu’il est vital à notre équilibre. Il sait se changer
en oiseau pour endormir les dieux, jusqu’à
désigner sur nos tombeaux l’éternel sommeil.
Ainsi, il survole notre monde, nous plonge
littéralement dans notre inconscient et nous
garde la nuit tandis que Thanatos veille quelque
part, attendant son heure.
C’est peut-être dans ces espaces que la magie
des esprits invisibles opère sur nos âmes.
En tout cas, des forces habitent notre monde,
qu’il soit minéral, végétal, animal ou humain.
De là, dans ses croyances, l’homme crée son
humanité (terrestre) et son devenir (spirituel).
Mais Hypnos est aussi le père de Morphée,
initiateur de nos songes, et l’artiste s’en inspire ;
en quête d’une puissante mythologie,
il travaille à l’écoute de son inconscient
et de sa part de rêve.
Rêver se veut échapper à la mort.
Explorer l’inconnu, n’est-ce pas le territoire
de prédilection pour l’artiste ? Aller en soi,
se heurter au réel et témoigner de la vulnérabilité
des choses, de la fragilité de la condition
humaine, crier son regard au monde,
et rêver - peut-être - à un monde dégagé
de sa noirceur.
Dans les gravures présentées pour la Huitième
Biennale d’estampe contemporaine,
les noirs de l’encre sont le pendant
de la transparence de l’eau. Matière mystérieuse
surgissant de la nuit des temps, l’eau déploie
toutes ses nuances de transparences et de
subtilités. Au cœur du vivant, diaphane, le noir et
le blanc se jouent des jeux de miroirs, de reflet,
de symétrie.
Aléatoire, l’eau circule dans le format, calme,
imprégnant le papier depuis l’encre du pinceau
ou l’encre taille-douce, elle figure sous forme
d’ondulations noires émergeant ou enveloppant
des formes mi-humaines ou végétales,
comme le mouvement d’une chevelure
dans l’eau.
Elle participe, habite et envahit l’image.
Quand l’eau disparaît, tout est pétrifié, fossilisé,
et le vivant se fige, les visages sont fantomatiques,
les regards lointains et vidés de leur présence
si puissante. Que reste-t-il encore de la vie ?
Les os ? Pour combien de temps ?
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Le flux de l’eau se fait fil conducteur et guide
le choix de ces quatre artistes ici rassemblées
au centre d’exposition Les Réservoirs. Il s’agit
de l’ancien réservoir d’eau de la ville de Limay
datant de 1867. La gravure est un discours
de l’empreinte à travers lequel chacune témoigne
à sa manière du vivant qui façonne notre monde.
Ainsi, Christine Bouvier développe un travail
autour des notions de temps, de souvenir et
d’image, Cécile Marical dédie sa création
à la fragilité de la condition humaine et s’interroge
sur la trace d’un « passé qui ne passe pas »,
Pascale Parrein explore des mondes invisibles
à l’œil nu, des « petites choses » microscopiques,
et Ayda-Su Nuroğlu établit un dialogue entre
l’Orient et l’Occident tout en vagabondant entre
l’homme et l’animal.
Muriel Baumgartner, juillet 2019
Artiste-enseignante à l’EMAP de Limay
53
Christine Bouvier
est née en 1958. Elle se forme en 1975-1976
à l’École supérieure des beaux-arts de Paris
dans l’atelier de sculpture de Michel Charpentier.
Elle intègre l’atelier de gravure de Pierre Courtin
en 1982 et obtient le diplôme en 1986.
Elle enseigne en Guadeloupe puis au Musée des
Arts décoratifs de Paris, et à l’UFR arts
plastiques à l’université Paris 8 et depuis 1999,
à l’École supérieure d’art de Cambrai.
Elle expose en galerie, musée, théâtre et est
représentée par la galerie Mézière.
Elle vit et travaille en Île-de-France.
Ayda-Su Nuroğlu
est née en 1982. Elle est diplômée de l’École
nationale supérieure de Bourges. Elle se forme
aux techniques de la gravure aux Ateliers des
beaux-arts de la Ville de Paris pendant neuf ans.
En parallèle, elle poursuit ses études avec
un master en art-thérapie à l’université de
médecine de Tours. Elle fait partie du collectif
d’artistes de l’Atelier aux Lilas pour
la typographie et l’estampe et de celui des
Artistes de Ménilmontant. Elle expose en galerie
parisienne et en Turquie, participe régulièrement
à des événements à Istanbul et à Izmir.
Elle vit et travaille à Paris et Istanbul.
.
.
Pascale Parrein
est née en 1972. Formée à l’École des beaux-arts
de Rouen de 1990 à 1992, elle se perfectionne à
l’atelier Contrepoint, ancien Atelier 17, à Paris,
et à l’étranger dans les ateliers de gravure
ou d’édition en Belgique, en Suisse,
au Royaume-Uni, en Suède, au Canada,
et aux États-Unis.
Elle obtient un DEUG en arts visuels à l’université
Paris1 Panthéon-Sorbonne (1992-1994).
Parallèlement, elle obtient une maîtrise en
physique fondamentale et un doctorat en optique
de l’université Paris XI.
Elle expose en galerie, artothèque et fondation,
et participe à de nombreuses biennales
à l’étranger.
Elle vit et travaille en Auvergne-Rhône-Alpes.
Cécile Marical
est née en 1969. Elle est diplômée de l’École
supérieure des arts appliqués et des métiers
d’arts de Paris et titulaire d’une maîtrise
d’arts plastiques du Centre Saint-Charles,
université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Elle a voyagé au Bénin, Islande, Ouzbékistan,
Kirghizistan, Mali, Maroc, Inde, Iran, Turquie,
Rwanda et va régulièrement au Kurdistan d’Irak.
Elle travaille sa création en collaboration avec
la compagnie de théâtre Uz et Coutumes de
Dalila Boitaud-Mazaudier.
Elle expose en CHR, galerie, musée, participe à
de nombreux festivals et enseigne à la Maison
des Arts Solange-Baudoux de la ville d’Évreux.
Elle vit et travaille en Normandie
Huitième Biennale
d’estampe contemporaine
de Limay
Les Réservoirs
2, rue des Réservoirs, 78520 Limay
01 30 98 69 02 - 01 34 97 27 03
lesreservoirs@ville-limay.fr
du 12 septembre
au 13 octobre
entrée libre
le jeudi de 9 h à 11 h et de 14 h à 18 h,
le vendredi de 14 h à 18 h,
le samedi et le dimanche de 15 h à 18 h,
ou sur rendez-vous
54
Page 53 : Cécile Marical, Après Nyamata, estampe technique libre, 70 × 50 cm, 2014
Page 55 : (de gauche à droite) Cécile Marical, Persona II (détail), estampe technique libre, 40 × 30 cm, 2018
Ayda-Su Nuroğlu, Terra Madre Remix (détail), sérigraphie artisanale sur encres, 74 × 51 cm, 2019
Pascale Parrein, Cellule I (détail), gravure au carborundum, 90 × 70 cm, 2013
Christine Bouvier, Vortex (détail), techniques mixtes (transfert, eau-forte, aquatinte, pointe sèche), 40 × 40 cm, 2014
55
10-13 OCTOBRE
SAMEDI 22 H
10 H-19 H DIMANCHE 18 H
CHAMPS-ÉLYSÉES
PLACE GEORGES CLEMENCEAU
PARIS 8 e
WWW.SALON-AUTOMNE.COM
lelivredart
© Michel Kirch
56
Le Salon d’Automne
se déroulera du 10 au 13 octobre 2019
sur l’avenue des Champs-Élysées.
Salon d’art historique, doté d’une renommée
internationale, il s’impose comme le rendez-vous
incontournable des artistes d’aujourd’hui,
issus des cinq continents.
Créé en 1903, au Petit Palais à Paris,
par quelques amis en réaction à l’académisme
régnant, le Salon d’Automne s’est imposé
comme acteur et témoin essentiel
de l’émergence des plus importants
mouvements artistiques du XX e siècle :
fauvisme, surréalisme, cubisme, art abstrait,
nouvelle figuration...
C’est dans les sous-sols du Petit Palais,
que quelques amis rassemblés autour
de l’architecte Frantz Jourdain, Guimard,
Carrière, Desvallières, Bonnard, Rouault,
Vallotton, Vuillard, Matisse,
et tant d’autres, décidèrent d’organiser
une exposition indépendante, dans le but
de promouvoir les avant-gardes et les esprits
novateurs de leur temps.
Depuis le début du XXI e siècle, le Salon
d’Automne continue d’offrir un nouveau regard
sur la création de son temps,
représentée notamment à travers la diversité des
médiums, mais également par sa composante
internationale très forte, 40 % des artistes
exposants venant du monde entier.
Le Salon d’Automne s’impose un peu plus
chaque année à l’international. En mai 2019,
un ensemble de 175 œuvres du Salon
d’Automne a été exposé en Chine aux côtés
d’une centaine d’œuvres d’artistes
de la province de Shaanxi, dans le cadre
de l’inauguration du Musée de la jeunesse,
au cœur de la future Cité internationale des arts
de Xi’an. Le Salon présente également chaque
année une sélection de ses artistes au National
Art Center de Tokyo. En 2017, le Salon a été
invité à participer à la manifestation « Paphos
Capitale européenne de la culture », à Chypre.
Enfin, des partenariats d’échange
ont récemment eu lieu entre les artistes
de plusieurs pays en Biélorussie, au Brésil,
en Espagne, en Israël, en Égypte, en Arabie
saoudite, en Russie, etc.
Le Salon d’Automne est honoré du parrainage
de Frédéric Lenoir, déjà engagé dans
de nombreuses associations.
Frédéric Lenoir est philosophe, sociologue,
docteur de l’École des hautes études
en sciences sociales (EHESS).
Écrivain, il est l’auteur d’une cinquantaine
d’ouvrages (essais, romans, contes,
encyclopédies) traduits dans une vingtaine
de langues et vendus à 7 millions d’exemplaires
dans le monde.
Il écrit aussi pour le théâtre, la télévision
(documentaires) et la bande dessinée.
Ses deux premiers romans historiques
“La Promesse de l’ange” en 2004
et “L’Oracle della Luna” en 2006 se vendent
dans une vingtaine de pays. Ses ouvrages
de philosophie existentielle touchent un large
public, notamment ceux sur Socrate,
Jésus, Bouddha (Fayard),
“Petit traité de vie intérieure” (Plon),
“L’Âme du monde” (NiL), “Du bonheur,
un voyage philosophique” (Fayard)
ou son dernier ouvrage consacré
au “Miracle Spinoza” (Fayard).
En 2016, il fonde l’association SEVE
(Savoir être et vivre ensemble), qui forme
des animateurs à la pratique d’ateliers
de philosophie et de méditation
en vue de favoriser le développement
de la pensée réflexive chez les enfants
et adolescents.
En avril 2019, le documentaire
de Cécile Denjean « Le Cercle des petits
philosophes » raconte cette aventure
sur grand écran.
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58
Le Salon d’Automne
Pour sa 116 e édition, le Salon d’Automne
présentera 870 artistes
originaires de 45 pays
couvrant les cinq continents.
L’exposition du Salon d’Automne
est présentée en sections rigoureusement
sélectionnées et organisées pour une
meilleure lecture des œuvres.
En dehors des classements par disciplines
– Gravure, Sculpture, Dessin, Photographie,
Art digital, Vidéo, Architecture,
Art environnemental, Livres d’artistes,
– il existe plusieurs sections pour la peinture,
définies par leurs tendances picturales
(Synthèse, Abstraction, Emergence,
Expressionnisme, Figuration subjective,
Figures et essais, Mythes et singularité,
Convergences).
Le Salon d’Automne est une association
d’artistes, à but non lucratif, créée en 1903,
reconnue d’utilité publique depuis 1920
et soutenue par le ministère de la Culture.
Il est présidé depuis 2015
par Sylvie Koechlin, sculpteur.
Le Salon d’Automne est géré par un comité
d’artistes élus par ses sociétaires,
depuis cinq générations.
Il est financé à 80 % par les artistes
participants et a pour ambition,
statutairement, d’encourager
et de développer les beaux-arts dans toutes
ses manifestations et particulièrement
par des expositions tant en France
qu’à l’étranger. `
Ponctuant ces quatre journées d’exposition,
une programmation culturelle enrichit
l’exposition de conférences, tables rondes,
concerts, projections de films,
auxquels le public est largement convié.
Page 58, de droite à gauche et de haut en bas :
Abeille, Abélanet, Barbosa, Baumel, Brun, Kocheshkov, Benca, Bertino, Wang,
Caffin, Braun, Boxer, Uyttersprot, Caporaso, Darmon, Capdeboscq, Congost, Zemla,
Houbre, Houplain
Page 59, de droite à gauche et de haut en bas :
De Font-Réaulx, De Leon Lucero, Delahaut, Gendre-Bergère, Gubarev, Gissot, Vavrová,
Joffrion, Janĉoviĉ
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EXPOSITION 12.09 - 13.10.2019
HUITIÈME BIENNALE D’ESTAMPE CONTEMPORAINE
Christine Bouvier / Cécile Marical / Ayda-Su Nuroğlu / Pascale Parrein
Commissaire de l’exposition : Muriel Baumgartner
Les Réservoirs
2r. des réservoirs, F-78520 Limay
01 30 98 69 02 - 01 34 97 27 03
lesreservoirs@ville-limay.fr
www.ville-limay.fr
Entrée libre
le jeudi de 9h à 11h et 14h à 18h,
le vendredi de 14h à 18h,
le samedi et le dimanche de 15h à 18h,
ou sur Rendez-vous
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