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hausse les épaules : « Je n’y suis pas<br />
vraiment arrivé. » L’industrie du<br />
breakdance n’était pas faite pour<br />
quelqu’un d’aussi jeune, et Sunni<br />
s’est retrouvé sous pression, à dormir<br />
dans des chambres d’hôtel anonymes<br />
dans des pays qu’il n’avait pas le<br />
temps de visiter ; pendant ce temps,<br />
ses copains vivaient une vie d’ado, à<br />
organiser des fêtes et tenter d’entrer<br />
en boîte de nuit. Il a fini par arrêter<br />
complètement la danse pendant un<br />
an afin de se débarrasser des « trucs<br />
idiots de l’adolescence ».<br />
« Je ne me mets pas<br />
souvent en colère<br />
– je suis tout le<br />
temps en train de<br />
sourire ou de me<br />
marrer. »<br />
Mais la scène finit par le rattraper,<br />
et Sunni rempile,<br />
avec l’appui de sa famille.<br />
« Ma mère me soutient à<br />
fond », dit-il en attrapant son téléphone<br />
pour montrer des photos où ils<br />
sont ensemble. « C’est une vrai hippie.<br />
Lorsqu’elle était jeune, elle a pris<br />
une année sabbatique, puis s’est finalement<br />
retrouvée dans un cirque pendant<br />
huit ans, et elle est revenue avec<br />
un gamin : moi. C’est ça, ma mère.<br />
Du délire. »<br />
Né en Malaisie, Sunni a quatre ans<br />
lorsque sa mère revient en Angleterre.<br />
Après s’être lassé du foot et de<br />
l’escalade, il passe son temps libre à<br />
acquérir des aptitudes différentes et<br />
plus inhabituelles, grâce à sa mère et<br />
son expérience du cirque. Sunni<br />
prend son premier cours de breakdance<br />
à l’âge de neuf ans.<br />
« Je faisais tout le temps des acrobaties<br />
avec ma mère, dit le danseur.<br />
Dès que j’étais libre, je la retrouvais<br />
au cirque et passais du temps avec<br />
ses amis – c’était normal. Rétrospectivement,<br />
c’était dingue, mais je n’y<br />
pensais jamais à l’époque. Je faisais<br />
de gros progrès en breakdance. Je<br />
savais déjà comment me servir de<br />
mon poids, parce que cela faisait cinq<br />
ans que je faisais des figures sur les<br />
mains. » Ayant dansé dans presque<br />
tous les contextes imaginables, dont<br />
deux ans dans la boîte de nuit londonienne<br />
haut de gamme Cirque le<br />
Soir, ce sont les battles qui font vraiment<br />
vibrer Sunni. Alors que certains<br />
danseurs sont célèbres pour leurs<br />
prestations expressives ou pour leur<br />
puissance, ce sont ses head spins vertigineux<br />
et sa créativité (il ne se sert<br />
d’aucun mouvement de base) qui<br />
démarquent Sunni. Ce type actionne<br />
son corps avec une aisance<br />
incroyable.<br />
« Je suis très mince et très léger.<br />
Lorsque je touche le sol, je rebondis.<br />
Grâce à mon poids, je vole. Mais je<br />
n’aime pas la muscu. Je déteste ça !<br />
J’ai participé une fois à un camp<br />
d’entraînement physique, et il y avait<br />
deux danseurs du Japon et du Maroc<br />
super musclés. Nous tournions<br />
autour des instruments et l’un des<br />
gars m’a demandé : “Combien de<br />
répétitions arrives-tu à faire sur cette<br />
machine ?” Je ne savais pas quoi lui<br />
répondre. “Mec, je ne sais même pas<br />
à quoi sert ce truc !” »<br />
Pour Sunni, il s’agit de bien plus<br />
que de se pointer et de faire les<br />
moves. « Il y a une différence fondamentale<br />
entre être un bon danseur et<br />
être un bon danseur de compétition,<br />
explique-t-il. Il existe un grand<br />
nombre de tactiques auxquelles personne<br />
ne pense vraiment. Disons<br />
qu’il y a trois tours, et ce gars est<br />
meilleur que toi, mais il débute le<br />
battle. Il fait un round de malade,<br />
mais qui dure une minute et demie,<br />
puis tu t’engages et en fais un de<br />
vingt secondes. Là tu sais que ses<br />
deux ou trois prochains rounds vont<br />
être pauvres parce que tu ne lui as<br />
pas laissé le temps de récupérer. »<br />
Désormais, Sunni se rend dans<br />
deux ou trois pays par semaine pour<br />
participer à des compétitions – en<br />
tant que juge ou participant – et<br />
organise des stages, mais il garde les<br />
battles en tête, et sait qu’il y a un million<br />
de possibilités de remporter un<br />
battle. « Il peut y avoir une personne<br />
qui passe deux minutes entières sur<br />
les mains et dont les pieds ne toucheront<br />
pas une seule fois le sol, et puis<br />
quelqu’un d’autre n’aura pas de force<br />
physique mais sera hypercréatif,<br />
innovateur et charismatique. Impossible<br />
de savoir qui gagnera avant de<br />
voir tout le battle. »<br />
Après avoir vécu sept ans à<br />
Newham, l’un des quartiers les plus<br />
défavorisés de Londres, Sunni ne se<br />
laisse pas impressionner par les faux<br />
durs, et la plupart des stéréotypes<br />
liés au fait d’être un B-Boy le laissent<br />
froid. « Les gens sont très attachés au<br />
cliché de ce à quoi un vrai B-Boy doit<br />
ressembler, et tout le monde semble<br />
vouloir y correspondre, indépendamment<br />
de qui ils étaient avant de<br />
débuter. Un peu mauvais garçon, un<br />
peu irrespectueux – quelqu’un qui se<br />
fiche de tout, qui ne sourit jamais.<br />
Ça me rend dingue. Les gens les plus<br />
sympas, des gens tellement cool,<br />
après un an de breakdance peuvent<br />
se retrouver transformés en gangster<br />
du Bronx. Là, tu te demandes : “Mais<br />
qu’est-ce qui lui arrive à celui-là ?”»<br />
Il y a six mois, Sunni a déménagé<br />
à Hilversum, une ville dans les environs<br />
d’Amsterdam, afin de mener<br />
une vie plus calme. « À Londres, je<br />
me réveillais au son des sirènes de<br />
police et j’allais me coucher au son<br />
des sirènes de police, explique-t-il.<br />
TROUSERS, SANDRO; BELT, DOLCE & GABBANA; SHOES, JOSHUA; JACKET, VINTAGE<br />
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