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The Red Bulletin Decembre 2019 (FR)

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hausse les épaules : « Je n’y suis pas<br />

vraiment arrivé. » L’industrie du<br />

breakdance n’était pas faite pour<br />

quelqu’un d’aussi jeune, et Sunni<br />

s’est retrouvé sous pression, à dormir<br />

dans des chambres d’hôtel anonymes<br />

dans des pays qu’il n’avait pas le<br />

temps de visiter ; pendant ce temps,<br />

ses copains vivaient une vie d’ado, à<br />

organiser des fêtes et tenter d’entrer<br />

en boîte de nuit. Il a fini par arrêter<br />

complètement la danse pendant un<br />

an afin de se débarrasser des « trucs<br />

idiots de l’adolescence ».<br />

« Je ne me mets pas<br />

souvent en colère<br />

– je suis tout le<br />

temps en train de<br />

sourire ou de me<br />

marrer. »<br />

Mais la scène finit par le rattraper,<br />

et Sunni rempile,<br />

avec l’appui de sa famille.<br />

« Ma mère me soutient à<br />

fond », dit-il en attrapant son téléphone<br />

pour montrer des photos où ils<br />

sont ensemble. « C’est une vrai hippie.<br />

Lorsqu’elle était jeune, elle a pris<br />

une année sabbatique, puis s’est finalement<br />

retrouvée dans un cirque pendant<br />

huit ans, et elle est revenue avec<br />

un gamin : moi. C’est ça, ma mère.<br />

Du délire. »<br />

Né en Malaisie, Sunni a quatre ans<br />

lorsque sa mère revient en Angleterre.<br />

Après s’être lassé du foot et de<br />

l’escalade, il passe son temps libre à<br />

acquérir des aptitudes différentes et<br />

plus inhabituelles, grâce à sa mère et<br />

son expérience du cirque. Sunni<br />

prend son premier cours de breakdance<br />

à l’âge de neuf ans.<br />

« Je faisais tout le temps des acrobaties<br />

avec ma mère, dit le danseur.<br />

Dès que j’étais libre, je la retrouvais<br />

au cirque et passais du temps avec<br />

ses amis – c’était normal. Rétrospectivement,<br />

c’était dingue, mais je n’y<br />

pensais jamais à l’époque. Je faisais<br />

de gros progrès en breakdance. Je<br />

savais déjà comment me servir de<br />

mon poids, parce que cela faisait cinq<br />

ans que je faisais des figures sur les<br />

mains. » Ayant dansé dans presque<br />

tous les contextes imaginables, dont<br />

deux ans dans la boîte de nuit londonienne<br />

haut de gamme Cirque le<br />

Soir, ce sont les battles qui font vraiment<br />

vibrer Sunni. Alors que certains<br />

danseurs sont célèbres pour leurs<br />

prestations expressives ou pour leur<br />

puissance, ce sont ses head spins vertigineux<br />

et sa créativité (il ne se sert<br />

d’aucun mouvement de base) qui<br />

démarquent Sunni. Ce type actionne<br />

son corps avec une aisance<br />

incroyable.<br />

« Je suis très mince et très léger.<br />

Lorsque je touche le sol, je rebondis.<br />

Grâce à mon poids, je vole. Mais je<br />

n’aime pas la muscu. Je déteste ça !<br />

J’ai participé une fois à un camp<br />

d’entraînement physique, et il y avait<br />

deux danseurs du Japon et du Maroc<br />

super musclés. Nous tournions<br />

autour des instruments et l’un des<br />

gars m’a demandé : “Combien de<br />

répétitions arrives-tu à faire sur cette<br />

machine ?” Je ne savais pas quoi lui<br />

répondre. “Mec, je ne sais même pas<br />

à quoi sert ce truc !” »<br />

Pour Sunni, il s’agit de bien plus<br />

que de se pointer et de faire les<br />

moves. « Il y a une différence fondamentale<br />

entre être un bon danseur et<br />

être un bon danseur de compétition,<br />

explique-t-il. Il existe un grand<br />

nombre de tactiques auxquelles personne<br />

ne pense vraiment. Disons<br />

qu’il y a trois tours, et ce gars est<br />

meilleur que toi, mais il débute le<br />

battle. Il fait un round de malade,<br />

mais qui dure une minute et demie,<br />

puis tu t’engages et en fais un de<br />

vingt secondes. Là tu sais que ses<br />

deux ou trois prochains rounds vont<br />

être pauvres parce que tu ne lui as<br />

pas laissé le temps de récupérer. »<br />

Désormais, Sunni se rend dans<br />

deux ou trois pays par semaine pour<br />

participer à des compétitions – en<br />

tant que juge ou participant – et<br />

organise des stages, mais il garde les<br />

battles en tête, et sait qu’il y a un million<br />

de possibilités de remporter un<br />

battle. « Il peut y avoir une personne<br />

qui passe deux minutes entières sur<br />

les mains et dont les pieds ne toucheront<br />

pas une seule fois le sol, et puis<br />

quelqu’un d’autre n’aura pas de force<br />

physique mais sera hypercréatif,<br />

innovateur et charismatique. Impossible<br />

de savoir qui gagnera avant de<br />

voir tout le battle. »<br />

Après avoir vécu sept ans à<br />

Newham, l’un des quartiers les plus<br />

défavorisés de Londres, Sunni ne se<br />

laisse pas impressionner par les faux<br />

durs, et la plupart des stéréotypes<br />

liés au fait d’être un B-Boy le laissent<br />

froid. « Les gens sont très attachés au<br />

cliché de ce à quoi un vrai B-Boy doit<br />

ressembler, et tout le monde semble<br />

vouloir y correspondre, indépendamment<br />

de qui ils étaient avant de<br />

débuter. Un peu mauvais garçon, un<br />

peu irrespectueux – quelqu’un qui se<br />

fiche de tout, qui ne sourit jamais.<br />

Ça me rend dingue. Les gens les plus<br />

sympas, des gens tellement cool,<br />

après un an de breakdance peuvent<br />

se retrouver transformés en gangster<br />

du Bronx. Là, tu te demandes : “Mais<br />

qu’est-ce qui lui arrive à celui-là ?”»<br />

Il y a six mois, Sunni a déménagé<br />

à Hilversum, une ville dans les environs<br />

d’Amsterdam, afin de mener<br />

une vie plus calme. « À Londres, je<br />

me réveillais au son des sirènes de<br />

police et j’allais me coucher au son<br />

des sirènes de police, explique-t-il.<br />

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