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The Red Bulletin Janvier 2020 (FR)

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<strong>FR</strong>ANCE<br />

JANVIER <strong>2020</strong><br />

HORS DU COMMUN<br />

Votre magazine<br />

offert chaque<br />

mois avec<br />

BEN LECOMTE A NAGÉ 555 KM DANS<br />

UN OCÉAN<br />

DE PLASTIQUE<br />

Ce qu’il y a appris nous<br />

poussera-t-il à agir ?


ÉDITORIAL<br />

LE PLASTIQUE N’EST<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

PLUS FANTASTIQUE<br />

En ce début d’année, ce que Ben Lecomte veut nous<br />

faire comprendre, c’est l’ampleur d’un désastre qui<br />

se déroule sous nos yeux : l’omniprésence du plastique<br />

sur la planète, et ses répercussions environnementales,<br />

probablement irréversibles. Il n’accuse<br />

pas, ne pointe pas du doigt, ne joue pas les moralisateurs.<br />

Ben Lecomte est un homme animé par les<br />

mêmes désirs et espoirs que vous, nous : un homme<br />

ordinaire en somme. Mais un homme ordinaire qui<br />

accomplit des choses extraordinaires, en érigeant<br />

ses convictions au- dessus du niveau de la mer.<br />

Après avoir traversé l’Atlantique à la nage une<br />

première fois en 1998, il a nagé dans le vortex du<br />

Pacifique nord en 2019 pour documenter une réalité<br />

méconnue car loin de nous. C’est sous le niveau<br />

de la mer que Ben Lecomte nous invite à regarder,<br />

avant de plonger dans la réflexion.<br />

ROD GLACIAL<br />

Originaire de Bretagne<br />

mais Parisien depuis dix ans,<br />

Rod Glacial a débuté dans<br />

le fanzinat puis a travaillé<br />

plusieurs années chez<br />

Noisey, le site musical de<br />

Vice. Freelance, il collabore<br />

avec divers médias. Pour<br />

ce numéro, il a rencontré<br />

Mathieu Rochet, cofondateur<br />

du magazine Gasface et<br />

auteur de la série Lost In<br />

Traplanta diffusée sur Arte<br />

en fin d’année. Page 56<br />

TOM POWELL/@ICEBREAKERNZ (COUVERTURE)<br />

Ouvrez les yeux !<br />

Votre Rédaction<br />

Ben Lecomte, 51 ans, architecte, féru de natation, marié,<br />

père de famille (ici avec ses enfants), expatrié, et fervent<br />

défenseur des océans. Bref, un homme ordinaire. P. 42<br />

NEAL ROGERS<br />

Cet Américain, collaborateur<br />

d’ESPN et du site CyclingTips,<br />

a rencontré l’inspirant pilote de<br />

VTT Paul Basagoitia. « Un jeune<br />

gars à la croisée des chemins :<br />

celui d’un athlète de haut<br />

niveau dont la carrière est<br />

stoppée par une blessure, et<br />

celui d’un homme qui devient<br />

connu dans la communauté<br />

des personnes victimes de<br />

lésions de la moelle épinière.<br />

Une communauté qu’il n’avait<br />

jamais pensé rejoindre un<br />

jour. » Page 72<br />

THE RED BULLETIN 3


56<br />

Mathieu Rochet s’est<br />

bougé aux USA pour<br />

sa vision du hip-hop.<br />

72<br />

Cette photo de Paul<br />

Basagoitia n’aurait<br />

jamais dû exister.<br />

6 Plein les yeux : sur l’eau, les cimes<br />

ou dans les airs, les athlètes français<br />

sont à l’honneur de notre<br />

galerie ce mois-ci !<br />

12 Le plastique, c’était fantastique :<br />

le top, désormais, c’est le carton<br />

14 Un disque vinyle fait de déchets<br />

marins, ça sonne comment ?<br />

15 Comme Sophie Everard, prenez la<br />

vague de l’entrepreneuriat<br />

16 Un Noir dans un gang suprémaciste<br />

blanc, c’est l’histoire vraie<br />

d’Adewale Akinnuoye-Agbaje<br />

18 À quoi nous servirait une queue ?<br />

20 Pour se faire une place dans le<br />

milieu du cinéma, Daisy Ridley<br />

avait peut-être (déjà) la Force...<br />

24 Playlist : ce qui excite Underworld<br />

26 Le Dakar, au choix<br />

La tête dans un roadbook ? Avec<br />

le couple Peterhansel ? Ou dans<br />

la catégorie Side by Side ?<br />

42 Le plastique, ce fléau<br />

Ben Lecomte a nagé dans des<br />

déchets pour envisager la suite :<br />

avec nous<br />

56 Lyon-Atlanta<br />

C’est le chemin parcouru par un<br />

passionné de hip-hop, qui voulait<br />

autre chose pour sa culture<br />

62 De la balle, la trap<br />

Gunner Stahl connaît les boss du<br />

genre, et partage son portfolio<br />

72 Rouler à nouveau<br />

Paul Basagoitia ne devait plus<br />

remonter sur un vélo. Un film<br />

raconte sa persévérance<br />

86 Les Gorges du Verdon, avec le<br />

grimpeur Stefan Glowacz, rien<br />

que pour vous<br />

90 Comment une montre a résisté<br />

aux plus grandes profondeurs<br />

jamais atteintes par l’homme<br />

92 Experte des courses d’obstacles<br />

extrêmes, Ida Mathilde s’entraîne<br />

même au bureau<br />

94 Au programme sur <strong>Red</strong> Bull TV :<br />

le Dakar comme si vous y étiez,<br />

un BMXer de retour à sa source,<br />

et les caïds de Street Fighter à<br />

nouveau réunis dans une cage...<br />

95 Agenda : la neige sportive et festive,<br />

la plus célèbre course d’enduro<br />

moto sur sable, le retour<br />

du WRC et les affreux Slipknot<br />

96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

98 Pour finir en beauté : la street<br />

dance sur le toit du monde<br />

EMILE DARVES-BLANC, DEWEY NICKS, FLAVIEN DUHAMEL<br />

4 THE RED BULLETIN


CONTENUS<br />

janvier <strong>2020</strong><br />

26<br />

Le Rallye Dakar se pointe<br />

en Arabie saoudite : nous lui<br />

dédions un dossier spécial.<br />

THE RED BULLETIN 5


CARBONNE, <strong>FR</strong>ANCE<br />

Le flow de<br />

Charraud<br />

Pour Jules Charraud, athlète français<br />

montant en puissance dans l’univers du<br />

wakeboard, tout est question de flow.<br />

C’est aussi presque une priorité pour<br />

Tomz FPV, le pilote de drone qui s’est<br />

évertué à le suivre avec son engin volant,<br />

et filmant sur le wake park de la Source,<br />

du côté de Carbonne, dans le 31, pour une<br />

vidéo de la série Follow Me à retrouver<br />

sur redbull.com.<br />

Instagram : @jules.charraud<br />

DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL


7


MATERA, ITALIE<br />

La tête à<br />

l’envers<br />

De son apparition dans le parkour<br />

en 2015 à l’âge de onze ans, à sa<br />

validation pour l’une des huit qualifications<br />

en ligne pour le <strong>Red</strong> Bull Art<br />

of Motion 2019, Lilou Ruel est l’une<br />

des plus prometteuses athlètes dans<br />

son sport. Ici, la freerunneuse française<br />

de seize ans montre aux juges<br />

de quoi elle est capable, alors qu’elle<br />

participe à la finale du <strong>Red</strong> Bull Art<br />

of Motion à Matera, en Italie. « Ce<br />

move s’appelle un bub cork, dit Lilou.<br />

Je suis la première femme à l’avoir<br />

réussi lors d’un Art of Motion, et<br />

j’en suis plutôt fière. »<br />

Instagram : @lilouruel<br />

SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, AUSTIN JACKSON/RED BULL ILLUME


SPIRIT FALLS,<br />

WASHINGTON, USA<br />

C’est la<br />

saison<br />

Quand un photographe fait preuve<br />

d’une vraie passion pour son sujet,<br />

ça se voit. Dans cette image de l’autodidacte<br />

et fan d’outdoor Austin James<br />

Jackson, la passion de l’aventure est<br />

évidente. « L’hiver est une période<br />

excitante pour explorer les gorges du<br />

Columbia, au nord-ouest des États-<br />

Unis, dit Jackson. La neige rencontre<br />

les chutes d’eau et les rivières, et la<br />

saison du kayak hivernal démarre. »<br />

Instagram : @austin.james.jackson<br />

9


MÜRREN, OBERLAND<br />

BERNOIS, SUISSE<br />

Un air de<br />

paradis<br />

Pas besoin de bouger au bout du<br />

monde pour prendre son envol dans<br />

des spots uniques. Valentin Delluc,<br />

un spécialiste du speedriding (du ski<br />

mixé à du parapente en mini-voile)<br />

s’éclate ici à deux pas de chez vous,<br />

en plein cœur du domaine de Mürren,<br />

offert à lui seul. Il est suivi par le<br />

photographe Dom Daher, venu documenter<br />

les évolutions du rider français<br />

en Suisse. « Cet endroit dans le<br />

canton de Berne était comme un petit<br />

paradis dans lequel Valentin s’est<br />

pointé par-dessus les falaises grâce<br />

à sa voile… Ce fut grandiose ! », se<br />

remémore Daher, en spécialiste des<br />

prises de vue outdoor dans les environnements<br />

les plus saisissants<br />

de la planète.<br />

Instagram : @domdaher


DOM DAHER<br />

11


Chaque Wikkelhouse peut être<br />

personnalisée avec des ajouts<br />

intérieurs et des fenêtres.<br />

WIKKELHOUSE<br />

Ça va faire<br />

un carton !<br />

Une équipe d’artistes construit de petites<br />

maisons recyclables qui sont fabriquées en<br />

enrubannant des rames de carton.<br />

Vivre dans un habitat en carton,<br />

cela semble peu probable, mais<br />

cette boîte en carton est bien<br />

réelle. C’est une maison 100 %<br />

recyclable, confortable et à la<br />

pointe de la technologie, qui<br />

peut être construite en une<br />

seule journée.<br />

Fruit de la création de Fiction<br />

Factory, un groupe de concepteurs<br />

de décors de théâtre<br />

devenu une entreprise de design<br />

créatif, la Wikkelhouse (wikkel<br />

en néerlandais signifie « emballer<br />

») est une construction de<br />

petite dimension en carton de<br />

fibres vierges. Conçue en enrubannant<br />

des rames de carton<br />

ondulé autour d’un moule, la<br />

maison est collée avec une colle<br />

écologique pour créer une structure<br />

incroyablement solide et<br />

robuste. « Wikkelhouse est<br />

synonyme d’innovation et de<br />

durabilité ainsi que de design,<br />

explique le fondateur Oep<br />

Schilling. Lorsque nous nous<br />

sommes lancés dans ce projet<br />

en 2012, nous nous sommes<br />

dit que le carton était un bon<br />

matériau écologique. En n’utilisant<br />

que du carton, nous créons<br />

ainsi beaucoup de matériau à<br />

partir d’un seul arbre. C’est<br />

donc une façon efficace d’utiliser<br />

les arbres en tant que matériau<br />

de construction. »<br />

De telles maisons ont été<br />

récemment installées dans des<br />

milieux urbains et ruraux, de la<br />

campagne néerlandaise à la<br />

skyline d’Hoxton, dans l’est de<br />

Londres. D’autres devraient<br />

suivre au cours de la prochaine<br />

année. « La plupart des gens<br />

utilisent nos maisons pour leurs<br />

loisirs mais certains aimeraient<br />

sûrement résider dans de petites<br />

habitations comme celle-ci »,<br />

détaille Schilling.<br />

Il poursuit en expliquant que<br />

l’on peut vivre longtemps dans<br />

une Wikkelhouse, à condition de<br />

la préserver et de s'en occuper.<br />

« Les maisons sont faites pour<br />

durer sinon elles ne seraient pas<br />

écologiques. Vous n’avez qu’à<br />

bien les entretenir et elles tiendront<br />

jusqu’à cent ans. »<br />

wikkelhouse.com<br />

YVONNE WITTE/WIKKELHOUSE LOU BOYD<br />

12 THE RED BULLETIN


ALPHATAURI.COM


Des déchêts dans<br />

vos feuilles ? Oui,<br />

mais en vinyle !<br />

LA VOIX DE L’OCÉAN<br />

La mer est<br />

sur écoute<br />

Le nouveau disque de Nick Mulvey est une<br />

première mondiale. Les déchets de la côte de<br />

Cornouailles, en Angleterre, l’ont inspiré et il<br />

est réalisé entièrement à partir de ceux-ci.<br />

Le disque est beau et la musique<br />

est bonne mais en réalité, c’est<br />

un déchet. Un déchet de plage.<br />

Composé et interprété par Nick<br />

Mulvey, le nouveau titre, In <strong>The</strong><br />

Anthropocene, est sorti sur un<br />

disque vinyle entièrement réalisé<br />

à partir de détritus plastiques<br />

recueillis sur les plages<br />

de Cornouailles, l’un des volets<br />

d’un projet visant à sensibiliser<br />

sur la pollution plastique croissante<br />

dans les océans. « Nous<br />

avons utilisé du plastique trouvé<br />

sur le rivage, dit Mulvey, la base<br />

est faite de déchets de filets de<br />

pêche transformés et constitue<br />

la majeure partie du vinyle alors<br />

qu’à l’intérieur même du disque,<br />

on distingue des morceaux de<br />

plastique et des emballages. »<br />

Huit millions de tonnes de<br />

plastique sont jetés chaque<br />

année dans l’océan, ce qui représente<br />

environ 75 % de tous les<br />

déchets marins (voir notre sujet<br />

Immersion dans le vortex, page<br />

42). Si la situation ne change<br />

pas, les scientifiques prévoient<br />

que cette quantité pourrait<br />

décupler d’ici 2025. « Je pense<br />

Nick Mulvey, un<br />

chanteur inspiré<br />

par l’océan.<br />

que nous sommes la première<br />

génération à vraiment comprendre<br />

l’impact que nous<br />

avons sur cette Terre et l’urgence<br />

de la situation tient à ce<br />

que nous sommes aussi la dernière<br />

génération à pouvoir faire<br />

quelque chose à cet égard, dit<br />

Mulvey. Cela ne va pas disparaître<br />

tout seul et nous devons<br />

agir dès maintenant. Mieux<br />

comprendre la nature et réaliser<br />

que nous ne sommes pas séparés<br />

de notre environnement ni<br />

supérieurs à lui sont les sujets<br />

qui ont inspirés cette chanson<br />

ainsi que toute ma musique. »<br />

Le produit de la vente et du<br />

streaming de la chanson sera<br />

versé à l’association caritative<br />

Surfers Against Sewage, afin<br />

de l’aider dans ses efforts pour<br />

réduire les déchets plastiques<br />

sur les côtes britanniques.<br />

« Avec ce projet en collaboration<br />

avec la brasserie Sharp’s, dit<br />

Nick, nous avons la possibilité<br />

de faire quelque chose de bien,<br />

la possibilité de parvenir à<br />

davantage de beauté, d’harmonie<br />

et de contacts humains. »<br />

driftrecords.com<br />

SHARP'S BREWERY, NICK MULVEY LOU BOYD<br />

14 THE RED BULLETIN


MAD TO LIVE<br />

Le take-off<br />

d’une vie ?<br />

Difficile de créer sa propre société…<br />

Sophie Everard a fait carrière<br />

dans l’aventure et vous glisse ses<br />

recommandations.<br />

RACHELLE LINCOLN LOU BOYD<br />

Qui n’a jamais rêvé d’être son<br />

propre patron ? Mais combien<br />

s’y sont risqués ? L’aventurière<br />

et fondatrice de Mad To Live,<br />

Sophie Everard a fait le saut,<br />

et dans sa cinquième année<br />

d’existence, sa société est plus<br />

que jamais dédiée aux femmes.<br />

Elle emmène des centaines<br />

de personnes pour des aventures<br />

un peu partout à travers<br />

le monde. « Je savais que je<br />

n’allais pas poursuivre une<br />

carrière dans quelque chose<br />

qui sauverait des vies, comme<br />

celle de médecin, dit la surfeuse,<br />

snowboardeuse et aventurière.<br />

Mais à ma façon, je<br />

voulais faire quelque chose de<br />

bénéfique. Le plus gratifiant<br />

fut lorsque quelqu’un a fait<br />

appel à ma compagnie et que<br />

cela a amélioré sa vie. »<br />

Le plus important lors de<br />

la création d’une boîte est de<br />

comprendre tous les aspects<br />

de votre entreprise. « Mes<br />

clients qualifient mon cheminement<br />

de carrière d’inhabituel,<br />

explique Everard. J’ai travaillé<br />

dans tous les domaines<br />

du marketing, de la vente et<br />

des relations publiques, m’assurant<br />

toujours de glaner de<br />

l’expérience dans tous les<br />

domaines. »<br />

Il n’y a jamais eu autant<br />

de ressources dans le monde<br />

pour aider les gens à transformer<br />

leurs bonnes idées en<br />

carrières épanouissantes et<br />

rentables. « En quittant un job<br />

à plein temps bien rémunéré,<br />

prévoyez des périodes d’incertitude,<br />

dit l’Américaine. À vous<br />

de les apprivoiser. »<br />

wearemadtolive.com<br />

Les conseils de<br />

Sophie Everard pour<br />

lancer votre boîte<br />

1/ Soyez audacieux<br />

« Souvent, les grandes idées<br />

sont ensevelies par les peurs<br />

des autres. Si vous avez vraiment<br />

une bonne idée, assurezvous<br />

de toujours y croire. »<br />

2/ Vos outils sont là<br />

« Pas besoin d’un matos coûteux<br />

pour se lancer. Connectez<br />

avec d’autres entrepreneurs,<br />

écoutez des podcasts, allez à<br />

des meet-up numériques, ça ne<br />

vous coûtera rien ! »<br />

3/ Ce sera intense<br />

« Vous ne pouvez pas vous<br />

permettre d’être affecté(e) par<br />

les contretemps. Vous devez en<br />

fait vous en servir pour alimenter<br />

le feu en vous. Chaque jour<br />

est imprévisible et unique. »<br />

4/ Restez vous-même<br />

« Beaucoup d’entreprises<br />

étonnantes naissent d’un<br />

état d’esprit unique, mais les<br />

gens essaieront d’étouffer cet<br />

aspect- là de vous s’ils pensent<br />

que c’est trop “décalé”.<br />

Ignorez- les et continuez. »<br />

5/ L’instinct<br />

« Il y aura des hauts et des bas,<br />

cela fait partie de la courbe<br />

d’apprentissage lors de la création<br />

d’une entreprise. Si vous<br />

vous trouvez dans une mauvaise<br />

situation, suivez votre<br />

instinct, c’est souvent le meilleur<br />

guide que vous ayez. »<br />

THE RED BULLETIN 15


ADEWALE AKINNUOYE-AGBAJE<br />

Seconde peau<br />

Dévoré par la haine de soi, ce réalisateur et acteur noir<br />

britannique a intégré un gang blanc suprémaciste à<br />

l’adolescence. Puis il est parvenu à réécrire son histoire.<br />

Comment un enfant noir qui a grandi<br />

dans l’Essex (Angleterre) des années<br />

1980 devient-il membre d’un gang<br />

de skinheads suprémacistes blancs ?<br />

Adewale Akinnuoye-Agbaje répond<br />

à cette question dans Farming, le premier<br />

film qu’il réalise pour le grand<br />

écran. Celui-ci raconte l’histoire de<br />

cet acteur et réalisateur lorsqu’il<br />

était enfant. Né de parents nigériens,<br />

il a été confié très tôt à une famille<br />

blanche dans une ville portuaire dure<br />

où sévissait la violence raciste d’où<br />

le titre (to farm : élever, cultiver).<br />

Ignoré et mal-aimé chez lui et pris<br />

pour cible dans la rue, Adewale a été<br />

contraint par son père adoptif à se<br />

battre contre ses agresseurs. Le fait<br />

qu’il ne reculait jamais devant une<br />

baston lui a valu une certaine considération<br />

de la part de ses assaillants.<br />

Au point de passer chez l’ennemi en<br />

joignant un gang raciste.<br />

Avec de la chance, du travail<br />

acharné et l’intervention d’éducateurs,<br />

Akinnuoye-Agbaje a échappé<br />

à l’avenir sans issu auquel il se destinait<br />

et a décroché un diplôme en<br />

droit. Il a ensuite poursuivi sa transformation,<br />

a déménagé à Los Angeles<br />

pour y devenir acteur et est apparu<br />

dans des séries télé comme Oz, Lost<br />

et Game of Thrones, tout en apprenant<br />

à raconter sa propre histoire.<br />

Peu de gens ont la chance de réaliser<br />

un long métrage basé sur leur propre<br />

vie mais, il y a peu de gens comme<br />

Akinnuoye-Agbaje.<br />

the red bulletin : Farming<br />

montre à quel point le sentiment<br />

d’appartenance peut être puissant,<br />

même lorsqu’on se trouve dans un<br />

environnement dangereux et<br />

dégradant...<br />

adewale akinnuoye-agbaje : Dans<br />

cette histoire, de jeunes enfants noirs<br />

sont placés dans un environnement<br />

qui leur est étranger et où ils sont les<br />

seuls enfants noirs. Leur exposition<br />

à la culture africaine vient exclusivement<br />

des médias, que ce soit avec<br />

Tarzan, Alf Garnett ou Jim Davidson,<br />

des gens qui crachaient régulièrement<br />

des injures racistes. Quand on<br />

est constamment exposé à ce genre<br />

de langage et qu’on est ensuite victime<br />

de violence physique dans la<br />

rue, quand on n’a pas de références<br />

culturelles positives ou de modèles<br />

de comportement, on commence à<br />

s’identifier aux images méprisantes.<br />

Quand mon propre père m’a envoyé<br />

me battre contre des brutes, quand<br />

j’ai suivi ce conseil et que j’ai commencé<br />

à me défendre, j’ai soudainement<br />

commencé à me faire remarquer<br />

pour autre chose que la couleur<br />

de ma peau. Et c’est devenu une<br />

bouée de sauvetage, car dès lors,<br />

les gens m’appelaient par mon nom.<br />

Cela m’a donné un sentiment de validation.<br />

Mais ne vous méprenez pas,<br />

je n’ai jamais été accepté par le gang.<br />

Dans ce genre de groupe, on est toujours<br />

considéré comme un outil, un<br />

atout utile dans la lutte contre<br />

d’autres gangs, et on prend rapidement<br />

conscience de qui on est et de<br />

qui on était. Mais bon, cela permet<br />

au moins de marcher un peu plus<br />

librement dans la rue.<br />

Comment avez-vous dévié de<br />

cette voie ?<br />

Le tournant a été la réussite de mon<br />

premier examen. Ce n’était pas une<br />

bonne note, à peine la moyenne,<br />

mais c’était prouver à moi-même que<br />

lorsque je m’appliquais, je pouvais<br />

accomplir quelque chose ; on m’avait<br />

toujours dit que je n’y arriverais pas.<br />

Ça a été une révélation pour moi.<br />

Mais il m’a fallu du temps pour sortir<br />

de cet environnement et me retrouver<br />

dans un milieu davantage multiculturel<br />

; avoir ma première petite<br />

amie de couleur a aussi été un gros<br />

truc. Ça a été un parcours tortueux<br />

et difficile parce que j’avais une telle<br />

haine de moi-même et une telle<br />

sous-estime de moi. Un soir que je<br />

galérais sur un devoir de droit, au<br />

point de fracasser un meuble dans<br />

ma chambre, un ami m’a donné une<br />

pilule qu’il avait l’habitude de<br />

prendre pour rester debout tard. Je<br />

l’ai prise et nous sommes restés d’attaque<br />

toute la nuit pour résoudre le<br />

problème. À la fin, je lui ai demandé<br />

ce que c’était, et il m’a répondu que<br />

ce n’était qu’un comprimé de vitamines<br />

et que le remède se trouvait<br />

dans ma tête. Des leçons comme ça<br />

ont commencé à m’aider à percevoir<br />

mes propres capacités.<br />

Vous avez depuis fait d’autres<br />

transformations : d’avocat à acteur,<br />

auteur et réalisateur...<br />

Et de la haine de soi à l’amour de soi.<br />

Il s’agit de vous donner les moyens<br />

de vous prendre en main par vos<br />

propres réalisations, non pas en<br />

cherchant à obtenir une validation<br />

de l’extérieur, mais en vous validant<br />

vous-même.<br />

Votre histoire montre une extraordinaire<br />

capacité d’adaptation et<br />

de survie…<br />

Mon apprentissage à Tilbury m’a<br />

donné une intrépidité face à la vie et<br />

le sentiment que rien n’est impossible.<br />

Je n’avais jamais écrit de scénario<br />

auparavant, mais il a été primé.<br />

Je n’avais jamais réalisé de film auparavant<br />

et il a été primé. La clé, c’est<br />

d’être intrépide et de se lancer. Parce<br />

que si l’on n’essaie pas, on ne peut<br />

pas savoir.<br />

hanwayfilms.com<br />

AUSTIN HARGRAVE/AUGUST JESS HOLLAND<br />

16 THE RED BULLETIN


« N’attendez pas<br />

que l’on vous<br />

valide. Faites-le<br />

vous-même. »


Un délire fashion ?<br />

Queue dalle ! D’après<br />

ses créateurs japonais,<br />

les bénéfices d’un tel<br />

appendice pour les<br />

humains sont concrets.<br />

ARQUE<br />

Le corps<br />

augmenté<br />

En matière de conception de<br />

robot, le Japon a une longueur<br />

d’avance sur le reste du monde.<br />

À la croisée de la technologie,<br />

de la prévention médicale et du<br />

loisir, voici Arque, la première<br />

queue humaine robotisée.<br />

La nature s’essaye à des expériences<br />

parfois surprenantes,<br />

mais pas dénuées de sens.<br />

Ainsi, on a récemment découvert<br />

que les personnes possédant<br />

un sixième doigt (1 naissance<br />

sur 500 dans le monde)<br />

s’accommodaient très bien de<br />

ce dernier en l’utilisant comme<br />

un pouce. À l’inverse, certains<br />

chercheurs se sont interrogés<br />

sur l’utilité de réhabiliter un<br />

appendice squelettique dont<br />

l’homme moderne n’a conservé<br />

qu’un reliquat. Nous ne parlons<br />

pas ici d’un substitut de virilité,<br />

mais bien d’une prouesse technologique<br />

réalisée par l’équipe<br />

de l’université de Keio (Tokyo),<br />

constituée de Yamen Saraiji,<br />

Junichi Nabeshima et Kouta<br />

Minamizawa. Cet appendice<br />

robotisé d’un mètre de long<br />

s’inspire de la queue des vertébrés<br />

dont le rôle est de protéger<br />

leur colonne vertébrale et de<br />

favoriser le développement de<br />

leur mobilité. Il reflète la plasticité,<br />

l’élasticité et la compression<br />

du squelette de la queue<br />

d’un hippocampe à l’aide de<br />

quatre muscles artificiels qui lui<br />

donnent la possibilité de bouger<br />

comme un pendule dans huit<br />

directions. Ces « muscles »<br />

reproduisent des contractions<br />

selon qu’ils sont remplis ou<br />

vidés d’air.<br />

Arque s’ajuste sur le dos<br />

en ajoutant ou en enlevant des<br />

poids dans les modules (ou<br />

« vertèbres ») en métal et permet<br />

ainsi de corriger une posture<br />

en déplaçant le centre de<br />

gravité de son porteur pour renforcer<br />

le corps et les muscles.<br />

À terme, l’objectif des chercheurs<br />

est d’inclure cette prothèse<br />

dans la vie quotidienne<br />

des personnes âgées ou souffrant<br />

de maux de dos en leur<br />

apportant un renfort au niveau<br />

de l’équilibre, ou tout simplement<br />

en prévention.<br />

Le deuxième aspect insoupçonné<br />

de cette queue robotisée<br />

est ludique et récréatif : utilisée<br />

en association avec un jeu de<br />

RV, elle devient un accessoire<br />

venant perturber le joueur, elle<br />

le déséquilibre, ce qui confère<br />

encore plus de réalisme aux<br />

sensations du jeu en expérience<br />

immersive. Mais une chose est<br />

sûre, avant de devenir commercialisable,<br />

Arque devra se faire<br />

socialement et publiquement<br />

accepter IRL.<br />

JUNICHI NABESHIMA, KOUTA MINAMIZAWA, MHD YAMEN SARAIJI KEIO UNIVERSITY GRADUATE SCHOOL OF MEDIA DESIGN CHRISTINE VITEL<br />

18 THE RED BULLETIN


Ven. 31 jan<br />

14h30 - 15h30<br />

ENDURO VINTAGE<br />

Sam. 1 er fév<br />

8h30 - 9h30<br />

ENDUROPALE ESPOIRS<br />

Sam. 1 er fév<br />

10h30 - 12h<br />

ENDUROPALE JUNIORS<br />

Sam. 1 er fév<br />

13h30 - 16h<br />

QUADURO<br />

Dim. 2 fév<br />

13h - 16h<br />

ENDUROPALE DU TOUQUET<br />

PAS-DE-CALAIS


DAISY RIDLEY<br />

« Une force existe<br />

quelque part,<br />

ailleurs »<br />

Il y a quatre ans, l’Anglaise Daisy Ridley, décollait pour<br />

la stratosphère de Star Wars. Avec la sortie du troisième<br />

volet de la nouvelle trilogie, l’actrice explique les stratégies<br />

auxquelles elle a recouru pour se frayer un chemin.<br />

the red bulletin : Votre personnage<br />

de la saga Star Wars se laisse<br />

convaincre de rejoindre le Côté<br />

obscur de la Force. Mais qu’est-ce<br />

donc que ce Côté obscur ?<br />

daisy ridley : C’est lorsque vous<br />

utilisez des choses qui pourraient<br />

être utilisées à de bonnes fins pour<br />

faire exactement le contraire. On<br />

pourrait aussi dire que c’est lorsque<br />

tu fais quelque chose pour toi seul<br />

plutôt que pour le bien de la communauté.<br />

Le Côté obscur de la Force<br />

existe donc vraiment. La plupart des<br />

gens sont aimables les uns envers<br />

les autres mais d’autres n’ont pas de<br />

limites et croient qu’ils vivent dans<br />

un autre monde que celui du reste<br />

de l’humanité.<br />

Ce n’est pas votre façon d’agir...<br />

Tout d’abord, j’ai des principes moraux.<br />

Par exemple, lorsque je suis<br />

très fatiguée, cela me serait facile<br />

d’être impolie envers les autres. Mais<br />

je dois justement me ressaisir, parce<br />

que l’autre n’y peut rien.<br />

Comment gardez-vous cette attitude<br />

louable ? Vous faites souvent<br />

face à des situations stressantes…<br />

Il faut simplement être reconnaissant<br />

et tu n’auras pas de sentiments négatifs.<br />

Je suis donc surtout reconnaissante<br />

envers les gens que je connais<br />

et pour ce qu’on m’a permis de faire.<br />

Et encore une fois, cela signifie que<br />

je ne tiens rien pour acquis.<br />

Par exemple, il n’était certainement<br />

pas évident que l’on vous<br />

confie un rôle principal dans Star<br />

Wars. Pourquoi pensez-vous que<br />

cela a fonctionné ?<br />

Il faut beaucoup de chance. Et cette<br />

chance doit être complétée par un<br />

travail acharné. Mais le rapport n’est<br />

pas 50/50. Cela varie. Parfois il y a<br />

davantage de chance, ou davantage<br />

de travail. Et avec cette combinaison,<br />

j’ai appris à connaître les bonnes<br />

personnes grâce à qui j’ai rencontré<br />

encore plus de bonnes personnes.<br />

Ça aussi c’est important.<br />

Et qu’est-ce qui a fait la différence<br />

à propos de Star Wars ?<br />

D’être au bon endroit au bon<br />

moment. Et le fait que j’incarnais<br />

quelque chose que le réalisateur<br />

J.J. Abrams recherchait. En dehors<br />

de cela, je pense aussi qu’il faut<br />

ajuster ses antennes.<br />

Comment y parvenez-vous ?<br />

Quand un ami m’a parlé pour la<br />

première fois de la nouvelle trilogie<br />

Star Wars, je me suis dit : « Je vais<br />

décrocher un rôle dans ce film. » Puis<br />

j’ai passé des auditions pendant sept<br />

mois. Parfois, je me disais : « J’ai merdé,<br />

je n’y parviens pas. Je ne suis<br />

pas celle qu’il faut. » Mais tu dois<br />

continuer à aller de l’avant, même<br />

si tu doutes de toi. Tu te l’imagines<br />

jusqu’à ce que tu y parviennes.<br />

Et comment avez-vous fait ?<br />

Je me suis dis que je pouvais le faire.<br />

Même si au fond de moi je pensais<br />

le contraire. Dis-le-toi, c’est tout.<br />

Et permets-toi aussi des moments<br />

de faiblesse, quand tu te dis : « Ce<br />

n’est toujours pas ça. » Espère que<br />

les gens voient quelque chose en toi.<br />

À l’époque, vous étiez barmaid,<br />

n’est-ce pas ?<br />

Oui. Après les fêtes, j’ai voulu<br />

prendre quelques mois de congé du<br />

pub et ma dernière audition était<br />

en février.<br />

Vous n’aviez que les auditions<br />

en tête pour vous confronter à la<br />

réalité du cinéma ? Vous n’aviez<br />

pas de relations dans ce métier ?<br />

Il y avait un type super dégueu au<br />

pub qui n’arrêtait pas de dire : « Viens<br />

avec moi à telle ou telle soirée, je<br />

peux te présenter des gens. » Je me<br />

suis dit : « Je ne te crois pas. » Même<br />

si ça avait été une fête où j’aurais pu<br />

rencontrer quelqu’un d’important,<br />

je ne voulais pas de ça ! Je voulais<br />

passer des auditions pour des rôles<br />

et suivre mon propre cheminement.<br />

Vous jugiez inutile de rencontrer<br />

des personnes avec une potentielle<br />

connaissance de ce milieu ?<br />

Je demande bien sûr conseil aux<br />

gens, mais personne ne doit faire<br />

JUMBO TSUI/TRUNK ARCHIVE RÜDIGER STURM<br />

20 THE RED BULLETIN


« Le succès, c’est<br />

de la chance plus<br />

du travail acharné.<br />

Mais le rapport<br />

n’est pas 50/50. »<br />

Daisy Ridley, 27 ans.<br />

THE RED BULLETIN 21


Star Wars, épisode IX :<br />

L’ascension de Skywalker<br />

Après Le réveil de la force et Les derniers Jedi,<br />

Daisy Ridley se glisse à nouveau dans la peau de<br />

Rey, la pilleuse d’épaves, dans le troisième volet<br />

de la nouvelle trilogie. Avec ses alliés, l’apprentie<br />

de Luke Skywalker veut cette fois-ci remporter<br />

la lutte contre le Premier Ordre du Leader<br />

Suprême Kylo Ren (Adam Driver).<br />

Sortie en salle : le 18 décembre.<br />

mon travail à ma place. Je veux<br />

atteindre mon but toute seule. De<br />

plus, si quelque chose semble trop<br />

beau pour être vrai, c’est souvent<br />

un mirage.<br />

Étiez-vous une bonne barmaid?<br />

J’étais géniale. Je n’étais pas exagérément<br />

amicale, plutôt réglo avec<br />

les clients : « Que voulez-vous boire ?<br />

Je vous prépare vos drinks et c’est<br />

tout. » J’aime travailler et préparer<br />

les boissons rapidement. Je ne m’embrouille<br />

pas. C’est pour ça que je suis<br />

passée derrière le bar à la fête de<br />

clôture du huitième l’épisode,<br />

Les derniers Jedi. Sérieux, j’étais<br />

meilleure que les gars derrière le<br />

bar. Je me disais : « Il vous faut une<br />

éternité, laissez-moi faire.» J’aime<br />

jongler avec toutes sortes de choses<br />

en même temps.<br />

Vous avez toujours su que ce<br />

n’était qu’un travail temporaire et<br />

avez toujours cru que vous pourriez<br />

réussir en tant qu’actrice ?<br />

Oui, et je ne sais même pas pourquoi.<br />

Peut-être parce que je n’avais<br />

pas encore fait mes preuves. J’ai été<br />

virée de mon premier rôle parce que<br />

les gens me trouvaient horrible. Je<br />

ne croyais pas non plus que j’étais<br />

la meilleure actrice du monde. Mais<br />

j’avais le sentiment que la chance<br />

finirait par tourner.<br />

Existe-t-il donc une force divine ?<br />

Je crois que toutes les bonnes choses<br />

arrivent pour une raison. Les mauvaises<br />

choses ne sont généralement<br />

que des coïncidences bêtes. Une<br />

certaine force existe quelque part,<br />

ailleurs – nous, les humains, ne<br />

sommes pas seuls.<br />

Vous arrive-t-il de répandre de<br />

l’énergie négative ?<br />

En bagnole, oui ! Je me mets facilement<br />

en colère lorsque je suis derrière<br />

le volant. La plupart du temps, je crie :<br />

« Est-ce que ça te tuerait de mettre le<br />

clignotant ? Tu pourrais signaler à la<br />

voiture derrière toi que tu changes de<br />

voie ? » Les gens n’ont pas de considération<br />

pour autrui et je déteste quand<br />

quelqu’un met les autres en danger.<br />

Il y a aussi des pistes cyclables à<br />

Londres où les cyclistes zigzaguent<br />

au milieu de la circulation avec leurs<br />

écouteurs sur les oreilles, ce qui est<br />

très dangereux. Mais en tant que<br />

conducteur, c’est vous qui serez blâmé<br />

si quelque chose arrive.<br />

Mais conduire est-il préférable<br />

à prendre le métro ?<br />

Mais je prends le métro ! C’est intéressant<br />

– bien que les wagons sentent<br />

souvent la transpiration et soient<br />

dégoûtants, il faut se comporter de<br />

façon plus responsable que lorsque<br />

l’on conduit. Parce nous sommes tous<br />

en interaction les uns avec les autres.<br />

Personne ne passe devant les autres.<br />

Ceux qui embarquent sont calmes.<br />

En d’autres termes, si vous voulez<br />

rencontrer des gens qui savent se<br />

tenir, prenez le métro et l’autobus.<br />

Comment retrouvez-vous votre<br />

calme ?<br />

D’habitude, j’écoute de la musique.<br />

D’abord je crie, puis je chante.<br />

Quelles chansons ?<br />

Des classiques soft : Fleetwood<br />

Mac, Barbra Streisand. Je suis aussi<br />

fan d’Ariana Grande. Ce matin, j’ai<br />

écouté Total Eclipse of the Heart<br />

de Bonnie Tyler.<br />

LUSCASFILM<br />

22 THE RED BULLETIN


SUPPORTED BY JABRA – THE OFFICIAL<br />

AUDIO INNOVATION PARTNER<br />

©JÜRGEN SKARWAN<br />

SAIL & RUN<br />

THE 3RD LEG <strong>FR</strong>OM BALI TO<br />

THE SALOMON ISLANDS<br />

TUNE IN NOW AT


UNDERWORLD<br />

Un son<br />

stimulant<br />

Karl Hyde, musicien, peintre et<br />

vidéaste de renom, doit le succès<br />

de sa formation à des chansons<br />

originales qui ouvrent toutes sur<br />

de nouveaux horizons.<br />

Le duo britannique Underworld<br />

est l’un des groupes d’électro<br />

à succès des plus innovants.<br />

Depuis leur énorme succès<br />

Born Slippy en 1996, Karl Hyde<br />

et Rick Smith n’ont cessé de<br />

se réinventer. Outre leurs dix<br />

albums, ils ont composé pour<br />

le cinéma, le théâtre et les jeux<br />

vidéo sans oublier la musique<br />

des JO 2012 de Londres. Ils<br />

dirigent aussi leur propre plateforme<br />

multimédia, Tomato.<br />

Et lorsqu’ils sont à court d’idées,<br />

ils trouvent l’inspiration dans la<br />

musique, explique Hyde, 62 ans,<br />

celle de ses héros précise-t-il.<br />

Il nous dévoile ici quatre chansons<br />

qui activent ses méninges.<br />

Drift Series 1 est leur nouvel<br />

album ; underworldlive.com<br />

Brian Eno<br />

Needles in the Camel’s Eye<br />

(1974)<br />

« Brian Eno est un type fascinant<br />

avec qui j’ai beaucoup appris,<br />

surtout en matière d’inspiration.<br />

Lui et moi avons inventé un jeu où<br />

l’un suggère à l’autre le nom d’une<br />

ville à visiter, choisi au hasard.<br />

“Va à Birmingham.” “Pour y faire<br />

quoi ?” “Vas-y, point.” Quitter<br />

le studio pour aller à la découverte<br />

d’un territoire vierge débouche<br />

toujours sur une bonne idée. »<br />

Bob Dylan<br />

Lily, Rosemary & the Jack<br />

of Hearts (1975)<br />

« Bob Dylan est très polyvalent<br />

et ne craint pas de prendre des<br />

risques. Quand il sentait qu’il n’intéresserait<br />

plus personne, il partait<br />

en tournée pour reconquérir son<br />

public. Je l’ai vu à Hyde Park l’été<br />

dernier et j’étais agacé d’entendre<br />

les gens dire qu’il n’est plus celui<br />

qu’il était. Il a évolué, Dieu merci !<br />

Cela devrait inspirer chaque<br />

artiste. »<br />

Iggy Pop<br />

Nightclubbing<br />

(1977)<br />

« La façon dont Iggy Pop improvise<br />

est absolument unique. Il débarque<br />

en studio et se lance spontanément.<br />

Il crée à partir de souvenirs<br />

d’articles de journaux, de livres<br />

et de conversations, mélange le<br />

tout et régurgite sans le filtre.<br />

Ce morceau est la parfaite illustration<br />

de cette approche très stimulante,<br />

surtout quand on n’arrive<br />

plus à avancer. »<br />

Kraftwerk<br />

Europe Endless<br />

(1977)<br />

« Kraftwerk, les pionniers de l’électro,<br />

ainsi que Neu! et Can ont<br />

bercé mon enfance. Je dois mon<br />

goût pour les rythmes répétitifs<br />

à ces groupes allemands des années<br />

70. La consonance a quelque<br />

chose d’hypnotique qui stimule<br />

l’esprit. Je suis un fan inconditionnel,<br />

au point que l’on peut entendre<br />

cet élément répétitif dans à peu<br />

près tout ce que je fais. »<br />

PEROU FLORIAN OBKIRCHER<br />

24 THE RED BULLETIN


Naturellement<br />

rafraîchissants<br />

N’EST PAS UNE BOISSON ÉNERGISANTE<br />

<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />

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RALLYE DAKAR<br />

17,78<br />

0,53<br />

18,60<br />

0,82<br />

18,94<br />

0,34<br />

21,10<br />

2,16<br />

21,33<br />

0,23<br />

50m<br />

PARLEZ-VOUS<br />

ROADBOOK ?<br />

Vous n’y pigez que dalle, à ces mystérieuses<br />

inscriptions ? Rassurez-vous, nous allons<br />

y remédier. Et consolez-vous : vous n’avez pas<br />

besoin de les déchiffrer à 140 km/h au guidon<br />

de votre moto comme les pilotes du Dakar.<br />

Texte WERNER JESSNER


PICTUREDESK.COM<br />

SEUL SUR LE SABLE<br />

Un pilote du Rallye Dakar au Pérou<br />

en 2019. Première erreur potentielle<br />

: suivre uniquement les traces<br />

des autres concurrents. NB : le<br />

roadbook est votre meilleur ami.<br />

27


CHANGEMENT DE PLAN<br />

Nouveauté en <strong>2020</strong> : le roadbook sera<br />

remis aux pilotes comme Matthias<br />

Walkner (photo) seulement quinze<br />

minutes avant le départ. Résultat :<br />

pas moyen de se préparer à l’avance<br />

comme les années précédentes.<br />

MARCIN KIN, FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL


RALLYE DAKAR<br />

POSTE DE TRAVAIL<br />

En haut : le compteur kilométrique et la boussole.<br />

En dessous : le roadbook. Au milieu du guidon :<br />

le GPS de l’organisateur qui affiche les points<br />

de contrôle.<br />

17,78<br />

0,53<br />

« C’est parti ! »<br />

Au kilomètre 17,78, 530 mètres après le dernier point, il y a<br />

un contrôle de passage caché (C) – si un pilote le manque,<br />

il écopera de 15 minutes de pénalité. Attention, zone potentiellement<br />

dangereuse en partant en hors-piste légèrement<br />

à gauche dans les dunes (HP DS DN = hors-piste dans<br />

les dunes) ! Cap à 268 degrés.<br />

Argentine, dixième jour<br />

du Rallye Dakar 2018.<br />

Un groupe de six motards<br />

fonce à travers<br />

le désert. Une étendue<br />

de sable, parcourue ça<br />

et là de lits de rivières<br />

asséchés impossibles<br />

à voir. L’un des pilotes<br />

du groupe n’est pas<br />

serein. Son nom ? Matthias Walkner.<br />

Son problème : les autres roulent trop<br />

vite. À une telle vitesse, on se demande<br />

bien comment ils réussissent à naviguer<br />

sans faire d’erreurs, sans la moindre once<br />

d’hésitation sur la tonne d’informations<br />

à traiter – sachant que certains filent<br />

même à plus de 140 km/h. Walkner<br />

lève le pied et se laisse distancer.<br />

Son leader, Jordi Viladoms, en bon<br />

spécialiste de la navigation, lui a enfoncé<br />

un principe dans le crâne depuis qu’il<br />

a osé passer du motocross au rallye : ne<br />

jamais, au grand jamais, se contenter<br />

de suivre les traces des autres pilotes,<br />

toujours naviguer par soi-même !<br />

Arrivé au point 349, l’Autrichien de<br />

33 ans commence à douter : « Les kilomètres<br />

sur le roadbook ne correspondaient<br />

pas exactement à ceux de mon compteur<br />

et, dans ce cas-là, il faut se fier à son<br />

intuition, à son instinct, enfin vous voyez.<br />

Les traces devant moi bifurquaient vers<br />

la gauche dans une espèce d’entonnoir<br />

sablonneux, alors que d’après le roadbook,<br />

je devais rester à droite. Mais est-ce qu’il<br />

29


RALLYE DAKAR<br />

18,60<br />

0,82<br />

« En piste ! »<br />

Au kilomètre 18,60, 820 mètres après le dernier point, depuis<br />

la route L3, on continue légèrement vers la droite à travers<br />

les dunes, il n’y a plus de route. Le cap est à 180 degrés plein<br />

sud, donc. (On a déjà vu la signification des lettres HP DS DN<br />

à la page précédente.)<br />

18,94<br />

0,34<br />

« Attention, fin dangereuse »<br />

Attention : au kilomètre 18,94, 340 mètres après le dernier<br />

point, je dois tomber exactement sur un point de contrôle<br />

de sécurité (S). Trois points d’exclamation = danger ! Après<br />

la sortie des dunes (END DN), on arrive sur une piste en<br />

mauvais état (MVS) avec un fossé difficile à repérer.<br />

Après l’avoir passé, on continue en virant légèrement<br />

vers la droite suivant un cap d’environ 80 degrés.


21,10<br />

2,16<br />

50m<br />

« Trempette des pieds »<br />

Au kilomètre 21,1, soit 2,16 kilomètres après le dernier point,<br />

on descend dans des dunes parsemées d’arbustes avant<br />

de traverser une rivière de 300 m de large. Ensuite, je dois<br />

continuer en hors-piste légèrement vers la droite dans un<br />

oued de 50 mètres de large (lit de rivière asséché), selon<br />

un cap moyen (Moy) de cinq degrés.<br />

EDOARDO BAUER/RED BULL CONTENT POOL<br />

TRACER SA ROUTE<br />

Souvent, la piste présente des<br />

irrégularités, donc il est difficile de<br />

garder précisément le cap. Et c’est<br />

là que cela devient intéressant.<br />

31


RALLYE DAKAR<br />

MARCIN KIN<br />

21,33<br />

0,23<br />

« Trop facile »<br />

Au kilomètre 21,33, 230 mètres après le dernier point,<br />

je dois bifurquer à droite au sommet de la butte et continuer<br />

sur une piste balisée bien visible, en parallèle de laquelle<br />

d’autres pistes sont signalées (ET P // = et pistes parallèles).<br />

LE FACTEUR HUMAIN<br />

Le cerveau de Matthias Walkner<br />

traite des centaines de lignes de<br />

roadbook par jour, sans se tromper<br />

et en un temps record.<br />

fallait réellement passer par là ? Je me suis<br />

dit que les deux ríos se rejoindraient sûrement<br />

bientôt de toute façon, donc par précaution,<br />

j’ai décidé de rester quand même<br />

sur la droite. Plus aucune trace des autres<br />

concurrents sur les kilomètres suivants.<br />

Est-ce que je me serais planté ? Même le<br />

cap ne m’était pas d’une grande aide parce<br />

qu’il n’indiquait qu’une valeur moyenne<br />

afin de suivre la trajectoire sinueuse des<br />

ríos. Du kilomètre 350 au kilomètre 368,<br />

où le point suivant était enregistré, j’ai eu<br />

tout le temps de me demander si j’avais<br />

déconné ou bien si j’étais le seul à avoir vu<br />

juste. » Aujourd’hui, on connaît le fin mot<br />

de l’histoire : Hiasi (surnom de Matthias)<br />

avait raison, il s’est taillé une confortable<br />

avance de 50 minutes sur ses concurrents<br />

ce jour-là et a remporté le Dakar.<br />

Le Dakar à moto est au moins aussi<br />

éprouvant sur le plan mental que<br />

sur le plan physique. Tout ce que<br />

les pilotes ont à leur disposition,<br />

c’est une suite d’instructions sur<br />

un écran. Et il n’y a qu’en les suivant à<br />

la lettre qu’ils peuvent espérer atteindre<br />

l’arrivée. Explication : sur le roadbook,<br />

la colonne de gauche indique le kilométrage,<br />

ainsi que la distance relative et<br />

absolue par rapport au dernier point de<br />

référence. Mais il est rare que les pilotes<br />

puissent suivre une trajectoire parfaitement<br />

droite, ils doivent donc recalibrer<br />

leur compteur kilométrique en permanence.<br />

Dans la colonne du milieu, des<br />

pictogrammes donnent des indications<br />

sur le terrain et le parcours, ainsi que le<br />

cap à suivre. Et il y a tout un catalogue<br />

de plus de cent pictogrammes à apprendre<br />

pour les pilotes. Tout à droite,<br />

les éventuels commentaires écrits, qui<br />

s’affichent sous forme d’abréviations<br />

basées sur des termes français.<br />

Le pilote doit donc non seulement<br />

déchiffrer ces infos sans se tromper et les<br />

appliquer pendant qu’il roule, mais s’assurer<br />

aussi de garder un œil sur le point<br />

suivant afin d’avoir une vue d’ensemble.<br />

Jordi Viladoms (10 Dakar à son actif) :<br />

« C’est comme apprendre une nouvelle<br />

langue : pour vraiment maîtriser la navigation,<br />

il faut pratiquer, pratiquer et<br />

encore pratiquer. Rouler vite, c’est à la<br />

portée de n’importe quel pilote de haut<br />

niveau. Ce qui fait la différence, c’est<br />

la capacité mentale restante disponible<br />

pour la navigation. » Une affirmation que<br />

Matthias Walkner ne peut qu’approuver.<br />

33


RALLYE DAKAR<br />

NAISSANCE NUMÉRIQUE<br />

« Nous avons d’abord conçu l’0T3 sur une feuille de papier », dit le directeur<br />

d’0verdrive Racing, Jean-Marc Fortin. Le travail sur écran est venu après.<br />

PLACE AU GPS<br />

Malgré un espace réduit, le copilote a droit au même double système<br />

de navigation que dans une voiture de rallye « grand format ».<br />

FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL<br />

34 THE RED BULLETIN


LE BOLIDE DU<br />

DÉSERT<br />

Qui seront les futurs vainqueurs du Dakar ? Rien de<br />

tel pour le savoir que de construire une voiture qui<br />

saura les stimuler. Lever de rideau sur le buggy<br />

OT3 Side by Side et ses pilotes, qui participeront<br />

à leur premier Dakar en <strong>2020</strong> !<br />

Texte WERNER JESSNER<br />

NOUVELLE GÉNÉRATION<br />

Le program team <strong>Red</strong> Bull Offroad S×S<br />

a un objectif : acquérir de l’expérience au<br />

Dakar au volant du buggy OT3 Side by<br />

Side de l’écurie belge Overdrive Racing.<br />

FAIT MAIN DE A À Z<br />

Tous les OT3 sont construits à la main au siège d’Overdrive Racing à Villersle-Bouillet<br />

près de Liège (Belgique). Premier départ : Dakar <strong>2020</strong>.<br />

VUE INTÉRIEURE<br />

Ce buggy ne comporte ni habillage ni lest. Tous les câbles sont apparents,<br />

chaque pièce a une fonction bien précise. Priorité numéro un : la sécurité.<br />

THE RED BULLETIN 35


RALLYE DAKAR<br />

L’OT3 d’Overdrive Racing est<br />

le premier buggy Side by Side<br />

spécialement construit<br />

pour le Dakar.<br />

VISIBILITÉ<br />

Il n’y a pas de pare-brise.<br />

C’est imposé par le<br />

règlement.<br />

POIDS RÉDUIT<br />

Les buggys Side by Side sont les<br />

véhicules les plus légers du Dakar.<br />

L’OT3 pèse 890 kg grâce à sa<br />

carrosserie en carbone et en kevlar<br />

et à des détails bien pensés comme<br />

cet éclairage LED.<br />

RENOUVEAU<br />

Les Américains Blade Hildebrand (21 ans),<br />

Mitch Guthrie Jr. (22 ans) et Seth Quintero<br />

(17 ans, le plus jeune participant) seront au<br />

départ en Arabie saoudite sous la bannière<br />

du program team <strong>Red</strong> Bull Offroad SxS.<br />

STABILITÉ<br />

L’OT3 mesure 2,08 mètres<br />

de large, pour une stabilité<br />

optimale. C’est encore plus<br />

qu’un SUV haute performance<br />

comme l’Urus de Lamborghini !


CHÂSSIS RIGIDE<br />

« L’OT3 roule avec une précision<br />

incroyable », déclarait Cyril<br />

Despres, cinq fois vainqueur du<br />

Dakar, après les premiers tests.<br />

ACCÈS FACILE<br />

Lors de la construction, la priorité<br />

numéro un a été de faciliter<br />

l’accès à toutes les pièces en<br />

cas d’éventuelles réparations<br />

à effectuer en plein désert.<br />

PETIT MOTEUR<br />

1000 cm³, turbo, 177 chevaux :<br />

suffisant pour résister dans<br />

le sable face à de nombreuses<br />

voitures plus puissantes. La<br />

raison : un poids réduit.<br />

FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL<br />

ARRÊT RAPIDE<br />

Le système de frein à disques<br />

spécialement adapté au S×S a<br />

été fourni par le spécialiste<br />

américain Wilwood.<br />

PROTECTION ÉLEVÉE<br />

Les éléments techniques fragiles<br />

ont été relocalisés dans des<br />

endroits stratégiques.<br />

37


RALLYE DAKAR<br />

« SI JE GAGNE<br />

AVEC ANDREA,<br />

JE METS FIN À<br />

MA CARRIÈRE »<br />

Personne n’a remporté plus de Rallye Dakar que<br />

STÉPHANE PETERHANSEL. Sa femme, ANDREA, qui<br />

était l’une des meilleures pilotes sur la course, n’a<br />

jamais voulu être copilote. Et pourtant, en <strong>2020</strong>,<br />

c’est bien ensemble qu’ils veulent participer à cette<br />

compétition motorisée légendaire. Et la gagner.<br />

Entretien WERNER JESSNER<br />

TANDEM AU TOP<br />

Andrea et Stéphane<br />

Peterhansel : le Dakar pourrait<br />

malmener leur couple.<br />

Ou, bien au contraire, les<br />

rapprocher encore plus.<br />

NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL<br />

38


RALLYE DAKAR<br />

<strong>The</strong> red bulletin :<br />

Andrea, Stéphane,<br />

vous êtes tous<br />

deux de grands<br />

champions du<br />

sport automobile.<br />

Avez-vous décidé<br />

dès le début et<br />

d’un commun<br />

accord lequel des deux prendrait<br />

le volant ?<br />

stéphane : Quand on s’est rencontrés<br />

il y a plus de quinze ans,<br />

on a bien essayé d’échanger nos<br />

places. Mais la vérité, c’est que je<br />

ne supporte pas d’être sur le siège<br />

passager. J’ai bien trop besoin<br />

d’avoir le dernier mot.<br />

Andrea, vous ne conduisez<br />

jamais ?<br />

andrea : La seule exception,<br />

c’est quand on a notre chien dans<br />

la voiture. Il est malade quand<br />

c’est Stéphane qui conduit. Donc<br />

pour éviter de devoir nettoyer le<br />

coffre...<br />

stéphane : … Je te laisse le<br />

volant. Tu conduis super bien,<br />

il n’y a pas de doute là-dessus.<br />

Mais je suis vraiment trop nul<br />

côté passager.<br />

Pourquoi vouliez-vous faire<br />

le Dakar ensemble ?<br />

andrea : C’était une idée de<br />

Stéphane. Nous nous sommes<br />

mariés en 2018, donc j’ai un peu<br />

vu ça comme une sorte de voyage<br />

de noces : on loue un buggy, on<br />

se balade quelques jours dans le<br />

désert. Deux ans plus tard, on<br />

remporte la Coupe du monde<br />

des rallyes tout-terrain ensemble<br />

et on est au départ du Dakar.<br />

On en a, de l’ambition. (Ils rient<br />

tous les deux.)<br />

Et l’ambition, ça suffit ?<br />

stéphane : Bien sûr que non !<br />

On est des pilotes professionnels,<br />

mine de rien, donc dès le départ,<br />

j’ai voulu faire les choses comme<br />

il faut. On a participé à quelques<br />

compétitions dans des buggys<br />

deux places et on s’est rendu<br />

compte que ça nous plaisait de<br />

rouler ensemble. Un jour, j’ai reçu<br />

une demande de Toyota pour<br />

le Dakar, mais la direction ne<br />

voulait pas entendre parler<br />

d’Andrea et insistait pour que je<br />

fasse la course avec un copilote<br />

professionnel. Chez Mini, en<br />

revanche, ils ont accepté de nous<br />

faire passer un test ensemble. Mais<br />

on n’est pas allés très loin : Andrea<br />

était malade dans la voiture.<br />

Alors vous auriez pu laisser<br />

tomber, non ?<br />

andrea : Oui, mais entre-temps,<br />

Stéphane nous avait fixé comme<br />

objectif commun d’être le premier<br />

couple à remporter le Dakar.<br />

Donc il fallait que je résolve mon<br />

problème de nausée. Il s’est avéré<br />

que j’avais un nerf dans l’oreille<br />

interne qui s’irritait de manière<br />

chronique. J’ai dû prendre de<br />

la cortisone pendant deux mois<br />

avant de pouvoir commencer<br />

mon entraînement contre le<br />

mal des transports.<br />

Un entraînement contre le mal<br />

des transports ?<br />

andrea : Je suis allée dans un<br />

centre de traitement des vertiges<br />

à Sinsheim, en Allemagne. Ça<br />

consistait par exemple à lire assise<br />

sur une chaise qui était en train de<br />

tourner. Ou il fallait que je marche<br />

tout droit dans une pièce sombre<br />

avec des lumières qui se déplaçaient<br />

dans différentes directions.<br />

stéphane : Tu t’es investie à fond<br />

pour notre rêve.<br />

Je me sens mal rien qu’à la pensée<br />

de la chaise qui tourne.<br />

andrea : Sans oublier que j’avais<br />

toujours dit que je ne voulais pas<br />

devenir copilote. Mais je me suis<br />

dit : si je veux pouvoir un jour<br />

réaliser le rêve de remporter le<br />

Dakar à mon âge, alors ce sera<br />

aux côtés du meilleur pilote de<br />

l’histoire, mon mari.<br />

Mais à l’inverse, pourquoi un<br />

grand champion comme vous<br />

se complique-t-il tellement la<br />

vie ? N’importe quel copilote<br />

aurait été ravi de faire la course<br />

à vos côtés.<br />

SORTIE EN FAMILLE<br />

Dans leur buggy Mini, les Peterhansel<br />

affronteront des pilotes pros chevronnés<br />

lors du Dakar, et ne se contenteront pas<br />

de jouer les challengers.<br />

stéphane : Avec « Paulo » (Jean-Paul Cottret,<br />

ndlr), j’ai participé à vingt Dakar et j’en ai<br />

gagné sept. Un de plus ou un de moins, ça ne<br />

pèse pas lourd dans la balance. En remporter<br />

un avec Andrea, par contre, ce ne serait pas du<br />

tout la même chose. Ce serait plus compliqué,<br />

certes, mais peut-être encore plus beau. Quand<br />

on a remporté l’Abu Dhabi Desert Challenge<br />

ensemble, c’était dix fois plus fort que n’importe<br />

quelle victoire avec Paulo. Alors si c’était le<br />

Dakar, on n’en parle même pas !<br />

Comment fonctionnez-vous en tant que couple<br />

quand vous êtes sous pression ?<br />

andrea : On découvre des aspects de l’autre<br />

que l’on n’aurait probablement jamais voulu<br />

« On est livrés l’un à<br />

l’autre pour le meilleur et<br />

pour le pire – et ça nous<br />

va bien comme ça. »<br />

ANDREA PETERHANSEL<br />

FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL, NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL(2)<br />

40 THE RED BULLETIN


« Quand on appuie là où<br />

ça fait mal chez l’autre,<br />

on finit par se faire du<br />

mal à soi-même. »<br />

STÉPHANE PETERHANSEL<br />

on finit par faire du mal avant<br />

tout à soi-même.<br />

connaître. Mais c’est ça, l’amour,<br />

pour moi. Accepter des choses qui<br />

ne nous plaisent pas et travailler<br />

ensemble pour que ça fonctionne<br />

quand même. Dans la vraie vie,<br />

quand il y en a un qui ne sort pas<br />

les poubelles, ça ne nous empêche<br />

pas d’avancer. En voiture, s’esquiver,<br />

ce n’est pas une option.<br />

Au final, dans un couple, l’objectif<br />

commun doit primer sur<br />

la fierté de chacun ?<br />

andrea : Exactement.<br />

stéphane : Quand Andrea fait<br />

une erreur de navigation, je lui<br />

pardonne beaucoup plus vite<br />

que je ne le ferais avec un pro.<br />

Et inversement : quand je fais une<br />

erreur de pilotage et qu’on part<br />

en tonneau – ce qui est déjà arrivé<br />

– elle ne m’en veut pas, même<br />

si, bien sûr, j’aurais dû faire plus<br />

attention. Une erreur n’est jamais<br />

intentionnelle.<br />

Alors c’est toujours tout beau<br />

tout rose dans votre voiture ?<br />

stéphane : Ce n’est qu’une<br />

course après tout. D’accord, la<br />

plus importante au monde, mais<br />

ça ne reste quand même qu’une<br />

course. Ça ne vaut pas la peine<br />

de se rendre malade. Et puis, j’ai<br />

aussi tendance à oublier très rapidement.<br />

Les défaites comme les<br />

victoires. Quand je gagne, je suis<br />

content, mais pas longtemps, et<br />

ce n’est pas plus mal.<br />

andrea : Ce qui se passe dans la<br />

voiture reste dans la voiture. Bien<br />

sûr, on peut analyser ses erreurs<br />

après-coup, mais ce serait une<br />

perte d’énergie que de les ressasser<br />

encore et encore. Dans un<br />

duo qui fonctionne bien, de toute<br />

façon, les deux veulent la même<br />

chose, et pour nous, notre objectif<br />

est encore plus clairement défini.<br />

stéphane : Ne pas reprocher ses<br />

erreurs à l’autre, c’est le secret<br />

d’un bon duo. Je l’ai bien vu avec<br />

tous ces tandems auxquels j’ai<br />

participé en course ces vingt dernières<br />

années. Quand on appuie<br />

là où ça fait mal chez l’autre,<br />

Et quand la situation dégénère<br />

vraiment ?<br />

stéphane : Il y a un mot-code<br />

qu’on utilise. Quand l’un de nous a<br />

l’impression que l’on n’argumente<br />

plus de manière productive et que<br />

l’on veut seulement avoir raison.<br />

andrea : On efface tout, on analyse.<br />

Mais ça, on n’en a besoin que<br />

dans la voiture, pas dans la vie<br />

de tous les jours.<br />

stéphane : Beaucoup d’amis<br />

m’ont dit que je risquais de<br />

mettre notre couple en danger<br />

dans les conditions extrêmes<br />

d’un Dakar, où l’on est collés l’un<br />

à l’autre, jour et nuit pendant<br />

deux semaines et où chaque<br />

petite erreur a des conséquences<br />

immédiates. Mais je pense que<br />

vivre cette aventure ensemble<br />

ne pourra que nous rapprocher<br />

encore plus. Enfin, je l’espère.<br />

andrea : Dans la vie de tous les<br />

jours, on peut toujours partir en<br />

claquant la porte et aller prendre<br />

l’air. Sur le Dakar, on ne peut pas<br />

remettre les décisions à plus tard,<br />

on ne peut pas faire de compromis<br />

: à gauche ou à droite ? Il y a<br />

des conséquences immédiates.<br />

On est livrés l’un à l’autre pour<br />

le meilleur et pour le pire – et ça<br />

nous va bien comme ça.<br />

Qui commande dans la voiture ?<br />

stéphane : Dans la voiture, c’est<br />

moi. Forcément, je suis au volant !<br />

andrea : Attends qu’on soit à la<br />

maison. (Ils rient tous les deux.)<br />

Remporter le Dakar ensemble<br />

signifierait quoi pour vous ?<br />

andrea : La réalisation d’un rêve.<br />

stéphane : Une fin parfaite. Si<br />

je gagne avec Andrea, je mets fin<br />

à ma carrière professionnelle.<br />

STÉPHANE<br />

PETERHANSEL<br />

Né en 1965, le Français<br />

a remporté le Rallye<br />

Dakar à treize reprises<br />

: 6 en moto, 7 en<br />

auto. Les deux records<br />

restent inégalés. Depuis<br />

1987, il participe<br />

tous les ans à ce rallye<br />

dans le désert qui est<br />

le plus dur au monde.<br />

ANDREA<br />

PETERHANSEL<br />

Née en 1968, l’Allemande<br />

a participé au<br />

Dakar en moto et en<br />

auto. Elle a été pilote<br />

pour KTM, BMW et<br />

Mitsubishi. Son top :<br />

une cinquième place<br />

dans la catégorie<br />

autos et dans la<br />

catégorie motos.<br />

THE RED BULLETIN 41


IMMERSION<br />

DANS LE VORTEX<br />

Le plastique, ce fléau<br />

BEN LECOMTE est le premier homme à avoir<br />

traversé « la décharge des mers » à la nage.<br />

Si ses exploits sportifs ne sont pas à la<br />

portée de tout le monde, il est un autre défi<br />

que chacun est en mesure de relever, dit-il.


Ben Lecomte a avalé<br />

300 miles nautiques à<br />

la nage pour sensibiliser<br />

au désastre écologique<br />

des océans.<br />

Texte CHRISTINE VITEL<br />

Photos @THEVORTEXSWIM<br />

et @ICEBREAKERNZ<br />

43


Huit heures par jour, quatrevingt<br />

jours durant, il a nagé<br />

les yeux rivés dans la colonne<br />

d’eau du Pacifique.<br />

H<br />

uit heures par jour, sur 300<br />

miles nautiques (555 km),<br />

il a évolué au milieu d’une<br />

catastrophe écologique sans<br />

précédent. « Ma génération est responsable<br />

de ce désastre, alors je me dois de<br />

faire quelque chose pour les suivantes »,<br />

déclare Ben Lecomte, un architecte français<br />

naturalisé américain, établi à Austin<br />

(Texas) depuis 1993, marié et père de<br />

deux enfants. Sa vie pourrait ressembler<br />

à celle de n’importe qui ayant l’ambition<br />

d’apporter sa pierre à l’édifice – l’édifice<br />

étant l’état de santé actuel de la planète.<br />

En 1998, à 31 ans, il devient le premier<br />

homme à avoir traversé l’Atlantique à la<br />

nage et sans planche, soit 5 980 km en<br />

73 jours, de Cape Cod (USA) à Quiberon<br />

(France). En 2018, avec <strong>The</strong> Longest<br />

Swim, il tente de réitérer la performance<br />

dans le Pacifique cette fois, soit 9 000 km.<br />

À propos de la quantité de plastique dans<br />

les océans, Ben Lecomte témoigne : « Il y a<br />

vingt ans, dans l’Atlantique, c’est quelque<br />

chose que je voyais très rarement. » Sept<br />

ans durant, il prépare ce dernier projet,<br />

recherche des fonds, puis part « en collaboration<br />

avec 27 institutions scientifiques,<br />

dont la Nasa et le CNRS, qui mènent des<br />

recherches sur la pollution, les migrations<br />

des mammifères ou l’endurance extrême.<br />

In extremis, un groupe de médias a pris<br />

en charge l’énorme budget de télécommunications<br />

et la production de vidéos ».<br />

Sauf que la tentative échoue en<br />

novembre 2018, à cause des typhons qui<br />

abîment le bateau suiveur. Il se voit obligé<br />

44 THE RED BULLETIN


« Il y a vingt ans,<br />

dans l’Atlantique,<br />

c’est quelque chose<br />

que je voyais très<br />

rarement. »<br />

Ben Lecomte à propos des débris de plastique<br />

flottants dans l’océan. En 1998, il est le premier<br />

homme à traverser l’Atlantique à la nage.


« Pour l’instant, c’est<br />

mon approche : faire<br />

quelque chose d’un<br />

peu marginal pour<br />

attirer l’attention. »<br />

Il fut une époque où il<br />

était fantastique. Le<br />

plastique aujourd’hui,<br />

c’est dramatique. Ben<br />

Lecomte et son équipe<br />

ont trouvé au milieu<br />

de l’océan les objets<br />

les plus improbables.


« C’est un problème global très complexe auquel il faut répondre<br />

par une action locale. »<br />

d’abandonner au bout de 2 700 km. Mais<br />

l’ambition du nageur activiste demeure<br />

intacte. Début juin 2019, il plonge avec<br />

<strong>The</strong> Vortex Swim tête la première dans la<br />

mer de déchets du Pacifique nord, entre<br />

Hawaï et San Francisco. Il n’est plus question<br />

de défi sportif ni de record personnel :<br />

Ben Lecomte veut alerter sur la pollution<br />

des océans et donner l’occasion de récolter<br />

des informations scientifiques pour documenter<br />

un fléau moderne aux multiples<br />

facettes : « La question du plastique dans<br />

l’océan, ce n’est pas un problème, ce sont<br />

des problèmes. » I Am Ocean, le voilier<br />

de 20 mètres à coque d’acier qui vogue<br />

à ses côtés, héberge une équipe de dix<br />

volontaires, dont Ben, motivés par l’aspect<br />

environnemental et la contribution<br />

scientifique de la mission, dont l’objectif<br />

principal est d’inspirer les citoyens d’ici<br />

et d’ailleurs à instaurer le changement<br />

qui s’impose. Les données collectées<br />

Des échantillons de microplastique (particules de moins de 5 millimètres)<br />

et de fibres synthétiques ramassées par Ben Lecomte et son équipe.<br />

THE RED BULLETIN 47


OCÉAN<br />

ARCTIQUE<br />

AMÉRIQUE<br />

DU NORD<br />

EUROPE<br />

OCÉAN<br />

ATLANTIQUE<br />

A<strong>FR</strong>IQUE<br />

OCÉAN<br />

INDIEN<br />

AMÉRIQUE<br />

DU SUD<br />

ASIE<br />

ANTARCTIQUE<br />

OCÉAN<br />

PACIFIQUE<br />

Changer de carte pour<br />

changer de point de vue<br />

Afin de souligner l’importance des<br />

océans, Ben Lecomte a nagé 555 km dans<br />

le vortex, de Hawaï à San Francisco.<br />

Et afin de souligner leur unité à la surface<br />

de la planète, le géographe sud-africain<br />

Athelstan Spilhaus réalisait, en 1942,<br />

cette Projection qui place les océans<br />

au centre de la carte. Résultat : elle fait<br />

apparaître une immense mer intérieure<br />

là où, habituellement, les continents<br />

se profilent.<br />

OCÉAN<br />

PACIFIQUE<br />

Départ<br />

Hawaï<br />

Arrivée<br />

San Francisco<br />

AMÉRIQUE<br />

DU NORD<br />

sauront-elles convaincre les mentalités,<br />

les lobbyistes, les politiques, les décideurs,<br />

etc. de la brutale réalité et de l’urgence<br />

d’agir ? Aujourd’hui, aucun gouvernement<br />

n’endosse la responsabilité du désastre<br />

écologique marin. C’est pourquoi Ben<br />

Lecomte nous invite à prendre nos responsabilités<br />

en matière d’impact écologique,<br />

telles que ne pas consommer de plastique<br />

à usage unique, opter pour des matériaux<br />

alternatifs et des fibres naturelles. Sans<br />

avoir à être irréprochable, le devoir de<br />

chacun d’entre nous est de contribuer<br />

à la préservation des océans.<br />

Comment avoir un impact et sensibiliser le public ? En choisissant l’humour décalé,<br />

tremplin radical pour aborder les problèmes de fond, car même si la situation est<br />

catastrophique, il est encore possible d’agir, et de faire réagir.<br />

the red bulletin : Au cours du projet,<br />

vous avez décidé de transformer <strong>The</strong><br />

Longest Swim en <strong>The</strong> Vortex Swim,<br />

parce que vous avez réalisé qu’il y avait<br />

beaucoup de débris flottants dans<br />

l’océan. Ces débris, ce sont majoritairement<br />

du plastique et d’autres formes de<br />

déchets, ou seulement du plastique ?<br />

ben lecomte : <strong>The</strong> Longest Swim était<br />

pensé comme une vue d’ensemble sur les<br />

48 THE RED BULLETIN


« Quand on ramasse<br />

un gros morceau de<br />

plastique, celui-ci se<br />

casse et devient du<br />

microplastique. »<br />

Les organismes se développent sur (algues,<br />

coquillages) et sous (crabes, poissons) les débris<br />

flottants, ce qui crée un nouvel écosystème.


« Au milieu de l’océan, dans un écosystème différent du leur,<br />

ces organismes deviennent une “population envahissante”. »<br />

différentes problématiques liées à l’océan :<br />

le plastique, la radioactivité, le déversement<br />

de polluants. En atteignant la partie<br />

nord du vortex, à Hawaï, j’ai été contraint<br />

d’arrêter à cause d’une avarie du bateau.<br />

Alors pour <strong>The</strong> Vortex Swim, nous sommes<br />

revenus là où nous nous étions arrêtés<br />

l’année précédente en vue de poursuivre<br />

notre précieuse collecte, puisque nous<br />

sommes la première expédition à réunir<br />

des échantillons sur toute la longueur du<br />

Pacifique. Tous les débris que nous avons<br />

ramassés sont faits de plastique ; ce qui<br />

est organique comme le bois ne pose pas<br />

de problème puisque c’est biodégradable.<br />

On voit des objets absolument incongrus<br />

sur vos photos, on a peine à croire<br />

que vous les avez trouvés dans l’océan.<br />

Vous communiquez en jouant sur l’absurdité<br />

de la situation. Est-ce que c’est<br />

50 THE RED BULLETIN


« Ma génération est responsable de ce désastre, alors je me dois<br />

de faire quelque chose pour les suivantes. »<br />

La solution au problème<br />

du plastique<br />

dans les océans est<br />

très complexe, et doit<br />

être adaptée localement.<br />

Le ramassage<br />

de débris peut se<br />

révéler plus préjudiciable<br />

qu’appréciable.<br />

Ici, Ben Lecomte et<br />

ses coéquipiers font<br />

des prélèvements<br />

d’échantillons de<br />

déchets plastiques<br />

pour les envoyer<br />

à analyser en<br />

laboratoire.<br />

en impactant ainsi les esprits que le<br />

changement s’amorce ?<br />

Vous parlez de la photo où je suis assis<br />

tout nu sur une lunette de WC ? J’ai posé<br />

avec des débris que j’ai trouvés, pour<br />

choquer. Car les gens vont s’offusquer<br />

de me voir – et c’est exactement cela qui<br />

m’intéresse –, ils vont plus s’offusquer de<br />

me voir nu que de voir un tel morceau de<br />

plastique dans l’océan. Pour l’instant, c’est<br />

mon approche : faire quelque chose d’un<br />

peu marginal pour attirer l’attention. Et<br />

ensuite pouvoir aborder les sujets de fond.<br />

Existe-t-il une solution globale au problème<br />

du plastique dans les océans ?<br />

Certes, le problème est global, mais il est<br />

surtout complexe, d’où la nécessité d’y<br />

répondre avec des actions locales, adaptées<br />

aux pays. Aux États-Unis par exemple,<br />

les lobbyistes ont beaucoup de pouvoir et<br />

THE RED BULLETIN 51


« Il faut être sur le bateau, avancer doucement pour voir ce qu’il y a<br />

à la surface, qui ne reflète qu’une partie de la réalité. La majeure<br />

partie, celle que l’on ne voit pas, se trouve dans la colonne d’eau. »<br />

52 THE RED BULLETIN


font pression sur les hommes politiques ;<br />

c’est moins le cas en Allemagne, c’est pour<br />

ça qu’ils ont pu faire passer des lois et<br />

des décrets pour limiter l’utilisation du<br />

plastique. On ne peut décemment pas<br />

apporter une solution miracle adaptée<br />

pour tous, car les modèles économiques<br />

et les ressources sont différents.<br />

Contrairement à l’idée qu’on s’en fait,<br />

le vortex de déchets n’a ni la densité<br />

ni la visibilité d’un continent. Cela est<br />

dû au fait que les débris flottent sous<br />

et non à la surface de l’eau. Voilà pourquoi<br />

on ne peut pas le voir depuis l’espace<br />

sur les images satellite. Combien<br />

dénombre-t-on de vortex ?<br />

Cinq. Deux dans le Pacifique, deux dans<br />

l’Atlantique, et un dans l’océan Indien.<br />

Le vortex du Pacifique nord étant le plus<br />

gros. Pour nous, l’important était d’avoir<br />

des images pour communiquer sur cette<br />

monstrueuse réalité et sensibiliser le<br />

public. Cela n’est effectivement pas visible<br />

sur les images satellite. Il faut vraiment<br />

être sur le bateau, avancer doucement<br />

pour voir ce qu’il y a à la surface, qui ne<br />

reflète qu’une partie de la réalité car la<br />

majeure partie, celle que l’on ne voit pas,<br />

se trouve dans la colonne d’eau. C’est<br />

la raison pour laquelle je nageais : en<br />

étant dans l’eau 7 à 8 heures par jour, je<br />

voyais les endroits où la concentration de<br />

microplastiques était la plus forte et cela<br />

me permettait de guider les recherches.<br />

Le vortex du Pacifique nord serait<br />

grand comme six fois la France ?<br />

Cela dépend sur quelle étude on se base.<br />

Disons que c’est une zone très étendue,<br />

où la concentration de microplastiques<br />

et de gros déchets est très élevée. On peut<br />

comparer cela à une oasis car il y a tout<br />

un écosystème qui se développe autour<br />

des gros débris : des algues et des mollusques<br />

s’accrochent dessus, des crabes<br />

et des poissons nagent en dessous…<br />

En général, ces débris sont jetés près des<br />

côtes. Les courants marins finissent par<br />

les pousser au milieu de l’océan, mais les<br />

organismes dessus et dessous proviennent<br />

des régions côtières. En se retrouvant au<br />

milieu de l’océan, dans un écosystème différent<br />

du leur, ces organismes deviennent<br />

une « population envahissante », on parle<br />

aussi d’invasion biologique.<br />

Il y a aussi le phénomène de lixiviation<br />

des produits chimiques…<br />

C’est lorsque certaines substances contenues<br />

dans les plastiques se dissolvent<br />

dans l’eau. Je vous explique : quand un<br />

gros morceau de plastique se casse en<br />

petits morceaux, des produits chimiques<br />

se déversent dans l’eau car le plastique<br />

a la propriété d’absorber les produits<br />

chimiques et les polluants. Un poisson ou<br />

un mammifère qui avale un morceau de<br />

plastique, eh bien, le fait qu’il confonde<br />

le plastique avec un aliment comestible<br />

est déjà un problème en soi, mais aussi les<br />

substances chimiques qu’il renferme sont<br />

néfastes car elles vont pénétrer dans la<br />

chair de l’animal. On constate donc qu’il<br />

y a une concentration de polluants au<br />

tout début de la chaîne alimentaire.<br />

Le bateau de vingt<br />

mètres de long à<br />

coque d’acier est<br />

équipé pour l’expédition<br />

scientifique.<br />

Les membres de<br />

l’équipage, à bord<br />

de I Am Ocean, sont<br />

tous volontaires et<br />

motivés par la portée<br />

environnementale et<br />

scientifique du projet.<br />

THE RED BULLETIN 53


« Faire réfléchir<br />

aux habitudes de<br />

consommation,<br />

inciter à opter<br />

pour des<br />

alternatives<br />

durables. »<br />

Voilà l’ambition de Ben Lecomte<br />

pour les générations à venir.


Qu’appelle-t-on « microplastique » ?<br />

Ce sont des particules de plastique qui<br />

ne font pas plus de cinq millimètres.<br />

Quand on ramasse un gros morceau de<br />

plastique, celui-ci se casse et devient du<br />

microplastique. L’autre grand danger,<br />

car on ne peut pas les voir à l’œil nu, ce<br />

sont les microfibres synthétiques. Elles<br />

proviennent des vêtements en polyester<br />

ou en fibres synthétiques, qui, lorsqu’on<br />

les nettoie à la machine, perdent des<br />

microfibres, lesquelles restent dans l’eau.<br />

Pour vous donner une idée : on a filtré de<br />

l’eau du Japon jusqu’à San Francisco. Les<br />

échantillons sont en cours d’analyse dans<br />

des laboratoires. Les premiers résultats<br />

d’échantillons envoyés l’année dernière<br />

montrent la présence de microfibres dans<br />

tous les relevés effectués. Et à chaque fois<br />

qu’on attrapait un poisson, on découpait<br />

sa chair pour voir si elle renfermait des<br />

microfibres. Là aussi, les analyses sont<br />

en cours. Donc pour résumer, il y a deux<br />

problèmes majeurs avec le plastique : l’un,<br />

c’est le microplastique, et l’autre, ce sont<br />

les fibres synthétiques. On ignore encore<br />

tout de l’impact qu’ils ont sur la vie marine<br />

et sur nous en tant qu’humains.<br />

Le problème ne se résoudra alors pas<br />

seulement en ramassant les débris et en<br />

s’en débarrassant, car ce serait détruire<br />

un écosystème déjà très fragilisé…<br />

Ben Lecomte, 51 ans, ne compte pas s’arrêter<br />

de nager ni de s’activer de si tôt.<br />

Exact. Il n’existe pas encore de filtre<br />

approprié, ni aucun moyen de stopper<br />

la pollution des microfibres et des<br />

microplastiques. Nous avons essayé,<br />

mais même en utilisant un filet très fin,<br />

on ramassait trop de planctons et de<br />

micro-organismes. On en est arrivés à la<br />

conclusion que si on crée un système pour<br />

collecter les microplastiques, on risque<br />

de collecter aussi les micro-organismes<br />

et de les soustraire à l’océan… Ce qui est<br />

impensable. Aussi, il faut savoir qu’on ne<br />

connaît que 1 % de la masse de plastique<br />

en mer. On ne sait pas si les autres 99 %<br />

flottent dans la colonne d’eau, stagnent<br />

« Nous sommes la première expédition<br />

à réunir des échantillons sur toute la<br />

longueur du Pacifique. »<br />

Jusqu’ici, il n’est possible de localiser que 1 % du plastique dans les océans. On ignore où<br />

se trouvent les 99 % restants : au fond de l’eau, ingurgités par la faune marine…<br />

au fond des mers, ou ont été ingérés par<br />

la faune marine. En revanche, ce que<br />

l’on sait, c’est que 300 millions de tonnes<br />

de plastique à usage unique sont produites<br />

chaque année, et que huit millions<br />

finissent dans les océans.<br />

Quelle vision d’avenir souhaitez-vous<br />

transmettre aux générations futures ?<br />

La nage, c’est un moyen de communication<br />

pour moi, un moyen d’expression.<br />

En faisant prendre conscience aux gens<br />

que les mers et les océans constituent plus<br />

de 70 % de la planète, et en leur faisant<br />

comprendre à quel point les océans sont<br />

pollués, ils pourront réfléchir à leurs<br />

habitudes de consommation, et opter pour<br />

des alternatives durables et des matériaux<br />

en fibres naturelles. J’ai voulu créer une<br />

plateforme avec cet événement, <strong>The</strong> Vortex<br />

Swim, et son interface en ligne, afin de<br />

réunir des données pour la science, mais<br />

surtout pour agir comme un électrochoc et<br />

interagir avec une audience. En montrant<br />

exactement ce qu’est le vortex de plastique,<br />

en éduquant les gens sur les effets<br />

néfastes du plastique, des microfibres, de<br />

la difficulté de « nettoyer » les océans sans<br />

abîmer l’écosystème, on leur fait prendre<br />

la mesure de la réalité. Dans l’échange,<br />

sur Internet ou lors des conférences, on<br />

commence par engager une conversation<br />

– c’est un premier pas ! – en vue d’initier<br />

des changements. Notre but, c’est d’aider<br />

les gens à construire leur pensée, avec une<br />

motivation et une responsabilité.<br />

Comme si on leur proposait de changer<br />

de carte pour changer de point de vue ?<br />

En plaçant les océans au centre et en<br />

les faisant apparaître comme une seule<br />

unité (voir page 48) ? C’est une vision<br />

rare qui permet de changer de paradigme,<br />

qui force à voir les choses autrement.<br />

Un peu comme vos photos…<br />

Voilà pourquoi j’insiste sur la partie sensibilisation,<br />

éducation, et responsabilisation.<br />

C’est en éduquant les générations futures,<br />

en allant dans les écoles, en faisant des<br />

conférences, en montrant des images<br />

frappantes que nous sensibiliserons sur le<br />

développement durable et sur le problème<br />

du plastique en milieu marin. Nous avons<br />

amassé beaucoup de contenus vidéo pour<br />

réaliser des documentaires et des clips<br />

éducatifs, qui ne seront pas que centrés<br />

sur l’expédition. En adoptant une vue plus<br />

générale de la problématique du plastique<br />

dans l’océan, nous pourrons toucher et<br />

impliquer les lobbys, les gens de l’industrie<br />

chimique, de l’ONU, etc., et trouver<br />

des solutions avec eux. Et du côté civique,<br />

il faut soutenir toutes les initiatives…<br />

thelongestswim.com<br />

THE RED BULLETIN 55


Mathieu Rochet en<br />

repérage dans le quartier<br />

d’East Point à Atlanta,<br />

berceau de OutKast.<br />

56 THE RED BULLETIN


Un Français<br />

à Atlanta<br />

MATHIEU ROCHET fait partie de ceux qui savent<br />

emmener le hip-hop « ailleurs ». Cofondateur du<br />

magazine Gasface, scénariste et réalisateur pour<br />

Arte, son dernier projet en date s’appelle Lost in<br />

Traplanta, une mini-série à la fois authentique et<br />

drôle au cœur de la nouvelle capitale du rap.<br />

Texte ROD GLACIAL<br />

JILL SALINGER<br />

Vocation et bobards<br />

Né en 1979, comme le rap, l’environnement<br />

de Mathieu ne le prédestinait pas<br />

vraiment au hip-hop. Lyonnais, fils de<br />

parents fans de Jean-Jacques Goldman,<br />

il est bluffé à l’âge de onze ans par une K7<br />

de Run-DMC que lui fait découvrir son<br />

grand-frère. Cette culture pleine de trous,<br />

à mille lieues de New York ou Paris, un<br />

cousin à lui la colmate parfois à l’aide de<br />

MTV où le kid découvre la magie des clips<br />

de rap et l’hégémonie de 2Pac. Quelques<br />

tags et scratchs plus tard (la passion du<br />

turntablism le contamine au lycée),<br />

deux inspirations plus profondes se démarquent<br />

chez lui : <strong>The</strong> Source, la revue<br />

de référence américaine, et Get Busy, le<br />

magazine créé par Sear, ancien proche<br />

de NTM et aujourd’hui animateur sur<br />

Clique TV.<br />

THE RED BULLETIN 57


Mathieu, sur son PC, en 2001 à Lyon, en train d’enregistrer ses interviews sur disquette !<br />

C’est avec ces références en tête que<br />

Mathieu rejoint l’équipe de l’émission<br />

Fragment of Hip-Hop sur Radio Canut<br />

( radio associative lyonnaise), en 2000. Il<br />

y rencontre Nicolas Venancio avec qui il va<br />

bientôt fonder le magazine Gasface. L’élément<br />

déclencheur ? Sa première interview,<br />

à Paris, celle du producteur californien<br />

Madlib. Il comprend ce jour-là quelle sera<br />

sa vocation. Et fin 2001 sort Gasface n°1.<br />

À cette période, le hip-hop se prend très au<br />

sérieux et le duo veut amener un nouveau<br />

souffle impertinent à la discipline. Les<br />

deux compères font des heures de route<br />

en Europe, vont même passer des virées à<br />

New-York pour rencontrer les poids lourds<br />

du rap, avant d’inventer des stratagèmes<br />

pour leur « voler » des interviews. « Les<br />

managers nous envoyaient chier donc on<br />

avait des bobards pas croyables. On donnait<br />

le nom de famille du rappeur à l’accueil<br />

de son hôtel et on regardait le type<br />

composer le numéro comme des détectives.<br />

Un soir, on s’est retrouvé à huit dans<br />

une chambre pour faire une interview ! »<br />

« On faisait des<br />

interviews en<br />

vrai, c’était notre<br />

point fort. »<br />

Gasface, les Inrocks du hip-hop<br />

En parallèle du fanzine, ils organisent<br />

des concerts à Lyon de façon à ne plus<br />

devoir voler leurs interviews. Surtout, ils<br />

mettent de l’argent de côté pour publier<br />

un « vrai » magazine. C’est à l’été 2006<br />

que sort la nouvelle formule de Gasface<br />

en kiosque, toujours tranchante, touchant<br />

à toutes les branches de la galaxie hiphop<br />

– d’Isaac Hayes au producteur Pete<br />

Rock en passant par l’auteur George<br />

Pelecanos. « On faisait toujours des interviews<br />

en vrai, c’était notre point fort,<br />

pas de téléphone. Plus ça allait, plus on<br />

racontait, et on était plus intéressés par<br />

la rencontre en elle-même que par le fait<br />

d’écrire un papier. Et ce n’était pas que<br />

du rap, on voulait êtres les Inrocks du<br />

hip-hop. »<br />

Les beaux jours de la presse rap sont<br />

loin derrière et pourtant, le magazine<br />

cartonne. Les deux Lyonnais obéissent<br />

toujours à la loi de la débrouille ; rédaction,<br />

graphisme, régie pub, distribution,<br />

etc., ils apprennent sur le tas et deviennent<br />

des entrepreneurs par défaut.<br />

En 2008, leur sixième numéro est boycotté<br />

à la suite d’une couverture (affichant<br />

« Faut-il avoir peur de ces enculés de<br />

blancs ? ») qui suscite l’incompréhension :<br />

« Ça a provoqué beaucoup de buzz, on<br />

n’a jamais eu autant de presse. Libé et<br />

Les Inrocks nous soutenaient. Ce numéro<br />

de Gasface a été présenté au Conseil des<br />

L'une des meilleures ventes du<br />

magazine : Gasface n°3 avec Booba,<br />

Alchemist, Jacques Audiard.<br />

ministres pour voir s’ils pouvaient l’interdire,<br />

comme le Charlie Hebdo de 1969.<br />

Évidemment, ils ont vu que c’était une<br />

blague. » Sans garantie que les kiosquiers<br />

continuent à distribuer Gasface, le duo<br />

prend la décision d’arrêter. Au sommet.<br />

Au même moment, Sylvain Gire,<br />

directeur éditorial d’Arte Radio, les<br />

contacte et leur propose de réaliser un<br />

documentaire web. « On a connu la phase<br />

déclinante de la presse, mais sans le<br />

savoir, on s’est retrouvés dans la phase<br />

ascendante des nouveaux médias. »<br />

JILL SALINGER<br />

58 THE RED BULLETIN


« J’ai mis un an à<br />

trouver le héros<br />

de ma série Lost<br />

in Traplanta. »


Mathieu Rochet sur le tournage de Hell Train à New York en 2015 (en haut). Sur le tournage<br />

de Lost in Traplanta avec Kody Kim, une Oldsmobile Cutlass, et Masta Ace qui joue le Rap<br />

God (en bas à gauche). Avec Dr. Dax, légende américaine du graffiti et membre du crew de<br />

OutKast, la Dungeon Family (en bas à droite).<br />

60 THE RED BULLETIN


En mode nouvelle vague<br />

Série la plus vue à l’international dans<br />

l’histoire d’Arte, New York Minute transforme<br />

l’essai de Gasface du papier à<br />

l’écran. Le programme suit des personnalités<br />

de chaque borough et transcrit leur<br />

rapport à la ville, de l’artiste Futura 2000<br />

au rappeur Joell Ortiz en passant par les<br />

enfants-soldats de Sierra Leone recrutés<br />

par des gangs. Sans technique mais avec<br />

beaucoup d’idées et de contacts, ils réussissent<br />

leur pari. « On nous a filé les clés<br />

d’un camion à 200 000 balles et on a<br />

tourné ça en mode nouvelle vague, sans<br />

aucune supervision, à cinq dans un van.<br />

Comme c’était le début d’un truc, on avait<br />

les mêmes chances que les autres. » Dans<br />

la foulée, ils produisent la version 52<br />

minutes pour la télé. Jamais là où on les<br />

attend, ils tournent ensuite Lookin4Galt<br />

en partenariat avec Dailymotion, un documentaire<br />

sur le musicien canadien Galt<br />

MacDermot, auteur de la comédie musicale<br />

Hair et musicien autant samplé par<br />

le rap que James Brown. Le duo, toujours<br />

en mode commando, met en scène une<br />

fausse quête qui constitue le récit ; l’expérience<br />

se révèle fructueuse. Sorti en 2013,<br />

le film est accompagné de deux séries pour<br />

le promouvoir, Think Big et All That Jazz.<br />

Toujours plus loin dans la fiction, le duo<br />

signe une ultime fois pour Arte un format<br />

court nommé Hell Train, et diffusé en<br />

2015. Cette adaptation de L’Enfer de Dante<br />

dans le gangsta rap new-yorkais malmène<br />

encore une fois le genre, pour son bien.<br />

On y évolue parmi des figures maléfiques<br />

(Azie Faison, roi de la coke dans les 80’s,<br />

ou Chaz Williams, ex-braqueur et imprésario<br />

de 50 Cent) dans une atmosphère<br />

oppressante et irréaliste. Boulot le plus<br />

abouti du duo, Mathieu et Nicolas partiront<br />

pourtant chacun de leur côté après<br />

cette dernière aventure.<br />

Lost in Traplanta<br />

Sur sa dernière prod pour Arte, Mathieu<br />

s’est à nouveau servi de ses obsessions<br />

(la reformation d’OutKast, groupe qui a<br />

révélé Atlanta) et a imaginé une chasse au<br />

« La trap, en<br />

termes de sonorité<br />

tu ne peux pas<br />

faire mieux, c’est la<br />

fin du chemin. »<br />

Larry (Kody Kim) vient de se faire larguer et tente<br />

d’oublier son chagrin dans les rues d’Atlanta.<br />

duo au sein de la nouvelle capitale du rap.<br />

Pour jouer « le Français à Atlanta », il a<br />

choisi un Belge, Kody Kim, humoriste déjà<br />

réputé dans son pays dont le rôle semblait<br />

taillé pour lui. Mais ce n’était pas gagné.<br />

« J’ai mis un an à le trouver, au début je ne<br />

voulais pas faire de casting, j’allais juste<br />

voir des trucs de stand-up. Je cherchais<br />

quelqu’un de marrant, physiquement,<br />

quelqu’un qui savait bien parler anglais et<br />

qui savait écouter les autres aussi. Puis j’ai<br />

découvert Kody dans l’émission Le Grand<br />

Cactus, il imitait JCVD, Depardieu, Karl<br />

Lagerfeld avec un aplomb incroyable. Je<br />

suis alors allé à Bruxelles pour le rencontrer.<br />

Avant ça, j’ai même casté Monsieur<br />

Fraize. On a tellement rigolé que je n’arrivais<br />

plus à le filmer. Et puis à un moment,<br />

je me suis dit qu’on allait se faire tuer si on<br />

continuait avec lui. »<br />

Dans ces dix épisodes de huit minutes,<br />

vous ne verrez pas les rappeurs Gucci<br />

Mane et Future exhiber leurs bijoux, mais<br />

vous pénétrerez dans les dessous de leur<br />

monde ; avec DJ Toomp, producteur du<br />

premier album du genre (Trap Muzik de<br />

T.I.), Debra Antney (manager et mère de<br />

Waka Flocka Flame), les danseuses de<br />

Magic City ou encore John Roberts (batteur<br />

de Janet Jackson). Kody zone, joue<br />

de hasard en hasard, passe de l’armurerie<br />

au barbier, du strip club à l’université, et<br />

rencontre sur sa route toute une galaxie<br />

de personnages qui ont façonné cette ville,<br />

musicalement et spirituellement. Pour<br />

ceux qui se posent la question : oui, la série<br />

a été écrite avant que ne sorte la saison 1<br />

d’Atlanta de Donald Glover. Ce qui n’empêche<br />

pas les deux de partager la même<br />

légèreté et spontanéité rafraîchissantes.<br />

Tourné en deux semaines, la mini-série<br />

a été une fois de plus l’occasion pour<br />

Mathieu de partager des moments uniques<br />

(l’hospitalité du sud est à mille lieues du<br />

stress new-yorkais) et de voir la trap d’un<br />

tout autre œil. N’en déplaise aux puristes,<br />

sa série en est le meilleur avocat. « En<br />

termes de sonorité tu ne peux pas faire<br />

mieux, c’est la fin du chemin. C’est marrant,<br />

ce qui fait que le rap d’Atlanta marche<br />

très bien, c’est ce qui a fait que le rap a très<br />

bien marché au début et a plu à beaucoup<br />

de gens, avec Planet Rock d’Afrika Bambaataa<br />

par exemple. C’est pratiquement<br />

la forme la plus pure de rap. »<br />

Conçu pour durer<br />

Lost in Traplanta, qui devait clore un chapitre<br />

pour l’ancien Gasface, se présente<br />

comme un nouveau tremplin pour lui –<br />

la série (à voir sur arte.tv) a déjà remporté<br />

quatre prix dans des festivals (à Munich<br />

encore dernièrement). Il pense déjà à<br />

des suites, à Los Angeles ou en Jamaïque.<br />

Mais surtout, il continue de jongler avec<br />

différents supports. En effet, cela ne surprendra<br />

personne, Mathieu Rochet vient<br />

de finir l’écriture de son premier longmétrage<br />

de fiction, Jacques Martien,<br />

l’homme le plus dangereux du monde.<br />

L’histoire ? Un prof d’auto-école lyonnais<br />

est accusé d’avoir tué un prix Nobel et doit<br />

retrouver le vrai assassin pour empêcher<br />

la première guerre mondiale d’éclater.<br />

L’intention est claire : redonner ses lettres<br />

de noblesse à la comédie qui réfléchit.<br />

Quoi d’autre ? Une sitcom sur un<br />

rappeur has-been qui se fait virer de son<br />

label alors qu’il est en vacances, et se<br />

retrouve placardisé à l’étage des community<br />

managers à son retour. Ses influences<br />

puisent autant dans l’absurde d’un Boots<br />

Riley (Sorry to Bother You), la satire de<br />

la série 30 Rock ou les sitcoms des années<br />

80 comme Cheers et Taxi. Et ce n’est pas<br />

fini. Pour se remettre d’un documentaire<br />

sur David Ginola qui n’a jamais pu voir le<br />

jour (dans lequel il analysait le destin du<br />

joueur devenu la bête noire du foot français),<br />

Mathieu a signé Un Prophète en<br />

survet, un portrait de la France des 90’s<br />

par le prisme du basket, via la star du<br />

streetball Moustapha Sonko. Comme La<br />

Cliqua, le fameux groupe de rap parisien<br />

de la même époque, Mathieu Rochet est<br />

conçu pour durer.<br />

THE RED BULLETIN 61


Lorsque la trap s’est<br />

démarquée de ses origines<br />

illicites pour devenir la<br />

force dominante du rap,<br />

il lui fallait une esthétique<br />

à la hauteur. Rencontrez<br />

le jeune photographe qui<br />

prend des images sans<br />

fard des plus grandes<br />

stars du genre.<br />

Gunner Stahl<br />

Sur la piste<br />

des trappeurs


YOUNG THUG<br />

L’un des artistes préférés<br />

de Stahl, le natif d’Atlanta<br />

est un pionnier de la nouvelle<br />

vague de rappeurs<br />

trap. Après six mixtapes<br />

acclamées, son premier<br />

album studio, So Much<br />

Fun, s’est classé en tête<br />

du US Billboard 200<br />

en août dernier.<br />

63


Jonathan Simmons, alias Gunner Stahl,<br />

achète son premier appareil photo à un<br />

ami lors d’une soirée. Il a dix-huit ans.<br />

Malgré son échec à un cours de photographie,<br />

il ressent le besoin de photographier<br />

sa vie à l’école, dans les fêtes, les concerts.<br />

Une vie qui sera impactée par la scène<br />

trap qui explose alors aux USA depuis son<br />

Atlanta natal.<br />

La trap – un courant du hip-hop fait de<br />

textes et de mélodies rapidement esquissées<br />

sur un fond de snare, de charleston<br />

et de boîte à rythme Roland TR-808 au<br />

sub-bass puissant, puis immédiatement<br />

uploadées sur les plateformes de streaming<br />

– est devenue une force dominante<br />

du rap. Et les portraits intimes de Gunner<br />

Stahl, 27 ans, parviennent à canaliser<br />

cette énergie brute. L’Américain s’est taillé<br />

une place de choix dans cette scène en<br />

prenant des clichés sans fard des plus<br />

grandes stars de la trap comme Future et<br />

le super- producteur Metro Boomin alors<br />

qu’ils se trouvaient à la Fashion Week de<br />

Paris, ou Gucci Mane pendant sa tournée.<br />

L’attachement de Stahl à la photo en<br />

35 mm apporte une autre dimension à son<br />

esthétique recherchée, rendant son travail<br />

encore plus imprévisible dans un monde<br />

toujours plus numérisé. Mais c’est un<br />

médium qu’il a découvert par hasard :<br />

alors qu’il se préparait à documenter la<br />

tournée Yeezus de Kanye West à Atlanta en<br />

2013, l’appareil photo de Stahl s’est brisé.<br />

L’appareil de remplacement proposé par<br />

un ami n’étant pas numérique, il fallait<br />

donc passer par un drugstore pour acheter<br />

de la pellicule. Stahl a depuis rejeté ces<br />

photos qu’il qualifie de « déchets », mais<br />

a continué de prendre des photos avec<br />

l’appareil et est tombé amoureux de la<br />

crudité du processus du film.<br />

Ce n’est qu’autour de 2014 que Stahl<br />

se lance dans la photographie musicale.<br />

Beaucoup de ses amis étaient musiciens<br />

et il avait même été nommé membre du<br />

collectif de rap local Two-9 après avoir<br />

simplement traîné avec eux en studio.<br />

Stahl a commencé à documenter leurs<br />

sessions d’enregistrement et leurs collaborateurs<br />

: les premières images de son<br />

flux Instagram incluent l’un des DJs de<br />

Two-9, Osh Kosh, aux côtés du styliste<br />

« Si la personne ne<br />

m’inspire pas, je ne la<br />

photographie pas. »<br />

Virgil Abloh, ainsi que des photos d’un<br />

Wiz Khalifa aux cheveux violets prises au<br />

moment où il est venu enregistrer avec<br />

le collectif.<br />

Stahl ne s’immisce pas dans le processus<br />

créatif de ceux qui l’entourent, ce qui<br />

signifie qu’en retour il a leur respect, et<br />

pour eux, ses photos constituent une rupture<br />

nécessaire. Elles apparaissent plus<br />

proches de la réalité et offrent aux fans<br />

un aperçu de leurs artistes préférés dans<br />

leur habitat naturel. « Je n’entretiens<br />

les relations que pour arriver à ce type<br />

d’images, explique Stahl. Si je ne suis pas<br />

passionné par la personne, je ne la photographie<br />

pas. » Mais la crédibilité de son<br />

travail a inévitablement transcendé les<br />

héros de sa ville natale, et lui a permis<br />

d’approcher des mégastars mondiales<br />

comme Ed Sheeran, Drake, Kanye West,<br />

Kylie Jenner, Post Malone, Miley Cyrus,<br />

Lana Del Rey et même Adam Sandler.<br />

Aujourd’hui, Stahl vit plutôt dans les<br />

hôtels : il passe la majeure partie de sa<br />

vie à se déplacer à la recherche de la meilleure<br />

photo. Il ressent ainsi une empathie<br />

plus profonde pour ses sujets et leur vie<br />

sur la route. Ses portraits sont réalisés<br />

entre les studios, les coulisses et les<br />

logements provisoires mais les images<br />

donnent l’impression d’être habitées.<br />

L’une de ses photos les plus emblématiques,<br />

la couverture de la mixtape éponyme<br />

de Playboi Carti, le natif d’Atlanta,<br />

parue en 2017, montre ce dernier confortablement<br />

affalé entre deux modèles<br />

dans une location de Los Angeles.<br />

À travers son travail, Stahl peut partager<br />

avec son public les pass « all-access »<br />

qu’il a obtenus pour suivre les stars de la<br />

trap. En 2017, il a créé une collection<br />

capsule de vêtements pour Puma et réalisé<br />

une exposition en galerie intitulée<br />

For You, Mom – un hommage à sa mère,<br />

décédée d’un cancer du sein. Récemment,<br />

Stahl a publié Gunner Stahl: Portraits,<br />

un ouvrage rempli de ses photos inédites<br />

préférées des trois dernières années avec<br />

des contributions de Swae Lee, du duo de<br />

trappeurs Rae Sremmurd et d’un célèbre<br />

photographe de rap des années 90, Chi<br />

Modu. Le livre a été présenté dans des<br />

galeries de trois villes : New York, Los<br />

Angeles et, bien sûr, Atlanta. Mais bien<br />

que son étoile grandisse, Stahl, à l’image<br />

de ses photographies, conserve les deux<br />

pieds sur terre.<br />

« Sois toi-même, dit-il. Alors les gens<br />

viendront davantage à toi. »<br />

Gunner Stahl: Portraits (Abrams) ;<br />

Instagram : @gunnerstahl.us<br />

64 THE RED BULLETIN


PLAYBOI CARTI<br />

« J’adore les yeux. Les yeux<br />

donnent l’image complète »,<br />

dit Stahl. Avec cette photo<br />

cependant, le photographe<br />

prouve sa capacité à créer un<br />

moment intrigant en faisant<br />

exactement le contraire.<br />

Les yeux de ses sujets, ici le<br />

rappeur Playboi Carti et<br />

le mannequin Justine Mae<br />

Biticon, sont hors champ,<br />

ce qui éveille la curiosité et<br />

stimule l’imagination.


LIL UZI VERT<br />

Photographié durant le festival<br />

Rolling Loud à New York en<br />

2016, le natif de Philadelphie<br />

est surtout connu pour son<br />

énorme succès viral XO Tour<br />

Llif3. « J’étais dans les coulisses,<br />

en train d’attendre, raconte<br />

Stahl. Tout à coup, il a traversé<br />

le service de sécurité. On a passé<br />

du temps ensemble, et je me suis<br />

habitué à sa personnalité. »


AMINÉ<br />

Le rappeur originaire de<br />

Portland s’exprime autant par<br />

l’humour surréaliste de ses<br />

visuels et de son esthétique<br />

aux couleurs vives que par les<br />

textes réfléchis et ses chutes<br />

auto-dépréciatrices. Pas<br />

surprenant qu’il ait développé<br />

une relation avec Stahl, un fan<br />

autoproclamé de comédies<br />

dites « mumblecore ».<br />

67


LIL BABY<br />

GUNNA<br />

Les deux artistes dont<br />

la popularité a explosé<br />

à Atlanta au cours des<br />

dernières années font<br />

preuve d’une solide<br />

éthique de travail,<br />

publiant individuellement<br />

plusieurs mixtapes<br />

chaque année.<br />

Ils ont aussi canalisé<br />

leur chimie naturelle<br />

dans la mixtape Drip<br />

Harder parue l’année<br />

dernière.<br />

68


LIL YACHTY<br />

Un sujet récurrent dans<br />

l’œuvre de Stahl. Le<br />

« King Of Teens »<br />

autoproclamé d’Atlanta<br />

était un personnage<br />

polarisant au moment<br />

de son apparition avec<br />

ses mélodies bubble-gum<br />

et ses paroles fantaisistes,<br />

mais il a explosé sa<br />

popularité auprès de ses<br />

fans et est devenu une<br />

icône dans le domaine<br />

de la mode.


NIPSEY HUSSLE<br />

Le rappeur, entrepreneur et<br />

activiste de Los Angeles a été<br />

assassiné devant son magasin,<br />

<strong>The</strong> Marathon Clothing, en<br />

mars, un peu plus tôt cette<br />

année – une perte énorme<br />

pour sa famille, ses amis et la<br />

communauté hip-hop à travers<br />

le monde. Stahl lui rend hommage<br />

avec des photographies<br />

inédites tirées de ses archives.<br />

70 THE RED BULLETIN


PLAYBOI CARTI<br />

Après avoir réalisé la<br />

pochette emblématique de<br />

sa première mixtape, Stahl<br />

a continué à documenter<br />

la montée en puissance de<br />

Playboi Carti. Ici, le rappeur<br />

de Magnolia profite d’un<br />

moment en coulisses avec<br />

son mentor, A$AP Rocky.<br />

71


ROULER<br />

À NOUVEAU<br />

Comme le montre le nouveau<br />

documentaire Any One of Us, la vie de<br />

l'Américain PAUL BASAGOITIA a été<br />

bouleversée par un accident survenu au<br />

<strong>Red</strong> Bull Rampage. Le combat de l’ancien<br />

coureur pro pour retrouver sa place et<br />

son identité a été dur et est devenu une<br />

source d’inspiration que personne<br />

n’aurait pu imaginer. Lui le premier.<br />

Texte NEAL ROGERS<br />

Photos DEWEY NICKS<br />

72 THE RED BULLETIN


« Je n’ai plus à regarder<br />

en arrière – je vais<br />

continuer à regarder<br />

vers l’avenir », dit Paul<br />

Basagoitia, qui pose ici<br />

à Minden, Nevada<br />

(USA), le 2 août.


Sur un sentier près de<br />

Truckee, en Californie,<br />

Paul Basagoitia dans ce<br />

qu’il sait faire de mieux<br />

et adore : rouler à vélo.


Paul Basagoitia chevauche en VTT sur un<br />

sentier poussiéreux dans le Mount Rose<br />

Wilderness, à mi-chemin entre le lac<br />

Tahoe et sa maison à Reno dans le Nevada<br />

(USA). À un rythme soutenu. Durant les<br />

chaudes journées de juin, l’occasion de<br />

zigzaguer dans la forêt ombragée est la<br />

bienvenue. Un cycliste ordinaire observera<br />

que l’homme de 33 ans pédale sur un vélo<br />

de montagne électrique. Un observateur<br />

attentif remarquera qu’il porte une orthèse<br />

personnalisée à la cheville droite. Pratiquement<br />

personne ne pourra cependant<br />

déceler à quel point il aura du mal à marcher<br />

sans aide une fois descendu de vélo.<br />

Vu de l’extérieur, Basagoitia semble<br />

à l’aise, mais la navigation à travers les<br />

arbres n’était pas son point fort durant<br />

sa carrière de onze ans en tant que rider<br />

professionnel de VTT. Basagoitia a plutôt<br />

passé sa vie de cycliste sur le fil du rasoir.<br />

Quand il n’était pas en compétition, il<br />

essayait de trouver le terrain le plus raide<br />

et le plus raboteux que l’on puisse imaginer,<br />

pour dévaler sa pente à fond et<br />

s’élancer dans les airs.<br />

C’est ce genre de cyclisme – d’abord le<br />

slopestyle, sur des bosses artificielles et<br />

plus tard, les épreuves de VTT extrême –<br />

qui a apporté à Basagoitia une renommée<br />

et une fortune relatives. C’était un phénomène<br />

sur bicyclette, gagnant sa vie à<br />

repousser les limites. Et c’est ce qui lui a<br />

causé une blessure à la moelle épinière<br />

qui a bouleversé sa vie en octobre 2015<br />

lors du <strong>Red</strong> Bull Rampage.<br />

Aujourd’hui, quatre ans plus tard, le<br />

documentaire Any One of Us sur sa réhabilitation<br />

lui redonne une certaine notoriété.<br />

Une description franche et sans<br />

détour de la réalité de la vie après une<br />

lésion à la moelle épinière (LM).<br />

Après avoir été présenté dans le cadre<br />

de festivals de cinéma durant le printemps<br />

et l’été, le documentaire a été<br />

acquis par la chaîne HBO qui l’a diffusé<br />

pour la première fois le 29 octobre,<br />

presque quatre ans jour pour jour après<br />

son accident. De retour sur son vélo et<br />

dépassant les attentes de ses médecins,<br />

Basagoitia est devenu une source d’inspiration<br />

pour tous ceux qui ont subi ce<br />

type de blessure.<br />

Une tournure douce-amère pour un<br />

homme relativement discret au sujet de sa<br />

vie privée qui n’a jamais cherché la gloire<br />

et qui a trouvé à la place le réconfort sur<br />

un vélo après une enfance mouvementée,<br />

vécue dans un motel miteux racheté par<br />

des parents en conflit. Basagoitia voulait<br />

être connu pour avoir fait évoluer son<br />

sport, pas pour une petite erreur lourde<br />

de conséquences.<br />

« Je suis un peu bouleversé à l’idée de<br />

cette diffusion sur HBO, nous disait Paul<br />

en août dernier. Il y a beaucoup d’amis et<br />

de membres de ma famille qui n’ont pas<br />

75


encore vu le film. J’ai vécu des choses<br />

qu’ils ignorent. Disons que je suis à la fois<br />

impatient et nerveux. » Sa blessure n’est<br />

pourtant pas le point final de son histoire.<br />

L’accident<br />

Le <strong>Red</strong> Bull Rampage est un événement<br />

cycliste sans pareil. Le surf professionnel<br />

a sa grande compétition de grosses vagues<br />

à Mavericks. L’escalade, l’ascension en<br />

solo d’El Capitan. Le cyclisme de grande<br />

montagne a Rampage, au milieu des<br />

falaises désertiques près de Virgin dans<br />

l’Utah, un événement qui attire les riders<br />

de slope style et de descente et les freeriders<br />

sur terrain naturel. La compétition<br />

se déroule dans un amphithéâtre naturel<br />

accidenté et exposé où les sauts de canyon<br />

de vingt mètres doivent être effectués au<br />

centimètre près et où l’effet de la brise<br />

peut transformer la gloire en échec.<br />

Pour Paul Basagoitia, Rampage représentait<br />

un défi certain. Il venait du monde<br />

du BMX et s’était fait connaître pour ses<br />

figures sur un VTT. La première fois qu’il<br />

a participé au Rampage en 2008, il a terminé<br />

douzième. Alors que le sport progressait,<br />

il s’efforçait de progresser avec<br />

lui. Lorsqu’une nouvelle génération de<br />

riders a commencé à le surclasser, il<br />

est devenu le premier coureur à faire un<br />

double backflip sur terrain naturel. Mais<br />

il s’est aussi lassé : des blessures, de la<br />

pression, de la lutte pour trouver des<br />

sponsors.<br />

Après avoir accompli une course<br />

unique, Basagoitia a terminé neuvième au<br />

Rampage de 2014, son meilleur résultat<br />

en carrière. Il sentait qu’il aurait pu mieux<br />

faire et peut-être même finir dans les trois<br />

premiers. C’est donc devenu son but pour<br />

mettre un point final à sa carrière : être<br />

sur le podium, utiliser l’argent du prix<br />

pour acheter une bague de fiançailles à<br />

sa petite amie de longue date, Nichole,<br />

et raccrocher son vélo.<br />

C’était le plan à l’approche de l’édition<br />

2015 et pendant la première moitié de<br />

sa descente, tout semble sourire à Paul.<br />

Il réussit un saut périlleux au-dessus d’un<br />

canyon, la partie la plus difficile du parcours,<br />

suivi d’un 270 pour le plaisir, puis<br />

tape durement sur la réception.<br />

Mais il va plus loin que prévu. Pas de<br />

beaucoup, mais assez pour bouleverser<br />

sa vie. En essayant de rectifier, sa pédale<br />

droite a accroché une branche d’armoise<br />

sur le bord du sentier. Paul est projeté<br />

sur le dos, sur un rebord de 2,50 mètres<br />

de haut. Bien qu’il s’agisse d’un accident<br />

sérieux, il ne semble pas particulièrement<br />

Cette photo capture Basagoitia lors des finales du dixième <strong>Red</strong> Bull Rampage<br />

le 16 octobre 2015, à Virgin, Utah, USA.<br />

grave en regard de qui se produit habituellement<br />

au Rampage. Allongé au sol,<br />

sa première réaction est la colère. Il<br />

croyait être sur le chemin de la victoire<br />

et avoir enfin tout mis en place. Sa deuxième<br />

chance de gagner Rampage et de<br />

prendre sa retraite. « J’ai subi des accidents<br />

plus durs dans ma carrière et suis<br />

passé à travers, dit Basagoitia. Mais pour<br />

une raison quelconque, je suis retombé<br />

exactement sur la douzième vertèbre et<br />

l’impact a été assez important pour la briser<br />

dans ma moelle épinière. Je ne pouvais<br />

pas bouger les pieds ou les jambes.<br />

C’est là que j’ai su que c’était grave. »<br />

Vint ensuite un vol qui sembla ne<br />

jamais finir en hélicoptère vers l’hôpital.<br />

Après plusieurs scanners, on lui annonce<br />

qu’il doit subir une intervention chirurgicale.<br />

La procédure qui consiste à retirer<br />

des fragments osseux de sa moelle épi-<br />

nière durera plus de dix heures. Il se<br />

réveille en vivant dans ce qu’il appelle<br />

son « nouveau corps », catégorisé « paraplégique<br />

T12 ». Sa moelle épinière n’a<br />

pas été complètement sectionnée ; elle<br />

est « incomplète », ce qui signifie qu’il y<br />

a encore des signaux nerveux en dessous<br />

du niveau de sa blessure. Les médecins<br />

lui disent néanmoins qu’il va probablement<br />

passer le reste de sa vie dans un<br />

fauteuil roulant. Il y a eu de graves accidents<br />

au Rampage par le passé, mais<br />

personne n’avait subi de blessures qui<br />

bouleversent une vie. Désormais,<br />

Basagoitia est paralysé.<br />

La blessure<br />

Les finales du Rampage avaient lieu un<br />

vendredi, le 16 octobre 2015. Les organisateurs<br />

avaient décidé de les avancer d’un<br />

jour en raison des orages qui menaçaient.<br />

DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL<br />

76 THE RED BULLETIN


Basagoitia s’est réveillé ce matin-là<br />

confiant, mais aussi tendu. Il n’avait pas<br />

encore préparé tout son tracé, mais c’était<br />

son cinquième Rampage, et tous les riders<br />

étaient dans la même situation. « Les<br />

conditions météorologiques allaient bientôt<br />

se dégrader, dit Basagoitia. Au lieu<br />

d’attendre que cela passe, ils ont avancé<br />

les finales d’un jour et personne n’avait<br />

fait sa piste. La veille, les sauts n’étaient<br />

même pas à moitié terminés et les riders<br />

tâtonnaient encore en faisant leurs pistes<br />

et tombaient de tous côtés. Et puis voilà,<br />

c’est ton tour, un hélicoptère te fait face,<br />

les chaînes nationales retransmettent<br />

l’événement en direct, et tu te lances pour<br />

la toute première fois. » Basagoitia figure<br />

parmi les nombreux riders qui ont subi un<br />

accident ce jour-là. Les images de la<br />

caméra fixée à son casque, montrées dans<br />

Any One of Us ont saisi le moment où<br />

BASAGOITIA INSÈRE<br />

UN CATHÉTER DE<br />

36 CENTIMÈTRES<br />

DANS SON PÉNIS AFIN<br />

DE VIDER SA VESSIE.<br />

ET SE FILME, SEUL.<br />

Nichole l’a rejoint au sol – au moment où<br />

leur vie a changé à jamais. « Je ne peux<br />

pas bouger mes pieds », dit-il, la panique<br />

pointant dans sa voix.<br />

Il est transporté par les airs vers<br />

St. George et reçoit le diagnostic qui va<br />

bouleverser sa vie à jamais. Il ne pourra<br />

plus jamais marcher. Ses fonctions intestinales,<br />

vésicales ainsi que sexuelles sont<br />

affectées, peut-être pour toujours. En plus<br />

du stress émotionnel et physique de la<br />

blessure, il est constamment en manque<br />

de sommeil ; on le réveille toutes les trois<br />

heures pour son cathéter et on lui administre<br />

des injections d’anticoagulant<br />

toutes les huit heures. Dans les vapes,<br />

Basagoitia ne pense plus à gagner Rampage,<br />

vraiment plus. Il se demande plutôt<br />

s’il va pouvoir simplement enfourcher un<br />

vélo à nouveau.<br />

Le documentaire<br />

Allongé sur son lit d’hôpital, Basagoitia a<br />

du temps devant lui ainsi qu’une nouvelle<br />

caméra vidéo reflex numérique, un appareil<br />

photo GoPro et de nombreuses questions<br />

sans réponse au sujet de sa blessure.<br />

Il se sent perdu, mais il pense qu’il pourrait<br />

produire quelque chose qui sera utile<br />

aux personnes ayant subi une LM. Il<br />

espère également pouvoir documenter sa<br />

progression. L’idée d’impliquer <strong>Red</strong> Bull<br />

Media House dans ce projet ne lui vient<br />

que près d’un an plus tard.<br />

« Me voici dans un lit d’hôpital en train<br />

de penser à la façon dont je vais payer mes<br />

factures de soins, dit Basagoitia. Je commence<br />

à filmer ma progression et je me dis<br />

que je vais faire une petite vidéo, la vendre<br />

sur iTunes ou ailleurs, et tout ce que je vais<br />

récolter d’iTunes servira directement à<br />

payer les factures médicales. J’allais tout<br />

documenter. Je voulais voir mes progrès<br />

au fil du temps. Quand on est dedans, en<br />

pleine rééducation, on ne peut pas la voir.<br />

C’est paradoxal, car il faut justement pouvoir<br />

voir ces progrès pour entretenir la<br />

motivation et persévérer. »<br />

Une scène au début de Any One of Us<br />

ne laisse pas indemne. Seul et nu dans<br />

une salle de bain, quelques semaines seulement<br />

après sa blessure, Basagoitia insère<br />

un cathéter de 36 centimètres dans son<br />

pénis afin de vider sa vessie. C’est cru – et<br />

d’autant plus impressionnant qu’il a filmé<br />

tout seul. « La scène du cathéter, les gens<br />

me disent que c’est ce qu’ils ont vu de plus<br />

lourd dans tous les documentaires qu’ils<br />

n’ont jamais regardés. »<br />

Avant ce moment pendant son rétablissement,<br />

Basagoitia avait un cathéter<br />

inséré en permanence et vidé par les infirmières.<br />

Quand elles lui ont enlevé, il<br />

croyait qu’il serait capable d’uriner tout<br />

seul. Quand on lui a tendu le bâtonnet<br />

du cathéter, sa réaction était prévisible.<br />

« Je refusais de m’insérer ce truc, hors de<br />

question, dit-il. Je me souviens de l’avoir<br />

fait une première fois et j’en ai pleuré.<br />

Deux semaines plus tôt, j’étais en compétition<br />

au plus haut niveau au Rampage<br />

à la télévision nationale – une célébrité<br />

THE RED BULLETIN 77


PAUL<br />

COMMENCE À<br />

VIVRE AVEC SA<br />

BLESSURE TOUT<br />

EN VIVANT AVEC<br />

UNE ÉQUIPE<br />

DE TOURNAGE.<br />

quoi – et je suis passé de cela à apprendre<br />

comment m’insérer un cathéter de<br />

36 centimètres. Ça m’a méchamment pris<br />

par surprise. » Avant que <strong>Red</strong> Bull Media<br />

House ne s’implique dans le documentaire,<br />

<strong>Red</strong> Bull accompagne Paul dans son<br />

rétablissement. Le pilote a été sponsorisé<br />

pendant des années et s’est lié d’amitié<br />

avec le manager d’athlètes, Aaron Lutze.<br />

Ce dernier était présent lorsque Basagoitia<br />

est sorti de la salle d’opération et s’est<br />

assuré qu’il puisse intégrer pour douze<br />

semaines l’hôpital Craig, près de Denver,<br />

un établissement de premier ordre pour<br />

le traitement des lésions à la moelle épinière.<br />

Quelques mois plus tard, Lutze a<br />

rendu visite à Basagoitia chez lui, à Reno.<br />

Ensemble, ils ont regardé le docu Crash<br />

Reel consacré au snowboardeur professionnel<br />

Kevin Pearce et à son rétablissement<br />

après un traumatisme crânien.<br />

« Je savais que Paul filmait son rétablissement,<br />

mais il ne savait pas vraiment<br />

ce qu’il allait en faire, ce n’était pas clair<br />

si cela allait devenir un film, dit Lutze.<br />

Quand Crash Reel a été terminé, Paul a<br />

dit : “Je veux faire quelque chose comme<br />

ça mais pour des blessures à la moelle<br />

épinière.” » Après quelques coups de téléphone,<br />

le projet de documentaire de Paul<br />

est approuvé. Très tôt, il est convenu que<br />

tous les bénéfices du film iraient à Wings<br />

For Life, une fondation à but non lucratif<br />

qui se consacre à la recherche d’un traitement<br />

contre la paralysie.<br />

Basagoitia s’est envolé pour Los Angeles<br />

et a rencontré Fernando Villena, un monteur<br />

de longs métrages et de documentaires<br />

qui avait été sollicité pour épauler<br />

Paul dans ses débuts à la réalisation. À<br />

partir de là, Basagoitia a commencé à jongler<br />

avec deux réalités qui ont changé sa<br />

vie : vivre avec sa blessure tout en vivant<br />

avec une équipe de tournage.<br />

Interrogée sur la possibilité d’inviter<br />

une équipe de tournage dans un environnement<br />

familial qui se remet à peine d’une<br />

catastrophe, sa compagne Nichole admet<br />

que ce n’était pas son premier choix. « Je<br />

ne voyais pas cela comme une occasion de<br />

faire un film, dit-elle. Mais Paul a eu une<br />

idée dès le début : il voulait se différencier<br />

et utiliser sa caméra. Il voulait filmer son<br />

rétablissement et son voyage. Je me souviens<br />

d’avoir entendu : “Nous pourrions<br />

en faire un film”, et je me disais : “Mais<br />

de quoi parlent-ils ? C’est de la folie, c’est<br />

la dernière chose dont on a besoin.” » Le<br />

documentaire se concentre sur Basagoitia<br />

et met aussi en lumière l’étendue des accidents<br />

et des expériences qui font partie<br />

de la vie avec une lésion de la moelle<br />

épinière. Nous apprenons aussi l’histoire<br />

de 17 autres personnes qui vivent avec une<br />

LM par le biais d’épisodes intercalés. Les<br />

membres de l’équipe de production les<br />

ont appelés « le chœur dans le film ».<br />

« À l’origine, le film ne parlait que de<br />

l’histoire de Paul, de son rétablissement,<br />

de ses expériences, explique Villena à propos<br />

du chœur, une idée qui n’a été mise en<br />

œuvre que tardivement dans la production.<br />

Mais comme vous le voyez dans le<br />

documentaire, sa guérison est carrément<br />

miraculeuse, c’est ahurissant. L’idée était la<br />

suivante : c’est génial que Paul se rétablisse<br />

et c’est intéressant pour le film, mais il y a<br />

une histoire beaucoup plus importante.<br />

Après son accident, Basagoitia a été transporté par hélico à St. George, où il a subi dix heures de chirurgie.<br />

CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE<br />

78 THE RED BULLETIN


L’utilisation d’un VTT<br />

électrique a permis<br />

à Basagoitia de<br />

retrouver un certain<br />

niveau de riding.


UNE SÉANCE<br />

D’ENTRAÎNEMENT DE<br />

90 MINUTES TOUS LES<br />

MATINS, AXÉE SUR<br />

LA FORCE MUSCULAIRE,<br />

LE RENFORCEMENT<br />

MUSCULAIRE<br />

ET LE CARDIO.<br />

C’est le quotidien de Paul Basagoitia,<br />

l’ex-pilote VTT pro, depuis qu’il vit<br />

avec une lésion de la moelle épinière.<br />

CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE<br />

80 THE RED BULLETIN


Qu’en est-il des gens qui ne s’en remettent<br />

pas, qui ne peuvent rien bouger, et encore<br />

moins marcher avec des béquilles ? Il y a<br />

un récit plus vaste, sur la façon dont les<br />

gens gèrent leur blessure. »<br />

Parmi les personnes que le docu nous<br />

présente, il y a l’Australien Sam<br />

Willoughby, double champion du monde<br />

de BMX, qui s’est brisé des vertèbres en<br />

2016. Il y a aussi Jesse Billauer, un surfeur<br />

qui a subi une lésion complète de la<br />

moelle épinière à l’âge de 17 ans sur un<br />

banc de sable peu profond en 1996. Et il<br />

y a Annette Ross, qui a reçu un mauvais<br />

analgésique pour une péridurale pendant<br />

son accouchement en 2000, qui a brûlé<br />

sa moelle épinière, et Steph Aiello, qui a<br />

subi un accident de voiture en 2010 qui<br />

l’a paralysée de la taille vers le bas.<br />

« Tout était au service de l’histoire de<br />

Paul, poursuit Villena. Son histoire bénéficie<br />

de ces autres récits pour ajouter de<br />

l’information, pour dire les choses qu’il<br />

ne peut dire à ce moment-là dans le film.<br />

Non seulement le chœur élargit la portée,<br />

mais il approfondit aussi ce qu’il ressentait<br />

et ce qu’il traversait. »<br />

L’un des moments les plus marquants<br />

du film vient après que Basagoitia soit<br />

rentré de l’hôpital Craig, où on le voit<br />

lutter contre la dépression tout en apprenant<br />

à s’adapter à sa nouvelle situation.<br />

Il utilise un déambulateur pour atteindre<br />

lentement les boîtes aux lettres de son<br />

quartier ; la scène est juxtaposée à des<br />

images de lui dans la fleur de l’âge, volant<br />

dans les airs, réalisant l’impossible apparemment<br />

sans efforts. La scène se termine<br />

alors qu’il met une pile de factures médicales<br />

dans son corset lombaire.<br />

Any One of Us se termine sur Basagoitia<br />

faisant son premier tour à vélo depuis<br />

son accident. Il montre aussi plusieurs<br />

membres du chœur qui profitent de la vie<br />

après avoir subi un traumatisme de la<br />

moelle épinière, en train de se joindre à<br />

une troupe de danse, de faire du surf, de<br />

jouer au basket-ball et de marcher sur<br />

une scène pour la remise d’un diplôme<br />

d’études secondaires. La fin exaltante d’un<br />

film difficile qui procure aux spectateurs<br />

une nouvelle appréciation de leur propre<br />

mobilité, ainsi que de nouvelles perspectives<br />

sur la vie de ceux qui sont paralysés.<br />

La vie avec...<br />

Nous sommes en février, le printemps<br />

approche à grands pas et la vie est sur le<br />

point de changer radicalement (à nouveau)<br />

pour Basagoitia. Il a commencé il<br />

y a quelques mois un nouvel emploi dans<br />

LA CAPACITÉ DE<br />

TRAVERSER LES<br />

AIRS AVAIT DÉJÀ<br />

ÉTÉ RETIRÉE À<br />

BASAGOITIA. C’EST<br />

À CE MOMENT QU’IL<br />

EST LE PLUS<br />

HEUREUX, QUAND<br />

IL EST EN PAIX.<br />

Le film montre des images de Paul,<br />

petit, déjà un as sur deux roues.<br />

une entreprise de chaussures de vélo<br />

de montagne de pointe, Ride Concepts,<br />

située à Truckee, dans les environs. Il<br />

gère les athlètes mondiaux de la marque<br />

et contribue également sur le plan créatif.<br />

Il a déjà réuni une équipe d’athlètes sponsorisés<br />

dont Strait et la fratrie Atherton,<br />

Rachel, Gee et Dan. Une semaine après<br />

notre interview, il ira au festival South<br />

by Southwest à Austin pour la première<br />

d’Any One of Us. En avril, il se rendra<br />

à la Sea Otter Classic, le plus grand événement<br />

cycliste des États-Unis, où il travaillera<br />

sur le stand de Ride Concepts.<br />

Pour Basagoitia, vivre avec une LM<br />

signifie une séance d’entraînement de<br />

90 minutes tous les matins, axée sur la<br />

force musculaire, le renforcement musculaire<br />

et le cardio. Il a pris conscience du<br />

fait qu’il ne retrouvera peut-être jamais<br />

de sensation à partir des genoux en descendant<br />

et que ses fessiers ne fonctionneront<br />

peut-être plus jamais correctement.<br />

Il fait donc tout son possible pour renforcer<br />

le reste de son corps. Comme il ne<br />

peut pas utiliser ses fesses, il porte son<br />

poids dans le bas de son dos et il compte<br />

sur les muscles fléchisseurs de ses<br />

hanches pour faciliter sa marche. Le<br />

résultat final est une douleur fréquente<br />

et des spasmes musculaires. Comme le<br />

montre l’une des dernières scènes d’Any<br />

One of Us, Basagoitia est de retour sur un<br />

vélo. Il peut utiliser ses quadriceps et ses<br />

ischio-jambiers, les deux groupes musculaires<br />

les plus importants pour pédaler,<br />

mais il ne sent pas les pédales. Observez-le<br />

attentivement quand il roule, vous<br />

verrez qu’il vérifie constamment la position<br />

de ses pieds sur les pédales. Alors<br />

que le film s’achève sur sa première sortie,<br />

il est maintenant rendu bien plus loin,<br />

avec un vélo électrique à pédalage assisté<br />

sur les sentiers, ce qui lui permet parfois<br />

de faire un petit saut.<br />

Nichole dit que voir Basagoitia pédaler<br />

à nouveau sur un vélo a été une transformation<br />

pour tous les deux. « Ça lui<br />

apporte un tout nouveau bonheur, ditelle.<br />

Je pense qu’il a trouvé ce nouvel<br />

amour pour le vélo qu’il n’avait probablement<br />

jamais ressenti. Je pense que le<br />

temps qu’il a passé sur le vélo était extrêmement<br />

compétitif. Maintenant, la seule<br />

personne avec qui il fait de la compétition<br />

sur son vélo, c’est lui-même, et rien que<br />

lui-même, et je pense qu’il trouve tellement<br />

de joie à savoir qu’il peut repousser<br />

les limites. C’est une guérison pour lui.<br />

Maintenant, il saute, ce qui me rend un<br />

peu nerveuse, mais la joie qu’il en tire,<br />

ce qu’il poste, il est high, et je veux le<br />

garder high. » La capacité de traverser<br />

les airs avait déjà été retirée à Basagoitia.<br />

C’est à ce moment qu’il est le plus heureux,<br />

quand il est en paix.<br />

Une communauté<br />

En s’adaptant à sa nouvelle vie, Paul<br />

Basagoitia s’est aussi adapté à son rôle<br />

permanent au sein de la communauté<br />

LM. Il reçoit des courriels « au moins<br />

une fois par semaine » d’une nouvelle<br />

personne qui a subi une blessure qui a<br />

bouleversé sa vie. À Reno, un ami qui<br />

travaille au centre de traumatologie de<br />

l’hôpital local le contacte chaque fois qu’il<br />

y a un nouveau patient qui a subi une LM.<br />

En voyage, dans les festivals de cinéma,<br />

il est souvent approché par des personnes<br />

qui partagent des détails intimes sur leurs<br />

propres défis, qu’il s’agisse d’une blessure<br />

à la moelle épinière, de dépression ou de<br />

toxicomanie. On vient se confier à lui.<br />

« Paul donne à beaucoup de gens l’espoir<br />

qu’il y a une lumière au bout du tunnel,<br />

qu’il faut continuer, dit Nichole. Quand<br />

l’accident s’est produit, je pense que son<br />

THE RED BULLETIN 81


identité lui a été complètement enlevée.<br />

Il a appris à partager le fait que l’on peut<br />

retrouver sa vie et son identité. Il a été<br />

une telle source d’inspiration pour tant<br />

de gens à leur montrer qu’il ne faut pas<br />

laisser ces blessures vous définir. C’est<br />

tellement cool de voir cela. Je ne crois<br />

pas que cela faisait partie de ses plans,<br />

mais je pense qu’il se réjouit d’apporter<br />

autant à tous ces gens, et il ne se rend<br />

même pas compte que c’est exactement<br />

ce qui est en train de se produire. »<br />

Basagoitia reconnaît que c’est un rôle<br />

qu’il apprend à assumer bien que cela ne<br />

soit pas toujours facile. Répondre à des<br />

courriels ou à des questions après une<br />

projection est une chose. Mais aller aux<br />

soins intensifs et rencontrer quelqu’un<br />

qui vient d’apprendre qu’il ne marchera<br />

peut-être plus jamais en est une autre.<br />

« Je leur parle de ma situation et de ce<br />

que j’ai fait, et j’essaie de les encourager,<br />

explique-t-il. Je trouve cela gratifiant bien<br />

que cela soit aussi difficile parce que ça<br />

remue des souvenirs. Les deux premières<br />

semaines après une lésion de la moelle<br />

épinière sont littéralement les deux pires<br />

semaines de votre vie parce que vous<br />

souffrez tellement, vous ne pouvez pas<br />

bouger, vous ne ressentez rien. L’avenir<br />

est incertain. Je leur dis : “Ne lâche pas.<br />

Garde la tête haute. On ne sait jamais ce<br />

qui peut arriver. La route sera longue.” »<br />

Il renchérit : « Moi aussi, j’ai parfois<br />

du mal avec ça. Je me dis : “Sérieux, c’est<br />

vraiment moi, ça, pour le reste de ma<br />

vie ?” La réalité nous rattrape parfois.<br />

Je me retrouve à broyer du noir et à me<br />

dire : “Ce n’est pas comme ça que je<br />

m’étais imaginé ma vie.” J’ai du mal à<br />

penser à cela, et puis l’autre côté de mon<br />

cerveau me dit : “Tu es tellement<br />

remonté. Tu as fait tellement de chemin.<br />

Tu es toujours capable de pédaler à vélo.<br />

Tu es totalement indépendant ; tu n’as pas<br />

à compter sur qui que ce soit pour t’aider.<br />

Profites-en.” Je peux dire que j’ai ça. »<br />

Avec Any One of Us sur le point d’avoir<br />

une importante diffusion, la visibilité de<br />

Basagoitia et de Nichole à l’intérieur et<br />

à l’extérieur de la communauté LM est<br />

sur le point d’exploser.<br />

« Idéalement, j’espère que rien ne changera<br />

vraiment radicalement, dit-elle.<br />

J’aime ma vie et nos vies ensemble. Je sais<br />

que c’est plus important que nous, et j’en<br />

suis si reconnaissante. Mais il est aussi très<br />

important de rester humble, et il y a tant<br />

de personnes qui ont subi une lésion de la<br />

moelle épinière et on ne leur a pas donné<br />

l’occasion de raconter leur histoire. »<br />

Sur un vélo emprunté à Cam Zink, Basagoitia passe du statut d’inconnu à celui d’étoile<br />

montante en triomphant en slopestyle lors du Crankworx 2004 à Whistler, au Canada.<br />

C’est dans l’air<br />

Paul Basagoitia souffre de vertiges. Cela<br />

peut sembler une forme d’humour noir<br />

venant d’un homme dont l’ancienne<br />

carrière comportait des sauts de vingt<br />

mètres, mais c’est la vérité – ce qui rend<br />

d’autant plus intéressant le fait qu’il<br />

cherche maintenant à obtenir une licence<br />

de pilote. L’un de ses bons amis est capitaine<br />

d’équipage chez SkyWest Airlines.<br />

Après l’accident de Basagoitia, il l’a<br />

emmené faire un vol sur un Cessna<br />

Skywagon. Dans les airs, Basagoitia a pris<br />

les commandes. Il a fait quelques virages<br />

et a été conquis. Sa blessure ne l’empêche<br />

pas d’utiliser les pédales ; bien qu’il ne<br />

puisse faire de dorsiflexions, il est capable<br />

BASAGOITIA SERA<br />

BIENTÔT UN HOMME<br />

MARIÉ. IL A FAIT SA<br />

DEMANDE À NICHOLE<br />

EN OCTOBRE 2017 À<br />

MALIBU, DEUX ANS<br />

APRÈS L’ACCIDENT.<br />

de manœuvrer et de ralentir l’avion à<br />

l’aide de ses talons.<br />

Et, autre périple, Basagoitia a repris<br />

contact avec sa mère. Ils ne s’étaient pas<br />

parlé depuis plusieurs années avant son<br />

accident et cela s’est encore prolongé<br />

pendant une bonne partie de la première<br />

année de son rétablissement. « Elle se<br />

faisait du souci, mais j’étais tellement<br />

concentré sur mon rétablissement que<br />

je ne voulais pas essayer de régler notre<br />

relation en même temps, dit Basagoitia.<br />

Mais en ce moment, nous discutons une<br />

fois par semaine, ou toutes les deux<br />

semaines. C’est beaucoup mieux maintenant<br />

que ça ne l’a jamais été depuis de<br />

nombreuses années. »<br />

Elle assistera peut-être à son mariage.<br />

Car Basagoitia sera bientôt un homme<br />

marié. Il a fait sa demande à Nichole en<br />

octobre 2017 à Malibu, deux ans après<br />

son accident. Dans l’une des dernières<br />

scènes du film, il met sa canne de côté,<br />

se dirige vers elle sans aide, s’agenouille<br />

et fait sa demande. Ils ont d’abord envisagé<br />

de se marier à Talum, au Mexique,<br />

mais ils ont plutôt choisi le lac Tahoe,<br />

en partie parce que son père ne prend pas<br />

l’avion. La date a été fixée au 20 février<br />

YORICK CARROUX/CRANKWORX<br />

82 THE RED BULLETIN


AVANT DE SUBIR<br />

SA BLESSURE, LE<br />

PILOTE INSPIRAIT<br />

SES FANS. DEPUIS,<br />

IL N’A CESSÉ DE<br />

LES INSPIRER.<br />

<strong>2020</strong>, bien que cela puisse ne pas se<br />

produire comme prévu. « Nous allons<br />

rester ensemble jusqu’à notre mort, si<br />

Dieu le veut, alors il n’y a pas vraiment<br />

d’urgence à célébrer notre union, dit<br />

Nichole. Nous sommes toujours dans<br />

l’après-coup du tournage et des festivals<br />

de cinéma. La planification d’un mariage<br />

n'est pas une priorité. » Et même s’il utilisera<br />

peut-être une canne le jour venu,<br />

Basagoitia marchera plutôt qu’il ne roulera<br />

dans l’allée à son mariage.<br />

Et qu’en est-il de l’avenir à long terme ?<br />

Et des enfants ? Pour l’instant, c’est une<br />

éventualité – toujours dans le domaine<br />

du possible, comme le révèle l’une des<br />

scènes plus légères et plus exaltantes de<br />

Any One of Us. « Nous parlons constamment<br />

de la question des enfants, dit<br />

Basagoitia. Pour l’instant, on ne se voit<br />

pas avec des enfants de sitôt. Mais cela<br />

ne veut pas dire qu’on n’en aura pas.<br />

Après mon accident, la dernière chose<br />

que je voulais, c’était d’avoir un enfant<br />

et de ne pas pouvoir lui montrer comment<br />

faire du vélo ou de marcher dans le parc.<br />

Ça m’aurait tué de ne pas pouvoir tenir<br />

mon propre enfant dans mes bras, ni de<br />

le lancer dans les airs. J’étais terrifié à<br />

l’idée que je n’y arriverais peut-être<br />

jamais. Je peux cependant lui montrer<br />

comment faire du vélo, ça je peux le faire.<br />

Peut-être pas le lancer dans les airs, mais<br />

je peux certainement lui montrer comment<br />

faire du vélo. »<br />

Quel héritage ?<br />

De retour à la randonnée sur vélo dans<br />

le Mount Rose Wilderness par une chaude<br />

journée de juin. Nous avons atteint le<br />

sommet de l’ascension. Nous nous<br />

sommes arrêtés pour reprendre notre<br />

souffle et contempler la vue à partir du<br />

Mount Rose. Le plus dur est maintenant<br />

derrière nous.<br />

C’est comme la vie de Paul Basagoitia<br />

en ce moment. Le plus dur est derrière<br />

lui. Mais cela ne sera jamais facile. À ce<br />

stade-ci, c’est une question de perspective.<br />

Concilier ce qu’il avait avant et ce<br />

qu’il a maintenant – et ce qu’il aurait pu<br />

avoir. D’un côté, c’est un athlète d’élite<br />

qui volait dans les airs avec grâce. D’un<br />

autre, il peut marcher avec une seule<br />

canne. Il peut encore faire du vélo. « Mon<br />

père disait souvent pour plaisanter que je<br />

faisais du vélo avant de marcher. Ce qui<br />

était vrai, et ce qui est toujours vrai. »<br />

Une partie de cette perspective<br />

consiste à concilier sa nouvelle identité<br />

avec ce qu’il était avant son accident.<br />

« Cette blessure va me suivre pour le restant<br />

de mes jours, dit-il. Même quand je<br />

poste une vidéo ou une photo de moi à<br />

vélo, les gens disent : “Oh, je suis si<br />

content de te revoir à vélo après ta blessure.”<br />

Je fais du vélo depuis deux ou trois<br />

ans ! On croit que je suis de retour sur le<br />

vélo seulement maintenant ? Ça fait des<br />

années que je refais du vélo ! » Je dis que<br />

cela me semble une remarque naturelle<br />

et bien intentionnée. Qu’est-ce qu’on<br />

devrait dire alors ? « “Beau style”,<br />

répond-il. Ou “Quelle allure”. Je ne sais<br />

pas, moi. Je ne sais pas quelle est la<br />

bonne réponse, mais chaque fois que<br />

j’affiche une photo de moi sur un vélo,<br />

c’est toujours : “Content de te revoir à vélo<br />

après ta blessure.” C’est toujours lié à<br />

cette blessure. Peu importe ce que je fais.<br />

Je pouvais vivre avec ça la première ou<br />

les deux premières années, mais cela va<br />

bientôt faire trois ans… »<br />

Trois ans, et un film. « Et c’était une<br />

chose au sujet de ce film. J’ai réalisé un<br />

max de trucs cool en vélo de montagne.<br />

J’ai vraiment accompli des choses exceptionnelles<br />

dans ce sport. Mais ce qu’on<br />

retiendra de moi, ce sera cet accident.<br />

Les gens oublient le titre de Crankworx<br />

ou que j’ai été la première personne à<br />

faire un 720 en VTT. Je vais être connu<br />

pour avoir fait une erreur aux conséquences<br />

désastreuses. Mon héritage sera<br />

de rester dans les mémoires comme le kid<br />

qui a subi un accident qui l’a laissé paralysé<br />

au Rampage. »<br />

Mais tout cela fait partie du même<br />

héritage, lui dis-je. Tout est lié. Avant sa<br />

blessure, Basagoitia inspirait ses fans.<br />

Depuis, il continue de les inspirer. Avant<br />

sa blessure, il a lutté, s’est débattu et a<br />

surmonté les obstacles. Depuis, il fait la<br />

même chose. Il ne s’est pas résigné. Il<br />

s’est défendu. Il a surmonté les obstacles.<br />

Et ça, je dirais, c’est l’histoire de Paul<br />

Basagoitia. « Je pense que c’était l’histoire<br />

de toute ma vie, résume-t-il. Grandir,<br />

vivre dans une chambre d’hôtel, se<br />

présenter au plus grand événement,<br />

Crankworx, avec un vélo emprunté, sans<br />

sponsor… J’ai été un outsider toute ma<br />

vie. Avec cette blessure, les chances que je<br />

récupère autant que je l’ai fait… J’étais<br />

vraiment un outsider. Donc si je restais<br />

connu pour ça – “Ce mec a reçu des cartes<br />

de merde à la naissance mais il a toujours<br />

tiré le meilleur parti de la situation, il<br />

s’est toujours défendu” – alors je crois<br />

que je serais heureux. »<br />

Qu’il le veuille ou non, ce sera ça, son<br />

héritage. La page s’est tournée quand il<br />

a été blessé à la moelle épinière. Mais ce<br />

n’était pas le dernier chapitre. « Je n’aurai<br />

plus à regarder en arrière, dit-il. Je vais<br />

continuer à regarder vers l’avenir. L’un<br />

de mes amis m’a donné le meilleur<br />

conseil qui soit. Il m’a dit : “Tu ne peux<br />

pas toujours regarder en arrière dans la<br />

vie, Paul, ça ne fait que te donner mal<br />

au cou.” Et c’est foutrement vrai. »<br />

Et à ces mots, dans un nuage de<br />

poussière, Paul Basagoitia part, volant<br />

gracieusement sur la piste à une vitesse<br />

impressionnante. Tout le reste – les festivals<br />

de cinéma, le nouveau boulot, la physiothérapie,<br />

la planification du mariage –<br />

attendra. Pour l’instant, il est en transe,<br />

totalement en paix. Pour l’instant, il ne<br />

regarde pas en arrière. Il attend, avec<br />

impatience.<br />

THE RED BULLETIN 83


guide<br />

au programme<br />

TEST FATAL<br />

Est-ce que des montres<br />

pourront résister à une<br />

pression de folie, par<br />

11 km de profondeur ?<br />

PAGE 90<br />

CARTE VITALE<br />

Ida Mathilde Steensgaard<br />

assure dans le<br />

biz et dans la perf.<br />

Comment allier les<br />

deux ? PAGE 92<br />

KONSTANTIN REYER<br />

VIENS DONC...<br />

Dans le Verdon ! Pour<br />

un séjour de grimpe<br />

dans le Grand Canyon<br />

européen avec Stefan<br />

Glowacz. PAGE 86<br />

ÉCRAN TOTAL<br />

Action, dépassement et<br />

inspiration : c'est 7/7,<br />

24/24, sur <strong>Red</strong> Bull TV.<br />

Le programme du mois.<br />

PAGE 94<br />

THE RED BULLETIN 85


G U I D E<br />

Faire.<br />

En mode Glowacz : le Bavarois (54 ans) légende de l’escalade accompagne le groupe durant une semaine dans le sud de la France.<br />

GORGES DU VERDON<br />

SECRETS (ENCORE)<br />

BIEN GARDÉS<br />

Destination <strong>Red</strong> Bull vous propose des voyages hors du<br />

commun avec des athlètes d’exception. Découvrez le paradis<br />

français de l’escalade avec l’aventurier Stefan Glowacz.<br />

Passionné d’escalade et<br />

d’aventure, les gorges du<br />

Verdon me fascinent depuis<br />

plus de vingt ans. Creusé patiemment<br />

depuis des millions d’années<br />

par la rivière éponyme, ce gigantesque<br />

défilé de 40 kilomètres<br />

en Provence, à deux heures de<br />

voiture à l’ouest de Nice atteint<br />

sept cents mètres de profondeur.<br />

Cela lui vaut d’être aujourd’hui<br />

surnommé le « Grand Canyon de<br />

l’Europe ». Ses parois rocheuses<br />

escarpées sont un éternel enchantement<br />

et la qualité du calcaire<br />

est exceptionnelle.<br />

Symbole du Verdon : les majestueuses falaises calcaires.<br />

86 THE RED BULLETIN


voyage<br />

INFOS<br />

LE GRAND CANYON<br />

EUROPÉEN<br />

Falaises de calcaire escarpées, BASE jump<br />

et rivière des enfers, le Verdon est la promesse<br />

d’une pure aventure.<br />

Paris<br />

France<br />

Les participants au voyage découvrent le Verdon dans le confort d’un van aménagé.<br />

La Palud<br />

Nice<br />

Un van vous attendra à votre arrivée<br />

à l’aéroport de Nice pour un transfert<br />

à La Palud, point de départ de votre voyage<br />

en compagnie de Stefan Glowacz.<br />

KONSTANTIN REYER, GETTY IMAGES<br />

Expert de l’outdoor : Glowacz a mené des expéditions au Groenland et en Antarctique.<br />

Je m’y rends quasiment chaque<br />

année pour grimper, mais aussi<br />

pour jouir de l’art de vivre local<br />

dont l’authenticité a su être préservée.<br />

Les dix jours de notre<br />

voyage Destination <strong>Red</strong> Bull suffisent<br />

amplement pour explorer<br />

la vaste vallée. Ma connaissance<br />

intime du Verdon me permet de<br />

vous faire découvrir des voies qui<br />

ne figurent pas dans les guides<br />

d’escalade. Un petit avantage issu<br />

de mes liens d’amitié avec la<br />

population locale.<br />

Le choix des voies d’escalade<br />

est fonction du niveau des participants.<br />

C’est à dire que je définis<br />

l’itinéraire selon les capacités du<br />

groupe, en faisant bien attention<br />

à ce que chacun se sente à l’aise<br />

« Ce voyage, c’est<br />

l’occasion de transmettre<br />

l’expérience<br />

acquise au cours<br />

de mes quarante<br />

ans de carrière<br />

d’escalade. »<br />

sur les parois et les chemins<br />

choisis. Nous procédons de<br />

manière progressive en commençant<br />

par des voies abordables<br />

situées aux abords de la gorge<br />

afin de s’habituer dans un premier<br />

temps à la qualité de la roche<br />

TEMPS FORTS<br />

LE STYX DU VERDON<br />

Le Styx est, dans la mythologie grecque, le fleuve<br />

des enfers. La référence à ce dernier tient au fait<br />

que le Styx du Verdon disparaît sous un énorme<br />

chaos rocheux dans un passage resserré pour<br />

suivre son cours sous terre.<br />

VILLAGE SPORTIF<br />

« Le village de La Palud n’a guère changé depuis<br />

vingt ans, explique Stefan Glowacz, expert du Verdon.<br />

Alpinistes et BASE jumpers s’y attardent volontiers<br />

tant l’ambiance est chaleureuse, d’autant plus<br />

qu’à notre arrivée en septembre, la plupart des<br />

touristes sont déjà repartis. »<br />

BON À SAVOIR<br />

QUEL EST LE NIVEAU D’ESCALADE EXIGÉ ?<br />

« Nous sélectionnons un circuit adapté à tous les<br />

participants, précise Glowacz. Un niveau de cotation 6<br />

et une bonne maîtrise des techniques de l’assurage<br />

permettent de profiter pleinement du voyage. »<br />

ET LA NOURRITURE DANS TOUT ÇA ?<br />

Plats faits maison avec les produits frais du supermarché<br />

de La Palud. Pour l’amateur de fourgon qu’est<br />

Glowacz, voyager vrai c’est « cuisiner ensemble<br />

et barbecue au feu de camp le soir venu ».<br />

THE RED BULLETIN 87


G U I D E<br />

Faire.<br />

voyage<br />

DESTINATION RED BULL<br />

VOS AVENTURES<br />

AVEC DES ATHLÈTES<br />

Initiez-vous à la MotoGP sur circuit privé,<br />

visitez New York dans un mode exclusif<br />

ou pratiquez le triathlon avec un crack<br />

du Ironman Hawaï, bien d’autres aventures<br />

encore sont possibles.<br />

NEW YORK<br />

AVEC LES INITIÉS DE SA VIE CULTURELLE<br />

Explorez la « Grosse Pomme » avec les locaux.<br />

Grands restaurants, événements sportifs ou<br />

soirées, vous bénéficiez d’un accès VIP.<br />

BARCELONE<br />

AVEC SETE GIBERNAU ET DANI PEDROSA<br />

Améliorez votre technique de pilotage sur le circuit<br />

privé avec Sete Gibernau, légende du MotoGP et vivez<br />

le GP de Barcelone en VIP dans les coulisses.<br />

FUERTEVENTURA<br />

AVEC SEBASTIAN KIENLE<br />

Entraînez-vous avec le vainqueur Ironman d’Hawaï<br />

au bord de la mer, dans un centre où des scientifiques<br />

du sport vous concoctent un programme sur mesure.<br />

SPIELBERG<br />

AVEC MARK WEBBER<br />

Expérimentez le Grand Prix d’Autriche en VIP, profitez<br />

de l’hospitalité de la Styrie et aventurez-vous sur<br />

le circuit dès le lendemain de la course.<br />

Autour du feu : cuisiner, pour Stefan Glowacz, c’est au grand air et ensemble.<br />

locale. Pour être à l’aise dans cette<br />

escapade provençale, je vous<br />

conseille d’avoir au moins un<br />

niveau 6 en escalade (échelle<br />

française) et de maîtriser les techniques<br />

d’assurage.<br />

À l’intérieur de la gorge, des<br />

guides de montagne aguerris nous<br />

accompagnent et prennent en<br />

charge l’équipement et la sécurité.<br />

Ce que j’aime en tant que grimpeur<br />

et aventurier, c’est de partager<br />

mon style de vie avec les<br />

hôtes. Le fait de se déplacer et de<br />

vivre dans des fourgonnettes est<br />

pour moi un élément essentiel de<br />

cette expérience qui résume à elle<br />

seule toute ma vie. J’aime cette<br />

liberté de pouvoir changer d’endroit<br />

chaque soir et faire halte<br />

dans un lieu agréable. Se réveiller<br />

au petit matin pour admirer le<br />

lever du soleil, préparer du café<br />

au grand air et déguster ensemble<br />

des grillades le soir venu en<br />

échangeant les impressions sur la<br />

journée écoulée. La présence d’un<br />

supermarché à La Palud facilite<br />

l’achat de produits frais. La cuisine<br />

est l’affaire de tous et nous<br />

saurons vous sustenter avec de<br />

bons petits plats.<br />

Pendant notre voyage, je m’attacherai<br />

également à transmettre<br />

autant que faire se peut, l’expérience<br />

acquise au cours de mes<br />

quarante années d’escalade et<br />

d’expéditions. Cela ne se limite<br />

pas à l’escalade en soi, mais<br />

couvre aussi la préparation d’une<br />

expédition ou d’un campement<br />

dans des lieux retirés.<br />

Je passe en revue les erreurs<br />

à éviter et les stratégies éprouvées<br />

sur le terrain. Bref, je mets tout<br />

mon savoir à la disposition de<br />

mes compagnons d’aventure.<br />

Alors que devez-vous attendre<br />

de notre voyage ? Pour moi, la vie<br />

se compose d’une suite de<br />

moments. Plus ils sont intenses,<br />

plus ils deviennent inoubliables.<br />

J’ai vécu beaucoup de moments<br />

forts dans les gorges du Verdon :<br />

debout face au paysage avec des<br />

vautours qui planent juste audessus<br />

de ma tête et que j’accompagne<br />

du regard ou encore assis<br />

dans la gorge au bord de la rivière<br />

contemplant l’eau qui scintille,<br />

jouissant de tout mon être de<br />

l’instant présent. Ces moments<br />

occupent une place particulière<br />

dans ma vie. Et il me tient à cœur<br />

de les faire vivre à mes invités.<br />

Voyage Destination <strong>Red</strong> Bull<br />

avec Stefan Glowacz :<br />

du 11 au 20 septembre <strong>2020</strong>.<br />

Tous les voyages, infos et réservations sur<br />

destination.redbull.com<br />

KONSTANTIN REYER<br />

88 THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN<br />

Le prochain numéro le 20 février avec et le 5 mars avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement<br />

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL


G U I D E<br />

Avoir.<br />

L’OMEGA ULTRA DEEP<br />

MONTRE DES<br />

PROFONDEURS<br />

Les Suisses d’Omega ont fabriqué une<br />

montre qui a accompagné Victor Vescovo<br />

dans la fosse des Mariannes, fixée sur<br />

l’extérieur du sous-marin de l’explorateur.<br />

Victor Vescovo est un<br />

habitué des exploits audacieux.<br />

Ce Texan de<br />

53 ans, ancien officier de marine,<br />

aviateur et pilote d’essai<br />

de sous-marin, a accompli le<br />

Grand Chelem des Explorateurs<br />

– ascension des plus<br />

hauts sommets sur les sept<br />

continents et se rendre en ski<br />

au centre des deux pôles.<br />

En avril dernier, il plonge<br />

à quatre reprises dans la fosse<br />

des Mariannes jusqu’au<br />

Challenger Deep, point le plus<br />

profond jamais mesuré dans<br />

l’océan Pacifique. Une profondeur<br />

de 10 994 m, soit plus de<br />

2 km de plus que l’Everest,<br />

mais avec une pression atmosphérique<br />

mille fois supérieure<br />

à celle de la surface de la<br />

Terre. « Dire que l’environnement<br />

est hostile est un euphémisme,<br />

explique Vescovo. Le<br />

fait qu’aucun sous-marin ne<br />

l’a effectué plus d’une fois, me<br />

pousse à réfléchir à un submersible<br />

capable de répéter<br />

l’opération de manière<br />

fiable. » La réponse nécessitera<br />

plus de 32 millions d’euros,<br />

coût du DSV Limiting Factor,<br />

un submersible biplace entièrement<br />

financé par Vescovo<br />

pour l’expédition Five Deeps,<br />

avec pour objectif d’atteindre<br />

le point le plus profond des<br />

cinq océans. « Je ne voulais<br />

pas de partenariat afin de garder<br />

le contrôle total », précise<br />

le multimillionnaire, qui a bâti<br />

sa fortune à Wall Street. Lors<br />

de la première plongée de<br />

l’expédition dans la fosse de<br />

Porto Rico en Atlantique,<br />

l’horloger suisse Omega découvre<br />

que Vescovo porte une<br />

Omega Seamaster, l’un de ses<br />

modèles. Le fabricant helvète<br />

propose de réaliser une<br />

montre capable de résister aux<br />

mêmes pressions externes que<br />

le sous-marin. Il recourt donc<br />

à des morceaux de la coque du<br />

vaisseau en titane de grade 5.<br />

Trois exemplaires accompagnent<br />

Vescovo lors de sa<br />

descente dans le Challenger<br />

Deep : deux sont fixés aux bras<br />

du robot du Limiting Factor et<br />

le troisième à l’un de ses trois<br />

trains d’atterrissage. Alors qu’il<br />

Résister<br />

Omega Seamaster<br />

Planet Ocean Ultra Deep<br />

Professional<br />

En avril dernier, lorsque l’explorateur<br />

Victor Vescovo s’enfonce<br />

vers le point le plus profond des<br />

océans, il porte à son poignet<br />

une montre capable de résister<br />

à 11 000 m de profondeur et à une<br />

pression plus de 1 000 fois supérieure<br />

à celle de la surface de la<br />

Terre. Un défi que le fabricant<br />

de la première montre à atterrir<br />

sur la Lune a accepté de relever.<br />

En haut à gauche dans le sens des aiguilles d’une montre : le DSV Limiting<br />

Factor, lors d’une plongée précédente de la mission Five Deeps dans<br />

l’océan Austral ; Vescovo ; maquette de la montre sur bras robotique.<br />

FIVE DEEPS EXPEDITION, OMEGA SA TOM GUISE CHRISTINA LOCK<br />

90 THE RED BULLETIN


montres<br />

SAVOIR-FAIRE<br />

LA MONTRE DE PLONGÉE<br />

ABSOLUE<br />

L’Omega Ultra Deep est une conception innovante<br />

alliant la résistance d’une coque d’un sous-marin<br />

à la grâce d’une créature de l’océan.<br />

s’approche de la profondeur<br />

record de 10 928 m, Vescovo<br />

contemple un sol vierge de<br />

tout regard humain. « On<br />

pense que le fond des fosses<br />

ressemble à la surface lunaire,<br />

mais en dix minutes, j’ai vu un<br />

concombre de mer transparent<br />

onduler lentement sur le fond<br />

marin ; il y a de la vie malgré<br />

1 086 bars de pression au cm²<br />

et une température à la limite<br />

de la congélation. » Vescovo<br />

refait surface au bout de douze<br />

heures sous l’eau, avec le Limiting<br />

Factor, la coque intacte,<br />

prête pour trois autres plongées.<br />

« Je serais mort dans ce<br />

submersible si sa construction<br />

avait eu le moindre défaut que<br />

la pression n’aurait pas manqué<br />

d’exploiter, précise-t-il.<br />

Idem pour les montres. » De<br />

fait, les trois ont résisté avec<br />

succès à la mission et sont intactes.<br />

« Omega récupère deux<br />

des montres, conclut-il en<br />

souriant. La troisième est<br />

pour moi. »<br />

L’histoire qu’Omega entretient<br />

avec les montres de plongée de<br />

précision ne date pas d’hier. En<br />

1932, le fabricant est à l’origine<br />

du premier modèle du genre.<br />

L’Omega Marine, dont le joint<br />

en liège assure l’étanchéité est<br />

alors testé dans le lac Léman<br />

Niveau de la mer<br />

0 m<br />

1 000 m<br />

2 000 m<br />

3 000 m<br />

4 000 m<br />

5 000 m<br />

6 000 m<br />

7 000 m<br />

8 000 m<br />

9 000 m<br />

10 000 m<br />

11 000 m<br />

Challenger Deep<br />

10 994 m<br />

Baleine<br />

bleue<br />

500 m<br />

Épave du<br />

Titanic<br />

3 800 m<br />

par 73 m de fond. Aujourd’hui,<br />

les montres Seamaster Planet<br />

Ocean résistent à des profondeurs<br />

allant jusqu’à 600 m, soit<br />

100 m de plus qu’une baleine<br />

bleue.<br />

Seul un plongeur équipé<br />

d’une combinaison atmosphérique<br />

de l’US Navy peut s’aventurer<br />

à une profondeur comparable.<br />

Toutefois, Omega a dû<br />

faire table rase de tout son<br />

savoir-faire pour concevoir une<br />

montre étanche à une profondeur<br />

abyssale de 11 000 m, et la<br />

développer à partir d’un nouveau<br />

concept inspiré par nul<br />

autre que le submersible de<br />

Vescovo. L’assemblage du verre<br />

saphir sur le boîtier reprend le<br />

solide design conique du hublot<br />

du Limiting Factor, permettant<br />

de mieux répartir les forces sur<br />

sa surface.<br />

Le boîtier est taillé dans du<br />

titane de grade 5 utilisé pour<br />

fabriquer la coque du sousmarin,<br />

enfin, les cornes évoquant<br />

les lobes d’une raie Manta<br />

ont été fondues pour éviter le<br />

risque de rupture en eaux très<br />

profondes. L’épaisseur de la<br />

montre n’excède cependant pas<br />

28 mm, parfaitement portable<br />

donc. Le poignet auquel la<br />

montre était destinée est celui<br />

Cadran céramique,<br />

échelle<br />

60 minutes<br />

Lunette tournante<br />

unidirectionnelle<br />

Cornes raie<br />

Manta<br />

d’un bras robotique, aussi le<br />

bracelet en polyamide avec fermeture<br />

Velcro rappelle celles<br />

des combinaisons spatiales des<br />

astronautes d’Apollo. Pour s’assurer<br />

de leur résistance et<br />

répondre aux standards des<br />

montres de plongée, Omega a<br />

ajouté une marge de sécurité de<br />

25 % à l’Ultra Deep, et les a testées<br />

avec succès à 15 000 m<br />

dans les laboratoires de Triton<br />

Submarines à Barcelone. En<br />

refaisant surface après la première<br />

plongée dans la fosse des<br />

Mariannes, Vescovo découvre<br />

que la sonde détachable où était<br />

attachée l’une des montres est<br />

restée au fond de la fosse.<br />

Vescovo hésite entre replonger<br />

pour la récupérer ou l’y laisser<br />

à jamais. Il choisit de la récupérer.<br />

Après trois jours d’attente<br />

pour retrouver des conditions<br />

propices à une deuxième plongée,<br />

l’Ultra Deep est finalement<br />

repêchée et vérifiée en surface.<br />

Elle fonctionne parfaitement et<br />

n’a perdu qu’une seconde de<br />

précision, ce qui la rend éligible<br />

à la certification Master Chronometer,<br />

le plus élevé des standards<br />

pour une montre mécanique,<br />

quelle que soit la<br />

pression.<br />

omegawatches.com<br />

Verre saphir<br />

Boîtier<br />

en titane<br />

grade 5, et<br />

couronne<br />

THE RED BULLETIN 91


G U I D E<br />

Faire.<br />

L’itinéraire OCR d’Ida<br />

affiche déjà un titre<br />

européen.<br />

TRAINING<br />

TRAVAIL DE FORCE<br />

Ida Mathilde Steensgaard est l’une des meilleures athlètes de course<br />

à obstacles extrême au monde. Mais la Danoise travaille aussi dans<br />

un bureau. Elle nous livre ses astuces pour concilier les deux.<br />

Ramper dans la boue, grimper<br />

des parois en bois, s’accrocher<br />

à des chaînes : la course<br />

à obstacles extrême met le corps<br />

à rude épreuve. Ida Mathilde<br />

Steensgaard est l’une des cracks<br />

de cette éprouvante discipline.<br />

Son palmarès inclut un championnat<br />

danois et un titre européen.<br />

Une performance d’autant plus<br />

remarquable qu’elle occupe un<br />

emploi à plein temps dans une<br />

entreprise. Comment maintient-elle<br />

un tel niveau de forme ?<br />

Pour ce faire, l’athlète de 28 ans a<br />

décidé que son lieu de travail<br />

devait aussi être un lieu où elle<br />

pouvait s’entraîner. Une stratégie<br />

gagnante. Elle décrit ici la journée<br />

idéale de l’athlète amateur.<br />

7 heures<br />

Étirements<br />

À peine réveillée, je m’étire<br />

jusqu’à faire craquer le dos.<br />

Puis je passe au rouleau de<br />

fascia, excellent outil pour des<br />

étirements matinaux !<br />

7 h 30<br />

Petit déjeuner consistant<br />

Le petit déjeuner est essentiel,<br />

il doit être copieux et me fournit<br />

l’énergie pour la séance<br />

au bureau. Je me lève un peu<br />

plus tôt pour déjeuner tranquillement.<br />

Œufs brouillés<br />

aux épinards et fromage blanc<br />

fourniront l’énergie dont vous<br />

avez besoin.<br />

LEO <strong>FR</strong>ANCIS/RED BULL CONTENT POOL, KRISTIAN FAESTE/RED BULL CONTENT POOL, MARTIN NINK/RED BULL CONTENT POOL<br />

92 THE RED BULLETIN


fitness<br />

8 heures<br />

Un petit jogging ne fait<br />

pas de mal<br />

L’idéal serait de courir<br />

jusqu’au bureau, mais dans<br />

mon cas la distance est trop<br />

longue. Du coup, je me gare à<br />

trois kilomètres et fais le reste<br />

du trajet en courant. En métro<br />

ou en train, on peut descendre<br />

un arrêt plus tôt et monter<br />

des escaliers plusieurs fois en<br />

attendant le train.<br />

9 heures<br />

L’astuce toilettes<br />

Au bureau, les micropauses,<br />

environ toutes les 90 minutes<br />

sont une belle occasion pour<br />

vous remuer. En cas de stress,<br />

certaines astuces se révèlent<br />

excellentes, comme utiliser les<br />

toilettes de l’étage au-dessus,<br />

en empruntant les escaliers<br />

bien sûr.<br />

12 h 30<br />

Pause balade<br />

Le sandwich sous le bras et<br />

un collègue à ses côtés, la<br />

pause déjeuner se prête bien<br />

à la promenade. Après avoir<br />

mangé, marchez en balançant<br />

les bras. Ça a l’air drôle, mais<br />

c’est très bon pour la circulation<br />

sanguine en plus de vous<br />

revigorer pour le reste de la<br />

journée.<br />

séance du soir. Du bureau,<br />

je me rends au gymnase sans<br />

passer à la maison où repartir<br />

sera difficile une fois que l’on<br />

s’est installé dans le canapé.<br />

Mieux vaut éviter la case maison<br />

! On ne regrette jamais<br />

une séance d’entraînement<br />

accomplie, mais toujours celle<br />

que l’on a esquivée.<br />

19 heures<br />

Tapis avec vue<br />

Parfois, lorsqu’on sort tard<br />

du bureau, on a qu’une<br />

envie : rentrer chez soi, se<br />

poser devant un écran et<br />

déconnecter, et c’est bien<br />

compréhensible. En revanche,<br />

rien ne vous empêche de le<br />

faire sur un tapis face à la télé<br />

en effectuant des burpees<br />

(enchaînements de flexion<br />

des jambes, pompes et de saut<br />

stretch, ndlr) très sportifs. Pas<br />

très pratique pour regarder<br />

un documentaire complexe,<br />

auquel cas la planche (avec<br />

appui sur les avant-bras, ndlr)<br />

sera plus indiquée.<br />

22 heures<br />

Se détendre pour Morphée<br />

Ma journée finit comme elle<br />

a débuté, par des étirements<br />

et le rouleau de fascia. À nouveau,<br />

tout le corps y passe.<br />

Au lit, je soulève mes épaules<br />

jusqu’aux oreilles et les<br />

abaisse autant que possible.<br />

Cela produit la sensation<br />

d’étirements après une grosse<br />

séance d’entraînement. Ce qui<br />

en fin de compte est le cas.<br />

Instagram : @idamathildee<br />

CONSEILS<br />

RUDE ET<br />

RELEVÉE<br />

Focus sur la course<br />

à obstacles extrême,<br />

l’un des sports les plus<br />

difficiles au monde.<br />

PUISSANCE, VITESSE<br />

ET ENDURANCE<br />

La course à obstacles extrême<br />

ou OCR (Obstable Course<br />

Racing) met le corps à rude<br />

épreuve. Avancer ou se soulever<br />

à la force des bras est très<br />

énergivore. Le temps est compté<br />

et un parcours exige une<br />

forte endurance pour passer<br />

jusqu’à trente obstacles.<br />

EN AVANT, MARCHE !<br />

L’OCR s’inspire des parcours<br />

du combattant utilisés dans<br />

l’entraînement des armées.<br />

L’OCR ULTIME<br />

Lancée en 1987 en Angleterre,<br />

la Tough Guy Competition<br />

est la plus exigeante<br />

et la plus ancienne course<br />

officielle d’OCR.<br />

OBJECTIF OLYMPIQUE<br />

Les athlètes d’OCR œuvrent<br />

pour l’intégration de la discipline<br />

aux Jeux olympiques.<br />

Mais l’OCR devra attendre<br />

jusqu’en 2028, à l’occasion<br />

des Jeux de Los Angeles.<br />

14 heures<br />

Oser la différence<br />

Parfois au bureau, j’effectue<br />

des exercices ne nécessitant<br />

pas de tenue sportive comme<br />

les fentes en avant, par<br />

exemple. Le regard de mes<br />

collègues ne me gêne pas.<br />

Soyez pionnier et montrez la<br />

voie. J’ai pour ma part déjà<br />

convaincu la moitié de mes<br />

collègues !<br />

16 heures<br />

Rester ferme<br />

L’après-midi, je mange une<br />

banane en prévision de la<br />

Bien accrochée :<br />

Ida passe en mode<br />

entraînement.<br />

« Balancer les bras<br />

en marchant favorise<br />

la circulation<br />

sanguine et revigore<br />

pour le reste<br />

de la journée. »<br />

Ida Mathilde<br />

Steensgaard,<br />

athlète de course<br />

à obstacles<br />

THE RED BULLETIN 93


G U I D E<br />

Voir.<br />

décembre-janvier<br />

SUR DE<br />

NOUVEAUX<br />

TERRAINS<br />

Rallye dans le désert<br />

d’Arabie, tricks de BMX<br />

dans les rues du Nigeria et<br />

combats de rue virtuels<br />

au Japon sont quelques-uns<br />

des temps forts qui vous<br />

attendent ce mois-ci.<br />

REGARDEZ<br />

RED BULL TV<br />

PARTOUT<br />

<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />

télévision connectée : où que<br />

vous soyez dans le monde,<br />

vous pouvez avoir accès aux<br />

programmes, en direct ou en<br />

différé. Le plein de contenus<br />

originaux, forts et créatifs.<br />

Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />

Ne ratez pas le plus<br />

emblématique des rallyes.<br />

5<br />

au 17 janvier DIRECT<br />

RALLYE DAKAR<br />

Après trente ans en Afrique et onze ans en Amérique du Sud,<br />

le Rallye Dakar ouvre un nouveau chapitre au Moyen-Orient<br />

en <strong>2020</strong>. Le passage du Pérou au désert d’Arabie saoudite,<br />

trentième pays d’accueil du rallye raid marque une étape<br />

importante dans la longue et glorieuse histoire du Dakar.<br />

Pilotes, copilotes et équipes d’assistance devront s’adapter<br />

à un tout autre environnement. L’aventure est retransmise<br />

et donc à suivre sur <strong>Red</strong> Bull TV.<br />

17<br />

décembre À LA DEMANDE<br />

ENCOURAGED<br />

Le Nigérian Courage Adams, spécialiste du BMX<br />

Street, renoue avec son pays natal et ses racines,<br />

en écumant les rues imprévisibles de Lagos,<br />

la capitale du pays. Une histoire sous le signe<br />

du partage…<br />

21<br />

et 22 décembre DIRECT<br />

RED BULL KUMITE<br />

Né à Paris en 2015, l’excitant tournoi du célèbre<br />

jeu vidéo de baston Street Fighter s’exporte au<br />

Japon, son berceau spirituel ! Les quinze meilleurs<br />

joueurs du monde s’affronteront, auxquels<br />

s’ajoutent les gagnants du Last Chance Qualifier.<br />

MARCIN KIN/RED BULL CONTENT POOL(2), OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL<br />

94 THE RED BULLETIN


Faire.<br />

30<br />

janvier au 2 février<br />

Le Touquet,<br />

encore et toujours<br />

Imaginé par Thierry Sabine, futur<br />

créateur du Paris-Dakar alors attaché<br />

à la communication de la cité balnéaire,<br />

l’Enduropale du Touquet Pasde-Calais<br />

est devenu un événement<br />

européen majeur et rassemble jusqu’à<br />

500 000 spectateurs. La plus grande<br />

course d’enduro d’Europe et la plus<br />

longue course sur sable au monde est<br />

de retour et plus de 2 000 participants<br />

sont attendus pour les 5 courses de<br />

cette épreuve qui fête sa 45 e édition.<br />

Le Touquet ;<br />

enduropaledutouquet.com<br />

23 30<br />

au 26 janvier<br />

T’as vu<br />

Monte-Carlo ?<br />

Le WRC n’en finit plus d’exciter les<br />

foules qui se pressent sur chacune<br />

de ses étapes pour y apercevoir (ça va<br />

très vite !) les dieux du rallye. La saison<br />

<strong>2020</strong> commence à nouveau avec le<br />

rallye de Monte-Carlo qui va permettre<br />

aux forces en présence de se jauger<br />

et de démontrer leur détermination,<br />

pour, qui sait, stopper dans son élan<br />

Ott Tänak, l’Estonien champion en<br />

date d’une épreuve dominée par des<br />

Français ces vingt dernières années,<br />

les deux Sébastien : Loeb et Ogier.<br />

Monaco ; wrc.com<br />

janvier-mars<br />

janvier<br />

La nuit des<br />

masques<br />

Quand les Ricains de Slipknot se<br />

pointent avec leur premier album et<br />

leurs masques effrayants en 1999,<br />

les Metalhead pètent les plombs.<br />

En concert, Slipknot offre un show<br />

incroyable, entre kermesse brutale<br />

et haut niveau de technique, à voir,<br />

revoir, ou re-revoir. Alors, jetez-vous<br />

sur les potentiels billets restants,<br />

et si c’est complet, priez… Les dieux<br />

du metal gâtent parfois leurs fidèles<br />

dans l’adversité.<br />

Paris, AccorHotels Arena ;<br />

slipknot.com<br />

GILLES REBOISSON/RED BULL CONTENT POOL, JOHAN DESMA<br />

25<br />

janvier et 7 mars<br />

<strong>Red</strong> Bull<br />

Tout Schuss<br />

Freiner, c’est tricher ! Et ici, le concept de tout<br />

schuss se conçoit autant sur les pistes enneigées<br />

que sur les dancefloors : 300 hommes et<br />

femmes qui partent en sprint tous ensemble<br />

vers leurs skis ou snowboards pour ensuite descendre<br />

jusqu’au pied des pistes où un afterski<br />

de haut vol les attend. Le premier ou la première<br />

en bas gagne la course, et n’oubliera surtout pas<br />

de participer à la grosse soirée à l’arrivée, ouverte<br />

à tous, participant(e)s ou non, et gratuite.<br />

Cette année, deux stations accueillent cet événement<br />

unique, des Pyrénées (Ax 3 Domaines,<br />

en ouverture, le 25 janvier) jusqu’aux Hautes-<br />

Alpes (Les Orres, le 7 mars). Let’s go!<br />

Ax 3 Domaines et Les Orres ;<br />

redbull.com/toutschuss<br />

Glisse et fête : on fonce !<br />

15<br />

au 19 janvier<br />

Outdoormix<br />

Winter Festival<br />

L’Outdoormix Winter Festival revient à Vars la Forêt Blanche (Hautes-<br />

Alpes). Mêlant sports extrêmes et culture musicale, performance et<br />

découverte, il propose en journée des compétitions de haut niveau,<br />

des démonstrations et des initiations autour de dix disciplines sportives<br />

(ski et snowboard freeride ou freestyle, snow MTB DH, snow<br />

kayaking, highline). Le soir, des DJs et concerts enchaînent pour faire<br />

la fête toute la nuit sur le front de neige, dans les bars de la station.<br />

Vars la Forêt Blanche ; outdoormixfestival.com<br />

THE RED BULLETIN 95


MENTIONS LÉGALES<br />

THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans six pays.<br />

Vous voyez ici la une de<br />

notre édition US dédiée<br />

aux meilleurs spots<br />

pour des aventures<br />

enneigées.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

Rédacteur en chef<br />

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Maquette<br />

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Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

Country Editor<br />

Tom Guise<br />

Rédacteur associé<br />

Lou Boyd<br />

Rédacteur musical<br />

Florian Obkircher<br />

Directeur Secrétariat de rédaction<br />

Davydd Chong<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Nick Mee<br />

Publishing Manager<br />

Ollie Stretton<br />

Publicité<br />

Mark Bishop,<br />

mark.bishop@redbull.com<br />

Fabienne Peters,<br />

fabienne.peters@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Suisse, ISSN 2308-5886<br />

Country Editor<br />

Nina Treml<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Meike Koch<br />

Publicité<br />

Marcel Bannwart (D-CH),<br />

marcel.bannwart@redbull.com<br />

Christian Bürgi (W-CH),<br />

christian.buergi@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN USA,<br />

ISSN 2308-586X<br />

Rédacteur en chef<br />

Peter Flax<br />

Rédactrice adjointe<br />

Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

Directrice de publication<br />

Cheryl Angelheart<br />

Country Project Management<br />

Laureen O’Brien<br />

Publicité<br />

Todd Peters,<br />

todd.peters@redbull.com<br />

Dave Szych,<br />

dave.szych@redbull.com<br />

Tanya Foster,<br />

tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


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TRBMAG


Pour finir en beauté.<br />

Sur le toit du monde<br />

Le 12 octobre dernier, seize performeurs venus de (presque) tous les continents se sont<br />

affrontés lors de la finale mondiale du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style à Paris à la Villette.<br />

Un événement unique autorisant tous les styles de danse (break, voguing, danse debout,<br />

hip-hop, house...), jugé par le public et remporté par le jeune Shinshan. Parmi<br />

les compétiteurs, le Cubain LMENT s’est autorisé quelques moves au-dessus de Paris.<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

n° 95 disponible<br />

dès le 23 janvier<br />

<strong>2020</strong><br />

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL<br />

98 THE RED BULLETIN


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ÉCOUTEURS SANS FIL JBL<br />

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