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<strong>FR</strong>ANCE<br />
JANVIER <strong>2020</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec<br />
BEN LECOMTE A NAGÉ 555 KM DANS<br />
UN OCÉAN<br />
DE PLASTIQUE<br />
Ce qu’il y a appris nous<br />
poussera-t-il à agir ?
ÉDITORIAL<br />
LE PLASTIQUE N’EST<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
PLUS FANTASTIQUE<br />
En ce début d’année, ce que Ben Lecomte veut nous<br />
faire comprendre, c’est l’ampleur d’un désastre qui<br />
se déroule sous nos yeux : l’omniprésence du plastique<br />
sur la planète, et ses répercussions environnementales,<br />
probablement irréversibles. Il n’accuse<br />
pas, ne pointe pas du doigt, ne joue pas les moralisateurs.<br />
Ben Lecomte est un homme animé par les<br />
mêmes désirs et espoirs que vous, nous : un homme<br />
ordinaire en somme. Mais un homme ordinaire qui<br />
accomplit des choses extraordinaires, en érigeant<br />
ses convictions au- dessus du niveau de la mer.<br />
Après avoir traversé l’Atlantique à la nage une<br />
première fois en 1998, il a nagé dans le vortex du<br />
Pacifique nord en 2019 pour documenter une réalité<br />
méconnue car loin de nous. C’est sous le niveau<br />
de la mer que Ben Lecomte nous invite à regarder,<br />
avant de plonger dans la réflexion.<br />
ROD GLACIAL<br />
Originaire de Bretagne<br />
mais Parisien depuis dix ans,<br />
Rod Glacial a débuté dans<br />
le fanzinat puis a travaillé<br />
plusieurs années chez<br />
Noisey, le site musical de<br />
Vice. Freelance, il collabore<br />
avec divers médias. Pour<br />
ce numéro, il a rencontré<br />
Mathieu Rochet, cofondateur<br />
du magazine Gasface et<br />
auteur de la série Lost In<br />
Traplanta diffusée sur Arte<br />
en fin d’année. Page 56<br />
TOM POWELL/@ICEBREAKERNZ (COUVERTURE)<br />
Ouvrez les yeux !<br />
Votre Rédaction<br />
Ben Lecomte, 51 ans, architecte, féru de natation, marié,<br />
père de famille (ici avec ses enfants), expatrié, et fervent<br />
défenseur des océans. Bref, un homme ordinaire. P. 42<br />
NEAL ROGERS<br />
Cet Américain, collaborateur<br />
d’ESPN et du site CyclingTips,<br />
a rencontré l’inspirant pilote de<br />
VTT Paul Basagoitia. « Un jeune<br />
gars à la croisée des chemins :<br />
celui d’un athlète de haut<br />
niveau dont la carrière est<br />
stoppée par une blessure, et<br />
celui d’un homme qui devient<br />
connu dans la communauté<br />
des personnes victimes de<br />
lésions de la moelle épinière.<br />
Une communauté qu’il n’avait<br />
jamais pensé rejoindre un<br />
jour. » Page 72<br />
THE RED BULLETIN 3
56<br />
Mathieu Rochet s’est<br />
bougé aux USA pour<br />
sa vision du hip-hop.<br />
72<br />
Cette photo de Paul<br />
Basagoitia n’aurait<br />
jamais dû exister.<br />
6 Plein les yeux : sur l’eau, les cimes<br />
ou dans les airs, les athlètes français<br />
sont à l’honneur de notre<br />
galerie ce mois-ci !<br />
12 Le plastique, c’était fantastique :<br />
le top, désormais, c’est le carton<br />
14 Un disque vinyle fait de déchets<br />
marins, ça sonne comment ?<br />
15 Comme Sophie Everard, prenez la<br />
vague de l’entrepreneuriat<br />
16 Un Noir dans un gang suprémaciste<br />
blanc, c’est l’histoire vraie<br />
d’Adewale Akinnuoye-Agbaje<br />
18 À quoi nous servirait une queue ?<br />
20 Pour se faire une place dans le<br />
milieu du cinéma, Daisy Ridley<br />
avait peut-être (déjà) la Force...<br />
24 Playlist : ce qui excite Underworld<br />
26 Le Dakar, au choix<br />
La tête dans un roadbook ? Avec<br />
le couple Peterhansel ? Ou dans<br />
la catégorie Side by Side ?<br />
42 Le plastique, ce fléau<br />
Ben Lecomte a nagé dans des<br />
déchets pour envisager la suite :<br />
avec nous<br />
56 Lyon-Atlanta<br />
C’est le chemin parcouru par un<br />
passionné de hip-hop, qui voulait<br />
autre chose pour sa culture<br />
62 De la balle, la trap<br />
Gunner Stahl connaît les boss du<br />
genre, et partage son portfolio<br />
72 Rouler à nouveau<br />
Paul Basagoitia ne devait plus<br />
remonter sur un vélo. Un film<br />
raconte sa persévérance<br />
86 Les Gorges du Verdon, avec le<br />
grimpeur Stefan Glowacz, rien<br />
que pour vous<br />
90 Comment une montre a résisté<br />
aux plus grandes profondeurs<br />
jamais atteintes par l’homme<br />
92 Experte des courses d’obstacles<br />
extrêmes, Ida Mathilde s’entraîne<br />
même au bureau<br />
94 Au programme sur <strong>Red</strong> Bull TV :<br />
le Dakar comme si vous y étiez,<br />
un BMXer de retour à sa source,<br />
et les caïds de Street Fighter à<br />
nouveau réunis dans une cage...<br />
95 Agenda : la neige sportive et festive,<br />
la plus célèbre course d’enduro<br />
moto sur sable, le retour<br />
du WRC et les affreux Slipknot<br />
96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
98 Pour finir en beauté : la street<br />
dance sur le toit du monde<br />
EMILE DARVES-BLANC, DEWEY NICKS, FLAVIEN DUHAMEL<br />
4 THE RED BULLETIN
CONTENUS<br />
janvier <strong>2020</strong><br />
26<br />
Le Rallye Dakar se pointe<br />
en Arabie saoudite : nous lui<br />
dédions un dossier spécial.<br />
THE RED BULLETIN 5
CARBONNE, <strong>FR</strong>ANCE<br />
Le flow de<br />
Charraud<br />
Pour Jules Charraud, athlète français<br />
montant en puissance dans l’univers du<br />
wakeboard, tout est question de flow.<br />
C’est aussi presque une priorité pour<br />
Tomz FPV, le pilote de drone qui s’est<br />
évertué à le suivre avec son engin volant,<br />
et filmant sur le wake park de la Source,<br />
du côté de Carbonne, dans le 31, pour une<br />
vidéo de la série Follow Me à retrouver<br />
sur redbull.com.<br />
Instagram : @jules.charraud<br />
DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL
7
MATERA, ITALIE<br />
La tête à<br />
l’envers<br />
De son apparition dans le parkour<br />
en 2015 à l’âge de onze ans, à sa<br />
validation pour l’une des huit qualifications<br />
en ligne pour le <strong>Red</strong> Bull Art<br />
of Motion 2019, Lilou Ruel est l’une<br />
des plus prometteuses athlètes dans<br />
son sport. Ici, la freerunneuse française<br />
de seize ans montre aux juges<br />
de quoi elle est capable, alors qu’elle<br />
participe à la finale du <strong>Red</strong> Bull Art<br />
of Motion à Matera, en Italie. « Ce<br />
move s’appelle un bub cork, dit Lilou.<br />
Je suis la première femme à l’avoir<br />
réussi lors d’un Art of Motion, et<br />
j’en suis plutôt fière. »<br />
Instagram : @lilouruel<br />
SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, AUSTIN JACKSON/RED BULL ILLUME
SPIRIT FALLS,<br />
WASHINGTON, USA<br />
C’est la<br />
saison<br />
Quand un photographe fait preuve<br />
d’une vraie passion pour son sujet,<br />
ça se voit. Dans cette image de l’autodidacte<br />
et fan d’outdoor Austin James<br />
Jackson, la passion de l’aventure est<br />
évidente. « L’hiver est une période<br />
excitante pour explorer les gorges du<br />
Columbia, au nord-ouest des États-<br />
Unis, dit Jackson. La neige rencontre<br />
les chutes d’eau et les rivières, et la<br />
saison du kayak hivernal démarre. »<br />
Instagram : @austin.james.jackson<br />
9
MÜRREN, OBERLAND<br />
BERNOIS, SUISSE<br />
Un air de<br />
paradis<br />
Pas besoin de bouger au bout du<br />
monde pour prendre son envol dans<br />
des spots uniques. Valentin Delluc,<br />
un spécialiste du speedriding (du ski<br />
mixé à du parapente en mini-voile)<br />
s’éclate ici à deux pas de chez vous,<br />
en plein cœur du domaine de Mürren,<br />
offert à lui seul. Il est suivi par le<br />
photographe Dom Daher, venu documenter<br />
les évolutions du rider français<br />
en Suisse. « Cet endroit dans le<br />
canton de Berne était comme un petit<br />
paradis dans lequel Valentin s’est<br />
pointé par-dessus les falaises grâce<br />
à sa voile… Ce fut grandiose ! », se<br />
remémore Daher, en spécialiste des<br />
prises de vue outdoor dans les environnements<br />
les plus saisissants<br />
de la planète.<br />
Instagram : @domdaher
DOM DAHER<br />
11
Chaque Wikkelhouse peut être<br />
personnalisée avec des ajouts<br />
intérieurs et des fenêtres.<br />
WIKKELHOUSE<br />
Ça va faire<br />
un carton !<br />
Une équipe d’artistes construit de petites<br />
maisons recyclables qui sont fabriquées en<br />
enrubannant des rames de carton.<br />
Vivre dans un habitat en carton,<br />
cela semble peu probable, mais<br />
cette boîte en carton est bien<br />
réelle. C’est une maison 100 %<br />
recyclable, confortable et à la<br />
pointe de la technologie, qui<br />
peut être construite en une<br />
seule journée.<br />
Fruit de la création de Fiction<br />
Factory, un groupe de concepteurs<br />
de décors de théâtre<br />
devenu une entreprise de design<br />
créatif, la Wikkelhouse (wikkel<br />
en néerlandais signifie « emballer<br />
») est une construction de<br />
petite dimension en carton de<br />
fibres vierges. Conçue en enrubannant<br />
des rames de carton<br />
ondulé autour d’un moule, la<br />
maison est collée avec une colle<br />
écologique pour créer une structure<br />
incroyablement solide et<br />
robuste. « Wikkelhouse est<br />
synonyme d’innovation et de<br />
durabilité ainsi que de design,<br />
explique le fondateur Oep<br />
Schilling. Lorsque nous nous<br />
sommes lancés dans ce projet<br />
en 2012, nous nous sommes<br />
dit que le carton était un bon<br />
matériau écologique. En n’utilisant<br />
que du carton, nous créons<br />
ainsi beaucoup de matériau à<br />
partir d’un seul arbre. C’est<br />
donc une façon efficace d’utiliser<br />
les arbres en tant que matériau<br />
de construction. »<br />
De telles maisons ont été<br />
récemment installées dans des<br />
milieux urbains et ruraux, de la<br />
campagne néerlandaise à la<br />
skyline d’Hoxton, dans l’est de<br />
Londres. D’autres devraient<br />
suivre au cours de la prochaine<br />
année. « La plupart des gens<br />
utilisent nos maisons pour leurs<br />
loisirs mais certains aimeraient<br />
sûrement résider dans de petites<br />
habitations comme celle-ci »,<br />
détaille Schilling.<br />
Il poursuit en expliquant que<br />
l’on peut vivre longtemps dans<br />
une Wikkelhouse, à condition de<br />
la préserver et de s'en occuper.<br />
« Les maisons sont faites pour<br />
durer sinon elles ne seraient pas<br />
écologiques. Vous n’avez qu’à<br />
bien les entretenir et elles tiendront<br />
jusqu’à cent ans. »<br />
wikkelhouse.com<br />
YVONNE WITTE/WIKKELHOUSE LOU BOYD<br />
12 THE RED BULLETIN
ALPHATAURI.COM
Des déchêts dans<br />
vos feuilles ? Oui,<br />
mais en vinyle !<br />
LA VOIX DE L’OCÉAN<br />
La mer est<br />
sur écoute<br />
Le nouveau disque de Nick Mulvey est une<br />
première mondiale. Les déchets de la côte de<br />
Cornouailles, en Angleterre, l’ont inspiré et il<br />
est réalisé entièrement à partir de ceux-ci.<br />
Le disque est beau et la musique<br />
est bonne mais en réalité, c’est<br />
un déchet. Un déchet de plage.<br />
Composé et interprété par Nick<br />
Mulvey, le nouveau titre, In <strong>The</strong><br />
Anthropocene, est sorti sur un<br />
disque vinyle entièrement réalisé<br />
à partir de détritus plastiques<br />
recueillis sur les plages<br />
de Cornouailles, l’un des volets<br />
d’un projet visant à sensibiliser<br />
sur la pollution plastique croissante<br />
dans les océans. « Nous<br />
avons utilisé du plastique trouvé<br />
sur le rivage, dit Mulvey, la base<br />
est faite de déchets de filets de<br />
pêche transformés et constitue<br />
la majeure partie du vinyle alors<br />
qu’à l’intérieur même du disque,<br />
on distingue des morceaux de<br />
plastique et des emballages. »<br />
Huit millions de tonnes de<br />
plastique sont jetés chaque<br />
année dans l’océan, ce qui représente<br />
environ 75 % de tous les<br />
déchets marins (voir notre sujet<br />
Immersion dans le vortex, page<br />
42). Si la situation ne change<br />
pas, les scientifiques prévoient<br />
que cette quantité pourrait<br />
décupler d’ici 2025. « Je pense<br />
Nick Mulvey, un<br />
chanteur inspiré<br />
par l’océan.<br />
que nous sommes la première<br />
génération à vraiment comprendre<br />
l’impact que nous<br />
avons sur cette Terre et l’urgence<br />
de la situation tient à ce<br />
que nous sommes aussi la dernière<br />
génération à pouvoir faire<br />
quelque chose à cet égard, dit<br />
Mulvey. Cela ne va pas disparaître<br />
tout seul et nous devons<br />
agir dès maintenant. Mieux<br />
comprendre la nature et réaliser<br />
que nous ne sommes pas séparés<br />
de notre environnement ni<br />
supérieurs à lui sont les sujets<br />
qui ont inspirés cette chanson<br />
ainsi que toute ma musique. »<br />
Le produit de la vente et du<br />
streaming de la chanson sera<br />
versé à l’association caritative<br />
Surfers Against Sewage, afin<br />
de l’aider dans ses efforts pour<br />
réduire les déchets plastiques<br />
sur les côtes britanniques.<br />
« Avec ce projet en collaboration<br />
avec la brasserie Sharp’s, dit<br />
Nick, nous avons la possibilité<br />
de faire quelque chose de bien,<br />
la possibilité de parvenir à<br />
davantage de beauté, d’harmonie<br />
et de contacts humains. »<br />
driftrecords.com<br />
SHARP'S BREWERY, NICK MULVEY LOU BOYD<br />
14 THE RED BULLETIN
MAD TO LIVE<br />
Le take-off<br />
d’une vie ?<br />
Difficile de créer sa propre société…<br />
Sophie Everard a fait carrière<br />
dans l’aventure et vous glisse ses<br />
recommandations.<br />
RACHELLE LINCOLN LOU BOYD<br />
Qui n’a jamais rêvé d’être son<br />
propre patron ? Mais combien<br />
s’y sont risqués ? L’aventurière<br />
et fondatrice de Mad To Live,<br />
Sophie Everard a fait le saut,<br />
et dans sa cinquième année<br />
d’existence, sa société est plus<br />
que jamais dédiée aux femmes.<br />
Elle emmène des centaines<br />
de personnes pour des aventures<br />
un peu partout à travers<br />
le monde. « Je savais que je<br />
n’allais pas poursuivre une<br />
carrière dans quelque chose<br />
qui sauverait des vies, comme<br />
celle de médecin, dit la surfeuse,<br />
snowboardeuse et aventurière.<br />
Mais à ma façon, je<br />
voulais faire quelque chose de<br />
bénéfique. Le plus gratifiant<br />
fut lorsque quelqu’un a fait<br />
appel à ma compagnie et que<br />
cela a amélioré sa vie. »<br />
Le plus important lors de<br />
la création d’une boîte est de<br />
comprendre tous les aspects<br />
de votre entreprise. « Mes<br />
clients qualifient mon cheminement<br />
de carrière d’inhabituel,<br />
explique Everard. J’ai travaillé<br />
dans tous les domaines<br />
du marketing, de la vente et<br />
des relations publiques, m’assurant<br />
toujours de glaner de<br />
l’expérience dans tous les<br />
domaines. »<br />
Il n’y a jamais eu autant<br />
de ressources dans le monde<br />
pour aider les gens à transformer<br />
leurs bonnes idées en<br />
carrières épanouissantes et<br />
rentables. « En quittant un job<br />
à plein temps bien rémunéré,<br />
prévoyez des périodes d’incertitude,<br />
dit l’Américaine. À vous<br />
de les apprivoiser. »<br />
wearemadtolive.com<br />
Les conseils de<br />
Sophie Everard pour<br />
lancer votre boîte<br />
1/ Soyez audacieux<br />
« Souvent, les grandes idées<br />
sont ensevelies par les peurs<br />
des autres. Si vous avez vraiment<br />
une bonne idée, assurezvous<br />
de toujours y croire. »<br />
2/ Vos outils sont là<br />
« Pas besoin d’un matos coûteux<br />
pour se lancer. Connectez<br />
avec d’autres entrepreneurs,<br />
écoutez des podcasts, allez à<br />
des meet-up numériques, ça ne<br />
vous coûtera rien ! »<br />
3/ Ce sera intense<br />
« Vous ne pouvez pas vous<br />
permettre d’être affecté(e) par<br />
les contretemps. Vous devez en<br />
fait vous en servir pour alimenter<br />
le feu en vous. Chaque jour<br />
est imprévisible et unique. »<br />
4/ Restez vous-même<br />
« Beaucoup d’entreprises<br />
étonnantes naissent d’un<br />
état d’esprit unique, mais les<br />
gens essaieront d’étouffer cet<br />
aspect- là de vous s’ils pensent<br />
que c’est trop “décalé”.<br />
Ignorez- les et continuez. »<br />
5/ L’instinct<br />
« Il y aura des hauts et des bas,<br />
cela fait partie de la courbe<br />
d’apprentissage lors de la création<br />
d’une entreprise. Si vous<br />
vous trouvez dans une mauvaise<br />
situation, suivez votre<br />
instinct, c’est souvent le meilleur<br />
guide que vous ayez. »<br />
THE RED BULLETIN 15
ADEWALE AKINNUOYE-AGBAJE<br />
Seconde peau<br />
Dévoré par la haine de soi, ce réalisateur et acteur noir<br />
britannique a intégré un gang blanc suprémaciste à<br />
l’adolescence. Puis il est parvenu à réécrire son histoire.<br />
Comment un enfant noir qui a grandi<br />
dans l’Essex (Angleterre) des années<br />
1980 devient-il membre d’un gang<br />
de skinheads suprémacistes blancs ?<br />
Adewale Akinnuoye-Agbaje répond<br />
à cette question dans Farming, le premier<br />
film qu’il réalise pour le grand<br />
écran. Celui-ci raconte l’histoire de<br />
cet acteur et réalisateur lorsqu’il<br />
était enfant. Né de parents nigériens,<br />
il a été confié très tôt à une famille<br />
blanche dans une ville portuaire dure<br />
où sévissait la violence raciste d’où<br />
le titre (to farm : élever, cultiver).<br />
Ignoré et mal-aimé chez lui et pris<br />
pour cible dans la rue, Adewale a été<br />
contraint par son père adoptif à se<br />
battre contre ses agresseurs. Le fait<br />
qu’il ne reculait jamais devant une<br />
baston lui a valu une certaine considération<br />
de la part de ses assaillants.<br />
Au point de passer chez l’ennemi en<br />
joignant un gang raciste.<br />
Avec de la chance, du travail<br />
acharné et l’intervention d’éducateurs,<br />
Akinnuoye-Agbaje a échappé<br />
à l’avenir sans issu auquel il se destinait<br />
et a décroché un diplôme en<br />
droit. Il a ensuite poursuivi sa transformation,<br />
a déménagé à Los Angeles<br />
pour y devenir acteur et est apparu<br />
dans des séries télé comme Oz, Lost<br />
et Game of Thrones, tout en apprenant<br />
à raconter sa propre histoire.<br />
Peu de gens ont la chance de réaliser<br />
un long métrage basé sur leur propre<br />
vie mais, il y a peu de gens comme<br />
Akinnuoye-Agbaje.<br />
the red bulletin : Farming<br />
montre à quel point le sentiment<br />
d’appartenance peut être puissant,<br />
même lorsqu’on se trouve dans un<br />
environnement dangereux et<br />
dégradant...<br />
adewale akinnuoye-agbaje : Dans<br />
cette histoire, de jeunes enfants noirs<br />
sont placés dans un environnement<br />
qui leur est étranger et où ils sont les<br />
seuls enfants noirs. Leur exposition<br />
à la culture africaine vient exclusivement<br />
des médias, que ce soit avec<br />
Tarzan, Alf Garnett ou Jim Davidson,<br />
des gens qui crachaient régulièrement<br />
des injures racistes. Quand on<br />
est constamment exposé à ce genre<br />
de langage et qu’on est ensuite victime<br />
de violence physique dans la<br />
rue, quand on n’a pas de références<br />
culturelles positives ou de modèles<br />
de comportement, on commence à<br />
s’identifier aux images méprisantes.<br />
Quand mon propre père m’a envoyé<br />
me battre contre des brutes, quand<br />
j’ai suivi ce conseil et que j’ai commencé<br />
à me défendre, j’ai soudainement<br />
commencé à me faire remarquer<br />
pour autre chose que la couleur<br />
de ma peau. Et c’est devenu une<br />
bouée de sauvetage, car dès lors,<br />
les gens m’appelaient par mon nom.<br />
Cela m’a donné un sentiment de validation.<br />
Mais ne vous méprenez pas,<br />
je n’ai jamais été accepté par le gang.<br />
Dans ce genre de groupe, on est toujours<br />
considéré comme un outil, un<br />
atout utile dans la lutte contre<br />
d’autres gangs, et on prend rapidement<br />
conscience de qui on est et de<br />
qui on était. Mais bon, cela permet<br />
au moins de marcher un peu plus<br />
librement dans la rue.<br />
Comment avez-vous dévié de<br />
cette voie ?<br />
Le tournant a été la réussite de mon<br />
premier examen. Ce n’était pas une<br />
bonne note, à peine la moyenne,<br />
mais c’était prouver à moi-même que<br />
lorsque je m’appliquais, je pouvais<br />
accomplir quelque chose ; on m’avait<br />
toujours dit que je n’y arriverais pas.<br />
Ça a été une révélation pour moi.<br />
Mais il m’a fallu du temps pour sortir<br />
de cet environnement et me retrouver<br />
dans un milieu davantage multiculturel<br />
; avoir ma première petite<br />
amie de couleur a aussi été un gros<br />
truc. Ça a été un parcours tortueux<br />
et difficile parce que j’avais une telle<br />
haine de moi-même et une telle<br />
sous-estime de moi. Un soir que je<br />
galérais sur un devoir de droit, au<br />
point de fracasser un meuble dans<br />
ma chambre, un ami m’a donné une<br />
pilule qu’il avait l’habitude de<br />
prendre pour rester debout tard. Je<br />
l’ai prise et nous sommes restés d’attaque<br />
toute la nuit pour résoudre le<br />
problème. À la fin, je lui ai demandé<br />
ce que c’était, et il m’a répondu que<br />
ce n’était qu’un comprimé de vitamines<br />
et que le remède se trouvait<br />
dans ma tête. Des leçons comme ça<br />
ont commencé à m’aider à percevoir<br />
mes propres capacités.<br />
Vous avez depuis fait d’autres<br />
transformations : d’avocat à acteur,<br />
auteur et réalisateur...<br />
Et de la haine de soi à l’amour de soi.<br />
Il s’agit de vous donner les moyens<br />
de vous prendre en main par vos<br />
propres réalisations, non pas en<br />
cherchant à obtenir une validation<br />
de l’extérieur, mais en vous validant<br />
vous-même.<br />
Votre histoire montre une extraordinaire<br />
capacité d’adaptation et<br />
de survie…<br />
Mon apprentissage à Tilbury m’a<br />
donné une intrépidité face à la vie et<br />
le sentiment que rien n’est impossible.<br />
Je n’avais jamais écrit de scénario<br />
auparavant, mais il a été primé.<br />
Je n’avais jamais réalisé de film auparavant<br />
et il a été primé. La clé, c’est<br />
d’être intrépide et de se lancer. Parce<br />
que si l’on n’essaie pas, on ne peut<br />
pas savoir.<br />
hanwayfilms.com<br />
AUSTIN HARGRAVE/AUGUST JESS HOLLAND<br />
16 THE RED BULLETIN
« N’attendez pas<br />
que l’on vous<br />
valide. Faites-le<br />
vous-même. »
Un délire fashion ?<br />
Queue dalle ! D’après<br />
ses créateurs japonais,<br />
les bénéfices d’un tel<br />
appendice pour les<br />
humains sont concrets.<br />
ARQUE<br />
Le corps<br />
augmenté<br />
En matière de conception de<br />
robot, le Japon a une longueur<br />
d’avance sur le reste du monde.<br />
À la croisée de la technologie,<br />
de la prévention médicale et du<br />
loisir, voici Arque, la première<br />
queue humaine robotisée.<br />
La nature s’essaye à des expériences<br />
parfois surprenantes,<br />
mais pas dénuées de sens.<br />
Ainsi, on a récemment découvert<br />
que les personnes possédant<br />
un sixième doigt (1 naissance<br />
sur 500 dans le monde)<br />
s’accommodaient très bien de<br />
ce dernier en l’utilisant comme<br />
un pouce. À l’inverse, certains<br />
chercheurs se sont interrogés<br />
sur l’utilité de réhabiliter un<br />
appendice squelettique dont<br />
l’homme moderne n’a conservé<br />
qu’un reliquat. Nous ne parlons<br />
pas ici d’un substitut de virilité,<br />
mais bien d’une prouesse technologique<br />
réalisée par l’équipe<br />
de l’université de Keio (Tokyo),<br />
constituée de Yamen Saraiji,<br />
Junichi Nabeshima et Kouta<br />
Minamizawa. Cet appendice<br />
robotisé d’un mètre de long<br />
s’inspire de la queue des vertébrés<br />
dont le rôle est de protéger<br />
leur colonne vertébrale et de<br />
favoriser le développement de<br />
leur mobilité. Il reflète la plasticité,<br />
l’élasticité et la compression<br />
du squelette de la queue<br />
d’un hippocampe à l’aide de<br />
quatre muscles artificiels qui lui<br />
donnent la possibilité de bouger<br />
comme un pendule dans huit<br />
directions. Ces « muscles »<br />
reproduisent des contractions<br />
selon qu’ils sont remplis ou<br />
vidés d’air.<br />
Arque s’ajuste sur le dos<br />
en ajoutant ou en enlevant des<br />
poids dans les modules (ou<br />
« vertèbres ») en métal et permet<br />
ainsi de corriger une posture<br />
en déplaçant le centre de<br />
gravité de son porteur pour renforcer<br />
le corps et les muscles.<br />
À terme, l’objectif des chercheurs<br />
est d’inclure cette prothèse<br />
dans la vie quotidienne<br />
des personnes âgées ou souffrant<br />
de maux de dos en leur<br />
apportant un renfort au niveau<br />
de l’équilibre, ou tout simplement<br />
en prévention.<br />
Le deuxième aspect insoupçonné<br />
de cette queue robotisée<br />
est ludique et récréatif : utilisée<br />
en association avec un jeu de<br />
RV, elle devient un accessoire<br />
venant perturber le joueur, elle<br />
le déséquilibre, ce qui confère<br />
encore plus de réalisme aux<br />
sensations du jeu en expérience<br />
immersive. Mais une chose est<br />
sûre, avant de devenir commercialisable,<br />
Arque devra se faire<br />
socialement et publiquement<br />
accepter IRL.<br />
JUNICHI NABESHIMA, KOUTA MINAMIZAWA, MHD YAMEN SARAIJI KEIO UNIVERSITY GRADUATE SCHOOL OF MEDIA DESIGN CHRISTINE VITEL<br />
18 THE RED BULLETIN
Ven. 31 jan<br />
14h30 - 15h30<br />
ENDURO VINTAGE<br />
Sam. 1 er fév<br />
8h30 - 9h30<br />
ENDUROPALE ESPOIRS<br />
Sam. 1 er fév<br />
10h30 - 12h<br />
ENDUROPALE JUNIORS<br />
Sam. 1 er fév<br />
13h30 - 16h<br />
QUADURO<br />
Dim. 2 fév<br />
13h - 16h<br />
ENDUROPALE DU TOUQUET<br />
PAS-DE-CALAIS
DAISY RIDLEY<br />
« Une force existe<br />
quelque part,<br />
ailleurs »<br />
Il y a quatre ans, l’Anglaise Daisy Ridley, décollait pour<br />
la stratosphère de Star Wars. Avec la sortie du troisième<br />
volet de la nouvelle trilogie, l’actrice explique les stratégies<br />
auxquelles elle a recouru pour se frayer un chemin.<br />
the red bulletin : Votre personnage<br />
de la saga Star Wars se laisse<br />
convaincre de rejoindre le Côté<br />
obscur de la Force. Mais qu’est-ce<br />
donc que ce Côté obscur ?<br />
daisy ridley : C’est lorsque vous<br />
utilisez des choses qui pourraient<br />
être utilisées à de bonnes fins pour<br />
faire exactement le contraire. On<br />
pourrait aussi dire que c’est lorsque<br />
tu fais quelque chose pour toi seul<br />
plutôt que pour le bien de la communauté.<br />
Le Côté obscur de la Force<br />
existe donc vraiment. La plupart des<br />
gens sont aimables les uns envers<br />
les autres mais d’autres n’ont pas de<br />
limites et croient qu’ils vivent dans<br />
un autre monde que celui du reste<br />
de l’humanité.<br />
Ce n’est pas votre façon d’agir...<br />
Tout d’abord, j’ai des principes moraux.<br />
Par exemple, lorsque je suis<br />
très fatiguée, cela me serait facile<br />
d’être impolie envers les autres. Mais<br />
je dois justement me ressaisir, parce<br />
que l’autre n’y peut rien.<br />
Comment gardez-vous cette attitude<br />
louable ? Vous faites souvent<br />
face à des situations stressantes…<br />
Il faut simplement être reconnaissant<br />
et tu n’auras pas de sentiments négatifs.<br />
Je suis donc surtout reconnaissante<br />
envers les gens que je connais<br />
et pour ce qu’on m’a permis de faire.<br />
Et encore une fois, cela signifie que<br />
je ne tiens rien pour acquis.<br />
Par exemple, il n’était certainement<br />
pas évident que l’on vous<br />
confie un rôle principal dans Star<br />
Wars. Pourquoi pensez-vous que<br />
cela a fonctionné ?<br />
Il faut beaucoup de chance. Et cette<br />
chance doit être complétée par un<br />
travail acharné. Mais le rapport n’est<br />
pas 50/50. Cela varie. Parfois il y a<br />
davantage de chance, ou davantage<br />
de travail. Et avec cette combinaison,<br />
j’ai appris à connaître les bonnes<br />
personnes grâce à qui j’ai rencontré<br />
encore plus de bonnes personnes.<br />
Ça aussi c’est important.<br />
Et qu’est-ce qui a fait la différence<br />
à propos de Star Wars ?<br />
D’être au bon endroit au bon<br />
moment. Et le fait que j’incarnais<br />
quelque chose que le réalisateur<br />
J.J. Abrams recherchait. En dehors<br />
de cela, je pense aussi qu’il faut<br />
ajuster ses antennes.<br />
Comment y parvenez-vous ?<br />
Quand un ami m’a parlé pour la<br />
première fois de la nouvelle trilogie<br />
Star Wars, je me suis dit : « Je vais<br />
décrocher un rôle dans ce film. » Puis<br />
j’ai passé des auditions pendant sept<br />
mois. Parfois, je me disais : « J’ai merdé,<br />
je n’y parviens pas. Je ne suis<br />
pas celle qu’il faut. » Mais tu dois<br />
continuer à aller de l’avant, même<br />
si tu doutes de toi. Tu te l’imagines<br />
jusqu’à ce que tu y parviennes.<br />
Et comment avez-vous fait ?<br />
Je me suis dis que je pouvais le faire.<br />
Même si au fond de moi je pensais<br />
le contraire. Dis-le-toi, c’est tout.<br />
Et permets-toi aussi des moments<br />
de faiblesse, quand tu te dis : « Ce<br />
n’est toujours pas ça. » Espère que<br />
les gens voient quelque chose en toi.<br />
À l’époque, vous étiez barmaid,<br />
n’est-ce pas ?<br />
Oui. Après les fêtes, j’ai voulu<br />
prendre quelques mois de congé du<br />
pub et ma dernière audition était<br />
en février.<br />
Vous n’aviez que les auditions<br />
en tête pour vous confronter à la<br />
réalité du cinéma ? Vous n’aviez<br />
pas de relations dans ce métier ?<br />
Il y avait un type super dégueu au<br />
pub qui n’arrêtait pas de dire : « Viens<br />
avec moi à telle ou telle soirée, je<br />
peux te présenter des gens. » Je me<br />
suis dit : « Je ne te crois pas. » Même<br />
si ça avait été une fête où j’aurais pu<br />
rencontrer quelqu’un d’important,<br />
je ne voulais pas de ça ! Je voulais<br />
passer des auditions pour des rôles<br />
et suivre mon propre cheminement.<br />
Vous jugiez inutile de rencontrer<br />
des personnes avec une potentielle<br />
connaissance de ce milieu ?<br />
Je demande bien sûr conseil aux<br />
gens, mais personne ne doit faire<br />
JUMBO TSUI/TRUNK ARCHIVE RÜDIGER STURM<br />
20 THE RED BULLETIN
« Le succès, c’est<br />
de la chance plus<br />
du travail acharné.<br />
Mais le rapport<br />
n’est pas 50/50. »<br />
Daisy Ridley, 27 ans.<br />
THE RED BULLETIN 21
Star Wars, épisode IX :<br />
L’ascension de Skywalker<br />
Après Le réveil de la force et Les derniers Jedi,<br />
Daisy Ridley se glisse à nouveau dans la peau de<br />
Rey, la pilleuse d’épaves, dans le troisième volet<br />
de la nouvelle trilogie. Avec ses alliés, l’apprentie<br />
de Luke Skywalker veut cette fois-ci remporter<br />
la lutte contre le Premier Ordre du Leader<br />
Suprême Kylo Ren (Adam Driver).<br />
Sortie en salle : le 18 décembre.<br />
mon travail à ma place. Je veux<br />
atteindre mon but toute seule. De<br />
plus, si quelque chose semble trop<br />
beau pour être vrai, c’est souvent<br />
un mirage.<br />
Étiez-vous une bonne barmaid?<br />
J’étais géniale. Je n’étais pas exagérément<br />
amicale, plutôt réglo avec<br />
les clients : « Que voulez-vous boire ?<br />
Je vous prépare vos drinks et c’est<br />
tout. » J’aime travailler et préparer<br />
les boissons rapidement. Je ne m’embrouille<br />
pas. C’est pour ça que je suis<br />
passée derrière le bar à la fête de<br />
clôture du huitième l’épisode,<br />
Les derniers Jedi. Sérieux, j’étais<br />
meilleure que les gars derrière le<br />
bar. Je me disais : « Il vous faut une<br />
éternité, laissez-moi faire.» J’aime<br />
jongler avec toutes sortes de choses<br />
en même temps.<br />
Vous avez toujours su que ce<br />
n’était qu’un travail temporaire et<br />
avez toujours cru que vous pourriez<br />
réussir en tant qu’actrice ?<br />
Oui, et je ne sais même pas pourquoi.<br />
Peut-être parce que je n’avais<br />
pas encore fait mes preuves. J’ai été<br />
virée de mon premier rôle parce que<br />
les gens me trouvaient horrible. Je<br />
ne croyais pas non plus que j’étais<br />
la meilleure actrice du monde. Mais<br />
j’avais le sentiment que la chance<br />
finirait par tourner.<br />
Existe-t-il donc une force divine ?<br />
Je crois que toutes les bonnes choses<br />
arrivent pour une raison. Les mauvaises<br />
choses ne sont généralement<br />
que des coïncidences bêtes. Une<br />
certaine force existe quelque part,<br />
ailleurs – nous, les humains, ne<br />
sommes pas seuls.<br />
Vous arrive-t-il de répandre de<br />
l’énergie négative ?<br />
En bagnole, oui ! Je me mets facilement<br />
en colère lorsque je suis derrière<br />
le volant. La plupart du temps, je crie :<br />
« Est-ce que ça te tuerait de mettre le<br />
clignotant ? Tu pourrais signaler à la<br />
voiture derrière toi que tu changes de<br />
voie ? » Les gens n’ont pas de considération<br />
pour autrui et je déteste quand<br />
quelqu’un met les autres en danger.<br />
Il y a aussi des pistes cyclables à<br />
Londres où les cyclistes zigzaguent<br />
au milieu de la circulation avec leurs<br />
écouteurs sur les oreilles, ce qui est<br />
très dangereux. Mais en tant que<br />
conducteur, c’est vous qui serez blâmé<br />
si quelque chose arrive.<br />
Mais conduire est-il préférable<br />
à prendre le métro ?<br />
Mais je prends le métro ! C’est intéressant<br />
– bien que les wagons sentent<br />
souvent la transpiration et soient<br />
dégoûtants, il faut se comporter de<br />
façon plus responsable que lorsque<br />
l’on conduit. Parce nous sommes tous<br />
en interaction les uns avec les autres.<br />
Personne ne passe devant les autres.<br />
Ceux qui embarquent sont calmes.<br />
En d’autres termes, si vous voulez<br />
rencontrer des gens qui savent se<br />
tenir, prenez le métro et l’autobus.<br />
Comment retrouvez-vous votre<br />
calme ?<br />
D’habitude, j’écoute de la musique.<br />
D’abord je crie, puis je chante.<br />
Quelles chansons ?<br />
Des classiques soft : Fleetwood<br />
Mac, Barbra Streisand. Je suis aussi<br />
fan d’Ariana Grande. Ce matin, j’ai<br />
écouté Total Eclipse of the Heart<br />
de Bonnie Tyler.<br />
LUSCASFILM<br />
22 THE RED BULLETIN
SUPPORTED BY JABRA – THE OFFICIAL<br />
AUDIO INNOVATION PARTNER<br />
©JÜRGEN SKARWAN<br />
SAIL & RUN<br />
THE 3RD LEG <strong>FR</strong>OM BALI TO<br />
THE SALOMON ISLANDS<br />
TUNE IN NOW AT
UNDERWORLD<br />
Un son<br />
stimulant<br />
Karl Hyde, musicien, peintre et<br />
vidéaste de renom, doit le succès<br />
de sa formation à des chansons<br />
originales qui ouvrent toutes sur<br />
de nouveaux horizons.<br />
Le duo britannique Underworld<br />
est l’un des groupes d’électro<br />
à succès des plus innovants.<br />
Depuis leur énorme succès<br />
Born Slippy en 1996, Karl Hyde<br />
et Rick Smith n’ont cessé de<br />
se réinventer. Outre leurs dix<br />
albums, ils ont composé pour<br />
le cinéma, le théâtre et les jeux<br />
vidéo sans oublier la musique<br />
des JO 2012 de Londres. Ils<br />
dirigent aussi leur propre plateforme<br />
multimédia, Tomato.<br />
Et lorsqu’ils sont à court d’idées,<br />
ils trouvent l’inspiration dans la<br />
musique, explique Hyde, 62 ans,<br />
celle de ses héros précise-t-il.<br />
Il nous dévoile ici quatre chansons<br />
qui activent ses méninges.<br />
Drift Series 1 est leur nouvel<br />
album ; underworldlive.com<br />
Brian Eno<br />
Needles in the Camel’s Eye<br />
(1974)<br />
« Brian Eno est un type fascinant<br />
avec qui j’ai beaucoup appris,<br />
surtout en matière d’inspiration.<br />
Lui et moi avons inventé un jeu où<br />
l’un suggère à l’autre le nom d’une<br />
ville à visiter, choisi au hasard.<br />
“Va à Birmingham.” “Pour y faire<br />
quoi ?” “Vas-y, point.” Quitter<br />
le studio pour aller à la découverte<br />
d’un territoire vierge débouche<br />
toujours sur une bonne idée. »<br />
Bob Dylan<br />
Lily, Rosemary & the Jack<br />
of Hearts (1975)<br />
« Bob Dylan est très polyvalent<br />
et ne craint pas de prendre des<br />
risques. Quand il sentait qu’il n’intéresserait<br />
plus personne, il partait<br />
en tournée pour reconquérir son<br />
public. Je l’ai vu à Hyde Park l’été<br />
dernier et j’étais agacé d’entendre<br />
les gens dire qu’il n’est plus celui<br />
qu’il était. Il a évolué, Dieu merci !<br />
Cela devrait inspirer chaque<br />
artiste. »<br />
Iggy Pop<br />
Nightclubbing<br />
(1977)<br />
« La façon dont Iggy Pop improvise<br />
est absolument unique. Il débarque<br />
en studio et se lance spontanément.<br />
Il crée à partir de souvenirs<br />
d’articles de journaux, de livres<br />
et de conversations, mélange le<br />
tout et régurgite sans le filtre.<br />
Ce morceau est la parfaite illustration<br />
de cette approche très stimulante,<br />
surtout quand on n’arrive<br />
plus à avancer. »<br />
Kraftwerk<br />
Europe Endless<br />
(1977)<br />
« Kraftwerk, les pionniers de l’électro,<br />
ainsi que Neu! et Can ont<br />
bercé mon enfance. Je dois mon<br />
goût pour les rythmes répétitifs<br />
à ces groupes allemands des années<br />
70. La consonance a quelque<br />
chose d’hypnotique qui stimule<br />
l’esprit. Je suis un fan inconditionnel,<br />
au point que l’on peut entendre<br />
cet élément répétitif dans à peu<br />
près tout ce que je fais. »<br />
PEROU FLORIAN OBKIRCHER<br />
24 THE RED BULLETIN
Naturellement<br />
rafraîchissants<br />
N’EST PAS UNE BOISSON ÉNERGISANTE<br />
<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />
POUR VOTRE SANTÉ, MANGEZ AU MOINS CINQ <strong>FR</strong>UITS ET LÉGUMES PAR JOUR. WWW.MANGERBOUGER.<strong>FR</strong>
RALLYE DAKAR<br />
17,78<br />
0,53<br />
18,60<br />
0,82<br />
18,94<br />
0,34<br />
21,10<br />
2,16<br />
21,33<br />
0,23<br />
50m<br />
PARLEZ-VOUS<br />
ROADBOOK ?<br />
Vous n’y pigez que dalle, à ces mystérieuses<br />
inscriptions ? Rassurez-vous, nous allons<br />
y remédier. Et consolez-vous : vous n’avez pas<br />
besoin de les déchiffrer à 140 km/h au guidon<br />
de votre moto comme les pilotes du Dakar.<br />
Texte WERNER JESSNER
PICTUREDESK.COM<br />
SEUL SUR LE SABLE<br />
Un pilote du Rallye Dakar au Pérou<br />
en 2019. Première erreur potentielle<br />
: suivre uniquement les traces<br />
des autres concurrents. NB : le<br />
roadbook est votre meilleur ami.<br />
27
CHANGEMENT DE PLAN<br />
Nouveauté en <strong>2020</strong> : le roadbook sera<br />
remis aux pilotes comme Matthias<br />
Walkner (photo) seulement quinze<br />
minutes avant le départ. Résultat :<br />
pas moyen de se préparer à l’avance<br />
comme les années précédentes.<br />
MARCIN KIN, FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL
RALLYE DAKAR<br />
POSTE DE TRAVAIL<br />
En haut : le compteur kilométrique et la boussole.<br />
En dessous : le roadbook. Au milieu du guidon :<br />
le GPS de l’organisateur qui affiche les points<br />
de contrôle.<br />
17,78<br />
0,53<br />
« C’est parti ! »<br />
Au kilomètre 17,78, 530 mètres après le dernier point, il y a<br />
un contrôle de passage caché (C) – si un pilote le manque,<br />
il écopera de 15 minutes de pénalité. Attention, zone potentiellement<br />
dangereuse en partant en hors-piste légèrement<br />
à gauche dans les dunes (HP DS DN = hors-piste dans<br />
les dunes) ! Cap à 268 degrés.<br />
Argentine, dixième jour<br />
du Rallye Dakar 2018.<br />
Un groupe de six motards<br />
fonce à travers<br />
le désert. Une étendue<br />
de sable, parcourue ça<br />
et là de lits de rivières<br />
asséchés impossibles<br />
à voir. L’un des pilotes<br />
du groupe n’est pas<br />
serein. Son nom ? Matthias Walkner.<br />
Son problème : les autres roulent trop<br />
vite. À une telle vitesse, on se demande<br />
bien comment ils réussissent à naviguer<br />
sans faire d’erreurs, sans la moindre once<br />
d’hésitation sur la tonne d’informations<br />
à traiter – sachant que certains filent<br />
même à plus de 140 km/h. Walkner<br />
lève le pied et se laisse distancer.<br />
Son leader, Jordi Viladoms, en bon<br />
spécialiste de la navigation, lui a enfoncé<br />
un principe dans le crâne depuis qu’il<br />
a osé passer du motocross au rallye : ne<br />
jamais, au grand jamais, se contenter<br />
de suivre les traces des autres pilotes,<br />
toujours naviguer par soi-même !<br />
Arrivé au point 349, l’Autrichien de<br />
33 ans commence à douter : « Les kilomètres<br />
sur le roadbook ne correspondaient<br />
pas exactement à ceux de mon compteur<br />
et, dans ce cas-là, il faut se fier à son<br />
intuition, à son instinct, enfin vous voyez.<br />
Les traces devant moi bifurquaient vers<br />
la gauche dans une espèce d’entonnoir<br />
sablonneux, alors que d’après le roadbook,<br />
je devais rester à droite. Mais est-ce qu’il<br />
29
RALLYE DAKAR<br />
18,60<br />
0,82<br />
« En piste ! »<br />
Au kilomètre 18,60, 820 mètres après le dernier point, depuis<br />
la route L3, on continue légèrement vers la droite à travers<br />
les dunes, il n’y a plus de route. Le cap est à 180 degrés plein<br />
sud, donc. (On a déjà vu la signification des lettres HP DS DN<br />
à la page précédente.)<br />
18,94<br />
0,34<br />
« Attention, fin dangereuse »<br />
Attention : au kilomètre 18,94, 340 mètres après le dernier<br />
point, je dois tomber exactement sur un point de contrôle<br />
de sécurité (S). Trois points d’exclamation = danger ! Après<br />
la sortie des dunes (END DN), on arrive sur une piste en<br />
mauvais état (MVS) avec un fossé difficile à repérer.<br />
Après l’avoir passé, on continue en virant légèrement<br />
vers la droite suivant un cap d’environ 80 degrés.
21,10<br />
2,16<br />
50m<br />
« Trempette des pieds »<br />
Au kilomètre 21,1, soit 2,16 kilomètres après le dernier point,<br />
on descend dans des dunes parsemées d’arbustes avant<br />
de traverser une rivière de 300 m de large. Ensuite, je dois<br />
continuer en hors-piste légèrement vers la droite dans un<br />
oued de 50 mètres de large (lit de rivière asséché), selon<br />
un cap moyen (Moy) de cinq degrés.<br />
EDOARDO BAUER/RED BULL CONTENT POOL<br />
TRACER SA ROUTE<br />
Souvent, la piste présente des<br />
irrégularités, donc il est difficile de<br />
garder précisément le cap. Et c’est<br />
là que cela devient intéressant.<br />
31
RALLYE DAKAR<br />
MARCIN KIN<br />
21,33<br />
0,23<br />
« Trop facile »<br />
Au kilomètre 21,33, 230 mètres après le dernier point,<br />
je dois bifurquer à droite au sommet de la butte et continuer<br />
sur une piste balisée bien visible, en parallèle de laquelle<br />
d’autres pistes sont signalées (ET P // = et pistes parallèles).<br />
LE FACTEUR HUMAIN<br />
Le cerveau de Matthias Walkner<br />
traite des centaines de lignes de<br />
roadbook par jour, sans se tromper<br />
et en un temps record.<br />
fallait réellement passer par là ? Je me suis<br />
dit que les deux ríos se rejoindraient sûrement<br />
bientôt de toute façon, donc par précaution,<br />
j’ai décidé de rester quand même<br />
sur la droite. Plus aucune trace des autres<br />
concurrents sur les kilomètres suivants.<br />
Est-ce que je me serais planté ? Même le<br />
cap ne m’était pas d’une grande aide parce<br />
qu’il n’indiquait qu’une valeur moyenne<br />
afin de suivre la trajectoire sinueuse des<br />
ríos. Du kilomètre 350 au kilomètre 368,<br />
où le point suivant était enregistré, j’ai eu<br />
tout le temps de me demander si j’avais<br />
déconné ou bien si j’étais le seul à avoir vu<br />
juste. » Aujourd’hui, on connaît le fin mot<br />
de l’histoire : Hiasi (surnom de Matthias)<br />
avait raison, il s’est taillé une confortable<br />
avance de 50 minutes sur ses concurrents<br />
ce jour-là et a remporté le Dakar.<br />
Le Dakar à moto est au moins aussi<br />
éprouvant sur le plan mental que<br />
sur le plan physique. Tout ce que<br />
les pilotes ont à leur disposition,<br />
c’est une suite d’instructions sur<br />
un écran. Et il n’y a qu’en les suivant à<br />
la lettre qu’ils peuvent espérer atteindre<br />
l’arrivée. Explication : sur le roadbook,<br />
la colonne de gauche indique le kilométrage,<br />
ainsi que la distance relative et<br />
absolue par rapport au dernier point de<br />
référence. Mais il est rare que les pilotes<br />
puissent suivre une trajectoire parfaitement<br />
droite, ils doivent donc recalibrer<br />
leur compteur kilométrique en permanence.<br />
Dans la colonne du milieu, des<br />
pictogrammes donnent des indications<br />
sur le terrain et le parcours, ainsi que le<br />
cap à suivre. Et il y a tout un catalogue<br />
de plus de cent pictogrammes à apprendre<br />
pour les pilotes. Tout à droite,<br />
les éventuels commentaires écrits, qui<br />
s’affichent sous forme d’abréviations<br />
basées sur des termes français.<br />
Le pilote doit donc non seulement<br />
déchiffrer ces infos sans se tromper et les<br />
appliquer pendant qu’il roule, mais s’assurer<br />
aussi de garder un œil sur le point<br />
suivant afin d’avoir une vue d’ensemble.<br />
Jordi Viladoms (10 Dakar à son actif) :<br />
« C’est comme apprendre une nouvelle<br />
langue : pour vraiment maîtriser la navigation,<br />
il faut pratiquer, pratiquer et<br />
encore pratiquer. Rouler vite, c’est à la<br />
portée de n’importe quel pilote de haut<br />
niveau. Ce qui fait la différence, c’est<br />
la capacité mentale restante disponible<br />
pour la navigation. » Une affirmation que<br />
Matthias Walkner ne peut qu’approuver.<br />
33
RALLYE DAKAR<br />
NAISSANCE NUMÉRIQUE<br />
« Nous avons d’abord conçu l’0T3 sur une feuille de papier », dit le directeur<br />
d’0verdrive Racing, Jean-Marc Fortin. Le travail sur écran est venu après.<br />
PLACE AU GPS<br />
Malgré un espace réduit, le copilote a droit au même double système<br />
de navigation que dans une voiture de rallye « grand format ».<br />
FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL<br />
34 THE RED BULLETIN
LE BOLIDE DU<br />
DÉSERT<br />
Qui seront les futurs vainqueurs du Dakar ? Rien de<br />
tel pour le savoir que de construire une voiture qui<br />
saura les stimuler. Lever de rideau sur le buggy<br />
OT3 Side by Side et ses pilotes, qui participeront<br />
à leur premier Dakar en <strong>2020</strong> !<br />
Texte WERNER JESSNER<br />
NOUVELLE GÉNÉRATION<br />
Le program team <strong>Red</strong> Bull Offroad S×S<br />
a un objectif : acquérir de l’expérience au<br />
Dakar au volant du buggy OT3 Side by<br />
Side de l’écurie belge Overdrive Racing.<br />
FAIT MAIN DE A À Z<br />
Tous les OT3 sont construits à la main au siège d’Overdrive Racing à Villersle-Bouillet<br />
près de Liège (Belgique). Premier départ : Dakar <strong>2020</strong>.<br />
VUE INTÉRIEURE<br />
Ce buggy ne comporte ni habillage ni lest. Tous les câbles sont apparents,<br />
chaque pièce a une fonction bien précise. Priorité numéro un : la sécurité.<br />
THE RED BULLETIN 35
RALLYE DAKAR<br />
L’OT3 d’Overdrive Racing est<br />
le premier buggy Side by Side<br />
spécialement construit<br />
pour le Dakar.<br />
VISIBILITÉ<br />
Il n’y a pas de pare-brise.<br />
C’est imposé par le<br />
règlement.<br />
POIDS RÉDUIT<br />
Les buggys Side by Side sont les<br />
véhicules les plus légers du Dakar.<br />
L’OT3 pèse 890 kg grâce à sa<br />
carrosserie en carbone et en kevlar<br />
et à des détails bien pensés comme<br />
cet éclairage LED.<br />
RENOUVEAU<br />
Les Américains Blade Hildebrand (21 ans),<br />
Mitch Guthrie Jr. (22 ans) et Seth Quintero<br />
(17 ans, le plus jeune participant) seront au<br />
départ en Arabie saoudite sous la bannière<br />
du program team <strong>Red</strong> Bull Offroad SxS.<br />
STABILITÉ<br />
L’OT3 mesure 2,08 mètres<br />
de large, pour une stabilité<br />
optimale. C’est encore plus<br />
qu’un SUV haute performance<br />
comme l’Urus de Lamborghini !
CHÂSSIS RIGIDE<br />
« L’OT3 roule avec une précision<br />
incroyable », déclarait Cyril<br />
Despres, cinq fois vainqueur du<br />
Dakar, après les premiers tests.<br />
ACCÈS FACILE<br />
Lors de la construction, la priorité<br />
numéro un a été de faciliter<br />
l’accès à toutes les pièces en<br />
cas d’éventuelles réparations<br />
à effectuer en plein désert.<br />
PETIT MOTEUR<br />
1000 cm³, turbo, 177 chevaux :<br />
suffisant pour résister dans<br />
le sable face à de nombreuses<br />
voitures plus puissantes. La<br />
raison : un poids réduit.<br />
FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL<br />
ARRÊT RAPIDE<br />
Le système de frein à disques<br />
spécialement adapté au S×S a<br />
été fourni par le spécialiste<br />
américain Wilwood.<br />
PROTECTION ÉLEVÉE<br />
Les éléments techniques fragiles<br />
ont été relocalisés dans des<br />
endroits stratégiques.<br />
37
RALLYE DAKAR<br />
« SI JE GAGNE<br />
AVEC ANDREA,<br />
JE METS FIN À<br />
MA CARRIÈRE »<br />
Personne n’a remporté plus de Rallye Dakar que<br />
STÉPHANE PETERHANSEL. Sa femme, ANDREA, qui<br />
était l’une des meilleures pilotes sur la course, n’a<br />
jamais voulu être copilote. Et pourtant, en <strong>2020</strong>,<br />
c’est bien ensemble qu’ils veulent participer à cette<br />
compétition motorisée légendaire. Et la gagner.<br />
Entretien WERNER JESSNER<br />
TANDEM AU TOP<br />
Andrea et Stéphane<br />
Peterhansel : le Dakar pourrait<br />
malmener leur couple.<br />
Ou, bien au contraire, les<br />
rapprocher encore plus.<br />
NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL<br />
38
RALLYE DAKAR<br />
<strong>The</strong> red bulletin :<br />
Andrea, Stéphane,<br />
vous êtes tous<br />
deux de grands<br />
champions du<br />
sport automobile.<br />
Avez-vous décidé<br />
dès le début et<br />
d’un commun<br />
accord lequel des deux prendrait<br />
le volant ?<br />
stéphane : Quand on s’est rencontrés<br />
il y a plus de quinze ans,<br />
on a bien essayé d’échanger nos<br />
places. Mais la vérité, c’est que je<br />
ne supporte pas d’être sur le siège<br />
passager. J’ai bien trop besoin<br />
d’avoir le dernier mot.<br />
Andrea, vous ne conduisez<br />
jamais ?<br />
andrea : La seule exception,<br />
c’est quand on a notre chien dans<br />
la voiture. Il est malade quand<br />
c’est Stéphane qui conduit. Donc<br />
pour éviter de devoir nettoyer le<br />
coffre...<br />
stéphane : … Je te laisse le<br />
volant. Tu conduis super bien,<br />
il n’y a pas de doute là-dessus.<br />
Mais je suis vraiment trop nul<br />
côté passager.<br />
Pourquoi vouliez-vous faire<br />
le Dakar ensemble ?<br />
andrea : C’était une idée de<br />
Stéphane. Nous nous sommes<br />
mariés en 2018, donc j’ai un peu<br />
vu ça comme une sorte de voyage<br />
de noces : on loue un buggy, on<br />
se balade quelques jours dans le<br />
désert. Deux ans plus tard, on<br />
remporte la Coupe du monde<br />
des rallyes tout-terrain ensemble<br />
et on est au départ du Dakar.<br />
On en a, de l’ambition. (Ils rient<br />
tous les deux.)<br />
Et l’ambition, ça suffit ?<br />
stéphane : Bien sûr que non !<br />
On est des pilotes professionnels,<br />
mine de rien, donc dès le départ,<br />
j’ai voulu faire les choses comme<br />
il faut. On a participé à quelques<br />
compétitions dans des buggys<br />
deux places et on s’est rendu<br />
compte que ça nous plaisait de<br />
rouler ensemble. Un jour, j’ai reçu<br />
une demande de Toyota pour<br />
le Dakar, mais la direction ne<br />
voulait pas entendre parler<br />
d’Andrea et insistait pour que je<br />
fasse la course avec un copilote<br />
professionnel. Chez Mini, en<br />
revanche, ils ont accepté de nous<br />
faire passer un test ensemble. Mais<br />
on n’est pas allés très loin : Andrea<br />
était malade dans la voiture.<br />
Alors vous auriez pu laisser<br />
tomber, non ?<br />
andrea : Oui, mais entre-temps,<br />
Stéphane nous avait fixé comme<br />
objectif commun d’être le premier<br />
couple à remporter le Dakar.<br />
Donc il fallait que je résolve mon<br />
problème de nausée. Il s’est avéré<br />
que j’avais un nerf dans l’oreille<br />
interne qui s’irritait de manière<br />
chronique. J’ai dû prendre de<br />
la cortisone pendant deux mois<br />
avant de pouvoir commencer<br />
mon entraînement contre le<br />
mal des transports.<br />
Un entraînement contre le mal<br />
des transports ?<br />
andrea : Je suis allée dans un<br />
centre de traitement des vertiges<br />
à Sinsheim, en Allemagne. Ça<br />
consistait par exemple à lire assise<br />
sur une chaise qui était en train de<br />
tourner. Ou il fallait que je marche<br />
tout droit dans une pièce sombre<br />
avec des lumières qui se déplaçaient<br />
dans différentes directions.<br />
stéphane : Tu t’es investie à fond<br />
pour notre rêve.<br />
Je me sens mal rien qu’à la pensée<br />
de la chaise qui tourne.<br />
andrea : Sans oublier que j’avais<br />
toujours dit que je ne voulais pas<br />
devenir copilote. Mais je me suis<br />
dit : si je veux pouvoir un jour<br />
réaliser le rêve de remporter le<br />
Dakar à mon âge, alors ce sera<br />
aux côtés du meilleur pilote de<br />
l’histoire, mon mari.<br />
Mais à l’inverse, pourquoi un<br />
grand champion comme vous<br />
se complique-t-il tellement la<br />
vie ? N’importe quel copilote<br />
aurait été ravi de faire la course<br />
à vos côtés.<br />
SORTIE EN FAMILLE<br />
Dans leur buggy Mini, les Peterhansel<br />
affronteront des pilotes pros chevronnés<br />
lors du Dakar, et ne se contenteront pas<br />
de jouer les challengers.<br />
stéphane : Avec « Paulo » (Jean-Paul Cottret,<br />
ndlr), j’ai participé à vingt Dakar et j’en ai<br />
gagné sept. Un de plus ou un de moins, ça ne<br />
pèse pas lourd dans la balance. En remporter<br />
un avec Andrea, par contre, ce ne serait pas du<br />
tout la même chose. Ce serait plus compliqué,<br />
certes, mais peut-être encore plus beau. Quand<br />
on a remporté l’Abu Dhabi Desert Challenge<br />
ensemble, c’était dix fois plus fort que n’importe<br />
quelle victoire avec Paulo. Alors si c’était le<br />
Dakar, on n’en parle même pas !<br />
Comment fonctionnez-vous en tant que couple<br />
quand vous êtes sous pression ?<br />
andrea : On découvre des aspects de l’autre<br />
que l’on n’aurait probablement jamais voulu<br />
« On est livrés l’un à<br />
l’autre pour le meilleur et<br />
pour le pire – et ça nous<br />
va bien comme ça. »<br />
ANDREA PETERHANSEL<br />
FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL, NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL(2)<br />
40 THE RED BULLETIN
« Quand on appuie là où<br />
ça fait mal chez l’autre,<br />
on finit par se faire du<br />
mal à soi-même. »<br />
STÉPHANE PETERHANSEL<br />
on finit par faire du mal avant<br />
tout à soi-même.<br />
connaître. Mais c’est ça, l’amour,<br />
pour moi. Accepter des choses qui<br />
ne nous plaisent pas et travailler<br />
ensemble pour que ça fonctionne<br />
quand même. Dans la vraie vie,<br />
quand il y en a un qui ne sort pas<br />
les poubelles, ça ne nous empêche<br />
pas d’avancer. En voiture, s’esquiver,<br />
ce n’est pas une option.<br />
Au final, dans un couple, l’objectif<br />
commun doit primer sur<br />
la fierté de chacun ?<br />
andrea : Exactement.<br />
stéphane : Quand Andrea fait<br />
une erreur de navigation, je lui<br />
pardonne beaucoup plus vite<br />
que je ne le ferais avec un pro.<br />
Et inversement : quand je fais une<br />
erreur de pilotage et qu’on part<br />
en tonneau – ce qui est déjà arrivé<br />
– elle ne m’en veut pas, même<br />
si, bien sûr, j’aurais dû faire plus<br />
attention. Une erreur n’est jamais<br />
intentionnelle.<br />
Alors c’est toujours tout beau<br />
tout rose dans votre voiture ?<br />
stéphane : Ce n’est qu’une<br />
course après tout. D’accord, la<br />
plus importante au monde, mais<br />
ça ne reste quand même qu’une<br />
course. Ça ne vaut pas la peine<br />
de se rendre malade. Et puis, j’ai<br />
aussi tendance à oublier très rapidement.<br />
Les défaites comme les<br />
victoires. Quand je gagne, je suis<br />
content, mais pas longtemps, et<br />
ce n’est pas plus mal.<br />
andrea : Ce qui se passe dans la<br />
voiture reste dans la voiture. Bien<br />
sûr, on peut analyser ses erreurs<br />
après-coup, mais ce serait une<br />
perte d’énergie que de les ressasser<br />
encore et encore. Dans un<br />
duo qui fonctionne bien, de toute<br />
façon, les deux veulent la même<br />
chose, et pour nous, notre objectif<br />
est encore plus clairement défini.<br />
stéphane : Ne pas reprocher ses<br />
erreurs à l’autre, c’est le secret<br />
d’un bon duo. Je l’ai bien vu avec<br />
tous ces tandems auxquels j’ai<br />
participé en course ces vingt dernières<br />
années. Quand on appuie<br />
là où ça fait mal chez l’autre,<br />
Et quand la situation dégénère<br />
vraiment ?<br />
stéphane : Il y a un mot-code<br />
qu’on utilise. Quand l’un de nous a<br />
l’impression que l’on n’argumente<br />
plus de manière productive et que<br />
l’on veut seulement avoir raison.<br />
andrea : On efface tout, on analyse.<br />
Mais ça, on n’en a besoin que<br />
dans la voiture, pas dans la vie<br />
de tous les jours.<br />
stéphane : Beaucoup d’amis<br />
m’ont dit que je risquais de<br />
mettre notre couple en danger<br />
dans les conditions extrêmes<br />
d’un Dakar, où l’on est collés l’un<br />
à l’autre, jour et nuit pendant<br />
deux semaines et où chaque<br />
petite erreur a des conséquences<br />
immédiates. Mais je pense que<br />
vivre cette aventure ensemble<br />
ne pourra que nous rapprocher<br />
encore plus. Enfin, je l’espère.<br />
andrea : Dans la vie de tous les<br />
jours, on peut toujours partir en<br />
claquant la porte et aller prendre<br />
l’air. Sur le Dakar, on ne peut pas<br />
remettre les décisions à plus tard,<br />
on ne peut pas faire de compromis<br />
: à gauche ou à droite ? Il y a<br />
des conséquences immédiates.<br />
On est livrés l’un à l’autre pour<br />
le meilleur et pour le pire – et ça<br />
nous va bien comme ça.<br />
Qui commande dans la voiture ?<br />
stéphane : Dans la voiture, c’est<br />
moi. Forcément, je suis au volant !<br />
andrea : Attends qu’on soit à la<br />
maison. (Ils rient tous les deux.)<br />
Remporter le Dakar ensemble<br />
signifierait quoi pour vous ?<br />
andrea : La réalisation d’un rêve.<br />
stéphane : Une fin parfaite. Si<br />
je gagne avec Andrea, je mets fin<br />
à ma carrière professionnelle.<br />
STÉPHANE<br />
PETERHANSEL<br />
Né en 1965, le Français<br />
a remporté le Rallye<br />
Dakar à treize reprises<br />
: 6 en moto, 7 en<br />
auto. Les deux records<br />
restent inégalés. Depuis<br />
1987, il participe<br />
tous les ans à ce rallye<br />
dans le désert qui est<br />
le plus dur au monde.<br />
ANDREA<br />
PETERHANSEL<br />
Née en 1968, l’Allemande<br />
a participé au<br />
Dakar en moto et en<br />
auto. Elle a été pilote<br />
pour KTM, BMW et<br />
Mitsubishi. Son top :<br />
une cinquième place<br />
dans la catégorie<br />
autos et dans la<br />
catégorie motos.<br />
THE RED BULLETIN 41
IMMERSION<br />
DANS LE VORTEX<br />
Le plastique, ce fléau<br />
BEN LECOMTE est le premier homme à avoir<br />
traversé « la décharge des mers » à la nage.<br />
Si ses exploits sportifs ne sont pas à la<br />
portée de tout le monde, il est un autre défi<br />
que chacun est en mesure de relever, dit-il.
Ben Lecomte a avalé<br />
300 miles nautiques à<br />
la nage pour sensibiliser<br />
au désastre écologique<br />
des océans.<br />
Texte CHRISTINE VITEL<br />
Photos @THEVORTEXSWIM<br />
et @ICEBREAKERNZ<br />
43
Huit heures par jour, quatrevingt<br />
jours durant, il a nagé<br />
les yeux rivés dans la colonne<br />
d’eau du Pacifique.<br />
H<br />
uit heures par jour, sur 300<br />
miles nautiques (555 km),<br />
il a évolué au milieu d’une<br />
catastrophe écologique sans<br />
précédent. « Ma génération est responsable<br />
de ce désastre, alors je me dois de<br />
faire quelque chose pour les suivantes »,<br />
déclare Ben Lecomte, un architecte français<br />
naturalisé américain, établi à Austin<br />
(Texas) depuis 1993, marié et père de<br />
deux enfants. Sa vie pourrait ressembler<br />
à celle de n’importe qui ayant l’ambition<br />
d’apporter sa pierre à l’édifice – l’édifice<br />
étant l’état de santé actuel de la planète.<br />
En 1998, à 31 ans, il devient le premier<br />
homme à avoir traversé l’Atlantique à la<br />
nage et sans planche, soit 5 980 km en<br />
73 jours, de Cape Cod (USA) à Quiberon<br />
(France). En 2018, avec <strong>The</strong> Longest<br />
Swim, il tente de réitérer la performance<br />
dans le Pacifique cette fois, soit 9 000 km.<br />
À propos de la quantité de plastique dans<br />
les océans, Ben Lecomte témoigne : « Il y a<br />
vingt ans, dans l’Atlantique, c’est quelque<br />
chose que je voyais très rarement. » Sept<br />
ans durant, il prépare ce dernier projet,<br />
recherche des fonds, puis part « en collaboration<br />
avec 27 institutions scientifiques,<br />
dont la Nasa et le CNRS, qui mènent des<br />
recherches sur la pollution, les migrations<br />
des mammifères ou l’endurance extrême.<br />
In extremis, un groupe de médias a pris<br />
en charge l’énorme budget de télécommunications<br />
et la production de vidéos ».<br />
Sauf que la tentative échoue en<br />
novembre 2018, à cause des typhons qui<br />
abîment le bateau suiveur. Il se voit obligé<br />
44 THE RED BULLETIN
« Il y a vingt ans,<br />
dans l’Atlantique,<br />
c’est quelque chose<br />
que je voyais très<br />
rarement. »<br />
Ben Lecomte à propos des débris de plastique<br />
flottants dans l’océan. En 1998, il est le premier<br />
homme à traverser l’Atlantique à la nage.
« Pour l’instant, c’est<br />
mon approche : faire<br />
quelque chose d’un<br />
peu marginal pour<br />
attirer l’attention. »<br />
Il fut une époque où il<br />
était fantastique. Le<br />
plastique aujourd’hui,<br />
c’est dramatique. Ben<br />
Lecomte et son équipe<br />
ont trouvé au milieu<br />
de l’océan les objets<br />
les plus improbables.
« C’est un problème global très complexe auquel il faut répondre<br />
par une action locale. »<br />
d’abandonner au bout de 2 700 km. Mais<br />
l’ambition du nageur activiste demeure<br />
intacte. Début juin 2019, il plonge avec<br />
<strong>The</strong> Vortex Swim tête la première dans la<br />
mer de déchets du Pacifique nord, entre<br />
Hawaï et San Francisco. Il n’est plus question<br />
de défi sportif ni de record personnel :<br />
Ben Lecomte veut alerter sur la pollution<br />
des océans et donner l’occasion de récolter<br />
des informations scientifiques pour documenter<br />
un fléau moderne aux multiples<br />
facettes : « La question du plastique dans<br />
l’océan, ce n’est pas un problème, ce sont<br />
des problèmes. » I Am Ocean, le voilier<br />
de 20 mètres à coque d’acier qui vogue<br />
à ses côtés, héberge une équipe de dix<br />
volontaires, dont Ben, motivés par l’aspect<br />
environnemental et la contribution<br />
scientifique de la mission, dont l’objectif<br />
principal est d’inspirer les citoyens d’ici<br />
et d’ailleurs à instaurer le changement<br />
qui s’impose. Les données collectées<br />
Des échantillons de microplastique (particules de moins de 5 millimètres)<br />
et de fibres synthétiques ramassées par Ben Lecomte et son équipe.<br />
THE RED BULLETIN 47
OCÉAN<br />
ARCTIQUE<br />
AMÉRIQUE<br />
DU NORD<br />
EUROPE<br />
OCÉAN<br />
ATLANTIQUE<br />
A<strong>FR</strong>IQUE<br />
OCÉAN<br />
INDIEN<br />
AMÉRIQUE<br />
DU SUD<br />
ASIE<br />
ANTARCTIQUE<br />
OCÉAN<br />
PACIFIQUE<br />
Changer de carte pour<br />
changer de point de vue<br />
Afin de souligner l’importance des<br />
océans, Ben Lecomte a nagé 555 km dans<br />
le vortex, de Hawaï à San Francisco.<br />
Et afin de souligner leur unité à la surface<br />
de la planète, le géographe sud-africain<br />
Athelstan Spilhaus réalisait, en 1942,<br />
cette Projection qui place les océans<br />
au centre de la carte. Résultat : elle fait<br />
apparaître une immense mer intérieure<br />
là où, habituellement, les continents<br />
se profilent.<br />
OCÉAN<br />
PACIFIQUE<br />
Départ<br />
Hawaï<br />
Arrivée<br />
San Francisco<br />
AMÉRIQUE<br />
DU NORD<br />
sauront-elles convaincre les mentalités,<br />
les lobbyistes, les politiques, les décideurs,<br />
etc. de la brutale réalité et de l’urgence<br />
d’agir ? Aujourd’hui, aucun gouvernement<br />
n’endosse la responsabilité du désastre<br />
écologique marin. C’est pourquoi Ben<br />
Lecomte nous invite à prendre nos responsabilités<br />
en matière d’impact écologique,<br />
telles que ne pas consommer de plastique<br />
à usage unique, opter pour des matériaux<br />
alternatifs et des fibres naturelles. Sans<br />
avoir à être irréprochable, le devoir de<br />
chacun d’entre nous est de contribuer<br />
à la préservation des océans.<br />
Comment avoir un impact et sensibiliser le public ? En choisissant l’humour décalé,<br />
tremplin radical pour aborder les problèmes de fond, car même si la situation est<br />
catastrophique, il est encore possible d’agir, et de faire réagir.<br />
the red bulletin : Au cours du projet,<br />
vous avez décidé de transformer <strong>The</strong><br />
Longest Swim en <strong>The</strong> Vortex Swim,<br />
parce que vous avez réalisé qu’il y avait<br />
beaucoup de débris flottants dans<br />
l’océan. Ces débris, ce sont majoritairement<br />
du plastique et d’autres formes de<br />
déchets, ou seulement du plastique ?<br />
ben lecomte : <strong>The</strong> Longest Swim était<br />
pensé comme une vue d’ensemble sur les<br />
48 THE RED BULLETIN
« Quand on ramasse<br />
un gros morceau de<br />
plastique, celui-ci se<br />
casse et devient du<br />
microplastique. »<br />
Les organismes se développent sur (algues,<br />
coquillages) et sous (crabes, poissons) les débris<br />
flottants, ce qui crée un nouvel écosystème.
« Au milieu de l’océan, dans un écosystème différent du leur,<br />
ces organismes deviennent une “population envahissante”. »<br />
différentes problématiques liées à l’océan :<br />
le plastique, la radioactivité, le déversement<br />
de polluants. En atteignant la partie<br />
nord du vortex, à Hawaï, j’ai été contraint<br />
d’arrêter à cause d’une avarie du bateau.<br />
Alors pour <strong>The</strong> Vortex Swim, nous sommes<br />
revenus là où nous nous étions arrêtés<br />
l’année précédente en vue de poursuivre<br />
notre précieuse collecte, puisque nous<br />
sommes la première expédition à réunir<br />
des échantillons sur toute la longueur du<br />
Pacifique. Tous les débris que nous avons<br />
ramassés sont faits de plastique ; ce qui<br />
est organique comme le bois ne pose pas<br />
de problème puisque c’est biodégradable.<br />
On voit des objets absolument incongrus<br />
sur vos photos, on a peine à croire<br />
que vous les avez trouvés dans l’océan.<br />
Vous communiquez en jouant sur l’absurdité<br />
de la situation. Est-ce que c’est<br />
50 THE RED BULLETIN
« Ma génération est responsable de ce désastre, alors je me dois<br />
de faire quelque chose pour les suivantes. »<br />
La solution au problème<br />
du plastique<br />
dans les océans est<br />
très complexe, et doit<br />
être adaptée localement.<br />
Le ramassage<br />
de débris peut se<br />
révéler plus préjudiciable<br />
qu’appréciable.<br />
Ici, Ben Lecomte et<br />
ses coéquipiers font<br />
des prélèvements<br />
d’échantillons de<br />
déchets plastiques<br />
pour les envoyer<br />
à analyser en<br />
laboratoire.<br />
en impactant ainsi les esprits que le<br />
changement s’amorce ?<br />
Vous parlez de la photo où je suis assis<br />
tout nu sur une lunette de WC ? J’ai posé<br />
avec des débris que j’ai trouvés, pour<br />
choquer. Car les gens vont s’offusquer<br />
de me voir – et c’est exactement cela qui<br />
m’intéresse –, ils vont plus s’offusquer de<br />
me voir nu que de voir un tel morceau de<br />
plastique dans l’océan. Pour l’instant, c’est<br />
mon approche : faire quelque chose d’un<br />
peu marginal pour attirer l’attention. Et<br />
ensuite pouvoir aborder les sujets de fond.<br />
Existe-t-il une solution globale au problème<br />
du plastique dans les océans ?<br />
Certes, le problème est global, mais il est<br />
surtout complexe, d’où la nécessité d’y<br />
répondre avec des actions locales, adaptées<br />
aux pays. Aux États-Unis par exemple,<br />
les lobbyistes ont beaucoup de pouvoir et<br />
THE RED BULLETIN 51
« Il faut être sur le bateau, avancer doucement pour voir ce qu’il y a<br />
à la surface, qui ne reflète qu’une partie de la réalité. La majeure<br />
partie, celle que l’on ne voit pas, se trouve dans la colonne d’eau. »<br />
52 THE RED BULLETIN
font pression sur les hommes politiques ;<br />
c’est moins le cas en Allemagne, c’est pour<br />
ça qu’ils ont pu faire passer des lois et<br />
des décrets pour limiter l’utilisation du<br />
plastique. On ne peut décemment pas<br />
apporter une solution miracle adaptée<br />
pour tous, car les modèles économiques<br />
et les ressources sont différents.<br />
Contrairement à l’idée qu’on s’en fait,<br />
le vortex de déchets n’a ni la densité<br />
ni la visibilité d’un continent. Cela est<br />
dû au fait que les débris flottent sous<br />
et non à la surface de l’eau. Voilà pourquoi<br />
on ne peut pas le voir depuis l’espace<br />
sur les images satellite. Combien<br />
dénombre-t-on de vortex ?<br />
Cinq. Deux dans le Pacifique, deux dans<br />
l’Atlantique, et un dans l’océan Indien.<br />
Le vortex du Pacifique nord étant le plus<br />
gros. Pour nous, l’important était d’avoir<br />
des images pour communiquer sur cette<br />
monstrueuse réalité et sensibiliser le<br />
public. Cela n’est effectivement pas visible<br />
sur les images satellite. Il faut vraiment<br />
être sur le bateau, avancer doucement<br />
pour voir ce qu’il y a à la surface, qui ne<br />
reflète qu’une partie de la réalité car la<br />
majeure partie, celle que l’on ne voit pas,<br />
se trouve dans la colonne d’eau. C’est<br />
la raison pour laquelle je nageais : en<br />
étant dans l’eau 7 à 8 heures par jour, je<br />
voyais les endroits où la concentration de<br />
microplastiques était la plus forte et cela<br />
me permettait de guider les recherches.<br />
Le vortex du Pacifique nord serait<br />
grand comme six fois la France ?<br />
Cela dépend sur quelle étude on se base.<br />
Disons que c’est une zone très étendue,<br />
où la concentration de microplastiques<br />
et de gros déchets est très élevée. On peut<br />
comparer cela à une oasis car il y a tout<br />
un écosystème qui se développe autour<br />
des gros débris : des algues et des mollusques<br />
s’accrochent dessus, des crabes<br />
et des poissons nagent en dessous…<br />
En général, ces débris sont jetés près des<br />
côtes. Les courants marins finissent par<br />
les pousser au milieu de l’océan, mais les<br />
organismes dessus et dessous proviennent<br />
des régions côtières. En se retrouvant au<br />
milieu de l’océan, dans un écosystème différent<br />
du leur, ces organismes deviennent<br />
une « population envahissante », on parle<br />
aussi d’invasion biologique.<br />
Il y a aussi le phénomène de lixiviation<br />
des produits chimiques…<br />
C’est lorsque certaines substances contenues<br />
dans les plastiques se dissolvent<br />
dans l’eau. Je vous explique : quand un<br />
gros morceau de plastique se casse en<br />
petits morceaux, des produits chimiques<br />
se déversent dans l’eau car le plastique<br />
a la propriété d’absorber les produits<br />
chimiques et les polluants. Un poisson ou<br />
un mammifère qui avale un morceau de<br />
plastique, eh bien, le fait qu’il confonde<br />
le plastique avec un aliment comestible<br />
est déjà un problème en soi, mais aussi les<br />
substances chimiques qu’il renferme sont<br />
néfastes car elles vont pénétrer dans la<br />
chair de l’animal. On constate donc qu’il<br />
y a une concentration de polluants au<br />
tout début de la chaîne alimentaire.<br />
Le bateau de vingt<br />
mètres de long à<br />
coque d’acier est<br />
équipé pour l’expédition<br />
scientifique.<br />
Les membres de<br />
l’équipage, à bord<br />
de I Am Ocean, sont<br />
tous volontaires et<br />
motivés par la portée<br />
environnementale et<br />
scientifique du projet.<br />
THE RED BULLETIN 53
« Faire réfléchir<br />
aux habitudes de<br />
consommation,<br />
inciter à opter<br />
pour des<br />
alternatives<br />
durables. »<br />
Voilà l’ambition de Ben Lecomte<br />
pour les générations à venir.
Qu’appelle-t-on « microplastique » ?<br />
Ce sont des particules de plastique qui<br />
ne font pas plus de cinq millimètres.<br />
Quand on ramasse un gros morceau de<br />
plastique, celui-ci se casse et devient du<br />
microplastique. L’autre grand danger,<br />
car on ne peut pas les voir à l’œil nu, ce<br />
sont les microfibres synthétiques. Elles<br />
proviennent des vêtements en polyester<br />
ou en fibres synthétiques, qui, lorsqu’on<br />
les nettoie à la machine, perdent des<br />
microfibres, lesquelles restent dans l’eau.<br />
Pour vous donner une idée : on a filtré de<br />
l’eau du Japon jusqu’à San Francisco. Les<br />
échantillons sont en cours d’analyse dans<br />
des laboratoires. Les premiers résultats<br />
d’échantillons envoyés l’année dernière<br />
montrent la présence de microfibres dans<br />
tous les relevés effectués. Et à chaque fois<br />
qu’on attrapait un poisson, on découpait<br />
sa chair pour voir si elle renfermait des<br />
microfibres. Là aussi, les analyses sont<br />
en cours. Donc pour résumer, il y a deux<br />
problèmes majeurs avec le plastique : l’un,<br />
c’est le microplastique, et l’autre, ce sont<br />
les fibres synthétiques. On ignore encore<br />
tout de l’impact qu’ils ont sur la vie marine<br />
et sur nous en tant qu’humains.<br />
Le problème ne se résoudra alors pas<br />
seulement en ramassant les débris et en<br />
s’en débarrassant, car ce serait détruire<br />
un écosystème déjà très fragilisé…<br />
Ben Lecomte, 51 ans, ne compte pas s’arrêter<br />
de nager ni de s’activer de si tôt.<br />
Exact. Il n’existe pas encore de filtre<br />
approprié, ni aucun moyen de stopper<br />
la pollution des microfibres et des<br />
microplastiques. Nous avons essayé,<br />
mais même en utilisant un filet très fin,<br />
on ramassait trop de planctons et de<br />
micro-organismes. On en est arrivés à la<br />
conclusion que si on crée un système pour<br />
collecter les microplastiques, on risque<br />
de collecter aussi les micro-organismes<br />
et de les soustraire à l’océan… Ce qui est<br />
impensable. Aussi, il faut savoir qu’on ne<br />
connaît que 1 % de la masse de plastique<br />
en mer. On ne sait pas si les autres 99 %<br />
flottent dans la colonne d’eau, stagnent<br />
« Nous sommes la première expédition<br />
à réunir des échantillons sur toute la<br />
longueur du Pacifique. »<br />
Jusqu’ici, il n’est possible de localiser que 1 % du plastique dans les océans. On ignore où<br />
se trouvent les 99 % restants : au fond de l’eau, ingurgités par la faune marine…<br />
au fond des mers, ou ont été ingérés par<br />
la faune marine. En revanche, ce que<br />
l’on sait, c’est que 300 millions de tonnes<br />
de plastique à usage unique sont produites<br />
chaque année, et que huit millions<br />
finissent dans les océans.<br />
Quelle vision d’avenir souhaitez-vous<br />
transmettre aux générations futures ?<br />
La nage, c’est un moyen de communication<br />
pour moi, un moyen d’expression.<br />
En faisant prendre conscience aux gens<br />
que les mers et les océans constituent plus<br />
de 70 % de la planète, et en leur faisant<br />
comprendre à quel point les océans sont<br />
pollués, ils pourront réfléchir à leurs<br />
habitudes de consommation, et opter pour<br />
des alternatives durables et des matériaux<br />
en fibres naturelles. J’ai voulu créer une<br />
plateforme avec cet événement, <strong>The</strong> Vortex<br />
Swim, et son interface en ligne, afin de<br />
réunir des données pour la science, mais<br />
surtout pour agir comme un électrochoc et<br />
interagir avec une audience. En montrant<br />
exactement ce qu’est le vortex de plastique,<br />
en éduquant les gens sur les effets<br />
néfastes du plastique, des microfibres, de<br />
la difficulté de « nettoyer » les océans sans<br />
abîmer l’écosystème, on leur fait prendre<br />
la mesure de la réalité. Dans l’échange,<br />
sur Internet ou lors des conférences, on<br />
commence par engager une conversation<br />
– c’est un premier pas ! – en vue d’initier<br />
des changements. Notre but, c’est d’aider<br />
les gens à construire leur pensée, avec une<br />
motivation et une responsabilité.<br />
Comme si on leur proposait de changer<br />
de carte pour changer de point de vue ?<br />
En plaçant les océans au centre et en<br />
les faisant apparaître comme une seule<br />
unité (voir page 48) ? C’est une vision<br />
rare qui permet de changer de paradigme,<br />
qui force à voir les choses autrement.<br />
Un peu comme vos photos…<br />
Voilà pourquoi j’insiste sur la partie sensibilisation,<br />
éducation, et responsabilisation.<br />
C’est en éduquant les générations futures,<br />
en allant dans les écoles, en faisant des<br />
conférences, en montrant des images<br />
frappantes que nous sensibiliserons sur le<br />
développement durable et sur le problème<br />
du plastique en milieu marin. Nous avons<br />
amassé beaucoup de contenus vidéo pour<br />
réaliser des documentaires et des clips<br />
éducatifs, qui ne seront pas que centrés<br />
sur l’expédition. En adoptant une vue plus<br />
générale de la problématique du plastique<br />
dans l’océan, nous pourrons toucher et<br />
impliquer les lobbys, les gens de l’industrie<br />
chimique, de l’ONU, etc., et trouver<br />
des solutions avec eux. Et du côté civique,<br />
il faut soutenir toutes les initiatives…<br />
thelongestswim.com<br />
THE RED BULLETIN 55
Mathieu Rochet en<br />
repérage dans le quartier<br />
d’East Point à Atlanta,<br />
berceau de OutKast.<br />
56 THE RED BULLETIN
Un Français<br />
à Atlanta<br />
MATHIEU ROCHET fait partie de ceux qui savent<br />
emmener le hip-hop « ailleurs ». Cofondateur du<br />
magazine Gasface, scénariste et réalisateur pour<br />
Arte, son dernier projet en date s’appelle Lost in<br />
Traplanta, une mini-série à la fois authentique et<br />
drôle au cœur de la nouvelle capitale du rap.<br />
Texte ROD GLACIAL<br />
JILL SALINGER<br />
Vocation et bobards<br />
Né en 1979, comme le rap, l’environnement<br />
de Mathieu ne le prédestinait pas<br />
vraiment au hip-hop. Lyonnais, fils de<br />
parents fans de Jean-Jacques Goldman,<br />
il est bluffé à l’âge de onze ans par une K7<br />
de Run-DMC que lui fait découvrir son<br />
grand-frère. Cette culture pleine de trous,<br />
à mille lieues de New York ou Paris, un<br />
cousin à lui la colmate parfois à l’aide de<br />
MTV où le kid découvre la magie des clips<br />
de rap et l’hégémonie de 2Pac. Quelques<br />
tags et scratchs plus tard (la passion du<br />
turntablism le contamine au lycée),<br />
deux inspirations plus profondes se démarquent<br />
chez lui : <strong>The</strong> Source, la revue<br />
de référence américaine, et Get Busy, le<br />
magazine créé par Sear, ancien proche<br />
de NTM et aujourd’hui animateur sur<br />
Clique TV.<br />
THE RED BULLETIN 57
Mathieu, sur son PC, en 2001 à Lyon, en train d’enregistrer ses interviews sur disquette !<br />
C’est avec ces références en tête que<br />
Mathieu rejoint l’équipe de l’émission<br />
Fragment of Hip-Hop sur Radio Canut<br />
( radio associative lyonnaise), en 2000. Il<br />
y rencontre Nicolas Venancio avec qui il va<br />
bientôt fonder le magazine Gasface. L’élément<br />
déclencheur ? Sa première interview,<br />
à Paris, celle du producteur californien<br />
Madlib. Il comprend ce jour-là quelle sera<br />
sa vocation. Et fin 2001 sort Gasface n°1.<br />
À cette période, le hip-hop se prend très au<br />
sérieux et le duo veut amener un nouveau<br />
souffle impertinent à la discipline. Les<br />
deux compères font des heures de route<br />
en Europe, vont même passer des virées à<br />
New-York pour rencontrer les poids lourds<br />
du rap, avant d’inventer des stratagèmes<br />
pour leur « voler » des interviews. « Les<br />
managers nous envoyaient chier donc on<br />
avait des bobards pas croyables. On donnait<br />
le nom de famille du rappeur à l’accueil<br />
de son hôtel et on regardait le type<br />
composer le numéro comme des détectives.<br />
Un soir, on s’est retrouvé à huit dans<br />
une chambre pour faire une interview ! »<br />
« On faisait des<br />
interviews en<br />
vrai, c’était notre<br />
point fort. »<br />
Gasface, les Inrocks du hip-hop<br />
En parallèle du fanzine, ils organisent<br />
des concerts à Lyon de façon à ne plus<br />
devoir voler leurs interviews. Surtout, ils<br />
mettent de l’argent de côté pour publier<br />
un « vrai » magazine. C’est à l’été 2006<br />
que sort la nouvelle formule de Gasface<br />
en kiosque, toujours tranchante, touchant<br />
à toutes les branches de la galaxie hiphop<br />
– d’Isaac Hayes au producteur Pete<br />
Rock en passant par l’auteur George<br />
Pelecanos. « On faisait toujours des interviews<br />
en vrai, c’était notre point fort,<br />
pas de téléphone. Plus ça allait, plus on<br />
racontait, et on était plus intéressés par<br />
la rencontre en elle-même que par le fait<br />
d’écrire un papier. Et ce n’était pas que<br />
du rap, on voulait êtres les Inrocks du<br />
hip-hop. »<br />
Les beaux jours de la presse rap sont<br />
loin derrière et pourtant, le magazine<br />
cartonne. Les deux Lyonnais obéissent<br />
toujours à la loi de la débrouille ; rédaction,<br />
graphisme, régie pub, distribution,<br />
etc., ils apprennent sur le tas et deviennent<br />
des entrepreneurs par défaut.<br />
En 2008, leur sixième numéro est boycotté<br />
à la suite d’une couverture (affichant<br />
« Faut-il avoir peur de ces enculés de<br />
blancs ? ») qui suscite l’incompréhension :<br />
« Ça a provoqué beaucoup de buzz, on<br />
n’a jamais eu autant de presse. Libé et<br />
Les Inrocks nous soutenaient. Ce numéro<br />
de Gasface a été présenté au Conseil des<br />
L'une des meilleures ventes du<br />
magazine : Gasface n°3 avec Booba,<br />
Alchemist, Jacques Audiard.<br />
ministres pour voir s’ils pouvaient l’interdire,<br />
comme le Charlie Hebdo de 1969.<br />
Évidemment, ils ont vu que c’était une<br />
blague. » Sans garantie que les kiosquiers<br />
continuent à distribuer Gasface, le duo<br />
prend la décision d’arrêter. Au sommet.<br />
Au même moment, Sylvain Gire,<br />
directeur éditorial d’Arte Radio, les<br />
contacte et leur propose de réaliser un<br />
documentaire web. « On a connu la phase<br />
déclinante de la presse, mais sans le<br />
savoir, on s’est retrouvés dans la phase<br />
ascendante des nouveaux médias. »<br />
JILL SALINGER<br />
58 THE RED BULLETIN
« J’ai mis un an à<br />
trouver le héros<br />
de ma série Lost<br />
in Traplanta. »
Mathieu Rochet sur le tournage de Hell Train à New York en 2015 (en haut). Sur le tournage<br />
de Lost in Traplanta avec Kody Kim, une Oldsmobile Cutlass, et Masta Ace qui joue le Rap<br />
God (en bas à gauche). Avec Dr. Dax, légende américaine du graffiti et membre du crew de<br />
OutKast, la Dungeon Family (en bas à droite).<br />
60 THE RED BULLETIN
En mode nouvelle vague<br />
Série la plus vue à l’international dans<br />
l’histoire d’Arte, New York Minute transforme<br />
l’essai de Gasface du papier à<br />
l’écran. Le programme suit des personnalités<br />
de chaque borough et transcrit leur<br />
rapport à la ville, de l’artiste Futura 2000<br />
au rappeur Joell Ortiz en passant par les<br />
enfants-soldats de Sierra Leone recrutés<br />
par des gangs. Sans technique mais avec<br />
beaucoup d’idées et de contacts, ils réussissent<br />
leur pari. « On nous a filé les clés<br />
d’un camion à 200 000 balles et on a<br />
tourné ça en mode nouvelle vague, sans<br />
aucune supervision, à cinq dans un van.<br />
Comme c’était le début d’un truc, on avait<br />
les mêmes chances que les autres. » Dans<br />
la foulée, ils produisent la version 52<br />
minutes pour la télé. Jamais là où on les<br />
attend, ils tournent ensuite Lookin4Galt<br />
en partenariat avec Dailymotion, un documentaire<br />
sur le musicien canadien Galt<br />
MacDermot, auteur de la comédie musicale<br />
Hair et musicien autant samplé par<br />
le rap que James Brown. Le duo, toujours<br />
en mode commando, met en scène une<br />
fausse quête qui constitue le récit ; l’expérience<br />
se révèle fructueuse. Sorti en 2013,<br />
le film est accompagné de deux séries pour<br />
le promouvoir, Think Big et All That Jazz.<br />
Toujours plus loin dans la fiction, le duo<br />
signe une ultime fois pour Arte un format<br />
court nommé Hell Train, et diffusé en<br />
2015. Cette adaptation de L’Enfer de Dante<br />
dans le gangsta rap new-yorkais malmène<br />
encore une fois le genre, pour son bien.<br />
On y évolue parmi des figures maléfiques<br />
(Azie Faison, roi de la coke dans les 80’s,<br />
ou Chaz Williams, ex-braqueur et imprésario<br />
de 50 Cent) dans une atmosphère<br />
oppressante et irréaliste. Boulot le plus<br />
abouti du duo, Mathieu et Nicolas partiront<br />
pourtant chacun de leur côté après<br />
cette dernière aventure.<br />
Lost in Traplanta<br />
Sur sa dernière prod pour Arte, Mathieu<br />
s’est à nouveau servi de ses obsessions<br />
(la reformation d’OutKast, groupe qui a<br />
révélé Atlanta) et a imaginé une chasse au<br />
« La trap, en<br />
termes de sonorité<br />
tu ne peux pas<br />
faire mieux, c’est la<br />
fin du chemin. »<br />
Larry (Kody Kim) vient de se faire larguer et tente<br />
d’oublier son chagrin dans les rues d’Atlanta.<br />
duo au sein de la nouvelle capitale du rap.<br />
Pour jouer « le Français à Atlanta », il a<br />
choisi un Belge, Kody Kim, humoriste déjà<br />
réputé dans son pays dont le rôle semblait<br />
taillé pour lui. Mais ce n’était pas gagné.<br />
« J’ai mis un an à le trouver, au début je ne<br />
voulais pas faire de casting, j’allais juste<br />
voir des trucs de stand-up. Je cherchais<br />
quelqu’un de marrant, physiquement,<br />
quelqu’un qui savait bien parler anglais et<br />
qui savait écouter les autres aussi. Puis j’ai<br />
découvert Kody dans l’émission Le Grand<br />
Cactus, il imitait JCVD, Depardieu, Karl<br />
Lagerfeld avec un aplomb incroyable. Je<br />
suis alors allé à Bruxelles pour le rencontrer.<br />
Avant ça, j’ai même casté Monsieur<br />
Fraize. On a tellement rigolé que je n’arrivais<br />
plus à le filmer. Et puis à un moment,<br />
je me suis dit qu’on allait se faire tuer si on<br />
continuait avec lui. »<br />
Dans ces dix épisodes de huit minutes,<br />
vous ne verrez pas les rappeurs Gucci<br />
Mane et Future exhiber leurs bijoux, mais<br />
vous pénétrerez dans les dessous de leur<br />
monde ; avec DJ Toomp, producteur du<br />
premier album du genre (Trap Muzik de<br />
T.I.), Debra Antney (manager et mère de<br />
Waka Flocka Flame), les danseuses de<br />
Magic City ou encore John Roberts (batteur<br />
de Janet Jackson). Kody zone, joue<br />
de hasard en hasard, passe de l’armurerie<br />
au barbier, du strip club à l’université, et<br />
rencontre sur sa route toute une galaxie<br />
de personnages qui ont façonné cette ville,<br />
musicalement et spirituellement. Pour<br />
ceux qui se posent la question : oui, la série<br />
a été écrite avant que ne sorte la saison 1<br />
d’Atlanta de Donald Glover. Ce qui n’empêche<br />
pas les deux de partager la même<br />
légèreté et spontanéité rafraîchissantes.<br />
Tourné en deux semaines, la mini-série<br />
a été une fois de plus l’occasion pour<br />
Mathieu de partager des moments uniques<br />
(l’hospitalité du sud est à mille lieues du<br />
stress new-yorkais) et de voir la trap d’un<br />
tout autre œil. N’en déplaise aux puristes,<br />
sa série en est le meilleur avocat. « En<br />
termes de sonorité tu ne peux pas faire<br />
mieux, c’est la fin du chemin. C’est marrant,<br />
ce qui fait que le rap d’Atlanta marche<br />
très bien, c’est ce qui a fait que le rap a très<br />
bien marché au début et a plu à beaucoup<br />
de gens, avec Planet Rock d’Afrika Bambaataa<br />
par exemple. C’est pratiquement<br />
la forme la plus pure de rap. »<br />
Conçu pour durer<br />
Lost in Traplanta, qui devait clore un chapitre<br />
pour l’ancien Gasface, se présente<br />
comme un nouveau tremplin pour lui –<br />
la série (à voir sur arte.tv) a déjà remporté<br />
quatre prix dans des festivals (à Munich<br />
encore dernièrement). Il pense déjà à<br />
des suites, à Los Angeles ou en Jamaïque.<br />
Mais surtout, il continue de jongler avec<br />
différents supports. En effet, cela ne surprendra<br />
personne, Mathieu Rochet vient<br />
de finir l’écriture de son premier longmétrage<br />
de fiction, Jacques Martien,<br />
l’homme le plus dangereux du monde.<br />
L’histoire ? Un prof d’auto-école lyonnais<br />
est accusé d’avoir tué un prix Nobel et doit<br />
retrouver le vrai assassin pour empêcher<br />
la première guerre mondiale d’éclater.<br />
L’intention est claire : redonner ses lettres<br />
de noblesse à la comédie qui réfléchit.<br />
Quoi d’autre ? Une sitcom sur un<br />
rappeur has-been qui se fait virer de son<br />
label alors qu’il est en vacances, et se<br />
retrouve placardisé à l’étage des community<br />
managers à son retour. Ses influences<br />
puisent autant dans l’absurde d’un Boots<br />
Riley (Sorry to Bother You), la satire de<br />
la série 30 Rock ou les sitcoms des années<br />
80 comme Cheers et Taxi. Et ce n’est pas<br />
fini. Pour se remettre d’un documentaire<br />
sur David Ginola qui n’a jamais pu voir le<br />
jour (dans lequel il analysait le destin du<br />
joueur devenu la bête noire du foot français),<br />
Mathieu a signé Un Prophète en<br />
survet, un portrait de la France des 90’s<br />
par le prisme du basket, via la star du<br />
streetball Moustapha Sonko. Comme La<br />
Cliqua, le fameux groupe de rap parisien<br />
de la même époque, Mathieu Rochet est<br />
conçu pour durer.<br />
THE RED BULLETIN 61
Lorsque la trap s’est<br />
démarquée de ses origines<br />
illicites pour devenir la<br />
force dominante du rap,<br />
il lui fallait une esthétique<br />
à la hauteur. Rencontrez<br />
le jeune photographe qui<br />
prend des images sans<br />
fard des plus grandes<br />
stars du genre.<br />
Gunner Stahl<br />
Sur la piste<br />
des trappeurs
YOUNG THUG<br />
L’un des artistes préférés<br />
de Stahl, le natif d’Atlanta<br />
est un pionnier de la nouvelle<br />
vague de rappeurs<br />
trap. Après six mixtapes<br />
acclamées, son premier<br />
album studio, So Much<br />
Fun, s’est classé en tête<br />
du US Billboard 200<br />
en août dernier.<br />
63
Jonathan Simmons, alias Gunner Stahl,<br />
achète son premier appareil photo à un<br />
ami lors d’une soirée. Il a dix-huit ans.<br />
Malgré son échec à un cours de photographie,<br />
il ressent le besoin de photographier<br />
sa vie à l’école, dans les fêtes, les concerts.<br />
Une vie qui sera impactée par la scène<br />
trap qui explose alors aux USA depuis son<br />
Atlanta natal.<br />
La trap – un courant du hip-hop fait de<br />
textes et de mélodies rapidement esquissées<br />
sur un fond de snare, de charleston<br />
et de boîte à rythme Roland TR-808 au<br />
sub-bass puissant, puis immédiatement<br />
uploadées sur les plateformes de streaming<br />
– est devenue une force dominante<br />
du rap. Et les portraits intimes de Gunner<br />
Stahl, 27 ans, parviennent à canaliser<br />
cette énergie brute. L’Américain s’est taillé<br />
une place de choix dans cette scène en<br />
prenant des clichés sans fard des plus<br />
grandes stars de la trap comme Future et<br />
le super- producteur Metro Boomin alors<br />
qu’ils se trouvaient à la Fashion Week de<br />
Paris, ou Gucci Mane pendant sa tournée.<br />
L’attachement de Stahl à la photo en<br />
35 mm apporte une autre dimension à son<br />
esthétique recherchée, rendant son travail<br />
encore plus imprévisible dans un monde<br />
toujours plus numérisé. Mais c’est un<br />
médium qu’il a découvert par hasard :<br />
alors qu’il se préparait à documenter la<br />
tournée Yeezus de Kanye West à Atlanta en<br />
2013, l’appareil photo de Stahl s’est brisé.<br />
L’appareil de remplacement proposé par<br />
un ami n’étant pas numérique, il fallait<br />
donc passer par un drugstore pour acheter<br />
de la pellicule. Stahl a depuis rejeté ces<br />
photos qu’il qualifie de « déchets », mais<br />
a continué de prendre des photos avec<br />
l’appareil et est tombé amoureux de la<br />
crudité du processus du film.<br />
Ce n’est qu’autour de 2014 que Stahl<br />
se lance dans la photographie musicale.<br />
Beaucoup de ses amis étaient musiciens<br />
et il avait même été nommé membre du<br />
collectif de rap local Two-9 après avoir<br />
simplement traîné avec eux en studio.<br />
Stahl a commencé à documenter leurs<br />
sessions d’enregistrement et leurs collaborateurs<br />
: les premières images de son<br />
flux Instagram incluent l’un des DJs de<br />
Two-9, Osh Kosh, aux côtés du styliste<br />
« Si la personne ne<br />
m’inspire pas, je ne la<br />
photographie pas. »<br />
Virgil Abloh, ainsi que des photos d’un<br />
Wiz Khalifa aux cheveux violets prises au<br />
moment où il est venu enregistrer avec<br />
le collectif.<br />
Stahl ne s’immisce pas dans le processus<br />
créatif de ceux qui l’entourent, ce qui<br />
signifie qu’en retour il a leur respect, et<br />
pour eux, ses photos constituent une rupture<br />
nécessaire. Elles apparaissent plus<br />
proches de la réalité et offrent aux fans<br />
un aperçu de leurs artistes préférés dans<br />
leur habitat naturel. « Je n’entretiens<br />
les relations que pour arriver à ce type<br />
d’images, explique Stahl. Si je ne suis pas<br />
passionné par la personne, je ne la photographie<br />
pas. » Mais la crédibilité de son<br />
travail a inévitablement transcendé les<br />
héros de sa ville natale, et lui a permis<br />
d’approcher des mégastars mondiales<br />
comme Ed Sheeran, Drake, Kanye West,<br />
Kylie Jenner, Post Malone, Miley Cyrus,<br />
Lana Del Rey et même Adam Sandler.<br />
Aujourd’hui, Stahl vit plutôt dans les<br />
hôtels : il passe la majeure partie de sa<br />
vie à se déplacer à la recherche de la meilleure<br />
photo. Il ressent ainsi une empathie<br />
plus profonde pour ses sujets et leur vie<br />
sur la route. Ses portraits sont réalisés<br />
entre les studios, les coulisses et les<br />
logements provisoires mais les images<br />
donnent l’impression d’être habitées.<br />
L’une de ses photos les plus emblématiques,<br />
la couverture de la mixtape éponyme<br />
de Playboi Carti, le natif d’Atlanta,<br />
parue en 2017, montre ce dernier confortablement<br />
affalé entre deux modèles<br />
dans une location de Los Angeles.<br />
À travers son travail, Stahl peut partager<br />
avec son public les pass « all-access »<br />
qu’il a obtenus pour suivre les stars de la<br />
trap. En 2017, il a créé une collection<br />
capsule de vêtements pour Puma et réalisé<br />
une exposition en galerie intitulée<br />
For You, Mom – un hommage à sa mère,<br />
décédée d’un cancer du sein. Récemment,<br />
Stahl a publié Gunner Stahl: Portraits,<br />
un ouvrage rempli de ses photos inédites<br />
préférées des trois dernières années avec<br />
des contributions de Swae Lee, du duo de<br />
trappeurs Rae Sremmurd et d’un célèbre<br />
photographe de rap des années 90, Chi<br />
Modu. Le livre a été présenté dans des<br />
galeries de trois villes : New York, Los<br />
Angeles et, bien sûr, Atlanta. Mais bien<br />
que son étoile grandisse, Stahl, à l’image<br />
de ses photographies, conserve les deux<br />
pieds sur terre.<br />
« Sois toi-même, dit-il. Alors les gens<br />
viendront davantage à toi. »<br />
Gunner Stahl: Portraits (Abrams) ;<br />
Instagram : @gunnerstahl.us<br />
64 THE RED BULLETIN
PLAYBOI CARTI<br />
« J’adore les yeux. Les yeux<br />
donnent l’image complète »,<br />
dit Stahl. Avec cette photo<br />
cependant, le photographe<br />
prouve sa capacité à créer un<br />
moment intrigant en faisant<br />
exactement le contraire.<br />
Les yeux de ses sujets, ici le<br />
rappeur Playboi Carti et<br />
le mannequin Justine Mae<br />
Biticon, sont hors champ,<br />
ce qui éveille la curiosité et<br />
stimule l’imagination.
LIL UZI VERT<br />
Photographié durant le festival<br />
Rolling Loud à New York en<br />
2016, le natif de Philadelphie<br />
est surtout connu pour son<br />
énorme succès viral XO Tour<br />
Llif3. « J’étais dans les coulisses,<br />
en train d’attendre, raconte<br />
Stahl. Tout à coup, il a traversé<br />
le service de sécurité. On a passé<br />
du temps ensemble, et je me suis<br />
habitué à sa personnalité. »
AMINÉ<br />
Le rappeur originaire de<br />
Portland s’exprime autant par<br />
l’humour surréaliste de ses<br />
visuels et de son esthétique<br />
aux couleurs vives que par les<br />
textes réfléchis et ses chutes<br />
auto-dépréciatrices. Pas<br />
surprenant qu’il ait développé<br />
une relation avec Stahl, un fan<br />
autoproclamé de comédies<br />
dites « mumblecore ».<br />
67
LIL BABY<br />
GUNNA<br />
Les deux artistes dont<br />
la popularité a explosé<br />
à Atlanta au cours des<br />
dernières années font<br />
preuve d’une solide<br />
éthique de travail,<br />
publiant individuellement<br />
plusieurs mixtapes<br />
chaque année.<br />
Ils ont aussi canalisé<br />
leur chimie naturelle<br />
dans la mixtape Drip<br />
Harder parue l’année<br />
dernière.<br />
68
LIL YACHTY<br />
Un sujet récurrent dans<br />
l’œuvre de Stahl. Le<br />
« King Of Teens »<br />
autoproclamé d’Atlanta<br />
était un personnage<br />
polarisant au moment<br />
de son apparition avec<br />
ses mélodies bubble-gum<br />
et ses paroles fantaisistes,<br />
mais il a explosé sa<br />
popularité auprès de ses<br />
fans et est devenu une<br />
icône dans le domaine<br />
de la mode.
NIPSEY HUSSLE<br />
Le rappeur, entrepreneur et<br />
activiste de Los Angeles a été<br />
assassiné devant son magasin,<br />
<strong>The</strong> Marathon Clothing, en<br />
mars, un peu plus tôt cette<br />
année – une perte énorme<br />
pour sa famille, ses amis et la<br />
communauté hip-hop à travers<br />
le monde. Stahl lui rend hommage<br />
avec des photographies<br />
inédites tirées de ses archives.<br />
70 THE RED BULLETIN
PLAYBOI CARTI<br />
Après avoir réalisé la<br />
pochette emblématique de<br />
sa première mixtape, Stahl<br />
a continué à documenter<br />
la montée en puissance de<br />
Playboi Carti. Ici, le rappeur<br />
de Magnolia profite d’un<br />
moment en coulisses avec<br />
son mentor, A$AP Rocky.<br />
71
ROULER<br />
À NOUVEAU<br />
Comme le montre le nouveau<br />
documentaire Any One of Us, la vie de<br />
l'Américain PAUL BASAGOITIA a été<br />
bouleversée par un accident survenu au<br />
<strong>Red</strong> Bull Rampage. Le combat de l’ancien<br />
coureur pro pour retrouver sa place et<br />
son identité a été dur et est devenu une<br />
source d’inspiration que personne<br />
n’aurait pu imaginer. Lui le premier.<br />
Texte NEAL ROGERS<br />
Photos DEWEY NICKS<br />
72 THE RED BULLETIN
« Je n’ai plus à regarder<br />
en arrière – je vais<br />
continuer à regarder<br />
vers l’avenir », dit Paul<br />
Basagoitia, qui pose ici<br />
à Minden, Nevada<br />
(USA), le 2 août.
Sur un sentier près de<br />
Truckee, en Californie,<br />
Paul Basagoitia dans ce<br />
qu’il sait faire de mieux<br />
et adore : rouler à vélo.
Paul Basagoitia chevauche en VTT sur un<br />
sentier poussiéreux dans le Mount Rose<br />
Wilderness, à mi-chemin entre le lac<br />
Tahoe et sa maison à Reno dans le Nevada<br />
(USA). À un rythme soutenu. Durant les<br />
chaudes journées de juin, l’occasion de<br />
zigzaguer dans la forêt ombragée est la<br />
bienvenue. Un cycliste ordinaire observera<br />
que l’homme de 33 ans pédale sur un vélo<br />
de montagne électrique. Un observateur<br />
attentif remarquera qu’il porte une orthèse<br />
personnalisée à la cheville droite. Pratiquement<br />
personne ne pourra cependant<br />
déceler à quel point il aura du mal à marcher<br />
sans aide une fois descendu de vélo.<br />
Vu de l’extérieur, Basagoitia semble<br />
à l’aise, mais la navigation à travers les<br />
arbres n’était pas son point fort durant<br />
sa carrière de onze ans en tant que rider<br />
professionnel de VTT. Basagoitia a plutôt<br />
passé sa vie de cycliste sur le fil du rasoir.<br />
Quand il n’était pas en compétition, il<br />
essayait de trouver le terrain le plus raide<br />
et le plus raboteux que l’on puisse imaginer,<br />
pour dévaler sa pente à fond et<br />
s’élancer dans les airs.<br />
C’est ce genre de cyclisme – d’abord le<br />
slopestyle, sur des bosses artificielles et<br />
plus tard, les épreuves de VTT extrême –<br />
qui a apporté à Basagoitia une renommée<br />
et une fortune relatives. C’était un phénomène<br />
sur bicyclette, gagnant sa vie à<br />
repousser les limites. Et c’est ce qui lui a<br />
causé une blessure à la moelle épinière<br />
qui a bouleversé sa vie en octobre 2015<br />
lors du <strong>Red</strong> Bull Rampage.<br />
Aujourd’hui, quatre ans plus tard, le<br />
documentaire Any One of Us sur sa réhabilitation<br />
lui redonne une certaine notoriété.<br />
Une description franche et sans<br />
détour de la réalité de la vie après une<br />
lésion à la moelle épinière (LM).<br />
Après avoir été présenté dans le cadre<br />
de festivals de cinéma durant le printemps<br />
et l’été, le documentaire a été<br />
acquis par la chaîne HBO qui l’a diffusé<br />
pour la première fois le 29 octobre,<br />
presque quatre ans jour pour jour après<br />
son accident. De retour sur son vélo et<br />
dépassant les attentes de ses médecins,<br />
Basagoitia est devenu une source d’inspiration<br />
pour tous ceux qui ont subi ce<br />
type de blessure.<br />
Une tournure douce-amère pour un<br />
homme relativement discret au sujet de sa<br />
vie privée qui n’a jamais cherché la gloire<br />
et qui a trouvé à la place le réconfort sur<br />
un vélo après une enfance mouvementée,<br />
vécue dans un motel miteux racheté par<br />
des parents en conflit. Basagoitia voulait<br />
être connu pour avoir fait évoluer son<br />
sport, pas pour une petite erreur lourde<br />
de conséquences.<br />
« Je suis un peu bouleversé à l’idée de<br />
cette diffusion sur HBO, nous disait Paul<br />
en août dernier. Il y a beaucoup d’amis et<br />
de membres de ma famille qui n’ont pas<br />
75
encore vu le film. J’ai vécu des choses<br />
qu’ils ignorent. Disons que je suis à la fois<br />
impatient et nerveux. » Sa blessure n’est<br />
pourtant pas le point final de son histoire.<br />
L’accident<br />
Le <strong>Red</strong> Bull Rampage est un événement<br />
cycliste sans pareil. Le surf professionnel<br />
a sa grande compétition de grosses vagues<br />
à Mavericks. L’escalade, l’ascension en<br />
solo d’El Capitan. Le cyclisme de grande<br />
montagne a Rampage, au milieu des<br />
falaises désertiques près de Virgin dans<br />
l’Utah, un événement qui attire les riders<br />
de slope style et de descente et les freeriders<br />
sur terrain naturel. La compétition<br />
se déroule dans un amphithéâtre naturel<br />
accidenté et exposé où les sauts de canyon<br />
de vingt mètres doivent être effectués au<br />
centimètre près et où l’effet de la brise<br />
peut transformer la gloire en échec.<br />
Pour Paul Basagoitia, Rampage représentait<br />
un défi certain. Il venait du monde<br />
du BMX et s’était fait connaître pour ses<br />
figures sur un VTT. La première fois qu’il<br />
a participé au Rampage en 2008, il a terminé<br />
douzième. Alors que le sport progressait,<br />
il s’efforçait de progresser avec<br />
lui. Lorsqu’une nouvelle génération de<br />
riders a commencé à le surclasser, il<br />
est devenu le premier coureur à faire un<br />
double backflip sur terrain naturel. Mais<br />
il s’est aussi lassé : des blessures, de la<br />
pression, de la lutte pour trouver des<br />
sponsors.<br />
Après avoir accompli une course<br />
unique, Basagoitia a terminé neuvième au<br />
Rampage de 2014, son meilleur résultat<br />
en carrière. Il sentait qu’il aurait pu mieux<br />
faire et peut-être même finir dans les trois<br />
premiers. C’est donc devenu son but pour<br />
mettre un point final à sa carrière : être<br />
sur le podium, utiliser l’argent du prix<br />
pour acheter une bague de fiançailles à<br />
sa petite amie de longue date, Nichole,<br />
et raccrocher son vélo.<br />
C’était le plan à l’approche de l’édition<br />
2015 et pendant la première moitié de<br />
sa descente, tout semble sourire à Paul.<br />
Il réussit un saut périlleux au-dessus d’un<br />
canyon, la partie la plus difficile du parcours,<br />
suivi d’un 270 pour le plaisir, puis<br />
tape durement sur la réception.<br />
Mais il va plus loin que prévu. Pas de<br />
beaucoup, mais assez pour bouleverser<br />
sa vie. En essayant de rectifier, sa pédale<br />
droite a accroché une branche d’armoise<br />
sur le bord du sentier. Paul est projeté<br />
sur le dos, sur un rebord de 2,50 mètres<br />
de haut. Bien qu’il s’agisse d’un accident<br />
sérieux, il ne semble pas particulièrement<br />
Cette photo capture Basagoitia lors des finales du dixième <strong>Red</strong> Bull Rampage<br />
le 16 octobre 2015, à Virgin, Utah, USA.<br />
grave en regard de qui se produit habituellement<br />
au Rampage. Allongé au sol,<br />
sa première réaction est la colère. Il<br />
croyait être sur le chemin de la victoire<br />
et avoir enfin tout mis en place. Sa deuxième<br />
chance de gagner Rampage et de<br />
prendre sa retraite. « J’ai subi des accidents<br />
plus durs dans ma carrière et suis<br />
passé à travers, dit Basagoitia. Mais pour<br />
une raison quelconque, je suis retombé<br />
exactement sur la douzième vertèbre et<br />
l’impact a été assez important pour la briser<br />
dans ma moelle épinière. Je ne pouvais<br />
pas bouger les pieds ou les jambes.<br />
C’est là que j’ai su que c’était grave. »<br />
Vint ensuite un vol qui sembla ne<br />
jamais finir en hélicoptère vers l’hôpital.<br />
Après plusieurs scanners, on lui annonce<br />
qu’il doit subir une intervention chirurgicale.<br />
La procédure qui consiste à retirer<br />
des fragments osseux de sa moelle épi-<br />
nière durera plus de dix heures. Il se<br />
réveille en vivant dans ce qu’il appelle<br />
son « nouveau corps », catégorisé « paraplégique<br />
T12 ». Sa moelle épinière n’a<br />
pas été complètement sectionnée ; elle<br />
est « incomplète », ce qui signifie qu’il y<br />
a encore des signaux nerveux en dessous<br />
du niveau de sa blessure. Les médecins<br />
lui disent néanmoins qu’il va probablement<br />
passer le reste de sa vie dans un<br />
fauteuil roulant. Il y a eu de graves accidents<br />
au Rampage par le passé, mais<br />
personne n’avait subi de blessures qui<br />
bouleversent une vie. Désormais,<br />
Basagoitia est paralysé.<br />
La blessure<br />
Les finales du Rampage avaient lieu un<br />
vendredi, le 16 octobre 2015. Les organisateurs<br />
avaient décidé de les avancer d’un<br />
jour en raison des orages qui menaçaient.<br />
DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL<br />
76 THE RED BULLETIN
Basagoitia s’est réveillé ce matin-là<br />
confiant, mais aussi tendu. Il n’avait pas<br />
encore préparé tout son tracé, mais c’était<br />
son cinquième Rampage, et tous les riders<br />
étaient dans la même situation. « Les<br />
conditions météorologiques allaient bientôt<br />
se dégrader, dit Basagoitia. Au lieu<br />
d’attendre que cela passe, ils ont avancé<br />
les finales d’un jour et personne n’avait<br />
fait sa piste. La veille, les sauts n’étaient<br />
même pas à moitié terminés et les riders<br />
tâtonnaient encore en faisant leurs pistes<br />
et tombaient de tous côtés. Et puis voilà,<br />
c’est ton tour, un hélicoptère te fait face,<br />
les chaînes nationales retransmettent<br />
l’événement en direct, et tu te lances pour<br />
la toute première fois. » Basagoitia figure<br />
parmi les nombreux riders qui ont subi un<br />
accident ce jour-là. Les images de la<br />
caméra fixée à son casque, montrées dans<br />
Any One of Us ont saisi le moment où<br />
BASAGOITIA INSÈRE<br />
UN CATHÉTER DE<br />
36 CENTIMÈTRES<br />
DANS SON PÉNIS AFIN<br />
DE VIDER SA VESSIE.<br />
ET SE FILME, SEUL.<br />
Nichole l’a rejoint au sol – au moment où<br />
leur vie a changé à jamais. « Je ne peux<br />
pas bouger mes pieds », dit-il, la panique<br />
pointant dans sa voix.<br />
Il est transporté par les airs vers<br />
St. George et reçoit le diagnostic qui va<br />
bouleverser sa vie à jamais. Il ne pourra<br />
plus jamais marcher. Ses fonctions intestinales,<br />
vésicales ainsi que sexuelles sont<br />
affectées, peut-être pour toujours. En plus<br />
du stress émotionnel et physique de la<br />
blessure, il est constamment en manque<br />
de sommeil ; on le réveille toutes les trois<br />
heures pour son cathéter et on lui administre<br />
des injections d’anticoagulant<br />
toutes les huit heures. Dans les vapes,<br />
Basagoitia ne pense plus à gagner Rampage,<br />
vraiment plus. Il se demande plutôt<br />
s’il va pouvoir simplement enfourcher un<br />
vélo à nouveau.<br />
Le documentaire<br />
Allongé sur son lit d’hôpital, Basagoitia a<br />
du temps devant lui ainsi qu’une nouvelle<br />
caméra vidéo reflex numérique, un appareil<br />
photo GoPro et de nombreuses questions<br />
sans réponse au sujet de sa blessure.<br />
Il se sent perdu, mais il pense qu’il pourrait<br />
produire quelque chose qui sera utile<br />
aux personnes ayant subi une LM. Il<br />
espère également pouvoir documenter sa<br />
progression. L’idée d’impliquer <strong>Red</strong> Bull<br />
Media House dans ce projet ne lui vient<br />
que près d’un an plus tard.<br />
« Me voici dans un lit d’hôpital en train<br />
de penser à la façon dont je vais payer mes<br />
factures de soins, dit Basagoitia. Je commence<br />
à filmer ma progression et je me dis<br />
que je vais faire une petite vidéo, la vendre<br />
sur iTunes ou ailleurs, et tout ce que je vais<br />
récolter d’iTunes servira directement à<br />
payer les factures médicales. J’allais tout<br />
documenter. Je voulais voir mes progrès<br />
au fil du temps. Quand on est dedans, en<br />
pleine rééducation, on ne peut pas la voir.<br />
C’est paradoxal, car il faut justement pouvoir<br />
voir ces progrès pour entretenir la<br />
motivation et persévérer. »<br />
Une scène au début de Any One of Us<br />
ne laisse pas indemne. Seul et nu dans<br />
une salle de bain, quelques semaines seulement<br />
après sa blessure, Basagoitia insère<br />
un cathéter de 36 centimètres dans son<br />
pénis afin de vider sa vessie. C’est cru – et<br />
d’autant plus impressionnant qu’il a filmé<br />
tout seul. « La scène du cathéter, les gens<br />
me disent que c’est ce qu’ils ont vu de plus<br />
lourd dans tous les documentaires qu’ils<br />
n’ont jamais regardés. »<br />
Avant ce moment pendant son rétablissement,<br />
Basagoitia avait un cathéter<br />
inséré en permanence et vidé par les infirmières.<br />
Quand elles lui ont enlevé, il<br />
croyait qu’il serait capable d’uriner tout<br />
seul. Quand on lui a tendu le bâtonnet<br />
du cathéter, sa réaction était prévisible.<br />
« Je refusais de m’insérer ce truc, hors de<br />
question, dit-il. Je me souviens de l’avoir<br />
fait une première fois et j’en ai pleuré.<br />
Deux semaines plus tôt, j’étais en compétition<br />
au plus haut niveau au Rampage<br />
à la télévision nationale – une célébrité<br />
THE RED BULLETIN 77
PAUL<br />
COMMENCE À<br />
VIVRE AVEC SA<br />
BLESSURE TOUT<br />
EN VIVANT AVEC<br />
UNE ÉQUIPE<br />
DE TOURNAGE.<br />
quoi – et je suis passé de cela à apprendre<br />
comment m’insérer un cathéter de<br />
36 centimètres. Ça m’a méchamment pris<br />
par surprise. » Avant que <strong>Red</strong> Bull Media<br />
House ne s’implique dans le documentaire,<br />
<strong>Red</strong> Bull accompagne Paul dans son<br />
rétablissement. Le pilote a été sponsorisé<br />
pendant des années et s’est lié d’amitié<br />
avec le manager d’athlètes, Aaron Lutze.<br />
Ce dernier était présent lorsque Basagoitia<br />
est sorti de la salle d’opération et s’est<br />
assuré qu’il puisse intégrer pour douze<br />
semaines l’hôpital Craig, près de Denver,<br />
un établissement de premier ordre pour<br />
le traitement des lésions à la moelle épinière.<br />
Quelques mois plus tard, Lutze a<br />
rendu visite à Basagoitia chez lui, à Reno.<br />
Ensemble, ils ont regardé le docu Crash<br />
Reel consacré au snowboardeur professionnel<br />
Kevin Pearce et à son rétablissement<br />
après un traumatisme crânien.<br />
« Je savais que Paul filmait son rétablissement,<br />
mais il ne savait pas vraiment<br />
ce qu’il allait en faire, ce n’était pas clair<br />
si cela allait devenir un film, dit Lutze.<br />
Quand Crash Reel a été terminé, Paul a<br />
dit : “Je veux faire quelque chose comme<br />
ça mais pour des blessures à la moelle<br />
épinière.” » Après quelques coups de téléphone,<br />
le projet de documentaire de Paul<br />
est approuvé. Très tôt, il est convenu que<br />
tous les bénéfices du film iraient à Wings<br />
For Life, une fondation à but non lucratif<br />
qui se consacre à la recherche d’un traitement<br />
contre la paralysie.<br />
Basagoitia s’est envolé pour Los Angeles<br />
et a rencontré Fernando Villena, un monteur<br />
de longs métrages et de documentaires<br />
qui avait été sollicité pour épauler<br />
Paul dans ses débuts à la réalisation. À<br />
partir de là, Basagoitia a commencé à jongler<br />
avec deux réalités qui ont changé sa<br />
vie : vivre avec sa blessure tout en vivant<br />
avec une équipe de tournage.<br />
Interrogée sur la possibilité d’inviter<br />
une équipe de tournage dans un environnement<br />
familial qui se remet à peine d’une<br />
catastrophe, sa compagne Nichole admet<br />
que ce n’était pas son premier choix. « Je<br />
ne voyais pas cela comme une occasion de<br />
faire un film, dit-elle. Mais Paul a eu une<br />
idée dès le début : il voulait se différencier<br />
et utiliser sa caméra. Il voulait filmer son<br />
rétablissement et son voyage. Je me souviens<br />
d’avoir entendu : “Nous pourrions<br />
en faire un film”, et je me disais : “Mais<br />
de quoi parlent-ils ? C’est de la folie, c’est<br />
la dernière chose dont on a besoin.” » Le<br />
documentaire se concentre sur Basagoitia<br />
et met aussi en lumière l’étendue des accidents<br />
et des expériences qui font partie<br />
de la vie avec une lésion de la moelle<br />
épinière. Nous apprenons aussi l’histoire<br />
de 17 autres personnes qui vivent avec une<br />
LM par le biais d’épisodes intercalés. Les<br />
membres de l’équipe de production les<br />
ont appelés « le chœur dans le film ».<br />
« À l’origine, le film ne parlait que de<br />
l’histoire de Paul, de son rétablissement,<br />
de ses expériences, explique Villena à propos<br />
du chœur, une idée qui n’a été mise en<br />
œuvre que tardivement dans la production.<br />
Mais comme vous le voyez dans le<br />
documentaire, sa guérison est carrément<br />
miraculeuse, c’est ahurissant. L’idée était la<br />
suivante : c’est génial que Paul se rétablisse<br />
et c’est intéressant pour le film, mais il y a<br />
une histoire beaucoup plus importante.<br />
Après son accident, Basagoitia a été transporté par hélico à St. George, où il a subi dix heures de chirurgie.<br />
CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE<br />
78 THE RED BULLETIN
L’utilisation d’un VTT<br />
électrique a permis<br />
à Basagoitia de<br />
retrouver un certain<br />
niveau de riding.
UNE SÉANCE<br />
D’ENTRAÎNEMENT DE<br />
90 MINUTES TOUS LES<br />
MATINS, AXÉE SUR<br />
LA FORCE MUSCULAIRE,<br />
LE RENFORCEMENT<br />
MUSCULAIRE<br />
ET LE CARDIO.<br />
C’est le quotidien de Paul Basagoitia,<br />
l’ex-pilote VTT pro, depuis qu’il vit<br />
avec une lésion de la moelle épinière.<br />
CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE<br />
80 THE RED BULLETIN
Qu’en est-il des gens qui ne s’en remettent<br />
pas, qui ne peuvent rien bouger, et encore<br />
moins marcher avec des béquilles ? Il y a<br />
un récit plus vaste, sur la façon dont les<br />
gens gèrent leur blessure. »<br />
Parmi les personnes que le docu nous<br />
présente, il y a l’Australien Sam<br />
Willoughby, double champion du monde<br />
de BMX, qui s’est brisé des vertèbres en<br />
2016. Il y a aussi Jesse Billauer, un surfeur<br />
qui a subi une lésion complète de la<br />
moelle épinière à l’âge de 17 ans sur un<br />
banc de sable peu profond en 1996. Et il<br />
y a Annette Ross, qui a reçu un mauvais<br />
analgésique pour une péridurale pendant<br />
son accouchement en 2000, qui a brûlé<br />
sa moelle épinière, et Steph Aiello, qui a<br />
subi un accident de voiture en 2010 qui<br />
l’a paralysée de la taille vers le bas.<br />
« Tout était au service de l’histoire de<br />
Paul, poursuit Villena. Son histoire bénéficie<br />
de ces autres récits pour ajouter de<br />
l’information, pour dire les choses qu’il<br />
ne peut dire à ce moment-là dans le film.<br />
Non seulement le chœur élargit la portée,<br />
mais il approfondit aussi ce qu’il ressentait<br />
et ce qu’il traversait. »<br />
L’un des moments les plus marquants<br />
du film vient après que Basagoitia soit<br />
rentré de l’hôpital Craig, où on le voit<br />
lutter contre la dépression tout en apprenant<br />
à s’adapter à sa nouvelle situation.<br />
Il utilise un déambulateur pour atteindre<br />
lentement les boîtes aux lettres de son<br />
quartier ; la scène est juxtaposée à des<br />
images de lui dans la fleur de l’âge, volant<br />
dans les airs, réalisant l’impossible apparemment<br />
sans efforts. La scène se termine<br />
alors qu’il met une pile de factures médicales<br />
dans son corset lombaire.<br />
Any One of Us se termine sur Basagoitia<br />
faisant son premier tour à vélo depuis<br />
son accident. Il montre aussi plusieurs<br />
membres du chœur qui profitent de la vie<br />
après avoir subi un traumatisme de la<br />
moelle épinière, en train de se joindre à<br />
une troupe de danse, de faire du surf, de<br />
jouer au basket-ball et de marcher sur<br />
une scène pour la remise d’un diplôme<br />
d’études secondaires. La fin exaltante d’un<br />
film difficile qui procure aux spectateurs<br />
une nouvelle appréciation de leur propre<br />
mobilité, ainsi que de nouvelles perspectives<br />
sur la vie de ceux qui sont paralysés.<br />
La vie avec...<br />
Nous sommes en février, le printemps<br />
approche à grands pas et la vie est sur le<br />
point de changer radicalement (à nouveau)<br />
pour Basagoitia. Il a commencé il<br />
y a quelques mois un nouvel emploi dans<br />
LA CAPACITÉ DE<br />
TRAVERSER LES<br />
AIRS AVAIT DÉJÀ<br />
ÉTÉ RETIRÉE À<br />
BASAGOITIA. C’EST<br />
À CE MOMENT QU’IL<br />
EST LE PLUS<br />
HEUREUX, QUAND<br />
IL EST EN PAIX.<br />
Le film montre des images de Paul,<br />
petit, déjà un as sur deux roues.<br />
une entreprise de chaussures de vélo<br />
de montagne de pointe, Ride Concepts,<br />
située à Truckee, dans les environs. Il<br />
gère les athlètes mondiaux de la marque<br />
et contribue également sur le plan créatif.<br />
Il a déjà réuni une équipe d’athlètes sponsorisés<br />
dont Strait et la fratrie Atherton,<br />
Rachel, Gee et Dan. Une semaine après<br />
notre interview, il ira au festival South<br />
by Southwest à Austin pour la première<br />
d’Any One of Us. En avril, il se rendra<br />
à la Sea Otter Classic, le plus grand événement<br />
cycliste des États-Unis, où il travaillera<br />
sur le stand de Ride Concepts.<br />
Pour Basagoitia, vivre avec une LM<br />
signifie une séance d’entraînement de<br />
90 minutes tous les matins, axée sur la<br />
force musculaire, le renforcement musculaire<br />
et le cardio. Il a pris conscience du<br />
fait qu’il ne retrouvera peut-être jamais<br />
de sensation à partir des genoux en descendant<br />
et que ses fessiers ne fonctionneront<br />
peut-être plus jamais correctement.<br />
Il fait donc tout son possible pour renforcer<br />
le reste de son corps. Comme il ne<br />
peut pas utiliser ses fesses, il porte son<br />
poids dans le bas de son dos et il compte<br />
sur les muscles fléchisseurs de ses<br />
hanches pour faciliter sa marche. Le<br />
résultat final est une douleur fréquente<br />
et des spasmes musculaires. Comme le<br />
montre l’une des dernières scènes d’Any<br />
One of Us, Basagoitia est de retour sur un<br />
vélo. Il peut utiliser ses quadriceps et ses<br />
ischio-jambiers, les deux groupes musculaires<br />
les plus importants pour pédaler,<br />
mais il ne sent pas les pédales. Observez-le<br />
attentivement quand il roule, vous<br />
verrez qu’il vérifie constamment la position<br />
de ses pieds sur les pédales. Alors<br />
que le film s’achève sur sa première sortie,<br />
il est maintenant rendu bien plus loin,<br />
avec un vélo électrique à pédalage assisté<br />
sur les sentiers, ce qui lui permet parfois<br />
de faire un petit saut.<br />
Nichole dit que voir Basagoitia pédaler<br />
à nouveau sur un vélo a été une transformation<br />
pour tous les deux. « Ça lui<br />
apporte un tout nouveau bonheur, ditelle.<br />
Je pense qu’il a trouvé ce nouvel<br />
amour pour le vélo qu’il n’avait probablement<br />
jamais ressenti. Je pense que le<br />
temps qu’il a passé sur le vélo était extrêmement<br />
compétitif. Maintenant, la seule<br />
personne avec qui il fait de la compétition<br />
sur son vélo, c’est lui-même, et rien que<br />
lui-même, et je pense qu’il trouve tellement<br />
de joie à savoir qu’il peut repousser<br />
les limites. C’est une guérison pour lui.<br />
Maintenant, il saute, ce qui me rend un<br />
peu nerveuse, mais la joie qu’il en tire,<br />
ce qu’il poste, il est high, et je veux le<br />
garder high. » La capacité de traverser<br />
les airs avait déjà été retirée à Basagoitia.<br />
C’est à ce moment qu’il est le plus heureux,<br />
quand il est en paix.<br />
Une communauté<br />
En s’adaptant à sa nouvelle vie, Paul<br />
Basagoitia s’est aussi adapté à son rôle<br />
permanent au sein de la communauté<br />
LM. Il reçoit des courriels « au moins<br />
une fois par semaine » d’une nouvelle<br />
personne qui a subi une blessure qui a<br />
bouleversé sa vie. À Reno, un ami qui<br />
travaille au centre de traumatologie de<br />
l’hôpital local le contacte chaque fois qu’il<br />
y a un nouveau patient qui a subi une LM.<br />
En voyage, dans les festivals de cinéma,<br />
il est souvent approché par des personnes<br />
qui partagent des détails intimes sur leurs<br />
propres défis, qu’il s’agisse d’une blessure<br />
à la moelle épinière, de dépression ou de<br />
toxicomanie. On vient se confier à lui.<br />
« Paul donne à beaucoup de gens l’espoir<br />
qu’il y a une lumière au bout du tunnel,<br />
qu’il faut continuer, dit Nichole. Quand<br />
l’accident s’est produit, je pense que son<br />
THE RED BULLETIN 81
identité lui a été complètement enlevée.<br />
Il a appris à partager le fait que l’on peut<br />
retrouver sa vie et son identité. Il a été<br />
une telle source d’inspiration pour tant<br />
de gens à leur montrer qu’il ne faut pas<br />
laisser ces blessures vous définir. C’est<br />
tellement cool de voir cela. Je ne crois<br />
pas que cela faisait partie de ses plans,<br />
mais je pense qu’il se réjouit d’apporter<br />
autant à tous ces gens, et il ne se rend<br />
même pas compte que c’est exactement<br />
ce qui est en train de se produire. »<br />
Basagoitia reconnaît que c’est un rôle<br />
qu’il apprend à assumer bien que cela ne<br />
soit pas toujours facile. Répondre à des<br />
courriels ou à des questions après une<br />
projection est une chose. Mais aller aux<br />
soins intensifs et rencontrer quelqu’un<br />
qui vient d’apprendre qu’il ne marchera<br />
peut-être plus jamais en est une autre.<br />
« Je leur parle de ma situation et de ce<br />
que j’ai fait, et j’essaie de les encourager,<br />
explique-t-il. Je trouve cela gratifiant bien<br />
que cela soit aussi difficile parce que ça<br />
remue des souvenirs. Les deux premières<br />
semaines après une lésion de la moelle<br />
épinière sont littéralement les deux pires<br />
semaines de votre vie parce que vous<br />
souffrez tellement, vous ne pouvez pas<br />
bouger, vous ne ressentez rien. L’avenir<br />
est incertain. Je leur dis : “Ne lâche pas.<br />
Garde la tête haute. On ne sait jamais ce<br />
qui peut arriver. La route sera longue.” »<br />
Il renchérit : « Moi aussi, j’ai parfois<br />
du mal avec ça. Je me dis : “Sérieux, c’est<br />
vraiment moi, ça, pour le reste de ma<br />
vie ?” La réalité nous rattrape parfois.<br />
Je me retrouve à broyer du noir et à me<br />
dire : “Ce n’est pas comme ça que je<br />
m’étais imaginé ma vie.” J’ai du mal à<br />
penser à cela, et puis l’autre côté de mon<br />
cerveau me dit : “Tu es tellement<br />
remonté. Tu as fait tellement de chemin.<br />
Tu es toujours capable de pédaler à vélo.<br />
Tu es totalement indépendant ; tu n’as pas<br />
à compter sur qui que ce soit pour t’aider.<br />
Profites-en.” Je peux dire que j’ai ça. »<br />
Avec Any One of Us sur le point d’avoir<br />
une importante diffusion, la visibilité de<br />
Basagoitia et de Nichole à l’intérieur et<br />
à l’extérieur de la communauté LM est<br />
sur le point d’exploser.<br />
« Idéalement, j’espère que rien ne changera<br />
vraiment radicalement, dit-elle.<br />
J’aime ma vie et nos vies ensemble. Je sais<br />
que c’est plus important que nous, et j’en<br />
suis si reconnaissante. Mais il est aussi très<br />
important de rester humble, et il y a tant<br />
de personnes qui ont subi une lésion de la<br />
moelle épinière et on ne leur a pas donné<br />
l’occasion de raconter leur histoire. »<br />
Sur un vélo emprunté à Cam Zink, Basagoitia passe du statut d’inconnu à celui d’étoile<br />
montante en triomphant en slopestyle lors du Crankworx 2004 à Whistler, au Canada.<br />
C’est dans l’air<br />
Paul Basagoitia souffre de vertiges. Cela<br />
peut sembler une forme d’humour noir<br />
venant d’un homme dont l’ancienne<br />
carrière comportait des sauts de vingt<br />
mètres, mais c’est la vérité – ce qui rend<br />
d’autant plus intéressant le fait qu’il<br />
cherche maintenant à obtenir une licence<br />
de pilote. L’un de ses bons amis est capitaine<br />
d’équipage chez SkyWest Airlines.<br />
Après l’accident de Basagoitia, il l’a<br />
emmené faire un vol sur un Cessna<br />
Skywagon. Dans les airs, Basagoitia a pris<br />
les commandes. Il a fait quelques virages<br />
et a été conquis. Sa blessure ne l’empêche<br />
pas d’utiliser les pédales ; bien qu’il ne<br />
puisse faire de dorsiflexions, il est capable<br />
BASAGOITIA SERA<br />
BIENTÔT UN HOMME<br />
MARIÉ. IL A FAIT SA<br />
DEMANDE À NICHOLE<br />
EN OCTOBRE 2017 À<br />
MALIBU, DEUX ANS<br />
APRÈS L’ACCIDENT.<br />
de manœuvrer et de ralentir l’avion à<br />
l’aide de ses talons.<br />
Et, autre périple, Basagoitia a repris<br />
contact avec sa mère. Ils ne s’étaient pas<br />
parlé depuis plusieurs années avant son<br />
accident et cela s’est encore prolongé<br />
pendant une bonne partie de la première<br />
année de son rétablissement. « Elle se<br />
faisait du souci, mais j’étais tellement<br />
concentré sur mon rétablissement que<br />
je ne voulais pas essayer de régler notre<br />
relation en même temps, dit Basagoitia.<br />
Mais en ce moment, nous discutons une<br />
fois par semaine, ou toutes les deux<br />
semaines. C’est beaucoup mieux maintenant<br />
que ça ne l’a jamais été depuis de<br />
nombreuses années. »<br />
Elle assistera peut-être à son mariage.<br />
Car Basagoitia sera bientôt un homme<br />
marié. Il a fait sa demande à Nichole en<br />
octobre 2017 à Malibu, deux ans après<br />
son accident. Dans l’une des dernières<br />
scènes du film, il met sa canne de côté,<br />
se dirige vers elle sans aide, s’agenouille<br />
et fait sa demande. Ils ont d’abord envisagé<br />
de se marier à Talum, au Mexique,<br />
mais ils ont plutôt choisi le lac Tahoe,<br />
en partie parce que son père ne prend pas<br />
l’avion. La date a été fixée au 20 février<br />
YORICK CARROUX/CRANKWORX<br />
82 THE RED BULLETIN
AVANT DE SUBIR<br />
SA BLESSURE, LE<br />
PILOTE INSPIRAIT<br />
SES FANS. DEPUIS,<br />
IL N’A CESSÉ DE<br />
LES INSPIRER.<br />
<strong>2020</strong>, bien que cela puisse ne pas se<br />
produire comme prévu. « Nous allons<br />
rester ensemble jusqu’à notre mort, si<br />
Dieu le veut, alors il n’y a pas vraiment<br />
d’urgence à célébrer notre union, dit<br />
Nichole. Nous sommes toujours dans<br />
l’après-coup du tournage et des festivals<br />
de cinéma. La planification d’un mariage<br />
n'est pas une priorité. » Et même s’il utilisera<br />
peut-être une canne le jour venu,<br />
Basagoitia marchera plutôt qu’il ne roulera<br />
dans l’allée à son mariage.<br />
Et qu’en est-il de l’avenir à long terme ?<br />
Et des enfants ? Pour l’instant, c’est une<br />
éventualité – toujours dans le domaine<br />
du possible, comme le révèle l’une des<br />
scènes plus légères et plus exaltantes de<br />
Any One of Us. « Nous parlons constamment<br />
de la question des enfants, dit<br />
Basagoitia. Pour l’instant, on ne se voit<br />
pas avec des enfants de sitôt. Mais cela<br />
ne veut pas dire qu’on n’en aura pas.<br />
Après mon accident, la dernière chose<br />
que je voulais, c’était d’avoir un enfant<br />
et de ne pas pouvoir lui montrer comment<br />
faire du vélo ou de marcher dans le parc.<br />
Ça m’aurait tué de ne pas pouvoir tenir<br />
mon propre enfant dans mes bras, ni de<br />
le lancer dans les airs. J’étais terrifié à<br />
l’idée que je n’y arriverais peut-être<br />
jamais. Je peux cependant lui montrer<br />
comment faire du vélo, ça je peux le faire.<br />
Peut-être pas le lancer dans les airs, mais<br />
je peux certainement lui montrer comment<br />
faire du vélo. »<br />
Quel héritage ?<br />
De retour à la randonnée sur vélo dans<br />
le Mount Rose Wilderness par une chaude<br />
journée de juin. Nous avons atteint le<br />
sommet de l’ascension. Nous nous<br />
sommes arrêtés pour reprendre notre<br />
souffle et contempler la vue à partir du<br />
Mount Rose. Le plus dur est maintenant<br />
derrière nous.<br />
C’est comme la vie de Paul Basagoitia<br />
en ce moment. Le plus dur est derrière<br />
lui. Mais cela ne sera jamais facile. À ce<br />
stade-ci, c’est une question de perspective.<br />
Concilier ce qu’il avait avant et ce<br />
qu’il a maintenant – et ce qu’il aurait pu<br />
avoir. D’un côté, c’est un athlète d’élite<br />
qui volait dans les airs avec grâce. D’un<br />
autre, il peut marcher avec une seule<br />
canne. Il peut encore faire du vélo. « Mon<br />
père disait souvent pour plaisanter que je<br />
faisais du vélo avant de marcher. Ce qui<br />
était vrai, et ce qui est toujours vrai. »<br />
Une partie de cette perspective<br />
consiste à concilier sa nouvelle identité<br />
avec ce qu’il était avant son accident.<br />
« Cette blessure va me suivre pour le restant<br />
de mes jours, dit-il. Même quand je<br />
poste une vidéo ou une photo de moi à<br />
vélo, les gens disent : “Oh, je suis si<br />
content de te revoir à vélo après ta blessure.”<br />
Je fais du vélo depuis deux ou trois<br />
ans ! On croit que je suis de retour sur le<br />
vélo seulement maintenant ? Ça fait des<br />
années que je refais du vélo ! » Je dis que<br />
cela me semble une remarque naturelle<br />
et bien intentionnée. Qu’est-ce qu’on<br />
devrait dire alors ? « “Beau style”,<br />
répond-il. Ou “Quelle allure”. Je ne sais<br />
pas, moi. Je ne sais pas quelle est la<br />
bonne réponse, mais chaque fois que<br />
j’affiche une photo de moi sur un vélo,<br />
c’est toujours : “Content de te revoir à vélo<br />
après ta blessure.” C’est toujours lié à<br />
cette blessure. Peu importe ce que je fais.<br />
Je pouvais vivre avec ça la première ou<br />
les deux premières années, mais cela va<br />
bientôt faire trois ans… »<br />
Trois ans, et un film. « Et c’était une<br />
chose au sujet de ce film. J’ai réalisé un<br />
max de trucs cool en vélo de montagne.<br />
J’ai vraiment accompli des choses exceptionnelles<br />
dans ce sport. Mais ce qu’on<br />
retiendra de moi, ce sera cet accident.<br />
Les gens oublient le titre de Crankworx<br />
ou que j’ai été la première personne à<br />
faire un 720 en VTT. Je vais être connu<br />
pour avoir fait une erreur aux conséquences<br />
désastreuses. Mon héritage sera<br />
de rester dans les mémoires comme le kid<br />
qui a subi un accident qui l’a laissé paralysé<br />
au Rampage. »<br />
Mais tout cela fait partie du même<br />
héritage, lui dis-je. Tout est lié. Avant sa<br />
blessure, Basagoitia inspirait ses fans.<br />
Depuis, il continue de les inspirer. Avant<br />
sa blessure, il a lutté, s’est débattu et a<br />
surmonté les obstacles. Depuis, il fait la<br />
même chose. Il ne s’est pas résigné. Il<br />
s’est défendu. Il a surmonté les obstacles.<br />
Et ça, je dirais, c’est l’histoire de Paul<br />
Basagoitia. « Je pense que c’était l’histoire<br />
de toute ma vie, résume-t-il. Grandir,<br />
vivre dans une chambre d’hôtel, se<br />
présenter au plus grand événement,<br />
Crankworx, avec un vélo emprunté, sans<br />
sponsor… J’ai été un outsider toute ma<br />
vie. Avec cette blessure, les chances que je<br />
récupère autant que je l’ai fait… J’étais<br />
vraiment un outsider. Donc si je restais<br />
connu pour ça – “Ce mec a reçu des cartes<br />
de merde à la naissance mais il a toujours<br />
tiré le meilleur parti de la situation, il<br />
s’est toujours défendu” – alors je crois<br />
que je serais heureux. »<br />
Qu’il le veuille ou non, ce sera ça, son<br />
héritage. La page s’est tournée quand il<br />
a été blessé à la moelle épinière. Mais ce<br />
n’était pas le dernier chapitre. « Je n’aurai<br />
plus à regarder en arrière, dit-il. Je vais<br />
continuer à regarder vers l’avenir. L’un<br />
de mes amis m’a donné le meilleur<br />
conseil qui soit. Il m’a dit : “Tu ne peux<br />
pas toujours regarder en arrière dans la<br />
vie, Paul, ça ne fait que te donner mal<br />
au cou.” Et c’est foutrement vrai. »<br />
Et à ces mots, dans un nuage de<br />
poussière, Paul Basagoitia part, volant<br />
gracieusement sur la piste à une vitesse<br />
impressionnante. Tout le reste – les festivals<br />
de cinéma, le nouveau boulot, la physiothérapie,<br />
la planification du mariage –<br />
attendra. Pour l’instant, il est en transe,<br />
totalement en paix. Pour l’instant, il ne<br />
regarde pas en arrière. Il attend, avec<br />
impatience.<br />
THE RED BULLETIN 83
guide<br />
au programme<br />
TEST FATAL<br />
Est-ce que des montres<br />
pourront résister à une<br />
pression de folie, par<br />
11 km de profondeur ?<br />
PAGE 90<br />
CARTE VITALE<br />
Ida Mathilde Steensgaard<br />
assure dans le<br />
biz et dans la perf.<br />
Comment allier les<br />
deux ? PAGE 92<br />
KONSTANTIN REYER<br />
VIENS DONC...<br />
Dans le Verdon ! Pour<br />
un séjour de grimpe<br />
dans le Grand Canyon<br />
européen avec Stefan<br />
Glowacz. PAGE 86<br />
ÉCRAN TOTAL<br />
Action, dépassement et<br />
inspiration : c'est 7/7,<br />
24/24, sur <strong>Red</strong> Bull TV.<br />
Le programme du mois.<br />
PAGE 94<br />
THE RED BULLETIN 85
G U I D E<br />
Faire.<br />
En mode Glowacz : le Bavarois (54 ans) légende de l’escalade accompagne le groupe durant une semaine dans le sud de la France.<br />
GORGES DU VERDON<br />
SECRETS (ENCORE)<br />
BIEN GARDÉS<br />
Destination <strong>Red</strong> Bull vous propose des voyages hors du<br />
commun avec des athlètes d’exception. Découvrez le paradis<br />
français de l’escalade avec l’aventurier Stefan Glowacz.<br />
Passionné d’escalade et<br />
d’aventure, les gorges du<br />
Verdon me fascinent depuis<br />
plus de vingt ans. Creusé patiemment<br />
depuis des millions d’années<br />
par la rivière éponyme, ce gigantesque<br />
défilé de 40 kilomètres<br />
en Provence, à deux heures de<br />
voiture à l’ouest de Nice atteint<br />
sept cents mètres de profondeur.<br />
Cela lui vaut d’être aujourd’hui<br />
surnommé le « Grand Canyon de<br />
l’Europe ». Ses parois rocheuses<br />
escarpées sont un éternel enchantement<br />
et la qualité du calcaire<br />
est exceptionnelle.<br />
Symbole du Verdon : les majestueuses falaises calcaires.<br />
86 THE RED BULLETIN
voyage<br />
INFOS<br />
LE GRAND CANYON<br />
EUROPÉEN<br />
Falaises de calcaire escarpées, BASE jump<br />
et rivière des enfers, le Verdon est la promesse<br />
d’une pure aventure.<br />
Paris<br />
France<br />
Les participants au voyage découvrent le Verdon dans le confort d’un van aménagé.<br />
La Palud<br />
Nice<br />
Un van vous attendra à votre arrivée<br />
à l’aéroport de Nice pour un transfert<br />
à La Palud, point de départ de votre voyage<br />
en compagnie de Stefan Glowacz.<br />
KONSTANTIN REYER, GETTY IMAGES<br />
Expert de l’outdoor : Glowacz a mené des expéditions au Groenland et en Antarctique.<br />
Je m’y rends quasiment chaque<br />
année pour grimper, mais aussi<br />
pour jouir de l’art de vivre local<br />
dont l’authenticité a su être préservée.<br />
Les dix jours de notre<br />
voyage Destination <strong>Red</strong> Bull suffisent<br />
amplement pour explorer<br />
la vaste vallée. Ma connaissance<br />
intime du Verdon me permet de<br />
vous faire découvrir des voies qui<br />
ne figurent pas dans les guides<br />
d’escalade. Un petit avantage issu<br />
de mes liens d’amitié avec la<br />
population locale.<br />
Le choix des voies d’escalade<br />
est fonction du niveau des participants.<br />
C’est à dire que je définis<br />
l’itinéraire selon les capacités du<br />
groupe, en faisant bien attention<br />
à ce que chacun se sente à l’aise<br />
« Ce voyage, c’est<br />
l’occasion de transmettre<br />
l’expérience<br />
acquise au cours<br />
de mes quarante<br />
ans de carrière<br />
d’escalade. »<br />
sur les parois et les chemins<br />
choisis. Nous procédons de<br />
manière progressive en commençant<br />
par des voies abordables<br />
situées aux abords de la gorge<br />
afin de s’habituer dans un premier<br />
temps à la qualité de la roche<br />
TEMPS FORTS<br />
LE STYX DU VERDON<br />
Le Styx est, dans la mythologie grecque, le fleuve<br />
des enfers. La référence à ce dernier tient au fait<br />
que le Styx du Verdon disparaît sous un énorme<br />
chaos rocheux dans un passage resserré pour<br />
suivre son cours sous terre.<br />
VILLAGE SPORTIF<br />
« Le village de La Palud n’a guère changé depuis<br />
vingt ans, explique Stefan Glowacz, expert du Verdon.<br />
Alpinistes et BASE jumpers s’y attardent volontiers<br />
tant l’ambiance est chaleureuse, d’autant plus<br />
qu’à notre arrivée en septembre, la plupart des<br />
touristes sont déjà repartis. »<br />
BON À SAVOIR<br />
QUEL EST LE NIVEAU D’ESCALADE EXIGÉ ?<br />
« Nous sélectionnons un circuit adapté à tous les<br />
participants, précise Glowacz. Un niveau de cotation 6<br />
et une bonne maîtrise des techniques de l’assurage<br />
permettent de profiter pleinement du voyage. »<br />
ET LA NOURRITURE DANS TOUT ÇA ?<br />
Plats faits maison avec les produits frais du supermarché<br />
de La Palud. Pour l’amateur de fourgon qu’est<br />
Glowacz, voyager vrai c’est « cuisiner ensemble<br />
et barbecue au feu de camp le soir venu ».<br />
THE RED BULLETIN 87
G U I D E<br />
Faire.<br />
voyage<br />
DESTINATION RED BULL<br />
VOS AVENTURES<br />
AVEC DES ATHLÈTES<br />
Initiez-vous à la MotoGP sur circuit privé,<br />
visitez New York dans un mode exclusif<br />
ou pratiquez le triathlon avec un crack<br />
du Ironman Hawaï, bien d’autres aventures<br />
encore sont possibles.<br />
NEW YORK<br />
AVEC LES INITIÉS DE SA VIE CULTURELLE<br />
Explorez la « Grosse Pomme » avec les locaux.<br />
Grands restaurants, événements sportifs ou<br />
soirées, vous bénéficiez d’un accès VIP.<br />
BARCELONE<br />
AVEC SETE GIBERNAU ET DANI PEDROSA<br />
Améliorez votre technique de pilotage sur le circuit<br />
privé avec Sete Gibernau, légende du MotoGP et vivez<br />
le GP de Barcelone en VIP dans les coulisses.<br />
FUERTEVENTURA<br />
AVEC SEBASTIAN KIENLE<br />
Entraînez-vous avec le vainqueur Ironman d’Hawaï<br />
au bord de la mer, dans un centre où des scientifiques<br />
du sport vous concoctent un programme sur mesure.<br />
SPIELBERG<br />
AVEC MARK WEBBER<br />
Expérimentez le Grand Prix d’Autriche en VIP, profitez<br />
de l’hospitalité de la Styrie et aventurez-vous sur<br />
le circuit dès le lendemain de la course.<br />
Autour du feu : cuisiner, pour Stefan Glowacz, c’est au grand air et ensemble.<br />
locale. Pour être à l’aise dans cette<br />
escapade provençale, je vous<br />
conseille d’avoir au moins un<br />
niveau 6 en escalade (échelle<br />
française) et de maîtriser les techniques<br />
d’assurage.<br />
À l’intérieur de la gorge, des<br />
guides de montagne aguerris nous<br />
accompagnent et prennent en<br />
charge l’équipement et la sécurité.<br />
Ce que j’aime en tant que grimpeur<br />
et aventurier, c’est de partager<br />
mon style de vie avec les<br />
hôtes. Le fait de se déplacer et de<br />
vivre dans des fourgonnettes est<br />
pour moi un élément essentiel de<br />
cette expérience qui résume à elle<br />
seule toute ma vie. J’aime cette<br />
liberté de pouvoir changer d’endroit<br />
chaque soir et faire halte<br />
dans un lieu agréable. Se réveiller<br />
au petit matin pour admirer le<br />
lever du soleil, préparer du café<br />
au grand air et déguster ensemble<br />
des grillades le soir venu en<br />
échangeant les impressions sur la<br />
journée écoulée. La présence d’un<br />
supermarché à La Palud facilite<br />
l’achat de produits frais. La cuisine<br />
est l’affaire de tous et nous<br />
saurons vous sustenter avec de<br />
bons petits plats.<br />
Pendant notre voyage, je m’attacherai<br />
également à transmettre<br />
autant que faire se peut, l’expérience<br />
acquise au cours de mes<br />
quarante années d’escalade et<br />
d’expéditions. Cela ne se limite<br />
pas à l’escalade en soi, mais<br />
couvre aussi la préparation d’une<br />
expédition ou d’un campement<br />
dans des lieux retirés.<br />
Je passe en revue les erreurs<br />
à éviter et les stratégies éprouvées<br />
sur le terrain. Bref, je mets tout<br />
mon savoir à la disposition de<br />
mes compagnons d’aventure.<br />
Alors que devez-vous attendre<br />
de notre voyage ? Pour moi, la vie<br />
se compose d’une suite de<br />
moments. Plus ils sont intenses,<br />
plus ils deviennent inoubliables.<br />
J’ai vécu beaucoup de moments<br />
forts dans les gorges du Verdon :<br />
debout face au paysage avec des<br />
vautours qui planent juste audessus<br />
de ma tête et que j’accompagne<br />
du regard ou encore assis<br />
dans la gorge au bord de la rivière<br />
contemplant l’eau qui scintille,<br />
jouissant de tout mon être de<br />
l’instant présent. Ces moments<br />
occupent une place particulière<br />
dans ma vie. Et il me tient à cœur<br />
de les faire vivre à mes invités.<br />
Voyage Destination <strong>Red</strong> Bull<br />
avec Stefan Glowacz :<br />
du 11 au 20 septembre <strong>2020</strong>.<br />
Tous les voyages, infos et réservations sur<br />
destination.redbull.com<br />
KONSTANTIN REYER<br />
88 THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN<br />
Le prochain numéro le 20 février avec et le 5 mars avec<br />
dans une sélection de points de vente et en abonnement<br />
LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL
G U I D E<br />
Avoir.<br />
L’OMEGA ULTRA DEEP<br />
MONTRE DES<br />
PROFONDEURS<br />
Les Suisses d’Omega ont fabriqué une<br />
montre qui a accompagné Victor Vescovo<br />
dans la fosse des Mariannes, fixée sur<br />
l’extérieur du sous-marin de l’explorateur.<br />
Victor Vescovo est un<br />
habitué des exploits audacieux.<br />
Ce Texan de<br />
53 ans, ancien officier de marine,<br />
aviateur et pilote d’essai<br />
de sous-marin, a accompli le<br />
Grand Chelem des Explorateurs<br />
– ascension des plus<br />
hauts sommets sur les sept<br />
continents et se rendre en ski<br />
au centre des deux pôles.<br />
En avril dernier, il plonge<br />
à quatre reprises dans la fosse<br />
des Mariannes jusqu’au<br />
Challenger Deep, point le plus<br />
profond jamais mesuré dans<br />
l’océan Pacifique. Une profondeur<br />
de 10 994 m, soit plus de<br />
2 km de plus que l’Everest,<br />
mais avec une pression atmosphérique<br />
mille fois supérieure<br />
à celle de la surface de la<br />
Terre. « Dire que l’environnement<br />
est hostile est un euphémisme,<br />
explique Vescovo. Le<br />
fait qu’aucun sous-marin ne<br />
l’a effectué plus d’une fois, me<br />
pousse à réfléchir à un submersible<br />
capable de répéter<br />
l’opération de manière<br />
fiable. » La réponse nécessitera<br />
plus de 32 millions d’euros,<br />
coût du DSV Limiting Factor,<br />
un submersible biplace entièrement<br />
financé par Vescovo<br />
pour l’expédition Five Deeps,<br />
avec pour objectif d’atteindre<br />
le point le plus profond des<br />
cinq océans. « Je ne voulais<br />
pas de partenariat afin de garder<br />
le contrôle total », précise<br />
le multimillionnaire, qui a bâti<br />
sa fortune à Wall Street. Lors<br />
de la première plongée de<br />
l’expédition dans la fosse de<br />
Porto Rico en Atlantique,<br />
l’horloger suisse Omega découvre<br />
que Vescovo porte une<br />
Omega Seamaster, l’un de ses<br />
modèles. Le fabricant helvète<br />
propose de réaliser une<br />
montre capable de résister aux<br />
mêmes pressions externes que<br />
le sous-marin. Il recourt donc<br />
à des morceaux de la coque du<br />
vaisseau en titane de grade 5.<br />
Trois exemplaires accompagnent<br />
Vescovo lors de sa<br />
descente dans le Challenger<br />
Deep : deux sont fixés aux bras<br />
du robot du Limiting Factor et<br />
le troisième à l’un de ses trois<br />
trains d’atterrissage. Alors qu’il<br />
Résister<br />
Omega Seamaster<br />
Planet Ocean Ultra Deep<br />
Professional<br />
En avril dernier, lorsque l’explorateur<br />
Victor Vescovo s’enfonce<br />
vers le point le plus profond des<br />
océans, il porte à son poignet<br />
une montre capable de résister<br />
à 11 000 m de profondeur et à une<br />
pression plus de 1 000 fois supérieure<br />
à celle de la surface de la<br />
Terre. Un défi que le fabricant<br />
de la première montre à atterrir<br />
sur la Lune a accepté de relever.<br />
En haut à gauche dans le sens des aiguilles d’une montre : le DSV Limiting<br />
Factor, lors d’une plongée précédente de la mission Five Deeps dans<br />
l’océan Austral ; Vescovo ; maquette de la montre sur bras robotique.<br />
FIVE DEEPS EXPEDITION, OMEGA SA TOM GUISE CHRISTINA LOCK<br />
90 THE RED BULLETIN
montres<br />
SAVOIR-FAIRE<br />
LA MONTRE DE PLONGÉE<br />
ABSOLUE<br />
L’Omega Ultra Deep est une conception innovante<br />
alliant la résistance d’une coque d’un sous-marin<br />
à la grâce d’une créature de l’océan.<br />
s’approche de la profondeur<br />
record de 10 928 m, Vescovo<br />
contemple un sol vierge de<br />
tout regard humain. « On<br />
pense que le fond des fosses<br />
ressemble à la surface lunaire,<br />
mais en dix minutes, j’ai vu un<br />
concombre de mer transparent<br />
onduler lentement sur le fond<br />
marin ; il y a de la vie malgré<br />
1 086 bars de pression au cm²<br />
et une température à la limite<br />
de la congélation. » Vescovo<br />
refait surface au bout de douze<br />
heures sous l’eau, avec le Limiting<br />
Factor, la coque intacte,<br />
prête pour trois autres plongées.<br />
« Je serais mort dans ce<br />
submersible si sa construction<br />
avait eu le moindre défaut que<br />
la pression n’aurait pas manqué<br />
d’exploiter, précise-t-il.<br />
Idem pour les montres. » De<br />
fait, les trois ont résisté avec<br />
succès à la mission et sont intactes.<br />
« Omega récupère deux<br />
des montres, conclut-il en<br />
souriant. La troisième est<br />
pour moi. »<br />
L’histoire qu’Omega entretient<br />
avec les montres de plongée de<br />
précision ne date pas d’hier. En<br />
1932, le fabricant est à l’origine<br />
du premier modèle du genre.<br />
L’Omega Marine, dont le joint<br />
en liège assure l’étanchéité est<br />
alors testé dans le lac Léman<br />
Niveau de la mer<br />
0 m<br />
1 000 m<br />
2 000 m<br />
3 000 m<br />
4 000 m<br />
5 000 m<br />
6 000 m<br />
7 000 m<br />
8 000 m<br />
9 000 m<br />
10 000 m<br />
11 000 m<br />
Challenger Deep<br />
10 994 m<br />
Baleine<br />
bleue<br />
500 m<br />
Épave du<br />
Titanic<br />
3 800 m<br />
par 73 m de fond. Aujourd’hui,<br />
les montres Seamaster Planet<br />
Ocean résistent à des profondeurs<br />
allant jusqu’à 600 m, soit<br />
100 m de plus qu’une baleine<br />
bleue.<br />
Seul un plongeur équipé<br />
d’une combinaison atmosphérique<br />
de l’US Navy peut s’aventurer<br />
à une profondeur comparable.<br />
Toutefois, Omega a dû<br />
faire table rase de tout son<br />
savoir-faire pour concevoir une<br />
montre étanche à une profondeur<br />
abyssale de 11 000 m, et la<br />
développer à partir d’un nouveau<br />
concept inspiré par nul<br />
autre que le submersible de<br />
Vescovo. L’assemblage du verre<br />
saphir sur le boîtier reprend le<br />
solide design conique du hublot<br />
du Limiting Factor, permettant<br />
de mieux répartir les forces sur<br />
sa surface.<br />
Le boîtier est taillé dans du<br />
titane de grade 5 utilisé pour<br />
fabriquer la coque du sousmarin,<br />
enfin, les cornes évoquant<br />
les lobes d’une raie Manta<br />
ont été fondues pour éviter le<br />
risque de rupture en eaux très<br />
profondes. L’épaisseur de la<br />
montre n’excède cependant pas<br />
28 mm, parfaitement portable<br />
donc. Le poignet auquel la<br />
montre était destinée est celui<br />
Cadran céramique,<br />
échelle<br />
60 minutes<br />
Lunette tournante<br />
unidirectionnelle<br />
Cornes raie<br />
Manta<br />
d’un bras robotique, aussi le<br />
bracelet en polyamide avec fermeture<br />
Velcro rappelle celles<br />
des combinaisons spatiales des<br />
astronautes d’Apollo. Pour s’assurer<br />
de leur résistance et<br />
répondre aux standards des<br />
montres de plongée, Omega a<br />
ajouté une marge de sécurité de<br />
25 % à l’Ultra Deep, et les a testées<br />
avec succès à 15 000 m<br />
dans les laboratoires de Triton<br />
Submarines à Barcelone. En<br />
refaisant surface après la première<br />
plongée dans la fosse des<br />
Mariannes, Vescovo découvre<br />
que la sonde détachable où était<br />
attachée l’une des montres est<br />
restée au fond de la fosse.<br />
Vescovo hésite entre replonger<br />
pour la récupérer ou l’y laisser<br />
à jamais. Il choisit de la récupérer.<br />
Après trois jours d’attente<br />
pour retrouver des conditions<br />
propices à une deuxième plongée,<br />
l’Ultra Deep est finalement<br />
repêchée et vérifiée en surface.<br />
Elle fonctionne parfaitement et<br />
n’a perdu qu’une seconde de<br />
précision, ce qui la rend éligible<br />
à la certification Master Chronometer,<br />
le plus élevé des standards<br />
pour une montre mécanique,<br />
quelle que soit la<br />
pression.<br />
omegawatches.com<br />
Verre saphir<br />
Boîtier<br />
en titane<br />
grade 5, et<br />
couronne<br />
THE RED BULLETIN 91
G U I D E<br />
Faire.<br />
L’itinéraire OCR d’Ida<br />
affiche déjà un titre<br />
européen.<br />
TRAINING<br />
TRAVAIL DE FORCE<br />
Ida Mathilde Steensgaard est l’une des meilleures athlètes de course<br />
à obstacles extrême au monde. Mais la Danoise travaille aussi dans<br />
un bureau. Elle nous livre ses astuces pour concilier les deux.<br />
Ramper dans la boue, grimper<br />
des parois en bois, s’accrocher<br />
à des chaînes : la course<br />
à obstacles extrême met le corps<br />
à rude épreuve. Ida Mathilde<br />
Steensgaard est l’une des cracks<br />
de cette éprouvante discipline.<br />
Son palmarès inclut un championnat<br />
danois et un titre européen.<br />
Une performance d’autant plus<br />
remarquable qu’elle occupe un<br />
emploi à plein temps dans une<br />
entreprise. Comment maintient-elle<br />
un tel niveau de forme ?<br />
Pour ce faire, l’athlète de 28 ans a<br />
décidé que son lieu de travail<br />
devait aussi être un lieu où elle<br />
pouvait s’entraîner. Une stratégie<br />
gagnante. Elle décrit ici la journée<br />
idéale de l’athlète amateur.<br />
7 heures<br />
Étirements<br />
À peine réveillée, je m’étire<br />
jusqu’à faire craquer le dos.<br />
Puis je passe au rouleau de<br />
fascia, excellent outil pour des<br />
étirements matinaux !<br />
7 h 30<br />
Petit déjeuner consistant<br />
Le petit déjeuner est essentiel,<br />
il doit être copieux et me fournit<br />
l’énergie pour la séance<br />
au bureau. Je me lève un peu<br />
plus tôt pour déjeuner tranquillement.<br />
Œufs brouillés<br />
aux épinards et fromage blanc<br />
fourniront l’énergie dont vous<br />
avez besoin.<br />
LEO <strong>FR</strong>ANCIS/RED BULL CONTENT POOL, KRISTIAN FAESTE/RED BULL CONTENT POOL, MARTIN NINK/RED BULL CONTENT POOL<br />
92 THE RED BULLETIN
fitness<br />
8 heures<br />
Un petit jogging ne fait<br />
pas de mal<br />
L’idéal serait de courir<br />
jusqu’au bureau, mais dans<br />
mon cas la distance est trop<br />
longue. Du coup, je me gare à<br />
trois kilomètres et fais le reste<br />
du trajet en courant. En métro<br />
ou en train, on peut descendre<br />
un arrêt plus tôt et monter<br />
des escaliers plusieurs fois en<br />
attendant le train.<br />
9 heures<br />
L’astuce toilettes<br />
Au bureau, les micropauses,<br />
environ toutes les 90 minutes<br />
sont une belle occasion pour<br />
vous remuer. En cas de stress,<br />
certaines astuces se révèlent<br />
excellentes, comme utiliser les<br />
toilettes de l’étage au-dessus,<br />
en empruntant les escaliers<br />
bien sûr.<br />
12 h 30<br />
Pause balade<br />
Le sandwich sous le bras et<br />
un collègue à ses côtés, la<br />
pause déjeuner se prête bien<br />
à la promenade. Après avoir<br />
mangé, marchez en balançant<br />
les bras. Ça a l’air drôle, mais<br />
c’est très bon pour la circulation<br />
sanguine en plus de vous<br />
revigorer pour le reste de la<br />
journée.<br />
séance du soir. Du bureau,<br />
je me rends au gymnase sans<br />
passer à la maison où repartir<br />
sera difficile une fois que l’on<br />
s’est installé dans le canapé.<br />
Mieux vaut éviter la case maison<br />
! On ne regrette jamais<br />
une séance d’entraînement<br />
accomplie, mais toujours celle<br />
que l’on a esquivée.<br />
19 heures<br />
Tapis avec vue<br />
Parfois, lorsqu’on sort tard<br />
du bureau, on a qu’une<br />
envie : rentrer chez soi, se<br />
poser devant un écran et<br />
déconnecter, et c’est bien<br />
compréhensible. En revanche,<br />
rien ne vous empêche de le<br />
faire sur un tapis face à la télé<br />
en effectuant des burpees<br />
(enchaînements de flexion<br />
des jambes, pompes et de saut<br />
stretch, ndlr) très sportifs. Pas<br />
très pratique pour regarder<br />
un documentaire complexe,<br />
auquel cas la planche (avec<br />
appui sur les avant-bras, ndlr)<br />
sera plus indiquée.<br />
22 heures<br />
Se détendre pour Morphée<br />
Ma journée finit comme elle<br />
a débuté, par des étirements<br />
et le rouleau de fascia. À nouveau,<br />
tout le corps y passe.<br />
Au lit, je soulève mes épaules<br />
jusqu’aux oreilles et les<br />
abaisse autant que possible.<br />
Cela produit la sensation<br />
d’étirements après une grosse<br />
séance d’entraînement. Ce qui<br />
en fin de compte est le cas.<br />
Instagram : @idamathildee<br />
CONSEILS<br />
RUDE ET<br />
RELEVÉE<br />
Focus sur la course<br />
à obstacles extrême,<br />
l’un des sports les plus<br />
difficiles au monde.<br />
PUISSANCE, VITESSE<br />
ET ENDURANCE<br />
La course à obstacles extrême<br />
ou OCR (Obstable Course<br />
Racing) met le corps à rude<br />
épreuve. Avancer ou se soulever<br />
à la force des bras est très<br />
énergivore. Le temps est compté<br />
et un parcours exige une<br />
forte endurance pour passer<br />
jusqu’à trente obstacles.<br />
EN AVANT, MARCHE !<br />
L’OCR s’inspire des parcours<br />
du combattant utilisés dans<br />
l’entraînement des armées.<br />
L’OCR ULTIME<br />
Lancée en 1987 en Angleterre,<br />
la Tough Guy Competition<br />
est la plus exigeante<br />
et la plus ancienne course<br />
officielle d’OCR.<br />
OBJECTIF OLYMPIQUE<br />
Les athlètes d’OCR œuvrent<br />
pour l’intégration de la discipline<br />
aux Jeux olympiques.<br />
Mais l’OCR devra attendre<br />
jusqu’en 2028, à l’occasion<br />
des Jeux de Los Angeles.<br />
14 heures<br />
Oser la différence<br />
Parfois au bureau, j’effectue<br />
des exercices ne nécessitant<br />
pas de tenue sportive comme<br />
les fentes en avant, par<br />
exemple. Le regard de mes<br />
collègues ne me gêne pas.<br />
Soyez pionnier et montrez la<br />
voie. J’ai pour ma part déjà<br />
convaincu la moitié de mes<br />
collègues !<br />
16 heures<br />
Rester ferme<br />
L’après-midi, je mange une<br />
banane en prévision de la<br />
Bien accrochée :<br />
Ida passe en mode<br />
entraînement.<br />
« Balancer les bras<br />
en marchant favorise<br />
la circulation<br />
sanguine et revigore<br />
pour le reste<br />
de la journée. »<br />
Ida Mathilde<br />
Steensgaard,<br />
athlète de course<br />
à obstacles<br />
THE RED BULLETIN 93
G U I D E<br />
Voir.<br />
décembre-janvier<br />
SUR DE<br />
NOUVEAUX<br />
TERRAINS<br />
Rallye dans le désert<br />
d’Arabie, tricks de BMX<br />
dans les rues du Nigeria et<br />
combats de rue virtuels<br />
au Japon sont quelques-uns<br />
des temps forts qui vous<br />
attendent ce mois-ci.<br />
REGARDEZ<br />
RED BULL TV<br />
PARTOUT<br />
<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />
télévision connectée : où que<br />
vous soyez dans le monde,<br />
vous pouvez avoir accès aux<br />
programmes, en direct ou en<br />
différé. Le plein de contenus<br />
originaux, forts et créatifs.<br />
Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />
Ne ratez pas le plus<br />
emblématique des rallyes.<br />
5<br />
au 17 janvier DIRECT<br />
RALLYE DAKAR<br />
Après trente ans en Afrique et onze ans en Amérique du Sud,<br />
le Rallye Dakar ouvre un nouveau chapitre au Moyen-Orient<br />
en <strong>2020</strong>. Le passage du Pérou au désert d’Arabie saoudite,<br />
trentième pays d’accueil du rallye raid marque une étape<br />
importante dans la longue et glorieuse histoire du Dakar.<br />
Pilotes, copilotes et équipes d’assistance devront s’adapter<br />
à un tout autre environnement. L’aventure est retransmise<br />
et donc à suivre sur <strong>Red</strong> Bull TV.<br />
17<br />
décembre À LA DEMANDE<br />
ENCOURAGED<br />
Le Nigérian Courage Adams, spécialiste du BMX<br />
Street, renoue avec son pays natal et ses racines,<br />
en écumant les rues imprévisibles de Lagos,<br />
la capitale du pays. Une histoire sous le signe<br />
du partage…<br />
21<br />
et 22 décembre DIRECT<br />
RED BULL KUMITE<br />
Né à Paris en 2015, l’excitant tournoi du célèbre<br />
jeu vidéo de baston Street Fighter s’exporte au<br />
Japon, son berceau spirituel ! Les quinze meilleurs<br />
joueurs du monde s’affronteront, auxquels<br />
s’ajoutent les gagnants du Last Chance Qualifier.<br />
MARCIN KIN/RED BULL CONTENT POOL(2), OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL<br />
94 THE RED BULLETIN
Faire.<br />
30<br />
janvier au 2 février<br />
Le Touquet,<br />
encore et toujours<br />
Imaginé par Thierry Sabine, futur<br />
créateur du Paris-Dakar alors attaché<br />
à la communication de la cité balnéaire,<br />
l’Enduropale du Touquet Pasde-Calais<br />
est devenu un événement<br />
européen majeur et rassemble jusqu’à<br />
500 000 spectateurs. La plus grande<br />
course d’enduro d’Europe et la plus<br />
longue course sur sable au monde est<br />
de retour et plus de 2 000 participants<br />
sont attendus pour les 5 courses de<br />
cette épreuve qui fête sa 45 e édition.<br />
Le Touquet ;<br />
enduropaledutouquet.com<br />
23 30<br />
au 26 janvier<br />
T’as vu<br />
Monte-Carlo ?<br />
Le WRC n’en finit plus d’exciter les<br />
foules qui se pressent sur chacune<br />
de ses étapes pour y apercevoir (ça va<br />
très vite !) les dieux du rallye. La saison<br />
<strong>2020</strong> commence à nouveau avec le<br />
rallye de Monte-Carlo qui va permettre<br />
aux forces en présence de se jauger<br />
et de démontrer leur détermination,<br />
pour, qui sait, stopper dans son élan<br />
Ott Tänak, l’Estonien champion en<br />
date d’une épreuve dominée par des<br />
Français ces vingt dernières années,<br />
les deux Sébastien : Loeb et Ogier.<br />
Monaco ; wrc.com<br />
janvier-mars<br />
janvier<br />
La nuit des<br />
masques<br />
Quand les Ricains de Slipknot se<br />
pointent avec leur premier album et<br />
leurs masques effrayants en 1999,<br />
les Metalhead pètent les plombs.<br />
En concert, Slipknot offre un show<br />
incroyable, entre kermesse brutale<br />
et haut niveau de technique, à voir,<br />
revoir, ou re-revoir. Alors, jetez-vous<br />
sur les potentiels billets restants,<br />
et si c’est complet, priez… Les dieux<br />
du metal gâtent parfois leurs fidèles<br />
dans l’adversité.<br />
Paris, AccorHotels Arena ;<br />
slipknot.com<br />
GILLES REBOISSON/RED BULL CONTENT POOL, JOHAN DESMA<br />
25<br />
janvier et 7 mars<br />
<strong>Red</strong> Bull<br />
Tout Schuss<br />
Freiner, c’est tricher ! Et ici, le concept de tout<br />
schuss se conçoit autant sur les pistes enneigées<br />
que sur les dancefloors : 300 hommes et<br />
femmes qui partent en sprint tous ensemble<br />
vers leurs skis ou snowboards pour ensuite descendre<br />
jusqu’au pied des pistes où un afterski<br />
de haut vol les attend. Le premier ou la première<br />
en bas gagne la course, et n’oubliera surtout pas<br />
de participer à la grosse soirée à l’arrivée, ouverte<br />
à tous, participant(e)s ou non, et gratuite.<br />
Cette année, deux stations accueillent cet événement<br />
unique, des Pyrénées (Ax 3 Domaines,<br />
en ouverture, le 25 janvier) jusqu’aux Hautes-<br />
Alpes (Les Orres, le 7 mars). Let’s go!<br />
Ax 3 Domaines et Les Orres ;<br />
redbull.com/toutschuss<br />
Glisse et fête : on fonce !<br />
15<br />
au 19 janvier<br />
Outdoormix<br />
Winter Festival<br />
L’Outdoormix Winter Festival revient à Vars la Forêt Blanche (Hautes-<br />
Alpes). Mêlant sports extrêmes et culture musicale, performance et<br />
découverte, il propose en journée des compétitions de haut niveau,<br />
des démonstrations et des initiations autour de dix disciplines sportives<br />
(ski et snowboard freeride ou freestyle, snow MTB DH, snow<br />
kayaking, highline). Le soir, des DJs et concerts enchaînent pour faire<br />
la fête toute la nuit sur le front de neige, dans les bars de la station.<br />
Vars la Forêt Blanche ; outdoormixfestival.com<br />
THE RED BULLETIN 95
MENTIONS LÉGALES<br />
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans six pays.<br />
Vous voyez ici la une de<br />
notre édition US dédiée<br />
aux meilleurs spots<br />
pour des aventures<br />
enneigées.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
redbulletin.com<br />
Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />
part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />
photos, illustrations et dessins qui engagent<br />
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Rédacteur associé<br />
Lou Boyd<br />
Rédacteur musical<br />
Florian Obkircher<br />
Directeur Secrétariat de rédaction<br />
Davydd Chong<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Nick Mee<br />
Publishing Manager<br />
Ollie Stretton<br />
Publicité<br />
Mark Bishop,<br />
mark.bishop@redbull.com<br />
Fabienne Peters,<br />
fabienne.peters@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Suisse, ISSN 2308-5886<br />
Country Editor<br />
Nina Treml<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
Meike Koch<br />
Publicité<br />
Marcel Bannwart (D-CH),<br />
marcel.bannwart@redbull.com<br />
Christian Bürgi (W-CH),<br />
christian.buergi@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN USA,<br />
ISSN 2308-586X<br />
Rédacteur en chef<br />
Peter Flax<br />
Rédactrice adjointe<br />
Nora O’Donnell<br />
Éditeur en chef<br />
David Caplan<br />
Directrice de publication<br />
Cheryl Angelheart<br />
Country Project Management<br />
Laureen O’Brien<br />
Publicité<br />
Todd Peters,<br />
todd.peters@redbull.com<br />
Dave Szych,<br />
dave.szych@redbull.com<br />
Tanya Foster,<br />
tanya.foster@redbull.com<br />
96 THE RED BULLETIN
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TRBMAG
Pour finir en beauté.<br />
Sur le toit du monde<br />
Le 12 octobre dernier, seize performeurs venus de (presque) tous les continents se sont<br />
affrontés lors de la finale mondiale du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style à Paris à la Villette.<br />
Un événement unique autorisant tous les styles de danse (break, voguing, danse debout,<br />
hip-hop, house...), jugé par le public et remporté par le jeune Shinshan. Parmi<br />
les compétiteurs, le Cubain LMENT s’est autorisé quelques moves au-dessus de Paris.<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
n° 95 disponible<br />
dès le 23 janvier<br />
<strong>2020</strong><br />
LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL<br />
98 THE RED BULLETIN
SON PRO<br />
ÉCOUTEURS SANS FIL JBL<br />
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