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Liège Museum n°2

Le Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : les partenaires des musées, Lambert Lombard, Armand Rassenfosse, Biennale de gravure...

Le Bulletin des musées de la Ville de Liège.
A lire notamment : les partenaires des musées, Lambert Lombard, Armand Rassenfosse, Biennale de gravure...

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

bulletin des musées de la Ville de <strong>Liège</strong> n° 2 mai 2011<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

49


Sommaire<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

Bulletin des musées de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />

museum@liege.be<br />

Imprimé à 3 000 exemplaires sur papier recyclé, sans chlore,<br />

par l’Imprimerie de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />

Photos : sauf mention contraire, Ville de <strong>Liège</strong><br />

(Marc Verpoorten, Yvette Lhoest).<br />

<strong>Liège</strong>, mai 2011, n° 2.<br />

partenaires<br />

expositions<br />

par ailleurs<br />

4 IRPA<br />

L’Institut royal du Patrimoine artistique et les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

7 Une journée d’étude in situ au musée d’Ansembourg<br />

8 Histoire à tous les étages<br />

L’Archéoforum sous la place Saint-Lambert<br />

11 Du pigment à l’atome<br />

Les collections et le Centre européen d’Archéométrie (Université de <strong>Liège</strong>)<br />

12 Art&fact<br />

Focus sur des collaborations avec les musées de <strong>Liège</strong><br />

14 La Communauté française<br />

et les musées de <strong>Liège</strong><br />

16 Institut archéologique liégeois<br />

I.A.L. et Ville de <strong>Liège</strong> : une collaboration de plus d’un siècle<br />

17 Les bronzes mithriaques d’Angleur<br />

Dépôts de l’I.A.L. au Grand Curtius<br />

18 Amis des musées<br />

Les Amis du musée d’Armes de <strong>Liège</strong><br />

Les Amis du musée d’Art religieux et d’Art mosan<br />

20 Un fantôme près du Curtius au xvii e siècle<br />

Histoire de revenants<br />

24 Agenda des expositions temporaires<br />

26 Expositions temporaires<br />

29 « Pour ouvrir le bal… »<br />

30 « Expo des Expos »<br />

32 Armand Rassenfosse (1862-1934)<br />

graveur, affichiste et illustrateur liégeois<br />

34 Lambert Lombard : deux nouveaux dessins<br />

35 L’Association Francophone des Musées de Belgique<br />

36 Prix de la 8 e Biennale internationale de gravure contemporaine<br />

37 « Curtius Circus »<br />

38 Musées/Université<br />

Le musée comme « boîte à outils »<br />

Pourquoi programmer une formation en guidage muséal… ?<br />

40 Les « grands fonds »<br />

du département des Arts décoratifs du Grand Curtius<br />

42 Des Beaux-Arts en Société<br />

Les débuts de la collection des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />

46 Le buste en bronze de Lambert de Liverlo<br />

Interrogations<br />

parlons-en<br />

Un rapide recensement dans les musées de<br />

<strong>Liège</strong> nous apprend que l’on y parle, parmi les<br />

gardien[ne]s et agent[e]s d’accueil, le kinyarwanda,<br />

l’italien, le sicilien, l’espagnol, le néerlandais,<br />

l’allemand, l’anglais, le serbo-croate<br />

ou plutôt – linguistiquement plus correct – le<br />

BCMS (variations bosniaque, croate, monténégrine<br />

et serbe), l’albanais, le lingala, le grec,<br />

différents dialectes de l’arabe, l’arabe littéraire,<br />

le swahili, le kirundi, et j’en oublie probablement.<br />

Ce trésor culturel sera prochainement rendu<br />

sensible dans les musées, à la fois pour manifester<br />

notre empathie vers toutes les cultures<br />

du monde et rendre à chacun[e] ses mérites<br />

et son savoir.<br />

Jean-Marc Gay<br />

Les musées de la Ville de <strong>Liège</strong> mobilisent directement plus de cent personnes,<br />

auxquelles s’ajoutent ceux et celles qui, dans d’autres services (administration de la<br />

culture, protocole, menuiserie, transport, services techniques, …) ou à l’échevinat de<br />

la culture, contribuent à leur vie.<br />

Mais un musée ne peut fonctionner sans partenaires : ils lui apportent de<br />

manière régulière conseils, financements, projets, propositions d’acquisition et de<br />

restauration ou soutien logistique. Nés souvent de la volonté et du travail de groupes<br />

de citoyens actifs, les musées, quels qu’ils soient, ne pourraient aujourd’hui assumer<br />

de vivre dans un splendide isolement. Une partie de leurs moyens, de leurs collections,<br />

leur aura, leur enrichissement, leur renommée, dépendent de partenaires institutionnels<br />

et de la bonne volonté de groupements issus de la société civile.<br />

Dans cette deuxième livraison, <strong>Liège</strong>•museum s’intéresse à quelques-uns de ces<br />

partenaires fidèles, qui ont fait l’histoire des musées ou qui construisent aujourd’hui<br />

avec eux leur avenir. Ils sont si nombreux qu’un seul numéro ne suffira pas à épuiser<br />

le sujet, pourtant déjà abordé en janvier 2011 avec notamment un article sur le<br />

Fonds Constant. L’IRPA, la Communauté française de Belgique, l’Institut archélogique<br />

liégeois, l’AFMB, l’Université de <strong>Liège</strong> sont quelques-uns de ces partenaires.<br />

<strong>Liège</strong>•museum s’ouvre aussi à d’autres institutions liégeoises, dont le destin<br />

est lié à celui des musées de la Ville : l’Archéoforum, le Trésor de la cathédrale sont<br />

présents dans la revue, comme ils sont présents dans les projets des musées.<br />

D’autres collaborations, tout aussi importantes, seront présentées dans les prochains<br />

numéros.<br />

Que tous ces partenaires et compagnons de route reçoivent ici nos remerciements :<br />

leur participation à la revue des musées de la Ville de <strong>Liège</strong> est pour nous un encouragement.<br />

L'Échevin de la Culture<br />

Directeur des musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

2<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

3


Dès l’origine, le travail des trois piliers – toujours actuels – de l’IRPA (laboratoires,<br />

ateliers de conservation-restauration et archives photographiques) est conçu selon<br />

un principe de complémentarité qui oblige à surmonter bien des obstacles, mais<br />

permet d’investiguer les œuvres d’art selon toutes leurs dimensions. Les ateliers de<br />

conservation-restauration étudient la technique des objets et assurent le traitement<br />

des pièces majeures du patrimoine artistique de la Belgique autant parfois que du<br />

patrimoine belge à l’étranger. Les laboratoires analysent essentiellement les matériaux<br />

constitutifs des œuvres d’art et des monuments et offrent leurs conseils pour<br />

en confirmer l’authenticité ou en assurer une meilleure conservation. La Direction de<br />

la Documentation gère, elle, la richissime photothèque du patrimoine national et<br />

développe de multiples recherches d’histoire de l’art. L’Institut regroupe donc historiens<br />

d’art, chimistes, physiciens, restaurateurs et photographes dans une optique<br />

de travail interdisciplinaire. La structure de l’institution, pionnière, a été souvent<br />

imitée à l’étranger : elle reste un modèle pour beaucoup de pays.<br />

Archives photographiques<br />

La photothèque comprend aujourd’hui un million de clichés. Eu égard à la taille de<br />

la Belgique, c’est certainement la plus riche collection au monde relative au patrimoine<br />

d’un seul pays. La Belgique est par exemple l’État qui possède la meilleure<br />

couverture photographique du patrimoine de ses églises. On sait peu que, dès les<br />

années 1950, en particulier grâce à un jeune historien d’art nommé Pierre Colman,<br />

des inventaires extrêmement détaillés ont été réalisés dans de nombreux édifices<br />

liégeois. Les musées Curtius, d’Ansembourg et des Beaux-Arts, en particulier, ont<br />

fait l’objet de multiples missions d’inventaire photographique. C’est ainsi que l’IRPA<br />

a longtemps fait office de véritable service photo pour ces musées.<br />

Ce qui est exceptionnel dans cette photothèque, c’est que chaque cliché est<br />

accompagné de son négatif conservé dans un abri climatisé en sous-sol. Chaque<br />

photo peut ainsi être acquise par les citoyens intéressés. Cette notion de service au<br />

public est fondamentale dans la philosophie qui préside aux activités de l’institution.<br />

Pour ce motif, l’IRPA a entrepris l’informatisation<br />

de sa photothèque : les deux<br />

tiers des clichés sont déjà consultables<br />

gratuitement sur le site www.kikirpa.be.<br />

Depuis une vingtaine d’années,<br />

les prises de vue se font en couleur et le<br />

format numérique est aujourd’hui généralisé.<br />

Comme il n’est pas imaginable de<br />

rephotographier tout le patrimoine belge<br />

en couleur, deux priorités ont été décidées.<br />

D’une part, l’Institut entend poursuivre<br />

l’enregistrement des œuvres d’intérêt<br />

qui ne sont pas encore répertoriées.<br />

D’autre part, il privilégie la reproduction<br />

Pierre-Yves Kairis<br />

Chef de la Conservation-restauration<br />

à l’IRPA<br />

I R P A<br />

L’Institut royal du Patrimoine artistique et les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

L’Institut royal du Patrimoine artistique<br />

(IRPA) est un établissement scientifique<br />

fédéral chargé de l’étude et de la<br />

conservation du patrimoine de<br />

l’ensemble de la Belgique. Créé en<br />

1948, il est issu des Musées royaux<br />

d’Art et d’Histoire et se situe, comme<br />

les musées, à la lisière du parc du<br />

Cinquantenaire à Bruxelles.<br />

Le bâtiment de l’IRPA érigé en 1962<br />

et aujourd’hui classé ; cliché G3277.<br />

Assiettes du XVIII e siècle photographiées dans le cadre<br />

de la mission d’inventaire au Musée Curtius en 1959, Grand<br />

Curtius ; cliché B181470.<br />

Eugène Boudin, Vue du port de Trouville à marée haute,<br />

1880, Musée d’Art moderne et d’Art contemporain ;<br />

cliché B19081 pris en 1914<br />

et cliché KM14147 pris en 2002.<br />

Statue du Christ de Rausa (vers 1230) vue de haut,<br />

Grand Curtius ; cliché Y001248 pris au MARAM en 2003.<br />

© IRPA-KIK, Bruxelles.<br />

en couleur des œuvres majeures dont il<br />

ne possède qu’un cliché en noir et blanc.<br />

C’est ainsi que différentes missions ont<br />

été organisées au cours des dernières<br />

années dans les musées de <strong>Liège</strong> afin<br />

d’y rephotographier quelques-unes des<br />

pièces exceptionnelles des collections.<br />

C’est aux missions photographiques<br />

qu’ont longtemps été affectés la plupart<br />

des historiens d’art de l’IRPA. Leurs tâches<br />

couvrent aujourd’hui de plus en plus amplement<br />

des recherches selon un spectre<br />

relativement large de l’histoire de l’art belge :<br />

peinture, sculpture, orfèvrerie, vitrail, photographie,<br />

gravure, enluminure, papier peint,<br />

etc. Ce qui les conduit naturellement dans<br />

les musées liégeois. Une importante recherche<br />

récemment menée sur la polychromie<br />

dans la sculpture mosane a par<br />

exemple permis le réexamen approfondi<br />

de diverses statues jadis au musée d’Art<br />

religieux et d’Art mosan. Les résultats de<br />

ces analyses ont été transmis au musée<br />

et les dessins de la reconstitution de la polychromie<br />

originale de certaines statues sont<br />

maintenant présentés dans les salles du<br />

Grand Curtius à proximité de l’objet concerné.<br />

Ces reconstitutions permettent au<br />

public de mieux appréhender le rôle crucial<br />

joué par ces polychromies aujourd’hui disparues<br />

dans la perception de l’œuvre originale,<br />

souvent bien éloignée de l’image<br />

que nous nous en faisons.<br />

Conservation-restauration<br />

La collaboration avec les différents musées<br />

de la Ville de <strong>Liège</strong> a toujours été intense<br />

en matière de restauration. Des centaines<br />

de pièces de l’ancien musée du Verre ont<br />

par exemple été traitées dans les ateliers<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

4<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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de l’IRPA, de même que la majorité des statues médiévales de l’ancien MARAM. Ce<br />

n’est pas le lieu de détailler ces interventions tant elles ont été nombreuses, spécialement<br />

au cours de ces dernières années, dans la perspective de l’ouverture du Grand<br />

Curtius. Bien entendu, toute œuvre traitée par l’Institut fait l’objet de reportages photographiques<br />

détaillés, avant, pendant et après traitement. Les différentes pièces qui<br />

composent par exemple les reliquaires orfévrés sont photographiées isolément après<br />

démontage, comme ce fut le cas pour le magnifique triptyque-reliquaire du xii e siècle<br />

déposé par la fabrique de l’église Sainte-Croix à <strong>Liège</strong> et dont peut s’enorgueillir la<br />

section d’Art mosan du Grand Curtius.<br />

Ces dernières années, quelques projets de conservation-restauration de grande<br />

ampleur ont été menés sur les collections de la Ville de <strong>Liège</strong>. Il faut avant tout reconnaître<br />

que peu de choses auraient pu être réalisées sans l’aide des fonds du<br />

patrimoine de la Fondation Roi Baudouin, singulièrement le Fonds David-Constant<br />

qu’Anne De Breuck a présenté dans le premier numéro de <strong>Liège</strong>•museum.<br />

Citons au premier rang la restauration de quatre toiles majeures de Lambert<br />

Lombard découvertes en 1989 dans les réserves du bâtiment de la Boverie et qui<br />

complètent un ensemble de tableaux repérés par l’IRPA dans le Limbourg lors de la<br />

vaste opération d’inventaire photographique du mobilier des sanctuaires de Belgique.<br />

Ce cycle de huit tableaux sur le thème des femmes héroïques de l’Antiquité ornait à<br />

l’origine l’église abbatiale de Herkenrode et il a été démembré à la Révolution. Avec<br />

l’appui du Fonds Inbev-Baillet-Latour, ces tableaux ont été réunis pour la première<br />

fois depuis lors à l’IRPA à l’occasion de la campagne de restauration (2004-2006).<br />

Cette campagne a débouché sur la magnifique rétrospective que la Ville de <strong>Liège</strong> a<br />

organisée en 2006 sous le patronage de l’UNESCO, dans le cadre du cinquième<br />

centenaire de la naissance de celui qui fut le chantre de la Renaissance au pays de<br />

<strong>Liège</strong>. L’IRPA a assuré la publication du catalogue de l’exposition dans sa série<br />

Scientia Artis, avec la collaboration scientifique des meilleurs spécialistes de l’artiste.<br />

Cette publication interdisciplinaire de 534 pages (éditée également en néerlandais)<br />

constitue une véritable somme sur Lambert Lombard et son environnement.<br />

Une collaboration importante fut également mise sur pied dans la perspective<br />

de l’exposition organisée en 2007 pour commémorer le tricentenaire de la mort du<br />

grand sculpteur baroque Jean Del Cour. L’exposition fut montée par le musée d’Art<br />

religieux et d’Art mosan en l’église Saint-Barthélemy nouvellement restaurée. À cette<br />

occasion, l’IRPA a assuré d’importantes interventions sur douze sculptures en bois.<br />

Il a par ailleurs pris en charge un ensemble de dix-neuf bozzetti des collections communales<br />

; il s’agit de petites ébauches en terre cuite par lesquelles le sculpteur<br />

modelait la forme envisagée pour ses futures statues. Une équipe d’une<br />

dizaine de restaurateurs a été ainsi mobilisée pendant une grosse année.<br />

Les traitements de conservation et de restauration offrant une opportunité<br />

exceptionnelle pour étudier et comprendre les objets et leur mise en<br />

œuvre, l’examen a permis de visualiser par l’étude stratigraphique sous microscope<br />

binoculaire les couches originales, parfois polychromées, des différentes statues de<br />

Del Cour et ses épigones. Les laboratoires de l’IRPA ont de leur côté procédé à<br />

d’utiles recherches permettant de confronter les analyses sur la composition chimique<br />

de ces couches picturales avec les recettes préconisées dans les traités anciens.<br />

L’IRPA ne se contente pas de traiter les objets en ses ateliers. À la demande<br />

du propriétaire, il peut aussi assurer la supervision de traitements menés par des<br />

restaurateurs indépendants de haut niveau. Ce fut le cas pour le très bel ensemble<br />

d’huiles du début du xix e siècle de Gilles-François-Joseph Closson conservées<br />

au cabinet des Estampes et des Dessins ; elles viennent d’être restaurées sous<br />

la supervision d’une spécialiste de l’IRPA et avec la collaboration de ses<br />

laboratoires. Cette restauration s’inscrit dans le cadre d’un grand projet<br />

d’exposition qui permettra de revaloriser un védutiste aussi exceptionnel<br />

que méconnu.<br />

Réunion d’experts<br />

L’IRPA reste plus que jamais attentif au patrimoine des musées liégeois. Dans le<br />

cadre de ses activités scientifiques, l’Institut a organisé au début de cette année une<br />

journée d’étude au musée d’Ansembourg, afin de déterminer les éléments d’origine<br />

et d’identifier les nombreuses restaurations dont le bâtiment a fait l’objet jusqu’à ce<br />

jour. Une trentaine de spécialistes ont été réunis pour débattre de l’architecture et<br />

des décors. Nul doute que les réflexions émises à cette occasion s’avéreront fort<br />

utiles pour la restauration imminente de cet édifice prestigieux.<br />

•<br />

Une journée d’étude in situ au musée d’Ansembourg<br />

organisée par l’IRPA le 29 janvier 2011<br />

Cet hôtel de maître a été construit pour le De différentes qualités, les boiseries sont réalisées<br />

avec plus ou moins de finesse selon leur<br />

banquier Michel Willems entre 1738 et 1741.<br />

En 1799, sa petite-fille épouse le comte de destination. Les bois les plus nobles et les<br />

Marchant d’Ansembourg, lieutenant des plus ouvragés sont utilisés pour les boiseries<br />

gardes du prince-évêque François-Charles visibles. Ils n’étaient probablement pas peints.<br />

de Velbrück. La maison est rachetée en 1903 Certaines boiseries peintes aujourd’hui en faux<br />

par la Ville de <strong>Liège</strong> et devient musée d’Arts chêne pourraient, dès lors, être le témoignage<br />

décoratifs en 1905.<br />

de restaurations du xix e siècle.<br />

Comme bon nombre de demeures patriciennes Pour les cheminées, on apprendra qu’elles<br />

construites au xviii e siècle, la répartition des étaient mobiles et que quelques manteaux de<br />

espaces s’inspire de modèles architecturaux cheminées ont pu être intervertis entre une ou<br />

étrangers tels quel le traité d’architecture de plusieurs demeures. En effet, dans certains cas,<br />

Blondel. L’édifice obéit à des conventions de les lambris et les décors des cheminées de la<br />

bienséance, il est le reflet du statut social et maison d’Ansembourg présentent des incohérences<br />

: décalages d’alignements entre la partie<br />

de l’érudition du propriétaire. Les choix des<br />

décors prennent ainsi toute leur importance. supérieure de certains manteaux et les limites<br />

de corniches de plafonds. Parfois, des lambris<br />

ont été réajustés lors de modifications de décors.<br />

Les montants d’une cheminée semblent<br />

même avoir été recoupés à hauteur des volutes.<br />

Les fenêtres du rez-de-chaussée ne sont<br />

pas d’origine. Leur mécanisme à guillotine ne<br />

semble pas usité dans notre région au xviii e .<br />

D’un point de vue technique, on peut distinguer<br />

la main d’un maître et celle de ses élèves<br />

(plus experte ou plus raide). Au xviii e siècle, le<br />

blanc des stucs est poli. Le bleu est réalisé à<br />

partir de smalt et de colle animale ; plus tard, il<br />

sera remplacé par du bleu de Prusse. Dans la<br />

restauration de l’édifice, il faudrait nettoyer les<br />

stucs existants plutôt qu’envisager un décapage<br />

de la couleur synthétique actuelle.<br />

Jean Del Cour (1631-1707), Guerrier romain blessé,<br />

Grand Curtius ; cliché X012410 après restauration en 2007<br />

et cliché LY008752 avant restauration.<br />

Morceaux du triptyque-reliquaire de la sainte croix<br />

(vers 1160), Grand Curtius ;<br />

cliché KN6147 pris en cours de traitement en 1996.<br />

© IRPA-KIK, Bruxelles.<br />

À l’issue de cette journée, il s’avère que le<br />

bâtiment a été fortement remanié au cours du<br />

temps. Tenter de le restaurer en l’état du xviii e<br />

siècle impliquerait la suppression d’éléments<br />

qui font partie intégrante de sa vie.<br />

Il se dessine le projet de retrouver un ensemble<br />

cohérent, ne visant pas une restitution<br />

exacte du bâtiment à une époque donnée mais<br />

plutôt la conservation des empreintes qui font<br />

l’histoire de l’édifice : une adéquation entre la<br />

restauration et la conservation.<br />

Christelle Schoonbroodt<br />

Historienne de l’art<br />

Musées de <strong>Liège</strong><br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

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L’Archéoforum sous la place Saint-Lambert<br />

Histoire à tous les étages<br />

Archéoforum de <strong>Liège</strong><br />

Place Saint-Lambert.<br />

Ouvert du mardi au vendredi de 9 à 17 h,<br />

les week-ends et jours fériés de 10 à 17 h.<br />

Tél. : 04 250 93 70.<br />

archeo@archeoforumdeliege.be<br />

www.archeoforumdeliege.be<br />

Distants d’un peu moins<br />

de huit cents mètres,<br />

l’Archéoforum et le Grand<br />

Curtius développent aujourd’hui<br />

des collaborations, des<br />

liens scientifiques, des rapprochements<br />

pédagogiques,<br />

assumant dans le contexte<br />

muséal liégeois la complémentarité<br />

de leurs objectifs.<br />

Partir à la découverte de <strong>Liège</strong> et de son riche passé, c’est participer de nos jours à<br />

un jeu de piste ponctué de nombreux monuments et de riches institutions muséales<br />

composant un paysage culturel multiple. Une réalité éclatée qui se joue de la logique<br />

pure pour épouser les aléas du temps. Une absence de cartésianisme, vécue trop<br />

souvent comme un handicap mais qui favorise, avec liberté, des interprétations plurielles,<br />

diversifiées, ouvertes au dialogue, à la confrontation ou à la poésie, battant<br />

en brèche les certitudes immuables et les visions formatées. Cette curieuse opportunité,<br />

c’est celle que, sans hésitation, les responsables des musées de la place ont<br />

décidé de saisir à travers une véritable politique de collaboration et de concertation.<br />

Avec ses vestiges de plus de 9 000 ans d’histoire, l’Archéoforum situé sous la place<br />

Saint-Lambert constitue le berceau de la ville. Au cœur de la Cité ardente, ce site<br />

archéologique remarquable blotti sous une couverture de pierre et de béton, dévoile<br />

ses charmes avec parcimonie. Pudeur archéologique.<br />

L’aventure commença il y a plus d’un siècle, en 1907. Lors de travaux éventrant<br />

la place, les siècles, les millénaires reprenaient vie. Les prévisibles fondations<br />

de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert, démontée par les Liégeois à la Révolution,<br />

côtoyaient désormais les vestiges d’un bâtiment gallo-romain du début de<br />

l’ère chrétienne. Puis en cherchant plus avant, des traces exceptionnelles d’occupation<br />

préhistorique indiquaient une présence humaine bien plus ancienne. Depuis<br />

cette étonnante moisson, le site toujours en cours de fouille actuellement n’a pas<br />

cessé de nous étonner. Pourtant il a bien failli être anéanti. Dans les dernières décennies<br />

du xx e siècle, perçues aujourd’hui comme les heures noires de l’urbanisme liégeois,<br />

différents projets successifs programmèrent la destruction totale ou partielle des<br />

vestiges. La lutte fut âpre, la déception parfois grande mais la mémoire de <strong>Liège</strong> fut<br />

sauvée. Propriété de la Région wallonne depuis 1997, l’aménagement du sous-sol<br />

fut confié à l’Institut du Patrimoine wallon en vue de son ouverture au public. En<br />

2003, l’Archéoforum vit le jour.<br />

D’emblée, la mission se voulait double. Il s’agissait de permettre d’abord,<br />

par une exploration systématique du sous-sol, une connaissance approfondie du<br />

passé de <strong>Liège</strong> mais également d’assurer la médiation constante des acquis en<br />

direction du public. Si la première tâche incombait aux équipes d’archéologues du<br />

Service public de Wallonie, la seconde, donner vie aux racines de la ville, fut confiée<br />

à une équipe d’animation composée d’historiens et d’historiens de l’art.<br />

Aujourd’hui, cette pédagogie de l’archéologie s’adresse, sous diverses offres, aux<br />

adultes et aux jeunes. La visite de l’Archéoforum constitue une sorte de préalable à<br />

toute découverte de l’histoire de la ville et de son ancienne principauté. Elle se<br />

présente comme une introduction aux autres institutions muséales liégeoises qui<br />

renferment souvent des pièces exceptionnelles en provenance du site. Ne citons<br />

pour exemple que le Trésor de la cathédrale Saint-Paul. Rénové en 2009, ce musée<br />

représente un formidable outil pour appréhender l’histoire et l’art de ce territoire<br />

enclavé entre la France et le Saint-Empire, creuset d’une culture originale, à la fois<br />

latine et germanique.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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n° 2, mai 2011<br />

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De son côté, le Grand Curtius présente notamment une magnifique section<br />

d’archéologie et d’art religieux dont plusieurs pièces majeures proviennent des fouilles<br />

de la place Saint-Lambert. Un trait d’union d’autant plus fort qu’il remonte à plus<br />

d’un siècle. En 1909, alors que le musée Curtius était fondé à l’initiative de l’Institut<br />

archéologique liégeois, s’ouvrait la Crypte archéologique, musée souterrain présentant<br />

in situ les vestiges découverts place Saint-Lambert deux ans avant, notamment<br />

le fameux hypocauste. Cette complémentarité allait se traduire ensuite par l’accueil<br />

à l’Archéoforum de pièces issues des collections du musée. Une synergie qui dicte<br />

l’actuel resserrement des liens dans un souci de cohérence muséale et éducative.<br />

Une vision des choses qui ne relève pas de la simple déclaration d’intention mais qui<br />

s’ancre dans une véritable pratique de partage des savoirs et<br />

des expériences. Misant sur une pédagogie active du patrimoine,<br />

les services spécialisés des deux institutions travaillent en étroite<br />

collaboration afin de développer un discours scientifique, didactique<br />

voire ludique à même d’intéresser l’ensemble du public et<br />

plus particulièrement les enseignants et les élèves des différents<br />

cycles. Le partenariat développé évite la redondance en privilégiant<br />

la richesse des échanges. Car la force de cette collaboration<br />

réside dans une approche patrimoniale à la fois complémentaire<br />

et différenciée en fonction des spécificités de chacun. L’étude<br />

interprétative in situ à l’Archéoforum et l’étude des collections<br />

archéologique et artistique au Grand Curtius, recourant à des<br />

méthodologies spécifiques, permettent d’aborder de différentes<br />

manières tant le passé de la ville de <strong>Liège</strong> que la civilisation occidentale<br />

de la préhistoire à nos jours.<br />

La volonté de collaboration qui anime les équipes de<br />

l’Archéoforum et du Grand Curtius est aussi partagée par les<br />

autres institutions muséales liégeoises comme le musée de la Vie<br />

wallonne ou le Trésor de la cathédrale. Elle est appelée à l’avenir<br />

à revêtir bien des aspects. Outre la question d’un fil d’Ariane, lien<br />

visuel reliant les places Saint-Lambert et Saint-Barthélemy, facilitant<br />

le cheminement entre ces deux pôles, c’est actuellement une<br />

réflexion de fond sur les collections qui est en cours. Autoriser, à<br />

partir de pièces issues du Grand Curtius, une meilleure compréhension<br />

des vestiges présents à l’Archéoforum en engageant le<br />

visiteur à découvrir l’ensemble muséal et inversement s’impose<br />

à tous. Travailler les uns avec les autres, sans arrière pensées, c’est<br />

se respecter mutuellement mais surtout être au service de tous.<br />

Une priorité pour des institutions culturelles comprises comme des<br />

instruments privilégiés de démocratie. •<br />

Photos G. Focant, © SPW.<br />

En haut : détail de chapiteau roman,<br />

photo P. Géron, © In Situ.<br />

Corinne Van Hauwermeiren<br />

Atelier de conservation-restauration<br />

Musées de <strong>Liège</strong><br />

Du pigment à l’atome<br />

Les collections des musées et le Centre européen d’Archéométrie (Université de <strong>Liège</strong>)<br />

En 1891, Maurice Denis écrivait que la peinture<br />

n’est qu’une surface plane recouverte<br />

de couleurs en un certain ordre assemblées.<br />

Mais que se passe-t-il sous la surface… ?<br />

Si les premières explorations au cœur de la<br />

matière ont pu être réalisées notamment grâce<br />

aux travaux de Röntgen par la radiographie et<br />

aux travaux de Van Asperen de Boer par l’étude<br />

du dessin sous-jacent sous rayonnements infrarouges,<br />

il ne s’agit encore que de techniques<br />

d’examen. Bien qu’il fut déjà possible d’identifier<br />

certains constituants d’un film de peinture,<br />

il faut attendre la fin des années ’80 pour que<br />

se développent les techniques physicochimiques<br />

d’analyse et, avec elles, l’émancipation<br />

de l’archéométrie. Celle-ci permet aujourd’hui<br />

de scruter sous l’apparente planéité de la surface<br />

et découvrir un monde où les électrons<br />

s’entrechoquent et les molécules réticulent…<br />

Une alliance entre l’art et la science qui nous<br />

transporte dans la genèse de l’objet d’art.<br />

Considérée comme « science auxiliaire » de<br />

l’histoire de l’art et de la conservation-restauration,<br />

l’archéométrie permet aujourd’hui d’étayer<br />

des hypothèses de provenance, d’attribution,<br />

de datation et de mise en œuvre de l’objet d’art.<br />

Elle constitue aussi une aide précieuse à l’établissement<br />

d’un diagnostic et d’une procédure<br />

de traitement de conservation-restauration.<br />

C’est selon cette double polarité que la<br />

collaboration entre les musées de la Ville de<br />

<strong>Liège</strong> et le Centre européen d’Archéométrie<br />

(CEA, Université de <strong>Liège</strong>) a été mise en place.<br />

Plusieurs projets sont actuellement en cours :<br />

l’étude de la Vierge à la donatrice du Maître de<br />

la Vue de Sainte Gudule, l’étude de la Famille<br />

Soler de Pablo Picasso ou encore les œuvres<br />

de Gérard de Lairesse et la Sainte Cécile aux<br />

orgues attribuée à Michel Coxcie dont le traitement<br />

devrait débuter dans le courant de cette<br />

année. L’étude archéométrique comprend notamment<br />

l’examen du dessin sous-jacent par<br />

réflectographie infra-rouge 1 , l’étude de la facture<br />

de l’œuvre et de son état de conservation<br />

par la radiographie et l’analyse pigmentaire par<br />

la méthode Pixe 2 . L’existence d’un appareil<br />

portatif d’analyse, mis au point par le CEA,<br />

permet d’effectuer les analyses in situ, sans<br />

sortir l’œuvre de son milieu de conservation.<br />

Si la méthode PIXE permet une différenciation<br />

entre pigments anciens et pigments modernes,<br />

elle ne permet toutefois que rarement de préciser<br />

une datation. En effet, à l’exception de<br />

l’un ou l’autre pigment, la palette pigmentaire<br />

demeure relativement identique entre les xiv e<br />

et xviii e siècles. Mais cette technique d’analyse<br />

permet d’enrichir la connaissance de la mise<br />

en œuvre des matériaux et donc de la technique<br />

d’un artiste ou d’un objet.<br />

D’autres projets devraient être poursuivis<br />

avec les départements du Verre, de l’Archéologie<br />

et de l’Art mosan. Outre une connaissance<br />

accrue de l’objet, l’identification de certains composants<br />

permet d’éclairer la provenance des<br />

matériaux et le réseau des routes commerciales.<br />

Quant à la conservation-restauration, l’établissement<br />

d’un diagnostic et d’une proposition de<br />

traitement peut être agrémenté d’un recours<br />

à la radiographie et, pour certains cas, à la<br />

réflectographie infrarouge afin de préciser un<br />

état de conservation parfois difficile à cerner<br />

en lumière du jour. Quant aux techniques d’analyse,<br />

bien que moins souvent sollicitées en tant<br />

qu’auxiliaires d’une restauration, elles peuvent<br />

être utiles, par exemple, à la détermination des<br />

parties originales et des éléments appartenant<br />

à une restauration. Elles peuvent par conséquent<br />

faciliter une prise de décision quant à la<br />

conservation ou non de ces éléments, le traitement<br />

d’une œuvre ou d’un objet restant un moment<br />

opportun d’examen et d’analyse pour<br />

améliorer des connaissances techniques.<br />

En conclusion, face aux perspectives nombreuses<br />

et prometteuses de l’archéométrie 3 ,<br />

il faut toutefois introduire un bémol à cet apport<br />

enrichissant du laboratoire. Souvent, faute<br />

d’une méthodologie correcte, ou par manque<br />

d’expérience pratique des matériaux et de leur<br />

mise en œuvre, ou encore par défaut d’une<br />

observation attentive, une confiance aveugle<br />

ou un recours inopportun est fait aux examens<br />

et analyses de laboratoire. Mais, si aujourd’hui<br />

la science peut beaucoup, il faut se rappeler<br />

qu’elle ne peut pas tout. L’œil et l’expérience<br />

– dont l’expérience pratique – de l’historien de<br />

l’art ou du conservateur-restaurateur doivent<br />

rester les guides premiers et irremplaçables<br />

de toute hypothèse de travail et le préalable<br />

de toute analyse. Si cette affirmation peut<br />

apparaître comme une évidence, elle tend à<br />

s’oublier face à des formations en conservation-restauration<br />

du patrimoine – et en partie<br />

également en histoire de l’art – de plus en plus<br />

orientées vers les sciences exactes.<br />

Cette science auxiliaire qu’est l’archéométrie<br />

est une opportunité formidable pour une<br />

meilleure connaissance de l’objet et comme<br />

aide à sa conservation mais l’œuvre ou l’objet<br />

d’art ne doit pas être considéré, par ceux qui<br />

recourent à l’archéométrie, comme un « rat de<br />

laboratoire » pouvant être quantifié et qualifié<br />

en tout point. Savoir ce que l’on cherche et<br />

pourquoi on le cherche… •<br />

1. Cet examen ne donne des résultats concluants que pour<br />

des œuvres dont la préparation est de couleur blanche, et<br />

présentant un dessin sous-jacent réalisé avec une matière<br />

noire contenant du carbone.<br />

2. « Proton Induction X-ray Emission » : technique d’analyse<br />

non-destructive, sans prélèvement de matière. Par induction<br />

de protons projetés sur la surface d’une œuvre, elle permet<br />

d’exciter les électrons contenus dans les matériaux inorganiques<br />

tels que les pigments, le retour des électrons à l’état<br />

stable se traduisant par une émission de rayons X caractéristique<br />

de l’élément rencontré. Le résultat se présente<br />

sous la forme d’un graphe qu’il suffit ensuite de décoder.<br />

3. Cf. actes du 18 e colloque d’archéométrie du Groupe des<br />

Méthodes pluridisciplinaires contribuant à l’Archéologie,<br />

11-15 avril 2011, Université de <strong>Liège</strong>.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

10<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

11


Art&fact<br />

Focus sur des collaborations avec les musées de <strong>Liège</strong><br />

Une équipe d’historiens de l’art, à l’écoute du public et des musées<br />

Fondée en 1981, l’asbl Art&fact regroupe les historiens de l’art, archéologues et<br />

musicologues de l’Université de <strong>Liège</strong>. Aujourd’hui constituée d’une équipe de neuf<br />

personnes (5 équivalents temps plein) et d’une dizaine de collaborateurs extérieurs<br />

réguliers, l’association a pour but de promouvoir l’histoire de l’art, l’archéologie et la<br />

musicologie et de rendre ces disciplines accessibles à un large public : publication<br />

d’une revue scientifique annuelle, d’ouvrages de vulgarisation et de dossiers pédagogiques,<br />

organisation de conférences, d’expositions, de voyages, d’excursions,<br />

de visites guidées et de stages pour un public varié constituent le quotidien<br />

d’Art&fact. En outre, la promotion de l’emploi et la professionnalisation des métiers<br />

d’historien de l’art et d’archéologue restent des objectifs constants.<br />

Interface entre musées et Université depuis plus de 25 ans<br />

Depuis les années 1980, les historiens de l’art de l’Université de <strong>Liège</strong> participent à<br />

l’animation des musées et des expositions à <strong>Liège</strong>, principalement par la mise sur<br />

pied de visites guidées mais aussi par la conception et la réalisation de dossiers<br />

pédagogiques. Les guides historiens de l’art d’Art&fact ont presté des milliers<br />

d’heures de visites guidées dans la plupart des grandes expositions de ces dernières<br />

décennies à <strong>Liège</strong>. En aval des visites guidées, Art&fact collabore aussi avec les<br />

musées de <strong>Liège</strong> dans l’élaboration des produits de médiation culturelle.<br />

Par ailleurs, la section d’Histoire de l’Art et d’Archéologie de l’Université de <strong>Liège</strong><br />

organise un master en Muséologie centré sur l’interprétation du patrimoine. Une<br />

collaboration s’est établie avec le Grand Curtius et son service éducatif : depuis<br />

deux ans, des visites guidées sont menées par les étudiants à travers les collections,<br />

un premier dimanche du mois en raison de la gratuité d’accès. Sous la direction des<br />

professeurs responsables de ce master, les guides-conférenciers agréés d’Art&fact<br />

apportent leur collaboration lors de ces exercices.<br />

Des offres adaptées à tous les publics<br />

• Le jeune public. La sensibilisation à l’art, ancien ou contemporain, l’intérêt porté à<br />

l’histoire, à ses manifestations d’hier et d’aujourd’hui comptent parmi les préoccupations<br />

majeures d’Art&fact. La curiosité des enfants pour ces matières est vive et<br />

la fascination pour l’Égypte ancienne et le Moyen Âge permet, par une médiation<br />

habile, d’ouvrir à une réelle compréhension des œuvres et de leurs multiples messages.<br />

Les programmes scolaires rabotent ou suppriment ces disciplines. Le rôle des historiens<br />

de l’art s’en trouve du coup essentiel. Tout est mis en œuvre pour que règne<br />

le « gai savoir » et que les mots « musée » et « patrimoine » ne se couvrent pas d’un<br />

voile de poussière et d’ennui : le musée devient lieu d’apprentissage et de découverte<br />

active, où le passé peut être mis en résonance avec le monde actuel. Des visites<br />

ludiques et pédagogiques destinées aux plus jeunes prennent des aspects variés<br />

selon que les enfants visitent des collections du MAMAC, du musée de l’Art wallon<br />

ou du Grand Curtius : association des techniques ou des genres à des jeux visuels.<br />

Ces activités permettent l’échange, l’expression et la découverte des œuvres.<br />

Isabelle Verhoeven<br />

Historienne de l’art<br />

Art&fact asbl<br />

Art&fact asbl, Université de <strong>Liège</strong><br />

Galerie Wittert<br />

7 place du 20-Août, 4000 <strong>Liège</strong><br />

T : 04 366 56 04<br />

art-et-fact@misc.ulg.ac.be<br />

www.artfact.ulg.ac.be<br />

Stages Regards en herbe<br />

Depuis bientôt 15 ans, Art&fact organise à<br />

<strong>Liège</strong> des stages de découverte artistique<br />

pour enfants de 6 à 12 ans. Les activités<br />

s’articulent autour de thèmes liés aux collections<br />

des musées ou à des expositions.<br />

Le stage de Pâques 2011 emmène les<br />

enfants dans le monde de l’impression car<br />

la Biennale de la Gravure offre l’occasion<br />

d’expérimenter plusieurs techniques à la<br />

portée du jeune public.<br />

Un autre stage, au Carnaval, consistait à découvrir<br />

des célébrités liégeoises de toutes<br />

époques, évoquées par des objets au<br />

Grand Curtius. Les activités ludiques ont<br />

permis à chacun de s’approprier son personnage<br />

et de le faire connaître aux autres lors<br />

d’une visite où chaque enfant était déguisé<br />

et doté d’accessoires adéquats. Pour la<br />

première et sans doute unique fois, Omalius,<br />

Notger, le chevalier Antoine, Érard de la<br />

Marck, Grétry… ont fait connaissance,<br />

filmés par les caméras d’une télé locale !<br />

Des ‘incroyables anniversaires’<br />

Faire la fête au Musée pourrait relever d’une<br />

gageure… Non seulement c’est possible,<br />

mais en plus, célébrer son anniversaire avec<br />

ses copains, soit des groupes de 10 à 15<br />

enfants, connaît un succès grandissant. Les<br />

garçons adorent se transformer en chevalier<br />

du Moyen Âge, le temps d’un après-midi.<br />

Avec le guide, se déroule d’abord la découverte<br />

ludique de l’armement du soldat<br />

médiéval, vient ensuite l’atelier où chacun<br />

invente ses armoiries et fabrique son bouclier,<br />

ses accessoires. La fête se termine au local<br />

pédagogique autour d’un grand gâteau.<br />

• Des visites à la carte, adaptées aux cours. Outre les visites pédagogiques élaborées<br />

au sein du Grand Curtius, Art&fact reçoit des demandes pour des visites spécifiques :<br />

« Ma classe découvre l’Égypte pharaonique. Nous souhaitons avoir d’abord une<br />

animation en classe, puis visiter la section des momies au Grand Curtius et terminer<br />

avec un atelier sur place. Ah oui, les enfants ont de 5 à 7 ans… ». Un peu plus tard,<br />

à l’école, les guides aident les archéologues en herbe à mener leurs fouilles dans de<br />

grands récipients remplis de sable où sont cachés des objets rappelant l’Égypte au<br />

temps des pyramides (et quelques intrus pour corser le travail). Après cette initiation,<br />

le matériel est rembarqué, les institutrices font des panneaux et des lignes du temps<br />

avec les « pseudo-antiquités ». Arrive la visite au musée. Plusieurs pièces sont<br />

observées avant de faire l’atelier : écrire son nom en hiéroglyphes, fabriquer de la<br />

couleur avec de l’œuf et des pigments puis l’utiliser pour une œuvre collective. À<br />

côté de cette demande inhabituelle, des enseignants du secondaire souhaitent des<br />

visites plus classiques, par exemple au musée de l’Art wallon pour illustrer leur<br />

cours : la société, le monde du travail ou les grands courants artistiques du xix e<br />

siècle à mettre en rapport avec la littérature vue en classe, etc.<br />

• Pour les adultes. Pour amener les adultes, en groupes ou individuellement, à venir<br />

et surtout à revenir dans les musées, Art&fact propose, depuis plus de 20 ans, des<br />

visites thématiques ainsi que des visites clé sur porte ou au contraire à la carte.<br />

Langage et contenu seront différents selon les types de visiteurs : une association<br />

d’amateurs d’art contemporain bénéficiera d’une visite pointue, différente de celle<br />

d’un groupe apprenant le français ou découvrant sa terre d’accueil.<br />

• Des visites thématiques en collaboration avec l’Office du Tourisme ou le Grand Curtius.<br />

Aborder une collection sous un angle particulier peut intéresser des visiteurs habituels<br />

et un large public. Une visite Voyages d’artistes. Aller-retour au musée de l’Art wallon<br />

permet de développer les influences reçues par les artistes lors de leurs voyages à<br />

l’étranger. Approfondir un domaine comme Le verre Art nouveau touche davantage<br />

des collectionneurs ou amateurs avertis. Ces visites prennent forme selon nos centres<br />

d’intérêt, la demande du public ou les possibilités offertes par les collections.<br />

• Des visites sur mesure pour les groupes « Article 27 ». Art&fact défend le droit à la<br />

culture pour tous et s’intéresse particulièrement à ce type de public. Ces visiteurs<br />

viennent d’arriver en Belgique et apprennent le français, sont en réinsertion sociale<br />

ou professionnelle. Ils sont toujours intéressés par la découverte de sites, d’histoire,<br />

d’art. En général, les questions fusent en tous sens, il faut expliquer ou faire ressentir<br />

les œuvres dans un langage simple et efficace. La Vierge d’Évegnée n’est pas une<br />

représentation de Bouddha. Qui est la Vierge ? Et Jésus ? Pourquoi cette Madone<br />

du xi e siècle a-t-elle l’air si sévère ? Nous ne sommes pas tous éduqués dans une<br />

tradition chrétienne… Ces visites demandent une grande ouverture réciproque et un<br />

réel sens pédagogique. C’est enthousiasmant pour chacun de partager un accueil<br />

mutuel dans un musée, au travers des œuvres, au travers de l’histoire.<br />

• Des commentaires adaptés pour les visiteurs étrangers. Plusieurs cas se profilent<br />

pour les groupes étrangers. « Ils sont chinois et invités par une industrie wallonne, la<br />

visite doit être courte et en anglais ; ils apprécient les armes et les dorures médiévales<br />

», « Le groupe néerlandophone est passionné par l’art contemporain, il fait une<br />

promenade sur l’architecture actuelle à <strong>Liège</strong> et passe l’après-midi dans les collections<br />

du musée de l’Art wallon et du MAMAC », … : rigueur et souplesse sont les<br />

maîtres-mots. Ou bien le guide est libre pour ses commentaires : quelle visite pourra<br />

satisfaire un groupe de personnes âgées qui vient à <strong>Liège</strong> pour la première fois ?,<br />

quelle collection pourra intéresser un groupe néerlandophone de fabricants d’escaliers<br />

? Outre des propositions de visites, les guides doivent s’adapter au public qu’ils<br />

emmènent à la découverte des collections. Si pour les uns le contexte historique est<br />

essentiel, pour les autres l’aspect technique les intéressera certainement. •<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

12<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

13


La Communauté française<br />

Le grand public, les visiteurs de musées mêmes ont bien de la peine à imaginer le<br />

travail des musées en dehors du visible, l’exposition. Ils voient les gardiens et imaginent<br />

bien un conservateur, personnage qui a conservé une aura certaine, malgré<br />

le jeu de mot facile que provoque l’appellation.<br />

A fortiori, imaginer qu’au plan qu’un homologue flamand n’hésiterait à qualifier<br />

de national existe une administration des musées (et de quelques autres domaines<br />

connexes comme les archives mais parfois surprenants comme l’héraldique, c’està-dire<br />

la fixation des armoiries, sceaux et drapeaux des provinces et communes et<br />

des armoiries de personnes privées nobles), doit être bien rare.<br />

Il y a un peu plus de vingt ans, j’avais indiqué l’existence d’une telle administration<br />

à un jeune chercheur brillantissime qui ne m’avait pas caché sa surprise à cet<br />

égard. Deux années plus tard, il devenait attaché au Cabinet du Ministre pour les<br />

musées…<br />

Il y a donc une administration 1 pour les musées comme pour les différents secteurs<br />

de la culture. Mais, dans un pays où le pouvoir central est loin de disposer de l’autorité<br />

« naturelle » d’un ministère français, il n’y a pas toujours que le public qui feigne<br />

de l’ignorer…<br />

Il y a donc bien un Service du patrimoine culturel au Ministère de la Communauté<br />

française, compétent pour le patrimoine culturel mobilier, les monuments,<br />

sites et fouilles étant matières régionales depuis 1989. Le rôle de ce Service n’est<br />

pas très spécifique par rapport à d’autres de la culture, voire plus largement.<br />

Le premier rôle d’une administration est de préparer les décisions de son<br />

ministre et de veiller à l’application des lois et règlements. En matière de musée, il y<br />

a une loi communautaire qu’on appelle un décret (celui du 17 juillet 2002). Il prévoit<br />

la reconnaissance des musées en trois catégories, plus une catégorie spéciale, la<br />

mise en conformité (par rapport aux exigences du décret). À partir de cette reconnaissance,<br />

les musées peuvent obtenir des subventions de fonctionnement.<br />

En ce qui concerne la Ville de <strong>Liège</strong> (je laisse de côté la Province, l’Université et<br />

quelques institutions de droit privé), les choses n’ont pas été simples.<br />

Seule la reconnaissance du musée de l’art wallon s’est faite sans douleur : il<br />

est reconnu en catégorie B et bénéficie d’une subvention annuelle de 70 000 euros.<br />

Tout est donc en ordre dans ce cas. Encore reste-t-il à voir à <strong>Liège</strong> comme ailleurs<br />

ce que représentent des subventions : le musée coûte plus d’un million d’euros à la<br />

Ville. Le Cabinet des Estampes a obtenu une subvention (20 000 euros) pour mise<br />

en conformité. J’espère qu’il pourra bientôt rejoindre le musée de l’Art wallon.<br />

Le reste est plus compliqué. Le Grand Curtius, après un premier refus de<br />

reconnaissance, a obtenu une subvention pour mise en conformité (70 000 euros).<br />

La motivation de celle-ci illustre bien la nécessité d’une administration centrale : la<br />

mise en conformité porte principalement sur le remaniement du concept dans les<br />

limites d’une réalisation architecturale fondée sur des principes inadéquats. La structure<br />

du bâtiment est fondée sur une visite « linéaire » complète alors qu’il eût fallu favoriser<br />

Patrice Dartevelle<br />

Directeur du Service du Patrimoine culturel<br />

du Ministère de la Communauté française<br />

et les musées de <strong>Liège</strong><br />

1. J’ai explicité par ailleurs le rôle d’une administration du<br />

patrimoine in Le rôle d’une administration, les Cahiers de<br />

l’Urbanisme, n° 76, octobre 2010, p. 54-55.<br />

Classement en « trésors »<br />

Au Grand Curtius :<br />

- les bronzes mithriaques d’Angleur<br />

(arrêté du Gouvernement de la Communauté<br />

française du 8 février 2011) ;<br />

- la coupe Oranus (16 e siècle)<br />

(arrêté du 23 novembre 2010) ;<br />

- la Vierge à l’Enfant du Maître à la vue de<br />

sainte Gudule (arrêté du 26 mars 2010).<br />

Au Cabinet des Estampes :<br />

- l’album d’Arenberg et l’album de<br />

Clerembault de Lambert Lombard<br />

(deux arrêtés du 23 novembre 2010) ;<br />

- le Fonds Gilles Closson<br />

(arrêté du 26 mars 2010) ;<br />

- le dessin de van Gogh Femme au bonnet<br />

(arrêté du 26 mars 2010).<br />

Au MAMAC :<br />

- les neuf tableaux provenant de la vente de<br />

Lucerne (dont le Picasso, le Chagall, …)<br />

(arrêté du 23 novembre 2010).<br />

la visite par des sous-ensembles thématiques. L’Administration et l’instance d’avis,<br />

le Conseil des musées, le voient ainsi. S’ils avaient pesé plus ou existé il y a une<br />

dizaine d’années, on n’en serait pas là. De la même manière, la reconnaissance du<br />

MAMAC s’est avérée impossible tant étaient grandes les lacunes en matière de<br />

conservation. Il y a donc bien une vérité au-delà de <strong>Liège</strong> (ou de Charleroi, Tournai,<br />

Verviers etc.).<br />

Outre cette activité somme toute classique, la Communauté française a concrétisé<br />

un nouveau chantier à partir du décret de 2010. Il s’agit du classement de biens<br />

culturels mobiliers à l’instar de ce qui se fait depuis 1931 pour les monuments et<br />

sites. Des biens mobiliers sont « classés » et ne peuvent connaître de transformation<br />

sans l’accord du Ministre de la Communauté<br />

française (là aussi après<br />

avis d’une commission). Leurs mouvements<br />

sont également soumis à<br />

autorisation. Qualifiés de « trésors »<br />

(terme technique figurant dans le<br />

Traité de Maestricht et pour déroger<br />

aux règles de l’espace douanier<br />

unique), ils ne peuvent être l’objet<br />

d’exportation définitive. Pas plus<br />

qu’en monuments, la propriété n’est<br />

modifiée.<br />

Cette protection n’en est qu’à<br />

ses débuts. Elle ne concerne pas<br />

que les musées, les biens peuvent<br />

être classés quel que soit le propriétaire,<br />

public ou privé.<br />

D’emblée, les musées de la Ville<br />

de <strong>Liège</strong> ont eu plusieurs pièces<br />

majeures reconnues comme « trésors<br />

». Trois des musées sont ainsi<br />

distingués tantôt par des pièces<br />

archéologiques, tantôt par des peintures,<br />

des dessins, tantôt par des<br />

objets d’art (cf. ci-contre).<br />

Il existe donc une politique culturelle<br />

de et en Communauté française.<br />

•<br />

Paul Gauguin, Le Sorcier d’Hiva Oa<br />

ou Le Marquisien à la cape rouge, 1905.<br />

Huile sur toile, 92 x 73 cm. [AM 16/163]<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

14<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

15


Pierre-Marie Gason<br />

Président de l’I.A.L.<br />

Jean-Luc Schütz<br />

Conservateur<br />

Département d’Archéologie<br />

du Grand Curtius<br />

Institut archéologique liégeois<br />

I.A.L. et Ville de <strong>Liège</strong> : une collaboration de plus d’un siècle<br />

Les bronzes mithriaques d’Angleur<br />

Dépôts de l’I.A.L. au Grand Curtius<br />

Le classement des bronzes d’Angleur constitue pour l’Institut archéologique liégeois<br />

(I.A.L.) un nouvel outil de gestion qui renforce sa politique de prudence concernant<br />

la conservation d’un patrimoine aussi précieux.<br />

Constitué en 1850, l’Institut va rassembler dès cette époque, sous l’impulsion<br />

de son premier président, le baron d’Otreppe de Bouvette, un noyau de collections<br />

que la Province de <strong>Liège</strong> jugera digne d’accueillir dans un premier musée<br />

provincial installé dans les combles du palais des princes-évêques. C’est durant<br />

cette période que l’Institut fera l’acquisition de la Vierge dite de Dom Rupert,<br />

qui constitue encore aujourd’hui le fleuron de son patrimoine. L’État à son<br />

tour, quelques années plus tard, lui confiera le produit de l’exceptionnelle<br />

découverte archéologique qui fait l’objet du présent article et d’une étude<br />

plus complète, rédigée par Jean-Luc Schütz, publiée sous forme de plaquette<br />

par l’I.A.L. (mai 2011).<br />

Satisfaite d’une première collaboration pour la gestion scientifique du Musée<br />

d’Ansembourg, la Ville de <strong>Liège</strong> passera avec l’Institut, en juillet 1909, une nouvelle<br />

convention organisant la direction du tout nouveau musée Curtius qui<br />

accueillera dès lors les collections d’archéologie et d’art décoratifs de ces<br />

deux institutions. Aujourd’hui centenaire, cette convention conserve toute sa<br />

pertinence en ce qui regarde le rôle d’expertise de l’Institut pour la gestion<br />

des œuvres provenant des musées Curtius, du Verre et d’Ansembourg, regroupées<br />

avec celles du musée d’Armes et du musée d’Art et religieux et d’Art<br />

mosan dans le « Grand Curtius ».<br />

•<br />

Le 8 février 2011, un arrêté du<br />

Gouvernement de la Communauté<br />

française classait les bronzes d’Angleur<br />

comme ensemble, avec la qualification<br />

de trésor. Cette décision fut prise<br />

« en raison de leur valeur archéologique,<br />

de leur rareté, du lien de ces objets<br />

avec l’histoire et l’histoire de l’art et de<br />

l’intérêt de l’ensemble ».<br />

Fin 1881 ou début 1882, un ouvrier<br />

briquetier découvrait fortuitement à Angleur,<br />

dans une cachette aménagée dans le sol<br />

argileux, des « curiosités » en bronze datées<br />

de la fin du ii e siècle ou du début du iii e siècle<br />

après J.-C. L’endroit précis où ces objets ont<br />

été exhumés n’est pas connu, mais on sait que<br />

le terrain jouxtait un ruisseau descendant du<br />

bois de Kinkempois (Bois de Saint-Jacques,<br />

Angleur) pour se jeter dans la Meuse, « un peu<br />

en amont du pont du Val Benoît ».<br />

Les bronzes d’Angleur sont des éléments<br />

d’adduction d’eau provenant d’une fontaine<br />

(clef, deux orifices à masque léonin, trois bagues<br />

de raccordement et un tuyau quadrangulaire)<br />

et des appliques décoratives qui ornaient à<br />

l’origine un mithraeum, sanctuaire consacré au<br />

dieu invincible Mithra (Deo Invicto Mithrae).<br />

Cette divinité indo-iranienne, dont le culte initiatique<br />

à mystères était exclusivement réservé<br />

aux hommes, était médiatrice entre le monde<br />

des lumières symbolisant les forces du bien et<br />

le monde des ténèbres, domaine du mal.<br />

On a longtemps pensé que le mithriacisme<br />

avait été introduit en Italie lors des campagnes<br />

orientales du général Pompée (67-62 av. J.-C.).<br />

Mais l’hypothèse actuelle voit dans cette religion<br />

– vraisemblablement conçue au 1 er siècle<br />

ap. J.-C. – une création d’érudits du palais impérial<br />

(Rome). Elle comptait de nombreux adeptes<br />

dans l’armée et fut véhiculée dans nos contrées<br />

par les militaires et via le commerce.<br />

Les adeptes des mystères mithriaques se<br />

retrouvaient dans un sanctuaire (grotte ou<br />

édifice semi-enterré rappelant la grotte où<br />

Mithra sacrifia un taureau) et participaient<br />

à des cérémonies initiatiques au cours desquelles<br />

ils étaient mis à l’épreuve. Les sept<br />

degrés d’initiation, placés sous la tutelle<br />

d’une planète, étaient, dans l’ordre hiérarchique,<br />

le Corbeau (Mercure), le Fiancé (Vénus),<br />

le Soldat (Mars), le Lion (Jupiter), le Perse<br />

(Lune), le Messager du soleil (Soleil) et le Père<br />

(Saturne). À chaque niveau correspondait un<br />

rituel particulier chargé de connotations symboliques.<br />

Le moment le plus solennel était le partage<br />

du pain et du vin célébré lors d’un banquet<br />

rituel. À cette célébration sacramentelle<br />

rappelant l’eucharistie chrétienne, s’ajoutent<br />

d’autres parallélismes avec le christianisme.<br />

Ainsi, les mystes (initiés) célébraient la naissance<br />

de Mithra le 25 décembre.<br />

Parmi les bronzes d’Angleur, cinq appliques<br />

en fonte creuse représentent chacune un signe<br />

du zodiaque différent : Bélier, Lion, Balance –<br />

jeune homme nu tenant entre ses bras écartés<br />

une balance –, Scorpion et Poisson. Trois autres<br />

appliques – une quatrième fut malheureusement<br />

brisée et jetée par les ouvriers – assimilées au<br />

moment de leur découverte à des figurations<br />

de satyres ou à des divinités des eaux figurent<br />

des divinités des vents « psychopompes » qui<br />

avaient pour fonction d’élever l’âme des défunts<br />

dans l’atmosphère astrale. À l’origine, ces visages<br />

barbus et moustachus, montrés de profil,<br />

étaient tous pourvus d’une aile ourlée au<br />

plumage incisé. Deux statuettes de jeunes<br />

femmes – sans doute quatre à l’origine – vêtues<br />

d’une tunique à plis flottants représentent les<br />

heures (Horae) ou les saisons, symbolisant<br />

l’inexorabilité du temps qui passe.<br />

Ces figures munies d’une fixation en fer<br />

étaient probablement accrochées à un mur du<br />

spelaeum (le saint des saints du sanctuaire),<br />

disposées autour d’une composition perdue<br />

– relief en tôle de bronze ou statuettes en rondebosse<br />

– représentant une scène de tauroctonie.<br />

La tauroctonie, image cultuelle principale du<br />

mithriacisme, représentait le dieu Mithra poignardant<br />

un taureau dans une grotte. Cette<br />

scène de sacrifice symbolisait la régénération<br />

de la nature ; le sang versé irriguant la terre (ce<br />

concept est traditionnellement illustré par des<br />

épis de blé jaillissant de la queue du taureau).<br />

Le dieu vêtu d’une cape étoilée est entouré de<br />

deux acolytes porteurs de torches : Cautes et<br />

Cautopates. Celle de Cautes dirigée vers le<br />

ciel symbolise le soleil levant, celle de<br />

Cautopates orientée vers le sol étant une<br />

allégorie du soleil couchant. Mithra, situé entre<br />

les deux porteurs de torches représente le<br />

soleil au Zénith. Assimilé au Soleil Invincible<br />

(Sol Invictus), Mithra devint aussi le dieu<br />

protecteur de l’Empire.<br />

Les appliques d’Angleur sont uniques en leur<br />

genre ; on ne dispose que de peu d’éléments<br />

comparatifs. Elles présentent des analogies de<br />

composition avec les bas-reliefs mithriaques<br />

rhénans (Heddernheim, Osterburken) racontant<br />

sous forme de tableaux la geste de Mithra<br />

(naissance – Mithra est né d’une pierre –,<br />

miracle de la source jaillissant d’un rocher,<br />

capture et sacrifice du taureau, repas partagé<br />

avec le dieu Sol…). Sur ces retables en pierre,<br />

les divinités des vents et les signes du zodiaque<br />

apparaissent souvent, entourant la<br />

scène centrale représentant la tauroctonie.<br />

Un lion en ronde-bosse, de facture supérieure<br />

aux appliques figure aussi parmi les<br />

bronzes d’Angleur, de même que le col tronconique<br />

d’un vase en bronze de type cratère.<br />

Ces objets faisaient partie d’une composition<br />

secondaire sans doute chargée d’une forte connotation<br />

symbolique, constituée d’un serpent,<br />

d’un vase et d’un lion. Cette triade se retrouve<br />

fréquemment sur les bas-reliefs rhénans (sous<br />

le ventre du taureau sacrifié) et sur des céramiques<br />

cultuelles. L’applique figurant Méduse,<br />

la Gorgone au regard pétrifiant, est un élément<br />

étranger à l’iconographie mithriaque. Peut-être<br />

figurait-elle entre les signes zodiacaux de la<br />

Vierge (perdu) et de la Balance. •<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Philippe Joris<br />

Conservateur<br />

Département des Armes<br />

du Grand Curtius<br />

Albert Lemeunier<br />

Conservateur<br />

Département d’Art religieux et d’Art mosan<br />

du Grand Curtius<br />

Les Amis du musée d’Armes de <strong>Liège</strong><br />

Amis des musées<br />

Les Amis du musée d’Art religieux et d’Art mosan<br />

L’asbl « Les Amis du Musée d’Armes de<br />

<strong>Liège</strong> » est née en 1964, sous la présidence<br />

du Comte d’Oultremont (+), avec pour but,<br />

selon une formule consacrée, d’apporter son<br />

concours moral, scientifique, financier et matériel<br />

au Musée d’Armes de <strong>Liège</strong>. Expression<br />

loin d’être banale et creuse en l’occurrence,<br />

car les Amis ont notamment joué un rôle déterminant<br />

dans les travaux de modernisation<br />

du musée (sis alors en l’ancien Hôtel de Hayme<br />

de Bomal), amorçés en 1962 et terminés au<br />

milieu des années 1980.<br />

Depuis janvier 1973, l’asbl publie un périodique<br />

trimestriel, intitulé Le Musée d’Armes, auquel<br />

s’adjoignit le sous-titre Études et recherches<br />

sur les armes anciennes en 1988. Rapidement,<br />

grâce à la plume et à la science de Claude<br />

Gaier, Directeur honoraire du musée, et l’engagement<br />

de Philippe Questienne (+), cette revue<br />

a conquis une place éminente au sein du cercle<br />

restreint des publications scientifiques consacrées<br />

à l’histoire des armes. Ce périodique<br />

vient de recevoir une toute nouvelle maquette<br />

qui devrait renforcer son attrait auprès d’un<br />

public plus large. Les Amis ont également publié<br />

il y a peu le Guide des armes et accessoires,<br />

ordres et décorations exposés au Grand<br />

Curtius.<br />

Ils organisent également des visites de musées<br />

d’armes et d’histoire militaire, tant en Belgique<br />

qu’à l’étranger, ainsi que des conférences. Des<br />

contacts particuliers se sont établis avec des<br />

associations ayant les mêmes centres d’intérêt.<br />

Des rencontres bimensuelles informelles rassemblent<br />

les amateurs les plus passionnés.<br />

L’asbl peut aussi recevoir des dons, legs et<br />

dépôts, qu’elle met en dépôt au département<br />

des Armes du Grand Curtius. Les Amis du<br />

Musée d’Armes constituent donc un relais<br />

majeur pour la notoriété de l’institution, dont<br />

le devenir les intéresse au plus haut point. •<br />

Tous les musées du monde ont leurs<br />

amis. Issus de la société civile, très<br />

souvent bons connaisseurs d’art ou<br />

d’histoire, ces amis se regroupent au<br />

sein d’une association qui n’a d’autre<br />

objet que d’apporter son aide au musée<br />

en question. L’« aide » varie selon les<br />

associations : appui scientifique, aide<br />

logistique ou financière (lors de l’achat<br />

d’œuvres ou de matériel), publications, …<br />

Elles sont parfois les porte-voix du<br />

musée auprès des pouvoirs publics,<br />

ou au contraire celui de la société vers<br />

le musée, et contribuent au rayonnement<br />

des institutions qu’ils soutiennent.<br />

L’association sans but lucratif « Les Amis du<br />

Musée d’Art religieux et d’Art mosan » fut fondée<br />

en 1980. Le musée d’Art religieux et d’Art<br />

mosan lui-même avait été créé à la fin 1976,<br />

pour être administrativement opérationnel en<br />

septembre de l’année suivante. L’acte de fondation,<br />

liant la Ville de <strong>Liège</strong> et les autorités<br />

diocésaines, faisait en sorte que les collections<br />

de l’ancien musée diocésain, sises jusque là<br />

dans le cloître de la cathédrale Saint-Paul de<br />

<strong>Liège</strong>, fussent reprises en charge par la Ville,<br />

qui en assurerait désormais le fonctionnement.<br />

L’accroissement de ces collections fut d’emblée<br />

au programme, en liaison notamment avec<br />

les conséquences du renouveau liturgique faisant<br />

suite aux décisions du Concile Vatican II.<br />

Il apparut très rapidement que la nouvelle institution<br />

devait aussi s’assurer un rayonnement<br />

qu’elle n’avait guère pu avoir jusque là, en<br />

dépit de la qualité des collections du ci-devant<br />

« Musée diocésain » et du parfait dévouement<br />

de ses responsables bénévoles. Il s’avérait<br />

nécessaire, à la suite de quelques opportunités<br />

regrettablement manquées, de doter le nouveau<br />

musée de moyens financiers permettant<br />

des acquisitions que n’aurait pas autorisées la<br />

dotation communale envers l’institution. Et le<br />

marché de l’art n’était pas pauvre de telles<br />

occasions : le cas d’une Pieta de la fin du Moyen<br />

Âge, provenant d’une chapelle du Thier-à-<br />

<strong>Liège</strong>, vendue peu auparavant sans qu’aucune<br />

collection publique régionale ne soit en mesure<br />

de se porter acquéreuse, était encore<br />

cruellement ressenti.<br />

Autour de M. Henry (+), retraité de la F.N.,<br />

et avec le concours des responsables du musée,<br />

l’asbl fut constituée. Elle se dota d’un premier<br />

président en la personne du prof. J. Stiennon.<br />

La basilique Saint-Martin accueillit en 1980, à<br />

l’occasion du millénaire de la Principauté, une<br />

exposition des chefs-d’œuvre du musée, qui<br />

fut présentée quelques mois plus tard au Petit<br />

Plaque émaillée<br />

rhéno-mosane, xiii e s.<br />

Grand Curtius<br />

[MARAM J388/97<br />

Palais à Paris. L’affiche de cette manifestation<br />

reproduisant La Vierge à la Donatrice (v. 1475)<br />

se voyait partout dans les couloirs du métro.<br />

Plusieurs initiatives virent le jour dès les premiers<br />

mois d’existence de l’association. Outre<br />

les cotisations de ses membres, quelques mécènes<br />

dotèrent l’institution de moyens financiers,<br />

certains anonymes bien que très importants,<br />

d’objets de collections, de précieux ouvrages<br />

de bibliothèque. D’aucuns lui apportèrent le<br />

concours d’une main d’œuvre bénévole de<br />

qualité : fichiers, aide aux expositions et à la<br />

promotion, collecte et classement de documents<br />

furent ainsi entrepris au bénéfice du musée.<br />

Des excursions allaient être organisées,<br />

dont l’objectif était principalement la découverte<br />

de monuments d’art religieux peu connus,<br />

d’expositions, sous la conduite, à l’occasion,<br />

de l’un ou l’autre membre particulièrement érudit<br />

dans les domaines concernés. Les commentaires<br />

de R. Forgeur et P. Colman ont contribué<br />

à rendre ces voyages particulièrement enrichissants.<br />

Un bulletin trimestriel vit le jour, informant<br />

les membres des activités du musée, de<br />

ses acquisitions, et publiant des articles en<br />

relation avec ses collections.<br />

À partir de 1998, l’asbl mit sur pied les<br />

Journées mosanes. Ces rencontres annuelles,<br />

qui connurent d’emblée un grand succès, ont<br />

permis de réunir autour des spécialistes de<br />

l’histoire et de l’histoire de l’art du pays mosan<br />

un public nombreux.<br />

Répondant à l’un de ses objectifs, et en fonction<br />

des mécènes ou des moyens recueillis,<br />

l’asbl put procéder elle-même à un certain<br />

nombre d’acquisitions notoires. Citons, dans<br />

l’ordre chronologique, plusieurs plaques émaillées<br />

rhéno-mosanes des xii e et xiii e s., un vitrail<br />

au Calvaire de 1230-1250, la Vierge de Ponthoz<br />

(v. 1450), un portrait d’Érard de la Marck, un<br />

Christ anversois en ivoire (v. 1670), un Calvaire<br />

du peintre liégeois E. Fisen (1698), un médaillon<br />

émaillé au portrait du prince-évêque J.-L.<br />

d’Elderen, le plus ancien plan, des documents<br />

d’archives et plusieurs vues de la cathédrale<br />

Saint-Lambert, une grande vue panoramique<br />

du Publémont (1814), un crucifix de style Art<br />

nouveau… La dernière acquisition en date, avec<br />

la participation de la Fondation Roi Baudouin<br />

et de la Ville de <strong>Liège</strong>, concerne… une certaine<br />

Pieta de la fin du Moyen Âge, celle-là même<br />

qui n’avait pu être acquise naguère.<br />

La boucle semblerait ainsi bouclée si, sous la<br />

conduite de G. Gevers, l’actuel Président, ne<br />

s’ajoutait encore la mise sur pied de voyages<br />

d’étude en rapport avec les collections. Rome<br />

et Münster ont figuré au programme. La sculpture<br />

du Premier Gothique en France, et ses<br />

liens avec l’Art mosan, ainsi que le château de<br />

Versailles, dont les Grands Appartements accueillent<br />

temporairement notre Christ dit de<br />

Rausa, figurent à l’affiche des prochaines semaines.<br />

•<br />

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Philippe George<br />

Conservateur du Trésor de la cathédrale de <strong>Liège</strong><br />

Un fantôme près du Curtius au xvii e siècle<br />

Histoire de revenants<br />

Mathieu Mérian, plan à vol d’oiseau de <strong>Liège</strong><br />

Gravure de Topographia Westphaliæ, Francfort, 1647.<br />

Trésor de la cathédrale de <strong>Liège</strong>.<br />

Ces histoires ont toujours intrigué<br />

et conservent grand succès. Les archives<br />

livrent ainsi une relation surprenante :<br />

un brave artisan liégeois est aux prises avec<br />

les esprits maléfiques. Le cadre : « la maison<br />

Curtius », déjà point de repère dans la<br />

topographie de la cité.<br />

En 1634, le prieuré Saint-Léonard aux portes<br />

de <strong>Liège</strong> est le théâtre d’un exorcisme et de la<br />

guérison spectaculaire d’un jeune homme, Henri<br />

Le Rond, brodeur de son mestier. Quelques<br />

années plus tard, en 1642, l’exorcisé décidera<br />

de partir pour la Sardaigne afin d’aller y quérir<br />

des reliques pour enrichir l’église du prieuré Saint-<br />

Léonard, en remerciement de sa guérison 1 .<br />

Les faits sont consignés, en français, dans<br />

un long document à la fin duquel Erard Matthei,<br />

prêtre et théologien, atteste, en latin, qu’il a<br />

pratiqué un exorcisme sur le jeune homme les<br />

15 et 16 février 1634. Quand il lui jette de l’eau<br />

bénite sur la gorge et la bouche, Le Rond s’agite<br />

violemment et le prêtre l’admoneste comme<br />

s’il avait affaire au diable. Une voix lui répond<br />

que ce n’est pas au diable qu’il s’adresse, mais<br />

à l’âme de la grand-mère paternelle de Le Rond.<br />

Elle confesse son péché : elle est la cause de<br />

la mort du petit frère de Le Rond. Un surprenant<br />

dialogue en style direct s’instaure entre le<br />

prêtre et la voix. La voix réclame avec insistance<br />

une messe à Saint-Léonard. Le prêtre<br />

l’exhorte à libérer le jeune homme. Elle sort et<br />

s’assoit toute blanche sur son costé pour très<br />

vite rentrer dans son corps. Que l’on se dépêche,<br />

dit-elle, car je lui fais mal malgré moi. Du sang<br />

noirâtre sort alors de la bouche de Le Rond.<br />

La grand mère confesse au prêtre qu’elle s’est<br />

toujours tenue sur le flanc gauche de son petitfils<br />

et qu’elle n’en sortira qu’une fois son vœu<br />

exaucé. Le prêtre lui commande de marcher<br />

devant eux et que l’on fera prières et aumônes<br />

pour elle. Soudain Le Rond se lève, sort de la<br />

maison et marche sans douleur, accompagné<br />

du prêtre, vers le pont Saint-Léonard. Arrivé<br />

devant la maison Curtius, il aperçoit sa grandmère,<br />

morte en 1624, assise sur un bois, toute<br />

blanche. Revêtue de la chemise qu’elle avait à<br />

son enterrement, elle attend le cortège sur le<br />

pont, entourée de deux femmes demandant<br />

l’aumône. Elle met alors la main sur l’épaule<br />

de son petit fils et le rend comme mort. Le prêtre<br />

doit intervenir : Le Rond peut très péniblement<br />

gagner l’église. Lentement, accablé, il s’avance<br />

dans l’édifice. Le prêtre continue ses admonestations<br />

envers le revenant. La grand-mère veut<br />

une messe. Le prêtre s’apprête à dire la messe.<br />

Le Rond est épouvanté par l’esprit qu’il voit<br />

virevolter dans l’église. Le prêtre intervient à<br />

nouveau pour qu’il ne trouble pas la cérémonie.<br />

La grand-mère obéit. À la fin de la messe, elle<br />

rentre dans le jeune homme et le rend à nouveau<br />

comme mort. Le Rond retrouve ses sens<br />

et s’exclame : Jésus, Maria. Il retourne sain et<br />

sauf chez lui. Et le texte se termine en insistant<br />

que nombreux furent les témoins des faits,<br />

dont le prieur 2 et des religieux de Saint-Léonard,<br />

ainsi que le curé de Sainte-Foy 3 .<br />

Le rituel liégeois, paru à <strong>Liège</strong> en 1592 et réédité<br />

en 1641, comprend toute une série d’exorcismes<br />

: énergumènes, animaux frappés de<br />

maléfices, laitage, beurre, eau atteints de maléfices,<br />

tempête, animaux nuisibles et maison<br />

hantée. L’aspersion d’eau bénite y est prescrite,<br />

mais aussi l’ostension d’une croix ou de<br />

reliques, l’invocation du nom de Jésus, de<br />

l’Esprit Saint, de la Vierge ou d’un saint. L’étole<br />

du prêtre joue aussi son rôle. Parmi les prières<br />

récitées, le Symbole des Apôtres, le Pater, mais<br />

aussi l’antienne Salve Regina, le Kyrie, le Gloria,<br />

des psaumes, des litanies, ou des passages<br />

des Évangiles.<br />

Les croyances et l’imaginaire dépendent<br />

avant tout des structures et du fonctionnement<br />

de la société et de la culture de l’époque. La<br />

morale religieuse est centrée sur la notion de<br />

péché. Le défunt doit avoir satisfait à une pénitence<br />

complète. L’Église réagit contre les multiples<br />

dysfonctionnements possibles de la bonne<br />

mort chrétienne, donc contre le phénomène<br />

des revenants. La croyance se répand dès le<br />

Moyen Âge du retour du mort-fantôme qui vient<br />

s’acquitter d’une souillure de sa vie terrestre.<br />

L’Église finit par accepter cette croyance et<br />

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l’intègre dans un fonctionnement social de la<br />

mémoire des morts qui établit une communication<br />

entre l’ici-bas et l’au-delà. Ces récits<br />

de revenants favorisent le développement de<br />

la piété. Notre texte s’inscrit également dans<br />

la droite ligne de la Réforme catholique qui<br />

réprime toute déviation religieuse.<br />

C’est aussi une époque où le diable est<br />

partout, peut-être plus encore dans les milieux<br />

populaires ou ruraux. La population subit un<br />

climat de violence, de peur et de terreur qui<br />

entraîne une recrudescence de croyances et<br />

de pratiques magiques. Cette nouvelle démonologie<br />

forgée par les clercs est bien exprimée<br />

dans le rituel liégeois. Les mentions de revenants<br />

ne sont pas fréquentes à <strong>Liège</strong>. En 1556,<br />

à <strong>Liège</strong>, existait une maison, en laquelle de<br />

nuict aulcuns spectres faisoient des bruits et<br />

remue mesnaige 4 . Seul autre exemple, vers<br />

1672, un couple est témoin à <strong>Liège</strong> de faits surprenants<br />

: un esprit se manifeste dans leur maison<br />

; mais ils ne parlent ni de revenants, ni de<br />

fantômes et n’établissent aucun contact 5 . Avec<br />

Le Rond, c’est en effet le contact établi avec<br />

le fantôme, sa présence corporelle, et le dialogue<br />

qui s’ensuit qui sont vraiment exceptionnels.<br />

Le texte est intéressant pour la topographie<br />

du quartier. Ainsi le pont Saint-Léonard ne doit<br />

pas être confondu avec l’actuel pont sur Meuse<br />

appelé pont Saint-Léonard ou pont Maghin 6 .<br />

Le pont Saint-Léonard était parallèle au cours<br />

de la Meuse et reliait la rue dite maintenant<br />

Féronstrée au faubourg Saint-Léonard, car un<br />

vaste fossé, alimenté par le fleuve, servait à<br />

protéger les remparts de Saint-Léonard, à<br />

l’emplacement de l’ancienne prison et de la<br />

place des Déportés. Au xvii e siècle, l’ouvrage,<br />

avec pont-levis, se composait de plusieurs<br />

arches et d’un tablier en bois ; il est visible sur<br />

plusieurs vues anciennes de <strong>Liège</strong>. Quant à la<br />

maison Curtius, elle était alors de construction<br />

récente (1597-1605) et sert de point de repère<br />

commode pour le narrateur 7 . Enfin, Saint-<br />

Léonard, prieuré bénédictin dépendant de Saint-<br />

Jacques, fut acquis vers 1489 par les chanoines<br />

réguliers augustins de la Congrégation de<br />

Windesheim 8 .<br />

La langue est savoureuse. Jugez-en par<br />

ce court extrait, en ancien français, du passage<br />

relatif au Curtius :<br />

Arrivé devant la maison Curtius, le ieusne<br />

homme at veu sa grande mere mort l’an 1624<br />

assisse sur ung bois toutte blanche, et se<br />

levante at marché devant luy, revestue d’une<br />

chemise blanche dechiree par derierre, toute<br />

semblable à la chemise que la mere du ieusne<br />

homme donnat pour l’ensepvelir (comme elle<br />

confesse). Mettant le premier pied sur le pont<br />

le ieusne homme l’at veu qu’elle l’attendoit<br />

entre deux femmes demandants l’ausmosne<br />

et approché d’elle est tombé comme mort<br />

entre les bras de ceux qui l’accompaignoient<br />

sans pouvoir plus avancer d’ung pas ; et<br />

pour lors (comme dict le ieusne homme) elle<br />

mist la main sur son espaule.<br />

Demande. Le Prestre commandant de la parte<br />

de Dieu qu’elle s’eust a retirer, et le laisser<br />

aller iusques a l’Eglise il s’avancat et marchat ;<br />

mais depuis la porte iusques au chœur de<br />

l’eglize de St Leonard, nous at faict tant de<br />

difficulté qu’il ne marchoit que 5 a 6 pas sans<br />

s’arrester, et tomba comme mort, et faible ne<br />

pouvant toucher la terre de sa iambe gauche ;<br />

cause pourquoy il le falloit a trois continuellement<br />

porter et tant plus l’on approchoit de<br />

l’eglize tant plus de peines et difficulté elle<br />

nous faisoit, le rendant pour lors pesant comme<br />

plomb, car comme il nous at dict par apres,<br />

il luy semblat toute a coups estre chargé sur<br />

le pont d’un fardeau insupportable. Arrivé a<br />

la porte de l’Eglize, est devenue insensible<br />

et ne pouvoit plus marcher, ny entrer, n’est<br />

que par force, le Prestre continuellement commandant<br />

de la parte de Dieu, qu’elle eust a<br />

aller devant, ce qu’elle faisoit sans iamais<br />

des obeyr aux commandements du Prestre.<br />

Entré dans le choeur et assis sur ung chaire,<br />

at encore tombé hors des sens, où le Prestre<br />

at encore demandé ce qu’elle vouloit, et at<br />

respondu : « Une messe seulement ».<br />

Demande. « Quitte doncq et le laisse en son<br />

sens aufin qu’il entend la messe, recognois,<br />

et adore son Dieu. Et toy ie te commande<br />

demeurer sur son costé, et entendre la messe<br />

avec reverence ».<br />

Le Prestre entré dans la sacristie pour se disposer<br />

et vestir, fut incontinent rappelléz, et<br />

approchant le ieusne homme, il luy demande<br />

ce qu’il avoit, lequelle luy respondit : « La voila<br />

devant moy, et m’espouvante ». Et pour lors<br />

le Prestre commandant a ceste ame de ce<br />

retirer par derriere, disant : « Je te commande<br />

de la parte de Dieu que tu demeure par derriere<br />

ce ieusne homme tout le temps de la<br />

messe, et pendant icelle tu te garde de me<br />

donner aucune distraction, et empechement<br />

par bruit ou aultre importunité et de surplus<br />

que tu laisse le ieusne homme en paix aufin<br />

qu’il honore, venere et adore son Dieu, et<br />

que tu face de mesme ». A quoy elle at tellement<br />

obey que tout le temps de la messe<br />

n’at empeché le ieusne homme en rien qui<br />

soit, et comme dict le ieusne homme, il voyoit<br />

l’ame volittante toute alentour du Prestre qui<br />

faisoit la messe et a chasque mouvement<br />

du Prestre tressailloit de joye.<br />

La messe achevée le Prestre ayant dict<br />

« Requiescat in pace », elle est rentrée dedans<br />

le ieusne homme et la rendu comme mort et<br />

insensible.<br />

Le Prestre ostant seulement la casuble s’at<br />

approché disant : « Que veult tu davantaige ?<br />

Voicy que iay presenté au Pere eternelle son<br />

Fils Jesus par le sacrifice de la Messe pour<br />

toy, et si tu en est capable, ie t’asseure que<br />

le prix de son sang t’est efficacement applicqué<br />

pour la vertu de ceste messe. Que veult<br />

tu davantaige ? ». Elle at respondu : « Plus rien,<br />

je veult seulement dire Adieu ». Et le Prestre<br />

disant « ADieu requiescas in pace », elle at<br />

respondu « Adieu, Adieu » et cessant ung<br />

peu, at donné trois grands cris en signe de<br />

son depart ; ce que tous les religieux et les<br />

assistants ont ouy, et puis at laissé le ieusne<br />

homme en bon sens, qui revenu a soy, at dict<br />

« Jesus, Maria » et se lève retourne sain et<br />

saulve avec sa compaignie a la maison.<br />

Le revenant a pris forme humaine. Le récit<br />

est ainsi très éloigné de la conception augustinienne<br />

de vision spirituelle, d’image immatérielle,<br />

et non corporelle des revenants. L’esprit<br />

s’incarne dans un corps, reconnaissable par<br />

ses vêtements de trépas. Ce dernier détail est<br />

classique 9 . Une évolution a assimilé tout l’héritage<br />

médiéval : notre récit s’inscrit dans toute<br />

une tradition de l’imaginaire de la mort dont la<br />

vision la plus proche à divers points de vue est<br />

celle du grand père d’Arndt Buschmann, apparitions<br />

répétées d’un mort à son petit-fils en<br />

1437-1438. Plusieurs parallélismes peuvent<br />

être établis. Il s’agit d’une composition cléricale<br />

rhénane de la fin du Moyen Âge, avec évocation<br />

d’un pèlerinage à Aix-la-Chapelle ; outre<br />

les thèmes développés, la proximité géographique<br />

frappe ; tous ces thèmes sont influencés<br />

par d’autres récits médiévaux dont une des<br />

caractéristiques essentielles est qu’ils s’adressent<br />

à une élite sociale. C’est là une différence notable<br />

avec notre texte qui n’est pas un exercice<br />

littéraire ou stylistique : ce sont de petites gens<br />

Jean Valdor l’Aîné, Les miracles de saint Hubert<br />

Gravure au burin, 1622.<br />

Trésor de la cathédrale de <strong>Liège</strong>.<br />

qui sont concernées, dans un faubourg de<br />

<strong>Liège</strong> bien identifié et encore parfaitement reconnaissable<br />

à l’heure actuelle par les vestiges<br />

archéologiques conservés ou par les toponymes ;<br />

enfin, il est écrit en langue vernaculaire, ce qui<br />

interpelle peut-être davantage encore le lecteur<br />

d’aujourd’hui, tout comme le surprenant dialogue<br />

en style direct qui s’y trouve inséré. Tu es ung<br />

diable car tu tache de me tromper par telles<br />

responses. - Non ie ne suis pas diable […].<br />

Les faits sont rapportés, non autobiographiques<br />

: c’est une « relation », comme l’indique<br />

le premier mot du document, avec l’hypothèse<br />

d’une objectivation de la vision et de l’image<br />

du revenant allant de pair avec la socialisation<br />

du récit, sa transmission et sa légitimation par<br />

l’écrit autorisé d’un clerc, son utilisation à toutes<br />

sortes de fins idéologiques. Outre les aspects<br />

spectaculaires et en nous détachant quelque<br />

peu du regard froid du scientifique, ne peut-on<br />

aussi être frappé aujourd’hui encore par les<br />

côtés pathétiques du récit : la mort d’un petit<br />

enfant, la douleur physique d’Henri Le Rond… ?<br />

C’est en partie là aussi le message de « ces<br />

histoires de revenants qui libéraient de l’angoisse<br />

tout en semblant l’entretenir » 10 .<br />

•<br />

1. Sur tout ceci, notre article Revenant & exorcisme à<br />

<strong>Liège</strong>. Quête de reliques en Sardaigne (1634-1652),<br />

Bulletin de la Commission royale d’Histoire, Bruxelles,<br />

t. clxvii, 2001, p. 253-305.<br />

2. Jean Randaxhe, prieur de Saint-Léonard, cité de 1621<br />

à 1665. Seul un document du 5 septembre 1652 présente<br />

un chapitre qui semble complet : un prieur et<br />

neuf religieux, tous prêtres. J. Russe, Prieuré de Saint-<br />

Léonard à <strong>Liège</strong>, Monasticon belge, Province de <strong>Liège</strong>,<br />

t. ii, <strong>Liège</strong>, 1955, p. 380.<br />

3. Sur cette paroisse, cf. Ét. Hélin, La population des paroisses<br />

liégeoises aux xvii e et xviii e siècles, <strong>Liège</strong>, 1959.<br />

4. J. Stiennon, Une maison hantée : l’hôtel Torrentius,<br />

Bulletin de la Société royale Le Vieux-<strong>Liège</strong>, T. x, n° 225,<br />

1984, p. 507-508.<br />

5. B. Lhoist-Colman, Maison hantée à <strong>Liège</strong> vers 1672,<br />

dans Studium et <strong>Museum</strong>. Mélanges Édouard Remouchamps,<br />

<strong>Liège</strong>, 1996, p. 265-266.<br />

6. Th. Gobert, Les rues de <strong>Liège</strong>, éd. or. 1924-1929,<br />

rééd., t. v, 1977, p. 268.<br />

7. P. Hoffsummer, La charpente de la Maison Curtius<br />

et son analyse dendrochronologique, Bulletin de l’Institut<br />

archéologique liégeois, t. xcviii, 1986, Mélanges<br />

Georges Hansotte, p. 291-303.<br />

8. Monasticon Windeshemense, éd. W. Kohl, E. Persoons<br />

& A.G. Weiler, t. i, Belgien, Bruxelles, 1976 (Archives<br />

& Bibliothèques de Belgique, n° spéc. 16), p. 131-138.<br />

9. Sur ce sujet, les recherches fondamentales de Jean-<br />

Claude Schmitt, Les revenants. Les vivants et les morts<br />

dans la société médiévale, Paris, 1994, et Dialogue<br />

avec un fantôme. Jean Gobi. Dossier établi, traduit<br />

et annoté par Marie-Anne Polo de Beaulieu, avec<br />

une préface de Jean-Claude Schmitt, Paris, 1994.<br />

Cf. aussi récemment À réveiller les morts. La mort<br />

au quotidien dans l’Occident médiéval, sous la direction<br />

de D. Alexandre-Bidon & C. Treffort, préface<br />

de J. Delumeau, Lyon, 1993.<br />

10. J.-C. Schmitt, op. cit., p. 257.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

22<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

23


Agenda des expositions temporaires<br />

Simenon<br />

> p. 26<br />

<strong>Liège</strong> et les écrivains du xix e siècle<br />

> p. 26<br />

mai juin juillet août<br />

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />

22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Brigitte Corbisier<br />

> p. 27<br />

mai juin juillet août<br />

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />

22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

La reliure, de fil en aiguille<br />

> p. 27<br />

mai juin juillet août<br />

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />

22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Armand Rassenfosse<br />

> p. 32<br />

Jeunes artistes<br />

> p. 28<br />

Pour ouvrir le bal<br />

> p. 28<br />

mai juin juillet août<br />

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />

22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Expo des Expos<br />

> p. 30<br />

mai juin juillet août<br />

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />

22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

24<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

25


<strong>Liège</strong> et les écrivains<br />

du xix e siècle<br />

Grand Curtius<br />

Jusqu’au 12 septembre 2011<br />

2011 ne commémore ni l’anniversaire de la<br />

naissance de Victor Hugo (1802) ni celui de<br />

sa mort (1885), mais l’achèvement, en 1861 à<br />

Mont-Saint-Jean (Waterloo), de son ouvrage<br />

Les Misérables. Tout au long de cette année,<br />

plusieurs institutions et villes belges ont programmé<br />

des événements autour de l’écrivain<br />

et de ses pérégrinations en Belgique.<br />

Les musées de <strong>Liège</strong> ont saisi cette<br />

occasion de faire revivre un xix e siècle en<br />

pleine mutation industrielle et urbanistique.<br />

Hugo, mais aussi Alexandre Dumas, Gérard<br />

de Nerval et quelques autres décrivent une<br />

ville qui les fascine par sa modernité<br />

naissante.<br />

Simenon :<br />

un enfant de chœur témoigne<br />

Grand Curtius<br />

Jusqu’au 12 septembre 2011<br />

Le pèlerinage du visiteur à travers la ville<br />

natale de Simenon est jalonné de quelques<br />

hauts-lieux marqués par les épisodes de<br />

l’enfance et de la jeunesse du romancier<br />

avant son départ pour Paris en 1922, autant<br />

que par les actions où il situera désormais<br />

certains de ses récits. Pedigree est à ce titre<br />

la source par excellence pour nous permettre<br />

d’en juger.<br />

Parmi les lieux ainsi gravés dans sa mémoire,<br />

des églises, des chapelles liégeoises<br />

ont compté plus que d’autres et sont évoquées<br />

dès ses premiers écrits. Son enfance<br />

et sa jeunesse se sont passées à l’ombre de<br />

quelques clochers, dont les cloches retenti-<br />

des citations extraites de la littérature de<br />

l’écrivain, des éditions originales de ses<br />

ouvrages et l’évocation, par l’image, des<br />

monuments eux-mêmes. S’ils n’ont pas tous<br />

le même intérêt artistique, tous ont cependant<br />

compté dans sa jeunesse et dans son<br />

œuvre. Ils font donc partie, d’une certaine<br />

façon, de son « musée imaginaire ».<br />

Albert Lemeunier<br />

Expositions temporaires<br />

Brigitte Corbisier<br />

Panta Rei - Tout coule<br />

Cabinet des Estampes et des Dessins<br />

Du 10 juin au 23 octobre 2011<br />

Diplômée de l’Académie royale des<br />

Beaux-Arts de la Ville de <strong>Liège</strong>, Brigitte<br />

Corbisier est graveuse et plus récemment<br />

auteure d’animations vidéo où elle met en<br />

scène des gravures et croquis animés.<br />

Incisant le zinc, creusant le plexiglas, la<br />

pointe sèche est son instrument de prédilection,<br />

parfois combinée à l’aquatinte ou à la<br />

linogravure, rehaussée au carborundum,<br />

voire même retravaillée numériquement. Pour<br />

l’artiste, graver c’est avant tout l’attaque<br />

directe sur la plaque, la résistance du métal,<br />

le tracé qui forme une troisième dimension<br />

grâce aux barbes et offre sur l’impression<br />

papier une sensation presque tactile de relief.<br />

La reliure, de fil en aiguille<br />

Musée d’Ansembourg<br />

Jusqu’au 28 août 2011<br />

L’association pour la promotion des arts<br />

de la reliure, APPAR, vient à la rencontre du<br />

musée d’Ansembourg. L’APPAR a souhaité<br />

investir ce lieu en présentant plus d’une<br />

centaine de reliures originales à base de<br />

textile réalisées par les membres professionnels<br />

et amateurs de l’association. Toutes les<br />

techniques de décoration, toutes les structures<br />

sont représentées.<br />

Un catalogue est<br />

édité à cette occasion<br />

par les Éditions<br />

Faton : 160 pages,<br />

quadrichromie, 45 e.<br />

En préparation<br />

au Grand Curtius<br />

Du 18 novembre 2011<br />

au 20 mai 2012<br />

Cette exposition décrit, en écho aux<br />

ront longtemps encore dans son imagination<br />

Inspirée par la nature, et essentiellement<br />

Ci-contre :<br />

textes de ces écrivains, les travaux qui boule-<br />

d’écrivain, même lorsqu’il se dira incroyant.<br />

la terre, c’est son jardin au quotidien qui<br />

Florent Rousseau,<br />

Ernest de Bavière<br />

versent la ville : en une cinquantaine d’années<br />

Quelques-uns parmi les sites religieux<br />

s’illustre. Fascinée par les insectes, par le vol<br />

L’instant décousu.<br />

Un prince liégeois dans l’Europe moderne<br />

à peine, de 1830 à 1880, <strong>Liège</strong> ouvrira 139<br />

évoqués par Georges Simenon ont conservé<br />

d’une mouche, les déambulations d’une<br />

L’année 2012 marquera le 400 e anniversaire<br />

nouvelles rues, 63 autres seront soit élargies,<br />

un patrimoine dont certains ensembles<br />

coccinelle ou le battement d’ailes d’une<br />

de la mort du prince-évêque de <strong>Liège</strong><br />

soit rectifiées. La Meuse qui n’était traversée<br />

artistiques sont ici exposés. À côté d’une<br />

guêpe, elle reste émerveillée par la croissance<br />

Ernest de Bavière, dont le règne s’inscrit<br />

que par un pont en 1830 (pont des Arches)<br />

évocation de saint Lambert et de sa cathé-<br />

de la végétation. Fougères, scarabées,<br />

dans une période clé de l’histoire euro-<br />

en recevra quatre autres dans le même<br />

drale, se trouvent rassemblés pour la cir-<br />

abeilles, rutabagas, fleurs de pavot ou labours<br />

péenne. C’est l’automne flamboyant de la<br />

temps (pont de la Boverie en 1843, pont du<br />

constance des objets évocateurs ou repré-<br />

s’illustrent en noir et blanc.<br />

Renaissance, avec l’avènement du capita-<br />

Commerce en 1866, pont Saint-Léonard en<br />

sentatifs du patrimoine provenant de ces<br />

Graver représente pour Brigitte Corbisier<br />

lisme moderne, le Maniérisme, la « nouvelle<br />

1869 et la Passerelle en 1879). Le principal<br />

monuments. La scénographie réunit donc<br />

une gestuelle impliquant un effort physique,<br />

science » de Kepler et de Galilée.<br />

maître d’œuvre de ces transformations est<br />

ici précieux reliquaires, orfèvreries, textiles,<br />

telle une danse corporelle rythmée par la<br />

Mais c’est aussi l’époque des guerres de<br />

Hubert-Guillaume Blonden.<br />

peintures, sculptures, mis en relation avec<br />

pointe sèche qui entaille, griffe, gratte, raye et<br />

religion et des procès de sorcellerie, à la<br />

ébarbe… D’un seul élan et le plus souvent<br />

veille de la Guerre de Trente Ans.<br />

En haut, page de droite<br />

Hans Werl, Portrait d’Ernest de Bavière.<br />

Huile sur bois.<br />

Bayerische Saatsgemäldesammlungen ;<br />

sans repentir, l’œuvre<br />

naît. S’en tenant à<br />

l’essentiel – une ligne,<br />

un profil, un trait –,<br />

Frénésie vénitienne<br />

Le verre espagnol à la façon de Venise<br />

À travers les coloris, les formes et les<br />

Münich, Alte Pinakothek [Inv. Nr. 2467].<br />

l’artiste laisse parler<br />

décors allant de la simplicité à l’extrava-<br />

Astrolab.<br />

les choses en leur<br />

gance, le verre espagnol surprend et<br />

En bas, de gauche à droite<br />

conférant une symbo-<br />

détonne dans la production européenne<br />

H. Borremans, Intérieur du Passage Lemonnier.<br />

Liége : D. Avanzo, [1840].<br />

lique cabalistique,<br />

chargée à la fois de<br />

du xvi e au xix e siècle.<br />

Seront présentées plus de 200 pièces<br />

Buste reliquaire de saint Lambert,<br />

xviii e siècle, ancien autel des sœurs Augustines<br />

de Bavière. Grand Curtius.<br />

Brigitte Corbisier, eau-forte.<br />

mystère et d’une<br />

simplicité désarmante.<br />

Sophie Decharneux<br />

provenant du Grand Curtius, de musées<br />

européens (Cau Ferrat, Vic, Düsseldorf,<br />

Sèvres) et de collections privées.<br />

Coupe couverte, Catalogne, 1600<br />

H 21 cm. Coll. privée.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

26<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

27


Jeunes artistes<br />

Le cycle « Jeunes artistes » se poursuit avec<br />

Thierry Adam puis Juliette Maquestiau.<br />

Deux démarches singulières présentent<br />

chacune un univers personnel très fort :<br />

deux artistes qui illustrent bien la diversité<br />

revendiquée par le comité de sélection.<br />

Ce comité se réunit une à deux fois par an.<br />

Il est composé de huit membres qui, depuis<br />

2009, ont su donner corps à ce projet :<br />

Denise Biernaux (Les Drapiers), Constant<br />

(Galerie Monos), Dominique Mathieu (Les<br />

Brasseurs), Guy Vandeloise (professeur<br />

Thierry Ada m<br />

Gardiens<br />

Salle Saint-Georges<br />

Du 5 au 29 mai 2011<br />

Le médium utilisé par Thierry Adam est principalement<br />

le dessin, sur supports vierges ou<br />

usagés. Son travail repose sur deux aspects :<br />

un pan qui relève du territoire de la mémoire<br />

de l’artiste, un autre qui renvoie à l’environnement<br />

extérieur, à la collectivité. Se superpose<br />

à ces deux thèmes une réflexion sur<br />

le temps qui s’écoule indéniablement. La<br />

juxtaposition des images – et notamment<br />

l’utilisation de la sérigraphie – introduit une<br />

notion de répétition, un rythme qui évoque<br />

l’univers de la BD.<br />

Juliette Maquestiau<br />

Salle Saint-Georges<br />

Du 2 au 30 juin 2011<br />

Juliette Maquestiau peint depuis son plus<br />

jeune âge : « il y a de cela quelques années,<br />

un jeune enfant perdu dans le monde compliqué<br />

des adultes tenta de s’exprimer à sa<br />

manière ».<br />

Autodidacte, c’est dans le cadre des ateliers<br />

Graffiti qu’elle peaufine depuis ses 6 ans les<br />

techniques de l’acrylique et du collage : des<br />

mots – coupures de presse – sont apposés<br />

sur les toiles. Celles-ci, riches d’une grande<br />

sensibilité poétique, révèlent peu à peu la<br />

figure de cette jeune artiste qui a su créer un<br />

Expositions temporaires<br />

Ce n’est plus un secret pour personne, le<br />

MAMAC fermera ses portes d’ici peu, à la fin<br />

de cette année, pour laisser au CIAC le temps<br />

de prendre forme et d’afficher un « nouveau<br />

visage » repensé, aux environs de 2014.<br />

Et ses collections, et ses réserves, aux oubliettes<br />

? Un peu de patience, pardi ! Ses fleurons<br />

rejoindront bientôt l’actuel musée de l’Art<br />

wallon tandis que les œuvres de moindre importance<br />

seront hébergées en lieu sûr. À l’îlot<br />

Saint-Georges est prévue une grande réunion,<br />

celle du MAMAC et de son Fonds ancien, du<br />

Francine Dawans<br />

Conservatrice<br />

Musées de <strong>Liège</strong><br />

Pour ouvrir le bal…<br />

Prélude au futur musée des Arts de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

Salle Saint-Georges<br />

Du 29 juillet 2011 au 15 janvier 2012<br />

d’Histoire de l’Art, Académie des Beaux-<br />

Dans l’exposition, Thierry Adam propose<br />

univers qui lui est propre.<br />

MAW et du CED : le BAL. Joli nom – n’est-il<br />

Arts de <strong>Liège</strong>), Justine Urbain et Éric<br />

deux séries de dessins : d’une part, il réinter-<br />

pas ? – pour un rêve que d’aucuns ont sans<br />

Devriend (Chic and Cheap), Jean-Marc Gay<br />

vient sur des dessins réalisés enfant et sur<br />

doute caressé de longue date : revoir à <strong>Liège</strong><br />

(directeur des musées de la Ville de <strong>Liège</strong>),<br />

lesquels il appose son regard d’adulte ;<br />

un musée des Beaux-Arts.<br />

Françoise Safin et Françoise Dumont<br />

d’autre part, il aborde à travers des dessins<br />

(conservatrices).<br />

sur des feuilles d’agenda, des végétaux, etc.<br />

Dès l’été, une exposition proposera au public<br />

La qualité des artistes sélectionnés et le<br />

la mémoire physique, familiale et psycholo-<br />

un avant-goût de cette « renaissance ». Il y<br />

rythme des expositions ont fait de ce cycle<br />

gique en lien avec la disparition d’une<br />

verra, dans un raccourci étudié allant du xvi e<br />

une référence dans le domaine de la « jeune<br />

grand-mère et l’annonce de sa paternité.<br />

au xxi e siècle, non seulement des œuvres fa-<br />

création » à <strong>Liège</strong>.<br />

meuses des quatre collections – comme celles<br />

Marie Remacle<br />

Historienne de l’art<br />

Cabinet de la Culture<br />

À gauche : Thierry Adam, Grow up !,<br />

fusain sur papier, 110 x 70 cm, mars 2010.<br />

À droite : Juliette Maquestiau, Une folie pour toute,<br />

acrylique sur toile, 73 x 53 cm, juin 2007.<br />

acquises à Lucerne en 1939 et récemment<br />

classées « trésor national » par la Communauté<br />

française, celles des Lombard, Defrance,<br />

Evenepoel, Magritte et Delvaux sans oublier<br />

les Closson et le dessin de Vincent –, mais<br />

encore d’autres moins familières ou dont il ne<br />

Salle Saint-Georges,<br />

P. 29 : Nicolas Maes, Portrait de femme à la fontaine, s.d.<br />

Huile sur toile, 112 x 93 cm.<br />

MAMAC [BA1318]<br />

soupçonne guère l’existence. En effet, ce sera<br />

l’occasion de montrer quelques tableaux qui,<br />

grâce au Fonds David-Constant, au mécénat<br />

musée de l’Art wallon.<br />

et à la Ville de <strong>Liège</strong>, viennent d’être restaurés.<br />

Alors, sans atours ni détour, venez-y donc à<br />

Expositions accessibles<br />

Des panneaux didactiques ponctueront le<br />

ce « Premier BAL », vous y êtes cordialement<br />

du mardi au samedi de 13 à 18 h,<br />

parcours tout en permettant au visiteur de<br />

convié[e]s.<br />

les dimanches de 11 à 18 h.<br />

découvrir des confrontations inédites d’œuvres<br />

ainsi rassemblées, au fil des écoles et des<br />

divers mouvements artistiques.<br />

musée des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />

Parallèlement, un second itinéraire ciblé le<br />

mènera au Grand Curtius où seront valorisés<br />

MAMAC Musée d’Art moderne et d’Art contemporain<br />

des tableaux privilégiés pour la circonstance.<br />

MAW Musée de l’Art wallon<br />

Et des dossiers pédagogiques donneront aux<br />

CIAC Centre international d’Art et de Culture<br />

enseignants la possibilité de mieux diriger leurs<br />

CED Cabinet des Estampes et des Dessins<br />

élèves.<br />

BAL Beaux-Arts <strong>Liège</strong><br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

28<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

29


EXPO des EXPOS<br />

avant l’Exposition internationale <strong>Liège</strong>/2017<br />

La Belgique tôt industrialisée a été une fervente organisatrice de rassemblements<br />

internationaux d’envergure. Dès 1880 en effet, une première grande manifestation<br />

se déroule à Bruxelles pour célébrer avec faste le cinquantenaire de l’indépendance<br />

du pays. La capitale du Royaume a ainsi été à plusieurs reprises choisie comme site<br />

pour des expositions d’envergure, dont celle de 1958 organisée sur le plateau du<br />

Heysel, où Bruxelles a pu être la première à marquer haut et fort la renaissance de<br />

la fraternité universelle treize ans à peine après la fin des hostilités du second conflit<br />

mondial. Mais en Belgique, la centralisation pure et dure n’a jamais été de mise, et<br />

d’autres grandes villes comme Anvers, Gand et <strong>Liège</strong> ont pu à tour de rôle se porter<br />

à l’avant de la scène internationale en organisant plusieurs grandes expositions.<br />

Au xix e siècle, pour prospérer, une ville doit s’appuyer sur l’industrie et le<br />

commerce, activités favorisées à <strong>Liège</strong> par le nœud ferroviaire de niveau continental<br />

constitué par le quadrilatère de Kinkempois. C’est là que se croisent les lignes<br />

venant de Londres, Paris, Amsterdam, Berlin et Milan, les premières empruntant,<br />

pour passer le fleuve, le viaduc du Val-Benoît, qui prouvera son importance stratégique<br />

lors des conflits mondiaux. Comptant 174 000 habitants en 1900, <strong>Liège</strong>, qui<br />

connaît à ce moment un développement économique exceptionnel, obtient le<br />

privilège de célébrer le 75 e anniversaire de l’indépendance du pays et de se montrer<br />

au monde en organisant une exposition universelle (1905). Les organisateurs liégeois<br />

estiment avoir « mis tout à la fois en vedette et le génie de la race wallonne et l’unité<br />

de l’esprit national belge » (Gustave Drèze, Livre d’or…, 1906), ce dont plus de sept millions de<br />

visiteurs ont pu témoigner.<br />

En quelques mois, de vastes terres marécageuses situées au sud de la ville<br />

ont été assainies pour accueillir le champ de foire traversé par une ligne ferroviaire<br />

de la Compagnie du Nord-belge, simple prolongement de 1000 m du quadrilatère<br />

préexistant. Travaux particulièrement utiles, puisque les deux rives de l’Ourthe<br />

canalisée pourront être urbanisées dès la clôture des festivités en un vaste quartier<br />

aéré, fleuron liégeois de mixité sociale. À l’origine destinée à faciliter la communication<br />

entre les différents sites de l’exposition de 1905, la judicieuse construction du pont<br />

de Fragnée, qui enjambe la confluence de la Meuse avec la rivière ardennaise, a<br />

doté la ville d’une entrée prestigieuse au sud et a permis aux transports en commun<br />

de desservir en une seule boucle tous les quartiers situés dans la vallée.<br />

Directement accessible du centre ville, le parc de la Boverie, situé entre la<br />

Meuse et un canal de dérivation, a été harmonieusement aménagé pour servir<br />

d’écrin à quelques pavillons nationaux ou de prestige, dont le palais des Beaux-Arts,<br />

conservé en novembre 1905. C’est ce bâtiment (actuel MAMAC) qui sera bientôt<br />

transformé en Centre international d’Art et de Culture (C.I.A.C.).<br />

En 1930, les villes d’Anvers et de <strong>Liège</strong> ont célébré conjointement et en<br />

parfaite harmonie le centenaire de l’indépendance belge en montant des expositions<br />

internationales jumelles : la métropole du nord du pays y présente les atouts de son<br />

port, à savoir les matières maritime et coloniale, tandis que la cité mosane illustre<br />

ses spécificités en matière d’industrie et de sciences. Dans le cadre de cette<br />

organisation parfaitement symétrique, les arts anciens flamand et wallon sont aussi<br />

Christine Renardy<br />

Premier directeur de la Culture et du Tourisme<br />

Ville de <strong>Liège</strong><br />

MAMAC, parc de la Boverie<br />

Du 8 juin au 18 septembre 2011<br />

<strong>Liège</strong> va bientôt déposer officiellement<br />

sa candidature pour l’organisation d’un<br />

nouvel événement international.<br />

En prélude, cette exposition produite<br />

par le B.I.E. (bureau international des<br />

expositions) retrace l’histoire des Expositions<br />

universelles ou internationales.<br />

Elle permettra au public liégeois de se<br />

familiariser avec ce concept et donc de<br />

comprendre les enjeux importants que<br />

la candidature de « <strong>Liège</strong> 2017 »<br />

représente pour leur cité.<br />

En haut : Exposition universelle 1905,<br />

2 de affiche officielle par Auguste Donnay (1862-1921) [AVLg]<br />

+ gouache d’Émile Berchmans (1867-1947),<br />

perspective de 4 des 5 sites [AVLg, exposée au Grand Curtius].<br />

En bas à gauche : Palais du Commissariat à Coronmeuse. Aquarelle<br />

de Georges Dedoyard (1897-1988) reproduite dans CR Exposition<br />

internationale des techniques de l’eau, <strong>Liège</strong>, 1939.<br />

Exposition temporaire<br />

mis en évidence. L’exposition internationale de <strong>Liège</strong> s’est tenue au nord de la ville<br />

sur les deux rives de la Meuse, à hauteur de Coronmeuse, ainsi que dans le parc de<br />

la Boverie pour la rétrospective artistique qui a réinvesti le palais des Beaux-Arts.<br />

Cinq ans plus tard, malgré les difficultés d’une situation internationale de<br />

plus en plus tendue, les forces vives liégeoises se mobilisent à nouveau pour porter<br />

un ambitieux projet. L’association « Le Grand <strong>Liège</strong> » veut en effet fêter dignement<br />

l’achèvement du canal Albert, dont le premier ouvrage d’art, le pont-barrage Monsin<br />

situé au nord du site de Coronmeuse, avait été inauguré le 17 juin 1930. Cette<br />

exposition est la parfaite continuité de la précédente, puisque le canal Albert met le<br />

bassin industriel mosan en liaison directe avec le port maritime d’Anvers. Ce très<br />

important investissement national offre au bassin liégeois de nouvelles perspectives<br />

d’exportations, ses industries ayant été particulièrement pénalisées par la perte de<br />

leur marché naturel, suite aux ruptures générées par la guerre de 1914-18. Quelques<br />

années plus tard, « l’exposition internationale de la technique de l’Eau - <strong>Liège</strong> 1939 »<br />

connaît un succès retentissant dès son ouverture le 20 mai, mais doit prématurément<br />

fermer ses portes au début du mois de septembre suite à la déclaration de guerre.<br />

À l’aube du xxi e siècle, <strong>Liège</strong>, ville universitaire et riche de son patrimoine<br />

historique, relève le défi de présenter au monde son renouveau urbanistique et<br />

économique en 2017.<br />

À droite : Le Plongeur et son arc, 1939, par Idel Ianchelevici<br />

(1909-1994), réinstallé au port des Yachts en 2000.<br />

•<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Nadine de Rassenfosse<br />

Historienne de l’Art<br />

Membre du Comité de gestion<br />

du Fonds Armand Rassenfosse<br />

de la Fondation Roi Baudouin<br />

Armand Rassenfosse (1862-1934)<br />

graveur, affichiste et illustrateur liégeois<br />

logos personnalisés. La découverte de pièces inconnues dans l’atelier donne un<br />

éclairage neuf sur le volet publicitaire de la production de l’artiste. La plupart de ces<br />

travaux, au départ anonymes, révéleront bien plus tard un monogramme discret.<br />

À l’imprimerie, Rassenfosse est confronté à la lithographie, domaine où il<br />

atteint une grande habileté, et aux procédés mécaniques comme la photogravure,<br />

l’héliogravure et l’offset. Il explore alors le monde très en vogue de l’affiche publicitaire<br />

avec ses amis Auguste Donnay et Émile Berchmans. La réputation de cette « école<br />

liégeoise de l’affiche » dépasse nos frontières et participe au renom de l’imprimerie<br />

Bénard dont Rassenfosse devient, au décès de son fondateur en 1907, le directeur<br />

artistique et l’administrateur.<br />

Ces gravures font partie de l’important legs que Claire de Rassenfosse (1922-2009),<br />

la dernière petite-fille de l’artiste, consentit à la Fondation Roi Baudouin lui donnant<br />

pour mission la conservation et la mise en valeur de l’œuvre et de la maison-atelier<br />

de son grand-père dans laquelle elle vécut jusqu’à l’été 2005. Cette demeure néomosane<br />

construite en 1899 selon les plans de l’architecte liégeois Paul Jaspar,<br />

conservés au Centre d’archives et de documentation de la Commission Royale des<br />

Monuments Sites et Fouilles, a été classée comme monument par le Ministre du<br />

Patrimoine Jean-Claude Marcourt en 2009.<br />

Les œuvres et documents les plus précieux avaient déjà été mis à l’abri dans<br />

les réserves du musée de l’Art wallon dès l’été 2006 à la demande de l’administrateur<br />

provisoire de Claire de Rassenfosse et en parfaite collaboration avec l’échevinat de<br />

la Culture de la Ville de <strong>Liège</strong>. Un second dépôt, essentiellement constitué du fonds<br />

d’atelier, fut réalisé en 2010, à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin désormais<br />

propriétaire de l’ensemble des biens.<br />

Outre les gravures, le fonds comprend également des peintures, dessins,<br />

affiches publicitaires, croquis et calques, ainsi que de nombreux documents et objets<br />

personnels. L’ensemble est complété par du mobilier, notamment de Serrurier-<br />

Bovy, des plâtres et moulages, et par une importante bibliothèque artistique et<br />

littéraire. L’inventaire, le classement et le reconditionnement de ce précieux patrimoine<br />

sont en bonne voie d’achèvement.<br />

Un parcours dans l’alchimie de la gravure<br />

Les gravures exposées n’ont jamais quitté l’atelier depuis le décès d’Armand Rassenfosse<br />

en 1934. De plus, la découverte de pièces rares voire inédites, dessins préparatoires,<br />

calques, états uniques, mais aussi de matrices (cuivre, zinc, acier) permettent de revivre,<br />

pas à pas, le processus créatif et technique qui animait le graveur. Ce cheminement<br />

est retracé avant l’impression de l’ultime état de la gravure – qui parfois en<br />

compte une quinzaine –, celui qui répond aux critères d’exigence de l’artiste.<br />

Fasciné par les procédés techniques, cet autodidacte expérimente successivement<br />

l’eau-forte, la pointe sèche, le vernis mou, l’aquatinte et même l’encre au<br />

sucre. Il travaille avec acharnement pour discipliner sa main d’abord et affiner ensuite<br />

les formules sur base d’anciennes recettes. C’est ainsi qu’il mettra au point le vernis<br />

idéal recherché depuis longtemps par son ami Félicien Rops pour retoucher ses<br />

photogravures, le fameux Ropsenfosse.<br />

En véritable alchimiste de la gravure, Rassenfosse s’amuse à combiner<br />

étroitement les diverses techniques qu’il maîtrise afin d’atteindre la meilleure expression.<br />

Plusieurs illustrations d’ouvrages en attestent et notamment la célèbre édition<br />

des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire gravée pour la « Société des Cent Bibliophiles<br />

de Paris » en 1899.<br />

Les vignettes et affiches publicitaires<br />

Engagé par l’imprimeur Auguste Bénard comme collaborateur artistique, Rassenfosse<br />

compose, dès 1890, de nombreuses vignettes publicitaires vantant les mérites de<br />

produits d’usage courant et crée aussi des papiers à en-tête ou des marques et<br />

Parmi les manifestations organisées<br />

lors de la 8 e Biennale internationale de<br />

gravure, est présentée à la salle<br />

Saint-Georges une sélection d’estampes<br />

de l’artiste liégeois mises en dépôt<br />

au musée de l’Art wallon.<br />

C’est l’occasion de revenir sur ce<br />

patrimoine artistique formant un<br />

ensemble très riche comprenant des<br />

œuvres, des outils de travail, du mobilier<br />

et la maison-atelier de l’artiste.<br />

De gauche à droite<br />

Magis & Henn à <strong>Liège</strong>, 1896.<br />

Couverture d’un catalogue d’échantillons<br />

de papiers peints, chromolithographie.<br />

<strong>Liège</strong>, Aug. Bénard.<br />

Ex-libris Dora Nyst, 1905.<br />

Eau-forte, pointe sèche.<br />

Eva, 1894.<br />

Vernis mou, pointe sèche, aquatinte.<br />

8 e état, publié par la Société des<br />

Aquafortistes belges en 1894.<br />

La Femme, thème central<br />

C’est bien entendu ce qui ponctue l’œuvre<br />

de Rassenfosse. De toutes conditions sociales<br />

et dans toutes les attitudes quotidiennes,<br />

qu’elles soient ouvrières, « hiercheuses<br />

» du Pays de <strong>Liège</strong>, bourgeoises<br />

chapeautées ou cocottes dénudées, danseuses<br />

en mouvement ou mères allaitant,<br />

les femmes, qu’il chérit, peuplent tout son<br />

univers. Elles figurent aussi dans le monde<br />

symboliste et allégorique qu’il recrée au contact<br />

des courants littéraires du moment.<br />

Rassenfosse se révèle aussi portraitiste<br />

d’êtres qui lui sont chers : famille, amis<br />

ou écrivains dont il illustre les ouvrages.<br />

Avec un sens aigu de l’observation, il parvient<br />

en quelques traits gravés à capter<br />

l’humanité d’un regard ou d’une attitude, à<br />

fouiller une âme. De même, pour les exlibris,<br />

il réussit à exprimer une idée, évoquer<br />

une personnalité et créer un climat dans un<br />

format très réduit. Sa production d’ex-libris<br />

comprend une centaine de pièces différentes,<br />

tandis que la collection internationale<br />

réunie par son épouse Marie en comptait<br />

10 000 ! Elle a été léguée en 1956 par leur<br />

fils aîné, le professeur André de Rassenfosse,<br />

à la Bibliothèque de l’Université de <strong>Liège</strong>.<br />

Cette exposition était l’occasion rêvée pour<br />

présenter au public la dernière presse de<br />

Rassenfosse, donnée à la Ville dans les<br />

années 50 lors de la création du Cabinet<br />

des Estampes et des Dessins. Placée au<br />

cœur de la salle Saint-Georges, auprès de<br />

flacons de vernis précieusement annotés,<br />

d’un réchaud, de pointes sèches, roulettes,<br />

brunissoirs et autres ébarboirs, elle prend<br />

une dimension hautement symbolique.<br />

Quelle aubaine de pouvoir mettre ainsi en<br />

perspective l’homme, l’œuvre et les outils<br />

indispensables à la création artistique ! •<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Godelieve Denhaene<br />

Cabinet des Estampes,<br />

Bibliothèque royale de Belgique<br />

Philippe Joris<br />

Conservateur<br />

Département des Armes<br />

du Grand Curtius<br />

Président de l’AFMB<br />

Lambert Lombard : deux nouveaux dessins<br />

acquis par la Fondation Roi Baudouin pour le Cabinet des Estampes et des Dessins<br />

L’AFMB<br />

Association Francophone des Musées de Belgique<br />

L’auteur de ces deux esquisses est facilement<br />

reconnaissable : le peintre liégeois<br />

Lambert Lombard a laissé plus d’une centaine<br />

de ces petits croquis conservés essentiellement<br />

dans l’Album d’Arenberg (<strong>Liège</strong>, CED).<br />

Ils proviennent du démantèlement d’un<br />

document exceptionnel : le carnet d’exercices<br />

que Lombard avait confectionné en y collant,<br />

côte à côte, des centaines d’ébauches.<br />

Chaque page de ce carnet était consacrée à<br />

des variations soit du corps humain, soit de<br />

petits groupes de figures : Adam et Ève, Vénus<br />

et Cupidon, Hercule et Antée, Abraham et<br />

Isaac… L’artiste avait ainsi constitué un répertoire<br />

de figures en mouvement auquel il pouvait<br />

se référer constamment. Les dessins de<br />

ce recueil se caractérisent par leur petit format<br />

(3 à 6 cm de hauteur) ; l’artiste laisse courir sa<br />

plume d’un trait rapide pour inventer des compositions<br />

vivantes, originales, dynamiques en contraste<br />

avec les études académiques qu’il conçoit<br />

pour ses grandes compositions et pour ses<br />

gravures.<br />

L’Album d’Arenberg contient treize esquisses<br />

représentant Vénus et Cupidon pleurant la mort<br />

d’Adonis [D8a-8k]. La mort d’Adonis s’inscrit<br />

dans ce groupe et a pu être détaché du carnet<br />

d’exercices à un moment indéterminé. On y<br />

voit Vénus assise qui enlace le corps de son<br />

amant vu de face. À gauche, Cupidon, le carquois<br />

à ses pieds, soutient lui aussi le corps<br />

du dieu de la végétation. Les figures sont entourées<br />

de hachures, procédé courant à la Renaissance,<br />

pour suggérer les bas-reliefs antiques.<br />

Dans le dessin nouvellement acquis, Caïn<br />

tuant Abel, on voit Caïn s’apprêtant à frapper<br />

Abel allongé sur le sol. Trois croquis de l’Album<br />

d’Arenberg [D15a-15c] évoquent le même thème.<br />

Les corps des deux protagonistes, allongés à<br />

l’extrême, sont contorsionnés dans des mouvements<br />

exacerbés.<br />

Les dessins acquis par la Fondation Roi<br />

Baudouin nous font entrer de plain-pied dans<br />

le travail créatif d’un artiste enclin à suivre l’évolution<br />

italianisante de son temps. En quelques<br />

traits, Lombard illustre sa volonté de situer le<br />

corps dans l’espace et de le libérer du carcan<br />

de la tradition.<br />

Lambert Lombard (<strong>Liège</strong>, 1505/6-1566),<br />

Caïn tuant Abel et La mort d’Adonis<br />

Montage de deux dessins sur un même support ;<br />

47 x 65 mm et 55 x 40 mm.<br />

Plume et encre brun foncé ; pliures et lacunes.<br />

Provenance : ancienne collection Jacques Fryszman ;<br />

vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot, 8 octobre 1997,<br />

partie du lot 108 ; Paris, vente Piasa, 31 mars 2011,<br />

lot 8 comme « École italienne du xvi e siècle ».<br />

Par cette acquisition, la Fondation Roi Baudouin<br />

manifeste une fois encore sa volonté de faire<br />

connaître un peintre particulièrement novateur<br />

et influant sur l’art et la culture de son temps.<br />

Déjà, en 1996, les 800 dessins de l’Album<br />

d’Arenberg sont restaurés (lors de la campagne<br />

S.O.S. Œuvres d’art sur papier organisée par<br />

la Fondation). Quatre ans plus tard, elle acquiert<br />

l’Album de Clérembault contenant 69 dessins<br />

attribués à Lombard. Ces œuvres font immédiatement<br />

l’objet d’une exposition à la Société<br />

littéraire de <strong>Liège</strong> et sont déposées au CED<br />

de <strong>Liège</strong>. Ce dépôt, qui permettait de rassembler<br />

dans un même endroit près de 900 dessins<br />

de Lambert Lombard, représentait un apport<br />

de première importance pour la connaissance<br />

des théories artistiques et de l’humanisme<br />

belges en plein développement au cours du<br />

xvi e siècle.<br />

•<br />

Obéissant au mouvement de communautarisation<br />

du pays, l’Association des Musées de<br />

Belgique créée en 1963 se scinda en 1979 :<br />

l’AFMB francophone et la VMV (Vlaamse<br />

<strong>Museum</strong> Vereniging). Ces deux associations<br />

(sur le point de changer de dénomination : ICOM<br />

Belgique/Wallonie-Bruxelles et ICOM Belgique/<br />

Flandres) forment ensemble le Comité national<br />

belge du Conseil International des Musées<br />

(ICOM).<br />

L’AFMB rassemble les professionnels du<br />

monde muséal belge francophone. Elle est<br />

essentiellement un groupement de personnes<br />

travaillant dans les musées ou en étroite relation<br />

avec eux. Elle compte aussi parmi ses<br />

375 membres diverses institutions muséales.<br />

L’AFMB est le porte-parole et un des interlocuteurs<br />

privilégiés des musées auprès des instances<br />

politiques et administratives. Elle est représentée<br />

au Conseil des Musées et dans diverses<br />

commissions ; elle entretient naturellement des<br />

contacts réguliers avec les autres associations<br />

du pays ayant pour objectif la défense du patrimoine,<br />

tant matériel qu’immatériel.<br />

Chaque membre s’engage à respecter et<br />

promouvoir le Code de déontologie de l’ICOM.<br />

L’AFMB organise aussi à l’intention de ses<br />

membres des visites de musées et d’expositions,<br />

où l’intérêt se porte pour l’essentiel sur<br />

les « coulisses » des lieux et des manifestations<br />

visités. Elle édite un bulletin trimestriel, Info-<br />

Musées, et une revue annuelle, La Vie des<br />

Musées, dont chaque livraison est consacrée<br />

à un thème spécifique. Colloques et journées<br />

d’études sont également à son programme.<br />

Le prochain aura lieu en novembre 2011 et<br />

sera consacré à l’accessibilité des musées.<br />

Il ne saurait être question de l’AFMB sans<br />

consacrer quelques lignes à « l’association<br />

mère », le Conseil International des Musées<br />

(International Council of <strong>Museum</strong>s = ICOM),<br />

dont le siège social se trouve à Paris, à la<br />

Maison de l’UNESCO. L’ICOM est une association<br />

non gouvernementale, sans but lucratif,<br />

créée en 1946 sous l’égide de l’UNESCO<br />

et en relation d’association formelle avec elle.<br />

Fondée par et pour des professionnels de musées,<br />

elle constitue aujourd’hui un réseau de<br />

quelque 30 000 membres incarnant la communauté<br />

muséale mondiale. L’ICOM se compose<br />

de 115 comités nationaux et de 31 comités<br />

internationaux représentant presque toutes<br />

les spécialités des musées ; sans compter les<br />

alliances régionales et les organisations affiliées.<br />

L’ICOM est aussi un des membres fondateurs<br />

du Comité international du Bouclier Bleu.<br />

Les objectifs de l’ICOM sont de promouvoir<br />

la création, le développement et la gestion<br />

professionnelle des musées et d’améliorer la<br />

connaissance et la compréhension de la fonction<br />

et du rôle des musées.<br />

L’ICOM établit des normes déontologiques<br />

auxquelles musées et personnel s’engagent à<br />

se conformer, « bonnes pratiques » consignées<br />

dans le Code de déontologie, qui établit les<br />

valeurs et les principes communs à la communauté<br />

muséale. Il organise la coopération et<br />

l’entraide entre les musées et les membres de<br />

la profession, notamment en cas de sinistre<br />

majeur. L’ICOM se trouve également engagée<br />

dans la lutte contre le trafic illicite des biens<br />

culturels et édite régulièrement des « listes<br />

rouges » reprenant les catégories d’objets en<br />

péril pour une zone géographique donnée.<br />

Attentif à la préservation du patrimoine immatériel,<br />

l’ICOM souhaite promouvoir un tourisme<br />

culturel « durable ». Aujourd’hui présidé par le<br />

Dr Hans-Martin Hinz, l’ICOM publie à l’intention<br />

de ses membres la revue Les Nouvelles<br />

de l’ICOM ; son site internet (icom.museum)<br />

constitue une source d’informations inestimable,<br />

avec de nombreux documents disponibles en<br />

ligne.<br />

•<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

34<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Régine Rémon<br />

Conservatrice<br />

Cabinet des Estampes et des Dessins<br />

Commissaire de la Biennale<br />

Édith Schurgers<br />

Animatrice pédagogique<br />

Musées de <strong>Liège</strong><br />

Prix de la 8 e Biennale internationale de gravure<br />

contemporaine de <strong>Liège</strong> : Ross Rac i n e<br />

Curtius Circus<br />

Le jury a décerné le prix de la Biennale<br />

à Ross Racine, artiste canadien (Montréal),<br />

auteur de dessins numériques<br />

et impressions au jet d’encre.<br />

Le musée ne peut plus être considéré<br />

aujourd’hui comme un lieu élitiste, réservé<br />

aux seuls savants.<br />

C’est l’image séculaire de sanctuaire où nulle<br />

place n’est accordée au jeu, à la dérision,<br />

au loufoque et au burlesque que l’exposition<br />

Curtius Circus a voulu faire voler en éclat,<br />

en avril au Grand Curtius.<br />

Elle montrait les travaux d’étudiant[e]s du<br />

cours de photographie de Jean-Michel Sarlet<br />

en Master 1 (option Publicité) de l’ÉSAL<br />

(Académie Royale des Beaux-Arts de <strong>Liège</strong>),<br />

qui proposent une vision décalée du musée<br />

et de ses collections, ré-inventées dans une<br />

série de photographies surprenantes.<br />

Plus qu’un premier projet de médiation<br />

créative avec un établissement d’enseignement,<br />

Curtius Circus était avant tout l’histoire<br />

d’une rencontre entre les étudiants de l’ÉSAL<br />

et le Service éducatif des Musées. Une rencontre<br />

entre le regard libre de toute contrainte<br />

Sa série Heavenly heights de vues aériennes<br />

de banlieues imaginaires fait penser à s’y<br />

méprendre à des photographies prises à vol<br />

d’oiseau. Or, la photo est totalement absente<br />

de son travail qui mixte le dessin à main levée<br />

sur une tablette graphique et son traitement<br />

informatique.<br />

Il s’agit bien de sites fictifs, composés<br />

de multiples parcelles quasiment identiques,<br />

alignées selon un rythme régulier et répétitif.<br />

Les axes rectilignes ou concentriques<br />

n’autorisent aucun écart, aucune fantaisie,<br />

tout semble figé dans le temps et l’espace.<br />

Selon l’artiste, les images purement fabriquées,<br />

commentent l’utilisation du paysage<br />

naturel par la société et révèlent les peurs<br />

aussi bien que les rêves d’une culture urbaine.<br />

De plus, le jury a accordé une mention<br />

à Alexandra Haeseker, artiste également<br />

canadienne quoique née aux Pays-Bas.<br />

Son installation modulable Je suis dans ton<br />

sang parle de l’identité de la femme, par le<br />

biais de silhouettes animées, réalisées sur<br />

ordinateur puis découpées et superposées.<br />

Composition du jury<br />

- Marie-Cécile Miessner, conservatrice en chef chargée des<br />

collections d’estampes contemporaines au département<br />

des estampes et de la photographie à la Bibliothèque<br />

nationale de France, Paris<br />

- Paul Bartemes, directeur artistique de Mediart, agence de<br />

promotion culturelle, Luxembourg<br />

- Vincent Cartuyvels, directeur de l’école sup. des arts de<br />

l’image Le 75, Bruxelles<br />

- Ronny Delrue, artiste, professeur à la hogesschool voor<br />

wetenschap en kunst, Gent<br />

- Alexander Van Grevenstein, directeur<br />

du Bonnefanten <strong>Museum</strong>, Maastricht<br />

scientifique de jeunes talents et le patrimoine<br />

muséal de leur ville.<br />

Sous ses airs de cirque, Curtius Circus est le<br />

fruit d’un long processus nourri de réflexions<br />

autour des collections. L’aventure a commencé<br />

par une découverte des collections<br />

permanentes du Grand Curtius. Pour beaucoup<br />

de ces étudiant[e]s, il s’agissaitt de<br />

premiers pas au sein du musée. C’est une<br />

relation d’intimité, un lien de familiarité qui<br />

peu à peu s’est tissé entre les jeunes et le<br />

musée. Le rapport de confiance et de compréhension<br />

mutuelles s’est instauré au gré<br />

de visites successives.<br />

Leur œil incisif, exercé au jeu de la publicité<br />

et des regards croisés a guidé le choix<br />

des œuvres. Véritable relooking de sens et<br />

des points de vue, les créations photographiques<br />

ré-inventent de manière surprenante<br />

une sélection d’œuvres, rencontres les plus<br />

incongrues entre l’objet et l’idée.<br />

Photo de Déborah Smeets (ÉSAL).<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

36<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Édith Schurgers<br />

Animatrice pédagogique<br />

Musées de <strong>Liège</strong><br />

Pascal Heins<br />

Service de « Didactique de l’histoire de l’art<br />

et de l’esthétique », Université de <strong>Liège</strong><br />

Musées/Université<br />

Le musée comme « boîte à outils »<br />

Pourquoi programmer une formation en guidage muséal dans le cursus<br />

« professeur[e]s d’histoire de l’art » de l’enseignement secondaire ?<br />

Une mission du Service éducatif et au Public<br />

des musées de <strong>Liège</strong> est d’exploiter les<br />

collections des musées pour la formation :<br />

elles constituent un matériau d’apprentissage<br />

de l’histoire et du patrimoine destiné au<br />

public scolaire, à chaque niveau du système<br />

éducatif en Communauté française. Une autre<br />

mission est le développement de collaborations<br />

à long terme avec les établissements<br />

d’enseignement supérieur et les universités.<br />

Ainsi, le projet proposé par le Service de<br />

« Didactique de l’histoire de l’art et de l’esthétique<br />

» de l’Université de <strong>Liège</strong> a été l’opportunité<br />

de réfléchir à des actions et des outils<br />

communs en matière de médiation culturelle.<br />

Dans le cadre de leur formation, a été proposé<br />

aux futur[e]s professeur[e]s d’histoire de l’art<br />

de l’enseignement secondaire de guider des<br />

groupes d’élèves dans les musées de la Ville<br />

et dans des expositions.<br />

Ce projet, nouveau pour les deux services,<br />

s’est concrétisé dans une relation triangulaire :<br />

Service de Didactique, Service éducatif et établissements<br />

d’enseignement secondaire. Le Service<br />

de Didactique y a trouvé la possibilité de<br />

confronter les professeur[e]s-stagiaires à une<br />

réalité de la profession. Les écoles ont pu intégrer<br />

« à la carte » les visites dans leurs programmes<br />

de cours. Quant au Service éducatif, il a pu<br />

remplir une de ses missions muséales phares<br />

(construire une relation durable avec l’enseignement)<br />

et formaliser sa pratique professionnelle<br />

de médiation à destination du public scolaire.<br />

Chaque école s’est engagée à suivre un<br />

cycle de trois animations muséales de deux<br />

heures. Les thématiques d’intervention ont été<br />

déterminées en fonction des collections, des<br />

expositions temporaires et des cours dispensés<br />

par les enseignants (français, histoire, expression<br />

plastique, etc.). Chaque professeur[e]-<br />

stagiaire a accompagné une demi-classe pour<br />

la durée du cycle. Le Service éducatif des<br />

musées a supervisé le travail de chaque stagiaire,<br />

depuis la préparation et la réflexion méthodologique<br />

jusqu’à l’évaluation.<br />

En amont, les stagiaires ont reçu une formation<br />

théorique de la part de leur didacticien, qui<br />

s’est associé à Isabelle Verhoeven de l’asbl<br />

Art&fact, guide professionnelle qui a exposé<br />

les règles, trucs et astuces de la pratique du<br />

guidage. Cette première approche théorique<br />

s’est articulée autour des questions essentielles<br />

qui président à la conception d’une animation<br />

en médiation culturelle, quel que soit le public<br />

cible. Les stagiaires ont ensuite observé des<br />

visites guidées destinées à un public varié (enfants,<br />

adolescents, adultes), dans les musées<br />

et en centre urbain (visite de la gare des Guillemins,<br />

parcours architectural dans <strong>Liège</strong>).<br />

Les premières visites ont mis en lumière la<br />

difficulté pour les stagiaires de concevoir leurs<br />

interventions au départ du seul contenu des<br />

collections muséales. Travaillant dans les<br />

classes sur un large choix de documents<br />

visuels à leur disposition, « traditionnellement »<br />

tentés d’exposer le contexte pour aboutir<br />

ensuite à l’étude de l’œuvre, les stagiaires ont<br />

dû développer une méthodologie adaptée. Il<br />

faut en effet « faire avec » les œuvres exposées :<br />

partir de l’œuvre pour remonter vers le contexte<br />

général constitue un défi.<br />

Comment faire pour ne pas tomber dans<br />

le piège d’une visite ex cathedra ? Comment<br />

ne pas « oublier » les jeunes visiteurs et les<br />

amener à participer activement aux animations ?<br />

Comment intéresser les adolescents au propos<br />

du musée et aux thématiques développées ? 1<br />

Encore emprisonnés dans leur pratique scientifique,<br />

les stagiaires ont dû appliquer au musée<br />

une méthodologie recommandée pour les<br />

classes lors de la formation initiale en didactique<br />

: reconsidérer la pratique du guidage en<br />

créant des outils pédagogiques prenant en<br />

compte la spécificité du public, l’interpellant et<br />

le plaçant en situation active tout au long de<br />

l’animation. Oublier l’image d’un musée figé<br />

et en faire un outil d’apprentissage actif et ludique,<br />

voilà l’enjeu.<br />

Mais une des difficultés majeures de la médiation<br />

muséale est ce qui fait la spécificité du musée<br />

: la confrontation directe avec les œuvres.<br />

Lors des animations, des stagiaires ont eu des<br />

difficultés à proposer une analyse des œuvres<br />

pour elles-mêmes. Décoder l’objet, apprendre<br />

à voir, laisser place au sensible et l’objectiver<br />

par le savoir, et surtout ne pas tomber dans<br />

l’anecdote : autant de bons réflexes qu’ils[elles]<br />

ont appris au cours de cette première expérience<br />

de guidage. La plupart ont réussi leur<br />

mission : faire du musée une « boîte à outils »<br />

des connaissances historiques et patrimoniales,<br />

en exploitant le potentiel didactique et en développant<br />

des supports d’animation adaptés<br />

aux élèves de l’enseignement secondaire supérieur<br />

autant qu’aux attentes des enseignants.<br />

À l’heure du bilan, il apparaît que les enseignants<br />

sont satisfaits de l’expérience. Ils ont<br />

manifesté le souhait de poursuivre lors de la<br />

prochaine année scolaire. Les échos reçus des<br />

élèves sont également positifs : l’expérience a<br />

vite créé chez eux un « habitus » culturel.<br />

Le Service éducatif et le Service de Didactique<br />

vont poursuivre la collaboration, avec<br />

des évolutions. Seront formalisées davantage<br />

les attentes didactiques, depuis la préparation<br />

des interventions jusqu’à l’évaluation, en complément<br />

de l’enseignement en classe : pour faire<br />

vivre la « boite à outils » du musée, croiser les<br />

regards et les approches, avoir vision commune<br />

et cohérente de la pédagogie muséale. •<br />

1. Cette question soulève des interrogations dans<br />

les services pédagogiques des institutions culturelles<br />

: le public des adolescents est souvent<br />

considéré comme une cible de visiteurs difficiles<br />

à convaincre, à satisfaire, à accrocher.<br />

Les agrégés en histoire de l’art, pour qui l’université<br />

assure la formation initiale en didactique<br />

disciplinaire, sont amenés à donner des cours<br />

d’histoire de l’art et d’esthétique, mais aussi<br />

d’autres matières en lien avec leur expertise<br />

(connaissance des styles, analyse ou rhétorique<br />

de l’image), aux élèves du secondaire<br />

des sections de transition et de qualification,<br />

essentiellement dans l’enseignement artistique.<br />

Aujourd’hui, l’offre professionnelle en matière<br />

de communication et d’éducation en histoire<br />

de l’art déborde les lieux formels d’instruction.<br />

Une des missions assignées au musée consiste<br />

à exposer les témoins matériels qu’il conserve<br />

à des fins d’éducation (et de « délectation<br />

», pour reprendre la définition du musée<br />

de ICOM), et nombreuses sont les institutions<br />

qui disposent d’un service proposant des animations<br />

destinées au public scolaire. Existe<br />

donc un espace commun entre le musée et<br />

l’école : celui des préoccupations didactiques,<br />

des articulations entre l’enseignant-animateur,<br />

les contenus ou les connaissances et les apprenants-visiteurs.<br />

Cet espace commun favorise<br />

naturellement les collaborations entre musées,<br />

écoles et organes de formation pédagogique.<br />

En Belgique, il n’existe pas de formation à<br />

la médiation muséale combinant l’expertise universitaire<br />

en histoire de l’art et les questions<br />

de transposition didactique, qui relèvent plus<br />

largement du domaine des sciences de l’éducation.<br />

La formation en muséologie porte sur<br />

les autres rôles du musée (acquisition, conservation<br />

et exposition), mais elle ne s’attache<br />

pas précisément aux modalités de transmission<br />

des connaissances liées aux collections. Si le<br />

diplôme d’agrégé de l’enseignement secondaire<br />

supérieur n’est pas un titre « requis »<br />

pour l’engagement au sein des services éducatifs<br />

des structures muséales, il s’avère de<br />

facto que les historiens d’art et archéologues<br />

dont l’expertise disciplinaire se complète d’une<br />

formation pédagogique détiennent un solide<br />

viatique pour postuler. Encore fallait-il, pour<br />

notre Service de Didactique, rencontrer l’offre<br />

muséale dans sa dimension éducative et former<br />

à des compétences professionnelles en adéquation<br />

avec les spécificités et les contraintes du<br />

musée. Cela en gardant à l’esprit l’écueil du<br />

genre : le musée en tant qu’extension pure et<br />

simple de l’école. Nous conservons tous le<br />

souvenir, souvent peu « excitant », d’une visite<br />

scolaire au musée.<br />

La spécificité du musée est la « vraie »<br />

matérialité des objets présentés aux visiteurs.<br />

Poser son regard sur une œuvre originale modifie<br />

profondément les impressions premières.<br />

Les référentiels d’études en histoire de l’art et<br />

en esthétique ne manquent pas de rappeler<br />

l’importance de rencontrer les œuvres d’art dans<br />

« leurs vraies dimensions spatiales et sensibles ».<br />

Le travail dans les classes devant des reproductions,<br />

en plus de gommer des valeurs plastiques,<br />

instaure une distance qui tend à dispenser<br />

de l’acte de bien voir. Or il s’agit d’apprendre<br />

au public scolaire à voir, justement, et<br />

aux professeurs en formation à acquérir une<br />

méthode d’analyse qui s’appuie sur les constituants<br />

plastiques de l’objet pour aller vers le<br />

contexte, en évitant les discours périphériques<br />

qui éloignent du donné à voir, et à ressentir.<br />

Au musée, toute intervention est naturellement<br />

axée sur l’objet matériel : y déroger reviendrait<br />

à rater son affaire. Cette obligation, en retour,<br />

aide à réfléchir et à construire les pratiques<br />

d’intervention dans les classes. Les bénéfices<br />

du guidage muséal dans le curriculum des<br />

professeur[e]s d’histoire de l’art du secondaire<br />

sont nombreux ; ils vont bien au-delà des<br />

questions de marché.<br />

•<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Soo Yang Geuzaine<br />

Historienne de l’Art<br />

Département des Arts décoratifs<br />

du Grand Curtius<br />

Les « grands fonds »<br />

du département des Arts décoratifs du Grand Curtius<br />

Les collections du département des Arts décoratifs du Grand Curtius se sont accrues<br />

au fil du temps grâce au mécénat. La multiplicité des dons en faveur des anciens<br />

musées d’Archéologie et d’Arts décoratifs permet aujourd’hui d’inscrire nos institutions<br />

muséales sur l’échiquier culturel régional, national, voire international. S’il est<br />

impossible d’énumérer toutes ces donations, nous mentionnons ici les plus importantes<br />

d’un point de vue qualitatif ou quantitatif 2 .<br />

• Une des plus anciennes donations vient<br />

d’Antonin Terme, fabricant d’armes lyonnais<br />

qui, de par sa profession, se rend à <strong>Liège</strong>, y<br />

devient membre effectif de l’Institut archéologique<br />

liégeois en 1877, puis président en<br />

1885. Il fait preuve alors d’un esprit moderne<br />

puisqu’il lègue bon nombre de verreries et de<br />

céramiques qui ont un lien historique avec la<br />

Cité ardente. Elles portent en effet généralement<br />

des marques liégeoises : les lettres L.G.,<br />

le Perron voire le buste de saint Lambert.<br />

• Cette filiation liégeoise se trouve aussi en<br />

1894 dans le legs Bronckart-Grandjean à la<br />

Ville, constitué d’un lot de meubles, d’argenteries<br />

et d’objets divers.<br />

• En 1910, la donation Moxhon, d’une rare<br />

ampleur, constitue par ses 1937 numéros d’inventaire<br />

l’une des plus importantes sous forme<br />

d’un tout indivisible : bibelots, bijoux, biscuits,<br />

dessins, faïences, gravures, miniatures, mobilier,<br />

pastels, porcelaines anciennes, tableaux,<br />

terres émaillées, verres. Cette donation, selon<br />

Luc Engen, conservateur de l’Institut archéologique<br />

liégeois, a fourni l’armature d’une collection<br />

de céramiques qui dépasse largement<br />

la matière et l’intérêt régional. Elle aurait pu, si<br />

on l’avait voulu, aboutir à la constitution d’un<br />

musée à part entière comme ce sera le cas<br />

par la suite pour la section de verrerie. 3<br />

• Au décès d’Eugène Ysaÿe, en 1931, ses<br />

enfants offrent à la Ville de <strong>Liège</strong> les meubles<br />

du studio du violoniste réalisé par Gustave<br />

Serrurier-Bovy. Avant d’être exposé au<br />

Grand Curtius, l’ensemble avait été installé au<br />

Conservatoire puis abrité dans l’ancien musée<br />

d’Architecture, impasse des Ursulines.<br />

• Georges de Froidcourt, connu sous le<br />

pseudonyme de Chaudlong, fait de nombreux<br />

dons entre 1928 et 1969.<br />

• Par testament, Maxime de Soer de<br />

Solières lègue en 1935 à l’IAL sa collection<br />

de faïences de Delft, de mobilier gothique,<br />

renaissant, baroque, rococo et néo-classique,<br />

et d’une quinzaine de sculptures. C’est l’asbl<br />

Les Amis de l’Institut archéologique liégeois<br />

(A.M.I.A.L.) qui recueille le legs au nom de<br />

l’Institut.<br />

• En 1962, la coupe Oranus entre au musée<br />

grâce au legs de Robert de Sélys-Fanson.<br />

Elle avait été offerte par le prince-évêque Robert<br />

de Berghes à son conseiller privé François<br />

d’Heure dit Oranus. Depuis le mariage de la<br />

petite-fille de ce dernier avec Michel de Sélys,<br />

ancêtre du baron Robert de Sélys-Fanson, la<br />

coupe était restée dans la même famille pendant<br />

355 ans. Cette pièce est d’autant plus<br />

exceptionnelle qu’elle est le plus ancien exemple<br />

d’orfèvrerie civile de la Renaissance connu à<br />

<strong>Liège</strong>.<br />

• En 1981, Lucien Delplace offre de son<br />

vivant une somptueuse paire de vases de pâte<br />

tendre de Tournai avec monture de bronze<br />

doré réalisée pour Charles de Lorraine par<br />

l’orfèvre Michel-Paul-Joseph Dewez.<br />

• La même année, Simone Anspach lègue<br />

un ensemble de verreries vénitiennes et un autoportrait<br />

de Léonard Defrance.<br />

C’est à travers la constitution<br />

des collections que l’art côtoie<br />

l’histoire. Mais derrière une<br />

œuvre, se cachent souvent un<br />

visage, un nom, un donateur :<br />

comme d’autres départements,<br />

celui des Arts décoratifs est composé<br />

notamment de donations et de<br />

legs, dont certains constituent ce que<br />

l’on appelle les « grands fonds » des<br />

collections. Ce sujet fut traité lors de<br />

l’exposition Des mécènes pour <strong>Liège</strong>.<br />

Le mécénat artistique dans les collections<br />

publiques liégeoises de 1816 à<br />

nos jours 1 .<br />

1. Exposition organisée au musée<br />

de l’Art wallon du 7 mars au 26 avril<br />

1998 par l’Échevinat de la Culture, des<br />

Musées et du Tourisme de la Ville de<br />

<strong>Liège</strong>, l’asbl Les Musées de <strong>Liège</strong> et<br />

l’asbl Art&fact. Son catalogue constitue<br />

la plus importante source d’informations<br />

à propos des « grands fonds ».<br />

2. Nous tenons à remercier Monique<br />

Merland, bibliothécaire à l’Institut archéologique<br />

liégeois, et Luc Engen, conservateur<br />

à l’IAL.<br />

3. Luc Engen, Musées d’Archéologie<br />

et d’arts décoratifs. Musée Curtius,<br />

Musée du Verre, Musée d’Ansembourg,<br />

Bruxelles, 1987, Musea Nostra n° 2.<br />

- Coupe Oranus, <strong>Liège</strong>, 1564,<br />

par maître orfèvre GH ou HG en<br />

monogramme. 11,2 x 16,8 cm.<br />

Legs Sélys-Fanson au Musée<br />

Curtius (1962). M.A.A.D. 62 / 452.<br />

- Paire de vases de Charles de<br />

Lorraine, par Michel-Paul-Joseph<br />

Dewez, vers 1776-1777, anciens<br />

Pays-Bas méridionaux. 72 cm.<br />

Don Delplace (1981). M.A.A.D. 81/25.<br />

- Piano du château de la Chapelleen-Serval,<br />

par Gustave Serrurier-<br />

Bovy (meubles), Émile Berchmans<br />

(peintures), Oscar Berchmans<br />

(bronzes), Maison Pleyel (instrument),<br />

1902, <strong>Liège</strong>-Paris.<br />

Piano : 106,5 x 208 x 160 cm.<br />

Banquette : 61 x 147,5 cm.<br />

Casier à musique : 125,5 cm.<br />

Dépôt de la Communauté française.<br />

M.A.A.D. D/95/21.<br />

• En 1984, une œuvre de premier ordre fait<br />

son entrée au musée avec le legs d’Oncieu de<br />

Chaffardon : la grande cafetière à côtes torses<br />

exécutée par Jean-Adrien Grosse en 1763.<br />

• En 1986, le legs Radoux-Rogier accroît<br />

la section numismatique, déjà richement dotée<br />

en 1919, 1921 et 1929 par le legs Maurice<br />

Gérimont.<br />

• En 2006, la famille Sneyers fait don d’un<br />

ensemble mobilier datant de la seconde moitié<br />

du xix e siècle.<br />

• En 2007, le Conseil communal accepte la<br />

donation du Baron et de la Baronne François<br />

Duesberg. Dans cette collection unique d’objets<br />

liés aux arts du temps et de la table des<br />

époques Directoire, Empire et Restauration,<br />

certaines pendules sont exceptionnelles : celle<br />

« aux Vestales », celle dite « Paul et Virginie »,<br />

voire des pendules en forme de vase ou un<br />

service en porcelaine au décor inspiré des<br />

Fables de la Fontaine.<br />

• Notons enfin que l’enrichissement des<br />

collections est dû en grande partie aux dépôts<br />

de l’Institut archéologique liégeois depuis<br />

1909 ou des Amis de l’Institut archéologique<br />

liégeois depuis 1933.<br />

• Ces legs ou donations côtoient un remarquable<br />

ensemble mobilier de Gustave Serrurier-Bovy<br />

mis en dépôt par la Communauté<br />

française de Belgique, ou le portrait de Jacques<br />

de Heusy par Louis-Michel van Loo et le collier<br />

de gilde par la Fondation Roi Baudouin.<br />

•<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

41


C’est sous l’impulsion d’hommes et de femmes passionnés, réunis en une « Société<br />

pour l’encouragement des Beaux-Arts », que la notion même de musée apparaît.<br />

Au cœur des bouleversements politiques et sociaux de cette première moitié du xix e<br />

siècle, cette association conçoit le musée comme un lieu public où sont données à<br />

voir les productions artistiques du temps dans le but d’édifier et de soutenir la production<br />

artistique belge.<br />

Que ce projet s’élabore dans une Belgique à peine éclose n’est guère étonnant.<br />

Et tout porte à penser que cette promotion des Arts passe immanquablement<br />

par la revendication d’une identité nationale en pleine mutation. Les politiques d’achat<br />

et d’enrichissement du patrimoine muséal déclenchent toutefois de longs débats.<br />

Les opinions sont, loin s’en faut, unanimes : chaque école a ses partisans et ses<br />

détracteurs. Au gré des « Salons » organisés par la Société se constitue donc une<br />

collection composite, où se dessinent des tendances artistiques.<br />

L’histoire de cette Société éclaire : la cohérence artistique des collections,<br />

leur genèse, la perception du musée dans le temps ou encore la particularité des<br />

productions liégeoises, largement dépendantes des courants dominants de l’art.<br />

Grégory Desauvage<br />

Conservateur<br />

Musées de <strong>Liège</strong><br />

Des Beaux-Arts en Société<br />

Les débuts de la collection des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />

L’histoire des collections des musées<br />

révèle bien souvent le rôle d’amateurs<br />

d’art, d’associations ou de mécènes<br />

éclairés, dont le soutien assura, et<br />

assure encore, par le biais de legs,<br />

de donation ou de dation,<br />

l’enrichissement des collections et<br />

parfois un appui logistique et financier.<br />

<strong>Liège</strong> ne fait pas exception.<br />

Hans Gude, La Forêt de hêtres, s. d.<br />

Huile sur toile, 91 x 124 cm.<br />

Acquis au Salon de 1862. [AM295]<br />

- L’association se compose de toute personne souscrivant à une ou plusieurs<br />

actions à payer annuellement. Une commission de 12 associés dirige les travaux.<br />

- La Société monte une exposition bisannuelle avec des productions d’artistes ou<br />

amateurs vivants, belges et étrangers. La Ville fournit un local pour la présentation<br />

des œuvres. Au terme de l’événement, plusieurs toiles sont achetées par la Société<br />

: une partie est distribuée aux sociétaires par le biais d’une loterie payante<br />

et l’autre partie grossit la collection du futur musée communal.<br />

- De nombreux artistes participent aux expositions de 1834, 1836 et 1838 et se<br />

retrouvent dans les collections actuelles 2 . Le succès des Salons incite la Ville à<br />

octroyer, en mars 1838, une subvention bisannuelle plus importante. Dès 1840,<br />

les expositions ont lieu dans l’ancienne église Saint-André.<br />

La « Société pour l’encouragement des Beaux-Arts » : les prémices<br />

L’association est créée en 1829. C’est à M. Gravez, Inspecteur du cadastre et amateur<br />

d’art, aidé de quelques personnes passionnées, que l’on doit le projet de créer une<br />

« Société pour l’encouragement des Beaux-Arts ». Cette association se donnait<br />

pour objectifs premiers de ranimer le goût de la peinture et d’organiser des expositions<br />

annuelles n’admettant que des artistes vivants.<br />

Pour être sociétaire, il suffisait de s’inscrire et de payer une cotisation annuelle.<br />

Au terme des expositions, l’argent des souscriptions était employé à l’achat d’objets<br />

d’art, à répartir entre les souscripteurs par loterie.<br />

Pour la première exposition, le 4 avril 1830, le Comité directeur s’associe<br />

avec la Société d’Émulation, déjà expérimentée en la matière. Le résultat est satisfaisant<br />

au vu de l’agitation politique du temps : 108 artistes envoient 233 œuvres. Le<br />

succès de l’exposition laissait penser que l’association prendrait un certain essor<br />

mais les événements de 1830 bousculent les pronostics et les sociétaires se dispersent.<br />

Il en résulte une dissolution de fait.<br />

Renaissance et déploiement<br />

En 1833, Louis Jamme, bourgmestre et amateur de peinture, prit l’initiative de la<br />

reconstitution d’une nouvelle Société pour l’encouragement, destinée, à terme, à<br />

former un musée communal. En peu de temps, son appel réunit 256 actionnaires.<br />

Le 25 février, les autorités de la Ville accordent une somme bisannuelle de<br />

3 000 francs pour l’achat d’objets d’art en vue d’étoffer le futur musée. L’objectif de<br />

cette subvention est le suivant : « […] il est d’un grand intérêt d’encourager et de<br />

faciliter les progrès des beaux-arts, d’en développer le goût et de protéger ceux qui<br />

les cultivent » 1 . La création de la Société est officiellement approuvée le 23 octobre<br />

suivant. En voici les grandes lignes directrices.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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La tutelle communale<br />

En 1844, survient un événement capital pour la création des musées à <strong>Liège</strong>. Alors<br />

que la Commission directrice est la seule à statuer sur le choix des œuvres réservées<br />

au futur musée communal, des contestations, venues de l’Académie, se font entendre.<br />

Il est reproché à la Société de ne pas choisir des œuvres suffisamment intéressantes<br />

pour constituer un support d’étude et donc, d’enseignement. La commission administrative<br />

de l’Académie réclame, en conséquence, la révision de l’article concernant<br />

l’autorité apte à choisir les tableaux. Poussée par la controverse, le Collège communal<br />

décide qu’à l’avenir, le choix des tableaux à acquérir pour le musée serait<br />

soumis à sa ratification. L’exposition de 1844 qui fait suite à ces démêlés ne rencontre<br />

pas le succès escompté.<br />

Christian Bokelmann, Le Vieux Savetier, 1873<br />

Huile sur toile, 79 x 65 cm.<br />

Acquis au Salon de 1875, pour loterie, et donné<br />

au musée par le notaire Léonard Jamar en 1887.<br />

[AM352]<br />

Les luttes intestines au sein de la Société tourmentent son pouvoir décisionnel.<br />

Elles sont provoquées essentiellement par des divergences quant aux tendances<br />

artistiques à promouvoir lors des Salons. Il n’est plus possible de s’entendre sur les<br />

politiques d’achat et la Commission est contrainte d’abandonner la direction au<br />

Collège échevinal. Dès 1847, celui-ci nomme les administrateurs et les expositions<br />

deviennent triennales ; les statuts sont révisés et transforment l’association en institution<br />

publique, ce qui lui donne une organisation plus solide.<br />

Les expositions de 1847 et de 1850 sont encore assez prospères mais, peu<br />

à peu de nombreux membres se retirent de la Société. De plus, de nouvelles dissensions<br />

se produisent à propos des acquisitions pour la loterie et pour le musée : certains<br />

préfèrent acheter des toiles de maîtres et d’autres des tableaux moins importants<br />

; on discute sur les tendances artistiques à donner au musée ; chaque école<br />

(belge, française ou allemande) a ses partisans et ses détracteurs.<br />

Une tendance parmi d’autres<br />

Sans conteste, les achats répondent aux prédilections des membres du comité<br />

d’acquisition de la Société. Entre 1846 et 1857, le Romantisme allemand est largement<br />

représenté dans les Salons et parmi les sélections d’achat.<br />

Comme exemple frappant, on peut citer l’engouement du milieu artistique<br />

liégeois pour une Sainte Edwige de Silésie de Wilhelm von Schadow, exposée au<br />

Salon 1847, au terme de laquelle l’œuvre est achetée. Cet artiste, initiateur et chef<br />

de file de l’école de Düsseldorf, trouve des affinités partagées au sein du jury de<br />

sélection ; Auguste Chauvin, peintre liégeois et Directeur de l’Académie, entouré<br />

d’un cartel de sympathisants 3 , parvient à défendre les intérêts de celui qui fut son<br />

maître. Cet appui crée un courant d’intérêt palpable lors des Salons et qui, par voie<br />

de conséquence, se constitue une part belle dans les collections du musée. D’autres<br />

toiles, appartenant au même courant, sont finalement acquises 4 .<br />

1. Voir : Renier Malherbe, Société Libre d’Émulation de <strong>Liège</strong>,<br />

Liber memorialis 1779-1879, <strong>Liège</strong>, 1879.<br />

2. Sont présents : Eugène et Louis Verboeckhoven, Guillaume<br />

et Joseph Geefs, Eugène Simonis, Louis Gallait, François<br />

Bossuet, Jean-Baptiste Van Eycken, …<br />

3. À ses côtés, Richard Burnier (élève du peintre Achenbach,<br />

de l’école allemande), Jules Helbig (peintre d’histoire professant<br />

à l’Académie de <strong>Liège</strong>) et Jean-Mathieu Nisen.<br />

4. Citons entre autres : La Forêt de hêtres de Hans Gude<br />

(expo de 1862), La Vue de Naples d’Oswald Achenbach<br />

(expo de 1864), Le Vieux Savetier de Christian Bokelmann<br />

(expo de 1875), L’Infanterie en retraite de Christian Sell<br />

(expo de 1864) et la Sémiramis de Christian Köhler (expo<br />

de 1853).<br />

La poursuite des Salons<br />

Dès 1853, la Ville propose à la Société d’Émulation de lui rendre l’organisation des<br />

expositions mais ce n’est qu’en 1857 qu’elles s’entendent sur une organisation<br />

commune. Cette même année, le salon acquiert un succès considérable et bon<br />

nombre d’artistes belges et étrangers sont représentés.<br />

Une sous-commission de trois membres est finalement créée en 1858, afin<br />

de choisir les œuvres susceptibles de participer aux Salons. Cette mesure permet<br />

de sélectionner des œuvres d’une certaine qualité tandis que les expositions reprennent<br />

une cadence bisannuelle. Les années 1860, 1862, 1864 et 1866 témoignent d’une<br />

exceptionnelle fréquentation, mais une interruption se poursuit jusqu’en 1872.<br />

La plupart des expositions ont lieu dans les salles de l’Émulation, certaines<br />

dans l’ancienne église Saint-André. Parfois, quand c’est nécessaire, la Salle académique<br />

de l’Université sert d’annexe. En 1902, elles s’établissent dans les nouveaux<br />

locaux du musée des Beaux-Arts de la Ville de <strong>Liège</strong> (rue de l’Académie) avant<br />

d’être organisées, dès 1905, au palais des Beaux-Arts du parc de la Boverie.<br />

Les Salons se perpétuent irrégulièrement jusqu’au 10 février 1921, date à<br />

laquelle notre « Société pour l’Encouragement des Beaux-Arts » se mue en « Société<br />

royale des Beaux-Arts ». Les Salons se poursuivent toutefois sans discontinuer.<br />

Les 92 années de notre « Société pour l’Encouragement des Beaux-Arts »<br />

n’auront donc pas été vaines et les buts qu’elle s’était fixés sont amplement atteints.<br />

Grâce à son œuvre, un musée communal est créé avec, parmi ses collections, les<br />

grandes tendances artistiques du xix e et du xx e siècles. Aujourd’hui, dans la continuité<br />

de cette Société, les musées de <strong>Liège</strong> conjuguent leur force pour prendre le relais et<br />

poursuivre les objectifs de transmission et de diffusion des Beaux-Arts.<br />

•<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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Pierre Colman<br />

Professeur émérite de l’Université de <strong>Liège</strong><br />

Membre de l’Académie royale des Sciences,<br />

des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique<br />

Le buste en bronze de Lambert de Liverlo<br />

Interrogations<br />

« Combien de Liégeois ont-ils fait couler<br />

leur buste en bronze ? », question à<br />

poser, si la conversation vient à languir,<br />

dans une réunion d’amateurs d’art tels<br />

que les lecteurs de <strong>Liège</strong>•museum. La<br />

bonne réponse, c’est, que je sache,<br />

« un seul ». Question subsidiaire : « Où<br />

l’œuvre est-elle ? ». La réponse fuse :<br />

« Au Grand Curtius, et c’est une de ses<br />

œuvres majeures ».<br />

Quand un buste antérieur au xix e siècle<br />

est en bronze, on est en présence d’un<br />

empereur, d’un roi, d’un prince, un peu<br />

comme pour les statues équestres,<br />

ou alors d’un pape ou d’un cardinal. Ce<br />

Lambert de Liverlo qui s’en est offert un<br />

n’était pas un personnage aussi considérable.<br />

Né en 1621 dans une famille<br />

liégeoise fort en vue, il est chanoine de<br />

la cathédrale Saint-Lambert avant l’âge<br />

de vingt-cinq ans. Vingt ans plus tard, il<br />

est le chancelier du prince-évêque<br />

Maximilien-Henri de Bavière, son premier<br />

ministre en quelque sorte. Il est à la tête<br />

du clan francophile en un temps où<br />

l’orgueil agressif du « Roi-Soleil » met<br />

l’Europe à feu et à sang. Il séjourne<br />

souvent à Paris. Victime des manœuvres<br />

du clan adverse, celui de l’Espagne, il<br />

est jeté en prison. Il y meurt en 1693.<br />

Il laisse le souvenir d’un grand amateur<br />

d’art. C’est vers 1670, au sommet de<br />

sa carrière, qu’il fait réaliser le buste. Par<br />

Del Cour ont longtemps prétendu les<br />

connaisseurs ou prétendus tels. C’était<br />

sans conteste en son temps le plus<br />

talentueux des sculpteurs actifs à <strong>Liège</strong>.<br />

Le chancelier, de dix ans son aîné, lui a<br />

bel et bien fait sculpter son effigie, qui<br />

n’est pas venue jusqu’à nous, mais a<br />

laissé des traces écrites. Elle avait été<br />

taillée dans le marbre. Aucun buste en<br />

bronze de la main de Jean Del Cour<br />

n’est répertorié. Celui qui trône au Grand<br />

Curtius n’est pas de lui. René Lesuisse,<br />

le premier à l’étudier avec tout le sérieux<br />

requis, s’en était convaincu dès<br />

1953 ; sans parvenir à ébranler une<br />

conviction bien ancrée.<br />

Le Grand Curtius ne va pas cesser<br />

pour autant d’être un lieu de délices<br />

pour les admirateurs du « Maître de<br />

Hamoir », comme on le nomme parce<br />

qu’il est né tout près de là, à Xhignesse.<br />

Ils ne se lassent pas d’y admirer la<br />

collection, si longtemps partagée entre<br />

plusieurs musées, de bozzetti, fascinantes<br />

esquisses en terre cuite.<br />

Mais alors, de qui est-il, notre buste ?<br />

De Gérard-Léonard Hérard, je le<br />

soutiens. Aujourd’hui très injustement<br />

oublié, cet excellent sculpteur, né à<br />

<strong>Liège</strong> en 1636, meurt en 1675 à Paris<br />

avant d’avoir atteint l’âge de quarante<br />

ans. Il y a fait carrière dans le sillage<br />

d’un autre Liégeois, fameux, lui, Jean<br />

Warin, l’auteur du buste du cardinal de<br />

Richelieu. Cette œuvre célèbre, il l’a<br />

prise ici pour modèle, et il l’a égalée.<br />

Passé maître, comme Warin, dans l’art<br />

subtil de la médaille, Hérard en a créé<br />

une pour Lambert de Liverlo. La ressemblance<br />

avec le buste, éclairante à souhait,<br />

conduit à la certitude, ou peu s’en faut.<br />

À l’actif de Gérard-Léonard, un autre<br />

portrait, celui du chancelier Séguier, en<br />

marbre blanc celui-là, qui est exposé au<br />

Louvre, excusez du peu. Mais aussi<br />

plusieurs des innombrables statues<br />

dont s’ornent les façades du château<br />

de Versailles. Et les Liégeois, dans leur<br />

écrasante majorité, ignorent tout de<br />

lui…<br />

Pour en savoir plus<br />

- P. Hanquet, Les Liverlo à <strong>Liège</strong>, <strong>Liège</strong>, 1963.<br />

- R. Lesuisse, Le sculpteur Jean Del Cour, Nivelles, 1953.<br />

- M. Lefftz, Jean Del Cour, Bruxelles, 2007.<br />

- P. Colman, Gérard-Léonard Hérard (1636-1675),<br />

médailleur et sculpteur liégeois au service de Louis XIV,<br />

dans C. Carpeaux (dir.), Les Wallons à Versailles, <strong>Liège</strong>,<br />

•<br />

2007, p. 281-293.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

46<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

47<br />

De gauche à droite<br />

- Médaille de Lambert de Liverlo, par Gérard-Léonrad Hérard, 1670, bronze.<br />

Cabinet des Médailles de la Bibliothèque royale de Belgique. Photo de l’auteur.<br />

- Buste de Lambert de Liverlo. Grand Curtius.<br />

- Buste de Richelieu par Jean Warin (1604-1672), 1641-1643, bronze.<br />

Musée municipal de Richelieu, Richelieu.<br />

- Buste de Pierre Séguier, par Gérard-Léonrad Hérard, 1673, marbre.<br />

Musée du Louvre, Paris, © Wikicommons.


Le Grand Curtius<br />

Musée d’Ansembourg<br />

Musée d’Art wallon<br />

Salle Saint-Georges<br />

Fonts baptismaux<br />

Office du tourisme<br />

Musée de la Vie wallone<br />

Gare de <strong>Liège</strong>-Palais<br />

Archéoforum<br />

<strong>Liège</strong>• museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

Opéra<br />

Théâtre de la Place<br />

Musée Grétry<br />

Galerie Wittert, Université de <strong>Liège</strong><br />

Trésor de la cathédrale<br />

Musée Tchantchès<br />

Maison de la Science, Aquarium<br />

Les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />

museum@liege.be<br />

Le Grand Curtius<br />

136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 68 40.<br />

Du mercredi au lundi, de 10 à 18 h.<br />

Conservatoire<br />

Musée d’Ansembourg<br />

114, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 94 02.<br />

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.<br />

Musée d’Art wallon<br />

+ Salle Saint-Georges<br />

86, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 92 31.<br />

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 18 h.<br />

Musée Grétry<br />

34, rue des Récollets / +32 (0)4 343 16 10.<br />

Mardi et vendredi de 14 à 16 h, samedi de 10 à 12 h<br />

+ sur demande.<br />

Musée d’Art moderne et d’Art contemporain<br />

+ Cabinet des Estampes et des Dessins<br />

3, parc de la Boverie / +32 (0)4 342 39 23.<br />

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.<br />

MADmusée<br />

Maison de la Métallurgie et de l’Industrie<br />

Musée des Transports en commun du pays de <strong>Liège</strong><br />

Musée d’Art moderne et d’Art contemporain<br />

Cabinet des Estampes et des Dessins<br />

Gare de <strong>Liège</strong>-Guillemins<br />

Musée en plein Air, Sart Tilman, Université de <strong>Liège</strong><br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 2, mai 2011<br />

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