Liège Museum n°2
Le Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : les partenaires des musées, Lambert Lombard, Armand Rassenfosse, Biennale de gravure...
Le Bulletin des musées de la Ville de Liège.
A lire notamment : les partenaires des musées, Lambert Lombard, Armand Rassenfosse, Biennale de gravure...
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<strong>Liège</strong>•museum<br />
bulletin des musées de la Ville de <strong>Liège</strong> n° 2 mai 2011<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
49
Sommaire<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
Bulletin des musées de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />
museum@liege.be<br />
Imprimé à 3 000 exemplaires sur papier recyclé, sans chlore,<br />
par l’Imprimerie de la Ville de <strong>Liège</strong>.<br />
Photos : sauf mention contraire, Ville de <strong>Liège</strong><br />
(Marc Verpoorten, Yvette Lhoest).<br />
<strong>Liège</strong>, mai 2011, n° 2.<br />
partenaires<br />
expositions<br />
par ailleurs<br />
4 IRPA<br />
L’Institut royal du Patrimoine artistique et les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />
7 Une journée d’étude in situ au musée d’Ansembourg<br />
8 Histoire à tous les étages<br />
L’Archéoforum sous la place Saint-Lambert<br />
11 Du pigment à l’atome<br />
Les collections et le Centre européen d’Archéométrie (Université de <strong>Liège</strong>)<br />
12 Art&fact<br />
Focus sur des collaborations avec les musées de <strong>Liège</strong><br />
14 La Communauté française<br />
et les musées de <strong>Liège</strong><br />
16 Institut archéologique liégeois<br />
I.A.L. et Ville de <strong>Liège</strong> : une collaboration de plus d’un siècle<br />
17 Les bronzes mithriaques d’Angleur<br />
Dépôts de l’I.A.L. au Grand Curtius<br />
18 Amis des musées<br />
Les Amis du musée d’Armes de <strong>Liège</strong><br />
Les Amis du musée d’Art religieux et d’Art mosan<br />
20 Un fantôme près du Curtius au xvii e siècle<br />
Histoire de revenants<br />
24 Agenda des expositions temporaires<br />
26 Expositions temporaires<br />
29 « Pour ouvrir le bal… »<br />
30 « Expo des Expos »<br />
32 Armand Rassenfosse (1862-1934)<br />
graveur, affichiste et illustrateur liégeois<br />
34 Lambert Lombard : deux nouveaux dessins<br />
35 L’Association Francophone des Musées de Belgique<br />
36 Prix de la 8 e Biennale internationale de gravure contemporaine<br />
37 « Curtius Circus »<br />
38 Musées/Université<br />
Le musée comme « boîte à outils »<br />
Pourquoi programmer une formation en guidage muséal… ?<br />
40 Les « grands fonds »<br />
du département des Arts décoratifs du Grand Curtius<br />
42 Des Beaux-Arts en Société<br />
Les débuts de la collection des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />
46 Le buste en bronze de Lambert de Liverlo<br />
Interrogations<br />
parlons-en<br />
Un rapide recensement dans les musées de<br />
<strong>Liège</strong> nous apprend que l’on y parle, parmi les<br />
gardien[ne]s et agent[e]s d’accueil, le kinyarwanda,<br />
l’italien, le sicilien, l’espagnol, le néerlandais,<br />
l’allemand, l’anglais, le serbo-croate<br />
ou plutôt – linguistiquement plus correct – le<br />
BCMS (variations bosniaque, croate, monténégrine<br />
et serbe), l’albanais, le lingala, le grec,<br />
différents dialectes de l’arabe, l’arabe littéraire,<br />
le swahili, le kirundi, et j’en oublie probablement.<br />
Ce trésor culturel sera prochainement rendu<br />
sensible dans les musées, à la fois pour manifester<br />
notre empathie vers toutes les cultures<br />
du monde et rendre à chacun[e] ses mérites<br />
et son savoir.<br />
Jean-Marc Gay<br />
Les musées de la Ville de <strong>Liège</strong> mobilisent directement plus de cent personnes,<br />
auxquelles s’ajoutent ceux et celles qui, dans d’autres services (administration de la<br />
culture, protocole, menuiserie, transport, services techniques, …) ou à l’échevinat de<br />
la culture, contribuent à leur vie.<br />
Mais un musée ne peut fonctionner sans partenaires : ils lui apportent de<br />
manière régulière conseils, financements, projets, propositions d’acquisition et de<br />
restauration ou soutien logistique. Nés souvent de la volonté et du travail de groupes<br />
de citoyens actifs, les musées, quels qu’ils soient, ne pourraient aujourd’hui assumer<br />
de vivre dans un splendide isolement. Une partie de leurs moyens, de leurs collections,<br />
leur aura, leur enrichissement, leur renommée, dépendent de partenaires institutionnels<br />
et de la bonne volonté de groupements issus de la société civile.<br />
Dans cette deuxième livraison, <strong>Liège</strong>•museum s’intéresse à quelques-uns de ces<br />
partenaires fidèles, qui ont fait l’histoire des musées ou qui construisent aujourd’hui<br />
avec eux leur avenir. Ils sont si nombreux qu’un seul numéro ne suffira pas à épuiser<br />
le sujet, pourtant déjà abordé en janvier 2011 avec notamment un article sur le<br />
Fonds Constant. L’IRPA, la Communauté française de Belgique, l’Institut archélogique<br />
liégeois, l’AFMB, l’Université de <strong>Liège</strong> sont quelques-uns de ces partenaires.<br />
<strong>Liège</strong>•museum s’ouvre aussi à d’autres institutions liégeoises, dont le destin<br />
est lié à celui des musées de la Ville : l’Archéoforum, le Trésor de la cathédrale sont<br />
présents dans la revue, comme ils sont présents dans les projets des musées.<br />
D’autres collaborations, tout aussi importantes, seront présentées dans les prochains<br />
numéros.<br />
Que tous ces partenaires et compagnons de route reçoivent ici nos remerciements :<br />
leur participation à la revue des musées de la Ville de <strong>Liège</strong> est pour nous un encouragement.<br />
L'Échevin de la Culture<br />
Directeur des musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />
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n° 2, mai 2011<br />
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Dès l’origine, le travail des trois piliers – toujours actuels – de l’IRPA (laboratoires,<br />
ateliers de conservation-restauration et archives photographiques) est conçu selon<br />
un principe de complémentarité qui oblige à surmonter bien des obstacles, mais<br />
permet d’investiguer les œuvres d’art selon toutes leurs dimensions. Les ateliers de<br />
conservation-restauration étudient la technique des objets et assurent le traitement<br />
des pièces majeures du patrimoine artistique de la Belgique autant parfois que du<br />
patrimoine belge à l’étranger. Les laboratoires analysent essentiellement les matériaux<br />
constitutifs des œuvres d’art et des monuments et offrent leurs conseils pour<br />
en confirmer l’authenticité ou en assurer une meilleure conservation. La Direction de<br />
la Documentation gère, elle, la richissime photothèque du patrimoine national et<br />
développe de multiples recherches d’histoire de l’art. L’Institut regroupe donc historiens<br />
d’art, chimistes, physiciens, restaurateurs et photographes dans une optique<br />
de travail interdisciplinaire. La structure de l’institution, pionnière, a été souvent<br />
imitée à l’étranger : elle reste un modèle pour beaucoup de pays.<br />
Archives photographiques<br />
La photothèque comprend aujourd’hui un million de clichés. Eu égard à la taille de<br />
la Belgique, c’est certainement la plus riche collection au monde relative au patrimoine<br />
d’un seul pays. La Belgique est par exemple l’État qui possède la meilleure<br />
couverture photographique du patrimoine de ses églises. On sait peu que, dès les<br />
années 1950, en particulier grâce à un jeune historien d’art nommé Pierre Colman,<br />
des inventaires extrêmement détaillés ont été réalisés dans de nombreux édifices<br />
liégeois. Les musées Curtius, d’Ansembourg et des Beaux-Arts, en particulier, ont<br />
fait l’objet de multiples missions d’inventaire photographique. C’est ainsi que l’IRPA<br />
a longtemps fait office de véritable service photo pour ces musées.<br />
Ce qui est exceptionnel dans cette photothèque, c’est que chaque cliché est<br />
accompagné de son négatif conservé dans un abri climatisé en sous-sol. Chaque<br />
photo peut ainsi être acquise par les citoyens intéressés. Cette notion de service au<br />
public est fondamentale dans la philosophie qui préside aux activités de l’institution.<br />
Pour ce motif, l’IRPA a entrepris l’informatisation<br />
de sa photothèque : les deux<br />
tiers des clichés sont déjà consultables<br />
gratuitement sur le site www.kikirpa.be.<br />
Depuis une vingtaine d’années,<br />
les prises de vue se font en couleur et le<br />
format numérique est aujourd’hui généralisé.<br />
Comme il n’est pas imaginable de<br />
rephotographier tout le patrimoine belge<br />
en couleur, deux priorités ont été décidées.<br />
D’une part, l’Institut entend poursuivre<br />
l’enregistrement des œuvres d’intérêt<br />
qui ne sont pas encore répertoriées.<br />
D’autre part, il privilégie la reproduction<br />
Pierre-Yves Kairis<br />
Chef de la Conservation-restauration<br />
à l’IRPA<br />
I R P A<br />
L’Institut royal du Patrimoine artistique et les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />
L’Institut royal du Patrimoine artistique<br />
(IRPA) est un établissement scientifique<br />
fédéral chargé de l’étude et de la<br />
conservation du patrimoine de<br />
l’ensemble de la Belgique. Créé en<br />
1948, il est issu des Musées royaux<br />
d’Art et d’Histoire et se situe, comme<br />
les musées, à la lisière du parc du<br />
Cinquantenaire à Bruxelles.<br />
Le bâtiment de l’IRPA érigé en 1962<br />
et aujourd’hui classé ; cliché G3277.<br />
Assiettes du XVIII e siècle photographiées dans le cadre<br />
de la mission d’inventaire au Musée Curtius en 1959, Grand<br />
Curtius ; cliché B181470.<br />
Eugène Boudin, Vue du port de Trouville à marée haute,<br />
1880, Musée d’Art moderne et d’Art contemporain ;<br />
cliché B19081 pris en 1914<br />
et cliché KM14147 pris en 2002.<br />
Statue du Christ de Rausa (vers 1230) vue de haut,<br />
Grand Curtius ; cliché Y001248 pris au MARAM en 2003.<br />
© IRPA-KIK, Bruxelles.<br />
en couleur des œuvres majeures dont il<br />
ne possède qu’un cliché en noir et blanc.<br />
C’est ainsi que différentes missions ont<br />
été organisées au cours des dernières<br />
années dans les musées de <strong>Liège</strong> afin<br />
d’y rephotographier quelques-unes des<br />
pièces exceptionnelles des collections.<br />
C’est aux missions photographiques<br />
qu’ont longtemps été affectés la plupart<br />
des historiens d’art de l’IRPA. Leurs tâches<br />
couvrent aujourd’hui de plus en plus amplement<br />
des recherches selon un spectre<br />
relativement large de l’histoire de l’art belge :<br />
peinture, sculpture, orfèvrerie, vitrail, photographie,<br />
gravure, enluminure, papier peint,<br />
etc. Ce qui les conduit naturellement dans<br />
les musées liégeois. Une importante recherche<br />
récemment menée sur la polychromie<br />
dans la sculpture mosane a par<br />
exemple permis le réexamen approfondi<br />
de diverses statues jadis au musée d’Art<br />
religieux et d’Art mosan. Les résultats de<br />
ces analyses ont été transmis au musée<br />
et les dessins de la reconstitution de la polychromie<br />
originale de certaines statues sont<br />
maintenant présentés dans les salles du<br />
Grand Curtius à proximité de l’objet concerné.<br />
Ces reconstitutions permettent au<br />
public de mieux appréhender le rôle crucial<br />
joué par ces polychromies aujourd’hui disparues<br />
dans la perception de l’œuvre originale,<br />
souvent bien éloignée de l’image<br />
que nous nous en faisons.<br />
Conservation-restauration<br />
La collaboration avec les différents musées<br />
de la Ville de <strong>Liège</strong> a toujours été intense<br />
en matière de restauration. Des centaines<br />
de pièces de l’ancien musée du Verre ont<br />
par exemple été traitées dans les ateliers<br />
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de l’IRPA, de même que la majorité des statues médiévales de l’ancien MARAM. Ce<br />
n’est pas le lieu de détailler ces interventions tant elles ont été nombreuses, spécialement<br />
au cours de ces dernières années, dans la perspective de l’ouverture du Grand<br />
Curtius. Bien entendu, toute œuvre traitée par l’Institut fait l’objet de reportages photographiques<br />
détaillés, avant, pendant et après traitement. Les différentes pièces qui<br />
composent par exemple les reliquaires orfévrés sont photographiées isolément après<br />
démontage, comme ce fut le cas pour le magnifique triptyque-reliquaire du xii e siècle<br />
déposé par la fabrique de l’église Sainte-Croix à <strong>Liège</strong> et dont peut s’enorgueillir la<br />
section d’Art mosan du Grand Curtius.<br />
Ces dernières années, quelques projets de conservation-restauration de grande<br />
ampleur ont été menés sur les collections de la Ville de <strong>Liège</strong>. Il faut avant tout reconnaître<br />
que peu de choses auraient pu être réalisées sans l’aide des fonds du<br />
patrimoine de la Fondation Roi Baudouin, singulièrement le Fonds David-Constant<br />
qu’Anne De Breuck a présenté dans le premier numéro de <strong>Liège</strong>•museum.<br />
Citons au premier rang la restauration de quatre toiles majeures de Lambert<br />
Lombard découvertes en 1989 dans les réserves du bâtiment de la Boverie et qui<br />
complètent un ensemble de tableaux repérés par l’IRPA dans le Limbourg lors de la<br />
vaste opération d’inventaire photographique du mobilier des sanctuaires de Belgique.<br />
Ce cycle de huit tableaux sur le thème des femmes héroïques de l’Antiquité ornait à<br />
l’origine l’église abbatiale de Herkenrode et il a été démembré à la Révolution. Avec<br />
l’appui du Fonds Inbev-Baillet-Latour, ces tableaux ont été réunis pour la première<br />
fois depuis lors à l’IRPA à l’occasion de la campagne de restauration (2004-2006).<br />
Cette campagne a débouché sur la magnifique rétrospective que la Ville de <strong>Liège</strong> a<br />
organisée en 2006 sous le patronage de l’UNESCO, dans le cadre du cinquième<br />
centenaire de la naissance de celui qui fut le chantre de la Renaissance au pays de<br />
<strong>Liège</strong>. L’IRPA a assuré la publication du catalogue de l’exposition dans sa série<br />
Scientia Artis, avec la collaboration scientifique des meilleurs spécialistes de l’artiste.<br />
Cette publication interdisciplinaire de 534 pages (éditée également en néerlandais)<br />
constitue une véritable somme sur Lambert Lombard et son environnement.<br />
Une collaboration importante fut également mise sur pied dans la perspective<br />
de l’exposition organisée en 2007 pour commémorer le tricentenaire de la mort du<br />
grand sculpteur baroque Jean Del Cour. L’exposition fut montée par le musée d’Art<br />
religieux et d’Art mosan en l’église Saint-Barthélemy nouvellement restaurée. À cette<br />
occasion, l’IRPA a assuré d’importantes interventions sur douze sculptures en bois.<br />
Il a par ailleurs pris en charge un ensemble de dix-neuf bozzetti des collections communales<br />
; il s’agit de petites ébauches en terre cuite par lesquelles le sculpteur<br />
modelait la forme envisagée pour ses futures statues. Une équipe d’une<br />
dizaine de restaurateurs a été ainsi mobilisée pendant une grosse année.<br />
Les traitements de conservation et de restauration offrant une opportunité<br />
exceptionnelle pour étudier et comprendre les objets et leur mise en<br />
œuvre, l’examen a permis de visualiser par l’étude stratigraphique sous microscope<br />
binoculaire les couches originales, parfois polychromées, des différentes statues de<br />
Del Cour et ses épigones. Les laboratoires de l’IRPA ont de leur côté procédé à<br />
d’utiles recherches permettant de confronter les analyses sur la composition chimique<br />
de ces couches picturales avec les recettes préconisées dans les traités anciens.<br />
L’IRPA ne se contente pas de traiter les objets en ses ateliers. À la demande<br />
du propriétaire, il peut aussi assurer la supervision de traitements menés par des<br />
restaurateurs indépendants de haut niveau. Ce fut le cas pour le très bel ensemble<br />
d’huiles du début du xix e siècle de Gilles-François-Joseph Closson conservées<br />
au cabinet des Estampes et des Dessins ; elles viennent d’être restaurées sous<br />
la supervision d’une spécialiste de l’IRPA et avec la collaboration de ses<br />
laboratoires. Cette restauration s’inscrit dans le cadre d’un grand projet<br />
d’exposition qui permettra de revaloriser un védutiste aussi exceptionnel<br />
que méconnu.<br />
Réunion d’experts<br />
L’IRPA reste plus que jamais attentif au patrimoine des musées liégeois. Dans le<br />
cadre de ses activités scientifiques, l’Institut a organisé au début de cette année une<br />
journée d’étude au musée d’Ansembourg, afin de déterminer les éléments d’origine<br />
et d’identifier les nombreuses restaurations dont le bâtiment a fait l’objet jusqu’à ce<br />
jour. Une trentaine de spécialistes ont été réunis pour débattre de l’architecture et<br />
des décors. Nul doute que les réflexions émises à cette occasion s’avéreront fort<br />
utiles pour la restauration imminente de cet édifice prestigieux.<br />
•<br />
Une journée d’étude in situ au musée d’Ansembourg<br />
organisée par l’IRPA le 29 janvier 2011<br />
Cet hôtel de maître a été construit pour le De différentes qualités, les boiseries sont réalisées<br />
avec plus ou moins de finesse selon leur<br />
banquier Michel Willems entre 1738 et 1741.<br />
En 1799, sa petite-fille épouse le comte de destination. Les bois les plus nobles et les<br />
Marchant d’Ansembourg, lieutenant des plus ouvragés sont utilisés pour les boiseries<br />
gardes du prince-évêque François-Charles visibles. Ils n’étaient probablement pas peints.<br />
de Velbrück. La maison est rachetée en 1903 Certaines boiseries peintes aujourd’hui en faux<br />
par la Ville de <strong>Liège</strong> et devient musée d’Arts chêne pourraient, dès lors, être le témoignage<br />
décoratifs en 1905.<br />
de restaurations du xix e siècle.<br />
Comme bon nombre de demeures patriciennes Pour les cheminées, on apprendra qu’elles<br />
construites au xviii e siècle, la répartition des étaient mobiles et que quelques manteaux de<br />
espaces s’inspire de modèles architecturaux cheminées ont pu être intervertis entre une ou<br />
étrangers tels quel le traité d’architecture de plusieurs demeures. En effet, dans certains cas,<br />
Blondel. L’édifice obéit à des conventions de les lambris et les décors des cheminées de la<br />
bienséance, il est le reflet du statut social et maison d’Ansembourg présentent des incohérences<br />
: décalages d’alignements entre la partie<br />
de l’érudition du propriétaire. Les choix des<br />
décors prennent ainsi toute leur importance. supérieure de certains manteaux et les limites<br />
de corniches de plafonds. Parfois, des lambris<br />
ont été réajustés lors de modifications de décors.<br />
Les montants d’une cheminée semblent<br />
même avoir été recoupés à hauteur des volutes.<br />
Les fenêtres du rez-de-chaussée ne sont<br />
pas d’origine. Leur mécanisme à guillotine ne<br />
semble pas usité dans notre région au xviii e .<br />
D’un point de vue technique, on peut distinguer<br />
la main d’un maître et celle de ses élèves<br />
(plus experte ou plus raide). Au xviii e siècle, le<br />
blanc des stucs est poli. Le bleu est réalisé à<br />
partir de smalt et de colle animale ; plus tard, il<br />
sera remplacé par du bleu de Prusse. Dans la<br />
restauration de l’édifice, il faudrait nettoyer les<br />
stucs existants plutôt qu’envisager un décapage<br />
de la couleur synthétique actuelle.<br />
Jean Del Cour (1631-1707), Guerrier romain blessé,<br />
Grand Curtius ; cliché X012410 après restauration en 2007<br />
et cliché LY008752 avant restauration.<br />
Morceaux du triptyque-reliquaire de la sainte croix<br />
(vers 1160), Grand Curtius ;<br />
cliché KN6147 pris en cours de traitement en 1996.<br />
© IRPA-KIK, Bruxelles.<br />
À l’issue de cette journée, il s’avère que le<br />
bâtiment a été fortement remanié au cours du<br />
temps. Tenter de le restaurer en l’état du xviii e<br />
siècle impliquerait la suppression d’éléments<br />
qui font partie intégrante de sa vie.<br />
Il se dessine le projet de retrouver un ensemble<br />
cohérent, ne visant pas une restitution<br />
exacte du bâtiment à une époque donnée mais<br />
plutôt la conservation des empreintes qui font<br />
l’histoire de l’édifice : une adéquation entre la<br />
restauration et la conservation.<br />
Christelle Schoonbroodt<br />
Historienne de l’art<br />
Musées de <strong>Liège</strong><br />
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L’Archéoforum sous la place Saint-Lambert<br />
Histoire à tous les étages<br />
Archéoforum de <strong>Liège</strong><br />
Place Saint-Lambert.<br />
Ouvert du mardi au vendredi de 9 à 17 h,<br />
les week-ends et jours fériés de 10 à 17 h.<br />
Tél. : 04 250 93 70.<br />
archeo@archeoforumdeliege.be<br />
www.archeoforumdeliege.be<br />
Distants d’un peu moins<br />
de huit cents mètres,<br />
l’Archéoforum et le Grand<br />
Curtius développent aujourd’hui<br />
des collaborations, des<br />
liens scientifiques, des rapprochements<br />
pédagogiques,<br />
assumant dans le contexte<br />
muséal liégeois la complémentarité<br />
de leurs objectifs.<br />
Partir à la découverte de <strong>Liège</strong> et de son riche passé, c’est participer de nos jours à<br />
un jeu de piste ponctué de nombreux monuments et de riches institutions muséales<br />
composant un paysage culturel multiple. Une réalité éclatée qui se joue de la logique<br />
pure pour épouser les aléas du temps. Une absence de cartésianisme, vécue trop<br />
souvent comme un handicap mais qui favorise, avec liberté, des interprétations plurielles,<br />
diversifiées, ouvertes au dialogue, à la confrontation ou à la poésie, battant<br />
en brèche les certitudes immuables et les visions formatées. Cette curieuse opportunité,<br />
c’est celle que, sans hésitation, les responsables des musées de la place ont<br />
décidé de saisir à travers une véritable politique de collaboration et de concertation.<br />
Avec ses vestiges de plus de 9 000 ans d’histoire, l’Archéoforum situé sous la place<br />
Saint-Lambert constitue le berceau de la ville. Au cœur de la Cité ardente, ce site<br />
archéologique remarquable blotti sous une couverture de pierre et de béton, dévoile<br />
ses charmes avec parcimonie. Pudeur archéologique.<br />
L’aventure commença il y a plus d’un siècle, en 1907. Lors de travaux éventrant<br />
la place, les siècles, les millénaires reprenaient vie. Les prévisibles fondations<br />
de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert, démontée par les Liégeois à la Révolution,<br />
côtoyaient désormais les vestiges d’un bâtiment gallo-romain du début de<br />
l’ère chrétienne. Puis en cherchant plus avant, des traces exceptionnelles d’occupation<br />
préhistorique indiquaient une présence humaine bien plus ancienne. Depuis<br />
cette étonnante moisson, le site toujours en cours de fouille actuellement n’a pas<br />
cessé de nous étonner. Pourtant il a bien failli être anéanti. Dans les dernières décennies<br />
du xx e siècle, perçues aujourd’hui comme les heures noires de l’urbanisme liégeois,<br />
différents projets successifs programmèrent la destruction totale ou partielle des<br />
vestiges. La lutte fut âpre, la déception parfois grande mais la mémoire de <strong>Liège</strong> fut<br />
sauvée. Propriété de la Région wallonne depuis 1997, l’aménagement du sous-sol<br />
fut confié à l’Institut du Patrimoine wallon en vue de son ouverture au public. En<br />
2003, l’Archéoforum vit le jour.<br />
D’emblée, la mission se voulait double. Il s’agissait de permettre d’abord,<br />
par une exploration systématique du sous-sol, une connaissance approfondie du<br />
passé de <strong>Liège</strong> mais également d’assurer la médiation constante des acquis en<br />
direction du public. Si la première tâche incombait aux équipes d’archéologues du<br />
Service public de Wallonie, la seconde, donner vie aux racines de la ville, fut confiée<br />
à une équipe d’animation composée d’historiens et d’historiens de l’art.<br />
Aujourd’hui, cette pédagogie de l’archéologie s’adresse, sous diverses offres, aux<br />
adultes et aux jeunes. La visite de l’Archéoforum constitue une sorte de préalable à<br />
toute découverte de l’histoire de la ville et de son ancienne principauté. Elle se<br />
présente comme une introduction aux autres institutions muséales liégeoises qui<br />
renferment souvent des pièces exceptionnelles en provenance du site. Ne citons<br />
pour exemple que le Trésor de la cathédrale Saint-Paul. Rénové en 2009, ce musée<br />
représente un formidable outil pour appréhender l’histoire et l’art de ce territoire<br />
enclavé entre la France et le Saint-Empire, creuset d’une culture originale, à la fois<br />
latine et germanique.<br />
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De son côté, le Grand Curtius présente notamment une magnifique section<br />
d’archéologie et d’art religieux dont plusieurs pièces majeures proviennent des fouilles<br />
de la place Saint-Lambert. Un trait d’union d’autant plus fort qu’il remonte à plus<br />
d’un siècle. En 1909, alors que le musée Curtius était fondé à l’initiative de l’Institut<br />
archéologique liégeois, s’ouvrait la Crypte archéologique, musée souterrain présentant<br />
in situ les vestiges découverts place Saint-Lambert deux ans avant, notamment<br />
le fameux hypocauste. Cette complémentarité allait se traduire ensuite par l’accueil<br />
à l’Archéoforum de pièces issues des collections du musée. Une synergie qui dicte<br />
l’actuel resserrement des liens dans un souci de cohérence muséale et éducative.<br />
Une vision des choses qui ne relève pas de la simple déclaration d’intention mais qui<br />
s’ancre dans une véritable pratique de partage des savoirs et<br />
des expériences. Misant sur une pédagogie active du patrimoine,<br />
les services spécialisés des deux institutions travaillent en étroite<br />
collaboration afin de développer un discours scientifique, didactique<br />
voire ludique à même d’intéresser l’ensemble du public et<br />
plus particulièrement les enseignants et les élèves des différents<br />
cycles. Le partenariat développé évite la redondance en privilégiant<br />
la richesse des échanges. Car la force de cette collaboration<br />
réside dans une approche patrimoniale à la fois complémentaire<br />
et différenciée en fonction des spécificités de chacun. L’étude<br />
interprétative in situ à l’Archéoforum et l’étude des collections<br />
archéologique et artistique au Grand Curtius, recourant à des<br />
méthodologies spécifiques, permettent d’aborder de différentes<br />
manières tant le passé de la ville de <strong>Liège</strong> que la civilisation occidentale<br />
de la préhistoire à nos jours.<br />
La volonté de collaboration qui anime les équipes de<br />
l’Archéoforum et du Grand Curtius est aussi partagée par les<br />
autres institutions muséales liégeoises comme le musée de la Vie<br />
wallonne ou le Trésor de la cathédrale. Elle est appelée à l’avenir<br />
à revêtir bien des aspects. Outre la question d’un fil d’Ariane, lien<br />
visuel reliant les places Saint-Lambert et Saint-Barthélemy, facilitant<br />
le cheminement entre ces deux pôles, c’est actuellement une<br />
réflexion de fond sur les collections qui est en cours. Autoriser, à<br />
partir de pièces issues du Grand Curtius, une meilleure compréhension<br />
des vestiges présents à l’Archéoforum en engageant le<br />
visiteur à découvrir l’ensemble muséal et inversement s’impose<br />
à tous. Travailler les uns avec les autres, sans arrière pensées, c’est<br />
se respecter mutuellement mais surtout être au service de tous.<br />
Une priorité pour des institutions culturelles comprises comme des<br />
instruments privilégiés de démocratie. •<br />
Photos G. Focant, © SPW.<br />
En haut : détail de chapiteau roman,<br />
photo P. Géron, © In Situ.<br />
Corinne Van Hauwermeiren<br />
Atelier de conservation-restauration<br />
Musées de <strong>Liège</strong><br />
Du pigment à l’atome<br />
Les collections des musées et le Centre européen d’Archéométrie (Université de <strong>Liège</strong>)<br />
En 1891, Maurice Denis écrivait que la peinture<br />
n’est qu’une surface plane recouverte<br />
de couleurs en un certain ordre assemblées.<br />
Mais que se passe-t-il sous la surface… ?<br />
Si les premières explorations au cœur de la<br />
matière ont pu être réalisées notamment grâce<br />
aux travaux de Röntgen par la radiographie et<br />
aux travaux de Van Asperen de Boer par l’étude<br />
du dessin sous-jacent sous rayonnements infrarouges,<br />
il ne s’agit encore que de techniques<br />
d’examen. Bien qu’il fut déjà possible d’identifier<br />
certains constituants d’un film de peinture,<br />
il faut attendre la fin des années ’80 pour que<br />
se développent les techniques physicochimiques<br />
d’analyse et, avec elles, l’émancipation<br />
de l’archéométrie. Celle-ci permet aujourd’hui<br />
de scruter sous l’apparente planéité de la surface<br />
et découvrir un monde où les électrons<br />
s’entrechoquent et les molécules réticulent…<br />
Une alliance entre l’art et la science qui nous<br />
transporte dans la genèse de l’objet d’art.<br />
Considérée comme « science auxiliaire » de<br />
l’histoire de l’art et de la conservation-restauration,<br />
l’archéométrie permet aujourd’hui d’étayer<br />
des hypothèses de provenance, d’attribution,<br />
de datation et de mise en œuvre de l’objet d’art.<br />
Elle constitue aussi une aide précieuse à l’établissement<br />
d’un diagnostic et d’une procédure<br />
de traitement de conservation-restauration.<br />
C’est selon cette double polarité que la<br />
collaboration entre les musées de la Ville de<br />
<strong>Liège</strong> et le Centre européen d’Archéométrie<br />
(CEA, Université de <strong>Liège</strong>) a été mise en place.<br />
Plusieurs projets sont actuellement en cours :<br />
l’étude de la Vierge à la donatrice du Maître de<br />
la Vue de Sainte Gudule, l’étude de la Famille<br />
Soler de Pablo Picasso ou encore les œuvres<br />
de Gérard de Lairesse et la Sainte Cécile aux<br />
orgues attribuée à Michel Coxcie dont le traitement<br />
devrait débuter dans le courant de cette<br />
année. L’étude archéométrique comprend notamment<br />
l’examen du dessin sous-jacent par<br />
réflectographie infra-rouge 1 , l’étude de la facture<br />
de l’œuvre et de son état de conservation<br />
par la radiographie et l’analyse pigmentaire par<br />
la méthode Pixe 2 . L’existence d’un appareil<br />
portatif d’analyse, mis au point par le CEA,<br />
permet d’effectuer les analyses in situ, sans<br />
sortir l’œuvre de son milieu de conservation.<br />
Si la méthode PIXE permet une différenciation<br />
entre pigments anciens et pigments modernes,<br />
elle ne permet toutefois que rarement de préciser<br />
une datation. En effet, à l’exception de<br />
l’un ou l’autre pigment, la palette pigmentaire<br />
demeure relativement identique entre les xiv e<br />
et xviii e siècles. Mais cette technique d’analyse<br />
permet d’enrichir la connaissance de la mise<br />
en œuvre des matériaux et donc de la technique<br />
d’un artiste ou d’un objet.<br />
D’autres projets devraient être poursuivis<br />
avec les départements du Verre, de l’Archéologie<br />
et de l’Art mosan. Outre une connaissance<br />
accrue de l’objet, l’identification de certains composants<br />
permet d’éclairer la provenance des<br />
matériaux et le réseau des routes commerciales.<br />
Quant à la conservation-restauration, l’établissement<br />
d’un diagnostic et d’une proposition de<br />
traitement peut être agrémenté d’un recours<br />
à la radiographie et, pour certains cas, à la<br />
réflectographie infrarouge afin de préciser un<br />
état de conservation parfois difficile à cerner<br />
en lumière du jour. Quant aux techniques d’analyse,<br />
bien que moins souvent sollicitées en tant<br />
qu’auxiliaires d’une restauration, elles peuvent<br />
être utiles, par exemple, à la détermination des<br />
parties originales et des éléments appartenant<br />
à une restauration. Elles peuvent par conséquent<br />
faciliter une prise de décision quant à la<br />
conservation ou non de ces éléments, le traitement<br />
d’une œuvre ou d’un objet restant un moment<br />
opportun d’examen et d’analyse pour<br />
améliorer des connaissances techniques.<br />
En conclusion, face aux perspectives nombreuses<br />
et prometteuses de l’archéométrie 3 ,<br />
il faut toutefois introduire un bémol à cet apport<br />
enrichissant du laboratoire. Souvent, faute<br />
d’une méthodologie correcte, ou par manque<br />
d’expérience pratique des matériaux et de leur<br />
mise en œuvre, ou encore par défaut d’une<br />
observation attentive, une confiance aveugle<br />
ou un recours inopportun est fait aux examens<br />
et analyses de laboratoire. Mais, si aujourd’hui<br />
la science peut beaucoup, il faut se rappeler<br />
qu’elle ne peut pas tout. L’œil et l’expérience<br />
– dont l’expérience pratique – de l’historien de<br />
l’art ou du conservateur-restaurateur doivent<br />
rester les guides premiers et irremplaçables<br />
de toute hypothèse de travail et le préalable<br />
de toute analyse. Si cette affirmation peut<br />
apparaître comme une évidence, elle tend à<br />
s’oublier face à des formations en conservation-restauration<br />
du patrimoine – et en partie<br />
également en histoire de l’art – de plus en plus<br />
orientées vers les sciences exactes.<br />
Cette science auxiliaire qu’est l’archéométrie<br />
est une opportunité formidable pour une<br />
meilleure connaissance de l’objet et comme<br />
aide à sa conservation mais l’œuvre ou l’objet<br />
d’art ne doit pas être considéré, par ceux qui<br />
recourent à l’archéométrie, comme un « rat de<br />
laboratoire » pouvant être quantifié et qualifié<br />
en tout point. Savoir ce que l’on cherche et<br />
pourquoi on le cherche… •<br />
1. Cet examen ne donne des résultats concluants que pour<br />
des œuvres dont la préparation est de couleur blanche, et<br />
présentant un dessin sous-jacent réalisé avec une matière<br />
noire contenant du carbone.<br />
2. « Proton Induction X-ray Emission » : technique d’analyse<br />
non-destructive, sans prélèvement de matière. Par induction<br />
de protons projetés sur la surface d’une œuvre, elle permet<br />
d’exciter les électrons contenus dans les matériaux inorganiques<br />
tels que les pigments, le retour des électrons à l’état<br />
stable se traduisant par une émission de rayons X caractéristique<br />
de l’élément rencontré. Le résultat se présente<br />
sous la forme d’un graphe qu’il suffit ensuite de décoder.<br />
3. Cf. actes du 18 e colloque d’archéométrie du Groupe des<br />
Méthodes pluridisciplinaires contribuant à l’Archéologie,<br />
11-15 avril 2011, Université de <strong>Liège</strong>.<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
10<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
11
Art&fact<br />
Focus sur des collaborations avec les musées de <strong>Liège</strong><br />
Une équipe d’historiens de l’art, à l’écoute du public et des musées<br />
Fondée en 1981, l’asbl Art&fact regroupe les historiens de l’art, archéologues et<br />
musicologues de l’Université de <strong>Liège</strong>. Aujourd’hui constituée d’une équipe de neuf<br />
personnes (5 équivalents temps plein) et d’une dizaine de collaborateurs extérieurs<br />
réguliers, l’association a pour but de promouvoir l’histoire de l’art, l’archéologie et la<br />
musicologie et de rendre ces disciplines accessibles à un large public : publication<br />
d’une revue scientifique annuelle, d’ouvrages de vulgarisation et de dossiers pédagogiques,<br />
organisation de conférences, d’expositions, de voyages, d’excursions,<br />
de visites guidées et de stages pour un public varié constituent le quotidien<br />
d’Art&fact. En outre, la promotion de l’emploi et la professionnalisation des métiers<br />
d’historien de l’art et d’archéologue restent des objectifs constants.<br />
Interface entre musées et Université depuis plus de 25 ans<br />
Depuis les années 1980, les historiens de l’art de l’Université de <strong>Liège</strong> participent à<br />
l’animation des musées et des expositions à <strong>Liège</strong>, principalement par la mise sur<br />
pied de visites guidées mais aussi par la conception et la réalisation de dossiers<br />
pédagogiques. Les guides historiens de l’art d’Art&fact ont presté des milliers<br />
d’heures de visites guidées dans la plupart des grandes expositions de ces dernières<br />
décennies à <strong>Liège</strong>. En aval des visites guidées, Art&fact collabore aussi avec les<br />
musées de <strong>Liège</strong> dans l’élaboration des produits de médiation culturelle.<br />
Par ailleurs, la section d’Histoire de l’Art et d’Archéologie de l’Université de <strong>Liège</strong><br />
organise un master en Muséologie centré sur l’interprétation du patrimoine. Une<br />
collaboration s’est établie avec le Grand Curtius et son service éducatif : depuis<br />
deux ans, des visites guidées sont menées par les étudiants à travers les collections,<br />
un premier dimanche du mois en raison de la gratuité d’accès. Sous la direction des<br />
professeurs responsables de ce master, les guides-conférenciers agréés d’Art&fact<br />
apportent leur collaboration lors de ces exercices.<br />
Des offres adaptées à tous les publics<br />
• Le jeune public. La sensibilisation à l’art, ancien ou contemporain, l’intérêt porté à<br />
l’histoire, à ses manifestations d’hier et d’aujourd’hui comptent parmi les préoccupations<br />
majeures d’Art&fact. La curiosité des enfants pour ces matières est vive et<br />
la fascination pour l’Égypte ancienne et le Moyen Âge permet, par une médiation<br />
habile, d’ouvrir à une réelle compréhension des œuvres et de leurs multiples messages.<br />
Les programmes scolaires rabotent ou suppriment ces disciplines. Le rôle des historiens<br />
de l’art s’en trouve du coup essentiel. Tout est mis en œuvre pour que règne<br />
le « gai savoir » et que les mots « musée » et « patrimoine » ne se couvrent pas d’un<br />
voile de poussière et d’ennui : le musée devient lieu d’apprentissage et de découverte<br />
active, où le passé peut être mis en résonance avec le monde actuel. Des visites<br />
ludiques et pédagogiques destinées aux plus jeunes prennent des aspects variés<br />
selon que les enfants visitent des collections du MAMAC, du musée de l’Art wallon<br />
ou du Grand Curtius : association des techniques ou des genres à des jeux visuels.<br />
Ces activités permettent l’échange, l’expression et la découverte des œuvres.<br />
Isabelle Verhoeven<br />
Historienne de l’art<br />
Art&fact asbl<br />
Art&fact asbl, Université de <strong>Liège</strong><br />
Galerie Wittert<br />
7 place du 20-Août, 4000 <strong>Liège</strong><br />
T : 04 366 56 04<br />
art-et-fact@misc.ulg.ac.be<br />
www.artfact.ulg.ac.be<br />
Stages Regards en herbe<br />
Depuis bientôt 15 ans, Art&fact organise à<br />
<strong>Liège</strong> des stages de découverte artistique<br />
pour enfants de 6 à 12 ans. Les activités<br />
s’articulent autour de thèmes liés aux collections<br />
des musées ou à des expositions.<br />
Le stage de Pâques 2011 emmène les<br />
enfants dans le monde de l’impression car<br />
la Biennale de la Gravure offre l’occasion<br />
d’expérimenter plusieurs techniques à la<br />
portée du jeune public.<br />
Un autre stage, au Carnaval, consistait à découvrir<br />
des célébrités liégeoises de toutes<br />
époques, évoquées par des objets au<br />
Grand Curtius. Les activités ludiques ont<br />
permis à chacun de s’approprier son personnage<br />
et de le faire connaître aux autres lors<br />
d’une visite où chaque enfant était déguisé<br />
et doté d’accessoires adéquats. Pour la<br />
première et sans doute unique fois, Omalius,<br />
Notger, le chevalier Antoine, Érard de la<br />
Marck, Grétry… ont fait connaissance,<br />
filmés par les caméras d’une télé locale !<br />
Des ‘incroyables anniversaires’<br />
Faire la fête au Musée pourrait relever d’une<br />
gageure… Non seulement c’est possible,<br />
mais en plus, célébrer son anniversaire avec<br />
ses copains, soit des groupes de 10 à 15<br />
enfants, connaît un succès grandissant. Les<br />
garçons adorent se transformer en chevalier<br />
du Moyen Âge, le temps d’un après-midi.<br />
Avec le guide, se déroule d’abord la découverte<br />
ludique de l’armement du soldat<br />
médiéval, vient ensuite l’atelier où chacun<br />
invente ses armoiries et fabrique son bouclier,<br />
ses accessoires. La fête se termine au local<br />
pédagogique autour d’un grand gâteau.<br />
• Des visites à la carte, adaptées aux cours. Outre les visites pédagogiques élaborées<br />
au sein du Grand Curtius, Art&fact reçoit des demandes pour des visites spécifiques :<br />
« Ma classe découvre l’Égypte pharaonique. Nous souhaitons avoir d’abord une<br />
animation en classe, puis visiter la section des momies au Grand Curtius et terminer<br />
avec un atelier sur place. Ah oui, les enfants ont de 5 à 7 ans… ». Un peu plus tard,<br />
à l’école, les guides aident les archéologues en herbe à mener leurs fouilles dans de<br />
grands récipients remplis de sable où sont cachés des objets rappelant l’Égypte au<br />
temps des pyramides (et quelques intrus pour corser le travail). Après cette initiation,<br />
le matériel est rembarqué, les institutrices font des panneaux et des lignes du temps<br />
avec les « pseudo-antiquités ». Arrive la visite au musée. Plusieurs pièces sont<br />
observées avant de faire l’atelier : écrire son nom en hiéroglyphes, fabriquer de la<br />
couleur avec de l’œuf et des pigments puis l’utiliser pour une œuvre collective. À<br />
côté de cette demande inhabituelle, des enseignants du secondaire souhaitent des<br />
visites plus classiques, par exemple au musée de l’Art wallon pour illustrer leur<br />
cours : la société, le monde du travail ou les grands courants artistiques du xix e<br />
siècle à mettre en rapport avec la littérature vue en classe, etc.<br />
• Pour les adultes. Pour amener les adultes, en groupes ou individuellement, à venir<br />
et surtout à revenir dans les musées, Art&fact propose, depuis plus de 20 ans, des<br />
visites thématiques ainsi que des visites clé sur porte ou au contraire à la carte.<br />
Langage et contenu seront différents selon les types de visiteurs : une association<br />
d’amateurs d’art contemporain bénéficiera d’une visite pointue, différente de celle<br />
d’un groupe apprenant le français ou découvrant sa terre d’accueil.<br />
• Des visites thématiques en collaboration avec l’Office du Tourisme ou le Grand Curtius.<br />
Aborder une collection sous un angle particulier peut intéresser des visiteurs habituels<br />
et un large public. Une visite Voyages d’artistes. Aller-retour au musée de l’Art wallon<br />
permet de développer les influences reçues par les artistes lors de leurs voyages à<br />
l’étranger. Approfondir un domaine comme Le verre Art nouveau touche davantage<br />
des collectionneurs ou amateurs avertis. Ces visites prennent forme selon nos centres<br />
d’intérêt, la demande du public ou les possibilités offertes par les collections.<br />
• Des visites sur mesure pour les groupes « Article 27 ». Art&fact défend le droit à la<br />
culture pour tous et s’intéresse particulièrement à ce type de public. Ces visiteurs<br />
viennent d’arriver en Belgique et apprennent le français, sont en réinsertion sociale<br />
ou professionnelle. Ils sont toujours intéressés par la découverte de sites, d’histoire,<br />
d’art. En général, les questions fusent en tous sens, il faut expliquer ou faire ressentir<br />
les œuvres dans un langage simple et efficace. La Vierge d’Évegnée n’est pas une<br />
représentation de Bouddha. Qui est la Vierge ? Et Jésus ? Pourquoi cette Madone<br />
du xi e siècle a-t-elle l’air si sévère ? Nous ne sommes pas tous éduqués dans une<br />
tradition chrétienne… Ces visites demandent une grande ouverture réciproque et un<br />
réel sens pédagogique. C’est enthousiasmant pour chacun de partager un accueil<br />
mutuel dans un musée, au travers des œuvres, au travers de l’histoire.<br />
• Des commentaires adaptés pour les visiteurs étrangers. Plusieurs cas se profilent<br />
pour les groupes étrangers. « Ils sont chinois et invités par une industrie wallonne, la<br />
visite doit être courte et en anglais ; ils apprécient les armes et les dorures médiévales<br />
», « Le groupe néerlandophone est passionné par l’art contemporain, il fait une<br />
promenade sur l’architecture actuelle à <strong>Liège</strong> et passe l’après-midi dans les collections<br />
du musée de l’Art wallon et du MAMAC », … : rigueur et souplesse sont les<br />
maîtres-mots. Ou bien le guide est libre pour ses commentaires : quelle visite pourra<br />
satisfaire un groupe de personnes âgées qui vient à <strong>Liège</strong> pour la première fois ?,<br />
quelle collection pourra intéresser un groupe néerlandophone de fabricants d’escaliers<br />
? Outre des propositions de visites, les guides doivent s’adapter au public qu’ils<br />
emmènent à la découverte des collections. Si pour les uns le contexte historique est<br />
essentiel, pour les autres l’aspect technique les intéressera certainement. •<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
12<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
13
La Communauté française<br />
Le grand public, les visiteurs de musées mêmes ont bien de la peine à imaginer le<br />
travail des musées en dehors du visible, l’exposition. Ils voient les gardiens et imaginent<br />
bien un conservateur, personnage qui a conservé une aura certaine, malgré<br />
le jeu de mot facile que provoque l’appellation.<br />
A fortiori, imaginer qu’au plan qu’un homologue flamand n’hésiterait à qualifier<br />
de national existe une administration des musées (et de quelques autres domaines<br />
connexes comme les archives mais parfois surprenants comme l’héraldique, c’està-dire<br />
la fixation des armoiries, sceaux et drapeaux des provinces et communes et<br />
des armoiries de personnes privées nobles), doit être bien rare.<br />
Il y a un peu plus de vingt ans, j’avais indiqué l’existence d’une telle administration<br />
à un jeune chercheur brillantissime qui ne m’avait pas caché sa surprise à cet<br />
égard. Deux années plus tard, il devenait attaché au Cabinet du Ministre pour les<br />
musées…<br />
Il y a donc une administration 1 pour les musées comme pour les différents secteurs<br />
de la culture. Mais, dans un pays où le pouvoir central est loin de disposer de l’autorité<br />
« naturelle » d’un ministère français, il n’y a pas toujours que le public qui feigne<br />
de l’ignorer…<br />
Il y a donc bien un Service du patrimoine culturel au Ministère de la Communauté<br />
française, compétent pour le patrimoine culturel mobilier, les monuments,<br />
sites et fouilles étant matières régionales depuis 1989. Le rôle de ce Service n’est<br />
pas très spécifique par rapport à d’autres de la culture, voire plus largement.<br />
Le premier rôle d’une administration est de préparer les décisions de son<br />
ministre et de veiller à l’application des lois et règlements. En matière de musée, il y<br />
a une loi communautaire qu’on appelle un décret (celui du 17 juillet 2002). Il prévoit<br />
la reconnaissance des musées en trois catégories, plus une catégorie spéciale, la<br />
mise en conformité (par rapport aux exigences du décret). À partir de cette reconnaissance,<br />
les musées peuvent obtenir des subventions de fonctionnement.<br />
En ce qui concerne la Ville de <strong>Liège</strong> (je laisse de côté la Province, l’Université et<br />
quelques institutions de droit privé), les choses n’ont pas été simples.<br />
Seule la reconnaissance du musée de l’art wallon s’est faite sans douleur : il<br />
est reconnu en catégorie B et bénéficie d’une subvention annuelle de 70 000 euros.<br />
Tout est donc en ordre dans ce cas. Encore reste-t-il à voir à <strong>Liège</strong> comme ailleurs<br />
ce que représentent des subventions : le musée coûte plus d’un million d’euros à la<br />
Ville. Le Cabinet des Estampes a obtenu une subvention (20 000 euros) pour mise<br />
en conformité. J’espère qu’il pourra bientôt rejoindre le musée de l’Art wallon.<br />
Le reste est plus compliqué. Le Grand Curtius, après un premier refus de<br />
reconnaissance, a obtenu une subvention pour mise en conformité (70 000 euros).<br />
La motivation de celle-ci illustre bien la nécessité d’une administration centrale : la<br />
mise en conformité porte principalement sur le remaniement du concept dans les<br />
limites d’une réalisation architecturale fondée sur des principes inadéquats. La structure<br />
du bâtiment est fondée sur une visite « linéaire » complète alors qu’il eût fallu favoriser<br />
Patrice Dartevelle<br />
Directeur du Service du Patrimoine culturel<br />
du Ministère de la Communauté française<br />
et les musées de <strong>Liège</strong><br />
1. J’ai explicité par ailleurs le rôle d’une administration du<br />
patrimoine in Le rôle d’une administration, les Cahiers de<br />
l’Urbanisme, n° 76, octobre 2010, p. 54-55.<br />
Classement en « trésors »<br />
Au Grand Curtius :<br />
- les bronzes mithriaques d’Angleur<br />
(arrêté du Gouvernement de la Communauté<br />
française du 8 février 2011) ;<br />
- la coupe Oranus (16 e siècle)<br />
(arrêté du 23 novembre 2010) ;<br />
- la Vierge à l’Enfant du Maître à la vue de<br />
sainte Gudule (arrêté du 26 mars 2010).<br />
Au Cabinet des Estampes :<br />
- l’album d’Arenberg et l’album de<br />
Clerembault de Lambert Lombard<br />
(deux arrêtés du 23 novembre 2010) ;<br />
- le Fonds Gilles Closson<br />
(arrêté du 26 mars 2010) ;<br />
- le dessin de van Gogh Femme au bonnet<br />
(arrêté du 26 mars 2010).<br />
Au MAMAC :<br />
- les neuf tableaux provenant de la vente de<br />
Lucerne (dont le Picasso, le Chagall, …)<br />
(arrêté du 23 novembre 2010).<br />
la visite par des sous-ensembles thématiques. L’Administration et l’instance d’avis,<br />
le Conseil des musées, le voient ainsi. S’ils avaient pesé plus ou existé il y a une<br />
dizaine d’années, on n’en serait pas là. De la même manière, la reconnaissance du<br />
MAMAC s’est avérée impossible tant étaient grandes les lacunes en matière de<br />
conservation. Il y a donc bien une vérité au-delà de <strong>Liège</strong> (ou de Charleroi, Tournai,<br />
Verviers etc.).<br />
Outre cette activité somme toute classique, la Communauté française a concrétisé<br />
un nouveau chantier à partir du décret de 2010. Il s’agit du classement de biens<br />
culturels mobiliers à l’instar de ce qui se fait depuis 1931 pour les monuments et<br />
sites. Des biens mobiliers sont « classés » et ne peuvent connaître de transformation<br />
sans l’accord du Ministre de la Communauté<br />
française (là aussi après<br />
avis d’une commission). Leurs mouvements<br />
sont également soumis à<br />
autorisation. Qualifiés de « trésors »<br />
(terme technique figurant dans le<br />
Traité de Maestricht et pour déroger<br />
aux règles de l’espace douanier<br />
unique), ils ne peuvent être l’objet<br />
d’exportation définitive. Pas plus<br />
qu’en monuments, la propriété n’est<br />
modifiée.<br />
Cette protection n’en est qu’à<br />
ses débuts. Elle ne concerne pas<br />
que les musées, les biens peuvent<br />
être classés quel que soit le propriétaire,<br />
public ou privé.<br />
D’emblée, les musées de la Ville<br />
de <strong>Liège</strong> ont eu plusieurs pièces<br />
majeures reconnues comme « trésors<br />
». Trois des musées sont ainsi<br />
distingués tantôt par des pièces<br />
archéologiques, tantôt par des peintures,<br />
des dessins, tantôt par des<br />
objets d’art (cf. ci-contre).<br />
Il existe donc une politique culturelle<br />
de et en Communauté française.<br />
•<br />
Paul Gauguin, Le Sorcier d’Hiva Oa<br />
ou Le Marquisien à la cape rouge, 1905.<br />
Huile sur toile, 92 x 73 cm. [AM 16/163]<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
14<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
15
Pierre-Marie Gason<br />
Président de l’I.A.L.<br />
Jean-Luc Schütz<br />
Conservateur<br />
Département d’Archéologie<br />
du Grand Curtius<br />
Institut archéologique liégeois<br />
I.A.L. et Ville de <strong>Liège</strong> : une collaboration de plus d’un siècle<br />
Les bronzes mithriaques d’Angleur<br />
Dépôts de l’I.A.L. au Grand Curtius<br />
Le classement des bronzes d’Angleur constitue pour l’Institut archéologique liégeois<br />
(I.A.L.) un nouvel outil de gestion qui renforce sa politique de prudence concernant<br />
la conservation d’un patrimoine aussi précieux.<br />
Constitué en 1850, l’Institut va rassembler dès cette époque, sous l’impulsion<br />
de son premier président, le baron d’Otreppe de Bouvette, un noyau de collections<br />
que la Province de <strong>Liège</strong> jugera digne d’accueillir dans un premier musée<br />
provincial installé dans les combles du palais des princes-évêques. C’est durant<br />
cette période que l’Institut fera l’acquisition de la Vierge dite de Dom Rupert,<br />
qui constitue encore aujourd’hui le fleuron de son patrimoine. L’État à son<br />
tour, quelques années plus tard, lui confiera le produit de l’exceptionnelle<br />
découverte archéologique qui fait l’objet du présent article et d’une étude<br />
plus complète, rédigée par Jean-Luc Schütz, publiée sous forme de plaquette<br />
par l’I.A.L. (mai 2011).<br />
Satisfaite d’une première collaboration pour la gestion scientifique du Musée<br />
d’Ansembourg, la Ville de <strong>Liège</strong> passera avec l’Institut, en juillet 1909, une nouvelle<br />
convention organisant la direction du tout nouveau musée Curtius qui<br />
accueillera dès lors les collections d’archéologie et d’art décoratifs de ces<br />
deux institutions. Aujourd’hui centenaire, cette convention conserve toute sa<br />
pertinence en ce qui regarde le rôle d’expertise de l’Institut pour la gestion<br />
des œuvres provenant des musées Curtius, du Verre et d’Ansembourg, regroupées<br />
avec celles du musée d’Armes et du musée d’Art et religieux et d’Art<br />
mosan dans le « Grand Curtius ».<br />
•<br />
Le 8 février 2011, un arrêté du<br />
Gouvernement de la Communauté<br />
française classait les bronzes d’Angleur<br />
comme ensemble, avec la qualification<br />
de trésor. Cette décision fut prise<br />
« en raison de leur valeur archéologique,<br />
de leur rareté, du lien de ces objets<br />
avec l’histoire et l’histoire de l’art et de<br />
l’intérêt de l’ensemble ».<br />
Fin 1881 ou début 1882, un ouvrier<br />
briquetier découvrait fortuitement à Angleur,<br />
dans une cachette aménagée dans le sol<br />
argileux, des « curiosités » en bronze datées<br />
de la fin du ii e siècle ou du début du iii e siècle<br />
après J.-C. L’endroit précis où ces objets ont<br />
été exhumés n’est pas connu, mais on sait que<br />
le terrain jouxtait un ruisseau descendant du<br />
bois de Kinkempois (Bois de Saint-Jacques,<br />
Angleur) pour se jeter dans la Meuse, « un peu<br />
en amont du pont du Val Benoît ».<br />
Les bronzes d’Angleur sont des éléments<br />
d’adduction d’eau provenant d’une fontaine<br />
(clef, deux orifices à masque léonin, trois bagues<br />
de raccordement et un tuyau quadrangulaire)<br />
et des appliques décoratives qui ornaient à<br />
l’origine un mithraeum, sanctuaire consacré au<br />
dieu invincible Mithra (Deo Invicto Mithrae).<br />
Cette divinité indo-iranienne, dont le culte initiatique<br />
à mystères était exclusivement réservé<br />
aux hommes, était médiatrice entre le monde<br />
des lumières symbolisant les forces du bien et<br />
le monde des ténèbres, domaine du mal.<br />
On a longtemps pensé que le mithriacisme<br />
avait été introduit en Italie lors des campagnes<br />
orientales du général Pompée (67-62 av. J.-C.).<br />
Mais l’hypothèse actuelle voit dans cette religion<br />
– vraisemblablement conçue au 1 er siècle<br />
ap. J.-C. – une création d’érudits du palais impérial<br />
(Rome). Elle comptait de nombreux adeptes<br />
dans l’armée et fut véhiculée dans nos contrées<br />
par les militaires et via le commerce.<br />
Les adeptes des mystères mithriaques se<br />
retrouvaient dans un sanctuaire (grotte ou<br />
édifice semi-enterré rappelant la grotte où<br />
Mithra sacrifia un taureau) et participaient<br />
à des cérémonies initiatiques au cours desquelles<br />
ils étaient mis à l’épreuve. Les sept<br />
degrés d’initiation, placés sous la tutelle<br />
d’une planète, étaient, dans l’ordre hiérarchique,<br />
le Corbeau (Mercure), le Fiancé (Vénus),<br />
le Soldat (Mars), le Lion (Jupiter), le Perse<br />
(Lune), le Messager du soleil (Soleil) et le Père<br />
(Saturne). À chaque niveau correspondait un<br />
rituel particulier chargé de connotations symboliques.<br />
Le moment le plus solennel était le partage<br />
du pain et du vin célébré lors d’un banquet<br />
rituel. À cette célébration sacramentelle<br />
rappelant l’eucharistie chrétienne, s’ajoutent<br />
d’autres parallélismes avec le christianisme.<br />
Ainsi, les mystes (initiés) célébraient la naissance<br />
de Mithra le 25 décembre.<br />
Parmi les bronzes d’Angleur, cinq appliques<br />
en fonte creuse représentent chacune un signe<br />
du zodiaque différent : Bélier, Lion, Balance –<br />
jeune homme nu tenant entre ses bras écartés<br />
une balance –, Scorpion et Poisson. Trois autres<br />
appliques – une quatrième fut malheureusement<br />
brisée et jetée par les ouvriers – assimilées au<br />
moment de leur découverte à des figurations<br />
de satyres ou à des divinités des eaux figurent<br />
des divinités des vents « psychopompes » qui<br />
avaient pour fonction d’élever l’âme des défunts<br />
dans l’atmosphère astrale. À l’origine, ces visages<br />
barbus et moustachus, montrés de profil,<br />
étaient tous pourvus d’une aile ourlée au<br />
plumage incisé. Deux statuettes de jeunes<br />
femmes – sans doute quatre à l’origine – vêtues<br />
d’une tunique à plis flottants représentent les<br />
heures (Horae) ou les saisons, symbolisant<br />
l’inexorabilité du temps qui passe.<br />
Ces figures munies d’une fixation en fer<br />
étaient probablement accrochées à un mur du<br />
spelaeum (le saint des saints du sanctuaire),<br />
disposées autour d’une composition perdue<br />
– relief en tôle de bronze ou statuettes en rondebosse<br />
– représentant une scène de tauroctonie.<br />
La tauroctonie, image cultuelle principale du<br />
mithriacisme, représentait le dieu Mithra poignardant<br />
un taureau dans une grotte. Cette<br />
scène de sacrifice symbolisait la régénération<br />
de la nature ; le sang versé irriguant la terre (ce<br />
concept est traditionnellement illustré par des<br />
épis de blé jaillissant de la queue du taureau).<br />
Le dieu vêtu d’une cape étoilée est entouré de<br />
deux acolytes porteurs de torches : Cautes et<br />
Cautopates. Celle de Cautes dirigée vers le<br />
ciel symbolise le soleil levant, celle de<br />
Cautopates orientée vers le sol étant une<br />
allégorie du soleil couchant. Mithra, situé entre<br />
les deux porteurs de torches représente le<br />
soleil au Zénith. Assimilé au Soleil Invincible<br />
(Sol Invictus), Mithra devint aussi le dieu<br />
protecteur de l’Empire.<br />
Les appliques d’Angleur sont uniques en leur<br />
genre ; on ne dispose que de peu d’éléments<br />
comparatifs. Elles présentent des analogies de<br />
composition avec les bas-reliefs mithriaques<br />
rhénans (Heddernheim, Osterburken) racontant<br />
sous forme de tableaux la geste de Mithra<br />
(naissance – Mithra est né d’une pierre –,<br />
miracle de la source jaillissant d’un rocher,<br />
capture et sacrifice du taureau, repas partagé<br />
avec le dieu Sol…). Sur ces retables en pierre,<br />
les divinités des vents et les signes du zodiaque<br />
apparaissent souvent, entourant la<br />
scène centrale représentant la tauroctonie.<br />
Un lion en ronde-bosse, de facture supérieure<br />
aux appliques figure aussi parmi les<br />
bronzes d’Angleur, de même que le col tronconique<br />
d’un vase en bronze de type cratère.<br />
Ces objets faisaient partie d’une composition<br />
secondaire sans doute chargée d’une forte connotation<br />
symbolique, constituée d’un serpent,<br />
d’un vase et d’un lion. Cette triade se retrouve<br />
fréquemment sur les bas-reliefs rhénans (sous<br />
le ventre du taureau sacrifié) et sur des céramiques<br />
cultuelles. L’applique figurant Méduse,<br />
la Gorgone au regard pétrifiant, est un élément<br />
étranger à l’iconographie mithriaque. Peut-être<br />
figurait-elle entre les signes zodiacaux de la<br />
Vierge (perdu) et de la Balance. •<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
16<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
17
Philippe Joris<br />
Conservateur<br />
Département des Armes<br />
du Grand Curtius<br />
Albert Lemeunier<br />
Conservateur<br />
Département d’Art religieux et d’Art mosan<br />
du Grand Curtius<br />
Les Amis du musée d’Armes de <strong>Liège</strong><br />
Amis des musées<br />
Les Amis du musée d’Art religieux et d’Art mosan<br />
L’asbl « Les Amis du Musée d’Armes de<br />
<strong>Liège</strong> » est née en 1964, sous la présidence<br />
du Comte d’Oultremont (+), avec pour but,<br />
selon une formule consacrée, d’apporter son<br />
concours moral, scientifique, financier et matériel<br />
au Musée d’Armes de <strong>Liège</strong>. Expression<br />
loin d’être banale et creuse en l’occurrence,<br />
car les Amis ont notamment joué un rôle déterminant<br />
dans les travaux de modernisation<br />
du musée (sis alors en l’ancien Hôtel de Hayme<br />
de Bomal), amorçés en 1962 et terminés au<br />
milieu des années 1980.<br />
Depuis janvier 1973, l’asbl publie un périodique<br />
trimestriel, intitulé Le Musée d’Armes, auquel<br />
s’adjoignit le sous-titre Études et recherches<br />
sur les armes anciennes en 1988. Rapidement,<br />
grâce à la plume et à la science de Claude<br />
Gaier, Directeur honoraire du musée, et l’engagement<br />
de Philippe Questienne (+), cette revue<br />
a conquis une place éminente au sein du cercle<br />
restreint des publications scientifiques consacrées<br />
à l’histoire des armes. Ce périodique<br />
vient de recevoir une toute nouvelle maquette<br />
qui devrait renforcer son attrait auprès d’un<br />
public plus large. Les Amis ont également publié<br />
il y a peu le Guide des armes et accessoires,<br />
ordres et décorations exposés au Grand<br />
Curtius.<br />
Ils organisent également des visites de musées<br />
d’armes et d’histoire militaire, tant en Belgique<br />
qu’à l’étranger, ainsi que des conférences. Des<br />
contacts particuliers se sont établis avec des<br />
associations ayant les mêmes centres d’intérêt.<br />
Des rencontres bimensuelles informelles rassemblent<br />
les amateurs les plus passionnés.<br />
L’asbl peut aussi recevoir des dons, legs et<br />
dépôts, qu’elle met en dépôt au département<br />
des Armes du Grand Curtius. Les Amis du<br />
Musée d’Armes constituent donc un relais<br />
majeur pour la notoriété de l’institution, dont<br />
le devenir les intéresse au plus haut point. •<br />
Tous les musées du monde ont leurs<br />
amis. Issus de la société civile, très<br />
souvent bons connaisseurs d’art ou<br />
d’histoire, ces amis se regroupent au<br />
sein d’une association qui n’a d’autre<br />
objet que d’apporter son aide au musée<br />
en question. L’« aide » varie selon les<br />
associations : appui scientifique, aide<br />
logistique ou financière (lors de l’achat<br />
d’œuvres ou de matériel), publications, …<br />
Elles sont parfois les porte-voix du<br />
musée auprès des pouvoirs publics,<br />
ou au contraire celui de la société vers<br />
le musée, et contribuent au rayonnement<br />
des institutions qu’ils soutiennent.<br />
L’association sans but lucratif « Les Amis du<br />
Musée d’Art religieux et d’Art mosan » fut fondée<br />
en 1980. Le musée d’Art religieux et d’Art<br />
mosan lui-même avait été créé à la fin 1976,<br />
pour être administrativement opérationnel en<br />
septembre de l’année suivante. L’acte de fondation,<br />
liant la Ville de <strong>Liège</strong> et les autorités<br />
diocésaines, faisait en sorte que les collections<br />
de l’ancien musée diocésain, sises jusque là<br />
dans le cloître de la cathédrale Saint-Paul de<br />
<strong>Liège</strong>, fussent reprises en charge par la Ville,<br />
qui en assurerait désormais le fonctionnement.<br />
L’accroissement de ces collections fut d’emblée<br />
au programme, en liaison notamment avec<br />
les conséquences du renouveau liturgique faisant<br />
suite aux décisions du Concile Vatican II.<br />
Il apparut très rapidement que la nouvelle institution<br />
devait aussi s’assurer un rayonnement<br />
qu’elle n’avait guère pu avoir jusque là, en<br />
dépit de la qualité des collections du ci-devant<br />
« Musée diocésain » et du parfait dévouement<br />
de ses responsables bénévoles. Il s’avérait<br />
nécessaire, à la suite de quelques opportunités<br />
regrettablement manquées, de doter le nouveau<br />
musée de moyens financiers permettant<br />
des acquisitions que n’aurait pas autorisées la<br />
dotation communale envers l’institution. Et le<br />
marché de l’art n’était pas pauvre de telles<br />
occasions : le cas d’une Pieta de la fin du Moyen<br />
Âge, provenant d’une chapelle du Thier-à-<br />
<strong>Liège</strong>, vendue peu auparavant sans qu’aucune<br />
collection publique régionale ne soit en mesure<br />
de se porter acquéreuse, était encore<br />
cruellement ressenti.<br />
Autour de M. Henry (+), retraité de la F.N.,<br />
et avec le concours des responsables du musée,<br />
l’asbl fut constituée. Elle se dota d’un premier<br />
président en la personne du prof. J. Stiennon.<br />
La basilique Saint-Martin accueillit en 1980, à<br />
l’occasion du millénaire de la Principauté, une<br />
exposition des chefs-d’œuvre du musée, qui<br />
fut présentée quelques mois plus tard au Petit<br />
Plaque émaillée<br />
rhéno-mosane, xiii e s.<br />
Grand Curtius<br />
[MARAM J388/97<br />
Palais à Paris. L’affiche de cette manifestation<br />
reproduisant La Vierge à la Donatrice (v. 1475)<br />
se voyait partout dans les couloirs du métro.<br />
Plusieurs initiatives virent le jour dès les premiers<br />
mois d’existence de l’association. Outre<br />
les cotisations de ses membres, quelques mécènes<br />
dotèrent l’institution de moyens financiers,<br />
certains anonymes bien que très importants,<br />
d’objets de collections, de précieux ouvrages<br />
de bibliothèque. D’aucuns lui apportèrent le<br />
concours d’une main d’œuvre bénévole de<br />
qualité : fichiers, aide aux expositions et à la<br />
promotion, collecte et classement de documents<br />
furent ainsi entrepris au bénéfice du musée.<br />
Des excursions allaient être organisées,<br />
dont l’objectif était principalement la découverte<br />
de monuments d’art religieux peu connus,<br />
d’expositions, sous la conduite, à l’occasion,<br />
de l’un ou l’autre membre particulièrement érudit<br />
dans les domaines concernés. Les commentaires<br />
de R. Forgeur et P. Colman ont contribué<br />
à rendre ces voyages particulièrement enrichissants.<br />
Un bulletin trimestriel vit le jour, informant<br />
les membres des activités du musée, de<br />
ses acquisitions, et publiant des articles en<br />
relation avec ses collections.<br />
À partir de 1998, l’asbl mit sur pied les<br />
Journées mosanes. Ces rencontres annuelles,<br />
qui connurent d’emblée un grand succès, ont<br />
permis de réunir autour des spécialistes de<br />
l’histoire et de l’histoire de l’art du pays mosan<br />
un public nombreux.<br />
Répondant à l’un de ses objectifs, et en fonction<br />
des mécènes ou des moyens recueillis,<br />
l’asbl put procéder elle-même à un certain<br />
nombre d’acquisitions notoires. Citons, dans<br />
l’ordre chronologique, plusieurs plaques émaillées<br />
rhéno-mosanes des xii e et xiii e s., un vitrail<br />
au Calvaire de 1230-1250, la Vierge de Ponthoz<br />
(v. 1450), un portrait d’Érard de la Marck, un<br />
Christ anversois en ivoire (v. 1670), un Calvaire<br />
du peintre liégeois E. Fisen (1698), un médaillon<br />
émaillé au portrait du prince-évêque J.-L.<br />
d’Elderen, le plus ancien plan, des documents<br />
d’archives et plusieurs vues de la cathédrale<br />
Saint-Lambert, une grande vue panoramique<br />
du Publémont (1814), un crucifix de style Art<br />
nouveau… La dernière acquisition en date, avec<br />
la participation de la Fondation Roi Baudouin<br />
et de la Ville de <strong>Liège</strong>, concerne… une certaine<br />
Pieta de la fin du Moyen Âge, celle-là même<br />
qui n’avait pu être acquise naguère.<br />
La boucle semblerait ainsi bouclée si, sous la<br />
conduite de G. Gevers, l’actuel Président, ne<br />
s’ajoutait encore la mise sur pied de voyages<br />
d’étude en rapport avec les collections. Rome<br />
et Münster ont figuré au programme. La sculpture<br />
du Premier Gothique en France, et ses<br />
liens avec l’Art mosan, ainsi que le château de<br />
Versailles, dont les Grands Appartements accueillent<br />
temporairement notre Christ dit de<br />
Rausa, figurent à l’affiche des prochaines semaines.<br />
•<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
18<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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Philippe George<br />
Conservateur du Trésor de la cathédrale de <strong>Liège</strong><br />
Un fantôme près du Curtius au xvii e siècle<br />
Histoire de revenants<br />
Mathieu Mérian, plan à vol d’oiseau de <strong>Liège</strong><br />
Gravure de Topographia Westphaliæ, Francfort, 1647.<br />
Trésor de la cathédrale de <strong>Liège</strong>.<br />
Ces histoires ont toujours intrigué<br />
et conservent grand succès. Les archives<br />
livrent ainsi une relation surprenante :<br />
un brave artisan liégeois est aux prises avec<br />
les esprits maléfiques. Le cadre : « la maison<br />
Curtius », déjà point de repère dans la<br />
topographie de la cité.<br />
En 1634, le prieuré Saint-Léonard aux portes<br />
de <strong>Liège</strong> est le théâtre d’un exorcisme et de la<br />
guérison spectaculaire d’un jeune homme, Henri<br />
Le Rond, brodeur de son mestier. Quelques<br />
années plus tard, en 1642, l’exorcisé décidera<br />
de partir pour la Sardaigne afin d’aller y quérir<br />
des reliques pour enrichir l’église du prieuré Saint-<br />
Léonard, en remerciement de sa guérison 1 .<br />
Les faits sont consignés, en français, dans<br />
un long document à la fin duquel Erard Matthei,<br />
prêtre et théologien, atteste, en latin, qu’il a<br />
pratiqué un exorcisme sur le jeune homme les<br />
15 et 16 février 1634. Quand il lui jette de l’eau<br />
bénite sur la gorge et la bouche, Le Rond s’agite<br />
violemment et le prêtre l’admoneste comme<br />
s’il avait affaire au diable. Une voix lui répond<br />
que ce n’est pas au diable qu’il s’adresse, mais<br />
à l’âme de la grand-mère paternelle de Le Rond.<br />
Elle confesse son péché : elle est la cause de<br />
la mort du petit frère de Le Rond. Un surprenant<br />
dialogue en style direct s’instaure entre le<br />
prêtre et la voix. La voix réclame avec insistance<br />
une messe à Saint-Léonard. Le prêtre<br />
l’exhorte à libérer le jeune homme. Elle sort et<br />
s’assoit toute blanche sur son costé pour très<br />
vite rentrer dans son corps. Que l’on se dépêche,<br />
dit-elle, car je lui fais mal malgré moi. Du sang<br />
noirâtre sort alors de la bouche de Le Rond.<br />
La grand mère confesse au prêtre qu’elle s’est<br />
toujours tenue sur le flanc gauche de son petitfils<br />
et qu’elle n’en sortira qu’une fois son vœu<br />
exaucé. Le prêtre lui commande de marcher<br />
devant eux et que l’on fera prières et aumônes<br />
pour elle. Soudain Le Rond se lève, sort de la<br />
maison et marche sans douleur, accompagné<br />
du prêtre, vers le pont Saint-Léonard. Arrivé<br />
devant la maison Curtius, il aperçoit sa grandmère,<br />
morte en 1624, assise sur un bois, toute<br />
blanche. Revêtue de la chemise qu’elle avait à<br />
son enterrement, elle attend le cortège sur le<br />
pont, entourée de deux femmes demandant<br />
l’aumône. Elle met alors la main sur l’épaule<br />
de son petit fils et le rend comme mort. Le prêtre<br />
doit intervenir : Le Rond peut très péniblement<br />
gagner l’église. Lentement, accablé, il s’avance<br />
dans l’édifice. Le prêtre continue ses admonestations<br />
envers le revenant. La grand-mère veut<br />
une messe. Le prêtre s’apprête à dire la messe.<br />
Le Rond est épouvanté par l’esprit qu’il voit<br />
virevolter dans l’église. Le prêtre intervient à<br />
nouveau pour qu’il ne trouble pas la cérémonie.<br />
La grand-mère obéit. À la fin de la messe, elle<br />
rentre dans le jeune homme et le rend à nouveau<br />
comme mort. Le Rond retrouve ses sens<br />
et s’exclame : Jésus, Maria. Il retourne sain et<br />
sauf chez lui. Et le texte se termine en insistant<br />
que nombreux furent les témoins des faits,<br />
dont le prieur 2 et des religieux de Saint-Léonard,<br />
ainsi que le curé de Sainte-Foy 3 .<br />
Le rituel liégeois, paru à <strong>Liège</strong> en 1592 et réédité<br />
en 1641, comprend toute une série d’exorcismes<br />
: énergumènes, animaux frappés de<br />
maléfices, laitage, beurre, eau atteints de maléfices,<br />
tempête, animaux nuisibles et maison<br />
hantée. L’aspersion d’eau bénite y est prescrite,<br />
mais aussi l’ostension d’une croix ou de<br />
reliques, l’invocation du nom de Jésus, de<br />
l’Esprit Saint, de la Vierge ou d’un saint. L’étole<br />
du prêtre joue aussi son rôle. Parmi les prières<br />
récitées, le Symbole des Apôtres, le Pater, mais<br />
aussi l’antienne Salve Regina, le Kyrie, le Gloria,<br />
des psaumes, des litanies, ou des passages<br />
des Évangiles.<br />
Les croyances et l’imaginaire dépendent<br />
avant tout des structures et du fonctionnement<br />
de la société et de la culture de l’époque. La<br />
morale religieuse est centrée sur la notion de<br />
péché. Le défunt doit avoir satisfait à une pénitence<br />
complète. L’Église réagit contre les multiples<br />
dysfonctionnements possibles de la bonne<br />
mort chrétienne, donc contre le phénomène<br />
des revenants. La croyance se répand dès le<br />
Moyen Âge du retour du mort-fantôme qui vient<br />
s’acquitter d’une souillure de sa vie terrestre.<br />
L’Église finit par accepter cette croyance et<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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l’intègre dans un fonctionnement social de la<br />
mémoire des morts qui établit une communication<br />
entre l’ici-bas et l’au-delà. Ces récits<br />
de revenants favorisent le développement de<br />
la piété. Notre texte s’inscrit également dans<br />
la droite ligne de la Réforme catholique qui<br />
réprime toute déviation religieuse.<br />
C’est aussi une époque où le diable est<br />
partout, peut-être plus encore dans les milieux<br />
populaires ou ruraux. La population subit un<br />
climat de violence, de peur et de terreur qui<br />
entraîne une recrudescence de croyances et<br />
de pratiques magiques. Cette nouvelle démonologie<br />
forgée par les clercs est bien exprimée<br />
dans le rituel liégeois. Les mentions de revenants<br />
ne sont pas fréquentes à <strong>Liège</strong>. En 1556,<br />
à <strong>Liège</strong>, existait une maison, en laquelle de<br />
nuict aulcuns spectres faisoient des bruits et<br />
remue mesnaige 4 . Seul autre exemple, vers<br />
1672, un couple est témoin à <strong>Liège</strong> de faits surprenants<br />
: un esprit se manifeste dans leur maison<br />
; mais ils ne parlent ni de revenants, ni de<br />
fantômes et n’établissent aucun contact 5 . Avec<br />
Le Rond, c’est en effet le contact établi avec<br />
le fantôme, sa présence corporelle, et le dialogue<br />
qui s’ensuit qui sont vraiment exceptionnels.<br />
Le texte est intéressant pour la topographie<br />
du quartier. Ainsi le pont Saint-Léonard ne doit<br />
pas être confondu avec l’actuel pont sur Meuse<br />
appelé pont Saint-Léonard ou pont Maghin 6 .<br />
Le pont Saint-Léonard était parallèle au cours<br />
de la Meuse et reliait la rue dite maintenant<br />
Féronstrée au faubourg Saint-Léonard, car un<br />
vaste fossé, alimenté par le fleuve, servait à<br />
protéger les remparts de Saint-Léonard, à<br />
l’emplacement de l’ancienne prison et de la<br />
place des Déportés. Au xvii e siècle, l’ouvrage,<br />
avec pont-levis, se composait de plusieurs<br />
arches et d’un tablier en bois ; il est visible sur<br />
plusieurs vues anciennes de <strong>Liège</strong>. Quant à la<br />
maison Curtius, elle était alors de construction<br />
récente (1597-1605) et sert de point de repère<br />
commode pour le narrateur 7 . Enfin, Saint-<br />
Léonard, prieuré bénédictin dépendant de Saint-<br />
Jacques, fut acquis vers 1489 par les chanoines<br />
réguliers augustins de la Congrégation de<br />
Windesheim 8 .<br />
La langue est savoureuse. Jugez-en par<br />
ce court extrait, en ancien français, du passage<br />
relatif au Curtius :<br />
Arrivé devant la maison Curtius, le ieusne<br />
homme at veu sa grande mere mort l’an 1624<br />
assisse sur ung bois toutte blanche, et se<br />
levante at marché devant luy, revestue d’une<br />
chemise blanche dechiree par derierre, toute<br />
semblable à la chemise que la mere du ieusne<br />
homme donnat pour l’ensepvelir (comme elle<br />
confesse). Mettant le premier pied sur le pont<br />
le ieusne homme l’at veu qu’elle l’attendoit<br />
entre deux femmes demandants l’ausmosne<br />
et approché d’elle est tombé comme mort<br />
entre les bras de ceux qui l’accompaignoient<br />
sans pouvoir plus avancer d’ung pas ; et<br />
pour lors (comme dict le ieusne homme) elle<br />
mist la main sur son espaule.<br />
Demande. Le Prestre commandant de la parte<br />
de Dieu qu’elle s’eust a retirer, et le laisser<br />
aller iusques a l’Eglise il s’avancat et marchat ;<br />
mais depuis la porte iusques au chœur de<br />
l’eglize de St Leonard, nous at faict tant de<br />
difficulté qu’il ne marchoit que 5 a 6 pas sans<br />
s’arrester, et tomba comme mort, et faible ne<br />
pouvant toucher la terre de sa iambe gauche ;<br />
cause pourquoy il le falloit a trois continuellement<br />
porter et tant plus l’on approchoit de<br />
l’eglize tant plus de peines et difficulté elle<br />
nous faisoit, le rendant pour lors pesant comme<br />
plomb, car comme il nous at dict par apres,<br />
il luy semblat toute a coups estre chargé sur<br />
le pont d’un fardeau insupportable. Arrivé a<br />
la porte de l’Eglize, est devenue insensible<br />
et ne pouvoit plus marcher, ny entrer, n’est<br />
que par force, le Prestre continuellement commandant<br />
de la parte de Dieu, qu’elle eust a<br />
aller devant, ce qu’elle faisoit sans iamais<br />
des obeyr aux commandements du Prestre.<br />
Entré dans le choeur et assis sur ung chaire,<br />
at encore tombé hors des sens, où le Prestre<br />
at encore demandé ce qu’elle vouloit, et at<br />
respondu : « Une messe seulement ».<br />
Demande. « Quitte doncq et le laisse en son<br />
sens aufin qu’il entend la messe, recognois,<br />
et adore son Dieu. Et toy ie te commande<br />
demeurer sur son costé, et entendre la messe<br />
avec reverence ».<br />
Le Prestre entré dans la sacristie pour se disposer<br />
et vestir, fut incontinent rappelléz, et<br />
approchant le ieusne homme, il luy demande<br />
ce qu’il avoit, lequelle luy respondit : « La voila<br />
devant moy, et m’espouvante ». Et pour lors<br />
le Prestre commandant a ceste ame de ce<br />
retirer par derriere, disant : « Je te commande<br />
de la parte de Dieu que tu demeure par derriere<br />
ce ieusne homme tout le temps de la<br />
messe, et pendant icelle tu te garde de me<br />
donner aucune distraction, et empechement<br />
par bruit ou aultre importunité et de surplus<br />
que tu laisse le ieusne homme en paix aufin<br />
qu’il honore, venere et adore son Dieu, et<br />
que tu face de mesme ». A quoy elle at tellement<br />
obey que tout le temps de la messe<br />
n’at empeché le ieusne homme en rien qui<br />
soit, et comme dict le ieusne homme, il voyoit<br />
l’ame volittante toute alentour du Prestre qui<br />
faisoit la messe et a chasque mouvement<br />
du Prestre tressailloit de joye.<br />
La messe achevée le Prestre ayant dict<br />
« Requiescat in pace », elle est rentrée dedans<br />
le ieusne homme et la rendu comme mort et<br />
insensible.<br />
Le Prestre ostant seulement la casuble s’at<br />
approché disant : « Que veult tu davantaige ?<br />
Voicy que iay presenté au Pere eternelle son<br />
Fils Jesus par le sacrifice de la Messe pour<br />
toy, et si tu en est capable, ie t’asseure que<br />
le prix de son sang t’est efficacement applicqué<br />
pour la vertu de ceste messe. Que veult<br />
tu davantaige ? ». Elle at respondu : « Plus rien,<br />
je veult seulement dire Adieu ». Et le Prestre<br />
disant « ADieu requiescas in pace », elle at<br />
respondu « Adieu, Adieu » et cessant ung<br />
peu, at donné trois grands cris en signe de<br />
son depart ; ce que tous les religieux et les<br />
assistants ont ouy, et puis at laissé le ieusne<br />
homme en bon sens, qui revenu a soy, at dict<br />
« Jesus, Maria » et se lève retourne sain et<br />
saulve avec sa compaignie a la maison.<br />
Le revenant a pris forme humaine. Le récit<br />
est ainsi très éloigné de la conception augustinienne<br />
de vision spirituelle, d’image immatérielle,<br />
et non corporelle des revenants. L’esprit<br />
s’incarne dans un corps, reconnaissable par<br />
ses vêtements de trépas. Ce dernier détail est<br />
classique 9 . Une évolution a assimilé tout l’héritage<br />
médiéval : notre récit s’inscrit dans toute<br />
une tradition de l’imaginaire de la mort dont la<br />
vision la plus proche à divers points de vue est<br />
celle du grand père d’Arndt Buschmann, apparitions<br />
répétées d’un mort à son petit-fils en<br />
1437-1438. Plusieurs parallélismes peuvent<br />
être établis. Il s’agit d’une composition cléricale<br />
rhénane de la fin du Moyen Âge, avec évocation<br />
d’un pèlerinage à Aix-la-Chapelle ; outre<br />
les thèmes développés, la proximité géographique<br />
frappe ; tous ces thèmes sont influencés<br />
par d’autres récits médiévaux dont une des<br />
caractéristiques essentielles est qu’ils s’adressent<br />
à une élite sociale. C’est là une différence notable<br />
avec notre texte qui n’est pas un exercice<br />
littéraire ou stylistique : ce sont de petites gens<br />
Jean Valdor l’Aîné, Les miracles de saint Hubert<br />
Gravure au burin, 1622.<br />
Trésor de la cathédrale de <strong>Liège</strong>.<br />
qui sont concernées, dans un faubourg de<br />
<strong>Liège</strong> bien identifié et encore parfaitement reconnaissable<br />
à l’heure actuelle par les vestiges<br />
archéologiques conservés ou par les toponymes ;<br />
enfin, il est écrit en langue vernaculaire, ce qui<br />
interpelle peut-être davantage encore le lecteur<br />
d’aujourd’hui, tout comme le surprenant dialogue<br />
en style direct qui s’y trouve inséré. Tu es ung<br />
diable car tu tache de me tromper par telles<br />
responses. - Non ie ne suis pas diable […].<br />
Les faits sont rapportés, non autobiographiques<br />
: c’est une « relation », comme l’indique<br />
le premier mot du document, avec l’hypothèse<br />
d’une objectivation de la vision et de l’image<br />
du revenant allant de pair avec la socialisation<br />
du récit, sa transmission et sa légitimation par<br />
l’écrit autorisé d’un clerc, son utilisation à toutes<br />
sortes de fins idéologiques. Outre les aspects<br />
spectaculaires et en nous détachant quelque<br />
peu du regard froid du scientifique, ne peut-on<br />
aussi être frappé aujourd’hui encore par les<br />
côtés pathétiques du récit : la mort d’un petit<br />
enfant, la douleur physique d’Henri Le Rond… ?<br />
C’est en partie là aussi le message de « ces<br />
histoires de revenants qui libéraient de l’angoisse<br />
tout en semblant l’entretenir » 10 .<br />
•<br />
1. Sur tout ceci, notre article Revenant & exorcisme à<br />
<strong>Liège</strong>. Quête de reliques en Sardaigne (1634-1652),<br />
Bulletin de la Commission royale d’Histoire, Bruxelles,<br />
t. clxvii, 2001, p. 253-305.<br />
2. Jean Randaxhe, prieur de Saint-Léonard, cité de 1621<br />
à 1665. Seul un document du 5 septembre 1652 présente<br />
un chapitre qui semble complet : un prieur et<br />
neuf religieux, tous prêtres. J. Russe, Prieuré de Saint-<br />
Léonard à <strong>Liège</strong>, Monasticon belge, Province de <strong>Liège</strong>,<br />
t. ii, <strong>Liège</strong>, 1955, p. 380.<br />
3. Sur cette paroisse, cf. Ét. Hélin, La population des paroisses<br />
liégeoises aux xvii e et xviii e siècles, <strong>Liège</strong>, 1959.<br />
4. J. Stiennon, Une maison hantée : l’hôtel Torrentius,<br />
Bulletin de la Société royale Le Vieux-<strong>Liège</strong>, T. x, n° 225,<br />
1984, p. 507-508.<br />
5. B. Lhoist-Colman, Maison hantée à <strong>Liège</strong> vers 1672,<br />
dans Studium et <strong>Museum</strong>. Mélanges Édouard Remouchamps,<br />
<strong>Liège</strong>, 1996, p. 265-266.<br />
6. Th. Gobert, Les rues de <strong>Liège</strong>, éd. or. 1924-1929,<br />
rééd., t. v, 1977, p. 268.<br />
7. P. Hoffsummer, La charpente de la Maison Curtius<br />
et son analyse dendrochronologique, Bulletin de l’Institut<br />
archéologique liégeois, t. xcviii, 1986, Mélanges<br />
Georges Hansotte, p. 291-303.<br />
8. Monasticon Windeshemense, éd. W. Kohl, E. Persoons<br />
& A.G. Weiler, t. i, Belgien, Bruxelles, 1976 (Archives<br />
& Bibliothèques de Belgique, n° spéc. 16), p. 131-138.<br />
9. Sur ce sujet, les recherches fondamentales de Jean-<br />
Claude Schmitt, Les revenants. Les vivants et les morts<br />
dans la société médiévale, Paris, 1994, et Dialogue<br />
avec un fantôme. Jean Gobi. Dossier établi, traduit<br />
et annoté par Marie-Anne Polo de Beaulieu, avec<br />
une préface de Jean-Claude Schmitt, Paris, 1994.<br />
Cf. aussi récemment À réveiller les morts. La mort<br />
au quotidien dans l’Occident médiéval, sous la direction<br />
de D. Alexandre-Bidon & C. Treffort, préface<br />
de J. Delumeau, Lyon, 1993.<br />
10. J.-C. Schmitt, op. cit., p. 257.<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
22<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
23
Agenda des expositions temporaires<br />
Simenon<br />
> p. 26<br />
<strong>Liège</strong> et les écrivains du xix e siècle<br />
> p. 26<br />
mai juin juillet août<br />
D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />
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Brigitte Corbisier<br />
> p. 27<br />
mai juin juillet août<br />
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La reliure, de fil en aiguille<br />
> p. 27<br />
mai juin juillet août<br />
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Armand Rassenfosse<br />
> p. 32<br />
Jeunes artistes<br />
> p. 28<br />
Pour ouvrir le bal<br />
> p. 28<br />
mai juin juillet août<br />
D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />
22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />
Expo des Expos<br />
> p. 30<br />
mai juin juillet août<br />
D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me<br />
22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
24<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
25
<strong>Liège</strong> et les écrivains<br />
du xix e siècle<br />
Grand Curtius<br />
Jusqu’au 12 septembre 2011<br />
2011 ne commémore ni l’anniversaire de la<br />
naissance de Victor Hugo (1802) ni celui de<br />
sa mort (1885), mais l’achèvement, en 1861 à<br />
Mont-Saint-Jean (Waterloo), de son ouvrage<br />
Les Misérables. Tout au long de cette année,<br />
plusieurs institutions et villes belges ont programmé<br />
des événements autour de l’écrivain<br />
et de ses pérégrinations en Belgique.<br />
Les musées de <strong>Liège</strong> ont saisi cette<br />
occasion de faire revivre un xix e siècle en<br />
pleine mutation industrielle et urbanistique.<br />
Hugo, mais aussi Alexandre Dumas, Gérard<br />
de Nerval et quelques autres décrivent une<br />
ville qui les fascine par sa modernité<br />
naissante.<br />
Simenon :<br />
un enfant de chœur témoigne<br />
Grand Curtius<br />
Jusqu’au 12 septembre 2011<br />
Le pèlerinage du visiteur à travers la ville<br />
natale de Simenon est jalonné de quelques<br />
hauts-lieux marqués par les épisodes de<br />
l’enfance et de la jeunesse du romancier<br />
avant son départ pour Paris en 1922, autant<br />
que par les actions où il situera désormais<br />
certains de ses récits. Pedigree est à ce titre<br />
la source par excellence pour nous permettre<br />
d’en juger.<br />
Parmi les lieux ainsi gravés dans sa mémoire,<br />
des églises, des chapelles liégeoises<br />
ont compté plus que d’autres et sont évoquées<br />
dès ses premiers écrits. Son enfance<br />
et sa jeunesse se sont passées à l’ombre de<br />
quelques clochers, dont les cloches retenti-<br />
des citations extraites de la littérature de<br />
l’écrivain, des éditions originales de ses<br />
ouvrages et l’évocation, par l’image, des<br />
monuments eux-mêmes. S’ils n’ont pas tous<br />
le même intérêt artistique, tous ont cependant<br />
compté dans sa jeunesse et dans son<br />
œuvre. Ils font donc partie, d’une certaine<br />
façon, de son « musée imaginaire ».<br />
Albert Lemeunier<br />
Expositions temporaires<br />
Brigitte Corbisier<br />
Panta Rei - Tout coule<br />
Cabinet des Estampes et des Dessins<br />
Du 10 juin au 23 octobre 2011<br />
Diplômée de l’Académie royale des<br />
Beaux-Arts de la Ville de <strong>Liège</strong>, Brigitte<br />
Corbisier est graveuse et plus récemment<br />
auteure d’animations vidéo où elle met en<br />
scène des gravures et croquis animés.<br />
Incisant le zinc, creusant le plexiglas, la<br />
pointe sèche est son instrument de prédilection,<br />
parfois combinée à l’aquatinte ou à la<br />
linogravure, rehaussée au carborundum,<br />
voire même retravaillée numériquement. Pour<br />
l’artiste, graver c’est avant tout l’attaque<br />
directe sur la plaque, la résistance du métal,<br />
le tracé qui forme une troisième dimension<br />
grâce aux barbes et offre sur l’impression<br />
papier une sensation presque tactile de relief.<br />
La reliure, de fil en aiguille<br />
Musée d’Ansembourg<br />
Jusqu’au 28 août 2011<br />
L’association pour la promotion des arts<br />
de la reliure, APPAR, vient à la rencontre du<br />
musée d’Ansembourg. L’APPAR a souhaité<br />
investir ce lieu en présentant plus d’une<br />
centaine de reliures originales à base de<br />
textile réalisées par les membres professionnels<br />
et amateurs de l’association. Toutes les<br />
techniques de décoration, toutes les structures<br />
sont représentées.<br />
Un catalogue est<br />
édité à cette occasion<br />
par les Éditions<br />
Faton : 160 pages,<br />
quadrichromie, 45 e.<br />
En préparation<br />
au Grand Curtius<br />
Du 18 novembre 2011<br />
au 20 mai 2012<br />
Cette exposition décrit, en écho aux<br />
ront longtemps encore dans son imagination<br />
Inspirée par la nature, et essentiellement<br />
Ci-contre :<br />
textes de ces écrivains, les travaux qui boule-<br />
d’écrivain, même lorsqu’il se dira incroyant.<br />
la terre, c’est son jardin au quotidien qui<br />
Florent Rousseau,<br />
Ernest de Bavière<br />
versent la ville : en une cinquantaine d’années<br />
Quelques-uns parmi les sites religieux<br />
s’illustre. Fascinée par les insectes, par le vol<br />
L’instant décousu.<br />
Un prince liégeois dans l’Europe moderne<br />
à peine, de 1830 à 1880, <strong>Liège</strong> ouvrira 139<br />
évoqués par Georges Simenon ont conservé<br />
d’une mouche, les déambulations d’une<br />
L’année 2012 marquera le 400 e anniversaire<br />
nouvelles rues, 63 autres seront soit élargies,<br />
un patrimoine dont certains ensembles<br />
coccinelle ou le battement d’ailes d’une<br />
de la mort du prince-évêque de <strong>Liège</strong><br />
soit rectifiées. La Meuse qui n’était traversée<br />
artistiques sont ici exposés. À côté d’une<br />
guêpe, elle reste émerveillée par la croissance<br />
Ernest de Bavière, dont le règne s’inscrit<br />
que par un pont en 1830 (pont des Arches)<br />
évocation de saint Lambert et de sa cathé-<br />
de la végétation. Fougères, scarabées,<br />
dans une période clé de l’histoire euro-<br />
en recevra quatre autres dans le même<br />
drale, se trouvent rassemblés pour la cir-<br />
abeilles, rutabagas, fleurs de pavot ou labours<br />
péenne. C’est l’automne flamboyant de la<br />
temps (pont de la Boverie en 1843, pont du<br />
constance des objets évocateurs ou repré-<br />
s’illustrent en noir et blanc.<br />
Renaissance, avec l’avènement du capita-<br />
Commerce en 1866, pont Saint-Léonard en<br />
sentatifs du patrimoine provenant de ces<br />
Graver représente pour Brigitte Corbisier<br />
lisme moderne, le Maniérisme, la « nouvelle<br />
1869 et la Passerelle en 1879). Le principal<br />
monuments. La scénographie réunit donc<br />
une gestuelle impliquant un effort physique,<br />
science » de Kepler et de Galilée.<br />
maître d’œuvre de ces transformations est<br />
ici précieux reliquaires, orfèvreries, textiles,<br />
telle une danse corporelle rythmée par la<br />
Mais c’est aussi l’époque des guerres de<br />
Hubert-Guillaume Blonden.<br />
peintures, sculptures, mis en relation avec<br />
pointe sèche qui entaille, griffe, gratte, raye et<br />
religion et des procès de sorcellerie, à la<br />
ébarbe… D’un seul élan et le plus souvent<br />
veille de la Guerre de Trente Ans.<br />
En haut, page de droite<br />
Hans Werl, Portrait d’Ernest de Bavière.<br />
Huile sur bois.<br />
Bayerische Saatsgemäldesammlungen ;<br />
sans repentir, l’œuvre<br />
naît. S’en tenant à<br />
l’essentiel – une ligne,<br />
un profil, un trait –,<br />
Frénésie vénitienne<br />
Le verre espagnol à la façon de Venise<br />
À travers les coloris, les formes et les<br />
Münich, Alte Pinakothek [Inv. Nr. 2467].<br />
l’artiste laisse parler<br />
décors allant de la simplicité à l’extrava-<br />
Astrolab.<br />
les choses en leur<br />
gance, le verre espagnol surprend et<br />
En bas, de gauche à droite<br />
conférant une symbo-<br />
détonne dans la production européenne<br />
H. Borremans, Intérieur du Passage Lemonnier.<br />
Liége : D. Avanzo, [1840].<br />
lique cabalistique,<br />
chargée à la fois de<br />
du xvi e au xix e siècle.<br />
Seront présentées plus de 200 pièces<br />
Buste reliquaire de saint Lambert,<br />
xviii e siècle, ancien autel des sœurs Augustines<br />
de Bavière. Grand Curtius.<br />
Brigitte Corbisier, eau-forte.<br />
mystère et d’une<br />
simplicité désarmante.<br />
Sophie Decharneux<br />
provenant du Grand Curtius, de musées<br />
européens (Cau Ferrat, Vic, Düsseldorf,<br />
Sèvres) et de collections privées.<br />
Coupe couverte, Catalogne, 1600<br />
H 21 cm. Coll. privée.<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
26<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
27
Jeunes artistes<br />
Le cycle « Jeunes artistes » se poursuit avec<br />
Thierry Adam puis Juliette Maquestiau.<br />
Deux démarches singulières présentent<br />
chacune un univers personnel très fort :<br />
deux artistes qui illustrent bien la diversité<br />
revendiquée par le comité de sélection.<br />
Ce comité se réunit une à deux fois par an.<br />
Il est composé de huit membres qui, depuis<br />
2009, ont su donner corps à ce projet :<br />
Denise Biernaux (Les Drapiers), Constant<br />
(Galerie Monos), Dominique Mathieu (Les<br />
Brasseurs), Guy Vandeloise (professeur<br />
Thierry Ada m<br />
Gardiens<br />
Salle Saint-Georges<br />
Du 5 au 29 mai 2011<br />
Le médium utilisé par Thierry Adam est principalement<br />
le dessin, sur supports vierges ou<br />
usagés. Son travail repose sur deux aspects :<br />
un pan qui relève du territoire de la mémoire<br />
de l’artiste, un autre qui renvoie à l’environnement<br />
extérieur, à la collectivité. Se superpose<br />
à ces deux thèmes une réflexion sur<br />
le temps qui s’écoule indéniablement. La<br />
juxtaposition des images – et notamment<br />
l’utilisation de la sérigraphie – introduit une<br />
notion de répétition, un rythme qui évoque<br />
l’univers de la BD.<br />
Juliette Maquestiau<br />
Salle Saint-Georges<br />
Du 2 au 30 juin 2011<br />
Juliette Maquestiau peint depuis son plus<br />
jeune âge : « il y a de cela quelques années,<br />
un jeune enfant perdu dans le monde compliqué<br />
des adultes tenta de s’exprimer à sa<br />
manière ».<br />
Autodidacte, c’est dans le cadre des ateliers<br />
Graffiti qu’elle peaufine depuis ses 6 ans les<br />
techniques de l’acrylique et du collage : des<br />
mots – coupures de presse – sont apposés<br />
sur les toiles. Celles-ci, riches d’une grande<br />
sensibilité poétique, révèlent peu à peu la<br />
figure de cette jeune artiste qui a su créer un<br />
Expositions temporaires<br />
Ce n’est plus un secret pour personne, le<br />
MAMAC fermera ses portes d’ici peu, à la fin<br />
de cette année, pour laisser au CIAC le temps<br />
de prendre forme et d’afficher un « nouveau<br />
visage » repensé, aux environs de 2014.<br />
Et ses collections, et ses réserves, aux oubliettes<br />
? Un peu de patience, pardi ! Ses fleurons<br />
rejoindront bientôt l’actuel musée de l’Art<br />
wallon tandis que les œuvres de moindre importance<br />
seront hébergées en lieu sûr. À l’îlot<br />
Saint-Georges est prévue une grande réunion,<br />
celle du MAMAC et de son Fonds ancien, du<br />
Francine Dawans<br />
Conservatrice<br />
Musées de <strong>Liège</strong><br />
Pour ouvrir le bal…<br />
Prélude au futur musée des Arts de la Ville de <strong>Liège</strong><br />
Salle Saint-Georges<br />
Du 29 juillet 2011 au 15 janvier 2012<br />
d’Histoire de l’Art, Académie des Beaux-<br />
Dans l’exposition, Thierry Adam propose<br />
univers qui lui est propre.<br />
MAW et du CED : le BAL. Joli nom – n’est-il<br />
Arts de <strong>Liège</strong>), Justine Urbain et Éric<br />
deux séries de dessins : d’une part, il réinter-<br />
pas ? – pour un rêve que d’aucuns ont sans<br />
Devriend (Chic and Cheap), Jean-Marc Gay<br />
vient sur des dessins réalisés enfant et sur<br />
doute caressé de longue date : revoir à <strong>Liège</strong><br />
(directeur des musées de la Ville de <strong>Liège</strong>),<br />
lesquels il appose son regard d’adulte ;<br />
un musée des Beaux-Arts.<br />
Françoise Safin et Françoise Dumont<br />
d’autre part, il aborde à travers des dessins<br />
(conservatrices).<br />
sur des feuilles d’agenda, des végétaux, etc.<br />
Dès l’été, une exposition proposera au public<br />
La qualité des artistes sélectionnés et le<br />
la mémoire physique, familiale et psycholo-<br />
un avant-goût de cette « renaissance ». Il y<br />
rythme des expositions ont fait de ce cycle<br />
gique en lien avec la disparition d’une<br />
verra, dans un raccourci étudié allant du xvi e<br />
une référence dans le domaine de la « jeune<br />
grand-mère et l’annonce de sa paternité.<br />
au xxi e siècle, non seulement des œuvres fa-<br />
création » à <strong>Liège</strong>.<br />
meuses des quatre collections – comme celles<br />
Marie Remacle<br />
Historienne de l’art<br />
Cabinet de la Culture<br />
À gauche : Thierry Adam, Grow up !,<br />
fusain sur papier, 110 x 70 cm, mars 2010.<br />
À droite : Juliette Maquestiau, Une folie pour toute,<br />
acrylique sur toile, 73 x 53 cm, juin 2007.<br />
acquises à Lucerne en 1939 et récemment<br />
classées « trésor national » par la Communauté<br />
française, celles des Lombard, Defrance,<br />
Evenepoel, Magritte et Delvaux sans oublier<br />
les Closson et le dessin de Vincent –, mais<br />
encore d’autres moins familières ou dont il ne<br />
Salle Saint-Georges,<br />
P. 29 : Nicolas Maes, Portrait de femme à la fontaine, s.d.<br />
Huile sur toile, 112 x 93 cm.<br />
MAMAC [BA1318]<br />
soupçonne guère l’existence. En effet, ce sera<br />
l’occasion de montrer quelques tableaux qui,<br />
grâce au Fonds David-Constant, au mécénat<br />
musée de l’Art wallon.<br />
et à la Ville de <strong>Liège</strong>, viennent d’être restaurés.<br />
Alors, sans atours ni détour, venez-y donc à<br />
Expositions accessibles<br />
Des panneaux didactiques ponctueront le<br />
ce « Premier BAL », vous y êtes cordialement<br />
du mardi au samedi de 13 à 18 h,<br />
parcours tout en permettant au visiteur de<br />
convié[e]s.<br />
les dimanches de 11 à 18 h.<br />
découvrir des confrontations inédites d’œuvres<br />
ainsi rassemblées, au fil des écoles et des<br />
divers mouvements artistiques.<br />
musée des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />
Parallèlement, un second itinéraire ciblé le<br />
mènera au Grand Curtius où seront valorisés<br />
MAMAC Musée d’Art moderne et d’Art contemporain<br />
des tableaux privilégiés pour la circonstance.<br />
MAW Musée de l’Art wallon<br />
Et des dossiers pédagogiques donneront aux<br />
CIAC Centre international d’Art et de Culture<br />
enseignants la possibilité de mieux diriger leurs<br />
CED Cabinet des Estampes et des Dessins<br />
élèves.<br />
BAL Beaux-Arts <strong>Liège</strong><br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
28<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
29
EXPO des EXPOS<br />
avant l’Exposition internationale <strong>Liège</strong>/2017<br />
La Belgique tôt industrialisée a été une fervente organisatrice de rassemblements<br />
internationaux d’envergure. Dès 1880 en effet, une première grande manifestation<br />
se déroule à Bruxelles pour célébrer avec faste le cinquantenaire de l’indépendance<br />
du pays. La capitale du Royaume a ainsi été à plusieurs reprises choisie comme site<br />
pour des expositions d’envergure, dont celle de 1958 organisée sur le plateau du<br />
Heysel, où Bruxelles a pu être la première à marquer haut et fort la renaissance de<br />
la fraternité universelle treize ans à peine après la fin des hostilités du second conflit<br />
mondial. Mais en Belgique, la centralisation pure et dure n’a jamais été de mise, et<br />
d’autres grandes villes comme Anvers, Gand et <strong>Liège</strong> ont pu à tour de rôle se porter<br />
à l’avant de la scène internationale en organisant plusieurs grandes expositions.<br />
Au xix e siècle, pour prospérer, une ville doit s’appuyer sur l’industrie et le<br />
commerce, activités favorisées à <strong>Liège</strong> par le nœud ferroviaire de niveau continental<br />
constitué par le quadrilatère de Kinkempois. C’est là que se croisent les lignes<br />
venant de Londres, Paris, Amsterdam, Berlin et Milan, les premières empruntant,<br />
pour passer le fleuve, le viaduc du Val-Benoît, qui prouvera son importance stratégique<br />
lors des conflits mondiaux. Comptant 174 000 habitants en 1900, <strong>Liège</strong>, qui<br />
connaît à ce moment un développement économique exceptionnel, obtient le<br />
privilège de célébrer le 75 e anniversaire de l’indépendance du pays et de se montrer<br />
au monde en organisant une exposition universelle (1905). Les organisateurs liégeois<br />
estiment avoir « mis tout à la fois en vedette et le génie de la race wallonne et l’unité<br />
de l’esprit national belge » (Gustave Drèze, Livre d’or…, 1906), ce dont plus de sept millions de<br />
visiteurs ont pu témoigner.<br />
En quelques mois, de vastes terres marécageuses situées au sud de la ville<br />
ont été assainies pour accueillir le champ de foire traversé par une ligne ferroviaire<br />
de la Compagnie du Nord-belge, simple prolongement de 1000 m du quadrilatère<br />
préexistant. Travaux particulièrement utiles, puisque les deux rives de l’Ourthe<br />
canalisée pourront être urbanisées dès la clôture des festivités en un vaste quartier<br />
aéré, fleuron liégeois de mixité sociale. À l’origine destinée à faciliter la communication<br />
entre les différents sites de l’exposition de 1905, la judicieuse construction du pont<br />
de Fragnée, qui enjambe la confluence de la Meuse avec la rivière ardennaise, a<br />
doté la ville d’une entrée prestigieuse au sud et a permis aux transports en commun<br />
de desservir en une seule boucle tous les quartiers situés dans la vallée.<br />
Directement accessible du centre ville, le parc de la Boverie, situé entre la<br />
Meuse et un canal de dérivation, a été harmonieusement aménagé pour servir<br />
d’écrin à quelques pavillons nationaux ou de prestige, dont le palais des Beaux-Arts,<br />
conservé en novembre 1905. C’est ce bâtiment (actuel MAMAC) qui sera bientôt<br />
transformé en Centre international d’Art et de Culture (C.I.A.C.).<br />
En 1930, les villes d’Anvers et de <strong>Liège</strong> ont célébré conjointement et en<br />
parfaite harmonie le centenaire de l’indépendance belge en montant des expositions<br />
internationales jumelles : la métropole du nord du pays y présente les atouts de son<br />
port, à savoir les matières maritime et coloniale, tandis que la cité mosane illustre<br />
ses spécificités en matière d’industrie et de sciences. Dans le cadre de cette<br />
organisation parfaitement symétrique, les arts anciens flamand et wallon sont aussi<br />
Christine Renardy<br />
Premier directeur de la Culture et du Tourisme<br />
Ville de <strong>Liège</strong><br />
MAMAC, parc de la Boverie<br />
Du 8 juin au 18 septembre 2011<br />
<strong>Liège</strong> va bientôt déposer officiellement<br />
sa candidature pour l’organisation d’un<br />
nouvel événement international.<br />
En prélude, cette exposition produite<br />
par le B.I.E. (bureau international des<br />
expositions) retrace l’histoire des Expositions<br />
universelles ou internationales.<br />
Elle permettra au public liégeois de se<br />
familiariser avec ce concept et donc de<br />
comprendre les enjeux importants que<br />
la candidature de « <strong>Liège</strong> 2017 »<br />
représente pour leur cité.<br />
En haut : Exposition universelle 1905,<br />
2 de affiche officielle par Auguste Donnay (1862-1921) [AVLg]<br />
+ gouache d’Émile Berchmans (1867-1947),<br />
perspective de 4 des 5 sites [AVLg, exposée au Grand Curtius].<br />
En bas à gauche : Palais du Commissariat à Coronmeuse. Aquarelle<br />
de Georges Dedoyard (1897-1988) reproduite dans CR Exposition<br />
internationale des techniques de l’eau, <strong>Liège</strong>, 1939.<br />
Exposition temporaire<br />
mis en évidence. L’exposition internationale de <strong>Liège</strong> s’est tenue au nord de la ville<br />
sur les deux rives de la Meuse, à hauteur de Coronmeuse, ainsi que dans le parc de<br />
la Boverie pour la rétrospective artistique qui a réinvesti le palais des Beaux-Arts.<br />
Cinq ans plus tard, malgré les difficultés d’une situation internationale de<br />
plus en plus tendue, les forces vives liégeoises se mobilisent à nouveau pour porter<br />
un ambitieux projet. L’association « Le Grand <strong>Liège</strong> » veut en effet fêter dignement<br />
l’achèvement du canal Albert, dont le premier ouvrage d’art, le pont-barrage Monsin<br />
situé au nord du site de Coronmeuse, avait été inauguré le 17 juin 1930. Cette<br />
exposition est la parfaite continuité de la précédente, puisque le canal Albert met le<br />
bassin industriel mosan en liaison directe avec le port maritime d’Anvers. Ce très<br />
important investissement national offre au bassin liégeois de nouvelles perspectives<br />
d’exportations, ses industries ayant été particulièrement pénalisées par la perte de<br />
leur marché naturel, suite aux ruptures générées par la guerre de 1914-18. Quelques<br />
années plus tard, « l’exposition internationale de la technique de l’Eau - <strong>Liège</strong> 1939 »<br />
connaît un succès retentissant dès son ouverture le 20 mai, mais doit prématurément<br />
fermer ses portes au début du mois de septembre suite à la déclaration de guerre.<br />
À l’aube du xxi e siècle, <strong>Liège</strong>, ville universitaire et riche de son patrimoine<br />
historique, relève le défi de présenter au monde son renouveau urbanistique et<br />
économique en 2017.<br />
À droite : Le Plongeur et son arc, 1939, par Idel Ianchelevici<br />
(1909-1994), réinstallé au port des Yachts en 2000.<br />
•<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
30<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
31
Nadine de Rassenfosse<br />
Historienne de l’Art<br />
Membre du Comité de gestion<br />
du Fonds Armand Rassenfosse<br />
de la Fondation Roi Baudouin<br />
Armand Rassenfosse (1862-1934)<br />
graveur, affichiste et illustrateur liégeois<br />
logos personnalisés. La découverte de pièces inconnues dans l’atelier donne un<br />
éclairage neuf sur le volet publicitaire de la production de l’artiste. La plupart de ces<br />
travaux, au départ anonymes, révéleront bien plus tard un monogramme discret.<br />
À l’imprimerie, Rassenfosse est confronté à la lithographie, domaine où il<br />
atteint une grande habileté, et aux procédés mécaniques comme la photogravure,<br />
l’héliogravure et l’offset. Il explore alors le monde très en vogue de l’affiche publicitaire<br />
avec ses amis Auguste Donnay et Émile Berchmans. La réputation de cette « école<br />
liégeoise de l’affiche » dépasse nos frontières et participe au renom de l’imprimerie<br />
Bénard dont Rassenfosse devient, au décès de son fondateur en 1907, le directeur<br />
artistique et l’administrateur.<br />
Ces gravures font partie de l’important legs que Claire de Rassenfosse (1922-2009),<br />
la dernière petite-fille de l’artiste, consentit à la Fondation Roi Baudouin lui donnant<br />
pour mission la conservation et la mise en valeur de l’œuvre et de la maison-atelier<br />
de son grand-père dans laquelle elle vécut jusqu’à l’été 2005. Cette demeure néomosane<br />
construite en 1899 selon les plans de l’architecte liégeois Paul Jaspar,<br />
conservés au Centre d’archives et de documentation de la Commission Royale des<br />
Monuments Sites et Fouilles, a été classée comme monument par le Ministre du<br />
Patrimoine Jean-Claude Marcourt en 2009.<br />
Les œuvres et documents les plus précieux avaient déjà été mis à l’abri dans<br />
les réserves du musée de l’Art wallon dès l’été 2006 à la demande de l’administrateur<br />
provisoire de Claire de Rassenfosse et en parfaite collaboration avec l’échevinat de<br />
la Culture de la Ville de <strong>Liège</strong>. Un second dépôt, essentiellement constitué du fonds<br />
d’atelier, fut réalisé en 2010, à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin désormais<br />
propriétaire de l’ensemble des biens.<br />
Outre les gravures, le fonds comprend également des peintures, dessins,<br />
affiches publicitaires, croquis et calques, ainsi que de nombreux documents et objets<br />
personnels. L’ensemble est complété par du mobilier, notamment de Serrurier-<br />
Bovy, des plâtres et moulages, et par une importante bibliothèque artistique et<br />
littéraire. L’inventaire, le classement et le reconditionnement de ce précieux patrimoine<br />
sont en bonne voie d’achèvement.<br />
Un parcours dans l’alchimie de la gravure<br />
Les gravures exposées n’ont jamais quitté l’atelier depuis le décès d’Armand Rassenfosse<br />
en 1934. De plus, la découverte de pièces rares voire inédites, dessins préparatoires,<br />
calques, états uniques, mais aussi de matrices (cuivre, zinc, acier) permettent de revivre,<br />
pas à pas, le processus créatif et technique qui animait le graveur. Ce cheminement<br />
est retracé avant l’impression de l’ultime état de la gravure – qui parfois en<br />
compte une quinzaine –, celui qui répond aux critères d’exigence de l’artiste.<br />
Fasciné par les procédés techniques, cet autodidacte expérimente successivement<br />
l’eau-forte, la pointe sèche, le vernis mou, l’aquatinte et même l’encre au<br />
sucre. Il travaille avec acharnement pour discipliner sa main d’abord et affiner ensuite<br />
les formules sur base d’anciennes recettes. C’est ainsi qu’il mettra au point le vernis<br />
idéal recherché depuis longtemps par son ami Félicien Rops pour retoucher ses<br />
photogravures, le fameux Ropsenfosse.<br />
En véritable alchimiste de la gravure, Rassenfosse s’amuse à combiner<br />
étroitement les diverses techniques qu’il maîtrise afin d’atteindre la meilleure expression.<br />
Plusieurs illustrations d’ouvrages en attestent et notamment la célèbre édition<br />
des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire gravée pour la « Société des Cent Bibliophiles<br />
de Paris » en 1899.<br />
Les vignettes et affiches publicitaires<br />
Engagé par l’imprimeur Auguste Bénard comme collaborateur artistique, Rassenfosse<br />
compose, dès 1890, de nombreuses vignettes publicitaires vantant les mérites de<br />
produits d’usage courant et crée aussi des papiers à en-tête ou des marques et<br />
Parmi les manifestations organisées<br />
lors de la 8 e Biennale internationale de<br />
gravure, est présentée à la salle<br />
Saint-Georges une sélection d’estampes<br />
de l’artiste liégeois mises en dépôt<br />
au musée de l’Art wallon.<br />
C’est l’occasion de revenir sur ce<br />
patrimoine artistique formant un<br />
ensemble très riche comprenant des<br />
œuvres, des outils de travail, du mobilier<br />
et la maison-atelier de l’artiste.<br />
De gauche à droite<br />
Magis & Henn à <strong>Liège</strong>, 1896.<br />
Couverture d’un catalogue d’échantillons<br />
de papiers peints, chromolithographie.<br />
<strong>Liège</strong>, Aug. Bénard.<br />
Ex-libris Dora Nyst, 1905.<br />
Eau-forte, pointe sèche.<br />
Eva, 1894.<br />
Vernis mou, pointe sèche, aquatinte.<br />
8 e état, publié par la Société des<br />
Aquafortistes belges en 1894.<br />
La Femme, thème central<br />
C’est bien entendu ce qui ponctue l’œuvre<br />
de Rassenfosse. De toutes conditions sociales<br />
et dans toutes les attitudes quotidiennes,<br />
qu’elles soient ouvrières, « hiercheuses<br />
» du Pays de <strong>Liège</strong>, bourgeoises<br />
chapeautées ou cocottes dénudées, danseuses<br />
en mouvement ou mères allaitant,<br />
les femmes, qu’il chérit, peuplent tout son<br />
univers. Elles figurent aussi dans le monde<br />
symboliste et allégorique qu’il recrée au contact<br />
des courants littéraires du moment.<br />
Rassenfosse se révèle aussi portraitiste<br />
d’êtres qui lui sont chers : famille, amis<br />
ou écrivains dont il illustre les ouvrages.<br />
Avec un sens aigu de l’observation, il parvient<br />
en quelques traits gravés à capter<br />
l’humanité d’un regard ou d’une attitude, à<br />
fouiller une âme. De même, pour les exlibris,<br />
il réussit à exprimer une idée, évoquer<br />
une personnalité et créer un climat dans un<br />
format très réduit. Sa production d’ex-libris<br />
comprend une centaine de pièces différentes,<br />
tandis que la collection internationale<br />
réunie par son épouse Marie en comptait<br />
10 000 ! Elle a été léguée en 1956 par leur<br />
fils aîné, le professeur André de Rassenfosse,<br />
à la Bibliothèque de l’Université de <strong>Liège</strong>.<br />
Cette exposition était l’occasion rêvée pour<br />
présenter au public la dernière presse de<br />
Rassenfosse, donnée à la Ville dans les<br />
années 50 lors de la création du Cabinet<br />
des Estampes et des Dessins. Placée au<br />
cœur de la salle Saint-Georges, auprès de<br />
flacons de vernis précieusement annotés,<br />
d’un réchaud, de pointes sèches, roulettes,<br />
brunissoirs et autres ébarboirs, elle prend<br />
une dimension hautement symbolique.<br />
Quelle aubaine de pouvoir mettre ainsi en<br />
perspective l’homme, l’œuvre et les outils<br />
indispensables à la création artistique ! •<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
32<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
33
Godelieve Denhaene<br />
Cabinet des Estampes,<br />
Bibliothèque royale de Belgique<br />
Philippe Joris<br />
Conservateur<br />
Département des Armes<br />
du Grand Curtius<br />
Président de l’AFMB<br />
Lambert Lombard : deux nouveaux dessins<br />
acquis par la Fondation Roi Baudouin pour le Cabinet des Estampes et des Dessins<br />
L’AFMB<br />
Association Francophone des Musées de Belgique<br />
L’auteur de ces deux esquisses est facilement<br />
reconnaissable : le peintre liégeois<br />
Lambert Lombard a laissé plus d’une centaine<br />
de ces petits croquis conservés essentiellement<br />
dans l’Album d’Arenberg (<strong>Liège</strong>, CED).<br />
Ils proviennent du démantèlement d’un<br />
document exceptionnel : le carnet d’exercices<br />
que Lombard avait confectionné en y collant,<br />
côte à côte, des centaines d’ébauches.<br />
Chaque page de ce carnet était consacrée à<br />
des variations soit du corps humain, soit de<br />
petits groupes de figures : Adam et Ève, Vénus<br />
et Cupidon, Hercule et Antée, Abraham et<br />
Isaac… L’artiste avait ainsi constitué un répertoire<br />
de figures en mouvement auquel il pouvait<br />
se référer constamment. Les dessins de<br />
ce recueil se caractérisent par leur petit format<br />
(3 à 6 cm de hauteur) ; l’artiste laisse courir sa<br />
plume d’un trait rapide pour inventer des compositions<br />
vivantes, originales, dynamiques en contraste<br />
avec les études académiques qu’il conçoit<br />
pour ses grandes compositions et pour ses<br />
gravures.<br />
L’Album d’Arenberg contient treize esquisses<br />
représentant Vénus et Cupidon pleurant la mort<br />
d’Adonis [D8a-8k]. La mort d’Adonis s’inscrit<br />
dans ce groupe et a pu être détaché du carnet<br />
d’exercices à un moment indéterminé. On y<br />
voit Vénus assise qui enlace le corps de son<br />
amant vu de face. À gauche, Cupidon, le carquois<br />
à ses pieds, soutient lui aussi le corps<br />
du dieu de la végétation. Les figures sont entourées<br />
de hachures, procédé courant à la Renaissance,<br />
pour suggérer les bas-reliefs antiques.<br />
Dans le dessin nouvellement acquis, Caïn<br />
tuant Abel, on voit Caïn s’apprêtant à frapper<br />
Abel allongé sur le sol. Trois croquis de l’Album<br />
d’Arenberg [D15a-15c] évoquent le même thème.<br />
Les corps des deux protagonistes, allongés à<br />
l’extrême, sont contorsionnés dans des mouvements<br />
exacerbés.<br />
Les dessins acquis par la Fondation Roi<br />
Baudouin nous font entrer de plain-pied dans<br />
le travail créatif d’un artiste enclin à suivre l’évolution<br />
italianisante de son temps. En quelques<br />
traits, Lombard illustre sa volonté de situer le<br />
corps dans l’espace et de le libérer du carcan<br />
de la tradition.<br />
Lambert Lombard (<strong>Liège</strong>, 1505/6-1566),<br />
Caïn tuant Abel et La mort d’Adonis<br />
Montage de deux dessins sur un même support ;<br />
47 x 65 mm et 55 x 40 mm.<br />
Plume et encre brun foncé ; pliures et lacunes.<br />
Provenance : ancienne collection Jacques Fryszman ;<br />
vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot, 8 octobre 1997,<br />
partie du lot 108 ; Paris, vente Piasa, 31 mars 2011,<br />
lot 8 comme « École italienne du xvi e siècle ».<br />
Par cette acquisition, la Fondation Roi Baudouin<br />
manifeste une fois encore sa volonté de faire<br />
connaître un peintre particulièrement novateur<br />
et influant sur l’art et la culture de son temps.<br />
Déjà, en 1996, les 800 dessins de l’Album<br />
d’Arenberg sont restaurés (lors de la campagne<br />
S.O.S. Œuvres d’art sur papier organisée par<br />
la Fondation). Quatre ans plus tard, elle acquiert<br />
l’Album de Clérembault contenant 69 dessins<br />
attribués à Lombard. Ces œuvres font immédiatement<br />
l’objet d’une exposition à la Société<br />
littéraire de <strong>Liège</strong> et sont déposées au CED<br />
de <strong>Liège</strong>. Ce dépôt, qui permettait de rassembler<br />
dans un même endroit près de 900 dessins<br />
de Lambert Lombard, représentait un apport<br />
de première importance pour la connaissance<br />
des théories artistiques et de l’humanisme<br />
belges en plein développement au cours du<br />
xvi e siècle.<br />
•<br />
Obéissant au mouvement de communautarisation<br />
du pays, l’Association des Musées de<br />
Belgique créée en 1963 se scinda en 1979 :<br />
l’AFMB francophone et la VMV (Vlaamse<br />
<strong>Museum</strong> Vereniging). Ces deux associations<br />
(sur le point de changer de dénomination : ICOM<br />
Belgique/Wallonie-Bruxelles et ICOM Belgique/<br />
Flandres) forment ensemble le Comité national<br />
belge du Conseil International des Musées<br />
(ICOM).<br />
L’AFMB rassemble les professionnels du<br />
monde muséal belge francophone. Elle est<br />
essentiellement un groupement de personnes<br />
travaillant dans les musées ou en étroite relation<br />
avec eux. Elle compte aussi parmi ses<br />
375 membres diverses institutions muséales.<br />
L’AFMB est le porte-parole et un des interlocuteurs<br />
privilégiés des musées auprès des instances<br />
politiques et administratives. Elle est représentée<br />
au Conseil des Musées et dans diverses<br />
commissions ; elle entretient naturellement des<br />
contacts réguliers avec les autres associations<br />
du pays ayant pour objectif la défense du patrimoine,<br />
tant matériel qu’immatériel.<br />
Chaque membre s’engage à respecter et<br />
promouvoir le Code de déontologie de l’ICOM.<br />
L’AFMB organise aussi à l’intention de ses<br />
membres des visites de musées et d’expositions,<br />
où l’intérêt se porte pour l’essentiel sur<br />
les « coulisses » des lieux et des manifestations<br />
visités. Elle édite un bulletin trimestriel, Info-<br />
Musées, et une revue annuelle, La Vie des<br />
Musées, dont chaque livraison est consacrée<br />
à un thème spécifique. Colloques et journées<br />
d’études sont également à son programme.<br />
Le prochain aura lieu en novembre 2011 et<br />
sera consacré à l’accessibilité des musées.<br />
Il ne saurait être question de l’AFMB sans<br />
consacrer quelques lignes à « l’association<br />
mère », le Conseil International des Musées<br />
(International Council of <strong>Museum</strong>s = ICOM),<br />
dont le siège social se trouve à Paris, à la<br />
Maison de l’UNESCO. L’ICOM est une association<br />
non gouvernementale, sans but lucratif,<br />
créée en 1946 sous l’égide de l’UNESCO<br />
et en relation d’association formelle avec elle.<br />
Fondée par et pour des professionnels de musées,<br />
elle constitue aujourd’hui un réseau de<br />
quelque 30 000 membres incarnant la communauté<br />
muséale mondiale. L’ICOM se compose<br />
de 115 comités nationaux et de 31 comités<br />
internationaux représentant presque toutes<br />
les spécialités des musées ; sans compter les<br />
alliances régionales et les organisations affiliées.<br />
L’ICOM est aussi un des membres fondateurs<br />
du Comité international du Bouclier Bleu.<br />
Les objectifs de l’ICOM sont de promouvoir<br />
la création, le développement et la gestion<br />
professionnelle des musées et d’améliorer la<br />
connaissance et la compréhension de la fonction<br />
et du rôle des musées.<br />
L’ICOM établit des normes déontologiques<br />
auxquelles musées et personnel s’engagent à<br />
se conformer, « bonnes pratiques » consignées<br />
dans le Code de déontologie, qui établit les<br />
valeurs et les principes communs à la communauté<br />
muséale. Il organise la coopération et<br />
l’entraide entre les musées et les membres de<br />
la profession, notamment en cas de sinistre<br />
majeur. L’ICOM se trouve également engagée<br />
dans la lutte contre le trafic illicite des biens<br />
culturels et édite régulièrement des « listes<br />
rouges » reprenant les catégories d’objets en<br />
péril pour une zone géographique donnée.<br />
Attentif à la préservation du patrimoine immatériel,<br />
l’ICOM souhaite promouvoir un tourisme<br />
culturel « durable ». Aujourd’hui présidé par le<br />
Dr Hans-Martin Hinz, l’ICOM publie à l’intention<br />
de ses membres la revue Les Nouvelles<br />
de l’ICOM ; son site internet (icom.museum)<br />
constitue une source d’informations inestimable,<br />
avec de nombreux documents disponibles en<br />
ligne.<br />
•<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
34<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
35
Régine Rémon<br />
Conservatrice<br />
Cabinet des Estampes et des Dessins<br />
Commissaire de la Biennale<br />
Édith Schurgers<br />
Animatrice pédagogique<br />
Musées de <strong>Liège</strong><br />
Prix de la 8 e Biennale internationale de gravure<br />
contemporaine de <strong>Liège</strong> : Ross Rac i n e<br />
Curtius Circus<br />
Le jury a décerné le prix de la Biennale<br />
à Ross Racine, artiste canadien (Montréal),<br />
auteur de dessins numériques<br />
et impressions au jet d’encre.<br />
Le musée ne peut plus être considéré<br />
aujourd’hui comme un lieu élitiste, réservé<br />
aux seuls savants.<br />
C’est l’image séculaire de sanctuaire où nulle<br />
place n’est accordée au jeu, à la dérision,<br />
au loufoque et au burlesque que l’exposition<br />
Curtius Circus a voulu faire voler en éclat,<br />
en avril au Grand Curtius.<br />
Elle montrait les travaux d’étudiant[e]s du<br />
cours de photographie de Jean-Michel Sarlet<br />
en Master 1 (option Publicité) de l’ÉSAL<br />
(Académie Royale des Beaux-Arts de <strong>Liège</strong>),<br />
qui proposent une vision décalée du musée<br />
et de ses collections, ré-inventées dans une<br />
série de photographies surprenantes.<br />
Plus qu’un premier projet de médiation<br />
créative avec un établissement d’enseignement,<br />
Curtius Circus était avant tout l’histoire<br />
d’une rencontre entre les étudiants de l’ÉSAL<br />
et le Service éducatif des Musées. Une rencontre<br />
entre le regard libre de toute contrainte<br />
Sa série Heavenly heights de vues aériennes<br />
de banlieues imaginaires fait penser à s’y<br />
méprendre à des photographies prises à vol<br />
d’oiseau. Or, la photo est totalement absente<br />
de son travail qui mixte le dessin à main levée<br />
sur une tablette graphique et son traitement<br />
informatique.<br />
Il s’agit bien de sites fictifs, composés<br />
de multiples parcelles quasiment identiques,<br />
alignées selon un rythme régulier et répétitif.<br />
Les axes rectilignes ou concentriques<br />
n’autorisent aucun écart, aucune fantaisie,<br />
tout semble figé dans le temps et l’espace.<br />
Selon l’artiste, les images purement fabriquées,<br />
commentent l’utilisation du paysage<br />
naturel par la société et révèlent les peurs<br />
aussi bien que les rêves d’une culture urbaine.<br />
De plus, le jury a accordé une mention<br />
à Alexandra Haeseker, artiste également<br />
canadienne quoique née aux Pays-Bas.<br />
Son installation modulable Je suis dans ton<br />
sang parle de l’identité de la femme, par le<br />
biais de silhouettes animées, réalisées sur<br />
ordinateur puis découpées et superposées.<br />
Composition du jury<br />
- Marie-Cécile Miessner, conservatrice en chef chargée des<br />
collections d’estampes contemporaines au département<br />
des estampes et de la photographie à la Bibliothèque<br />
nationale de France, Paris<br />
- Paul Bartemes, directeur artistique de Mediart, agence de<br />
promotion culturelle, Luxembourg<br />
- Vincent Cartuyvels, directeur de l’école sup. des arts de<br />
l’image Le 75, Bruxelles<br />
- Ronny Delrue, artiste, professeur à la hogesschool voor<br />
wetenschap en kunst, Gent<br />
- Alexander Van Grevenstein, directeur<br />
du Bonnefanten <strong>Museum</strong>, Maastricht<br />
scientifique de jeunes talents et le patrimoine<br />
muséal de leur ville.<br />
Sous ses airs de cirque, Curtius Circus est le<br />
fruit d’un long processus nourri de réflexions<br />
autour des collections. L’aventure a commencé<br />
par une découverte des collections<br />
permanentes du Grand Curtius. Pour beaucoup<br />
de ces étudiant[e]s, il s’agissaitt de<br />
premiers pas au sein du musée. C’est une<br />
relation d’intimité, un lien de familiarité qui<br />
peu à peu s’est tissé entre les jeunes et le<br />
musée. Le rapport de confiance et de compréhension<br />
mutuelles s’est instauré au gré<br />
de visites successives.<br />
Leur œil incisif, exercé au jeu de la publicité<br />
et des regards croisés a guidé le choix<br />
des œuvres. Véritable relooking de sens et<br />
des points de vue, les créations photographiques<br />
ré-inventent de manière surprenante<br />
une sélection d’œuvres, rencontres les plus<br />
incongrues entre l’objet et l’idée.<br />
Photo de Déborah Smeets (ÉSAL).<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
36<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
37
Édith Schurgers<br />
Animatrice pédagogique<br />
Musées de <strong>Liège</strong><br />
Pascal Heins<br />
Service de « Didactique de l’histoire de l’art<br />
et de l’esthétique », Université de <strong>Liège</strong><br />
Musées/Université<br />
Le musée comme « boîte à outils »<br />
Pourquoi programmer une formation en guidage muséal dans le cursus<br />
« professeur[e]s d’histoire de l’art » de l’enseignement secondaire ?<br />
Une mission du Service éducatif et au Public<br />
des musées de <strong>Liège</strong> est d’exploiter les<br />
collections des musées pour la formation :<br />
elles constituent un matériau d’apprentissage<br />
de l’histoire et du patrimoine destiné au<br />
public scolaire, à chaque niveau du système<br />
éducatif en Communauté française. Une autre<br />
mission est le développement de collaborations<br />
à long terme avec les établissements<br />
d’enseignement supérieur et les universités.<br />
Ainsi, le projet proposé par le Service de<br />
« Didactique de l’histoire de l’art et de l’esthétique<br />
» de l’Université de <strong>Liège</strong> a été l’opportunité<br />
de réfléchir à des actions et des outils<br />
communs en matière de médiation culturelle.<br />
Dans le cadre de leur formation, a été proposé<br />
aux futur[e]s professeur[e]s d’histoire de l’art<br />
de l’enseignement secondaire de guider des<br />
groupes d’élèves dans les musées de la Ville<br />
et dans des expositions.<br />
Ce projet, nouveau pour les deux services,<br />
s’est concrétisé dans une relation triangulaire :<br />
Service de Didactique, Service éducatif et établissements<br />
d’enseignement secondaire. Le Service<br />
de Didactique y a trouvé la possibilité de<br />
confronter les professeur[e]s-stagiaires à une<br />
réalité de la profession. Les écoles ont pu intégrer<br />
« à la carte » les visites dans leurs programmes<br />
de cours. Quant au Service éducatif, il a pu<br />
remplir une de ses missions muséales phares<br />
(construire une relation durable avec l’enseignement)<br />
et formaliser sa pratique professionnelle<br />
de médiation à destination du public scolaire.<br />
Chaque école s’est engagée à suivre un<br />
cycle de trois animations muséales de deux<br />
heures. Les thématiques d’intervention ont été<br />
déterminées en fonction des collections, des<br />
expositions temporaires et des cours dispensés<br />
par les enseignants (français, histoire, expression<br />
plastique, etc.). Chaque professeur[e]-<br />
stagiaire a accompagné une demi-classe pour<br />
la durée du cycle. Le Service éducatif des<br />
musées a supervisé le travail de chaque stagiaire,<br />
depuis la préparation et la réflexion méthodologique<br />
jusqu’à l’évaluation.<br />
En amont, les stagiaires ont reçu une formation<br />
théorique de la part de leur didacticien, qui<br />
s’est associé à Isabelle Verhoeven de l’asbl<br />
Art&fact, guide professionnelle qui a exposé<br />
les règles, trucs et astuces de la pratique du<br />
guidage. Cette première approche théorique<br />
s’est articulée autour des questions essentielles<br />
qui président à la conception d’une animation<br />
en médiation culturelle, quel que soit le public<br />
cible. Les stagiaires ont ensuite observé des<br />
visites guidées destinées à un public varié (enfants,<br />
adolescents, adultes), dans les musées<br />
et en centre urbain (visite de la gare des Guillemins,<br />
parcours architectural dans <strong>Liège</strong>).<br />
Les premières visites ont mis en lumière la<br />
difficulté pour les stagiaires de concevoir leurs<br />
interventions au départ du seul contenu des<br />
collections muséales. Travaillant dans les<br />
classes sur un large choix de documents<br />
visuels à leur disposition, « traditionnellement »<br />
tentés d’exposer le contexte pour aboutir<br />
ensuite à l’étude de l’œuvre, les stagiaires ont<br />
dû développer une méthodologie adaptée. Il<br />
faut en effet « faire avec » les œuvres exposées :<br />
partir de l’œuvre pour remonter vers le contexte<br />
général constitue un défi.<br />
Comment faire pour ne pas tomber dans<br />
le piège d’une visite ex cathedra ? Comment<br />
ne pas « oublier » les jeunes visiteurs et les<br />
amener à participer activement aux animations ?<br />
Comment intéresser les adolescents au propos<br />
du musée et aux thématiques développées ? 1<br />
Encore emprisonnés dans leur pratique scientifique,<br />
les stagiaires ont dû appliquer au musée<br />
une méthodologie recommandée pour les<br />
classes lors de la formation initiale en didactique<br />
: reconsidérer la pratique du guidage en<br />
créant des outils pédagogiques prenant en<br />
compte la spécificité du public, l’interpellant et<br />
le plaçant en situation active tout au long de<br />
l’animation. Oublier l’image d’un musée figé<br />
et en faire un outil d’apprentissage actif et ludique,<br />
voilà l’enjeu.<br />
Mais une des difficultés majeures de la médiation<br />
muséale est ce qui fait la spécificité du musée<br />
: la confrontation directe avec les œuvres.<br />
Lors des animations, des stagiaires ont eu des<br />
difficultés à proposer une analyse des œuvres<br />
pour elles-mêmes. Décoder l’objet, apprendre<br />
à voir, laisser place au sensible et l’objectiver<br />
par le savoir, et surtout ne pas tomber dans<br />
l’anecdote : autant de bons réflexes qu’ils[elles]<br />
ont appris au cours de cette première expérience<br />
de guidage. La plupart ont réussi leur<br />
mission : faire du musée une « boîte à outils »<br />
des connaissances historiques et patrimoniales,<br />
en exploitant le potentiel didactique et en développant<br />
des supports d’animation adaptés<br />
aux élèves de l’enseignement secondaire supérieur<br />
autant qu’aux attentes des enseignants.<br />
À l’heure du bilan, il apparaît que les enseignants<br />
sont satisfaits de l’expérience. Ils ont<br />
manifesté le souhait de poursuivre lors de la<br />
prochaine année scolaire. Les échos reçus des<br />
élèves sont également positifs : l’expérience a<br />
vite créé chez eux un « habitus » culturel.<br />
Le Service éducatif et le Service de Didactique<br />
vont poursuivre la collaboration, avec<br />
des évolutions. Seront formalisées davantage<br />
les attentes didactiques, depuis la préparation<br />
des interventions jusqu’à l’évaluation, en complément<br />
de l’enseignement en classe : pour faire<br />
vivre la « boite à outils » du musée, croiser les<br />
regards et les approches, avoir vision commune<br />
et cohérente de la pédagogie muséale. •<br />
1. Cette question soulève des interrogations dans<br />
les services pédagogiques des institutions culturelles<br />
: le public des adolescents est souvent<br />
considéré comme une cible de visiteurs difficiles<br />
à convaincre, à satisfaire, à accrocher.<br />
Les agrégés en histoire de l’art, pour qui l’université<br />
assure la formation initiale en didactique<br />
disciplinaire, sont amenés à donner des cours<br />
d’histoire de l’art et d’esthétique, mais aussi<br />
d’autres matières en lien avec leur expertise<br />
(connaissance des styles, analyse ou rhétorique<br />
de l’image), aux élèves du secondaire<br />
des sections de transition et de qualification,<br />
essentiellement dans l’enseignement artistique.<br />
Aujourd’hui, l’offre professionnelle en matière<br />
de communication et d’éducation en histoire<br />
de l’art déborde les lieux formels d’instruction.<br />
Une des missions assignées au musée consiste<br />
à exposer les témoins matériels qu’il conserve<br />
à des fins d’éducation (et de « délectation<br />
», pour reprendre la définition du musée<br />
de ICOM), et nombreuses sont les institutions<br />
qui disposent d’un service proposant des animations<br />
destinées au public scolaire. Existe<br />
donc un espace commun entre le musée et<br />
l’école : celui des préoccupations didactiques,<br />
des articulations entre l’enseignant-animateur,<br />
les contenus ou les connaissances et les apprenants-visiteurs.<br />
Cet espace commun favorise<br />
naturellement les collaborations entre musées,<br />
écoles et organes de formation pédagogique.<br />
En Belgique, il n’existe pas de formation à<br />
la médiation muséale combinant l’expertise universitaire<br />
en histoire de l’art et les questions<br />
de transposition didactique, qui relèvent plus<br />
largement du domaine des sciences de l’éducation.<br />
La formation en muséologie porte sur<br />
les autres rôles du musée (acquisition, conservation<br />
et exposition), mais elle ne s’attache<br />
pas précisément aux modalités de transmission<br />
des connaissances liées aux collections. Si le<br />
diplôme d’agrégé de l’enseignement secondaire<br />
supérieur n’est pas un titre « requis »<br />
pour l’engagement au sein des services éducatifs<br />
des structures muséales, il s’avère de<br />
facto que les historiens d’art et archéologues<br />
dont l’expertise disciplinaire se complète d’une<br />
formation pédagogique détiennent un solide<br />
viatique pour postuler. Encore fallait-il, pour<br />
notre Service de Didactique, rencontrer l’offre<br />
muséale dans sa dimension éducative et former<br />
à des compétences professionnelles en adéquation<br />
avec les spécificités et les contraintes du<br />
musée. Cela en gardant à l’esprit l’écueil du<br />
genre : le musée en tant qu’extension pure et<br />
simple de l’école. Nous conservons tous le<br />
souvenir, souvent peu « excitant », d’une visite<br />
scolaire au musée.<br />
La spécificité du musée est la « vraie »<br />
matérialité des objets présentés aux visiteurs.<br />
Poser son regard sur une œuvre originale modifie<br />
profondément les impressions premières.<br />
Les référentiels d’études en histoire de l’art et<br />
en esthétique ne manquent pas de rappeler<br />
l’importance de rencontrer les œuvres d’art dans<br />
« leurs vraies dimensions spatiales et sensibles ».<br />
Le travail dans les classes devant des reproductions,<br />
en plus de gommer des valeurs plastiques,<br />
instaure une distance qui tend à dispenser<br />
de l’acte de bien voir. Or il s’agit d’apprendre<br />
au public scolaire à voir, justement, et<br />
aux professeurs en formation à acquérir une<br />
méthode d’analyse qui s’appuie sur les constituants<br />
plastiques de l’objet pour aller vers le<br />
contexte, en évitant les discours périphériques<br />
qui éloignent du donné à voir, et à ressentir.<br />
Au musée, toute intervention est naturellement<br />
axée sur l’objet matériel : y déroger reviendrait<br />
à rater son affaire. Cette obligation, en retour,<br />
aide à réfléchir et à construire les pratiques<br />
d’intervention dans les classes. Les bénéfices<br />
du guidage muséal dans le curriculum des<br />
professeur[e]s d’histoire de l’art du secondaire<br />
sont nombreux ; ils vont bien au-delà des<br />
questions de marché.<br />
•<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
38<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
39
Soo Yang Geuzaine<br />
Historienne de l’Art<br />
Département des Arts décoratifs<br />
du Grand Curtius<br />
Les « grands fonds »<br />
du département des Arts décoratifs du Grand Curtius<br />
Les collections du département des Arts décoratifs du Grand Curtius se sont accrues<br />
au fil du temps grâce au mécénat. La multiplicité des dons en faveur des anciens<br />
musées d’Archéologie et d’Arts décoratifs permet aujourd’hui d’inscrire nos institutions<br />
muséales sur l’échiquier culturel régional, national, voire international. S’il est<br />
impossible d’énumérer toutes ces donations, nous mentionnons ici les plus importantes<br />
d’un point de vue qualitatif ou quantitatif 2 .<br />
• Une des plus anciennes donations vient<br />
d’Antonin Terme, fabricant d’armes lyonnais<br />
qui, de par sa profession, se rend à <strong>Liège</strong>, y<br />
devient membre effectif de l’Institut archéologique<br />
liégeois en 1877, puis président en<br />
1885. Il fait preuve alors d’un esprit moderne<br />
puisqu’il lègue bon nombre de verreries et de<br />
céramiques qui ont un lien historique avec la<br />
Cité ardente. Elles portent en effet généralement<br />
des marques liégeoises : les lettres L.G.,<br />
le Perron voire le buste de saint Lambert.<br />
• Cette filiation liégeoise se trouve aussi en<br />
1894 dans le legs Bronckart-Grandjean à la<br />
Ville, constitué d’un lot de meubles, d’argenteries<br />
et d’objets divers.<br />
• En 1910, la donation Moxhon, d’une rare<br />
ampleur, constitue par ses 1937 numéros d’inventaire<br />
l’une des plus importantes sous forme<br />
d’un tout indivisible : bibelots, bijoux, biscuits,<br />
dessins, faïences, gravures, miniatures, mobilier,<br />
pastels, porcelaines anciennes, tableaux,<br />
terres émaillées, verres. Cette donation, selon<br />
Luc Engen, conservateur de l’Institut archéologique<br />
liégeois, a fourni l’armature d’une collection<br />
de céramiques qui dépasse largement<br />
la matière et l’intérêt régional. Elle aurait pu, si<br />
on l’avait voulu, aboutir à la constitution d’un<br />
musée à part entière comme ce sera le cas<br />
par la suite pour la section de verrerie. 3<br />
• Au décès d’Eugène Ysaÿe, en 1931, ses<br />
enfants offrent à la Ville de <strong>Liège</strong> les meubles<br />
du studio du violoniste réalisé par Gustave<br />
Serrurier-Bovy. Avant d’être exposé au<br />
Grand Curtius, l’ensemble avait été installé au<br />
Conservatoire puis abrité dans l’ancien musée<br />
d’Architecture, impasse des Ursulines.<br />
• Georges de Froidcourt, connu sous le<br />
pseudonyme de Chaudlong, fait de nombreux<br />
dons entre 1928 et 1969.<br />
• Par testament, Maxime de Soer de<br />
Solières lègue en 1935 à l’IAL sa collection<br />
de faïences de Delft, de mobilier gothique,<br />
renaissant, baroque, rococo et néo-classique,<br />
et d’une quinzaine de sculptures. C’est l’asbl<br />
Les Amis de l’Institut archéologique liégeois<br />
(A.M.I.A.L.) qui recueille le legs au nom de<br />
l’Institut.<br />
• En 1962, la coupe Oranus entre au musée<br />
grâce au legs de Robert de Sélys-Fanson.<br />
Elle avait été offerte par le prince-évêque Robert<br />
de Berghes à son conseiller privé François<br />
d’Heure dit Oranus. Depuis le mariage de la<br />
petite-fille de ce dernier avec Michel de Sélys,<br />
ancêtre du baron Robert de Sélys-Fanson, la<br />
coupe était restée dans la même famille pendant<br />
355 ans. Cette pièce est d’autant plus<br />
exceptionnelle qu’elle est le plus ancien exemple<br />
d’orfèvrerie civile de la Renaissance connu à<br />
<strong>Liège</strong>.<br />
• En 1981, Lucien Delplace offre de son<br />
vivant une somptueuse paire de vases de pâte<br />
tendre de Tournai avec monture de bronze<br />
doré réalisée pour Charles de Lorraine par<br />
l’orfèvre Michel-Paul-Joseph Dewez.<br />
• La même année, Simone Anspach lègue<br />
un ensemble de verreries vénitiennes et un autoportrait<br />
de Léonard Defrance.<br />
C’est à travers la constitution<br />
des collections que l’art côtoie<br />
l’histoire. Mais derrière une<br />
œuvre, se cachent souvent un<br />
visage, un nom, un donateur :<br />
comme d’autres départements,<br />
celui des Arts décoratifs est composé<br />
notamment de donations et de<br />
legs, dont certains constituent ce que<br />
l’on appelle les « grands fonds » des<br />
collections. Ce sujet fut traité lors de<br />
l’exposition Des mécènes pour <strong>Liège</strong>.<br />
Le mécénat artistique dans les collections<br />
publiques liégeoises de 1816 à<br />
nos jours 1 .<br />
1. Exposition organisée au musée<br />
de l’Art wallon du 7 mars au 26 avril<br />
1998 par l’Échevinat de la Culture, des<br />
Musées et du Tourisme de la Ville de<br />
<strong>Liège</strong>, l’asbl Les Musées de <strong>Liège</strong> et<br />
l’asbl Art&fact. Son catalogue constitue<br />
la plus importante source d’informations<br />
à propos des « grands fonds ».<br />
2. Nous tenons à remercier Monique<br />
Merland, bibliothécaire à l’Institut archéologique<br />
liégeois, et Luc Engen, conservateur<br />
à l’IAL.<br />
3. Luc Engen, Musées d’Archéologie<br />
et d’arts décoratifs. Musée Curtius,<br />
Musée du Verre, Musée d’Ansembourg,<br />
Bruxelles, 1987, Musea Nostra n° 2.<br />
- Coupe Oranus, <strong>Liège</strong>, 1564,<br />
par maître orfèvre GH ou HG en<br />
monogramme. 11,2 x 16,8 cm.<br />
Legs Sélys-Fanson au Musée<br />
Curtius (1962). M.A.A.D. 62 / 452.<br />
- Paire de vases de Charles de<br />
Lorraine, par Michel-Paul-Joseph<br />
Dewez, vers 1776-1777, anciens<br />
Pays-Bas méridionaux. 72 cm.<br />
Don Delplace (1981). M.A.A.D. 81/25.<br />
- Piano du château de la Chapelleen-Serval,<br />
par Gustave Serrurier-<br />
Bovy (meubles), Émile Berchmans<br />
(peintures), Oscar Berchmans<br />
(bronzes), Maison Pleyel (instrument),<br />
1902, <strong>Liège</strong>-Paris.<br />
Piano : 106,5 x 208 x 160 cm.<br />
Banquette : 61 x 147,5 cm.<br />
Casier à musique : 125,5 cm.<br />
Dépôt de la Communauté française.<br />
M.A.A.D. D/95/21.<br />
• En 1984, une œuvre de premier ordre fait<br />
son entrée au musée avec le legs d’Oncieu de<br />
Chaffardon : la grande cafetière à côtes torses<br />
exécutée par Jean-Adrien Grosse en 1763.<br />
• En 1986, le legs Radoux-Rogier accroît<br />
la section numismatique, déjà richement dotée<br />
en 1919, 1921 et 1929 par le legs Maurice<br />
Gérimont.<br />
• En 2006, la famille Sneyers fait don d’un<br />
ensemble mobilier datant de la seconde moitié<br />
du xix e siècle.<br />
• En 2007, le Conseil communal accepte la<br />
donation du Baron et de la Baronne François<br />
Duesberg. Dans cette collection unique d’objets<br />
liés aux arts du temps et de la table des<br />
époques Directoire, Empire et Restauration,<br />
certaines pendules sont exceptionnelles : celle<br />
« aux Vestales », celle dite « Paul et Virginie »,<br />
voire des pendules en forme de vase ou un<br />
service en porcelaine au décor inspiré des<br />
Fables de la Fontaine.<br />
• Notons enfin que l’enrichissement des<br />
collections est dû en grande partie aux dépôts<br />
de l’Institut archéologique liégeois depuis<br />
1909 ou des Amis de l’Institut archéologique<br />
liégeois depuis 1933.<br />
• Ces legs ou donations côtoient un remarquable<br />
ensemble mobilier de Gustave Serrurier-Bovy<br />
mis en dépôt par la Communauté<br />
française de Belgique, ou le portrait de Jacques<br />
de Heusy par Louis-Michel van Loo et le collier<br />
de gilde par la Fondation Roi Baudouin.<br />
•<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
40<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
41
C’est sous l’impulsion d’hommes et de femmes passionnés, réunis en une « Société<br />
pour l’encouragement des Beaux-Arts », que la notion même de musée apparaît.<br />
Au cœur des bouleversements politiques et sociaux de cette première moitié du xix e<br />
siècle, cette association conçoit le musée comme un lieu public où sont données à<br />
voir les productions artistiques du temps dans le but d’édifier et de soutenir la production<br />
artistique belge.<br />
Que ce projet s’élabore dans une Belgique à peine éclose n’est guère étonnant.<br />
Et tout porte à penser que cette promotion des Arts passe immanquablement<br />
par la revendication d’une identité nationale en pleine mutation. Les politiques d’achat<br />
et d’enrichissement du patrimoine muséal déclenchent toutefois de longs débats.<br />
Les opinions sont, loin s’en faut, unanimes : chaque école a ses partisans et ses<br />
détracteurs. Au gré des « Salons » organisés par la Société se constitue donc une<br />
collection composite, où se dessinent des tendances artistiques.<br />
L’histoire de cette Société éclaire : la cohérence artistique des collections,<br />
leur genèse, la perception du musée dans le temps ou encore la particularité des<br />
productions liégeoises, largement dépendantes des courants dominants de l’art.<br />
Grégory Desauvage<br />
Conservateur<br />
Musées de <strong>Liège</strong><br />
Des Beaux-Arts en Société<br />
Les débuts de la collection des beaux-arts de <strong>Liège</strong><br />
L’histoire des collections des musées<br />
révèle bien souvent le rôle d’amateurs<br />
d’art, d’associations ou de mécènes<br />
éclairés, dont le soutien assura, et<br />
assure encore, par le biais de legs,<br />
de donation ou de dation,<br />
l’enrichissement des collections et<br />
parfois un appui logistique et financier.<br />
<strong>Liège</strong> ne fait pas exception.<br />
Hans Gude, La Forêt de hêtres, s. d.<br />
Huile sur toile, 91 x 124 cm.<br />
Acquis au Salon de 1862. [AM295]<br />
- L’association se compose de toute personne souscrivant à une ou plusieurs<br />
actions à payer annuellement. Une commission de 12 associés dirige les travaux.<br />
- La Société monte une exposition bisannuelle avec des productions d’artistes ou<br />
amateurs vivants, belges et étrangers. La Ville fournit un local pour la présentation<br />
des œuvres. Au terme de l’événement, plusieurs toiles sont achetées par la Société<br />
: une partie est distribuée aux sociétaires par le biais d’une loterie payante<br />
et l’autre partie grossit la collection du futur musée communal.<br />
- De nombreux artistes participent aux expositions de 1834, 1836 et 1838 et se<br />
retrouvent dans les collections actuelles 2 . Le succès des Salons incite la Ville à<br />
octroyer, en mars 1838, une subvention bisannuelle plus importante. Dès 1840,<br />
les expositions ont lieu dans l’ancienne église Saint-André.<br />
La « Société pour l’encouragement des Beaux-Arts » : les prémices<br />
L’association est créée en 1829. C’est à M. Gravez, Inspecteur du cadastre et amateur<br />
d’art, aidé de quelques personnes passionnées, que l’on doit le projet de créer une<br />
« Société pour l’encouragement des Beaux-Arts ». Cette association se donnait<br />
pour objectifs premiers de ranimer le goût de la peinture et d’organiser des expositions<br />
annuelles n’admettant que des artistes vivants.<br />
Pour être sociétaire, il suffisait de s’inscrire et de payer une cotisation annuelle.<br />
Au terme des expositions, l’argent des souscriptions était employé à l’achat d’objets<br />
d’art, à répartir entre les souscripteurs par loterie.<br />
Pour la première exposition, le 4 avril 1830, le Comité directeur s’associe<br />
avec la Société d’Émulation, déjà expérimentée en la matière. Le résultat est satisfaisant<br />
au vu de l’agitation politique du temps : 108 artistes envoient 233 œuvres. Le<br />
succès de l’exposition laissait penser que l’association prendrait un certain essor<br />
mais les événements de 1830 bousculent les pronostics et les sociétaires se dispersent.<br />
Il en résulte une dissolution de fait.<br />
Renaissance et déploiement<br />
En 1833, Louis Jamme, bourgmestre et amateur de peinture, prit l’initiative de la<br />
reconstitution d’une nouvelle Société pour l’encouragement, destinée, à terme, à<br />
former un musée communal. En peu de temps, son appel réunit 256 actionnaires.<br />
Le 25 février, les autorités de la Ville accordent une somme bisannuelle de<br />
3 000 francs pour l’achat d’objets d’art en vue d’étoffer le futur musée. L’objectif de<br />
cette subvention est le suivant : « […] il est d’un grand intérêt d’encourager et de<br />
faciliter les progrès des beaux-arts, d’en développer le goût et de protéger ceux qui<br />
les cultivent » 1 . La création de la Société est officiellement approuvée le 23 octobre<br />
suivant. En voici les grandes lignes directrices.<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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La tutelle communale<br />
En 1844, survient un événement capital pour la création des musées à <strong>Liège</strong>. Alors<br />
que la Commission directrice est la seule à statuer sur le choix des œuvres réservées<br />
au futur musée communal, des contestations, venues de l’Académie, se font entendre.<br />
Il est reproché à la Société de ne pas choisir des œuvres suffisamment intéressantes<br />
pour constituer un support d’étude et donc, d’enseignement. La commission administrative<br />
de l’Académie réclame, en conséquence, la révision de l’article concernant<br />
l’autorité apte à choisir les tableaux. Poussée par la controverse, le Collège communal<br />
décide qu’à l’avenir, le choix des tableaux à acquérir pour le musée serait<br />
soumis à sa ratification. L’exposition de 1844 qui fait suite à ces démêlés ne rencontre<br />
pas le succès escompté.<br />
Christian Bokelmann, Le Vieux Savetier, 1873<br />
Huile sur toile, 79 x 65 cm.<br />
Acquis au Salon de 1875, pour loterie, et donné<br />
au musée par le notaire Léonard Jamar en 1887.<br />
[AM352]<br />
Les luttes intestines au sein de la Société tourmentent son pouvoir décisionnel.<br />
Elles sont provoquées essentiellement par des divergences quant aux tendances<br />
artistiques à promouvoir lors des Salons. Il n’est plus possible de s’entendre sur les<br />
politiques d’achat et la Commission est contrainte d’abandonner la direction au<br />
Collège échevinal. Dès 1847, celui-ci nomme les administrateurs et les expositions<br />
deviennent triennales ; les statuts sont révisés et transforment l’association en institution<br />
publique, ce qui lui donne une organisation plus solide.<br />
Les expositions de 1847 et de 1850 sont encore assez prospères mais, peu<br />
à peu de nombreux membres se retirent de la Société. De plus, de nouvelles dissensions<br />
se produisent à propos des acquisitions pour la loterie et pour le musée : certains<br />
préfèrent acheter des toiles de maîtres et d’autres des tableaux moins importants<br />
; on discute sur les tendances artistiques à donner au musée ; chaque école<br />
(belge, française ou allemande) a ses partisans et ses détracteurs.<br />
Une tendance parmi d’autres<br />
Sans conteste, les achats répondent aux prédilections des membres du comité<br />
d’acquisition de la Société. Entre 1846 et 1857, le Romantisme allemand est largement<br />
représenté dans les Salons et parmi les sélections d’achat.<br />
Comme exemple frappant, on peut citer l’engouement du milieu artistique<br />
liégeois pour une Sainte Edwige de Silésie de Wilhelm von Schadow, exposée au<br />
Salon 1847, au terme de laquelle l’œuvre est achetée. Cet artiste, initiateur et chef<br />
de file de l’école de Düsseldorf, trouve des affinités partagées au sein du jury de<br />
sélection ; Auguste Chauvin, peintre liégeois et Directeur de l’Académie, entouré<br />
d’un cartel de sympathisants 3 , parvient à défendre les intérêts de celui qui fut son<br />
maître. Cet appui crée un courant d’intérêt palpable lors des Salons et qui, par voie<br />
de conséquence, se constitue une part belle dans les collections du musée. D’autres<br />
toiles, appartenant au même courant, sont finalement acquises 4 .<br />
1. Voir : Renier Malherbe, Société Libre d’Émulation de <strong>Liège</strong>,<br />
Liber memorialis 1779-1879, <strong>Liège</strong>, 1879.<br />
2. Sont présents : Eugène et Louis Verboeckhoven, Guillaume<br />
et Joseph Geefs, Eugène Simonis, Louis Gallait, François<br />
Bossuet, Jean-Baptiste Van Eycken, …<br />
3. À ses côtés, Richard Burnier (élève du peintre Achenbach,<br />
de l’école allemande), Jules Helbig (peintre d’histoire professant<br />
à l’Académie de <strong>Liège</strong>) et Jean-Mathieu Nisen.<br />
4. Citons entre autres : La Forêt de hêtres de Hans Gude<br />
(expo de 1862), La Vue de Naples d’Oswald Achenbach<br />
(expo de 1864), Le Vieux Savetier de Christian Bokelmann<br />
(expo de 1875), L’Infanterie en retraite de Christian Sell<br />
(expo de 1864) et la Sémiramis de Christian Köhler (expo<br />
de 1853).<br />
La poursuite des Salons<br />
Dès 1853, la Ville propose à la Société d’Émulation de lui rendre l’organisation des<br />
expositions mais ce n’est qu’en 1857 qu’elles s’entendent sur une organisation<br />
commune. Cette même année, le salon acquiert un succès considérable et bon<br />
nombre d’artistes belges et étrangers sont représentés.<br />
Une sous-commission de trois membres est finalement créée en 1858, afin<br />
de choisir les œuvres susceptibles de participer aux Salons. Cette mesure permet<br />
de sélectionner des œuvres d’une certaine qualité tandis que les expositions reprennent<br />
une cadence bisannuelle. Les années 1860, 1862, 1864 et 1866 témoignent d’une<br />
exceptionnelle fréquentation, mais une interruption se poursuit jusqu’en 1872.<br />
La plupart des expositions ont lieu dans les salles de l’Émulation, certaines<br />
dans l’ancienne église Saint-André. Parfois, quand c’est nécessaire, la Salle académique<br />
de l’Université sert d’annexe. En 1902, elles s’établissent dans les nouveaux<br />
locaux du musée des Beaux-Arts de la Ville de <strong>Liège</strong> (rue de l’Académie) avant<br />
d’être organisées, dès 1905, au palais des Beaux-Arts du parc de la Boverie.<br />
Les Salons se perpétuent irrégulièrement jusqu’au 10 février 1921, date à<br />
laquelle notre « Société pour l’Encouragement des Beaux-Arts » se mue en « Société<br />
royale des Beaux-Arts ». Les Salons se poursuivent toutefois sans discontinuer.<br />
Les 92 années de notre « Société pour l’Encouragement des Beaux-Arts »<br />
n’auront donc pas été vaines et les buts qu’elle s’était fixés sont amplement atteints.<br />
Grâce à son œuvre, un musée communal est créé avec, parmi ses collections, les<br />
grandes tendances artistiques du xix e et du xx e siècles. Aujourd’hui, dans la continuité<br />
de cette Société, les musées de <strong>Liège</strong> conjuguent leur force pour prendre le relais et<br />
poursuivre les objectifs de transmission et de diffusion des Beaux-Arts.<br />
•<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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Pierre Colman<br />
Professeur émérite de l’Université de <strong>Liège</strong><br />
Membre de l’Académie royale des Sciences,<br />
des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique<br />
Le buste en bronze de Lambert de Liverlo<br />
Interrogations<br />
« Combien de Liégeois ont-ils fait couler<br />
leur buste en bronze ? », question à<br />
poser, si la conversation vient à languir,<br />
dans une réunion d’amateurs d’art tels<br />
que les lecteurs de <strong>Liège</strong>•museum. La<br />
bonne réponse, c’est, que je sache,<br />
« un seul ». Question subsidiaire : « Où<br />
l’œuvre est-elle ? ». La réponse fuse :<br />
« Au Grand Curtius, et c’est une de ses<br />
œuvres majeures ».<br />
Quand un buste antérieur au xix e siècle<br />
est en bronze, on est en présence d’un<br />
empereur, d’un roi, d’un prince, un peu<br />
comme pour les statues équestres,<br />
ou alors d’un pape ou d’un cardinal. Ce<br />
Lambert de Liverlo qui s’en est offert un<br />
n’était pas un personnage aussi considérable.<br />
Né en 1621 dans une famille<br />
liégeoise fort en vue, il est chanoine de<br />
la cathédrale Saint-Lambert avant l’âge<br />
de vingt-cinq ans. Vingt ans plus tard, il<br />
est le chancelier du prince-évêque<br />
Maximilien-Henri de Bavière, son premier<br />
ministre en quelque sorte. Il est à la tête<br />
du clan francophile en un temps où<br />
l’orgueil agressif du « Roi-Soleil » met<br />
l’Europe à feu et à sang. Il séjourne<br />
souvent à Paris. Victime des manœuvres<br />
du clan adverse, celui de l’Espagne, il<br />
est jeté en prison. Il y meurt en 1693.<br />
Il laisse le souvenir d’un grand amateur<br />
d’art. C’est vers 1670, au sommet de<br />
sa carrière, qu’il fait réaliser le buste. Par<br />
Del Cour ont longtemps prétendu les<br />
connaisseurs ou prétendus tels. C’était<br />
sans conteste en son temps le plus<br />
talentueux des sculpteurs actifs à <strong>Liège</strong>.<br />
Le chancelier, de dix ans son aîné, lui a<br />
bel et bien fait sculpter son effigie, qui<br />
n’est pas venue jusqu’à nous, mais a<br />
laissé des traces écrites. Elle avait été<br />
taillée dans le marbre. Aucun buste en<br />
bronze de la main de Jean Del Cour<br />
n’est répertorié. Celui qui trône au Grand<br />
Curtius n’est pas de lui. René Lesuisse,<br />
le premier à l’étudier avec tout le sérieux<br />
requis, s’en était convaincu dès<br />
1953 ; sans parvenir à ébranler une<br />
conviction bien ancrée.<br />
Le Grand Curtius ne va pas cesser<br />
pour autant d’être un lieu de délices<br />
pour les admirateurs du « Maître de<br />
Hamoir », comme on le nomme parce<br />
qu’il est né tout près de là, à Xhignesse.<br />
Ils ne se lassent pas d’y admirer la<br />
collection, si longtemps partagée entre<br />
plusieurs musées, de bozzetti, fascinantes<br />
esquisses en terre cuite.<br />
Mais alors, de qui est-il, notre buste ?<br />
De Gérard-Léonard Hérard, je le<br />
soutiens. Aujourd’hui très injustement<br />
oublié, cet excellent sculpteur, né à<br />
<strong>Liège</strong> en 1636, meurt en 1675 à Paris<br />
avant d’avoir atteint l’âge de quarante<br />
ans. Il y a fait carrière dans le sillage<br />
d’un autre Liégeois, fameux, lui, Jean<br />
Warin, l’auteur du buste du cardinal de<br />
Richelieu. Cette œuvre célèbre, il l’a<br />
prise ici pour modèle, et il l’a égalée.<br />
Passé maître, comme Warin, dans l’art<br />
subtil de la médaille, Hérard en a créé<br />
une pour Lambert de Liverlo. La ressemblance<br />
avec le buste, éclairante à souhait,<br />
conduit à la certitude, ou peu s’en faut.<br />
À l’actif de Gérard-Léonard, un autre<br />
portrait, celui du chancelier Séguier, en<br />
marbre blanc celui-là, qui est exposé au<br />
Louvre, excusez du peu. Mais aussi<br />
plusieurs des innombrables statues<br />
dont s’ornent les façades du château<br />
de Versailles. Et les Liégeois, dans leur<br />
écrasante majorité, ignorent tout de<br />
lui…<br />
Pour en savoir plus<br />
- P. Hanquet, Les Liverlo à <strong>Liège</strong>, <strong>Liège</strong>, 1963.<br />
- R. Lesuisse, Le sculpteur Jean Del Cour, Nivelles, 1953.<br />
- M. Lefftz, Jean Del Cour, Bruxelles, 2007.<br />
- P. Colman, Gérard-Léonard Hérard (1636-1675),<br />
médailleur et sculpteur liégeois au service de Louis XIV,<br />
dans C. Carpeaux (dir.), Les Wallons à Versailles, <strong>Liège</strong>,<br />
•<br />
2007, p. 281-293.<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
46<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
47<br />
De gauche à droite<br />
- Médaille de Lambert de Liverlo, par Gérard-Léonrad Hérard, 1670, bronze.<br />
Cabinet des Médailles de la Bibliothèque royale de Belgique. Photo de l’auteur.<br />
- Buste de Lambert de Liverlo. Grand Curtius.<br />
- Buste de Richelieu par Jean Warin (1604-1672), 1641-1643, bronze.<br />
Musée municipal de Richelieu, Richelieu.<br />
- Buste de Pierre Séguier, par Gérard-Léonrad Hérard, 1673, marbre.<br />
Musée du Louvre, Paris, © Wikicommons.
Le Grand Curtius<br />
Musée d’Ansembourg<br />
Musée d’Art wallon<br />
Salle Saint-Georges<br />
Fonts baptismaux<br />
Office du tourisme<br />
Musée de la Vie wallone<br />
Gare de <strong>Liège</strong>-Palais<br />
Archéoforum<br />
<strong>Liège</strong>• museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
Opéra<br />
Théâtre de la Place<br />
Musée Grétry<br />
Galerie Wittert, Université de <strong>Liège</strong><br />
Trésor de la cathédrale<br />
Musée Tchantchès<br />
Maison de la Science, Aquarium<br />
Les musées de la Ville de <strong>Liège</strong><br />
museum@liege.be<br />
Le Grand Curtius<br />
136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 68 40.<br />
Du mercredi au lundi, de 10 à 18 h.<br />
Conservatoire<br />
Musée d’Ansembourg<br />
114, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 94 02.<br />
Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.<br />
Musée d’Art wallon<br />
+ Salle Saint-Georges<br />
86, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 92 31.<br />
Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 18 h.<br />
Musée Grétry<br />
34, rue des Récollets / +32 (0)4 343 16 10.<br />
Mardi et vendredi de 14 à 16 h, samedi de 10 à 12 h<br />
+ sur demande.<br />
Musée d’Art moderne et d’Art contemporain<br />
+ Cabinet des Estampes et des Dessins<br />
3, parc de la Boverie / +32 (0)4 342 39 23.<br />
Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.<br />
MADmusée<br />
Maison de la Métallurgie et de l’Industrie<br />
Musée des Transports en commun du pays de <strong>Liège</strong><br />
Musée d’Art moderne et d’Art contemporain<br />
Cabinet des Estampes et des Dessins<br />
Gare de <strong>Liège</strong>-Guillemins<br />
Musée en plein Air, Sart Tilman, Université de <strong>Liège</strong><br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 2, mai 2011<br />
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