Liège Museum n°3
Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège, Une sainte Cécile tombée des nues, Frénésie vénitienne – Le verre espagnol du 16e au 18e siècle...
Bulletin des musées de la Ville de Liège.
A lire notamment : Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège, Une sainte Cécile tombée des nues, Frénésie vénitienne – Le verre espagnol du 16e au 18e siècle...
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Liège•museum
bulletin des musées de la Ville de Liège n° 3 décembre 2011
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Sommaire
Liège•museum
Bulletin des musées de la Ville de Liège.
museum@liege.be
Imprimé à 3 000 exemplaires sur papier recyclé, sans chlore,
par l’Imprimerie de la Ville de Liège.
Photos : sauf mention contraire, Ville de Liège
(Marc Verpoorten, Yvette Lhoest).
Liège, décembre 2011, n° 3.
BAL
expositions
par ailleurs
4 Le BAL
Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège
7 Pour un Musée des Beaux-Arts à Liège
10 Une sainte Cécile tombée des nues
Nouveau regard sur l’œuvre d’un inconnu
18 « Pour ouvrir le BAL »
Prélude au futur musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège
22 Jeunes artistes
Expositions et Prix de la Création 2011
24 Agenda des expositions temporaires
26 « Ernest de Bavière, un prince-évêque de Liège dans l’Europe moderne »
27 « Frénésie vénitienne – Le verre espagnol du 16 e au 18 e siècle »
28 Expositions temporaires
30 Toussaint Renson
Dessinateur, affichiste, mais aussi peintre du Travail
32 Le Musée de la Vie wallonne
D’un musée du folklore à un musée de société
36 La Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège
39 80 e anniversaire de la mort du violoniste Eugène Ysaÿe
40 Marcel Thiry
L’œuvre et l’homme, le prix littéraire
42 L’Émulation et les artistes
Toujours en action malgré les travaux
43 MADmusée
Une nouvelle relation avec les musées de la Ville de Liège
44 « Au temps du Roi-Soleil »
Retour momentané de La Conversion de saint Paul
46 Le curieux pistolet Dardick
Acquisition du département des armes du Grand Curtius
Liège•museum en est, avec ce numéro, à sa
troisième livraison, auxquelles se sont ajoutées
deux éditions spéciales à l’occasion d’expositions
temporaires. En un an, 208 pages pour
raconter la vie des musées de la Ville de Liège,
une cinquantaine de rédacteur[trice]s de tous
horizons et nombre d’articles qui attendent
2012 pour être publiés, tant il y a à dire…
Dès le mois de mars, Liège•museum sera épaulé
par une autre publication régulière : des études,
à vocation plus nettement scientifique, dont
chaque parution sera consacrée à une œuvre
ou un groupe d’œuvres.
Les musées de la Ville disposeront alors d’une
structure de publication plus complète, qui contribuera
à leur rayonnement.
Jean-Marc Gay
Directeur des musées de la Ville de Liège
2012 sera l’année de la refondation du parcours du Grand Curtius, de la mise en
œuvre complète du BAL (musée des Beaux-Arts de Liège), du début du chantier du
futur CIAC sur le site de la Boverie, de l’aboutissement de la rénovation du musée
Grétry… et le musée de l’éclairage ouvrira ses portes.
La mutation des musées de la Ville continue donc sa marche, et l’année qui vient
demandera énergie et constance à tous ceux qui y seront impliqués, d’autant que
l’activité naturelle des musées ne cessera pas pour autant : de grandes expositions
sont notamment prévues, Comès au printemps, Judaïca en juin, Luis Salazar et
Sonia Delaunay à l’automne…
Les musées se veulent acteurs des changements qui renouvellent la vie de Liège
et la vie à Liège. Je suis certain que nos visiteurs partageront l’enthousiasme qui
nous anime.
Bonne année 2012 à tou[te]s.
L'Échevin de la Culture et des Relations interculturelles
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Régine Rémon
Première conservatrice du BAL
(musée des Beaux-Arts de Liège)
Le BAL
Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège
Sur le site de la Boverie, le MAMAC
va fermer ses portes en 2012 pour que
s’ouvre le chantier du Centre international
d’art et de culture (CIAC).
Les collections qui y sont conservées
devront donc quitter les lieux. Cette
vaste opération de déménagement
concerne des ensembles distincts qui
ont investi le Palais des Beaux-Arts de
l’Exposition internationale de Liège
(1905) à des époques et dans des
contextes différents.
En 1952, est créé à la Boverie le Musée de l’Art wallon à partir de la collection des
beaux-arts scindée l’année précédente en trois parties : art wallon, art ancien et art
moderne. En 1981, disparaît le musée des Beaux-Arts qui se trouvait rue de l’Académie
et est inauguré en centre ville un nouveau bâtiment pour recevoir le Musée de
l’Art wallon. Parallèlement, la Boverie abritera les collections d’un Musée de l’Art
moderne (devenu Musée d’Art moderne et d’Art contemporain en 1995). Déménagé
à la même époque, le fonds d’art ancien subit un sort moins enviable : il est
partiellement conservé dans les sous-sols, dans des conditions inappropriées, et
est presque inaccessible au public. Le Cabinet des Estampes et des Dessins, créé
en même temps que le Musée de l’Art wallon, est installé dans une aile du bâtiment
de la Boverie depuis 1952 : après 60 ans, il va connaître son premier déménagement.
Pour permettre le chantier d’extension de la Boverie dès 2012, ces trois
fonds – MAMAC, fonds ancien et CED – rejoindront progressivement celui du Musée
de l’Art wallon, Féronstrée. Le projet maintes fois caressé de reconstituer l’ancien
Musée des Beaux-Arts scindé en 1951 devient ainsi une réalité. Le résultat sera,
nous l’espérons, à la hauteur de nos attentes puisque ce rassemblement engendrera
une collection de près de 45 000 œuvres, du xvi e au xxi e siècle, alliant peintures,
sculptures, dessins, gravures, affiches, bandes dessinées…, soit la plus importante
collection des beaux-arts conservée en Wallonie.
Pour ouvrir le BAL…
Inaugurée discrètement le 28 juillet dernier, et sans prétention scientifique, l’exposition
préfigurative « Pour ouvrir le BAL » propose une sélection de 120 œuvres issues des
quatre collections. L’objectif est pluriel : mettre en évidence les « trésors » classés
par la Commission Consultative du Patrimoine Mobilier (CCPM), sortir des oubliettes
quelques chefs d’œuvre anciens restaurés pour la circonstance, soulever le voile sur
les diverses missions d’un musée (conservation, restauration, étude, enrichissement
des collections, inventaires…).
Mais aussi – et cet aspect s’est révélé être le plus interpellant –, l’exposition
est l’occasion de confronter des œuvres d’époques et de styles différents tout en
traitant une même thématique. Citons quelques exemples éloquents : les Natures
Mortes de Pieter Claesz III ou de Maurice Pirenne, les Fleurs de Guilliam Gabron
ou de Léon De Smet, les Carceri de Piranèse et les sculptures métalliques de Lardera,
Le Vieux jardinier d’Émile Claus et la Buse de Hilbert, les Poulets morts de Dudant,
Brandel, Dupuis ou Verdier, flirtant avec le Homard d’Alain Denis. Ces toiles, réalisées
à deux voire trois siècles d’écart, dialoguent et suscitent un regard neuf. L’exercice
est ludique et se décline à l’infini tant les collections sont riches et complémentaires.
Enfin, cette pré-inauguration affiche la volonté d’ouvrir le musée sur l’extérieur.
Les grandes baies vitrées de l’esplanade Saint-Georges s’animent d’une galerie de
bustes, provenant des réserves du MAW et du MAMAC. L’aménagement sera poursuivi
: l’objectif est de rendre le musée visible depuis l’espace piéton en contre-bas.
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Déménagement des collections
Premier acte : en juin 2011, à l’issue de l’exposition « Wintertuin » à Maestricht, les
œuvres du MAMAC classées « trésors » par la CCPM prennent place définitivement
au BAL. Douze tableaux sont concernés : les neuf acquisitions par la Ville lors de la
vente de Lucerne (1939), Portrait de Napoléon Bonaparte de Dominique Ingres, La
promenade à Saint-Cloud d’Henri Evenepoel et La forêt de René Magritte. Notons
que le fonds Fernand Graindorge a intégré le BAL depuis 2009, à la suite de
l’exposition « Un collectionneur, un mécène ».
Les œuvres appartenant à la Fédération Wallonie-Bruxelles, en dépôt tant au
MAMAC qu’au CED, seront transférées début 2012. Simultanément, nous attendons
les « trésors » du CED : le fonds Lombard, le fonds Closson et le dessin de Van Gogh.
Certains moulages stockés dans les sous-sols du musée à la Boverie seront accueillis
par l’Académie (ÉSAL) où ils retrouveront leur rôle d’origine : servir de modèle
aux étudiants. Enfin, les archives du Palais des Beaux-Arts rejoindront en toute logique
les archives de la Ville, tandis que les bibliothèques seront regroupées au Centre
de Recherche et de Documentation. La fin du déménagement des collections est
planifié dans le courant du premier semestre 2012.
Divers types de réserves
Depuis plusieurs mois, nous opérons une vaste opération de prospection et de
sélection au sein des collections du MAMAC, du fonds ancien et du MAW, dans un
souci de rationalisation des espaces.
Les œuvres considérées comme de second choix – sur base de différents
critères (qualité, intérêt, conservation, rareté) – constitueront une réserve de proximité.
À ce jour, plus de mille peintures ont déjà intégré cet espace situé dans les
anciens locaux du MARAM, rue Mère-Dieu : elles sont rangées, inventoriées et
accessibles aux chercheurs accompagnés d’un membre du personnel du musée.
L’aménagement logistique de cette réserve est opérationnel depuis novembre 2011.
Par ailleurs, une réflexion est en cours quant à l’organisation des nombreuses réserves
réparties sur les quatre niveaux du musée et quant à la pertinence de « réserves
visitables », intégrées au sein des espaces d’exposition.
Un BAL en 2012
Le 14 novembre, s’est tenue au BAL une table-ronde, organisée en collaboration
avec la section d’histoire de l’art de l’ULg, afin de susciter avis et suggestions du
public et des professionnels à partir de l’exposition « Pour ouvrir le BAL ». Celle-ci
occupe actuellement deux niveaux et permet la rénovation du revêtement de sol des
autres niveaux. Dans les mois à venir, le public pourra découvrir ou redécouvrir le
BAL dans toute son ampleur.
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Jean-Patrick Duchesne
André Gob
Professeurs ordinaires à l’Université de Liège
Publié en 2003 dans le n° 22 de la revue
« Art&fact », l’article reproduit ci-contre
entendait poser les balises d’un pôle Beaux-
Arts, qui ferait pendant à la concentration
des collections d’arts décoratifs et d’archéologie
au Grand Curtius. La création du BAL
répond à l’essentiel des propositions incluses
dans ce texte, même si les suggestions
relatives à son implantation, dans la perspective
de la réaffectation du complexe du Val-
Benoît, ne sont plus d’actualité. Le jugement
sévère porté sur l‘implantation finalement
choisie ne tient pas compte des projets
d’extensions et de réaménagements définis
depuis lors. Ce texte constituait l’aboutissement
et la synthèse d’une longue réflexion,
entamée en 1989 par l’association des Amis
des Musées liégeois et prolongée par les
travaux d’un groupe de travail constitué en
1993 par l’Échevinat de la Culture et des
Musées de la Ville de Liège, mais dont les
conclusions unanimes ont été durablement
« torpillées » par un lobby favorable au statu
quo « régionaliste ».
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Pour un Musée des Beaux-Arts à Liège
En ce début de xxi e siècle, le paysage muséal musée des sciences et techniques de la
liégeois est en pleine transformation et l’on ne région liégeoise. Cet ensemble est actuellement,
et de très loin, le plus fréquenté des
peut que s’en réjouir. À partir d’une galaxie
complexe et dispersée de petits musées vieillots, musées de Liège ;
quoique riches de collections exceptionnelles, 4- un Musée des Beaux-Arts regroupant les
de grands ensembles, plus cohérents et mieux actuels Musée d’Art wallon, MAMAC, Cabinet
des estampes, ainsi que les collections
identifiables par le public, sont en gestation.
Le Grand Curtius est en bonne voie, le nouveau
Musée de la Vie wallonne vient de réunir artistiques de l’Université.
d’art ancien et, pourquoi pas, les Collections
son financement. On vient de loin !
Autour de ces quatre pôles, on trouvera
Faut-il rappeler les heures sombres du début des institutions plus petites et plus spécialisées,
consacrées à un site ou à une théma-
de la décennie ’90, les musées fermés, les projets
de dilapider le patrimoine artistique pour tique particulière :
renflouer les caisses de la Ville ? Dès cette - Trésor de la Cathédrale,
époque apparaissent des propositions de restructuration
des musées fondées sur le regrou-
- Musée Grétry,
- Musée en Plein Air du Sart-Tilman,
pement d’institutions dont chacun s’accordait - Musée Tchantchès,
à dire qu’elles étaient exagérément dispersées. - Blégny-Mine,
Influence heureuse de ces groupes de réflexion, - Préhistosite de Ramioul,
convergences des idées ? Peu importe après - Archéoforum de la place Saint-Lambert,
tout. L’important est de constater que l’idée - Musée des Transports en commun,
d’une restructuration en quelques pôles majeurs - Observatoire du Monde des Plantes,
a fait son chemin. 1
- et, pourquoi pas, un Musée Simenon, qui
enrichirait opportunément le quartier d’Outremeuse…
Dans cette optique, il est indispensable de recréer
un véritable Musée des Beaux-Arts à Liège.
L’offre muséale se structurerait alors autour Dans les projets en cours, rien ne concerne
de quatre pôles principaux :
directement les collections relevant des
1- le futur « Grand Curtius » qui devrait être un Beaux-Arts, dont la dispersion actuelle et les
musée généraliste consacré à l’archéologie lacunes sont patentes. Celle-ci a débuté avec
et aux arts décoratifs, avec une muséographie
conjuguant un axe principal chronolo-
rue de l’Académie en 1981. Jugez plutôt : un
la disparition du Musée des Beaux-Arts de la
gique et des unités périphériques thématiques
;
rassemble des œuvres d’artistes « wallons »
Musée d’Art wallon, à l’Îlot Saint-Georges,
2- le Musée de la Vie wallonne rénové, musée du xvi e siècle aux années ’60. Un Musée d’art
de société à l’échelle de la Wallonie tout moderne et contemporain, à la Boverie, présente
un panorama de la peinture et de la
entière ;
3- l’ensemble du quai Van Beneden, vaste sculpture depuis 1850 (d’où l’aberration que
muséum composé de l’aquarium Dubuisson, constitue l’exil du Bonaparte premier consul
du Musée des sciences naturelles et de la d’Ingres au Musée d’Armes, qui prive nos
Maison de la Science, dont l’intégration musées de peinture d’une œuvre-phare pour
devrait se poursuivre et s’élargir à la Maison le moins attractive) mais à l’exclusion presque
de la Métallurgie et de l’Industrie, véritable totale des artistes wallons. Le Cabinet des
estampes et des dessins se consacre à l’art
graphique, toutes époques et toutes « régions »
confondues. C’est aussi principalement d’art
graphique que s’enorgueillissent les Collections
artistiques de l’Université. D’art ancien « non
wallon », il n’en est pas question, du moins en
présentation publique, puisque les collections,
importantes, sont conservées, vaille que vaille,
dans les caves du MAMAC. Les œuvres d’artistes
flamands, tels Bouts, Savery, Brueghel de Velours,
Valerius de Saedeleer, Jan Stobbaerts
et Rik Wouters, lorsqu’elles appartiennent à
des donations et legs expressément effectués
au profit du Musée de l’Art wallon, sont forcément
reléguées dans les réserves. Le partage des
tableaux et des sculptures entre le Musée de
l’Art wallon et le Musée d’Art moderne et d’Art
contemporain implique de facto que soient
exclues des cimaises non seulement les œuvres
non wallonnes antérieures à 1850 mais aussi
les œuvres flamandes et étrangères de toute
époque, lorsqu’elles appartiennent à des donations
expressément effectuées au profit du
Musée de l’Art wallon.
Il est clair, par ailleurs, pour qui veut raison
garder, que, théoriquement et pratiquement,
l’intitulé « Musée de l’Art wallon » n’est pas
sans défaut, voire sans justification intrinsèque
plausible :
- parmi les productions non wallonnes figurent
aux cimaises des œuvres d’artistes bruxellois,
en contradiction avec la dénomination
du Musée ;
- le fonds ancien de l’actuel Musée de l’Art
wallon n’est pour l’essentiel composé que
d’œuvres liégeoises ; à peine moins majoritaires
dans la présentation qui est faite de la
production des xix e et xx e siècles ;
- les collections wallonnes se trouvent en fait
musée des beaux-arts de Liège
dispersées dans tous les musées liégeois,
à moins d’exclure de l’art wallon ce qui relève
de l’art religieux et des arts appliqués ;
- faute de percevoir clairement l’intérêt et la
cohérence des notions d’art wallon ou de
sensibilité wallonne, le visiteur étranger, s’il
doit choisir, laissera de côté un musée ;
- regroupés au Musée de l’Art wallon, les
artistes contemporains de nos régions sont
pratiquement absents du Musée d’Art moderne,
en dépit de leur crainte légitime,
maintes fois et publiquement exprimées de
se retrouver isolés dans un musée à vocation
régionale. Nous estimons que les productions
des peintres et des sculpteurs wallons
ne peuvent bénéficier d’une reconnaissance
« extra provinciale », à l’échelle belge et
internationale, que dans la mesure où on
apporte la preuve concrète qu’elles supportent
la comparaison avec les créations extérieures.
Cette dernière observation nous incite à
dénoncer l’argument d’autorité auxquels s’accrochent
certains défenseurs du pré carré que
constitue l’actuel Musée de l’Art wallon, en
invoquant, de manière partielle et partiale, les
premiers défenseurs de l’art wallon. Faut-il
rappeler, à propos d’Olympe Gilbart, premier
titulaire du cours d’Histoire de l’art wallon à
l’Université de Liège, que cet ancien échevin
de l’Instruction publique prit une part directe
aux achats d’œuvres d’artistes européens réalisés
dans le cadre, puis dans la foulée de la
vente de Lucerne. Or, voici comment son ami,
complice et déjà successeur, Auguste Buisseret
définit l’enjeu d’une opération, conséquente
dans tous les sens du terme. Désireux d’accroître
les collections communales, « il [en tant
qu’échevin des Beaux-Arts] entend orienter
son action dans une double direction : mettre
Le BAL, c’est toujours quatre collections inventoriées
(art ancien, art wallon, art moderne et art contemporain, estampes et dessins),
mais présentées et mises en relation en un seul lieu.
en valeur l’effort des Liégeois à travers les
siècles “et approfondir” l’art moderne depuis
les impressionnistes jusqu’aux maîtres les plus
récents, ceux surtout de l’école de Paris ».
Ces deux orientations s’articulent en fait dans
une direction unique : « En faisant de Liège un
centre d’art ouvert à tous les courants de
l’esthétique moderne, nous contribuerons indirectement,
mais avec une efficacité décuplée,
à augmenter le rendement et à accroître l’éclat
de l’école liégeoise vivante. Nous attirerons
dans nos murs, dans nos monuments et nos
musées, dans les ateliers de nos créateurs,
dans nos concerts et nos théâtres […] les
touristes, les curieux, les amateurs d’art ». 2
Quant à Jules Destrée, par ailleurs si circonspect
quant à la définition d’un art wallon, loin
de prôner l’enfermement de ses pièces maîtresses
dans une tour d’ivoire, c’est bien la
participation de l’art wallon à la culture
universelle qu’il entendait illustrer. 3
Que serait ce musée des Beaux-Arts ?
Nous ne pouvons, en quelques lignes, que
donner une faible idée de la richesse d’un patrimoine
aujourd’hui dispersé, voire partiellement
occulté. Si les artistes wallons et singulièrement
liégeois se taillent la part de lion, les autres
ténors « belges » sont loin d’être sous-représentés,
de Bruegel à Rik Wouters. La création
internationale est elle aussi largement représentée,
non par des œuvres mineures mais
par des chefs-d’œuvre, depuis les gravures
de Mantegna, de Dürer et de Rembrandt,
jusqu’au mur conçu par Sol Lewitt pour l’actuel
Musée d’Art moderne et d’Art contemporain,
en passant par le Bonaparte Premier Consul
d’Ingres, Le bassin du commerce de Claude
Monet, les fleurons soustraits aux nazis à l’occasion
de la vente de Lucerne – Le sorcier
d’Hiva-Oa de Gauguin, La famille Soler de
Picasso, La maison bleue de Chagall… – et
les compositions de Toulouse-Lautrec, Dufy,
Matisse, Arp, Magnelli, Poliakoff, Picasso,
Vasarely offertes par Fernand Graindorge ou
acquises à son initiative.
Certes, tout changement dans l’intitulé d’une
institution risque de semer le trouble. Mais en
l’occurrence, la nouveauté ne procède pas d’une
volonté de modification cultivée pour elle-même.
Elle découle à la fois de la transformation inévitable
et salutaire de l’ensemble du paysage
muséal de la Cité ardente et de la nécessité
d’accorder l’appellation du Musée à son contenu,
en usant d’une appellation universellement
reconnue.
Compte tenu du devoir qui est le nôtre d’assumer
la défense et l’illustration du patrimoine
artistique liégeois et wallon, devraient également
être mises en œuvre diverses dispositions, touchant
à l’accrochage, à l’étiquetage, à la rédaction
de textes explicatifs et de catalogues thématiques,
à l’organisation de conférences-visites
guidées et d’activités pédagogiques, à la réalisation
d’expositions temporaires, par ailleurs
susceptibles de circuler à l’étranger, etc.
Les musées sont faits pour être visités. La
multiplication actuelle des musées serait encore
acceptable si elle servait l’objectif de ceux-ci
en accueillant un public nombreux qu’elle contribuerait,
en quelque sorte, à répartir dans des
locaux différents. Il n’en est rien. Les musées
d’art à Liège sont quasi déserts. Leur fréquentation
additionnée n’atteint pas la moitié du
nombre de visiteurs du seul aquarium et elle
est dérisoire par rapport à la richesse des
collections et au potentiel que ces musées
recèlent. L’incohérence du paysage muséal
conduit à l’incompréhension du public.
Les bâtiments actuels des musées sont particulièrement
inadaptés à leurs missions. Le palais
des arts à la Boverie, qui abrite le MAMAC,
est notoirement trop petit et n’offre pas de
conditions satisfaisantes de conservation, de
présentation et de visite. Ne parlons pas de
l’espace qui y est réservé au Cabinet des
Estampes, totalement inadmissible.
L’immeuble construit en 1977 par l’architecte
Henri Bonhomme pour abriter, outre des
services administratifs, le Musée de l’Art wallon
et la salle d’exposition Saint-Georges est l’exemple
même de ce qu’on a fait de plus raté en matière
d’architecture de musée dans les années
’70. C’est un bunker gris et rébarbatif, complètement
fermé, perché sur une dalle sinistre et
qui n’invite pas à la visite. 4
Un nouveau bâtiment ?
Le nouveau musée devrait disposer d’un bâtiment
suffisamment vaste pour accueillir dans
de bonnes conditions l’ensemble des collections
des institutions regroupées et leur procurer
des espaces d’exposition, des réserves,
des installations techniques et des infrastructures
d’accueil du public suffisants en quantité
et en qualité. Il doit être bien situé et offrir des
commodités d’accès (routiers et transports
en commun) adéquates pour accueillir un
public local et extérieur.
Ce bâtiment existe. L’Université vient d’abandonner
un immeuble de très grande qualité
architecturale, construit en bord de Meuse, sur
le site du Val-Benoît, au milieu des années ’30,
et dont les caractéristiques conviendraient parfaitement
au projet. Inauguré en 1937, l’institut
du génie civil a été dessiné par l’architecte
Joseph Moutschen, avec la collaboration du
professeur Fernand Campus pour les structures
métalliques. « Malgré son apparente
complexité, le plan de l’institut de génie civil est
relativement simple. L’édifice, de plan carré,
est traversé par une diagonale. Un bâtiment
de plan rectangulaire, abritant un laboratoire
d’hydraulique, est greffé sur un des côtés du
carré. Deux grands auditoires sont installés
dans la portion de bâtiment diagonale, entre
les deux entrées principales. Les couloirs de
circulation sont éclairés par de larges baies
donnant sur deux cours triangulaires ». 5
La superficie totale compte plus de 21 000 m 2
et chacun des trois niveaux principaux de 4 200
à 5 500 m 2 . Les salles qui pourraient servir d’espaces
d’exposition sont, pour la plupart, largement
éclairées par des baies qui, adéquatement
utilisées, permettraient de donner un éclairage
naturel abondant tout en contrôlant la lumière.
La situation est exceptionnelle : en bord
de Meuse, c’est l’équivalent du remarquable
Bonnefanten Museum de Maestricht. Une liaison
piétonne avec le centre ville longe les quais et
constitue une promenade qui ne demande que
des points d’attraction pour être davantage fréquentée.
En outre, le site du Val-Benoît, bien
pourvu en parkings, se situe à proximité immédiate
de la future gare TGV et est connecté à
l’accès autoroutier du pont haubané.
Ce bâtiment, d’une architecture remarquable
caractéristique des années trente, se prête idéalement
à un aménagement en musée : vaste
espace sans cloison intérieure, grande hauteur
sous plafond, larges couloirs de circulation,
présence d’auditoires. Des locaux plus petits
et facilement occultables peuvent accueillir les
collections graphiques. Des réserves seront
aménagées dans les niveaux secondaires (le
bâtiment s’étage sur 6 niveaux).
Il est trop tôt pour parler de projet muséographique
mais on peut déjà esquisser quelques
lignes directrices :
- pas de ségrégation entre artistes wallons et
artistes internationaux mais une valorisation
des artistes locaux au sein des grands courants
de l’art européen,
- une bonne dose de chronologie, compte
tenu des cinq siècles à exposer,
- mélange des genres : peintures et sculptures
mais aussi arts appliqués, spécialement
pour les xix e et xx e siècles, seront mélangés
de façon à mieux souligner le goût
et les styles de chaque époque,
- prévoir une rotation des collections, de même
que de vastes espaces d’expositions temporaires
(ou semi-permanentes),
- mettre en œuvre, dans tout ou partie des
salles, une muséographie de l’idée…
Que faire des édifices de la Boverie
et de Saint-Georges ?
Pour la Boverie, sa transformation en centre
d’art contemporain conviendrait bien mieux à
sa structure et à ses dimensions réduites. En
outre, la localisation dans un parc très fréquenté
permettrait de sortir du bâtiment pour
étendre au parc les espaces d’exposition.
La salle Saint-Georges est trop petite pour accueillir
les expositions de grande envergure. À
plusieurs reprises, il a été nécessaire d’envahir
les étages supérieurs, dévolus au musée d’art
wallon en temps normal. Déménager ce dernier
au Val-Benoît en l’intégrant au nouveau Musée
des Beaux-Arts permettrait de récupérer définitivement
tout l’immeuble Saint-Georges pour le
consacrer aux expositions temporaires, dont plusieurs
pourraient être montées simultanément,
d’importance et de durée variables. •
1. Même si la géométrie précise de ces ensembles reste
l’objet de controverses (cf. notamment Philippe Georges,
Une philosophie pour le “Grand Curtius”, dans « Chronique
d’archéologie et d’histoire du Pays de Liège »,
n° 16-17 (t. II), octobre 2001-mars 2002, p. 144-147).
2. Cf. « Journal de Liège 7, 27 juillet 1939, p. 1 et 3.
3. Cf. Corinne Godefroid, « Entre culture, industrie et politique,
les salons de Charleroi en 1911 », dans catalogue
de l’exposition Un double regard sur 2000 ans d’art
wallon, Tournai, 2000, p. 63-64.
4. Voir aussi l’article d’André Gob, Musée ouvert, manifestation
de l’espace public ?, dans le présent volume [revue
« Art&fact » n° 22, 2003].
5. Philippe Tomsin, De remarquables bâtiments dans la ville
de Liège : les instituts de la Faculté des Sciences appliquées
du Val-Benoît, dans « Art&fact » n° 19, 2000, p.
38-40.
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Grégory Desauvage
Conservateur
Musées de Liège
Une sainte Cécile tombée des nues
Nouveau regard sur l’œuvre d’un inconnu
Derrière l’extase et l’apparente sérénité
de cette jeune sainte, se cache un voyage
qui conduit aux quatre coins de l’Europe.
Les archives des collections de Liège
concernant Sainte Cécile ne mentionnent
aucune indication quant à ses origines,
si ce n’est que la toile fut léguée à la
Ville par M. Martin de Saint-Martin.
L’identification du peintre reste problématique,
mais une recherche simple
permet d’orienter les investigations du
côté de l’école italienne. À observer la
Sainte Cécile exécutée par Guido Reni
en 1606, il semble peu douteux qu’il
soit l’initiateur de la composition : pour
des arguments d’ordre stylistique, historique
et scientifique (physico-chimique).
Mais il est très probable qu’elle soit de
la main d’un suiveur du maître et qu’elle
ait été peinte au xvii e siècle et non au xix e
(comme considéré jusqu’à aujourd’hui).
Sainte Cécile au BAL
La toile des collections de Liège, figurant sainte Cécile en extase, se présente comme
un portrait de jeune fille enturbannée et richement habillée qui se tient de trois quarts
face. Elle tient d’une main un violon et de l’autre un archet, et elle semble jouer de
son instrument. Son visage est baigné de lumière et ses yeux sont levés au ciel. À
sa gauche, à peine perceptible, est disposé un orgue. L’arrière-plan se limite à une
surface unie de couleur noire. Sur son visage s’affiche une incontestable plénitude,
résultat probable d’un transport mystique.
Cette peinture a fait l’objet d’une restauration en 2008. L’intervention, pratiquée
par Catherine Hance, s’est limitée à un dévernissage, un nettoyage général de
la couche picturale et à quelques retouches imitatives aux endroits lacunaires. Le
châssis vermoulu a été remplacé. La toile était, dans l’ensemble, en assez bon état.
Sa remise en condition a permis de lui rendre son lustre d’antan et de redécouvrir la
qualité indéniable de sa facture.
Martyre, mélomane
Depuis les origines de l’Église, sainte Cécile est l’une des martyres les plus vénérées.
Elle aurait vécu à Rome, au iii e siècle après J.-C. Jacques de Voragine 1 en fait état
dans sa fameuse Légende dorée et favorise la perpétuation de son culte.
Aristocrate romaine et musicienne talentueuse, elle consacre dès son jeune
âge sa vie à Dieu à qui elle fait vœu de virginité. Ses parents lui choisissent pourtant
un époux en la personne de Valérien, un jeune noble romain et païen. Elle refuse de
renier son vœu de chasteté et parvient à convaincre son jeune époux de se convertir
au christianisme.
Pour avoir manifesté publiquement sa foi chrétienne et refusé de l’abjurer,
Valérien est jugé et décapité. Sainte Cécile inhume sa dépouille selon les rites chrétiens
et intensifie ses activités prosélytes d’évangélisation, malgré les avertissements
des autorités romaines. Son obstination lui vaut d’être condamnée à brûler vive
dans le sudatorium de sa résidence, au Trastevere. Un jour et une nuit de martyre
n’ont pas raison d’elle. C’est pourquoi le préfet de la ville la fait décapiter. Elle résiste
aux coups d’épée qui lui sont portés et succombe après trois jours d’agonie.
Depuis le xv e siècle, la sainte est la patronne des musiciens. Elle est généralement
représentée jouant d’un orgue ou d’un instrument à corde. De nombreux
peintres l’ont figurée dans des attitudes diverses. Parmi ceux-ci : Raphaël, Guido
Reni (dit Le Guide), le Dominicain, Rubens…
Inconnnu (d’ap. Guido Reni),
Sainte Cécile, xvii e siècle
Huile sur toile, 88 X 67 cm
Collections du BAL, Liège,
inv. BA 231
Raphaël, L’Extase de sainte Cécile,
1514-1516
Huile sur toile, 236 x 150 cm.
Pinacoteca Nazionale, Bologne.
© Wikimédia Commons.
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Guido Reni (Calvenzano, près de Bologne,
1575 – Bologne, 1642)
Fils de musicien, Guido Reni intègre, à l’âge de
neuf ans, l’atelier du peintre Denys Calvaert 2 .
Sa formation précoce révèle un solide talent
pour la peinture. En 1594-1595, il entre à l’Académie
fondée par les Carrache (les Incamminati).
Il imite leur style et s’oriente vers la tendance
« naturaliste » proposée par ses maîtres. Cet
Sa production, au-delà des années 1620,
atteint des sommets d’expression spirituelle
faite de langueur amoureuse et d’affectation.
Il en tirera sa notoriété la plus grande et cela
jusqu’à l’essoufflement du mouvement romantique,
dans la deuxième moitié du xix e siècle.
Au-delà de cette période, les goûts évoluent
et le public délaisse la peinture du Guide des
années 1620, considérée comme mièvre et
nombreuses gravures et peintures ont circulé
partout en Europe. Qu’on se figure, en l’occurrence,
les abondantes répliques peintes, mais
aussi gravées du Christ au roseau. Le Musée
du Louvre en donne des exemples frappants
dans son « Catalogue de peinture de l’École
italienne du xvii e siècle » 3 .
Par ailleurs, au xvii e siècle, un marché juteux,
implanté à Anvers, dans les Provinces-Unies
faveur : les recherches des Romantiques s’accordent
assez bien au pathétique. Pour s’en
convaincre, pensons aux Nazaréens : ils reviennent
à Rome et cherchent à renouer avec
l’esprit chrétien à travers l’observation et l’inspiration
formelle des maîtres tels que Raphaël.
Par ailleurs, les voyages d’artistes à Rome renforcent
ce phénomène et continuent d’alimenter
les répertoires de référence.
La toile de Guido Reni
Elle se trouve actuellement à la Norton Simon Foundation de Pasadena, aux États-
Unis d’Amérique. Sa composition diffère légèrement de notre toile et sa technique
est sans conteste plus affirmée. Elle passe pour être un des chefs-d’œuvre du maître
et fait l’unanimité quant à sa valeur artistique et la sensibilité de son traitement.
À la suite de la redécouverte des restes de sainte Cécile en 1559, le cardinal
Paolo Emilio Sfondrati bâtit une église en son honneur, sur les lieux de son martyre,
au Trastevere. Il fait exécuter par Stefano Maderna une sculpture représentant la
sainte et par Guido Reni une toile figurant la Décapitation de sainte Cécile et Valérien
pour orner l’autel. En 1606, emporté par sa dévotion, il commande à Reni, pour sa
collection personnelle, une peinture de la sainte en extase. Il s’agit de l’œuvre de
Pasadena.
Elle est vendue en 1608 au cardinal Scipione Caffarelli-Borghese qui fut
d’ailleurs un mécène important du Guide. Elle reste ensuite dans la collection privée
des Borghese jusqu’au début du xix e siècle. De 1812 à 1824, elle devient la propriété
de Lucien Bonaparte. Passant de l’Italie à New York, elle est finalement acquise par
la Norton Simon Foundation.
Elle ne comporte pas de signature mais différentes archives, les cachets de
collectionneurs sur le châssis et la qualité exceptionnelle de la technique picturale en
font à n’en pas douter une œuvre du Guide.
enseignement a sur lui une ascendance capi-
faible. Vers 1630, sa palette s’estompe en
et en France exploite la reproduction d’œuvres
Que le Guide ait été un peintre en vogue à
tale qui fixe la virtuosité de sa technique et lui
teintes irisées qui se déclinent en camaïeu de
magistrales par la gravure, mais aussi l’eau-
cette époque n’étonne guère. Par exemple,
procure l’assise nécessaire au développement
gris pâle. Ses coloris jouent sur des effets
forte. Ces procédés permettent la diffusion et
les « Saintes » nazaréennes, formellement clas-
d’un style pictural original.
argentés aux effets lunaires. Ce style, tout à
le transfert des programmes iconographiques
siques, traduisent plastiquement leur intention
En 1601, il s’installe à Rome et approfondit
fait singulier, fonde la « deuxième manière » du
et, dans une moindre mesure, des recherches
d’allier le fond à la forme. Unir l’Idée 4 à la
son étude des antiques et de Raphaël. Il est
maître. Il meurt, douze ans plus tard, indigent
formelles et techniques. Il va de soi que la
forme, n’est-ce pas à peu de choses près les
d’ailleurs fasciné par sa Sainte Cécile et en fait
et ruiné, d’une fièvre maligne.
copie par l’estampe ne peut donner qu’une
desseins du Guide ? S’agissant d’extase, sa
une copie à l’identique. Protégé par le cardinal
réplique pauvre et inévitablement réinterprétée
quête du beau par l’idéalisation et l’épuration
Sfondrati (éminente personnalité de la Réforme
La disgrâce d’un maître
du style.
plastique se comprend comme un dispositif
catholique), il acquiert rapidement une renom-
Reni connaît une renommée européenne dès
La deuxième cause du succès du maître
amenant au rapprochement spirituel.
mée importante et les commandes affluent.
la première décennie du xvii e siècle, qui ne se
est l’adéquation de son travail avec le phéno-
Stendhal, dans son Histoire de la Peinture
L’étude des « classiques » lui permet de
démentira qu’à la fin du xix e . Partout reconnu
mène de la Réforme catholique. Aujourd’hui
italienne, pose un jugement favorable sur le
modérer l’acquis des Incamminati. Par ailleurs,
pour ses propositions plastiques esthétisantes
tombées en désuétude, les saintes alanguies
Guide : « L’école de Bologne […] imitera avec
intéressé par les développements clair-obscur
et réalistes, il inspire les peintres de son époque
et en extase de Guido Reni nous paraissent
succès tous les grands peintres, et Guido Reni
du Caravage, il explore, sans but d’assimilation,
comme ceux des siècles à venir. Les écrivains
traduire artificiellement les sentiments d’une
y portera la beauté au point le plus élevé où
ces pistes inédites. Il développe un art natura-
et théoriciens italiens encensent continuelle-
vie intérieure agitée. Mais si l’on pense au
elle ait peut-être paru parmi les hommes ».
liste et classicisant, mesuré par des coloris francs
ment son travail et le placent parmi les plus
contexte et au vocabulaire esthétique prônés
L’omniprésence sur le marché de l’art des
et délicats qui trahissent sa continuelle quête
grands maîtres de la peinture.
par cette Réforme, on comprend ce que l’œuvre
œuvres du Guide finira par exaspérer et le
du beau. Sa composition est ferme et soignée.
Les causes de cette notoriété sont multiples
développe de représentation : la grâce sen-
Romantisme représente pour lui les derniers
Ces caractéristiques fondent ce qu’on a ap-
et tiennent en premier lieu à la large diffusion
suelle et la vibration affective, dans un lyrisme
feux d’une carrière exceptionnelle et européenne.
pelé la « première manière » de Guido Reni.
de son œuvre. Deux raisons expliquent cela :
poétique, amène par un glissement étudié à
Ses œuvres tomberont peu à peu en disgrâce.
Il peint des sujets religieux, allégoriques et
sa production personnelle abondante et les
rejoindre l’Idée de spiritualité. C’est qu’il faut
Les artistes de la seconde moitié du xix e
mythologiques. Ses figures idéalisées et la déli-
nombreuses copies qui en sont faites.
passer par la vibration des sens humains pour
siècle, libérés des traditions artistiques confor-
catesse du rendu des mains assoient sa répu-
Sa production, datant de l’époque où son
rejoindre le spirituel.
mistes et bourgeoises, se dégageront progres-
tation. Il affirme sa réussite aussi bien à Rome
art était pour lui un simple viatique propre à
Affichant leur objectif avoué de toucher et
sivement des poncifs de l’éducation aux Arts.
qu’à Bologne. Sa renommée est si importante
éponger ses dettes de jeu, a contribué à entre-
d’émouvoir, l’Église et l’artiste du xvii e siècle
Ils s’orienteront davantage vers une recherche
qu’il ne parvient pas à suivre les commandes
tenir sa renommée. Ses « belles têtes » – comme
s’appuient sur l’image pour reconquérir les
personnelle à travers des conquêtes formelles.
qui lui sont faites.
le dit Stendhal –, gracieuses et délicates, sont
fidèles. Quel meilleur moyen que de toucher
Aujourd’hui, les toiles de faible facture de
Passionné par le jeu, il est grevé de dettes.
légendaires et nul n’ignore sa place au pan-
au vif par le beau, par l’extase ? La sensualité
Guido Reni ne font plus les beaux jours des
Il se voit contraint de vendre à tout-va une production
rapidement exécutée et de moindre
théon des grands peintres.
Ses suiveurs et disciples (ils atteignent au
des figures, à l’érotisme à peine déguisé, nous
invite par empathie à atteindre une spiritualité
maisons de vente. Leur nombre est important
et pose des problèmes d’identification. Décidé-
Guido Reni,
Sainte Cécile, 1606
qualité. Il engage de nombreux apprentis pour
réaliser, par exemple, d’abondants Saint Sébastien,
qu’on retrouve dans l’Europe entière.
moment le plus fort le nombre de deux cents !)
exploitent ses sujets qu’ils reproduisent soit
fidèlement, soit par interprétation. Ainsi, de
sans équivoque. C’est dans cette optique que
Guido Reni développe ses théories plastiques.
Le xix e siècle donnera au Guide un regain de
ment non, sa production abusive, de qualité
quelconque, aux seules fins commerciales,
n’aura pas obtenu le pardon du temps.
Huile sur toile,
95,9 x 74,9 cm
Norton Simon Foundation,
Pasadena (É.U.A.)
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Généalogie et descendance
Revenons-en à « notre » sainte. La voici susceptible d’être considérée comme une
réplique de la Sainte Cécile du Guide. La grande diffusion des œuvres du maître,
ainsi que la persistance du motif jusqu’au xix e siècle, laisse à penser que « notre
sainte » serait une réplique de l’original du Guide. En outre, la qualité exceptionnelle
du tableau de Guido Reni ne nourrit plus aucun doute sur le sens du transfert.
Incontestablement, c’est bien de la sienne vers la nôtre qu’il faut considérer la
question.
Mais, est-ce là la seule parenté ou existe-t-il ailleurs d’autres répliques ? Une
recherche ciblée sur les Sainte Cécile, opérée par un balayage large, a permis de
rassembler plusieurs exemplaires sensiblement de mêmes dimensions disséminés
dans les musées d’Europe. Ainsi, il en existe à Madrid, au Monastère Saint-Laurent
de l’Escorial ; à Douai, au Musée de la Chartreuse ; à Munich, dans les collections
de la Residenz ; et, enfin, la trace d’une toile vendue chez Sotheby’s nous est parvenue.
Il est par ailleurs probable qu’il existe des répliques du même genre en d’autres
lieux.
Ces copies sont-elles identiques ou d’inspiration ? Sont-elles datées de la même
époque ? Ont-elles entre elles un lien de parenté évident et hiérarchique ? Autant de
questions qui trouveront des réponses partielles.
• Tout d’abord, la datation. D’après le postulat selon lequel la sainte de Guido
Reni trône en haut de la pyramide hiérarchique et qu’elle constitue la version la plus
originale, il est évident que les toiles qui s’en inspirent ne peuvent être exécutées
avant sa création, c’est-à-dire avant 1606.
Trois toiles semblent être datées du xvii e siècle : la sainte de l’Escorial est
attribuée à un anonyme qui a copié Guido Reni. Celle de Douai est datée de la même
époque et n’a aucune attribution précise. Celle de Munich, enfin, aurait été exécutée
par un suiveur du maître : Lorenzo Pasinelli (1629-1700). Les archives de la Residenz
de Munich font état de cette peinture ; elle fut attribuée au Dominicain jusqu’en 1924 ;
au-delà de cette date, elle est attribuée à un suiveur du Guide. Les dossiers relatifs
De gauche à droite
- Anonyme, Sainte Cécile, pas de datation proposée
Huile sur toile, 137,5 (augmentation tardive probable
d’une dizaine de cm) x 93 cm
Monastère de San Lorenzo de l’Escorial (Madrid),
inv. 10032899
- Anonyme (d’ap. Guido Reni), Sainte Cécile, xvii e siècle
Huile sur toile, 96,5 x 70,5 cm
Musée de la Chartreuse, Douai, inv. 1247
- Inconnu (d’après Guido Reni), Sainte Cécile, xix e siècle
Huile sur toile, 99,5 x 75 cm
Collection particulière, vendu par Sotheby’s le 23 juin 2011,
© ArtDigitalStudio
- Inconnnu (d’ap. Guido Reni), Sainte Cécile, xvii e siècle
Huile sur toile, 88 x 67 cm
Collections du BAL, Liège, inv. BA 231
- Lorenzo Pasinelli, Sainte Cécile, 2 e moitié du xvii e siècle,
Huile sur toile, 97 (y compris une augmentation tardive
de 9 cm) x 69 cm
Residenz München, Reiche Zimmer, Grüne Galerie (R.58),
Spiegelsaal, inv. ResMü.G0653
à ces trois toiles ne mentionnent la présence d’aucune date, ni d’aucune signature
sur la toile. Il convient d’observer la plus grande réserve quant aux informations
fournies par ces dossiers et sur les attributions qui sont proposées. Tout d’abord
parce que les toiles n’ont fait l’objet d’aucune étude approfondie, tant au niveau
stylistique qu’au niveau technique (analyses physico-chimiques). Ensuite, parce
qu’aucune restauration n’a encore été réalisée (pour Munich et Douai en tout cas).
Or, les dévernissages, l’enlèvement de surpeints apportent sans conteste des précisions
quant à la technique picturale, l’apparition de détails cachés, … Ces œuvres
mériteraient donc des examens complémentaires plus avancés.
Quant à la Sainte Cécile vendue chez Sotheby’s le 23 juin 2011, les spécialistes
de la célèbre maison de vente, au vu de la facture et du style, l’ont clairement
datée du xix e siècle.
• Le style. Les peintures de Douai, de l’Escorial et de Sotheby’s sont des
copies pratiquement identiques de la Sainte Cécile du Guide. Le style des deux
premières soutient le rapprochement avec la version de Reni. Le traitement du sujet
(à l’identique), le travail du costume, la lumière et la grande finesse d’exécution nous
amènent à penser qu’il s’agit, comme le soutient leur dossier, d’œuvres de la main
de suiveurs. Quelques différences néanmoins se remarquent sur les visages. Dans
la toile de Sotheby’s, il s’agit d’une interprétation stylistique tout à fait différente des
trois autres. Le visage est plus allongé et les carnations plus pâles. L’atmosphère qui
se dégage de l’ensemble est sans conteste plus faible.
• La composition. Deux saintes se singularisent par leur attitude. Alors que
toutes les œuvres copient à l’identique la posture de Sainte Cécile de Reni, celle de
Munich et celle de Liège se distinguent par leur liberté d’adaptation.
En effet, à y regarder de près, ces deux saintes semblent constituer une
paire formelle et stylistique. Leur attitude est identique et se démarque des autres,
notamment dans le placement. Bien que figurées de trois quarts face comme les
autres saintes, leurs bras ne sont plus peints ouverts au public mais croisés. Toutes
deux présentent la tranche de leur violon face au spectateur. Le traitement du costume
(particulièrement la manche et le nœud savant du turban), ainsi que la position
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des mains, sont parfaitement identiques. Quelques différences se dégagent sur la
version de Munich : une inscription sur la tranche du violon, le coloris du vêtement
ainsi qu’un fin tulle posé sur les épaules.
Que laissent à penser de pareilles ressemblances ? Pourquoi cette parenté
formelle ? Plusieurs réponses sont envisageables mais aucune ne peut, en l’état
actuel de l’étude, constituer un fait avéré. Il pourrait s’agir de deux toiles d’une
même main ou de mains différentes (celles d’un professeur et d’un élève, par exemple)
ou constituer deux commandes d’un même sujet (le peintre « paresseux » copiant
lui-même sa première version). Toutes les interprétations sont possibles. Ce qui
paraît évident, en tout cas, c’est que l’une s’inspire de l’autre : des similitudes aussi
flagrantes ne peuvent être imputées au seul hasard. En outre, leur technique est
soignée et l’effet admirable. Ces considérations nous amènent à penser que si,
comme le prétendent les archives de Munich, leur sainte est l’œuvre d’un suiveur du
Guide, alors, la nôtre, à la faveur de leur gémellité formelle et stylistique, serait à
dater du même siècle. Afin d’éclaircir ce dernier point, l’appui de sciences auxiliaires
peuvent sans conteste nous en apprendre davantage.
La sainte Cécile de Liège : datation, état de la question
L’approche stylistique et formelle qui vient d’être formulée inclinerait pour une datation
ancienne de notre sainte (xvii e siècle) plutôt que pour une œuvre du xix e . Cependant,
ces deux approches ne suffisent pas à affirmer l’authenticité de cette datation.
Afin de les consolider, elles ont été complétées, en octobre dernier, par l’utilisation
de sciences auxiliaires : la scintigraphie et la radiographie aux rayons X.
- La première technique permet de déterminer la nature des atomes présents dans
les pigments. L’apparition dans le temps des différents composants chimiques de
la pigmentation étant connue, il est possible de déterminer une datation par fourchettes
temporelles. La Sainte Cécile a fait l’objet d’une scintigraphie menée par
le Centre européen d’archéométrie (CEA), établi à l’Université de Liège. Par la présence
de plusieurs pigments tels que le blanc de plomb, le smalt, le noir d’os, le
vermillon, l’expertise rapporte que l’exécution du tableau peut être datée du xvii e
siècle. Par ailleurs, la présence de blanc de zinc et de pigments à base de chrome
exclut une datation postérieure à 1840.
- Quant à la radiographie, elle ne nous livre que des informations de styles et de
factures. Le travail préparatoire, enlevé et sûr, cadre bien avec celui du xvii e .
Au terme de l’étude, les doutes s’estompent et il apparaît selon toute vraisemblance
que notre Sainte Cécile est de la main d’un suiveur du maître. Les résultats
des investigations menées au CEA sont intéressants et cadrent avec la proposition
de datation fondée sur le style et la forme.
Analyse de la Sainte Cécile de Liège
par le Centre européen d’Archéométrie
de l’Université de Liège, octobre 2011.
En guise de conclusion
L’étude passionnante des Sainte Cécile dans la veine du Guide réhabilite une toile
de nos collections et nous apporte la confirmation qu’il s’agit d’une œuvre du xvii e
siècle. Reconsidérée par cet éclairage, la sainte Cécile de Liège prend une dimension
nouvelle et raconte au travers de son histoire la place qu’elle occupe dans le réseau
complexe des copies existantes.
La permanence du sujet et du style au travers du temps confirme par ailleurs
la place prépondérante qu’occupait le Guide dans le monde de l’Art et la position de
référence qui lui était conférée. Cette notoriété a encouragé ses suiveurs directs à
produire de nombreuses copies. Ainsi en est-il de la Sainte Cécile du BAL.
Notre tableau possède par ailleurs une jumelle à la parenté formelle et stylistique
se trouvant actuellement à la Residenz de Munich. Cette particularité exceptionnelle
la distingue des autres copies et lui confère une place singulière.
Enfin, la belle qualité technique, l’histoire atypique qui l’accompagne et l’iconographie
mieux comprise lui donne l’envergure nécessaire pour figurer aux cimaises
du BAL.
1. Jacques de Voragine (Varazze, vers 1228 - Gênes, 1298) :
chroniqueur italien du Moyen Âge, archevêque de Gênes
et auteur de la Légende dorée, célèbre ouvrage racontant
la vie d’un grand nombre de saints et martyrs.
2. Denys Calvaert (1540-1619) : peintre flamand né à Anvers
qui habite la majeure partie de sa vie en Italie. Il développe
un maniérisme académique élégant. Des peintres tels que
Guido Reni, l’Albane et le Dominicain sont formés dans
son atelier.
3. Stéphane Loire, in Catalogue du département de peinture
du Louvre : École italienne, xvii e siècle – I. Bologne, Paris,
1996, pp. 267-269 et 291-295.
4. Au sens philosophique, l’Idée est un élément de l’univers
intérieur humain qui s’appuie et se construit à travers des
•
images diffuses et oniriques.
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BAL (musée des beaux-arts de Liège),
ancien Musée de l’Art wallon
Pour ouvrir le bal
Prélude au futur musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège
Réouverture dès le 9 janvier 2012
Tous les jours sauf lundis et 1 er mai
De 13 à 18 h (dimanche, de 11 à 18 h)
Jusqu’au printemps 2012, l’exposition préfigurant
le regroupement des quatre collections
(art ancien, art wallon, art moderne et contemporain,
estampes et dessins) sur un seul site
(cf. p. 4) est constituée de deux parties.
D’une part, est montrée la « face cachée »
d’un musée, par trois thèmes : la restauration
récente d’œuvres ; l’acquisition d’œuvres par
des dons, legs ou achats ; la reconnaissance
régionale d’œuvres comme « trésors » de la
Fédération Wallonie-Bruxelles.
D’autre part, quelques thèmes (parmi de
nombreux autres possibles) montrent la vie
qui inspire les artistes, toutes époques confondues,
du xvi e siècle à nos jours : le travail, le
portrait, le genre historique, les scènes de genre
(bambochades), la nature morte, la surréalité.
La restauration
Une des missions des musées est de conserver,
préserver, entretenir et donc permettre aux
générations futures de découvrir la richesse
des collections dans un état de conservation
qui ne mette pas en péril leurs états esthétique
et historique.
L’art du xx e siècle se caractérise par la rupture
des conventions plastiques et par un renouvellement
des modes de production et des matériaux
employés : les artistes utilisent souvent
des matériaux composites industriels qui ne
sont pas nécessairement conçus pour durer ;
d’autres artistes, qui utilisent des matériaux
traditionnels, ne respectent pas toujours les
règles de mise en œuvre et mettent en péril la
pérennité de l’objet.
> Restauration de Composition sur fond bleu
d’Anna Eva Bergman (Stockholm, 1909 - Antibes, 1986)
Huile sur toile. Dépôt de la Fédération Wallonie-Bruxelles,
donation Fernand Graindorge, 1981
La couche picturale se compose d’une argenture
à la détrempe sur un support de toile. La
fragilité de la technique et les variations climatiques
avaient provoqué des soulèvements de
la couche picturale. La présence d’argile au
sein de la couche de préparation augmentait
la difficulté du fixage de la matière.
La seconde image ci-dessous montre un détail
en cours de nettoyage.
Collectionneurs avisés
Les collections communales se sont constituées
puis enrichies au fil de dons et legs importants,
parmi lesquels les donations Jaumain-
Jobart, Brabant-Veckmans, Fernand Graindorge,
Albert de Neuville, les legs Paul Dony, Plomdeur-
Morel, pour n’en citer que quelques-uns.
> Catalogue de la Donation Jaumain-Jobart
en 1973 au Musée de l’Art wallon.
> Catalogue de la Donation Fernand Graindorge
en 1976 à la Communauté française de Belgique,
mise en dépôt au Musée d’Art moderne et d’Art
contemporain.
Trésors
La Commission consultative du Patrimoine culturel
mobilier de la Fédération Wallonie-Bruxelles
a entamé les premiers classements en 2010.
Une œuvre est classée « trésor », au sens européen
du terme, en fonction de plusieurs critères
: la valeur artistique et historique, l’état de
conservation, la rareté, l’esthétique, la grande
qualité de conception et d’exécution et le lien
du bien avec l’histoire et l’histoire de l’art.
Sont classés « trésors » au BAL :
- les neuf tableaux provenant de la vente de
Lucerne (MAMAC),
- les albums d’Arenberg et de Clérembault de
Lambert Lombard, le fonds Gilles Closson,
le dessin de Van Gogh La femme au bonnet
(CED),
- Jean-Guillaume Carlier, Le mariage mystique
du bienheureux Hermann-Joseph (MAW).
Dans les prochains mois, s’y ajouteront notamment
:
- Henri Evenepoel, Promenade du dimanche
au Bois de Boulogne, 1899 (MAMAC),
- René Magritte, La forêt, 1927 (MAMAC),
- Dominique Ingres, Napoléon Bonaparte,
Premier Consul, 1804 (MAMAC).
> La vente de Lucerne : le 30 juin 1939, la Ville
de Liège acquiert neuf tableaux à la vente
organisée à Lucerne par la galerie Fischer. Les
nazis vendaient alors ce qu’ils apppelaient « l’art
dégénéré », à la fois pour en « nettoyer » les
musées allemands et s’assurer une importante
rentrée d’argent. Ce sont :
- La maison bleue de Marc Chagall,
- La Mort et les masques de James Ensor,
- La famille Soler de Pablo Picasso,
- Le sorcier d’Hiva Oa de Paul Gauguin,
- Monte Carlo d’Oscar Kokoschka,
- Chevaux au pâturage de Franz Marc,
- Portrait de jeune fille de Marie Laurencin,
- Cavalier sur la plage de Max Lieberman,
- Le Déjeuner de Jules Pascin.
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Pour ouvrir le bal
Prélude au futur musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège
Le travail
Dès l’antiquité, la notion de travail est présente
dans le monde de l’art. Sa perception varie au
cours du temps et en influence la représentation.
Au Moyen Âge, l’enluminure et la sculpture
évoquent l’édification des cathédrales, l’artisanat
ou le monde agricole. Mais il faut attendre
le siècle des Lumières et le bouleversement des
idées qui s’ensuit pour que le travail soit perçu
comme un fait social. Sa représentation par
les artistes devient dès lors un genre à part
entière. La bourgeoisie montante façonne souvent
l’image du travail à son profit en en camouflant
la dure réalité. Certains peignent cependant
l’effort, la pénibilité voire la souffrance du travail,
mais aussi le savoir-faire et le repos mérité.
Le thème du travail devient un outil de propagande
au xx e siècle. Au sortir de la guerre,
l’artiste pose un regard enfin affranchi et exploite
la thématique selon son point de vue et
sa sensibilité. Dès lors, les productions artistiques
se diversifient et proposent au public
un regard pluriel sur l’activité humaine.
Bambochades
Une bambochade
(ou bamboche) est un petit
tableau, une eau-forte, un
dessin ou un petit moulage
ayant pour sujet une scène
champêtre ou au contraire
citadine représentant la vie quotidienne
du peuple de manière burlesque,
proche de la caricature.
Le nom tire son origine du surnom « Le
Bamboche », attribué au peintre hollandais
Pieter van Laer (xvii e siècle) lors de son séjour
en Italie (1625-1639), surnom qu’il dut autant
à ses thèmes qu’à son aspect physique. En
italien, bamboccio signifie, selon les traducteurs,
« contrefait », « pantin » ou « poupée »
(surnom dû à sa petite taille).
> Ci-dessous de gauche à droite, trois détails :
- Jacob Toorenvliet, Marchande de volaille,
1674 (fonds d’art ancien),
- Henri De Braekeleer, L’homme à la pipe,
1879 (MAW, Legs Pol Dony),
- David Teniers le jeune, Scène de cabaret,
xvii e s. (MAW, Legs Pol Dony).
Le portrait : idéalisé/vérité
Le portrait en peinture se développe à la
Renaissance avec l’apparition de la conscience
individuelle et le besoin
de représentativité des classes
dominantes. Il sera un genre
de plus en plus prisé jusqu’au
xx e siècle, où il
sera supplanté,
comme représentation,
par la
photo. Il répond à
une codification précise
qui varie en fonction de
l’époque et du lieu.
Le portrait est l’image que
le modèle tient à donner de luimême,
ou ce que le peintre retient de celui
ou de celle qu’il peint : les caractéristiques
physiques ne sont donc pas toujours respectées.
Surréalité
Le surréalisme est un automatisme psychique
pur, par lequel on se propose d’exprimer […]
le fonctionnement réel de la pensée. Il repose
sur la croyance […] à la toute-puissance du
rêve, au jeu désintéressé de la pensée (André
Breton dans le premier Manifeste du Surréalisme,
1924)
Le rassemblement des collections du MAW
et du MAMAC renforce de manière significative
la représentativité de ce mouvement au sein
des collections liégeoises. Des œuvres majeures
de René Magritte et Paul Delvaux peuvent
ainsi côtoyer Marcel Mariën, Marcel-Louis
Baugniet, Jane Graverol, Aubin Pasque,
Paul Renotte, Alexis Cœ n e n…
Ce rapprochement permet aussi d’élargir
le propos à des œuvres qui, sans appartenir à
l’école surréaliste, en proposent un prolongement
par un traitement différent de la réalité.
Ainsi le dessin aquarellé de Pat Andrea ouvre
à une nouvelle subjectivité.
Vie silencieuse des natures mortes*
Une authentique nature morte naît le jour où
un peintre prend la décision fondamentale
de choisir comme sujet et d’organiser en
une entité plastique un groupe d’objets.
Qu’en fonction du temps et du milieu
où il travaille, il les charge de toutes
sortes d’allusions spirituelles, ne
change rien à son profond
dessein d’artiste : celui de
nous imposer son émotion
poétique devant la
beauté qu’il a entrevue
dans ces objets et
leur assemblage.
(Charles Sterling,
1952, La nature
morte de l’Antiquité
au xx e siècle, nouvelle
édition révisée, Paris, Macula, 1985)
Souvent les natures mortes se complètent
d’un papillon, harmonieux symbole – par la
brièveté de sa vie – de la fuite du temps.
Êtres vivants,
être vivant
Le rapport entre
nature et culture
– y compris les cultures
animales mises
en avant par l’éthologie
aujourd’hui – est le
réservoir commun de
notre avenir, que l’art
peut transcender.
La vie sous toutes ses formes,
y compris celle d’un musée,
c’est ce que le BAL se propose
d’explorer.
> Sont rassemblés quelques-uns des multiples
portraits que possède le BAL : toutes époques
confondues, ils observent.
> Détails de F. A. Brandel, Coq et papillon
Huile sur toile (collection d’art ancien, Legs
Maxime de Soer de Solières – Restauré grâce
au Fonds David-Constant en 2010)
* « Nature morte » se dit en néerlandais
« still-leven ».
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Expositions
« jeunes artistes »
Prix de la création 2011
BAL, espace Jeunes Artistes
(salle Saint-Georges)
Chaque mois, des plasticiens liégeois sont
exposés dans un espace spécifique au sein
du BAL (musée des Beaux-Arts de Liège).
Les objectifs de ce projet sont multiples.
Il s’agit de permettre aux artistes d’accroître
la visibilité de leurs travaux, mais aussi d’être
confrontés aux contraintes de la mise en place
d’une exposition dans un espace défini. L’importance
accordée à la création contemporaine
met en avant des travaux originaux ou
novateurs et constitue une pépinière d’artistes.
Marie Remacle
Historienne de l’art
Cabinet de la Culture
BAL (salle Saint-Georges)
Expositions accessibles
du mardi au samedi de 13 à 18 h,
les dimanches de 11 à 18 h.
Alexia Creusen, Fleurir
du 3 au 30 septembre 2011
L’exposition s’articulait autour du Vieux jardinier
d’Émile Claus (huile sur toile, 218 x 140 cm,
vers 1886). Tout comme la plante en pot que
l’humble jardinier porte sous son bras, les
œuvres d’Alexia Creusen présentent un
aspect fragile, léger et modeste. De petits
formats, elles sont pensées sous forme de
séries, associant des éléments en papier
découpé, des graminées, des pièces
crochetées et des dessins rehaussés.
Thomas Urban, Mythologies
du 6 au 30 octobre 2011
Le répertoire de Thomas Urban puise dans
la mythologie une multitude de sujets qu’il
inter-prète avec une grande force expressive.
Ses dessins et ses toiles sont un foisonnement
de traits au milieu desquels la figure
reste toutefois bien présente. La densité de
la composition participe de cette fascination
de l’artiste pour les héros, les guerriers, les
dieux… Il se dégage de ses pièces un caractère
fantastique, voire fantasmagorique.
ELKA, Double Mixte
Jusqu au 29 janvier 2012
Fondé sur la fusion de deux univers, le duo
ELKA décloisonne les médiums, développe
en permanence ses recherches. Les dispositifs
élaborés par les deux artistes relèvent
autant de la performance que de la photographie.
Avec le projet Double Mixte, ELKA
interroge le corps dans l’image, la relation
modèle/photographe, nos envie de vie rêvée.
Les modèles portent des masques, des
autoportraits des artistes. Ainsi, les participants
n’ont pas à assumer leur propre
image. Les deux photographes prennent en
charge le ridicule des situations, l’étrangeté
de chaque scène due à la distorsion du réel.
Martin Coste
Du 2 au 29 février 2012
Vernissage le mercredi 1 er février
Mathieu Nosières
De gauche à droite
Du 8 au 31 mars 2012
Alexia Creusen, Jardin,
Vernissage le mercredi 7 mars
soie, voile synthétique,
coton et tissus synthétique,
h 38 cm, 2009.
Sophie Vangor
Du 5 au 29 avril 2012
Thomas Urban,
Saint-Michel combattant
les dragons,
Vernissage le mercredi 4 avril
acrylique sur toile,
100 x 100 cm, 2010.
Michaël Nicolaï
ELKA, Double Mixte
Du 7 au 30 juin 2012
(série), photographie,
Vernissage le mercredi 6 juin
2011.
Lancé en 2009 par la Ville de Liège, le Prix
de la Création liégeoise dans le domaine des
arts plastiques a pour vocation de découvrir,
d’encourager et de soutenir un jeune talent
liégeois dans les diverses formes d’expression
de l’art contemporain. Le premier prix est doté
de 6 000 e et le deuxième prix de 4 000. Les
sujets proposés sont libres. Les projets novateurs
et originaux, au niveau du contenu et
de la forme, sont considérés comme un atout.
Pour 2011, 48 dossiers ont été déposés à
l’Échevinat de la Culture. Le jury, composé
de représentants de la Ville et de centres
d’art, s’est réuni le 10 octobre 2011 au
Musée d’Art moderne et d’Art contemporain
et a sélectionné 9 dossiers, dont les 2 lauréats :
Cathy Alvarez, Manuel Alves Pereira, Nicolas
Bomal, Thierry Hanse, Laurent Impéduglia,
Mathieu Labaye, Aurélie William Levaux,
Pica Pica, Marie Zolamian.
Les artistes sélectionnés ont fait l’objet d’une
exposition « Prix de la création 2011 », du 25
novembre au 24 décembre 2011, aux Drapiers,
68, rue Hors-Château. Issue de la volonté de
la Ville de Liège de développer des collaborations
actives avec les acteurs culturels installés
sur son territoire, cette exposition a été
réalisée sous le commissariat de Denise
Biernaux, de l’asbl Les Drapiers – Galerie
d’art contemporain, galerie spécialisée dans
la création actuelle et sensible à la mise en
valeur des artistes liégeois.
Le Premier Prix a été décerné à Aurélie Le Second Prix a été décerné à Laurent
William Levaux (1981). La dessinatrice, Impéduglia (1974). Les couleurs vives, les
brodeuse et auteure transmet avec une héros de cartoons américains, la culture pop,
sensibilité troublante son rapport au monde. la musique rock, les jeux vidéos et le street art
Le travail de l’artiste, membre du collectif caractérisent l’œuvre qui s’est manifestée initialement
dans les marges de l’art et de la BD.
Mycose, est au croisement de l’illustration,
de la bande dessinée, du journal intime et de Les compositions sont narratives et très cohérentes
malgré la profusion de signes et de
l’art contemporain. Couchant à même le
drap ses réflexions existentielles sur la symboles : il y a du chaotique et du ludique à
féminité et la maternité, l’artiste tisse des la fois dans ces travaux. Laurent Impéduglia
liens entre broderies et dessins, tissus et propose sa vision, réaliste et cynique, du
papiers.
monde de l’art, de la religion, de la société.
Aurélie William Levaux, Sans titre. Broderie et encre sur coton. 50 x 70 cm (détail).
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n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
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Expositions temporaires
Ernest de Bavière
> p. 26
Frénésie vénitienne
> p. 27
Indifférence
> p. 29
Pour ouvrir le BAL
> p. 18
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musée des beaux-arts de Liège
Jeunes artistes
> p. 22
Dieudonné Jacobs
> p. 28
Femmes
> p. 28
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Biennale
de photographie
Le MAMAC vit ses derniers
mois à la Boverie avant
le chantier du CIAC (cf. p. 5).
Un des derniers événements
avant 2015 : la
8 e Biennale internationale
de la Photographie
(du 10 mars au 6 mai 2012).
Hsiao Chin
Du 6 octobre au 16 novembre 2011, cette
exposition au MAMAC a marqué le début
d’une collaboration de la Ville de Liège avec
la Fondation Marconi de Milan. Giorgio Marconi
est actif sur la scène de l’art contemporain
depuis 1965 et a rassemblé une collection
exceptionnelle dans sa Fondation où figurent
certains des plus grands artistes du xx e siècle,
notamment Sonia Delaunay qui fera l’objet
d’une grande exposition liégeoise à l’automne.
Hsiao Chin, né en 1935 à Shanghai, après
des études à Taipei, s’installe en Europe dès
1956. Il voyage beaucoup, en Europe et aux
États-Unis d’Amérique, et se fixe en Italie où,
dès son arrivée, il sera soutenu par Giorgio
Marconi. Il rencontre les plus grands artistes,
enseigne et participe à la création de divers
mouvements artistiques. Il est considéré
comme une des grandes figures de l’art.
Sa peinture est le fruit d’un dialogue
entre les philosophies orientales et occidentales,
voyage à travers le cosmos, la nature,
l’homme. La calligraphie reste présente mais
laisse parfois place à l’abstraction géométrique
propre à l’Occident dans les années 70.
Cependant il ne peut s’empêcher de revenir
à la lumière, vibrante, à l’air, au mouvement.
Vides et pleins, contemplation et rythme/énergie,
couleurs chaudes et froides, symétrie et
asymétrie sont sans cesse confrontés.
Ses dernières œuvres témoignent d’une
sérénité, d’un optimisme nouveau où toutes
ces tensions tendent à disparaître.
IV e Prix Georges Collignon
Depuis 2005, le Lions Club Liège-Val Mosan
organise, en collaboration avec la Ville de
Liège, un prix biennal de peinture dont le but
est d’encourager de jeunes artistes (moins de
40 ans) en attribuant au lauréat une somme
de 3 000 e et en organisant une exposition
des meilleurs candidats au MAMAC (14 cette
année).
Cet événement vient compléter les multiples
activités qui jalonnent la vie culturelle
liégeoise en matière d’art contemporain :
les Biennales de gravure, de photographie et
de design, le Prix de la Création, l’Espace
Jeunes Artistes entre autres.
Le prix a été créé en mémoire à Georges
Collignon (1923-2002), une des grandes
figures de l’avant-garde belge de l’aprèsguerre.
Cette année, un hommage particulier
a été rendu à José Picon (1921-2011), proche
de Georges Collignon, femme exceptionnelle,
artiste sincère, généreuse, et restée jeune et
enthousiaste jusqu’à sa mort. Elle restera
sans aucun doute la grande figure de la
peinture abstraite à Liège.
Artistes sélectionnés : Cathy Alvarez,
Delphine Deguislage, Éric Deprez, Frédéric
Dumoulin, Silio Durt, Grégoire Faupin, Thierry
Groothaers, Annabelle Guetatra, Thierry Hanse,
Laurent Impéduglia, François Jacob, Benjamin
Monti, Sandrine Morgante et Marie Zolamian.
Attribué en 2005 à Charlotte Beaudry, en 2007
à Sandra Biwer, en 2009 à Marie Rosen, le prix
a été décerné cette année à Éric Deprez.
Françoise Safin-Crahay
Conservatrice
Musées de Liège
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Ernest de Bavière (1554-1612),
un prince-évêque de Liège
dans l’Europe moderne
Frénésie vénitienne
Le verre espagnol du 16 e au 18 e siècle
Grand Curtius
Jusqu’au 20 mai 2012
Grand Curtius
Jusqu’au 20 mai 2012
Ernest de Bavière est mort en 1612.
Quatre-cents ans plus tard, il n’en reste
guère à Liège que le nom d’une rue et le
souvenir d’un hôpital. Son règne fut pourtant
déterminant pour la principauté, à une époque
où les mots « Europe », « religion », « science »,
« industrie » n’avaient pas le même sens
qu’aujourd’hui et basculaient vers une modernité
nouvelle par la volonté d’un princeévêque
et de l’entourage qu’il s’était choisi.
Tous les domaines du savoir sont convoqués
à un débat qui ouvre la porte aux Temps
modernes, entre les fulgurances visionnaires
d’un prince et la tradition d’une Renaissance
finissante. Ernest, à la fois ancré dans les
certitudes du passé et acteur d’un avenir que
les esprits les plus éclairés commencent à
apercevoir, illustre l’ambigüité d’une époque
qui se cherche.
Une Europe nouvelle est en train de
naître, souvent dans la douleur, et nous en
sommes les héritiers.
> A été publié à l’occasion de l’exposition
Ernest de Bavière : Robert Halleux et
Geneviève Xhayet (études réunies par),
Ernest de Bavière. L’automne flamboyant
de la Renaissance entre Meuse et Rhin,
Éditions Brepols, 2011 (40 e).
> Catalogue disponible en versions française,
espagnole ou allemande : Frénésie
vénitienne. Le verre espagnol à la façon de
Venise, Verlag J. H. Roll, 2011 (25 e)
> Un numéro hors série de « Liège•museum »
sert de catalogue synthétique et trilingue
aux deux expositions (2 e).
À partir de 1550, malgré les menaces d’emprisonnement
et même de mort proférées à leur
encontre s’ils s’expatrient, certains verriers
de Murano émigrent en Espagne et apportent
un nouveau souffle aux productions des
artisans espagnols. Ils ne se contentent pas
de produire des verres « à la façon de Venise »,
mais parviennent à se démarquer de leurs
maîtres par une interprétation originale de
l’ornementation et par la création de nouvelles
formes.
L’exposition s’articule
autour des trois régions les
plus actives dans le domaine
du verre : la Catalogne,
l’Andalousie et la Castille.
Ernest de Bavière possède un observatoire remarquablement
équipé. Il acquiert deux lunettes de
Galilée. Lors d’un séjour à Prague en 1610, il en
prête une à Kepler, qui n’en possédait pas, et c’est
grâce à cette lunette que l’astronome peut vérifier
les observations de Galilée sur les satellites de
Jupiter. Par ailleurs, il finance la publication de
sa Dioptrique, qui lui est dédiée.
Liège•museum
bu letin des musées de la Vi le de Liège hors série 11-2011
Image de fond : Galilée, Sidereus nuncius, 1610
© Bibliothèque Ulysse-Capitaine, Ville de Liège
Anneau astronomique, 1572, ø 28,5 cm
© Instituto e Museo di Storia della Scienza, Florence
Ci-contre : reconstitutions 3D de Christophorus Clavius
et Ernest de Bavière par Ronald Dagonnier, 2011
Modélisation des visages 3D : Kevin Lederman
Liège•museum
hors série, novembre 2011
1
Aiguière en forme de lion, Catalogne, fin xvi e siècle.
Coll. privée. Photo IRPA.
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Rétrospective
Dieudonné Jacobs (1887-1967)
Musée d’Ansembourg
Jusqu’au 5 février 2012
Dieudonné Jacobs est né à Montegnée le
10 juin 1887. Issus d’une famille modeste,
les trois frères Jacobs réussirent tous de
brillantes carrières dans le milieu artistique.
Dieudonné devint peintre, un des « maîtres
de Wallonie », l’aîné Joseph comédien tragédien
et Isidore musicien de haute réputation,
professeur au Conservatoire de Toulon et
premier violon à l’Opéra. Dieudonné fut, très
jeune, élève d’Adrien de Witte, d’Auguste
Donnay et d’Évariste Carpentier, des maîtres
parfaits qui lui transmirent autant le goût du
dessin que celui de la « pâte » qui donne tant
de relief à ses toiles les plus emportées.
Disciple de Monet (dont il fit le portrait),
Dieudonné Jacobs accorde une importance
primordiale à la lumière. Il est considéré
comme un des meilleurs peintres post-impressionnistes
de la réputée École liégeoise. Il fut
rapidement envoûté pas les grands paysages
des Fagnes qu’il parcourut dans tous les sens,
chevalet sur l’épaule, avec ses amis parmi
lesquels Albert Bonjean dont il fut très proche,
comme en attestent les dédicaces du poète
sur certains documents exposés.
Jacobs obtint une bourse de la Fondation
Lambert-Darchis et partit plusieurs fois en
Italie, notamment à Rome où il peignit pour le
Vatican des œuvres intéressantes toujours
conservées dans la Galerie vaticane. Il réalisa
le portrait du Pape Pie XI. Parmi les souvenirs
du peintre, l’exposition présente, à côté de
sa Légion d’honneur, une médaille que lui
offrit Pie XI.
Pendant la guerre de 1914, prisonnier à
la bataille de Liège, il s’évade et rejoint son
régiment. Il est réformé et se rend dans le
Midi de la France près de son frère Isidore.
Il y rencontre sa future épouse, une Toulonnaise
âgée de 18 ans, et s’installe à la Garde.
Elle apparaît en filigrane dans tous ses portraits
de femme.
On retrouve des toiles de Dieudonné
Jacobs dans de nombreux musées européens
– à Paris (Beaubourg), Rome (Musée national
d’Art moderne), Lyon (Palais municipal),
Liège (BAL), Toulon, Spa… –, dans diverses
églises et dans les collections royales (Reine
Élisabeth, Princesse Marie-Josée, Prince de
Ligne, etc.).
L’art est une interprétation de la nature
passée par un tempérament
et qui doit émouvoir ou vous charmer…
Je peins la belle nature en toute
sincérité, communiant avec elle,
et me trouvant si peu de chose devant
Sa grandeur
et Sa beauté.
Regards sur la pauvreté des femmes
dans le cadre de la Journée internationale
de la Femme et de « Mars diversités »
Musée d’Ansembourg
Du 2 mars au 1 er avril 2012
Christophe Smets (photographe) et Céline
Gautier (journaliste) donnent à découvrir 25
portraits de femmes confrontées à la pauvreté.
Chaque portrait est accompagné de l’image
d’un objet choisi par la personne photographiée
et d’un texte évoquant ses rêves, ses
envies, les choses qui lui tiennent à cœur.
Loin d’un misérabilisme ou sensationnalisme
déplacé, les portraits sont empreints de
beaucoup de dignité et de pudeur, décrivant
avec une sensibilité tout en retenue une
réalité ténue, perceptible à quelques détails
infimes. L’exposition propose des rencontres
pleines d’humanité grâce à une photographie
sociale, engagée et militante.
Ce projet de la Boîte à Images a bénéficié
du soutien du Fonds pour le journalisme en
Fédération Wallonie-Bruxelles.
Expositions temporaires
Pascal Tassini
MADMusée, boulevard d’Avroy
Jusqu’au 25 février 2012
Pascal Tassini est une personnalité phare des
ateliers artistiques du Créahm à Liège. Artiste
aux multiples facettes, il y développe depuis
une quinzaine d’années un univers cohérent
et sensible au travers de peintures, écritures,
modelages, assemblages et créations textiles.
L’ensemble de son œuvre est condensée,
dans l’espace des ateliers, sous la forme d’une
phénoménale installation à l’aspect organique
et tentaculaire (la Cabane), faite
essentiellement de tissus noués.
Depuis 2006, Pascal Tassini
s’immerge totalement et de
manière remarquée dans le travail
textile, élaborant principalement
autour du thème du
mariage de multiples coiffes
baroques et tenues de noces.
L’exposition de cette
œuvre surprenante – littéralement
extravagante – s’accompagne
d’un catalogue monographique
richement illustré.
Exposition ouverte du lundi
au vendredi de 10 à 17 h,
le samedi de 14 à 17 h.
Fermée le dimanche.
Indifférence
Grand Curtius, salle du MADmusée
Jusqu’au 6 mai 2012
Dans le cadre de son programme d’invitation
d’intervenants extérieurs à poser un autre
regard sur sa collection (cf. p. 43), le
MADmusée propose dans cette exposition
une sélection d’œuvres opérée par le directeur
des musées de la Ville de Liège.
L’exposition se présente comme une
réserve ouverte au public. Elle évoluera au
gré des inspirations de son commissaire : de
manière régulière, une œuvre sera puisée de
cette réserve et intégrée dans le circuit du
Grand Curtius.
Parmi les œuvres montrées, citons celles
de Umberto Ammannati (I), Guido Boni (I),
Véronique Bovet (CH), Terry Bowden (ÉUA),
Isabelle Denayer (B), Pierre De Peet (B),
Brigitte Jadot (B), Massimi Mano (I), Linette
Ricker (B), Manuela Sagona (I) et Félicienne
Vanhove (B).
Dieudonné Jacobs
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Pauline Bovy
Conservatrice, musées de Liège
Détachée au Cabinet de la Culture
Toussaint Renson (Liège, 1898 - 1986)
Dessinateur, affichiste, mais aussi peintre du Travail
Toussaint Renson a toujours refusé d’exposer
ses œuvres peintes, s’interdisant de « commercialiser
son art ». Elles se dévoilent aujourd’hui
grâce à la persévérance de son fils Pierre, qui
a conservé les tableaux dans l’atelier de la rue
de Campine, et qui a participé activement à
l’exposition proposée chez Dexia. C’est lui
aussi qui se cache derrière les expositions à la
galerie Wittert de l’Université de Liège en
2000 et à la galerie de la gare de Chaudfontaine
en 2006. En 2005, Pierre Renson offre à la
Ville de Liège des œuvres de son père : trois
huiles sur panneau, Dans les rues de Paris
(AW2705), L’absente (AW 2706), L’accordéoniste
(AW 2707) et 28 esquisses de paysages, huiles
sur carton collées et rassemblées sur un panneau
(AW 2704).
Né de parents ouvriers, Toussaint Renson grandit
dans le quartier d’Outremeuse et fréquente
l’école des Artisans de la Ville de Liège, qu’il
quitte à l’âge de 16 ans, au décès de sa mère.
« Les premières peintures qu’il a réalisées, raconte
Pierre, datent de 1914 pour des parents
qui souhaitaient avoir un portrait de leur fils
prisonnier en Allemagne ». À 21 ans, il entre à
l’Académie des Beaux-Arts de Liège où il est
admis directement en troisième année. Il y reçoit
l’enseignement des frères Émile et Oscar
Berchmans, Adrien de Witte et Jacques Sacré
et il obtient de nombreux prix.
L’année 1925 marque un tournant décisif
dans sa vie : il se fiance à Marguerite Havasse-
Populaire (Liège, 1888-1978, veuve de Louis
Populaire) et est choisi pour représenter la classe
d’Émile Berchmans à l’Exposition des Arts décoratifs
et industriels modernes de Paris : il reçoit
la médaille d’or pour sa peinture La métallurgie.
Celle qui deviendra la mère de son fils Pierre
(né en 1928), Marguerite Havasse, est elle
aussi choisie pour participer à l’Exposition à
Paris, où elle représente la classe d’Oscar
Berchmans avec une œuvre intitulée La croix
(maquette d’un monument). La métallurgie,
grand panneau décoratif, est présenté dans le
pavillon belge réalisé par Horta, à côté de travaux
d’élèves des Académies d’Anvers, Gand
et Mons, retraçant des scènes relatives à l’industrie
caractéristique de chacune des quatre villes.
Cette œuvre représente des ouvriers en plein
effort, tirant des barres d’acier rougi. L’influence
de son professeur Émile Berchmans se
ressent, tant dans la gamme des coloris que
dans le sens de la composition, la sobriété et
la justesse de ton. Les déboires que rencontre
cette œuvre importante, exposée trop longtemps
dans la cage d’escalier d’une école,
illustrent malheureusement les dangers de certaines
mises en dépôt. Aujourd’hui, elle a retrouvé
ses qualités grâce à la restauration réalisée
par Audrey Jeghers.
Après un bref passage comme dessinateur à
l’Imprimerie Bénard, Toussaint Renson est engagé
en 1926 à l’imprimerie de l’Union Coopérative
et y travaillera pendant près de quarante
ans comme lithographe, affichiste et dessinateur
publicitaire. À côté de brochures, calendriers,
cartes de vœux, vignettes, étiquettes, il
réalise sur plaque de zinc et pierre des affiches
de cinéma ou de théâtre pour le Gymnase. Il
est aussi l’auteur de caricatures politiques pour
les journaux engagés : « Volonté » et « Le Monde
du travail ».
Membre du Cercle royal des Beaux-Arts de
Liège, Renson enseigne à l’Académie royale
des Beaux-Arts de Liège de 1945 à 1963, au
Groupement des Arts d’Ougrée-Sclessin et
est titulaire des cours de dessin et de peinture
à la section artistique de l’École de la Ville de
Liège. Pensionné, il continue à accompagner
sur le terrain et à conseiller, à leur demande,
un groupe fidèle d’élèves adultes. •
Exposition à l’Espace Dexia Sud, Liège
- Avenue Maurice-Destenay (entrée libre)
- Jusqu’au 28 janvier 2012
- Du lundi au vendredi, de 9 à 18 h
Les peintures exposées à la galerie Dexia,
accessibles pour la première fois au public,
témoignent des grandes qualités de dessinateur
de Toussaint Renson. Dans les portraits,
natures mortes, paysages ardennais, scènes
liégeoises et parisiennes, se glisse souvent
un détail humoristique. Le trait est vif et
spontané ; l’influence de Richard Heintz,
Armand Jamar et surtout celle de son maître
Émile Berchmans est nettement perceptible.
Restauration de La Métallurgie
Cette œuvre a figuré à l’Exposition des Arts
décoratifs de Paris en 1925 et est entrée dans
les collections de la Ville de Liège après la
mort de l’artiste. Mise en dépôt, elle a subi
des agressions qui ont causé de nombreux
dégâts irréversibles. À la suite de son retour
au musée, le traitement de conservation-restauration
a été entrepris dans le cadre de l’exposition
organisée en partenariat avec Dexia.
La technique employée par l’artiste rendait
délicat le traitement de cette œuvre : réalisée
sur une toile épaisse sur laquelle la peinture à
l’huile a été directement appliquée, sans couche
d’apprêt intermédiaire, de façon spontanée et
rapide. Certaines zones de toile sont laissées
à nu volontairement afin d’utiliser le ton brun
de la toile comme élément de la gamme chromatique.
L’artiste joue sur les contrastes des
ombres et des lumières créées par le feu de la
fonderie. Chaque forme est soulignée d’un trait
noir très graphique.
Cette technique brute a plusieurs conséquences
esthétiques sur la matière : d’une part,
la trame de la toile est très présente, accrochant
la lumière dans les reliefs ; d’autre part,
l’aspect de surface est très mat car aucun
vernis de protection n’a été appliqué. Les choix
posés au cours du traitement ont été guidés
par ces particularités.
Au cours du temps, une épaisse couche
de salissure s’était accrochée à la surface picturale,
modifiant les tonalités chromatiques et ternissant
considérablement la composition. Le
nettoyage a permis de retrouver la clarté du
dessin et des contrastes chromatiques.
Il a fallu agir sur les dégâts causés au support
mais également sur des graffitis qui couvraient
la signature du peintre. Dans un premier
temps, les déchirures de la toile ont été consolidées
et les lacunes du support comblées par
des incrustations de toile similaire à celle d’origine.
Nous avons ensuite procédé à la réintégration
chromatique de ces lacunes qui créaient
des interruptions de la composition. Cette
étape qui consiste à imiter la matière picturale
environnante afin de rétablir la continuité visuelle
a sollicité notre créativité. Tout en respectant
les règles élémentaires de stabilité et de réversibilité
des matériaux, divers médias peu ordinaires
tels que le pastel sec, la fibre de toile ou
le crayon de couleur ont permis d’approcher
au mieux l’aspect de surface de l’œuvre.
Cette méthode de retouche utilisant le pastel
sec a également aidé à remédier au problème
des graffitis : les méthodes de nettoyage traditionnelles
ne pouvaient éliminer des écritures
au marqueur. Ces traces avaient pénétré au
sein même de la matière et il était impossible
de les solubiliser sans risquer d’endommager
l’œuvre. Nous les avons atténuées et ensuite
masquées par la retouche.
Le traitement de restauration qui était motivé
par une demande de prêt a permis de veiller à
la bonne conservation de ce tableau, pièce
importante de l’histoire de la peinture industrielle
liégeoise.
Audrey Jeghers
Conservatrice-restauratrice
Musées de Liège
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Annie Grzeskowiak
Directrice
Le Musée de la Vie wallonne
D’un musée du folklore à un musée de société
Face à l’évolution de la société et de l’approche muséale, les autorités provinciales
lancent un grand projet de rénovation tant architectural que muséal. Le Musée organise
un colloque international en 2001 dont le thème « Des collections pour dialoguer.
Musée, identité, modernité » a apporté des pistes de réflexions pour la conception du
nouveau parcours. Pour accompagner les équipes scientifiques, est constitué un comité
rassemblant des professionnels du secteur, caution scientifique à la rénovation. Il définit
le Musée de la Vie wallonne rénové comme un musée « ouvert au public le plus large,
qui expose la vie en Wallonie dans toutes ses dimensions, avec un regard ethnographique
actualisé ; son champ d’action s’étend principalement à l’ensemble de la
Wallonie et son intérêt se porte jusqu’aux dernières années du 20 e siècle »
(Réflexions sur la nature d’un musée d’ethnographie. Conseil scientifique de la rénovation du Musée de la Vie wallonne).
Le 12 septembre 2008, après quatre années de chantier, est inauguré le Musée de
la Vie wallonne, musée d’ethnographie et de société.
- Sa mission première reste la conservation, la préservation et le développement de
la collection permanente, composée d’objets et de documents évoquant l’évolution
de la société wallonne. Mais le développement d’actions protectrices et éducatives
en faveur du patrimoine immatériel régional devient un axe prioritaire.
- La médiation culturelle, qui permet la rencontre, propose des interfaces, facilite les
échanges et les interactions, accorde au sein du Musée une place importante à
l’esprit critique. En mettant en relation étroite les collections avec le public, c’est
un lieu d’apprentissage culturel répondant aux attentes de tous les types de public
(scolaire, touristique, spécialisé, défavorisé…). Il s’engage dans des débats publics
liés au changement de la société, en établissant un dialogue interculturel et intergénérationnel.
Il devient un lieu public d’échanges et d’appropriation.
L’idée qu’il faut sauver de l’oubli et de la destruction les témoins du passé populaire
conduit à la création du « premier Musée ethnographique » du Vieux-Liège en 1894,
en soi une exposition temporaire, dans les locaux abandonnés de l’Académie des
Beaux-Arts. En décembre 1912 une association de fait, subventionnée par la Ville
de Liège, l’État et la Province, est créée par des militants wallons comme Joseph-
Maurice Remouchamps, Jean Haust et Henri Simon. Le 18 mars 1913, les statuts
du Musée de la Vie wallonne sont adoptés. Le Musée aura pour objectif de constituer
un conservatoire des arts et traditions populaires, des us et des coutumes, des métiers
et des techniques wallonnes.
Les dates qui ont marqué
l’histoire du musée
• 1924 : édition du premier fascicule du Bulletin des
enquêtes ethnographiques, dont l’objectif est de préserver
les témoignages oraux ou écrits des traditions
wallonnes et de récolter de la documentation aussi
complète que possible sur la vie des Wallons d’autrefois
et d’aujourd’hui. Dans son premier tome, les
responsables de la Fondation définissent le rôle du
musée en ces termes :
«… Le Musée groupera donc tous les documents qui
se rapporteront aux Wallons et à leur vie. Il est fondé
sur le principe du régionalisme le plus étendu, et son
champ d’action embrasse la Wallonie entière. Ses
collections permettront de reconstituer, dans tout ce
qu’elle a de particulier, la vie de nos ancêtres ; de
même qu’elles conserveront à nos descendants l’image
fidèle de nos mœurs actuelles… » (Bulletin des enquêtes
du Musée de la Vie wallonne, Liège, 1927, t. 1, p. 4-5).
• 1925 : grâce à l’intervention de la Ville de Liège, le
Musée de la Vie wallonne intègre des dépendances
de la Maison Curtius, en Féronstrée.
• 1930 : inauguration des premières salles publiques.
Les gestionnaires du Musée procèdent à l’accroissement
des collections, sauvant de la destruction nombre
d’objets du quotidien.
• 1931 : ouverture du Théâtre de marionnettes au
Musée pour sauvegarder cette tradition.
• 1955 : création du service éducatif.
• 1962 : le Ministre des Travaux publics, J.-J. Merlot,
décide la rénovation du couvent des Frères mineurs,
Cour des Mineurs à Liège, destiné à accueillir le Musée
de la Vie wallonne, à l’étroit dans ses locaux.
• 1971 : inauguration des premières salles d’exposition.
Les collections sont présentées selon les principes
de muséographie de Georges-Henri Rivière.
• 1979 : signature d’une convention entre la Ville de
Liège et l’Établissement d’Utilité publique « Musée
de la Vie wallonne ». La Ville, qui devient propriétaire
de la moitié des collections, met à disposition les
locaux et le personnel agréé.
• 1992 : signature d’une convention entre la Province
de Liège, qui devient gestionnaire du Musée et de
ses collections, la Ville de Liège et l’Établissement
d’Utilité publique « Musée de la Vie wallonne ».
• 2008 : avenant à la convention qui proroge la convention
jusqu’en 2042.
Musée de la Vie wallonne
Cour des mineurs
Tél. +32 (0)4 237 90 50
www.viewallonne.be, info@viewallonne.be
- Le Musée de la Vie wallonne entreprend également des recherches et études sur
la vie des gens et des traditions en Wallonie aux 19 e et 20 e siècles, tout en menant
une réflexion sur l’évolution de la société de notre époque. En 2013, année du centenaire
de l’institution, il organisera un colloque international sur les musées d’ethnographie
au 21 e siècle, en collaboration avec l’Université de Liège et l’asbl « Musées
et Société en Wallonie ». En octobre 2011, a eu lieu une journée de réflexion sur
le thème « Exposition permanente. Entre continuité et renouvellement » : la volonté
du Musée de la Vie wallonne est aussi de s’inscrire dans un principe d’échanges et
de travail commun entre les institutions muséales locales, régionales et internationales.
La mémoire humaine est marquée par les évolutions de l’histoire. Elle constitue la
richesse d’une société et lui permet de mieux appréhender le présent et l’avenir. Dans
cette connaissance du passé, le Musée de la Vie wallonne joue un rôle primordial
mais, en s’ouvrant à aujourd’hui et à demain, il adopte un regard contemporain sur
la société.
Musée de la Vie wallonne, le cloître, 2009.
Découverte du Musée, 2009.
© Province de Liège – Musée de la Vie wallonne
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Le centre de documentation du Musée est un vecteur-clé dans la mission de diffusion
des collections. Documents, archives et informations scientifiques produits et
acquis par le Musée y sont mis à la disposition des étudiants et de tous les chercheurs,
spécialisés ou non. Il constitue aussi l’intermédiaire vers les divers départements.
Les archives générales
Elles comptent plus de 100 000 documents
de type traditionnel, sur supports papier ou assimilés.
Datant, pour la plupart, des 19 e et 20 e
siècles, ils présentent une grande variété de
genres (affiches, cartes postales, chromos, tirés
à part, images, photographies, publicités, etc.),
de techniques (dessins, estampes, imprimés,
manuscrits, etc.) et de formats.
Les archives multimédias
Ce département comprend les photographies
avec négatifs, les archives filmées ainsi que les
documents sonores, sur tous types de supports
anciens et contemporains. La photothèque contient
à ce jour plus de 1 million de négatifs et la
cinémathèque plus de 440 films, vidéos et DVD
sur tous les thèmes relatifs à la Vie en Wallonie.
La collection d’objets
Entreprise depuis le début du 20 e siècle, la
collecte ininterrompue de pièces a permis de
constituer une collection riche de quelque
100 000 objets datés de la fin du 18 e siècle à
nos jours. Parfois luxueux,
souvent modestes et
usuels ou encore
fragiles, voire éphémères,
ces objets
témoignent de tous
les aspects de la vie
en Wallonie.
Outre le travail sur les collections, chaque responsable
assure également la formation de stagiaires,
élèves d’écoles supérieures ou de l’Université
de Liège, dans des secteur comme la
restauration d’œuvres d’art, l’archivistique ou
la muséologie.
Centre de documentation
Court Chamart (cour arrière du Musée)
Tél. +32 (0)4 237 90 73
documentation@viewallonne.be
La bibliothèque du Musée
Particulièrement spécialisée dans le domaine
de l’ethnographie, la bibliothèque aborde toutes
les matières étudiées par l’Institution. Elle conserve
des ouvrages et périodiques anciens, récents
ou de référence, dont certains rares et
précieux.
La Bibliothèque des Dialectes de Wallonie
La BDW est une section spécialisée du Musée.
Elle réunit le fonds d’archives et de livres de la
Société de Langue et de Littérature wallonnes
et les collections du Fonds des dialectes wallons,
cette dernière cédée à la Province par la
Ville de Liège en 2005.
Le Fonds d’Histoire du Mouvement wallon
Créé en 1949 et ouvert au public en 1956, le
FHMW intègre le Musée de la Vie wallonne en
2004. Il met à la disposition du public une bibliothèque
de plus de 18 000 livres et brochures,
consacrés aux différents aspects de la question
wallonne et des débats suscités par l’éveil des
nationalités, ainsi qu’un ensemble d’archives
provenant de militants wallons, d’organismes
économiques, d’associations culturelles, d’institutions
publiques.
Le théâtre de marionnettes
Le Musée de la Vie wallonne est le conservatoire
des arts et traditions populaires.
C’est donc tout naturellement qu’il perpétue
la tradition du théâtre de marionnettes
traditionnelles liégeoises en proposant,
dans son théâtre reconstitué, des spectacles
dans la plus pure tradition. La collection
est riche de 600 spécimens datés
du 19 e au 20 e siècle. Son intérêt se porte
aussi sur des récits inspirés de contes et
féeries ou des créations plus contemporaines.
Des séances publiques sont proposées
les mercredis à 14 h 30 et les dimanches
à 10 h 30. Sur réservation, des séances
privées peuvent être organisées.
Depuis 2010, des spectacles destinés à
un public adulte sont donnés chaque 3 e
jeudi du mois de la saison à 20 h.
Programme complet sur le site
www.viewallonne.be
•
De gauche à droite
Stoumont, les Fonds de Quarreux,
photographie de Kepenne, 1900.
Boudinière servant à la fabrication des saucisses et boudins.
Corne de vache. 19 e siècle. Premier objet entré en collection.
Le Marché de Liège. Terre cuite de Léopold Harzé, 1859.
Joseph Ficarotta, montreur au théâtre de marionnettes
du Musée, 2009.
© Province de Liège – Musée de la Vie wallonne
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Pascal Lefèbvre
Administrateur délégué
Directeur de la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie
Maison de la Métallurgie et de l’Industrie
de Liège
Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège
17, boulevard Raymond-Poincaré, 4020 Liège
+32 (0)4 342 65 63
www.mmil.be, ino@mmil.be
Dans le quartier du Longdoz, une ancienne usine est devenue un musée et accueille
le visiteur curieux de technologies et d’industries : la Maison de la Métallurgie et de
l’Industrie de Liège. Ses bâtiments témoignent de l’intense activité industrielle qui a
régné dans le quartier.
Elle est en effet installée dans une usine à fer-blanc construite à partir de
1847 par les frères Dothée. Elle sera absorbée en 1862 par son principal fournisseur,
la Société des Charbonnages et Hauts-fourneaux de l’Espérance, située à Seraing,
qui deviendra en 1877 la SA Métallurgique d’Espérance-Longdoz. Celle-ci gagnera
une réputation internationale pour la qualité de ses tôles fines laminées à chaud et
établira son siège social dans le quartier du Longdoz.
L’austère façade du musée est dominée par le bâtiment d’origine, à deux
niveaux. Il a été rapidement complété par de nombreux halls horizontaux, surmontés
de toitures en sheds, plus adaptés aux équipements lourds qui ont permis de passer
du stade artisanal au stade industriel. L’entreprise couvre bientôt tout un secteur du
quartier que la gare du Longdoz desservait depuis 1851.
Enserrée dans la ville, l’usine ne pourra pas être modernisée après la deuxième
guerre mondiale : en 1957, on y arrête le laminage à chaud, pour ne conserver que
quelques activités de finition qui se poursuivront après la fusion avec Cockerill en
1970, avant de cesser définitivement en 1985.
Abandonné, le site devient bientôt un chancre, une cicatrice du déclin industriel,
avant d’être métamorphosé en une cathédrale du commerce, la Médiacité, et
un temple de l’audiovisuel, Médiarive. Derniers vestiges des Tôleries du Longdoz,
les bâtiments de la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège constituent un
patrimoine immobilier qui conserve la mémoire industrielle du quartier.
Créé au début des années soixante par Espérance-Longdoz, le Musée du Fer et du
Charbon s’est transformé en 1990 en Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de
Liège, sous l’égide de la Ville de Liège, de l’Université de Liège, du Musée de la Vie
wallonne et d’entreprises métallurgiques de la région liégeoise.
Centre de culture technique et industrielle, le musée est consacré à la valorisation
du patrimoine mobilier et à la diffusion des connaissances technologiques.
Sur 3 000 m², dans dix salles consacrées à la métallurgie, aux énergies motrices et
à l’informatique, l’histoire et la technique se complètent et proposent une réflexion
sur la société d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Les machines, les outils et les maquettes
dialoguent avec les documents, les œuvres d’art et les produits de la vie
quotidienne pour illustrer les mutations de notre société.
Le parcours de la métallurgie commence avec la sidérurgie wallonne du xvii e siècle,
autour du plus vieux haut-fourneau du pays (1693), provenant de Gon rieux-lez-
Couvin. À l’étage, un pont conduit au gueulard, par lequel on enfournait les matières
premières.
Un marteau hydraulique ou « maka » de 1700 ou le plus vieux laminoir à fer
conservé (1816) rappellent l’importance de l’énergie hydraulique à une époque caractérisée
aussi par le minerai local et le charbon de bois.
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Les reliques de John Cockerill (1790-1840) sont présentées dans une salle
qui explique les révolutions du xix e siècle : le remplacement du charbon de bois par
le coke, la naissance de grands groupes sidérurgiques et l’apparition de l’acier industriel.
Dans la salle des métaux non ferreux, la baignoire de voyage en zinc que
Dony aurait offerte à Napoléon raconte les débuts de l’aventure industrielle internationale
du zinc. Celle-ci est née à Liège, grâce à l’invention de Dony, qui avait obtenu
de l’Empereur la concession de la mine de La Calamine. Créée en 1806, son usine
du quartier Saint-Léonard est aux sources de la célèbre société Vieille-Montagne.
La dernière étape de cet itinéraire explore l’univers de la sidérurgie contemporaine.
Avec des photographies des Métallos de Thierry Dricot et d’impressionnants
objets tels un coil ou une lingotière de quinze tonnes, des panneaux didactiques
expliquent toutes les étapes de la fabrication de l’acier dans les usines du bassin
liégeois d’aujourd’hui.
La maquette de la machine de Marly, construite par Renkin Sualem en 1685
pour irriguer les jardins de Versailles, introduit le parcours des énergies au temps des
maîtres de l’eau et des moulins. La spectaculaire machine à vapeur d’Ambresin,
datant de 1840, impose la puissance de la première révolution industrielle, dominée
par le charbon. Tout autour, des modèles réduits anciens sont exposés comme de
véritables bijoux de mécaniciens. Celui que Clément Leruitte fabriqua en 1857 est
désormais protégé comme trésor de notre patrimoine mobilier.
Avec son réverbère à gaz liégeois du milieu du xix e siècle, avec ses moteurs
à explosion des années 1890 ou la voiture victorieuse des 24 heures de Francorchamps
en 1998, la salle du gaz et du pétrole explique l’exploitation des hydrocarbures et
retrace l’histoire de leur utilisation.
Zénobe Gramme est la vedette de la salle consacrée à l’électricité. Le prototype
de sa dynamo tétrapolaire (1871), inscrite dans la liste des pièces majeures de
notre Communauté, marque le point de départ de la révolution électrique. Autour de
lui se déroule le fil de l’histoire, depuis la pile de Volta jusqu’aux centrales d’aujourd’hui.
C’est un autre trésor technologique, la tabulatrice d’Hollerith (1889), qui introduit la
salle de l’informatique. Conçue pour automatiser le recensement américain à l’aide
de cartes perforées, elle utilisait déjà le principe binaire de nos PC. De la mécanographie
aux premiers portables, les générations d’ordinateurs se succèdent, de même
que leurs applications, comme les robots, les jeux électroniques ou Internet. Même
la mémoire a une histoire, depuis le carton jusqu’aux clés USB.
En plus de ses murs, en plus de ses innombrables objets, le musée souhaite s’enrichir
d’un autre patrimoine en collectant les témoignages de ceux qui, à tous niveaux,
ont participé à cette aventure. Leurs mémoires apporteront une nouvelle dimension
aux collections.
À la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège, le patrimoine immobilier, le
patrimoine mobilier – qu’il soit prestigieux ou plus modeste – et le patrimoine immatériel
témoignent d’une technique et d’une industrie en perpétuelle mutation, mais
bien ancrées dans notre histoire collective et dans notre culture. •
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Joël Tiberghien
Musées de Liège
80 e anniversaire de la mort du violoniste Eugène Ysaÿe
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Eugène Ysaÿe est né à Liège le 16 juillet 1858.
Après une enfance difficile, il est remarqué par
le violoniste Henri Vieuxtemps et devient son
élève tant à Liège qu’à Paris. Son talent est
indéniable et il se fait connaître en 1879 au
Konzerthaus de Berlin où il joue avec les plus
grands musiciens du moment. En 1881, il entame
une tournée aux quatre coins du monde et est
reconnu comme virtuose. De 1886 à 1898, il
est professeur au Conservatoire de Bruxelles.
Il constitue avec son ami Mathieu Crickboom
le fameux Quatuor à cordes. Il est aussi le créateur
de nombreuses œuvres d’autres compositeurs,
tels que César Franck. De 1918 à 1922,
il est le Chef de l’Orchestre de Cincinnati aux
États-Unis d’Amérique. Interprète exceptionnel,
Ysaÿe est aussi compositeur et est l’auteur
d’œuvres comme Les Six sonates, Les Poèmes
élégiaques ou encore d’un opéra en wallon :
Pier li Houyeu.
À Bruxelles, dans une maison de l’avenue
Bruggman, Eugène Ysaÿe meurt dans la nuit
du 12 mai 1931, à l’âge de 73 ans. La Belgique
perd un des plus grands violonistes de tous
les temps. Durant trois jours, son corps est
exposé dans une chapelle ardente dressée
dans la maison du défunt. La reine Élisabeth
vient rendre un dernier hommage à son maître
de chapelle. Eugène Ysaÿe était en effet aussi
son professeur et une profonde amitié les
unissait. Ils sont à la base de la création de ce
qui allait devenir en 1937 le Concours international
de violon Eugène Ysaÿe puis en 1951
« Concours Reine Élisabeth ». Les funérailles
nationales ont lieu le 17 mai en présence de
sa famille, de nombreuses personnalités et
d’une foule d’admirateurs. L’inhumation a lieu
au cimetière d’Ixelles.
Lors de son décès, il est procédé au prélèvement
de son cœur et de son cerveau, qui
seront transportés à Liège. La reconstitution
du studio Eugène Ysaÿe se trouve au Grand
Curtius, tel qu’il se présentait dans son appartement
bruxellois. Outre le magnifique piano
Pleyel, la bibliothèque et de nombreux objets
personnels, on peut y admirer l’urne contenant
le cœur du Maître, œuvre réalisée par le sculpteur
liégeois Louis Dupont (1896-1967).
Lorsqu’Eugène Ysaÿe était au Conservatoire
royal de musique de Liège, Théodore
Radoux, alors directeur, eut ces mots : « Les
oiseaux chantent, Ysaÿe joue du violon ». Depuis
la mort du virtuose, de nombreux violonistes
dans le monde n’ont cessé d’interpréter ses
œuvres. Ainsi, ce violoniste liégeois d’exception
n’est jamais tombé dans l’oubli et je terminerai
avec ces mots : « Les oiseaux chantent, on
entend toujours la musique d’Ysaÿe ». •
Monique Smal
Bibliothèque Ulysse-Capitaine
Marcel Thiry
L’œuvre et l’homme, le prix littéraire
L’homme de tous les possibles, tel est Marcel
Thiry : une silhouette à reconstituer. Étudiant,
soldat, plaideur, négociant, académicien, militant,
parlementaire, poète, romancier, marginal,
on le retiendra essentiellement comme
peaufineur de mots. Son univers, c’est la vie,
la vie est sa poésie, elle contient tous ses thèmes
de prédilection : le temps, la guerre, les voyages,
les femmes, la couleur, l’eau (mer et neige), la
modernité (vitesse, sciences) et même le commerce
!
Celui qui avait dérobé l’odeur du monde
On l’avait mis aux fers
avec d’autres méchants ;
Or, à son banc, mal dépossédé
de ses blondes,
Il faisait marcher la galère avec son chant.
(Statue de la fatigue, 1934)
Tranches de vie
Charleroi, ville de sa naissance (1897), ne l’a gardé
qu’un an. Ce fut Liège ensuite, elle restera SA
ville.
• 1915 : très jeune adulte, Marcel Thiry quitte
prématurément l’athénée afin de rejoindre son
frère Oscar dans l’armée belge. Ils seront affectés
au corps expéditionnaire des auto-canons
belges qui partira pour le front russe. Le retour,
mouvementé, se fera par le transsibérien et
l’Amérique ; la Russie, en pleine guerre civile
(Révolution d’Octobre, 1917), ayant perdu son
statut de pays allié.
Au lendemain de ces événements paraîtra un
« carnet de campagne » écrit à deux mains et
relatant leurs impressions personnelles, Soldats
belges à l’armée russe : récit de campagne d’une
auto blindée belge en Galicie 1 . Cette région, partagée
aujourd’hui entre la Pologne et l’Ukraine,
fut le théâtre des affrontements entre russes
et autrichiens décrits par les deux frères.
Environ 50 ans plus tard, Marcel Thiry réécrit
une chronique de ces événements. Le recul historique
est là, mais il ne fait pas œuvre d’historien,
seulement de portraitiste, donc de « croqueur
». Et cela n’a rien de triste ! Mais ressemble
à une grande aventure initiatique, jeunesse et
gaieté l’emportant sur le fléau et la tragédie.
Cet ouvrage a pour titre Le tour du monde en
guerre des auto-canons belges 2 . Cette expédition
restera une constante source d’inspiration
pour l’écrivain.
Il épouse en 1920 Marguerite Kemna, fille de
son professeur de sciences à l’athénée. Lise,
future virologue de talent, naîtra en 1921, sa
sœur Perrine en 1924. En 1938, naissance de
Jean-Pierre, fils de son autre grand amour,
May Gérard.
• 1924 : entrée en poésie, avec son recueil le
plus célèbre, Toi qui pâlis au nom de Vancouver.
Il est cependant indissociable des deux autres
publiés à la même époque : Plongeantes proues
(1925, prix Verhaeren 1926), et L’enfant prodigue
(1927). Ils sont liés par la même inspiration : nostalgie
du voyage, odeurs de l’enfance, découverte
des femmes.
Statue de la fatigue (1934) est son premier chef
d’œuvre. L’écriture s’est affermie, l’inspiration
s’élargit et plonge dans le quotidien qu’elle vivifie
et dont elle note les avances dans la modernité.
Deux éditions de luxe ont existé, l’une avec
une lithographie d’Auguste Mambour, l’autre
avec frontispice de George Minne.
Le prix triennal de poésie (Communauté française
de Belgique) récompense l’originalité de
ce recueil en 1935.
• 1936 : le conteur se révèle. Avec Marchands,
Marcel Thiry publie ses premiers récits courts,
intercalés de poèmes. Ils sont inspirés de son
expérience professionnelle. Il a en effet repris
le commerce de bois de son père à la mort de
celui-ci, après avoir plaidé quelques années
comme avocat.
La guerre : Marcel Thiry s’engage dans la Résistance
et écrit des poèmes sous le pseudonyme
d’Alain de Meuse. Paul Éluard, qui l’a repéré,
lui propose en 1944 de les éditer dans une
collection appelée L’honneur des poètes. C’est
ainsi qu’entrent en Belgique les Éditions de
Minuit.
Il a publié entretemps un pamphlet, Hitler n’est
pas jeune, mise en garde contre les manipulations
du nazisme, à combattre à tout prix, car
il n’est que ruse et calcul pour mieux soumettre
autrui, sous prétexte de neutralité ou « paix
blanche ».
Il est élu en 1939 à l’Académie royale de langue
et de littérature françaises de Belgique. Il y sera
reçu en 1946 seulement, en raison de la guerre.
Il en sera le secrétaire perpétuel de 1960 à
1972.
Le temps, cette obsession si créatrice !
• 1945 : le récit Échec au temps est une uchronie,
c’est-à-dire une reconstitution historique d’événements
fictifs. La trame de cette histoire est
la réhabilitation d’un être qui provoque la défaite
anglaise de Waterloo…
• 1955 : trois longs regrets du lis des champs.
Ce recueil a été publié grâce à l’amitié concertée
d’Alexis Curvers et de Marie Delcourt, sur
la presse à bras d’Alexis Curvers, à l’enseigne
de la Flûte enchantée. À citer : Anabase platane,
un des poèmes du recueil. Quelle histoire ! les
platanes du Midi décident de monter vers le
Nord pour nous montrer l’art de vivre « en lenteur
»…
1. Liège, Company, 1919.
2. Bruxelles, De Rache,
1965. André De Rache
est considéré comme
l’éditeur principal de
Marcel Thiry.
• 1960 : Nouvelles du grand possible, l’œuvre
en prose la plus connue de Marcel Thiry. Deux
des meilleurs textes du recueil sont Concerto
pour Anne Queur (paru séparément en 1949 )
et Distance (paru aussi dans la revue « Audace »).
Dans la nouvelle Distance, un père nie pendant
trois jours la mort de sa fille, car il reçoit toujours
son courrier de vacances, posté peu avant
le décès de la jeune femme. Il y a du fantastique
dans tout cela.
• 1966 : Non dum jam non, le meilleur roman
de Marcel Thiry. Son titre correspond à une
expression latine impossible à traduire et qui
signifie « Pas encore, déjà plus », thématique
chère au cœur de Marcel Thiry. L’histoire racontée
est une histoire d’amour. Son héroïne
est Fête, femme aimée et perdue, car morte
trop tôt. Parmi les grands moments du récit,
nous épinglerons un dîner de tempête à Ostende,
en amoureux.
• 1972 : L’ego des neiges, un des derniers recueils
de poésies de Marcel Thiry : à noter
dans ce recueil la partie Altaï, poésie qui exprime
le détachement, parle de mémoire et d’« altisolitude
», celle du grand âge.
Engagement politique
Marcel Thiry invite à voter en 1968 pour le Rassemblement
wallon, nouveau parti politique.
L’écrivain a pour but de défendre la Wallonie
et la langue française. Il prônait déjà le fédéralisme,
« seule solution réaliste devant l’hégémonie
flamande galopante », dans une lettre de 1960
aux jeunes wallons. Il sera élu sénateur de Liège
et restera au Parlement jusqu’en 1974.
Il sera choisi comme représentant parlementaire
à l’ONU et assistera à plusieurs sessions
et débats, dont ceux concernant l’admission
de la Chine. Il présidera en 1974 une session
du Parlement à Strasbourg.
À « quatre fois vingt ans », il est terrassé
par une hémorragie cérébrale et meurt quelques
mois plus tard.
Rappelez-vous : son univers, c’est la vie, la vie
est sa poésie !
Le ciel, tu as le temps, le train part à quatorze,
Impossible à dire avec son gris et son rose,
Saint-Michel par dessus les toits
qui prend la pose
Et le premier néon l’humain listel du ciel.
(Vie poésie, 1961)
Aujourd’hui, une anthologie vient de paraître,
en format de poche, aux Éditions de la Table
ronde, sous le titre Tous les grands ports ont
des jardins Zoologiques.
Le prix Marcel Thiry
Il existe, depuis onze ans, un prix littéraire à
Liège : le connaissez-vous ?
À Liège, il existait (et existe toujours) dans
le domaine littéraire un prix biennal de littérature
wallonne, mais rien d’autre, jusqu’en 2000
où la Ville de Liège crée le prix « Marcel Thiry »,
à l’initiative de l’Échevinat de la Culture. Par
cette démarche, elle a voulu répondre à une
double opportunité ; celle d’honorer au mieux
la mémoire d’un grand écrivain wallon ; celle de
créer à Liège un prix littéraire ouvert à toute la
francophonie, ce qui n’existait pas encore.
Il est né de la conjonction de deux événements
: une importante donation (livres, manuscrits
et documents divers) faite à la Bibliothèque
Ulysse-Capitaine (histoire locale et régionale,
patrimoine) par les enfants de Marcel Thiry et
une somme d’argent léguée aux bibliothèques
de la Ville par un particulier, Maurice Hardy.
Le Conseil communal, sur proposition de
l’Échevin de la Culture, décida qu’un montant
de 2 500 e serait attribué tous les ans à un
lauréat et en alternance, une année poésie, une
année roman et recueil de nouvelles. C’est unique
en Wallonie.
• Le prix récompense un « écrit » récent, et
non l’œuvre d’une vie.
• Un jury de 12 personnes provenant du monde
littéraire et de ses milieux est désigné, approuvé
par le Conseil communal.
• Les grandes lignes du règlement :
- écrire en langue française,
- soumettre au jury une œuvre, éditée au
préalable,
- respecter l’alternance roman et nouvelles,
poésie.
Depuis son lancement, le prix Marcel Thiry a
récompensé plusieurs lauréats.
- 2001 : William Cliff pour L’État belge,
poésie (la Table ronde).
- 2002 : Xavier Hanotte pour Derrière la
colline », roman (Belfond).
- 2003 : Rossano Rosi pour Approximativement,
poésie (Le Fram).
- 2004 : André Adamek pour La grande nuit,
roman (La renaissance du livre).
- 2005 : Karel Logist pour J’arrive à la mer,
poésie (Éd. de la Différence).
- 2006 : Eva Kavian pour Le rôle de Bart,
roman (Castor astral).
- 2007 : Serge Delaive pour Les Jours,
poésie (Éd. de la Différence).
- 2008 : Bernard Quiriny pour Les contes
carnivores [avant le prix Rossel], nouvelles
(Seuil).
- 2009 : Laurent Demoulin pour Trop tard,
poésie (Tétras Lyre).
- 2010 : Corinne Hoex pour Décidément je
t’assassine, roman (Les Impressions
Nouvelles).
- 2011 : Jean-Claude Pirotte, pour Autres
séjours (Le temps qu’il fait). Son premier
recueil avait été publié à Liège en 1963
(Georges Thone) et avait reçu les encouragements
de Marcel Thiry. •
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Monique Smal
Bibliothèque Ulysse-Capitaine
Musées de Liège
L’Émulation et les artistes
Toujours en action malgré les travaux
MADmusée
Une nouvelle relation avec les musées de la Ville de Liège
Depuis sa fondation en 1779, la promotion des artistes et des gens de lettres et de
sciences fait partie des statuts de la Société libre d’Émulation. À partir de 1986,
sa Maison Renaissance, nichée dans la courette Magnette, a vu se déployer aux
cimaises mais aussi au cœur de vitrines le talent protéiforme de peintres, dessinateurs,
sculpteurs, graveurs, photographes, relieurs, créateurs de papiers, éditeurs, designeurs,
tandems d’architectes et d’écrivains, collectionneurs, …
Michel & Julien Barzin, Marie-France Bonmariage, Max Carnevale, Edgard Claes, Kikie Crêvecœur,
Pascal Damuseau - Jean-Luc Deru, Armand Danze, Rose-Marie Dath, Ian Hamilton Finlay,
Nic Joosen, Bernard François - Michel Mousset, Florence Fréson, Philippe Herbet,
Jean-Luc Herman, Anne-Marie Klenes, Costa Lefkochir, Anne Leloup, Anne Liebhaberg,
Benjamin Monti, Maria Pace, Mireille Poulet, Véronique Van Mol - Manu Dundic, Denis Verkeyn,
Francis Vloebergs, Graziella Vruna, Thierry Wesel, Léon Wuidar - Werner Cuvelier, …
Au cours des vingt dernières années, des collaborations se sont mises en place avec
la Ville de Liège : expositions avec le Cabinet des Estampes et des Dessins (« Louis
Jou », « Femmes-graveurs du xx e siècle. Livres et estampes », « Anna Mark ») ou représentation
de la Ville au sein de notre section des Beaux-Arts et du jury des concours artistiques.
En 2009, était mis sur pied le concours art-récup’ destiné aux jeunes plasticiens (de
moins de 30 ans et désormais 40). En 2011, il était consacré au papier. Parmi les dix
finalistes (Cathy Alvarez Valle, Laurent Berbach, Alexia Creusen, Nolwenn de Couesnongle,
Isabelle Francis, Françoise Hardy, Françoise Hottois, Benjamin Monti, Charles-Henry Sommelette
et Graziella Vruna) dont les œuvres étaient exposées à la Maison Renaissance, le jury
a choisi le 9 novembre la lauréate, Alexia Creusen, à qui a été attribué le Prix 2011
de l’Émulation, d’un montant de 2 000 e, en partie sponsorisé par Dexia.
En 2012 seront présentées des pièces tout en finesse de Kathleen Vossen,
des images de l’Amérique profonde telle que la perçoit Michel Beine (dans le cadre
de « BIP 2012 Only you only me »), des vues sélectionnées à l’occasion du concours
de photographie amateur « Connaître et aimer Liège » (organisé par la section Architecture
de l’Émulation). Ensuite, ce sera le tour de Tatiana Klejniak (qui fut aussi invitée,
il y a quelques mois, à l’espace Jeunes Artistes du BAL), puis une participation à la
Biennale du design et, pour clôturer l’année, des naufrages singuliers de Thomas Urban.
Une chose semble maintenant claire : nos artistes et visiteurs devront s’accommoder
de conditions d’accès à la Maison Renaissance quelque peu chambardées, puisque
la courette Magnette et le Cercle royal des Beaux-Arts sont en chantier, pour la
création d’une issue de secours de la salle de spectacles du futur Théâtre de la Place
au 20-Août. Mais le jeu en vaut assurément la chandelle.
•
Société libre d’Émulation asbl
5 et 9, rue Charles Magnette, 4000 Liège. Tél. : +32 (0)4 223 60 19
www.emulation-liege.be
- Anne-Françoise Lemaire, coordination, soc.emulation@swing.be
- Gauthier Simon, communication, emulation.liege@skynet.be
La Maison Renaissance de l’Émulation, partie
subsistante - et classée - de l’ancien couvent
des Sœurs de Hasque (début xvii e siècle),
accueille des expositions d’art contemporain
dans un espace historique.
Lors du vernissage du 14 septembre dernier,
présentation de son exposition « Petite Fleur »
(dixit Sidney Bechet) par Jean-Georges Massart.
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n° 3, décembre 2011
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Le « Musée d’Art différencié », émanant
des ateliers du Créahm, est devenu
MADmusée, un musée à part entière
reconnu par la Fédération Wallonie-
Bruxelles, incontournable dans le
paysage culturel liégeois.
Œuvrant à la diffusion, à la sensibilisation
et à l’étude des productions d’artistes
handicapés mentaux actifs en ateliers,
le MADmusée donne la parole à l’art
outsider et aux formes d’expression
hors normes. Ses collections conservent
des peintures, sculptures, dessins ou
estampes ainsi que des créations textiles,
des installations, écrits, films et archives
en lien avec l’art outsider. De portée
internationale, la collection du MADmusée
compte aujourd’hui quelque 2 000 œuvres.
Salvatore Pirchio, Sans titre, avant 2010
Encre et crayon noir sur papier, 23,2 x 25 cm.
1. Exposition « IN-OUT » : Salle Saint-Georges du Musée de
l’Art Wallon du 12 septembre au 2 novembre 2008.
2. Le siège du MADmusée est situé dans l’ancien Trinkhall,
au cœur du parc d’Avroy. La salle d’exposition permanente,
au sous-sol du bâtiment, a été inondée à de nombreuses
reprises. Pour résoudre ce problème, l’immeuble va être
rénové par le bureau d’architectes Beguin-Massart.
3. Exposition « Se non è vero, è bello. Opere di artisti italiani della
collezione MadMusée » du 27 novembre 2010 au 13 février
2011 au Grand Curtius (salle d’exposition du MADmusée).
4. « Klasse voor leraren » est un périodique mensuel édité
par le Ministère de l’enseignement en Flandre. Les professeurs
affiliés bénéficient de certains avantages, dont des
voyages organisés où ils peuvent emmener leur famille.
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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La collaboration entre les musées de la Ville et le MADmusée n’est pas neuve. Déjà
en 2008, la salle Saint-Georges accueillait l’exposition « IN-OUT » 1 qui proposait,
par un jeu de liaisons et de proximités, de réunir autour de la collection du MADmusée
des œuvres provenant de collections artistiques belges et étrangères, dont celles
des collections communales liégeoises.
Depuis 2007, la collection du MADmusée ne peut plus être exposée au sein
du bâtiment du parc d’Avroy 2 . Provisoirement, le Grand Curtius l’héberge en partie.
Cette solution temporaire, se limitant à la mise à disposition d’un espace, a permis
au MADmusée de continuer à rendre visible sa collection au gré d’expositions
thématiques.
Avec le changement concomitant de la direction du MADmusée et de celle
des musées de la Ville de Liège, a germé une volonté commune de donner un sens
plus riche à cette collaboration, une nouvelle dynamique d’échanges. Cette nouvelle
approche repense la présence du MADmusée au sein des musées de la Ville (Grand
Curtius, BAL, Ansembourg) : ce n’est plus un lieu clos dédié au MADmusée qui sera
proposé aux visiteurs, mais véritablement une rencontre entre les collections.
En effet, à la suite d’une première expérience du MADmusée avec le curateur italien
Gustavo Giacosa 3 , le musée invite des intervenants extérieurs à poser un regard neuf
sur sa collection : ceux-ci sont libres de l’interpréter avec leurs propres références
afin de proposer une sélection d’œuvres sous un nouveau point de vue. Le directeur
des musées de la Ville de Liège s’est prêté au jeu : cf. p. 28, exposition « Indifférence
».
Cette dimension de partenariat réel entre les deux musées va d’ailleurs plus
loin. Depuis cette rentrée scolaire, les services éducatifs des deux institutions travaillent
ensemble à la construction de leurs activités pédagogiques. Ils proposent dorénavant
aux visiteurs une structure commune de médiation dans les musées de la Ville de
Liège et au MADmusée : deux équipes mais une seule vision pédagogique clarifiant
le discours vers le public (écoles ou groupes de visiteurs) ; des animations « à la
carte » adaptables dans l’ensemble des musées concernés.
Et, comme pour « signer » cette collaboration étroite, les musées de la Ville
de Liège et le MADmusée ont reçu en décembre plus de 600 enseignants néerlandophones
à l’occasion d’un week-end « Stadt met Klasse ». Cette initiative, impliquant
également le magazine « Klasse voor leraren » 4 et l’Office du tourisme de Liège, a
pour objectif de montrer aux enseignants du nord du pays le potentiel pédagogique
de la ville et de ses musées.
Tisser des liens, se nourrir des expériences, communiquer ensemble mais surtout
dialoguer sont les clés d’une ouverture de nos musées vers le monde. Non plus repliés
sur eux-mêmes, les musées ont pour mission de regarder au-delà de leurs murs.
Ouverts sur la ville, ouverts sur le monde, ils unissent aujourd’hui leurs efforts vers
des actions concrètes, élargissant l’offre proposée au public. Plus d’ouverture pour
plus de « services », c’est dans cette même direction que regardent les musées de
la Ville de Liège et le MADmusée.
•
Au temps du Roi-Soleil
Retour momentané de La Conversion de saint Paul
Pendant six mois, la toile est exposée dans le fond de la cathédrale, sous la tour, là
où les amateurs d’art peuvent venir admirer ce tableau qui se caractérise par un
beau baroque « liégeois », non dénué d’une certaine retenue malgré la profusion de
couleurs et le caractère résolument dramatique de la scène. Mais au-delà de la
peinture proprement dite, ce qui frappe également le visiteur lorsqu’il regarde vers
l’abside, c’est cette extraordinaire reproduction – sur une toile de plus de 15 m de
hauteur – du maître-autel baroque tel qu’il avait été érigé au xvii e siècle pour recevoir
l’œuvre. En effet, grâce à un cliché de l’autel, aujourd’hui installé dans l’église Notre-
Dame de l’Assomption à Seraing, près du pont, il a été possible de recréer virtuellement
ce à quoi pouvait ressembler le chœur de l’actuelle cathédrale jusqu’à l’aménagement
de ce dernier en style néogothique à partir de 1864.
À l’occasion du retour de cette pièce majeure, le Trésor de la cathédrale de Liège
organise un ensemble d’activités centrées sur le xvii e siècle et sur le règne du Roi-
Soleil. Grâce au concours de partenaires publics et privés – dont le château de
Versailles et la Ville de Liège entre autres –, ce sont des pièces d’exception qui sont
exposées dans la cathédrale, dans le cloître et dans le Trésor. La scénographie a été
entièrement repensée pour l’événement, sans exclure les pièces majeures des autres
siècles qui restent visibles tout au long du parcours (reliquaire de Charles le Téméraire,
suaires de saint Lambert, buste-reliquaire de saint Lambert, etc.). Les thèmes abordés
sont, entre autres, l’orfèvrerie, la musique baroque, la guerre, la gravure, l’art de la table,
l’industrie du marbre, la peinture, les textiles précieux, mais aussi la vie quotidienne
dans la cité de Liège grâce à des images virtuelles en 3D réalisées par l’asbl HistArt
qui, quant à elles, sont présentées dans l’aile est du cloître.
D’emblée, le visiteur est accueilli par un beau portrait de Louis XIV, œuvre du
peintre angevin Jean Ernou réalisée pour la Chambre du palais des commerçants
d’Angers en 1679. Le Roi, assis, porte un large manteau doublé d’hermine et semé
de lis de France. De la main droite, il tient le sceptre royal et la couronne du royaume
est posée à côté de lui. Cette peinture a été aimablement prêtée par le Tribunal de
commerce d’Angers, à l’intervention de M. Guy Massin-Le Goff, Conservateur des
Antiquités et Objets d’Art de Maine-et-Loire, par ailleurs Président de l’association
internationale sans but lucratif « Europae Thesauri » dont le siège social est situé au
Trésor de la Cathédrale de Liège.
Le thème de la guerre est illustré grâce à deux belles épées de cour, issues d’une
collection privée, dont l’une, datée des environs de 1690, est en argent massif partiellement
doré. À cela s’ajoutent un beau pistolet à silex sur une monture en noyer rehaussée
de fines ciselures sur fer et deux arbalètes prêtées par la Compagnie royale des
anciens Arbalétriers visétois. La première arbalète date du xvii e siècle et se caractérise
par un demi-canon en bois qui recouvre la rainure où glisse la flèche. La seconde,
beaucoup plus luxueuse, est faite d’un bois fruitier richement décoré d’incrustations
en os représentant des motifs floraux ou animaux, tel ce petit écureuil et des noisettes.
Un ensemble de gravures, toutes issues du fonds de l’ancienne abbaye du
Val-Dieu, aujourd’hui conservé au Trésor de la cathédrale, permet à la fois d’aller à
Julien Maquet
Conservateur délégué,
Trésor de la Cathédrale de Liège
Depuis le 14 juillet, et jusqu’au 25
janvier 2012, La conversion de saint
Paul, œuvre insigne du peintre liégeois
Bertholet Flémal († 1675), a repris sa
place dans la cathédrale Saint-Paul de
Liège où elle se trouvait jusqu’à la fin de
l’Ancien Régime. La grande toile, haute
de 4,63 m, avait été emmenée à Paris
par les révolutionnaires français, avant
d’être déplacée en 1812 au Musée des
Augustins de Toulouse, où elle est
aujourd’hui conservée.
Exposition accessible tous les jours
sauf lundis, de 13 à 17 h.
Visite guidée conférence tous les jours à 15 h.
Informations : +32 (0)4 232 61 32,
www.expo-roi-soleil.tresordeliege.be
la rencontre des grands personnages de l’histoire de France, comme Richelieu,
Mazarin ou Jansénius, mais aussi de souligner le faste de l’aménagement du château
de Versailles. Un petit film permet également de (re)découvrir ce prodigieux édifice
tout entier consacré à la célébration du Roi-Soleil et de son gouvernement.
À l’étage, sous un médaillon en plomb représentant Louis XIV en uniforme de général
romain, ce sont quelques éléments de la vie quotidienne au sens large qui ponctuent
la visite. Ainsi, un élégant manteau de cheminée décore la pièce. Il provient du
château de Cheratte dont le commanditaire est le premier seigneur de la localité en
1643 : Gilles de Saroléa. Ses armoiries somment le meuble qui se caractérise par un
baroque retenu tant dans le décor des boiseries que dans l’élégant paysage peint
au-dessus du foyer.
Quelques objets usuels du xvii e siècle d’excellente facture, pour la plupart
issus de collections privées, peuvent être admirés : de beaux verres à la façon de
Venise, un petit porte-braises en argent servant de chauffe-plat, un bol à bouillon en
argent, un broc en serpentine, deux chandeliers et un chrismatoire en argent. Une
section est également réservée à la présentation des plus beaux échantillons de marbres
noirs et colorés de Wallonie, lesquels ont servi, entre autres, à décorer les plus beaux
salons du château de Versailles et bien d’autres demeures prestigieuses en France
et ailleurs.
Au deuxième étage sont présentés différentes œuvres de Bertholet Flémal
– dont L’adoration des Mages où il se serait représenté lui-même –, ainsi que, fait
rare dans l’histoire de la peinture, trois dessins préparatoires de la Conversion de
saint Paul, prêtés par le Cabinet des Estampes de la Ville de Liège, et une esquisse
peinte de cette même peinture, aujourd’hui au BAL. Quatre peintures de François
Francken, dit le Rubénien, ponctuent également le parcours dans cette salle, et
montrent le contraste entre peinture liégeoise et anversoise.
Enfin, dans le fond de l’aile ouest du cloître, ainsi qu’à d’autres endroits de la
visite, sont exposés quelques-uns des plus beaux exemples de tissus liturgiques datant
du xvii e siècle qui sont conservés dans les riches collections de textiles du Trésor.
Outre cette exposition, un ensemble d’activités ont également été mises sur pied
pour compléter cet aperçu consacré au xii e siècle. Un cycle de treize conférences,
prononcées en soirée par les meilleurs spécialistes des sujets traités (Bruno Demoulin,
Pierre-Yves Kairis, Jean-Patrick Duchesne, Freddy Joris, Pierre Colman, Francis
Tourneur, Robert Halleux, Luc Engen, Jean-Louis Dumortier, Pierre Somville, etc.),
permettra de jeter un regard neuf sur ce siècle-charnière à plus d’un titre.
La musique est également mise à l’honneur avec les concerts donnés quotidiennement
dans le cloître par Serge Schoonbroodt, organiste de réputation internationale,
qui joue les œuvres de grands maîtres du Grand Siècle sur un merveilleux
petit orgue portatif de la Maison Schumacher. L’ensemble « Les demoiselles de
Port-Royal » a donné un concert baroque essentiellement centré sur cet autre grand
personnage du règne de Louis XIV, Henri Du Mont, compositeur liégeois, mais qui
fut maître de chapelle du Roi.
Enfin, durant la période scolaire, différentes activités pédagogiques destinées
aux classes de l’enseignement primaire et secondaire permettent de partir à la
découverte du Grand Siècle de manière ludique et instructive.
Bref, cette exposition est une belle occasion pour chacun, grand ou petit, de se
plonger dans une époque fascinante dont l’importance, tant sur les plans intellectuel,
technique et artistique, mérite d’être soulignée, à la charnière entre la Renaissance
et le Siècle des Lumières, sans pour autant occulter les malheurs des populations
avec toute la rigueur de l’histoire.
•
Liège•museum
n° 3, décembre 2011
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Liège•museum
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Philippe Joris
Conservateur du départements des armes,
Grand Curtius
Le curieux pistolet Dardick
Acquisition du département des armes du Grand Curtius
Cette année, les collections se sont enrichies d’un oiseau rare : un pistolet système
Dardick, modèle 1500, de calibre .38. Il est accompagné d’une monture permettant
sa transformation en carabine, de son coffret d’origine en carton bleu ciel et de 100
cartouches, conditionnées en boîtes de 20. L’arme porte la marque de la Dardick
Corporation de Camden, Connecticut (ÉUA) et le numéro de série 1019. La finition
est noire ; les plaquettes de crosse en plastique de teinte violacée portent le monogramme
DC. En théorie, le pistolet était fourni avec deux canons, l’un de calibre .38,
l’autre de calibre .22. Ce dernier fait ici défaut ; l’exemple n’est pas unique.
Cette pièce peu commune, à l’esthétique toute relative, n’est vraiment ni un
revolver, ni un pistolet semi-automatique, même s’il possède comme l’un un dispositif
d’alimentation rotatif et comme l’autre un magasin (fixe) de 15 cartouches dans
la crosse.
L’originalité du Dardick tient à son adoption du principe de la chambre ouverte.
La partie rotative interne comporte 3 cavités longitudinales de section triangulaire, à
côtés arrondis et ouvertes vers l’extérieur. En pressant la détente, ce cylindre mobile
assure le transport de la cartouche, sa présentation devant le canon et le percuteur
pour le tir puis l’éjection de l’étui vide. Cette configuration particulière permet d’introduire
les munitions par le côté et même, prétendait Dardick, de recharger l’arme
pendant le tir.
Autre particularité, liée à la première : David Dardick dut mettre au point une
munition spéciale susceptible d’épouser la forme particulière des chambres et de
participer sans déformation à l’étanchéité de l’arme lors du tir. Cette cartouche
unique, de section triangulaire à flancs convexes elle aussi, fut
baptisée « tround » (contraction de « triangular round ») par son inventeur.
L’étui pouvait être fabriqué en métal ou, le plus souvent, en un polymère
à haute résistance, le « Celanese Fortiflex ». Cette douille rechargeable
pouvait simplement être le réceptacle d’une cartouche ordinaire ou, comme
une munition classique, renfermer projectile, charge de poudre et un culot
métallique contenant l’amorce.
David Dardick aurait conçu l’idée de cette arme en 1949 ; le premier brevet date
apparemment de 1955, amendé fin 1958. Trop originale sans doute, l’arme ne rencontra
pas le succès escompté, d’autant que la munition était coûteuse et difficilement
disponible. Les rares sources ne s’accordent pas sur le nombre de pistolets fabriqués,
entre 40 et 55. La production cessa définitivement en 1962, les stocks de
Dardick ayant été entretemps acquis par la firme Numrich Arms. Numrich Gun Parts
Corporation commercialise encore aujourd’hui des pièces de pistolet Dardick.
Il s’agit donc là d’une acquisition de premier plan pour une collection essentiellement
tournée, depuis ses origines, vers la technique armurière.
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Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 18 h.
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Fermé pour rénovation.
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Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.
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Musée d’art moderne et d’art contemporain
Cabinet des estampes et des dessins
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