22.04.2020 Views

Liège Museum n°3

Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège, Une sainte Cécile tombée des nues, Frénésie vénitienne – Le verre espagnol du 16e au 18e siècle...

Bulletin des musées de la Ville de Liège.
A lire notamment : Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège, Une sainte Cécile tombée des nues, Frénésie vénitienne – Le verre espagnol du 16e au 18e siècle...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Liège•museum

bulletin des musées de la Ville de Liège n° 3 décembre 2011

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

49


Sommaire

Liège•museum

Bulletin des musées de la Ville de Liège.

museum@liege.be

Imprimé à 3 000 exemplaires sur papier recyclé, sans chlore,

par l’Imprimerie de la Ville de Liège.

Photos : sauf mention contraire, Ville de Liège

(Marc Verpoorten, Yvette Lhoest).

Liège, décembre 2011, n° 3.

BAL

expositions

par ailleurs

4 Le BAL

Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège

7 Pour un Musée des Beaux-Arts à Liège

10 Une sainte Cécile tombée des nues

Nouveau regard sur l’œuvre d’un inconnu

18 « Pour ouvrir le BAL »

Prélude au futur musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège

22 Jeunes artistes

Expositions et Prix de la Création 2011

24 Agenda des expositions temporaires

26 « Ernest de Bavière, un prince-évêque de Liège dans l’Europe moderne »

27 « Frénésie vénitienne – Le verre espagnol du 16 e au 18 e siècle »

28 Expositions temporaires

30 Toussaint Renson

Dessinateur, affichiste, mais aussi peintre du Travail

32 Le Musée de la Vie wallonne

D’un musée du folklore à un musée de société

36 La Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège

39 80 e anniversaire de la mort du violoniste Eugène Ysaÿe

40 Marcel Thiry

L’œuvre et l’homme, le prix littéraire

42 L’Émulation et les artistes

Toujours en action malgré les travaux

43 MADmusée

Une nouvelle relation avec les musées de la Ville de Liège

44 « Au temps du Roi-Soleil »

Retour momentané de La Conversion de saint Paul

46 Le curieux pistolet Dardick

Acquisition du département des armes du Grand Curtius

Liège•museum en est, avec ce numéro, à sa

troisième livraison, auxquelles se sont ajoutées

deux éditions spéciales à l’occasion d’expositions

temporaires. En un an, 208 pages pour

raconter la vie des musées de la Ville de Liège,

une cinquantaine de rédacteur[trice]s de tous

horizons et nombre d’articles qui attendent

2012 pour être publiés, tant il y a à dire…

Dès le mois de mars, Liège•museum sera épaulé

par une autre publication régulière : des études,

à vocation plus nettement scientifique, dont

chaque parution sera consacrée à une œuvre

ou un groupe d’œuvres.

Les musées de la Ville disposeront alors d’une

structure de publication plus complète, qui contribuera

à leur rayonnement.

Jean-Marc Gay

Directeur des musées de la Ville de Liège

2012 sera l’année de la refondation du parcours du Grand Curtius, de la mise en

œuvre complète du BAL (musée des Beaux-Arts de Liège), du début du chantier du

futur CIAC sur le site de la Boverie, de l’aboutissement de la rénovation du musée

Grétry… et le musée de l’éclairage ouvrira ses portes.

La mutation des musées de la Ville continue donc sa marche, et l’année qui vient

demandera énergie et constance à tous ceux qui y seront impliqués, d’autant que

l’activité naturelle des musées ne cessera pas pour autant : de grandes expositions

sont notamment prévues, Comès au printemps, Judaïca en juin, Luis Salazar et

Sonia Delaunay à l’automne…

Les musées se veulent acteurs des changements qui renouvellent la vie de Liège

et la vie à Liège. Je suis certain que nos visiteurs partageront l’enthousiasme qui

nous anime.

Bonne année 2012 à tou[te]s.

L'Échevin de la Culture et des Relations interculturelles

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

2

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

3


Régine Rémon

Première conservatrice du BAL

(musée des Beaux-Arts de Liège)

Le BAL

Vers un nouveau musée des Beaux-Arts à Liège

Sur le site de la Boverie, le MAMAC

va fermer ses portes en 2012 pour que

s’ouvre le chantier du Centre international

d’art et de culture (CIAC).

Les collections qui y sont conservées

devront donc quitter les lieux. Cette

vaste opération de déménagement

concerne des ensembles distincts qui

ont investi le Palais des Beaux-Arts de

l’Exposition internationale de Liège

(1905) à des époques et dans des

contextes différents.

En 1952, est créé à la Boverie le Musée de l’Art wallon à partir de la collection des

beaux-arts scindée l’année précédente en trois parties : art wallon, art ancien et art

moderne. En 1981, disparaît le musée des Beaux-Arts qui se trouvait rue de l’Académie

et est inauguré en centre ville un nouveau bâtiment pour recevoir le Musée de

l’Art wallon. Parallèlement, la Boverie abritera les collections d’un Musée de l’Art

moderne (devenu Musée d’Art moderne et d’Art contemporain en 1995). Déménagé

à la même époque, le fonds d’art ancien subit un sort moins enviable : il est

partiellement conservé dans les sous-sols, dans des conditions inappropriées, et

est presque inaccessible au public. Le Cabinet des Estampes et des Dessins, créé

en même temps que le Musée de l’Art wallon, est installé dans une aile du bâtiment

de la Boverie depuis 1952 : après 60 ans, il va connaître son premier déménagement.

Pour permettre le chantier d’extension de la Boverie dès 2012, ces trois

fonds – MAMAC, fonds ancien et CED – rejoindront progressivement celui du Musée

de l’Art wallon, Féronstrée. Le projet maintes fois caressé de reconstituer l’ancien

Musée des Beaux-Arts scindé en 1951 devient ainsi une réalité. Le résultat sera,

nous l’espérons, à la hauteur de nos attentes puisque ce rassemblement engendrera

une collection de près de 45 000 œuvres, du xvi e au xxi e siècle, alliant peintures,

sculptures, dessins, gravures, affiches, bandes dessinées…, soit la plus importante

collection des beaux-arts conservée en Wallonie.

Pour ouvrir le BAL…

Inaugurée discrètement le 28 juillet dernier, et sans prétention scientifique, l’exposition

préfigurative « Pour ouvrir le BAL » propose une sélection de 120 œuvres issues des

quatre collections. L’objectif est pluriel : mettre en évidence les « trésors » classés

par la Commission Consultative du Patrimoine Mobilier (CCPM), sortir des oubliettes

quelques chefs d’œuvre anciens restaurés pour la circonstance, soulever le voile sur

les diverses missions d’un musée (conservation, restauration, étude, enrichissement

des collections, inventaires…).

Mais aussi – et cet aspect s’est révélé être le plus interpellant –, l’exposition

est l’occasion de confronter des œuvres d’époques et de styles différents tout en

traitant une même thématique. Citons quelques exemples éloquents : les Natures

Mortes de Pieter Claesz III ou de Maurice Pirenne, les Fleurs de Guilliam Gabron

ou de Léon De Smet, les Carceri de Piranèse et les sculptures métalliques de Lardera,

Le Vieux jardinier d’Émile Claus et la Buse de Hilbert, les Poulets morts de Dudant,

Brandel, Dupuis ou Verdier, flirtant avec le Homard d’Alain Denis. Ces toiles, réalisées

à deux voire trois siècles d’écart, dialoguent et suscitent un regard neuf. L’exercice

est ludique et se décline à l’infini tant les collections sont riches et complémentaires.

Enfin, cette pré-inauguration affiche la volonté d’ouvrir le musée sur l’extérieur.

Les grandes baies vitrées de l’esplanade Saint-Georges s’animent d’une galerie de

bustes, provenant des réserves du MAW et du MAMAC. L’aménagement sera poursuivi

: l’objectif est de rendre le musée visible depuis l’espace piéton en contre-bas.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

4

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

5


Déménagement des collections

Premier acte : en juin 2011, à l’issue de l’exposition « Wintertuin » à Maestricht, les

œuvres du MAMAC classées « trésors » par la CCPM prennent place définitivement

au BAL. Douze tableaux sont concernés : les neuf acquisitions par la Ville lors de la

vente de Lucerne (1939), Portrait de Napoléon Bonaparte de Dominique Ingres, La

promenade à Saint-Cloud d’Henri Evenepoel et La forêt de René Magritte. Notons

que le fonds Fernand Graindorge a intégré le BAL depuis 2009, à la suite de

l’exposition « Un collectionneur, un mécène ».

Les œuvres appartenant à la Fédération Wallonie-Bruxelles, en dépôt tant au

MAMAC qu’au CED, seront transférées début 2012. Simultanément, nous attendons

les « trésors » du CED : le fonds Lombard, le fonds Closson et le dessin de Van Gogh.

Certains moulages stockés dans les sous-sols du musée à la Boverie seront accueillis

par l’Académie (ÉSAL) où ils retrouveront leur rôle d’origine : servir de modèle

aux étudiants. Enfin, les archives du Palais des Beaux-Arts rejoindront en toute logique

les archives de la Ville, tandis que les bibliothèques seront regroupées au Centre

de Recherche et de Documentation. La fin du déménagement des collections est

planifié dans le courant du premier semestre 2012.

Divers types de réserves

Depuis plusieurs mois, nous opérons une vaste opération de prospection et de

sélection au sein des collections du MAMAC, du fonds ancien et du MAW, dans un

souci de rationalisation des espaces.

Les œuvres considérées comme de second choix – sur base de différents

critères (qualité, intérêt, conservation, rareté) – constitueront une réserve de proximité.

À ce jour, plus de mille peintures ont déjà intégré cet espace situé dans les

anciens locaux du MARAM, rue Mère-Dieu : elles sont rangées, inventoriées et

accessibles aux chercheurs accompagnés d’un membre du personnel du musée.

L’aménagement logistique de cette réserve est opérationnel depuis novembre 2011.

Par ailleurs, une réflexion est en cours quant à l’organisation des nombreuses réserves

réparties sur les quatre niveaux du musée et quant à la pertinence de « réserves

visitables », intégrées au sein des espaces d’exposition.

Un BAL en 2012

Le 14 novembre, s’est tenue au BAL une table-ronde, organisée en collaboration

avec la section d’histoire de l’art de l’ULg, afin de susciter avis et suggestions du

public et des professionnels à partir de l’exposition « Pour ouvrir le BAL ». Celle-ci

occupe actuellement deux niveaux et permet la rénovation du revêtement de sol des

autres niveaux. Dans les mois à venir, le public pourra découvrir ou redécouvrir le

BAL dans toute son ampleur.


Liège•museum

n° 3, décembre 2011

6

Jean-Patrick Duchesne

André Gob

Professeurs ordinaires à l’Université de Liège

Publié en 2003 dans le n° 22 de la revue

« Art&fact », l’article reproduit ci-contre

entendait poser les balises d’un pôle Beaux-

Arts, qui ferait pendant à la concentration

des collections d’arts décoratifs et d’archéologie

au Grand Curtius. La création du BAL

répond à l’essentiel des propositions incluses

dans ce texte, même si les suggestions

relatives à son implantation, dans la perspective

de la réaffectation du complexe du Val-

Benoît, ne sont plus d’actualité. Le jugement

sévère porté sur l‘implantation finalement

choisie ne tient pas compte des projets

d’extensions et de réaménagements définis

depuis lors. Ce texte constituait l’aboutissement

et la synthèse d’une longue réflexion,

entamée en 1989 par l’association des Amis

des Musées liégeois et prolongée par les

travaux d’un groupe de travail constitué en

1993 par l’Échevinat de la Culture et des

Musées de la Ville de Liège, mais dont les

conclusions unanimes ont été durablement

« torpillées » par un lobby favorable au statu

quo « régionaliste ».

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

7

Pour un Musée des Beaux-Arts à Liège

En ce début de xxi e siècle, le paysage muséal musée des sciences et techniques de la

liégeois est en pleine transformation et l’on ne région liégeoise. Cet ensemble est actuellement,

et de très loin, le plus fréquenté des

peut que s’en réjouir. À partir d’une galaxie

complexe et dispersée de petits musées vieillots, musées de Liège ;

quoique riches de collections exceptionnelles, 4- un Musée des Beaux-Arts regroupant les

de grands ensembles, plus cohérents et mieux actuels Musée d’Art wallon, MAMAC, Cabinet

des estampes, ainsi que les collections

identifiables par le public, sont en gestation.

Le Grand Curtius est en bonne voie, le nouveau

Musée de la Vie wallonne vient de réunir artistiques de l’Université.

d’art ancien et, pourquoi pas, les Collections

son financement. On vient de loin !

Autour de ces quatre pôles, on trouvera

Faut-il rappeler les heures sombres du début des institutions plus petites et plus spécialisées,

consacrées à un site ou à une théma-

de la décennie ’90, les musées fermés, les projets

de dilapider le patrimoine artistique pour tique particulière :

renflouer les caisses de la Ville ? Dès cette - Trésor de la Cathédrale,

époque apparaissent des propositions de restructuration

des musées fondées sur le regrou-

- Musée Grétry,

- Musée en Plein Air du Sart-Tilman,

pement d’institutions dont chacun s’accordait - Musée Tchantchès,

à dire qu’elles étaient exagérément dispersées. - Blégny-Mine,

Influence heureuse de ces groupes de réflexion, - Préhistosite de Ramioul,

convergences des idées ? Peu importe après - Archéoforum de la place Saint-Lambert,

tout. L’important est de constater que l’idée - Musée des Transports en commun,

d’une restructuration en quelques pôles majeurs - Observatoire du Monde des Plantes,

a fait son chemin. 1

- et, pourquoi pas, un Musée Simenon, qui

enrichirait opportunément le quartier d’Outremeuse…

Dans cette optique, il est indispensable de recréer

un véritable Musée des Beaux-Arts à Liège.

L’offre muséale se structurerait alors autour Dans les projets en cours, rien ne concerne

de quatre pôles principaux :

directement les collections relevant des

1- le futur « Grand Curtius » qui devrait être un Beaux-Arts, dont la dispersion actuelle et les

musée généraliste consacré à l’archéologie lacunes sont patentes. Celle-ci a débuté avec

et aux arts décoratifs, avec une muséographie

conjuguant un axe principal chronolo-

rue de l’Académie en 1981. Jugez plutôt : un

la disparition du Musée des Beaux-Arts de la

gique et des unités périphériques thématiques

;

rassemble des œuvres d’artistes « wallons »

Musée d’Art wallon, à l’Îlot Saint-Georges,

2- le Musée de la Vie wallonne rénové, musée du xvi e siècle aux années ’60. Un Musée d’art

de société à l’échelle de la Wallonie tout moderne et contemporain, à la Boverie, présente

un panorama de la peinture et de la

entière ;

3- l’ensemble du quai Van Beneden, vaste sculpture depuis 1850 (d’où l’aberration que

muséum composé de l’aquarium Dubuisson, constitue l’exil du Bonaparte premier consul

du Musée des sciences naturelles et de la d’Ingres au Musée d’Armes, qui prive nos

Maison de la Science, dont l’intégration musées de peinture d’une œuvre-phare pour

devrait se poursuivre et s’élargir à la Maison le moins attractive) mais à l’exclusion presque

de la Métallurgie et de l’Industrie, véritable totale des artistes wallons. Le Cabinet des


estampes et des dessins se consacre à l’art

graphique, toutes époques et toutes « régions »

confondues. C’est aussi principalement d’art

graphique que s’enorgueillissent les Collections

artistiques de l’Université. D’art ancien « non

wallon », il n’en est pas question, du moins en

présentation publique, puisque les collections,

importantes, sont conservées, vaille que vaille,

dans les caves du MAMAC. Les œuvres d’artistes

flamands, tels Bouts, Savery, Brueghel de Velours,

Valerius de Saedeleer, Jan Stobbaerts

et Rik Wouters, lorsqu’elles appartiennent à

des donations et legs expressément effectués

au profit du Musée de l’Art wallon, sont forcément

reléguées dans les réserves. Le partage des

tableaux et des sculptures entre le Musée de

l’Art wallon et le Musée d’Art moderne et d’Art

contemporain implique de facto que soient

exclues des cimaises non seulement les œuvres

non wallonnes antérieures à 1850 mais aussi

les œuvres flamandes et étrangères de toute

époque, lorsqu’elles appartiennent à des donations

expressément effectuées au profit du

Musée de l’Art wallon.

Il est clair, par ailleurs, pour qui veut raison

garder, que, théoriquement et pratiquement,

l’intitulé « Musée de l’Art wallon » n’est pas

sans défaut, voire sans justification intrinsèque

plausible :

- parmi les productions non wallonnes figurent

aux cimaises des œuvres d’artistes bruxellois,

en contradiction avec la dénomination

du Musée ;

- le fonds ancien de l’actuel Musée de l’Art

wallon n’est pour l’essentiel composé que

d’œuvres liégeoises ; à peine moins majoritaires

dans la présentation qui est faite de la

production des xix e et xx e siècles ;

- les collections wallonnes se trouvent en fait

musée des beaux-arts de Liège

dispersées dans tous les musées liégeois,

à moins d’exclure de l’art wallon ce qui relève

de l’art religieux et des arts appliqués ;

- faute de percevoir clairement l’intérêt et la

cohérence des notions d’art wallon ou de

sensibilité wallonne, le visiteur étranger, s’il

doit choisir, laissera de côté un musée ;

- regroupés au Musée de l’Art wallon, les

artistes contemporains de nos régions sont

pratiquement absents du Musée d’Art moderne,

en dépit de leur crainte légitime,

maintes fois et publiquement exprimées de

se retrouver isolés dans un musée à vocation

régionale. Nous estimons que les productions

des peintres et des sculpteurs wallons

ne peuvent bénéficier d’une reconnaissance

« extra provinciale », à l’échelle belge et

internationale, que dans la mesure où on

apporte la preuve concrète qu’elles supportent

la comparaison avec les créations extérieures.

Cette dernière observation nous incite à

dénoncer l’argument d’autorité auxquels s’accrochent

certains défenseurs du pré carré que

constitue l’actuel Musée de l’Art wallon, en

invoquant, de manière partielle et partiale, les

premiers défenseurs de l’art wallon. Faut-il

rappeler, à propos d’Olympe Gilbart, premier

titulaire du cours d’Histoire de l’art wallon à

l’Université de Liège, que cet ancien échevin

de l’Instruction publique prit une part directe

aux achats d’œuvres d’artistes européens réalisés

dans le cadre, puis dans la foulée de la

vente de Lucerne. Or, voici comment son ami,

complice et déjà successeur, Auguste Buisseret

définit l’enjeu d’une opération, conséquente

dans tous les sens du terme. Désireux d’accroître

les collections communales, « il [en tant

qu’échevin des Beaux-Arts] entend orienter

son action dans une double direction : mettre

Le BAL, c’est toujours quatre collections inventoriées

(art ancien, art wallon, art moderne et art contemporain, estampes et dessins),

mais présentées et mises en relation en un seul lieu.

en valeur l’effort des Liégeois à travers les

siècles “et approfondir” l’art moderne depuis

les impressionnistes jusqu’aux maîtres les plus

récents, ceux surtout de l’école de Paris ».

Ces deux orientations s’articulent en fait dans

une direction unique : « En faisant de Liège un

centre d’art ouvert à tous les courants de

l’esthétique moderne, nous contribuerons indirectement,

mais avec une efficacité décuplée,

à augmenter le rendement et à accroître l’éclat

de l’école liégeoise vivante. Nous attirerons

dans nos murs, dans nos monuments et nos

musées, dans les ateliers de nos créateurs,

dans nos concerts et nos théâtres […] les

touristes, les curieux, les amateurs d’art ». 2

Quant à Jules Destrée, par ailleurs si circonspect

quant à la définition d’un art wallon, loin

de prôner l’enfermement de ses pièces maîtresses

dans une tour d’ivoire, c’est bien la

participation de l’art wallon à la culture

universelle qu’il entendait illustrer. 3

Que serait ce musée des Beaux-Arts ?

Nous ne pouvons, en quelques lignes, que

donner une faible idée de la richesse d’un patrimoine

aujourd’hui dispersé, voire partiellement

occulté. Si les artistes wallons et singulièrement

liégeois se taillent la part de lion, les autres

ténors « belges » sont loin d’être sous-représentés,

de Bruegel à Rik Wouters. La création

internationale est elle aussi largement représentée,

non par des œuvres mineures mais

par des chefs-d’œuvre, depuis les gravures

de Mantegna, de Dürer et de Rembrandt,

jusqu’au mur conçu par Sol Lewitt pour l’actuel

Musée d’Art moderne et d’Art contemporain,

en passant par le Bonaparte Premier Consul

d’Ingres, Le bassin du commerce de Claude

Monet, les fleurons soustraits aux nazis à l’occasion

de la vente de Lucerne – Le sorcier

d’Hiva-Oa de Gauguin, La famille Soler de

Picasso, La maison bleue de Chagall… – et

les compositions de Toulouse-Lautrec, Dufy,

Matisse, Arp, Magnelli, Poliakoff, Picasso,

Vasarely offertes par Fernand Graindorge ou

acquises à son initiative.

Certes, tout changement dans l’intitulé d’une

institution risque de semer le trouble. Mais en

l’occurrence, la nouveauté ne procède pas d’une

volonté de modification cultivée pour elle-même.

Elle découle à la fois de la transformation inévitable

et salutaire de l’ensemble du paysage

muséal de la Cité ardente et de la nécessité

d’accorder l’appellation du Musée à son contenu,

en usant d’une appellation universellement

reconnue.

Compte tenu du devoir qui est le nôtre d’assumer

la défense et l’illustration du patrimoine

artistique liégeois et wallon, devraient également

être mises en œuvre diverses dispositions, touchant

à l’accrochage, à l’étiquetage, à la rédaction

de textes explicatifs et de catalogues thématiques,

à l’organisation de conférences-visites

guidées et d’activités pédagogiques, à la réalisation

d’expositions temporaires, par ailleurs

susceptibles de circuler à l’étranger, etc.

Les musées sont faits pour être visités. La

multiplication actuelle des musées serait encore

acceptable si elle servait l’objectif de ceux-ci

en accueillant un public nombreux qu’elle contribuerait,

en quelque sorte, à répartir dans des

locaux différents. Il n’en est rien. Les musées

d’art à Liège sont quasi déserts. Leur fréquentation

additionnée n’atteint pas la moitié du

nombre de visiteurs du seul aquarium et elle

est dérisoire par rapport à la richesse des

collections et au potentiel que ces musées

recèlent. L’incohérence du paysage muséal

conduit à l’incompréhension du public.

Les bâtiments actuels des musées sont particulièrement

inadaptés à leurs missions. Le palais

des arts à la Boverie, qui abrite le MAMAC,

est notoirement trop petit et n’offre pas de

conditions satisfaisantes de conservation, de

présentation et de visite. Ne parlons pas de

l’espace qui y est réservé au Cabinet des

Estampes, totalement inadmissible.

L’immeuble construit en 1977 par l’architecte

Henri Bonhomme pour abriter, outre des

services administratifs, le Musée de l’Art wallon

et la salle d’exposition Saint-Georges est l’exemple

même de ce qu’on a fait de plus raté en matière

d’architecture de musée dans les années

’70. C’est un bunker gris et rébarbatif, complètement

fermé, perché sur une dalle sinistre et

qui n’invite pas à la visite. 4

Un nouveau bâtiment ?

Le nouveau musée devrait disposer d’un bâtiment

suffisamment vaste pour accueillir dans

de bonnes conditions l’ensemble des collections

des institutions regroupées et leur procurer

des espaces d’exposition, des réserves,

des installations techniques et des infrastructures

d’accueil du public suffisants en quantité

et en qualité. Il doit être bien situé et offrir des

commodités d’accès (routiers et transports

en commun) adéquates pour accueillir un

public local et extérieur.

Ce bâtiment existe. L’Université vient d’abandonner

un immeuble de très grande qualité

architecturale, construit en bord de Meuse, sur

le site du Val-Benoît, au milieu des années ’30,

et dont les caractéristiques conviendraient parfaitement

au projet. Inauguré en 1937, l’institut

du génie civil a été dessiné par l’architecte

Joseph Moutschen, avec la collaboration du

professeur Fernand Campus pour les structures

métalliques. « Malgré son apparente

complexité, le plan de l’institut de génie civil est

relativement simple. L’édifice, de plan carré,

est traversé par une diagonale. Un bâtiment

de plan rectangulaire, abritant un laboratoire

d’hydraulique, est greffé sur un des côtés du

carré. Deux grands auditoires sont installés

dans la portion de bâtiment diagonale, entre

les deux entrées principales. Les couloirs de

circulation sont éclairés par de larges baies

donnant sur deux cours triangulaires ». 5

La superficie totale compte plus de 21 000 m 2

et chacun des trois niveaux principaux de 4 200

à 5 500 m 2 . Les salles qui pourraient servir d’espaces

d’exposition sont, pour la plupart, largement

éclairées par des baies qui, adéquatement

utilisées, permettraient de donner un éclairage

naturel abondant tout en contrôlant la lumière.

La situation est exceptionnelle : en bord

de Meuse, c’est l’équivalent du remarquable

Bonnefanten Museum de Maestricht. Une liaison

piétonne avec le centre ville longe les quais et

constitue une promenade qui ne demande que

des points d’attraction pour être davantage fréquentée.

En outre, le site du Val-Benoît, bien

pourvu en parkings, se situe à proximité immédiate

de la future gare TGV et est connecté à

l’accès autoroutier du pont haubané.

Ce bâtiment, d’une architecture remarquable

caractéristique des années trente, se prête idéalement

à un aménagement en musée : vaste

espace sans cloison intérieure, grande hauteur

sous plafond, larges couloirs de circulation,

présence d’auditoires. Des locaux plus petits

et facilement occultables peuvent accueillir les

collections graphiques. Des réserves seront

aménagées dans les niveaux secondaires (le

bâtiment s’étage sur 6 niveaux).

Il est trop tôt pour parler de projet muséographique

mais on peut déjà esquisser quelques

lignes directrices :

- pas de ségrégation entre artistes wallons et

artistes internationaux mais une valorisation

des artistes locaux au sein des grands courants

de l’art européen,

- une bonne dose de chronologie, compte

tenu des cinq siècles à exposer,

- mélange des genres : peintures et sculptures

mais aussi arts appliqués, spécialement

pour les xix e et xx e siècles, seront mélangés

de façon à mieux souligner le goût

et les styles de chaque époque,

- prévoir une rotation des collections, de même

que de vastes espaces d’expositions temporaires

(ou semi-permanentes),

- mettre en œuvre, dans tout ou partie des

salles, une muséographie de l’idée…

Que faire des édifices de la Boverie

et de Saint-Georges ?

Pour la Boverie, sa transformation en centre

d’art contemporain conviendrait bien mieux à

sa structure et à ses dimensions réduites. En

outre, la localisation dans un parc très fréquenté

permettrait de sortir du bâtiment pour

étendre au parc les espaces d’exposition.

La salle Saint-Georges est trop petite pour accueillir

les expositions de grande envergure. À

plusieurs reprises, il a été nécessaire d’envahir

les étages supérieurs, dévolus au musée d’art

wallon en temps normal. Déménager ce dernier

au Val-Benoît en l’intégrant au nouveau Musée

des Beaux-Arts permettrait de récupérer définitivement

tout l’immeuble Saint-Georges pour le

consacrer aux expositions temporaires, dont plusieurs

pourraient être montées simultanément,

d’importance et de durée variables. •

1. Même si la géométrie précise de ces ensembles reste

l’objet de controverses (cf. notamment Philippe Georges,

Une philosophie pour le “Grand Curtius”, dans « Chronique

d’archéologie et d’histoire du Pays de Liège »,

n° 16-17 (t. II), octobre 2001-mars 2002, p. 144-147).

2. Cf. « Journal de Liège 7, 27 juillet 1939, p. 1 et 3.

3. Cf. Corinne Godefroid, « Entre culture, industrie et politique,

les salons de Charleroi en 1911 », dans catalogue

de l’exposition Un double regard sur 2000 ans d’art

wallon, Tournai, 2000, p. 63-64.

4. Voir aussi l’article d’André Gob, Musée ouvert, manifestation

de l’espace public ?, dans le présent volume [revue

« Art&fact » n° 22, 2003].

5. Philippe Tomsin, De remarquables bâtiments dans la ville

de Liège : les instituts de la Faculté des Sciences appliquées

du Val-Benoît, dans « Art&fact » n° 19, 2000, p.

38-40.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

8

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

9


Grégory Desauvage

Conservateur

Musées de Liège

Une sainte Cécile tombée des nues

Nouveau regard sur l’œuvre d’un inconnu

Derrière l’extase et l’apparente sérénité

de cette jeune sainte, se cache un voyage

qui conduit aux quatre coins de l’Europe.

Les archives des collections de Liège

concernant Sainte Cécile ne mentionnent

aucune indication quant à ses origines,

si ce n’est que la toile fut léguée à la

Ville par M. Martin de Saint-Martin.

L’identification du peintre reste problématique,

mais une recherche simple

permet d’orienter les investigations du

côté de l’école italienne. À observer la

Sainte Cécile exécutée par Guido Reni

en 1606, il semble peu douteux qu’il

soit l’initiateur de la composition : pour

des arguments d’ordre stylistique, historique

et scientifique (physico-chimique).

Mais il est très probable qu’elle soit de

la main d’un suiveur du maître et qu’elle

ait été peinte au xvii e siècle et non au xix e

(comme considéré jusqu’à aujourd’hui).

Sainte Cécile au BAL

La toile des collections de Liège, figurant sainte Cécile en extase, se présente comme

un portrait de jeune fille enturbannée et richement habillée qui se tient de trois quarts

face. Elle tient d’une main un violon et de l’autre un archet, et elle semble jouer de

son instrument. Son visage est baigné de lumière et ses yeux sont levés au ciel. À

sa gauche, à peine perceptible, est disposé un orgue. L’arrière-plan se limite à une

surface unie de couleur noire. Sur son visage s’affiche une incontestable plénitude,

résultat probable d’un transport mystique.

Cette peinture a fait l’objet d’une restauration en 2008. L’intervention, pratiquée

par Catherine Hance, s’est limitée à un dévernissage, un nettoyage général de

la couche picturale et à quelques retouches imitatives aux endroits lacunaires. Le

châssis vermoulu a été remplacé. La toile était, dans l’ensemble, en assez bon état.

Sa remise en condition a permis de lui rendre son lustre d’antan et de redécouvrir la

qualité indéniable de sa facture.

Martyre, mélomane

Depuis les origines de l’Église, sainte Cécile est l’une des martyres les plus vénérées.

Elle aurait vécu à Rome, au iii e siècle après J.-C. Jacques de Voragine 1 en fait état

dans sa fameuse Légende dorée et favorise la perpétuation de son culte.

Aristocrate romaine et musicienne talentueuse, elle consacre dès son jeune

âge sa vie à Dieu à qui elle fait vœu de virginité. Ses parents lui choisissent pourtant

un époux en la personne de Valérien, un jeune noble romain et païen. Elle refuse de

renier son vœu de chasteté et parvient à convaincre son jeune époux de se convertir

au christianisme.

Pour avoir manifesté publiquement sa foi chrétienne et refusé de l’abjurer,

Valérien est jugé et décapité. Sainte Cécile inhume sa dépouille selon les rites chrétiens

et intensifie ses activités prosélytes d’évangélisation, malgré les avertissements

des autorités romaines. Son obstination lui vaut d’être condamnée à brûler vive

dans le sudatorium de sa résidence, au Trastevere. Un jour et une nuit de martyre

n’ont pas raison d’elle. C’est pourquoi le préfet de la ville la fait décapiter. Elle résiste

aux coups d’épée qui lui sont portés et succombe après trois jours d’agonie.

Depuis le xv e siècle, la sainte est la patronne des musiciens. Elle est généralement

représentée jouant d’un orgue ou d’un instrument à corde. De nombreux

peintres l’ont figurée dans des attitudes diverses. Parmi ceux-ci : Raphaël, Guido

Reni (dit Le Guide), le Dominicain, Rubens…

Inconnnu (d’ap. Guido Reni),

Sainte Cécile, xvii e siècle

Huile sur toile, 88 X 67 cm

Collections du BAL, Liège,

inv. BA 231

Raphaël, L’Extase de sainte Cécile,

1514-1516

Huile sur toile, 236 x 150 cm.

Pinacoteca Nazionale, Bologne.

© Wikimédia Commons.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

10

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

11


Guido Reni (Calvenzano, près de Bologne,

1575 – Bologne, 1642)

Fils de musicien, Guido Reni intègre, à l’âge de

neuf ans, l’atelier du peintre Denys Calvaert 2 .

Sa formation précoce révèle un solide talent

pour la peinture. En 1594-1595, il entre à l’Académie

fondée par les Carrache (les Incamminati).

Il imite leur style et s’oriente vers la tendance

« naturaliste » proposée par ses maîtres. Cet

Sa production, au-delà des années 1620,

atteint des sommets d’expression spirituelle

faite de langueur amoureuse et d’affectation.

Il en tirera sa notoriété la plus grande et cela

jusqu’à l’essoufflement du mouvement romantique,

dans la deuxième moitié du xix e siècle.

Au-delà de cette période, les goûts évoluent

et le public délaisse la peinture du Guide des

années 1620, considérée comme mièvre et

nombreuses gravures et peintures ont circulé

partout en Europe. Qu’on se figure, en l’occurrence,

les abondantes répliques peintes, mais

aussi gravées du Christ au roseau. Le Musée

du Louvre en donne des exemples frappants

dans son « Catalogue de peinture de l’École

italienne du xvii e siècle » 3 .

Par ailleurs, au xvii e siècle, un marché juteux,

implanté à Anvers, dans les Provinces-Unies

faveur : les recherches des Romantiques s’accordent

assez bien au pathétique. Pour s’en

convaincre, pensons aux Nazaréens : ils reviennent

à Rome et cherchent à renouer avec

l’esprit chrétien à travers l’observation et l’inspiration

formelle des maîtres tels que Raphaël.

Par ailleurs, les voyages d’artistes à Rome renforcent

ce phénomène et continuent d’alimenter

les répertoires de référence.

La toile de Guido Reni

Elle se trouve actuellement à la Norton Simon Foundation de Pasadena, aux États-

Unis d’Amérique. Sa composition diffère légèrement de notre toile et sa technique

est sans conteste plus affirmée. Elle passe pour être un des chefs-d’œuvre du maître

et fait l’unanimité quant à sa valeur artistique et la sensibilité de son traitement.

À la suite de la redécouverte des restes de sainte Cécile en 1559, le cardinal

Paolo Emilio Sfondrati bâtit une église en son honneur, sur les lieux de son martyre,

au Trastevere. Il fait exécuter par Stefano Maderna une sculpture représentant la

sainte et par Guido Reni une toile figurant la Décapitation de sainte Cécile et Valérien

pour orner l’autel. En 1606, emporté par sa dévotion, il commande à Reni, pour sa

collection personnelle, une peinture de la sainte en extase. Il s’agit de l’œuvre de

Pasadena.

Elle est vendue en 1608 au cardinal Scipione Caffarelli-Borghese qui fut

d’ailleurs un mécène important du Guide. Elle reste ensuite dans la collection privée

des Borghese jusqu’au début du xix e siècle. De 1812 à 1824, elle devient la propriété

de Lucien Bonaparte. Passant de l’Italie à New York, elle est finalement acquise par

la Norton Simon Foundation.

Elle ne comporte pas de signature mais différentes archives, les cachets de

collectionneurs sur le châssis et la qualité exceptionnelle de la technique picturale en

font à n’en pas douter une œuvre du Guide.

enseignement a sur lui une ascendance capi-

faible. Vers 1630, sa palette s’estompe en

et en France exploite la reproduction d’œuvres

Que le Guide ait été un peintre en vogue à

tale qui fixe la virtuosité de sa technique et lui

teintes irisées qui se déclinent en camaïeu de

magistrales par la gravure, mais aussi l’eau-

cette époque n’étonne guère. Par exemple,

procure l’assise nécessaire au développement

gris pâle. Ses coloris jouent sur des effets

forte. Ces procédés permettent la diffusion et

les « Saintes » nazaréennes, formellement clas-

d’un style pictural original.

argentés aux effets lunaires. Ce style, tout à

le transfert des programmes iconographiques

siques, traduisent plastiquement leur intention

En 1601, il s’installe à Rome et approfondit

fait singulier, fonde la « deuxième manière » du

et, dans une moindre mesure, des recherches

d’allier le fond à la forme. Unir l’Idée 4 à la

son étude des antiques et de Raphaël. Il est

maître. Il meurt, douze ans plus tard, indigent

formelles et techniques. Il va de soi que la

forme, n’est-ce pas à peu de choses près les

d’ailleurs fasciné par sa Sainte Cécile et en fait

et ruiné, d’une fièvre maligne.

copie par l’estampe ne peut donner qu’une

desseins du Guide ? S’agissant d’extase, sa

une copie à l’identique. Protégé par le cardinal

réplique pauvre et inévitablement réinterprétée

quête du beau par l’idéalisation et l’épuration

Sfondrati (éminente personnalité de la Réforme

La disgrâce d’un maître

du style.

plastique se comprend comme un dispositif

catholique), il acquiert rapidement une renom-

Reni connaît une renommée européenne dès

La deuxième cause du succès du maître

amenant au rapprochement spirituel.

mée importante et les commandes affluent.

la première décennie du xvii e siècle, qui ne se

est l’adéquation de son travail avec le phéno-

Stendhal, dans son Histoire de la Peinture

L’étude des « classiques » lui permet de

démentira qu’à la fin du xix e . Partout reconnu

mène de la Réforme catholique. Aujourd’hui

italienne, pose un jugement favorable sur le

modérer l’acquis des Incamminati. Par ailleurs,

pour ses propositions plastiques esthétisantes

tombées en désuétude, les saintes alanguies

Guide : « L’école de Bologne […] imitera avec

intéressé par les développements clair-obscur

et réalistes, il inspire les peintres de son époque

et en extase de Guido Reni nous paraissent

succès tous les grands peintres, et Guido Reni

du Caravage, il explore, sans but d’assimilation,

comme ceux des siècles à venir. Les écrivains

traduire artificiellement les sentiments d’une

y portera la beauté au point le plus élevé où

ces pistes inédites. Il développe un art natura-

et théoriciens italiens encensent continuelle-

vie intérieure agitée. Mais si l’on pense au

elle ait peut-être paru parmi les hommes ».

liste et classicisant, mesuré par des coloris francs

ment son travail et le placent parmi les plus

contexte et au vocabulaire esthétique prônés

L’omniprésence sur le marché de l’art des

et délicats qui trahissent sa continuelle quête

grands maîtres de la peinture.

par cette Réforme, on comprend ce que l’œuvre

œuvres du Guide finira par exaspérer et le

du beau. Sa composition est ferme et soignée.

Les causes de cette notoriété sont multiples

développe de représentation : la grâce sen-

Romantisme représente pour lui les derniers

Ces caractéristiques fondent ce qu’on a ap-

et tiennent en premier lieu à la large diffusion

suelle et la vibration affective, dans un lyrisme

feux d’une carrière exceptionnelle et européenne.

pelé la « première manière » de Guido Reni.

de son œuvre. Deux raisons expliquent cela :

poétique, amène par un glissement étudié à

Ses œuvres tomberont peu à peu en disgrâce.

Il peint des sujets religieux, allégoriques et

sa production personnelle abondante et les

rejoindre l’Idée de spiritualité. C’est qu’il faut

Les artistes de la seconde moitié du xix e

mythologiques. Ses figures idéalisées et la déli-

nombreuses copies qui en sont faites.

passer par la vibration des sens humains pour

siècle, libérés des traditions artistiques confor-

catesse du rendu des mains assoient sa répu-

Sa production, datant de l’époque où son

rejoindre le spirituel.

mistes et bourgeoises, se dégageront progres-

tation. Il affirme sa réussite aussi bien à Rome

art était pour lui un simple viatique propre à

Affichant leur objectif avoué de toucher et

sivement des poncifs de l’éducation aux Arts.

qu’à Bologne. Sa renommée est si importante

éponger ses dettes de jeu, a contribué à entre-

d’émouvoir, l’Église et l’artiste du xvii e siècle

Ils s’orienteront davantage vers une recherche

qu’il ne parvient pas à suivre les commandes

tenir sa renommée. Ses « belles têtes » – comme

s’appuient sur l’image pour reconquérir les

personnelle à travers des conquêtes formelles.

qui lui sont faites.

le dit Stendhal –, gracieuses et délicates, sont

fidèles. Quel meilleur moyen que de toucher

Aujourd’hui, les toiles de faible facture de

Passionné par le jeu, il est grevé de dettes.

légendaires et nul n’ignore sa place au pan-

au vif par le beau, par l’extase ? La sensualité

Guido Reni ne font plus les beaux jours des

Il se voit contraint de vendre à tout-va une production

rapidement exécutée et de moindre

théon des grands peintres.

Ses suiveurs et disciples (ils atteignent au

des figures, à l’érotisme à peine déguisé, nous

invite par empathie à atteindre une spiritualité

maisons de vente. Leur nombre est important

et pose des problèmes d’identification. Décidé-

Guido Reni,

Sainte Cécile, 1606

qualité. Il engage de nombreux apprentis pour

réaliser, par exemple, d’abondants Saint Sébastien,

qu’on retrouve dans l’Europe entière.

moment le plus fort le nombre de deux cents !)

exploitent ses sujets qu’ils reproduisent soit

fidèlement, soit par interprétation. Ainsi, de

sans équivoque. C’est dans cette optique que

Guido Reni développe ses théories plastiques.

Le xix e siècle donnera au Guide un regain de

ment non, sa production abusive, de qualité

quelconque, aux seules fins commerciales,

n’aura pas obtenu le pardon du temps.

Huile sur toile,

95,9 x 74,9 cm

Norton Simon Foundation,

Pasadena (É.U.A.)

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

12

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

13


Généalogie et descendance

Revenons-en à « notre » sainte. La voici susceptible d’être considérée comme une

réplique de la Sainte Cécile du Guide. La grande diffusion des œuvres du maître,

ainsi que la persistance du motif jusqu’au xix e siècle, laisse à penser que « notre

sainte » serait une réplique de l’original du Guide. En outre, la qualité exceptionnelle

du tableau de Guido Reni ne nourrit plus aucun doute sur le sens du transfert.

Incontestablement, c’est bien de la sienne vers la nôtre qu’il faut considérer la

question.

Mais, est-ce là la seule parenté ou existe-t-il ailleurs d’autres répliques ? Une

recherche ciblée sur les Sainte Cécile, opérée par un balayage large, a permis de

rassembler plusieurs exemplaires sensiblement de mêmes dimensions disséminés

dans les musées d’Europe. Ainsi, il en existe à Madrid, au Monastère Saint-Laurent

de l’Escorial ; à Douai, au Musée de la Chartreuse ; à Munich, dans les collections

de la Residenz ; et, enfin, la trace d’une toile vendue chez Sotheby’s nous est parvenue.

Il est par ailleurs probable qu’il existe des répliques du même genre en d’autres

lieux.

Ces copies sont-elles identiques ou d’inspiration ? Sont-elles datées de la même

époque ? Ont-elles entre elles un lien de parenté évident et hiérarchique ? Autant de

questions qui trouveront des réponses partielles.

• Tout d’abord, la datation. D’après le postulat selon lequel la sainte de Guido

Reni trône en haut de la pyramide hiérarchique et qu’elle constitue la version la plus

originale, il est évident que les toiles qui s’en inspirent ne peuvent être exécutées

avant sa création, c’est-à-dire avant 1606.

Trois toiles semblent être datées du xvii e siècle : la sainte de l’Escorial est

attribuée à un anonyme qui a copié Guido Reni. Celle de Douai est datée de la même

époque et n’a aucune attribution précise. Celle de Munich, enfin, aurait été exécutée

par un suiveur du maître : Lorenzo Pasinelli (1629-1700). Les archives de la Residenz

de Munich font état de cette peinture ; elle fut attribuée au Dominicain jusqu’en 1924 ;

au-delà de cette date, elle est attribuée à un suiveur du Guide. Les dossiers relatifs

De gauche à droite

- Anonyme, Sainte Cécile, pas de datation proposée

Huile sur toile, 137,5 (augmentation tardive probable

d’une dizaine de cm) x 93 cm

Monastère de San Lorenzo de l’Escorial (Madrid),

inv. 10032899

- Anonyme (d’ap. Guido Reni), Sainte Cécile, xvii e siècle

Huile sur toile, 96,5 x 70,5 cm

Musée de la Chartreuse, Douai, inv. 1247

- Inconnu (d’après Guido Reni), Sainte Cécile, xix e siècle

Huile sur toile, 99,5 x 75 cm

Collection particulière, vendu par Sotheby’s le 23 juin 2011,

© ArtDigitalStudio

- Inconnnu (d’ap. Guido Reni), Sainte Cécile, xvii e siècle

Huile sur toile, 88 x 67 cm

Collections du BAL, Liège, inv. BA 231

- Lorenzo Pasinelli, Sainte Cécile, 2 e moitié du xvii e siècle,

Huile sur toile, 97 (y compris une augmentation tardive

de 9 cm) x 69 cm

Residenz München, Reiche Zimmer, Grüne Galerie (R.58),

Spiegelsaal, inv. ResMü.G0653

à ces trois toiles ne mentionnent la présence d’aucune date, ni d’aucune signature

sur la toile. Il convient d’observer la plus grande réserve quant aux informations

fournies par ces dossiers et sur les attributions qui sont proposées. Tout d’abord

parce que les toiles n’ont fait l’objet d’aucune étude approfondie, tant au niveau

stylistique qu’au niveau technique (analyses physico-chimiques). Ensuite, parce

qu’aucune restauration n’a encore été réalisée (pour Munich et Douai en tout cas).

Or, les dévernissages, l’enlèvement de surpeints apportent sans conteste des précisions

quant à la technique picturale, l’apparition de détails cachés, … Ces œuvres

mériteraient donc des examens complémentaires plus avancés.

Quant à la Sainte Cécile vendue chez Sotheby’s le 23 juin 2011, les spécialistes

de la célèbre maison de vente, au vu de la facture et du style, l’ont clairement

datée du xix e siècle.

• Le style. Les peintures de Douai, de l’Escorial et de Sotheby’s sont des

copies pratiquement identiques de la Sainte Cécile du Guide. Le style des deux

premières soutient le rapprochement avec la version de Reni. Le traitement du sujet

(à l’identique), le travail du costume, la lumière et la grande finesse d’exécution nous

amènent à penser qu’il s’agit, comme le soutient leur dossier, d’œuvres de la main

de suiveurs. Quelques différences néanmoins se remarquent sur les visages. Dans

la toile de Sotheby’s, il s’agit d’une interprétation stylistique tout à fait différente des

trois autres. Le visage est plus allongé et les carnations plus pâles. L’atmosphère qui

se dégage de l’ensemble est sans conteste plus faible.

• La composition. Deux saintes se singularisent par leur attitude. Alors que

toutes les œuvres copient à l’identique la posture de Sainte Cécile de Reni, celle de

Munich et celle de Liège se distinguent par leur liberté d’adaptation.

En effet, à y regarder de près, ces deux saintes semblent constituer une

paire formelle et stylistique. Leur attitude est identique et se démarque des autres,

notamment dans le placement. Bien que figurées de trois quarts face comme les

autres saintes, leurs bras ne sont plus peints ouverts au public mais croisés. Toutes

deux présentent la tranche de leur violon face au spectateur. Le traitement du costume

(particulièrement la manche et le nœud savant du turban), ainsi que la position

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

14

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

15


des mains, sont parfaitement identiques. Quelques différences se dégagent sur la

version de Munich : une inscription sur la tranche du violon, le coloris du vêtement

ainsi qu’un fin tulle posé sur les épaules.

Que laissent à penser de pareilles ressemblances ? Pourquoi cette parenté

formelle ? Plusieurs réponses sont envisageables mais aucune ne peut, en l’état

actuel de l’étude, constituer un fait avéré. Il pourrait s’agir de deux toiles d’une

même main ou de mains différentes (celles d’un professeur et d’un élève, par exemple)

ou constituer deux commandes d’un même sujet (le peintre « paresseux » copiant

lui-même sa première version). Toutes les interprétations sont possibles. Ce qui

paraît évident, en tout cas, c’est que l’une s’inspire de l’autre : des similitudes aussi

flagrantes ne peuvent être imputées au seul hasard. En outre, leur technique est

soignée et l’effet admirable. Ces considérations nous amènent à penser que si,

comme le prétendent les archives de Munich, leur sainte est l’œuvre d’un suiveur du

Guide, alors, la nôtre, à la faveur de leur gémellité formelle et stylistique, serait à

dater du même siècle. Afin d’éclaircir ce dernier point, l’appui de sciences auxiliaires

peuvent sans conteste nous en apprendre davantage.

La sainte Cécile de Liège : datation, état de la question

L’approche stylistique et formelle qui vient d’être formulée inclinerait pour une datation

ancienne de notre sainte (xvii e siècle) plutôt que pour une œuvre du xix e . Cependant,

ces deux approches ne suffisent pas à affirmer l’authenticité de cette datation.

Afin de les consolider, elles ont été complétées, en octobre dernier, par l’utilisation

de sciences auxiliaires : la scintigraphie et la radiographie aux rayons X.

- La première technique permet de déterminer la nature des atomes présents dans

les pigments. L’apparition dans le temps des différents composants chimiques de

la pigmentation étant connue, il est possible de déterminer une datation par fourchettes

temporelles. La Sainte Cécile a fait l’objet d’une scintigraphie menée par

le Centre européen d’archéométrie (CEA), établi à l’Université de Liège. Par la présence

de plusieurs pigments tels que le blanc de plomb, le smalt, le noir d’os, le

vermillon, l’expertise rapporte que l’exécution du tableau peut être datée du xvii e

siècle. Par ailleurs, la présence de blanc de zinc et de pigments à base de chrome

exclut une datation postérieure à 1840.

- Quant à la radiographie, elle ne nous livre que des informations de styles et de

factures. Le travail préparatoire, enlevé et sûr, cadre bien avec celui du xvii e .

Au terme de l’étude, les doutes s’estompent et il apparaît selon toute vraisemblance

que notre Sainte Cécile est de la main d’un suiveur du maître. Les résultats

des investigations menées au CEA sont intéressants et cadrent avec la proposition

de datation fondée sur le style et la forme.

Analyse de la Sainte Cécile de Liège

par le Centre européen d’Archéométrie

de l’Université de Liège, octobre 2011.

En guise de conclusion

L’étude passionnante des Sainte Cécile dans la veine du Guide réhabilite une toile

de nos collections et nous apporte la confirmation qu’il s’agit d’une œuvre du xvii e

siècle. Reconsidérée par cet éclairage, la sainte Cécile de Liège prend une dimension

nouvelle et raconte au travers de son histoire la place qu’elle occupe dans le réseau

complexe des copies existantes.

La permanence du sujet et du style au travers du temps confirme par ailleurs

la place prépondérante qu’occupait le Guide dans le monde de l’Art et la position de

référence qui lui était conférée. Cette notoriété a encouragé ses suiveurs directs à

produire de nombreuses copies. Ainsi en est-il de la Sainte Cécile du BAL.

Notre tableau possède par ailleurs une jumelle à la parenté formelle et stylistique

se trouvant actuellement à la Residenz de Munich. Cette particularité exceptionnelle

la distingue des autres copies et lui confère une place singulière.

Enfin, la belle qualité technique, l’histoire atypique qui l’accompagne et l’iconographie

mieux comprise lui donne l’envergure nécessaire pour figurer aux cimaises

du BAL.

1. Jacques de Voragine (Varazze, vers 1228 - Gênes, 1298) :

chroniqueur italien du Moyen Âge, archevêque de Gênes

et auteur de la Légende dorée, célèbre ouvrage racontant

la vie d’un grand nombre de saints et martyrs.

2. Denys Calvaert (1540-1619) : peintre flamand né à Anvers

qui habite la majeure partie de sa vie en Italie. Il développe

un maniérisme académique élégant. Des peintres tels que

Guido Reni, l’Albane et le Dominicain sont formés dans

son atelier.

3. Stéphane Loire, in Catalogue du département de peinture

du Louvre : École italienne, xvii e siècle – I. Bologne, Paris,

1996, pp. 267-269 et 291-295.

4. Au sens philosophique, l’Idée est un élément de l’univers

intérieur humain qui s’appuie et se construit à travers des


images diffuses et oniriques.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

16

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

17


BAL (musée des beaux-arts de Liège),

ancien Musée de l’Art wallon

Pour ouvrir le bal

Prélude au futur musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège

Réouverture dès le 9 janvier 2012

Tous les jours sauf lundis et 1 er mai

De 13 à 18 h (dimanche, de 11 à 18 h)

Jusqu’au printemps 2012, l’exposition préfigurant

le regroupement des quatre collections

(art ancien, art wallon, art moderne et contemporain,

estampes et dessins) sur un seul site

(cf. p. 4) est constituée de deux parties.

D’une part, est montrée la « face cachée »

d’un musée, par trois thèmes : la restauration

récente d’œuvres ; l’acquisition d’œuvres par

des dons, legs ou achats ; la reconnaissance

régionale d’œuvres comme « trésors » de la

Fédération Wallonie-Bruxelles.

D’autre part, quelques thèmes (parmi de

nombreux autres possibles) montrent la vie

qui inspire les artistes, toutes époques confondues,

du xvi e siècle à nos jours : le travail, le

portrait, le genre historique, les scènes de genre

(bambochades), la nature morte, la surréalité.

La restauration

Une des missions des musées est de conserver,

préserver, entretenir et donc permettre aux

générations futures de découvrir la richesse

des collections dans un état de conservation

qui ne mette pas en péril leurs états esthétique

et historique.

L’art du xx e siècle se caractérise par la rupture

des conventions plastiques et par un renouvellement

des modes de production et des matériaux

employés : les artistes utilisent souvent

des matériaux composites industriels qui ne

sont pas nécessairement conçus pour durer ;

d’autres artistes, qui utilisent des matériaux

traditionnels, ne respectent pas toujours les

règles de mise en œuvre et mettent en péril la

pérennité de l’objet.

> Restauration de Composition sur fond bleu

d’Anna Eva Bergman (Stockholm, 1909 - Antibes, 1986)

Huile sur toile. Dépôt de la Fédération Wallonie-Bruxelles,

donation Fernand Graindorge, 1981

La couche picturale se compose d’une argenture

à la détrempe sur un support de toile. La

fragilité de la technique et les variations climatiques

avaient provoqué des soulèvements de

la couche picturale. La présence d’argile au

sein de la couche de préparation augmentait

la difficulté du fixage de la matière.

La seconde image ci-dessous montre un détail

en cours de nettoyage.

Collectionneurs avisés

Les collections communales se sont constituées

puis enrichies au fil de dons et legs importants,

parmi lesquels les donations Jaumain-

Jobart, Brabant-Veckmans, Fernand Graindorge,

Albert de Neuville, les legs Paul Dony, Plomdeur-

Morel, pour n’en citer que quelques-uns.

> Catalogue de la Donation Jaumain-Jobart

en 1973 au Musée de l’Art wallon.

> Catalogue de la Donation Fernand Graindorge

en 1976 à la Communauté française de Belgique,

mise en dépôt au Musée d’Art moderne et d’Art

contemporain.

Trésors

La Commission consultative du Patrimoine culturel

mobilier de la Fédération Wallonie-Bruxelles

a entamé les premiers classements en 2010.

Une œuvre est classée « trésor », au sens européen

du terme, en fonction de plusieurs critères

: la valeur artistique et historique, l’état de

conservation, la rareté, l’esthétique, la grande

qualité de conception et d’exécution et le lien

du bien avec l’histoire et l’histoire de l’art.

Sont classés « trésors » au BAL :

- les neuf tableaux provenant de la vente de

Lucerne (MAMAC),

- les albums d’Arenberg et de Clérembault de

Lambert Lombard, le fonds Gilles Closson,

le dessin de Van Gogh La femme au bonnet

(CED),

- Jean-Guillaume Carlier, Le mariage mystique

du bienheureux Hermann-Joseph (MAW).

Dans les prochains mois, s’y ajouteront notamment

:

- Henri Evenepoel, Promenade du dimanche

au Bois de Boulogne, 1899 (MAMAC),

- René Magritte, La forêt, 1927 (MAMAC),

- Dominique Ingres, Napoléon Bonaparte,

Premier Consul, 1804 (MAMAC).

> La vente de Lucerne : le 30 juin 1939, la Ville

de Liège acquiert neuf tableaux à la vente

organisée à Lucerne par la galerie Fischer. Les

nazis vendaient alors ce qu’ils apppelaient « l’art

dégénéré », à la fois pour en « nettoyer » les

musées allemands et s’assurer une importante

rentrée d’argent. Ce sont :

- La maison bleue de Marc Chagall,

- La Mort et les masques de James Ensor,

- La famille Soler de Pablo Picasso,

- Le sorcier d’Hiva Oa de Paul Gauguin,

- Monte Carlo d’Oscar Kokoschka,

- Chevaux au pâturage de Franz Marc,

- Portrait de jeune fille de Marie Laurencin,

- Cavalier sur la plage de Max Lieberman,

- Le Déjeuner de Jules Pascin.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

18

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

19


Pour ouvrir le bal

Prélude au futur musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège

Le travail

Dès l’antiquité, la notion de travail est présente

dans le monde de l’art. Sa perception varie au

cours du temps et en influence la représentation.

Au Moyen Âge, l’enluminure et la sculpture

évoquent l’édification des cathédrales, l’artisanat

ou le monde agricole. Mais il faut attendre

le siècle des Lumières et le bouleversement des

idées qui s’ensuit pour que le travail soit perçu

comme un fait social. Sa représentation par

les artistes devient dès lors un genre à part

entière. La bourgeoisie montante façonne souvent

l’image du travail à son profit en en camouflant

la dure réalité. Certains peignent cependant

l’effort, la pénibilité voire la souffrance du travail,

mais aussi le savoir-faire et le repos mérité.

Le thème du travail devient un outil de propagande

au xx e siècle. Au sortir de la guerre,

l’artiste pose un regard enfin affranchi et exploite

la thématique selon son point de vue et

sa sensibilité. Dès lors, les productions artistiques

se diversifient et proposent au public

un regard pluriel sur l’activité humaine.

Bambochades

Une bambochade

(ou bamboche) est un petit

tableau, une eau-forte, un

dessin ou un petit moulage

ayant pour sujet une scène

champêtre ou au contraire

citadine représentant la vie quotidienne

du peuple de manière burlesque,

proche de la caricature.

Le nom tire son origine du surnom « Le

Bamboche », attribué au peintre hollandais

Pieter van Laer (xvii e siècle) lors de son séjour

en Italie (1625-1639), surnom qu’il dut autant

à ses thèmes qu’à son aspect physique. En

italien, bamboccio signifie, selon les traducteurs,

« contrefait », « pantin » ou « poupée »

(surnom dû à sa petite taille).

> Ci-dessous de gauche à droite, trois détails :

- Jacob Toorenvliet, Marchande de volaille,

1674 (fonds d’art ancien),

- Henri De Braekeleer, L’homme à la pipe,

1879 (MAW, Legs Pol Dony),

- David Teniers le jeune, Scène de cabaret,

xvii e s. (MAW, Legs Pol Dony).

Le portrait : idéalisé/vérité

Le portrait en peinture se développe à la

Renaissance avec l’apparition de la conscience

individuelle et le besoin

de représentativité des classes

dominantes. Il sera un genre

de plus en plus prisé jusqu’au

xx e siècle, où il

sera supplanté,

comme représentation,

par la

photo. Il répond à

une codification précise

qui varie en fonction de

l’époque et du lieu.

Le portrait est l’image que

le modèle tient à donner de luimême,

ou ce que le peintre retient de celui

ou de celle qu’il peint : les caractéristiques

physiques ne sont donc pas toujours respectées.

Surréalité

Le surréalisme est un automatisme psychique

pur, par lequel on se propose d’exprimer […]

le fonctionnement réel de la pensée. Il repose

sur la croyance […] à la toute-puissance du

rêve, au jeu désintéressé de la pensée (André

Breton dans le premier Manifeste du Surréalisme,

1924)

Le rassemblement des collections du MAW

et du MAMAC renforce de manière significative

la représentativité de ce mouvement au sein

des collections liégeoises. Des œuvres majeures

de René Magritte et Paul Delvaux peuvent

ainsi côtoyer Marcel Mariën, Marcel-Louis

Baugniet, Jane Graverol, Aubin Pasque,

Paul Renotte, Alexis Cœ n e n…

Ce rapprochement permet aussi d’élargir

le propos à des œuvres qui, sans appartenir à

l’école surréaliste, en proposent un prolongement

par un traitement différent de la réalité.

Ainsi le dessin aquarellé de Pat Andrea ouvre

à une nouvelle subjectivité.

Vie silencieuse des natures mortes*

Une authentique nature morte naît le jour où

un peintre prend la décision fondamentale

de choisir comme sujet et d’organiser en

une entité plastique un groupe d’objets.

Qu’en fonction du temps et du milieu

où il travaille, il les charge de toutes

sortes d’allusions spirituelles, ne

change rien à son profond

dessein d’artiste : celui de

nous imposer son émotion

poétique devant la

beauté qu’il a entrevue

dans ces objets et

leur assemblage.

(Charles Sterling,

1952, La nature

morte de l’Antiquité

au xx e siècle, nouvelle

édition révisée, Paris, Macula, 1985)

Souvent les natures mortes se complètent

d’un papillon, harmonieux symbole – par la

brièveté de sa vie – de la fuite du temps.

Êtres vivants,

être vivant

Le rapport entre

nature et culture

– y compris les cultures

animales mises

en avant par l’éthologie

aujourd’hui – est le

réservoir commun de

notre avenir, que l’art

peut transcender.

La vie sous toutes ses formes,

y compris celle d’un musée,

c’est ce que le BAL se propose

d’explorer.

> Sont rassemblés quelques-uns des multiples

portraits que possède le BAL : toutes époques

confondues, ils observent.

> Détails de F. A. Brandel, Coq et papillon

Huile sur toile (collection d’art ancien, Legs

Maxime de Soer de Solières – Restauré grâce

au Fonds David-Constant en 2010)

* « Nature morte » se dit en néerlandais

« still-leven ».

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

20

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

21


Expositions

« jeunes artistes »

Prix de la création 2011

BAL, espace Jeunes Artistes

(salle Saint-Georges)

Chaque mois, des plasticiens liégeois sont

exposés dans un espace spécifique au sein

du BAL (musée des Beaux-Arts de Liège).

Les objectifs de ce projet sont multiples.

Il s’agit de permettre aux artistes d’accroître

la visibilité de leurs travaux, mais aussi d’être

confrontés aux contraintes de la mise en place

d’une exposition dans un espace défini. L’importance

accordée à la création contemporaine

met en avant des travaux originaux ou

novateurs et constitue une pépinière d’artistes.

Marie Remacle

Historienne de l’art

Cabinet de la Culture

BAL (salle Saint-Georges)

Expositions accessibles

du mardi au samedi de 13 à 18 h,

les dimanches de 11 à 18 h.

Alexia Creusen, Fleurir

du 3 au 30 septembre 2011

L’exposition s’articulait autour du Vieux jardinier

d’Émile Claus (huile sur toile, 218 x 140 cm,

vers 1886). Tout comme la plante en pot que

l’humble jardinier porte sous son bras, les

œuvres d’Alexia Creusen présentent un

aspect fragile, léger et modeste. De petits

formats, elles sont pensées sous forme de

séries, associant des éléments en papier

découpé, des graminées, des pièces

crochetées et des dessins rehaussés.

Thomas Urban, Mythologies

du 6 au 30 octobre 2011

Le répertoire de Thomas Urban puise dans

la mythologie une multitude de sujets qu’il

inter-prète avec une grande force expressive.

Ses dessins et ses toiles sont un foisonnement

de traits au milieu desquels la figure

reste toutefois bien présente. La densité de

la composition participe de cette fascination

de l’artiste pour les héros, les guerriers, les

dieux… Il se dégage de ses pièces un caractère

fantastique, voire fantasmagorique.

ELKA, Double Mixte

Jusqu au 29 janvier 2012

Fondé sur la fusion de deux univers, le duo

ELKA décloisonne les médiums, développe

en permanence ses recherches. Les dispositifs

élaborés par les deux artistes relèvent

autant de la performance que de la photographie.

Avec le projet Double Mixte, ELKA

interroge le corps dans l’image, la relation

modèle/photographe, nos envie de vie rêvée.

Les modèles portent des masques, des

autoportraits des artistes. Ainsi, les participants

n’ont pas à assumer leur propre

image. Les deux photographes prennent en

charge le ridicule des situations, l’étrangeté

de chaque scène due à la distorsion du réel.

Martin Coste

Du 2 au 29 février 2012

Vernissage le mercredi 1 er février

Mathieu Nosières

De gauche à droite

Du 8 au 31 mars 2012

Alexia Creusen, Jardin,

Vernissage le mercredi 7 mars

soie, voile synthétique,

coton et tissus synthétique,

h 38 cm, 2009.

Sophie Vangor

Du 5 au 29 avril 2012

Thomas Urban,

Saint-Michel combattant

les dragons,

Vernissage le mercredi 4 avril

acrylique sur toile,

100 x 100 cm, 2010.

Michaël Nicolaï

ELKA, Double Mixte

Du 7 au 30 juin 2012

(série), photographie,

Vernissage le mercredi 6 juin

2011.

Lancé en 2009 par la Ville de Liège, le Prix

de la Création liégeoise dans le domaine des

arts plastiques a pour vocation de découvrir,

d’encourager et de soutenir un jeune talent

liégeois dans les diverses formes d’expression

de l’art contemporain. Le premier prix est doté

de 6 000 e et le deuxième prix de 4 000. Les

sujets proposés sont libres. Les projets novateurs

et originaux, au niveau du contenu et

de la forme, sont considérés comme un atout.

Pour 2011, 48 dossiers ont été déposés à

l’Échevinat de la Culture. Le jury, composé

de représentants de la Ville et de centres

d’art, s’est réuni le 10 octobre 2011 au

Musée d’Art moderne et d’Art contemporain

et a sélectionné 9 dossiers, dont les 2 lauréats :

Cathy Alvarez, Manuel Alves Pereira, Nicolas

Bomal, Thierry Hanse, Laurent Impéduglia,

Mathieu Labaye, Aurélie William Levaux,

Pica Pica, Marie Zolamian.

Les artistes sélectionnés ont fait l’objet d’une

exposition « Prix de la création 2011 », du 25

novembre au 24 décembre 2011, aux Drapiers,

68, rue Hors-Château. Issue de la volonté de

la Ville de Liège de développer des collaborations

actives avec les acteurs culturels installés

sur son territoire, cette exposition a été

réalisée sous le commissariat de Denise

Biernaux, de l’asbl Les Drapiers – Galerie

d’art contemporain, galerie spécialisée dans

la création actuelle et sensible à la mise en

valeur des artistes liégeois.

Le Premier Prix a été décerné à Aurélie Le Second Prix a été décerné à Laurent

William Levaux (1981). La dessinatrice, Impéduglia (1974). Les couleurs vives, les

brodeuse et auteure transmet avec une héros de cartoons américains, la culture pop,

sensibilité troublante son rapport au monde. la musique rock, les jeux vidéos et le street art

Le travail de l’artiste, membre du collectif caractérisent l’œuvre qui s’est manifestée initialement

dans les marges de l’art et de la BD.

Mycose, est au croisement de l’illustration,

de la bande dessinée, du journal intime et de Les compositions sont narratives et très cohérentes

malgré la profusion de signes et de

l’art contemporain. Couchant à même le

drap ses réflexions existentielles sur la symboles : il y a du chaotique et du ludique à

féminité et la maternité, l’artiste tisse des la fois dans ces travaux. Laurent Impéduglia

liens entre broderies et dessins, tissus et propose sa vision, réaliste et cynique, du

papiers.

monde de l’art, de la religion, de la société.

Aurélie William Levaux, Sans titre. Broderie et encre sur coton. 50 x 70 cm (détail).

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

22

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

23


Expositions temporaires

Ernest de Bavière

> p. 26

Frénésie vénitienne

> p. 27

Indifférence

> p. 29

Pour ouvrir le BAL

> p. 18

janvier février mars

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

janvier février mars

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

musée des beaux-arts de Liège

Jeunes artistes

> p. 22

Dieudonné Jacobs

> p. 28

Femmes

> p. 28

janvier février mars

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

janvier février mars

D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me J V S D L Ma Me

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

Biennale

de photographie

Le MAMAC vit ses derniers

mois à la Boverie avant

le chantier du CIAC (cf. p. 5).

Un des derniers événements

avant 2015 : la

8 e Biennale internationale

de la Photographie

(du 10 mars au 6 mai 2012).

Hsiao Chin

Du 6 octobre au 16 novembre 2011, cette

exposition au MAMAC a marqué le début

d’une collaboration de la Ville de Liège avec

la Fondation Marconi de Milan. Giorgio Marconi

est actif sur la scène de l’art contemporain

depuis 1965 et a rassemblé une collection

exceptionnelle dans sa Fondation où figurent

certains des plus grands artistes du xx e siècle,

notamment Sonia Delaunay qui fera l’objet

d’une grande exposition liégeoise à l’automne.

Hsiao Chin, né en 1935 à Shanghai, après

des études à Taipei, s’installe en Europe dès

1956. Il voyage beaucoup, en Europe et aux

États-Unis d’Amérique, et se fixe en Italie où,

dès son arrivée, il sera soutenu par Giorgio

Marconi. Il rencontre les plus grands artistes,

enseigne et participe à la création de divers

mouvements artistiques. Il est considéré

comme une des grandes figures de l’art.

Sa peinture est le fruit d’un dialogue

entre les philosophies orientales et occidentales,

voyage à travers le cosmos, la nature,

l’homme. La calligraphie reste présente mais

laisse parfois place à l’abstraction géométrique

propre à l’Occident dans les années 70.

Cependant il ne peut s’empêcher de revenir

à la lumière, vibrante, à l’air, au mouvement.

Vides et pleins, contemplation et rythme/énergie,

couleurs chaudes et froides, symétrie et

asymétrie sont sans cesse confrontés.

Ses dernières œuvres témoignent d’une

sérénité, d’un optimisme nouveau où toutes

ces tensions tendent à disparaître.

IV e Prix Georges Collignon

Depuis 2005, le Lions Club Liège-Val Mosan

organise, en collaboration avec la Ville de

Liège, un prix biennal de peinture dont le but

est d’encourager de jeunes artistes (moins de

40 ans) en attribuant au lauréat une somme

de 3 000 e et en organisant une exposition

des meilleurs candidats au MAMAC (14 cette

année).

Cet événement vient compléter les multiples

activités qui jalonnent la vie culturelle

liégeoise en matière d’art contemporain :

les Biennales de gravure, de photographie et

de design, le Prix de la Création, l’Espace

Jeunes Artistes entre autres.

Le prix a été créé en mémoire à Georges

Collignon (1923-2002), une des grandes

figures de l’avant-garde belge de l’aprèsguerre.

Cette année, un hommage particulier

a été rendu à José Picon (1921-2011), proche

de Georges Collignon, femme exceptionnelle,

artiste sincère, généreuse, et restée jeune et

enthousiaste jusqu’à sa mort. Elle restera

sans aucun doute la grande figure de la

peinture abstraite à Liège.

Artistes sélectionnés : Cathy Alvarez,

Delphine Deguislage, Éric Deprez, Frédéric

Dumoulin, Silio Durt, Grégoire Faupin, Thierry

Groothaers, Annabelle Guetatra, Thierry Hanse,

Laurent Impéduglia, François Jacob, Benjamin

Monti, Sandrine Morgante et Marie Zolamian.

Attribué en 2005 à Charlotte Beaudry, en 2007

à Sandra Biwer, en 2009 à Marie Rosen, le prix

a été décerné cette année à Éric Deprez.

Françoise Safin-Crahay

Conservatrice

Musées de Liège

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

24

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

25


Ernest de Bavière (1554-1612),

un prince-évêque de Liège

dans l’Europe moderne

Frénésie vénitienne

Le verre espagnol du 16 e au 18 e siècle

Grand Curtius

Jusqu’au 20 mai 2012

Grand Curtius

Jusqu’au 20 mai 2012

Ernest de Bavière est mort en 1612.

Quatre-cents ans plus tard, il n’en reste

guère à Liège que le nom d’une rue et le

souvenir d’un hôpital. Son règne fut pourtant

déterminant pour la principauté, à une époque

où les mots « Europe », « religion », « science »,

« industrie » n’avaient pas le même sens

qu’aujourd’hui et basculaient vers une modernité

nouvelle par la volonté d’un princeévêque

et de l’entourage qu’il s’était choisi.

Tous les domaines du savoir sont convoqués

à un débat qui ouvre la porte aux Temps

modernes, entre les fulgurances visionnaires

d’un prince et la tradition d’une Renaissance

finissante. Ernest, à la fois ancré dans les

certitudes du passé et acteur d’un avenir que

les esprits les plus éclairés commencent à

apercevoir, illustre l’ambigüité d’une époque

qui se cherche.

Une Europe nouvelle est en train de

naître, souvent dans la douleur, et nous en

sommes les héritiers.

> A été publié à l’occasion de l’exposition

Ernest de Bavière : Robert Halleux et

Geneviève Xhayet (études réunies par),

Ernest de Bavière. L’automne flamboyant

de la Renaissance entre Meuse et Rhin,

Éditions Brepols, 2011 (40 e).

> Catalogue disponible en versions française,

espagnole ou allemande : Frénésie

vénitienne. Le verre espagnol à la façon de

Venise, Verlag J. H. Roll, 2011 (25 e)

> Un numéro hors série de « Liège•museum »

sert de catalogue synthétique et trilingue

aux deux expositions (2 e).

À partir de 1550, malgré les menaces d’emprisonnement

et même de mort proférées à leur

encontre s’ils s’expatrient, certains verriers

de Murano émigrent en Espagne et apportent

un nouveau souffle aux productions des

artisans espagnols. Ils ne se contentent pas

de produire des verres « à la façon de Venise »,

mais parviennent à se démarquer de leurs

maîtres par une interprétation originale de

l’ornementation et par la création de nouvelles

formes.

L’exposition s’articule

autour des trois régions les

plus actives dans le domaine

du verre : la Catalogne,

l’Andalousie et la Castille.

Ernest de Bavière possède un observatoire remarquablement

équipé. Il acquiert deux lunettes de

Galilée. Lors d’un séjour à Prague en 1610, il en

prête une à Kepler, qui n’en possédait pas, et c’est

grâce à cette lunette que l’astronome peut vérifier

les observations de Galilée sur les satellites de

Jupiter. Par ailleurs, il finance la publication de

sa Dioptrique, qui lui est dédiée.

Liège•museum

bu letin des musées de la Vi le de Liège hors série 11-2011

Image de fond : Galilée, Sidereus nuncius, 1610

© Bibliothèque Ulysse-Capitaine, Ville de Liège

Anneau astronomique, 1572, ø 28,5 cm

© Instituto e Museo di Storia della Scienza, Florence

Ci-contre : reconstitutions 3D de Christophorus Clavius

et Ernest de Bavière par Ronald Dagonnier, 2011

Modélisation des visages 3D : Kevin Lederman

Liège•museum

hors série, novembre 2011

1

Aiguière en forme de lion, Catalogne, fin xvi e siècle.

Coll. privée. Photo IRPA.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

26

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

27


Rétrospective

Dieudonné Jacobs (1887-1967)

Musée d’Ansembourg

Jusqu’au 5 février 2012

Dieudonné Jacobs est né à Montegnée le

10 juin 1887. Issus d’une famille modeste,

les trois frères Jacobs réussirent tous de

brillantes carrières dans le milieu artistique.

Dieudonné devint peintre, un des « maîtres

de Wallonie », l’aîné Joseph comédien tragédien

et Isidore musicien de haute réputation,

professeur au Conservatoire de Toulon et

premier violon à l’Opéra. Dieudonné fut, très

jeune, élève d’Adrien de Witte, d’Auguste

Donnay et d’Évariste Carpentier, des maîtres

parfaits qui lui transmirent autant le goût du

dessin que celui de la « pâte » qui donne tant

de relief à ses toiles les plus emportées.

Disciple de Monet (dont il fit le portrait),

Dieudonné Jacobs accorde une importance

primordiale à la lumière. Il est considéré

comme un des meilleurs peintres post-impressionnistes

de la réputée École liégeoise. Il fut

rapidement envoûté pas les grands paysages

des Fagnes qu’il parcourut dans tous les sens,

chevalet sur l’épaule, avec ses amis parmi

lesquels Albert Bonjean dont il fut très proche,

comme en attestent les dédicaces du poète

sur certains documents exposés.

Jacobs obtint une bourse de la Fondation

Lambert-Darchis et partit plusieurs fois en

Italie, notamment à Rome où il peignit pour le

Vatican des œuvres intéressantes toujours

conservées dans la Galerie vaticane. Il réalisa

le portrait du Pape Pie XI. Parmi les souvenirs

du peintre, l’exposition présente, à côté de

sa Légion d’honneur, une médaille que lui

offrit Pie XI.

Pendant la guerre de 1914, prisonnier à

la bataille de Liège, il s’évade et rejoint son

régiment. Il est réformé et se rend dans le

Midi de la France près de son frère Isidore.

Il y rencontre sa future épouse, une Toulonnaise

âgée de 18 ans, et s’installe à la Garde.

Elle apparaît en filigrane dans tous ses portraits

de femme.

On retrouve des toiles de Dieudonné

Jacobs dans de nombreux musées européens

– à Paris (Beaubourg), Rome (Musée national

d’Art moderne), Lyon (Palais municipal),

Liège (BAL), Toulon, Spa… –, dans diverses

églises et dans les collections royales (Reine

Élisabeth, Princesse Marie-Josée, Prince de

Ligne, etc.).

L’art est une interprétation de la nature

passée par un tempérament

et qui doit émouvoir ou vous charmer…

Je peins la belle nature en toute

sincérité, communiant avec elle,

et me trouvant si peu de chose devant

Sa grandeur

et Sa beauté.

Regards sur la pauvreté des femmes

dans le cadre de la Journée internationale

de la Femme et de « Mars diversités »

Musée d’Ansembourg

Du 2 mars au 1 er avril 2012

Christophe Smets (photographe) et Céline

Gautier (journaliste) donnent à découvrir 25

portraits de femmes confrontées à la pauvreté.

Chaque portrait est accompagné de l’image

d’un objet choisi par la personne photographiée

et d’un texte évoquant ses rêves, ses

envies, les choses qui lui tiennent à cœur.

Loin d’un misérabilisme ou sensationnalisme

déplacé, les portraits sont empreints de

beaucoup de dignité et de pudeur, décrivant

avec une sensibilité tout en retenue une

réalité ténue, perceptible à quelques détails

infimes. L’exposition propose des rencontres

pleines d’humanité grâce à une photographie

sociale, engagée et militante.

Ce projet de la Boîte à Images a bénéficié

du soutien du Fonds pour le journalisme en

Fédération Wallonie-Bruxelles.

Expositions temporaires

Pascal Tassini

MADMusée, boulevard d’Avroy

Jusqu’au 25 février 2012

Pascal Tassini est une personnalité phare des

ateliers artistiques du Créahm à Liège. Artiste

aux multiples facettes, il y développe depuis

une quinzaine d’années un univers cohérent

et sensible au travers de peintures, écritures,

modelages, assemblages et créations textiles.

L’ensemble de son œuvre est condensée,

dans l’espace des ateliers, sous la forme d’une

phénoménale installation à l’aspect organique

et tentaculaire (la Cabane), faite

essentiellement de tissus noués.

Depuis 2006, Pascal Tassini

s’immerge totalement et de

manière remarquée dans le travail

textile, élaborant principalement

autour du thème du

mariage de multiples coiffes

baroques et tenues de noces.

L’exposition de cette

œuvre surprenante – littéralement

extravagante – s’accompagne

d’un catalogue monographique

richement illustré.

Exposition ouverte du lundi

au vendredi de 10 à 17 h,

le samedi de 14 à 17 h.

Fermée le dimanche.

Indifférence

Grand Curtius, salle du MADmusée

Jusqu’au 6 mai 2012

Dans le cadre de son programme d’invitation

d’intervenants extérieurs à poser un autre

regard sur sa collection (cf. p. 43), le

MADmusée propose dans cette exposition

une sélection d’œuvres opérée par le directeur

des musées de la Ville de Liège.

L’exposition se présente comme une

réserve ouverte au public. Elle évoluera au

gré des inspirations de son commissaire : de

manière régulière, une œuvre sera puisée de

cette réserve et intégrée dans le circuit du

Grand Curtius.

Parmi les œuvres montrées, citons celles

de Umberto Ammannati (I), Guido Boni (I),

Véronique Bovet (CH), Terry Bowden (ÉUA),

Isabelle Denayer (B), Pierre De Peet (B),

Brigitte Jadot (B), Massimi Mano (I), Linette

Ricker (B), Manuela Sagona (I) et Félicienne

Vanhove (B).

Dieudonné Jacobs

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

28

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

29


Pauline Bovy

Conservatrice, musées de Liège

Détachée au Cabinet de la Culture

Toussaint Renson (Liège, 1898 - 1986)

Dessinateur, affichiste, mais aussi peintre du Travail

Toussaint Renson a toujours refusé d’exposer

ses œuvres peintes, s’interdisant de « commercialiser

son art ». Elles se dévoilent aujourd’hui

grâce à la persévérance de son fils Pierre, qui

a conservé les tableaux dans l’atelier de la rue

de Campine, et qui a participé activement à

l’exposition proposée chez Dexia. C’est lui

aussi qui se cache derrière les expositions à la

galerie Wittert de l’Université de Liège en

2000 et à la galerie de la gare de Chaudfontaine

en 2006. En 2005, Pierre Renson offre à la

Ville de Liège des œuvres de son père : trois

huiles sur panneau, Dans les rues de Paris

(AW2705), L’absente (AW 2706), L’accordéoniste

(AW 2707) et 28 esquisses de paysages, huiles

sur carton collées et rassemblées sur un panneau

(AW 2704).

Né de parents ouvriers, Toussaint Renson grandit

dans le quartier d’Outremeuse et fréquente

l’école des Artisans de la Ville de Liège, qu’il

quitte à l’âge de 16 ans, au décès de sa mère.

« Les premières peintures qu’il a réalisées, raconte

Pierre, datent de 1914 pour des parents

qui souhaitaient avoir un portrait de leur fils

prisonnier en Allemagne ». À 21 ans, il entre à

l’Académie des Beaux-Arts de Liège où il est

admis directement en troisième année. Il y reçoit

l’enseignement des frères Émile et Oscar

Berchmans, Adrien de Witte et Jacques Sacré

et il obtient de nombreux prix.

L’année 1925 marque un tournant décisif

dans sa vie : il se fiance à Marguerite Havasse-

Populaire (Liège, 1888-1978, veuve de Louis

Populaire) et est choisi pour représenter la classe

d’Émile Berchmans à l’Exposition des Arts décoratifs

et industriels modernes de Paris : il reçoit

la médaille d’or pour sa peinture La métallurgie.

Celle qui deviendra la mère de son fils Pierre

(né en 1928), Marguerite Havasse, est elle

aussi choisie pour participer à l’Exposition à

Paris, où elle représente la classe d’Oscar

Berchmans avec une œuvre intitulée La croix

(maquette d’un monument). La métallurgie,

grand panneau décoratif, est présenté dans le

pavillon belge réalisé par Horta, à côté de travaux

d’élèves des Académies d’Anvers, Gand

et Mons, retraçant des scènes relatives à l’industrie

caractéristique de chacune des quatre villes.

Cette œuvre représente des ouvriers en plein

effort, tirant des barres d’acier rougi. L’influence

de son professeur Émile Berchmans se

ressent, tant dans la gamme des coloris que

dans le sens de la composition, la sobriété et

la justesse de ton. Les déboires que rencontre

cette œuvre importante, exposée trop longtemps

dans la cage d’escalier d’une école,

illustrent malheureusement les dangers de certaines

mises en dépôt. Aujourd’hui, elle a retrouvé

ses qualités grâce à la restauration réalisée

par Audrey Jeghers.

Après un bref passage comme dessinateur à

l’Imprimerie Bénard, Toussaint Renson est engagé

en 1926 à l’imprimerie de l’Union Coopérative

et y travaillera pendant près de quarante

ans comme lithographe, affichiste et dessinateur

publicitaire. À côté de brochures, calendriers,

cartes de vœux, vignettes, étiquettes, il

réalise sur plaque de zinc et pierre des affiches

de cinéma ou de théâtre pour le Gymnase. Il

est aussi l’auteur de caricatures politiques pour

les journaux engagés : « Volonté » et « Le Monde

du travail ».

Membre du Cercle royal des Beaux-Arts de

Liège, Renson enseigne à l’Académie royale

des Beaux-Arts de Liège de 1945 à 1963, au

Groupement des Arts d’Ougrée-Sclessin et

est titulaire des cours de dessin et de peinture

à la section artistique de l’École de la Ville de

Liège. Pensionné, il continue à accompagner

sur le terrain et à conseiller, à leur demande,

un groupe fidèle d’élèves adultes. •

Exposition à l’Espace Dexia Sud, Liège

- Avenue Maurice-Destenay (entrée libre)

- Jusqu’au 28 janvier 2012

- Du lundi au vendredi, de 9 à 18 h

Les peintures exposées à la galerie Dexia,

accessibles pour la première fois au public,

témoignent des grandes qualités de dessinateur

de Toussaint Renson. Dans les portraits,

natures mortes, paysages ardennais, scènes

liégeoises et parisiennes, se glisse souvent

un détail humoristique. Le trait est vif et

spontané ; l’influence de Richard Heintz,

Armand Jamar et surtout celle de son maître

Émile Berchmans est nettement perceptible.

Restauration de La Métallurgie

Cette œuvre a figuré à l’Exposition des Arts

décoratifs de Paris en 1925 et est entrée dans

les collections de la Ville de Liège après la

mort de l’artiste. Mise en dépôt, elle a subi

des agressions qui ont causé de nombreux

dégâts irréversibles. À la suite de son retour

au musée, le traitement de conservation-restauration

a été entrepris dans le cadre de l’exposition

organisée en partenariat avec Dexia.

La technique employée par l’artiste rendait

délicat le traitement de cette œuvre : réalisée

sur une toile épaisse sur laquelle la peinture à

l’huile a été directement appliquée, sans couche

d’apprêt intermédiaire, de façon spontanée et

rapide. Certaines zones de toile sont laissées

à nu volontairement afin d’utiliser le ton brun

de la toile comme élément de la gamme chromatique.

L’artiste joue sur les contrastes des

ombres et des lumières créées par le feu de la

fonderie. Chaque forme est soulignée d’un trait

noir très graphique.

Cette technique brute a plusieurs conséquences

esthétiques sur la matière : d’une part,

la trame de la toile est très présente, accrochant

la lumière dans les reliefs ; d’autre part,

l’aspect de surface est très mat car aucun

vernis de protection n’a été appliqué. Les choix

posés au cours du traitement ont été guidés

par ces particularités.

Au cours du temps, une épaisse couche

de salissure s’était accrochée à la surface picturale,

modifiant les tonalités chromatiques et ternissant

considérablement la composition. Le

nettoyage a permis de retrouver la clarté du

dessin et des contrastes chromatiques.

Il a fallu agir sur les dégâts causés au support

mais également sur des graffitis qui couvraient

la signature du peintre. Dans un premier

temps, les déchirures de la toile ont été consolidées

et les lacunes du support comblées par

des incrustations de toile similaire à celle d’origine.

Nous avons ensuite procédé à la réintégration

chromatique de ces lacunes qui créaient

des interruptions de la composition. Cette

étape qui consiste à imiter la matière picturale

environnante afin de rétablir la continuité visuelle

a sollicité notre créativité. Tout en respectant

les règles élémentaires de stabilité et de réversibilité

des matériaux, divers médias peu ordinaires

tels que le pastel sec, la fibre de toile ou

le crayon de couleur ont permis d’approcher

au mieux l’aspect de surface de l’œuvre.

Cette méthode de retouche utilisant le pastel

sec a également aidé à remédier au problème

des graffitis : les méthodes de nettoyage traditionnelles

ne pouvaient éliminer des écritures

au marqueur. Ces traces avaient pénétré au

sein même de la matière et il était impossible

de les solubiliser sans risquer d’endommager

l’œuvre. Nous les avons atténuées et ensuite

masquées par la retouche.

Le traitement de restauration qui était motivé

par une demande de prêt a permis de veiller à

la bonne conservation de ce tableau, pièce

importante de l’histoire de la peinture industrielle

liégeoise.

Audrey Jeghers

Conservatrice-restauratrice

Musées de Liège

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

30

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

31


Annie Grzeskowiak

Directrice

Le Musée de la Vie wallonne

D’un musée du folklore à un musée de société

Face à l’évolution de la société et de l’approche muséale, les autorités provinciales

lancent un grand projet de rénovation tant architectural que muséal. Le Musée organise

un colloque international en 2001 dont le thème « Des collections pour dialoguer.

Musée, identité, modernité » a apporté des pistes de réflexions pour la conception du

nouveau parcours. Pour accompagner les équipes scientifiques, est constitué un comité

rassemblant des professionnels du secteur, caution scientifique à la rénovation. Il définit

le Musée de la Vie wallonne rénové comme un musée « ouvert au public le plus large,

qui expose la vie en Wallonie dans toutes ses dimensions, avec un regard ethnographique

actualisé ; son champ d’action s’étend principalement à l’ensemble de la

Wallonie et son intérêt se porte jusqu’aux dernières années du 20 e siècle »

(Réflexions sur la nature d’un musée d’ethnographie. Conseil scientifique de la rénovation du Musée de la Vie wallonne).

Le 12 septembre 2008, après quatre années de chantier, est inauguré le Musée de

la Vie wallonne, musée d’ethnographie et de société.

- Sa mission première reste la conservation, la préservation et le développement de

la collection permanente, composée d’objets et de documents évoquant l’évolution

de la société wallonne. Mais le développement d’actions protectrices et éducatives

en faveur du patrimoine immatériel régional devient un axe prioritaire.

- La médiation culturelle, qui permet la rencontre, propose des interfaces, facilite les

échanges et les interactions, accorde au sein du Musée une place importante à

l’esprit critique. En mettant en relation étroite les collections avec le public, c’est

un lieu d’apprentissage culturel répondant aux attentes de tous les types de public

(scolaire, touristique, spécialisé, défavorisé…). Il s’engage dans des débats publics

liés au changement de la société, en établissant un dialogue interculturel et intergénérationnel.

Il devient un lieu public d’échanges et d’appropriation.

L’idée qu’il faut sauver de l’oubli et de la destruction les témoins du passé populaire

conduit à la création du « premier Musée ethnographique » du Vieux-Liège en 1894,

en soi une exposition temporaire, dans les locaux abandonnés de l’Académie des

Beaux-Arts. En décembre 1912 une association de fait, subventionnée par la Ville

de Liège, l’État et la Province, est créée par des militants wallons comme Joseph-

Maurice Remouchamps, Jean Haust et Henri Simon. Le 18 mars 1913, les statuts

du Musée de la Vie wallonne sont adoptés. Le Musée aura pour objectif de constituer

un conservatoire des arts et traditions populaires, des us et des coutumes, des métiers

et des techniques wallonnes.

Les dates qui ont marqué

l’histoire du musée

• 1924 : édition du premier fascicule du Bulletin des

enquêtes ethnographiques, dont l’objectif est de préserver

les témoignages oraux ou écrits des traditions

wallonnes et de récolter de la documentation aussi

complète que possible sur la vie des Wallons d’autrefois

et d’aujourd’hui. Dans son premier tome, les

responsables de la Fondation définissent le rôle du

musée en ces termes :

«… Le Musée groupera donc tous les documents qui

se rapporteront aux Wallons et à leur vie. Il est fondé

sur le principe du régionalisme le plus étendu, et son

champ d’action embrasse la Wallonie entière. Ses

collections permettront de reconstituer, dans tout ce

qu’elle a de particulier, la vie de nos ancêtres ; de

même qu’elles conserveront à nos descendants l’image

fidèle de nos mœurs actuelles… » (Bulletin des enquêtes

du Musée de la Vie wallonne, Liège, 1927, t. 1, p. 4-5).

• 1925 : grâce à l’intervention de la Ville de Liège, le

Musée de la Vie wallonne intègre des dépendances

de la Maison Curtius, en Féronstrée.

• 1930 : inauguration des premières salles publiques.

Les gestionnaires du Musée procèdent à l’accroissement

des collections, sauvant de la destruction nombre

d’objets du quotidien.

• 1931 : ouverture du Théâtre de marionnettes au

Musée pour sauvegarder cette tradition.

• 1955 : création du service éducatif.

• 1962 : le Ministre des Travaux publics, J.-J. Merlot,

décide la rénovation du couvent des Frères mineurs,

Cour des Mineurs à Liège, destiné à accueillir le Musée

de la Vie wallonne, à l’étroit dans ses locaux.

• 1971 : inauguration des premières salles d’exposition.

Les collections sont présentées selon les principes

de muséographie de Georges-Henri Rivière.

• 1979 : signature d’une convention entre la Ville de

Liège et l’Établissement d’Utilité publique « Musée

de la Vie wallonne ». La Ville, qui devient propriétaire

de la moitié des collections, met à disposition les

locaux et le personnel agréé.

• 1992 : signature d’une convention entre la Province

de Liège, qui devient gestionnaire du Musée et de

ses collections, la Ville de Liège et l’Établissement

d’Utilité publique « Musée de la Vie wallonne ».

• 2008 : avenant à la convention qui proroge la convention

jusqu’en 2042.

Musée de la Vie wallonne

Cour des mineurs

Tél. +32 (0)4 237 90 50

www.viewallonne.be, info@viewallonne.be

- Le Musée de la Vie wallonne entreprend également des recherches et études sur

la vie des gens et des traditions en Wallonie aux 19 e et 20 e siècles, tout en menant

une réflexion sur l’évolution de la société de notre époque. En 2013, année du centenaire

de l’institution, il organisera un colloque international sur les musées d’ethnographie

au 21 e siècle, en collaboration avec l’Université de Liège et l’asbl « Musées

et Société en Wallonie ». En octobre 2011, a eu lieu une journée de réflexion sur

le thème « Exposition permanente. Entre continuité et renouvellement » : la volonté

du Musée de la Vie wallonne est aussi de s’inscrire dans un principe d’échanges et

de travail commun entre les institutions muséales locales, régionales et internationales.

La mémoire humaine est marquée par les évolutions de l’histoire. Elle constitue la

richesse d’une société et lui permet de mieux appréhender le présent et l’avenir. Dans

cette connaissance du passé, le Musée de la Vie wallonne joue un rôle primordial

mais, en s’ouvrant à aujourd’hui et à demain, il adopte un regard contemporain sur

la société.

Musée de la Vie wallonne, le cloître, 2009.

Découverte du Musée, 2009.

© Province de Liège – Musée de la Vie wallonne

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

32

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

33


Le centre de documentation du Musée est un vecteur-clé dans la mission de diffusion

des collections. Documents, archives et informations scientifiques produits et

acquis par le Musée y sont mis à la disposition des étudiants et de tous les chercheurs,

spécialisés ou non. Il constitue aussi l’intermédiaire vers les divers départements.

Les archives générales

Elles comptent plus de 100 000 documents

de type traditionnel, sur supports papier ou assimilés.

Datant, pour la plupart, des 19 e et 20 e

siècles, ils présentent une grande variété de

genres (affiches, cartes postales, chromos, tirés

à part, images, photographies, publicités, etc.),

de techniques (dessins, estampes, imprimés,

manuscrits, etc.) et de formats.

Les archives multimédias

Ce département comprend les photographies

avec négatifs, les archives filmées ainsi que les

documents sonores, sur tous types de supports

anciens et contemporains. La photothèque contient

à ce jour plus de 1 million de négatifs et la

cinémathèque plus de 440 films, vidéos et DVD

sur tous les thèmes relatifs à la Vie en Wallonie.

La collection d’objets

Entreprise depuis le début du 20 e siècle, la

collecte ininterrompue de pièces a permis de

constituer une collection riche de quelque

100 000 objets datés de la fin du 18 e siècle à

nos jours. Parfois luxueux,

souvent modestes et

usuels ou encore

fragiles, voire éphémères,

ces objets

témoignent de tous

les aspects de la vie

en Wallonie.

Outre le travail sur les collections, chaque responsable

assure également la formation de stagiaires,

élèves d’écoles supérieures ou de l’Université

de Liège, dans des secteur comme la

restauration d’œuvres d’art, l’archivistique ou

la muséologie.

Centre de documentation

Court Chamart (cour arrière du Musée)

Tél. +32 (0)4 237 90 73

documentation@viewallonne.be

La bibliothèque du Musée

Particulièrement spécialisée dans le domaine

de l’ethnographie, la bibliothèque aborde toutes

les matières étudiées par l’Institution. Elle conserve

des ouvrages et périodiques anciens, récents

ou de référence, dont certains rares et

précieux.

La Bibliothèque des Dialectes de Wallonie

La BDW est une section spécialisée du Musée.

Elle réunit le fonds d’archives et de livres de la

Société de Langue et de Littérature wallonnes

et les collections du Fonds des dialectes wallons,

cette dernière cédée à la Province par la

Ville de Liège en 2005.

Le Fonds d’Histoire du Mouvement wallon

Créé en 1949 et ouvert au public en 1956, le

FHMW intègre le Musée de la Vie wallonne en

2004. Il met à la disposition du public une bibliothèque

de plus de 18 000 livres et brochures,

consacrés aux différents aspects de la question

wallonne et des débats suscités par l’éveil des

nationalités, ainsi qu’un ensemble d’archives

provenant de militants wallons, d’organismes

économiques, d’associations culturelles, d’institutions

publiques.

Le théâtre de marionnettes

Le Musée de la Vie wallonne est le conservatoire

des arts et traditions populaires.

C’est donc tout naturellement qu’il perpétue

la tradition du théâtre de marionnettes

traditionnelles liégeoises en proposant,

dans son théâtre reconstitué, des spectacles

dans la plus pure tradition. La collection

est riche de 600 spécimens datés

du 19 e au 20 e siècle. Son intérêt se porte

aussi sur des récits inspirés de contes et

féeries ou des créations plus contemporaines.

Des séances publiques sont proposées

les mercredis à 14 h 30 et les dimanches

à 10 h 30. Sur réservation, des séances

privées peuvent être organisées.

Depuis 2010, des spectacles destinés à

un public adulte sont donnés chaque 3 e

jeudi du mois de la saison à 20 h.

Programme complet sur le site

www.viewallonne.be


De gauche à droite

Stoumont, les Fonds de Quarreux,

photographie de Kepenne, 1900.

Boudinière servant à la fabrication des saucisses et boudins.

Corne de vache. 19 e siècle. Premier objet entré en collection.

Le Marché de Liège. Terre cuite de Léopold Harzé, 1859.

Joseph Ficarotta, montreur au théâtre de marionnettes

du Musée, 2009.

© Province de Liège – Musée de la Vie wallonne

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

34

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

35


Pascal Lefèbvre

Administrateur délégué

Directeur de la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie

Maison de la Métallurgie et de l’Industrie

de Liège

Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège

17, boulevard Raymond-Poincaré, 4020 Liège

+32 (0)4 342 65 63

www.mmil.be, ino@mmil.be

Dans le quartier du Longdoz, une ancienne usine est devenue un musée et accueille

le visiteur curieux de technologies et d’industries : la Maison de la Métallurgie et de

l’Industrie de Liège. Ses bâtiments témoignent de l’intense activité industrielle qui a

régné dans le quartier.

Elle est en effet installée dans une usine à fer-blanc construite à partir de

1847 par les frères Dothée. Elle sera absorbée en 1862 par son principal fournisseur,

la Société des Charbonnages et Hauts-fourneaux de l’Espérance, située à Seraing,

qui deviendra en 1877 la SA Métallurgique d’Espérance-Longdoz. Celle-ci gagnera

une réputation internationale pour la qualité de ses tôles fines laminées à chaud et

établira son siège social dans le quartier du Longdoz.

L’austère façade du musée est dominée par le bâtiment d’origine, à deux

niveaux. Il a été rapidement complété par de nombreux halls horizontaux, surmontés

de toitures en sheds, plus adaptés aux équipements lourds qui ont permis de passer

du stade artisanal au stade industriel. L’entreprise couvre bientôt tout un secteur du

quartier que la gare du Longdoz desservait depuis 1851.

Enserrée dans la ville, l’usine ne pourra pas être modernisée après la deuxième

guerre mondiale : en 1957, on y arrête le laminage à chaud, pour ne conserver que

quelques activités de finition qui se poursuivront après la fusion avec Cockerill en

1970, avant de cesser définitivement en 1985.

Abandonné, le site devient bientôt un chancre, une cicatrice du déclin industriel,

avant d’être métamorphosé en une cathédrale du commerce, la Médiacité, et

un temple de l’audiovisuel, Médiarive. Derniers vestiges des Tôleries du Longdoz,

les bâtiments de la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège constituent un

patrimoine immobilier qui conserve la mémoire industrielle du quartier.

Créé au début des années soixante par Espérance-Longdoz, le Musée du Fer et du

Charbon s’est transformé en 1990 en Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de

Liège, sous l’égide de la Ville de Liège, de l’Université de Liège, du Musée de la Vie

wallonne et d’entreprises métallurgiques de la région liégeoise.

Centre de culture technique et industrielle, le musée est consacré à la valorisation

du patrimoine mobilier et à la diffusion des connaissances technologiques.

Sur 3 000 m², dans dix salles consacrées à la métallurgie, aux énergies motrices et

à l’informatique, l’histoire et la technique se complètent et proposent une réflexion

sur la société d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Les machines, les outils et les maquettes

dialoguent avec les documents, les œuvres d’art et les produits de la vie

quotidienne pour illustrer les mutations de notre société.

Le parcours de la métallurgie commence avec la sidérurgie wallonne du xvii e siècle,

autour du plus vieux haut-fourneau du pays (1693), provenant de Gon rieux-lez-

Couvin. À l’étage, un pont conduit au gueulard, par lequel on enfournait les matières

premières.

Un marteau hydraulique ou « maka » de 1700 ou le plus vieux laminoir à fer

conservé (1816) rappellent l’importance de l’énergie hydraulique à une époque caractérisée

aussi par le minerai local et le charbon de bois.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

36

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

37


Les reliques de John Cockerill (1790-1840) sont présentées dans une salle

qui explique les révolutions du xix e siècle : le remplacement du charbon de bois par

le coke, la naissance de grands groupes sidérurgiques et l’apparition de l’acier industriel.

Dans la salle des métaux non ferreux, la baignoire de voyage en zinc que

Dony aurait offerte à Napoléon raconte les débuts de l’aventure industrielle internationale

du zinc. Celle-ci est née à Liège, grâce à l’invention de Dony, qui avait obtenu

de l’Empereur la concession de la mine de La Calamine. Créée en 1806, son usine

du quartier Saint-Léonard est aux sources de la célèbre société Vieille-Montagne.

La dernière étape de cet itinéraire explore l’univers de la sidérurgie contemporaine.

Avec des photographies des Métallos de Thierry Dricot et d’impressionnants

objets tels un coil ou une lingotière de quinze tonnes, des panneaux didactiques

expliquent toutes les étapes de la fabrication de l’acier dans les usines du bassin

liégeois d’aujourd’hui.

La maquette de la machine de Marly, construite par Renkin Sualem en 1685

pour irriguer les jardins de Versailles, introduit le parcours des énergies au temps des

maîtres de l’eau et des moulins. La spectaculaire machine à vapeur d’Ambresin,

datant de 1840, impose la puissance de la première révolution industrielle, dominée

par le charbon. Tout autour, des modèles réduits anciens sont exposés comme de

véritables bijoux de mécaniciens. Celui que Clément Leruitte fabriqua en 1857 est

désormais protégé comme trésor de notre patrimoine mobilier.

Avec son réverbère à gaz liégeois du milieu du xix e siècle, avec ses moteurs

à explosion des années 1890 ou la voiture victorieuse des 24 heures de Francorchamps

en 1998, la salle du gaz et du pétrole explique l’exploitation des hydrocarbures et

retrace l’histoire de leur utilisation.

Zénobe Gramme est la vedette de la salle consacrée à l’électricité. Le prototype

de sa dynamo tétrapolaire (1871), inscrite dans la liste des pièces majeures de

notre Communauté, marque le point de départ de la révolution électrique. Autour de

lui se déroule le fil de l’histoire, depuis la pile de Volta jusqu’aux centrales d’aujourd’hui.

C’est un autre trésor technologique, la tabulatrice d’Hollerith (1889), qui introduit la

salle de l’informatique. Conçue pour automatiser le recensement américain à l’aide

de cartes perforées, elle utilisait déjà le principe binaire de nos PC. De la mécanographie

aux premiers portables, les générations d’ordinateurs se succèdent, de même

que leurs applications, comme les robots, les jeux électroniques ou Internet. Même

la mémoire a une histoire, depuis le carton jusqu’aux clés USB.

En plus de ses murs, en plus de ses innombrables objets, le musée souhaite s’enrichir

d’un autre patrimoine en collectant les témoignages de ceux qui, à tous niveaux,

ont participé à cette aventure. Leurs mémoires apporteront une nouvelle dimension

aux collections.

À la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège, le patrimoine immobilier, le

patrimoine mobilier – qu’il soit prestigieux ou plus modeste – et le patrimoine immatériel

témoignent d’une technique et d’une industrie en perpétuelle mutation, mais

bien ancrées dans notre histoire collective et dans notre culture. •

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

38

Joël Tiberghien

Musées de Liège

80 e anniversaire de la mort du violoniste Eugène Ysaÿe

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

39

Eugène Ysaÿe est né à Liège le 16 juillet 1858.

Après une enfance difficile, il est remarqué par

le violoniste Henri Vieuxtemps et devient son

élève tant à Liège qu’à Paris. Son talent est

indéniable et il se fait connaître en 1879 au

Konzerthaus de Berlin où il joue avec les plus

grands musiciens du moment. En 1881, il entame

une tournée aux quatre coins du monde et est

reconnu comme virtuose. De 1886 à 1898, il

est professeur au Conservatoire de Bruxelles.

Il constitue avec son ami Mathieu Crickboom

le fameux Quatuor à cordes. Il est aussi le créateur

de nombreuses œuvres d’autres compositeurs,

tels que César Franck. De 1918 à 1922,

il est le Chef de l’Orchestre de Cincinnati aux

États-Unis d’Amérique. Interprète exceptionnel,

Ysaÿe est aussi compositeur et est l’auteur

d’œuvres comme Les Six sonates, Les Poèmes

élégiaques ou encore d’un opéra en wallon :

Pier li Houyeu.

À Bruxelles, dans une maison de l’avenue

Bruggman, Eugène Ysaÿe meurt dans la nuit

du 12 mai 1931, à l’âge de 73 ans. La Belgique

perd un des plus grands violonistes de tous

les temps. Durant trois jours, son corps est

exposé dans une chapelle ardente dressée

dans la maison du défunt. La reine Élisabeth

vient rendre un dernier hommage à son maître

de chapelle. Eugène Ysaÿe était en effet aussi

son professeur et une profonde amitié les

unissait. Ils sont à la base de la création de ce

qui allait devenir en 1937 le Concours international

de violon Eugène Ysaÿe puis en 1951

« Concours Reine Élisabeth ». Les funérailles

nationales ont lieu le 17 mai en présence de

sa famille, de nombreuses personnalités et

d’une foule d’admirateurs. L’inhumation a lieu

au cimetière d’Ixelles.

Lors de son décès, il est procédé au prélèvement

de son cœur et de son cerveau, qui

seront transportés à Liège. La reconstitution

du studio Eugène Ysaÿe se trouve au Grand

Curtius, tel qu’il se présentait dans son appartement

bruxellois. Outre le magnifique piano

Pleyel, la bibliothèque et de nombreux objets

personnels, on peut y admirer l’urne contenant

le cœur du Maître, œuvre réalisée par le sculpteur

liégeois Louis Dupont (1896-1967).

Lorsqu’Eugène Ysaÿe était au Conservatoire

royal de musique de Liège, Théodore

Radoux, alors directeur, eut ces mots : « Les

oiseaux chantent, Ysaÿe joue du violon ». Depuis

la mort du virtuose, de nombreux violonistes

dans le monde n’ont cessé d’interpréter ses

œuvres. Ainsi, ce violoniste liégeois d’exception

n’est jamais tombé dans l’oubli et je terminerai

avec ces mots : « Les oiseaux chantent, on

entend toujours la musique d’Ysaÿe ». •


Monique Smal

Bibliothèque Ulysse-Capitaine

Marcel Thiry

L’œuvre et l’homme, le prix littéraire

L’homme de tous les possibles, tel est Marcel

Thiry : une silhouette à reconstituer. Étudiant,

soldat, plaideur, négociant, académicien, militant,

parlementaire, poète, romancier, marginal,

on le retiendra essentiellement comme

peaufineur de mots. Son univers, c’est la vie,

la vie est sa poésie, elle contient tous ses thèmes

de prédilection : le temps, la guerre, les voyages,

les femmes, la couleur, l’eau (mer et neige), la

modernité (vitesse, sciences) et même le commerce

!

Celui qui avait dérobé l’odeur du monde

On l’avait mis aux fers

avec d’autres méchants ;

Or, à son banc, mal dépossédé

de ses blondes,

Il faisait marcher la galère avec son chant.

(Statue de la fatigue, 1934)

Tranches de vie

Charleroi, ville de sa naissance (1897), ne l’a gardé

qu’un an. Ce fut Liège ensuite, elle restera SA

ville.

• 1915 : très jeune adulte, Marcel Thiry quitte

prématurément l’athénée afin de rejoindre son

frère Oscar dans l’armée belge. Ils seront affectés

au corps expéditionnaire des auto-canons

belges qui partira pour le front russe. Le retour,

mouvementé, se fera par le transsibérien et

l’Amérique ; la Russie, en pleine guerre civile

(Révolution d’Octobre, 1917), ayant perdu son

statut de pays allié.

Au lendemain de ces événements paraîtra un

« carnet de campagne » écrit à deux mains et

relatant leurs impressions personnelles, Soldats

belges à l’armée russe : récit de campagne d’une

auto blindée belge en Galicie 1 . Cette région, partagée

aujourd’hui entre la Pologne et l’Ukraine,

fut le théâtre des affrontements entre russes

et autrichiens décrits par les deux frères.

Environ 50 ans plus tard, Marcel Thiry réécrit

une chronique de ces événements. Le recul historique

est là, mais il ne fait pas œuvre d’historien,

seulement de portraitiste, donc de « croqueur

». Et cela n’a rien de triste ! Mais ressemble

à une grande aventure initiatique, jeunesse et

gaieté l’emportant sur le fléau et la tragédie.

Cet ouvrage a pour titre Le tour du monde en

guerre des auto-canons belges 2 . Cette expédition

restera une constante source d’inspiration

pour l’écrivain.

Il épouse en 1920 Marguerite Kemna, fille de

son professeur de sciences à l’athénée. Lise,

future virologue de talent, naîtra en 1921, sa

sœur Perrine en 1924. En 1938, naissance de

Jean-Pierre, fils de son autre grand amour,

May Gérard.

• 1924 : entrée en poésie, avec son recueil le

plus célèbre, Toi qui pâlis au nom de Vancouver.

Il est cependant indissociable des deux autres

publiés à la même époque : Plongeantes proues

(1925, prix Verhaeren 1926), et L’enfant prodigue

(1927). Ils sont liés par la même inspiration : nostalgie

du voyage, odeurs de l’enfance, découverte

des femmes.

Statue de la fatigue (1934) est son premier chef

d’œuvre. L’écriture s’est affermie, l’inspiration

s’élargit et plonge dans le quotidien qu’elle vivifie

et dont elle note les avances dans la modernité.

Deux éditions de luxe ont existé, l’une avec

une lithographie d’Auguste Mambour, l’autre

avec frontispice de George Minne.

Le prix triennal de poésie (Communauté française

de Belgique) récompense l’originalité de

ce recueil en 1935.

• 1936 : le conteur se révèle. Avec Marchands,

Marcel Thiry publie ses premiers récits courts,

intercalés de poèmes. Ils sont inspirés de son

expérience professionnelle. Il a en effet repris

le commerce de bois de son père à la mort de

celui-ci, après avoir plaidé quelques années

comme avocat.

La guerre : Marcel Thiry s’engage dans la Résistance

et écrit des poèmes sous le pseudonyme

d’Alain de Meuse. Paul Éluard, qui l’a repéré,

lui propose en 1944 de les éditer dans une

collection appelée L’honneur des poètes. C’est

ainsi qu’entrent en Belgique les Éditions de

Minuit.

Il a publié entretemps un pamphlet, Hitler n’est

pas jeune, mise en garde contre les manipulations

du nazisme, à combattre à tout prix, car

il n’est que ruse et calcul pour mieux soumettre

autrui, sous prétexte de neutralité ou « paix

blanche ».

Il est élu en 1939 à l’Académie royale de langue

et de littérature françaises de Belgique. Il y sera

reçu en 1946 seulement, en raison de la guerre.

Il en sera le secrétaire perpétuel de 1960 à

1972.

Le temps, cette obsession si créatrice !

• 1945 : le récit Échec au temps est une uchronie,

c’est-à-dire une reconstitution historique d’événements

fictifs. La trame de cette histoire est

la réhabilitation d’un être qui provoque la défaite

anglaise de Waterloo…

• 1955 : trois longs regrets du lis des champs.

Ce recueil a été publié grâce à l’amitié concertée

d’Alexis Curvers et de Marie Delcourt, sur

la presse à bras d’Alexis Curvers, à l’enseigne

de la Flûte enchantée. À citer : Anabase platane,

un des poèmes du recueil. Quelle histoire ! les

platanes du Midi décident de monter vers le

Nord pour nous montrer l’art de vivre « en lenteur

»…

1. Liège, Company, 1919.

2. Bruxelles, De Rache,

1965. André De Rache

est considéré comme

l’éditeur principal de

Marcel Thiry.

• 1960 : Nouvelles du grand possible, l’œuvre

en prose la plus connue de Marcel Thiry. Deux

des meilleurs textes du recueil sont Concerto

pour Anne Queur (paru séparément en 1949 )

et Distance (paru aussi dans la revue « Audace »).

Dans la nouvelle Distance, un père nie pendant

trois jours la mort de sa fille, car il reçoit toujours

son courrier de vacances, posté peu avant

le décès de la jeune femme. Il y a du fantastique

dans tout cela.

• 1966 : Non dum jam non, le meilleur roman

de Marcel Thiry. Son titre correspond à une

expression latine impossible à traduire et qui

signifie « Pas encore, déjà plus », thématique

chère au cœur de Marcel Thiry. L’histoire racontée

est une histoire d’amour. Son héroïne

est Fête, femme aimée et perdue, car morte

trop tôt. Parmi les grands moments du récit,

nous épinglerons un dîner de tempête à Ostende,

en amoureux.

• 1972 : L’ego des neiges, un des derniers recueils

de poésies de Marcel Thiry : à noter

dans ce recueil la partie Altaï, poésie qui exprime

le détachement, parle de mémoire et d’« altisolitude

», celle du grand âge.

Engagement politique

Marcel Thiry invite à voter en 1968 pour le Rassemblement

wallon, nouveau parti politique.

L’écrivain a pour but de défendre la Wallonie

et la langue française. Il prônait déjà le fédéralisme,

« seule solution réaliste devant l’hégémonie

flamande galopante », dans une lettre de 1960

aux jeunes wallons. Il sera élu sénateur de Liège

et restera au Parlement jusqu’en 1974.

Il sera choisi comme représentant parlementaire

à l’ONU et assistera à plusieurs sessions

et débats, dont ceux concernant l’admission

de la Chine. Il présidera en 1974 une session

du Parlement à Strasbourg.

À « quatre fois vingt ans », il est terrassé

par une hémorragie cérébrale et meurt quelques

mois plus tard.

Rappelez-vous : son univers, c’est la vie, la vie

est sa poésie !

Le ciel, tu as le temps, le train part à quatorze,

Impossible à dire avec son gris et son rose,

Saint-Michel par dessus les toits

qui prend la pose

Et le premier néon l’humain listel du ciel.

(Vie poésie, 1961)

Aujourd’hui, une anthologie vient de paraître,

en format de poche, aux Éditions de la Table

ronde, sous le titre Tous les grands ports ont

des jardins Zoologiques.

Le prix Marcel Thiry

Il existe, depuis onze ans, un prix littéraire à

Liège : le connaissez-vous ?

À Liège, il existait (et existe toujours) dans

le domaine littéraire un prix biennal de littérature

wallonne, mais rien d’autre, jusqu’en 2000

où la Ville de Liège crée le prix « Marcel Thiry »,

à l’initiative de l’Échevinat de la Culture. Par

cette démarche, elle a voulu répondre à une

double opportunité ; celle d’honorer au mieux

la mémoire d’un grand écrivain wallon ; celle de

créer à Liège un prix littéraire ouvert à toute la

francophonie, ce qui n’existait pas encore.

Il est né de la conjonction de deux événements

: une importante donation (livres, manuscrits

et documents divers) faite à la Bibliothèque

Ulysse-Capitaine (histoire locale et régionale,

patrimoine) par les enfants de Marcel Thiry et

une somme d’argent léguée aux bibliothèques

de la Ville par un particulier, Maurice Hardy.

Le Conseil communal, sur proposition de

l’Échevin de la Culture, décida qu’un montant

de 2 500 e serait attribué tous les ans à un

lauréat et en alternance, une année poésie, une

année roman et recueil de nouvelles. C’est unique

en Wallonie.

• Le prix récompense un « écrit » récent, et

non l’œuvre d’une vie.

• Un jury de 12 personnes provenant du monde

littéraire et de ses milieux est désigné, approuvé

par le Conseil communal.

• Les grandes lignes du règlement :

- écrire en langue française,

- soumettre au jury une œuvre, éditée au

préalable,

- respecter l’alternance roman et nouvelles,

poésie.

Depuis son lancement, le prix Marcel Thiry a

récompensé plusieurs lauréats.

- 2001 : William Cliff pour L’État belge,

poésie (la Table ronde).

- 2002 : Xavier Hanotte pour Derrière la

colline », roman (Belfond).

- 2003 : Rossano Rosi pour Approximativement,

poésie (Le Fram).

- 2004 : André Adamek pour La grande nuit,

roman (La renaissance du livre).

- 2005 : Karel Logist pour J’arrive à la mer,

poésie (Éd. de la Différence).

- 2006 : Eva Kavian pour Le rôle de Bart,

roman (Castor astral).

- 2007 : Serge Delaive pour Les Jours,

poésie (Éd. de la Différence).

- 2008 : Bernard Quiriny pour Les contes

carnivores [avant le prix Rossel], nouvelles

(Seuil).

- 2009 : Laurent Demoulin pour Trop tard,

poésie (Tétras Lyre).

- 2010 : Corinne Hoex pour Décidément je

t’assassine, roman (Les Impressions

Nouvelles).

- 2011 : Jean-Claude Pirotte, pour Autres

séjours (Le temps qu’il fait). Son premier

recueil avait été publié à Liège en 1963

(Georges Thone) et avait reçu les encouragements

de Marcel Thiry. •

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

40

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

41


Monique Smal

Bibliothèque Ulysse-Capitaine

Musées de Liège

L’Émulation et les artistes

Toujours en action malgré les travaux

MADmusée

Une nouvelle relation avec les musées de la Ville de Liège

Depuis sa fondation en 1779, la promotion des artistes et des gens de lettres et de

sciences fait partie des statuts de la Société libre d’Émulation. À partir de 1986,

sa Maison Renaissance, nichée dans la courette Magnette, a vu se déployer aux

cimaises mais aussi au cœur de vitrines le talent protéiforme de peintres, dessinateurs,

sculpteurs, graveurs, photographes, relieurs, créateurs de papiers, éditeurs, designeurs,

tandems d’architectes et d’écrivains, collectionneurs, …

Michel & Julien Barzin, Marie-France Bonmariage, Max Carnevale, Edgard Claes, Kikie Crêvecœur,

Pascal Damuseau - Jean-Luc Deru, Armand Danze, Rose-Marie Dath, Ian Hamilton Finlay,

Nic Joosen, Bernard François - Michel Mousset, Florence Fréson, Philippe Herbet,

Jean-Luc Herman, Anne-Marie Klenes, Costa Lefkochir, Anne Leloup, Anne Liebhaberg,

Benjamin Monti, Maria Pace, Mireille Poulet, Véronique Van Mol - Manu Dundic, Denis Verkeyn,

Francis Vloebergs, Graziella Vruna, Thierry Wesel, Léon Wuidar - Werner Cuvelier, …

Au cours des vingt dernières années, des collaborations se sont mises en place avec

la Ville de Liège : expositions avec le Cabinet des Estampes et des Dessins (« Louis

Jou », « Femmes-graveurs du xx e siècle. Livres et estampes », « Anna Mark ») ou représentation

de la Ville au sein de notre section des Beaux-Arts et du jury des concours artistiques.

En 2009, était mis sur pied le concours art-récup’ destiné aux jeunes plasticiens (de

moins de 30 ans et désormais 40). En 2011, il était consacré au papier. Parmi les dix

finalistes (Cathy Alvarez Valle, Laurent Berbach, Alexia Creusen, Nolwenn de Couesnongle,

Isabelle Francis, Françoise Hardy, Françoise Hottois, Benjamin Monti, Charles-Henry Sommelette

et Graziella Vruna) dont les œuvres étaient exposées à la Maison Renaissance, le jury

a choisi le 9 novembre la lauréate, Alexia Creusen, à qui a été attribué le Prix 2011

de l’Émulation, d’un montant de 2 000 e, en partie sponsorisé par Dexia.

En 2012 seront présentées des pièces tout en finesse de Kathleen Vossen,

des images de l’Amérique profonde telle que la perçoit Michel Beine (dans le cadre

de « BIP 2012 Only you only me »), des vues sélectionnées à l’occasion du concours

de photographie amateur « Connaître et aimer Liège » (organisé par la section Architecture

de l’Émulation). Ensuite, ce sera le tour de Tatiana Klejniak (qui fut aussi invitée,

il y a quelques mois, à l’espace Jeunes Artistes du BAL), puis une participation à la

Biennale du design et, pour clôturer l’année, des naufrages singuliers de Thomas Urban.

Une chose semble maintenant claire : nos artistes et visiteurs devront s’accommoder

de conditions d’accès à la Maison Renaissance quelque peu chambardées, puisque

la courette Magnette et le Cercle royal des Beaux-Arts sont en chantier, pour la

création d’une issue de secours de la salle de spectacles du futur Théâtre de la Place

au 20-Août. Mais le jeu en vaut assurément la chandelle.


Société libre d’Émulation asbl

5 et 9, rue Charles Magnette, 4000 Liège. Tél. : +32 (0)4 223 60 19

www.emulation-liege.be

- Anne-Françoise Lemaire, coordination, soc.emulation@swing.be

- Gauthier Simon, communication, emulation.liege@skynet.be

La Maison Renaissance de l’Émulation, partie

subsistante - et classée - de l’ancien couvent

des Sœurs de Hasque (début xvii e siècle),

accueille des expositions d’art contemporain

dans un espace historique.

Lors du vernissage du 14 septembre dernier,

présentation de son exposition « Petite Fleur »

(dixit Sidney Bechet) par Jean-Georges Massart.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

42

Le « Musée d’Art différencié », émanant

des ateliers du Créahm, est devenu

MADmusée, un musée à part entière

reconnu par la Fédération Wallonie-

Bruxelles, incontournable dans le

paysage culturel liégeois.

Œuvrant à la diffusion, à la sensibilisation

et à l’étude des productions d’artistes

handicapés mentaux actifs en ateliers,

le MADmusée donne la parole à l’art

outsider et aux formes d’expression

hors normes. Ses collections conservent

des peintures, sculptures, dessins ou

estampes ainsi que des créations textiles,

des installations, écrits, films et archives

en lien avec l’art outsider. De portée

internationale, la collection du MADmusée

compte aujourd’hui quelque 2 000 œuvres.

Salvatore Pirchio, Sans titre, avant 2010

Encre et crayon noir sur papier, 23,2 x 25 cm.

1. Exposition « IN-OUT » : Salle Saint-Georges du Musée de

l’Art Wallon du 12 septembre au 2 novembre 2008.

2. Le siège du MADmusée est situé dans l’ancien Trinkhall,

au cœur du parc d’Avroy. La salle d’exposition permanente,

au sous-sol du bâtiment, a été inondée à de nombreuses

reprises. Pour résoudre ce problème, l’immeuble va être

rénové par le bureau d’architectes Beguin-Massart.

3. Exposition « Se non è vero, è bello. Opere di artisti italiani della

collezione MadMusée » du 27 novembre 2010 au 13 février

2011 au Grand Curtius (salle d’exposition du MADmusée).

4. « Klasse voor leraren » est un périodique mensuel édité

par le Ministère de l’enseignement en Flandre. Les professeurs

affiliés bénéficient de certains avantages, dont des

voyages organisés où ils peuvent emmener leur famille.

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

43

La collaboration entre les musées de la Ville et le MADmusée n’est pas neuve. Déjà

en 2008, la salle Saint-Georges accueillait l’exposition « IN-OUT » 1 qui proposait,

par un jeu de liaisons et de proximités, de réunir autour de la collection du MADmusée

des œuvres provenant de collections artistiques belges et étrangères, dont celles

des collections communales liégeoises.

Depuis 2007, la collection du MADmusée ne peut plus être exposée au sein

du bâtiment du parc d’Avroy 2 . Provisoirement, le Grand Curtius l’héberge en partie.

Cette solution temporaire, se limitant à la mise à disposition d’un espace, a permis

au MADmusée de continuer à rendre visible sa collection au gré d’expositions

thématiques.

Avec le changement concomitant de la direction du MADmusée et de celle

des musées de la Ville de Liège, a germé une volonté commune de donner un sens

plus riche à cette collaboration, une nouvelle dynamique d’échanges. Cette nouvelle

approche repense la présence du MADmusée au sein des musées de la Ville (Grand

Curtius, BAL, Ansembourg) : ce n’est plus un lieu clos dédié au MADmusée qui sera

proposé aux visiteurs, mais véritablement une rencontre entre les collections.

En effet, à la suite d’une première expérience du MADmusée avec le curateur italien

Gustavo Giacosa 3 , le musée invite des intervenants extérieurs à poser un regard neuf

sur sa collection : ceux-ci sont libres de l’interpréter avec leurs propres références

afin de proposer une sélection d’œuvres sous un nouveau point de vue. Le directeur

des musées de la Ville de Liège s’est prêté au jeu : cf. p. 28, exposition « Indifférence

».

Cette dimension de partenariat réel entre les deux musées va d’ailleurs plus

loin. Depuis cette rentrée scolaire, les services éducatifs des deux institutions travaillent

ensemble à la construction de leurs activités pédagogiques. Ils proposent dorénavant

aux visiteurs une structure commune de médiation dans les musées de la Ville de

Liège et au MADmusée : deux équipes mais une seule vision pédagogique clarifiant

le discours vers le public (écoles ou groupes de visiteurs) ; des animations « à la

carte » adaptables dans l’ensemble des musées concernés.

Et, comme pour « signer » cette collaboration étroite, les musées de la Ville

de Liège et le MADmusée ont reçu en décembre plus de 600 enseignants néerlandophones

à l’occasion d’un week-end « Stadt met Klasse ». Cette initiative, impliquant

également le magazine « Klasse voor leraren » 4 et l’Office du tourisme de Liège, a

pour objectif de montrer aux enseignants du nord du pays le potentiel pédagogique

de la ville et de ses musées.

Tisser des liens, se nourrir des expériences, communiquer ensemble mais surtout

dialoguer sont les clés d’une ouverture de nos musées vers le monde. Non plus repliés

sur eux-mêmes, les musées ont pour mission de regarder au-delà de leurs murs.

Ouverts sur la ville, ouverts sur le monde, ils unissent aujourd’hui leurs efforts vers

des actions concrètes, élargissant l’offre proposée au public. Plus d’ouverture pour

plus de « services », c’est dans cette même direction que regardent les musées de

la Ville de Liège et le MADmusée.


Au temps du Roi-Soleil

Retour momentané de La Conversion de saint Paul

Pendant six mois, la toile est exposée dans le fond de la cathédrale, sous la tour, là

où les amateurs d’art peuvent venir admirer ce tableau qui se caractérise par un

beau baroque « liégeois », non dénué d’une certaine retenue malgré la profusion de

couleurs et le caractère résolument dramatique de la scène. Mais au-delà de la

peinture proprement dite, ce qui frappe également le visiteur lorsqu’il regarde vers

l’abside, c’est cette extraordinaire reproduction – sur une toile de plus de 15 m de

hauteur – du maître-autel baroque tel qu’il avait été érigé au xvii e siècle pour recevoir

l’œuvre. En effet, grâce à un cliché de l’autel, aujourd’hui installé dans l’église Notre-

Dame de l’Assomption à Seraing, près du pont, il a été possible de recréer virtuellement

ce à quoi pouvait ressembler le chœur de l’actuelle cathédrale jusqu’à l’aménagement

de ce dernier en style néogothique à partir de 1864.

À l’occasion du retour de cette pièce majeure, le Trésor de la cathédrale de Liège

organise un ensemble d’activités centrées sur le xvii e siècle et sur le règne du Roi-

Soleil. Grâce au concours de partenaires publics et privés – dont le château de

Versailles et la Ville de Liège entre autres –, ce sont des pièces d’exception qui sont

exposées dans la cathédrale, dans le cloître et dans le Trésor. La scénographie a été

entièrement repensée pour l’événement, sans exclure les pièces majeures des autres

siècles qui restent visibles tout au long du parcours (reliquaire de Charles le Téméraire,

suaires de saint Lambert, buste-reliquaire de saint Lambert, etc.). Les thèmes abordés

sont, entre autres, l’orfèvrerie, la musique baroque, la guerre, la gravure, l’art de la table,

l’industrie du marbre, la peinture, les textiles précieux, mais aussi la vie quotidienne

dans la cité de Liège grâce à des images virtuelles en 3D réalisées par l’asbl HistArt

qui, quant à elles, sont présentées dans l’aile est du cloître.

D’emblée, le visiteur est accueilli par un beau portrait de Louis XIV, œuvre du

peintre angevin Jean Ernou réalisée pour la Chambre du palais des commerçants

d’Angers en 1679. Le Roi, assis, porte un large manteau doublé d’hermine et semé

de lis de France. De la main droite, il tient le sceptre royal et la couronne du royaume

est posée à côté de lui. Cette peinture a été aimablement prêtée par le Tribunal de

commerce d’Angers, à l’intervention de M. Guy Massin-Le Goff, Conservateur des

Antiquités et Objets d’Art de Maine-et-Loire, par ailleurs Président de l’association

internationale sans but lucratif « Europae Thesauri » dont le siège social est situé au

Trésor de la Cathédrale de Liège.

Le thème de la guerre est illustré grâce à deux belles épées de cour, issues d’une

collection privée, dont l’une, datée des environs de 1690, est en argent massif partiellement

doré. À cela s’ajoutent un beau pistolet à silex sur une monture en noyer rehaussée

de fines ciselures sur fer et deux arbalètes prêtées par la Compagnie royale des

anciens Arbalétriers visétois. La première arbalète date du xvii e siècle et se caractérise

par un demi-canon en bois qui recouvre la rainure où glisse la flèche. La seconde,

beaucoup plus luxueuse, est faite d’un bois fruitier richement décoré d’incrustations

en os représentant des motifs floraux ou animaux, tel ce petit écureuil et des noisettes.

Un ensemble de gravures, toutes issues du fonds de l’ancienne abbaye du

Val-Dieu, aujourd’hui conservé au Trésor de la cathédrale, permet à la fois d’aller à

Julien Maquet

Conservateur délégué,

Trésor de la Cathédrale de Liège

Depuis le 14 juillet, et jusqu’au 25

janvier 2012, La conversion de saint

Paul, œuvre insigne du peintre liégeois

Bertholet Flémal († 1675), a repris sa

place dans la cathédrale Saint-Paul de

Liège où elle se trouvait jusqu’à la fin de

l’Ancien Régime. La grande toile, haute

de 4,63 m, avait été emmenée à Paris

par les révolutionnaires français, avant

d’être déplacée en 1812 au Musée des

Augustins de Toulouse, où elle est

aujourd’hui conservée.

Exposition accessible tous les jours

sauf lundis, de 13 à 17 h.

Visite guidée conférence tous les jours à 15 h.

Informations : +32 (0)4 232 61 32,

www.expo-roi-soleil.tresordeliege.be

la rencontre des grands personnages de l’histoire de France, comme Richelieu,

Mazarin ou Jansénius, mais aussi de souligner le faste de l’aménagement du château

de Versailles. Un petit film permet également de (re)découvrir ce prodigieux édifice

tout entier consacré à la célébration du Roi-Soleil et de son gouvernement.

À l’étage, sous un médaillon en plomb représentant Louis XIV en uniforme de général

romain, ce sont quelques éléments de la vie quotidienne au sens large qui ponctuent

la visite. Ainsi, un élégant manteau de cheminée décore la pièce. Il provient du

château de Cheratte dont le commanditaire est le premier seigneur de la localité en

1643 : Gilles de Saroléa. Ses armoiries somment le meuble qui se caractérise par un

baroque retenu tant dans le décor des boiseries que dans l’élégant paysage peint

au-dessus du foyer.

Quelques objets usuels du xvii e siècle d’excellente facture, pour la plupart

issus de collections privées, peuvent être admirés : de beaux verres à la façon de

Venise, un petit porte-braises en argent servant de chauffe-plat, un bol à bouillon en

argent, un broc en serpentine, deux chandeliers et un chrismatoire en argent. Une

section est également réservée à la présentation des plus beaux échantillons de marbres

noirs et colorés de Wallonie, lesquels ont servi, entre autres, à décorer les plus beaux

salons du château de Versailles et bien d’autres demeures prestigieuses en France

et ailleurs.

Au deuxième étage sont présentés différentes œuvres de Bertholet Flémal

– dont L’adoration des Mages où il se serait représenté lui-même –, ainsi que, fait

rare dans l’histoire de la peinture, trois dessins préparatoires de la Conversion de

saint Paul, prêtés par le Cabinet des Estampes de la Ville de Liège, et une esquisse

peinte de cette même peinture, aujourd’hui au BAL. Quatre peintures de François

Francken, dit le Rubénien, ponctuent également le parcours dans cette salle, et

montrent le contraste entre peinture liégeoise et anversoise.

Enfin, dans le fond de l’aile ouest du cloître, ainsi qu’à d’autres endroits de la

visite, sont exposés quelques-uns des plus beaux exemples de tissus liturgiques datant

du xvii e siècle qui sont conservés dans les riches collections de textiles du Trésor.

Outre cette exposition, un ensemble d’activités ont également été mises sur pied

pour compléter cet aperçu consacré au xii e siècle. Un cycle de treize conférences,

prononcées en soirée par les meilleurs spécialistes des sujets traités (Bruno Demoulin,

Pierre-Yves Kairis, Jean-Patrick Duchesne, Freddy Joris, Pierre Colman, Francis

Tourneur, Robert Halleux, Luc Engen, Jean-Louis Dumortier, Pierre Somville, etc.),

permettra de jeter un regard neuf sur ce siècle-charnière à plus d’un titre.

La musique est également mise à l’honneur avec les concerts donnés quotidiennement

dans le cloître par Serge Schoonbroodt, organiste de réputation internationale,

qui joue les œuvres de grands maîtres du Grand Siècle sur un merveilleux

petit orgue portatif de la Maison Schumacher. L’ensemble « Les demoiselles de

Port-Royal » a donné un concert baroque essentiellement centré sur cet autre grand

personnage du règne de Louis XIV, Henri Du Mont, compositeur liégeois, mais qui

fut maître de chapelle du Roi.

Enfin, durant la période scolaire, différentes activités pédagogiques destinées

aux classes de l’enseignement primaire et secondaire permettent de partir à la

découverte du Grand Siècle de manière ludique et instructive.

Bref, cette exposition est une belle occasion pour chacun, grand ou petit, de se

plonger dans une époque fascinante dont l’importance, tant sur les plans intellectuel,

technique et artistique, mérite d’être soulignée, à la charnière entre la Renaissance

et le Siècle des Lumières, sans pour autant occulter les malheurs des populations

avec toute la rigueur de l’histoire.


Liège•museum

n° 3, décembre 2011

44

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

45


Philippe Joris

Conservateur du départements des armes,

Grand Curtius

Le curieux pistolet Dardick

Acquisition du département des armes du Grand Curtius

Cette année, les collections se sont enrichies d’un oiseau rare : un pistolet système

Dardick, modèle 1500, de calibre .38. Il est accompagné d’une monture permettant

sa transformation en carabine, de son coffret d’origine en carton bleu ciel et de 100

cartouches, conditionnées en boîtes de 20. L’arme porte la marque de la Dardick

Corporation de Camden, Connecticut (ÉUA) et le numéro de série 1019. La finition

est noire ; les plaquettes de crosse en plastique de teinte violacée portent le monogramme

DC. En théorie, le pistolet était fourni avec deux canons, l’un de calibre .38,

l’autre de calibre .22. Ce dernier fait ici défaut ; l’exemple n’est pas unique.

Cette pièce peu commune, à l’esthétique toute relative, n’est vraiment ni un

revolver, ni un pistolet semi-automatique, même s’il possède comme l’un un dispositif

d’alimentation rotatif et comme l’autre un magasin (fixe) de 15 cartouches dans

la crosse.

L’originalité du Dardick tient à son adoption du principe de la chambre ouverte.

La partie rotative interne comporte 3 cavités longitudinales de section triangulaire, à

côtés arrondis et ouvertes vers l’extérieur. En pressant la détente, ce cylindre mobile

assure le transport de la cartouche, sa présentation devant le canon et le percuteur

pour le tir puis l’éjection de l’étui vide. Cette configuration particulière permet d’introduire

les munitions par le côté et même, prétendait Dardick, de recharger l’arme

pendant le tir.

Autre particularité, liée à la première : David Dardick dut mettre au point une

munition spéciale susceptible d’épouser la forme particulière des chambres et de

participer sans déformation à l’étanchéité de l’arme lors du tir. Cette cartouche

unique, de section triangulaire à flancs convexes elle aussi, fut

baptisée « tround » (contraction de « triangular round ») par son inventeur.

L’étui pouvait être fabriqué en métal ou, le plus souvent, en un polymère

à haute résistance, le « Celanese Fortiflex ». Cette douille rechargeable

pouvait simplement être le réceptacle d’une cartouche ordinaire ou, comme

une munition classique, renfermer projectile, charge de poudre et un culot

métallique contenant l’amorce.

David Dardick aurait conçu l’idée de cette arme en 1949 ; le premier brevet date

apparemment de 1955, amendé fin 1958. Trop originale sans doute, l’arme ne rencontra

pas le succès escompté, d’autant que la munition était coûteuse et difficilement

disponible. Les rares sources ne s’accordent pas sur le nombre de pistolets fabriqués,

entre 40 et 55. La production cessa définitivement en 1962, les stocks de

Dardick ayant été entretemps acquis par la firme Numrich Arms. Numrich Gun Parts

Corporation commercialise encore aujourd’hui des pièces de pistolet Dardick.

Il s’agit donc là d’une acquisition de premier plan pour une collection essentiellement

tournée, depuis ses origines, vers la technique armurière.


Liège•museum

n° 3, décembre 2011

46

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

47


musée des beaux-arts de Liège

Le Grand Curtius

Musée d’Ansembourg

Musée des beaux-arts

Fonts baptismaux

Office du tourisme

Musée de la Vie wallone

Gare de Liège-Palais

Archéoforum

Liège• museum

n° 3, décembre 2011

Opéra

Théâtre de la Place

Musée Grétry

Galerie Wittert, Université de Liège

Trésor de la cathédrale

Musée Tchantchès

Maison de la Science, Aquarium

Les musées de la Ville de Liège

museum@liege.be

Le Grand Curtius

136, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 68 40.

Du mercredi au lundi, de 10 à 18 h.

Conservatoire

Musée d’Ansembourg

114, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 94 02.

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.

BAL, musée des beaux-arts

86, rue Féronstrée / +32 (0)4 221 92 31.

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 18 h.

Musée Grétry

34, rue des Récollets / +32 (0)4 343 16 10.

Fermé pour rénovation.

MADmusée

Musée d’art moderne et d’art contemporain Maison de la Métallurgie et de l’Industrie

+ Cabinet des estampes et des dessins

3, parc de la Boverie / +32 (0)4 342 39 23.

Du mardi au samedi de 13 à 18 h, dimanche de 11 à 16 h 30.

Musée des Transports en commun du pays de Liège

Musée d’art moderne et d’art contemporain

Cabinet des estampes et des dessins

Gare de Liège-Guillemins

Musée en plein Air, Sart Tilman, Université de Liège

Liège•museum

n° 3, décembre 2011

48

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!