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<strong>FR</strong>ANCE<br />
MAI <strong>2020</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
LA<br />
PROCHAINE<br />
VAGUE<br />
JUSTINE DUPONT a surfé<br />
une falaise d’eau de plus de<br />
20 mètres, mais pourquoi<br />
s’en contenter ?<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec
MANY PATHS. ONE TRAIL.<br />
MQM FLEX 2<br />
MERRELL.COM<br />
@MERRELLEU
Éditorial<br />
ELLE L’A DIT…<br />
ELLE L’A FAIT !<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
« Je veux dominer la plus grosse vague jamais<br />
surfée par une fille et être championne du monde<br />
de longboard. » Ces propos sont tirés de <strong>The</strong> <strong>Red</strong><br />
<strong>Bulletin</strong> de septembre 2013 et le talent qui s’exprime<br />
alors est Justine Dupont, la surfeuse en<br />
Une de l’édition de ce mois de mai. Ce que Justine<br />
annonçait à l’époque, elle l’a réalisé depuis, en<br />
devenant l’une des surfeuses les plus audacieuses<br />
sur les grosses vagues, et une waterwoman accomplie.<br />
Depuis 2013, nous avons régulièrement soutenu<br />
Justine dans le magazine, et ce n’est pas près<br />
de s’arrêter, car malgré cette ascension jusqu’aux<br />
sommets du big wave riding, l’athlète n’est pas<br />
rassasiée : elle veut surfer encore plus gros, et renforcer<br />
l’aspect sécurité de sa discipline, dans ce<br />
fameux spot de Nazaré qui l’a vue monter en puissance.<br />
Vous le savez à présent, si la Française vous<br />
annonce des choses dans cette nouvelle interview,<br />
on risque de s’en reparler dans quelques marées.<br />
TOM WARD<br />
« Ma rencontre avec le Team<br />
Rubicon a mis en perspective<br />
ma vie de journaliste. Ces<br />
hommes et ces femmes<br />
mettent leur vie sur pause<br />
pour aider les personnes dans<br />
les environnements les plus<br />
dangereux et les plus défavorisés,<br />
la plupart du temps sur la<br />
base du volontariat. » Éditeur<br />
et écrivain basé à Brighton, UK,<br />
Tom Ward écrit sur l’aventure<br />
et ceux qui innovent pour aider<br />
les autres. Lisez-le page 70.<br />
Le futur du surf de gros, c’est de suite !<br />
Votre Rédaction<br />
Moment méditatif à Nazaré pour le photographe<br />
londonien Rick Guest et Justine Dupont.<br />
RICK GUEST<br />
« Justine est incroyablement<br />
courageuse mais en même<br />
temps prudente, elle est forte<br />
mais vulnérable, belle mais<br />
sans prétention. La voir surfer,<br />
c’est voir l’esprit humain dans<br />
sa forme la plus pure. » Rick<br />
Guest est spécialisé dans<br />
la photographie de performances<br />
d’élite qui constituent<br />
un moyen d’expression et<br />
d’épanouissement pour les<br />
athlètes. Il développe sa vision<br />
de Justine Dupont en page 24.<br />
RICK GUEST (COUVERTURE)<br />
4 THE RED BULLETIN
CONTENUS<br />
mai <strong>2020</strong><br />
24 Toujours plus gros<br />
Comment Justine Dupont est<br />
parvenue à surfer les plus<br />
grosses vagues du monde<br />
34 L’autre hard<br />
Pyramides et transcendance<br />
spirituelle sur fond de metal<br />
48 La voie du rookie<br />
Ce que peut vous apprendre un<br />
ex-jeune pilote entré dans l’élite<br />
52 Alter égaux<br />
Ils oublient leurs heures sombres<br />
dans l’immensité de l’extrême<br />
62 L’aidante de la mer<br />
Sauver les requins, ça peut être<br />
impliquer ceux qui les tuaient<br />
70 Experts du chaos<br />
Les forces spéciales de l’espoir<br />
48<br />
Qu’auriez-vous fait à<br />
13 ou 17 ans sur un tel<br />
engin de compétition ?<br />
8 Galerie : 3 preuves que la nature<br />
reste le plus beau terrain de jeu<br />
14 Un hôtel dans l’espace designé<br />
par Starck ? Va falloir allonger…<br />
16 Ce qu’apportent à Julia Virat ses<br />
nuits passées à flanc de falaise<br />
18 L’Exolung : pour respirer sous<br />
l’eau sans s’encombrer<br />
19 Elly Jackson (de La Roux) et sa<br />
musique pour tourner la page<br />
20 Cours Forrest ! Cours ! Sauf que<br />
c’est Rob Pope, pas Tom Hanks<br />
22 Cette course auto vers la Sibérie<br />
orientale avec des épaves est<br />
annoncée comme débile<br />
81 Courir, nager, courir, nager,<br />
courir… bienvenue dans une<br />
course hardcore : Ötillö !<br />
86 Fitness : découvrez le dispositif<br />
de récupération par compression<br />
pneumatique<br />
87 Matos : équipez-vous bien,<br />
filmez- vous et projetez le tout…<br />
91 Défis : faites comme Colin<br />
O’Brady, procédez par étapes !<br />
92 Gaming : les bienfaits de votre<br />
petit jeu – vite fait – sur mobile !<br />
93 Une pompe de running conçue<br />
d’après vos coups de mou<br />
94 Reste-t-il un événement dans<br />
notre calendrier du mois ?<br />
96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
98 Il était une fois dans l’Ouest...<br />
52<br />
Comment le projet Icarus<br />
a réuni des hommes aussi<br />
semblables que différents.<br />
GOLD & GOOSE/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES, PERRIN JAMES<br />
6 THE RED BULLETIN
62<br />
Madison Stewart aime<br />
les requins dans l’eau,<br />
pas dans son assiette.<br />
THE RED BULLETIN 7
PIOTREK DESKA/RED BULL ILLUME<br />
MIRÓW, POLOGNE<br />
Le roi de<br />
l’incruste<br />
« Dans mes clichés, j’essaie de montrer<br />
plus qu’un athlète en action. Le rôle d’un<br />
photographe, c’est de saisir l’instant, et<br />
pour cela, la fenêtre temporelle est très<br />
brève. C’est pourquoi il est essentiel<br />
de donner à voir plus que l’évidence,<br />
raconte le Polonais Piotrek Deska.<br />
À chaque fois que je prends une photo,<br />
j’imagine comment elle rendrait en<br />
grand format sur un mur. » En immortalisant<br />
le Jura cracovien, dans le sud de<br />
la Pologne, reconnaissable à ses cuestas<br />
de calcaire et ses ruines médiévales,<br />
Deska pensait faire un beau paysage.<br />
C’était sans compter l’apparition de<br />
Wojciech Kujawski sur la falaise d’en<br />
face. « Les éléments du puzzle se sont<br />
assemblés comme par magie : le paysage<br />
était sublime, le timing idéal (juste<br />
avant le coucher du soleil), avec ce<br />
grimpeur qui venait parfaire la composition.<br />
Ma nature morte est devenue une<br />
photo d’aventure. » piotrekdeska.com<br />
9
JASPER, CANADA<br />
Bonjour<br />
Randy !<br />
Les cyclistes ont beau s’acharner<br />
à s’entraîner sur toutes les pistes afin<br />
d’être encore plus affûtés pour se la<br />
donner avec leurs potes, il reste des<br />
obstacles du genre infranchissable,<br />
même pour les meilleurs. Lors de<br />
ce reportage dans le parc national<br />
de Jasper où les sentiers abondent,<br />
le photographe canadien Bruno Long<br />
et ses amis ont croisé sur leur route<br />
ce majestueux élan. Ils n’ont eu<br />
d’autre choix que d’attendre que ce<br />
dernier regagne les bois. « À notre<br />
retour, nous avons relaté notre rencontre<br />
à un ami qui travaille pour le<br />
parc. “Vous avez fait connaissance<br />
avec Randy ! s’est-il exclamé en riant.<br />
Ici, le roi c’est lui !” »<br />
Instagram : @eye_b_long
BRUNO LONG/RED BULL ILLUME<br />
11
LE CAP,<br />
A<strong>FR</strong>IQUE DU SUD<br />
Un peu à<br />
l’écart<br />
L’été, des kitesurfeurs du monde<br />
entier affluent au Cap, attirés par<br />
le mix idéal de vent et de vagues<br />
de la région. Spectateur privilégié<br />
pendant de nombreuses années,<br />
le photographe néerlandais Ydwer<br />
van der Heide cherche une nouvelle<br />
perspective avec l’aide de son<br />
compatriote et kitesurfeur Kevin<br />
Langeree. Sa quête aboutit à ce<br />
bassin de marée juste à l’extérieur<br />
de la ville, à l’abri des vagues qui<br />
fouettent sur les rochers environnants<br />
: le spot parfait pour échapper<br />
à la foule.<br />
Instagram : @ydwer
YDWER VAN DER HEIDE/RED BULL ILLUME<br />
13
L’intérieur est un cocon aux murs<br />
matelassés constellés de LEDs.<br />
AXIOM SPACE<br />
Chambre avec vue<br />
Le tour de la Terre, seize fois par jour : bienvenue au sein du premier hôtel<br />
de l’espace… Si vous n’aviez pas trouvé quoi faire de vos millions sur terre.<br />
Le farfelu designer Philippe<br />
Starck est un habitué des projets<br />
branchés (intérieur des<br />
appartements de Mitterrand<br />
à l’Élysée au début des années<br />
80 ou la conception du yacht<br />
Venus de Steve Jobs) mais<br />
aucun n’est aussi insolite que<br />
le dernier en date : un « hôtel »<br />
relié à la Station spatiale internationale.<br />
Dans le cadre de la<br />
privatisation de cette dernière<br />
arrivée en fin de vie, la NASA<br />
a choisi Axiom Space, une<br />
start-up de Houston, pour<br />
développer trois modules<br />
qui s’amarreront à l’ISS. Le<br />
L’horizon du segment Axiom, sans limites : vous avez dit vue mer ?<br />
« segment Axiom » comprendra<br />
un environnement de recherche<br />
et de fabrication en microgravité,<br />
un dôme d’observation<br />
avec une vue spectaculaire de<br />
la Terre à 360 ° et un module<br />
d’habitation. C’est dans ce dernier<br />
qu’intervient l’esthétisme<br />
de Starck. L’intérieur capitonné<br />
avec un matériau semblable au<br />
daim est décrit comme « un nid<br />
en forme d’œuf moelleux et<br />
confortable dont les matériaux<br />
et les couleurs évoquent un univers<br />
fœtal ».<br />
Des nano-LEDs aux couleurs<br />
évolutives tapissent les murs<br />
et s’adaptent aux vues de la<br />
Terre tandis que l’ISS voit défiler<br />
chaque jour seize levers et<br />
couchers de soleil. « Je suis ravi<br />
de jouer un rôle dans ce projet :<br />
l’espace est l’intelligence du<br />
futur », déclare Starck.<br />
Le premier module ne sera<br />
pas lancé avant 2024 et une<br />
fois en place, il n’accueillera<br />
que ceux qui auront les moyens<br />
de s’offrir les vols commerciaux<br />
opérés par Crew Dragon de<br />
SpaceX (env. 38,5 millions<br />
d’euros) ou Starliner CST-100<br />
de Boeing (près de 63,5 millions<br />
d’euros). Après la mise<br />
hors service de l’ISS en 2028,<br />
le segment Axiom deviendra<br />
une station spatiale de vol libre.<br />
« Notre objectif est le progrès<br />
de l’humanité et de ses<br />
connaissances, déclare Kam<br />
Ghaffarian, co-fondateur et<br />
PDG d’Axiom Space. Et d’enclencher<br />
un tournant dans la<br />
société comparable à celui<br />
vécu par les astronautes en<br />
voyant la planète depuis l’espace.<br />
» axiomspace.com<br />
AXIOM LOU BOYD<br />
14 THE RED BULLETIN
* Parce que nous prenons soin...<br />
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JULIA VIRAT<br />
Ses nuits en l’air<br />
Guide de haute-montagne à Chamonix, Julia Virat, 37 ans, passionnée de<br />
snow à l’adolescence, a réalisé sur le tard que la montagne était l’endroit où<br />
elle était heureuse. Ce qu’elle partage avec enthousiasme avec ses clients.<br />
the red bulletin : Emmener vos<br />
clients vivre ce que vous vivez,<br />
c’est quelque chose d’un peu<br />
périlleux : escalader des sommets,<br />
traverser des cascades de glace,<br />
passer une nuit en hauteur sur<br />
une micro-plateforme…<br />
julia virat : Ça peut sembler surprenant<br />
mais moi-même j’ai peur et<br />
‘je n’aime pas le danger ! Au début,<br />
à cinq mètres du sol, je pleurais de<br />
vertige. Je n’étais pas destinée à ça !<br />
Ce que j’aime, c’est accompagner<br />
des gens motivés dans les émotions<br />
qu’ils vont vivre en dehors de leur<br />
zone de confort. Peu importe leur<br />
niveau de départ, je les prends là<br />
où ils sont, et je les emmène un peu<br />
plus loin, là où ils ont envie d’aller.<br />
Vous les guidez à la fois dans la<br />
pratique, et dans la dimension<br />
émotionnelle ?<br />
Effectivement, je suis guide, et ce<br />
n’est pas un métier anodin. La montagne<br />
te met à nu, elle épure les<br />
couches sociales, financières, etc.<br />
Elle enlève les artifices pour te ramener<br />
à quelque chose d’assez brut et<br />
universel qui est la gestion de tes<br />
émotions, et ta survie dans un milieu<br />
rude qui ne pardonne pas. On est<br />
tous égaux face à ça. Quand mes<br />
clients ressentent des émotions<br />
fortes, ils ont besoin que je les aide<br />
à les traverser. En allant ensemble<br />
vers l’objectif fixé, ils vont dépasser<br />
la peur, la fatigue, les barrières<br />
psychologiques, le manque de confiance.<br />
Je leur montre l’exemple :<br />
je vis ça tout le temps. C’est mon défi<br />
personnel. Ce n’est pas parce que je<br />
suis plus forte qu’eux que je ne comprends<br />
pas ce qu’ils traversent.<br />
J’adore partager cela avec les gens.<br />
Comment vous êtes-vous retrouvée<br />
à passer vos nuits accrochée<br />
à une paroi ?<br />
Le portaledge, c’est cette petite plateforme<br />
sur laquelle les grimpeurs<br />
dorment. J’ai commencé à me familiariser<br />
avec pendant des vacances<br />
aux États-Unis pour le plaisir, il y a<br />
douze ans. J’ai découvert le parc du<br />
Yosemite, La Mecque du big wall, des<br />
voies d’escalade vraiment grandes<br />
qu’on ne peut pas gravir à la journée<br />
parce qu’elles sont trop dures et trop<br />
longues. On est donc obligé de<br />
dormir à mi- chemin pour pouvoir<br />
arriver au sommet.<br />
Cela ne vous a donc pas effrayée ?<br />
<strong>Mai</strong>ntenant, j’aime vraiment ça,<br />
dormir suspendue. Je suis attachée<br />
au rocher avec des cordes et du<br />
matériel vraiment fiable. La nuit,<br />
même si je tombe, je suis retenue<br />
par une corde, car je dors avec un<br />
harnais, encordée. L’enjeu sur le<br />
portaledge, ce n’est pas le danger,<br />
mais vraiment les émotions et la<br />
logistique qui va autour. <strong>Mai</strong>s ça<br />
reste une pratique assez marginale.<br />
Combien de temps dure une<br />
journée d’escalade de ce type ?<br />
Contrairement à l’idée qu’on s’en<br />
fait, ce n’est pas de l’escalade pure.<br />
Il y a une grosse partie de logistique,<br />
de manœuvres de cordes, de hissages<br />
de sac. Mes journées font entre 15<br />
et 18 heures. Je mets le réveil à 5 ou<br />
6 heures du matin et je termine vers<br />
22 heures.<br />
Le niveau d’exigence extrême<br />
est-il le même, tant du point de<br />
vue physique que mental ?<br />
Le défi est plus facile à aborder si<br />
tu le fais sur un, deux ou trois jours,<br />
car malgré la fatigue, tu sais que tu<br />
touches bientôt au but, donc ça te<br />
donne un peu d’élan. Mon ascension<br />
d’El Capitan en solo, à l’automne<br />
2018, a duré onze jours. Le problème,<br />
c’est que le premier jour,<br />
j’étais déjà épuisée. Au pied du mur,<br />
j’avais 120 kilos de chargement à<br />
hisser. J’ai beau être solide, je ne<br />
peux pas bouger 120 kilos à la force<br />
de mes bras, je suis forcée d’avoir<br />
un système de cordes et de poulies.<br />
Cela permet de soulager le poids,<br />
et de déplacer mon chargement à<br />
l’aide de systèmes complexes.<br />
S’autorise-t-on, dans certains cas,<br />
à effleurer l’idée de reculer ?<br />
Il faut se connaître suffisamment<br />
bien pour savoir si on va pouvoir<br />
gérer la fatigue qui s’accumule pendant<br />
une dizaine de jours, ou abandonner.<br />
Tous les alpinistes passent<br />
par ces moments d’échec ou de frustration,<br />
on appelle ça prendre un<br />
but. Quand on prend un but, on fait<br />
demi-tour, on va digérer ça tranquillement<br />
chez soi. Et on grandit.<br />
On vous imagine contre la paroi,<br />
dans le Yosemite, sous la voûte<br />
étoilée… Cette sensation-là<br />
efface-t-elle les difficultés techniques<br />
et les souffrances ?<br />
Les journées sont très très très longues,<br />
très fatigantes. C’est vraiment<br />
éprouvant. Bien que j’aie un gros<br />
entraînement, je ne pourrais pas<br />
faire ça toute l’année. Ça demande<br />
énormément d’énergie, de concentration,<br />
de fatigue. C’est dur. Ça ne<br />
se fait pas avec le sourire aux lèvres<br />
du matin au soir. C’est vraiment un<br />
sport exigeant. Alors le soir, quand<br />
j’ai enfin fini le boulot de la journée,<br />
que tout est réglé, rangé, organisé<br />
pour dormir et pour le lendemain,<br />
le temps s’arrête. Assise sur le<br />
portal edge, je contemple la nuit,<br />
les étoiles ; je sens la chaleur de la<br />
journée restituée par la roche ; la<br />
vallée est silencieuse ; mon rythme<br />
se calme, je peux enfin apprécier<br />
tout ce qu’il s’est passé dans la<br />
journée. Et rien que pour ça, je<br />
recommencerai toujours cette expérience-là,<br />
pour ce moment où le<br />
temps s’arrête. Le portaledge, c’est<br />
vraiment un endroit hors du temps.<br />
julia-guide.com<br />
JULIA VIRAT CHRISTINE VITEL<br />
16 THE RED BULLETIN
« Le portaledge,<br />
c’est vraiment<br />
un endroit hors<br />
du temps. »<br />
THE RED BULLETIN 17
Une bouffée d’air<br />
frais : avec seulement<br />
3,5 kg et des<br />
dimensions<br />
de 40×30×20 cm,<br />
l’Exolung nécessite<br />
peu d’entretien<br />
contrairement<br />
aux encombrantes<br />
bouteilles d’air<br />
comprimé.<br />
EXOLUNG<br />
Réflexion profonde<br />
Respirer sous l’eau avec un minimum d’encombrement, c’est pour bientôt.<br />
George W. Bush a déclaré<br />
qu’un jour, humains et poissons<br />
pourraient coexister pacifiquement.<br />
L’ingénieur autrichien<br />
Jörg Tragatschnig a fait<br />
de cette vision une réalité.<br />
Comparable à des poumons<br />
artificiels externes, Exolung<br />
est un dispositif de plongée qui<br />
permet de respirer sous l’eau<br />
sans limite de temps et sans<br />
recours aux bouteilles de plongée<br />
lourdes à la capacité limitée.<br />
« L’Exolung est un rêve<br />
d’enfant, confie Tragatschnig.<br />
Lors de mes études de design,<br />
j’ai commencé à réfléchir<br />
sérieusement au concept :<br />
un appareil respiratoire sousmarin<br />
simple d’usage et technologiquement<br />
rudimentaire. »<br />
Ici, point de bouteille d’air<br />
comprimé, Exolung utilise le<br />
mouvement du corps pour<br />
aspirer l’air en surface, le long<br />
d’un tuyau de 5 m jusqu’à une<br />
cloche à air fixée sur le torse<br />
du plongeur.<br />
À l’intérieur de la cloche,<br />
un diaphragme compressible<br />
permet de respirer en toute<br />
sécurité. Compact et léger,<br />
l’Exolung est relié à une bouée<br />
de surface pour plus de sécurité,<br />
et la formation à son utilisation<br />
est bien plus simple que<br />
celle exigée par la plongée à air<br />
comprimé. « L’Exolung vise trois<br />
types d’utilisateurs, explique<br />
Jörg Tragatschnig, dont l’invention<br />
est actuellement en phase<br />
finale de prototypage. Les plongeurs<br />
en masque et tuba qui<br />
veulent aller plus loin sans s’encombrer<br />
d’un matériel lourd ;<br />
les adeptes d’exercices en<br />
milieu aquatique ; et ceux qui<br />
l’utilisent pour des tâches<br />
précises comme les techniciens<br />
de bateaux ou de piscines, les<br />
biologistes marins ou les chasseurs<br />
de trésors équipés de<br />
détecteurs de métaux. »<br />
La longueur du tuyau d’air<br />
limite la profondeur de plongée,<br />
reflétant la philosophie<br />
du produit et la volonté de<br />
Jörg Tragatschnig d’adopter<br />
une approche plus sereine de<br />
la plongée. « Avec Exolung, la<br />
plongée est plus accessible,<br />
plus mobile et sans contrainte.<br />
Un high-tech minimaliste. »<br />
exolung.com<br />
LOU BOYD<br />
18 THE RED BULLETIN
LA ROUX<br />
Passez<br />
à autre<br />
chose<br />
Après avoir surmonté<br />
difficultés personnelles et<br />
professionnelles, la chanteuse<br />
Elly Jackson opère<br />
un retour flamboyant.<br />
Il y a onze ans, La Roux cartonnait<br />
sur les ondes avec des tubes<br />
électro- pop comme Bulletproof<br />
ou In For <strong>The</strong> Kill. Puis Elly<br />
Jackson, vocaliste du duo londonien,<br />
connaît une série de revers.<br />
En situation de quasi-faillite, elle<br />
rompt avec son coauteur Ben<br />
Langmaid et sa maison de disques.<br />
Une succession de déceptions<br />
amoureuses finit par créer un état<br />
d’angoisse tel qu’elle n’arrive plus<br />
à exercer son métier. Aujourd’hui,<br />
le nouvel et troisième album de<br />
La Roux, Supervision — « BO d’un<br />
avenir optimiste » — sonne comme<br />
une renaissance, une thérapie<br />
créative pour oublier les jours<br />
sombres. Elle nous présente ici<br />
sa playlist « bonjour tristesse »…<br />
laroux.co.uk<br />
Ken Boothe<br />
Set Me Free (1983)<br />
Carly Simon<br />
Why (1982)<br />
Depeche Mode<br />
New Life (1981)<br />
Gerry Rafferty<br />
Right Down <strong>The</strong> Line (1978)<br />
ANDREW WHITTON MARCEL ANDERS<br />
« J’aime toutes les versions de<br />
cette chanson (plus connue<br />
sous le titre de You Keep Me<br />
Hangin’ On). Elle a été beaucoup<br />
reprise, par Kim Wilde<br />
notamment en 1986. <strong>Mai</strong>s<br />
j’adore le reggae et cette<br />
version est excellente. Le titre<br />
Set Me Free (trad. libère-moi)<br />
est tout indiqué quand vous<br />
essayez d’oublier quelqu’un.<br />
Je sais de quoi je parle. »<br />
« Ce titre est bien meilleur que<br />
You’re So Vain (tube de Simon<br />
de 1972). Je n’arrive pas à haïr<br />
les gens que je veux oublier,<br />
à rompre violemment. Je suis<br />
plus du genre “Je t’aime, mais<br />
j’aimerais ne plus penser à<br />
toi” ou “Je ne cesse de penser<br />
à toi, et certaines chansons<br />
me ramènent encore plus à<br />
toi”. Ce dernier état marque<br />
en général la dernière étape. »<br />
« Un morceau idéal pour tourner<br />
la page. J’aurais aimé<br />
l’avoir dans mon album tellement<br />
je le trouve incroyable.<br />
Depeche Mode a été une<br />
grande source d’inspiration<br />
pour mon premier opus<br />
en 2009. Sans leur album<br />
Speak & Spell, en 1981, La<br />
Roux serait devenu un autre<br />
groupe. C’est un excellent<br />
remontant. »<br />
« C’est ma chanson préférée<br />
de tous les temps. <strong>Mai</strong>s les<br />
gens ne connaissent que Baker<br />
Street, le tube de Rafferty<br />
de 1978. Ils s’agacent de ses<br />
fréquents passages radio et<br />
de son solo de saxophone à<br />
répétition. <strong>Mai</strong>s Rafferty,<br />
c’est tellement plus que ça.<br />
J’adore ce type de chansons.<br />
Elles sont mes compagnes<br />
des mauvais jours. »<br />
THE RED BULLETIN 19
ROB POPE<br />
Pourquoi<br />
courez-vous ?<br />
Après avoir parcouru les States façon Forrest Gump,<br />
l’animateur d’un nouveau podcast dédié à des<br />
gens extraordinaires a lui aussi une histoire à raconter.<br />
En 2016, Rob Pope, 38 ans, un véto<br />
britannique spécialiste des urgences,<br />
a décidé de se lancer dans une course<br />
à pied, à travers les USA. Lorsqu’il<br />
arrivait à un océan, il faisait demitour<br />
et continuait de faire des allersretours<br />
d’un bout à l’autre du pays.<br />
Si ce récit vous semble familier, c’est<br />
que vous avez probablement vu le<br />
film Forrest Gump. Au cours de son<br />
voyage, Pope est devenu l’incarnation<br />
vivante du personnage de Tom<br />
Hanks : longue barbe broussailleuse,<br />
casquette Bubba Gump et tout le<br />
reste. Lorsqu’il a terminé, 422 jours<br />
plus tard, il avait traversé les États-<br />
Unis plus de quatre fois, couvrant<br />
plus de 25 000 kilomètres, l’équivalent<br />
de 600 marathons, et était<br />
devenu la première personne à avoir<br />
retracé l’ensemble du parcours de<br />
Gump. Forrest courait « sans raison<br />
particulière ». Pope avait une motivation<br />
plus forte.<br />
« Pour rendre hommage à ma<br />
mère, dit-il aujourd’hui. Elle m’a<br />
dit de réaliser une chose dans ma<br />
vie qui ferait la différence. Ce n’est<br />
qu’au moment de la planification<br />
que j’ai réalisé que ce pouvait être<br />
cela. » Durant sa longue course, Rob<br />
a recueilli l’équivalent de 44 000 €<br />
pour les organisations caritatives<br />
Peace Direct et le Fonds mondial<br />
pour la nature. Et après avoir franchi<br />
la ligne d’arrivée, il a demandé sa<br />
petite amie en mariage.<br />
Aujourd’hui, Pope a un nouveau<br />
projet : trouver d’autres personnes<br />
exceptionnelles et découvrir ce qui<br />
les motive pour le podcast How to be<br />
Superhuman. « Certains écouteront<br />
peut-être ces histoires, et quelles<br />
que soient les difficultés qu’ils<br />
rencontrent, ils se diront : “Ces gens<br />
ont fait face à d’énormes obstacles<br />
et, même si tout ne s’est pas passé<br />
comme prévu, ils vont toujours bien.”<br />
Cela me donne envie de croire que<br />
nous sommes tous surhumains. »<br />
the red bulletin : Parlez-nous<br />
de certains de ces surhommes...<br />
rob pope : Ce sont des athlètes,<br />
mais pas du genre habituel. Il y a<br />
Yusra Mardini (la jeune femme de<br />
22 ans qui a fui la Syrie en 2015 et<br />
a rejoint l’équipe des athlètes olympiques<br />
réfugiés à Rio en 2016, ndlr).<br />
Des roquettes RPG sont tombées<br />
dans la piscine où elle s’entraînait et<br />
elle a aidé sa sœur à tirer un bateau<br />
de réfugiés jusqu’au rivage de la mer<br />
Égée. Le triathlète Tim Don qui,<br />
après s’être cassé le cou en 2017 a<br />
porté un halo fixé à son crâne pour<br />
aider à unifier sa colonne vertébrale<br />
avant de retourner à l’Ironman.<br />
Mark Beaumont a fait le tour du<br />
monde à vélo en 80 jours, et la<br />
coureuse Jasmin Paris allaitait<br />
encore lorsqu’en 2019, elle a battu<br />
de 12 heures le record masculin de<br />
la Spine Race (un ultramarathon de<br />
431 kilomètres sur le Pennine Way au<br />
Royaume-Uni, ndlr). Les gens disent<br />
que je fais partie de ces surhommes.<br />
Ce n’est pas le cas. Je ne fais que les<br />
interviewer.<br />
<strong>Mai</strong>s vous avez traversé beaucoup<br />
de choses. Quelle distance couriezvous<br />
chaque jour ?<br />
Je faisais en moyenne 60 kilomètres<br />
par jour. En traversant le Wyoming,<br />
on pouvait franchir 65 kilomètres<br />
sans rien voir. Les températures<br />
allaient de− 18 °C à 43 °C. Le plus<br />
froid a été en Alabama avec des<br />
vents de près de 100 km/h. Il neigeait<br />
quand j’ai traversé la Vallée<br />
de la Mort, qui est parfois l’endroit<br />
le plus chaud sur Terre. Il y a eu<br />
d’énormes pics d’émotion.<br />
Ces traversées des USA ont dû<br />
laisser des traces sur votre corps...<br />
Les premières ampoules étaient inévitables.<br />
Puis j’ai eu une tendinite<br />
dans le muscle tibial antérieur, une<br />
tendinite au tendon d’Achille de<br />
l’autre jambe, je me suis déchiré<br />
un quadriceps, j’ai eu des problèmes<br />
chroniques au niveau des fessiers<br />
et du bassin, une intoxication alimentaire<br />
qui a duré cinq jours.<br />
Où dormiez-vous ?<br />
Ma copine m’a accompagné dans<br />
un camping-car pendant la moitié<br />
de l’expédition, mais une fois seul,<br />
je me suis arrêté dans des stationsservice<br />
ou des églises. J’allais dans<br />
un bar, je prenais une bière et je<br />
demandais si je pouvais camper<br />
derrière. Presque à chaque fois, on<br />
me disait : « Non, viens chez moi. »<br />
La définition d’un surhomme ?<br />
La détermination. Ces personnes ont<br />
toutes en elles cette capacité. La plupart<br />
du temps, nous nous heurtons<br />
à des obstacles imaginaires pour<br />
nous empêcher de faire quelque<br />
chose, peut-être pour ne pas se blesser<br />
émotionnellement ou physiquement.<br />
On est tous réticents à accepter<br />
l’échec. On a l’impression que si<br />
ces personnes avaient échoué, elles<br />
l’auraient bien vécu, car elles avaient<br />
fait tout ce qui était en leur pouvoir.<br />
Avez-vous eu envie d’arrêter ?<br />
Tous les jours. Je me réveillais et je<br />
me disais : « Je ne peux pas courir<br />
60 kilomètres aujourd’hui. » Ensuite<br />
je me disais : «Tu l’as fait hier, avanthier,<br />
tu vas probablement aussi<br />
le faire aujourd’hui. Ça va aller. »<br />
How to be Superhuman, sur Spotify,<br />
Apple et vos plateformes de podcast.<br />
SIMON LAPISH TOM GUISE<br />
20 THE RED BULLETIN
« Je courais<br />
en moyenne<br />
60 km par<br />
jour. »<br />
THE RED BULLETIN 21
MONGOL RALLY<br />
La route de l’infortune<br />
Comment aller au bout d’une course automobile folle à bord d’une épave.<br />
Qualifié de « course la plus<br />
stupide au monde », le Mongol<br />
Rally reste une compétition à<br />
part. Ce rallye intercontinental<br />
démarre en Europe — cette<br />
année dans le Hampshire en<br />
Angleterre, mais à l’origine<br />
en République tchèque — et<br />
s’achève à Oulan-Oudé en<br />
pleine Sibérie orientale.<br />
L’itinéraire est libre et les<br />
participants, dont le seul objectif<br />
est d’atteindre l’arrivée en<br />
moins de deux mois, ne bénéficient<br />
d’aucune assistance.<br />
Seuls des véhicules décrits par<br />
les organisateurs comme « voitures<br />
poubelles » avec une puissance<br />
n’excédant pas 1 000 ch<br />
peuvent prendre le départ. Une<br />
manière de garantir la panne en<br />
cours de route. L’an dernier,<br />
Alicia Schneider, Racheli Aye et<br />
Adina Korn, de l’équipe Little<br />
Missadventurists de Tel-Aviv,<br />
effectuent les 16 000 km à bord<br />
d’une Fiat Panda cabossée.<br />
« Nous l’avons achetée en Israël<br />
et expédiée en Europe, explique<br />
Schneider. Avant le rallye, elle a<br />
passé tous les week-ends chez<br />
le mécanicien, l’occasion pour<br />
nous d’accumuler des compétences<br />
en mécanique. »<br />
Les équipes n’ont droit qu’à<br />
une seule voiture et voyagent<br />
indépendamment, mais faire un<br />
bout de chemin avec d’autres<br />
participants est une tradition<br />
du Mongol Rally. « Les deux<br />
premières nuits en montagne,<br />
nous étions un convoi d’une<br />
dizaine de voitures, se souvient<br />
Schneider. Nous avons cuisiné<br />
autour d’un grand feu et beaucoup<br />
bu. Arriver le plus vite<br />
possible, ce n’est pas l’esprit<br />
du rallye. Vous roulez dans des<br />
épaves et traversez de magnifiques<br />
chaînes de montagnes<br />
dans des régions reculées.<br />
Cette expérience unique exige<br />
du temps pour être appréciée. »<br />
Les 5 conseils<br />
de l’équipe Little<br />
Missadventurists<br />
pour finir le<br />
Mongol Rally…<br />
1. Familiarisezvous<br />
autant que<br />
possible avec la<br />
mécanique<br />
Comprendre pourquoi<br />
la voiture fait<br />
un bruit bizarre ou<br />
ne démarre pas<br />
vous sera utile.<br />
2. Faites vos<br />
recherches en<br />
amont, mais évitez<br />
de trop planifier<br />
Dès le début, ça ne<br />
se passe pas comme<br />
prévu de toute<br />
façon.<br />
3. Emportez un<br />
max de provisions<br />
Nous avons misé sur<br />
les boîtes de thon,<br />
le riz et les pâtes.<br />
4. Gardez un<br />
esprit ouvert<br />
L’itinéraire est fou,<br />
n’ayez donc pas<br />
peur d’entreprendre<br />
des choses<br />
inhabituelles.<br />
5. Prévoyez un<br />
gros stock de<br />
lingettes<br />
Vous les consommerez<br />
vite. Plusieurs<br />
jours peuvent passer<br />
avant de pouvoir<br />
se doucher. <strong>Mai</strong>s<br />
ne les jetez pas<br />
n’importe où !<br />
littlemiss<br />
adventurists.com ;<br />
theadventurists.com<br />
ALICIA SCHNEIDER LOU BOYD<br />
22 THE RED BULLETIN
SON PRO<br />
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TOUJOURS<br />
PLUS GROS<br />
Le 13 novembre dernier, la waterwoman<br />
JUSTINE DUPONT surfait un monstre de plus<br />
de 20 mètres à Nazaré (Portugal). Rebelote le<br />
11 février lors du Nazaré Tow Surfing Challenge,<br />
où la jeune femme de 28 ans remporte<br />
le titre de la meilleure vague. Ces deux méga<br />
houles pourraient lui valoir le record du monde de<br />
la plus grosse vague surfée, tous sexes<br />
confondus lors des prochains Big Wave Awards.<br />
Une première dans le club très fermé du surf de<br />
gros. Comment en est-elle arrivée à surfer ce que<br />
l’océan a de plus puissant, de plus redoutable ?<br />
À repousser sans cesse les limites de<br />
l’humain ? Justine nous dit tout d’une carrière<br />
qui se construit pas à pas, dans les règles de<br />
l’art et la plus grande humilité.<br />
Texte PATRICIA OUDIT<br />
Photos RICK GUEST<br />
24
À 28 ans, Justine<br />
Dupont est l’une<br />
des meilleures surfeuses<br />
de gros (et<br />
pas que) au monde.
Il y a des 13 novembre<br />
qui ne s’oublient pas.<br />
Celui de l’année 2019 restera à jamais gravé dans la<br />
mémoire de la Canaulaise comme l’un de ces graals<br />
enfin conquis, d’un mythe presque atteint, celui de la<br />
vague sans fin. Ce jour-là, lorsqu’elle lâche la corde<br />
qui la tracte au sommet d’une ogresse de plus de 20<br />
mètres, elle éprouve d’autres vibrations. Ivresse d’un<br />
autre monde ressentie par ce point microscopique<br />
qu’elle est devenue au centre d’un mur écumant de<br />
rage. Un run de 15 à 30 secondes où l’on est dans sa<br />
bulle, étanche au fracas, où la moindre vibration est<br />
anticipée. « Je sens rapidement qu’il se passe quelque<br />
chose. Je prends une vitesse folle dans cette succession<br />
de petites vagues sans fin, comme si une ombre<br />
me poursuivait. » Sur cette vague portugaise de<br />
Nazaré, devenue en quelques années le pays des<br />
chargeuses et chargeurs (surfeuses et surfeurs de<br />
grosses vagues), Justine gagne encore en vitesse.<br />
« C’est inimaginable, dit-elle. Sur la vague, je n’ai<br />
aucun repère, hormis mes propres sensations pour<br />
évaluer la vitesse… »<br />
Trois mois plus tard, le 11 février, la surfeuse est à<br />
nouveau pourchassée par un swell en furie. « Cette<br />
fois, bien que la vague n’ait pas encore été mesurée,<br />
je pense qu’elle est encore plus énorme. Je dirais plus<br />
de 20 mètres. Cette fois encore, je sens que Fred,<br />
mon compagnon, qui me tracte jusque dans les<br />
vagues avec un jet-ski, a choisi la bonne vague. Elle<br />
ne cesse de se former sous ma planche en même<br />
temps que je la descends. Je sens que dans mon dos<br />
elle grossi, elle se lisse et se creuse bien plus que<br />
d’habitude. Il y a plus de puissance autour de moi…<br />
Après avoir pris une ligne plus proche du creux, je<br />
file vers le bas de la vague et je me prépare à l’explosion<br />
derrière moi. La mousse m’a dépassée, je me<br />
sens faire partie de la vague et heureuse de sortir<br />
d’elle toujours debout sur ma planche. » Pour parvenir<br />
à dompter ces tonnes de chaos liquide, Justine a<br />
œuvré dans la plus grande discrétion, prenant tout<br />
son temps pour écumer les hotspots du Big Wave<br />
Riding, de Belharra (Pays Basque) à Mavericks (Californie)<br />
en passant par Mullaghmore (Irlande), Jaws<br />
(Hawaï) et bien sûr Nazaré (Portugal) où elle a fini<br />
par s’installer. Depuis sept ans, époque où elle revendiquait<br />
déjà son envie de se frotter aux éléments<br />
dans ce qu’ils ont de plus puissant, elle apprend,<br />
réapprend, chute parfois, recommence. Affronte ses<br />
peurs, ou renonce, se lance des défis très hauts, et<br />
bien réfléchis. <strong>Mai</strong>s ne s’arrêtera pas là, à ce fabuleux<br />
record peut être récompensé prochainement par un<br />
Big Wave Award, genre d’Oscar du surf de gros. Il va<br />
falloir féminiser le lexique et élargir ses horizons. Car<br />
peu importe les codes en vigueur, il ne s’agit ici que<br />
d’une chose : la quête de toute une vie.<br />
the red bulletin : Sur ces deux vagues monstres<br />
de novembre et de février, à aucun moment vous<br />
n’avez eu peur de vous faire avaler ?<br />
justine dupont : Quand je suis sur la vague, quelle<br />
que soit sa puissance, sa taille, je suis tellement<br />
dedans, concentrée à 300 % que je ne pense qu’aux<br />
3 ou 4 mètres qui me précèdent. Au sommet, avant<br />
la descente, je prends toutes les informations possibles<br />
: forme, vitesse, déclivité, et j’en déduis ma<br />
future ligne, là où je vais pouvoir prendre de l’énergie<br />
pour surfer le plus longtemps possible. Sur la<br />
vague de novembre, il y avait pas mal de perturbations,<br />
à cause du vent, l’eau devenait dure à cause<br />
du clapot, c’était un peu comme un champ de bosses<br />
ultra pentu qu’il fallait dévaler avec la plus extrême<br />
vigilance. Celle de février en revanche m’a autorisée<br />
à plus de liberté, à faire ce que je préfère dans le<br />
surf : négocier une belle ligne, planche sur le côté<br />
pour prendre de l’angle et de la vitesse, comme dans<br />
de la poudreuse. La peur arrive avant, comme un<br />
repère. Si elle est trop présente, c’est que je ne suis<br />
surement pas encore prête, et ça m’est déjà arrivé de<br />
renoncer. Elle est aussi rétrospective. En visionnant<br />
mes images de GoPro, sur l’une de ces vagues, je<br />
vois deux étapes. Sur la première, mon visage traduit<br />
une grande concentration, je vis le moment, je<br />
suis en alerte maximum, tous mes sens sont en éveil.<br />
Sur la deuxième, j’affiche un sourire qui veut dire :<br />
« Ça y est, je viens de passer la phase la plus critique<br />
de la vague. » Je suis dans l’émotion, puis je me<br />
concentre pour bien terminer la vague, en sécurité.<br />
Pendant ces quelques secondes, mon cerveau passe<br />
par tous les stades.<br />
Quelques secondes… Le surf de gros, c’est une<br />
attente énorme pour un plaisir furtif !<br />
Pour parvenir à dompter ces tonnes<br />
de chaos liquide, Justine Dupont a œuvré<br />
dans la plus grande discrétion.<br />
26 THE RED BULLETIN
L’ADN de Nazaré :<br />
un phare rouge, du<br />
swell, des vagues<br />
monstrueuses et<br />
Justine Dupont.
« Il faut aussi être capable de renoncer.<br />
La nature est toujours la plus forte,<br />
elle gagnera peu importe vos efforts. »<br />
C’est une à une et<br />
humblement que<br />
Justine a gravi les<br />
marches de l’élite<br />
aquatique.
Temps calme pour une surfeuse française heureuse sur le sable de Nazaré.<br />
Dans les vagues de ce spot portugais, c’est le chaos qu’elle affronte.<br />
La vague la plus longue dure peut-être 20 ou 30<br />
secondes. Un jour, il faudrait que je me mette des<br />
capteurs pour mesurer l’intensité de ces moments en<br />
termes de battements cardiaques. Le moment est<br />
bref, mais tellement dingue et magique qu’il doit<br />
sacrément faire monter le cœur.<br />
Ces moments se vivent avec toute une équipe…<br />
J’ai la chance fabuleuse de vivre cela avec mon compagnon<br />
Fred David, qui a été champion du monde<br />
de bodysurf et dont la présence indispensable me<br />
rassure totalement dans ma prise de décisions. On a<br />
un tel niveau de complicité que dans l’eau, on n’a<br />
plus besoin de se parler… Fred est sur le jet-ski. En<br />
cas de gros swell, Clément Nantes, qui est sauveteur<br />
en mer vient prêter main forte en pilotant un deuxième<br />
jet-ski, au cas où Fred qui m’a larguée sur la<br />
vague en tow-in (surf tracté, ndlr) me perdrait de<br />
vue. Il y a également quelqu’un qui surveille mon<br />
évolution dans l’eau depuis la falaise. À terme, on<br />
aimerait avoir notre propre « veilleur » afin de renforcer<br />
la sécurité.<br />
À Nazaré où vous surfez depuis quatre saisons,<br />
comment la pratique a-t-elle évolué ?<br />
C’est un endroit d’une intensité sans égal. Avec des<br />
saisons qui se suivent sans jamais se ressembler.<br />
Cette vague, on croit la connaître, mais elle finit tou-<br />
THE RED BULLETIN 29
jours par vous surprendre. Deux à trois fois par<br />
mois, surtout d’octobre à mars, il y a des grosses<br />
houles, il arrive qu’il y ait des conditions énormes<br />
dix jours d’affilée, où l’on reste jusqu’à six heures<br />
dans l’eau. Les grands jours il y a les meilleurs du<br />
monde au pic. C’est un moment de partage assez<br />
fou. Il y a de la solidarité entre nous. En ce moment,<br />
un de nos jet-ski est hors service. Fred s’est crashé<br />
en portant secours à un autre surfeur.<br />
Vous évoquiez plus haut la sécurité…<br />
Les deux jet-skis et le veilleur depuis la falaise<br />
constituent la base du dispositif. Quand c’est gros,<br />
il y a un médecin urgentiste qui vient sur la plage en<br />
complément des lifeguards qui sont parfois présents.<br />
On aimerait que le médecin soit là tout le temps<br />
pour améliorer encore la sécurité. On travaille dans<br />
ce sens avec la mairie qui prend les choses très à<br />
cœur mais qui n’envoie les renforts qu’à plus de<br />
15 mètres. À ces hauteurs, c’est déjà très tendu en<br />
termes de risques…<br />
Quand vous-êtes vous dit : « Je vais être la première<br />
à surfer la plus grosse vague du monde ? »<br />
Depuis que je surfe à Nazaré. Avant moi, une femme<br />
surfait déjà ici, c’est la brésilienne Maya Gabeira.<br />
Quand je suis arrivée, j’ai eu de la chance : les<br />
vagues étaient parfaites pour débuter, j’ai pu enchaîner<br />
les petites sessions afin de m’approprier le spot.<br />
Le swell a grossi avec mon expérience comme par<br />
magie. Et puis Nazaré, contrairement à d’autres<br />
lieux comme Belharra qui ne casse pas à moins de<br />
8 mètres, fonctionne aussi quand c’est petit.<br />
Y a-t-il eu une chronologie du swell pour procéder<br />
par étapes, en fonction des vagues ?<br />
Avec Fred on est arrivés à Nazaré de manière discrète.<br />
Humblement, on n’a jamais hésité à demander<br />
des conseils. Ne pas se focaliser que sur la grosseur<br />
des vagues. Ce n’est pas le critère le plus important<br />
pour moi. Plus que la taille, c’est la façon de la<br />
prendre, l’engagement, l’esthétique. Avoir l’impression<br />
de véritablement surfer plus que de descendre.<br />
Avant Nazaré, j’ai pris de l’expérience partout où<br />
je pouvais. D’abord à Belharra, où je suis allée à<br />
petit pas, où il y a du fond des deux côtés et des<br />
possibilités d’échappatoire. Là-bas, le risque est de<br />
se noyer, j’ai donc renforcé ma résistance sous l’eau<br />
en m’entraînant régulièrement à l’apnée.<br />
Puis il y a eu Jaws… Où vous vous êtes blessée.<br />
En novembre 2018, je suis arrivée à Jaws après un<br />
super début d’hiver à Nazaré. J’étais en confiance<br />
et j’ai pris une très bonne vague. En retournant<br />
au large une série m’a cassé sur la tête. J’étais au<br />
mauvais endroit au mauvais moment. Je m’y suis<br />
fracturé l’épaule et abîmé le genou. Ça a mis fin<br />
à mon hiver, c’était frustrant mais ça fait aussi<br />
partie du jeu.<br />
Ça ne vous a pas refroidie ?<br />
Au contraire. J’ai bien fait ma rééducation au CERS<br />
de Capbreton. Dans un sport comme le mien, la<br />
patience est essentielle. Il faut aussi être capable<br />
de renoncer. La nature est toujours la plus forte,<br />
elle gagnera peu importe vos efforts. Il faut savoir<br />
rester à sa place. Ne pas y aller quand le doute est<br />
trop fort.<br />
Vous doutez souvent ?<br />
Ça m’arrive ! Je me pose souvent des questions.<br />
« Est-ce que ce que je fais a un sens, est-ce trop dangereux<br />
? » Sur le moment, je ne doute pas, jamais j<br />
e ne suis allée à l’eau avec la peur au ventre. Quand<br />
je repense à la compétition de février et à cette<br />
vague record, c’était un jour magique. On était<br />
tous à l’eau au petit matin, avant le coup d’envoi,<br />
à enchaîner des vagues de rêve. C’est en renvoyant<br />
les images ensuite que j’ai eu peur, que je me suis<br />
questionnée. Ces images, c’était bizarre de les<br />
regarder. C’était presque trop. Je me suis demandé<br />
où est la limite de l’humain. Est-on vraiment en<br />
train de surfer les plus grosses vagues de la<br />
planète ?<br />
Où se situe la notion d’ego dans ces murs d’eau ?<br />
De l’ego, sûrement, il doit y en avoir. Plus jeune,<br />
avec mon grand-frère, je voulais toujours rivaliser<br />
Tout ce qu’il faut pour envoyer du gros<br />
Un gilet de flottaison en<br />
mousse placé sous la<br />
combinaison néoprène.<br />
Un gilet gonflable avec les<br />
cartouches de CO 2 à<br />
déclencher en cas de wipe-out.<br />
Des chaussons pour tenir<br />
chaud et avoir une meilleure<br />
accroche sur la planche.<br />
Une cagoule en néoprène<br />
à quoi Justine préfère le<br />
casque (pas toujours agréable<br />
pour la nuque en cas de choc<br />
violent). La jeune femme<br />
réfléchit à un type de casque<br />
plus adapté à la pratique.<br />
Des bouchons d’oreille<br />
depuis que la surfeuse a eu<br />
ses tympans percés à Hawaï.<br />
Une planche de tow-in de<br />
6 pieds (1,80 m) lestée d’un<br />
poids de 10 kilos et garnie de<br />
footstraps pour fixer les pieds.<br />
Elle est constituée de carbone<br />
à l’arrière pour que la rigidité<br />
la rende plus rapide et de PVC<br />
à l’avant pour amortir les<br />
perturbations de la vague.<br />
Une planche de rame fait<br />
quant à elle 3 à 4 m de long.<br />
Les deux jet-skis font<br />
respectivement 240 et 260 ch.<br />
Les pilotes ont une radio.<br />
Le sled (traineau) qui sert à<br />
récupérer la surfeuse est muni<br />
de cordes afin qu’elle puisse<br />
l’attraper plus facilement.<br />
30
« La vague de Nazaré, on croit la<br />
connaître, mais elle finit toujours<br />
par vous surprendre. »
Sa bio<br />
express<br />
Justine Dupont,<br />
28 ans,<br />
surfe du gros, mais<br />
pas que. Comme son<br />
palmarès éclectique<br />
en témoigne, elle<br />
est une waterwoman<br />
polyvalente.<br />
Vice-championne du<br />
monde de surf<br />
de grosses vagues.<br />
Championne du<br />
monde de<br />
Stand up paddle.<br />
Vice-championne<br />
du monde<br />
de longboard.<br />
4 fois championne<br />
du monde par<br />
équipe de Stand<br />
up paddle, de<br />
longboard (2 fois)<br />
et de surf.<br />
« Est-on vraiment en train de surfer les plus<br />
grosses vagues de la planète ? »
« Dans ce sport, on a fini par transcender<br />
les questions de genre. Fille ou garçon, qu’importe,<br />
on surfe des grosses vagues, c’est tout. »<br />
d’apnée pour apprendre et m’entraîner, et je suis<br />
aussi allée plusieurs fois à la fosse à La Teste-de-<br />
Buch, en Gironde. Puis j’ai fait des exercices très<br />
ciblés pour apprendre à économiser l’oxygène.<br />
Désormais, je continue, mais c’est plus de l’entretien.<br />
J’ai pas mal progressé en bodysurf avec palmes<br />
grâce à Fred, ça permet d’assurer quand je me<br />
prends des grosses vagues dans la tête. Je pratique<br />
aussi la course à pied sur des distances courtes ainsi<br />
que les montées d’escaliers. L’idée est de travailler<br />
le cardio via du fractionné. Sans oublier le crossfit<br />
pour le gainage et la musculation en salle pour<br />
bosser les appuis à coups de squats. Le soir, séances<br />
de yoga et étirements !<br />
RAFAEL G. RIANCHO/ RED BULL CONTENT POOL<br />
Fred, son compagnon, sécurise sa quête du gros.<br />
avec les garçons. Braver les plus grosses vagues,<br />
on le fait avant tout pour soi. Pour réussir à maîtriser<br />
ses émotions, à dominer sa peur. Dans ce milieu<br />
où les prises de décision doivent se faire vite, sans<br />
hésiter, on apprend à se connaître mieux et plus<br />
rapidement que partout ailleurs, c’est un concentré<br />
de vie. <strong>Mai</strong>s ce qui est fou dans ce sport, c’est qu’on<br />
a fini par transcender les questions de genre. On<br />
n’est que sur l’humain. Fille ou garçon, qu’importe,<br />
on surfe des grosses vagues, c’est tout.<br />
Il y a encore quelques années, le milieu se montrait<br />
moins ouvert aux femmes…<br />
Depuis 2016, les compétitions ont une catégorie<br />
masculine et une catégorie féminine. En février<br />
dernier, le Nazaré Tow Surfing Challenge nous a<br />
permis avec Maya de participer à la compétition<br />
en même temps que les hommes. Ils applaudissent<br />
nos exploits, j’ai eu droit aux éloges de Garrett<br />
McNamara, une légende du milieu.<br />
Tout cela est le fruit d’années de préparation.<br />
Vous vous entraînez comment ?<br />
Il y a cinq ans, j’ai intégré le BCO à Biarritz, un club<br />
Le fait que vous veniez du surf classique vous<br />
donne-t-il un avantage ?<br />
Oui, je suis plus technique que des surfeurs qui ne<br />
seraient pas passés par la compétition que ce soit en<br />
shortboard ou en longboard. Mes manœuvres sont<br />
plus précises, je suis en capacité de bien gérer ma<br />
planche. Comme j’ai pratiqué beaucoup le longboard,<br />
je n’ai pas été trop gênée quand je suis<br />
passée sur les longboards de gros pour surfer<br />
à la rame.<br />
La rame est-elle en train de gagner sur le tow-in ?<br />
Il y a deux ou trois ans, tout le monde s’est remis<br />
à la rame. La saison 2018, je me suis un peu plus<br />
focalisée sur cette approche assez pure. Là, il faut<br />
se retourner et partir, sans aucun coup de pouce.<br />
C’est votre décision. Et ça change tout. Cela dit, j’ai<br />
le sentiment que les mœurs ont évolué. On se rend<br />
bien compte que ramer Nazaré a ses limites. Si l’on<br />
veut surfer gros, le tow-in est plus adapté, et il<br />
revient à fond sur le devant de la scène depuis cette<br />
année. En fait, il s’agit juste de ne pas rester bloqué<br />
sur une façon ou une autre, mais de s’adapter aux<br />
conditions du moment. J’adore les deux, c’est une<br />
question d’équilibre.<br />
Ce sera quoi la prochaine vague ?<br />
Mon programme pour <strong>2020</strong> : performer sur Jaws<br />
à la rame, et découvrir au printemps le spot de<br />
Teahupoo, à Tahiti, pour progresser dans les tubes.<br />
Je compte aussi faire une grosse préparation pour<br />
faire une super saison à Nazaré l’hiver prochain.<br />
Notre équipe devient vraiment professionnelle et<br />
on progresse bien sur la sécurité, c’est top.<br />
justinedupont.fr<br />
THE RED BULLETIN 33
LE SON<br />
D’UNE CIVILISATION<br />
Deux groupes de black metal aux racines mexicaines<br />
offrent une fenêtre sur une culture musicale complexe<br />
qui éclaire leur identité personnelle et précoloniale.<br />
Texte et photos ANGELA BOATWRIGHT<br />
34
Faire face<br />
à la vérité<br />
Les membres de Mictlantecuhtli, de<br />
L.A., portent des tenues de scène reflétant<br />
leur héritage aztèque, conçues sur<br />
mesure par Soul Sick Leather.
En force<br />
Les trois membres du<br />
groupe de black metal<br />
Xibalba Itzaes, basé à<br />
Mexico, prennent une<br />
pose dramatique sur le<br />
site des pyramides de<br />
Teotihuacán.
Nous décidons de nous retrouver aux pyramides de<br />
Teotihuacán. En compagnie d’Arturo, frontman du<br />
groupe de black metal Mictlantecuhtli basé à Los<br />
Angeles, nous sommes partis au Mexique afin de<br />
faire connaissance avec l’un des premiers groupes<br />
de black metal du pays, Xibalba Itzaes. Les musiciens<br />
ont accordé peu d’interviews en trente ans de carrière.<br />
Même au bout de plusieurs semaines d’échange,<br />
nous ne sommes pas sûrs de les rencontrer.<br />
Les groupes Mictlantecuhtli et Xibalba Itzaes<br />
sont des âmes sœurs. Leurs noms font référence aux<br />
enfers, respectivement dans les mythologies aztèque<br />
et maya. Ils ne se connaissent pas encore. Choisir<br />
les pyramides comme lieu de premier rendezvous,<br />
n’est pas fortuit. Teotihuacán a été interprété<br />
comme « le lieu de naissance des dieux », ce qui en<br />
fait un endroit parfait pour réunir ces énigmatiques<br />
groupes de black metal. L’importance de cette<br />
rencontre imminente nous enveloppe comme<br />
une brume épaisse tout au long des 90 minutes<br />
de route dans la circulation du week-end depuis<br />
Mexico. Pour Arturo, qui est originaire du Mexique<br />
mais qui a immigré aux États-Unis dans sa jeunesse,<br />
les pyramides sont sacrées. Nous avons l’espoir<br />
qu’aujourd’hui, à l’ombre des anciens dieux, Teotihuacán<br />
soit l’endroit où deux groupes de pays différents<br />
mais à l’héritage commun, unis dans le désir<br />
d’éclairer les histoires de ceux qui les ont précédés,<br />
se retrouvent enfin.<br />
Une fois arrivés à Teotihuacán, le frontman de<br />
Xibalba Itzaes, Marco, et le bassiste, Victor, nous<br />
retrouvent à l’heure prévue. Marco a apporté des<br />
cassettes de son enfance, copiées à partir d’albums<br />
37
Le culte<br />
du temps<br />
On ne pouvait pas<br />
trouver mieux que<br />
Teotihuacán comme<br />
décor photo. D’après<br />
les Aztèques, c’est ici,<br />
sur ce site qui a servi<br />
de fondations à la ville,<br />
que sont nés les dieux.<br />
qui à l’époque étaient trop chers pour la plupart des<br />
jeunes métalleux mexicains. Des vendeurs entreprenants<br />
ont tiré profit de cette situation en vendant<br />
les cassettes copiées à partir des disques originaux<br />
à bien meilleur prix. Il manquait souvent les légendaires<br />
illustrations des albums (pensez à celles<br />
d’Iron <strong>Mai</strong>den) mais le jeune Marco trouva une solution.<br />
Il passa des heures à reproduire à la main les<br />
dessins détaillés sur les inserts vierges qui accompagnaient<br />
les cassettes. Il était tellement motivé et<br />
inspiré qu’il copiait aussi souvent chaque ligne de<br />
l’insert du disque, y compris toute la section des<br />
remerciements.<br />
Marco retire délicatement une cassette qui comprend<br />
un rendu presque parfait de l’illustration de<br />
l’album révolutionnaire de Venom, Black Metal. Il<br />
me tend lentement les cassettes comme s’il s’agissait<br />
de reliques. Je crains que si l’on perd ou qu’on abîme<br />
ces cassettes, une partie de Marco le sera également.<br />
Je manipule chacune d’entre elles avec soin, en<br />
examinant les efforts d’un adolescent à la recherche<br />
d’une identité, de quelque chose pour définir son<br />
monde et l’univers et tout ce qui se trouve au-delà.<br />
Teotihuacán était le plus grand centre urbain de<br />
Méso-Amérique avant l’ère aztèque. Bien que les<br />
Aztèques ne l’aient pas construit, ils lui ont néanmoins<br />
donné son nom. Ils vénéraient ce lieu comme<br />
le site où les dieux avaient créé l’univers. De la<br />
même manière, les cassettes de Marco constituent<br />
la genèse de son univers, une porte d’entrée vers<br />
un chemin que, adulte, Marco poursuit encore.<br />
Marco remballe ses cassettes. Puis nous nous dirigeons,<br />
Arturo, Victor et Jorge, le batteur de Xibalba<br />
Itzaes qui vient d’arriver avec sa femme Haydee,<br />
vers les pyramides du Soleil et de la Lune. Comme<br />
notre plan est de prendre des photos, les membres<br />
38 THE RED BULLETIN
« NOUS SOMMES AU MEXIQUE.<br />
NOUS FAISONS DU BLACK<br />
METAL MEXICAIN QUI PARLE<br />
DE NOTRE CULTURE. »<br />
Les Xibalba Itzaes sondent les origines et le centre de l’univers.<br />
de Xibalba Itzaes portent leur tenue de scène ainsi<br />
qu’une peinture faciale obsédante. Aux mal informés,<br />
ces marques tribales rappellent Alice Cooper<br />
ou Kiss mais sont en fait un clin d’œil à des groupes<br />
de black metal contemporains du Brésil et de Scandinavie.<br />
Les musiciens attirent beaucoup l’attention<br />
et sont plus qu’heureux de poser pour des photos.<br />
Arturo évite l’agitation et se concentre plutôt sur les<br />
pyramides, transpirant sous le poids de son lourd<br />
blouson de cuir. Tandis que le soleil se couche, nous<br />
nous retirons tous les sept, écrasés par la chaleur<br />
et épuisés, sur l’allée des Morts puis vers la sortie.<br />
Plus tard, je réfléchis aux cassettes adorées de<br />
Marco. Elles sont peut-être ses offrandes à la jeunesse<br />
et au rock’n’roll bien sûr, mais aussi à l’éternelle<br />
recherche d’identité, d’acceptation et de sens.<br />
« À l’école, il me semblait que j’étais le seul à aimer<br />
le heavy metal. C’était comme quelque chose qui<br />
n’appartenait qu’à moi », note Marco. Sans la découverte<br />
de ces précieuses bandes et de la musique<br />
qu’elles renfermaient, qui sait qui ce qu’il serait<br />
devenu.<br />
DANS LES ANNÉES 1980, il était difficile<br />
d’accéder à la bonne parole du heavy metal<br />
à Mexico. « Nous n’avions pas d’argent pour<br />
acheter des disques. Alors c’était comme si celui que<br />
nous avions choisi d’acheter devait être le meilleur. »<br />
Fan de heavy metal précoce grâce à un grand frère<br />
bien informé, Marco découvre le groupe Venom<br />
à l’âge de dix ans, sur le célèbre marché Tianguis<br />
Cultural del Chopo de Mexico. El Chopo était un<br />
phare pour les jeunes métalleux et les punks dans<br />
les années 80 et 90, et l’est encore aujourd’hui.<br />
Le passage très étroit serpente à travers les étals<br />
de taille réduite sur lesquels s’entassent une quantité<br />
impressionnante d’articles à vendre. « Sans El<br />
Chopo, nous aurions peut-être découvert la musique<br />
malgré tout, mais beaucoup plus tard, avec l’arrivée<br />
d’Internet. Qui sait si nous aurions formé le<br />
groupe », s’interroge Marco.<br />
Xibalba Itzaes est un trio composé des frères<br />
Jorge, Marco et Victor (qui se produisent sous les<br />
noms de Jorge « Ah Ektenel », Marco « Ek Balam »<br />
THE RED BULLETIN 39
La collection de cassettes de heavy metal de Marco et les dessins<br />
très fouillés illustrant les albums préférés de son enfance.<br />
et Victor « Ehxibchac »). Quand les Xibalba Itzaes<br />
commencent à composer des chansons, Marco est<br />
encore lycéen. C’est à cette époque qu’il lit Popol<br />
Vuh, un texte du XVI e siècle qui détaille la conception<br />
maya de la création et de la cosmologie avant la<br />
colonisation espagnole. « Nous sommes au Mexique.<br />
Nous faisons du black metal mexicain qui parle de<br />
notre culture, parce que comme les Norvégiens sont<br />
fiers d’avoir Odin et Thor, nous devrions être fiers<br />
d’avoir Kukulkán et Huitzilopochtli », dit Jorge.<br />
L’histoire du black metal est complexe. Ian<br />
Christe, animateur de radio basé à Brooklyn,<br />
éditeur et auteur de Sound of the Beast: <strong>The</strong> Complete<br />
Headbanging History of Heavy Metal, résume<br />
ses origines au téléphone : « Le nom black metal<br />
vient d’un disque de 1982 du groupe britannique<br />
Venom, commence-t-il. Ils étaient, au point de vue<br />
sonore, comme un groupe de rock’n’roll qui jouait<br />
vite et “sale”. Quelques années plus tard, un groupe<br />
suédois appelé Bathory a commencé à faire le premier<br />
véritable black metal. Une fois que Bathory<br />
a commencé à faire des disques sur le thème des<br />
Vikings, on s’est rendu compte que la Norvège<br />
n’avait pas toujours été une nation chrétienne. Les<br />
chrétiens étaient venus et avaient converti quelques<br />
rois vikings qui traversaient ensuite le pays en massacrant<br />
tout le monde, et scandaient : “Convertissezvous<br />
ou crevez !” Ces jeunes voulaient donc inverser<br />
le processus de colonisation. Cela s’est répercuté<br />
à travers le monde. »<br />
Le lendemain de notre visite à Teotihuacán,<br />
Alfredo Nieves Molina, ethnomusicologue à l’Institut<br />
de recherches anthropologiques de l’UNAM<br />
(Université nationale autonome du Mexique) à<br />
Mexico, nous invite, Arturo et moi, à visiter le musée<br />
du Templo Mayor, situé dans le Zócalo, le cœur de la<br />
Le groupe Xibalba Itzaes, formé il y a près de trente ans, planifie la sortie d’un nouvel album.<br />
40 THE RED BULLETIN
Naissance<br />
d’une passion<br />
Marco, le frontman de<br />
Xibalba Itzaes, revisite le<br />
marché toujours en effervescence<br />
d’El Chopo à<br />
Mexico où il a acheté pour<br />
la première fois des cassettes<br />
de heavy metal dans<br />
les années 1980.<br />
ville moderne de Mexico. Cette zone correspond<br />
à ce qui constituait autrefois la grande ville-État<br />
mexicaine de Tenochtitlán, devenue la capitale de<br />
l’empire aztèque au XV e siècle. Les Espagnols ont<br />
conquis Tenochtitlán au XVI e siècle et ont construit<br />
une église sur les ruines du temple aztèque<br />
aujourd’hui connu sous le nom de Templo Mayor.<br />
Alfredo nous guide à travers le musée en nous<br />
faisant découvrir la musique et la culture mésoaméricaine.<br />
Il explique que des groupes comme<br />
Xibalba Itzaes et Mictlantecuhtli ne se contentent<br />
pas de raconter de vieilles histoires mais évoquent<br />
la conception de l’univers par leurs ancêtres. « La<br />
cosmologie est une conception complète du monde ;<br />
un mythe n’est qu’une histoire. »<br />
Alfredo est un métalleux de longue date : « J’ai<br />
grandi seul, donc la musique est devenue une partie<br />
de moi. Quand j’ai découvert Iron <strong>Mai</strong>den et des<br />
groupes comme Slayer, le monde s’est ouvert. »<br />
Alfredo a fait de sa passion d’adolescent une carrière<br />
à plein temps et, en plus de son statut d’ethnomusicologue,<br />
il dirige le séminaire d’études sur le heavy<br />
metal au Museo Nacional de las Culturas del Mundo<br />
à Mexico. Le programme accueille des panels<br />
académiques sur des sujets aussi pointus que « Des<br />
extrêmes. L’inexprimable et le grotesque. Formes<br />
de transgression dans le goregrind : une étude de<br />
l’iconographie musicale » et « Metal tombé du ciel :<br />
la religion et le heavy metal. »<br />
Alors que nous nous promenons dans l’ancien<br />
temple, Alfredo et Arturo continuent de partager<br />
leurs histoires personnelles. Arturo est né à Mexico<br />
et a déménagé aux États-Unis à l’âge de 7 ou 8 ans.<br />
« Ce fut vraiment difficile pour moi de trouver une<br />
identité aux États-Unis. Cela m’a pris des années,<br />
car à Los Angeles, nous n’avons pas de pyramides,<br />
pas de statues… Tout ce que nous avons, ce sont<br />
des livres, mais les livres sont en anglais et le professeur<br />
d’histoire vous parle de l’histoire locale. Je suis<br />
retourné au Mexique il y a quatre ou cinq ans. Je<br />
me suis rendu aux pyramides. À l’époque, je traversais<br />
une période difficile et quand je suis arrivé au<br />
sommet, je me suis posé là. Ça peut sembler bizarre,<br />
pourtant je jure que je pouvais entendre et sentir<br />
une certaine présence. À ce moment-là, j’ai eu<br />
l’impression d’être le centre de l’univers, comme<br />
les pyramides. On peut lire des tas de choses sur<br />
le sujet, mais cela n’a rien à voir avec l’expérience<br />
telle qu’on peut la vivre. Ce n’est qu’en étant dans<br />
cette forme de ressenti que vous comprenez qui<br />
vous êtes vraiment. »<br />
DE RETOUR À LOS ANGELES, c’est une journée<br />
d’été chaude et humide à Boyle Heights, une<br />
communauté soudée à prédominance latino,<br />
adjacente au centre-ville de Los Angeles. Toutes les<br />
fenêtres sont ouvertes dans l’appartement d’Arturo.<br />
Un ventilateur oscille et disperse un air poisseux.<br />
La circulation bourdonne constamment en arrièreplan,<br />
ponctuée par les bavardages sur le trottoir et<br />
la musique qui provient des voitures qui passent.<br />
« Grandir à Boyle Heights était dangereux, dit<br />
Arturo. Le taux de criminalité était très élevé ; les<br />
meurtres étaient nombreux. » Arturo se souvient<br />
d’une époque où ses cousins venaient du Mexique<br />
en visite. « Nous attendions le bus, et je ne vous<br />
mens pas, il y avait des membres de gang avec des<br />
fusils qui tiraient comme des cow-boys et des<br />
Indiens. Ils étaient là, juste en face. Boum, boum,<br />
boum ! Et moi, j’étais planté là, à regarder. Je les<br />
THE RED BULLETIN 41
egardais, fasciné. J’ai eu de la chance, poursuit<br />
Arturo. J’étais “le mec heavy metal” qui déambulait<br />
au pied des HLM. Les gangsters se levaient en me<br />
voyant passer, ils m’alpaguaient : “Hey, tu viens<br />
d’où ? Ah, c’est juste un rockeur”, puis me laissaient<br />
partir. » Le black metal a souffert d’une mauvaise<br />
réputation au milieu des années 90 avec une série<br />
d’églises incendiées, un suicide et deux meurtres<br />
commis par des membres du groupe de la scène<br />
black metal norvégienne. Ces événements très<br />
médiatisés ont inspiré des dizaines d’articles, de<br />
documentaires et un livre tristement célèbre<br />
devenu un long métrage, Lords of Chaos (2018).<br />
Cependant, le black metal a explosé sur la scène<br />
underground internationale bien avant les meurtres.<br />
Henry Yuan, audiophile heavy metal et guitariste<br />
du groupe de black metal Impure, explique au téléphone<br />
depuis Brooklyn : « Certains, en regardant<br />
Lords of Chaos, pensent qu’il s’agit d’une représentation<br />
réaliste du milieu du black metal ». Il fait remarquer<br />
que la plupart des gens, même ceux qui se<br />
disent au courant, croient que le black metal est<br />
une forme d’art norvégienne et rejettent donc ses<br />
racines non norvégiennes. « Ils ont déjà rejeté l’idée<br />
qu’il existe des groupes au Japon, au Mexique, en<br />
Colombie, en Hongrie, en Italie, en France, partout. »<br />
Contrairement à la croyance populaire, le black<br />
metal n’est pas une création strictement eurocentrique.<br />
Un représentant de Greyhaze Records, le<br />
distributeur nord-américain de certains des groupes<br />
black metal parmi les plus respectés du Brésil, et<br />
qui demande à être appelé « MQC », explique plus en<br />
détail : « Les métalleux trouvent toujours un terrain<br />
d’entente, quelle que soit leur nationalité. Prenez<br />
le Brésil et la Norvège par exemple, deux scènes<br />
influentes, reliées entre elles de manière élémentaire.<br />
Pourtant, les cultures générales du Brésil et de la<br />
Norvège ne sauraient différer davantage. Peu de gens<br />
considèrent le Brésil comme un foyer de metal et<br />
sont étonnés du fait qu’un groupe à succès comme<br />
Entre deux<br />
mondes<br />
Les membres de Mictlantecuhtli<br />
vivent à Los Angeles, mais leur<br />
identité avec la culture aztèque<br />
précoloniale est au cœur de<br />
leurs textes.<br />
Arturo a quitté Mexico pour Los Angeles à l’âge de 7 ou 8 ans.<br />
42 THE RED BULLETIN
THE RED BULLETIN 43
Jeu de pouvoir<br />
« Ce n’est pas seulement de la<br />
musique, explique l’historien<br />
du heavy metal Ian Christe.<br />
Ces groupes recherchent<br />
quelque chose d’ancien et<br />
de vrai pour s’y accrocher et<br />
en extraire leur force. »<br />
Sepultura ait pu émerger d’un tel pays. En vérité, un<br />
groupe comme Sepultura ne pouvait émerger que<br />
d’une scène très effervescente. » L’un des groupes de<br />
cette scène brésilienne, Sarcófago, a sorti son premier<br />
album, I.N.R.I., en 1987. Il a eu un effet massif<br />
sur l’évolution générale du black metal et est toujours<br />
considéré comme un chef d’œuvre.<br />
En 1991, quelques années après la sortie<br />
d’I.N.R.I., et avant les incendies d’églises, les<br />
meurtres en Scandinavie et le chaos qui allait propulser<br />
le black metal norvégien à la une des journaux<br />
du monde, les Xibalba Itzaes utilisaient déjà<br />
le black metal pour propager les histoires de leurs<br />
ancêtres mayas. « Xibalba » est le nom du monde<br />
souterrain dans la mythologie maya et « Itzaes » fait<br />
référence au peuple maya qui a construit la ville de<br />
Chichén Itzá (située sur la péninsule du Yucatán)<br />
où se trouve le temple de Kukulkán, l’une des sept<br />
merveilles du monde construites par l’Homme.<br />
Comme les pyramides de Teotihuacán et de Templo<br />
Mayor, le temple de Kukulkán est considéré comme<br />
un axis mundi, un point de convergence où les<br />
mondes des esprits et des mortels se rencontrent,<br />
le centre de l’univers, le berceau autour duquel tout<br />
tourne, bref un lieu symbolique où chaque moment<br />
représente une éternité et où chaque action est un<br />
acte d’hommage à ses dieux.<br />
LE MERROW EST UN PETIT BAR situé dans une<br />
ruelle près de l’avenue University, bondée,<br />
au cœur du quartier Hillcrest de San Diego,<br />
un quartier accueillant pour les LGBTQ. C’est un<br />
endroit sombre et intime baigné de lumière rose ;<br />
un épais brouillard d’encens flotte dans chaque<br />
pièce. Une foule est là pour voir le show de black<br />
metal. Tout le monde porte des tee-shirts célébrant<br />
le black metal – mais ici, pas de Motörhead, d’Iron<br />
<strong>Mai</strong>den ni de Metallica sérigraphiés. Même les<br />
vestes sont entièrement constituées de patchs black<br />
metal avec des logos exotiques ressemblant à la<br />
44 THE RED BULLETIN
« Tous les bons<br />
moments que j’ai<br />
eus dans ma vie<br />
sont liés au groupe »,<br />
dit Arturo.<br />
« LES MÉTALLEUX TROUVENT<br />
TOUJOURS UN TERRAIN<br />
D’ENTENTE, QUELLE QUE<br />
SOIT LEUR NATIONALITÉ. »<br />
Plan de<br />
bataille<br />
Arturo a vu beaucoup<br />
de violence croître à<br />
Los Angeles, mais ces<br />
jours-ci, il s’intéresse<br />
davantage aux batailles<br />
métaphoriques qui se<br />
déroulent sur scène.<br />
THE RED BULLETIN 45
Le metal<br />
célébré<br />
Un concert de Mictlantecuhtli en<br />
2019 au Merrow, dans le quartier<br />
Hillcrest de San Diego (USA).<br />
« JE N’AI PAS D’ENFANTS.<br />
MES ENFANTS À MOI, CE SONT<br />
LES NOTES DE MUSIQUE. »<br />
structure complexe des racines des arbres. Depuis<br />
la fin des années 90, les Mictlantecuhtli ont utilisé<br />
le black metal comme véhicule pour embrasser leurs<br />
ancêtres aztèques précoloniaux. Ils sont cinq amis<br />
de longue date : Arturo, Hector, Sam, Manny et<br />
Frank, ou « Temoc », « Tlaloc », « Cuitlahuac »,<br />
« Mixcoatl » et « Itzcoatl », noms empruntés à la<br />
langue aztèque nahuatl, langue encore parlée par<br />
plus d’un million de personnes au Mexique.<br />
Les gars se connaissent depuis leur enfance alors<br />
qu’ils apprenaient à jouer des riffs de Slayer à la guitare<br />
et assistaient à des concerts populaires pas tout<br />
à fait légaux, de backyard punk à Boyle Heights. Le<br />
guitariste Sam et le bassiste Hector placent des teeshirts<br />
de Mictlantecuhtli sur une table de billard au<br />
milieu de la salle. Le frère d’Hector, Peter, et son père<br />
de 79 ans, Pedro, donnent un coup de main. Pedro<br />
a emmené Hector voir des concerts alors que son fils<br />
n’avait que treize ans, « les grands Scorpions, Iron<br />
<strong>Mai</strong>den », dit-il en déballant, triant et arrangeant les<br />
t-shirts par dizaines. Arturo développe : « Tous les<br />
bons moments que j’ai passés dans ma vie sont liés<br />
au groupe. En tournée, en spectacle, sur scène. Le<br />
simple fait de savoir que vous avez vos frères de<br />
combat à côté de vous est puissant. » L’arôme fort et<br />
fumé du copal sacré signifie que les Mictlantecuhtli<br />
sont sur le point d’entrer en scène. « Je n’ai pas<br />
d’enfants. Mes enfants à moi, ce sont les notes de<br />
musique, vous voyez ? »<br />
Mictlantecuhtli joue devant un public enthousiaste<br />
d’une centaine de personnes. Le mur sonore<br />
technique mais guttural, emblématique de l’ambiance<br />
trance du black metal, est ponctué de riffs<br />
des années 80 qui reprennent des influences atypiques<br />
du black metal, comme le virtuose suédois<br />
de la guitare Yngwie Malmsteen et Dave Murray<br />
d’Iron <strong>Mai</strong>den. Un solo de batterie typiquement<br />
arena rock gagne en intensité jusqu’à ce que les cinq<br />
membres du groupe lèvent le poing et saluent la<br />
foule. Panama de Van Halen suit immédiatement<br />
après leur set riche en décibels.<br />
L’historien du heavy metal Ian Christe explique :<br />
« Ce n’est pas que de la musique. Il s’agit de l’ambiance<br />
et de l’esprit et souvent, d’un sentiment<br />
effroyable, cruel et désagréable. Peu importe l’inélégance<br />
des moyens utilisés, ces groupes recherchent<br />
quelque chose d’ancien et de vrai pour s’y accrocher<br />
et en extraire leur force. Il y a une curiosité pour<br />
le passé et pour ce qui a été perdu afin de créer le<br />
monde moderne dans lequel nous vivons et dont,<br />
tous, nous ne nous satisfaisons pas. Quelque chose<br />
a mal tourné en cours de route. Peut-être qu’en<br />
retournant à ces civilisations premières et à ces<br />
mythes originaux, nous pourrons redécouvrir ce<br />
qui a fait que cette civilisation a existé. »<br />
Instagram : @xibalbaitzaes<br />
46 THE RED BULLETIN
Arturo<br />
Quand on l’interroge<br />
sur Mictlantecuhtli, le<br />
chanteur répond : « Oui,<br />
c’est mon héritage. »
« En Rookies<br />
Cup, seul<br />
le pilotage<br />
compte. »<br />
48 THE RED BULLETIN
Dans le<br />
futur du<br />
MotoGP<br />
Lancée en 2007, la <strong>Red</strong> Bull MotoGP Rookies Cup, un<br />
championnat de moto de vitesse dédié à des pilotes<br />
de 13 à 17 ans, permet à de jeunes talents d’envisager<br />
le plus haut niveau (le MotoGP) dans les conditions<br />
des « grands ». Avec une première étape historique en<br />
France cette année lors du Grand Prix de France moto<br />
du Mans, l’événement recroise l’un de ses participants<br />
historiques, JOHANN ZARCO. Engagé en MotoGP<br />
depuis 2017, le pilote français du team Avintia Ducati<br />
revient sur les enseignements tirés de sa Rookies Cup.<br />
Texte HANS HAMMER<br />
GOLD AND GOOSE/RED BULL CONTENT POOL<br />
the red bulletin : Johann, vous avez<br />
intégré la <strong>Red</strong> Bull MotoGP Rookies<br />
Cup à 16 ans, en 2007, et en avez remporté<br />
la première édition, quel souvenir<br />
en gardez-vous, et qui étiez-vous<br />
à l’époque ?<br />
johann zarco : Un gamin… Le plus<br />
grand des gamins, car j’étais le plus âgé<br />
de la sélection. Je m’en souviens comme<br />
d’une aubaine : pouvoir participer à un<br />
championnat de moto et n’avoir rien à<br />
financer, si ce n’est tes déplacements,<br />
alors que jusque-là, c’était mon père<br />
qui finançait mes évolutions en moto.<br />
Quand je suis arrivé en Rookies Cup, on<br />
te passait une moto, un équipement, un<br />
casque, on te fournissait un mécano, et<br />
tous les pilotes étaient logés à la même<br />
enseigne.<br />
Le côté uniforme du programme, avec<br />
une égalité d’équipement, de moyens<br />
et d’accompagnement était quelque<br />
chose de déterminant pour vous ?<br />
En MotoGP, aujourd’hui, je me bats<br />
contre d’autres équipes et leurs moyens<br />
respectifs, en Rookies Cup, tu pars avec<br />
les mêmes chances, et seul le pilotage<br />
compte. Moi je n’étais pas un gars du milieu,<br />
je n’avais pas accès aux paddocks.<br />
La moto, j’en rêvais devant la télé, alors<br />
quand tu te retrouves à courir en ouverture<br />
de rideau d’un Grand Prix de Moto3,<br />
le samedi précédant la course de Moto-<br />
GP, c’est une aubaine incroyable.<br />
Qu’est-ce qu’un tel programme peut<br />
apporter à un jeune pilote ?<br />
Déjà, on peut pratiquer l’anglais, et on<br />
court sur les mêmes circuits que les<br />
pilotes de GP. Ensuite, ça t’apporte des<br />
repères, pour le futur, ça te permet<br />
d’essayer ces pistes dans de très bonnes<br />
conditions. Tu as donc de grosses possibilités<br />
d’apprendre. Ça te permet aussi de<br />
découvrir tout l’univers <strong>Red</strong> Bull sur les<br />
GP, l’hospitalité, les excellents buffets…<br />
(rires)<br />
THE RED BULLETIN 49
De ces jeunes pilotes<br />
émergeront probablement<br />
les grands noms<br />
du MotoGP de demain.<br />
« J’essaie d’apprendre<br />
de tous<br />
mes adversaires. »<br />
Qui étiez-vous en sortant de la<br />
Rookies Cup ?<br />
Quand j’ai gagné la Rookies Cup à 17 ans,<br />
c’était mon premier championnat avec<br />
des victoires devant le grand public et ça<br />
m’a permis de me faire connaître. Quand<br />
il sort de la Rookies Cup, le pilote a beaucoup<br />
plus confiance en lui, il sent qu’il<br />
peut rouler vite sur une moto.<br />
Quel est le plus grand enseignement<br />
que vous tirez de la Rookies Cup ?<br />
Je me souviens de l’un des conseils de<br />
notre coach, August Auinger : rentrer les<br />
coudes en ligne droite. J’avais tendance à<br />
les garder un peu ouverts, et c’est devenu<br />
un réflexe, fermer les coudes en ligne<br />
droite. Il y a aussi l’aspect stratégique, la<br />
stratégie de course. Et j’ai pris conscience<br />
que je pouvais aller vite... de ce truc :<br />
tu pars, tu t’échappes !<br />
Comment voyiez-vous la catégorie<br />
MotoGP, l’élite, à l’époque ?<br />
Le MotoGP, je ne savais même pas vraiment<br />
à quoi ça correspondait quand j’en<br />
voyais, c’était un autre monde… Moi,<br />
j’étais concentré sur la catégorie 125 cm³,<br />
pour progresser. Je ne m’imaginais pas<br />
encore dans les catégories supérieures,<br />
en 250 ou Moto2. Je cherchais à travailler<br />
tous les détails, à décortiquer le pilotage<br />
de chacun, pour être le meilleur,<br />
mais en 125 d’abord.<br />
Même si vous n’étiez pas fixé sur le<br />
MotoGP dans l’immédiat, quelle vision<br />
en aviez-vous ?<br />
J’aimais bien l’Italien Andrea Dovizioso<br />
à l’époque, qui est entré en MotoGP en<br />
2008 et qui a été vice-champion du<br />
monde en 2019. J’aimais bien le regarder<br />
et j’appréciais ses bons résultats. Et aussi<br />
l’Espagnol Jorge Lorenzo, qui a eu le<br />
même cursus qu’Andrea. C’était les deux<br />
mecs que j’aimais mettre en comparaison.<br />
Après, le MotoGP c’était déjà Valentino<br />
Rossi, toujours unique, toujours parfait<br />
dans sa combinaison, dans ses couleurs,<br />
je suis resté fan de ça, admiratif. J’ai<br />
aussi en tête des images de Pedrosa,<br />
pour lequel j’ai toujours eu beaucoup de<br />
respect. Je n’arrivais pas à m’expliquer<br />
comment il pouvait être aussi fort. En<br />
2007, il y avait le pilote <strong>Red</strong> Bull Chris<br />
Vermeulen, l’Australien, qui venait nous<br />
donner les trophées à la fin des courses.<br />
Depuis trois ans que vous évoluez en<br />
MotoGP, comment percevez-vous ces<br />
pilotes à présent, vous l’ex-vainqueur<br />
de la Rookies Cup 2007 ?<br />
Je reste assez fan de Valentino, il reste<br />
la légende. Il y a un côté affect avec lui,<br />
on est devenus adversaires et il y a eu de<br />
belles passes d’arme, mais si je peux lui<br />
parler c’est toujours avec un côté fan.<br />
Concernant les autres pilotes, je fais partie<br />
d’eux, je les analyse, qu’ils soient nouveaux<br />
ou plus anciens dans la catégorie.<br />
Je peux analyser des mecs qui ont eu des<br />
50 THE RED BULLETIN
GOLD AND GOOSE/RED BULL CONTENT POOL<br />
bonnes phases, de moins bonnes phases,<br />
qui ont dû revenir. J’essaie d’apprendre de<br />
tous mes adversaires. Le but, c’est d’être<br />
plus fort qu’eux, et si je peux comprendre<br />
leurs failles, ça va m’aider. J’ai peut-être<br />
perdu un peu de temps et des sensations<br />
par rapport à eux la saison dernière, mais<br />
je suis très motivé à donner ce qu’il faut<br />
pour aller me battre avec eux.<br />
Que retenez-vous de votre saison 2019<br />
(entamée chez KTM et terminée chez<br />
LCR Honda, ndlr) ? En quoi fut-elle<br />
intéressante ?<br />
J’ai pris une grosse décision, risquée,<br />
quitte à ne pas courir en <strong>2020</strong>, et j’ai la<br />
chance de courir à nouveau en <strong>2020</strong>,<br />
d’avoir ce plaisir de rouler à nouveau,<br />
dans une bonne structure, bien aidé<br />
par Ducati. Les sensations commencent<br />
à revenir. J’aurais pu faire quelque chose<br />
avec la KTM que je n’ai pas su faire.<br />
<strong>Mai</strong>s j’ai grandi pendant un an sur bien<br />
d’autres aspects, pour réussir à dompter<br />
la Ducati cette saison. Je me rends<br />
compte que j’ai pu faire des erreurs,<br />
mais je prends le bon de tout ça. Je<br />
cours dans de bonnes conditions, avec<br />
un groupe que j’aime beaucoup, ça me<br />
donne beaucoup de fraîcheur, car j’ai<br />
joué gros.<br />
La première course de la saison, au<br />
Qatar, vient d’être annulée, en catégorie<br />
MotoGP du moins, pour cause de<br />
Coronavirus… Quels enseignements<br />
tirez-vous de ce genre de situation,<br />
et comment les mettez-vous à profit ?<br />
J’en profite pour faire des entraînements<br />
plus durs avec mon préparateur physique,<br />
Romain. Des séances que nous ne<br />
pouvons pas nous permettre de réaliser<br />
une fois la saison lancée. L’entraînement<br />
dur qu’on n’a peut-être pas pu bien faire<br />
pendant l’hiver avec une blessure et le<br />
temps de pause des fêtes, on a l’opportunité<br />
de le faire maintenant. Ce type<br />
d’entraînement peut beaucoup apporter,<br />
car le corps et la tête, en début de saison,<br />
dans une période dynamique, sont prêts<br />
à les encaisser. C’est être un bel athlète<br />
dont j’ai besoin maintenant, à l’exemple<br />
de Márquez.<br />
« C’est être un<br />
bel athlète dont j’ai<br />
besoin maintenant,<br />
à l’exemple de<br />
Marc Márquez. »<br />
RED BULL MOTOGP<br />
ROOKIES CUP<br />
Ils ont un but : s’imposer au plus haut<br />
niveau de la compétition moto. Des<br />
centaines de candidats postulent<br />
chaque année pour intégrer le programme<br />
et 26 pilotes de 14 nations,<br />
entre 13 et 17 ans, ont été choisis<br />
pour la saison <strong>2020</strong>. Les jeunes<br />
pilotes s’affrontent sur des motos<br />
KTM spécialement développées pour<br />
ce concept, identiques pour chacun<br />
des pilotes, avec des spécificités<br />
proches des engins de Moto3 : des<br />
250 cc dont la vitesse maximum est<br />
220 km/h, et le poids 80,5 kg. Cette<br />
compétition de moto pour jeunes talents<br />
est une passerelle vers la catégorie<br />
suprême, le MotoGP, et en 2019,<br />
plus de 50 % des pilotes présents sur<br />
le championnat Moto3 étaient passés<br />
par la Rookies Cup.<br />
LES DATES DE L’ÉDITION <strong>2020</strong><br />
(la Rookies Cup s’arrête en<br />
France pour la première fois)<br />
ESPAGNE<br />
2-3 mai (Jerez), 2 manches<br />
<strong>FR</strong>ANCE<br />
16-17 mai (Le Mans), 2 manches<br />
ITALIE<br />
30 mai (Mugello), 1 manche<br />
ALLEMAGNE<br />
20-21 juin (Sachsenring),<br />
2 manches<br />
FINLANDE<br />
11-12 juillet (Kymi Ring),<br />
2 manches<br />
AUTRICHE<br />
15-16 août (Spielberg),<br />
2 manches<br />
ARAGON<br />
3-4 octobre (Alcañiz), 2 manches<br />
Retrouvez la <strong>Red</strong> Bull MotoGP<br />
Rookies Cup lors du Grand Prix<br />
de France moto, organisé<br />
du 15 au 17 mai sur le circuit<br />
du Mans.<br />
gpfrancemoto.com<br />
Bartholomé Perrin, le Français engagé<br />
en <strong>2020</strong> avec Gabin Planques.<br />
« Il faut viser haut,<br />
la Rookies Cup<br />
est une étape de<br />
carrière. »<br />
Il semble que vous soyez en route pour<br />
l’Espagne avec Romain, pourquoi ?<br />
Oui, on y trouvera de belles pistes pour<br />
s’entraîner, et une météo plus clémente<br />
qu’en France. Et puisque nous étions partis<br />
pour aller au Qatar, se faire quelques<br />
heures en camion pour l’Espagne ça n’est<br />
pas un souci. En avion ou en camion,<br />
dans la tête, on voyage.<br />
Quels tuyaux, de pilote à pilote, aimeriez-vous<br />
prodiguer aux jeunes participants<br />
à la Rookies Cup cette saison,<br />
dont les deux Français, Gabin<br />
Planques, déjà présent sur l’édition<br />
2019, et un nouveau talent engagé<br />
cette année, Bartholomé Perrin ?<br />
Le vainqueur de la Rookies Cup 2019,<br />
Carlos Tatay, est rentré dans mon team,<br />
Avintia Ducati cette année, en Moto3, et<br />
je lui ai dit qu’il devait passer un cap au<br />
niveau de la hargne : « Il faut que tu sois<br />
méchant, sinon tu vas te faire manger ».<br />
Après la Rookies Cup, il faut avoir la<br />
rage, une vraie faim. Je n’ai pas encore<br />
vu Bartholomé rouler, donc je ne peux<br />
pas lui donner de conseils de pilotage<br />
spécifiques, mais à ce Français qui vient<br />
de rentrer en Rookies Cup, je dirais de<br />
ne pas se satisfaire d’être le premier des<br />
nouveaux. Il faut viser haut, la Rookies<br />
Cup est une étape de carrière.<br />
Qu’est-ce qui peut arriver de mieux<br />
à un pilote de la Rookies Cup ?<br />
Ce genre d’anecdote : quand j’ai gagné la<br />
deuxième course de la Rookies Cup 2007<br />
à Mugello, en Italie, tout heureux, avec<br />
la Marseillaise et tout ça, je suis reparti<br />
directement le samedi soir pour rentrer<br />
chez moi sur la Côte d’Azur. Ce soir-là,<br />
mon voisin fêtait son anniversaire dans<br />
son garage, qu’il avait transformé en<br />
discothèque. J’y suis arrivé vers minuit,<br />
en pleine fête, avec un pack de <strong>Red</strong> Bull<br />
que l’on m’avait donné à Mugello. D’un<br />
coup, j’étais la star de la nuit, le sauveur<br />
de la soirée, sachant que la boisson énergisante<br />
n’était pas encore vendue en<br />
France à cette époque-là. J’étais le mec<br />
trop «privilégié» qui revient d’une compétition<br />
moto avec un pack de <strong>Red</strong> Bull.<br />
« Johann il est génial ! » (rires) C’était fun.<br />
rookiescup.redbull.com<br />
THE RED BULLETIN 51
Alter<br />
égaux<br />
Avant de se connaître, ils ont<br />
sillonné la planète, chacun de<br />
leur côté, pour fuir des vies qui<br />
les enfermaient. Le jour où ils<br />
se sont rencontrés, le projet<br />
Icarus s’est déployé. Déterminés<br />
et soudés comme les doigts<br />
de la main, les explorateurs<br />
français MATTHIEU BÉLANGER<br />
et LOURY LAG s’élancent dans<br />
un tour du monde corsé, à l’assaut<br />
des sept sommets, un défi<br />
colossal pour le commun des<br />
mortels, un défi tout court<br />
pour eux.<br />
Texte CHRISTINE VITEL<br />
GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP
« Être deux, c’est<br />
juste une force,<br />
explique Matthieu, ici<br />
à gauche. On est<br />
hyper francs dans<br />
notre relation, un peu<br />
durs l’un avec l’autre<br />
quand on se parle, on<br />
est très directs. On a<br />
décidé de mettre<br />
notre ego de côté,<br />
parce que c’est le<br />
projet avant tout ! »<br />
53
Denali<br />
Elbrouz<br />
Everest<br />
Kilimanjaro<br />
Puncak Jaya<br />
Aconcagua<br />
Vinson<br />
PROJET ICARUS<br />
Le chapitre 1, réalisé par Matthieu Bélanger en 2017 (Loury Lag ne faisant pas encore partie du projet à l’époque),<br />
comptait une traversée de la Patagonie à vélo qui s’est conclue par l’ascension de l’Aconcagua (6 962 m) en solo.<br />
Les chapitres et les sommets suivants, calqués sur la liste de Reinhold Messner, s’échelonnent sur les six années<br />
à venir : le Dénali (6 190 m) ; l’Elbrouz (5 642 m) et le Kilimanjaro (5 892 m) ; le Puncak Jaya (4 884 m) ; l’Everest<br />
(8 848 m); et enfin le Vinson (4 892 m). Certains chapitres ne comprenant pas d’ascension seront consacrés à rallier<br />
les sommets entre eux par tous les moyens possibles, non motorisés, et en relevant des défis inédits.<br />
Depuis le début du mois de mars, Matthieu<br />
Bélanger, 32 ans, originaire de Montpellier,<br />
et Loury Lag, 33 ans, de Biarritz,<br />
sont en expédition direction le Denali.<br />
Ce périple en Alaska les mènera jusqu’à<br />
Anchorage le 7 juillet, si leurs pronostics<br />
se révèlent justes : c’est un rythme fou pour tenter<br />
de déloger Mike Horn et Børge Ousland de leurs<br />
trônes, détenteurs du record sur la partie à ski, avec<br />
l’approbation de ce dernier : comme ils sont la nouvelle<br />
génération, il faut qu’ils prennent la relève,<br />
fassent tomber le record et apportent quelque chose<br />
de nouveau dans la discipline. « Je voulais trouver<br />
un défi sportif qui me fasse repousser mes limites.<br />
Quitte à me lancer corps et âme dans un projet, je<br />
voulais que ce soit une première », précise Matthieu.<br />
En ligne de mire donc pour ce chapitre 2 du projet<br />
Icarus : le Denali (6 190 m). 135 jours au total.<br />
Matthieu et Loury seront les premiers Français à le<br />
faire. « Notre objectif est de 30 km/jour en<br />
moyenne, sachant qu’une grosse journée, c’est du<br />
20 ou 22 km/jour, développe Matthieu. La plupart<br />
du temps, on aura des vents de face, et on se rattrapera<br />
avec les vents de travers ou dans le dos pour<br />
kiter et accélérer, et faire 150 bornes dans la journée<br />
au lieu de 20. Et élever notre moyenne à 30 km/<br />
jour. C’est le but sinon, il va falloir vraiment accélérer.<br />
Une journée comme celle-là tous les dix jours<br />
nous suffirait, mais il faudra les avoir… » 3 000 km<br />
de ski sur la mer gelée du passage du Nord-Ouest.<br />
90 kilos de matériel dans les traîneaux. 1 000 km de<br />
vélo à travers l’Alaska. Puis l’ascension du sommet<br />
par la voie nord, qui est loin d’être la plus facile.<br />
Pourquoi se donner tant de mal et se compliquer<br />
la vie à ce point ?<br />
Retour en arrière. En vadrouille à travers la planète<br />
pendant cinq ans, c’est au fin fond du désert<br />
australien où les conditions de (sur)vie sont dignes<br />
d’un écran 16:9 que Matthieu mûrit son projet du<br />
haut de ses 24 ans. « C’était un peu Mad Max. Je travaillais<br />
dans la plus grande exploitation de moutons<br />
au monde. C’était absolument immense. On était<br />
en motocross toute la journée avec le manager audessus<br />
de nous qui vole en avion. On communiquait<br />
ICARUS-PROJECT.COM<br />
54 THE RED BULLETIN
Matthieu et Loury,<br />
à Naujaat, village<br />
Inuit dans le Nord<br />
du Canada, point de<br />
départ de l’expédition<br />
vers le Denali.<br />
« Quitte à me<br />
lancer corps et<br />
âme dans un projet,<br />
je voulais que ce<br />
soit une première. »<br />
Matthieu
Faire fondre de la<br />
neige pour préparer<br />
à dîner… un rituel<br />
qui se répétera<br />
135 jours de suite<br />
lors du chapitre 2<br />
du projet Icarus.<br />
GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM, TRAIN KOLBEINSSON<br />
par radio, il nous donnait les indications où sont<br />
les bêtes… On était couverts de sang de mouton et<br />
de terre rouge australienne. On avait des tronches<br />
de déterrés. » C’est là qu’il lit les aventures de Mike<br />
Horn et Jean-Louis Étienne (pendant que Loury se<br />
nourrit des récits de Bear Grylls et Romain Gary),<br />
qui font germer dans son esprit l’idée d’en faire<br />
au moins autant.<br />
Pendant ce temps, son comparse qu’il ne connaît<br />
pas encore, roule sa bosse lui aussi. Son premier<br />
voyage fut une libération, loin de ses années de maltraitance<br />
familiale physique et psychologique. Il part<br />
aux États-Unis, qu’il traverse pieds nus. « J’ai dû user<br />
de plein de techniques différentes pour réussir à<br />
survivre, je me suis perdu dans les Everglades, je<br />
n’ai pas mangé pendant douze jours… » Il poursuit<br />
au Mexique et en Colombie, avant de regagner la<br />
France et Paris, toujours pieds nus. L’école de<br />
cinéma qu’il démarre ne le convaint pas. Le timing<br />
n’était pas bon. Il y reviendra.<br />
Au moment de leur rencontre, début 2019,<br />
Matthieu était revenu depuis deux ans du premier<br />
chapitre de son expédition, effectué seul. L’article<br />
en ligne qui lui était consacré stipulait : « Explorateur<br />
cherche aventurier ». « Ça faisait très profil<br />
Tinder, se souvient Loury, je continue de me moquer<br />
de lui avec ça encore aujourd’hui. » Un ami de Loury,<br />
« L’extrême, c’est<br />
ce qui me permet de<br />
trouver tout ce dont<br />
j’ai besoin. »<br />
Loury<br />
qui savait qu’il avait vécu un temps à Montpellier,<br />
la ville de Matthieu, le taggue. À l’époque, Loury<br />
s’apprêtait à faire sa première expédition polaire<br />
au Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe en<br />
Islande, et à établir un record. Voilà la connexion<br />
établie, sans vraiment savoir où ça allait les mener.<br />
Tous deux sont formels : « La symbiose a été instantanée<br />
dès le premier coup de fil. On sentait qu’on<br />
avait le même parcours. » Loury, très pragmatique<br />
dans ses relations, n’y va pas par quatre chemins :<br />
« Les grandes rencontres, c’est toujours très beau,<br />
mais tant qu’il n’y a pas de passage à l’acte ou d’expérience<br />
de vie dans la douleur ou dans la difficulté,<br />
on ne peut pas se dire que ça peut marcher. »<br />
Très vite, ils décident de se « tester » en situation<br />
et partent faire connaissance quelques jours dans<br />
les Alpes. Matthieu expose le projet Icarus à Loury,<br />
dont la dimension essentielle réside dans le fait que<br />
« ce soit quelque chose qui n’avait jamais été accompli<br />
». De là découle leur motivation.<br />
Matthieu souhaite donner une dimension d’épopée<br />
à ce projet : « Montrer que les anciens explorateurs<br />
partaient sans savoir pour combien de temps,<br />
deux trois quatre, cinq ans. Aujourd’hui, les expéditions<br />
durent trois ou quatre semaines, elles sont<br />
prévues au cordeau. Et puis on revient et on partage<br />
des images sur Instagram, et on commence le projet<br />
d’après. Je voulais qu’il soit beaucoup plus dans<br />
la durée et à une échelle vraiment grande. »<br />
C’est à travers des expériences extrêmes que<br />
l’on peut trouver le maximum de défis à<br />
accomplir. « L’extrême, de la manière dont<br />
je le vis aujourd’hui, c’est ce qui me permet<br />
de trouver tout ce dont j’ai besoin : l’adrénaline, la<br />
difficulté, des sensations très puissantes. » Pour<br />
pallier au syndrome de l’analgésie congénitale dont<br />
il est atteint ? « C’est une maladie qui ne me permet<br />
pas d’avoir un seuil de douleur normal. Cela<br />
Loury Lag<br />
en Islande lors<br />
de sa traversée en<br />
solitaire du plus<br />
grand glacier<br />
d’Europe.<br />
56 THE RED BULLETIN
THE RED BULLETIN 57
« Je n’ai pas<br />
peur de la mort,<br />
mais j’ai peur<br />
de mourir. »<br />
Loury<br />
58 THE RED BULLETIN
GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM<br />
Peu après avoir fait<br />
connaissance virtuellement<br />
début 2019,<br />
Matthieu Bélanger<br />
(à gauche) et Loury<br />
Lag partent faire du<br />
trek dans les Alpes<br />
pendant une semaine.<br />
Et c’est là que le<br />
projet a décollé :<br />
« On s’est rendu<br />
compte très vite<br />
qu’on était très<br />
complémentaires. »<br />
« Se préparer au<br />
maximum implique<br />
un certain degré<br />
d’égoïsme, regrette<br />
Loury. Pourtant, il<br />
n’y a que comme<br />
ça que je peux aller<br />
encore plus loin dans<br />
l’introspection et<br />
la recherche de<br />
difficulté. »<br />
« Les anciens<br />
explorateurs partaient<br />
sans savoir pour<br />
combien de temps. »<br />
Matthieu<br />
explique que je me retrouve souvent dans des situations<br />
vraiment très extrêmes parce ce qui est censé<br />
être une barrière pour les autres n’existe pas pour<br />
moi. Ce qui nous différencie avec Matthieu, c’est que<br />
moi je suis né dans l’extrême, je vis dans l’extrême<br />
depuis mon plus tendre âge, tandis que Matthieu<br />
s’est dirigé vers l’extrême », souligne Loury.<br />
Dans leurs biographies, plusieurs points communs,<br />
dont celui-ci : embrasser des expériences<br />
douteuses par envie d’expérimenter, l’ascension<br />
dans la délinquance allant jusqu’à la détention<br />
pour Loury. Les voyages en backpacking et les<br />
expériences pointues furent donc leurs échappatoires<br />
pour s’extraire de leurs environnements<br />
toxiques respectifs. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?<br />
Pour Loury, une soif de vivre intensément, sans<br />
perdre son temps avec de faux problèmes ou de<br />
mauvaises personnes : « Je n’ai pas peur de la mort,<br />
mais j’ai peur de mourir. Je n’ai pas le temps d’attendre<br />
que la mort vienne me cueillir. J’ai fait des<br />
morts médicales. Je pars du principe que mes jours<br />
sont comptés. »<br />
Bercé par les histoires de son grand-père aventurier,<br />
Matthieu, lui, a compris, à force d’aller à la<br />
découverte de pays et de cultures différentes, qu’il<br />
réduisait lui-même son champ des possibles en ne<br />
s’en croyant pas capable. « Au fil des voyages, mes<br />
peurs sont tombées les unes après les autres. On a<br />
souvent peur pour pas grand-chose. » Leurs parcours<br />
de vie se ressemblent étonnamment (pères charpentiers,<br />
mères psychothérapeutes, enfances difficiles,<br />
backpackers dans leurs jeunes années, expéditions<br />
en solitaire, jeunes pères de famille, le même âge à<br />
un an près), mais leurs personnalités diffèrent suffisamment<br />
pour qu’ils puissent se compléter dans la<br />
concrétisation du projet. C’est là que la mécanique<br />
du duo s’enclenche. Il semblerait que les adultes<br />
qu’ils sont devenus ne redoutent rien.<br />
« On est des êtres humains, on a des hauts et des<br />
bas. On l’a encore vécu en Norvège le mois dernier :<br />
en général, on a nos hauts et nos bas de manière<br />
décalée. Lui, il part souvent très très fort, avec un<br />
gros moral, à fond, au taquet. Alors que moi je pars<br />
assez doucement. Par contre, Loury au bout d’un<br />
moment il a un gros coup de mou, et moi c’est le<br />
moment où je suis assez constant, je suis dans le<br />
même état qu’au démarrage et c’est là où j’arrive<br />
à le porter, à l’aider, à le soulager ou à lui gueuler<br />
dessus s’il a besoin qu’on lui gueule dessus. Et inversement,<br />
quand lui reprend du poil de la bête, c’est<br />
moi qui commence à faiblir et c’est lui qui fait le<br />
taf de l’autre côté. Dès qu’on est deux, on a souvent<br />
ça, pas au même moment, et il y en a toujours un<br />
qui peut faire un peu plus que l’autre. C’est une<br />
vraie force. »<br />
Loury acquiesce. « On se connaît tellement bien<br />
avec Matthieu, que le moment où il sait qu’il va<br />
lâcher, c’est moi qui vais le pousser beaucoup plus<br />
loin. Matthieu, c’est lui qui va marcher tous les<br />
jours, qui va guider. Et moi je suis là, le moment où<br />
il pense qu’il n’a plus de jus. » Comme un clin d’œil<br />
à leurs mentors : « Lui, c’est Børge Ousland, et moi<br />
je suis Mike Horn, pose Loury. Il est cent fois plus<br />
compétent que moi dans plein de domaines, mais<br />
ne sait pas se mettre en lumière. Tandis que moi, je<br />
suis certainement moins compétent, mais je sais me<br />
THE RED BULLETIN 59
Matthieu et Loury<br />
en Norvège, en début<br />
d’année. La mise en<br />
situation est la meilleure<br />
préparation.
Les explorateurs à ski en entraînement à Alta, dans le nord de la Norvège, janvier <strong>2020</strong>.<br />
GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM<br />
« Je ne sais pas si on<br />
est très inspirants,<br />
mais en tout cas, on<br />
fait des choses. »<br />
Loury<br />
vendre. C’est la combinaison parfaite pour nous.<br />
Si on ne s’était pas rencontrés, on n’en serait pas là<br />
dans le projet Icarus. J’ai décidé d’apporter une<br />
dimension commerciale au projet, et lui il apporte<br />
une dimension très technique, organisationnelle.<br />
Icarus, ça n’aurait pas fonctionné l’un sans l’autre. »<br />
Le projet se veut la réalisation de deux hommes,<br />
confiants, déterminés, assidus, préparés, et<br />
prêts à faire des sacrifices. « Ce que Matthieu<br />
et moi avons décidé d’apporter au monde de<br />
l’exploration, c’est ça aussi : désacraliser le côté très<br />
brut, très violent, très bad boy du mec qui part en<br />
expédition, qui est très fort et qui déclame :<br />
“Regarde, ce que je fais, tu ne pourras jamais le<br />
faire !” Peut-être que tout le monde ne sait pas ce<br />
que l’on fait, mais on est des gens comme tout le<br />
monde. On est pères de famille, on a des problématiques<br />
comme tout le monde, des enfants à gérer,<br />
des problèmes à la maison… On ne veut pas montrer<br />
seulement le côté surhumain de l’événement. »<br />
Modeste, Loury ajoute : « Je ne sais pas si on est<br />
très inspirants, mais en tout cas, on fait des choses. »<br />
N’est-ce pas cela qui est inspirant justement ? Ça l’est<br />
déjà assez pour l’équipe de cinq personnes qui les<br />
entourent. Et pour leurs familles. « Ce que nous<br />
faisons, des tas de gens rêvent de le faire aussi. <strong>Mai</strong>s<br />
cela est rendu possible grâce à nos proches, nos compagnes,<br />
nos enfants, parce qu’elles se sacrifient : dix<br />
personnes changent des choses dans leur vie pour<br />
que je puisse partir. Tout le monde participe à nos<br />
expéditions et fait des efforts pour que ça marche.<br />
Le jour où elles décident d’arrêter de nous aider, on<br />
ne pourra plus rien faire. C’est un projet qu’on fait<br />
en équipe, et dans l’équipe, il y a elles. Le plus gros<br />
soutien affectif et moral, c’est encore elles. »<br />
<strong>Mai</strong>s alors, pourquoi faire de tels sacrifices ?<br />
Pourquoi partir ? Pour trouver une sérénité jamais<br />
connue ? « Pour me connecter aux émotions les plus<br />
pures : le manque, l’amour, la difficulté physique…<br />
C’est cela qui me permet de faire des choix différents<br />
d’une année sur l’autre concernant ma famille,<br />
mes enfants, mon entourage, etc. C’est très important.<br />
C’est une dimension que Matthieu n’a pas<br />
encore. C’est la première fois qu’il part depuis la<br />
naissance de son fils. C’est très éprouvant. On part<br />
pendant longtemps encore, et on est là pour s’entraider<br />
aussi à traverser tous ces moments dans la solitude.<br />
Car on est seuls même si on est deux. »<br />
Sur les 135 jours d’expédition, ils seront accompagnés<br />
35 jours par un vidéaste. « La dimension du<br />
film, c’est pour apporter une légitimité, et un statut<br />
en tant que sportif de haut niveau… » En effet,<br />
l’autre enjeu du duo, aussi grand que ce défi personnel<br />
de sept ans autour du monde, est que l’exploration<br />
soit un jour reconnue comme une discipline de<br />
sport extrême. Ils souffrent de toutes les contraintes<br />
de grands sportifs, sans l’avantage d’avoir un sponsor<br />
à l’année, et pas seulement pour la durée des<br />
aventures. « Aujourd’hui, on paye nos expéditions,<br />
on ne se paye pas nous. <strong>Mai</strong>s pour que ça marche,<br />
il faut qu’on soit considérés comme de vrais sportifs,<br />
il faut la jouer à 100 %. C’est un travail sérieux, ce<br />
n’est pas un loisir. »<br />
icarus-project.com<br />
61
L’aidante<br />
de la mer<br />
Ado, ses animaux préférés ont commencé à disparaître<br />
des océans. Aujourd’hui, MADISON STEWART parvient<br />
à convaincre des pêcheurs qui décimaient les requins de<br />
protéger les squales. Pour leur bien-être commun.<br />
Texte LOU BOYD
L’Australienne Madison Stewart,<br />
défenseure de l’environnement, a<br />
reconverti des pêcheurs de requins<br />
en guides qui la soutiennent<br />
aujourd’hui dans son combat<br />
contre la disparition<br />
de ces animaux fascinants.<br />
PERRIN JAMES<br />
63
« La première fois que<br />
j’ai vu de près un requin de<br />
l’espèce avec laquelle<br />
j’avais toujours rêvé de<br />
nager, c’était sur l’étal du<br />
marché. Il était mort. »<br />
Chacun a un endroit bien<br />
à lui où il peut se ressourcer.<br />
Une maison,<br />
une ville ou un pays.<br />
Pour l’environnementaliste<br />
Madison Stewart,<br />
cet endroit, ce sont les<br />
fonds-marins – et la compagnie des<br />
requins. « Je ne sais pas quand a débuté<br />
cet amour pour l’océan, dit-elle. Je<br />
savoure simplement la liberté de nager<br />
avec ces animaux fascinants. »<br />
Depuis qu’elle est toute petite, elle a<br />
toujours été encouragée par ses parents<br />
à explorer la nature. « C’est mon père qui<br />
m’a initiée si tôt à la plongée. Il a décidé<br />
de me scolariser à domicile pour pouvoir<br />
m’emmener plonger plus souvent. » Un<br />
jour – Madison n’avait que quatorze ans<br />
– ils prévoyaient d’observer un grand<br />
groupe de requins le long de la Grande<br />
Barrière de Corail, comme ils l’avaient<br />
souvent fait. <strong>Mai</strong>s pas la moindre trace<br />
des squales.<br />
Des années plus tard, elle fait le lien :<br />
« Mon amour des requins s’est enflammé<br />
au moment où ils ont progressivement<br />
commencé à disparaître. » La pêche aux<br />
requins a augmenté de façon exponentielle<br />
au cours des dernières décennies.<br />
Si cela ne change pas, d’après l’estimation<br />
de défenseurs de la vie marine, un<br />
grand nombre d’espèces disparaîtra à<br />
jamais d’ici trente ans. D’après le World<br />
Wide Fund for Nature, presque quarante<br />
espèces de requins sont menacées par<br />
la surpêche, un quart d’entre elles sont<br />
même en danger d’extinction. En<br />
revanche, dans les médias, les requins<br />
continuent d’être présentés comme des<br />
animaux marins dangereux et non pas<br />
en danger eux-mêmes. Pourtant, tous les<br />
ans, jusqu’à cent millions de requins sont<br />
tués par l’Homme – soit par prise accessoire<br />
(capturés accidentellement lors de<br />
la pêche d’autres poissons et animaux<br />
marins), soit parce qu’on leur coupe illégalement<br />
les ailerons avant de les rejeter<br />
dans la mer pour mourir.<br />
Malgré l’interdiction de plusieurs pays<br />
de posséder ou de vendre des requins, on<br />
trouve toujours de la soupe aux ailerons<br />
de requin et de la viande de requin dans<br />
les restaurants et les marchés de Chine<br />
et du Vietnam. D’après Stewart, cela doit<br />
impérativement changer.<br />
À 26 ans, elle a vu trop de requins<br />
morts. « Même si ce que je vois est horrible,<br />
on finit par s’habituer. Au début, je<br />
pleurais. <strong>Mai</strong>ntenant, ça m’attriste, mais<br />
je ne verse plus de larmes. La première<br />
fois que j’ai vu de près un requin de l’espèce<br />
avec laquelle j’avais toujours rêvé<br />
de nager, c’était sur l’étal du marché.<br />
Il était mort. C’était très dur. »<br />
Après des années d’engagement et<br />
d’activisme – Stewart a été élue Young<br />
Conservationist of the Year (trad. jeune<br />
défenseure de l’environnement de l’année)<br />
par l’Australian Geographic Society<br />
– elle a dû admettre que son combat semblait<br />
vain. Non seulement elle,<br />
mais le monde entier était las de voir<br />
des requins morts. Il fallait trouver de<br />
nouvelles voies pour arrêter cette folie.<br />
L’organisation qu’elle a fondée il y a trois<br />
ans, Project Hiu (« hiu » signifie requin<br />
en indonésien), combat le commerce de<br />
64 THE RED BULLETIN
Comme un poisson dans l’eau : lorsqu’elle fait de la plongée aux côtés de requins impressionnants, Madison Stewart, 26 ans, se sent parfaitement à l’aise.<br />
KARINA HOLDEN<br />
La tragédie des squales étalés aux pieds de Madison Stewart, lors de sa visite de l’île<br />
indonésienne de Lombok, haut-lieu de la pêche illégale aux requins.<br />
requins à la source, grâce à une méthode<br />
surprenante, qui elle-même a connu un<br />
succès tout aussi surprenant. Car au lieu<br />
de condamner les pêcheurs d’un village<br />
sur la côte de l’île indonésienne de<br />
Lombok, Project Hiu les a invités à collaborer<br />
de manière cordiale. « Les protecteurs<br />
de l’environnement connaissent très<br />
bien cette île. Ils la détestent. On tombe<br />
sur des requins tués à chaque coin de rue.<br />
Au bout d’un moment, j’en ai eu assez<br />
de faire des photos puis de disparaître.<br />
J’ai donc décidé de suivre une nouvelle<br />
voie. » Dans un premier temps, Madison<br />
Stewart est retournée dans le village<br />
avec des amis et a rencontré le pêcheur<br />
Odi. « Le lendemain, il est venu faire de la<br />
plongée avec nous. C’est là que nous<br />
avons réalisé à quel point la région était<br />
belle. Odi nous a parlé de la pêche : elle<br />
THE RED BULLETIN 65
lui rapportait tellement peu qu’il était<br />
obligé de quitter sa famille des jours<br />
durant, pour ne revenir qu’avec une prise<br />
qui suffisait tout juste à couvrir le strict<br />
nécessaire. Je me suis dit que si nous trouvions<br />
une alternative à la pêche au requin,<br />
nous pourrions aider les pêcheurs. C’est<br />
ainsi qu’est né Project Hiu. »<br />
Une idée folle si l’on considère que<br />
l’industrie de la pêche au requin est la<br />
source de revenu majeure des familles<br />
de l’île depuis plusieurs générations – un<br />
grand nombre des habitants de Lombok<br />
dépendant entièrement de ses recettes.<br />
Qui serait prêt à perdre son travail parce<br />
qu’une jeune fille prétend que tuer des<br />
requins, c’est mal ? La jeune Australienne<br />
savait que Project Hiu ne pourrait fonctionner<br />
que s’il apportait aux pêcheurs<br />
une alternative viable.<br />
Stewart, se remémorant son arrivée<br />
à Lombok, se tourna vers le<br />
tourisme. « Tant les pêcheurs<br />
que les défenseurs de l’environnement<br />
doivent interchanger leur vision<br />
des choses. Il est primordial qu’ils comprennent<br />
le point de vue de l’autre. Il est<br />
important de montrer que les hommes<br />
ne tuent pas les requins par haine, mais<br />
par manque d’options. »<br />
Le projet propose à des groupes de dix<br />
visiteurs maximum d’explorer l’habitat<br />
des requins dans trois à quatre barques<br />
de pêcheurs. « En reconvertissant les<br />
pêcheurs de requins en guides touristiques,<br />
nous empêchons que les bateaux<br />
ne partent à la pêche, et protégeons les<br />
requins, explique Stewart. Project Hiu<br />
s’attache à croire que seuls les hommes<br />
ayant été élevés à tuer les requins sont<br />
en mesure de les sauver. » Pour l’instant<br />
Project Hiu ne fait que de petites vagues<br />
et Stewart se sent parfois isolée. <strong>Mai</strong>s<br />
elle sait que son idée peut engendrer<br />
un changement de perspectives pour<br />
de nombreuses personnes à travers le<br />
monde. « Je collabore avec la commune<br />
et voudrais investir plus d’argent (provenant<br />
des visiteurs de Lombok, ndlr) dans<br />
le système scolaire, développe-t-elle.<br />
Pour moi, le succès le plus important des<br />
dernières années est le nombre de touristes<br />
qui ont participé à nos voyages, et<br />
la manière dont les autochtones les ont<br />
accueillis. Ils sont témoins du massacre<br />
en voyant tous ces requins morts ; et en<br />
montant sur un bateau le lendemain, ils<br />
savent qu’ils sont en train de sauver des<br />
squales. Chaque participant veut contribuer<br />
au changement. »<br />
« Nous reconvertissons<br />
les pêcheurs de requins<br />
en guides touristiques,<br />
ainsi leurs bateaux ne<br />
sont plus utilisés pour<br />
la pêche illicite. »<br />
66
PERRIN JAMES<br />
La probabilité d’être frappé<br />
par la foudre est plus<br />
grande que celle de se faire<br />
attaquer par un requin.
Stewart agit devant et derrière la caméra afin d’attirer l’attention sur la crise des squales.<br />
Les films Blue (2017) et Sharkwater Extinction (2018) sont disponibles en DVD et en streaming.<br />
« La seule erreur<br />
que l’on puisse<br />
commettre, c’est<br />
de ne rien faire. »<br />
En neuf ans, de ses plongées avec<br />
son père sur la Grande Barrière<br />
jusqu’à la direction d’une organisation<br />
de militants écologistes<br />
très présente sur la scène médiatique,<br />
Madison Stewart a fait du chemin et a dû<br />
renoncer à beaucoup de choses. « Si cela<br />
ne tenait qu’à moi, j’aurais gardé mon<br />
monde sous-marin secret. <strong>Mai</strong>s l’industrie<br />
et certains gouvernements ont créé<br />
un vide entre l’océan et les hommes, et<br />
ils en profitent. Ils se servent comme ils<br />
veulent. Je suis obligée de réagir. »<br />
D’après elle, ceux qui partagent ses<br />
idées et veulent protéger la faune maritime<br />
n’ont pas besoin de venir sur les<br />
côtes. « J’ai des followers sur Instagram<br />
qui pensent devoir venir nager avec des<br />
requins pour les sauver. Ce n’est pas<br />
nécessaire. L’océan, l’environnement, est<br />
influencé par nous en tant que personne,<br />
où que nous soyons. »<br />
Alors comment contribuer à sauvegarder<br />
les espèces et à préserver la planète ?<br />
« On trouve de l’huile de foie de requin<br />
dans des compléments alimentaires, et<br />
on peut acheter des os de requin. Il y a<br />
du requin dans les friandises pour animaux<br />
domestiques, de l’huile de foie de<br />
requin dans des produits cosmétiques et<br />
la soupe aux ailerons de requin est un<br />
plat proposé dans tous les quartiers<br />
chinois du monde. Il s’agit donc tout simplement<br />
de devenir des consommateurs<br />
responsables, qui remettent en cause ce<br />
qui nuit aux océans, et plus largement<br />
à l’environnement. »<br />
Sauver l’océan et ses habitants seraitil<br />
une mission impossible ? L’ampleur de<br />
la tâche est titanesque. Avons-nous déjà<br />
atteint le point de non-retour ? « À vrai<br />
dire, je n’en sais rien, confie Madison<br />
Stewart. Lorsque j’étais plus jeune, je<br />
savais que je ne pourrais pas empêcher<br />
la pêche aux requins, mais j’ai continué<br />
à me battre – par principe. Aujourd’hui,<br />
je constate que les habitants de Lombok<br />
ont trouvé un nouveau sens à leur vie, et<br />
qu’ils peuvent dédier plus de temps à leurs<br />
familles. Parallèlement à cela, l’océan à<br />
cet endroit se repeuple de requins petit<br />
à petit. La seule erreur que l’on puisse<br />
commettre, c’est de ne rien faire. Car cela<br />
signifierait que l’on a baissé les bras avant<br />
d’avoir donné le maximum. »<br />
projecthiu.com<br />
PERRIN JAMES, KARINA HOLDEN<br />
68 THE RED BULLETIN
DONNE DES AIIILES.<br />
NOUVEAU : GOÛT PASTÈQUE.<br />
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Kyle Kotowick,<br />
membre du Team<br />
Rubicon Canada,<br />
participe aux efforts<br />
de secours au<br />
Mozambique après<br />
le cyclone Idai en<br />
mars 2019.<br />
Une équipe de<br />
secours parmi les<br />
plus réactives de<br />
la planète, le<br />
TEAM RUBICON<br />
se rend dans les<br />
zones à risques à<br />
travers le monde<br />
afin d’aider les<br />
personnes les<br />
plus vulnérables.<br />
Des vétérans<br />
de l’armée sont<br />
à l’origine de<br />
sa création.<br />
70 THE RED BULLETIN
Les experts du<br />
CHAOS<br />
TEAM RUBICON<br />
Texte<br />
TOM WARD<br />
THE RED BULLETIN 71
LE 12 JANVIER 2010 À<br />
16 H 53, UN TREMBLEMENT<br />
DE TERRE <strong>FR</strong>APPAIT L’ÎLE<br />
D’HISPANIOLA.<br />
Dans la capitale haïtienne, Port-au-<br />
Prince, 25 km au nord-est de l’épicentre,<br />
les gens vaquaient à leurs occupations.<br />
Soudain, le sol s’est mis à trembler, les<br />
bâtiments se sont fissurés jusqu’à leurs<br />
fondations et le monde entier n’a plus<br />
été le même. Lorsque le séisme de<br />
magnitude 7 a cessé, près de 300 000<br />
bâtiments s’étaient effondrés ou avaient<br />
été gravement endommagés. Une catastrophe<br />
qui, selon diverses estimations<br />
gouvernementales, a fait entre 230 000<br />
et 316 000 victimes.<br />
Parmi les milliers de morts, du personnel<br />
d’ambassade, l’archevêque de<br />
Port-au-Prince et 32 membres de la<br />
Fédération haïtienne de football. Plus un<br />
million et demi de personnes qui se sont<br />
retrouvées sans abri, incluant le président<br />
René Préval dont la maison et le<br />
palais présidentiel ont été détruits. Dans<br />
les nuits qui ont suivi le séisme, de nombreux<br />
Haïtiens ont dormi dans leurs<br />
voitures, sous des portails et dans des<br />
bidonvilles de fortune.<br />
Le 14 janvier, les morgues de la ville<br />
étaient pleines et de nombreux corps ont<br />
donc été abandonnés dans les rues pendant<br />
que les équipes transportaient des<br />
milliers de cadavres vers les fosses communes.<br />
Pendant ce temps, les milliers de<br />
corps qui n’avaient pas été retrouvés<br />
parmi les décombres ont commencé à se<br />
décomposer sous l’effet de la chaleur et de<br />
l’humidité. Avec cinq hôpitaux détruits ou<br />
endommagés à Port-au-Prince et des<br />
routes bloquées par les débris, la situation<br />
dans ce pays, le plus pauvre de l’hémisphère<br />
occidental, était désespérée.<br />
Alors que la communauté internationale<br />
organisait des opérations de<br />
secours, l’ancien marine américain Jake<br />
Wood regardait les événements aux<br />
informations. Après un séjour de quatre<br />
ans au Moyen-Orient à son actif, incluant<br />
des missions anti-insurrectionnelles dans<br />
la province d’Al-Anbâr en Irak et huit<br />
mois au sein d’une équipe de snipers en<br />
Afghanistan, il s’est senti obligé d’apporter<br />
son aide. Wood avait quitté l’armée<br />
quelque soixante jours auparavant, il<br />
était donc en forme, avait l’expérience<br />
des opérations dans des pays fragilisés<br />
et possédait de nombreuses compétences<br />
transférables.<br />
Wood, alors âgé de 27 ans, a appelé<br />
une organisation locale de secours en cas<br />
de catastrophe pour offrir ses services<br />
mais on l’a remercié. Déterminé à se<br />
rendre en Haïti par ses propres moyens,<br />
il a mis une annonce sur Facebook,<br />
demandant si quelqu’un voulait se<br />
joindre à lui. L’ancien officier de renseignement<br />
de la Marine William McNulty,<br />
33 ans et l’ami d’un ami, a répondu à<br />
l’appel. Les deux hommes se sont envolés<br />
pour la République dominicaine (le pays<br />
limitrophe d’Haïti sur l’île d’Hispaniola)<br />
où ils ont rencontré un autre marine et<br />
camarade de Wood qui s’y trouvait à titre<br />
de pompier. En route, ils ont rencontré<br />
un ancien infirmier des forces spéciales<br />
et deux médecins, dont l’un était un vétéran<br />
de la guerre du Vietnam. Le groupe<br />
hétéroclite s’est posé à la capitale dominicaine,<br />
Saint-Domingue, et a été transféré<br />
à la frontière haïtienne qu’il a<br />
atteinte quatre jours après le séisme.<br />
ALAMY<br />
72 THE RED BULLETIN
Le tremblement de<br />
terre de 2010 en Haïti<br />
a détruit 300 000<br />
bâtiments, tué<br />
316 000 personnes<br />
et fait de nombreux<br />
sans-abri.<br />
THE RED BULLETIN 73
Dans le sens de l’horloge, en haut à gauche : le vétéran britannique Matt Fisher aide à la reconstruction au Népal ; l’entrepôt de l’organisation ; un médecin<br />
du Team Rubicon au Mozambique pour l’opération Macuti Light ; planification des secours dans les îles Mariannes du Nord touchées par un typhon en 2018.<br />
74 THE RED BULLETIN
TEAM RUBICON (3), GETTY IMAGES (1)<br />
RIEN QU’EN 2019,<br />
TEAM RUBICON<br />
A RÉAGI À 310<br />
CATASTROPHES<br />
DANS LE MONDE<br />
ENTIER, DES<br />
BAHAMAS AU<br />
YORKSHIRE.<br />
« C’était le chaos complet, se souvient<br />
Wood. Il y avait un nuage de poussière<br />
dans l’air provenant des décombres.<br />
Les gens creusaient pour trouver des<br />
survivants. Il n’y avait pas assez de travailleurs<br />
humanitaires sur toute la planète<br />
pour répondre adéquatement aux<br />
besoins là-bas. » Déterminée à faire ses<br />
preuves et à aider le plus grand nombre<br />
de personnes possible, l’équipe de<br />
Wood a entrepris d’emmener des médecins<br />
et du personnel infirmier dans les<br />
zones les plus touchées, de mettre en<br />
place des cliniques de triage mobiles<br />
et d’amener les patients en état critique<br />
à l’hôpital. « Les organisations se<br />
concentrent généralement sur les hôpitaux<br />
et la mise en place de cliniques<br />
fixes, dit Wood, mais souvent les véhicules<br />
des gens sont détruits, ou alors<br />
ceux-ci hésitent à quitter leur maison<br />
à cause des pillards. La moitié des personnes<br />
que nous traitions avaient subi<br />
d’horribles blessures suite aux écroulements<br />
et ne pouvaient se rendre à l’hôpital<br />
à pied. Nous nous sommes rendus<br />
dans ces quartiers de la ville et avons<br />
soigné les gens sur place. »<br />
Le 23 janvier, onze jours seulement<br />
après le séisme, le gouvernement haïtien<br />
a déclaré la fin de la phase de<br />
recherche et de sauvetage de l’opération<br />
de secours. <strong>Mai</strong>s l’équipe de Jake<br />
Wood allait rester vingt jours supplémentaires<br />
sur place, ne quittant les<br />
lieux (ou ce qu’il en restait) que lorsqu’il<br />
devint évident que d’autres<br />
agences étaient mieux équipées pour<br />
faire face aux retombées à plus long<br />
terme.<br />
<strong>FR</strong>APPEZ LES CATASTROPHES<br />
D’UN COUP DANS LES GENCIVES<br />
L’expérience de Wood et McNulty leur<br />
a insufflé la détermination de continuer<br />
à aider les personnes vulnérables<br />
et c’est ainsi que le Team Rubicon a été<br />
créé. Si cette opération de secours leur<br />
avait appris une chose, c’est qu’en tant<br />
que vétérans de l’armée, ils avaient<br />
beaucoup à offrir.<br />
Au cours des années qui se sont<br />
écoulées depuis Haïti, Team Rubicon a<br />
gagné en importance. Rien qu’en 2019,<br />
l’organisation a répondu à 310 catastrophes<br />
à travers le monde, des Bahamas<br />
au Mozambique, de l’Indonésie<br />
au Yorkshire.<br />
Aujourd’hui, son personnel, que<br />
Team Rubicon recrute avec humour<br />
(« Inscrivez-vous. Formezvous.<br />
Frappez les catastrophes d’un<br />
coup dans les gencives »), est passé<br />
à environ 105 000 volontaires. 75 %<br />
d’entre eux sont soit des vétérans de<br />
l’armée, soit encore en service actif, et<br />
20 % sont des pompiers, des médecins<br />
ou des professionnels de l’application<br />
des lois. Il a fallu du temps pour faire<br />
grandir l’organisation et prouver<br />
qu’elle était digne d’un soutien<br />
(Carhartt, Bank of America et Microsoft<br />
figurent aujourd’hui parmi ses<br />
sponsors).<br />
L’ouragan Sandy, la catastrophe<br />
de 2012 qui a coûté la vie à 223 personnes<br />
et causé plus de 70 milliards<br />
de dollars de dommages aux Bahamas,<br />
aux Grandes Antilles, aux États-Unis<br />
et au Canada, a joué un rôle non négligeable<br />
dans l’évolution du Team Rubicon.<br />
L’équipe s’est mise au travail dans<br />
l’une des zones les plus touchées, la<br />
ville de New York, une métropole riche<br />
dont l’image contraste fortement avec<br />
Haïti. « Nous avons dormi dans un<br />
entrepôt à Brooklyn, explique Wood.<br />
Nous pouvions marcher dans la rue<br />
couverts de boue et prendre une bière<br />
fraîche. C’était comme si aucun ouragan<br />
n’était passé par là. »<br />
Malgré le confort, Team Rubicon<br />
a tenu à aider les citoyens les plus<br />
exposés de la ville. « Il y avait de nombreux<br />
pompiers et policiers dans la<br />
zone où nous travaillions, dit Wood.<br />
Des gens qui devaient revêtir leur<br />
uniforme tous les jours afin d’aider<br />
d’autres personnes alors que leur<br />
propre maison pourrissait. » En nettoyant<br />
leurs maisons, l’équipe de<br />
Wood les a un peu payés en retour.<br />
THE RED BULLETIN 75
Un « tee-shirt gris » relève les dommages de l’ouragan Dorian aux Bahamas en septembre dernier (en haut). Des bénévoles secourent une survivante de l’ouragan<br />
Harvey qui a provoqué de terribles inondations au Texas et en Louisiane en août 2017 (ci-dessus). Soutien dans les îles Mariannes du Nord (ci-contre).<br />
76 THE RED BULLETIN
TEAM RUBICON<br />
« LA GRATITUDE<br />
MANIFESTÉE PAR<br />
LES SURVIVANTS<br />
EST ÉNORME. »<br />
Le désir du Team Rubicon d’aider les plus<br />
démunis est naturel. « Nous dirigeons<br />
toujours notre aide vers les personnes les<br />
plus vulnérables, et cela ne signifie pas<br />
nécessairement à l’endroit où se trouvent<br />
les dégâts les plus importants, explique<br />
Wood. Nous allons, une rue à la fois, en<br />
faisant la liste des destructions. Ces<br />
informations sont ensuite cartographiées<br />
et combinées avec des ensembles de données<br />
tels que l’indice de vulnérabilité<br />
sociale, les niveaux des plaines inondables,<br />
les niveaux de criminalité –<br />
toutes les informations démographiques<br />
que nous pouvons obtenir. À partir de là,<br />
nous déterminons qui sont les personnes<br />
les plus vulnérables. »<br />
Si Sandy est l’événement qui a attiré<br />
l’attention sur le Team Rubicon, l’ouragan<br />
Harvey de 2017 a mis ses capacités à<br />
l’épreuve. Lorsque Harvey a frappé<br />
Houston, l’équipe a déployé plus de deux<br />
mille volontaires à partir de neuf bases<br />
d’opérations avancées couvrant un peu<br />
plus de 300 km. Pour son intervention,<br />
l’équipe a acheté ses propres bateaux et<br />
les a envoyés repêcher les survivants qui<br />
étaient à l’eau. Avec son opération de<br />
sauvetage et de nettoyage, ils ont réussi<br />
à ramener plus de 1 000 familles dans<br />
leurs foyers. Puis, en 2019, l’ouragan<br />
Dorian frappe les Bahamas, devenant l’un<br />
des plus puissants jamais enregistrés dans<br />
l’océan Atlantique, avec des vents culminant<br />
à 300 km/h. Le team s’est déployé<br />
sur les îles le lendemain du passage de<br />
la tempête. « Cela ressemblait à un désert<br />
nucléaire, dit Wood. Tous les arbres ont<br />
été étêtés jusqu’à environ 2,4 mètres du<br />
sol et les troncs étaient tous pliés dans<br />
la même direction, comme si une explosion<br />
nucléaire avait eu lieu. »<br />
RECONSTRUIRE MAISONS ET VIES<br />
En pénétrant dans la réception du centre<br />
national des opérations du Team Rubicon<br />
à Grand Prairie au Texas, nous tombons<br />
sur des photos des employés et<br />
bénévoles les plus méritants du dernier<br />
trimestre, dont celle de William « TJ »<br />
Porter, directeur adjoint du soutien opérationnel.<br />
Après une carrière de treize<br />
ans dans l’armée, puis comme officier<br />
de police, Porter a rejoint Team Rubicon<br />
en 2012 et a depuis été déployé à la suite<br />
de nombreuses tornades, incendies de<br />
forêts, etc. « Team Rubicon se distingue<br />
[des autres organisations de secours] de<br />
deux façons, explique-t-il. Nous pouvons<br />
soit faire partie de l’intervention en faisant<br />
tout, de la recherche et du sauvetage<br />
à l’abattage des arbres et à l’ouverture<br />
des routes, soit fournir une<br />
assistance directe aux survivants. »<br />
Cette assistance consiste généralement<br />
à aider ceux dont la couverture<br />
de l’assurance est insuffisante (ou ceux<br />
qui n’en ont pas du tout) à retourner<br />
chez eux. Team Rubicon vide la maison<br />
puis pose un nouveau revêtement de sol<br />
et des murs secs – une initiative qui a<br />
déclenché un programme de reconstruction<br />
à long terme à Houston. Cette aide<br />
est l’un des aspects les plus gratifiants<br />
de ce travail, explique Porter. « Quand<br />
quelque chose comme l’ouragan Harvey<br />
survient, les gens ne savent pas vers qui<br />
se tourner. Nous les amenons au point<br />
où ils ont une maison stable pour y vivre.<br />
La gratitude manifestée par les survivants<br />
est énorme. Voir quelqu’un passer<br />
d’un état de choc, le regard hagard, à la<br />
réalisation que : «Hé, au moins j’ai maintenant<br />
quelque chose, et je peux partir<br />
de là» est vraiment enivrant. » Le bureau<br />
texan de l’équipe est l’un des trois<br />
bureaux aux États-Unis qui accueillent<br />
un total de 150 personnes à temps plein.<br />
Située à une courte distance en voiture<br />
de Dallas, la base a été choisie pour sa<br />
situation centrale et sa proximité avec<br />
deux aéroports internationaux. Team<br />
Rubicon s’est installé ici au début de<br />
2016 et compte aujourd’hui 29 employés<br />
dans les bureaux. Pas de décoration ici :<br />
on dirait qu’ils sont arrivés un jour, il y<br />
a quatre ans, qu’ils ont déposé leurs<br />
affaires et se sont immédiatement mis<br />
au travail. C’est à partir de ce bureau<br />
que toutes les opérations sont organisées,<br />
incluant le transport, la logistique,<br />
la direction sur le terrain<br />
et la mobilisation.<br />
Team Rubicon opère au niveau national<br />
et international, avec Adam Martin,<br />
Lauren Vatier et Jacqueline Pherigo –<br />
des associés à la planification des opérations<br />
-, qui passent quotidiennement à<br />
travers les sources d’information pour<br />
suivre l’évolution de la situation. En cas<br />
de catastrophe, la question est de savoir<br />
si le Team Rubicon a les capacités et les<br />
ressources nécessaires pour soutenir<br />
une autre opération en plus de celles<br />
déjà en cours. « Quand nous avons des<br />
volontaires déjà déployés en mission sur<br />
le terrain, la priorité est de nous occuper<br />
d’eux, qu’il s’agisse de petites opérations<br />
localisées ou de volontaires se dirigeant<br />
THE RED BULLETIN 77
L’opération Hard Hustle déblaie les débris laissés par l’ouragan Harvey au Texas en 2017 (en haut). De la gratitude envers l’équipe d’urgence qui a sauvé<br />
des vies et reconstruit des communautés (ci-dessus). Erin Noste, directeur médical adjoint de Team Rubicon, soigne un patient au Mozambique (ci-contre).<br />
XX EDITOR ILLUSTRATOR<br />
78 THE RED BULLETIN
TEAM XX RUBICON EDITOR ILLUSTRATOR<br />
vers une intervention internationale,<br />
explique Martin. Que devons-nous<br />
faire pour les soutenir ? De quoi ont-ils<br />
besoin aujourd’hui ? »<br />
Cela implique notamment d’établir<br />
des contacts avec d’autres organisations<br />
pour déterminer quelle intervention<br />
est en cours ailleurs et comment<br />
Team Rubicon peut mieux la soutenir,<br />
dit Vatier. Parfois, la demande d’aide<br />
provient d’agences extérieures telles<br />
que l’Organisation mondiale de la<br />
santé (OMS). C’est une source de<br />
fierté qu’après un processus rigoureux<br />
de 18 mois, Team Rubicon ait été la<br />
première ONG en Amérique du Nord<br />
à être certifiée par l’OMS en tant<br />
qu’équipe médicale mobile d’urgence<br />
– « un titre de compétence difficile à<br />
obtenir », précise Porter. Cela signifie<br />
qu’elle répond à des normes rigoureuses<br />
pour le déploiement d’unités<br />
dans des environnements éloignés ou<br />
rudes et pour le maintien de son autonomie<br />
pendant sept jours.<br />
Au fond des bureaux se trouve un<br />
grand entrepôt – un véritable fantasme<br />
de survivaliste - rempli de tout,<br />
des scies à chaîne aux lits pliants en<br />
passant par les tech boxes. Chacune<br />
de celles-ci contient trois ordinateurs<br />
portables, cinq iPhones, un connecteur,<br />
un routeur et plus encore, ce qui<br />
permet à chaque équipe de rester<br />
connectée même dans les zones les<br />
plus reculées. Grâce à cet équipement,<br />
l’équipe peut également consulter un<br />
médecin à distance qui peut intervenir<br />
et donner des conseils lorsque le personnel<br />
médical sur le terrain est peu<br />
nombreux.<br />
Bien entendu, on retrouve aussi en<br />
abondance des médicaments pour les<br />
soins préhospitaliers comme dans le<br />
cas de coupures, de fractures et de<br />
tétanos, ainsi que des conteneurs en<br />
plastique remplis de packs médicaux<br />
avec tout le nécessaire, des tentes aux<br />
systèmes de purification d’eau. « La<br />
plupart du temps, en mission, nous<br />
nous retrouvons face à des gens qui<br />
n’ont pas accès à des soins de santé,<br />
explique Porter. Nous avons dû faire<br />
face à des blessures infectées. Nous<br />
devons être prêts à soigner temporairement<br />
un os cassé. Il peut s’agir de<br />
malnutrition ou d’un manque d’accès<br />
à l’eau potable, alors nous avons aussi<br />
des antibiotiques. »<br />
Le centre d’opérations abrite également<br />
un impressionnant gymnase<br />
« LORSQUE TOUT<br />
SOMBRE DANS LE<br />
CHAOS, LES GENS<br />
ONT BESOIN DE SE<br />
RASSEMBLER. »<br />
équipé de matériel de TRX (entraînement<br />
à la résistance du corps), de<br />
bancs d’entraînement et de barres de<br />
traction ; il est essentiel que l’équipe<br />
puisse tenir bon dans les endroits<br />
éloignés. « La forme physique est<br />
importante pour nous, déclare Porter.<br />
Les zones dans lesquelles nous travaillons<br />
sont généralement très chaudes<br />
et humides. Souvent, vous devrez faire<br />
jusqu’à 16 km de marche avec ces<br />
sacs à dos. Vous devez être capable de<br />
fonctionner sans affecter l’équipe. »<br />
LE SCEAU DE L’OPTIMISME<br />
Lors de la visite de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
début décembre 2019, Team Rubicon<br />
venait tout juste de déployer une unité<br />
aux îles Marshall dans le Pacifique<br />
central afin de lutter contre l’épidémie<br />
de dengue qui sévit actuellement et<br />
recherchait également parmi sa base<br />
de volontaires des fournisseurs de<br />
services médicaux pouvant se rendre<br />
aux Samoa sur ordre de l’OMS pour<br />
aider à lutter contre une épidémie de<br />
rougeole. L’organisation a également<br />
été en première ligne lors des incendies<br />
de forêt en Australie, et ailleurs.<br />
« Au cours des quatre derniers mois,<br />
nous avons mené plus d’opérations<br />
qu’au cours des trois années précédentes<br />
», déclare Geoff Evans, le chef<br />
de Team Rubicon Australia.<br />
L’équipe attend maintenant le feu<br />
vert pour se déployer dans le Victoria<br />
et le sud de la Nouvelle-Galles du Sud,<br />
où les incendies font toujours rage.<br />
En Australie, le défi consistera à<br />
maintenir le soutien sur le terrain<br />
dans les trois zones d’opération, ainsi<br />
qu’à gérer l’impact psychologique subi<br />
par les propriétaires, dont beaucoup,<br />
selon Evans, ont « perdu tout espoir ».<br />
Malgré cela, de l’Australie à Dallas,<br />
la philosophie de l’entreprise est marquée<br />
du sceau de l’optimisme, de<br />
l’espoir au milieu du chaos. Porter<br />
se rappelle une mission à Moore, dans<br />
l’Oklahoma, à la suite de la tornade<br />
de 2013 : « Il y avait cet arbre au bout<br />
d’une impasse. La tornade est passée<br />
par là et a arraché toutes ses feuilles.<br />
Il ne restait que le tronc et les<br />
branches. <strong>Mai</strong>s quelqu’un a cloué un<br />
drapeau américain à l’arbre qui est<br />
devenu un point central. Lorsque tout<br />
sombre dans le chaos, les gens ont<br />
besoin de se rassembler. »<br />
teamrubiconglobal.org<br />
THE RED BULLETIN 79
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TRBMAG
PERSPECTIVES<br />
Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />
ÖTILLÖ<br />
Swimrun :<br />
LA COURSE QUE<br />
L’ON REGRETTE<br />
D’AVANCE<br />
JAKOB EDHOLM<br />
81
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
ÖTILLÖ SWIMRUN<br />
Épreuve de fond<br />
Cette compétition d’endurance est parmi les plus<br />
rudes. Triple vainqueur de l’ÖTILLÖ, Jonas Colting<br />
livre son attrait quasi masochiste pour la course.<br />
I<br />
l est près de six heures du matin.<br />
L’horizon dissimule encore le soleil<br />
et l’air est glacé. Pourtant, quelque 400<br />
hommes et femmes se pressent sur la<br />
ligne de départ. Ils s’étirent, s’échauffent<br />
et se concentrent pour rassembler toutes<br />
leurs forces. Ils en auront besoin. Ils s’apprêtent<br />
à vivre une épreuve d’endurance<br />
hors du commun : le Championnat du<br />
monde de swimrun d’Ötillö. Certains mettront<br />
plus de 13 heures avant de franchir<br />
la ligne d’arrivée, exténués. Pas de quoi<br />
entamer leur hâte à plonger dans la mer<br />
Baltique. Il est six heures précises, le<br />
coup d’envoi retentit. Les voilà partis.<br />
L’histoire commence dans un bar en<br />
2002. Quatre hommes — deux frères du<br />
coin, un aubergiste et son ami — font le<br />
pari de créer une épreuve en équipe, combinant<br />
course à pied et nage en eau libre à<br />
travers l’archipel de Stockholm — le deuxième<br />
groupe d’îles de la mer Baltique par<br />
la taille. Quatre ans plus tard, la première<br />
édition de swimrun voit le jour. Le pari fou<br />
est gagné. Dérivé du suédois ö till ö signifiant<br />
« d’île à île », l’Ötillö a pour règle clé la<br />
distance entre les deux coéquipiers.<br />
Celle-ci ne doit pas excéder 15 mètres.<br />
L’itinéraire long de 74,68 km dont 65 km<br />
de course à pied et près de 9,5 km de<br />
nage, traverse 24 îles, de Gotska Sandön<br />
au nord à Utö au sud. Le triathlonien passionné<br />
que je suis (Colting est détenteur<br />
de six médailles aux championnats du<br />
monde et d’Europe, ndlr) est de tous les<br />
départs. Je suis à ce jour le seul à avoir<br />
participé à toutes les éditions de l’Ötillö.<br />
À ses débuts, l’Ötillö suscite peu d’intérêt.<br />
Personne ne sait comment s’y préparer<br />
et les règles sont variables. Une faiblesse<br />
dont profite sans vergogne un duo<br />
néerlandais qui utilise des matelas gonflables<br />
pour les sections en mer, alors<br />
que le reste des concurrents s’efforce de<br />
nager dans une mer Baltique houleuse.<br />
Les règles sont depuis plus strictes. Si<br />
l’Ötillö demeure sans doute le plus difficile<br />
swimrun au monde, cette discipline<br />
se pratique aujourd’hui sur toute la planète,<br />
du Brésil à l’Australie. Chaussures<br />
de course, combinaison en néoprène et<br />
lunettes constituent l’essentiel de l’équipement<br />
requis. Les vétérans comme moi<br />
se munissent aussi de pagaies à main<br />
pour faciliter la progression dans l’eau,<br />
de manchons pour prévenir les crampes<br />
et accroître la flottabilité, et d’une combinaison<br />
de plongée.<br />
Le principe de la course est simple,<br />
courir, nager, courir, nager, sauf que cela<br />
tourne à la torture. La première traversée<br />
est la plus longue (1,75 km), suivie de<br />
cross assassins sur 24 îles minées de<br />
rochers glissants. Le cross le plus long<br />
(19,7 km) a lieu à mi-parcours, étape<br />
fatale pour nombre de participants.<br />
Se focaliser uniquement sur la section<br />
en cours et celle qui suit est essentiel.<br />
Anticiper davantage mène à l’échec. Les<br />
transitions entre terre et mer exigent une<br />
grande concentration pour ne pas laisser<br />
échapper de précieuses secondes. Pour<br />
ce faire, les concurrents enfilent combi-<br />
Suède<br />
Stockholm<br />
Sandhamn<br />
S’y rendre<br />
L’aéroport international le plus<br />
proche du site de la course est<br />
l’aéroport Arlanda de Stockholm.<br />
De là, un ferry au départ du pont<br />
Klarabergsviadukten près de la<br />
gare de Stockholm, vous acheminera<br />
à Sandhamn sur Gotska<br />
Sandön (île de sable en suédois),<br />
point de départ de la course.<br />
JAKOB EDHOLM, PIERRE MANGEZ FLORIAN STURM<br />
82 THE RED BULLETIN
Le syndrome de<br />
Stockholm<br />
L’épreuve qui vous attend<br />
(si vous osez) en chiffres<br />
Distance totale : 74,68 km<br />
Course à pied : 65,135 km<br />
Natation : 9,545 km<br />
Étapes de natation : 23<br />
Nage la plus longue : 1,750 km<br />
Cross le plus long : 19,7 km<br />
Départ<br />
Arrivée<br />
10 km<br />
THE RED BULLETIN 83
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
D’île à île : rochers glissants, cross éprouvants et mains gelées sont quelques-unes des « réjouissances » qui attendent les<br />
concurrents entre Gotska Sandön, au nord de l’archipel et l’île de Utö, au sud.<br />
naison, bonnet, lunettes et pagaies en<br />
courant, car il faut avancer. De 2008 à<br />
2010, mon partenaire de l’époque et moi<br />
remportons les trois éditions d’affilée. En<br />
2011, nous sommes en tête durant une<br />
grande partie de la course, mais ce coéquipier<br />
tombe malade et nous sommes<br />
contraints à l’abandon.<br />
Ma première victoire reste la plus belle,<br />
celle de 2010 la plus étrange. Lors de<br />
cette dernière, nous atteignons l’île où a<br />
lieu le cross le plus long avec plus de vingt<br />
minutes d’avance sur nos poursuivants.<br />
Dans les bois, des enfants ont arraché les<br />
panneaux de direction. Résultat : nous<br />
nous égarons et nous retrouvons cinq<br />
minutes derrière ces mêmes poursuivants.<br />
Cela nous motive et nous finissons<br />
premiers avec trois minutes d’avance.<br />
Aujourd’hui, je prends le départ avec<br />
ma femme, Elin. Je connais l’itinéraire par<br />
cœur, mais je ne vise plus de record personnel.<br />
C’est une journée idéale au grand<br />
air, mais où l’on va tout donner.<br />
otilloswimrun.com<br />
Leaders : en catégorie femme, les Suédoises Fanny<br />
Danck wardt et Desirée Andersson, de l’équipe Envol,<br />
remportent la dernière édition en 9 h 5 min 29 sec.<br />
Best of du pire<br />
Colting sur ses hantises et les<br />
faits marquants de l’Ötillö<br />
Munkö : l’île terrible<br />
(course de 2 450 mètres)<br />
« Mon cauchemar de l’année.<br />
La course à pied y est quasi impossible.<br />
Rochers pointus et glissants,<br />
troncs d’arbres morts et<br />
ronces parsèment l’île. L’enfer. »<br />
Nämdö : point de passage<br />
(course de 8 300 mètres)<br />
« Le point de ravitaillement<br />
s’écarte de l’itinéraire de 500 m.<br />
Un aller-retour dont on se passerait.<br />
<strong>Mai</strong>s c’est la seule des 24 îles<br />
où vous croisez brièvement<br />
d’autres équipes. Ça motive. »<br />
Utö : l’ultime étape<br />
(course de 3 650 mètres)<br />
« L’idée d’arriver au bout de la torture<br />
déclenche une forte poussée<br />
d’adrénaline. Vous sortez de l’eau,<br />
passez par-dessus les rochers et<br />
filez sur une piste de gravier en<br />
guise de tour d’honneur jusqu’à<br />
l’arrivée. »<br />
JAKOB EDHOLM<br />
84 THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN<br />
Retrouvez votre prochain numéro le 28 mai avec et le 29 mai avec<br />
dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />
JAANUS REE / RED BULL CONTENT POOL
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
L’impulsion séquentielle<br />
part<br />
de la zone 1<br />
(pieds) et va vers<br />
la cuisse.<br />
Les pulsations<br />
imitent le flux<br />
unidirectionnel<br />
des veines et des<br />
vaisseaux<br />
lymphatiques<br />
La réduction de<br />
pression en bas de<br />
la jambe maximise<br />
la récupération<br />
entre deux cycles.<br />
SE REMETTRE<br />
Régénérateur<br />
de corps<br />
Un kinésithérapeute portable<br />
qui vous soigne après<br />
l’entraînement. Magique !<br />
La progression atteint<br />
les cuisses tandis que<br />
les deux dernières<br />
zones restent sous<br />
compression.<br />
Les sciences du sport ont un<br />
nouveau maître mot : le repos.<br />
Si la performance est l’affaire<br />
de l’entraînement, l’on sait à<br />
présent que l’organisme se<br />
renforce en phase de récupération.<br />
Celle-ci régénère les<br />
tissus, élimine les déchets<br />
métaboliques et reconstitue<br />
l’énergie naturelle comme le<br />
glycogène. Les compétitions<br />
sportives intenses, telles que<br />
le triathlon et l’ultrafond,<br />
disposent désormais d’une<br />
« zone de récupération » où<br />
l’on peut croiser des athlètes<br />
équipés d’un NormaTec Pulse<br />
2.0 Recovery.<br />
Ce dispositif de récupération<br />
par compression pneumatique<br />
cible trois parties du<br />
corps : les bras, les hanches<br />
et les jambes. La troisième est<br />
la plus populaire. Dans un<br />
premier temps, les bottes de<br />
compression reliées à un<br />
compresseur d’air se gonflent<br />
pour envelopper les jambes,<br />
puis exercent une compression<br />
progressive des pieds aux<br />
cuisses en effectuant un massage<br />
intense par impulsions.<br />
Résultat : le flux sanguin<br />
s’accélère, les muscles sont<br />
oxygénés, récupération plus<br />
rapide et la douleur due à<br />
Personnalisez votre<br />
récupération depuis<br />
votre téléphone.<br />
Au départ<br />
destiné à des<br />
patients, le<br />
dispositif est<br />
leader en matière<br />
de récupération<br />
sportive.<br />
l’effort se dissipe. Outre la<br />
capacité de cibler des zones<br />
spécifiques, l’unité de contrôle<br />
régule le niveau de compression<br />
dont la puissance égale<br />
celle d’un boa constricteur.<br />
L’appareil est rechargeable et<br />
peut donc s’utiliser partout.<br />
À l’origine, le système n’est<br />
pas conçu pour les athlètes.<br />
En 1998, Laura P. Jacobs,<br />
médecin à Boston, ingénieure<br />
biomédicale et fondatrice de<br />
Normatec, travaille à un traitement<br />
non-invasif de patients<br />
sujets aux caillots sanguins<br />
ou aux troubles de la circulation.<br />
<strong>Mai</strong>s sa technologie à<br />
impulsion séquentielle brevetée<br />
suscite rapidement l’intérêt<br />
de sportifs célèbres cherchant<br />
à accélérer leur temps<br />
de récupération.<br />
Aujourd’hui, les footballeurs<br />
Gareth Bale et Paul<br />
Pogba, la légende de la NBA<br />
LeBron James et le double<br />
champion du monde de boxe<br />
poids lourd Anthony Joshua<br />
l’ont tous adoptée. L’exchampion<br />
du monde d’escrime<br />
Miles Chamley- Watson<br />
découvre ses remarquables<br />
vertus lors des Jeux de Rio,<br />
en 2016. « Au début, j’étais<br />
sceptique, mais ce truc est<br />
incroyable, confie l’athlète<br />
de 30 ans. J’ai besoin de vite<br />
récupérer après une période<br />
d’efforts intenses, et cet<br />
appareil rend cela possible. »<br />
Cette année-là, il repart de<br />
Rio avec la médaille de<br />
bronze ; et grâce à son<br />
NormaTec Pulse Pro 2.0,<br />
il compte bien viser plus<br />
haut, et ce dès cet été.<br />
normatecrecovery.com<br />
TOM MACKINGER FLORIAN STURM<br />
86 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
RÉGÉNÉRER<br />
Pilonner la douleur<br />
Hypervolt Plus<br />
TOM GUISE<br />
2011, un an après avoir fondé<br />
son entreprise de thérapie<br />
sportive Hyperice, Anthony<br />
Katz lance une campagne<br />
inédite : il se rend sur des<br />
événements sportifs et offre<br />
aux athlètes célèbres de tester<br />
ses produits. L’attaquant<br />
de Chelsea Olivier Giroud<br />
ou encore les légendes de la<br />
NBA Kobe Bryant et LeBron<br />
James approuvent. Pour<br />
Katz, les performances de<br />
haut niveau ne sont pas le<br />
fruit des seuls entraînements<br />
; la récupération est<br />
tout aussi cruciale. Sa<br />
dernière invention incarne<br />
cette vision : un pistolet<br />
d’automassage qui traite<br />
les tissus profonds pour<br />
hâter l’échauffement et la<br />
récupération. L’Hypervolt<br />
Plus inclut 5 accessoires —<br />
balle, tête plate, tête arrondie,<br />
fourchette et coussin<br />
— adaptés à chaque groupe<br />
musculaire. 30 % plus puissant<br />
que la version précédente,<br />
il agit en silence (du<br />
coup, vos cris deviennent<br />
audibles). hyperice.com<br />
THE RED BULLETIN 87
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
SE CHAUSSER<br />
D’un pas<br />
très assuré<br />
Danner Arctic 600 Side-Zip<br />
Il y a près d’un siècle, dans la région sauvage<br />
du Nord-Ouest Pacifique aux USA, Charles<br />
Danner fabrique pour la première fois des<br />
chaussures pour les bûcherons. Robustesse,<br />
confort et chaleur sont alors plus qu’une priorité,<br />
une question de survie. Ses boots surpassent<br />
tous ces critères. Réalisée en daim<br />
durable et 100 % imperméable, la semelle<br />
extérieure moulée en Vibram Arctic Grip de ce<br />
modèle assure une excellente traction même<br />
sur le verglas. Dotée de l’isolant thermique<br />
Primaloft et doublée d’une semelle intérieure<br />
Ortholite amovible, le soulier arbore une glissière<br />
latérale facilitant chaussage et déchaussage.<br />
L’Amérique à vos pieds. danner.com
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
SE PROJETER<br />
Cinéma de poche<br />
BenQ GV1<br />
Pour certains, l’avènement<br />
du smartphone sonne le glas<br />
du cinéma sur grand écran.<br />
<strong>Mai</strong>s ne serait-ce pas plutôt<br />
le début de sa mobilité ? Ce<br />
vidéo projecteur de poche<br />
sans fil affiche un écran de<br />
2,5 mètres pour diffuser les<br />
contenus de votre téléphone<br />
ou de sites comme YouTube<br />
ou Netflix. benq.eu<br />
SE BRANCHER<br />
Écouteurs 3.0<br />
AirPods Pro<br />
Ces AirPods Pro d’Apple sont adaptés à l’audition de<br />
chacun. Lors de la première utilisation, des capteurs<br />
testent la pression dans le canal auditif pour ajuster<br />
le fit. Puis deux micros (externe et interne) filtrent et<br />
réduisent 200 fois par seconde les bruits ambiants<br />
mieux qu’un téléphone supra-auriculaire haut de<br />
gamme. Et le monde externe redevient audible avec<br />
pression sur la tige. Le micro intérieur analyse en<br />
continu le son tel qu’il vous parvient et adapte l’égaliseur<br />
pour une expérience optimale. apple.com<br />
TIM KENT TOM GUISE<br />
S’ÉLEVER<br />
Un smart drone<br />
DJI Mavic Mini<br />
Il n’y a pas si longtemps encore,<br />
s’adonner aux joies du drone<br />
nécessitait d’avoir un grand sac à dos<br />
aux multiples poches à batterie.<br />
À présent, ce quadricoptère de la taille<br />
d’un smartphone et d’à peine<br />
250 grammes tient dans la paume<br />
de main et se range dans l’une de<br />
ses poches à piles. Autonomie de vol :<br />
30 minutes. dji.com<br />
THE RED BULLETIN 89
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
SURVIVRE<br />
Gilet airbag<br />
Quiksilver Highline Pro Airlift Vest<br />
« Ce gilet est un outil de sécurité non destiné à améliorer vos performances. Ne prenez pas<br />
de risques supplémentaires en l’utilisant. » Voilà ce qu’indique la notice de ce produit destiné<br />
aux surfeurs les plus aguerris. Quatre tirettes reliées à des cartouches de CO 2 gonflent des<br />
vessies placées stratégiquement pour envoyer vite le surfeur à la surface et maintenir sa tête<br />
hors de l’eau. Une languette dégonfle le gilet aussi vite pour éviter la lame suivante. quiksilver.fr<br />
SE PROTÉGER<br />
Une forte tête<br />
Hedkayse ONE<br />
En Europe, la norme de sécurité EN1078<br />
impose un test de résistance à tous les<br />
casques de vélo. Le test ne tient cependant<br />
pas compte des chocs quotidiens<br />
qui réduisent l’efficacité des casques<br />
classiques en polystyrène. Pour y remédier,<br />
des ingénieurs de l’université de<br />
Loughborough développent un nouveau<br />
matériau, le Enkayse. Le casque absorbe<br />
les impacts sans se déformer même<br />
après de multiples chocs. Il reste, selon<br />
ses créateurs, conforme aux normes<br />
EN1078 et protège contre des impacts<br />
mineurs dont la récurrence peut endommager<br />
le cerveau à long terme.<br />
hedkayse.com<br />
VIVRE<br />
Heure<br />
de gloire<br />
AVI-8 Hawker<br />
Hurricane Bader<br />
Edition Limitée<br />
Chronographe<br />
L’histoire de Sir<br />
Douglas Bader, un<br />
des as britanniques<br />
de la Seconde Guerre<br />
mondiale, est dingue.<br />
Doublement amputé,<br />
le pilote londonien<br />
de la Royal Air Force<br />
a remporté 22 victoires<br />
aériennes et<br />
l’absence de ses<br />
jambes aurait pu être<br />
un « avantage » dans<br />
ses combats en l’air<br />
pour résister aux évanouissements<br />
provoqués<br />
par la force G.<br />
Car son sang ne pouvait<br />
pas s’écouler loin<br />
de son cerveau. Mort<br />
en 1982 à l’âge de 72<br />
ans, il s’est échappé<br />
à plusieurs reprises<br />
de camps de prisonniers<br />
de guerre. Cette<br />
montre, conçue en<br />
collaboration avec<br />
la famille du pilote,<br />
porte l’insigne du<br />
242 e Escadron sur le<br />
bracelet et son avion<br />
sur la trotteuse.<br />
10 % des bénéfices<br />
de sa vente vont à la<br />
fondation caritative<br />
Douglas Bader.<br />
avi-8.co.uk<br />
TIM KENT TOM GUISE<br />
90 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
Les leçons de l’extrême<br />
Homme des<br />
neiges : Colin<br />
O’Brady en<br />
Antarctique.<br />
« Se fixer<br />
des objectifs<br />
intermédiaires<br />
est essentiel. »<br />
COLIN O’BRADY HOWARD CALVERT<br />
EN MAÎTRISE<br />
Réussir l’impossible<br />
Selon Colin O’Brady, entre vous et le record seul le doute fait obstacle.<br />
Au cours des cinq dernières<br />
années, l’aventurier américain<br />
Colin O’Brady a réalisé<br />
l’ascension la plus rapide<br />
des sept plus hauts sommets<br />
et l’Explorers Grand<br />
Slam (gravir le plus haut<br />
sommet de chaque continent<br />
et se rendre sur les<br />
deux pôles). En 2018, il est<br />
le premier à parcourir l’Antarctique<br />
sans assistance<br />
(son projet « <strong>The</strong> Impossible<br />
First »). Et en décembre<br />
dernier, il traverse à la rame<br />
le passage de Drake entre<br />
l’Antarctique et l’Amérique<br />
du Sud, « <strong>The</strong> Impossible<br />
Row ». « Nous avons tous<br />
une voix intérieure qui nous<br />
répète : “Ce n’est pas possible’’,<br />
confie O’Brady. <strong>Mai</strong>s<br />
il est possible de la reprogrammer<br />
autrement. »<br />
Prendre de l’avance<br />
« Dans mon livre, <strong>The</strong> Impossible<br />
First, j’évoque la difficulté<br />
de réunir 500 000 dollars.<br />
Cela exige 18 mois de persévérance<br />
pour avoir le droit de<br />
prendre le départ. Les sponsors<br />
que nous contactons<br />
exigent d’être convaincus<br />
O’Brady en route<br />
vers l’exploit.<br />
pour nous soutenir. Ainsi, la<br />
détermination commence<br />
bien avant le défi lui-même. »<br />
La force du réalisme<br />
« Lors des sept sommets, une<br />
tempête nous surprend sur<br />
l’Everest au niveau du camp IV<br />
dans la “zone de la mort”. Mon<br />
guide Pasang Bhote hausse<br />
simplement les épaules et<br />
m’explique qu’il convient d’accepter<br />
les aléas du climat. Et<br />
repartir une fois le calme revenu.<br />
Une attitude exemplaire.<br />
De fait, quelques jours après,<br />
le ciel s’éclaircit. »<br />
L’atout flexibilité<br />
« Lors de mon défi des 50 plus<br />
hauts sommets des États<br />
américains (juin-juillet 2018),<br />
le pic Humphreys en Arizona<br />
connaît une sécheresse avec<br />
de gros risques d’incendies de<br />
forêt. Nous optons alors pour<br />
le mont Whitney en Californie,<br />
mais la foudre y déclenche un<br />
feu. L’accès est fermé. Nous<br />
apprenons alors qu’il pleut sur<br />
l’Arizona et y retournons illico.<br />
Un impondérable n’en est plus<br />
un lorsqu’on y est préparé. »<br />
Décomposer l’objectif<br />
« En Antarctique, au bout<br />
du premier kilomètre, je me<br />
retrouve en larmes, qui se<br />
congèlent, et à bout de forces,<br />
incapable de tirer mon<br />
traîneau. Une situation que<br />
je n’avais pas envisagée. Ma<br />
femme Jenna me dit alors<br />
“C’est un voyage de 1 600 km.<br />
Nous savions que ce serait<br />
difficile. Te sens-tu capable<br />
d’atteindre la première<br />
étape ?” Se fixer des objectifs<br />
intermédiaires est essentiel. »<br />
Ignorer les rabat-joies<br />
« Avant <strong>The</strong> Impossible Row,<br />
les rameurs sur océan me font<br />
remarquer que je n’ai jamais<br />
ramé auparavant, et ajoutent :<br />
“C’est une première mondiale<br />
et pour cause, le passage de<br />
Drake est redoutable.” Nous<br />
avons balayé les critiques et<br />
renforcé notre confiance. »<br />
<strong>The</strong> Impossible First, éditions<br />
Scribner ; colinobrady.com<br />
THE RED BULLETIN 91
PERSPECTIVES<br />
gaming<br />
FOCUS<br />
Le pouvoir du<br />
coup de pouce<br />
Un gameplay élémentaire qui rapporte gros :<br />
réflexions sur les jeux de plateforme.<br />
plateforme, elle se produit en<br />
temps réel, le moindre faux<br />
pas est immédiatement sanctionné.<br />
Le défi permanent ne<br />
laisse aucune place à la distraction<br />
— c’est une forme de<br />
jeu totale. » L’activité constitue<br />
aussi une source de bien-être<br />
subliminal en soi.<br />
Singularité technologique,<br />
le smartphone a engendré<br />
bien des miracles : l’internet<br />
mobile, la perche à selfie,<br />
l’appli TikTok. Il a aussi permis<br />
les jeux de plateforme — jeux<br />
de course à obstacles contrôlables<br />
d’un seul doigt — dont<br />
le format séduit même les<br />
joueurs occasionnels et suscite<br />
l’intérêt des spécialistes<br />
du comportement, intrigués<br />
par une popularité persistante.<br />
Temple Run 2, par<br />
exemple, enregistre 50 millions<br />
de téléchargements<br />
dans les quinze jours suivant<br />
sa sortie en 2013, ou Subway<br />
Surfers, deuxième jeu iOS le<br />
plus téléchargé de l’histoire.<br />
Flappy Bird, phénomène viral<br />
de 2014, est retiré des App<br />
Stores par son créateur après<br />
avoir déclaré que la popularité<br />
du jeu avait « ruiné sa vie. »<br />
L’attrait pour ces jeux satisfaitil<br />
un besoin humain plus profond<br />
? Le Dr Matthew Barr,<br />
spécialiste des jeux vidéo,<br />
nous répond…<br />
Apprendre en jouant<br />
Les jeux constituent un<br />
système d’apprentissage<br />
ludique spontané : apprendre<br />
en jouant et jouer pour apprendre.<br />
La simplicité linéaire<br />
des jeux de plateforme amplifie<br />
cette dynamique. « Dès<br />
l’apparition d’un nouvel obstacle,<br />
ou d’un nouveau pouvoir,<br />
le joueur s’en empare immédiatement,<br />
explique M. Barr.<br />
L’apprentissage prend tout<br />
son sens avec l’intériorisation<br />
des nouvelles compétences.<br />
Là réside en partie la motivation<br />
des joueurs. »<br />
Pendant une courte<br />
période, les joueurs de<br />
Temple Run 2 ont pu<br />
débloquer l’avatar<br />
d’Usain Bolt.<br />
Suivre le mouvement<br />
Le flow cognitif appelé aussi<br />
zone est l’état mental d’un<br />
sujet accomplissant une tâche<br />
réalisable et stimulante. Le<br />
sujet est en état de réceptivité<br />
totale à l’apprentissage qui<br />
devient source de satisfaction.<br />
« Les concepteurs de<br />
jeux perpétuent cet état en<br />
maintenant le joueur entre<br />
anxiété et ennui, habileté et<br />
défi. Ce type de jeu s’y prête<br />
idéalement ; la difficulté augmente<br />
au même rythme que<br />
votre habileté. La course est<br />
ainsi infinie. »<br />
Rétroaction en boucle<br />
La rétroaction constante est<br />
un autre aspect du flow. « Au<br />
travail ou à l’université, celleci<br />
peut prendre plusieurs<br />
semaines avant de se manifester.<br />
Dans les jeux de<br />
« Avec ces<br />
jeux, la rétroaction<br />
est<br />
immédiate. »<br />
Conférencier à l’Université<br />
de Glasgow,<br />
le Dr Matthew Barr<br />
examine dans son livre<br />
Graduate Skills and<br />
Game-Based Learning,<br />
l’acquisition de compétences,<br />
de flexibilité et<br />
d’esprit critique grâce<br />
aux jeux vidéo.<br />
L’ivresse du joueur<br />
« Les gratifications libèrent de<br />
la dopamine, précise M. Barr<br />
à propos de la substance libérée<br />
par le cerveau après un<br />
plaisir ressenti. Pratiqué le<br />
matin dans le train, le jeu<br />
d’obstacles agit comme un<br />
shoot de dopamine. Vous<br />
arrivez au boulot de bonne<br />
humeur, le cerveau opérationnel,<br />
bien plus que celui qui<br />
entre son réveil et le bureau<br />
s’est contenté d’un café. »<br />
Décisions express<br />
Les jeux de plateforme améliorent<br />
la capacité de décision.<br />
Des études montrent que les<br />
jeux vidéo exigeant réflexion<br />
et intervention constantes<br />
développent les capacités<br />
cognitives. « Si les enjeux n’influent<br />
pas la vie réelle, la prise<br />
de décision sous pression<br />
excluant l’échec, génère une<br />
panique qui renforce votre<br />
confiance dans le monde réel.<br />
Sid Meier, créateur du jeu de<br />
stratégie au tour par tour<br />
Civilization, a déclaré que les<br />
jeux sont une série de décisions<br />
tactiques. Un principe<br />
que les jeux d’obstacles<br />
poussent à l’extrême. »<br />
Parties éclairs<br />
Le rythme effréné du monde<br />
moderne n’est pas propice<br />
aux loisirs. « Le format des<br />
jeux de plateforme intègre<br />
ce facteur en rendant les jeux<br />
accessibles partout, confie<br />
Barr. On peut y jouer avec<br />
un seul pouce. Idéal dans les<br />
transports publics. »<br />
IMANGI STUDIOS JOE ELLISON<br />
92 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
PERFECTIONNER<br />
La pompe<br />
qui coache<br />
Under Armour HOVR Machina<br />
TIM KENT TOM GUISE<br />
Le coup de mou, tel est le<br />
cauchemar des coureurs<br />
à pied en mal de glucose<br />
dans le sang. Lors du marathon<br />
de Boston en 2016, la<br />
marque américaine Under<br />
Armour observe le phénomène<br />
afin de trouver une<br />
solution pour aider.<br />
Bien placée pour relever<br />
ce défi, l’entreprise acquiert<br />
en 2013 le réseau social de<br />
remise en forme MapMyRun.<br />
Grâce à son appli smartphone,<br />
les sportifs peuvent<br />
effectuer le suivi de leurs<br />
séances d’entraînement et<br />
les comparer avec des millions<br />
d’autres. En 2018,<br />
UA lance la HOVR, première<br />
chaussure de course connectée,<br />
équipée de capteurs<br />
mesurant longueur, cadence<br />
et rythme de la foulée et<br />
qui transfèrent ensuite ces<br />
données stockées dans<br />
MapMyRun.<br />
La Machina est la<br />
dernière née de UA. Sa<br />
semelle intermédiaire amortit<br />
les chocs et protège les<br />
capteurs dont la façon de<br />
collecter et de traiter les<br />
données rend ce modèle<br />
unique. En étudiant les statistiques<br />
des coureurs sur<br />
plusieurs années, UA comprend<br />
ce qui sépare les bons<br />
des moins bons coureurs.<br />
Le nouveau système de Form<br />
Coachin de l’appli compare<br />
le style d’un coureur équipé<br />
du HOVR au profil d’un coureur<br />
idéal puis corrige la<br />
technique de l’utilisateur et<br />
minimise le risque de blessures<br />
en temps réel. L’observation<br />
exclusive de marathoniens<br />
anonymes (identifiés<br />
via la date, la géolocalisation<br />
et la distance) a permis de<br />
recueillir d’importantes données<br />
sur les courses de fond.<br />
Under Armour a ainsi établi<br />
que les coureurs ayant une<br />
cadence (nombre de pas<br />
par minute) très fluctuante<br />
par rapport à la longueur de<br />
foulée obtiennent de moins<br />
bons résultats que ceux<br />
dont le rapport cadence/<br />
longueur de foulée est<br />
constant. Ces derniers<br />
s’avèrent plus rapides et<br />
plus réguliers. Conclusion :<br />
une cadence stable est le<br />
meilleur remède contre<br />
le coup de mou.<br />
underarmour.com<br />
L’amorti d’une chaussure<br />
longue distance<br />
et la légèreté d’une<br />
chaussure de sprint.<br />
À l’avant, la plaque<br />
de vitesse en carbone<br />
restitue l’énergie à<br />
chaque pas.<br />
THE RED BULLETIN 93
CALENDRIER<br />
mai <strong>2020</strong><br />
3<br />
MAI<br />
WINGS FOR LIFE WORLD RUN<br />
Le Wings for Life World Run, la seule course au monde où la ligne d’arrivée vous<br />
rattrape, revient en <strong>2020</strong>, et chaque foulée compte, car l’intégralité du montant des<br />
inscriptions est reversée à la recherche sur les lésions de la moelle épinière. Cette<br />
année, vous pourrez participer (et contribuer) grâce à l’App Run sur mobile, et<br />
organiser votre course perso en visitant le site wingsforlifeworldrun.com.<br />
27<br />
avril et au-delà<br />
THE ORIGINAL<br />
SKATEBOARDER<br />
En 1975, la défunte publication<br />
américaine Skateboarder Magazine<br />
a été relancée. Elle a mis fin à son<br />
activité cinq ans plus tard, mais elle<br />
a documenté à cette époque la façon<br />
dont cette pratique naissante est<br />
passée des surfeurs de rue aux<br />
premiers skateparks. Ce film parle<br />
aux skateurs qui ont orné ses pages<br />
et aux photographes qui les ont pris<br />
en photo, racontant le moment où<br />
la planche à roulettes a décollé.<br />
À retrouver via redbull.com<br />
déjà disponible<br />
MOTO SPY SEASON 4<br />
Un regard en coulisses sur ce que<br />
certains des meilleurs concurrents de<br />
la série AMA Supercross <strong>2020</strong> vivent<br />
dans les semaines qui séparent les<br />
courses. Les fans de la discipline<br />
apprécieront cette expérience auprès<br />
des pilotes les plus audacieux et les<br />
novices comprendront mieux la réalité<br />
d’un sport mécanique d’action qui se<br />
vit au-delà des arènes incroyables où<br />
les as du Supercross mettent le feu.<br />
À retrouver via redbull.com<br />
29<br />
au 31 mai<br />
LE BON AIR<br />
Une « floppée de courants électroniques<br />
» vous attend au Festival Le<br />
Bon Air à la Friche la Belle de <strong>Mai</strong>,<br />
avec en bonus, le projet live Helmut<br />
d’Emma DJ et Jackson développé<br />
en amont aux <strong>Red</strong> Bull Studios Paris.<br />
Marseille ; le-bon-air.com<br />
VINCENT CURUTCHET FOR WINGS FOR LIFE WORLD RUN, GARTH MILAN/RED BULL CONTENT POOL<br />
94 THE RED BULLETIN
CALENDRIER<br />
mai <strong>2020</strong><br />
20<br />
au 24 mai<br />
NUITS SONORES<br />
Elles se vivent le jour, le soir, la nuit (bien sûr), sur l’eau, voire<br />
dans les locaux d’Arty Farty, l’équipe à l’origine de ce festival<br />
de musiques modernes pointu, qui accueilleront une soirée<br />
mystérieuse, sous le concept Enigma. Pour cette édition, on<br />
hallucine déjà sur les « journées avec » (A Day with) Jeff Mills ou<br />
DJ Harvey, et leurs multiples invités. Et on ne manquera pas les<br />
conférences du projet Dance to Act ! Lyon ; nuits-sonores.com<br />
20<br />
au 24 mai<br />
QUE DU FISE !<br />
600 000 spectateurs et 2 000 athlètes pros venus du monde<br />
entier, des soirées à n’en plus finir et une ambiance de feu –<br />
toujours conviviale. En plus de vingt ans, le FISE, pour Festival<br />
International des Sports Extrêmes, à Montpellier, s’est installé<br />
comme le 3 e événement sportif français après le Tour de France<br />
et le Vendée Globe. Que vous soyez fan de roller, BMX, skate,<br />
trottinette, wakeboard, VTT ou parkour, le hot spot de l’Hérault<br />
sera votre destination fin mai. Montpellier ; fise.fr<br />
14<br />
ROBERT BRICE, TOMISLAV MOZE/RED BULL CONTENT POOL, CHRIS BURKARD PHOTOGRAPHY<br />
avril et au-delà<br />
UNDER THE<br />
ARCTIC SKY<br />
Il y a cinq ans, le filmeur<br />
Ben Weiland et le<br />
photographe d’aventure<br />
Chris Burkard ont mis<br />
le cap sur la côte nord<br />
de l’Islande avec six<br />
surfeurs à la recherche<br />
d’une houle légendaire.<br />
Ce qu’ils ont trouvé est la<br />
pire tempête islandaise<br />
depuis un quart de siècle<br />
qui a transformé leur<br />
quête en un voyage en<br />
voiture à travers un hiver<br />
arctique brutal. Un film<br />
de surf unique en son<br />
genre. À retrouver via<br />
redbull.com<br />
THE RED BULLETIN 95
Mentions légales<br />
LA RÉDACTION<br />
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans six pays.<br />
Vous voyez ici la une<br />
de l’édition britannique,<br />
honorant le prodige du<br />
football local, Trent<br />
Alexander-Arnold.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
redbulletin.com<br />
Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />
part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
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<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />
Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />
5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />
Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />
Directeur de la publication<br />
Andreas Kornhofer<br />
Directeurs généraux<br />
Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier,<br />
Dietmar Otti, Christopher Reindl<br />
THE RED BULLETIN<br />
France, ISSN 2225-4722<br />
Country Editor<br />
Pierre-Henri Camy<br />
Country Coordinator<br />
Christine Vitel<br />
Country Project Management<br />
Alessandra Ballabeni,<br />
alessandra.ballabeni@redbull.com<br />
Contributions,<br />
traductions, révision<br />
Lucie Donzé, Fred & Susanne Fortas,<br />
Suzanne Kříženecký, Audrey Plaza,<br />
Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />
Gwendolyn de Vries<br />
Abonnements<br />
Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />
getredbulletin.com<br />
Siège de la rédaction<br />
29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />
+33 (0)1 40 13 57 00<br />
Impression<br />
Quad/Graphics Europe Sp. z o.o.,<br />
Pułtuska 120, 07-200 Wyszków,<br />
Pologne<br />
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PROFIL<br />
134 bis rue du Point du jour<br />
92100 Boulogne<br />
+33 (0)1 46 94 84 24<br />
Thierry Rémond,<br />
tremond@profil-1830.com<br />
Elisabeth Sirand-Girouard,<br />
egirouard@profil-1830.com<br />
Edouard Fourès<br />
efoures@profil-1830.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Allemagne, ISSN 2079-4258<br />
Country Editor<br />
David Mayer<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
Natascha Djodat<br />
Publicité<br />
Matej Anusic,<br />
matej.anusic@redbull.com<br />
Thomas Keihl,<br />
thomas.keihl@redbull.com<br />
Martin Riedel,<br />
martin.riedel@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Autriche, ISSN 1995-8838<br />
Country Editor<br />
Christian Eberle-Abasolo<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Publishing Management<br />
Bernhard Schmied<br />
Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />
Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />
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anzeigen@at.redbulletin.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />
Country Editor<br />
Ruth Morgan<br />
Rédacteurs associés<br />
Lou Boyd, Tom Guise<br />
Rédacteur musical<br />
Florian Obkircher<br />
Directeur Secrétariat de rédaction<br />
Davydd Chong<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Nick Mee<br />
Publishing Manager<br />
Ollie Stretton<br />
Publicité<br />
Mark Bishop,<br />
mark.bishop@redbull.com<br />
Fabienne Peters,<br />
fabienne.peters@redbull.com<br />
THE RED BULLETIN<br />
Suisse, ISSN 2308-5886<br />
Country Editor<br />
Wolfgang Wieser<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (Dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
Meike Koch<br />
Publicité<br />
Marcel Bannwart (D-CH),<br />
marcel.bannwart@redbull.com<br />
Christian Bürgi (W-CH),<br />
christian.buergi@redbull.com<br />
Goldbach Publishing<br />
Marco Nicoli,<br />
marco.nicoli@goldbach.com<br />
THE RED BULLETIN USA,<br />
ISSN 2308-586X<br />
Rédacteur en chef<br />
Peter Flax<br />
Rédactrice adjointe<br />
Nora O’Donnell<br />
Éditeur en chef<br />
David Caplan<br />
Directrice de publication<br />
Cheryl Angelheart<br />
Country Project Management<br />
Laureen O’Brien<br />
Publicité<br />
Todd Peters,<br />
todd.peters@redbull.com<br />
Dave Szych,<br />
dave.szych@redbull.com<br />
Tanya Foster,<br />
tanya.foster@redbull.com<br />
96 THE RED BULLETIN
Pour finir en beauté.<br />
Juste à temps<br />
Une image insolite d’un bolide que l’hélicoptère de l’organisation du<br />
Championnat du monde des rallyes (WRC) peine à suivre malgré une voie<br />
aérienne dégagée... Il s’agit du Français Sébastien Ogier et de son copilote<br />
Julien Ingrassia qui remportent là leur premier succès de la saison lors<br />
d’un Rallye du Mexique qui s’est achevé un samedi soir plutôt qu’un<br />
dimanche – en raison de la pandémie du virus que l’on a connue.<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
n° 100 sera<br />
disponible dès le<br />
28 mai <strong>2020</strong><br />
JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL<br />
98 THE RED BULLETIN
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