04.05.2020 Views

The Red Bulletin Mai 2020 (FR)

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>FR</strong>ANCE<br />

MAI <strong>2020</strong><br />

HORS DU COMMUN<br />

LA<br />

PROCHAINE<br />

VAGUE<br />

JUSTINE DUPONT a surfé<br />

une falaise d’eau de plus de<br />

20 mètres, mais pourquoi<br />

s’en contenter ?<br />

Votre magazine<br />

offert chaque<br />

mois avec


MANY PATHS. ONE TRAIL.<br />

MQM FLEX 2<br />

MERRELL.COM<br />

@MERRELLEU


Éditorial<br />

ELLE L’A DIT…<br />

ELLE L’A FAIT !<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

« Je veux dominer la plus grosse vague jamais<br />

surfée par une fille et être championne du monde<br />

de longboard. » Ces propos sont tirés de <strong>The</strong> <strong>Red</strong><br />

<strong>Bulletin</strong> de septembre 2013 et le talent qui s’exprime<br />

alors est Justine Dupont, la surfeuse en<br />

Une de l’édition de ce mois de mai. Ce que Justine<br />

annonçait à l’époque, elle l’a réalisé depuis, en<br />

devenant l’une des surfeuses les plus audacieuses<br />

sur les grosses vagues, et une waterwoman accomplie.<br />

Depuis 2013, nous avons régulièrement soutenu<br />

Justine dans le magazine, et ce n’est pas près<br />

de s’arrêter, car malgré cette ascension jusqu’aux<br />

sommets du big wave riding, l’athlète n’est pas<br />

rassasiée : elle veut surfer encore plus gros, et renforcer<br />

l’aspect sécurité de sa discipline, dans ce<br />

fameux spot de Nazaré qui l’a vue monter en puissance.<br />

Vous le savez à présent, si la Française vous<br />

annonce des choses dans cette nouvelle interview,<br />

on risque de s’en reparler dans quelques marées.<br />

TOM WARD<br />

« Ma rencontre avec le Team<br />

Rubicon a mis en perspective<br />

ma vie de journaliste. Ces<br />

hommes et ces femmes<br />

mettent leur vie sur pause<br />

pour aider les personnes dans<br />

les environnements les plus<br />

dangereux et les plus défavorisés,<br />

la plupart du temps sur la<br />

base du volontariat. » Éditeur<br />

et écrivain basé à Brighton, UK,<br />

Tom Ward écrit sur l’aventure<br />

et ceux qui innovent pour aider<br />

les autres. Lisez-le page 70.<br />

Le futur du surf de gros, c’est de suite !<br />

Votre Rédaction<br />

Moment méditatif à Nazaré pour le photographe<br />

londonien Rick Guest et Justine Dupont.<br />

RICK GUEST<br />

« Justine est incroyablement<br />

courageuse mais en même<br />

temps prudente, elle est forte<br />

mais vulnérable, belle mais<br />

sans prétention. La voir surfer,<br />

c’est voir l’esprit humain dans<br />

sa forme la plus pure. » Rick<br />

Guest est spécialisé dans<br />

la photographie de performances<br />

d’élite qui constituent<br />

un moyen d’expression et<br />

d’épanouissement pour les<br />

athlètes. Il développe sa vision<br />

de Justine Dupont en page 24.<br />

RICK GUEST (COUVERTURE)<br />

4 THE RED BULLETIN


CONTENUS<br />

mai <strong>2020</strong><br />

24 Toujours plus gros<br />

Comment Justine Dupont est<br />

parvenue à surfer les plus<br />

grosses vagues du monde<br />

34 L’autre hard<br />

Pyramides et transcendance<br />

spirituelle sur fond de metal<br />

48 La voie du rookie<br />

Ce que peut vous apprendre un<br />

ex-jeune pilote entré dans l’élite<br />

52 Alter égaux<br />

Ils oublient leurs heures sombres<br />

dans l’immensité de l’extrême<br />

62 L’aidante de la mer<br />

Sauver les requins, ça peut être<br />

impliquer ceux qui les tuaient<br />

70 Experts du chaos<br />

Les forces spéciales de l’espoir<br />

48<br />

Qu’auriez-vous fait à<br />

13 ou 17 ans sur un tel<br />

engin de compétition ?<br />

8 Galerie : 3 preuves que la nature<br />

reste le plus beau terrain de jeu<br />

14 Un hôtel dans l’espace designé<br />

par Starck ? Va falloir allonger…<br />

16 Ce qu’apportent à Julia Virat ses<br />

nuits passées à flanc de falaise<br />

18 L’Exolung : pour respirer sous<br />

l’eau sans s’encombrer<br />

19 Elly Jackson (de La Roux) et sa<br />

musique pour tourner la page<br />

20 Cours Forrest ! Cours ! Sauf que<br />

c’est Rob Pope, pas Tom Hanks<br />

22 Cette course auto vers la Sibérie<br />

orientale avec des épaves est<br />

annoncée comme débile<br />

81 Courir, nager, courir, nager,<br />

courir… bienvenue dans une<br />

course hardcore : Ötillö !<br />

86 Fitness : découvrez le dispositif<br />

de récupération par compression<br />

pneumatique<br />

87 Matos : équipez-vous bien,<br />

filmez- vous et projetez le tout…<br />

91 Défis : faites comme Colin<br />

O’Brady, procédez par étapes !<br />

92 Gaming : les bienfaits de votre<br />

petit jeu – vite fait – sur mobile !<br />

93 Une pompe de running conçue<br />

d’après vos coups de mou<br />

94 Reste-t-il un événement dans<br />

notre calendrier du mois ?<br />

96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

98 Il était une fois dans l’Ouest...<br />

52<br />

Comment le projet Icarus<br />

a réuni des hommes aussi<br />

semblables que différents.<br />

GOLD & GOOSE/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES, PERRIN JAMES<br />

6 THE RED BULLETIN


62<br />

Madison Stewart aime<br />

les requins dans l’eau,<br />

pas dans son assiette.<br />

THE RED BULLETIN 7


PIOTREK DESKA/RED BULL ILLUME<br />

MIRÓW, POLOGNE<br />

Le roi de<br />

l’incruste<br />

« Dans mes clichés, j’essaie de montrer<br />

plus qu’un athlète en action. Le rôle d’un<br />

photographe, c’est de saisir l’instant, et<br />

pour cela, la fenêtre temporelle est très<br />

brève. C’est pourquoi il est essentiel<br />

de donner à voir plus que l’évidence,<br />

raconte le Polonais Piotrek Deska.<br />

À chaque fois que je prends une photo,<br />

j’imagine comment elle rendrait en<br />

grand format sur un mur. » En immortalisant<br />

le Jura cracovien, dans le sud de<br />

la Pologne, reconnaissable à ses cuestas<br />

de calcaire et ses ruines médiévales,<br />

Deska pensait faire un beau paysage.<br />

C’était sans compter l’apparition de<br />

Wojciech Kujawski sur la falaise d’en<br />

face. « Les éléments du puzzle se sont<br />

assemblés comme par magie : le paysage<br />

était sublime, le timing idéal (juste<br />

avant le coucher du soleil), avec ce<br />

grimpeur qui venait parfaire la composition.<br />

Ma nature morte est devenue une<br />

photo d’aventure. » piotrekdeska.com<br />

9


JASPER, CANADA<br />

Bonjour<br />

Randy !<br />

Les cyclistes ont beau s’acharner<br />

à s’entraîner sur toutes les pistes afin<br />

d’être encore plus affûtés pour se la<br />

donner avec leurs potes, il reste des<br />

obstacles du genre infranchissable,<br />

même pour les meilleurs. Lors de<br />

ce reportage dans le parc national<br />

de Jasper où les sentiers abondent,<br />

le photographe canadien Bruno Long<br />

et ses amis ont croisé sur leur route<br />

ce majestueux élan. Ils n’ont eu<br />

d’autre choix que d’attendre que ce<br />

dernier regagne les bois. « À notre<br />

retour, nous avons relaté notre rencontre<br />

à un ami qui travaille pour le<br />

parc. “Vous avez fait connaissance<br />

avec Randy ! s’est-il exclamé en riant.<br />

Ici, le roi c’est lui !” »<br />

Instagram : @eye_b_long


BRUNO LONG/RED BULL ILLUME<br />

11


LE CAP,<br />

A<strong>FR</strong>IQUE DU SUD<br />

Un peu à<br />

l’écart<br />

L’été, des kitesurfeurs du monde<br />

entier affluent au Cap, attirés par<br />

le mix idéal de vent et de vagues<br />

de la région. Spectateur privilégié<br />

pendant de nombreuses années,<br />

le photographe néerlandais Ydwer<br />

van der Heide cherche une nouvelle<br />

perspective avec l’aide de son<br />

compatriote et kitesurfeur Kevin<br />

Langeree. Sa quête aboutit à ce<br />

bassin de marée juste à l’extérieur<br />

de la ville, à l’abri des vagues qui<br />

fouettent sur les rochers environnants<br />

: le spot parfait pour échapper<br />

à la foule.<br />

Instagram : @ydwer


YDWER VAN DER HEIDE/RED BULL ILLUME<br />

13


L’intérieur est un cocon aux murs<br />

matelassés constellés de LEDs.<br />

AXIOM SPACE<br />

Chambre avec vue<br />

Le tour de la Terre, seize fois par jour : bienvenue au sein du premier hôtel<br />

de l’espace… Si vous n’aviez pas trouvé quoi faire de vos millions sur terre.<br />

Le farfelu designer Philippe<br />

Starck est un habitué des projets<br />

branchés (intérieur des<br />

appartements de Mitterrand<br />

à l’Élysée au début des années<br />

80 ou la conception du yacht<br />

Venus de Steve Jobs) mais<br />

aucun n’est aussi insolite que<br />

le dernier en date : un « hôtel »<br />

relié à la Station spatiale internationale.<br />

Dans le cadre de la<br />

privatisation de cette dernière<br />

arrivée en fin de vie, la NASA<br />

a choisi Axiom Space, une<br />

start-up de Houston, pour<br />

développer trois modules<br />

qui s’amarreront à l’ISS. Le<br />

L’horizon du segment Axiom, sans limites : vous avez dit vue mer ?<br />

« segment Axiom » comprendra<br />

un environnement de recherche<br />

et de fabrication en microgravité,<br />

un dôme d’observation<br />

avec une vue spectaculaire de<br />

la Terre à 360 ° et un module<br />

d’habitation. C’est dans ce dernier<br />

qu’intervient l’esthétisme<br />

de Starck. L’intérieur capitonné<br />

avec un matériau semblable au<br />

daim est décrit comme « un nid<br />

en forme d’œuf moelleux et<br />

confortable dont les matériaux<br />

et les couleurs évoquent un univers<br />

fœtal ».<br />

Des nano-LEDs aux couleurs<br />

évolutives tapissent les murs<br />

et s’adaptent aux vues de la<br />

Terre tandis que l’ISS voit défiler<br />

chaque jour seize levers et<br />

couchers de soleil. « Je suis ravi<br />

de jouer un rôle dans ce projet :<br />

l’espace est l’intelligence du<br />

futur », déclare Starck.<br />

Le premier module ne sera<br />

pas lancé avant 2024 et une<br />

fois en place, il n’accueillera<br />

que ceux qui auront les moyens<br />

de s’offrir les vols commerciaux<br />

opérés par Crew Dragon de<br />

SpaceX (env. 38,5 millions<br />

d’euros) ou Starliner CST-100<br />

de Boeing (près de 63,5 millions<br />

d’euros). Après la mise<br />

hors service de l’ISS en 2028,<br />

le segment Axiom deviendra<br />

une station spatiale de vol libre.<br />

« Notre objectif est le progrès<br />

de l’humanité et de ses<br />

connaissances, déclare Kam<br />

Ghaffarian, co-fondateur et<br />

PDG d’Axiom Space. Et d’enclencher<br />

un tournant dans la<br />

société comparable à celui<br />

vécu par les astronautes en<br />

voyant la planète depuis l’espace.<br />

» axiomspace.com<br />

AXIOM LOU BOYD<br />

14 THE RED BULLETIN


* Parce que nous prenons soin...<br />

BECAUSE WE CARE...<br />

*<br />

Quelque soit votre véhicule,<br />

Motul est là pour vous accompagner.<br />

AUTO<br />

DEUX-ROUES<br />

SUIVEZ-NOUS SUR motul.com MOTUL <strong>FR</strong>ANCE @MOTUL MOTUL


JULIA VIRAT<br />

Ses nuits en l’air<br />

Guide de haute-montagne à Chamonix, Julia Virat, 37 ans, passionnée de<br />

snow à l’adolescence, a réalisé sur le tard que la montagne était l’endroit où<br />

elle était heureuse. Ce qu’elle partage avec enthousiasme avec ses clients.<br />

the red bulletin : Emmener vos<br />

clients vivre ce que vous vivez,<br />

c’est quelque chose d’un peu<br />

périlleux : escalader des sommets,<br />

traverser des cascades de glace,<br />

passer une nuit en hauteur sur<br />

une micro-plateforme…<br />

julia virat : Ça peut sembler surprenant<br />

mais moi-même j’ai peur et<br />

‘je n’aime pas le danger ! Au début,<br />

à cinq mètres du sol, je pleurais de<br />

vertige. Je n’étais pas destinée à ça !<br />

Ce que j’aime, c’est accompagner<br />

des gens motivés dans les émotions<br />

qu’ils vont vivre en dehors de leur<br />

zone de confort. Peu importe leur<br />

niveau de départ, je les prends là<br />

où ils sont, et je les emmène un peu<br />

plus loin, là où ils ont envie d’aller.<br />

Vous les guidez à la fois dans la<br />

pratique, et dans la dimension<br />

émotionnelle ?<br />

Effectivement, je suis guide, et ce<br />

n’est pas un métier anodin. La montagne<br />

te met à nu, elle épure les<br />

couches sociales, financières, etc.<br />

Elle enlève les artifices pour te ramener<br />

à quelque chose d’assez brut et<br />

universel qui est la gestion de tes<br />

émotions, et ta survie dans un milieu<br />

rude qui ne pardonne pas. On est<br />

tous égaux face à ça. Quand mes<br />

clients ressentent des émotions<br />

fortes, ils ont besoin que je les aide<br />

à les traverser. En allant ensemble<br />

vers l’objectif fixé, ils vont dépasser<br />

la peur, la fatigue, les barrières<br />

psychologiques, le manque de confiance.<br />

Je leur montre l’exemple :<br />

je vis ça tout le temps. C’est mon défi<br />

personnel. Ce n’est pas parce que je<br />

suis plus forte qu’eux que je ne comprends<br />

pas ce qu’ils traversent.<br />

J’adore partager cela avec les gens.<br />

Comment vous êtes-vous retrouvée<br />

à passer vos nuits accrochée<br />

à une paroi ?<br />

Le portaledge, c’est cette petite plateforme<br />

sur laquelle les grimpeurs<br />

dorment. J’ai commencé à me familiariser<br />

avec pendant des vacances<br />

aux États-Unis pour le plaisir, il y a<br />

douze ans. J’ai découvert le parc du<br />

Yosemite, La Mecque du big wall, des<br />

voies d’escalade vraiment grandes<br />

qu’on ne peut pas gravir à la journée<br />

parce qu’elles sont trop dures et trop<br />

longues. On est donc obligé de<br />

dormir à mi- chemin pour pouvoir<br />

arriver au sommet.<br />

Cela ne vous a donc pas effrayée ?<br />

<strong>Mai</strong>ntenant, j’aime vraiment ça,<br />

dormir suspendue. Je suis attachée<br />

au rocher avec des cordes et du<br />

matériel vraiment fiable. La nuit,<br />

même si je tombe, je suis retenue<br />

par une corde, car je dors avec un<br />

harnais, encordée. L’enjeu sur le<br />

portaledge, ce n’est pas le danger,<br />

mais vraiment les émotions et la<br />

logistique qui va autour. <strong>Mai</strong>s ça<br />

reste une pratique assez marginale.<br />

Combien de temps dure une<br />

journée d’escalade de ce type ?<br />

Contrairement à l’idée qu’on s’en<br />

fait, ce n’est pas de l’escalade pure.<br />

Il y a une grosse partie de logistique,<br />

de manœuvres de cordes, de hissages<br />

de sac. Mes journées font entre 15<br />

et 18 heures. Je mets le réveil à 5 ou<br />

6 heures du matin et je termine vers<br />

22 heures.<br />

Le niveau d’exigence extrême<br />

est-il le même, tant du point de<br />

vue physique que mental ?<br />

Le défi est plus facile à aborder si<br />

tu le fais sur un, deux ou trois jours,<br />

car malgré la fatigue, tu sais que tu<br />

touches bientôt au but, donc ça te<br />

donne un peu d’élan. Mon ascension<br />

d’El Capitan en solo, à l’automne<br />

2018, a duré onze jours. Le problème,<br />

c’est que le premier jour,<br />

j’étais déjà épuisée. Au pied du mur,<br />

j’avais 120 kilos de chargement à<br />

hisser. J’ai beau être solide, je ne<br />

peux pas bouger 120 kilos à la force<br />

de mes bras, je suis forcée d’avoir<br />

un système de cordes et de poulies.<br />

Cela permet de soulager le poids,<br />

et de déplacer mon chargement à<br />

l’aide de systèmes complexes.<br />

S’autorise-t-on, dans certains cas,<br />

à effleurer l’idée de reculer ?<br />

Il faut se connaître suffisamment<br />

bien pour savoir si on va pouvoir<br />

gérer la fatigue qui s’accumule pendant<br />

une dizaine de jours, ou abandonner.<br />

Tous les alpinistes passent<br />

par ces moments d’échec ou de frustration,<br />

on appelle ça prendre un<br />

but. Quand on prend un but, on fait<br />

demi-tour, on va digérer ça tranquillement<br />

chez soi. Et on grandit.<br />

On vous imagine contre la paroi,<br />

dans le Yosemite, sous la voûte<br />

étoilée… Cette sensation-là<br />

efface-t-elle les difficultés techniques<br />

et les souffrances ?<br />

Les journées sont très très très longues,<br />

très fatigantes. C’est vraiment<br />

éprouvant. Bien que j’aie un gros<br />

entraînement, je ne pourrais pas<br />

faire ça toute l’année. Ça demande<br />

énormément d’énergie, de concentration,<br />

de fatigue. C’est dur. Ça ne<br />

se fait pas avec le sourire aux lèvres<br />

du matin au soir. C’est vraiment un<br />

sport exigeant. Alors le soir, quand<br />

j’ai enfin fini le boulot de la journée,<br />

que tout est réglé, rangé, organisé<br />

pour dormir et pour le lendemain,<br />

le temps s’arrête. Assise sur le<br />

portal edge, je contemple la nuit,<br />

les étoiles ; je sens la chaleur de la<br />

journée restituée par la roche ; la<br />

vallée est silencieuse ; mon rythme<br />

se calme, je peux enfin apprécier<br />

tout ce qu’il s’est passé dans la<br />

journée. Et rien que pour ça, je<br />

recommencerai toujours cette expérience-là,<br />

pour ce moment où le<br />

temps s’arrête. Le portaledge, c’est<br />

vraiment un endroit hors du temps.<br />

julia-guide.com<br />

JULIA VIRAT CHRISTINE VITEL<br />

16 THE RED BULLETIN


« Le portaledge,<br />

c’est vraiment<br />

un endroit hors<br />

du temps. »<br />

THE RED BULLETIN 17


Une bouffée d’air<br />

frais : avec seulement<br />

3,5 kg et des<br />

dimensions<br />

de 40×30×20 cm,<br />

l’Exolung nécessite<br />

peu d’entretien<br />

contrairement<br />

aux encombrantes<br />

bouteilles d’air<br />

comprimé.<br />

EXOLUNG<br />

Réflexion profonde<br />

Respirer sous l’eau avec un minimum d’encombrement, c’est pour bientôt.<br />

George W. Bush a déclaré<br />

qu’un jour, humains et poissons<br />

pourraient coexister pacifiquement.<br />

L’ingénieur autrichien<br />

Jörg Tragatschnig a fait<br />

de cette vision une réalité.<br />

Comparable à des poumons<br />

artificiels externes, Exolung<br />

est un dispositif de plongée qui<br />

permet de respirer sous l’eau<br />

sans limite de temps et sans<br />

recours aux bouteilles de plongée<br />

lourdes à la capacité limitée.<br />

« L’Exolung est un rêve<br />

d’enfant, confie Tragatschnig.<br />

Lors de mes études de design,<br />

j’ai commencé à réfléchir<br />

sérieusement au concept :<br />

un appareil respiratoire sousmarin<br />

simple d’usage et technologiquement<br />

rudimentaire. »<br />

Ici, point de bouteille d’air<br />

comprimé, Exolung utilise le<br />

mouvement du corps pour<br />

aspirer l’air en surface, le long<br />

d’un tuyau de 5 m jusqu’à une<br />

cloche à air fixée sur le torse<br />

du plongeur.<br />

À l’intérieur de la cloche,<br />

un diaphragme compressible<br />

permet de respirer en toute<br />

sécurité. Compact et léger,<br />

l’Exolung est relié à une bouée<br />

de surface pour plus de sécurité,<br />

et la formation à son utilisation<br />

est bien plus simple que<br />

celle exigée par la plongée à air<br />

comprimé. « L’Exolung vise trois<br />

types d’utilisateurs, explique<br />

Jörg Tragatschnig, dont l’invention<br />

est actuellement en phase<br />

finale de prototypage. Les plongeurs<br />

en masque et tuba qui<br />

veulent aller plus loin sans s’encombrer<br />

d’un matériel lourd ;<br />

les adeptes d’exercices en<br />

milieu aquatique ; et ceux qui<br />

l’utilisent pour des tâches<br />

précises comme les techniciens<br />

de bateaux ou de piscines, les<br />

biologistes marins ou les chasseurs<br />

de trésors équipés de<br />

détecteurs de métaux. »<br />

La longueur du tuyau d’air<br />

limite la profondeur de plongée,<br />

reflétant la philosophie<br />

du produit et la volonté de<br />

Jörg Tragatschnig d’adopter<br />

une approche plus sereine de<br />

la plongée. « Avec Exolung, la<br />

plongée est plus accessible,<br />

plus mobile et sans contrainte.<br />

Un high-tech minimaliste. »<br />

exolung.com<br />

LOU BOYD<br />

18 THE RED BULLETIN


LA ROUX<br />

Passez<br />

à autre<br />

chose<br />

Après avoir surmonté<br />

difficultés personnelles et<br />

professionnelles, la chanteuse<br />

Elly Jackson opère<br />

un retour flamboyant.<br />

Il y a onze ans, La Roux cartonnait<br />

sur les ondes avec des tubes<br />

électro- pop comme Bulletproof<br />

ou In For <strong>The</strong> Kill. Puis Elly<br />

Jackson, vocaliste du duo londonien,<br />

connaît une série de revers.<br />

En situation de quasi-faillite, elle<br />

rompt avec son coauteur Ben<br />

Langmaid et sa maison de disques.<br />

Une succession de déceptions<br />

amoureuses finit par créer un état<br />

d’angoisse tel qu’elle n’arrive plus<br />

à exercer son métier. Aujourd’hui,<br />

le nouvel et troisième album de<br />

La Roux, Supervision — « BO d’un<br />

avenir optimiste » — sonne comme<br />

une renaissance, une thérapie<br />

créative pour oublier les jours<br />

sombres. Elle nous présente ici<br />

sa playlist « bonjour tristesse »…<br />

laroux.co.uk<br />

Ken Boothe<br />

Set Me Free (1983)<br />

Carly Simon<br />

Why (1982)<br />

Depeche Mode<br />

New Life (1981)<br />

Gerry Rafferty<br />

Right Down <strong>The</strong> Line (1978)<br />

ANDREW WHITTON MARCEL ANDERS<br />

« J’aime toutes les versions de<br />

cette chanson (plus connue<br />

sous le titre de You Keep Me<br />

Hangin’ On). Elle a été beaucoup<br />

reprise, par Kim Wilde<br />

notamment en 1986. <strong>Mai</strong>s<br />

j’adore le reggae et cette<br />

version est excellente. Le titre<br />

Set Me Free (trad. libère-moi)<br />

est tout indiqué quand vous<br />

essayez d’oublier quelqu’un.<br />

Je sais de quoi je parle. »<br />

« Ce titre est bien meilleur que<br />

You’re So Vain (tube de Simon<br />

de 1972). Je n’arrive pas à haïr<br />

les gens que je veux oublier,<br />

à rompre violemment. Je suis<br />

plus du genre “Je t’aime, mais<br />

j’aimerais ne plus penser à<br />

toi” ou “Je ne cesse de penser<br />

à toi, et certaines chansons<br />

me ramènent encore plus à<br />

toi”. Ce dernier état marque<br />

en général la dernière étape. »<br />

« Un morceau idéal pour tourner<br />

la page. J’aurais aimé<br />

l’avoir dans mon album tellement<br />

je le trouve incroyable.<br />

Depeche Mode a été une<br />

grande source d’inspiration<br />

pour mon premier opus<br />

en 2009. Sans leur album<br />

Speak & Spell, en 1981, La<br />

Roux serait devenu un autre<br />

groupe. C’est un excellent<br />

remontant. »<br />

« C’est ma chanson préférée<br />

de tous les temps. <strong>Mai</strong>s les<br />

gens ne connaissent que Baker<br />

Street, le tube de Rafferty<br />

de 1978. Ils s’agacent de ses<br />

fréquents passages radio et<br />

de son solo de saxophone à<br />

répétition. <strong>Mai</strong>s Rafferty,<br />

c’est tellement plus que ça.<br />

J’adore ce type de chansons.<br />

Elles sont mes compagnes<br />

des mauvais jours. »<br />

THE RED BULLETIN 19


ROB POPE<br />

Pourquoi<br />

courez-vous ?<br />

Après avoir parcouru les States façon Forrest Gump,<br />

l’animateur d’un nouveau podcast dédié à des<br />

gens extraordinaires a lui aussi une histoire à raconter.<br />

En 2016, Rob Pope, 38 ans, un véto<br />

britannique spécialiste des urgences,<br />

a décidé de se lancer dans une course<br />

à pied, à travers les USA. Lorsqu’il<br />

arrivait à un océan, il faisait demitour<br />

et continuait de faire des allersretours<br />

d’un bout à l’autre du pays.<br />

Si ce récit vous semble familier, c’est<br />

que vous avez probablement vu le<br />

film Forrest Gump. Au cours de son<br />

voyage, Pope est devenu l’incarnation<br />

vivante du personnage de Tom<br />

Hanks : longue barbe broussailleuse,<br />

casquette Bubba Gump et tout le<br />

reste. Lorsqu’il a terminé, 422 jours<br />

plus tard, il avait traversé les États-<br />

Unis plus de quatre fois, couvrant<br />

plus de 25 000 kilomètres, l’équivalent<br />

de 600 marathons, et était<br />

devenu la première personne à avoir<br />

retracé l’ensemble du parcours de<br />

Gump. Forrest courait « sans raison<br />

particulière ». Pope avait une motivation<br />

plus forte.<br />

« Pour rendre hommage à ma<br />

mère, dit-il aujourd’hui. Elle m’a<br />

dit de réaliser une chose dans ma<br />

vie qui ferait la différence. Ce n’est<br />

qu’au moment de la planification<br />

que j’ai réalisé que ce pouvait être<br />

cela. » Durant sa longue course, Rob<br />

a recueilli l’équivalent de 44 000 €<br />

pour les organisations caritatives<br />

Peace Direct et le Fonds mondial<br />

pour la nature. Et après avoir franchi<br />

la ligne d’arrivée, il a demandé sa<br />

petite amie en mariage.<br />

Aujourd’hui, Pope a un nouveau<br />

projet : trouver d’autres personnes<br />

exceptionnelles et découvrir ce qui<br />

les motive pour le podcast How to be<br />

Superhuman. « Certains écouteront<br />

peut-être ces histoires, et quelles<br />

que soient les difficultés qu’ils<br />

rencontrent, ils se diront : “Ces gens<br />

ont fait face à d’énormes obstacles<br />

et, même si tout ne s’est pas passé<br />

comme prévu, ils vont toujours bien.”<br />

Cela me donne envie de croire que<br />

nous sommes tous surhumains. »<br />

the red bulletin : Parlez-nous<br />

de certains de ces surhommes...<br />

rob pope : Ce sont des athlètes,<br />

mais pas du genre habituel. Il y a<br />

Yusra Mardini (la jeune femme de<br />

22 ans qui a fui la Syrie en 2015 et<br />

a rejoint l’équipe des athlètes olympiques<br />

réfugiés à Rio en 2016, ndlr).<br />

Des roquettes RPG sont tombées<br />

dans la piscine où elle s’entraînait et<br />

elle a aidé sa sœur à tirer un bateau<br />

de réfugiés jusqu’au rivage de la mer<br />

Égée. Le triathlète Tim Don qui,<br />

après s’être cassé le cou en 2017 a<br />

porté un halo fixé à son crâne pour<br />

aider à unifier sa colonne vertébrale<br />

avant de retourner à l’Ironman.<br />

Mark Beaumont a fait le tour du<br />

monde à vélo en 80 jours, et la<br />

coureuse Jasmin Paris allaitait<br />

encore lorsqu’en 2019, elle a battu<br />

de 12 heures le record masculin de<br />

la Spine Race (un ultramarathon de<br />

431 kilomètres sur le Pennine Way au<br />

Royaume-Uni, ndlr). Les gens disent<br />

que je fais partie de ces surhommes.<br />

Ce n’est pas le cas. Je ne fais que les<br />

interviewer.<br />

<strong>Mai</strong>s vous avez traversé beaucoup<br />

de choses. Quelle distance couriezvous<br />

chaque jour ?<br />

Je faisais en moyenne 60 kilomètres<br />

par jour. En traversant le Wyoming,<br />

on pouvait franchir 65 kilomètres<br />

sans rien voir. Les températures<br />

allaient de− 18 °C à 43 °C. Le plus<br />

froid a été en Alabama avec des<br />

vents de près de 100 km/h. Il neigeait<br />

quand j’ai traversé la Vallée<br />

de la Mort, qui est parfois l’endroit<br />

le plus chaud sur Terre. Il y a eu<br />

d’énormes pics d’émotion.<br />

Ces traversées des USA ont dû<br />

laisser des traces sur votre corps...<br />

Les premières ampoules étaient inévitables.<br />

Puis j’ai eu une tendinite<br />

dans le muscle tibial antérieur, une<br />

tendinite au tendon d’Achille de<br />

l’autre jambe, je me suis déchiré<br />

un quadriceps, j’ai eu des problèmes<br />

chroniques au niveau des fessiers<br />

et du bassin, une intoxication alimentaire<br />

qui a duré cinq jours.<br />

Où dormiez-vous ?<br />

Ma copine m’a accompagné dans<br />

un camping-car pendant la moitié<br />

de l’expédition, mais une fois seul,<br />

je me suis arrêté dans des stationsservice<br />

ou des églises. J’allais dans<br />

un bar, je prenais une bière et je<br />

demandais si je pouvais camper<br />

derrière. Presque à chaque fois, on<br />

me disait : « Non, viens chez moi. »<br />

La définition d’un surhomme ?<br />

La détermination. Ces personnes ont<br />

toutes en elles cette capacité. La plupart<br />

du temps, nous nous heurtons<br />

à des obstacles imaginaires pour<br />

nous empêcher de faire quelque<br />

chose, peut-être pour ne pas se blesser<br />

émotionnellement ou physiquement.<br />

On est tous réticents à accepter<br />

l’échec. On a l’impression que si<br />

ces personnes avaient échoué, elles<br />

l’auraient bien vécu, car elles avaient<br />

fait tout ce qui était en leur pouvoir.<br />

Avez-vous eu envie d’arrêter ?<br />

Tous les jours. Je me réveillais et je<br />

me disais : « Je ne peux pas courir<br />

60 kilomètres aujourd’hui. » Ensuite<br />

je me disais : «Tu l’as fait hier, avanthier,<br />

tu vas probablement aussi<br />

le faire aujourd’hui. Ça va aller. »<br />

How to be Superhuman, sur Spotify,<br />

Apple et vos plateformes de podcast.<br />

SIMON LAPISH TOM GUISE<br />

20 THE RED BULLETIN


« Je courais<br />

en moyenne<br />

60 km par<br />

jour. »<br />

THE RED BULLETIN 21


MONGOL RALLY<br />

La route de l’infortune<br />

Comment aller au bout d’une course automobile folle à bord d’une épave.<br />

Qualifié de « course la plus<br />

stupide au monde », le Mongol<br />

Rally reste une compétition à<br />

part. Ce rallye intercontinental<br />

démarre en Europe — cette<br />

année dans le Hampshire en<br />

Angleterre, mais à l’origine<br />

en République tchèque — et<br />

s’achève à Oulan-Oudé en<br />

pleine Sibérie orientale.<br />

L’itinéraire est libre et les<br />

participants, dont le seul objectif<br />

est d’atteindre l’arrivée en<br />

moins de deux mois, ne bénéficient<br />

d’aucune assistance.<br />

Seuls des véhicules décrits par<br />

les organisateurs comme « voitures<br />

poubelles » avec une puissance<br />

n’excédant pas 1 000 ch<br />

peuvent prendre le départ. Une<br />

manière de garantir la panne en<br />

cours de route. L’an dernier,<br />

Alicia Schneider, Racheli Aye et<br />

Adina Korn, de l’équipe Little<br />

Missadventurists de Tel-Aviv,<br />

effectuent les 16 000 km à bord<br />

d’une Fiat Panda cabossée.<br />

« Nous l’avons achetée en Israël<br />

et expédiée en Europe, explique<br />

Schneider. Avant le rallye, elle a<br />

passé tous les week-ends chez<br />

le mécanicien, l’occasion pour<br />

nous d’accumuler des compétences<br />

en mécanique. »<br />

Les équipes n’ont droit qu’à<br />

une seule voiture et voyagent<br />

indépendamment, mais faire un<br />

bout de chemin avec d’autres<br />

participants est une tradition<br />

du Mongol Rally. « Les deux<br />

premières nuits en montagne,<br />

nous étions un convoi d’une<br />

dizaine de voitures, se souvient<br />

Schneider. Nous avons cuisiné<br />

autour d’un grand feu et beaucoup<br />

bu. Arriver le plus vite<br />

possible, ce n’est pas l’esprit<br />

du rallye. Vous roulez dans des<br />

épaves et traversez de magnifiques<br />

chaînes de montagnes<br />

dans des régions reculées.<br />

Cette expérience unique exige<br />

du temps pour être appréciée. »<br />

Les 5 conseils<br />

de l’équipe Little<br />

Missadventurists<br />

pour finir le<br />

Mongol Rally…<br />

1. Familiarisezvous<br />

autant que<br />

possible avec la<br />

mécanique<br />

Comprendre pourquoi<br />

la voiture fait<br />

un bruit bizarre ou<br />

ne démarre pas<br />

vous sera utile.<br />

2. Faites vos<br />

recherches en<br />

amont, mais évitez<br />

de trop planifier<br />

Dès le début, ça ne<br />

se passe pas comme<br />

prévu de toute<br />

façon.<br />

3. Emportez un<br />

max de provisions<br />

Nous avons misé sur<br />

les boîtes de thon,<br />

le riz et les pâtes.<br />

4. Gardez un<br />

esprit ouvert<br />

L’itinéraire est fou,<br />

n’ayez donc pas<br />

peur d’entreprendre<br />

des choses<br />

inhabituelles.<br />

5. Prévoyez un<br />

gros stock de<br />

lingettes<br />

Vous les consommerez<br />

vite. Plusieurs<br />

jours peuvent passer<br />

avant de pouvoir<br />

se doucher. <strong>Mai</strong>s<br />

ne les jetez pas<br />

n’importe où !<br />

littlemiss<br />

adventurists.com ;<br />

theadventurists.com<br />

ALICIA SCHNEIDER LOU BOYD<br />

22 THE RED BULLETIN


SON PRO<br />

ÉCOUTEURS SANS FIL JBL<br />

JBL.COM


TOUJOURS<br />

PLUS GROS<br />

Le 13 novembre dernier, la waterwoman<br />

JUSTINE DUPONT surfait un monstre de plus<br />

de 20 mètres à Nazaré (Portugal). Rebelote le<br />

11 février lors du Nazaré Tow Surfing Challenge,<br />

où la jeune femme de 28 ans remporte<br />

le titre de la meilleure vague. Ces deux méga<br />

houles pourraient lui valoir le record du monde de<br />

la plus grosse vague surfée, tous sexes<br />

confondus lors des prochains Big Wave Awards.<br />

Une première dans le club très fermé du surf de<br />

gros. Comment en est-elle arrivée à surfer ce que<br />

l’océan a de plus puissant, de plus redoutable ?<br />

À repousser sans cesse les limites de<br />

l’humain ? Justine nous dit tout d’une carrière<br />

qui se construit pas à pas, dans les règles de<br />

l’art et la plus grande humilité.<br />

Texte PATRICIA OUDIT<br />

Photos RICK GUEST<br />

24


À 28 ans, Justine<br />

Dupont est l’une<br />

des meilleures surfeuses<br />

de gros (et<br />

pas que) au monde.


Il y a des 13 novembre<br />

qui ne s’oublient pas.<br />

Celui de l’année 2019 restera à jamais gravé dans la<br />

mémoire de la Canaulaise comme l’un de ces graals<br />

enfin conquis, d’un mythe presque atteint, celui de la<br />

vague sans fin. Ce jour-là, lorsqu’elle lâche la corde<br />

qui la tracte au sommet d’une ogresse de plus de 20<br />

mètres, elle éprouve d’autres vibrations. Ivresse d’un<br />

autre monde ressentie par ce point microscopique<br />

qu’elle est devenue au centre d’un mur écumant de<br />

rage. Un run de 15 à 30 secondes où l’on est dans sa<br />

bulle, étanche au fracas, où la moindre vibration est<br />

anticipée. « Je sens rapidement qu’il se passe quelque<br />

chose. Je prends une vitesse folle dans cette succession<br />

de petites vagues sans fin, comme si une ombre<br />

me poursuivait. » Sur cette vague portugaise de<br />

Nazaré, devenue en quelques années le pays des<br />

chargeuses et chargeurs (surfeuses et surfeurs de<br />

grosses vagues), Justine gagne encore en vitesse.<br />

« C’est inimaginable, dit-elle. Sur la vague, je n’ai<br />

aucun repère, hormis mes propres sensations pour<br />

évaluer la vitesse… »<br />

Trois mois plus tard, le 11 février, la surfeuse est à<br />

nouveau pourchassée par un swell en furie. « Cette<br />

fois, bien que la vague n’ait pas encore été mesurée,<br />

je pense qu’elle est encore plus énorme. Je dirais plus<br />

de 20 mètres. Cette fois encore, je sens que Fred,<br />

mon compagnon, qui me tracte jusque dans les<br />

vagues avec un jet-ski, a choisi la bonne vague. Elle<br />

ne cesse de se former sous ma planche en même<br />

temps que je la descends. Je sens que dans mon dos<br />

elle grossi, elle se lisse et se creuse bien plus que<br />

d’habitude. Il y a plus de puissance autour de moi…<br />

Après avoir pris une ligne plus proche du creux, je<br />

file vers le bas de la vague et je me prépare à l’explosion<br />

derrière moi. La mousse m’a dépassée, je me<br />

sens faire partie de la vague et heureuse de sortir<br />

d’elle toujours debout sur ma planche. » Pour parvenir<br />

à dompter ces tonnes de chaos liquide, Justine a<br />

œuvré dans la plus grande discrétion, prenant tout<br />

son temps pour écumer les hotspots du Big Wave<br />

Riding, de Belharra (Pays Basque) à Mavericks (Californie)<br />

en passant par Mullaghmore (Irlande), Jaws<br />

(Hawaï) et bien sûr Nazaré (Portugal) où elle a fini<br />

par s’installer. Depuis sept ans, époque où elle revendiquait<br />

déjà son envie de se frotter aux éléments<br />

dans ce qu’ils ont de plus puissant, elle apprend,<br />

réapprend, chute parfois, recommence. Affronte ses<br />

peurs, ou renonce, se lance des défis très hauts, et<br />

bien réfléchis. <strong>Mai</strong>s ne s’arrêtera pas là, à ce fabuleux<br />

record peut être récompensé prochainement par un<br />

Big Wave Award, genre d’Oscar du surf de gros. Il va<br />

falloir féminiser le lexique et élargir ses horizons. Car<br />

peu importe les codes en vigueur, il ne s’agit ici que<br />

d’une chose : la quête de toute une vie.<br />

the red bulletin : Sur ces deux vagues monstres<br />

de novembre et de février, à aucun moment vous<br />

n’avez eu peur de vous faire avaler ?<br />

justine dupont : Quand je suis sur la vague, quelle<br />

que soit sa puissance, sa taille, je suis tellement<br />

dedans, concentrée à 300 % que je ne pense qu’aux<br />

3 ou 4 mètres qui me précèdent. Au sommet, avant<br />

la descente, je prends toutes les informations possibles<br />

: forme, vitesse, déclivité, et j’en déduis ma<br />

future ligne, là où je vais pouvoir prendre de l’énergie<br />

pour surfer le plus longtemps possible. Sur la<br />

vague de novembre, il y avait pas mal de perturbations,<br />

à cause du vent, l’eau devenait dure à cause<br />

du clapot, c’était un peu comme un champ de bosses<br />

ultra pentu qu’il fallait dévaler avec la plus extrême<br />

vigilance. Celle de février en revanche m’a autorisée<br />

à plus de liberté, à faire ce que je préfère dans le<br />

surf : négocier une belle ligne, planche sur le côté<br />

pour prendre de l’angle et de la vitesse, comme dans<br />

de la poudreuse. La peur arrive avant, comme un<br />

repère. Si elle est trop présente, c’est que je ne suis<br />

surement pas encore prête, et ça m’est déjà arrivé de<br />

renoncer. Elle est aussi rétrospective. En visionnant<br />

mes images de GoPro, sur l’une de ces vagues, je<br />

vois deux étapes. Sur la première, mon visage traduit<br />

une grande concentration, je vis le moment, je<br />

suis en alerte maximum, tous mes sens sont en éveil.<br />

Sur la deuxième, j’affiche un sourire qui veut dire :<br />

« Ça y est, je viens de passer la phase la plus critique<br />

de la vague. » Je suis dans l’émotion, puis je me<br />

concentre pour bien terminer la vague, en sécurité.<br />

Pendant ces quelques secondes, mon cerveau passe<br />

par tous les stades.<br />

Quelques secondes… Le surf de gros, c’est une<br />

attente énorme pour un plaisir furtif !<br />

Pour parvenir à dompter ces tonnes<br />

de chaos liquide, Justine Dupont a œuvré<br />

dans la plus grande discrétion.<br />

26 THE RED BULLETIN


L’ADN de Nazaré :<br />

un phare rouge, du<br />

swell, des vagues<br />

monstrueuses et<br />

Justine Dupont.


« Il faut aussi être capable de renoncer.<br />

La nature est toujours la plus forte,<br />

elle gagnera peu importe vos efforts. »<br />

C’est une à une et<br />

humblement que<br />

Justine a gravi les<br />

marches de l’élite<br />

aquatique.


Temps calme pour une surfeuse française heureuse sur le sable de Nazaré.<br />

Dans les vagues de ce spot portugais, c’est le chaos qu’elle affronte.<br />

La vague la plus longue dure peut-être 20 ou 30<br />

secondes. Un jour, il faudrait que je me mette des<br />

capteurs pour mesurer l’intensité de ces moments en<br />

termes de battements cardiaques. Le moment est<br />

bref, mais tellement dingue et magique qu’il doit<br />

sacrément faire monter le cœur.<br />

Ces moments se vivent avec toute une équipe…<br />

J’ai la chance fabuleuse de vivre cela avec mon compagnon<br />

Fred David, qui a été champion du monde<br />

de bodysurf et dont la présence indispensable me<br />

rassure totalement dans ma prise de décisions. On a<br />

un tel niveau de complicité que dans l’eau, on n’a<br />

plus besoin de se parler… Fred est sur le jet-ski. En<br />

cas de gros swell, Clément Nantes, qui est sauveteur<br />

en mer vient prêter main forte en pilotant un deuxième<br />

jet-ski, au cas où Fred qui m’a larguée sur la<br />

vague en tow-in (surf tracté, ndlr) me perdrait de<br />

vue. Il y a également quelqu’un qui surveille mon<br />

évolution dans l’eau depuis la falaise. À terme, on<br />

aimerait avoir notre propre « veilleur » afin de renforcer<br />

la sécurité.<br />

À Nazaré où vous surfez depuis quatre saisons,<br />

comment la pratique a-t-elle évolué ?<br />

C’est un endroit d’une intensité sans égal. Avec des<br />

saisons qui se suivent sans jamais se ressembler.<br />

Cette vague, on croit la connaître, mais elle finit tou-<br />

THE RED BULLETIN 29


jours par vous surprendre. Deux à trois fois par<br />

mois, surtout d’octobre à mars, il y a des grosses<br />

houles, il arrive qu’il y ait des conditions énormes<br />

dix jours d’affilée, où l’on reste jusqu’à six heures<br />

dans l’eau. Les grands jours il y a les meilleurs du<br />

monde au pic. C’est un moment de partage assez<br />

fou. Il y a de la solidarité entre nous. En ce moment,<br />

un de nos jet-ski est hors service. Fred s’est crashé<br />

en portant secours à un autre surfeur.<br />

Vous évoquiez plus haut la sécurité…<br />

Les deux jet-skis et le veilleur depuis la falaise<br />

constituent la base du dispositif. Quand c’est gros,<br />

il y a un médecin urgentiste qui vient sur la plage en<br />

complément des lifeguards qui sont parfois présents.<br />

On aimerait que le médecin soit là tout le temps<br />

pour améliorer encore la sécurité. On travaille dans<br />

ce sens avec la mairie qui prend les choses très à<br />

cœur mais qui n’envoie les renforts qu’à plus de<br />

15 mètres. À ces hauteurs, c’est déjà très tendu en<br />

termes de risques…<br />

Quand vous-êtes vous dit : « Je vais être la première<br />

à surfer la plus grosse vague du monde ? »<br />

Depuis que je surfe à Nazaré. Avant moi, une femme<br />

surfait déjà ici, c’est la brésilienne Maya Gabeira.<br />

Quand je suis arrivée, j’ai eu de la chance : les<br />

vagues étaient parfaites pour débuter, j’ai pu enchaîner<br />

les petites sessions afin de m’approprier le spot.<br />

Le swell a grossi avec mon expérience comme par<br />

magie. Et puis Nazaré, contrairement à d’autres<br />

lieux comme Belharra qui ne casse pas à moins de<br />

8 mètres, fonctionne aussi quand c’est petit.<br />

Y a-t-il eu une chronologie du swell pour procéder<br />

par étapes, en fonction des vagues ?<br />

Avec Fred on est arrivés à Nazaré de manière discrète.<br />

Humblement, on n’a jamais hésité à demander<br />

des conseils. Ne pas se focaliser que sur la grosseur<br />

des vagues. Ce n’est pas le critère le plus important<br />

pour moi. Plus que la taille, c’est la façon de la<br />

prendre, l’engagement, l’esthétique. Avoir l’impression<br />

de véritablement surfer plus que de descendre.<br />

Avant Nazaré, j’ai pris de l’expérience partout où<br />

je pouvais. D’abord à Belharra, où je suis allée à<br />

petit pas, où il y a du fond des deux côtés et des<br />

possibilités d’échappatoire. Là-bas, le risque est de<br />

se noyer, j’ai donc renforcé ma résistance sous l’eau<br />

en m’entraînant régulièrement à l’apnée.<br />

Puis il y a eu Jaws… Où vous vous êtes blessée.<br />

En novembre 2018, je suis arrivée à Jaws après un<br />

super début d’hiver à Nazaré. J’étais en confiance<br />

et j’ai pris une très bonne vague. En retournant<br />

au large une série m’a cassé sur la tête. J’étais au<br />

mauvais endroit au mauvais moment. Je m’y suis<br />

fracturé l’épaule et abîmé le genou. Ça a mis fin<br />

à mon hiver, c’était frustrant mais ça fait aussi<br />

partie du jeu.<br />

Ça ne vous a pas refroidie ?<br />

Au contraire. J’ai bien fait ma rééducation au CERS<br />

de Capbreton. Dans un sport comme le mien, la<br />

patience est essentielle. Il faut aussi être capable<br />

de renoncer. La nature est toujours la plus forte,<br />

elle gagnera peu importe vos efforts. Il faut savoir<br />

rester à sa place. Ne pas y aller quand le doute est<br />

trop fort.<br />

Vous doutez souvent ?<br />

Ça m’arrive ! Je me pose souvent des questions.<br />

« Est-ce que ce que je fais a un sens, est-ce trop dangereux<br />

? » Sur le moment, je ne doute pas, jamais j<br />

e ne suis allée à l’eau avec la peur au ventre. Quand<br />

je repense à la compétition de février et à cette<br />

vague record, c’était un jour magique. On était<br />

tous à l’eau au petit matin, avant le coup d’envoi,<br />

à enchaîner des vagues de rêve. C’est en renvoyant<br />

les images ensuite que j’ai eu peur, que je me suis<br />

questionnée. Ces images, c’était bizarre de les<br />

regarder. C’était presque trop. Je me suis demandé<br />

où est la limite de l’humain. Est-on vraiment en<br />

train de surfer les plus grosses vagues de la<br />

planète ?<br />

Où se situe la notion d’ego dans ces murs d’eau ?<br />

De l’ego, sûrement, il doit y en avoir. Plus jeune,<br />

avec mon grand-frère, je voulais toujours rivaliser<br />

Tout ce qu’il faut pour envoyer du gros<br />

Un gilet de flottaison en<br />

mousse placé sous la<br />

combinaison néoprène.<br />

Un gilet gonflable avec les<br />

cartouches de CO 2 à<br />

déclencher en cas de wipe-out.<br />

Des chaussons pour tenir<br />

chaud et avoir une meilleure<br />

accroche sur la planche.<br />

Une cagoule en néoprène<br />

à quoi Justine préfère le<br />

casque (pas toujours agréable<br />

pour la nuque en cas de choc<br />

violent). La jeune femme<br />

réfléchit à un type de casque<br />

plus adapté à la pratique.<br />

Des bouchons d’oreille<br />

depuis que la surfeuse a eu<br />

ses tympans percés à Hawaï.<br />

Une planche de tow-in de<br />

6 pieds (1,80 m) lestée d’un<br />

poids de 10 kilos et garnie de<br />

footstraps pour fixer les pieds.<br />

Elle est constituée de carbone<br />

à l’arrière pour que la rigidité<br />

la rende plus rapide et de PVC<br />

à l’avant pour amortir les<br />

perturbations de la vague.<br />

Une planche de rame fait<br />

quant à elle 3 à 4 m de long.<br />

Les deux jet-skis font<br />

respectivement 240 et 260 ch.<br />

Les pilotes ont une radio.<br />

Le sled (traineau) qui sert à<br />

récupérer la surfeuse est muni<br />

de cordes afin qu’elle puisse<br />

l’attraper plus facilement.<br />

30


« La vague de Nazaré, on croit la<br />

connaître, mais elle finit toujours<br />

par vous surprendre. »


Sa bio<br />

express<br />

Justine Dupont,<br />

28 ans,<br />

surfe du gros, mais<br />

pas que. Comme son<br />

palmarès éclectique<br />

en témoigne, elle<br />

est une waterwoman<br />

polyvalente.<br />

Vice-championne du<br />

monde de surf<br />

de grosses vagues.<br />

Championne du<br />

monde de<br />

Stand up paddle.<br />

Vice-championne<br />

du monde<br />

de longboard.<br />

4 fois championne<br />

du monde par<br />

équipe de Stand<br />

up paddle, de<br />

longboard (2 fois)<br />

et de surf.<br />

« Est-on vraiment en train de surfer les plus<br />

grosses vagues de la planète ? »


« Dans ce sport, on a fini par transcender<br />

les questions de genre. Fille ou garçon, qu’importe,<br />

on surfe des grosses vagues, c’est tout. »<br />

d’apnée pour apprendre et m’entraîner, et je suis<br />

aussi allée plusieurs fois à la fosse à La Teste-de-<br />

Buch, en Gironde. Puis j’ai fait des exercices très<br />

ciblés pour apprendre à économiser l’oxygène.<br />

Désormais, je continue, mais c’est plus de l’entretien.<br />

J’ai pas mal progressé en bodysurf avec palmes<br />

grâce à Fred, ça permet d’assurer quand je me<br />

prends des grosses vagues dans la tête. Je pratique<br />

aussi la course à pied sur des distances courtes ainsi<br />

que les montées d’escaliers. L’idée est de travailler<br />

le cardio via du fractionné. Sans oublier le crossfit<br />

pour le gainage et la musculation en salle pour<br />

bosser les appuis à coups de squats. Le soir, séances<br />

de yoga et étirements !<br />

RAFAEL G. RIANCHO/ RED BULL CONTENT POOL<br />

Fred, son compagnon, sécurise sa quête du gros.<br />

avec les garçons. Braver les plus grosses vagues,<br />

on le fait avant tout pour soi. Pour réussir à maîtriser<br />

ses émotions, à dominer sa peur. Dans ce milieu<br />

où les prises de décision doivent se faire vite, sans<br />

hésiter, on apprend à se connaître mieux et plus<br />

rapidement que partout ailleurs, c’est un concentré<br />

de vie. <strong>Mai</strong>s ce qui est fou dans ce sport, c’est qu’on<br />

a fini par transcender les questions de genre. On<br />

n’est que sur l’humain. Fille ou garçon, qu’importe,<br />

on surfe des grosses vagues, c’est tout.<br />

Il y a encore quelques années, le milieu se montrait<br />

moins ouvert aux femmes…<br />

Depuis 2016, les compétitions ont une catégorie<br />

masculine et une catégorie féminine. En février<br />

dernier, le Nazaré Tow Surfing Challenge nous a<br />

permis avec Maya de participer à la compétition<br />

en même temps que les hommes. Ils applaudissent<br />

nos exploits, j’ai eu droit aux éloges de Garrett<br />

McNamara, une légende du milieu.<br />

Tout cela est le fruit d’années de préparation.<br />

Vous vous entraînez comment ?<br />

Il y a cinq ans, j’ai intégré le BCO à Biarritz, un club<br />

Le fait que vous veniez du surf classique vous<br />

donne-t-il un avantage ?<br />

Oui, je suis plus technique que des surfeurs qui ne<br />

seraient pas passés par la compétition que ce soit en<br />

shortboard ou en longboard. Mes manœuvres sont<br />

plus précises, je suis en capacité de bien gérer ma<br />

planche. Comme j’ai pratiqué beaucoup le longboard,<br />

je n’ai pas été trop gênée quand je suis<br />

passée sur les longboards de gros pour surfer<br />

à la rame.<br />

La rame est-elle en train de gagner sur le tow-in ?<br />

Il y a deux ou trois ans, tout le monde s’est remis<br />

à la rame. La saison 2018, je me suis un peu plus<br />

focalisée sur cette approche assez pure. Là, il faut<br />

se retourner et partir, sans aucun coup de pouce.<br />

C’est votre décision. Et ça change tout. Cela dit, j’ai<br />

le sentiment que les mœurs ont évolué. On se rend<br />

bien compte que ramer Nazaré a ses limites. Si l’on<br />

veut surfer gros, le tow-in est plus adapté, et il<br />

revient à fond sur le devant de la scène depuis cette<br />

année. En fait, il s’agit juste de ne pas rester bloqué<br />

sur une façon ou une autre, mais de s’adapter aux<br />

conditions du moment. J’adore les deux, c’est une<br />

question d’équilibre.<br />

Ce sera quoi la prochaine vague ?<br />

Mon programme pour <strong>2020</strong> : performer sur Jaws<br />

à la rame, et découvrir au printemps le spot de<br />

Teahupoo, à Tahiti, pour progresser dans les tubes.<br />

Je compte aussi faire une grosse préparation pour<br />

faire une super saison à Nazaré l’hiver prochain.<br />

Notre équipe devient vraiment professionnelle et<br />

on progresse bien sur la sécurité, c’est top.<br />

justinedupont.fr<br />

THE RED BULLETIN 33


LE SON<br />

D’UNE CIVILISATION<br />

Deux groupes de black metal aux racines mexicaines<br />

offrent une fenêtre sur une culture musicale complexe<br />

qui éclaire leur identité personnelle et précoloniale.<br />

Texte et photos ANGELA BOATWRIGHT<br />

34


Faire face<br />

à la vérité<br />

Les membres de Mictlantecuhtli, de<br />

L.A., portent des tenues de scène reflétant<br />

leur héritage aztèque, conçues sur<br />

mesure par Soul Sick Leather.


En force<br />

Les trois membres du<br />

groupe de black metal<br />

Xibalba Itzaes, basé à<br />

Mexico, prennent une<br />

pose dramatique sur le<br />

site des pyramides de<br />

Teotihuacán.


Nous décidons de nous retrouver aux pyramides de<br />

Teotihuacán. En compagnie d’Arturo, frontman du<br />

groupe de black metal Mictlantecuhtli basé à Los<br />

Angeles, nous sommes partis au Mexique afin de<br />

faire connaissance avec l’un des premiers groupes<br />

de black metal du pays, Xibalba Itzaes. Les musiciens<br />

ont accordé peu d’interviews en trente ans de carrière.<br />

Même au bout de plusieurs semaines d’échange,<br />

nous ne sommes pas sûrs de les rencontrer.<br />

Les groupes Mictlantecuhtli et Xibalba Itzaes<br />

sont des âmes sœurs. Leurs noms font référence aux<br />

enfers, respectivement dans les mythologies aztèque<br />

et maya. Ils ne se connaissent pas encore. Choisir<br />

les pyramides comme lieu de premier rendezvous,<br />

n’est pas fortuit. Teotihuacán a été interprété<br />

comme « le lieu de naissance des dieux », ce qui en<br />

fait un endroit parfait pour réunir ces énigmatiques<br />

groupes de black metal. L’importance de cette<br />

rencontre imminente nous enveloppe comme<br />

une brume épaisse tout au long des 90 minutes<br />

de route dans la circulation du week-end depuis<br />

Mexico. Pour Arturo, qui est originaire du Mexique<br />

mais qui a immigré aux États-Unis dans sa jeunesse,<br />

les pyramides sont sacrées. Nous avons l’espoir<br />

qu’aujourd’hui, à l’ombre des anciens dieux, Teotihuacán<br />

soit l’endroit où deux groupes de pays différents<br />

mais à l’héritage commun, unis dans le désir<br />

d’éclairer les histoires de ceux qui les ont précédés,<br />

se retrouvent enfin.<br />

Une fois arrivés à Teotihuacán, le frontman de<br />

Xibalba Itzaes, Marco, et le bassiste, Victor, nous<br />

retrouvent à l’heure prévue. Marco a apporté des<br />

cassettes de son enfance, copiées à partir d’albums<br />

37


Le culte<br />

du temps<br />

On ne pouvait pas<br />

trouver mieux que<br />

Teotihuacán comme<br />

décor photo. D’après<br />

les Aztèques, c’est ici,<br />

sur ce site qui a servi<br />

de fondations à la ville,<br />

que sont nés les dieux.<br />

qui à l’époque étaient trop chers pour la plupart des<br />

jeunes métalleux mexicains. Des vendeurs entreprenants<br />

ont tiré profit de cette situation en vendant<br />

les cassettes copiées à partir des disques originaux<br />

à bien meilleur prix. Il manquait souvent les légendaires<br />

illustrations des albums (pensez à celles<br />

d’Iron <strong>Mai</strong>den) mais le jeune Marco trouva une solution.<br />

Il passa des heures à reproduire à la main les<br />

dessins détaillés sur les inserts vierges qui accompagnaient<br />

les cassettes. Il était tellement motivé et<br />

inspiré qu’il copiait aussi souvent chaque ligne de<br />

l’insert du disque, y compris toute la section des<br />

remerciements.<br />

Marco retire délicatement une cassette qui comprend<br />

un rendu presque parfait de l’illustration de<br />

l’album révolutionnaire de Venom, Black Metal. Il<br />

me tend lentement les cassettes comme s’il s’agissait<br />

de reliques. Je crains que si l’on perd ou qu’on abîme<br />

ces cassettes, une partie de Marco le sera également.<br />

Je manipule chacune d’entre elles avec soin, en<br />

examinant les efforts d’un adolescent à la recherche<br />

d’une identité, de quelque chose pour définir son<br />

monde et l’univers et tout ce qui se trouve au-delà.<br />

Teotihuacán était le plus grand centre urbain de<br />

Méso-Amérique avant l’ère aztèque. Bien que les<br />

Aztèques ne l’aient pas construit, ils lui ont néanmoins<br />

donné son nom. Ils vénéraient ce lieu comme<br />

le site où les dieux avaient créé l’univers. De la<br />

même manière, les cassettes de Marco constituent<br />

la genèse de son univers, une porte d’entrée vers<br />

un chemin que, adulte, Marco poursuit encore.<br />

Marco remballe ses cassettes. Puis nous nous dirigeons,<br />

Arturo, Victor et Jorge, le batteur de Xibalba<br />

Itzaes qui vient d’arriver avec sa femme Haydee,<br />

vers les pyramides du Soleil et de la Lune. Comme<br />

notre plan est de prendre des photos, les membres<br />

38 THE RED BULLETIN


« NOUS SOMMES AU MEXIQUE.<br />

NOUS FAISONS DU BLACK<br />

METAL MEXICAIN QUI PARLE<br />

DE NOTRE CULTURE. »<br />

Les Xibalba Itzaes sondent les origines et le centre de l’univers.<br />

de Xibalba Itzaes portent leur tenue de scène ainsi<br />

qu’une peinture faciale obsédante. Aux mal informés,<br />

ces marques tribales rappellent Alice Cooper<br />

ou Kiss mais sont en fait un clin d’œil à des groupes<br />

de black metal contemporains du Brésil et de Scandinavie.<br />

Les musiciens attirent beaucoup l’attention<br />

et sont plus qu’heureux de poser pour des photos.<br />

Arturo évite l’agitation et se concentre plutôt sur les<br />

pyramides, transpirant sous le poids de son lourd<br />

blouson de cuir. Tandis que le soleil se couche, nous<br />

nous retirons tous les sept, écrasés par la chaleur<br />

et épuisés, sur l’allée des Morts puis vers la sortie.<br />

Plus tard, je réfléchis aux cassettes adorées de<br />

Marco. Elles sont peut-être ses offrandes à la jeunesse<br />

et au rock’n’roll bien sûr, mais aussi à l’éternelle<br />

recherche d’identité, d’acceptation et de sens.<br />

« À l’école, il me semblait que j’étais le seul à aimer<br />

le heavy metal. C’était comme quelque chose qui<br />

n’appartenait qu’à moi », note Marco. Sans la découverte<br />

de ces précieuses bandes et de la musique<br />

qu’elles renfermaient, qui sait qui ce qu’il serait<br />

devenu.<br />

DANS LES ANNÉES 1980, il était difficile<br />

d’accéder à la bonne parole du heavy metal<br />

à Mexico. « Nous n’avions pas d’argent pour<br />

acheter des disques. Alors c’était comme si celui que<br />

nous avions choisi d’acheter devait être le meilleur. »<br />

Fan de heavy metal précoce grâce à un grand frère<br />

bien informé, Marco découvre le groupe Venom<br />

à l’âge de dix ans, sur le célèbre marché Tianguis<br />

Cultural del Chopo de Mexico. El Chopo était un<br />

phare pour les jeunes métalleux et les punks dans<br />

les années 80 et 90, et l’est encore aujourd’hui.<br />

Le passage très étroit serpente à travers les étals<br />

de taille réduite sur lesquels s’entassent une quantité<br />

impressionnante d’articles à vendre. « Sans El<br />

Chopo, nous aurions peut-être découvert la musique<br />

malgré tout, mais beaucoup plus tard, avec l’arrivée<br />

d’Internet. Qui sait si nous aurions formé le<br />

groupe », s’interroge Marco.<br />

Xibalba Itzaes est un trio composé des frères<br />

Jorge, Marco et Victor (qui se produisent sous les<br />

noms de Jorge « Ah Ektenel », Marco « Ek Balam »<br />

THE RED BULLETIN 39


La collection de cassettes de heavy metal de Marco et les dessins<br />

très fouillés illustrant les albums préférés de son enfance.<br />

et Victor « Ehxibchac »). Quand les Xibalba Itzaes<br />

commencent à composer des chansons, Marco est<br />

encore lycéen. C’est à cette époque qu’il lit Popol<br />

Vuh, un texte du XVI e siècle qui détaille la conception<br />

maya de la création et de la cosmologie avant la<br />

colonisation espagnole. « Nous sommes au Mexique.<br />

Nous faisons du black metal mexicain qui parle de<br />

notre culture, parce que comme les Norvégiens sont<br />

fiers d’avoir Odin et Thor, nous devrions être fiers<br />

d’avoir Kukulkán et Huitzilopochtli », dit Jorge.<br />

L’histoire du black metal est complexe. Ian<br />

Christe, animateur de radio basé à Brooklyn,<br />

éditeur et auteur de Sound of the Beast: <strong>The</strong> Complete<br />

Headbanging History of Heavy Metal, résume<br />

ses origines au téléphone : « Le nom black metal<br />

vient d’un disque de 1982 du groupe britannique<br />

Venom, commence-t-il. Ils étaient, au point de vue<br />

sonore, comme un groupe de rock’n’roll qui jouait<br />

vite et “sale”. Quelques années plus tard, un groupe<br />

suédois appelé Bathory a commencé à faire le premier<br />

véritable black metal. Une fois que Bathory<br />

a commencé à faire des disques sur le thème des<br />

Vikings, on s’est rendu compte que la Norvège<br />

n’avait pas toujours été une nation chrétienne. Les<br />

chrétiens étaient venus et avaient converti quelques<br />

rois vikings qui traversaient ensuite le pays en massacrant<br />

tout le monde, et scandaient : “Convertissezvous<br />

ou crevez !” Ces jeunes voulaient donc inverser<br />

le processus de colonisation. Cela s’est répercuté<br />

à travers le monde. »<br />

Le lendemain de notre visite à Teotihuacán,<br />

Alfredo Nieves Molina, ethnomusicologue à l’Institut<br />

de recherches anthropologiques de l’UNAM<br />

(Université nationale autonome du Mexique) à<br />

Mexico, nous invite, Arturo et moi, à visiter le musée<br />

du Templo Mayor, situé dans le Zócalo, le cœur de la<br />

Le groupe Xibalba Itzaes, formé il y a près de trente ans, planifie la sortie d’un nouvel album.<br />

40 THE RED BULLETIN


Naissance<br />

d’une passion<br />

Marco, le frontman de<br />

Xibalba Itzaes, revisite le<br />

marché toujours en effervescence<br />

d’El Chopo à<br />

Mexico où il a acheté pour<br />

la première fois des cassettes<br />

de heavy metal dans<br />

les années 1980.<br />

ville moderne de Mexico. Cette zone correspond<br />

à ce qui constituait autrefois la grande ville-État<br />

mexicaine de Tenochtitlán, devenue la capitale de<br />

l’empire aztèque au XV e siècle. Les Espagnols ont<br />

conquis Tenochtitlán au XVI e siècle et ont construit<br />

une église sur les ruines du temple aztèque<br />

aujourd’hui connu sous le nom de Templo Mayor.<br />

Alfredo nous guide à travers le musée en nous<br />

faisant découvrir la musique et la culture mésoaméricaine.<br />

Il explique que des groupes comme<br />

Xibalba Itzaes et Mictlantecuhtli ne se contentent<br />

pas de raconter de vieilles histoires mais évoquent<br />

la conception de l’univers par leurs ancêtres. « La<br />

cosmologie est une conception complète du monde ;<br />

un mythe n’est qu’une histoire. »<br />

Alfredo est un métalleux de longue date : « J’ai<br />

grandi seul, donc la musique est devenue une partie<br />

de moi. Quand j’ai découvert Iron <strong>Mai</strong>den et des<br />

groupes comme Slayer, le monde s’est ouvert. »<br />

Alfredo a fait de sa passion d’adolescent une carrière<br />

à plein temps et, en plus de son statut d’ethnomusicologue,<br />

il dirige le séminaire d’études sur le heavy<br />

metal au Museo Nacional de las Culturas del Mundo<br />

à Mexico. Le programme accueille des panels<br />

académiques sur des sujets aussi pointus que « Des<br />

extrêmes. L’inexprimable et le grotesque. Formes<br />

de transgression dans le goregrind : une étude de<br />

l’iconographie musicale » et « Metal tombé du ciel :<br />

la religion et le heavy metal. »<br />

Alors que nous nous promenons dans l’ancien<br />

temple, Alfredo et Arturo continuent de partager<br />

leurs histoires personnelles. Arturo est né à Mexico<br />

et a déménagé aux États-Unis à l’âge de 7 ou 8 ans.<br />

« Ce fut vraiment difficile pour moi de trouver une<br />

identité aux États-Unis. Cela m’a pris des années,<br />

car à Los Angeles, nous n’avons pas de pyramides,<br />

pas de statues… Tout ce que nous avons, ce sont<br />

des livres, mais les livres sont en anglais et le professeur<br />

d’histoire vous parle de l’histoire locale. Je suis<br />

retourné au Mexique il y a quatre ou cinq ans. Je<br />

me suis rendu aux pyramides. À l’époque, je traversais<br />

une période difficile et quand je suis arrivé au<br />

sommet, je me suis posé là. Ça peut sembler bizarre,<br />

pourtant je jure que je pouvais entendre et sentir<br />

une certaine présence. À ce moment-là, j’ai eu<br />

l’impression d’être le centre de l’univers, comme<br />

les pyramides. On peut lire des tas de choses sur<br />

le sujet, mais cela n’a rien à voir avec l’expérience<br />

telle qu’on peut la vivre. Ce n’est qu’en étant dans<br />

cette forme de ressenti que vous comprenez qui<br />

vous êtes vraiment. »<br />

DE RETOUR À LOS ANGELES, c’est une journée<br />

d’été chaude et humide à Boyle Heights, une<br />

communauté soudée à prédominance latino,<br />

adjacente au centre-ville de Los Angeles. Toutes les<br />

fenêtres sont ouvertes dans l’appartement d’Arturo.<br />

Un ventilateur oscille et disperse un air poisseux.<br />

La circulation bourdonne constamment en arrièreplan,<br />

ponctuée par les bavardages sur le trottoir et<br />

la musique qui provient des voitures qui passent.<br />

« Grandir à Boyle Heights était dangereux, dit<br />

Arturo. Le taux de criminalité était très élevé ; les<br />

meurtres étaient nombreux. » Arturo se souvient<br />

d’une époque où ses cousins venaient du Mexique<br />

en visite. « Nous attendions le bus, et je ne vous<br />

mens pas, il y avait des membres de gang avec des<br />

fusils qui tiraient comme des cow-boys et des<br />

Indiens. Ils étaient là, juste en face. Boum, boum,<br />

boum ! Et moi, j’étais planté là, à regarder. Je les<br />

THE RED BULLETIN 41


egardais, fasciné. J’ai eu de la chance, poursuit<br />

Arturo. J’étais “le mec heavy metal” qui déambulait<br />

au pied des HLM. Les gangsters se levaient en me<br />

voyant passer, ils m’alpaguaient : “Hey, tu viens<br />

d’où ? Ah, c’est juste un rockeur”, puis me laissaient<br />

partir. » Le black metal a souffert d’une mauvaise<br />

réputation au milieu des années 90 avec une série<br />

d’églises incendiées, un suicide et deux meurtres<br />

commis par des membres du groupe de la scène<br />

black metal norvégienne. Ces événements très<br />

médiatisés ont inspiré des dizaines d’articles, de<br />

documentaires et un livre tristement célèbre<br />

devenu un long métrage, Lords of Chaos (2018).<br />

Cependant, le black metal a explosé sur la scène<br />

underground internationale bien avant les meurtres.<br />

Henry Yuan, audiophile heavy metal et guitariste<br />

du groupe de black metal Impure, explique au téléphone<br />

depuis Brooklyn : « Certains, en regardant<br />

Lords of Chaos, pensent qu’il s’agit d’une représentation<br />

réaliste du milieu du black metal ». Il fait remarquer<br />

que la plupart des gens, même ceux qui se<br />

disent au courant, croient que le black metal est<br />

une forme d’art norvégienne et rejettent donc ses<br />

racines non norvégiennes. « Ils ont déjà rejeté l’idée<br />

qu’il existe des groupes au Japon, au Mexique, en<br />

Colombie, en Hongrie, en Italie, en France, partout. »<br />

Contrairement à la croyance populaire, le black<br />

metal n’est pas une création strictement eurocentrique.<br />

Un représentant de Greyhaze Records, le<br />

distributeur nord-américain de certains des groupes<br />

black metal parmi les plus respectés du Brésil, et<br />

qui demande à être appelé « MQC », explique plus en<br />

détail : « Les métalleux trouvent toujours un terrain<br />

d’entente, quelle que soit leur nationalité. Prenez<br />

le Brésil et la Norvège par exemple, deux scènes<br />

influentes, reliées entre elles de manière élémentaire.<br />

Pourtant, les cultures générales du Brésil et de la<br />

Norvège ne sauraient différer davantage. Peu de gens<br />

considèrent le Brésil comme un foyer de metal et<br />

sont étonnés du fait qu’un groupe à succès comme<br />

Entre deux<br />

mondes<br />

Les membres de Mictlantecuhtli<br />

vivent à Los Angeles, mais leur<br />

identité avec la culture aztèque<br />

précoloniale est au cœur de<br />

leurs textes.<br />

Arturo a quitté Mexico pour Los Angeles à l’âge de 7 ou 8 ans.<br />

42 THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN 43


Jeu de pouvoir<br />

« Ce n’est pas seulement de la<br />

musique, explique l’historien<br />

du heavy metal Ian Christe.<br />

Ces groupes recherchent<br />

quelque chose d’ancien et<br />

de vrai pour s’y accrocher et<br />

en extraire leur force. »<br />

Sepultura ait pu émerger d’un tel pays. En vérité, un<br />

groupe comme Sepultura ne pouvait émerger que<br />

d’une scène très effervescente. » L’un des groupes de<br />

cette scène brésilienne, Sarcófago, a sorti son premier<br />

album, I.N.R.I., en 1987. Il a eu un effet massif<br />

sur l’évolution générale du black metal et est toujours<br />

considéré comme un chef d’œuvre.<br />

En 1991, quelques années après la sortie<br />

d’I.N.R.I., et avant les incendies d’églises, les<br />

meurtres en Scandinavie et le chaos qui allait propulser<br />

le black metal norvégien à la une des journaux<br />

du monde, les Xibalba Itzaes utilisaient déjà<br />

le black metal pour propager les histoires de leurs<br />

ancêtres mayas. « Xibalba » est le nom du monde<br />

souterrain dans la mythologie maya et « Itzaes » fait<br />

référence au peuple maya qui a construit la ville de<br />

Chichén Itzá (située sur la péninsule du Yucatán)<br />

où se trouve le temple de Kukulkán, l’une des sept<br />

merveilles du monde construites par l’Homme.<br />

Comme les pyramides de Teotihuacán et de Templo<br />

Mayor, le temple de Kukulkán est considéré comme<br />

un axis mundi, un point de convergence où les<br />

mondes des esprits et des mortels se rencontrent,<br />

le centre de l’univers, le berceau autour duquel tout<br />

tourne, bref un lieu symbolique où chaque moment<br />

représente une éternité et où chaque action est un<br />

acte d’hommage à ses dieux.<br />

LE MERROW EST UN PETIT BAR situé dans une<br />

ruelle près de l’avenue University, bondée,<br />

au cœur du quartier Hillcrest de San Diego,<br />

un quartier accueillant pour les LGBTQ. C’est un<br />

endroit sombre et intime baigné de lumière rose ;<br />

un épais brouillard d’encens flotte dans chaque<br />

pièce. Une foule est là pour voir le show de black<br />

metal. Tout le monde porte des tee-shirts célébrant<br />

le black metal – mais ici, pas de Motörhead, d’Iron<br />

<strong>Mai</strong>den ni de Metallica sérigraphiés. Même les<br />

vestes sont entièrement constituées de patchs black<br />

metal avec des logos exotiques ressemblant à la<br />

44 THE RED BULLETIN


« Tous les bons<br />

moments que j’ai<br />

eus dans ma vie<br />

sont liés au groupe »,<br />

dit Arturo.<br />

« LES MÉTALLEUX TROUVENT<br />

TOUJOURS UN TERRAIN<br />

D’ENTENTE, QUELLE QUE<br />

SOIT LEUR NATIONALITÉ. »<br />

Plan de<br />

bataille<br />

Arturo a vu beaucoup<br />

de violence croître à<br />

Los Angeles, mais ces<br />

jours-ci, il s’intéresse<br />

davantage aux batailles<br />

métaphoriques qui se<br />

déroulent sur scène.<br />

THE RED BULLETIN 45


Le metal<br />

célébré<br />

Un concert de Mictlantecuhtli en<br />

2019 au Merrow, dans le quartier<br />

Hillcrest de San Diego (USA).<br />

« JE N’AI PAS D’ENFANTS.<br />

MES ENFANTS À MOI, CE SONT<br />

LES NOTES DE MUSIQUE. »<br />

structure complexe des racines des arbres. Depuis<br />

la fin des années 90, les Mictlantecuhtli ont utilisé<br />

le black metal comme véhicule pour embrasser leurs<br />

ancêtres aztèques précoloniaux. Ils sont cinq amis<br />

de longue date : Arturo, Hector, Sam, Manny et<br />

Frank, ou « Temoc », « Tlaloc », « Cuitlahuac »,<br />

« Mixcoatl » et « Itzcoatl », noms empruntés à la<br />

langue aztèque nahuatl, langue encore parlée par<br />

plus d’un million de personnes au Mexique.<br />

Les gars se connaissent depuis leur enfance alors<br />

qu’ils apprenaient à jouer des riffs de Slayer à la guitare<br />

et assistaient à des concerts populaires pas tout<br />

à fait légaux, de backyard punk à Boyle Heights. Le<br />

guitariste Sam et le bassiste Hector placent des teeshirts<br />

de Mictlantecuhtli sur une table de billard au<br />

milieu de la salle. Le frère d’Hector, Peter, et son père<br />

de 79 ans, Pedro, donnent un coup de main. Pedro<br />

a emmené Hector voir des concerts alors que son fils<br />

n’avait que treize ans, « les grands Scorpions, Iron<br />

<strong>Mai</strong>den », dit-il en déballant, triant et arrangeant les<br />

t-shirts par dizaines. Arturo développe : « Tous les<br />

bons moments que j’ai passés dans ma vie sont liés<br />

au groupe. En tournée, en spectacle, sur scène. Le<br />

simple fait de savoir que vous avez vos frères de<br />

combat à côté de vous est puissant. » L’arôme fort et<br />

fumé du copal sacré signifie que les Mictlantecuhtli<br />

sont sur le point d’entrer en scène. « Je n’ai pas<br />

d’enfants. Mes enfants à moi, ce sont les notes de<br />

musique, vous voyez ? »<br />

Mictlantecuhtli joue devant un public enthousiaste<br />

d’une centaine de personnes. Le mur sonore<br />

technique mais guttural, emblématique de l’ambiance<br />

trance du black metal, est ponctué de riffs<br />

des années 80 qui reprennent des influences atypiques<br />

du black metal, comme le virtuose suédois<br />

de la guitare Yngwie Malmsteen et Dave Murray<br />

d’Iron <strong>Mai</strong>den. Un solo de batterie typiquement<br />

arena rock gagne en intensité jusqu’à ce que les cinq<br />

membres du groupe lèvent le poing et saluent la<br />

foule. Panama de Van Halen suit immédiatement<br />

après leur set riche en décibels.<br />

L’historien du heavy metal Ian Christe explique :<br />

« Ce n’est pas que de la musique. Il s’agit de l’ambiance<br />

et de l’esprit et souvent, d’un sentiment<br />

effroyable, cruel et désagréable. Peu importe l’inélégance<br />

des moyens utilisés, ces groupes recherchent<br />

quelque chose d’ancien et de vrai pour s’y accrocher<br />

et en extraire leur force. Il y a une curiosité pour<br />

le passé et pour ce qui a été perdu afin de créer le<br />

monde moderne dans lequel nous vivons et dont,<br />

tous, nous ne nous satisfaisons pas. Quelque chose<br />

a mal tourné en cours de route. Peut-être qu’en<br />

retournant à ces civilisations premières et à ces<br />

mythes originaux, nous pourrons redécouvrir ce<br />

qui a fait que cette civilisation a existé. »<br />

Instagram : @xibalbaitzaes<br />

46 THE RED BULLETIN


Arturo<br />

Quand on l’interroge<br />

sur Mictlantecuhtli, le<br />

chanteur répond : « Oui,<br />

c’est mon héritage. »


« En Rookies<br />

Cup, seul<br />

le pilotage<br />

compte. »<br />

48 THE RED BULLETIN


Dans le<br />

futur du<br />

MotoGP<br />

Lancée en 2007, la <strong>Red</strong> Bull MotoGP Rookies Cup, un<br />

championnat de moto de vitesse dédié à des pilotes<br />

de 13 à 17 ans, permet à de jeunes talents d’envisager<br />

le plus haut niveau (le MotoGP) dans les conditions<br />

des « grands ». Avec une première étape historique en<br />

France cette année lors du Grand Prix de France moto<br />

du Mans, l’événement recroise l’un de ses participants<br />

historiques, JOHANN ZARCO. Engagé en MotoGP<br />

depuis 2017, le pilote français du team Avintia Ducati<br />

revient sur les enseignements tirés de sa Rookies Cup.<br />

Texte HANS HAMMER<br />

GOLD AND GOOSE/RED BULL CONTENT POOL<br />

the red bulletin : Johann, vous avez<br />

intégré la <strong>Red</strong> Bull MotoGP Rookies<br />

Cup à 16 ans, en 2007, et en avez remporté<br />

la première édition, quel souvenir<br />

en gardez-vous, et qui étiez-vous<br />

à l’époque ?<br />

johann zarco : Un gamin… Le plus<br />

grand des gamins, car j’étais le plus âgé<br />

de la sélection. Je m’en souviens comme<br />

d’une aubaine : pouvoir participer à un<br />

championnat de moto et n’avoir rien à<br />

financer, si ce n’est tes déplacements,<br />

alors que jusque-là, c’était mon père<br />

qui finançait mes évolutions en moto.<br />

Quand je suis arrivé en Rookies Cup, on<br />

te passait une moto, un équipement, un<br />

casque, on te fournissait un mécano, et<br />

tous les pilotes étaient logés à la même<br />

enseigne.<br />

Le côté uniforme du programme, avec<br />

une égalité d’équipement, de moyens<br />

et d’accompagnement était quelque<br />

chose de déterminant pour vous ?<br />

En MotoGP, aujourd’hui, je me bats<br />

contre d’autres équipes et leurs moyens<br />

respectifs, en Rookies Cup, tu pars avec<br />

les mêmes chances, et seul le pilotage<br />

compte. Moi je n’étais pas un gars du milieu,<br />

je n’avais pas accès aux paddocks.<br />

La moto, j’en rêvais devant la télé, alors<br />

quand tu te retrouves à courir en ouverture<br />

de rideau d’un Grand Prix de Moto3,<br />

le samedi précédant la course de Moto-<br />

GP, c’est une aubaine incroyable.<br />

Qu’est-ce qu’un tel programme peut<br />

apporter à un jeune pilote ?<br />

Déjà, on peut pratiquer l’anglais, et on<br />

court sur les mêmes circuits que les<br />

pilotes de GP. Ensuite, ça t’apporte des<br />

repères, pour le futur, ça te permet<br />

d’essayer ces pistes dans de très bonnes<br />

conditions. Tu as donc de grosses possibilités<br />

d’apprendre. Ça te permet aussi de<br />

découvrir tout l’univers <strong>Red</strong> Bull sur les<br />

GP, l’hospitalité, les excellents buffets…<br />

(rires)<br />

THE RED BULLETIN 49


De ces jeunes pilotes<br />

émergeront probablement<br />

les grands noms<br />

du MotoGP de demain.<br />

« J’essaie d’apprendre<br />

de tous<br />

mes adversaires. »<br />

Qui étiez-vous en sortant de la<br />

Rookies Cup ?<br />

Quand j’ai gagné la Rookies Cup à 17 ans,<br />

c’était mon premier championnat avec<br />

des victoires devant le grand public et ça<br />

m’a permis de me faire connaître. Quand<br />

il sort de la Rookies Cup, le pilote a beaucoup<br />

plus confiance en lui, il sent qu’il<br />

peut rouler vite sur une moto.<br />

Quel est le plus grand enseignement<br />

que vous tirez de la Rookies Cup ?<br />

Je me souviens de l’un des conseils de<br />

notre coach, August Auinger : rentrer les<br />

coudes en ligne droite. J’avais tendance à<br />

les garder un peu ouverts, et c’est devenu<br />

un réflexe, fermer les coudes en ligne<br />

droite. Il y a aussi l’aspect stratégique, la<br />

stratégie de course. Et j’ai pris conscience<br />

que je pouvais aller vite... de ce truc :<br />

tu pars, tu t’échappes !<br />

Comment voyiez-vous la catégorie<br />

MotoGP, l’élite, à l’époque ?<br />

Le MotoGP, je ne savais même pas vraiment<br />

à quoi ça correspondait quand j’en<br />

voyais, c’était un autre monde… Moi,<br />

j’étais concentré sur la catégorie 125 cm³,<br />

pour progresser. Je ne m’imaginais pas<br />

encore dans les catégories supérieures,<br />

en 250 ou Moto2. Je cherchais à travailler<br />

tous les détails, à décortiquer le pilotage<br />

de chacun, pour être le meilleur,<br />

mais en 125 d’abord.<br />

Même si vous n’étiez pas fixé sur le<br />

MotoGP dans l’immédiat, quelle vision<br />

en aviez-vous ?<br />

J’aimais bien l’Italien Andrea Dovizioso<br />

à l’époque, qui est entré en MotoGP en<br />

2008 et qui a été vice-champion du<br />

monde en 2019. J’aimais bien le regarder<br />

et j’appréciais ses bons résultats. Et aussi<br />

l’Espagnol Jorge Lorenzo, qui a eu le<br />

même cursus qu’Andrea. C’était les deux<br />

mecs que j’aimais mettre en comparaison.<br />

Après, le MotoGP c’était déjà Valentino<br />

Rossi, toujours unique, toujours parfait<br />

dans sa combinaison, dans ses couleurs,<br />

je suis resté fan de ça, admiratif. J’ai<br />

aussi en tête des images de Pedrosa,<br />

pour lequel j’ai toujours eu beaucoup de<br />

respect. Je n’arrivais pas à m’expliquer<br />

comment il pouvait être aussi fort. En<br />

2007, il y avait le pilote <strong>Red</strong> Bull Chris<br />

Vermeulen, l’Australien, qui venait nous<br />

donner les trophées à la fin des courses.<br />

Depuis trois ans que vous évoluez en<br />

MotoGP, comment percevez-vous ces<br />

pilotes à présent, vous l’ex-vainqueur<br />

de la Rookies Cup 2007 ?<br />

Je reste assez fan de Valentino, il reste<br />

la légende. Il y a un côté affect avec lui,<br />

on est devenus adversaires et il y a eu de<br />

belles passes d’arme, mais si je peux lui<br />

parler c’est toujours avec un côté fan.<br />

Concernant les autres pilotes, je fais partie<br />

d’eux, je les analyse, qu’ils soient nouveaux<br />

ou plus anciens dans la catégorie.<br />

Je peux analyser des mecs qui ont eu des<br />

50 THE RED BULLETIN


GOLD AND GOOSE/RED BULL CONTENT POOL<br />

bonnes phases, de moins bonnes phases,<br />

qui ont dû revenir. J’essaie d’apprendre de<br />

tous mes adversaires. Le but, c’est d’être<br />

plus fort qu’eux, et si je peux comprendre<br />

leurs failles, ça va m’aider. J’ai peut-être<br />

perdu un peu de temps et des sensations<br />

par rapport à eux la saison dernière, mais<br />

je suis très motivé à donner ce qu’il faut<br />

pour aller me battre avec eux.<br />

Que retenez-vous de votre saison 2019<br />

(entamée chez KTM et terminée chez<br />

LCR Honda, ndlr) ? En quoi fut-elle<br />

intéressante ?<br />

J’ai pris une grosse décision, risquée,<br />

quitte à ne pas courir en <strong>2020</strong>, et j’ai la<br />

chance de courir à nouveau en <strong>2020</strong>,<br />

d’avoir ce plaisir de rouler à nouveau,<br />

dans une bonne structure, bien aidé<br />

par Ducati. Les sensations commencent<br />

à revenir. J’aurais pu faire quelque chose<br />

avec la KTM que je n’ai pas su faire.<br />

<strong>Mai</strong>s j’ai grandi pendant un an sur bien<br />

d’autres aspects, pour réussir à dompter<br />

la Ducati cette saison. Je me rends<br />

compte que j’ai pu faire des erreurs,<br />

mais je prends le bon de tout ça. Je<br />

cours dans de bonnes conditions, avec<br />

un groupe que j’aime beaucoup, ça me<br />

donne beaucoup de fraîcheur, car j’ai<br />

joué gros.<br />

La première course de la saison, au<br />

Qatar, vient d’être annulée, en catégorie<br />

MotoGP du moins, pour cause de<br />

Coronavirus… Quels enseignements<br />

tirez-vous de ce genre de situation,<br />

et comment les mettez-vous à profit ?<br />

J’en profite pour faire des entraînements<br />

plus durs avec mon préparateur physique,<br />

Romain. Des séances que nous ne<br />

pouvons pas nous permettre de réaliser<br />

une fois la saison lancée. L’entraînement<br />

dur qu’on n’a peut-être pas pu bien faire<br />

pendant l’hiver avec une blessure et le<br />

temps de pause des fêtes, on a l’opportunité<br />

de le faire maintenant. Ce type<br />

d’entraînement peut beaucoup apporter,<br />

car le corps et la tête, en début de saison,<br />

dans une période dynamique, sont prêts<br />

à les encaisser. C’est être un bel athlète<br />

dont j’ai besoin maintenant, à l’exemple<br />

de Márquez.<br />

« C’est être un<br />

bel athlète dont j’ai<br />

besoin maintenant,<br />

à l’exemple de<br />

Marc Márquez. »<br />

RED BULL MOTOGP<br />

ROOKIES CUP<br />

Ils ont un but : s’imposer au plus haut<br />

niveau de la compétition moto. Des<br />

centaines de candidats postulent<br />

chaque année pour intégrer le programme<br />

et 26 pilotes de 14 nations,<br />

entre 13 et 17 ans, ont été choisis<br />

pour la saison <strong>2020</strong>. Les jeunes<br />

pilotes s’affrontent sur des motos<br />

KTM spécialement développées pour<br />

ce concept, identiques pour chacun<br />

des pilotes, avec des spécificités<br />

proches des engins de Moto3 : des<br />

250 cc dont la vitesse maximum est<br />

220 km/h, et le poids 80,5 kg. Cette<br />

compétition de moto pour jeunes talents<br />

est une passerelle vers la catégorie<br />

suprême, le MotoGP, et en 2019,<br />

plus de 50 % des pilotes présents sur<br />

le championnat Moto3 étaient passés<br />

par la Rookies Cup.<br />

LES DATES DE L’ÉDITION <strong>2020</strong><br />

(la Rookies Cup s’arrête en<br />

France pour la première fois)<br />

ESPAGNE<br />

2-3 mai (Jerez), 2 manches<br />

<strong>FR</strong>ANCE<br />

16-17 mai (Le Mans), 2 manches<br />

ITALIE<br />

30 mai (Mugello), 1 manche<br />

ALLEMAGNE<br />

20-21 juin (Sachsenring),<br />

2 manches<br />

FINLANDE<br />

11-12 juillet (Kymi Ring),<br />

2 manches<br />

AUTRICHE<br />

15-16 août (Spielberg),<br />

2 manches<br />

ARAGON<br />

3-4 octobre (Alcañiz), 2 manches<br />

Retrouvez la <strong>Red</strong> Bull MotoGP<br />

Rookies Cup lors du Grand Prix<br />

de France moto, organisé<br />

du 15 au 17 mai sur le circuit<br />

du Mans.<br />

gpfrancemoto.com<br />

Bartholomé Perrin, le Français engagé<br />

en <strong>2020</strong> avec Gabin Planques.<br />

« Il faut viser haut,<br />

la Rookies Cup<br />

est une étape de<br />

carrière. »<br />

Il semble que vous soyez en route pour<br />

l’Espagne avec Romain, pourquoi ?<br />

Oui, on y trouvera de belles pistes pour<br />

s’entraîner, et une météo plus clémente<br />

qu’en France. Et puisque nous étions partis<br />

pour aller au Qatar, se faire quelques<br />

heures en camion pour l’Espagne ça n’est<br />

pas un souci. En avion ou en camion,<br />

dans la tête, on voyage.<br />

Quels tuyaux, de pilote à pilote, aimeriez-vous<br />

prodiguer aux jeunes participants<br />

à la Rookies Cup cette saison,<br />

dont les deux Français, Gabin<br />

Planques, déjà présent sur l’édition<br />

2019, et un nouveau talent engagé<br />

cette année, Bartholomé Perrin ?<br />

Le vainqueur de la Rookies Cup 2019,<br />

Carlos Tatay, est rentré dans mon team,<br />

Avintia Ducati cette année, en Moto3, et<br />

je lui ai dit qu’il devait passer un cap au<br />

niveau de la hargne : « Il faut que tu sois<br />

méchant, sinon tu vas te faire manger ».<br />

Après la Rookies Cup, il faut avoir la<br />

rage, une vraie faim. Je n’ai pas encore<br />

vu Bartholomé rouler, donc je ne peux<br />

pas lui donner de conseils de pilotage<br />

spécifiques, mais à ce Français qui vient<br />

de rentrer en Rookies Cup, je dirais de<br />

ne pas se satisfaire d’être le premier des<br />

nouveaux. Il faut viser haut, la Rookies<br />

Cup est une étape de carrière.<br />

Qu’est-ce qui peut arriver de mieux<br />

à un pilote de la Rookies Cup ?<br />

Ce genre d’anecdote : quand j’ai gagné la<br />

deuxième course de la Rookies Cup 2007<br />

à Mugello, en Italie, tout heureux, avec<br />

la Marseillaise et tout ça, je suis reparti<br />

directement le samedi soir pour rentrer<br />

chez moi sur la Côte d’Azur. Ce soir-là,<br />

mon voisin fêtait son anniversaire dans<br />

son garage, qu’il avait transformé en<br />

discothèque. J’y suis arrivé vers minuit,<br />

en pleine fête, avec un pack de <strong>Red</strong> Bull<br />

que l’on m’avait donné à Mugello. D’un<br />

coup, j’étais la star de la nuit, le sauveur<br />

de la soirée, sachant que la boisson énergisante<br />

n’était pas encore vendue en<br />

France à cette époque-là. J’étais le mec<br />

trop «privilégié» qui revient d’une compétition<br />

moto avec un pack de <strong>Red</strong> Bull.<br />

« Johann il est génial ! » (rires) C’était fun.<br />

rookiescup.redbull.com<br />

THE RED BULLETIN 51


Alter<br />

égaux<br />

Avant de se connaître, ils ont<br />

sillonné la planète, chacun de<br />

leur côté, pour fuir des vies qui<br />

les enfermaient. Le jour où ils<br />

se sont rencontrés, le projet<br />

Icarus s’est déployé. Déterminés<br />

et soudés comme les doigts<br />

de la main, les explorateurs<br />

français MATTHIEU BÉLANGER<br />

et LOURY LAG s’élancent dans<br />

un tour du monde corsé, à l’assaut<br />

des sept sommets, un défi<br />

colossal pour le commun des<br />

mortels, un défi tout court<br />

pour eux.<br />

Texte CHRISTINE VITEL<br />

GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP


« Être deux, c’est<br />

juste une force,<br />

explique Matthieu, ici<br />

à gauche. On est<br />

hyper francs dans<br />

notre relation, un peu<br />

durs l’un avec l’autre<br />

quand on se parle, on<br />

est très directs. On a<br />

décidé de mettre<br />

notre ego de côté,<br />

parce que c’est le<br />

projet avant tout ! »<br />

53


Denali<br />

Elbrouz<br />

Everest<br />

Kilimanjaro<br />

Puncak Jaya<br />

Aconcagua<br />

Vinson<br />

PROJET ICARUS<br />

Le chapitre 1, réalisé par Matthieu Bélanger en 2017 (Loury Lag ne faisant pas encore partie du projet à l’époque),<br />

comptait une traversée de la Patagonie à vélo qui s’est conclue par l’ascension de l’Aconcagua (6 962 m) en solo.<br />

Les chapitres et les sommets suivants, calqués sur la liste de Reinhold Messner, s’échelonnent sur les six années<br />

à venir : le Dénali (6 190 m) ; l’Elbrouz (5 642 m) et le Kilimanjaro (5 892 m) ; le Puncak Jaya (4 884 m) ; l’Everest<br />

(8 848 m); et enfin le Vinson (4 892 m). Certains chapitres ne comprenant pas d’ascension seront consacrés à rallier<br />

les sommets entre eux par tous les moyens possibles, non motorisés, et en relevant des défis inédits.<br />

Depuis le début du mois de mars, Matthieu<br />

Bélanger, 32 ans, originaire de Montpellier,<br />

et Loury Lag, 33 ans, de Biarritz,<br />

sont en expédition direction le Denali.<br />

Ce périple en Alaska les mènera jusqu’à<br />

Anchorage le 7 juillet, si leurs pronostics<br />

se révèlent justes : c’est un rythme fou pour tenter<br />

de déloger Mike Horn et Børge Ousland de leurs<br />

trônes, détenteurs du record sur la partie à ski, avec<br />

l’approbation de ce dernier : comme ils sont la nouvelle<br />

génération, il faut qu’ils prennent la relève,<br />

fassent tomber le record et apportent quelque chose<br />

de nouveau dans la discipline. « Je voulais trouver<br />

un défi sportif qui me fasse repousser mes limites.<br />

Quitte à me lancer corps et âme dans un projet, je<br />

voulais que ce soit une première », précise Matthieu.<br />

En ligne de mire donc pour ce chapitre 2 du projet<br />

Icarus : le Denali (6 190 m). 135 jours au total.<br />

Matthieu et Loury seront les premiers Français à le<br />

faire. « Notre objectif est de 30 km/jour en<br />

moyenne, sachant qu’une grosse journée, c’est du<br />

20 ou 22 km/jour, développe Matthieu. La plupart<br />

du temps, on aura des vents de face, et on se rattrapera<br />

avec les vents de travers ou dans le dos pour<br />

kiter et accélérer, et faire 150 bornes dans la journée<br />

au lieu de 20. Et élever notre moyenne à 30 km/<br />

jour. C’est le but sinon, il va falloir vraiment accélérer.<br />

Une journée comme celle-là tous les dix jours<br />

nous suffirait, mais il faudra les avoir… » 3 000 km<br />

de ski sur la mer gelée du passage du Nord-Ouest.<br />

90 kilos de matériel dans les traîneaux. 1 000 km de<br />

vélo à travers l’Alaska. Puis l’ascension du sommet<br />

par la voie nord, qui est loin d’être la plus facile.<br />

Pourquoi se donner tant de mal et se compliquer<br />

la vie à ce point ?<br />

Retour en arrière. En vadrouille à travers la planète<br />

pendant cinq ans, c’est au fin fond du désert<br />

australien où les conditions de (sur)vie sont dignes<br />

d’un écran 16:9 que Matthieu mûrit son projet du<br />

haut de ses 24 ans. « C’était un peu Mad Max. Je travaillais<br />

dans la plus grande exploitation de moutons<br />

au monde. C’était absolument immense. On était<br />

en motocross toute la journée avec le manager audessus<br />

de nous qui vole en avion. On communiquait<br />

ICARUS-PROJECT.COM<br />

54 THE RED BULLETIN


Matthieu et Loury,<br />

à Naujaat, village<br />

Inuit dans le Nord<br />

du Canada, point de<br />

départ de l’expédition<br />

vers le Denali.<br />

« Quitte à me<br />

lancer corps et<br />

âme dans un projet,<br />

je voulais que ce<br />

soit une première. »<br />

Matthieu


Faire fondre de la<br />

neige pour préparer<br />

à dîner… un rituel<br />

qui se répétera<br />

135 jours de suite<br />

lors du chapitre 2<br />

du projet Icarus.<br />

GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM, TRAIN KOLBEINSSON<br />

par radio, il nous donnait les indications où sont<br />

les bêtes… On était couverts de sang de mouton et<br />

de terre rouge australienne. On avait des tronches<br />

de déterrés. » C’est là qu’il lit les aventures de Mike<br />

Horn et Jean-Louis Étienne (pendant que Loury se<br />

nourrit des récits de Bear Grylls et Romain Gary),<br />

qui font germer dans son esprit l’idée d’en faire<br />

au moins autant.<br />

Pendant ce temps, son comparse qu’il ne connaît<br />

pas encore, roule sa bosse lui aussi. Son premier<br />

voyage fut une libération, loin de ses années de maltraitance<br />

familiale physique et psychologique. Il part<br />

aux États-Unis, qu’il traverse pieds nus. « J’ai dû user<br />

de plein de techniques différentes pour réussir à<br />

survivre, je me suis perdu dans les Everglades, je<br />

n’ai pas mangé pendant douze jours… » Il poursuit<br />

au Mexique et en Colombie, avant de regagner la<br />

France et Paris, toujours pieds nus. L’école de<br />

cinéma qu’il démarre ne le convaint pas. Le timing<br />

n’était pas bon. Il y reviendra.<br />

Au moment de leur rencontre, début 2019,<br />

Matthieu était revenu depuis deux ans du premier<br />

chapitre de son expédition, effectué seul. L’article<br />

en ligne qui lui était consacré stipulait : « Explorateur<br />

cherche aventurier ». « Ça faisait très profil<br />

Tinder, se souvient Loury, je continue de me moquer<br />

de lui avec ça encore aujourd’hui. » Un ami de Loury,<br />

« L’extrême, c’est<br />

ce qui me permet de<br />

trouver tout ce dont<br />

j’ai besoin. »<br />

Loury<br />

qui savait qu’il avait vécu un temps à Montpellier,<br />

la ville de Matthieu, le taggue. À l’époque, Loury<br />

s’apprêtait à faire sa première expédition polaire<br />

au Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe en<br />

Islande, et à établir un record. Voilà la connexion<br />

établie, sans vraiment savoir où ça allait les mener.<br />

Tous deux sont formels : « La symbiose a été instantanée<br />

dès le premier coup de fil. On sentait qu’on<br />

avait le même parcours. » Loury, très pragmatique<br />

dans ses relations, n’y va pas par quatre chemins :<br />

« Les grandes rencontres, c’est toujours très beau,<br />

mais tant qu’il n’y a pas de passage à l’acte ou d’expérience<br />

de vie dans la douleur ou dans la difficulté,<br />

on ne peut pas se dire que ça peut marcher. »<br />

Très vite, ils décident de se « tester » en situation<br />

et partent faire connaissance quelques jours dans<br />

les Alpes. Matthieu expose le projet Icarus à Loury,<br />

dont la dimension essentielle réside dans le fait que<br />

« ce soit quelque chose qui n’avait jamais été accompli<br />

». De là découle leur motivation.<br />

Matthieu souhaite donner une dimension d’épopée<br />

à ce projet : « Montrer que les anciens explorateurs<br />

partaient sans savoir pour combien de temps,<br />

deux trois quatre, cinq ans. Aujourd’hui, les expéditions<br />

durent trois ou quatre semaines, elles sont<br />

prévues au cordeau. Et puis on revient et on partage<br />

des images sur Instagram, et on commence le projet<br />

d’après. Je voulais qu’il soit beaucoup plus dans<br />

la durée et à une échelle vraiment grande. »<br />

C’est à travers des expériences extrêmes que<br />

l’on peut trouver le maximum de défis à<br />

accomplir. « L’extrême, de la manière dont<br />

je le vis aujourd’hui, c’est ce qui me permet<br />

de trouver tout ce dont j’ai besoin : l’adrénaline, la<br />

difficulté, des sensations très puissantes. » Pour<br />

pallier au syndrome de l’analgésie congénitale dont<br />

il est atteint ? « C’est une maladie qui ne me permet<br />

pas d’avoir un seuil de douleur normal. Cela<br />

Loury Lag<br />

en Islande lors<br />

de sa traversée en<br />

solitaire du plus<br />

grand glacier<br />

d’Europe.<br />

56 THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN 57


« Je n’ai pas<br />

peur de la mort,<br />

mais j’ai peur<br />

de mourir. »<br />

Loury<br />

58 THE RED BULLETIN


GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM<br />

Peu après avoir fait<br />

connaissance virtuellement<br />

début 2019,<br />

Matthieu Bélanger<br />

(à gauche) et Loury<br />

Lag partent faire du<br />

trek dans les Alpes<br />

pendant une semaine.<br />

Et c’est là que le<br />

projet a décollé :<br />

« On s’est rendu<br />

compte très vite<br />

qu’on était très<br />

complémentaires. »<br />

« Se préparer au<br />

maximum implique<br />

un certain degré<br />

d’égoïsme, regrette<br />

Loury. Pourtant, il<br />

n’y a que comme<br />

ça que je peux aller<br />

encore plus loin dans<br />

l’introspection et<br />

la recherche de<br />

difficulté. »<br />

« Les anciens<br />

explorateurs partaient<br />

sans savoir pour<br />

combien de temps. »<br />

Matthieu<br />

explique que je me retrouve souvent dans des situations<br />

vraiment très extrêmes parce ce qui est censé<br />

être une barrière pour les autres n’existe pas pour<br />

moi. Ce qui nous différencie avec Matthieu, c’est que<br />

moi je suis né dans l’extrême, je vis dans l’extrême<br />

depuis mon plus tendre âge, tandis que Matthieu<br />

s’est dirigé vers l’extrême », souligne Loury.<br />

Dans leurs biographies, plusieurs points communs,<br />

dont celui-ci : embrasser des expériences<br />

douteuses par envie d’expérimenter, l’ascension<br />

dans la délinquance allant jusqu’à la détention<br />

pour Loury. Les voyages en backpacking et les<br />

expériences pointues furent donc leurs échappatoires<br />

pour s’extraire de leurs environnements<br />

toxiques respectifs. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?<br />

Pour Loury, une soif de vivre intensément, sans<br />

perdre son temps avec de faux problèmes ou de<br />

mauvaises personnes : « Je n’ai pas peur de la mort,<br />

mais j’ai peur de mourir. Je n’ai pas le temps d’attendre<br />

que la mort vienne me cueillir. J’ai fait des<br />

morts médicales. Je pars du principe que mes jours<br />

sont comptés. »<br />

Bercé par les histoires de son grand-père aventurier,<br />

Matthieu, lui, a compris, à force d’aller à la<br />

découverte de pays et de cultures différentes, qu’il<br />

réduisait lui-même son champ des possibles en ne<br />

s’en croyant pas capable. « Au fil des voyages, mes<br />

peurs sont tombées les unes après les autres. On a<br />

souvent peur pour pas grand-chose. » Leurs parcours<br />

de vie se ressemblent étonnamment (pères charpentiers,<br />

mères psychothérapeutes, enfances difficiles,<br />

backpackers dans leurs jeunes années, expéditions<br />

en solitaire, jeunes pères de famille, le même âge à<br />

un an près), mais leurs personnalités diffèrent suffisamment<br />

pour qu’ils puissent se compléter dans la<br />

concrétisation du projet. C’est là que la mécanique<br />

du duo s’enclenche. Il semblerait que les adultes<br />

qu’ils sont devenus ne redoutent rien.<br />

« On est des êtres humains, on a des hauts et des<br />

bas. On l’a encore vécu en Norvège le mois dernier :<br />

en général, on a nos hauts et nos bas de manière<br />

décalée. Lui, il part souvent très très fort, avec un<br />

gros moral, à fond, au taquet. Alors que moi je pars<br />

assez doucement. Par contre, Loury au bout d’un<br />

moment il a un gros coup de mou, et moi c’est le<br />

moment où je suis assez constant, je suis dans le<br />

même état qu’au démarrage et c’est là où j’arrive<br />

à le porter, à l’aider, à le soulager ou à lui gueuler<br />

dessus s’il a besoin qu’on lui gueule dessus. Et inversement,<br />

quand lui reprend du poil de la bête, c’est<br />

moi qui commence à faiblir et c’est lui qui fait le<br />

taf de l’autre côté. Dès qu’on est deux, on a souvent<br />

ça, pas au même moment, et il y en a toujours un<br />

qui peut faire un peu plus que l’autre. C’est une<br />

vraie force. »<br />

Loury acquiesce. « On se connaît tellement bien<br />

avec Matthieu, que le moment où il sait qu’il va<br />

lâcher, c’est moi qui vais le pousser beaucoup plus<br />

loin. Matthieu, c’est lui qui va marcher tous les<br />

jours, qui va guider. Et moi je suis là, le moment où<br />

il pense qu’il n’a plus de jus. » Comme un clin d’œil<br />

à leurs mentors : « Lui, c’est Børge Ousland, et moi<br />

je suis Mike Horn, pose Loury. Il est cent fois plus<br />

compétent que moi dans plein de domaines, mais<br />

ne sait pas se mettre en lumière. Tandis que moi, je<br />

suis certainement moins compétent, mais je sais me<br />

THE RED BULLETIN 59


Matthieu et Loury<br />

en Norvège, en début<br />

d’année. La mise en<br />

situation est la meilleure<br />

préparation.


Les explorateurs à ski en entraînement à Alta, dans le nord de la Norvège, janvier <strong>2020</strong>.<br />

GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM<br />

« Je ne sais pas si on<br />

est très inspirants,<br />

mais en tout cas, on<br />

fait des choses. »<br />

Loury<br />

vendre. C’est la combinaison parfaite pour nous.<br />

Si on ne s’était pas rencontrés, on n’en serait pas là<br />

dans le projet Icarus. J’ai décidé d’apporter une<br />

dimension commerciale au projet, et lui il apporte<br />

une dimension très technique, organisationnelle.<br />

Icarus, ça n’aurait pas fonctionné l’un sans l’autre. »<br />

Le projet se veut la réalisation de deux hommes,<br />

confiants, déterminés, assidus, préparés, et<br />

prêts à faire des sacrifices. « Ce que Matthieu<br />

et moi avons décidé d’apporter au monde de<br />

l’exploration, c’est ça aussi : désacraliser le côté très<br />

brut, très violent, très bad boy du mec qui part en<br />

expédition, qui est très fort et qui déclame :<br />

“Regarde, ce que je fais, tu ne pourras jamais le<br />

faire !” Peut-être que tout le monde ne sait pas ce<br />

que l’on fait, mais on est des gens comme tout le<br />

monde. On est pères de famille, on a des problématiques<br />

comme tout le monde, des enfants à gérer,<br />

des problèmes à la maison… On ne veut pas montrer<br />

seulement le côté surhumain de l’événement. »<br />

Modeste, Loury ajoute : « Je ne sais pas si on est<br />

très inspirants, mais en tout cas, on fait des choses. »<br />

N’est-ce pas cela qui est inspirant justement ? Ça l’est<br />

déjà assez pour l’équipe de cinq personnes qui les<br />

entourent. Et pour leurs familles. « Ce que nous<br />

faisons, des tas de gens rêvent de le faire aussi. <strong>Mai</strong>s<br />

cela est rendu possible grâce à nos proches, nos compagnes,<br />

nos enfants, parce qu’elles se sacrifient : dix<br />

personnes changent des choses dans leur vie pour<br />

que je puisse partir. Tout le monde participe à nos<br />

expéditions et fait des efforts pour que ça marche.<br />

Le jour où elles décident d’arrêter de nous aider, on<br />

ne pourra plus rien faire. C’est un projet qu’on fait<br />

en équipe, et dans l’équipe, il y a elles. Le plus gros<br />

soutien affectif et moral, c’est encore elles. »<br />

<strong>Mai</strong>s alors, pourquoi faire de tels sacrifices ?<br />

Pourquoi partir ? Pour trouver une sérénité jamais<br />

connue ? « Pour me connecter aux émotions les plus<br />

pures : le manque, l’amour, la difficulté physique…<br />

C’est cela qui me permet de faire des choix différents<br />

d’une année sur l’autre concernant ma famille,<br />

mes enfants, mon entourage, etc. C’est très important.<br />

C’est une dimension que Matthieu n’a pas<br />

encore. C’est la première fois qu’il part depuis la<br />

naissance de son fils. C’est très éprouvant. On part<br />

pendant longtemps encore, et on est là pour s’entraider<br />

aussi à traverser tous ces moments dans la solitude.<br />

Car on est seuls même si on est deux. »<br />

Sur les 135 jours d’expédition, ils seront accompagnés<br />

35 jours par un vidéaste. « La dimension du<br />

film, c’est pour apporter une légitimité, et un statut<br />

en tant que sportif de haut niveau… » En effet,<br />

l’autre enjeu du duo, aussi grand que ce défi personnel<br />

de sept ans autour du monde, est que l’exploration<br />

soit un jour reconnue comme une discipline de<br />

sport extrême. Ils souffrent de toutes les contraintes<br />

de grands sportifs, sans l’avantage d’avoir un sponsor<br />

à l’année, et pas seulement pour la durée des<br />

aventures. « Aujourd’hui, on paye nos expéditions,<br />

on ne se paye pas nous. <strong>Mai</strong>s pour que ça marche,<br />

il faut qu’on soit considérés comme de vrais sportifs,<br />

il faut la jouer à 100 %. C’est un travail sérieux, ce<br />

n’est pas un loisir. »<br />

icarus-project.com<br />

61


L’aidante<br />

de la mer<br />

Ado, ses animaux préférés ont commencé à disparaître<br />

des océans. Aujourd’hui, MADISON STEWART parvient<br />

à convaincre des pêcheurs qui décimaient les requins de<br />

protéger les squales. Pour leur bien-être commun.<br />

Texte LOU BOYD


L’Australienne Madison Stewart,<br />

défenseure de l’environnement, a<br />

reconverti des pêcheurs de requins<br />

en guides qui la soutiennent<br />

aujourd’hui dans son combat<br />

contre la disparition<br />

de ces animaux fascinants.<br />

PERRIN JAMES<br />

63


« La première fois que<br />

j’ai vu de près un requin de<br />

l’espèce avec laquelle<br />

j’avais toujours rêvé de<br />

nager, c’était sur l’étal du<br />

marché. Il était mort. »<br />

Chacun a un endroit bien<br />

à lui où il peut se ressourcer.<br />

Une maison,<br />

une ville ou un pays.<br />

Pour l’environnementaliste<br />

Madison Stewart,<br />

cet endroit, ce sont les<br />

fonds-marins – et la compagnie des<br />

requins. « Je ne sais pas quand a débuté<br />

cet amour pour l’océan, dit-elle. Je<br />

savoure simplement la liberté de nager<br />

avec ces animaux fascinants. »<br />

Depuis qu’elle est toute petite, elle a<br />

toujours été encouragée par ses parents<br />

à explorer la nature. « C’est mon père qui<br />

m’a initiée si tôt à la plongée. Il a décidé<br />

de me scolariser à domicile pour pouvoir<br />

m’emmener plonger plus souvent. » Un<br />

jour – Madison n’avait que quatorze ans<br />

– ils prévoyaient d’observer un grand<br />

groupe de requins le long de la Grande<br />

Barrière de Corail, comme ils l’avaient<br />

souvent fait. <strong>Mai</strong>s pas la moindre trace<br />

des squales.<br />

Des années plus tard, elle fait le lien :<br />

« Mon amour des requins s’est enflammé<br />

au moment où ils ont progressivement<br />

commencé à disparaître. » La pêche aux<br />

requins a augmenté de façon exponentielle<br />

au cours des dernières décennies.<br />

Si cela ne change pas, d’après l’estimation<br />

de défenseurs de la vie marine, un<br />

grand nombre d’espèces disparaîtra à<br />

jamais d’ici trente ans. D’après le World<br />

Wide Fund for Nature, presque quarante<br />

espèces de requins sont menacées par<br />

la surpêche, un quart d’entre elles sont<br />

même en danger d’extinction. En<br />

revanche, dans les médias, les requins<br />

continuent d’être présentés comme des<br />

animaux marins dangereux et non pas<br />

en danger eux-mêmes. Pourtant, tous les<br />

ans, jusqu’à cent millions de requins sont<br />

tués par l’Homme – soit par prise accessoire<br />

(capturés accidentellement lors de<br />

la pêche d’autres poissons et animaux<br />

marins), soit parce qu’on leur coupe illégalement<br />

les ailerons avant de les rejeter<br />

dans la mer pour mourir.<br />

Malgré l’interdiction de plusieurs pays<br />

de posséder ou de vendre des requins, on<br />

trouve toujours de la soupe aux ailerons<br />

de requin et de la viande de requin dans<br />

les restaurants et les marchés de Chine<br />

et du Vietnam. D’après Stewart, cela doit<br />

impérativement changer.<br />

À 26 ans, elle a vu trop de requins<br />

morts. « Même si ce que je vois est horrible,<br />

on finit par s’habituer. Au début, je<br />

pleurais. <strong>Mai</strong>ntenant, ça m’attriste, mais<br />

je ne verse plus de larmes. La première<br />

fois que j’ai vu de près un requin de l’espèce<br />

avec laquelle j’avais toujours rêvé<br />

de nager, c’était sur l’étal du marché.<br />

Il était mort. C’était très dur. »<br />

Après des années d’engagement et<br />

d’activisme – Stewart a été élue Young<br />

Conservationist of the Year (trad. jeune<br />

défenseure de l’environnement de l’année)<br />

par l’Australian Geographic Society<br />

– elle a dû admettre que son combat semblait<br />

vain. Non seulement elle,<br />

mais le monde entier était las de voir<br />

des requins morts. Il fallait trouver de<br />

nouvelles voies pour arrêter cette folie.<br />

L’organisation qu’elle a fondée il y a trois<br />

ans, Project Hiu (« hiu » signifie requin<br />

en indonésien), combat le commerce de<br />

64 THE RED BULLETIN


Comme un poisson dans l’eau : lorsqu’elle fait de la plongée aux côtés de requins impressionnants, Madison Stewart, 26 ans, se sent parfaitement à l’aise.<br />

KARINA HOLDEN<br />

La tragédie des squales étalés aux pieds de Madison Stewart, lors de sa visite de l’île<br />

indonésienne de Lombok, haut-lieu de la pêche illégale aux requins.<br />

requins à la source, grâce à une méthode<br />

surprenante, qui elle-même a connu un<br />

succès tout aussi surprenant. Car au lieu<br />

de condamner les pêcheurs d’un village<br />

sur la côte de l’île indonésienne de<br />

Lombok, Project Hiu les a invités à collaborer<br />

de manière cordiale. « Les protecteurs<br />

de l’environnement connaissent très<br />

bien cette île. Ils la détestent. On tombe<br />

sur des requins tués à chaque coin de rue.<br />

Au bout d’un moment, j’en ai eu assez<br />

de faire des photos puis de disparaître.<br />

J’ai donc décidé de suivre une nouvelle<br />

voie. » Dans un premier temps, Madison<br />

Stewart est retournée dans le village<br />

avec des amis et a rencontré le pêcheur<br />

Odi. « Le lendemain, il est venu faire de la<br />

plongée avec nous. C’est là que nous<br />

avons réalisé à quel point la région était<br />

belle. Odi nous a parlé de la pêche : elle<br />

THE RED BULLETIN 65


lui rapportait tellement peu qu’il était<br />

obligé de quitter sa famille des jours<br />

durant, pour ne revenir qu’avec une prise<br />

qui suffisait tout juste à couvrir le strict<br />

nécessaire. Je me suis dit que si nous trouvions<br />

une alternative à la pêche au requin,<br />

nous pourrions aider les pêcheurs. C’est<br />

ainsi qu’est né Project Hiu. »<br />

Une idée folle si l’on considère que<br />

l’industrie de la pêche au requin est la<br />

source de revenu majeure des familles<br />

de l’île depuis plusieurs générations – un<br />

grand nombre des habitants de Lombok<br />

dépendant entièrement de ses recettes.<br />

Qui serait prêt à perdre son travail parce<br />

qu’une jeune fille prétend que tuer des<br />

requins, c’est mal ? La jeune Australienne<br />

savait que Project Hiu ne pourrait fonctionner<br />

que s’il apportait aux pêcheurs<br />

une alternative viable.<br />

Stewart, se remémorant son arrivée<br />

à Lombok, se tourna vers le<br />

tourisme. « Tant les pêcheurs<br />

que les défenseurs de l’environnement<br />

doivent interchanger leur vision<br />

des choses. Il est primordial qu’ils comprennent<br />

le point de vue de l’autre. Il est<br />

important de montrer que les hommes<br />

ne tuent pas les requins par haine, mais<br />

par manque d’options. »<br />

Le projet propose à des groupes de dix<br />

visiteurs maximum d’explorer l’habitat<br />

des requins dans trois à quatre barques<br />

de pêcheurs. « En reconvertissant les<br />

pêcheurs de requins en guides touristiques,<br />

nous empêchons que les bateaux<br />

ne partent à la pêche, et protégeons les<br />

requins, explique Stewart. Project Hiu<br />

s’attache à croire que seuls les hommes<br />

ayant été élevés à tuer les requins sont<br />

en mesure de les sauver. » Pour l’instant<br />

Project Hiu ne fait que de petites vagues<br />

et Stewart se sent parfois isolée. <strong>Mai</strong>s<br />

elle sait que son idée peut engendrer<br />

un changement de perspectives pour<br />

de nombreuses personnes à travers le<br />

monde. « Je collabore avec la commune<br />

et voudrais investir plus d’argent (provenant<br />

des visiteurs de Lombok, ndlr) dans<br />

le système scolaire, développe-t-elle.<br />

Pour moi, le succès le plus important des<br />

dernières années est le nombre de touristes<br />

qui ont participé à nos voyages, et<br />

la manière dont les autochtones les ont<br />

accueillis. Ils sont témoins du massacre<br />

en voyant tous ces requins morts ; et en<br />

montant sur un bateau le lendemain, ils<br />

savent qu’ils sont en train de sauver des<br />

squales. Chaque participant veut contribuer<br />

au changement. »<br />

« Nous reconvertissons<br />

les pêcheurs de requins<br />

en guides touristiques,<br />

ainsi leurs bateaux ne<br />

sont plus utilisés pour<br />

la pêche illicite. »<br />

66


PERRIN JAMES<br />

La probabilité d’être frappé<br />

par la foudre est plus<br />

grande que celle de se faire<br />

attaquer par un requin.


Stewart agit devant et derrière la caméra afin d’attirer l’attention sur la crise des squales.<br />

Les films Blue (2017) et Sharkwater Extinction (2018) sont disponibles en DVD et en streaming.<br />

« La seule erreur<br />

que l’on puisse<br />

commettre, c’est<br />

de ne rien faire. »<br />

En neuf ans, de ses plongées avec<br />

son père sur la Grande Barrière<br />

jusqu’à la direction d’une organisation<br />

de militants écologistes<br />

très présente sur la scène médiatique,<br />

Madison Stewart a fait du chemin et a dû<br />

renoncer à beaucoup de choses. « Si cela<br />

ne tenait qu’à moi, j’aurais gardé mon<br />

monde sous-marin secret. <strong>Mai</strong>s l’industrie<br />

et certains gouvernements ont créé<br />

un vide entre l’océan et les hommes, et<br />

ils en profitent. Ils se servent comme ils<br />

veulent. Je suis obligée de réagir. »<br />

D’après elle, ceux qui partagent ses<br />

idées et veulent protéger la faune maritime<br />

n’ont pas besoin de venir sur les<br />

côtes. « J’ai des followers sur Instagram<br />

qui pensent devoir venir nager avec des<br />

requins pour les sauver. Ce n’est pas<br />

nécessaire. L’océan, l’environnement, est<br />

influencé par nous en tant que personne,<br />

où que nous soyons. »<br />

Alors comment contribuer à sauvegarder<br />

les espèces et à préserver la planète ?<br />

« On trouve de l’huile de foie de requin<br />

dans des compléments alimentaires, et<br />

on peut acheter des os de requin. Il y a<br />

du requin dans les friandises pour animaux<br />

domestiques, de l’huile de foie de<br />

requin dans des produits cosmétiques et<br />

la soupe aux ailerons de requin est un<br />

plat proposé dans tous les quartiers<br />

chinois du monde. Il s’agit donc tout simplement<br />

de devenir des consommateurs<br />

responsables, qui remettent en cause ce<br />

qui nuit aux océans, et plus largement<br />

à l’environnement. »<br />

Sauver l’océan et ses habitants seraitil<br />

une mission impossible ? L’ampleur de<br />

la tâche est titanesque. Avons-nous déjà<br />

atteint le point de non-retour ? « À vrai<br />

dire, je n’en sais rien, confie Madison<br />

Stewart. Lorsque j’étais plus jeune, je<br />

savais que je ne pourrais pas empêcher<br />

la pêche aux requins, mais j’ai continué<br />

à me battre – par principe. Aujourd’hui,<br />

je constate que les habitants de Lombok<br />

ont trouvé un nouveau sens à leur vie, et<br />

qu’ils peuvent dédier plus de temps à leurs<br />

familles. Parallèlement à cela, l’océan à<br />

cet endroit se repeuple de requins petit<br />

à petit. La seule erreur que l’on puisse<br />

commettre, c’est de ne rien faire. Car cela<br />

signifierait que l’on a baissé les bras avant<br />

d’avoir donné le maximum. »<br />

projecthiu.com<br />

PERRIN JAMES, KARINA HOLDEN<br />

68 THE RED BULLETIN


DONNE DES AIIILES.<br />

NOUVEAU : GOÛT PASTÈQUE.<br />

<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />

POUR VOTRE SANTÉ, MANGEZ AU MOINS CINQ <strong>FR</strong>UITS ET LÉGUMES PAR JOUR. WWW.MANGERBOUGER.<strong>FR</strong>


Kyle Kotowick,<br />

membre du Team<br />

Rubicon Canada,<br />

participe aux efforts<br />

de secours au<br />

Mozambique après<br />

le cyclone Idai en<br />

mars 2019.<br />

Une équipe de<br />

secours parmi les<br />

plus réactives de<br />

la planète, le<br />

TEAM RUBICON<br />

se rend dans les<br />

zones à risques à<br />

travers le monde<br />

afin d’aider les<br />

personnes les<br />

plus vulnérables.<br />

Des vétérans<br />

de l’armée sont<br />

à l’origine de<br />

sa création.<br />

70 THE RED BULLETIN


Les experts du<br />

CHAOS<br />

TEAM RUBICON<br />

Texte<br />

TOM WARD<br />

THE RED BULLETIN 71


LE 12 JANVIER 2010 À<br />

16 H 53, UN TREMBLEMENT<br />

DE TERRE <strong>FR</strong>APPAIT L’ÎLE<br />

D’HISPANIOLA.<br />

Dans la capitale haïtienne, Port-au-<br />

Prince, 25 km au nord-est de l’épicentre,<br />

les gens vaquaient à leurs occupations.<br />

Soudain, le sol s’est mis à trembler, les<br />

bâtiments se sont fissurés jusqu’à leurs<br />

fondations et le monde entier n’a plus<br />

été le même. Lorsque le séisme de<br />

magnitude 7 a cessé, près de 300 000<br />

bâtiments s’étaient effondrés ou avaient<br />

été gravement endommagés. Une catastrophe<br />

qui, selon diverses estimations<br />

gouvernementales, a fait entre 230 000<br />

et 316 000 victimes.<br />

Parmi les milliers de morts, du personnel<br />

d’ambassade, l’archevêque de<br />

Port-au-Prince et 32 membres de la<br />

Fédération haïtienne de football. Plus un<br />

million et demi de personnes qui se sont<br />

retrouvées sans abri, incluant le président<br />

René Préval dont la maison et le<br />

palais présidentiel ont été détruits. Dans<br />

les nuits qui ont suivi le séisme, de nombreux<br />

Haïtiens ont dormi dans leurs<br />

voitures, sous des portails et dans des<br />

bidonvilles de fortune.<br />

Le 14 janvier, les morgues de la ville<br />

étaient pleines et de nombreux corps ont<br />

donc été abandonnés dans les rues pendant<br />

que les équipes transportaient des<br />

milliers de cadavres vers les fosses communes.<br />

Pendant ce temps, les milliers de<br />

corps qui n’avaient pas été retrouvés<br />

parmi les décombres ont commencé à se<br />

décomposer sous l’effet de la chaleur et de<br />

l’humidité. Avec cinq hôpitaux détruits ou<br />

endommagés à Port-au-Prince et des<br />

routes bloquées par les débris, la situation<br />

dans ce pays, le plus pauvre de l’hémisphère<br />

occidental, était désespérée.<br />

Alors que la communauté internationale<br />

organisait des opérations de<br />

secours, l’ancien marine américain Jake<br />

Wood regardait les événements aux<br />

informations. Après un séjour de quatre<br />

ans au Moyen-Orient à son actif, incluant<br />

des missions anti-insurrectionnelles dans<br />

la province d’Al-Anbâr en Irak et huit<br />

mois au sein d’une équipe de snipers en<br />

Afghanistan, il s’est senti obligé d’apporter<br />

son aide. Wood avait quitté l’armée<br />

quelque soixante jours auparavant, il<br />

était donc en forme, avait l’expérience<br />

des opérations dans des pays fragilisés<br />

et possédait de nombreuses compétences<br />

transférables.<br />

Wood, alors âgé de 27 ans, a appelé<br />

une organisation locale de secours en cas<br />

de catastrophe pour offrir ses services<br />

mais on l’a remercié. Déterminé à se<br />

rendre en Haïti par ses propres moyens,<br />

il a mis une annonce sur Facebook,<br />

demandant si quelqu’un voulait se<br />

joindre à lui. L’ancien officier de renseignement<br />

de la Marine William McNulty,<br />

33 ans et l’ami d’un ami, a répondu à<br />

l’appel. Les deux hommes se sont envolés<br />

pour la République dominicaine (le pays<br />

limitrophe d’Haïti sur l’île d’Hispaniola)<br />

où ils ont rencontré un autre marine et<br />

camarade de Wood qui s’y trouvait à titre<br />

de pompier. En route, ils ont rencontré<br />

un ancien infirmier des forces spéciales<br />

et deux médecins, dont l’un était un vétéran<br />

de la guerre du Vietnam. Le groupe<br />

hétéroclite s’est posé à la capitale dominicaine,<br />

Saint-Domingue, et a été transféré<br />

à la frontière haïtienne qu’il a<br />

atteinte quatre jours après le séisme.<br />

ALAMY<br />

72 THE RED BULLETIN


Le tremblement de<br />

terre de 2010 en Haïti<br />

a détruit 300 000<br />

bâtiments, tué<br />

316 000 personnes<br />

et fait de nombreux<br />

sans-abri.<br />

THE RED BULLETIN 73


Dans le sens de l’horloge, en haut à gauche : le vétéran britannique Matt Fisher aide à la reconstruction au Népal ; l’entrepôt de l’organisation ; un médecin<br />

du Team Rubicon au Mozambique pour l’opération Macuti Light ; planification des secours dans les îles Mariannes du Nord touchées par un typhon en 2018.<br />

74 THE RED BULLETIN


TEAM RUBICON (3), GETTY IMAGES (1)<br />

RIEN QU’EN 2019,<br />

TEAM RUBICON<br />

A RÉAGI À 310<br />

CATASTROPHES<br />

DANS LE MONDE<br />

ENTIER, DES<br />

BAHAMAS AU<br />

YORKSHIRE.<br />

« C’était le chaos complet, se souvient<br />

Wood. Il y avait un nuage de poussière<br />

dans l’air provenant des décombres.<br />

Les gens creusaient pour trouver des<br />

survivants. Il n’y avait pas assez de travailleurs<br />

humanitaires sur toute la planète<br />

pour répondre adéquatement aux<br />

besoins là-bas. » Déterminée à faire ses<br />

preuves et à aider le plus grand nombre<br />

de personnes possible, l’équipe de<br />

Wood a entrepris d’emmener des médecins<br />

et du personnel infirmier dans les<br />

zones les plus touchées, de mettre en<br />

place des cliniques de triage mobiles<br />

et d’amener les patients en état critique<br />

à l’hôpital. « Les organisations se<br />

concentrent généralement sur les hôpitaux<br />

et la mise en place de cliniques<br />

fixes, dit Wood, mais souvent les véhicules<br />

des gens sont détruits, ou alors<br />

ceux-ci hésitent à quitter leur maison<br />

à cause des pillards. La moitié des personnes<br />

que nous traitions avaient subi<br />

d’horribles blessures suite aux écroulements<br />

et ne pouvaient se rendre à l’hôpital<br />

à pied. Nous nous sommes rendus<br />

dans ces quartiers de la ville et avons<br />

soigné les gens sur place. »<br />

Le 23 janvier, onze jours seulement<br />

après le séisme, le gouvernement haïtien<br />

a déclaré la fin de la phase de<br />

recherche et de sauvetage de l’opération<br />

de secours. <strong>Mai</strong>s l’équipe de Jake<br />

Wood allait rester vingt jours supplémentaires<br />

sur place, ne quittant les<br />

lieux (ou ce qu’il en restait) que lorsqu’il<br />

devint évident que d’autres<br />

agences étaient mieux équipées pour<br />

faire face aux retombées à plus long<br />

terme.<br />

<strong>FR</strong>APPEZ LES CATASTROPHES<br />

D’UN COUP DANS LES GENCIVES<br />

L’expérience de Wood et McNulty leur<br />

a insufflé la détermination de continuer<br />

à aider les personnes vulnérables<br />

et c’est ainsi que le Team Rubicon a été<br />

créé. Si cette opération de secours leur<br />

avait appris une chose, c’est qu’en tant<br />

que vétérans de l’armée, ils avaient<br />

beaucoup à offrir.<br />

Au cours des années qui se sont<br />

écoulées depuis Haïti, Team Rubicon a<br />

gagné en importance. Rien qu’en 2019,<br />

l’organisation a répondu à 310 catastrophes<br />

à travers le monde, des Bahamas<br />

au Mozambique, de l’Indonésie<br />

au Yorkshire.<br />

Aujourd’hui, son personnel, que<br />

Team Rubicon recrute avec humour<br />

(« Inscrivez-vous. Formezvous.<br />

Frappez les catastrophes d’un<br />

coup dans les gencives »), est passé<br />

à environ 105 000 volontaires. 75 %<br />

d’entre eux sont soit des vétérans de<br />

l’armée, soit encore en service actif, et<br />

20 % sont des pompiers, des médecins<br />

ou des professionnels de l’application<br />

des lois. Il a fallu du temps pour faire<br />

grandir l’organisation et prouver<br />

qu’elle était digne d’un soutien<br />

(Carhartt, Bank of America et Microsoft<br />

figurent aujourd’hui parmi ses<br />

sponsors).<br />

L’ouragan Sandy, la catastrophe<br />

de 2012 qui a coûté la vie à 223 personnes<br />

et causé plus de 70 milliards<br />

de dollars de dommages aux Bahamas,<br />

aux Grandes Antilles, aux États-Unis<br />

et au Canada, a joué un rôle non négligeable<br />

dans l’évolution du Team Rubicon.<br />

L’équipe s’est mise au travail dans<br />

l’une des zones les plus touchées, la<br />

ville de New York, une métropole riche<br />

dont l’image contraste fortement avec<br />

Haïti. « Nous avons dormi dans un<br />

entrepôt à Brooklyn, explique Wood.<br />

Nous pouvions marcher dans la rue<br />

couverts de boue et prendre une bière<br />

fraîche. C’était comme si aucun ouragan<br />

n’était passé par là. »<br />

Malgré le confort, Team Rubicon<br />

a tenu à aider les citoyens les plus<br />

exposés de la ville. « Il y avait de nombreux<br />

pompiers et policiers dans la<br />

zone où nous travaillions, dit Wood.<br />

Des gens qui devaient revêtir leur<br />

uniforme tous les jours afin d’aider<br />

d’autres personnes alors que leur<br />

propre maison pourrissait. » En nettoyant<br />

leurs maisons, l’équipe de<br />

Wood les a un peu payés en retour.<br />

THE RED BULLETIN 75


Un « tee-shirt gris » relève les dommages de l’ouragan Dorian aux Bahamas en septembre dernier (en haut). Des bénévoles secourent une survivante de l’ouragan<br />

Harvey qui a provoqué de terribles inondations au Texas et en Louisiane en août 2017 (ci-dessus). Soutien dans les îles Mariannes du Nord (ci-contre).<br />

76 THE RED BULLETIN


TEAM RUBICON<br />

« LA GRATITUDE<br />

MANIFESTÉE PAR<br />

LES SURVIVANTS<br />

EST ÉNORME. »<br />

Le désir du Team Rubicon d’aider les plus<br />

démunis est naturel. « Nous dirigeons<br />

toujours notre aide vers les personnes les<br />

plus vulnérables, et cela ne signifie pas<br />

nécessairement à l’endroit où se trouvent<br />

les dégâts les plus importants, explique<br />

Wood. Nous allons, une rue à la fois, en<br />

faisant la liste des destructions. Ces<br />

informations sont ensuite cartographiées<br />

et combinées avec des ensembles de données<br />

tels que l’indice de vulnérabilité<br />

sociale, les niveaux des plaines inondables,<br />

les niveaux de criminalité –<br />

toutes les informations démographiques<br />

que nous pouvons obtenir. À partir de là,<br />

nous déterminons qui sont les personnes<br />

les plus vulnérables. »<br />

Si Sandy est l’événement qui a attiré<br />

l’attention sur le Team Rubicon, l’ouragan<br />

Harvey de 2017 a mis ses capacités à<br />

l’épreuve. Lorsque Harvey a frappé<br />

Houston, l’équipe a déployé plus de deux<br />

mille volontaires à partir de neuf bases<br />

d’opérations avancées couvrant un peu<br />

plus de 300 km. Pour son intervention,<br />

l’équipe a acheté ses propres bateaux et<br />

les a envoyés repêcher les survivants qui<br />

étaient à l’eau. Avec son opération de<br />

sauvetage et de nettoyage, ils ont réussi<br />

à ramener plus de 1 000 familles dans<br />

leurs foyers. Puis, en 2019, l’ouragan<br />

Dorian frappe les Bahamas, devenant l’un<br />

des plus puissants jamais enregistrés dans<br />

l’océan Atlantique, avec des vents culminant<br />

à 300 km/h. Le team s’est déployé<br />

sur les îles le lendemain du passage de<br />

la tempête. « Cela ressemblait à un désert<br />

nucléaire, dit Wood. Tous les arbres ont<br />

été étêtés jusqu’à environ 2,4 mètres du<br />

sol et les troncs étaient tous pliés dans<br />

la même direction, comme si une explosion<br />

nucléaire avait eu lieu. »<br />

RECONSTRUIRE MAISONS ET VIES<br />

En pénétrant dans la réception du centre<br />

national des opérations du Team Rubicon<br />

à Grand Prairie au Texas, nous tombons<br />

sur des photos des employés et<br />

bénévoles les plus méritants du dernier<br />

trimestre, dont celle de William « TJ »<br />

Porter, directeur adjoint du soutien opérationnel.<br />

Après une carrière de treize<br />

ans dans l’armée, puis comme officier<br />

de police, Porter a rejoint Team Rubicon<br />

en 2012 et a depuis été déployé à la suite<br />

de nombreuses tornades, incendies de<br />

forêts, etc. « Team Rubicon se distingue<br />

[des autres organisations de secours] de<br />

deux façons, explique-t-il. Nous pouvons<br />

soit faire partie de l’intervention en faisant<br />

tout, de la recherche et du sauvetage<br />

à l’abattage des arbres et à l’ouverture<br />

des routes, soit fournir une<br />

assistance directe aux survivants. »<br />

Cette assistance consiste généralement<br />

à aider ceux dont la couverture<br />

de l’assurance est insuffisante (ou ceux<br />

qui n’en ont pas du tout) à retourner<br />

chez eux. Team Rubicon vide la maison<br />

puis pose un nouveau revêtement de sol<br />

et des murs secs – une initiative qui a<br />

déclenché un programme de reconstruction<br />

à long terme à Houston. Cette aide<br />

est l’un des aspects les plus gratifiants<br />

de ce travail, explique Porter. « Quand<br />

quelque chose comme l’ouragan Harvey<br />

survient, les gens ne savent pas vers qui<br />

se tourner. Nous les amenons au point<br />

où ils ont une maison stable pour y vivre.<br />

La gratitude manifestée par les survivants<br />

est énorme. Voir quelqu’un passer<br />

d’un état de choc, le regard hagard, à la<br />

réalisation que : «Hé, au moins j’ai maintenant<br />

quelque chose, et je peux partir<br />

de là» est vraiment enivrant. » Le bureau<br />

texan de l’équipe est l’un des trois<br />

bureaux aux États-Unis qui accueillent<br />

un total de 150 personnes à temps plein.<br />

Située à une courte distance en voiture<br />

de Dallas, la base a été choisie pour sa<br />

situation centrale et sa proximité avec<br />

deux aéroports internationaux. Team<br />

Rubicon s’est installé ici au début de<br />

2016 et compte aujourd’hui 29 employés<br />

dans les bureaux. Pas de décoration ici :<br />

on dirait qu’ils sont arrivés un jour, il y<br />

a quatre ans, qu’ils ont déposé leurs<br />

affaires et se sont immédiatement mis<br />

au travail. C’est à partir de ce bureau<br />

que toutes les opérations sont organisées,<br />

incluant le transport, la logistique,<br />

la direction sur le terrain<br />

et la mobilisation.<br />

Team Rubicon opère au niveau national<br />

et international, avec Adam Martin,<br />

Lauren Vatier et Jacqueline Pherigo –<br />

des associés à la planification des opérations<br />

-, qui passent quotidiennement à<br />

travers les sources d’information pour<br />

suivre l’évolution de la situation. En cas<br />

de catastrophe, la question est de savoir<br />

si le Team Rubicon a les capacités et les<br />

ressources nécessaires pour soutenir<br />

une autre opération en plus de celles<br />

déjà en cours. « Quand nous avons des<br />

volontaires déjà déployés en mission sur<br />

le terrain, la priorité est de nous occuper<br />

d’eux, qu’il s’agisse de petites opérations<br />

localisées ou de volontaires se dirigeant<br />

THE RED BULLETIN 77


L’opération Hard Hustle déblaie les débris laissés par l’ouragan Harvey au Texas en 2017 (en haut). De la gratitude envers l’équipe d’urgence qui a sauvé<br />

des vies et reconstruit des communautés (ci-dessus). Erin Noste, directeur médical adjoint de Team Rubicon, soigne un patient au Mozambique (ci-contre).<br />

XX EDITOR ILLUSTRATOR<br />

78 THE RED BULLETIN


TEAM XX RUBICON EDITOR ILLUSTRATOR<br />

vers une intervention internationale,<br />

explique Martin. Que devons-nous<br />

faire pour les soutenir ? De quoi ont-ils<br />

besoin aujourd’hui ? »<br />

Cela implique notamment d’établir<br />

des contacts avec d’autres organisations<br />

pour déterminer quelle intervention<br />

est en cours ailleurs et comment<br />

Team Rubicon peut mieux la soutenir,<br />

dit Vatier. Parfois, la demande d’aide<br />

provient d’agences extérieures telles<br />

que l’Organisation mondiale de la<br />

santé (OMS). C’est une source de<br />

fierté qu’après un processus rigoureux<br />

de 18 mois, Team Rubicon ait été la<br />

première ONG en Amérique du Nord<br />

à être certifiée par l’OMS en tant<br />

qu’équipe médicale mobile d’urgence<br />

– « un titre de compétence difficile à<br />

obtenir », précise Porter. Cela signifie<br />

qu’elle répond à des normes rigoureuses<br />

pour le déploiement d’unités<br />

dans des environnements éloignés ou<br />

rudes et pour le maintien de son autonomie<br />

pendant sept jours.<br />

Au fond des bureaux se trouve un<br />

grand entrepôt – un véritable fantasme<br />

de survivaliste - rempli de tout,<br />

des scies à chaîne aux lits pliants en<br />

passant par les tech boxes. Chacune<br />

de celles-ci contient trois ordinateurs<br />

portables, cinq iPhones, un connecteur,<br />

un routeur et plus encore, ce qui<br />

permet à chaque équipe de rester<br />

connectée même dans les zones les<br />

plus reculées. Grâce à cet équipement,<br />

l’équipe peut également consulter un<br />

médecin à distance qui peut intervenir<br />

et donner des conseils lorsque le personnel<br />

médical sur le terrain est peu<br />

nombreux.<br />

Bien entendu, on retrouve aussi en<br />

abondance des médicaments pour les<br />

soins préhospitaliers comme dans le<br />

cas de coupures, de fractures et de<br />

tétanos, ainsi que des conteneurs en<br />

plastique remplis de packs médicaux<br />

avec tout le nécessaire, des tentes aux<br />

systèmes de purification d’eau. « La<br />

plupart du temps, en mission, nous<br />

nous retrouvons face à des gens qui<br />

n’ont pas accès à des soins de santé,<br />

explique Porter. Nous avons dû faire<br />

face à des blessures infectées. Nous<br />

devons être prêts à soigner temporairement<br />

un os cassé. Il peut s’agir de<br />

malnutrition ou d’un manque d’accès<br />

à l’eau potable, alors nous avons aussi<br />

des antibiotiques. »<br />

Le centre d’opérations abrite également<br />

un impressionnant gymnase<br />

« LORSQUE TOUT<br />

SOMBRE DANS LE<br />

CHAOS, LES GENS<br />

ONT BESOIN DE SE<br />

RASSEMBLER. »<br />

équipé de matériel de TRX (entraînement<br />

à la résistance du corps), de<br />

bancs d’entraînement et de barres de<br />

traction ; il est essentiel que l’équipe<br />

puisse tenir bon dans les endroits<br />

éloignés. « La forme physique est<br />

importante pour nous, déclare Porter.<br />

Les zones dans lesquelles nous travaillons<br />

sont généralement très chaudes<br />

et humides. Souvent, vous devrez faire<br />

jusqu’à 16 km de marche avec ces<br />

sacs à dos. Vous devez être capable de<br />

fonctionner sans affecter l’équipe. »<br />

LE SCEAU DE L’OPTIMISME<br />

Lors de la visite de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

début décembre 2019, Team Rubicon<br />

venait tout juste de déployer une unité<br />

aux îles Marshall dans le Pacifique<br />

central afin de lutter contre l’épidémie<br />

de dengue qui sévit actuellement et<br />

recherchait également parmi sa base<br />

de volontaires des fournisseurs de<br />

services médicaux pouvant se rendre<br />

aux Samoa sur ordre de l’OMS pour<br />

aider à lutter contre une épidémie de<br />

rougeole. L’organisation a également<br />

été en première ligne lors des incendies<br />

de forêt en Australie, et ailleurs.<br />

« Au cours des quatre derniers mois,<br />

nous avons mené plus d’opérations<br />

qu’au cours des trois années précédentes<br />

», déclare Geoff Evans, le chef<br />

de Team Rubicon Australia.<br />

L’équipe attend maintenant le feu<br />

vert pour se déployer dans le Victoria<br />

et le sud de la Nouvelle-Galles du Sud,<br />

où les incendies font toujours rage.<br />

En Australie, le défi consistera à<br />

maintenir le soutien sur le terrain<br />

dans les trois zones d’opération, ainsi<br />

qu’à gérer l’impact psychologique subi<br />

par les propriétaires, dont beaucoup,<br />

selon Evans, ont « perdu tout espoir ».<br />

Malgré cela, de l’Australie à Dallas,<br />

la philosophie de l’entreprise est marquée<br />

du sceau de l’optimisme, de<br />

l’espoir au milieu du chaos. Porter<br />

se rappelle une mission à Moore, dans<br />

l’Oklahoma, à la suite de la tornade<br />

de 2013 : « Il y avait cet arbre au bout<br />

d’une impasse. La tornade est passée<br />

par là et a arraché toutes ses feuilles.<br />

Il ne restait que le tronc et les<br />

branches. <strong>Mai</strong>s quelqu’un a cloué un<br />

drapeau américain à l’arbre qui est<br />

devenu un point central. Lorsque tout<br />

sombre dans le chaos, les gens ont<br />

besoin de se rassembler. »<br />

teamrubiconglobal.org<br />

THE RED BULLETIN 79


ABONNEZ-<br />

VOUS<br />

DÈS MAINTENANT!<br />

Recevez votre magazine<br />

directement chez vous :<br />

16 € SEULEMENT POUR<br />

11 NUMÉROS<br />

Simple et rapide, je m’abonne<br />

en ligne sur :<br />

getredbulletin.com<br />

PASSEZ VOTRE<br />

COMMANDE ICI<br />

COUPON D’ABONNEMENT<br />

À compléter et à renvoyer avec votre règlement sous enveloppe à affranchir à :<br />

THE RED BULLETIN (ABOPRESS) - 19 rue de l’Industrie - BP 90053 – 67402 ILLKIRCH<br />

Nom<br />

OUI, je m’abonne à THE RED BULLETIN : 1 an d’abonnement pour 16 € seulement<br />

Mme Melle M.<br />

Prénom<br />

Adresse<br />

CP<br />

Email<br />

Ville<br />

Je demande à recevoir gratuitement la newsletter THE RED BULLETIN<br />

Je joins mon règlement par : Chèque bancaire ou postal à l’ordre de THE RED BULLETIN<br />

DATE<br />

SIGNATURE<br />

Offre valable uniquement en France métropolitaine. Conformément à la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification<br />

aux données vous concernant auprès de THE RED BULLETIN, adresse : 12 rue du <strong>Mai</strong>l, 75002 Paris.<br />

TRBMAG


PERSPECTIVES<br />

Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />

ÖTILLÖ<br />

Swimrun :<br />

LA COURSE QUE<br />

L’ON REGRETTE<br />

D’AVANCE<br />

JAKOB EDHOLM<br />

81


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

ÖTILLÖ SWIMRUN<br />

Épreuve de fond<br />

Cette compétition d’endurance est parmi les plus<br />

rudes. Triple vainqueur de l’ÖTILLÖ, Jonas Colting<br />

livre son attrait quasi masochiste pour la course.<br />

I<br />

l est près de six heures du matin.<br />

L’horizon dissimule encore le soleil<br />

et l’air est glacé. Pourtant, quelque 400<br />

hommes et femmes se pressent sur la<br />

ligne de départ. Ils s’étirent, s’échauffent<br />

et se concentrent pour rassembler toutes<br />

leurs forces. Ils en auront besoin. Ils s’apprêtent<br />

à vivre une épreuve d’endurance<br />

hors du commun : le Championnat du<br />

monde de swimrun d’Ötillö. Certains mettront<br />

plus de 13 heures avant de franchir<br />

la ligne d’arrivée, exténués. Pas de quoi<br />

entamer leur hâte à plonger dans la mer<br />

Baltique. Il est six heures précises, le<br />

coup d’envoi retentit. Les voilà partis.<br />

L’histoire commence dans un bar en<br />

2002. Quatre hommes — deux frères du<br />

coin, un aubergiste et son ami — font le<br />

pari de créer une épreuve en équipe, combinant<br />

course à pied et nage en eau libre à<br />

travers l’archipel de Stockholm — le deuxième<br />

groupe d’îles de la mer Baltique par<br />

la taille. Quatre ans plus tard, la première<br />

édition de swimrun voit le jour. Le pari fou<br />

est gagné. Dérivé du suédois ö till ö signifiant<br />

« d’île à île », l’Ötillö a pour règle clé la<br />

distance entre les deux coéquipiers.<br />

Celle-ci ne doit pas excéder 15 mètres.<br />

L’itinéraire long de 74,68 km dont 65 km<br />

de course à pied et près de 9,5 km de<br />

nage, traverse 24 îles, de Gotska Sandön<br />

au nord à Utö au sud. Le triathlonien passionné<br />

que je suis (Colting est détenteur<br />

de six médailles aux championnats du<br />

monde et d’Europe, ndlr) est de tous les<br />

départs. Je suis à ce jour le seul à avoir<br />

participé à toutes les éditions de l’Ötillö.<br />

À ses débuts, l’Ötillö suscite peu d’intérêt.<br />

Personne ne sait comment s’y préparer<br />

et les règles sont variables. Une faiblesse<br />

dont profite sans vergogne un duo<br />

néerlandais qui utilise des matelas gonflables<br />

pour les sections en mer, alors<br />

que le reste des concurrents s’efforce de<br />

nager dans une mer Baltique houleuse.<br />

Les règles sont depuis plus strictes. Si<br />

l’Ötillö demeure sans doute le plus difficile<br />

swimrun au monde, cette discipline<br />

se pratique aujourd’hui sur toute la planète,<br />

du Brésil à l’Australie. Chaussures<br />

de course, combinaison en néoprène et<br />

lunettes constituent l’essentiel de l’équipement<br />

requis. Les vétérans comme moi<br />

se munissent aussi de pagaies à main<br />

pour faciliter la progression dans l’eau,<br />

de manchons pour prévenir les crampes<br />

et accroître la flottabilité, et d’une combinaison<br />

de plongée.<br />

Le principe de la course est simple,<br />

courir, nager, courir, nager, sauf que cela<br />

tourne à la torture. La première traversée<br />

est la plus longue (1,75 km), suivie de<br />

cross assassins sur 24 îles minées de<br />

rochers glissants. Le cross le plus long<br />

(19,7 km) a lieu à mi-parcours, étape<br />

fatale pour nombre de participants.<br />

Se focaliser uniquement sur la section<br />

en cours et celle qui suit est essentiel.<br />

Anticiper davantage mène à l’échec. Les<br />

transitions entre terre et mer exigent une<br />

grande concentration pour ne pas laisser<br />

échapper de précieuses secondes. Pour<br />

ce faire, les concurrents enfilent combi-<br />

Suède<br />

Stockholm<br />

Sandhamn<br />

S’y rendre<br />

L’aéroport international le plus<br />

proche du site de la course est<br />

l’aéroport Arlanda de Stockholm.<br />

De là, un ferry au départ du pont<br />

Klarabergsviadukten près de la<br />

gare de Stockholm, vous acheminera<br />

à Sandhamn sur Gotska<br />

Sandön (île de sable en suédois),<br />

point de départ de la course.<br />

JAKOB EDHOLM, PIERRE MANGEZ FLORIAN STURM<br />

82 THE RED BULLETIN


Le syndrome de<br />

Stockholm<br />

L’épreuve qui vous attend<br />

(si vous osez) en chiffres<br />

Distance totale : 74,68 km<br />

Course à pied : 65,135 km<br />

Natation : 9,545 km<br />

Étapes de natation : 23<br />

Nage la plus longue : 1,750 km<br />

Cross le plus long : 19,7 km<br />

Départ<br />

Arrivée<br />

10 km<br />

THE RED BULLETIN 83


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

D’île à île : rochers glissants, cross éprouvants et mains gelées sont quelques-unes des « réjouissances » qui attendent les<br />

concurrents entre Gotska Sandön, au nord de l’archipel et l’île de Utö, au sud.<br />

naison, bonnet, lunettes et pagaies en<br />

courant, car il faut avancer. De 2008 à<br />

2010, mon partenaire de l’époque et moi<br />

remportons les trois éditions d’affilée. En<br />

2011, nous sommes en tête durant une<br />

grande partie de la course, mais ce coéquipier<br />

tombe malade et nous sommes<br />

contraints à l’abandon.<br />

Ma première victoire reste la plus belle,<br />

celle de 2010 la plus étrange. Lors de<br />

cette dernière, nous atteignons l’île où a<br />

lieu le cross le plus long avec plus de vingt<br />

minutes d’avance sur nos poursuivants.<br />

Dans les bois, des enfants ont arraché les<br />

panneaux de direction. Résultat : nous<br />

nous égarons et nous retrouvons cinq<br />

minutes derrière ces mêmes poursuivants.<br />

Cela nous motive et nous finissons<br />

premiers avec trois minutes d’avance.<br />

Aujourd’hui, je prends le départ avec<br />

ma femme, Elin. Je connais l’itinéraire par<br />

cœur, mais je ne vise plus de record personnel.<br />

C’est une journée idéale au grand<br />

air, mais où l’on va tout donner.<br />

otilloswimrun.com<br />

Leaders : en catégorie femme, les Suédoises Fanny<br />

Danck wardt et Desirée Andersson, de l’équipe Envol,<br />

remportent la dernière édition en 9 h 5 min 29 sec.<br />

Best of du pire<br />

Colting sur ses hantises et les<br />

faits marquants de l’Ötillö<br />

Munkö : l’île terrible<br />

(course de 2 450 mètres)<br />

« Mon cauchemar de l’année.<br />

La course à pied y est quasi impossible.<br />

Rochers pointus et glissants,<br />

troncs d’arbres morts et<br />

ronces parsèment l’île. L’enfer. »<br />

Nämdö : point de passage<br />

(course de 8 300 mètres)<br />

« Le point de ravitaillement<br />

s’écarte de l’itinéraire de 500 m.<br />

Un aller-retour dont on se passerait.<br />

<strong>Mai</strong>s c’est la seule des 24 îles<br />

où vous croisez brièvement<br />

d’autres équipes. Ça motive. »<br />

Utö : l’ultime étape<br />

(course de 3 650 mètres)<br />

« L’idée d’arriver au bout de la torture<br />

déclenche une forte poussée<br />

d’adrénaline. Vous sortez de l’eau,<br />

passez par-dessus les rochers et<br />

filez sur une piste de gravier en<br />

guise de tour d’honneur jusqu’à<br />

l’arrivée. »<br />

JAKOB EDHOLM<br />

84 THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN<br />

Retrouvez votre prochain numéro le 28 mai avec et le 29 mai avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />

JAANUS REE / RED BULL CONTENT POOL


PERSPECTIVES<br />

fitness<br />

L’impulsion séquentielle<br />

part<br />

de la zone 1<br />

(pieds) et va vers<br />

la cuisse.<br />

Les pulsations<br />

imitent le flux<br />

unidirectionnel<br />

des veines et des<br />

vaisseaux<br />

lymphatiques<br />

La réduction de<br />

pression en bas de<br />

la jambe maximise<br />

la récupération<br />

entre deux cycles.<br />

SE REMETTRE<br />

Régénérateur<br />

de corps<br />

Un kinésithérapeute portable<br />

qui vous soigne après<br />

l’entraînement. Magique !<br />

La progression atteint<br />

les cuisses tandis que<br />

les deux dernières<br />

zones restent sous<br />

compression.<br />

Les sciences du sport ont un<br />

nouveau maître mot : le repos.<br />

Si la performance est l’affaire<br />

de l’entraînement, l’on sait à<br />

présent que l’organisme se<br />

renforce en phase de récupération.<br />

Celle-ci régénère les<br />

tissus, élimine les déchets<br />

métaboliques et reconstitue<br />

l’énergie naturelle comme le<br />

glycogène. Les compétitions<br />

sportives intenses, telles que<br />

le triathlon et l’ultrafond,<br />

disposent désormais d’une<br />

« zone de récupération » où<br />

l’on peut croiser des athlètes<br />

équipés d’un NormaTec Pulse<br />

2.0 Recovery.<br />

Ce dispositif de récupération<br />

par compression pneumatique<br />

cible trois parties du<br />

corps : les bras, les hanches<br />

et les jambes. La troisième est<br />

la plus populaire. Dans un<br />

premier temps, les bottes de<br />

compression reliées à un<br />

compresseur d’air se gonflent<br />

pour envelopper les jambes,<br />

puis exercent une compression<br />

progressive des pieds aux<br />

cuisses en effectuant un massage<br />

intense par impulsions.<br />

Résultat : le flux sanguin<br />

s’accélère, les muscles sont<br />

oxygénés, récupération plus<br />

rapide et la douleur due à<br />

Personnalisez votre<br />

récupération depuis<br />

votre téléphone.<br />

Au départ<br />

destiné à des<br />

patients, le<br />

dispositif est<br />

leader en matière<br />

de récupération<br />

sportive.<br />

l’effort se dissipe. Outre la<br />

capacité de cibler des zones<br />

spécifiques, l’unité de contrôle<br />

régule le niveau de compression<br />

dont la puissance égale<br />

celle d’un boa constricteur.<br />

L’appareil est rechargeable et<br />

peut donc s’utiliser partout.<br />

À l’origine, le système n’est<br />

pas conçu pour les athlètes.<br />

En 1998, Laura P. Jacobs,<br />

médecin à Boston, ingénieure<br />

biomédicale et fondatrice de<br />

Normatec, travaille à un traitement<br />

non-invasif de patients<br />

sujets aux caillots sanguins<br />

ou aux troubles de la circulation.<br />

<strong>Mai</strong>s sa technologie à<br />

impulsion séquentielle brevetée<br />

suscite rapidement l’intérêt<br />

de sportifs célèbres cherchant<br />

à accélérer leur temps<br />

de récupération.<br />

Aujourd’hui, les footballeurs<br />

Gareth Bale et Paul<br />

Pogba, la légende de la NBA<br />

LeBron James et le double<br />

champion du monde de boxe<br />

poids lourd Anthony Joshua<br />

l’ont tous adoptée. L’exchampion<br />

du monde d’escrime<br />

Miles Chamley- Watson<br />

découvre ses remarquables<br />

vertus lors des Jeux de Rio,<br />

en 2016. « Au début, j’étais<br />

sceptique, mais ce truc est<br />

incroyable, confie l’athlète<br />

de 30 ans. J’ai besoin de vite<br />

récupérer après une période<br />

d’efforts intenses, et cet<br />

appareil rend cela possible. »<br />

Cette année-là, il repart de<br />

Rio avec la médaille de<br />

bronze ; et grâce à son<br />

NormaTec Pulse Pro 2.0,<br />

il compte bien viser plus<br />

haut, et ce dès cet été.<br />

normatecrecovery.com<br />

TOM MACKINGER FLORIAN STURM<br />

86 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

RÉGÉNÉRER<br />

Pilonner la douleur<br />

Hypervolt Plus<br />

TOM GUISE<br />

2011, un an après avoir fondé<br />

son entreprise de thérapie<br />

sportive Hyperice, Anthony<br />

Katz lance une campagne<br />

inédite : il se rend sur des<br />

événements sportifs et offre<br />

aux athlètes célèbres de tester<br />

ses produits. L’attaquant<br />

de Chelsea Olivier Giroud<br />

ou encore les légendes de la<br />

NBA Kobe Bryant et LeBron<br />

James approuvent. Pour<br />

Katz, les performances de<br />

haut niveau ne sont pas le<br />

fruit des seuls entraînements<br />

; la récupération est<br />

tout aussi cruciale. Sa<br />

dernière invention incarne<br />

cette vision : un pistolet<br />

d’automassage qui traite<br />

les tissus profonds pour<br />

hâter l’échauffement et la<br />

récupération. L’Hypervolt<br />

Plus inclut 5 accessoires —<br />

balle, tête plate, tête arrondie,<br />

fourchette et coussin<br />

— adaptés à chaque groupe<br />

musculaire. 30 % plus puissant<br />

que la version précédente,<br />

il agit en silence (du<br />

coup, vos cris deviennent<br />

audibles). hyperice.com<br />

THE RED BULLETIN 87


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

SE CHAUSSER<br />

D’un pas<br />

très assuré<br />

Danner Arctic 600 Side-Zip<br />

Il y a près d’un siècle, dans la région sauvage<br />

du Nord-Ouest Pacifique aux USA, Charles<br />

Danner fabrique pour la première fois des<br />

chaussures pour les bûcherons. Robustesse,<br />

confort et chaleur sont alors plus qu’une priorité,<br />

une question de survie. Ses boots surpassent<br />

tous ces critères. Réalisée en daim<br />

durable et 100 % imperméable, la semelle<br />

extérieure moulée en Vibram Arctic Grip de ce<br />

modèle assure une excellente traction même<br />

sur le verglas. Dotée de l’isolant thermique<br />

Primaloft et doublée d’une semelle intérieure<br />

Ortholite amovible, le soulier arbore une glissière<br />

latérale facilitant chaussage et déchaussage.<br />

L’Amérique à vos pieds. danner.com


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

SE PROJETER<br />

Cinéma de poche<br />

BenQ GV1<br />

Pour certains, l’avènement<br />

du smartphone sonne le glas<br />

du cinéma sur grand écran.<br />

<strong>Mai</strong>s ne serait-ce pas plutôt<br />

le début de sa mobilité ? Ce<br />

vidéo projecteur de poche<br />

sans fil affiche un écran de<br />

2,5 mètres pour diffuser les<br />

contenus de votre téléphone<br />

ou de sites comme YouTube<br />

ou Netflix. benq.eu<br />

SE BRANCHER<br />

Écouteurs 3.0<br />

AirPods Pro<br />

Ces AirPods Pro d’Apple sont adaptés à l’audition de<br />

chacun. Lors de la première utilisation, des capteurs<br />

testent la pression dans le canal auditif pour ajuster<br />

le fit. Puis deux micros (externe et interne) filtrent et<br />

réduisent 200 fois par seconde les bruits ambiants<br />

mieux qu’un téléphone supra-auriculaire haut de<br />

gamme. Et le monde externe redevient audible avec<br />

pression sur la tige. Le micro intérieur analyse en<br />

continu le son tel qu’il vous parvient et adapte l’égaliseur<br />

pour une expérience optimale. apple.com<br />

TIM KENT TOM GUISE<br />

S’ÉLEVER<br />

Un smart drone<br />

DJI Mavic Mini<br />

Il n’y a pas si longtemps encore,<br />

s’adonner aux joies du drone<br />

nécessitait d’avoir un grand sac à dos<br />

aux multiples poches à batterie.<br />

À présent, ce quadricoptère de la taille<br />

d’un smartphone et d’à peine<br />

250 grammes tient dans la paume<br />

de main et se range dans l’une de<br />

ses poches à piles. Autonomie de vol :<br />

30 minutes. dji.com<br />

THE RED BULLETIN 89


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

SURVIVRE<br />

Gilet airbag<br />

Quiksilver Highline Pro Airlift Vest<br />

« Ce gilet est un outil de sécurité non destiné à améliorer vos performances. Ne prenez pas<br />

de risques supplémentaires en l’utilisant. » Voilà ce qu’indique la notice de ce produit destiné<br />

aux surfeurs les plus aguerris. Quatre tirettes reliées à des cartouches de CO 2 gonflent des<br />

vessies placées stratégiquement pour envoyer vite le surfeur à la surface et maintenir sa tête<br />

hors de l’eau. Une languette dégonfle le gilet aussi vite pour éviter la lame suivante. quiksilver.fr<br />

SE PROTÉGER<br />

Une forte tête<br />

Hedkayse ONE<br />

En Europe, la norme de sécurité EN1078<br />

impose un test de résistance à tous les<br />

casques de vélo. Le test ne tient cependant<br />

pas compte des chocs quotidiens<br />

qui réduisent l’efficacité des casques<br />

classiques en polystyrène. Pour y remédier,<br />

des ingénieurs de l’université de<br />

Loughborough développent un nouveau<br />

matériau, le Enkayse. Le casque absorbe<br />

les impacts sans se déformer même<br />

après de multiples chocs. Il reste, selon<br />

ses créateurs, conforme aux normes<br />

EN1078 et protège contre des impacts<br />

mineurs dont la récurrence peut endommager<br />

le cerveau à long terme.<br />

hedkayse.com<br />

VIVRE<br />

Heure<br />

de gloire<br />

AVI-8 Hawker<br />

Hurricane Bader<br />

Edition Limitée<br />

Chronographe<br />

L’histoire de Sir<br />

Douglas Bader, un<br />

des as britanniques<br />

de la Seconde Guerre<br />

mondiale, est dingue.<br />

Doublement amputé,<br />

le pilote londonien<br />

de la Royal Air Force<br />

a remporté 22 victoires<br />

aériennes et<br />

l’absence de ses<br />

jambes aurait pu être<br />

un « avantage » dans<br />

ses combats en l’air<br />

pour résister aux évanouissements<br />

provoqués<br />

par la force G.<br />

Car son sang ne pouvait<br />

pas s’écouler loin<br />

de son cerveau. Mort<br />

en 1982 à l’âge de 72<br />

ans, il s’est échappé<br />

à plusieurs reprises<br />

de camps de prisonniers<br />

de guerre. Cette<br />

montre, conçue en<br />

collaboration avec<br />

la famille du pilote,<br />

porte l’insigne du<br />

242 e Escadron sur le<br />

bracelet et son avion<br />

sur la trotteuse.<br />

10 % des bénéfices<br />

de sa vente vont à la<br />

fondation caritative<br />

Douglas Bader.<br />

avi-8.co.uk<br />

TIM KENT TOM GUISE<br />

90 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

Les leçons de l’extrême<br />

Homme des<br />

neiges : Colin<br />

O’Brady en<br />

Antarctique.<br />

« Se fixer<br />

des objectifs<br />

intermédiaires<br />

est essentiel. »<br />

COLIN O’BRADY HOWARD CALVERT<br />

EN MAÎTRISE<br />

Réussir l’impossible<br />

Selon Colin O’Brady, entre vous et le record seul le doute fait obstacle.<br />

Au cours des cinq dernières<br />

années, l’aventurier américain<br />

Colin O’Brady a réalisé<br />

l’ascension la plus rapide<br />

des sept plus hauts sommets<br />

et l’Explorers Grand<br />

Slam (gravir le plus haut<br />

sommet de chaque continent<br />

et se rendre sur les<br />

deux pôles). En 2018, il est<br />

le premier à parcourir l’Antarctique<br />

sans assistance<br />

(son projet « <strong>The</strong> Impossible<br />

First »). Et en décembre<br />

dernier, il traverse à la rame<br />

le passage de Drake entre<br />

l’Antarctique et l’Amérique<br />

du Sud, « <strong>The</strong> Impossible<br />

Row ». « Nous avons tous<br />

une voix intérieure qui nous<br />

répète : “Ce n’est pas possible’’,<br />

confie O’Brady. <strong>Mai</strong>s<br />

il est possible de la reprogrammer<br />

autrement. »<br />

Prendre de l’avance<br />

« Dans mon livre, <strong>The</strong> Impossible<br />

First, j’évoque la difficulté<br />

de réunir 500 000 dollars.<br />

Cela exige 18 mois de persévérance<br />

pour avoir le droit de<br />

prendre le départ. Les sponsors<br />

que nous contactons<br />

exigent d’être convaincus<br />

O’Brady en route<br />

vers l’exploit.<br />

pour nous soutenir. Ainsi, la<br />

détermination commence<br />

bien avant le défi lui-même. »<br />

La force du réalisme<br />

« Lors des sept sommets, une<br />

tempête nous surprend sur<br />

l’Everest au niveau du camp IV<br />

dans la “zone de la mort”. Mon<br />

guide Pasang Bhote hausse<br />

simplement les épaules et<br />

m’explique qu’il convient d’accepter<br />

les aléas du climat. Et<br />

repartir une fois le calme revenu.<br />

Une attitude exemplaire.<br />

De fait, quelques jours après,<br />

le ciel s’éclaircit. »<br />

L’atout flexibilité<br />

« Lors de mon défi des 50 plus<br />

hauts sommets des États<br />

américains (juin-juillet 2018),<br />

le pic Humphreys en Arizona<br />

connaît une sécheresse avec<br />

de gros risques d’incendies de<br />

forêt. Nous optons alors pour<br />

le mont Whitney en Californie,<br />

mais la foudre y déclenche un<br />

feu. L’accès est fermé. Nous<br />

apprenons alors qu’il pleut sur<br />

l’Arizona et y retournons illico.<br />

Un impondérable n’en est plus<br />

un lorsqu’on y est préparé. »<br />

Décomposer l’objectif<br />

« En Antarctique, au bout<br />

du premier kilomètre, je me<br />

retrouve en larmes, qui se<br />

congèlent, et à bout de forces,<br />

incapable de tirer mon<br />

traîneau. Une situation que<br />

je n’avais pas envisagée. Ma<br />

femme Jenna me dit alors<br />

“C’est un voyage de 1 600 km.<br />

Nous savions que ce serait<br />

difficile. Te sens-tu capable<br />

d’atteindre la première<br />

étape ?” Se fixer des objectifs<br />

intermédiaires est essentiel. »<br />

Ignorer les rabat-joies<br />

« Avant <strong>The</strong> Impossible Row,<br />

les rameurs sur océan me font<br />

remarquer que je n’ai jamais<br />

ramé auparavant, et ajoutent :<br />

“C’est une première mondiale<br />

et pour cause, le passage de<br />

Drake est redoutable.” Nous<br />

avons balayé les critiques et<br />

renforcé notre confiance. »<br />

<strong>The</strong> Impossible First, éditions<br />

Scribner ; colinobrady.com<br />

THE RED BULLETIN 91


PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

FOCUS<br />

Le pouvoir du<br />

coup de pouce<br />

Un gameplay élémentaire qui rapporte gros :<br />

réflexions sur les jeux de plateforme.<br />

plateforme, elle se produit en<br />

temps réel, le moindre faux<br />

pas est immédiatement sanctionné.<br />

Le défi permanent ne<br />

laisse aucune place à la distraction<br />

— c’est une forme de<br />

jeu totale. » L’activité constitue<br />

aussi une source de bien-être<br />

subliminal en soi.<br />

Singularité technologique,<br />

le smartphone a engendré<br />

bien des miracles : l’internet<br />

mobile, la perche à selfie,<br />

l’appli TikTok. Il a aussi permis<br />

les jeux de plateforme — jeux<br />

de course à obstacles contrôlables<br />

d’un seul doigt — dont<br />

le format séduit même les<br />

joueurs occasionnels et suscite<br />

l’intérêt des spécialistes<br />

du comportement, intrigués<br />

par une popularité persistante.<br />

Temple Run 2, par<br />

exemple, enregistre 50 millions<br />

de téléchargements<br />

dans les quinze jours suivant<br />

sa sortie en 2013, ou Subway<br />

Surfers, deuxième jeu iOS le<br />

plus téléchargé de l’histoire.<br />

Flappy Bird, phénomène viral<br />

de 2014, est retiré des App<br />

Stores par son créateur après<br />

avoir déclaré que la popularité<br />

du jeu avait « ruiné sa vie. »<br />

L’attrait pour ces jeux satisfaitil<br />

un besoin humain plus profond<br />

? Le Dr Matthew Barr,<br />

spécialiste des jeux vidéo,<br />

nous répond…<br />

Apprendre en jouant<br />

Les jeux constituent un<br />

système d’apprentissage<br />

ludique spontané : apprendre<br />

en jouant et jouer pour apprendre.<br />

La simplicité linéaire<br />

des jeux de plateforme amplifie<br />

cette dynamique. « Dès<br />

l’apparition d’un nouvel obstacle,<br />

ou d’un nouveau pouvoir,<br />

le joueur s’en empare immédiatement,<br />

explique M. Barr.<br />

L’apprentissage prend tout<br />

son sens avec l’intériorisation<br />

des nouvelles compétences.<br />

Là réside en partie la motivation<br />

des joueurs. »<br />

Pendant une courte<br />

période, les joueurs de<br />

Temple Run 2 ont pu<br />

débloquer l’avatar<br />

d’Usain Bolt.<br />

Suivre le mouvement<br />

Le flow cognitif appelé aussi<br />

zone est l’état mental d’un<br />

sujet accomplissant une tâche<br />

réalisable et stimulante. Le<br />

sujet est en état de réceptivité<br />

totale à l’apprentissage qui<br />

devient source de satisfaction.<br />

« Les concepteurs de<br />

jeux perpétuent cet état en<br />

maintenant le joueur entre<br />

anxiété et ennui, habileté et<br />

défi. Ce type de jeu s’y prête<br />

idéalement ; la difficulté augmente<br />

au même rythme que<br />

votre habileté. La course est<br />

ainsi infinie. »<br />

Rétroaction en boucle<br />

La rétroaction constante est<br />

un autre aspect du flow. « Au<br />

travail ou à l’université, celleci<br />

peut prendre plusieurs<br />

semaines avant de se manifester.<br />

Dans les jeux de<br />

« Avec ces<br />

jeux, la rétroaction<br />

est<br />

immédiate. »<br />

Conférencier à l’Université<br />

de Glasgow,<br />

le Dr Matthew Barr<br />

examine dans son livre<br />

Graduate Skills and<br />

Game-Based Learning,<br />

l’acquisition de compétences,<br />

de flexibilité et<br />

d’esprit critique grâce<br />

aux jeux vidéo.<br />

L’ivresse du joueur<br />

« Les gratifications libèrent de<br />

la dopamine, précise M. Barr<br />

à propos de la substance libérée<br />

par le cerveau après un<br />

plaisir ressenti. Pratiqué le<br />

matin dans le train, le jeu<br />

d’obstacles agit comme un<br />

shoot de dopamine. Vous<br />

arrivez au boulot de bonne<br />

humeur, le cerveau opérationnel,<br />

bien plus que celui qui<br />

entre son réveil et le bureau<br />

s’est contenté d’un café. »<br />

Décisions express<br />

Les jeux de plateforme améliorent<br />

la capacité de décision.<br />

Des études montrent que les<br />

jeux vidéo exigeant réflexion<br />

et intervention constantes<br />

développent les capacités<br />

cognitives. « Si les enjeux n’influent<br />

pas la vie réelle, la prise<br />

de décision sous pression<br />

excluant l’échec, génère une<br />

panique qui renforce votre<br />

confiance dans le monde réel.<br />

Sid Meier, créateur du jeu de<br />

stratégie au tour par tour<br />

Civilization, a déclaré que les<br />

jeux sont une série de décisions<br />

tactiques. Un principe<br />

que les jeux d’obstacles<br />

poussent à l’extrême. »<br />

Parties éclairs<br />

Le rythme effréné du monde<br />

moderne n’est pas propice<br />

aux loisirs. « Le format des<br />

jeux de plateforme intègre<br />

ce facteur en rendant les jeux<br />

accessibles partout, confie<br />

Barr. On peut y jouer avec<br />

un seul pouce. Idéal dans les<br />

transports publics. »<br />

IMANGI STUDIOS JOE ELLISON<br />

92 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

équipement<br />

PERFECTIONNER<br />

La pompe<br />

qui coache<br />

Under Armour HOVR Machina<br />

TIM KENT TOM GUISE<br />

Le coup de mou, tel est le<br />

cauchemar des coureurs<br />

à pied en mal de glucose<br />

dans le sang. Lors du marathon<br />

de Boston en 2016, la<br />

marque américaine Under<br />

Armour observe le phénomène<br />

afin de trouver une<br />

solution pour aider.<br />

Bien placée pour relever<br />

ce défi, l’entreprise acquiert<br />

en 2013 le réseau social de<br />

remise en forme MapMyRun.<br />

Grâce à son appli smartphone,<br />

les sportifs peuvent<br />

effectuer le suivi de leurs<br />

séances d’entraînement et<br />

les comparer avec des millions<br />

d’autres. En 2018,<br />

UA lance la HOVR, première<br />

chaussure de course connectée,<br />

équipée de capteurs<br />

mesurant longueur, cadence<br />

et rythme de la foulée et<br />

qui transfèrent ensuite ces<br />

données stockées dans<br />

MapMyRun.<br />

La Machina est la<br />

dernière­ née de UA. Sa<br />

semelle intermédiaire amortit<br />

les chocs et protège les<br />

capteurs dont la façon de<br />

collecter et de traiter les<br />

données rend ce modèle<br />

unique. En étudiant les statistiques<br />

des coureurs sur<br />

plusieurs années, UA comprend<br />

ce qui sépare les bons<br />

des moins bons coureurs.<br />

Le nouveau système de Form<br />

Coachin de l’appli compare<br />

le style d’un coureur équipé<br />

du HOVR au profil d’un coureur<br />

idéal puis corrige la<br />

technique de l’utilisateur et<br />

minimise le risque de blessures<br />

en temps réel. L’observation<br />

exclusive de marathoniens<br />

anonymes (identifiés<br />

via la date, la géolocalisation<br />

et la distance) a permis de<br />

recueillir d’importantes données<br />

sur les courses de fond.<br />

Under Armour a ainsi établi<br />

que les coureurs ayant une<br />

cadence (nombre de pas<br />

par minute) très fluctuante<br />

par rapport à la longueur de<br />

foulée obtiennent de moins<br />

bons résultats que ceux<br />

dont le rapport cadence/<br />

longueur de foulée est<br />

constant. Ces derniers<br />

s’avèrent plus rapides et<br />

plus réguliers. Conclusion :<br />

une cadence stable est le<br />

meilleur remède contre<br />

le coup de mou.<br />

underarmour.com<br />

L’amorti d’une chaussure<br />

longue distance<br />

et la légèreté d’une<br />

chaussure de sprint.<br />

À l’avant, la plaque<br />

de vitesse en carbone<br />

restitue l’énergie à<br />

chaque pas.<br />

THE RED BULLETIN 93


CALENDRIER<br />

mai <strong>2020</strong><br />

3<br />

MAI<br />

WINGS FOR LIFE WORLD RUN<br />

Le Wings for Life World Run, la seule course au monde où la ligne d’arrivée vous<br />

rattrape, revient en <strong>2020</strong>, et chaque foulée compte, car l’intégralité du montant des<br />

inscriptions est reversée à la recherche sur les lésions de la moelle épinière. Cette<br />

année, vous pourrez participer (et contribuer) grâce à l’App Run sur mobile, et<br />

organiser votre course perso en visitant le site wingsforlifeworldrun.com.<br />

27<br />

avril et au-delà<br />

THE ORIGINAL<br />

SKATEBOARDER<br />

En 1975, la défunte publication<br />

américaine Skateboarder Magazine<br />

a été relancée. Elle a mis fin à son<br />

activité cinq ans plus tard, mais elle<br />

a documenté à cette époque la façon<br />

dont cette pratique naissante est<br />

passée des surfeurs de rue aux<br />

premiers skateparks. Ce film parle<br />

aux skateurs qui ont orné ses pages<br />

et aux photographes qui les ont pris<br />

en photo, racontant le moment où<br />

la planche à roulettes a décollé.<br />

À retrouver via redbull.com<br />

déjà disponible<br />

MOTO SPY SEASON 4<br />

Un regard en coulisses sur ce que<br />

certains des meilleurs concurrents de<br />

la série AMA Supercross <strong>2020</strong> vivent<br />

dans les semaines qui séparent les<br />

courses. Les fans de la discipline<br />

apprécieront cette expérience auprès<br />

des pilotes les plus audacieux et les<br />

novices comprendront mieux la réalité<br />

d’un sport mécanique d’action qui se<br />

vit au-delà des arènes incroyables où<br />

les as du Supercross mettent le feu.<br />

À retrouver via redbull.com<br />

29<br />

au 31 mai<br />

LE BON AIR<br />

Une « floppée de courants électroniques<br />

» vous attend au Festival Le<br />

Bon Air à la Friche la Belle de <strong>Mai</strong>,<br />

avec en bonus, le projet live Helmut<br />

d’Emma DJ et Jackson développé<br />

en amont aux <strong>Red</strong> Bull Studios Paris.<br />

Marseille ; le-bon-air.com<br />

VINCENT CURUTCHET FOR WINGS FOR LIFE WORLD RUN, GARTH MILAN/RED BULL CONTENT POOL<br />

94 THE RED BULLETIN


CALENDRIER<br />

mai <strong>2020</strong><br />

20<br />

au 24 mai<br />

NUITS SONORES<br />

Elles se vivent le jour, le soir, la nuit (bien sûr), sur l’eau, voire<br />

dans les locaux d’Arty Farty, l’équipe à l’origine de ce festival<br />

de musiques modernes pointu, qui accueilleront une soirée<br />

mystérieuse, sous le concept Enigma. Pour cette édition, on<br />

hallucine déjà sur les « journées avec » (A Day with) Jeff Mills ou<br />

DJ Harvey, et leurs multiples invités. Et on ne manquera pas les<br />

conférences du projet Dance to Act ! Lyon ; nuits-sonores.com<br />

20<br />

au 24 mai<br />

QUE DU FISE !<br />

600 000 spectateurs et 2 000 athlètes pros venus du monde<br />

entier, des soirées à n’en plus finir et une ambiance de feu –<br />

toujours conviviale. En plus de vingt ans, le FISE, pour Festival<br />

International des Sports Extrêmes, à Montpellier, s’est installé<br />

comme le 3 e événement sportif français après le Tour de France<br />

et le Vendée Globe. Que vous soyez fan de roller, BMX, skate,<br />

trottinette, wakeboard, VTT ou parkour, le hot spot de l’Hérault<br />

sera votre destination fin mai. Montpellier ; fise.fr<br />

14<br />

ROBERT BRICE, TOMISLAV MOZE/RED BULL CONTENT POOL, CHRIS BURKARD PHOTOGRAPHY<br />

avril et au-delà<br />

UNDER THE<br />

ARCTIC SKY<br />

Il y a cinq ans, le filmeur<br />

Ben Weiland et le<br />

photographe d’aventure<br />

Chris Burkard ont mis<br />

le cap sur la côte nord<br />

de l’Islande avec six<br />

surfeurs à la recherche<br />

d’une houle légendaire.<br />

Ce qu’ils ont trouvé est la<br />

pire tempête islandaise<br />

depuis un quart de siècle<br />

qui a transformé leur<br />

quête en un voyage en<br />

voiture à travers un hiver<br />

arctique brutal. Un film<br />

de surf unique en son<br />

genre. À retrouver via<br />

redbull.com<br />

THE RED BULLETIN 95


Mentions légales<br />

LA RÉDACTION<br />

THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans six pays.<br />

Vous voyez ici la une<br />

de l’édition britannique,<br />

honorant le prodige du<br />

football local, Trent<br />

Alexander-Arnold.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

Rédacteur en chef<br />

Alexander Macheck<br />

Rédacteurs en chef adjoints<br />

Andreas Rottenschlager, Nina Treml<br />

Directeur créatif<br />

Erik Turek<br />

Directeurs artistiques<br />

Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />

Miles English, Tara Thompson<br />

Directrice photo<br />

Eva Kerschbaum<br />

Directeurs photos adjoints<br />

Marion Batty, Rudi Übelhör<br />

Responsable des infos et du texte<br />

Jakob Hübner, Andreas Wollinger<br />

Responsable de la production<br />

Marion Lukas-Wildmann<br />

Managing Editor<br />

Ulrich Corazza<br />

Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />

Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />

Booking photo<br />

Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza<br />

Directeur du management<br />

Stefan Ebner<br />

Directeur des ventes médias et partenariats<br />

Lukas Scharmbacher<br />

Publishing Management<br />

Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard<br />

Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger<br />

Marketing B2B & Communication<br />

Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Alexandra Ita,<br />

Teresa Kronreif, Stefan Portenkirchner<br />

Directeur créatif global<br />

Markus Kietreiber<br />

Co-publishing<br />

Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.),<br />

Mathias Blaha, Raffael Fritz, Thomas<br />

Hammerschmied, Marlene Hinterleitner,<br />

Valentina Pierer, Mariella Reithoffer,<br />

Verena Schörkhuber, Sara Wonka,<br />

Julia Bianca Zmek, Edith Zöchling-Marchart<br />

Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha<br />

Bunch, Simone Fischer, Martina <strong>Mai</strong>er, Florian Solly<br />

Emplacements publicitaires<br />

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />

Production Friedrich Indich, Walter O. Sádaba,<br />

Sabine Wessig<br />

Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.),<br />

Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />

Sandra <strong>Mai</strong>ko Krutz, Josef Mühlbacher<br />

Fabrication Veronika Felder<br />

MIT Michael Thaler, Christoph Kocsisek<br />

Opérations Alexander Peham, Yvonne Tremmel<br />

Assistante du Management général<br />

Patricia Höreth<br />

Abonnements et distribution Peter Schiffer<br />

(Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser<br />

(Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements)<br />

Siège de la rédaction<br />

Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche<br />

Téléphone +43 (0)1 90221-28800,<br />

Fax +43 (0)1 90221-28809<br />

Web redbulletin.com<br />

Direction générale<br />

<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />

Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />

5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />

Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />

Directeur de la publication<br />

Andreas Kornhofer<br />

Directeurs généraux<br />

Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier,<br />

Dietmar Otti, Christopher Reindl<br />

THE RED BULLETIN<br />

France, ISSN 2225-4722<br />

Country Editor<br />

Pierre-Henri Camy<br />

Country Coordinator<br />

Christine Vitel<br />

Country Project Management<br />

Alessandra Ballabeni,<br />

alessandra.ballabeni@redbull.com<br />

Contributions,<br />

traductions, révision<br />

Lucie Donzé, Fred & Susanne Fortas,<br />

Suzanne Kříženecký, Audrey Plaza,<br />

Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />

Gwendolyn de Vries<br />

Abonnements<br />

Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />

getredbulletin.com<br />

Siège de la rédaction<br />

29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />

+33 (0)1 40 13 57 00<br />

Impression<br />

Quad/Graphics Europe Sp. z o.o.,<br />

Pułtuska 120, 07-200 Wyszków,<br />

Pologne<br />

Publicité<br />

PROFIL<br />

134 bis rue du Point du jour<br />

92100 Boulogne<br />

+33 (0)1 46 94 84 24<br />

Thierry Rémond,<br />

tremond@profil-1830.com<br />

Elisabeth Sirand-Girouard,<br />

egirouard@profil-1830.com<br />

Edouard Fourès<br />

efoures@profil-1830.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Allemagne, ISSN 2079-4258<br />

Country Editor<br />

David Mayer<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Natascha Djodat<br />

Publicité<br />

Matej Anusic,<br />

matej.anusic@redbull.com<br />

Thomas Keihl,<br />

thomas.keihl@redbull.com<br />

Martin Riedel,<br />

martin.riedel@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Autriche, ISSN 1995-8838<br />

Country Editor<br />

Christian Eberle-Abasolo<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Publishing Management<br />

Bernhard Schmied<br />

Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />

Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />

Publicité<br />

anzeigen@at.redbulletin.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

Country Editor<br />

Ruth Morgan<br />

Rédacteurs associés<br />

Lou Boyd, Tom Guise<br />

Rédacteur musical<br />

Florian Obkircher<br />

Directeur Secrétariat de rédaction<br />

Davydd Chong<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Nick Mee<br />

Publishing Manager<br />

Ollie Stretton<br />

Publicité<br />

Mark Bishop,<br />

mark.bishop@redbull.com<br />

Fabienne Peters,<br />

fabienne.peters@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Suisse, ISSN 2308-5886<br />

Country Editor<br />

Wolfgang Wieser<br />

Révision<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Meike Koch<br />

Publicité<br />

Marcel Bannwart (D-CH),<br />

marcel.bannwart@redbull.com<br />

Christian Bürgi (W-CH),<br />

christian.buergi@redbull.com<br />

Goldbach Publishing<br />

Marco Nicoli,<br />

marco.nicoli@goldbach.com<br />

THE RED BULLETIN USA,<br />

ISSN 2308-586X<br />

Rédacteur en chef<br />

Peter Flax<br />

Rédactrice adjointe<br />

Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

Directrice de publication<br />

Cheryl Angelheart<br />

Country Project Management<br />

Laureen O’Brien<br />

Publicité<br />

Todd Peters,<br />

todd.peters@redbull.com<br />

Dave Szych,<br />

dave.szych@redbull.com<br />

Tanya Foster,<br />

tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


Pour finir en beauté.<br />

Juste à temps<br />

Une image insolite d’un bolide que l’hélicoptère de l’organisation du<br />

Championnat du monde des rallyes (WRC) peine à suivre malgré une voie<br />

aérienne dégagée... Il s’agit du Français Sébastien Ogier et de son copilote<br />

Julien Ingrassia qui remportent là leur premier succès de la saison lors<br />

d’un Rallye du Mexique qui s’est achevé un samedi soir plutôt qu’un<br />

dimanche – en raison de la pandémie du virus que l’on a connue.<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

n° 100 sera<br />

disponible dès le<br />

28 mai <strong>2020</strong><br />

JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL<br />

98 THE RED BULLETIN


ALPHATAURI.COM


Copyright © <strong>2020</strong> MNA, Inc. All rights reserved.<br />

TOUJOURS PARTANTS POUR UNE<br />

BONNE SOIRÉE AU COIN DU FEU<br />

WHAT ARE YOU BUILDING FOR?<br />

150 years of engineering progress. Check it out at www.BFGoodrichTires.com/150years .

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!