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<strong>FR</strong>ANCE<br />
OCTOBRE <strong>2020</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
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SON CORPS<br />
EST UN ART<br />
Stefanie Millinger,<br />
acrobate de classe<br />
mondiale, croit en<br />
vos capacités...
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Éditorial<br />
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NOS ÉQUIPIERS<br />
RICK GUEST (COUVERTURE), DOMENIK TAMEGGER, <strong>FR</strong>ANK STOLLE<br />
… Avez-vous bien regardé notre photo de couverture<br />
? (Prenez quelques secondes pour y revenir.)<br />
Ce que vous voyez semble impossible à réaliser.<br />
C’est faux. Si Stefanie Millinger est à l’honneur<br />
dans ce numéro, ce n’est pas seulement pour ses<br />
incroyables contorsions et les endroits vertigineux<br />
où elle se plaît à les réaliser, c’est aussi (et peutêtre<br />
surtout – finalement) parce que sa motivation<br />
est transmissible, et applicable à chacun et<br />
chacune d’entre nous. Si vous ne devenez pas<br />
contorsionniste en lisant l’interview de cette<br />
Autrichienne, vous gagnerez probablement en<br />
détermination et positivité. Sans douleur.<br />
Progresser en skate sans se faire mal semble<br />
par contre délicat, mais le portfolio de Fred<br />
Mortagne vous convie dans son esthétique en<br />
douceur. Et nous vous offrons en complément<br />
deux visions des opportunités aquatiques : celles<br />
développées depuis son plus jeune âge par le<br />
waterman Kai Lenny, et celles exploitées, sur le<br />
tard, par un ex-chauffeur de tram devenu navigateur<br />
en solitaire. Vous pouvez à présent regarder<br />
notre couverture pour la troisième fois.<br />
Belle lecture !<br />
Votre Rédaction<br />
Le talent de Stefanie Millinger, c’est donner l’impression<br />
que ses acrobaties ont l’air faciles à réaliser.<br />
PAULINE LUISA<br />
KRÄTZIG<br />
La journaliste et auteure<br />
allemande entretient un rapport<br />
presque érotique avec<br />
la langue. Les subtilités linguistiques<br />
lui permettent de<br />
saisir la singularité de celles<br />
et ceux qu’elle interroge. Le<br />
port du masque pour le trajet<br />
en train Berlin- Vienne, neuf<br />
heures durant, afin de réaliser<br />
le portrait de l’acrobate<br />
Stefanie Millinger, en valait<br />
vraiment la peine, page 48.<br />
<strong>FR</strong>ED MORTAGNE<br />
Vainqueur du premier<br />
concours photo <strong>Red</strong> Bull<br />
Illume en 2007, Fred est un<br />
photographe reconnu dans<br />
le monde du skate, et audelà.<br />
« Le skateboard m’ayant<br />
appris la faculté à m’adapter<br />
à tous types de situations,<br />
puisque les spots et les conditions<br />
varient tout le temps,<br />
je suis assez à l’aise quand<br />
il s’agit de documenter des<br />
domaines que je ne connais<br />
pas de premier abord », dit<br />
ce collaborateur de la marque<br />
Leica. Sa vision esthétique<br />
du skate est en page 22.<br />
THE RED BULLETIN 3
36<br />
Le waterman hawaïen<br />
Kai Lenny explore<br />
toutes les facettes<br />
du surf à l’envi.<br />
6 Galerie : quatre athlètes et<br />
quatre photographes qui ne<br />
touchent plus terre<br />
12 Comme si vous vous retrouviez<br />
dans l’espace en maillot de bain<br />
14 Cette Népalaise a préféré la<br />
course à pied à l’uniforme<br />
16 Un petit-fils de Marley nous<br />
éclaire sur les titres de Bob<br />
17 Vous allez pouvoir créer vos<br />
propres compils sur vinyle<br />
18 La genèse de la bière et le génie<br />
des hommes préhistoriques<br />
20 Le combo véhicule-logement<br />
parfait pour bouger en congés<br />
85<br />
Un saut en Angleterre pour améliorer votre niveau en VTT à la sauce Atherton.<br />
RICHARD HALLMAN, MOONHEAD MEDIA, RICK GUEST<br />
4 THE RED BULLETIN
CONTENUS<br />
octobre <strong>2020</strong><br />
48<br />
Stefanie Millinger,<br />
acrobate de l’extrême,<br />
ne se laisse<br />
pas mettre en boîte.<br />
22 Beauté dure<br />
Ce que le béton et des as du<br />
skate aux quatre coins du globe<br />
révèlent au photographe<br />
Fred Mortagne.<br />
36 Lenny gravite<br />
Immobilisé, le waterman Kai<br />
Lenny revient sur son parcours<br />
déjà copieux et ses envies sans<br />
cesse affirmées.<br />
48 Confiance est force<br />
Stefanie Millinger est l’un des<br />
talents les plus particuliers<br />
(et flexibles) que nous ayons<br />
rencontrés.<br />
56 Une autre Jamaïque<br />
Si cette île se résume pour vous<br />
à son reggae, sa violence et son<br />
herbe, lisez ce sujet d’urgence.<br />
60 Tous gagnants !<br />
Aux États-Unis, l’esport (les<br />
sports électroniques) ont leur<br />
place à l’université. Et c’est bien.<br />
72 Un autre cap<br />
Ce type normal conduisait des<br />
tramways en Autriche, puis il est<br />
devenu un navigateur de renom.<br />
85 Vélo : la fratrie Atherton vous<br />
convie sur son terrain de jeu<br />
89 Focus Merrell : c’est le pied<br />
90 Course : prenez de l’altitude<br />
91 Matos : quelque chose cloche<br />
92 Gaming : LE jeu de skate. Point<br />
94 Agenda : passion écluses...<br />
96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
98 Carte postale : elle est timbrée<br />
THE RED BULLETIN 5
DÉSERT DE<br />
MOJAVE, USA<br />
Combiné<br />
Bradley « Slums » O’Neal est le pionnier<br />
du BASE jump en moto : décollage<br />
en dirt bike (un engin conçu par ses<br />
soins) et atterrissage en parachute.<br />
À ce jour, aucune autre cascade ne<br />
rivalise avec ce saut, le plus grand<br />
jamais effectué dans le désert, dans<br />
les dunes du Mojave. « Mon instinct<br />
était à l’affût du moindre détail qui ne<br />
collerait pas, car Bradley aurait pu y<br />
rester, narre le photographe californien<br />
Chris Tedesco, qui, grâce à ce cliché<br />
spectaculaire, est arrivé en finale<br />
du concours <strong>Red</strong> Bull Illume Special<br />
Image Quest. Nous nous trouvions à<br />
des heures de toute assistance médicale,<br />
sans réseau. J’ai failli lâcher l’appareil<br />
quand j’ai vu Bradley atterrir. »<br />
bradleyslums.com ;<br />
Instagram : @tedescophoto
CHRIS TEDESCO/RED BULL ILLUME<br />
7
CERGY, <strong>FR</strong>ANCE<br />
L’énergie<br />
de Cergy<br />
La connaissance d’un lieu peut s’avérer<br />
inestimable pour un photographe.<br />
Théo Burette le vérifie avec ce cliché<br />
de Jonathan Viardot, « trickeur » d’arts<br />
martiaux. « Nous avons tous les deux<br />
grandi à Cergy, confie-t-il, et nous<br />
connaissons très bien son amphithéâtre<br />
où la principale source de lumière vient<br />
du pont. L’endroit idéal pour ce genre<br />
de photo. » Encore peu connu, le tricking<br />
combine des éléments d’arts martiaux,<br />
de gym et de breakdance. « Je voulais<br />
rendre la beauté de ses mouvements,<br />
au moment précis où le temps semble<br />
s’arrêter », explique Burette.<br />
theoburette.com
LAC DU BOURGET,<br />
<strong>FR</strong>ANCE<br />
Tel un<br />
mirage<br />
Depuis quand des VTT jaillissent des<br />
lacs ? Ne vous laissez pas bluffer par<br />
ce cliché de l’inventif photographe<br />
français Germain Favre-Felix : l’action<br />
qu’il a documentée est quasi normale.<br />
« L’idée m’est venue assez simplement,<br />
explique-t-il. Le lac du Bourget<br />
s’est mis à déborder et j’ai remarqué<br />
que l’eau commençait à passer sur les<br />
pontons. Du coup j’ai téléphoné à mon<br />
pote Léo Nobile pour lui dire qu’il y<br />
avait une super photo à faire. Il a un<br />
peu hésité, et puis il s’est pointé avec<br />
son vélo pour tenter le coup. »<br />
Instagram : @germ_photography<br />
THEO BURETTE/ RED BULL ILLUME, GERMAIN FAVRE FELIX/RED BULL ILLUME<br />
9
MATTEO PAVANA/RED BULL ILLUME
CASTELMEZZANO,<br />
ITALIE<br />
Parlons<br />
de toits<br />
Considéré comme l’un des plus beaux<br />
villages d’Italie, Castelmezzano, dans<br />
la province de Potenza, est un pôle<br />
d’attraction touristique. Mais voici un<br />
spectacle que ni les visiteurs ni les<br />
habitants ne s’attendaient à voir : le<br />
slackliner italien Benjamin Kofler<br />
s’aventurant au- dessus des toits.<br />
« Même avec le bruit ambiant, je pouvais<br />
entendre les commentaires de la<br />
foule rassemblée sur la Piazza Emilio<br />
Caizzo, rapporte le photographe italien<br />
Matteo Pavana, dont celui d’une<br />
dame âgée : “Oh mon Dieu, je ne peux<br />
pas regarder ce fou !” »<br />
theverticaleye.com<br />
11
TK<br />
Vue panoramique :<br />
voici la caméra<br />
360° montée sur<br />
Overview 1.<br />
RV SPATIALE<br />
Être sur orbite<br />
Du sulfate de magnésium dans l’eau pour simuler l’apesanteur.<br />
Le créateur d’une start-up techno américaine veut<br />
populariser l’expérience de la Terre vue de l’espace.<br />
Pour ce voyage interstellaire, un maillot suffit.<br />
Sous surveillance : une esquisse du satellite Overview 1<br />
qui transmet la vue depuis l’orbite terrestre basse.<br />
Observer la Terre en étant<br />
sur orbite a un impact psychologique<br />
indéniable. Un phénomène<br />
constaté dès les débuts<br />
des voyages dans l’espace,<br />
comme en témoignent les<br />
astronautes de la mission<br />
Apollo 11 en 1969 : voir leur<br />
propre planète dans sa globalité<br />
fut encore plus bouleversant<br />
que les premiers pas<br />
qu’ils ont effectués sur la lune.<br />
Ce moment où l’on réalise<br />
que la vie que nous connaissons<br />
repose sur la surface<br />
d’un monde fragile suspendu<br />
dans l’espace, est appelé<br />
overview effect ou effet d’ensemble,<br />
par l’écrivain Frank<br />
White dans son livre du même<br />
nom publié en 1987.<br />
Une source d’inspiration<br />
pour Ryan Holmes, fondateur<br />
et PDG de SpaceVR, qui a<br />
demandé à Frank White de<br />
l’aider à développer sa grande<br />
idée : expérimenter cet effet<br />
d’ensemble sans quitter la<br />
Terre. « Aller dans l’espace<br />
coûte environ 90 millions de<br />
dollars ; seulement 500 personnes<br />
ont eu l’occasion de<br />
vivre cette expérience, explique<br />
Holmes. Notre prix est de 99 $<br />
par personne. » Pour ce tarif, le<br />
sujet est placé dans un bassin<br />
de flottaison rempli d’eau et de<br />
sel d’Epsom pour transmettre<br />
cette sensation d’apesanteur<br />
puis, grâce à un casque étanche<br />
4K VR, plongé au cœur d’un<br />
enregistrement vidéo à 360 °<br />
de la Terre vue de l’espace.<br />
« De nombreux participants<br />
sont tellement émus par la profondeur<br />
de cette expérience<br />
qu’ils fondent en larmes », nous<br />
raconte Holmes.<br />
Aux États-Unis, l’expérience<br />
est déjà opérationnelle dans<br />
de nombreux spas. Mais ce<br />
n’est que la première étape du<br />
projet d’Holmes : l’an prochain,<br />
SpaceVR prévoit d’envoyer un<br />
satellite équipé d’une caméra<br />
à 360 ° – Overview 1 – dans<br />
l’orbite terrestre basse au<br />
moyen d’une fusée SpaceX.<br />
Financé par sa société et par<br />
une campagne Kickstarter,<br />
ce projet permettrait de diffuser<br />
la vue de la Terre en direct<br />
dans les bassins de flottaison.<br />
Pour Holmes, cela va bien<br />
au-delà d’une belle expérience ;<br />
il souhaite des changements<br />
positifs sur le public. « Il faut<br />
opérer un renversement dans<br />
le fondement même de l’humanité,<br />
déclare-t-il. Ceux qui<br />
reviennent sur Terre ont une<br />
idée plus claire de la manière<br />
dont fonctionne le monde et<br />
se sentent davantage concernés<br />
par la planète. »<br />
spacevr.co<br />
KLAUS THUMANN/INSTITUTE, SPACE VR LOU BOYD<br />
12 THE RED BULLETIN
Copyright © <strong>2020</strong> MNA, Inc. All rights reserved.<br />
THE TRACK DOESN’T<br />
MAKE ITSELF FAMOUS.<br />
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MIRA RAI<br />
Le bonheur est<br />
dans les pieds<br />
À 14 ans, elle quitte l’isolement familial pour rejoindre la guerre. Aujourd’hui,<br />
cette Népalaise court pour soutenir et motiver les femmes de son pays.<br />
Mira Rai, 31 ans, a remporté le 80 km<br />
du Mont-Blanc (un ultra- marathon<br />
très exigeant à travers les Alpes françaises)<br />
en juin 2015 avec 22 minutes<br />
d’avance sur le second et en explosant<br />
le record du vainqueur de 2014<br />
de six minutes. C’était la première<br />
course européenne de haut-niveau<br />
à laquelle participait cette Népalaise<br />
– 26 ans à l’époque. Seize mois plus<br />
tôt, elle ne savait même pas ce<br />
qu’était un ultra-marathon ; et douze<br />
ans auparavant, elle s’était enfuie<br />
de son village natal de Bhojpur pour<br />
s’engager comme enfant soldat<br />
dans la guerre civile népalaise. Huit<br />
semaines avant la course du Mont-<br />
Blanc, son pays était frappé par le<br />
tremblement de terre de Gorkha,<br />
causant la mort de 9 000 personnes.<br />
En franchissant la ligne d’arrivée,<br />
Rai a déployé le drapeau de son pays<br />
au-dessus de sa tête – un symbole<br />
d’espoir pour son pays qui a résonné<br />
dans le monde entier.<br />
Si Rai rejoint la révolution<br />
maoïste, ce n’est pas par choix politique<br />
mais parce qu’elle aspire à une<br />
vie meilleure que celle des femmes<br />
de son village. À la fin de la guerre,<br />
elle veut rester dans l’armée, mais<br />
on le lui refuse car à 17 ans, elle est<br />
encore mineure. Sa carrière de coureuse<br />
naît d’une rencontre fortuite<br />
lorsqu’en 2014, elle croise le chemin<br />
de deux coureurs qui l’invitent à une<br />
course. Rai s’inscrit au Himalayan<br />
Outdoor Festival 50 km. Elle n’a<br />
aucune préparation, court cette<br />
distance pour la première fois, et<br />
pourtant remporte la victoire. La<br />
première d’une longue série.<br />
À présent, Rai veut encourager<br />
les autres femmes népalaises à<br />
pratiquer ce sport et à reprendre le<br />
contrôle de leurs vies. « Courir me<br />
rend heureuse, nous confie-t-elle de<br />
son domicile à Katmandou, capitale<br />
du Népal. Quand on fait quelque<br />
chose qui rend heureux, la souffrance<br />
passe au second plan. »<br />
the red bulletin : Comment imaginiez-vous<br />
votre futur quand<br />
vous étiez jeune ?<br />
mira rai : Je viens d’un village très<br />
isolé. Faire de la course sportive<br />
était hors de question, mais je trottais<br />
dans les montagnes du matin au<br />
soir pour assurer la bonne tenue de<br />
notre foyer. Je me disais que si j’étais<br />
née ailleurs, dans une ville, j’aurais<br />
pu étudier, aller à l’école, poursuivre<br />
une carrière. Quand l’armée m’a disqualifiée,<br />
je me suis inscrite à l’université.<br />
Deux ans plus tard j’ai<br />
achevé mes études secondaires.<br />
Vous avez été enrôlée dans l’armée<br />
à 14 ans…<br />
Pas vraiment par choix. Je suis<br />
entrée dans l’armée populaire de<br />
libération (PLA, People’s Liberation<br />
Army, ndlr), pour offrir un meilleur<br />
futur à ma famille. J’y ai découvert<br />
la course sous son aspect sportif.<br />
L’Himalayan Outdoor Festival<br />
était votre premier marathon.<br />
J’avais participé à un semi-marathon<br />
de 21 km, mais je m’étais effondrée<br />
à 400 m de l’arrivée à cause de la<br />
chaleur. En ce qui concerne le HOF,<br />
je n’avais aucune idée du parcours<br />
ou de la distance, j’avais simplement<br />
été invitée par des coureurs de l’armée<br />
népalaise. Je n’en attendais<br />
rien. J’ai couru, et j’ai fini première.<br />
Vous étiez à peine équipée…<br />
Je portais des chaussures bon marché.<br />
Mes pieds étaient recouverts<br />
d’ampoules et les chaussures étaient<br />
complètement ruinées.<br />
Quand on vous regarde courir,<br />
même en compétition, vous avez<br />
l’air tellement calme.<br />
Je suis agile dans les montagnes et<br />
les collines escarpées me rappellent<br />
mon enfance. Quand on a couru<br />
dans les montagnes du Népal, on<br />
peut courir partout dans le monde.<br />
Mais j’ai du mal avec la course sur<br />
route, avec le plat.<br />
Dans quel état d’esprit étiez-vous<br />
pour la course du Mont-Blanc<br />
juste après les séismes ?<br />
Je me sentais forte. Après ma victoire,<br />
j’étais folle de joie, parce<br />
qu’elle appartenait à tous les Népalais<br />
du monde. J’étais heureuse de<br />
pouvoir offrir une médaille à notre<br />
pays si durement frappé.<br />
Aujourd’hui vous êtes plus qu’une<br />
coureuse : vous êtes une activiste.<br />
J’ai fondé la Mira Rai Initiative, une<br />
association de soutien aux femmes<br />
népalaises qui veulent devenir coureuses.<br />
Je veux leur offrir une plateforme<br />
– des cours d’anglais, des<br />
études universitaires, un entraînement<br />
physique, une prise en charge<br />
thérapeutique. Nous recrutons cinq<br />
coureuses par an et avons déjà complété<br />
deux cursus.<br />
À quels défis êtes-vous confrontée<br />
lorsque vous introduisez des<br />
femmes au monde du sport ?<br />
Il faut convaincre les parents, et<br />
ensuite faire comprendre à ces<br />
femmes que si elles s’y mettent<br />
sérieusement, ce ne sera que du<br />
positif. Nous avons envoyé plusieurs<br />
coureuses à Hong Kong, au Japon,<br />
à Oman – Sunmaya Budha et Humi<br />
Budha Magar – elles ont participé<br />
à des courses internationales et les<br />
ont gagnées. Mission accomplie.<br />
Suivez la fondation de Mira sur<br />
miraraiinitiative.org. Regardez son<br />
histoire dans l’épisode <strong>The</strong> Way<br />
of the Wildcard sur redbull.com<br />
MARTINA VALMASSOI TOM GUISE<br />
14 THE RED BULLETIN
« Courir me rend<br />
heureuse. La<br />
souffrance passe<br />
au second plan. »<br />
THE RED BULLETIN 15
SKIP MARLEY<br />
Mettons<br />
un Bob<br />
Cette année, Bob Marley, l’ambassadeur<br />
du reggae, aurait eu 75 ans.<br />
Son petit-fils a sélectionné quatre<br />
chansons majeures du formidable<br />
catalogue de Mr Bobby.<br />
Comme beaucoup dans son illustre<br />
famille, Skip Marley, 24 ans, s’est<br />
taillé une carrière dans la musique.<br />
Ayant fait ses premiers pas sur la<br />
scène en 2015, l’auteur-compositeur-interprète<br />
jamaïcain est revenu<br />
sur le devant de la scène l’année<br />
dernière avec les singles That’s Not<br />
True et Slow Down, ce dernier mettant<br />
en scène la star du R&B H.E.R.,<br />
récompensée par un Grammy<br />
Award. Cette année, la légende du<br />
reggae Bob Marley, mort en 1981<br />
à l’âge de 36 ans, aurait fêté ses<br />
75 ans. Skip se souvient de l’impact<br />
de la musique de son grand-père :<br />
« Sa détermination, sa discipline et<br />
son éthique de travail ont influencé<br />
le monde, y compris moi et la<br />
musique que je fais. » Voici ses<br />
quatre titres préférés.<br />
Le nouveau single de Skip, Make<br />
Me Feel, avec Rick Ross et Ari<br />
Lennox, est déjà disponible.<br />
Natty Dread<br />
(de l’album Natty Dread)<br />
« Mon grand-père a influencé<br />
ma façon de vivre et de penser.<br />
Il m’a inculqué une mission, et<br />
c’est pourquoi j’aime Natty<br />
Dread. C’est comme un hymne<br />
pour le rasta : “Peu importe le<br />
monde, je ne pourrais jamais<br />
m’égarer.” C’est une chanson<br />
qui m’a toujours accompagné<br />
dans mon travail, elle me<br />
conforte dans ma mission. »<br />
Revolution<br />
(également de Natty Dread)<br />
« Nous vivons une révolution en<br />
ce moment, ce titre est toujours<br />
d’actualité car il parle de<br />
vérité. Des chansons comme<br />
celle-ci nous rappellent la ferveur<br />
de mon grand-père. Nous<br />
sommes sa famille, nous vivons<br />
dans l’amour, nous sommes lui.<br />
Nous continuons à transmettre<br />
son héritage. L’amour ne peut<br />
pas prendre de congés. »<br />
<strong>The</strong> Heathen<br />
(de l’album Exodus)<br />
« C’est l’une des premières<br />
chansons où j’ai appris à tout<br />
jouer : batterie, basse, guitare,<br />
piano. <strong>The</strong> Heathen est une<br />
véritable racine brute. La vie est<br />
un combat. Nous devons continuer<br />
à survivre. Nous sommes<br />
en train de nous battre en ce<br />
moment. Il faut rester ferme,<br />
aller de l’avant et être assurés<br />
au plus haut niveau.»<br />
<strong>Red</strong>emption Song<br />
(de l’album Uprising)<br />
« Un de mes souvenirs d’enfance<br />
préférés : sur la plage<br />
avec ma famille, en train de<br />
chanter <strong>Red</strong>emption Song.<br />
C’est un hymne mondial, une<br />
histoire de survie, de combat<br />
qui a changé le monde : “Les<br />
vieux pirates, oui, ils me volent,<br />
ils me vendent aux navires<br />
marchands.” La chanson vous<br />
colle à la peau différemment. »<br />
JACK MCCAIN WILL LAVIN<br />
16 THE RED BULLETIN
On s’en<br />
grave un<br />
petit ?<br />
Le mini<br />
dubplate,<br />
un rêve<br />
devenu<br />
réalité.<br />
GAKKEN, PENTAGRAM LOU BOYD<br />
À l’époque où Yuri Suzuki était<br />
étudiant dans les années 90 à<br />
Tokyo, il avait deux obsessions :<br />
la musique punk et les vinyles.<br />
« J’ai toujours rêvé de fabriquer<br />
une machine me permettant<br />
de créer mes propres disques,<br />
raconte cet artiste sonore japonais<br />
âgé de 40 ans. Quand<br />
j’étais étudiant, j’essayais de<br />
réparer de vieilles machines à<br />
graver achetées dans des<br />
ventes au rabais, mais ça ne<br />
marchait jamais. » Trente ans<br />
plus tard, il invente un appareil<br />
qui permet de graver et de lire<br />
des enregistrements maison.<br />
L’Instant Record Cutting<br />
Machine (trad. machine de gravure<br />
de disque instantanée) –<br />
élaborée en partenariat avec<br />
Gakken, un fabricant de jeux<br />
éducatifs – se compose de<br />
deux bras : l’un pour la gravure<br />
des sillons sur le vinyle, l’autre<br />
pour la lecture audio.<br />
« On utilise la prise casque<br />
du portable pour se connecter<br />
via USB, explique-t-il. C’est<br />
assez sommaire : l’audio reçoit<br />
l’information sous formes de<br />
vibrations et le stylet grave le<br />
tout sur le vinyle. Mon projet<br />
n’était pas de fabriquer un<br />
équipement hifi, le son rendu a<br />
un côté bricolé et low-fi. »<br />
Certains s’en servent également<br />
pour créer de la musique.<br />
« Je connais un DJ qui s’en sert<br />
pour enregistrer des boucles<br />
lors de ses performances en<br />
public », ajoute Suzuki. Il les<br />
grave en situation sur un<br />
disque de 13 cm qu’il utilise<br />
pour la suite du show, ce qui en<br />
fait quasiment un instrument<br />
de musique à part entière.<br />
« Quand j’étais ado, je faisais<br />
tout le temps des mixtapes<br />
pour mes amis », raconte<br />
Suzuki. C’est cette touche<br />
émotionnelle des compilations<br />
K7 de l’époque que les gens<br />
retrouvent avec le procédé<br />
vinyle du Japonais. « Le côté<br />
palpable d’une galette vinyle<br />
sur laquelle tu poses le diamant<br />
– surtout si tu as créé ce vinyle<br />
toi-même – c’est quelque<br />
chose de vraiment unique. »<br />
yurisuzuki.com/design-studio/<br />
easyrecordmaker<br />
MACHINE DE GRAVURE<br />
Disque dure<br />
On pensait que le streaming avait enterré<br />
la bonne vieille compil K7. Mais un passionné<br />
japonais de son la fait revivre façon vinyle.<br />
Suzuki et son IRCM (comme on aime à l’appeler).<br />
THE RED BULLETIN 17
CODY CASSIDY<br />
L’histoire questionnée<br />
Qui a bu la première bière ? Qui a inventé les blagues ? En quoi les hommes<br />
préhistoriques sont-ils plus avancés que nous le pensons ? Un Américain<br />
s’est attaqué à ce genre de questions et y a apporté certaines réponses.<br />
Il y a encore des questions auxquelles<br />
même une recherche google<br />
n’apporte pas de réponse satisfaisante.<br />
Des questions qui nous<br />
passent soudain par la tête, comme<br />
« qui a bu la première bière ? » et<br />
« qui a inventé les inventions ? ».<br />
L’écrivain scientifique Cody Cassidy,<br />
âgé de 36 ans et originaire de San<br />
Francisco, a passé plus de trois ans<br />
à arpenter les librairies, à débattre<br />
avec des experts et à parcourir le<br />
monde pour résoudre tous ces mystères<br />
cachés derrière les innovations<br />
les plus significatives de l’humanité.<br />
Son nouvel ouvrage, Who Ate the<br />
First Oyster? <strong>The</strong> Extraordinary<br />
People Behind the Greatest Firsts<br />
in History (trad. Qui a mangé la première<br />
huître ?) déterre les histoires<br />
de 17 pionniers majeurs mais injustement<br />
méconnus – de la personne<br />
qui a découvert le feu à celle qui a<br />
raconté la première blague.<br />
the red bulletin : Quelle était<br />
l’idée derrière le livre ?<br />
cody cassidy : Quand on pense<br />
à l’histoire ancienne, on ne pense<br />
pas forcément en termes d’individus.<br />
Et pourtant, ce sont bien des génies<br />
singuliers qui ont inventé et découvert<br />
des choses que nous utilisons<br />
encore et toujours aujourd’hui. Mon<br />
livre s’intéresse à ces personnes et<br />
décrit leurs vies et les circonstances<br />
qui ont conduit à leur première fois.<br />
Comment avez-vous sélectionné<br />
ces premières fois ?<br />
Je me suis concentré sur ce que l’on<br />
sait qu’un individu a accompli. Il<br />
existe de nombreux exemples de<br />
premières fois qui ont probablement<br />
évolué au cours du temps, comme<br />
par exemple la première personne<br />
qui a inventé la religion ou parlé une<br />
langue – cela n’a pas été accompli<br />
par un seul et unique individu.<br />
Quel a été votre procédé de<br />
recherches ?<br />
Je me suis rendu dans des endroits<br />
tels que le nord de l’Italie pour<br />
visiter la scène du crime d’Ötzi<br />
(« l’homme des glaces » âgé de plus de<br />
5 300 ans, dont le corps momifié et<br />
bien conservé a été découvert en 1991,<br />
ndlr) et dans la grotte Chauvet pour<br />
voir le premier chef-d’œuvre pictural.<br />
Et j’ai lu énormément de publications<br />
scientifiques, qui m’ont<br />
certes apporté une base de compréhension<br />
nécessaire pour le sujet,<br />
mais souvent pas assez à mon goût,<br />
sur un individu spécifique. Je suis<br />
donc allé parler avec les auteurs et<br />
je les ai invités à émettre des hypothèses<br />
avec moi sur les motivations<br />
d’innover. Certaines de ces histoires<br />
prennent une direction inattendue.<br />
Comme l’invention de la roue, qui<br />
a probablement contribué à la diffusion<br />
de la peste noire en Europe.<br />
Quel est le point commun entre<br />
tous ces innovateurs ?<br />
Tous avaient un problème qu’ils<br />
essayaient de résoudre ; déjà il y<br />
a trois millions d’années de cela<br />
lorsqu’une jeune mère devait tenir<br />
un bébé dans ses bras. Faire une<br />
écharpe ne paraît pas très compliqué,<br />
mais à l’époque, les jeunes<br />
mères ont eu du mal. La taille de<br />
la tête des bébés grossissait mais le<br />
canal génital des mères restait identique,<br />
condition nécessaire pour<br />
marcher debout. Du coup, les bébés<br />
naissaient de manière prématurée,<br />
ce qui en faisaient des proies faciles.<br />
Alors, une maman a trouvé la<br />
manière de porter son bébé tout<br />
en continuant à récolter de la nour-<br />
riture. Grâce à l’écharpe, on pouvait<br />
enfin naître au début de notre développement<br />
– comme aujourd’hui –<br />
et les mères pouvaient nous porter<br />
environ un an avant que nous puissions<br />
marcher par nos propres<br />
moyens.<br />
Avons-nous trop de mépris pour<br />
le génie des inventions<br />
préhistoriques ?<br />
Oui. On fait cette erreur classique de<br />
penser que les hommes des cavernes<br />
étaient des sauvages illettrés et stupides.<br />
À cet égard, les BD et autres<br />
caricatures n’ont rien arrangé. En<br />
fait, ils étaient plus sophistiqués,<br />
ou en tout cas ils avaient bien plus<br />
de connaissances générales de leur<br />
environnement que nous actuellement.<br />
Ils devaient connaître tous les<br />
types de plantes et savoir comment<br />
les préparer et les manger. Regardez<br />
ce que nous considérons comme<br />
le premier chef-d’œuvre de l’art<br />
(le groupe de chevaux dans la cave<br />
Chauvet, ndlr) : il a été peint il y a<br />
33 000 ans pendant l’âge de glace.<br />
Impossible de le regarder sans y<br />
voir du génie.<br />
Que vous a apporté l’écriture de<br />
ce livre ?<br />
On part souvent du principe que<br />
c’est parce que nous sommes intelligents<br />
que nous avons des outils.<br />
Mais j’ai réalisé que c’est parce que<br />
nous avons inventé ces outils que<br />
nous sommes devenus intelligents.<br />
On pense souvent que ces outils sont<br />
de simples extensions naturelles de<br />
ce que nous sommes, alors que c’est<br />
souvent le contraire. La découverte<br />
de la bière a eu pour résultat l’un<br />
des plus grands changements de<br />
notre mode de vie. Ces outils et ces<br />
découvertes ne font pas qu’améliorer<br />
ou simplifier nos vies : très souvent,<br />
elles ont changé le cours de<br />
notre évolution.<br />
Who Ate the First Oyster?<br />
<strong>The</strong> Extraordinary People Behind<br />
the Greatest Firsts in History,<br />
en anglais, chez Penguin Books<br />
WOLFGANG ZAC FLORIAN OBKIRCHER<br />
18 THE RED BULLETIN
« Tous les<br />
innovateurs<br />
essayaient de<br />
résoudre un<br />
problème. »<br />
THE RED BULLETIN 19
Le Z-Triton :<br />
un genre de<br />
remake des<br />
Transformers<br />
(mais à petit<br />
budget).<br />
Z-TRITON<br />
Vacances à emporter<br />
Ce tricycle/caravane amphibie qui adapte le concept de minimaison au<br />
voyage d’évasion pourrait être la réponse aux vacances loin des foules.<br />
Il y a quelques années, lorsque<br />
le designer urbain Aigars<br />
Lauzis a imaginé le Z-Triton –<br />
un mélange de bateau, tricycle<br />
électrique et camping-car –<br />
l’idée de voyager dans une<br />
minimaison autosuffisante en<br />
aurait laissé plus d’un perplexe.<br />
En <strong>2020</strong>, l’invention de Lauzis<br />
passe pour visionnaire.<br />
Il a développé le concept<br />
lors d’un périple de 31 100 km<br />
à vélo entre Londres et Tokyo.<br />
Au cours du séjour, il s’est mis<br />
à imaginer comment il pouvait<br />
faire de ce voyage une expérience<br />
familiale. « J’ai imaginé<br />
une minimaison amphibie avec<br />
une alimentation électrique et<br />
solaire, explique-t-il. On peut<br />
rouler, naviguer, et le petit<br />
camping-car permet d’y dormir<br />
en totale immersion dans<br />
la nature. »<br />
Tous les<br />
frissons<br />
du tour du<br />
monde à<br />
vélo et du<br />
sommeil<br />
à la belle<br />
étoile, mais<br />
sans les<br />
piquets<br />
de tente.<br />
Le Z-Triton peut passer pour<br />
un gros jouet flottant, mais en<br />
fait, c’est un concentré de technologies<br />
: le tricycle peut parcourir<br />
les routes à une vitesse<br />
de 40 km/h et se transforme<br />
en bateau à moteur pour naviguer<br />
en eau douce. L’habitacle<br />
dispose d’éclairage, de chauffage<br />
et abrite une kitchenette.<br />
À l’avant, il y a suffisamment<br />
de place pour un passager pendant<br />
que l’autre pédale et il y a<br />
même un siège d’appoint pour<br />
les animaux.<br />
Lauzis espère que le Z-Triton<br />
sera une source d’inspiration<br />
pour lancer une nouvelle mode<br />
de voyages naturalistes à propulsion<br />
humaine.<br />
« Même s’il y a une assistance<br />
électrique, la première<br />
source d’énergie c’est nousmême,<br />
affirme-t-il. J’ai envie<br />
de rester en forme et de voyager<br />
au moyen de ma propre<br />
énergie – pour créer quelque<br />
chose à la fois sympa et un<br />
peu dingue tout en abordant<br />
certains enjeux mondiaux. »<br />
zeltini.com<br />
AIGARS LAUZIS, GATIS PRIEDNIEKS-MELNACIS LOU BOYD<br />
20 THE RED BULLETIN
ALPHATAURI.COM
BEAUTÉ DURE<br />
Les skateurs n’appréhendent pas la ville comme vous<br />
et moi : là où nous voyons du béton, ils voient un<br />
immense espace d’expression. Un instinct créatif que<br />
le photographe français <strong>FR</strong>ED MORTAGNE a sublimé.<br />
Texte ANDREAS WOLLINGER<br />
Photos <strong>FR</strong>ED MORTAGNE<br />
À PLEIN TUBE<br />
Ces énormes cylindres traînaient<br />
devant une usine de chaudronnerie,<br />
en banlieue lyonnaise – de quoi<br />
ravir le Grenoblois Charles Collet,<br />
grand nom du skate et ébéniste.<br />
23
ITINÉRAIRE BIS<br />
Charles Collet, encore lui : cette<br />
fois-ci, c’est un pilier d’autoroute<br />
près de Mâcon qu’il prend pour<br />
terrain de jeu.<br />
25
DÉCOLLAGE IMMINENT<br />
À voir la détermination sur le visage<br />
de Nick Garcia, on se dit que le<br />
Californien est sur le point de nous<br />
livrer un trick somptueux.<br />
26
POUR LA JOIE DE<br />
MONSIEUR LE MAIRE<br />
Si la place devant la mairie de<br />
Créteil fascine Fred depuis vingt<br />
ans, ce n’est que très récemment<br />
qu’il est parvenu à mettre en lumière<br />
toute sa beauté. Avec cette<br />
photo du Finlandais Jaakko Ojanen.
COUP DOUBLE<br />
On a souvent comparé le musée<br />
d’art contemporain de Niterói<br />
(près de Rio de Janeiro), conçu par<br />
l’architecte-star Oscar Niemeyer,<br />
à un ovni. Ce cliché y mettant en<br />
scène Hernando « ÑaÑo » Ramirez<br />
ne peut que le confirmer.<br />
29
L’EFFET MIROIR<br />
Dans un recoin de l’Institut du<br />
monde arabe, à Paris : un Australien<br />
(Sammy Winter), un switch<br />
kickflip… Une seconde de grâce.<br />
30
PARKING LOINTAIN<br />
Jérémie Daclin évoluant dans le<br />
parking du Centre des congrès<br />
à Tokyo… Une photo que Fred<br />
a prise du dix-septième étage<br />
de son hôtel.
ET LA LUMIÈRE FUT<br />
Un aqueduc au milieu de nulle part,<br />
dans un coin paumé de la Californie :<br />
pour l’Américain Brandon Westgate,<br />
il s’agit surtout de ne pas se cogner<br />
la tête sur les poutres en métal.<br />
« J’ai attendu trois ans pour avoir<br />
la lumière parfaite », dit Fred.<br />
33
« Tu as beau essayer<br />
encore et encore,<br />
il y a toujours un truc<br />
qui cloche. Et puis<br />
tout à coup, bam,<br />
on y est ! »<br />
Fred Mortagne
RESTER DE GLACE<br />
Les risques du métier : Charles<br />
Collet vient de se tordre la cheville<br />
et se repose avec une compresse<br />
refroidissante posée dessus…<br />
ah non pardon, c’est un sachet de<br />
petits pois surgelés.<br />
35
À Jaws, Hawaï,<br />
en 2016, le swell<br />
produit par El Niño<br />
s’associe au surfeur<br />
pro Kai Lenny.<br />
<strong>FR</strong>ED POMPERMAYER<br />
36
A U X S O U R C E S<br />
D U W A T E R M A N<br />
À la veille de la sortie de sa série, Life of Kai, l’as des sports d’eau,<br />
KAI LENNY, 28 ans, ravive son étincelle créative à domicile,<br />
à Hawaï, et redécouvre pourquoi il est tombé amoureux<br />
de l’océan en premier lieu.<br />
Texte CHRISTINE YU
Kai Lenny devant<br />
les vagues, à<br />
domicile, à Paia, Maui,<br />
en octobre 2019.
JAKE MAROTE<br />
Kai Lenny dit qu’il est à la recherche du<br />
plaisir à l’état pur. Ne l’a-t-il pas toujours<br />
été ? Mais il aura finalement fallu une<br />
pandémie mondiale pour parvenir<br />
à ralentir l’Américain.<br />
Je ne vous étonnerai pas si je vous dis<br />
qu’il n’aura fallu que deux minutes pour<br />
que le surfeur professionnel de 28 ans<br />
ne commence à s’agiter. Même au téléphone,<br />
son énergie contagieuse se transmet<br />
et il ne fait aucun doute qu’il n’aime<br />
pas l’immobilité. Après tout, c’est le<br />
même gars que ses parents emmenaient<br />
tous les jours à la plage quand il était<br />
petit afin de l’épuiser pour qu’il dorme<br />
toute la nuit. Désormais, il a l’habitude<br />
de prendre l’avion toutes les semaines.<br />
Ou presque. « C’est probablement la<br />
plus longue période passée à la maison<br />
depuis mes 12 ans ou quelque chose<br />
comme ça », nous dit-il.<br />
C’est ainsi qu’il a fini par traverser le<br />
Canal de Kauai sur un catamaran à foils<br />
avec le double champion de la World<br />
Surf League, John John Florence, à la<br />
mi-juillet. « Nous étions au téléphone et<br />
nous nous sommes dit : “Hey, on devrait<br />
faire quelque chose d’amusant. Et si<br />
nous naviguions sur notre catamaran<br />
d’Oahu à Kauai ? On le fait !” », rembobine<br />
Lenny.<br />
Une semaine plus tard, ils quittaient<br />
Oahu à bord du Flying Phantom de<br />
Florence. Ce bateau ressemble à un vaisseau<br />
spatial. Les foils descendent des<br />
coques rouge vif, soulevant le bateau et<br />
lui permettant de filer sur l’eau. Lenny<br />
et Florence sont suspendus sur le côté,<br />
de façon assez précaire. Neuf heures plus<br />
tard, ils arrivaient à Hanalei sur l’île de<br />
Kauai. Interrogé sur la traversée, Lenny<br />
répond, enthousiaste : « C’était super ! »<br />
Mais ce qui a emballé Lenny n’est pas<br />
tant le défi de la traversée du Canal que<br />
la spontanéité derrière cela. En temps<br />
normal, il aurait fallu un an ou plus<br />
pour réaliser quelque chose de semblable.<br />
Lenny et Florence (et leurs collaborateurs)<br />
auraient dû coordonner leurs<br />
horaires. Entre les compétitions, les obligations<br />
liées au sponsoring et les autres<br />
projets, les chances de trouver un jour<br />
ou deux de chevauchement où les deux<br />
auraient été chez eux à Hawaï auraient<br />
été pratiquement nulles.<br />
Cette spontanéité constitue un<br />
contraste énorme avec la façon dont<br />
Lenny mène généralement sa vie méticuleusement<br />
concentrée sur la poursuite de<br />
grands projets et d’objectifs importants.<br />
« Il est incroyable de candeur – “Je peux<br />
le faire, je vais le faire !” – pendant que<br />
tout le monde dit : “Tu es complètement<br />
fou, mec” », dit Johnny DeCesare, le<br />
fondateur de Poor Boyz Productions<br />
qui filme Lenny depuis l’âge de 11 ans.<br />
« Il voit les choses différemment. Ce qu’il<br />
voit vraiment, c’est l’occasion et la<br />
possibilité. »<br />
Lenny avait des projets pour <strong>2020</strong> :<br />
voyager avec ses amis, pourchassant<br />
les vagues gigantesques de chacune<br />
des grandes houles du monde tout en<br />
se donnant à fond sur le circuit de la<br />
compétition. « Dès que je me suis vraiment<br />
engagé, c’est littéralement comme<br />
si le monde entier s’était arrêté », dit-il.<br />
Alors que ses objectifs sont pour<br />
l’instant en suspens, son dernier projet,<br />
Life of Kai, lancé en octobre, offre un<br />
aperçu de certains des exploits innovants<br />
et époustouflants que l’athlète<br />
professionnel a réalisés et dont il est<br />
capable. Ses autres séries web, comme<br />
Positively Kai et 20@20, qui ont débuté<br />
cet été, présentent les aventures amu-<br />
Enfant de Maui, le jeune Kai Lenny a trouvé ses mentors en s’inspirant<br />
de Laird Hamilton, Dave Kalama et Robby Naish.<br />
39
santes de Lenny et ses performances<br />
qui défient la physique, tant au niveau<br />
national qu’international. En revanche,<br />
Life of Kai suit Lenny dans sa quête et<br />
sa réalisation d’importants projets, qu’il<br />
s’agisse d’un stage de survie surf ou de<br />
compétitions comme le Peahi Challenge<br />
ou le Nazaré Tow Surfing Challenge.<br />
« Je pense que la vision générale<br />
qu’ont les gens de la plupart des athlètes<br />
professionnels, la mienne y compris, est<br />
qu’il ne suffit que d’y aller et de le faire,<br />
dit-il. Je souhaitais vraiment capturer<br />
ce que je dois traverser – les bons et les<br />
mauvais moments, les plus difficiles<br />
aussi, tout ce qui mène à mes meilleurs<br />
moments, que ce soit sur le podium ou<br />
sur la plus grosse vague de ma vie. » Il<br />
veut aussi inspirer les gens. « Combien<br />
de toi es-tu prêt à investir pour accomplir<br />
quelque chose… et quelle passion<br />
alimente ce feu ? Cette détermination<br />
indéfectible est mon secret. J’espère que<br />
j’inspirerai les jeunes à suivre leur passion<br />
et à se dire que si je peux le faire,<br />
ils peuvent le faire aussi », déclare-t-il.<br />
« Combien de toi es-tu prêt<br />
à investir pour accomplir<br />
quelque chose… et quelle<br />
passion alimente ce feu ? »<br />
Lenny est un jeune prodige dont les<br />
parents ont déménagé à Maui pour<br />
faire du windsurf. Il a lui-même<br />
été un jeune prodige de cette discipline,<br />
un petit garçon qui volait haut au-dessus<br />
des vagues au Hookipa Beach Park et<br />
qui cousait des mini-voiles et des cerfsvolants<br />
alors qu’il était à l’école Montessori.<br />
Parmi ses mentors figurent Laird<br />
Hamilton, Dave Kalama, Robby Naish<br />
et d’autres pionniers célèbres qui inventaient<br />
littéralement de nouveaux sports<br />
nautiques tout près de chez lui. Cela a<br />
déteint sur Lenny. Il est plusieurs fois<br />
champion du monde de stand up paddle<br />
(il a remporté son premier titre à l’âge<br />
de 18 ans), vainqueur des éreintants<br />
Molokai 2 Oahu Paddleboard World<br />
Championships et l’un des meilleurs<br />
wind et kitesurfeurs. Hé oui, il surfe<br />
aussi et peut aussi faire des aerials<br />
impressionnants sur shortboard.<br />
Lenny n’est pas seulement un<br />
excellent athlète. C’est un waterman<br />
doué. Il a une vision aiguë de l’océan<br />
et l’observe différemment que la plupart<br />
des gens. « Il voit la surface de la mer<br />
et ce qui se trouve dessous, et utilise<br />
cette énergie », dit DeCesare. Dans les<br />
grosses vagues, DeCesare dit que l’esprit<br />
de Lenny est comme une calculatrice,<br />
mettant la peur de côté pour calculer les<br />
variables et les facteurs. Cela lui donne la<br />
confiance pour performer dans des<br />
conditions qui effraieraient des humains<br />
<strong>FR</strong>ED POMPERMAYER<br />
40
Jaws, janvier 2015 :<br />
Lenny fait avec<br />
la pluie pour trouver<br />
son climax au bout<br />
de l’arc-en-ciel.
normalement constitués. Difficile d’imaginer<br />
que le gamin au large sourire<br />
espiègle n’ait pas eu automatiquement<br />
son ticket d’entrée quand il était plus<br />
jeune. En vérité, il n’était pas pris au<br />
sérieux car c’était un athlète multisports.<br />
Ses premières amours étaient le windsurf,<br />
le stand up paddle et le kitesurf<br />
alors que tout le monde faisait du surf.<br />
Même ses mentors comme Naish ont<br />
essayé de le préparer au jour où il devrait<br />
ranger une partie de son équipement et<br />
se consacrer à un seul sport. Son père<br />
Martin se souvient d’avoir vu d’autres<br />
jeunes asticoter son fils et lui demander<br />
s’il voulait uniquement se concentrer sur<br />
le surf. Lenny a regardé son père et lui a<br />
dit : « Pourquoi voudrais-je faire ça ? Tout<br />
ce que je fais est tellement chouette. »<br />
Au fond de lui-même, Lenny savait<br />
qu’il pouvait être un waterman complet.<br />
Il aimait l’océan et ne voulait pas se<br />
laisser cataloguer. Il voulait profiter de<br />
toutes les conditions offertes et utiliser<br />
tout l’équipement dont il avait besoin<br />
pour sortir et s’amuser. Mais même<br />
quand Lenny est devenu un athlète doué<br />
et un champion de stand up paddle, il<br />
n’avait toujours pas vraiment acquis de<br />
crédibilité. Les autres surfeurs étaient<br />
du genre : « Stand up paddle kid, windsurfeur,<br />
weirdo. Ils ne lui ont pas vraiment<br />
accordé beaucoup de crédit en tant<br />
que surfeur », raconte DeCesare.<br />
Il a fallu un certain temps à Lenny<br />
pour gagner le respect de ses pairs et<br />
c’est son surfing sur les grosses vagues<br />
qui l’a aidé à faire ses preuves. Lenny a<br />
surfé sur les énormes vagues de Peahi,<br />
le célèbre break de Maui, également<br />
connu sous le nom de Jaws, sur tous les<br />
types de planches depuis l’âge de 16 ans.<br />
Il est capable de réaliser de bonnes performances<br />
justement grâce à son expérience<br />
en windsurf et en kitesurf. On a<br />
commencé à parler de lui, d’autant plus<br />
lorsqu’il s’est mis à se concentrer davantage<br />
sur le surf.<br />
« On a réalisé que Lenny n’était pas<br />
un surfeur unidimensionnel, mais un<br />
surfeur complet, des grosses vagues à<br />
celles de Sunset, du Pipeline aux figures<br />
aériennes de shortboard et aux vagues<br />
géantes de tow-in surfing. C’est maintenant<br />
un champion dans le monde des<br />
grosses vagues », explique DeCesare. En<br />
2019, Lenny a remporté deux Big Wave<br />
Awards : XXL Biggest Wave et performance<br />
globale chez les hommes. Pour<br />
les <strong>Red</strong> Bull Big Wave Awards <strong>2020</strong>, il<br />
a été nominé à cinq reprises dans trois<br />
catégories.<br />
Un tournant majeur s’est produit<br />
lorsque Lenny a commencé à performer<br />
sur le circuit des grosses vagues. Il a<br />
remporté la compétition de Puerto<br />
Escondido en 2017. Il a répété l’exploit<br />
en remportant le Nazare Tow Surfing<br />
Challenge avec son coéquipier Lucas<br />
« Chumbo » Chianca en février <strong>2020</strong>.<br />
Lenny et Chianca sont à la fois bons amis<br />
et adversaires. Ils étaient ensemble au<br />
camp de survie surf, ce qui a renforcé<br />
leur amitié et leur confiance aveugle :<br />
en tant que partenaires, ils savaient que<br />
l’un irait chercher l’autre sur un jet-ski<br />
si des vagues de vingt mètres menaçaient<br />
de les engloutir. Cette solide camaraderie<br />
a permis à Lenny de participer à la<br />
compétition en étant calme, concentré<br />
et serein.<br />
Le talent de Lenny et de Chianca sur<br />
les grosses vagues est devenu manifeste<br />
au Portugal. « Lucas et moi voulons surfer<br />
sur les plus grosses vagues du monde,<br />
mais pas seulement glisser dessus et survivre.<br />
Nous voulons accomplir des performances<br />
et des manœuvres géantes,<br />
dit-il. Depuis des années, je me concentre<br />
sur la manière dont je peux transposer<br />
les manœuvres de snowboard vers le surf<br />
sur grosses vagues. Ces gars peuvent le<br />
faire sur de grosses montagnes en<br />
Alaska. Pourquoi ne pourrais-je pas le<br />
faire sur de grosses vagues dans<br />
l’océan ? » Alors que d’autres ont peutêtre<br />
choisi des voies plus sûres, Lenny a<br />
choisi d’autres avenues et fait des 360 °<br />
tout en dévalant les parois abruptes des<br />
vagues de Praia do Norte.<br />
Une fois hors de l’eau, Lenny a<br />
regardé les images sur un portable. Il a<br />
gloussé et a dit : « J’adore le surf sur les<br />
grosses vagues. »<br />
Kai Lenny savait qu’il pouvait<br />
être un waterman complet.<br />
Il aimait l’océan et ne voulait<br />
pas se laisser cataloguer.<br />
JAKE MAROTE<br />
42
Un instant de<br />
réflexion : Lenny<br />
en toute quiétude<br />
avant une session<br />
de surf à Hookipa le<br />
6 octobre 2019.
« Il n’a jamais été question de<br />
battre quelqu’un, mais plutôt<br />
de me battre moi-même. »
Pourtant, malgré son succès et la reconnaissance<br />
qu’il a acquise au sein de la<br />
communauté du surf, on s’attendrait<br />
à ce que Lenny ait conservé une certaine<br />
rancœur. Mais il se concentre plutôt sur<br />
la performance au plus haut niveau et<br />
sur l’élimination du plus grand nombre<br />
possible de zones d’ombre.<br />
« Pour moi, il n’a jamais été question<br />
de battre quelqu’un d’autre, mais plutôt<br />
de me battre moi-même », concède-t-il.<br />
Il aime se montrer à la hauteur dans les<br />
compétitions où il affronte les meilleurs<br />
du monde. Cela l’oblige à se surpasser,<br />
à aller là où il n’irait pas s’il n’y avait pas<br />
de pression – ou ce qu’il appelle l’encouragement<br />
– de quelqu’un qui surfe mieux<br />
que lui. « La raison pour laquelle j’ai été<br />
si constant et que je me suis amélioré<br />
dans tous mes sports vient de ma passion<br />
profonde pour ce que je fais. J’aime le<br />
sport jusqu’à ses aspects techniques,<br />
comme mon équipement. J’aime le fait<br />
que, en fin de compte, je peux réaliser<br />
quelque chose que je ne pouvais pas faire<br />
avant. En plus, j’aime l’aspect artistique<br />
de tout cela », développe-t-il.<br />
Cette poussée inlassable vers le progrès<br />
et l’innovation est inscrite dans<br />
l’ADN de Lenny. Dès son plus jeune âge,<br />
ses parents l’ont aidé à se fixer des objectifs,<br />
des petits pas qui lui ont permis de<br />
se frayer peu à peu un chemin jusqu’à<br />
chevaucher des vagues de la taille d’une<br />
montagne. Par exemple, lorsqu’il avait<br />
environ neuf ans, son père Martin lui a<br />
montré le spot de Hookipa où tous les<br />
windsurfeurs finissent par se retrouver.<br />
Martin lui a appris par où arriver afin<br />
de pouvoir monter au milieu des rochers.<br />
« Quand il y allait et qu’il poussait ses<br />
limites, il prenait des coups. Mais on<br />
le voyait négocier autour des rochers.<br />
Il savait ce qu’il faisait et ça allait », se<br />
remémore Martin.<br />
Ado, Lenny s’asseyait avec son père<br />
pour établir la feuille de route des<br />
objectifs qu’il voulait atteindre. Ils la<br />
revoyaient ensemble chaque année,<br />
la peaufinaient ici et là et ajoutaient<br />
d’autres buts. Aujourd’hui, au lieu de<br />
déterminer la date à laquelle il deviendra<br />
champion du monde, son père dit<br />
que Lenny pense à des objectifs plus<br />
ambitieux et trace sa voie vers une<br />
carrière d’athlète professionnel qui<br />
durera toute sa vie.<br />
JAKE MAROTE<br />
Prouesses du<br />
quotidien, octobre<br />
2019 : Lenny réalise<br />
un backflip avec son<br />
foil board dans les<br />
vagues de Hookipa.<br />
45
Quand vous donnez à Lenny un<br />
peu de corde et de liberté, il est<br />
difficile de le suivre. En fait, la<br />
contrainte de rester à la maison a permis<br />
à Lenny de devenir encore plus créatif<br />
et de s’amuser davantage. Au lieu de<br />
s’entraîner pour sa prochaine compétition,<br />
de vérifier méticuleusement son<br />
matériel pour son prochain voyage ou<br />
de s’inquiéter de ses obligations liées<br />
au sponsoring, il se reconnecte avec ce<br />
qu’il veut faire.<br />
« J’ai maintenant la possibilité de me<br />
concentrer sur ce qui a attiré mon attention<br />
quand j’étais petit, lorsque je suis<br />
tombé amoureux de ce sport, c’est-à-dire<br />
le sport lui-même au lieu de ce qui l’entoure,<br />
vous comprenez ? » Il est plus soucieux<br />
de perfectionner les subtilités de<br />
diverses manœuvres comme la sensation<br />
de regarder par-dessus son épaule<br />
gauche quand il fait un flip en windsurf<br />
ou de bien négocier l’amerrissage quand<br />
il fait un 360 ° dans les airs lorsqu’il surfe.<br />
Il a aussi développé de nouvelles figures.<br />
Après des mois de cocooning à la maison,<br />
de reconstruction, d’entraînement et<br />
de préparation sans distractions ni obligations<br />
externes, il ne serait pas surprenant<br />
que Lenny explose à nouveau sur la scène<br />
une fois que les compétitions reprendront<br />
et que les restrictions de voyage seront<br />
levées. Il dit que cela lui a donné une<br />
nouvelle perspective, plus introspective<br />
et plus analytique. Au cours des derniers<br />
mois, Lenny a essayé de décomposer les<br />
situations pour comprendre ce qui lui<br />
permet d’être qui il est et de vivre ses<br />
meilleurs moments. « Est-ce quand<br />
mon équipement est ajusté d’une telle<br />
manière ? Est-ce la façon dont je me<br />
réveille ou celle dont je l’aborde ? Est-ce<br />
que j’aime être un peu plus détendu ou<br />
plutôt concentré ? Ce genre de choses me<br />
permettra d’être encore plus performant<br />
quand tout reviendra à la normale ».<br />
Et Lenny est impatient de retrouver<br />
tout cela car il a encore beaucoup d’objectifs.<br />
« Avec le foiling, je veux chevaucher<br />
une énorme houle au milieu de<br />
l’océan et voyager d’une masse terrestre<br />
à l’autre. Avec le big wave riding, je veux<br />
surfer sur les plus grandes vagues du<br />
monde et sur des parties de la vague que<br />
personne ou presque n’a jamais faites. »<br />
Il y aura peut-être aussi une deuxième<br />
partie de Life of Kai dans le futur. Et<br />
encore, ce n’est que ce qui lui vient à<br />
l’esprit pour le moment. Il y a beaucoup<br />
de missions qu’il n’a même pas encore<br />
imaginées.<br />
« Ce que je veux, c’est tout faire. Je<br />
vois quelqu’un à l’autre bout du monde<br />
réaliser quelque chose d’incroyable et il<br />
faut ensuite que je m’y essaie. L’approche<br />
de ces personnes m’inspire tellement. En<br />
ce qui me concerne, bien plus que d’arriver<br />
à ce point, c’est son accomplissement<br />
qui m’intéresse. Pour le reste de ma vie,<br />
tant que j’aurai des objectifs devant moi,<br />
j’aurai toujours du plaisir et je m’éclaterai<br />
», assure Kai Lenny dans un sourire.<br />
« Ce que je veux, c’est tout<br />
faire. Tant que j’aurai des<br />
objectifs, j’aurai du plaisir. »<br />
<strong>FR</strong>ED POMPERMAYER
Le photographe<br />
Fred Pompermayer<br />
a capturé cet instant à<br />
Jaws, en janvier <strong>2020</strong> :<br />
« Dès que Kai est à<br />
l’eau, quelque chose<br />
de spécial est sur le<br />
point de se produire. »<br />
47
Confiance<br />
est force<br />
Elle tord son corps dans<br />
des positions incroyables,<br />
fait des équilibres au bord<br />
de précipices, réalise<br />
des records du monde<br />
démentiels… L’artiste ATR<br />
et athlète de l’extrême<br />
autrichienne STEFANIE<br />
MILLINGER va toujours<br />
plus loin. Une discussion<br />
sur l’art de se rester fidèle,<br />
celui d’éviter les erreurs<br />
et le courage, de vivre<br />
pleinement son talent.<br />
Texte PAULINE LUISA KRÄTZIG<br />
Photos RICK GUEST<br />
48 THE RED BULLETIN
Stefanie Millinger,<br />
28 ans, en équilibre<br />
au sommet de l’Hôtel<br />
Daniel (dans le centre<br />
de Vienne, Autriche).
« Mon corps se régénère<br />
rapidement et me<br />
pardonne beaucoup. »<br />
I l est difficile de décrire Stefanie Millinger.<br />
C’est une acrobate, une contorsionniste, une<br />
équilibriste, une star des sports extrêmes – sauf<br />
qu’aucun de ces termes ne lui convient parfaitement.<br />
C’est parce que l’Autrichienne de 28 ans,<br />
1,54 mètre, s’est taillé une place incomparable<br />
dans son domaine, faisant preuve d’une force<br />
et d’une souplesse extraordinaires : en réalisant<br />
une série de 342 équilibres en équerre en<br />
52 minutes sans que ses pieds ne touchent le sol,<br />
un record du monde officieux ; elle peut aussi<br />
utiliser n’importe quel support pour ses exercices<br />
(elle peut porter le poids de son corps rien<br />
qu’avec la bouche). Il est tout aussi probable<br />
de la voir sur un toit, accrochée à un pont ou<br />
au bord d’une falaise, et presque toujours sans<br />
filet. La seule sécurité dont elle dispose est sa<br />
confiance en elle.<br />
Cela vaut tant dans la vie de tous les jours<br />
qu’au sommet d’une falaise. Stefanie Millinger<br />
a dû enchaîner les petits boulots pour payer<br />
son loyer tout en consacrant six à dix heures par<br />
jour à son entraînement. Elle a balayé les critiques<br />
qui ne voyaient pas d’avenir dans ses spectacles<br />
acrobatiques hallucinants. Grâce à ses<br />
400 000 followers Instagram ou le soutien de<br />
fans très en vue comme le comédien et podcasteur<br />
américain Joe Rogan, Stefanie Millinger<br />
assure sa voie : à l’envers, n’utilisant que ses<br />
pieds. Et ses mains.<br />
50 THE RED BULLETIN
Au premier abord,<br />
Stefanie Millinger<br />
est timide. À bien y<br />
regarder, c’est une<br />
femme aux muscles<br />
qui en imposent.
Freestyle au-dessus<br />
de la ville. Le voilier<br />
est une œuvre de<br />
l’artiste autrichien<br />
Erwin Wurm, sur le<br />
toit de l’Hôtel Daniel.
the red bulletin : Hello, Stefanie !<br />
Je peux vous interviewer pendant<br />
qu’on vous maquille ?<br />
stefanie millinger : Bien sûr, je suis<br />
flexible.<br />
Ça se voit : personne ne se contorsionne<br />
sur une chaise comme vous.<br />
Demeurer assise bien droit n’est manifestement<br />
pas votre truc…<br />
Ne rien faire du tout est la chose la plus<br />
difficile pour moi. Ma mère pourrait<br />
vous le confirmer. Même enfant, j’avais<br />
l’habitude d’être toujours fourrée partout<br />
et de me suspendre aux branches et à<br />
tout ce qui se trouvait en hauteur.<br />
On prend souvent modèle sur ses<br />
parents. Que font les vôtres ?<br />
Mon père est entrepreneur de pompes<br />
funèbres ; ma mère, employée des télécommunications<br />
autrichiennes. Personne<br />
d’autre dans ma famille n’est acrobate<br />
ou gymnaste.<br />
D’où vous vient cet amour pour le<br />
contorsionnisme ?<br />
J’ai commencé à faire de la voltige<br />
équestre à l’âge de 13 ans. J’ai donc fait<br />
de la gymnastique à cheval et aussi de<br />
l’équilibre sur les mains. J’aimais cette<br />
position et l’amplitude des mouvements<br />
qu’elle permettait et je l’ai essayée chez<br />
moi dans ma chambre. Puis je suis devenue<br />
accro, comme pour les tatouages –<br />
je voulais m’arrêter au dixième et depuis<br />
deux semaines, j’en ai douze.<br />
© MISCONCEIVABLE PAR ERWIN WURM/HÔTEL DANIEL VIENNE, AUTRICHE<br />
Vous aviez un but en particulier ?<br />
Rien du tout. Je l’ai d’abord fait juste pour<br />
moi et j’aimais la sensation. Puis j’ai augmenté<br />
le nombre de minutes où je pouvais<br />
me tenir en équilibre sur les mains.<br />
J’ai monté un programme d’entraînement<br />
avec des exercices de stabilisation, de<br />
force et d’étirement et me suis levée à<br />
4 heures tous les matins pour m’entraîner<br />
avant l’école à la voltige équestre.<br />
Comment vous est venue l’idée de<br />
faire de l’ATR (appui tendu renversé)<br />
votre métier ?<br />
Comme la plupart des gens, j’étais désorientée<br />
au sujet de mon avenir pendant<br />
que j’étais à l’école et après. Enfant, je<br />
jouais souvent au cirque, je construisais<br />
une piste avec des chaises, je faisais du<br />
pop-corn et faisais ensuite tous les numéros<br />
pour mon public. J’étais tour à tour<br />
animal, acrobate et clown. J’ai pris les<br />
faits en considération ainsi que mes<br />
« Je me suis levée<br />
à 4 heures tous les<br />
jours pour m’entraîner<br />
avant l’école. »<br />
attentes et j’ai trouvé quelque chose qui<br />
m’a plu, quelque chose que je voulais<br />
prendre comme base.<br />
Vous avez en effet passé trois<br />
semaines avec le Cirque du Soleil<br />
au Canada en 2014.<br />
C’était un grand honneur pour moi de<br />
pouvoir faire partie de ce monde du<br />
cirque que j’aimais tant enfant. Mais j’ai<br />
compris assez vite que le monde du<br />
showbiz ne me correspondait pas. Je suis<br />
une artiste, j’ai besoin de me renouveler<br />
quotidiennement.<br />
Vous avez eu beaucoup de succès avec<br />
la voltige équestre et avez remporté la<br />
médaille de bronze au pas de deux<br />
avec votre partenaire aux Championnats<br />
d’Europe en 2015.<br />
J’avais 25 ans à l’époque, il fallait que je<br />
me décide. La voltige équestre est un<br />
sport marginal, on y investit beaucoup<br />
d’argent mais cela ne rapporte rien. Et<br />
comme passe-temps, cela n’allait plus.<br />
Je ne fais pas les choses à moitié.<br />
Mais vous ne pouviez pas savoir que<br />
l’ATR rapporterait davantage…<br />
C’est vrai. Pendant les premières années,<br />
j’ai tenu bon grâce à des emplois à temps<br />
partiel : la livraison de journaux, la distribution<br />
de prospectus.<br />
Vous deviez avoir une très grande<br />
confiance en vos talents acrobatiques…<br />
Je n’ai aucun talent acrobatique.<br />
THE RED BULLETIN 53
Vous vous contorsionnez dans tous<br />
les sens en souriant, vous êtes en<br />
équilibre sur les mains avec des<br />
disques d’haltères attachés aux<br />
pieds… et vous dites n’avoir aucun<br />
talent pour cela ?<br />
La plupart des gens pensent que je suis<br />
née hyperflexible. Ce n’est pas le cas.<br />
En fait, avant, j’étais plutôt raide. Que<br />
mon anatomie soit adaptée à toutes ces<br />
contorsions est un gène positif. Peut-être<br />
de la chance, mais pas du talent. Mais<br />
j’ai toujours été très ambitieuse. Les gens<br />
me disent souvent : « J’aimerais bien faire<br />
ton boulot ! » Parce que ça a l’air si facile<br />
quand je repasse avec mes pieds ou que<br />
je fais une figure à une altitude de<br />
2 700 mètres. S’ils travaillaient aussi<br />
dur que moi, ils pourraient le faire.<br />
Je m’entraîne six à dix heures par jour<br />
depuis huit ans. Sans exception. Même<br />
en vacances.<br />
Jamais de congés ?<br />
Quand je dors.<br />
Mais la régénération est essentielle<br />
dans les sports de compétition.<br />
Mon corps se régénère rapidement et<br />
me pardonne beaucoup.<br />
Cela semble impitoyable.<br />
Pourquoi ne pas utiliser ce qui, manifestement,<br />
fonctionne bien pour moi ? Je<br />
sais que je suis un peu folle. Mais je sais<br />
aussi ce que je peux supporter, je connais<br />
mon corps par cœur. En janvier 2019, je<br />
me suis cassé le scaphoïde du poignet<br />
droit en grimpant. Cinq jours plus tard,<br />
je me suis à nouveau produite. Bien sûr,<br />
les gens ont pensé que j’étais folle quand<br />
j’ai enlevé le plâtre et fait mon spectacle.<br />
C’était vraiment cool.<br />
Comment va votre main aujourd’hui ?<br />
Ça va. Pendant six mois, je n’ai pu m’entraîner<br />
qu’en position de ménagement,<br />
sur le poing. Quand je suis en équilibre<br />
sur les mains, la douleur est toujours là.<br />
Mais bon, les médecins disaient que je<br />
ne pourrais plus faire de l’ATR.<br />
Vos évolutions se déroulent le plus<br />
souvent à des hauteurs extrêmes,<br />
parfois même à côté de précipices.<br />
Pourquoi ces risques ?<br />
La plupart des gens ont beaucoup de mal<br />
à comprendre que tous les risques que je<br />
prends sont calculés. Je ne laisse pas de<br />
place au hasard. Ma vie, c’est le sport<br />
extrême, c’est la raison pour laquelle je<br />
fais ce métier. Je suis née pour l’altitude.<br />
Enfant, je m’amusais à faire des tractions<br />
sur la gouttière de la maison de mes<br />
parents… Je me définis comme une<br />
artiste et une sportive de l’extrême.<br />
C’est pourquoi je me mets constamment<br />
au défi, ce qui veut dire jusqu’au kick<br />
ultime. Le pire dans mon boulot, c’est<br />
la routine, l’habitude – cela ne fait pas<br />
avancer et rend négligent. Le premier<br />
moment d’une cascade est celui qu’il faut<br />
le plus respecter. Si je le répète trop souvent,<br />
avec l’adrénaline qui pompe, je<br />
risque de perdre la sensation du danger.<br />
Vous faites toujours des prestations<br />
sans filet.<br />
Car il n’y a que comme cela que je peux<br />
éprouver ce sentiment de liberté intense,<br />
qui est ma sécurité : concentrée à fond,<br />
mes sens sont ultra développés et à<br />
l’affût, je ne peux pas m’autoriser la<br />
moindre erreur. J’apprends, mais je ne<br />
me fie pas aux protections. Je ne fais<br />
confiance qu’à moi-même. Je suis une<br />
control freak finie, c’est pourquoi<br />
le solo de style libre me convient si bien.<br />
Je ne peux compter que sur moi-même<br />
et ne suis responsable que de moi.<br />
Contrairement à la voltige équestre<br />
où tu t’entraînes comme une folle pour<br />
ton programme libre avant que ton<br />
cheval ne prenne peur parce que<br />
quelqu’un dans le public s’est levé.<br />
Tout ça pour rien.<br />
Vous n’avez pas peur que l’âge ne vous<br />
rattrape ? Pas de plan B ?<br />
Je ne pense pas à demain. Je fais ce que<br />
j’aime et cela n’a pas de prix.<br />
54 THE RED BULLETIN
« Que mon anatomie<br />
soit adaptée à toutes<br />
ces contorsions est<br />
un gène positif. Peutêtre<br />
de la chance,<br />
mais pas du talent. »<br />
Chaque pose est<br />
ultra maîtrisée.<br />
Pour acquérir une<br />
telle souplesse,<br />
un entraînement<br />
intensif est la clé.<br />
N’est-ce pas un peu naïf ?<br />
Oui ce sont des idées puériles. Mais ce<br />
sont probablement elles qui me donnent<br />
ma confiance, ma foi en moi. Cela ne me<br />
sert à rien de m’inquiéter pour l’avenir.<br />
J’ai 28 ans – c’est très vieux en termes de<br />
gymnastique et d’acrobatie. Mais il y a<br />
une mamie qui a plus de 90 ans et qui<br />
fait encore des exercices sur des barres<br />
parallèles (Johanna Quaas, une gymnaste<br />
de 94 ans, ndlr).<br />
Mais si quelque chose ne se passe pas<br />
comme vous le souhaitez ?<br />
Si une cascade échoue par ma faute, je<br />
persiste jusqu’à ce que je réussisse. Il y<br />
a toujours place à amélioration et si je<br />
ne vois pas de progrès, je deviens grincheuse.<br />
Mon ambition devient souvent<br />
de l’entêtement, c’est ma grande<br />
faiblesse. Je me mets en colère contre<br />
moi-même parce que je ne peux pas aller<br />
à plein régime – et ensuite en colère<br />
parce que je suis en colère… Blocage<br />
complet. Je dois absolument trouver un<br />
moyen de travailler sur ce point.<br />
Mauvaise perdante ?<br />
Je me fixe des objectifs ambitieux, et ça<br />
me pousse. Malheureusement, l’art de<br />
l’ATR n’est pas une discipline olympique<br />
sinon j’aurais un record mondial. Mais<br />
dans l’art, il n’est pas question de concurrence<br />
mais de création ; on cherche son<br />
propre style, on le soigne. On n’est pas<br />
dans la compétition.<br />
Vous l’avez établi en avril dernier :<br />
342 ATR en force de l’équerre en<br />
52 minutes sans toucher le sol une<br />
seule fois avec vos pieds. Respect !<br />
Je me suis entraînée pendant douze ans<br />
pour cela. Le Guinness des records m’a<br />
rejetée plusieurs fois. J’ai donc décidé de<br />
me filmer moi-même selon les directives<br />
pour une candidature normale et de<br />
mettre la vidéo en ligne. Finalement, la<br />
Record Holders Republic m’a approchée<br />
et a reconnu le record.<br />
Y a-t-il quelque chose qui peut se<br />
mettre en travers de votre chemin ?<br />
Je mentirais si je disais que les critiques<br />
ne m’affectent pas. Il n’est pas facile<br />
d’être insultée par des gens qu’on ne<br />
connaît pas parce qu’ils n’apprécient pas<br />
mon art ou qu’ils ne m’aiment pas. Mais<br />
heureusement, j’ai le soutien de mes<br />
proches, ma mère, mon copain, mon<br />
manager.<br />
STYLISME : SIMON WINKELMÜLLER, COIFFURE ET MAQUILLAGE : INA MAURER<br />
Comment gérez-vous la situation avec<br />
les réseaux sociaux ?<br />
Je suis fière de mes 400 000 followers<br />
Instagram et c’est cool quand un gars<br />
comme l’humoriste américain Joe Rogan<br />
poste sur Twitter que mon compte est<br />
l’un des plus inspirants qu’il connaisse.<br />
Mais je n’oublie pourtant pas que les<br />
meilleurs moments de ma vie sont ceux<br />
où j’ai réussi quelque chose de très particulier,<br />
de majeur ou d’extraordinaire, et<br />
que j’étais complètement en phase avec<br />
moi-même, hautement concentrée. La<br />
seule chose qui compte alors, c’est de<br />
savoir que j’ai réalisé ce que je voulais,<br />
et d’en être consciente. Et dans ces<br />
moments-là, il n’y a jamais de public.<br />
Instagram : @stefaniemillinger<br />
THE RED BULLETIN 55
Une nouvelle île<br />
en vue : Louis<br />
Josek, 26 ans,<br />
veut montrer<br />
une Jamaïque<br />
qui motive.<br />
REDÉCOUVREZ<br />
LA JAMAÏQUE<br />
Selon le réalisateur LOUIS JOSEK, un kid de Kingston<br />
ou de Cologne se pose les mêmes questions. Son documentaire<br />
Out Deh honore des destins surprenants.<br />
Texte RUTH MCLEOD<br />
Photos JÉRÉMY BERNARD<br />
Lorsque le cinéaste allemand<br />
Louis Josek s’est rendu en<br />
Jamaïque pour la première<br />
fois, il ne s’attendait pas à se<br />
faire des amis pour la vie, ni<br />
à se lancer, cinq ans durant,<br />
dans un projet personnel de<br />
film qui le mènerait aussi aux<br />
États-Unis et même jusqu’au Japon. Son<br />
premier film, Out Deh, témoigne des destinations<br />
inattendues que la vie nous fait<br />
parfois atteindre. Il se concentre sur les<br />
histoires de trois jeunes hommes dans<br />
leur vingtaine, alors qu’ils s’efforcent<br />
de trouver leur voie : Elishama Beckford,<br />
un surfeur pro, Romar Rose qui vit dans<br />
l’un des quartiers les plus chauds de<br />
Kingston, et le rappeur Daniel Simpson,<br />
surnommé Bakersteez. Louis Josek, un<br />
ancien surfeur professionnel de 26 ans,<br />
nous explique comment son histoire s’est<br />
mêlée à celle de ses protagonistes.<br />
the red bulletin : C’est votre premier<br />
projet en tant que réalisateur. Comment<br />
cela est-il arrivé ?<br />
louis josek : Mon père était photographe<br />
et le cinéma m’accompagne<br />
depuis longtemps. J’ai surfé à un niveau<br />
professionnel jusqu’à l’âge de 18 ans,<br />
puis il y a environ sept ans, quand j’ai<br />
arrêté, j’ai commencé à suivre mes amis<br />
surfeurs pros avec une caméra et à me<br />
concentrer davantage là-dessus. Mais je<br />
suis allé en Jamaïque sans projet en tête.<br />
Un ami m’a invité, et j’y suis allé. Et je<br />
suis tombé amoureux de cette île.<br />
Qu’est-ce qui a particulièrement<br />
stimulé votre imagination ?<br />
Les jeunes gens là-bas m’ont vraiment<br />
inspiré par leur énergie et leur résilience.<br />
Dès leur plus jeune âge, on leur a dit :<br />
« Vous ne pouvez pas être ceci, vous ne<br />
serez jamais cela. » Ça m’a rappelé<br />
OUTDEH – THE YOUTH OF JAMAICA<br />
56
« Les jeunes<br />
gens à Kingston<br />
m’ont vraiment<br />
inspiré par leur<br />
énergie et leur<br />
résilience. »
Cologne en Allemagne, la ville où j’ai<br />
grandi. Cela peut ne pas sembler être le<br />
cas, mais c’est semblable en Europe. On<br />
est supposé aller à l’école, étudier, puis<br />
aller travailler. Je me suis senti vraiment<br />
proche de ces gens qui ont trouvé le<br />
moyen de faire ce qu’ils voulaient au lieu<br />
de suivre une voie toute tracée. Ils avaient<br />
beaucoup de rêves, et surtout la passion et<br />
le courage de les poursuivre. Une compréhension<br />
et une confiance réciproques ont<br />
été le fondement de ce film.<br />
Tournage aux Caraïbes.<br />
Vous avez donc senti que vos histoires<br />
étaient en quelque sorte connectées<br />
dès le début ?<br />
Exactement. J’ai senti que le type d’énergie<br />
que ces gars avaient manquait en<br />
Europe, dans notre génération. Ils m’ont<br />
vraiment inspiré à réfléchir à ce que je<br />
veux faire.<br />
Quels sont les trois personnages que<br />
vous présentez dans le film ?<br />
Shama a 23 ans, il vit à Eight Miles, Bull<br />
Bay, et est le premier surfeur professionnel<br />
de l’île. Romar vit à Tivoli Gardens,<br />
à Kingston, qui est connu pour être l’un<br />
des quartiers les plus chauds de Jamaïque.<br />
Il est devenu papa après avoir perdu<br />
presque toute sa famille lorsqu’il était<br />
très jeune. Bakersteez vit à Kingston<br />
Downtown. Dans une île où règne le reggae,<br />
il débute une carrière de musicien,<br />
l’un des rares rappeurs émergents.<br />
Votre relation avec ces protagonistes<br />
a-t-elle changé au cours du projet ?<br />
Lorsque j’ai commencé à tourner avec<br />
eux, nous savions quel était notre sujet,<br />
mais nous ignorions où cela nous mènerait.<br />
Nous avons grandi ensemble pendant<br />
les cinq années qu’a duré ce projet.<br />
J’ai rencontré Shama lorsqu’il n’était<br />
qu’un môme de 17 ans qui racontait à<br />
tout le monde : « Je vais devenir un surfeur<br />
professionnel. » On lui répondait :<br />
« Comment comptes-tu t’y prendre ? »<br />
Et puis nous avons commencé à tourner.<br />
Nous nous sommes retrouvés à Hawaï<br />
après qu’il ait décroché un contrat avec<br />
Hurley. Pendant le tournage, nous avons<br />
toujours essayé de nous aider les uns les<br />
autres. Nous nous sommes vus grandir,<br />
prendre des raclées, etc. Et toujours,<br />
nous nous sommes aidés mutuellement<br />
pour nous relever. Le film montre une<br />
grande partie de la vie de chacun d’entre<br />
eux, leurs premiers pas. J’espère surtout<br />
qu’il permettra de changer le regard du<br />
Bakersteez balance ses rimes.<br />
« Nous avons<br />
essayé de<br />
montrer une<br />
Jamaïque<br />
différente. »<br />
public sur notre île. Tout le monde a une<br />
image très arrêtée de ce pays. Nous<br />
avons essayé de montrer une Jamaïque<br />
différente.<br />
Quel est l’élément qui procure à chacun<br />
de vos protagonistes la capacité<br />
de vivre autrement ?<br />
Ils sont intelligents, humbles et ils ont<br />
un cœur en or. Ils possèdent une énergie<br />
incroyable. Ils ont le courage de suivre<br />
leur voie. Ils font des choses différentes,<br />
58 THE RED BULLETIN
« Ils ouvrent un<br />
nouveau monde<br />
aux jeunes. »<br />
Shama en pleine action.<br />
communauté. Ce qui n’a pas été facile.<br />
Puis on nous a dit qu’il aimait les livres,<br />
nous nous sommes donc retrouvés à en<br />
ramener toute une cargaison à Tivoli et<br />
à les apporter chez lui. Heureusement,<br />
ça a marché.<br />
OUTDEH – THE YOUTH OF JAMAICA ,<br />
MARIAMI KURTISHVILI, DONALD DE LA HAYE<br />
Le noyau dur de Out Deh (depuis la gauche) : le surfeur Elishama Beckford aka Shama, le skateur<br />
Romar Rose, le réalisateur Louis Josek et le rappeur Daniel Simpson aka Bakersteez.<br />
mais sont reliés par cette même<br />
confiance en soi, c’est ce qui les distingue<br />
des autres. Ils se sont dit : « Je peux y<br />
arriver » même quand tout le monde leur<br />
soutenait le contraire. Aujourd’hui, ils<br />
incarnent des modèles pour beaucoup<br />
de personnes en Jamaïque. Je l’ai senti<br />
dès le début. Il n’y avait pas de skateurs<br />
là-bas, mais il y avait une vingtaine de<br />
surfeurs. Il n’y avait pas beaucoup de<br />
rap. Maintenant, la Jamaïque construit<br />
son deuxième skate park, la communauté<br />
de skateurs s’est développée, avec<br />
beaucoup de très bons surfeurs et<br />
rappeurs. Ces gars influencent les jeunes<br />
et leur ouvrent un nouveau monde.<br />
C’est en train d’exploser là-bas.<br />
Vous êtes-vous retrouvé dans des<br />
situations qui vous ont surpris ?<br />
Constamment. Par exemple, lorsque<br />
nous avons voulu tourner dans l’un des<br />
logements sociaux de Tivoli, nous avions<br />
besoin d’obtenir l’accord du boss de la<br />
Dans le film, vous allez à Hawaï avec<br />
Shama et aussi au Japon, lorsque<br />
Bakersteez effectue sa première tournée.<br />
Était-ce prévu ?<br />
Non. Retrouver Bakersteez et son équipe<br />
à Osaka pour lancer sa première tournée<br />
a été surréaliste. Il y avait un show par<br />
jour dans différentes villes – Osaka,<br />
Fukuoka, Sendai, Tokyo. Nous ne savions<br />
jamais à quoi nous attendre, ni où nous<br />
irions. À Sendai, la plus petite ville de<br />
notre tournée, on nous a conduits dans<br />
un petit club souterrain au milieu de rues<br />
sombres. Le club était bondé. Il faisait<br />
chaud, il y avait plein de bruit et la foule<br />
scandait “Sendai neva die” (trad. Sendai<br />
ne mourra jamais). Trois mois auparavant,<br />
nous tournions au milieu de<br />
Kingston, Bakersteez rêvait de partir en<br />
tournée, de faire une carrière internationale.<br />
Ce soir-là, Bakersteez a donné son<br />
meilleur concert de la tournée. La foule<br />
continuait de chanter ses paroles lorsqu’il<br />
a quitté la scène.<br />
Quel est le meilleur souvenir que vous<br />
gardez du tournage ?<br />
Le dernier jour. Nous nous sommes mis<br />
en route à 3 heures du matin. Il y avait<br />
une grande croix rouge illuminée en<br />
ville, nous avons voulu la filmer. Alors<br />
nous avons demandé à Shama de parcourir<br />
le plan de gauche à droite. À la<br />
seconde précise où il a quitté le côté droit<br />
du cadrage, les lumières se sont éteintes.<br />
Puis une demi-heure plus tard, il s’est mis<br />
à pleuvoir. Le lendemain, il a plu aussi.<br />
Je sentais enfin que le travail était achevé.<br />
C’était comme si l’île nous disait :<br />
« C’est bon, c’est dans la boîte. On éteint<br />
tout, vous pouvez rentrer chez vous. »<br />
Le film sur redbull.com/outdeh<br />
THE RED BULLETIN 59
Tous gagnants !<br />
Plus de 130 universités aux USA proposent des cursus esport.<br />
Avec un secteur du jeu vidéo en expansion, les établissements<br />
scolaires les plus clairvoyants se bougent pour attirer les élèves<br />
désireux de faire carrière dans un nouveau monde d’opportunités.<br />
Texte SCOTT JOHNSON<br />
Pionnière des sports<br />
universitaires, l’université<br />
Full Sail (Floride) a ouvert<br />
en 2019 sa salle esport<br />
à 6 millions de dollars.
FULL SAIL UNIVERSITY<br />
61
Megan Danaher,<br />
étudiante à Full Sail,<br />
est capitaine de<br />
l’équipe Armada sur<br />
Overwatch.<br />
imanche matin, en mars. Megan Danaher<br />
pénètre <strong>The</strong> Fortress, un auditorium de<br />
la Full Sail University. Situé à Orlando<br />
(Floride), cet établissement supérieur<br />
propose des formations sur deux ans et<br />
prépare les étudiants à faire carrière<br />
dans l’industrie du divertissement. Avec<br />
ses 1 000 m², <strong>The</strong> Fortress est la plus<br />
grande arène de sport électronique, ou<br />
e-sport, aux États-Unis : un symbole fort<br />
pour cette nouvelle mission universitaire.<br />
Un écran géant surplombe une scène<br />
parée de la bannière « Hall of Fame<br />
Week ». Du R&B tabasse dans d’énormes<br />
haut-parleurs. Cameramen et photographes<br />
fendent une foule de jeunes.<br />
Certains portent des maillots noir et<br />
orange pour marquer leur appartenance<br />
à Armada, l’équipe d’esport universitaire<br />
de la Full Sail University. Confiante,<br />
Megan se dirige à grands pas vers un<br />
groupe de garçons réunis en cercle. Elle<br />
ôte son sweat-shirt, révélant son maillot<br />
Armada. Son pseudo de gamer est brodé<br />
en lettres capitales en haut du dos :<br />
PeptoAbysmal.<br />
Megan Danaher est la capitaine de<br />
l’équipe universitaire Overwatch d’Armada,<br />
et c’est la seule fille de l’équipe.<br />
Dans le domaine des jeux de tir subjectif<br />
en équipes, Overwatch se caractérise par<br />
sa rapidité et la complexité de son graphisme.<br />
Plusieurs coéquipiers de Megan<br />
ont peint des traits noirs sous leurs yeux.<br />
Ils sont tous rassemblés, leurs maillots<br />
scintillant sous les stroboscopes. Lleaf,<br />
Anarchy, Yakisoba, 2A1Z et Beaverbiskit<br />
font tous partie de l’équipe. Alors que la<br />
menace de la COVID-19 pointe le bout de<br />
son nez, les organisateurs ont tout prévu :<br />
du gel hydroalcoolique, des lingettes<br />
désinfectantes, et même des autocollants<br />
62 THE RED BULLETIN
Megan, alias<br />
PeptoAbysmal, seule<br />
femme de son équipe.<br />
Ci-dessous : goodies<br />
Covid lors d’un event<br />
début mars <strong>2020</strong>.<br />
FULL SAIL UNIVERSITY<br />
afin de signaler si l’on préfère un salut<br />
du coude plutôt qu’une poignée de main,<br />
mais le groupe ne tient pas en place : tout<br />
le monde est impatient de monter sur<br />
scène pour le tournoi à venir.<br />
Ce jour-là, <strong>The</strong> Fortress est le paradis<br />
des gamers : compétitions acharnées,<br />
commentaires pointus réalisés par des<br />
spécialistes, sessions pratiques sur des<br />
ordinateurs Stealth Thin haut de gamme<br />
fournis par le sponsor MSI, goodies et la<br />
possibilité de rencontrer vos joueurs favoris.<br />
Une douzaine d’étudiants appartenant<br />
aux deux équipes League of Legends s’affrontent<br />
déjà. L’action est retransmise sur<br />
l’écran géant. Jonglant avec leurs crayons,<br />
deux commentateurs décryptent les<br />
actions. Dans un coin de la salle, un élève<br />
se mesure à Toxsic, un gamer pro, sur le<br />
jeu de basketball NBA 2K. L’un des animateurs<br />
s’époumone sur scène : « Restez avec<br />
nous ! Ne manquez pas le prochain<br />
match ! ».<br />
Au début, le tournoi est déséquilibré.<br />
Les joueurs s’affrontent, crient dans leur<br />
casque, pianotent frénétiquement sur leur<br />
clavier et cliquent sans relâche sur leur<br />
souris. Les équipes esport d’Armada sont<br />
fortes. Très fortes.<br />
Les challengers, les espoirs universitaires<br />
de la Full Sail University, ne font<br />
pas le poids. Mais la débâcle imminente<br />
ne semble pas freiner leur enthousiasme.<br />
Un fan particulièrement expressif au<br />
premier rang hurle et conspue sans<br />
aucune retenue, bondissant de son siège,<br />
insensible aux regards, tandis que derrière<br />
lui, une jeune femme assiste avec<br />
inquiétude et fascination au drame qui<br />
se joue à l’écran. L’événement est retransmis<br />
dans son intégralité et en direct sur<br />
Twitch, la plateforme fétiche des gamers<br />
du monde entier.<br />
Le secteur de l’esport se développe<br />
depuis plusieurs années. Récemment, des<br />
universités ont commencé à s’y frotter.<br />
Et si elles ne s’y intéressent pas encore,<br />
elles devraient sérieusement y penser. En<br />
effet, l’esport devrait dépasser 1,5 milliard<br />
de revenus d’ici à 2023, selon l’Esports<br />
Ecosystem Report, publié par Business<br />
Insider Intelligence. Selon le cabinet d’audit<br />
Deloitte, les investissements en capital<br />
de risque ont doublé entre 2017 et 2018,<br />
ce qui représente une augmentation de<br />
plus de 800 % en dollars réels, pour un<br />
montant dépassant les 4,5 milliards de<br />
dollars. Dans tous les États-Unis, des centaines<br />
d’écoles ont ouvert des cursus<br />
esport ces dernières années, et le phénomène<br />
n’en est qu’à ses prémices. La<br />
Robert Morris University de Chicago, qui<br />
a fusionné avec la Roosevelt University<br />
cette année, a été le premier établissement<br />
scolaire à faire le choix de l’esport<br />
en 2014. Par la suite, plus de 130 cursus<br />
universitaires ont vu le jour dans des<br />
dizaines d’États à travers le pays. Toutes<br />
les universités sont concernées, des plus<br />
petites comme la Roosevelt University aux<br />
plus grandes comme l’université de Californie,<br />
Irvine, qui a été la première université<br />
publique à créer un cursus d’esport<br />
en 2015. En 2018, lorsque la Boise State<br />
University (Idaho) a ouvert son cursus<br />
d’esport, 20 élèves se sont inscrits. L’an<br />
dernier, on comptait 200 candidats. « L’intérêt<br />
de notre université pour l’esport<br />
délie les langues », explique Chris Haskell,<br />
responsable du cursus de la Boise State<br />
Dans tous les États-Unis, des<br />
centaines d’écoles ont ouvert des<br />
cursus esport ces dernières années.<br />
THE RED BULLETIN 63
« Les gens issus de l’esport ont<br />
dû résoudre des tas de problèmes<br />
pour en arriver là où ils en sont. »<br />
University. « Nous conseillons aux universités<br />
qui envisagent l’ouverture d’un cursus<br />
d’esport de doubler toutes les prévisions<br />
de la première année pour l’année<br />
suivante », assure Michael Brooks de la<br />
National Association of Collegiate<br />
Esports, organisme qui régit l’esport<br />
universitaire.<br />
Mais ce n’est pas tout. Un écosystème<br />
tout entier est en train de voir le jour : il<br />
alimentera presque tous les aspects de la<br />
vie créative et professionnelle susceptibles<br />
de découler de l’omniprésence des jeux<br />
vidéo dans la société actuelle. Avant que<br />
le monde n’entre en confinement, les<br />
stades étaient souvent remplis de dizaines<br />
de milliers de spectateurs venus assister<br />
à des tournois professionnels de<br />
l’Overwatch League. Aux USA, les audiences<br />
des compétitions de jeux vidéo<br />
ont éclipsé celles des ligues sportives plus<br />
traditionnelles telles que la NFL ou la<br />
NBA. Et les universités ressentent de plus<br />
en plus les retombées économiques. Les<br />
établissements scolaires membres de la<br />
NACE ont accordé environ 15 millions<br />
de dollars de bourses pour l’étude des<br />
jeux vidéo en 2019.<br />
Dans les écoles et les entreprises<br />
du pays tout entier, un rapprochement<br />
s’opère. D’un côté, les employeurs<br />
recherchent des esprits indépendants et<br />
dotés de compétences variées : gestion<br />
d’une communauté en ligne, construction<br />
ou bidouillage de PC pour accélérer ou<br />
optimiser son travail ou pour améliorer<br />
le graphisme, etc. De l’autre côté, compte<br />
tenu de sa capacité à résoudre les problèmes,<br />
l’immense communauté gaming<br />
actuelle est parfaitement adaptée à cette<br />
demande. « Si votre société évolue rapidement,<br />
vos collaborateurs doivent disposer<br />
de compétences techniques dans le domaine<br />
logiciel et matériel, mais aussi être<br />
en mesure de résoudre les problèmes.<br />
Or, le monde de l’esport foisonne de personnes<br />
de cette trempe, se réjouit Michael<br />
Brooks. Car elles ont dû résoudre des tas<br />
de problèmes pour en arriver là où elles<br />
en sont. »<br />
À commencer par le suivi de leurs<br />
études en période de pandémie. À la Full<br />
Sail University, où une bonne moitié des<br />
élèves ont initialement choisi une formation<br />
à distance, l’ensemble des élèves a<br />
repris les cours à distance dans la semaine<br />
qui a suivi les premières fermetures d’établissements.<br />
Les élèves ont continué leur<br />
apprentissage sur Zoom et ils se sont<br />
davantage impliqués dans des actions<br />
collaboratives au travers de réunions<br />
de clubs en ligne.<br />
Ici, on vient<br />
vibrer pour les<br />
jeux vidéo.<br />
64
FULL SAIL UNIVERSITY<br />
Nommée <strong>The</strong> Fortress,<br />
l’arène esport de Full Sail<br />
est la plus grande des<br />
USA. Elle a une capacité<br />
d’accueil jusqu’à 500<br />
spectateurs sur 1000 m 2 .
Selon la NACE, les<br />
écoles ont dépensé<br />
15 millions de dollars<br />
dans les bourses de<br />
gaming en 2019.<br />
Les événements à<br />
l’université Full Sail<br />
sont gelés, mais s’il y<br />
a un secteur qui peut<br />
passer à une réalité<br />
purement virtuelle,<br />
c’est celui du gaming.
FULL SAIL UNIVERSITY<br />
« J’adorerais vivre de l’esport.<br />
Mener une vie confortable grâce<br />
aux jeux vidéo serait formidable. »<br />
En mars dernier, alors que Megan<br />
Danaher et ses équipiers savourent<br />
leur victoire sur Overwatch, Gus<br />
Hernandez rallie la foule devant un<br />
match NBA 2K, de l’autre côté de <strong>The</strong><br />
Fortress. Véritable boute-en-train, Gus<br />
Hernandez est très reconnaissable avec<br />
ses boucles rousses. Il s’est inscrit au<br />
cursus de commentateur sportif de la<br />
Full Sail University, et tandis qu’il suit<br />
Toxsic, le gamer pro, il met ses compétences<br />
à l’épreuve. « Et… Booker se déplace,<br />
passe et… marque ! », s’écrie-t-il,<br />
vraisemblablement aussi ravi par les feux<br />
des projecteurs que par le jeu à l’écran.<br />
Élevé dans une famille brésilienne<br />
au nord de Boston, Gus a grandi en regardant<br />
son beau-père jouer à Fifa et Pro<br />
Evolution Soccer sur une PlayStation 2<br />
dans le modeste T3 familial. Gus a passé<br />
des heures à écouter la légende Jack<br />
Edwards commenter les rencontres sportives<br />
locales sur une vieille radio et il s’est<br />
vite imaginé derrière le micro. Il a aussi<br />
commencé à apprécier les « commentaires<br />
intenses et pleins d’énergie » des matches<br />
de foot de la New England Revolution<br />
qu’il a découverts sur des stations de<br />
son secteur. « Ça m’a tout de suite attiré »,<br />
raconte-t-il.<br />
Jeune adolescent lorsque Twitch est<br />
apparu, Gus Hernandez a commencé à<br />
commenter des parties sur sa propre<br />
chaîne. La société Sinai Village l’a repéré<br />
et lui a demandé de commenter plusieurs<br />
matches de football Pro Clubs. Lorsqu’il<br />
a eu 17 ans, une ligue britannique lui a<br />
offert l’avion pour venir commenter l’une<br />
de ses parties. Le voyage a finalement<br />
été annulé, mais une étincelle avait jailli.<br />
Avec le développement de sa chaîne<br />
Twitch, Gus s’est intéressé à d’autres jeux,<br />
comme Counter-Strike. Récemment, Gus<br />
a ouvert le stream Twitch Counter-Strike:<br />
Global Offensive, et sa chaîne s’est retrouvée<br />
en top tendance. « Je me dis que ces<br />
streams attireront des patrons d’entreprises<br />
», a-t-il expliqué. À 19 ans seulement,<br />
il a déjà une belle image de marque<br />
et son positionnement sur le marché peut<br />
attirer l’attention. « Certains disent que<br />
mes commentaires sont passionnants. »<br />
« J’adorerais vivre de l’esport à plein<br />
temps, se confie-t-il. Mener une vie<br />
confortable grâce aux jeux vidéo serait<br />
formidable. Quand on pense que le gaming<br />
était un refuge pendant mon adolescence…<br />
» Celui qui rêvait d’un poste<br />
de commentateur sportif traditionnel<br />
dans un média local ou une chaîne<br />
comme ESPN entrevoie des possibilités<br />
grâce à des compétitions de sports électroniques.<br />
« Avec l’esport, mon objectif<br />
devient réaliste. »<br />
Les profils comme celui de Gus<br />
Hernandez sont de plus en plus recherchés,<br />
alors même que les infrastructures<br />
qui nourrissent les rêves de ces personnes<br />
continuent à se développer. Les choix de<br />
carrière abondent : commentateur pour<br />
inviter des millions de fans à suivre les<br />
parties, organisateur d’un nombre croissant<br />
d’événements en direct qui égalisent<br />
voire surpassent les audiences de la NFL<br />
ou de la NHL… Mais aussi codeurs,<br />
designers, animateurs, copywriters,<br />
responsables produits, concepteurs de<br />
jeux ou encore techniciens. Tous ces<br />
métiers sont très demandés dans le secteur<br />
du divertissement. C’est le boom<br />
que tout le monde attendait, en particulier<br />
les étudiants. « La dynamique actuelle<br />
est totalement différente », décrit<br />
Sari Kitelyn, responsable des cursu s<br />
esport de la Full Sail University. « Aujourd’hui,<br />
les jeux vidéo offrent de véritables<br />
opportunités d’emploi. »<br />
Aux USA, le sport a toujours été<br />
une voie vers l’emploi. Les athlètes<br />
traditionnels conjuguaient<br />
leurs compétences à des cursus de gestion<br />
du sport pour se reconvertir. Mais<br />
les compétences et les outils développés<br />
dans l’esport mènent à des opportunités<br />
différentes. « Pensez aux marques et à<br />
leur engagement vis-à-vis du grand public<br />
», suggère Michael Brooks, responsable<br />
de la NACE. « Désormais, presque<br />
tout tourne autour des interactions en<br />
ligne, de la gestion des communautés,<br />
du streaming – surtout du streaming en<br />
live, et implique des personnalités et<br />
des événements dédiés. La publicité,<br />
Gus Hernandez, talent à suivre, commente les matches esport dans toute la Floride.<br />
THE RED BULLETIN 67
le marketing et le journalisme sont particulièrement<br />
présents. Dans ce contexte,<br />
l’esport constitue un moyen idéal d’acquérir<br />
ces compétences. »<br />
En début d’après-midi, <strong>The</strong> Fortress<br />
commence à se vider. Megan<br />
Danaher, Gus Hernandez et un<br />
autre élève de la Full Sail University, Eric<br />
Alpizar, font une pause dans le lounge.<br />
La conversation dévie vers les jeux vidéo.<br />
Eric Alpizar, qui a fait un bref passage<br />
dans la Navy, est un joueur assidu de<br />
Dragonball (un jeu de combat de type<br />
joueur contre joueur), l’un des meilleurs<br />
compétiteurs en Floride. Il évoque le cas<br />
d’Arslan Ash, le joueur pakistanais de<br />
Tekken sponsorisé par <strong>Red</strong> Bull, apparemment<br />
venu de nulle part : en battant<br />
un champion sud-coréen nommé Knee<br />
lors de l’EVO 2019, Arslan s’est emparé<br />
du titre de champion du monde. Tekken<br />
a ainsi mis la lumière sur le Pakistan de<br />
manière assez inattendue, explique Eric.<br />
Ce pays souvent à la une des journaux<br />
pour des questions de terrorisme ou de<br />
géopolitique fait maintenant parler de<br />
lui grâce aux jeux vidéo. « C’est l’un des<br />
avantages de l’esport, précise Eric. Il n’y<br />
a aucun préjugé sur les Pakistanais, car<br />
tout le monde s’en fiche. Les joueurs s’en<br />
fichent. Avec la mondialisation et l’essor<br />
de l’esport, n’importe quelle communauté<br />
peut très facilement débouler et dire<br />
“Eh, nous voilà ! Salut, nous sommes<br />
du Pakistan. Salut, nous sommes de<br />
Jordanie. Salut, nous sommes de tous<br />
ces endroits du monde et nous pouvons<br />
tous jouer ensemble.” »<br />
La Hall of Fame Week de la Full Sail<br />
University a lieu chaque année depuis<br />
plus de dix ans. Un cercle restreint de<br />
diplômés qui ont excellé dans leur<br />
domaine et apporté une contribution<br />
Eric Alpizar, étudiant de Full Sail, est un joueur<br />
dévoué du jeu de combat Dragonball.<br />
68 THE RED BULLETIN
La prochaine génération de jeunes<br />
actifs viendra directement du<br />
monde de l’esport universitaire.<br />
FULL SAIL UNIVERSITY<br />
Les membres d’Armada,<br />
l’équipe sportive universitaire<br />
de l’université Full Sail,<br />
affrontent leurs adversaires<br />
sur Overwatch.<br />
à l’université d’une manière ou d’une<br />
autre sont invités chaque année pour être<br />
intronisés et s’adresser aux étudiants<br />
actuels. Erin Eberhardt fait partie des<br />
diplômés honorés en mars dernier : elle<br />
est sortie de l’université il y a dix ans et<br />
travaille aujourd’hui chez Blizzard<br />
Entertainment, le géant du jeu vidéo<br />
à Los Angeles. Élevée sur un terrain de<br />
3 hectares dans la campagne de l’Ohio,<br />
Erin Eberhardt a grandi en toute liberté.<br />
Le soir, la famille se rassemblait pour<br />
regarder son père, contrôleur aérien,<br />
jouer aux jeux vidéo avec ses amis.<br />
« Nous étions assis sur nos chaises, derrière<br />
papa, et nous regardions par-dessus<br />
son épaule. Nous passions juste la tête<br />
et nous criions comme des hystériques. »<br />
Erin a étudié dans une université classique,<br />
mais elle s’y ennuyait ferme. Elle<br />
a finalement obtenu son diplôme de la<br />
Full Sail University en 2010. Lorsqu’elle<br />
est arrivée sur le marché du travail,<br />
YouTube et les autres services de<br />
streaming n’en étaient qu’à leurs balbutiements.<br />
Twitch n’existait pas encore.<br />
Elle a obtenu un poste chez Disney, dans<br />
la branche Développement, puis elle a<br />
rejoint PlayStation pendant cinq ans.<br />
En 2016, l’esport a enregistré une<br />
forte hausse avec l’annonce de<br />
l’Overwatch League. Erin a postulé chez<br />
l’éditeur du jeu, Blizzard Entertainment,<br />
et elle a été retenue. Depuis lors, elle observe<br />
un afflux constant de professionnels<br />
d’autres secteurs qui viennent dans<br />
l’univers du gaming. « Beaucoup de gens<br />
arrivent des secteurs traditionnels de la<br />
télévision et du cinéma, mais aussi de<br />
la NFL et de la NBA », raconte-t-elle.<br />
« Nous avons une incroyable cellule de<br />
personnes fantastiques qui travaillent<br />
toutes ensemble sur ce produit. »<br />
Selon elle, la prochaine génération<br />
de jeunes actifs viendra directement<br />
du monde de l’esport universitaire.<br />
« Voilà ce qui forme la prochaine<br />
génération des professionnels d’esport »,<br />
explique-t-elle. « Tout se passe à l’université.<br />
Pratiquement chaque major de la Full<br />
Sail University pourra travailler dans l’esport<br />
à un moment de sa vie, car c’est un<br />
peu “tout le monde sur le pont” en ce moment.<br />
» La Full Sail University a rendu<br />
hommage à Erin Eberhardt notamment<br />
pour son rôle dans l’organisation d’un gigantesque<br />
événement live l’an dernier<br />
pour un jeu appelé Hearthstone. Megan<br />
Danaher, disciple d’Erin Eberhardt, considère<br />
cet événement comme une étape clé<br />
de son propre développement. « C’était<br />
juste parfait », s’extasie-t-elle.<br />
D’une certaine manière, les parcours<br />
respectifs de Megan Danaher et d’Erin<br />
Eberhardt reflètent l’essor de l’industrie.<br />
Il y a dix ans, lorsqu’Erin est arrivée sur le<br />
marché du travail, le jeu vidéo était encore<br />
un secteur naissant. La Full Sail University<br />
n’avait pas encore d’équipe esport.<br />
Aujourd’hui, Megan Danaher se trouve<br />
face à une multitude d’opportunités plus<br />
alléchantes les unes que les autres.<br />
À présent, Megan Danaher rêve d’organiser<br />
de gros événements live dédiés<br />
aux jeux vidéo et qui rassemblent des<br />
centaines de milliers de personnes dans<br />
les arènes du monde entier. Ses parents<br />
ont fini par se rallier à son avis. « À une<br />
époque, ils se disaient sans doute :<br />
“Lâche ces fichus jeux vidéo et fais tes<br />
devoirs”, ou quelque chose du même<br />
genre, explique-t-elle. Mais aujourd’hui,<br />
ils voient qu’il existe des débouchés professionnels<br />
dans ce domaine. Et que je<br />
ne fais pas que m’amuser. »<br />
Lorsqu’elle sera diplômée au mois<br />
d’octobre, Megan Danaher débutera un<br />
Master en gestion du sport à la Full Sail<br />
University. Elle envisage de faire carrière<br />
dans l’esport, et notamment dans la gestion<br />
de projet, la gestion d’équipe et la cohésion<br />
d’équipe. Elle observe du coin de<br />
l’œil une équipe texane qui dirige un<br />
stade esport. « J’aimerais aider à renforcer<br />
la cohésion de l’équipe, gérer l’équipe,<br />
et m’assurer que tout le monde s’entraîne.<br />
Dorme correctement. Se sente bien mentalement,<br />
révèle-t-elle. Je veux juste faire<br />
tout mon possible pour la bonne entente<br />
de l’équipe, en gros ce que je fais déjà<br />
maintenant, mais à plus grande échelle…<br />
et être rémunérée pour ça. »<br />
Pour la Full Sail University, tout a commencé<br />
dans un camion, au sens littéral du<br />
terme : un camping-car GMC de 8 mètres<br />
de long. C’était à l’origine un studio d’enregistrement<br />
de musique mobile, dans<br />
L’ex-étudiante<br />
Erin Eberhardt<br />
raconte sa voie<br />
dans le gaming.<br />
THE RED BULLETIN 69
Au moins un étudiant diplômé de la<br />
Full Sail University a travaillé dans<br />
chacun des films Marvel diffusés.<br />
Le campus<br />
de l’université de<br />
Full Sail à Winter<br />
Park, Floride.<br />
lequel les artistes pouvaient apprendre les<br />
bases de la production musicale lors de<br />
sessions courtes et ciblées.<br />
Aujourd’hui, le campus compte plusieurs<br />
bâtiments à un étage dans<br />
une zone assez déserte où seuls<br />
quelques espaces de bureaux et petites<br />
entreprises se sont installés au nord-est<br />
d’Orlando. Ses étudiants diplômés ont<br />
été embauchés par les plus grands studios<br />
d’Hollywood, parmi lesquels Netflix,<br />
Amazon et Disney. Au moins un – et souvent<br />
plus d’un – étudiant diplômé de la<br />
Full Sail University a travaillé dans chacun<br />
des films Marvel sortis au cinéma à<br />
ce jour. L’école de commentateurs sportifs<br />
porte le nom d’un de ses fondateurs,<br />
Dan Patrick, qui vient souvent sur place.<br />
Dave Arneson, le créateur de Donjons<br />
et Dragons, a enseigné la conception de<br />
jeux au sein de l’université jusqu’en 2008.<br />
Sachant que les cours coûtent 450 dollars<br />
de l’heure, ce n’est pas donné. Mais les<br />
candidatures continuent à affluer.<br />
Le lendemain du tournoi Overwatch,<br />
Megan Danaher revient sur le campus<br />
pour assister à d’autres événements Hall<br />
of Fame. Vers midi, elle se dirige vers un<br />
salon de l’emploi destiné aux étudiants,<br />
accompagnée par l’un de ses coéquipiers<br />
Overwatch, un ancien marine de New<br />
York qui consacre actuellement sa thèse<br />
aux effets positifs des jeux vidéo sur les<br />
syndromes de stress post-traumatiques.<br />
(« Et il y en a beaucoup ! ») Ils consultent<br />
les brochures entre deux saluts de coude<br />
et quelques giclées de gel hydroalcoolique.<br />
Quelques recruteurs tentent d’appâter<br />
Megan avec des contrats temporaires,<br />
et elle accepte poliment de réfléchir à ces<br />
offres. Un homme qui faisait la queue derrière<br />
elle lui demande ce qu’elle aimerait<br />
faire. « Je m’intéresse aux shows en live et<br />
à la production », répond-elle. Marquant<br />
son approbation d’un signe de tête, il lui<br />
explique qu’il travaille pour une petite société<br />
de production en Virginie. « Super ! »,<br />
s’exclame-t-elle en lui remettant sa carte<br />
de visite. Après avoir discuté quelques minutes<br />
avec une femme qui tenait un stand,<br />
Megan raconte à son coéquipier : « Elle me<br />
disait : “Ce job est fait pour vous. N’attendez<br />
pas pour poser votre candidature !” »<br />
On ne parle pas seulement de gosses<br />
qui jouent à des jeux vidéo et qui font<br />
baver d’envie les cadres d’Hollywood<br />
jusqu’à Orlando. « Twitch propose actuellement<br />
un millier de postes, mais les candidats<br />
qualifiés ne sont pas assez nombreux<br />
», explique Michael Brooks de la<br />
NACE. Les ingénieurs en informatique, les<br />
responsables de bases de données et les<br />
ingénieurs du son, surtout ceux qui s’y<br />
connaissent en jeux vidéo, sont particulièrement<br />
demandés. « Et nous entendons<br />
le même refrain chez Microsoft. Ils<br />
constatent naturellement que leurs collaborateurs<br />
actuels sont aussi des gamers.<br />
C’est là qu’ils vont chercher leurs collaborateurs.<br />
Voilà le genre de personnes qu’ils<br />
souhaitent avoir dans leurs équipes. »<br />
Les paysages professionnel et universitaire<br />
sont étroitement liés, et<br />
cela commence même beaucoup<br />
plus tôt. « Des gamins semi-pro, à moitié<br />
entraînés, débarquent de leur lycée et<br />
sont recrutés dans des cursus universitaires,<br />
raconte Erin Eberhardt. Ils sont<br />
là pour leurs compétences dans les jeux<br />
vidéo. » Elle évoque le tournoi Overwatch<br />
organisé au sein de <strong>The</strong> Fortress, et toute<br />
l’expérience Hall of Fame proposée par<br />
la Full Sail University. « C’était des étudiants,<br />
dit-elle. Les gars au son, les<br />
runners, les assistants de production,<br />
les personnes chargées de la lumière,<br />
70 THE RED BULLETIN
Du son à la<br />
retransmission,<br />
la production<br />
des tournois de<br />
Full Sail, est<br />
entièrement<br />
auto-gérée par<br />
les étudiants.<br />
FULL SAIL UNIVERSITY<br />
les truqueurs… une production 100 %<br />
estudiantine. Les studios recherchent<br />
exactement ce type d’expérience. »<br />
La journée touche à sa fin. À la Full<br />
Sail University, la foule se rassemble devant<br />
une immense scène extérieure : un<br />
écran y a été installé derrière deux chaises<br />
et une console de jeux. Pendant que les<br />
spectateurs s’installent, Gus Hernandez<br />
et Eric Alpizar montent sur scène.<br />
L’équipe Super Smash Bros de la Full Sail<br />
University affrontera des challengers<br />
choisis dans le public. Quelques courageux<br />
se manifestent. D’autres spectateurs<br />
viennent s’asseoir et s’apprêtent à assister<br />
à une longue soirée de jeux vidéo. Sur<br />
scène, Gus Hernandez et Eric Alpizar<br />
trouvent leur rythme. En cette agréable<br />
soirée, il semble que toutes les personnes<br />
présentes soient exactement là où elles<br />
souhaitent être. « C’est ça, l’esport ! »,<br />
s’exclame Erik Alpizar.<br />
De Twitch à Microsoft, des employeurs cherchent des talents avec un background dans le gaming.<br />
THE RED BULLETIN 71
VOILIER<br />
VOLCANIQUE<br />
Norbert Sedlacek,<br />
58 ans, teste son yacht<br />
en fibre de roche<br />
volcanique au large de<br />
la côte vendéenne.<br />
L’homme qui a<br />
fui l’ordinaire<br />
Un tour du monde de sept mois en solitaire et sans<br />
escale, sur un tracé qu’aucun autre navigateur n’a<br />
jamais tenté avant lui. NORBERT SEDLACEK évoque<br />
cette force qui sommeille en chacun de nous – et qui ne<br />
s’éveille que si l’on porte le regard au-delà de l’horizon.<br />
Texte ALEXANDER MACHECK<br />
Photos KONSTANTIN REYER<br />
73
« J’étais fonctionnaire.<br />
Un jour, j’ai décidé de changer<br />
radicalement de vie. »
EN SOLITAIRE<br />
Sedlacek gère son<br />
projet titanesque tout<br />
seul à bord du yacht<br />
qu’il a construit avec<br />
son équipe.<br />
75
LA COURSE<br />
AU RECORD<br />
DU MONDE<br />
Norbert Sedlacek au<br />
gouvernail de son<br />
bateau. Le reste du<br />
temps, c’est le pilote<br />
automatique qui<br />
prend le relais.
Appareillage aux Sables d’Olonne sur la côte atlantique, point de départ et d’arrivée de la tentative de record du monde.<br />
Norbert Sedlacek,<br />
navigateur de légende<br />
1977 – 1984<br />
Serveur à l’hôtel Hilton de Vienne (Autriche).<br />
1984 – 1992<br />
Conducteur de tramway.<br />
1996 – 1998<br />
Premier tour du monde en solitaire. Entrée<br />
sur la scène internationale des navigateurs<br />
professionnels.<br />
2000 – 2001<br />
Norbert Sedlacek est le premier Autrichien<br />
à faire le tour de l’Antarctique sans escale<br />
en 93 jours.<br />
2004<br />
Sedlacek termine dans les dix premiers de la<br />
TRANSAT en 17 jours, 18 heures, 35 minutes<br />
et 36 secondes.<br />
2004 – 2005<br />
Sedlacek est le premier navigateur germanophone<br />
à participer au Vendée Globe, course<br />
à la voile en solitaire autour du monde.<br />
En raison d’une sévère avarie technique, il<br />
doit abandonner la course prématurément<br />
avant d’arriver au Cap.<br />
2008 – 2009<br />
Vendée Globe, deuxième essai. Au bout de<br />
126 jours 5 heures 31 minutes et 56 secondes,<br />
Sedlacek franchit la ligne d’arrivée<br />
au onzième rang sur trente participants, et<br />
fait ainsi son entrée au panthéon des grands<br />
navigateurs de ce monde.<br />
Des tempêtes de la force d’un<br />
ouragan, des vagues hautes<br />
comme des maisons, des températures<br />
allant de − 45 °C<br />
à + 40 °C, des icebergs, la solitude,<br />
la lutte jusqu’à l’épuisement. L’ancien<br />
conducteur de tramway viennois<br />
Norbert Sedlacek, 58 ans, s’est lancé le<br />
12 juillet <strong>2020</strong> dans une aventure qu’aucun<br />
navigateur n’a encore jamais tentée<br />
avant lui : un tour du monde intégrant la<br />
traversée du mythique passage du Nord-<br />
Ouest. Un parcours de 63 000 kilomètres<br />
sans escale à travers tous les océans du<br />
monde, sept mois en solitaire et sans<br />
assistance extérieure.<br />
C’est autour d’un café que nous rencontrons<br />
le navigateur de légende autrichien<br />
aux Sables d’Olonne, sur la côte<br />
atlantique, point de départ et d’arrivée<br />
de sa tentative de record du monde –<br />
dans le hangar-même où, ces dernières<br />
années, Norbert Sedlacek et son équipe<br />
ont construit le bateau de près de vingt<br />
mètres de long avec lequel il a pris la mer.<br />
Ici, à la Mecque des navigateurs épris<br />
de tours du monde, l’Autrichien est une<br />
véritable star et il répond en français<br />
quand on l’aborde dans la rue. Il est l’un<br />
d’entre eux, tous unis par cette même<br />
passion pour la navigation. Alors que<br />
nous nous asseyons à notre table, encerclés<br />
par des centaines de caisses de matériel,<br />
de nourriture et d’équipement et de<br />
vêtements techniques, l’expression fait<br />
sourire l’Autrichien. Il reconnaît bien<br />
volontiers qu’il est – encore et toujours –<br />
le même Norbert qui, voilà déjà presque<br />
trente ans, a osé s’aventurer plus loin<br />
que la majorité des gens. Il me demande :<br />
« Un café ? » Bien sûr, avec du lait et du<br />
sucre. Et c’est parti.<br />
the red bulletin : Comment vous<br />
sentiez-vous quelques semaines avant<br />
de lever l’ancre ? Anxieux ? Inquiet ?<br />
Impatient ?<br />
norbert sedlacek : Je dirais plutôt<br />
concentré. Et submergé de doutes : estce<br />
que je n’ai pas oublié quelque chose<br />
d’important ? Ne me serais-je pas trompé<br />
quelque part ? Est-ce que tous mes calculs<br />
et toutes mes prévisions sont bons ?<br />
« Anxieux ? Inquiet ?<br />
Non. Je dirais<br />
plutôt concentré. »<br />
THE RED BULLETIN 77
Une grande<br />
première !<br />
Passage du<br />
Nord-Ouest<br />
Pour le Vendée Globe,<br />
la course en haute mer<br />
la plus difficile au monde,<br />
les navigateurs partent<br />
de la côte française pour<br />
rallier l’Afrique du Sud<br />
et font ensuite le tour du<br />
monde, des mers du Sud<br />
au nord de l’Antarctique,<br />
avant de franchir le Cap<br />
Horn, de traverser l’Atlantique<br />
puis revenir à leur<br />
point de départ. Sedlacek<br />
en rajoute une couche :<br />
il va tenter un détour par<br />
le passage du Nord-Ouest<br />
avant de redescendre<br />
en longeant toute la côte<br />
ouest du continent<br />
américain pour ensuite<br />
rejoindre le parcours<br />
du Vendée Globe.<br />
Cap Horn, CHI<br />
Les Sables, <strong>FR</strong>A<br />
Cap de Bonne-Espérance,<br />
RSA<br />
Cap Leeuwin,<br />
AUS<br />
Par exemple ?<br />
Eh bien, déjà, le passage du Nord-Ouest.<br />
Il se trouve au nord du continent américain.<br />
C’est assez rare que les navigateurs<br />
le franchissent. Là-bas, il y a soit beaucoup<br />
de vent, soit pas du tout. Si c’est<br />
le calme plat, il y a un risque de ne plus<br />
pouvoir avancer et de se retrouver piégé<br />
dans les glaces. C’est ce qui est arrivé<br />
à un équipage argentin. Ils ont pu être<br />
récupérés juste à temps par un hélicoptère<br />
avant que les ours polaires ne<br />
viennent les dévorer. Ce que je veux<br />
dire par là, c’est qu’on a que très peu<br />
de retours d’expérience pour pouvoir<br />
évaluer correctement la situation.<br />
Pourquoi vous infligez-vous cela ?<br />
Parce que je veux prouver que c’est possible<br />
avec mon bateau. Nous l’avons<br />
construit en fibre de roche volcanique.<br />
C’est un tout nouveau matériau, à la fois<br />
léger et extrêmement solide. Le bateau<br />
est un Open60AAL, un yacht de course.<br />
Il est suffisamment rapide pour pouvoir<br />
avancer, même avec très peu de vent,<br />
dans le passage du Nord-Ouest.<br />
« Un hélicoptère les<br />
a récupérés juste<br />
avant qu’ils ne se<br />
fassent dévorer par<br />
les ours polaires. »<br />
De la fibre de roche volcanique ?<br />
Oui, en fait, des roches volcaniques sont<br />
d’abord transformées en fibres, et puis<br />
en nappes, dont nous nous servons<br />
ensuite pour fabriquer les éléments du<br />
bateau. Contrairement aux yachts fabriqués<br />
dans les matériaux habituels, notre<br />
coque en fibre de roche volcanique est<br />
entièrement recyclable. On peut broyer<br />
la fibre pour en faire des palettes, qui<br />
peuvent par exemple servir à fabriquer<br />
des receveurs de douche. C’est véritablement<br />
une seconde vie que l’on offre au<br />
matériau.<br />
Soyons clairs : vous allez naviguer avec<br />
un bateau fabriqué dans un nouveau<br />
matériau qui n’a encore jamais été<br />
soumis à des conditions extrêmes, sur<br />
un tracé que personne n’a jamais suivi<br />
parce qu’il n’y a pas assez de retours<br />
d’expérience. C’est plutôt risqué, non ?<br />
C’est vrai que le matériau n’a pas été<br />
testé dans des régions glaciaires, mais il<br />
l’a été avec un plus petit prototype quand<br />
mon fils a traversé l’Atlantique. Le risque<br />
et la sécurité, c’est toute une histoire.<br />
Même dans la vie quotidienne, on pense<br />
que tout est sous contrôle. Mais la vérité,<br />
c’est qu’on ne maîtrise pas grand-chose.<br />
Prenons le travail par exemple. On<br />
apprend tous un métier lambda, on se<br />
cherche une entreprise, grosse, de préférence,<br />
et on y reste. Mais ce sentiment<br />
de sécurité est trompeur. Aujourd’hui,<br />
les entreprises passent tellement vite de<br />
main en main, ou bien il peut toujours<br />
VAISSEAU<br />
SPATIAL<br />
Le « tableau de bord »<br />
du yacht sous le pont.<br />
C’est ici que Norbert<br />
dort par tranches de<br />
quinze minutes.<br />
arriver quelque chose (ces choses inattendues<br />
qui peuvent arriver, on est justement<br />
en plein dedans, ndlr) et pouf – on<br />
se retrouve sans boulot. Ou bien on est<br />
éjecté parce qu’on est trop vieux. Ce qui<br />
est encore plus tragique, c’est quand on<br />
accepte un boulot pour cette apparente<br />
sécurité et que l’on n’aime même pas ce<br />
que l’on fait. Moi, le déclic, je l’ai eu à<br />
trente ans. J’étais fonctionnaire et je travaillais<br />
pour les transports en commun<br />
viennois, en Autriche. Je m’asseyais tous<br />
les jours dans mon tram, je m’efforçais<br />
d’être aussi sympathique que possible et<br />
j’attendais que tout cela soit enfin fini.<br />
Mais ce n’est pas une vie ! C’est là que j’ai<br />
décidé de prendre un risque et de gagner<br />
ma vie en faisant quelque chose qui me<br />
plaît, à savoir naviguer.<br />
Et donc vous avez eu de la chance.<br />
Si c’est de la chance, c’est la chance<br />
du bosseur.<br />
ALAMY STOCK VECTOR<br />
78 THE RED BULLETIN
Ce n’est pas un peu arrogant ?<br />
Je ne trouve pas. C’est une manière de<br />
voir la vie et ses propres capacités. Je<br />
vois cela tellement souvent, des gens<br />
qui pensent qu’ils ne peuvent pas faire<br />
ce qu’ils veulent, mais la vérité, c’est<br />
qu’ils n’ont jamais vraiment rien fait<br />
pour. Ils ont une idée, ils commencent<br />
à y réfléchir et puis, ouh, ça a l’air compliqué,<br />
je n’y arriverai jamais. Ce qu’ils<br />
voudraient en fait, c’est quelqu’un qui<br />
vienne les prendre par la main. C’est le<br />
grand classique de notre époque. Je veux<br />
dire : quand un carton est trop lourd à<br />
porter, il suffit d’en faire trois plus petits<br />
et de les prendre les uns après les autres.<br />
Quand on fait ça, au bout d’un moment,<br />
on arrive aussi à porter les gros. Mais il<br />
faut vraiment le vouloir. C’est pour cela<br />
que c’est important de découvrir ce qu’on<br />
aime vraiment faire dans la vie. Et quand<br />
on a trouvé quelque chose, on prend ses<br />
responsabilités et on s’améliore de jour<br />
LE MATOS POUR UN TOUR DU MONDE<br />
Provisions, matériel technique, vêtements spécifiques et matériel médical. Tout est fin prêt.<br />
Le navigateur aura la possibilité de faire escale en chemin pour embarquer du nouveau matériel.<br />
THE RED BULLETIN 79
Le bateau<br />
Catégorie Open60AAL<br />
Longueur 18,28 mètres<br />
Largeur 5,82 mètres<br />
Hauteur de mât au-dessus<br />
du niveau de la mer 29 mètres<br />
Matériau de construction de<br />
la coque Fibre de roche<br />
volcanique et balsa écocertifié<br />
Moteurs Deux moteurs Oceanvolt<br />
(électriques, de 10 kW et 14 CV<br />
chacun) pour la navigation et<br />
l’électricité ; le bateau bénéficie<br />
ainsi d’une alimentation 100 %<br />
sans énergies fossiles
en jour. À chaque pas dans cette direction,<br />
le risque diminue.<br />
Votre tour du monde est probablement<br />
le meilleur exercice en la matière.<br />
Vous naviguerez en solitaire pendant<br />
sept mois. Sans personne à bord sur<br />
qui rejeter la faute quand quelque<br />
chose se passera de travers.<br />
Exact. J’ai même construit mon bateau<br />
moi-même. Donc quand je veux savoir<br />
qui a fait une connerie, je me regarde<br />
dans le miroir et je me dis : « Tu as<br />
déconné, mais maintenant, tu vas tout<br />
arranger. » C’est la base : quand on foire<br />
quelque chose, on répare. Et quand on<br />
y arrive, il n’y a rien de mal à être fier<br />
de ce que l’on a fait.<br />
Être fier de ce qu’on fait, c’est un peu<br />
passé de mode, il me semble.<br />
Je trouve aussi. Et pourtant, c’est une<br />
très bonne manière de transformer les<br />
épreuves en succès.<br />
En mode : « Si j’assume maintenant,<br />
je pourrai être fier de ce que j’ai fait<br />
ensuite. »<br />
Oui, et il faut aussi se bouger avant qu’il<br />
n’arrive quelque chose qui nous tire vers<br />
le bas. Un exemple : selon nos estimations,<br />
le bateau devra résister à environ<br />
40 millions de vibrations en sept mois<br />
passés en mer. Donc il y aura toujours<br />
quelque chose à réparer. Il faut repérer<br />
les failles avant qu’elles ne deviennent<br />
graves. Toutes les zones de frottement<br />
par exemple. On voit une corde qui est<br />
un peu déchirée. On se dit que ça ira<br />
bien. Faux ! Trois jours plus tard – bam !<br />
Elle se déchire. Là, pas de bol, la voile<br />
vous glisse des mains et tombe dans<br />
l’eau, ça fait un trou et la corde de la<br />
voile se prend dans l’hélice – réaction<br />
en chaîne classique. C’est pour cela qu’il<br />
faut être vraiment méticuleux. Si on<br />
remarque quelque chose qui cloche, pas<br />
le choix : il faut réparer ou remplacer –<br />
même quand on est fatigué.<br />
Et ça marche à tous les coups ?<br />
C’est sûr qu’il y a des moments où j’ai<br />
envie de tout laisser tomber. Je me dis<br />
que je m’en tape de tout ça, mais au<br />
même moment, je remarque qu’il y a une<br />
partie de mon cerveau qui cherche déjà<br />
une solution dans son coin.<br />
OCEAN RACER<br />
Le yacht devra résister à<br />
40 millions de vibrations<br />
pendant sa course autour<br />
du monde.<br />
81
Ça aide d’exprimer ses émotions ?<br />
De hurler en pleine mer ?<br />
Bien sûr. Il faut faire redescendre la pression.<br />
Ensuite, on est plus à même de<br />
réfléchir et de trouver une solution. C’est<br />
mieux que de ronger son frein, de râler,<br />
etc. C’est aussi de cette manière que l’on<br />
fonctionne dans notre couple avec ma<br />
femme. Quand quelque chose ne va pas,<br />
on le dit. Au moment où ça ne va pas.<br />
Et pas : oui, bon, je l’aime après tout, et<br />
puis, vient un moment où les rancunes<br />
s’accumulent et on finit par se déchirer<br />
sans savoir pourquoi.<br />
En parlant des amis et de la famille,<br />
comment supporte-t-on sept mois<br />
de solitude ? Est-ce que ça vous aide<br />
d’avoir des contacts avec l’extérieur ?<br />
C’est à double tranchant. Il faut bien se<br />
dire que quand on part comme ça, au<br />
bout d’un ou deux jours, on est déjà dans<br />
un autre monde. On se retrouve seul face<br />
à soi-même, la mer et son bateau et,<br />
« Ne pas dormir<br />
plus de quinze<br />
minutes d’affilée<br />
pendant sept mois ?<br />
On s’y fait. »<br />
quand c’est possible, on s’assure de<br />
reprendre quelques forces, de dormir<br />
un peu et de se la couler douce ou de<br />
faire ce qu’on a à faire. Ce n’est pas bon<br />
de trop communiquer avec ses proches.<br />
Et ce qu’il faut éviter à tout prix, ce sont<br />
les mauvaises nouvelles. On a établi une<br />
règle entre nous : je ne me plains pas<br />
et ils en font autant. Cela ne nous apporterait<br />
rien.<br />
Vous allez naviguer d’une traite et<br />
vous n’accosterez jamais pour vous<br />
reposer. Comment faites-vous pour<br />
dormir ?<br />
En faisant des siestes éclair. Je m’équipe<br />
de pied en cap et je m’installe devant les<br />
armatures. Elles m’avertissent quand<br />
quelque chose ne va pas. Et mon réveil<br />
sonne toutes les quinze minutes. Là, je<br />
fais une vérification d’ensemble et je me<br />
rendors.<br />
Donc vous passez 200 jours à ne pas<br />
dormir huit heures d’affilée, mais<br />
seulement par tranches de quinze minutes.<br />
Est-ce que vous gardez un semblant<br />
de rythme jour/nuit ?<br />
Non. Il faut se consacrer entièrement aux<br />
besoins de son bateau. Et ils dépendent<br />
principalement de la météo. Donc je profite<br />
de vraiment toutes les opportunités,<br />
quelle que soit l’heure, pour me reposer<br />
et me détendre. D’une manière générale,<br />
je suis un petit dormeur. Mais c’est sûrement<br />
une question de tempérament.<br />
Qu’en est-il des repas ?<br />
Je les ai répartis très précisément.<br />
Les provisions que j’embarque représentent<br />
en tout 1,3 million de kilocalories.<br />
Je mange plus souvent, mais en<br />
petites portions, pour pouvoir réagir<br />
de la manière la plus flexible possible<br />
à mes besoins en calories selon mon<br />
activité du moment.<br />
Que faites-vous en cas de blessure ou<br />
de problème de santé ?<br />
J’ai trois grosses caisses de matériel<br />
médical à bord. Elles contiennent à peu<br />
près tout ce dont on peut avoir besoin<br />
pour les premiers soins et les traitements<br />
complémentaires quand il n’y a aucun<br />
médecin à la ronde sur plusieurs centaines<br />
de milles marins.<br />
Même en cas de problème plus grave,<br />
vous vous débrouillez seul ?<br />
Dans ce cas-là, je contacte un spécialiste,<br />
un dentiste ou un chirurgien pour qu’il<br />
m’explique ce qu’il faut que je fasse et<br />
quels médicaments je dois prendre. Mais<br />
c’est plus facile à dire qu’à faire. Parce<br />
que la plupart des médecins diront : « Ce<br />
n’est pas possible, vous devez tout de<br />
suite vous rendre à l’hôpital. » Mais en<br />
plein milieu de l’Atlantique, il faut se<br />
POSTE DE<br />
TRAVAIL<br />
Dans le cockpit,<br />
Sedlacek manipule<br />
les voiles pour<br />
diriger le bateau.<br />
82 THE RED BULLETIN
AU-DELÀ DE<br />
L’HORIZON<br />
Norbert Sedlacek,<br />
en pleine mer sur son<br />
bateau, mettant le cap<br />
sur l’inconnu, là où<br />
l’on peut se découvrir<br />
soi-même.<br />
débrouiller avec ce que l’on a. Donc on<br />
n’arrête jamais d’apprendre, c’est aussi<br />
ça, la beauté de la chose.<br />
Quelle superficie avez-vous à bord ?<br />
Le pont fait 75 m², mais il n’est pas habitable<br />
et pas facilement praticable, vu<br />
qu’il est toujours humide dès qu’on prend<br />
un peu de vitesse. Donc il y a le cockpit<br />
à l’extérieur et il y a l’intérieur – en tout,<br />
ça doit faire 10 ou peut-être 12 m².<br />
Et ça vous va d’y passer des mois ?<br />
C’est un domicile que l’on choisit de<br />
son plein gré. On en a besoin pour partir<br />
à la quête de soi-même. Vivre de nouvelles<br />
choses, faire tout ce que l’on n’a<br />
pas le temps de faire en temps normal.<br />
Apprendre de nouvelles choses par soimême<br />
au lieu d’appeler des gens quinze<br />
fois par jour ou de surfer sur Internet.<br />
De temps en temps, on peut aussi tout<br />
simplement se poser, observer la nature<br />
et s’écouter soi-même. Ou alors s’interroger<br />
: est-ce que je vis la vie que j’ai envie<br />
de vivre ? C’est important de se poser<br />
cette question de temps en temps.<br />
Une introspection en environnement<br />
spartiate, en somme. À ce propos,<br />
est-ce vrai que vous n’avez pas de<br />
chauffage à bord, alors que vous allez<br />
endurer des températures de – 20 °C<br />
dans les zones arctiques et antarctiques<br />
?<br />
C’est vrai. D’après ce que j’ai vécu en<br />
Antarctique, la température, c’est un<br />
stress permanent pour le corps, parce<br />
qu’il doit sans cesse s’adapter à une<br />
alternance chaud-froid-chaud-froid. Il<br />
faut monter sur le pont toutes les deux<br />
minutes parce qu’on est le seul à faire<br />
le job. Donc, on enfile deux ou trois<br />
couches de vêtements spéciaux pour<br />
résister au froid. Et puis, on retourne<br />
dans la cabine et là, on se prend les<br />
+ 20 °C dans la face. Donc on enlève<br />
tout. Mais déjà, il faut ressortir. Donc<br />
on renfile tout. En fait, on a le choix :<br />
soit on transpire comme pas possible à<br />
l’intérieur, soit on sort pas assez habillé<br />
à l’extérieur, soit on perd des plombes<br />
à renfiler toutes ces couches de vêtements<br />
encore et encore.<br />
« Je n’ai pas besoin<br />
de chauffage, même<br />
dans les régions<br />
glaciaires. »<br />
Oui, et donc, le froid ?<br />
On s’y habitue avec le temps. À l’intérieur,<br />
il ne fait pas aussi froid que sur<br />
le pont en plein vent. Et puis, je porte<br />
des vêtements spéciaux. Comme ça, par<br />
exemple (il prend un tee-shirt à manches<br />
longues super fin sur une pile de vêtements),<br />
ça permet au moins de garder<br />
le buste bien au chaud, qu’il fasse – 10 °C<br />
ou + 15 °C. Ce n’est pas encore vendu en<br />
magasin – je fais le cobaye sur ce coup.<br />
Quelqu’un qui envisagerait de laisser<br />
sa vie ordinaire derrière soi et de<br />
réaliser ses rêves – quels conseils<br />
auriez-vous à lui donner ?<br />
D’abord, soyez honnête avec vous-même.<br />
Trouvez ce que vous voulez vraiment<br />
faire et ce dont vous êtes capable.<br />
Ensuite, allez-y à fond, sans filet de sécurité.<br />
C’est la meilleure manière de mobiliser<br />
son énergie, sa détermination, et les<br />
soutiens. Et aussi, profitez de toutes les<br />
occasions pour apprendre. Enfin, gardez<br />
les pieds sur terre. Vous n’êtes pas un<br />
champion, seulement un être humain qui<br />
évolue sans cesse et qui fait chaque jour<br />
avec une grande détermination un petit<br />
peu plus de ce qui le fait vraiment vibrer.<br />
ant-arctic-lab.com<br />
THE RED BULLETIN 83
RED BULL SANS SUCRE<br />
MAIS RED BULL QUAND MÊME.<br />
<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />
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PERSPECTIVES<br />
Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />
DANS LE<br />
SILLAGE DES<br />
ATHERTON<br />
Dyfi Bike Park,<br />
Pays de Galles<br />
85
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
Dan Atherton mène une clique de pilotes<br />
sur les pistes du Dyfi. Ci-dessous, de<br />
gauche à droite : Dan et son frère Gee<br />
veillent sur les 260 hectares de leur bike<br />
park ; Al Bond convie les riders à une<br />
séance d’entraînement ; vous serez peutêtre<br />
le prochain à prendre de l’altitude.<br />
86 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
A four-blade design<br />
made from layers of<br />
woodA four-bla A fourblade<br />
design made<br />
from layers of woodA<br />
four-blade design<br />
made from layers of<br />
woodA four-blade design<br />
made from layers<br />
of woodA four-blade<br />
design made from<br />
layers of wood<br />
de design made from<br />
layers of wood<br />
« Il y a des trails partout, ils vous<br />
font parcourir un paysage fantastique<br />
de rivières, de forêts et<br />
de vues à couper le souffle. »<br />
Al Bond, entraîneur VTT de la Fédération<br />
de Cyclisme de Grande-Bretagne<br />
Je me trouve juste en dessous<br />
du sommet de Tarren y Gesail<br />
en Snowdonia, au Pays de<br />
Galles, avec ses 667 m d’altitude surplombant<br />
les cimes de la forêt d’Esgair<br />
et les plages de sable de Cardigan Bay.<br />
C’est ici que commence la piste – une<br />
descente à pic à travers Dyfi Valley, qui<br />
se terminera pratiquement au niveau de<br />
la mer. Avec ses 263 hectares, le Dyfi<br />
Bike Park est le plus grand bikepark du<br />
Royaume-Uni et le terrain d’entraînement<br />
des Atherton, vététistes et champions<br />
de descente et d’enduro.<br />
Voilà six ans que Dan Atherton – le<br />
technicien de la famille – a construit les<br />
trails d’origine dans ces collines pour<br />
que sa sœur et son frère, Rachel et Gee,<br />
puissent s’entraîner. Depuis, ils ont remporté<br />
huit championnats du monde et<br />
49 coupes du monde. C’est également ici<br />
que se trouve le bébé le plus redoutable<br />
de Dan, le parcours <strong>Red</strong> Bull Hardline.<br />
Ils ont décidé d’ouvrir le parc au public<br />
l’année dernière, afin que tout le monde<br />
puisse en profiter.<br />
Je fais du VTT avec les Atherton<br />
depuis que j’ai 17 ans, et je parcours les<br />
trails de Dyfi Valley depuis que Dan les a<br />
construits. Ils m’ont beaucoup appris, j’ai<br />
participé à des coupes du monde et au<br />
<strong>Red</strong> Bull Hardline, et ai remporté le titre<br />
de British Elite overall DH champion en<br />
2011, avant que des blessures ne<br />
m’obligent à arrêter la compétition.<br />
Désormais je suis entraîneur et enseigne<br />
l’art du VTT dans ce superbe bikepark.<br />
Je n’ai jamais vu de paysage comparable<br />
en Grande-Bretagne. Lorsque vous<br />
êtes au sommet, des trails partent dans<br />
toutes les directions et vous font parcourir<br />
un paysage fantastique de rivières, de<br />
forêts et de vues à couper le souffle. Les<br />
descentes palpitantes mettant la gravité<br />
à profit n’ont de semblable que dans les<br />
Alpes. Il y a des pistes pour tous les<br />
types de pilotes, dont deux pistes rouges<br />
toutes neuves, pour acquérir de nouvelles<br />
compétences, que vous pourrez<br />
appliquer sur les pistes noires ensuite.<br />
La piste que j’emprunte aujourd’hui<br />
est la 50 Hits, qui porte bien son nom<br />
étant donné les cinquante sauts qu’elle<br />
vous fera effectuer. Elle commence à<br />
400 m d’altitude, juste en dessous de la<br />
zone de vols militaires à basse altitude<br />
de la Royal Air Force. Sur 3 600 mètres,<br />
elle suit la crête tandis que les avions de<br />
chasse sifflent au-dessus de vos têtes.<br />
Même à fond, il y en a pour huit minutes<br />
de descente, truffées de passerelles,<br />
à faire pomper l’adrénaline.<br />
Chaque saut est conçu de manière<br />
à vous lancer dans les airs et à vous faire<br />
atterrir exactement là où vous entamerez<br />
le prochain, à la bonne vitesse ; je n’ai<br />
quasiment aucun de coup de pédale à<br />
donner. La répétition est une base parfaite<br />
pour le processus d’apprentissage<br />
– il est plus simple d’apprendre à sauter<br />
en effectuant cinquante sauts en sécurité,<br />
sur un seul trail. Il en est de même<br />
pour les bosses et les virages ; si vous<br />
vous trouvez sur une piste étroite et<br />
rocheuse bordée d’arbres, votre cerveau<br />
ne pourra pas traiter plus d’informations.<br />
Un Land Rover aura beau vous emmener<br />
au sommet en onze minutes, il vous<br />
THE RED BULLETIN 87
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
LA FOURCHE AVANT<br />
ET LES AMORTIS-<br />
SEURS ARRIÈRE<br />
Absorption des chocs<br />
avec la fourche et le<br />
système DW6 : 150 mm<br />
de débattement.<br />
LE CADRE<br />
Une géométrie sophistiquée<br />
permet une<br />
position parfaite du<br />
corps pour les descentes<br />
raides et pour<br />
pédaler efficacement.<br />
LES ROUES<br />
Les roues de 29<br />
pouces encaissent<br />
mieux que les anciens<br />
standards de 26.<br />
Atherton Bikes<br />
Enduro 29”<br />
Comment les VTT Atherton vous permettent<br />
de « flotter » en descente.<br />
TOUS TERRAINS<br />
Le design est inspiré<br />
de l’expérience de Dan<br />
Atherton en compétition<br />
de VTT enduro.<br />
faudra mériter votre descente. Avec<br />
chaque passerelle et chaque drop, vos<br />
bras et vos jambes servent de suspension,<br />
tandis que les muscles de la partie<br />
supérieure du corps vous maintiennent<br />
en position et votre tronc solidifie l’ensemble.<br />
En travaillant votre agilité vous<br />
aurez une meilleure posture sur votre<br />
VTT, peut-être même que vous éviterez<br />
quelques chutes.<br />
Le secret du succès de Dan, Gee et<br />
Rachel est d’être partis dans la forêt et<br />
d’avoir construit leurs propres sauts et<br />
pistes. Leur savoir réuni sur la manière<br />
de combiner les sauts à la vitesse et à la<br />
pente, ainsi que leur compréhension du<br />
virage parfait, ont abouti à des pistes<br />
intelligentes.<br />
Lorsqu’un trail vous porte, vous<br />
n’avez pas à vous efforcer de gagner en<br />
vitesse, en fait cela vous aidera même<br />
à accélérer. Concentrez- vous sur les<br />
trajectoires que vous trouvez les plus<br />
confortables, puis efforcez- vous de lever<br />
consciemment les yeux et de regarder<br />
ce qui se trouve devant vous.<br />
D’ici votre dernière descente vers la<br />
base, vous aurez un immense sentiment<br />
d’accomplissement, et vous réaliserez<br />
que vous êtes capable de dévaler les<br />
mêmes pistes que les meilleurs pilotes<br />
du monde empruntent pour s’entraîner<br />
tous les jours.<br />
Dyfi Bike Park<br />
Localisation Bordure sud du<br />
Snowdonia National Park<br />
Surface 263 hectares<br />
Distance des trails<br />
0,62 km à 3,6 km<br />
Durée des descentes<br />
5 à 10 min par trail<br />
Ascension<br />
Remontée uniquement<br />
Niveau<br />
Rouge à « triple black diamond »<br />
dyfibikepark.co.uk<br />
Liverpool<br />
Dyfi Bike<br />
Park<br />
<strong>The</strong> Super<br />
Swooper<br />
Rachel Atherton, multiple<br />
championne du monde,<br />
nous décrit l’un des<br />
nouveaux trails du Dyfi :<br />
la piste rouge.<br />
« Cette piste vous permet de<br />
développer vos compétences<br />
en matière de bosses et de<br />
sauts, ce qui s’ajoutera<br />
parfaitement au savoir-faire<br />
acquis dans les bikeparks plus<br />
classiques, afin de devenir un<br />
pilote accompli.<br />
Le trail part du sommet<br />
de la montagne, et lors des<br />
quinze premières bosses, sur<br />
la partie haute de la montagne,<br />
la vue sur les alentours est<br />
imprenable.<br />
Vous dévalez la pente d’une<br />
bosse à l’autre, presque<br />
comme un oiseau. Puis trois<br />
grands tunnels de bois vous<br />
font passer sous la piste de<br />
downhill et la jumpline.<br />
Ensuite, vous passez sous<br />
les arbres avec encore plus de<br />
bosses. Puis viennent deux<br />
passerelles, plutôt faciles, qui<br />
vous permetteront de gagner<br />
en confiance pour les sauts.<br />
C’est le trail le plus fun sur<br />
lequel je suis descendue<br />
depuis des années. »<br />
DAN GRIFFITHS/MOONHEAD MEDIA, ALAMY MATT RAY<br />
88 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
RANDO<br />
Un pas<br />
assuré<br />
Merrell MQM Flex 2<br />
Les lacets intégrés<br />
à la languette et une<br />
semelle intérieure<br />
doublée de mérinos<br />
assurent confort<br />
et maintien sur tous<br />
les terrains.<br />
TIM KENT<br />
Les randonneurs se divisent en deux groupes : ceux qui marchent et ceux qui courent. Pour les distinguer, un coup d’œil à<br />
leurs chaussures suffit. Ces dernières années, les randonneurs se sont habitués à porter des chaussures de trail running<br />
lors de leurs promenades, c’est pourquoi Merrell a conçu une chaussure spécialement pour eux. L’acronyme MQM signifie<br />
Move Quickly in the Mountains et, à cet égard, elles sont dotées d’une semelle extérieure antidérapante, de rainures<br />
flexibles sur la semelle intermédiaire qui facilitent le contact avec le sol et d’un talon à coussin d’air qui absorbe les chocs.<br />
La partie supérieure est constituée d’une maille imperméable, d’une membrane Gore-TEX respirante et d’une languette<br />
à soufflet, ainsi que d’un embout en polyuréthane thermoplastique. Une plaque en dur sous la semelle matelassée protège<br />
contre les pierres tranchantes. Elles sont si belles que vous pourriez même les porter en ville. merrell.com<br />
THE RED BULLETIN 89
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
« Lorsque l’air<br />
est pauvre en<br />
oxygène, notre<br />
corps produit<br />
plus de globules<br />
rouges. »<br />
Dylan Bowman<br />
Dylan a remporté<br />
des ultramarathons<br />
en Australie et<br />
Nouvelle-Zélande.<br />
Manquer<br />
d’air pour se<br />
surpasser !<br />
Comment produire plus<br />
de globules rouges sans<br />
technologie coûteuse.<br />
ENTRAÎNEMENT AU TOP<br />
Air raréfié pour<br />
perf de pointe<br />
Des sportifs de haut niveau s’entraînent avec de l’air à<br />
faible teneur en oxygène pour booster leurs capacités.<br />
Moins il y en a, mieux c’est.<br />
Les sportifs de haut niveau<br />
le savent bien : plus l’altitude<br />
à laquelle on s’entraîne est<br />
élevée, moins il y a d’oxygène<br />
dans l’air. Ainsi, pour rester<br />
performant, notre corps produit<br />
plus de globules rouges<br />
afin d’optimiser l’apport<br />
d’oxygène aux muscles. Cette<br />
concentration plus élevée en<br />
globules rouges perdure<br />
quinze jours, ce qui, à une<br />
altitude plus basse, a pour<br />
effet d’améliorer la performance<br />
lors de compétitions.<br />
Et si l’on ne peut pas s’entraîner<br />
en haute montagne ?<br />
Des entreprises comme<br />
Hypoxico ont développé des<br />
outils qui simulent les conditions<br />
que l’on trouve en altitude.<br />
Ainsi, le coureur américain<br />
d’ultramarathon Dylan<br />
Bowman, 34 ans, se prépare<br />
aux courses en passant ses<br />
nuits à dormir dans une tente<br />
à l’intérieur de laquelle la<br />
teneur en oxygène correspond<br />
à celle à 4 200 mètres<br />
d’altitude. Si vous préférez<br />
vous entraîner de jour, vous<br />
pouvez vous équiper d’un<br />
masque spécial connecté<br />
à un générateur d’air raréfié<br />
– par exemple lors de vos<br />
séances à l’ergomètre.<br />
hypoxico.com<br />
À pleins poumons :<br />
un générateur<br />
d’air raréfié pour<br />
l’entraînement<br />
à la maison.<br />
ENTRAÎNEMENT À<br />
L’HYPERVENTILATION<br />
Retenir son souffle pendant<br />
un nombre fixéde tours de<br />
pédale, de brasses ou de pas.<br />
L’EFFET<br />
Comme lors d’une séance<br />
en haute montagne, le corps<br />
est en stress hypoxique et<br />
augmente l’apport d’oxygène<br />
vers les muscles.<br />
ATTENTION !<br />
L’équilibre entre intensité<br />
de l’entraînement et hypoxie<br />
est crucial. 3 à 5 secondes<br />
de pause respiratoire<br />
suffisent.<br />
AARON ROGOSIN/RED BULL CONTENT POOL, MICHAEL CLARK/RED BULL CONTENT POOL<br />
FLORIAN OBKIRCHER TOM MACKINGER<br />
90 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
équipement<br />
MUSCU<br />
Matière<br />
grise<br />
JaxJox KettlebellConnect<br />
Cet accessoire d’entraînement<br />
a des racines historiques.<br />
Les Grecs anciens<br />
connaissaient déjà la<br />
forme originale du kettlebell<br />
(un poids avec une<br />
poignée de préhension).<br />
Sa forme actuelle remonte<br />
à la girya russe, un poids<br />
en fonte qui servait à<br />
peser le grain avant que<br />
les haltérophiles et les<br />
entraîneurs de fitness<br />
ne s’en emparent. Le<br />
plus jeune rejeton de la<br />
famille des girya se<br />
nomme JaxJox Kettlebell<br />
Connect, et se connecte<br />
à votre smartphone pour<br />
mesurer vos progrès à<br />
l’entraînement. En outre,<br />
des poids sous forme<br />
de disques, allant de 5,5<br />
jusqu’à 19 kilos, peuvent<br />
être ajoutés en appuyant<br />
sur un bouton situé dans<br />
la poignée. Les Grecs de<br />
l’Antiquité auraient salué<br />
une telle ingéniosité.<br />
jaxjox.com<br />
TIM KENT<br />
THE RED BULLETIN 91
PERSPECTIVES<br />
gaming<br />
JOUER<br />
Pourquoi<br />
il restera<br />
légendaire<br />
La postérité d’un classique du jeu<br />
vidéo, Tony Hawk’s Pro Skater.<br />
La fin du XX e siècle a été une<br />
période faste pour Tony Hawk.<br />
En juin 1999, le skateur californien<br />
a réalisé le tout premier<br />
900 (deux rotations<br />
et demie à mi-hauteur) puis<br />
a abandonné le skate de compétition.<br />
Mais ce dont on se<br />
souvient le plus de cette<br />
année-là, c’est d’un jeu vidéo.<br />
Avec sa bande-son punk rock<br />
et son gameplay qui vous<br />
permettait de pénétrer dans<br />
l’univers des plus grands<br />
talents de ce sport, Tony<br />
Hawk’s Pro Skater a été un<br />
moment culturel pour tous<br />
ceux qui l’ont vécu – les<br />
gamers, les skateurs et Hawk,<br />
qui est devenu une superstar<br />
mondiale. Un an plus tard,<br />
Tony Hawk’s Pro Skater 2 est<br />
paru et a remporté encore<br />
plus de succès. Vingt ans<br />
plus tard, les deux jeux ont<br />
été remasterisés sous le nom<br />
de Tony Hawk’s Pro Skater<br />
1+2 et une nouvelle génération<br />
s’est jointe à l’équipe<br />
originale de skateurs (que<br />
l’on voit à leur âge actuel).<br />
Trois des pros qui apparaissent<br />
dans le jeu nous<br />
parlent de l’impact que la<br />
série a eu sur eux…<br />
Il m’a rendue célèbre<br />
« C’est une chose incroyable<br />
qui m’est arrivée, raconte la<br />
skateuse américaine Elissa<br />
Steamer, qui est apparue dans<br />
le jeu original quand elle avait<br />
25 ans. C’était bizarre d’aller<br />
dans des endroits où les gens<br />
ne faisaient pas de skate et<br />
de se faire dire : “Hey, tu es<br />
dans le Tony Hawk !” Je suis<br />
devenue super reconnaissable<br />
pour les gens qui ne faisaient<br />
même pas de skate. »<br />
Fait de la même étoffe : Riley Hawk, le fils de Tony Hawk, tel<br />
qu’il apparaît dans Tony Hawk’s Pro Skater 1+2.<br />
Il m’a encouragé à<br />
passer pro<br />
Leo Baker (ci-dessus) est un<br />
skateur trans californien qui<br />
fait ses débuts dans la version<br />
remasterisée. « J’avais la<br />
version pour la Nintendo 64<br />
quand j’avais huit ans, dit<br />
Baker, qui en a maintenant<br />
28. Rien que le titre, Pro<br />
Skater, m’a fait réaliser que<br />
ça pouvait être une carrière.<br />
Tu t’imagines faire des<br />
figures, traverser les niveaux.<br />
Maintenant que je me vois<br />
dans le jeu, c’est difficile à<br />
décrire. J’ai envoyé un texto<br />
à ma mère : “Je suppose que<br />
je suis devenu un skateur<br />
professionnel.” J’ai fait ce<br />
que j’avais dit que je ferais<br />
il y a vingt ans. »<br />
Sa bande-son a<br />
marqué les joueurs<br />
« Entendre toute cette<br />
musique pour la première<br />
fois a été un choc pour moi,<br />
dit Riley Hawk. Ces chansons<br />
sont gravées dans mon cerveau.<br />
Je ne pense pas que<br />
beaucoup d’enfants de mon<br />
âge auraient écouté quelque<br />
chose de semblable si cela<br />
n’avait pas fait partie du jeu. »<br />
Les skateurs ont été<br />
mis à contribution<br />
« Il y a eu plusieurs réunions<br />
pendant la conception de la<br />
première version. On parlait<br />
de ce que nous voulions porter,<br />
on nous apportait des<br />
vêtements puis on prenait<br />
quelques photos de nous,<br />
explique Steamer à propos<br />
du processus de création.<br />
La conception de la nouvelle<br />
version a été pratiquement<br />
identique sauf qu’il y avait<br />
ce gros appareil photo 360 °<br />
en forme de grosse boule<br />
avec des flashes. Je suis<br />
super sensible à la lumière<br />
et cela m’a fortement affectée<br />
pendant trois jours – tout<br />
ce que je voyais, c’était des<br />
boules de lumière. »<br />
C’est une source<br />
d’inspiration pour une<br />
nouvelle génération<br />
« Depuis que j’ai posté sur<br />
Instagram que je suis dans<br />
le jeu, beaucoup de gens qui<br />
s’identifient comme queer,<br />
non- binaires et trans ont dit<br />
qu’ils auraient aimé avoir ça<br />
en grandissant, dit Baker.<br />
Je suis tout simplement heureux<br />
pour ces jeunes queer<br />
qui voient un trans dans un<br />
jeu vidéo et qui se sentent<br />
capables de le faire aussi. »<br />
Cela nous rassemble,<br />
qui que nous soyons<br />
« Je pense que c’est un point<br />
commun entre les skateurs,<br />
les non-skateurs et les<br />
gamers, dit Steamer. Tous<br />
les gens que vous rencontrez<br />
vous demandent : “Qu’est-ce<br />
que tu fais ?” Toi : “Je fais du<br />
skate.” Et ils disent : “Oh, tu<br />
connais Tony Hawk ? T’as déjà<br />
vu le jeu vidéo ?” C’est toujours<br />
la première question. »<br />
Tony Hawk’s Pro Skater 1+2<br />
sur PS4, Xbox One et Windows ;<br />
tonyhawkthegame.com<br />
ACTIVISION JAKE TUCKER<br />
92 THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN<br />
Retrouvez votre prochain numéro le 29 octobre avec et le 5 novembre avec<br />
dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />
LITTLE SHAO / RED BULL CONTENT POOL
PERSPECTIVES<br />
agenda<br />
30<br />
octobre<br />
RED BULL NEPTUNE STEPS<br />
À vos maillots, combinaisons et bonnets de bain : le <strong>Red</strong> Bull Neptune Steps revient à Hédé-Bazouges,<br />
en Bretagne ! Et le concept reste inédit pour un événement sportif et convivial hors normes : une<br />
course de natation avec franchissement d’écluses. Une épreuve de nage en eau libre sur 670 mètres<br />
à contre-courant qui intègre une série de cinq obstacles (dont les fameuses trois écluses). Le tout<br />
dans une eau très froide, autour de 10 °C, ce qui rend la mission d’autant plus exigeante. Ce format<br />
de course séduira assurément les passionnés de natation et de défis extrêmes. 500 vaillants nageurs<br />
et nageuses sont attendus, et ça vaudra aussi le coup côté public… Hédé-Bazouges ; redbull.com<br />
Déjà dispo<br />
A LAND SHAPED<br />
BY WOMEN<br />
Les snowboardeuses freeride Anne-<br />
Flore Marxer et Aline Bock ont passé<br />
un hiver à réaliser ce film, dans les<br />
paysages inspirants de l’Islande, pays<br />
classé en tête pour l’égalité des sexes<br />
par le Forum économique mondial<br />
onze ans de suite. Cette production<br />
originale honore l’égalité des droits<br />
dans un sport historiquement dominé<br />
par les hommes.<br />
redbull.com<br />
Déjà dispo<br />
RETURN TO<br />
EARTH<br />
On se souviendra de<br />
<strong>2020</strong> pour ces longues<br />
périodes passées à domicile.<br />
Ce film de VTT<br />
célèbre le temps qui<br />
s’écoule, et ceux qui<br />
savent en profiter. Tourné<br />
dans des lieux magnifiques,<br />
des déserts de<br />
l’Utah aux montagnes<br />
de Patagonie, et mettant<br />
en lumière les performances<br />
de Brett Rheeder,<br />
Thomas Vanderham<br />
et Casey Brown, ce<br />
voyage cinématographique<br />
va vous reconnecter<br />
avec la nature.<br />
redbull.com<br />
Déjà dispo<br />
OPEN THE<br />
DOORS<br />
Ce documentaire se voulait<br />
une célébration d’une<br />
nouvelle équipe de F1 :<br />
LA Scuderia AlphaTauri,<br />
ex-Toro Rosso. Mais suite<br />
à l’annulation du Grand<br />
Prix d’Australie en mars,<br />
il est devenu un témoignage<br />
sans précédent<br />
de l’état d’esprit d’une<br />
équipe de Formule 1<br />
pendant la période de<br />
confinement, et ses<br />
débuts tardifs au GP<br />
d’Autriche en juillet.<br />
redbull.com<br />
LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, NICK PUMPHREY<br />
94 THE RED BULLETIN
PROMOTION<br />
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Sehili optimise ses<br />
itinéraires.<br />
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Mais si vos sorties vous font tourner<br />
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nouvelles expériences et de rouler<br />
dans des endroits où vous n’êtes<br />
jamais allé auparavant, en toute<br />
sérénité. Plus de déconvenues : vous<br />
ne vous perdrez plus, vous ne roulerez<br />
plus sur des routes encombrées,<br />
des sentiers impraticables ou des<br />
chemins inexistants.<br />
Komoot offre ces spécificités<br />
grâce à un algorithme éprouvé qui<br />
donne la priorité au type de routes<br />
et pistes que vous préférez et en<br />
basant les itinéraires suggérés sur<br />
les recommandations d’autres utilisateurs.<br />
Komoot vous mène à votre<br />
destination via des itinéraires<br />
approuvés par les riders et truffés<br />
de joyaux cachés à découvrir.<br />
Pour utiliser cette application en<br />
téléchargement gratuit, il vous suffit<br />
d’entrer vos points de départ et<br />
d’arrivée, votre niveau de forme<br />
physique et de préciser le type de<br />
sortie envisagée (route, gravel ou<br />
VTT). Komoot vous proposera un<br />
parcours exclusif affichant distance,<br />
profil de dénivelé et type de surface :<br />
plus de mauvaises surprises !<br />
Coursier à Paris et cycliste<br />
d’ultra- endurance, Sofiane Sehili a<br />
l’esprit curieux de nature. « Komoot<br />
est la meilleure appli pour planifier<br />
ses itinéraires », explique celui qui<br />
a remporté l’édition inaugurale de<br />
la PEdALED Atlas Mountain Race<br />
au Maroc (soit 1 145 km réalisés en<br />
trois jours).<br />
Pour des sorties en France ou des<br />
challenges à travers l’Europe, l’appli<br />
lui assure des parcours exclusifs.<br />
« Avec komoot, j’apprécie les informations<br />
ultra précises qui sont données<br />
sur la nature des routes empruntées,<br />
explique celui qui a roulé en Turquie,<br />
à Taïwan, en Ouzbékistan, en<br />
Nouvelle- Zélande ou encore au Tibet.<br />
Mais surtout, j’apprécie la capacité<br />
de komoot à calculer des itinéraires<br />
directs tout en évitant les routes fréquentées<br />
», se réjouit Sofiane.<br />
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cycliste aventurier<br />
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MENTIONS LÉGALES<br />
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans six pays.<br />
Vous voyez ici la une<br />
de l’édition américaine<br />
qui convie la phénoménale<br />
rappeuse Saweetie.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
redbulletin.com<br />
Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />
part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />
photos, illustrations et dessins qui engagent<br />
la seule responsabilité des auteurs.<br />
Rédacteur en chef<br />
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Directeur créatif<br />
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Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />
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TRBMAG
Pour finir en beauté.<br />
Un flip sans flop<br />
Au cas où vous l’ignoriez, Dimitris Kyrsanidis adore la plage. « L’archipel<br />
de San Blas au Panama est unique en son genre », dit le freerunner né<br />
à <strong>The</strong>ssalonique. Ce projet de parkour, tourné dans les Caraïbes en février<br />
dernier, s’intitule From the Office to the After Office. Heureusement,<br />
le job de Kyrsanidis ne nécessite pas de costard, ni de bureau.<br />
Regardez-le en action sur redbull.com.<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
sera disponible<br />
dès le 29 octobre<br />
<strong>2020</strong><br />
EDUARDO VASQUEZ/RED BULL CONTENT POOL<br />
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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.