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Tropiques
helvétiques
Mariage
Bientôt fixé·e·s
Vacances
Echappées belles
Culture
Perfos afropéennes
360° juillet-août 2020 - N°196
Edito
Convergence
Nous sommes sans doute à l’aube d’une nouvelle
ère en Suisse. Le mariage égalitaire va subir
l’épreuve du feu au Conseil des Etats à la rentrée,
après un passage en commission au mois d’août.
Il s’agit peut-être de l’éventuelle fin d’un (trop) long
travail parlementaire. Peu importe, la victoire remportée
lors du passage au Conseil National par la formule
égalitaire nous laisse espérer une belle issue sur cet
important sujet.
Nous ne serons toutefois pas à l’abri d’une mobilisation
conservatrice. Il y a bien des chances que le peuple
soit appelé à se prononcer. Si tel est le cas, il faudra faire
face à l’habituel train d’arguments fallacieux et, une fois
encore, au fait que le sort de nos communautés se trouve
être un enjeu d’ordre politique.
Au jeu politique opposons le bon sens. Non pas uniquement
celui de pouvoir faire union. Mais notre droit,
en tant que citoyen·ne·s et contribuables à pouvoir mener
notre vie comme la constitution fédérale le stipule
dans son préambule « déterminés à vivre ensemble leurs
diversités dans le respect de l’autre et l’équité… »
La diversité. Le respect de l’autre. L’équité. Nous en
sommes quand même bien loin aujourd’hui. Vous ne
trouvez pas ? D’autant plus si l’on pense aux questions
d’identité de genre et des variations du développement
sexuel. L’attention est aujourd’hui focalisée sur le mariage.
N’oublions pas qu’il nous faut rester mobilisé·e·s
pour l’ensemble de nos communautés et au-delà. L’actualité
internationale, notamment sous le prisme de la
lutte contre le racisme, est là pour nous le rappeler. Vous
l’avez compris : la question de la convergence des luttes
est plus que jamais centrale.
Vous pouvez être assuré·e·s d’une chose, le magazine
360° et toute son équipe est et restera mobilisée aussi
longtemps qu’il le faudra. En attendant de vous retrouver
au mois de septembre, nous vous souhaitons un été
succulent, chaud, tendre et excitant. On vous aime.
Rédaction en chef
Guillaume Renevey
(guillaume@magazine360.ch)
Rédaction textes
Edmée Cuttat, Greta Gratos, Annabelle
Georgen, Alexandre Lanz, Guillaume
Renevey, Antoine Bal, Johanna
Schopfer, Antoine Gessling, Lana
Cueto
Corrections
Zelda Chauvet, Zino Davidoff
Rédaction image
Ester Paredes
Graphisme
Marion Bareil (Tourmaline studio)
Charles Chalas
Stéphane Hernandez
Publicité
Philippe Scandolera (pub@360.ch)
Jérémy Uberto (marketing@360.ch)
Stéphanie Siggen
(stephanie.siggen@360.ch)
Christina Kipshoven
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Abonnement
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Expédition
Alain, André, Claude, Erdal, Jacques,
Laurentiù, Otto, Giovanni, Jérôme
Editeur
Association Presse 360
Impression
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360°
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interdite pour tous les pays, sauf
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l’Association 360. Retrouvez toutes
les infos sur 360.ch
360° juillet-août 2020 - N°196 1
Sommaire
P4
Actu
internationale
Goodbye, M. Pinkwashing…
P4
À son tour, la Roumanie fait
la guerre au « genre »
P5
Bref, le monde...
P5
suisse
« Il faut libérer chaque
lettre de l'acronyme
LGBTI »
P6
pride
La Romandie tiendra sa fierté à
Genève en 2020
P8
Chronique
genre
Mon corps qui est le bon
P11
Dans l'été pandémique, la Suisse regorge
de promesses de rivières. À lire en page 12
P12 P33
Gaymap
théâtre
Tendances
vacances
Swiss Summer Love
P12
Culture
tendances design
Dans l'œil de VIU
P18
rencontre
Le goût du risque
P20
bande dessinée
Échappée belle
P22
cinéma
Une romance signée Ozon
P27
Émancipation féminine en
Arabie saoudite
P28
Danseuse en quête de
libération
P28
livres
Eros et Thanatos
P31
Transdessinée
P31
Trois petits tours et puis
s’en vont…
P33
jeu
Le disco quiz des disco
queens !
P35
Les réponses du disco quiz
P37
expo
Photographier le présent et
préfigurer le futur
P38
sorties
« Il b » prend le large
P40
Le vagin star de la night
P40
Infos Partenaires
P48-49
Chants nocturnes de Greta
Gratos
P50
twitter@magazine_360
facebook.com/magazine360lgbt
L’actualité est
sur 360.ch
360° juillet-août 2020 - N°196 3
Actu internationale
Goodbye,
Mr. Pinkwashing...
Richard Grenell à la Maison-Blanche en 2017 © Instagram
Seule figure ouvertement gay de l’administration Trump, Richard Grenell s’est
mis en retrait après deux ans d’hyperactivité controversée, notamment sur le
dossier LGBTQ+.
Par Antoine Gessling
« J’aime mon enfant trans »: slogan à la Pride de Bucarest © DR
Actu internationale
À son tour, la
Roumanie fait la
guerre au « genre »
Bref, le
monde...
L’actualité internationale
en 30 secondes.
CANADA – Incarcérée pour avoir
brandi un drapeau arc-en-ciel lors
d’un concert de Mashrou’ Leila au
Caire, en 2017, la militante queer
égyptienne Sarah Hegazi s’est donné
la mort à Toronto, où elle vivait
en exil. Le leader du groupe de rock
libanais a exprimé son bouleversement
et sa colère. Son sentiment de
culpabilité aussi. «Dans mon optimisme
d’autrefois, j’ai eu l’illusion
que la musique pouvait changer le
monde», écrit Hamed Sinno, avant
de conclure sur un message aux
jeunes LGBTQ+: «Vous êtes la création
de Dieu, parfait·e·s, aimé·e·s.
Vous méritez mieux.» AG
C’est notre homme à Washington.
Richard Grenell incarne
tout ce dont les LGBTQ+ à travers
le monde peuvent rêver de la
part de l’Amérique: un soutien fort
pour la liberté. C’est ainsi qu’en 2019,
ce diplomate ouvertement gay au CV
impressionnant a pris la tête d’une
« initiative globale » pour décriminaliser
l’homosexualité dans près
de 70 pays. La grande idée! Mais à y
regarder de plus près, cette offensive
ressemble plus à une pitoyable opération
de pinkwashing.
Attardons-nous d’abord sur le
CV de Grenell. Le fringant Républicain
de 53 ans, diplômé d’Harvard,
a été porte-parole des États-Unis à
l’ONU, puis entrepreneur médiatique
avant de devenir le chouchou
de Trump, qui l’a nommé à un
poste-clé: ambassadeur à Berlin.
Dès son arrivée, il s’est mis à dos la
quasi totalité de la classe politique
allemande: tweets sexistes, remontrances
aux entreprises, critiques
de la politique d’Angela Merkel. « Je
veux absolument renforcer le pouvoir
des autres leaders conservateurs
à travers l’Europe », confiait-il
même à Breitbart News. Quitte à
frayer avec les très homophobes
régimes hongrois ou polonais.
En janvier 2019, le magazine
« Der Spiegel » publiait un portrait
gratiné du diplomate. Ceux qui le
côtoyaient soulignaient son ignorance
de l’Allemagne, de l’Europe et
de ses dossiers en général, ainsi que
sa «personnalité vaniteuse et narcissique,
qui balance agressivement,
mais peine à supporter la critique».
Bref, un Trump miniature.
« L’initiative globale pour la décriminalisation
de l’homosexualité »
était donc mal barrée, même si Grenell
bombait le torse dans une interview
au « New York Times », en avril.
Il prétendait que l’Amérique ne partagerait
plus de renseignements stratégiques
avec les 68 pays pénalisant
l’homosexualité. Pour cela, il pouvait
se targuer de sa nouvelle casquette:
celle du directeur du renseignement
national, un poste quasi ministériel.
Ces rodomontades ont été accueillies
avec un profond agacement par les
ONG, non consultées, pas plus que le
groupe de l’ONU chargé de promouvoir
les droits des LGBTI. L’initiative
US était d’autant plus malvenue que
la situation des minorités sexuelles
aux États-Unis s’est détériorée depuis
l’arrivée de Trump à la présidence. De
plus, la méthode musclée prônée par
Grenell était perçue comme contreproductive.
« Au lieu de se concentrer
seulement sur la décriminalisation
nous avons besoin de promouvoir
l’acceptation, la compréhension et
l’égalité », a rappelé Jessica Stern, de
l’ONG Outright.
Big flop
Quinze mois plus tard, il ne reste
pas grand chose de l’offensive lancée
par le diplomate américain. Les
alliés des États-Unis (Égypte, Arabie
saoudite, etc.) continuent de persécuter
les LGBTQ+ en toute impunité.
Certes l’Angola et le Botswana
ont décriminalisé l’homosexualité,
mais c’est le fruit de longues
procédures menées par des militants
locaux. Finalement, en juin,
Richard Grenell a été remplacé à la
tête des services de renseignements
au moment même où il quittait son
poste d’ambassadeur à Berlin. Mais
de l’avis des observateurs, sa carrière
est loin d’être finie. Surtout
si son mentor à la Maison-Blanche
s’arroge un second mandat.
Un projet de loi qui bannirait toute discussion du
genre dans les écoles et universités du pays a été
largement adopté par le parlement.
Pendant que le débat sur la prétendue
« théorie du genre » continue
d’empoisonner la politique
polonaise et que la Hongrie prive
désormais sa population trans du
droit à changer d’état-civil, un autre
pays succombe aux sirènes de l’ultraconservatisme.
Le Sénat roumain a
approuvé le 15 juin un texte inspiré
par l’Église orthodoxe et soutenu par
le puissant Parti social-démocate (très
conservateur au niveau sociétal) qui
interdirait toute discussion sur la
« théorie du genre » dans les écoles et
universités du pays. Seul le sexe biologique
devrait être pris en considération.
Au-delà, l’enseignement « porterait
atteinte aux normes morales ».
Identités effacées
Les organisations LGBTQ+ roumaines
ont exprimé leur indignation,
ainsi que leur inquiétude que ce projet
de loi « marginalise davantage la
communauté transgenre, qui souffre
déjà de discrimination ». Elles soulignent
aussi que le texte constitue
une violation de la liberté d’expression
et du droit à l’éducation, et
constituerait un recul dramatique
dans la lutte pour l’égalité des sexes
et contre le harcèlement scolaire,
notamment. « Je suis en colère, je me
sens effacée. L’État roumain me dit
que, en tant que femme trans rom, je
n’existe pas. Non, les politiciens n’ont
pas à décider de mon identité », déclare
Antonella Lerca Duda, membre
du comité de MozaiQ, dans un communiqué
de l’association.
Une pétition a été adressée au
président Klaus Iohannis. Issu du
parti libéral PNL, qui s’est majoritairement
abstenu lors du vote, c’est à lui
de ratifier le projet de loi. Mais selon
les médias locaux, il pourrait exercer
son droit de veto. C’est du moins ce
qu’espèrent les militants LGBTQ+. AG
Sarah Hegazi avait 30 ans © DR
ÉTATS-UNIS – La Cour suprême a
déjoué les pronostics en étendant la
protection des employé·e·s contre les
discriminations basées sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre.
Deux juges conservateurs se sont
ralliés à leurs collègues libéraux, au
grand dam de la Maison-Blanche. AG
ITALIE – Comme la Suisse, la Péninsule
tente de combler son retard
législatif. Le projet de loi contre
l’homotransphobie et la misogynie
devrait arriver au Parlement en
juillet. Son auteur, le député Alessandro
Zan, se prépare à une opposition
féroce. Il est déjà assailli de
menaces de mort. AG
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Manif en faveur du mariage pour tous à Berne, en février 2019 © DR
Lisa Mazzone © DR
Actu suisse
« Il faut libérer chaque lettre de
l’acronyme LGBTIQA »
La Suisse se rapproche un peu plus du mariage égalitaire. Le projet
est entre les mains de la Chambre haute du parlement. Nous
pourrions être fixé·e·s au mois de septembre. Rencontre avec la
sénatrice genevoise Lisa Mazzone.
Propos recueillis par Guillaume Renevey
Après un large succès au Conseil
national, le projet de mariage
égalitaire passera les 10 et 11
août dans la commission compétente
du Conseil des États. Le sujet
sera donc débattu en plénière en septembre
et, espérons-le, voté dans la
foulée. Lisa Mazzone est une sénatrice
genevoise et vice-présidente
des Verts suisses. Elle s’est largement
engagée sur ce dossier, mais également
sur celui du changement de
sexe facilité auprès de l’état civil, qui
sera quant à lui abordé au National.
Entretien.
Le conservateur Conseil des
États sera l’épreuve du feu pour
le mariage égalitaire en Suisse.
Comment percevez-vous
les débats à venir ?
Notre chance, c’est que l’objet est
largement passé au National. J’ai
été renversée, très impressionnée
par ce résultat. On revenait de loin.
Ce résultat est aussi un message à
l’égard des sénatrices et des sénateurs.
Il est vrai que les rapports de
force sont beaucoup plus difficiles
dans la Chambre haute, notamment
sur des sujets de société. Nous pourrons
difficilement éviter des propositions
des rangs conservateurs pour
supprimer, par exemple, l’accès à la
parentalité, que cela soit la PMA ou
l’adoption. Il est encore trop tôt pour
dire si ces propositions pourront
trouver une majorité.
Quelle est la stratégie
aujourd’hui ?
Il faut commencer tout de suite le travail
de lobbying, de conviction. Tout
de suite et de manière soutenue. Il
faut bien avoir en tête que le National
a été très largement renouvelé lors des
dernières élections. C’est aussi le cas
du Conseil des États, mais pas forcément
pour le meilleur. Je siégeais à la
Chambre du peuple lors du passage
en commission du projet. Le travail
avec le PLR a été très constructif.
C’est ce qu’il faut que nous puissions
mettre en place aux États.
Il s’agit de faire comprendre
que nous sommes en retard sur
ces questions ?
Oui, il est plus que temps de se
mettre à niveau. Car il ne suffit pas
de décréter l’égalité. Il faut être
conséquent. L’enjeu sera aussi de
montrer que, dans la réalité, les
couples de même sexe ont et élèvent
des enfants et que tout se passe très
bien. C’est le moment de reconnaître
cette réalité et de donner les moyens
à notre pays de protéger ces enfants,
ainsi que leurs parents, au même
titre que les autres.
Les femmes ont été à l’avantposte
durant le travail parlementaire.
Quelle analyse peuton
en tirer ?
J’ai aussi observé cela en commission
du National.. Quand on a une
connaissance ou un vécu des discriminations,
quelles qu’elles soient, on
est plus sensible à leur élimination.
Surtout quand on parle du don de
sperme pour toutes. C’est une question
qui concerne les femmes, d’égalité
entre les femmes, puisque les
couples hétérosexuels y ont accès.
L’opinion publique suisse estelle
véritablement prête ?
J’en suis sûre. Je suis également sûre
que le parlement a été lent à le réaliser.
C’est regrettable. Le parlement
devrait avoir à coeur d’être le moteur
de l’élimination des discriminations
et de la poursuite des principes de
l’égalité. J’ai l’impression qu’il a
attendu le dernier moment, que la
vague le submerge et l’oblige à intervenir.
D’ailleurs, on observe que dans
tous les partis, il y a des personnes
concernées, ce qui a bien sûr permis
ce magnifique résultat au National.
Est-ce que le Conseil fédéral
fait son travail ?
Sur ce sujet, clairement non. Sur le
mariage égalitaire, il a tout laissé faire
au parlement. Sur le changement de
sexe facilité à l’état civil, le gouvernement
a déposé un projet en simplifiant
les procédures, mais l’introduction
du consentement parental
est un retour en arrière. Cela dénote
de la mécompréhension du sujet. Le
Conseil fédéral est beaucoup trop
attentiste. Vu les premiers succès sur
le mariage égalitaire, j’espère qu’il en
tirera les conséquences.
Le changement de sexe facilité,
parlons-en...
Ce qui m’a marquée dans le débat,
c’est la pathologisation de cette thématique.
Le vocabulaire y était très
médical, parfois inadéquat. Mon
sentiment c’est que nous avons
des blocages idéologique que nous
n’arrivons pas à dépasser. Au point
que, lorsque j’ai demandé de changer
le terme « sexe » par « identité de
genre », cela a été refusé. Cela n’aurait
rien changé sur le fond. Mais sur la
forme, pour certain·e·s, cela revenait
à reconnaître ces questions d’identité
de genre sous un prisme autre
que médical.
Le Conseil fédéral doit remettre
un rapport sur la question.
Je me réjouis de lire ce rapport. Il faut
rapidement avancer avec le projet
que l’on a sur la table de simplification
du changement d’état civil et
suivre les autres pistes, comme le
troisième genre, ou plus simplement
que nous n’ayons plus à inscrire le
genre dans l’état civil. Pour moi, on
pourrait sortir cela des éléments de
l’identité administrative.
Est-ce que la communauté doit
faire son autocritique et se mobiliser
aussi autour de la thématique
de l’identité de genre
de manière plus efficace ?
Je pense que c’est un projet de
société global de libérer tout le
monde des formes d’assignation. Je
trouve que les associations ont fait
un travail vraiment remarquable,
rusé et astucieux sur le plan tant
juridique que social, sur la question
du mariage égalitaire. Elles ont
su appuyer sur les bons boutons au
bon moment. Il faut prolonger cet
effort de groupe. C’est un bagage
précieux pour libérer les autres
lettres de l’acronyme LGBTIQA et
faire changer la société.
À l’image de Lynn Bertholet,
on se réjouit d’observer des
figures trans émerger sur la
scène nationale. Est-ce que
l’on peut espérer que cette
visibilité permette d’accélérer
les choses ?
Très certainement. Il faut amener
ces réalités dans le quotidien de
tout un chacun. Et montrer la diversité
de celles-ci. Mais la médiatisation
n’est pas une obligation.
L’espace public est très violent avec
tout ce qu’il ne comprend pas, il
faut aussi se protéger. Cela dit,
incarner les thématiques est extrêmement
précieux pour faire évoluer
les mentalités.
6 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 7
Actu pride
La Romandie tiendra sa fierté
à Genève en 2020
Appel aux témoignages,
aux dons et aux bénévoles
Pour alimenter le programme du Week-end des Fiertés,
deux appels à témoignages viennent d’être lancés, le
premier sur le racisme anti-Noir·e·x·s, le second sur le
confinement (lire page de gauche). Les personnes queer
noires et/ou racisées sont invitées à s’annoncer pour
témoigner, en lien avec le mouvement BLM. Les personnes
célibataires ou en couple LGBTIQ+ prêtes à partager leurs
expériences d’amour, de séparation, de sexe, de solitude ou
leurs rencontres durant le confinement sont aussi invitées
à s’annoncer.
Vous voulez témoigner ? Ecrivez sans plus attendre à
culturel@genevapride.com.
Les conséquences négatives du Covid sur notre
communauté sont également pécuniaires. Les difficultés
économiques que traversent les entreprises se reflètent
dans la recherche de soutiens financiers pour la Geneva
Pride. Pour que notre Week-end des Fiertés soit flamboyant
et pour préparer la Pride 2021 dans les meilleures
conditions, vous pouvez faire un don à l’association
Geneva Pride. Nous avons aussi besoin de bras pour
construire ces événements.
Rejoignez l’équipe des bénévoles sur genevapride.ch/
soutien
Défilé des fiertés à Genève 2019 © Laurent Guiraud
Sortez vos couleurs. Un week-end des fiertés est annoncé
du 10 au 13 septembre.
Par Anasta Tsingos
Une pride online
contre le racisme !
Pas de Semaine ni de Marche des Fiertés cet été à
Genève, la faute à corona. Mais la vengeance queer
est un plat qui se mange froid, et il sera copieux :
l’association Geneva Pride contre-attaque avec un Weekend
des Fiertés du 10 au 13 septembre 2020. La Semaine
et Marche des Fiertés aura bel et bien lieu, en été 2021.
Pour Mo Léonard, co-président de l’association, il
était essentiel de maintenir des festivités cette année
malgré le contexte sanitaire difficile. « Le confinement
a été synonyme d’isolement, de violences physiques et
psychiques pour de nombreuses personnes contraintes
de vivre avec des individus LGBTIQ-phobes. C’est essentiel
de nous retrouver cette année pour échanger sur
ces mois difficiles, montrer notre solidarité envers les
membres de notre communauté les plus précarisé·e·x·s
par la crise, et célébrer notre fierté queer. »
Un appel à témoignages vient d’être lancé pour parler
de nos expériences de confinement durant le Week-end
des Fiertés, mais également pour donner la parole aux
personnes queer noires ou racisées dans le contexte des
revendications Black Lives Matter (BLM - lire ci-après).
« Outre les conséquences du confinement sur notre
communauté, on doit occuper l’espace public cette
année pour des raisons politiques », précise Linn Molineaux,
également co-présidente. « Cette année, le mouvement
BLM a rappelé au monde la violence quotidienne
du racisme anti-Noir·e·x·s. Il est capital de dénoncer cela
et de visibiliser les personnes concernées au sein de notre
communauté. De plus, le mariage égalitaire est en discussion
au parlement, ainsi que la facilitation du changement
de sexe à l’état civil. Nous devons faire entendre nos
voix dans ces moments charnières pour que ces projets
passent la rampe. Et pas dans une version light ! »
Le Week-end des Fiertés se déroulera en pleine
session parlementaire, justement. Toutes les mesures
sanitaires seront prises pour protéger l’ensemble de la
communauté LGBTIQ+ qui y participera, ainsi que leurs
allié·e·x·s. Save the date !
« Pride was a riot led by queer and trans black people. »
Aux avant-postes de juillet, du 2 au 4 exactement, le
CRAQ (Collectif Radical d’Action Queer) organise la Pride
Against Racism. En empoignant l’actualité brûlante des
luttes antiracistes, l’évènement veut célébrer l’esprit
éminemment politique de la Pride, visibiliser les identités
queer et trans noires et racisées.
Au programme: discussions, performances, concerts,
DJx sets et VJaying ainsi que quelques surprises. Le tout
sera diffusé en livestream facebook. À noter que lors de
chaque livestream, l’événement partage le lien d'une
cagnotte paypal dont la totalité des fonds récoltés seront
reversés à des associations de lutte contre le racisme,
associations et collectifs de personnes noires et racisées,
LGBTIQA++ et réfugiées.
Plus d’infos : Pride Against Racism sur FB
8 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 9
Chronique genre
Mon corps
qui est
le bon
Notre chroniqueuse revient sur
son parcours de femme trans entre
refoulement et libération.
Par Lana Cueto
Portrait de Lana Cueto © Pauline Humbert
Parole de femme trans, je jouis depuis ma transition
d’un privilège que je n’aurais jamais soupçonné,
celui de me faire aborder régulièrement par des
questions qui ne se posent pas de prime abord. Bien
des inconnu·e·s m’ont par exemple demandé quel était
mon sexe avant mon prénom. C’est malaisant et un poil
incongru, ne trouvez-vous pas ? Parmi ces questions, il
s’en trouve une qui éveille en moi une réflexion de nature
profondément philosophique. Qu’est-ce que ça te fait
d’être née dans le « mauvais » corps ? Ce corps qui est le
mien, pourquoi serait-il le mauvais ? N’est-ce pas en effet
à travers lui que je vis et éprouve ma sensibilité trans ?
En supposant que je serais née dans le mauvais corps,
j’ai l’impression que ma puissance de vivre est tenue en
négation, comme si mon existence n’était qu’une erreur
dans la nature. Ma vie n’a toutefois rien d’un accident,
et si je suis née dans le mauvais corps, ne devrait-on pas
parler plutôt de corps social ?
J’ai appris, dès l’enfance, à porter mes inclinations
naturelles en méfiance, à refouler mon identité, parfois
même à m’en satisfaire et à apprécier de jouer des codes
de la performativité masculine. En mon esprit cependant
se jouait une sorte de contre-performativité mentale dans
laquelle je simulais une vie née dans le « bon » corps. De
quoi engendrer un sentiment de haine envers soi-même
et une sensation de mal-être, à endurer les souffrances de
cette dysphorie vécue en silence. Et pourtant, ce corps,
c’est celui qui m’a été donné par la vie, dans lequel ma
conscience s’éveille, stimulée par le monde qui m’entoure,
les êtres et les choses qui le composent, qui me composent.
Je n’ai pas choisi d’être qui je suis. En revanche,
j’ai choisi de le devenir. Mon corps était déjà tout par principe.
Par la transition, j’ai actualisé ma puissance interdite
afin qu’advienne mon être en totalité. Le geste trans est
une conquête existentielle et une réappropriation phénoménale,
la grande réconciliation entre mes polarités.
Jamais mon corps n’a été si bon, si bien et si beau. Mon
esprit a trouvé en ma chair son refuge comme d’autres
construisent des sanctuaires pour y déposer leur prière.
Entreprendre la transition a été un exercice de décolonisation
mentale, une insurrection philosophique. Ce
qui jadis constituait ma honte, mon vice et ma folie est
soudainement devenu ma fierté, ma vertu et ma clairvoyance.
Pour devenir qui je suis, il m’a fallu renverser
l’ordre métaphysique, et c’est dans un geste résolument
subversif que j’ai osé engendrer ma puissance interdite,
en commençant par un acte de langage, celui de dire je
en m’accordant elle, et d’éprouver cette conjugaison
sur mon épanouissement personnel. Se réapproprier le
monde – mon monde – commence toujours par le verbe,
car de lui la lumière procède. Telle est donc désormais ma
raison, guidée par le seul impératif que dicte la vie, celui de
vivre conformément à sa nature sensible. En renversant le
sens, j’ai contribué à me redéfinir en tant que substance,
enfantant ma propre renaissance. Quand je dis je suis une
femme, je le deviens, en tant que sujet politique, en tant
que trajectoire individuelle, en tant que corps, ce corps
qui à jamais sera le bon !
10 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 11
Tendances vacances
Swiss Summer Love
© Danielle Macinne © Savva Motovilov
Vallemaggia © Switzerland Tourism
Dans l’été pandémique, la Suisse regorge de promesses de rivières,
de trips trains et de coins de paradis pour réenchanter l’ici.
Quelques idées pour mieux rester.
Par Antoine Bal et Alexandre Lanz
«Sur la plage abandonnée,
coquillages et crustacés… »:
Brigitte Bardot à tue-tête dans
la playlist estivale, toit décapoté,
lunettes noires et cheveux aux vents
sous la visière, Info Route ne prévoit
pas de bouchons sur l’autoroute
de Soleil en direction du Sud de
la France. En tout cas, pas de ruée
annoncée quelques semaines après
le déconfinement post-Covid. Au
lieu de ça, de nombreux citoyens et
citoyennes suisses sautent sur l’occasion
de visiter leur si beau pays !
Pendant que certain·e·s optent
pour le camping-car pour sillonner
les routes bucoliques helvétiques,
d’autres font le choix des rivières et
des coins verts où respirer le bon air
à pleins poumons et, pourquoi pas,
faire des rencontres sympas entre
deux plongeons. En plus de votre
crème solaire et votre liste de bonnes
adresses, n’oubliez pas de glisser dans
vos bagages votre petit lexique en
« schwyzerdütsch » et en italien pour
dialoguer avec les habitants des cantons
alémaniques et du Tessin.
Quant aux excité·e·s de la fête, ils
ne seront pas en reste. Le bouche-àoreille
sera de mise afin de savoir
vers quelle forêt se diriger pour danser
dans les arbres jusqu’au bout de
la nuit. Soyez donc à l’affût, la prochaine
rave se passe peut-être près
de chez vous !
Et un site intéressant répertoriant les
hôtels avec la certification OutNow :
www.how.lgbt/outnow-certified
2020, l’année du camping-car
Dès les premiers signes estivaux
au début du mois de juin, les Grisons
et le Tessin se sont rapidement
profilés comme les destinations
phares en Suisse cet été. La plupart
des hôtels étant pris d’assaut dans
ces régions, la solution du camping-car
séduit familles et couples
cette année. Plus confortable que
le camping, il permet d’explorer
le pays dans le confort cosy d’une
maison à quatre roues dans un
esprit baroudeur. On adore ! Si les
ventes ont littéralement explosé il
y a quelques semaines, cela reste
très cher à l’achat. Et encore fautil
savoir où le stationner le reste
de l’année. Avec des propositions
dès 100 francs par jour, la location
demeure abordable pour deux personnes
ou plus. Notons qu’il est
parfois plus aisé de se rendre dans
une agence près de chez vous pour
obtenir les services recherchés et
les réponses à toutes vos questions
pour une première location.
Pour toute informations concernant
une location, rendez-vous sur le site
de référence mycamper.ch/fr
L’Allondon (GE), drague alluviale
Dans un petit coin de paradis coincé
entre les communes de Russin
et de Dardagny, l’Allondon se jette
dans le Rhône. Un savant équilibre
de mecs et de galets forme le biotope
bucolique de ce haut lieu de
cruising de la campagne genevoise.
Même les plus excités n’oublierons
pas leurs sandalettes d’eau, parce
que le spot naturiste se divise en
plusieurs petites zones qui obligent
à traverser les virages de la rivière
plusieurs fois. Et qu’à chuter pied
nus, l’air idiot cramé par le soleil
(crème !), vous finirez seul à lire « À
la recherche du temps perdu » dans
3cm d’eau... Prudence et discrétion
de mise, le naturisme étant officiellement
interdit dans le canton.
Accès CFF ligne Genève-La Plaine,
station Russin. Du village, suivre la
route des Molards sur 500m vers le
nord, puis le chemin descendant dans
le vallon, jusqu’à une petite station
hydraulique. De là, suivre les sentiers.
Schwarzwasser et Singine (BE),
gorges reculées
Une vingtaine de minutes seulement
de Berne en train régional vous sépare
de ces « eaux noires » très prisées
par les familles et les naturistes.
On y accède par un petit chemin
12 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 13
Vallemaggia © DR
sauvage, aussi protégé qu’encaissé à
travers roches et pinède. Une fois au
bord de l’eau, il faut serpenter environ
2 kilomètres. Car pris en sandwich
entre deux zones hétéro-nues,
le coin gay est un petit havre communautaire
aussi sexy que convivial,
où certains restent camper, sauvagement
bien sûr (attention, pas d’aménagement).
Respect et protection de
toutes les natures sont évidemment
les mots d’ordre.
Accès CFF depuis Berne par la
ligne S6, dir. Schwarzenburg.
Stations Schwarzwasserbrücke ou
Lanzenhäuser. On y accède aussi en
voiture par le côté ouest, avec parking
à disposition.
Werdinsel (ZH), oasis urbaine
Si les lacs vous collent la moue (hé
ho) ou que vous saturez de la Romandie
en général cet été, Zurich a
son oasis de nature très populaire,
un bain naturel idéal au beau milieu
de la Limmat. Cette petite île permet
d’échapper au ciment urbain sans
aller très loin, pour mieux y revenir.
À l’est, les familles, quelques aménagements
et ces fameux Schrebergarten,
ces petits bouts de jardin à louer
qui font frontière avec la partie ouest
beaucoup plus désirable : mélangées
mais très gay aussi, des grappes se
prélassent. On pique-nique, on se
baigne, on se met à poil. Il peut y avoir
du monde mais on trouvera toujours
un petit carré à soi. Ça drague aussi,
mais le cruising est devenu plus délicat
depuis que la ville a rasé les bosquets,
après les plaintes du voisinage.
Accès CFF en train depuis Stadelhofen
(ligne S5, 12 min), en tram (ligne 2 dir.
Altstetten, 24 min) ou bus 67 (15 min)
La Vallemaggia (TI), la magie
de la nature
Les habitués du Festival du film de
Locarno connaissent bien cette
vallée alpine longue de cinquante
kilomètres. Serpentant autour de la
rivière La Maggia qui se jette dans
le lac Majeur, de nombreuses plages
sauvages invitent à l’oisiveté en écoutant
l’eau ruisseler sur les galets. Un
décor enchanteur où la nature règne
en souveraine absolue. Au gré des petits
villages en authentique rustico de
pierre anciennes tels qu’Aurigeno, les
randonneurs en quête de calme et de
contemplation trouveront leur bonheur
dans ce coin du pays historique
et authentique. Un séjour idéal alliant
gastronomie simple et savoureuse
dans les grotti typiquement tessinois
et le rafraîchissement dans la rivière
et ses ravissantes cascades.
Accès CFF et en voiture facilités depuis
Locarno. Infos: ascona-locarno.com/
fr/esplora/vallemaggia
Le Doubs (JU), oublier le temps
Romantiques et suspendus dans
une intemporalité qui fait son
charme, les abords du Doubs se
déploient à proximité de la frontière
française. Caractérisée par
son paysage idyllique, la région
est propice à une cure de jouvence
sereine, loin du stress de la ville. Sa
flore et sa faune très riches invitent
au silence au fil de l’eau. Rivage rocheux
et plage de galets permettent
d’accéder aux eaux paisibles du Lac
des Brenets, situé un peu plus loin
dans le canton de Neuchâtel. Le
lieu est idéal pour une baignade
en eau libre dans le Doubs : ici, la
rivière entourée de falaises forme
un lac aux eaux tranquilles et invite
à la baignade.
Infos sur le site Jura Trois lacs : j31.ch
14 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 15
Les Brenets © DR
Sources de l'Allondon © DR
Christophe & Michel, Loisirs à la ferme © DR
La Grande Maison (VS), secrets
de montagne
« On aime faire découvrir des coins
moins connus des Suisses. » Voilà
tout l’intérêt d’opter pour l’expertise
locale de Pascal et Alain, les hôtes de
cette maison classée à Chandolinprès-Savièse,
dans la famille depuis
200 ans. Ces gars ont du goût : il faut
voir les douze chambres somptueusement
boisées qu’ils proposent, avec
vue sidérante sur la plaine du Rhône.
Un restaurant en salle voûtée, une
terrasse sur les vergers, un jacuzzi, et
même une scène, car ces amateurs
de théâtre invitent régulièrement
des compagnies pour des soupersspectacles.
Cette année, un festival
de petites formes, deux par soir sur
une semaine, du 7 au 11 juillet. Mais
la grande maison c’est surtout le nid
confortable duquel passer sa vie
dehors : sources d’eaux chaudes du
Val d’Hérens, randonnées loin du
tourisme habituel, du Torrent Neuf
à Ernen, jusqu’au col du Sanetsch,
et balades en vélo électrique. De
quoi bien pimper vos fessiers dans
les montées pour mieux déguster
ensuite…le meilleur du cru valaisan.
Et si vous êtes de l’hiver, sachez que
la Grande Maison a organisé la toute
première Gay Ski Week romande
avant la pandémie, et remettra le couvert
du 13 au 20 février 2021. Arosa n’a
qu’à bien se tenir : l’été sera valaisan,
ou ne sera pas !
Plus d’infos sur lagrandemaison.ch
Loisirs à la ferme (VD), luxe,
calme et cabanes perchées
Christophe Moos est agriculteur
dans sa ferme familiale à Cremin,
non loin de Moudon. Avec son ami
Michel, il a construit deux cabanes
perchées dans les grands noyers du
domaine en 2014. Salle de bains, toilettes
séparées, elles sont spacieuses
et tout-confort. Le succès est au
rendez-vous, la clientèle est sous le
charme, aussitôt fidélisée et friandes
des nombreuses activités proposées
autour de la ferme, comme le swingolf
ou les randonnées. Souhaitant
pouvoir assurer un accueil de qualité
et attentionné, le couple tient à
se limiter à ses deux lieux de location,
le premier étant parfaitement adapté
pour une famille de cinq personnes
et l’autre idéal pour un couple. Le
matin, ils préparent leur brunch
somptueux et passent du temps avec
les clients. « Nous sommes les papys
des enfants, explique Christophe
en riant. Ils disent à leurs parents
: On veut aller chez Christophe et
Michel ! » Loin d’eux également l’intention
de faire de leur histoire de
couple gay un argument marketing,
ils observent toutefois un engouement
de la part des couples de lesbiennes.
« La plupart sont devenues
des amies, elles adorent le côté nature
et les moments de partage avec
nous ». Il n’est pas trop tard, il reste
des places cet été !
Infos et réservations sur :
dormiralaferme.ch
Publicité
16 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 17
Tendances design
Dans l’œil
de VIU
Dans la pure lignée des
« success stories » qui
font la réputation prestigieuse
du design suisse,
la marque de lunettes
zurichoise VIU voit loin
et impose son style sur la
scène internationale.
Par Alexandre Lanz
Sangoku dans Dragon Ball © DR
Lamborghini © DR
Lego © DR
Christopher Reeve dans Superman © DR
Allier style, urbanité, qualité et
prix abordables tout en célébrant
la personnalité individuelle,
il fallait y penser: VIU l’a
fait. Brisant les codes des marques
de luxe, VIU se veut accessible pour
tous, en un clic ou au coin d’une
« shopping avenue » à Londres ou
au détour d’une rue lausannoise.
Nous sommes allés à la rencontre
de Fabrice Aeberhard, fondateur et
directeur de création de la marque,
pour lui poser quelques questions,
entre souvenirs d’enfance et métaphysique.
À 40 ans, le designer basé
à Zurich, né d’une mère française et
d’un père suisse allemand, jongle
entre différentes cultures qui ont
forgé son regard sur le monde.
360° - Y a-t-il un.e designer qui
vous a donné envie de faire ce
métier ?
Fabrice Aeberhard - À 18 ans, j’avais
lu une interview de Karim Rashid
(designer canado-américain d’origine
égyptienne, ndlr.) dans laquelle
il expliquait que chaque jour,
nous sommes en contact avec environ
500 produits sur le chemin du
travail et du retour, tous créés pour
le quotidien. J’ai compris ce jour-là
que le design industriel serait mon
futur métier.
Si vous n’étiez pas devenu
designer, que feriez-vous
aujourd’hui ?
J’ai toujours voulu être architecte,
c’est un métier très universel. Le design
industriel me permet aussi de
faire de l’architecture si j’en ai envie,
ce que l’inverse ne permet pas.
À quoi sert le design ?
À définir le monde. Le design peut être
une solution autant qu’une destruction.
Cela nous donne la possibilité de
repenser le mode de vie humain, car
nous avons besoin de la nature, mais
elle n’a pas besoin de nous.
Une pièce de design qui vous a
marqué ?
Pour moi, la création est directement
liée à la fonction. Quand je repense
aux jouets de mon enfance, LEGO
me saute immédiatement à l’esprit:
une petite pièce en plastique avec
un tel potentiel de création. C’était
mon premier contact avec un objet
qui donnait une multitude de
VIU Creative Director Fabrice Aeberhard © Sandra Kennel
possibilités. En terme de design pur,
je me souviens de mon premier couteau
suisse à l’âge de 7 ans, incroyablement
ingénieux. Et puis, d’un
point de vue plus personnel, il y a ce
petit pape que mon grand-père avait
créé à base de coquilles, duquel je ne
me sépare jamais. Il est magnifique.
Quelle est votre période de
design préférée ?
J’aime beaucoup la période des
années 1920 à 1950. Jean Prouvé,
Charlotte Perriand et Le Corbusier
ont défini une approche de création
très particulière. Créé vers 1880
lorsqu’on a commencé à introduire
de la création dans les machines,
le design industriel annonçait cette
volonté de savourer le moment, de
s’émanciper du rythme de six jours
de travail par semaine.
Une esthétique qui vous touche
particulièrement ?
La physique, la chimie, les mathématiques
et la géométrie m’ont toujours
beaucoup inspiré. La création
découle en grande partie des mathématiques,
ne serait-ce que pour gérer
les proportions.
Comment avez-vous commencé
à dessiner ?
Par le manga japonais. À 7 ans,
j’étais complètement accro aux Chevaliers
du Zodiaque et Dragon Ball
dans Club Dorothée. Cette esthétique
m’a aidé à comprendre le graphisme,
la 3D et les couleurs. Mon
père a travaillé pendant 16 ans pour
Sony et j’aime beaucoup la culture
et la tradition japonaise, je trouve ça
assez magique.
Qui était votre héros
de fiction ?
C’était Superman. Il volait avec
ses yeux laser et avait le don de
chauffer et refroidir les choses. Les
premiers films avec Christopher
Reeves sont tellement bien réalisés
qu’on y croit réellement.
Quel est votre émoi en terme de
voiture ?
Ma voiture préférée, c’est toujours
la même aujourd’hui. Il s’agit de la
Lamborghini Miura, produite entre
1966 et 1973. Elle est magnifique.
Vous en avez déjà conduit une ?
Non, elle coûte plus d’un million et
personne ne prêterait la sienne (rires).
Votre lien avec la mode ?
La grande différence avec le design
industriel, c’est l’effet « all about
now » de la mode. Je suis fasciné par
cette capacité de se réinventer tous
les trois mois avec une telle rapidité
de création. Je porte du Acne
Studios, Etudes, Dries Van Noten,
Martin Margiela, tout ce qui est sur
le fil du rasoir, mais avec un certain
classicisme. Encore une fois, j’aime
la fonctionnalité et le streetwear
amorce une phase très différente.
Au-delà des T-shirts et des hoodies,
on remarque plus de complexité, de
détails et d’éléments de haute couture.
Et la durabilité trouve enfin son
chemin dans la mode, pour aider à
changer la façon de consommer.
Quelle figure de la nature
représente la forme parfaite
pour vous ?
La forme naturelle la plus forte vient
des proportions du nombre d’or, il
s’agit de la recréation de la nature
en géométrie. Mais la forme parfaite
pour moi reste la sphère, c’est infini.
Elle a un pouvoir universel, c’est la
perfection en soi.
www.shopviu.com/fr_ch
18 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 19
« Pour qu’on puisse réaliser
ensemble la gravité
des choses, il est nécessaire
qu’il y ait une prise
de risque de ma part. »
Culture rencontre
Le goût du risque
Aurore Déon et Rébecca Chaillon © Cyrille Choupas
Rébecca Chaillon dans « Whitewashing » © Luca Ferreira
Radicales et subversives, puissamment intersectionnelles, les
performances de l’artiste française Rébecca Chaillon explorent
ses multiples identités : femme, noire, grosse, lesbienne, queer...
Par Annabelle Georgen
Sur la scène tendue de plastique
blanc du Flutgraben, une maison
d’artistes autogérée du
quartier berlinois de Treptow, Rébecca
Chaillon et sa complice Aurore
Déon sont deux femmes de ménage.
Elles nettoient, astiquent le sol à l’eau
de javel. L’odeur âcre du produit emplit
la salle. Puis Rébecca commence
à ôter ses vêtements un par un, les
utilisant comme des serpillères.
Une fois nue, le corps entièrement
maquillé de blanc, c’est elle-même
qu’elle frotte avec cette eau corrosive.
Dans cette performance intitulée
« Whitewashing », qu’elle est
venue présenter à Berlin dans le
cadre d’une série de manifestations
intitulée « Afropéennes – Afropäerinnen
», Rébecca Chaillon aborde plusieurs
vérités aussi douloureuses que
révoltantes sur les femmes racisées :
le fait que beaucoup de femmes
noires, dans nos sociétés majoritairement
blanches, soient reléguées à
des tâches socialement dévalorisées,
telles que les professions du secteur
du nettoyage et du soin, le fait que
certaines de ces femmes essaient de
« se blanchir », au propre comme au
figuré, dans l’espoir d’échapper au
racisme, ou encore leur manque de
visibilité dans les médias et les représentations
collectives.
Limite
L’eau de javel qu’elle utilise sur
scène est bien réelle. « Pour qu’on
puisse réaliser ensemble la gravité
des choses, il est nécessaire qu’il y
ait une prise de risque de ma part »,
explique la performeuse de 34 ans.
Pas étonnant quand on apprend
qu’elle a pour mentore l’artiste serbe
Marina Abramovitch, reine des performances
de l’extrême. Mais Rébecca
Chaillon confie pourtant avoir récemment
atteint une limite : « Au fur
et à mesure des représentations, ma
peau a commencé à changer de couleur,
à se tacher de jaune », expliquet-elle.
« Je ne pense pas que ça vaille
la peine de se détruire, surtout si c’est
pour jouer devant un public majoritairement
blanc. »
« Whitewashing » est une sorte
de galop d’essai pour une création
à venir : « Carte noire nommée
désir », une pièce de théâtre qu’elle
est en train de monter avec sa
compagnie, Dans le ventre, dont le
titre est emprunté à une vieille pub
pour le café diffusée à la télévision
française dans les années 1990, qui
convoquait plusieurs stéréotypes
racistes pour vendre du rêve et du
café moulu. La première est prévue
pour le printemps 2021.
Le cheval de bataille de Rébecca
depuis quelques années, c’est la lutte
contre le racisme. Un sujet que cette
fille de fonctionnaires martiniquais
née en France et qui a grandi en Picardie
a longtemps ignoré avant qu’elle
ne se prenne « une grosse claque »
durant le tournage du documentaire
« Ouvrir la voix » de la réalisatrice lesbienne
Amandine Gay, dans lequel
elle intervient. La militante afroféministe
lui a ouvert les yeux : « Avant de
la rencontrer, je pensais que le fait que
j’étais noire était plutôt à mon avantage,
que cela me rendait plus visible
dans le milieu du spectacle vivant »,
se souvient Rébecca. « Dans les entretiens
qu’on a eu pour le film, elle me
parlait de racisme systémique, d’exotisation,
de colorisme... Des mots
que je ne connaissais pas, ce qui faisait
que je demandais tout le temps
des explications. Et je me demandais
ce qu’elle devait vivre au quotidien
pour être aussi énervée, le cliché ! »,
s’amuse l’artiste.
Rébecca est venue à la performance
après des études de théâtre
à la fac. Elle se destinait à être prof,
« un métier viable », tout au mieux à
faire du doublage, « parce qu’[elle]
n’imaginai[t] pas [s]a présence
visible sur des écrans ou des plateaux
de théâtre ». Jusqu’à ce qu’elle
soit recrutée par une compagnie de
théâtre-forum pendant ses études,
enchaînant les cachets et gagnant
par là son statut d’intermittente : « La
légitimité dans le monde du spectacle
est venue par l’épuisement »,
commente-elle.
Viande crue
Très crues, au sens propre comme
au figuré, ses toutes premières performances
tournaient beaucoup
autour de la chair et de l’alimentation
: « Je suis partie de mon rapport
un peu boulimique à la nourriture,
de mon obsession pour la viande et
le poisson, des aliments qui représentent
l’énergie et la puissance. »
Elle se met par exemple en scène
en train de dépecer une dorade non
écaillée à mains nues, déclenchant
le malaise dans le public : « Cela
dit beaucoup de choses de voir
quelqu’un de gros manger sur un
plateau. C’est quelque chose que
les gens ne veulent pas voir », souligne
Rébecca. Elle se joue aussi du
politiquement correct. En incarnant
un personnage cannibale dans son
spectacle « Monstres d’amour », une
performance autour du thème de
« l’amour dévorant », dans lequel elle
ingurgitait des tranches de viande
rouge crue étalées sur le corps nu
de sa partenaire de jeu, blanche et
maigre, elle a aussi déclenché les
foudres de quelques afroféministes
lui reprochant de « s’auto-exotiser ».
Bien que son travail soit bel et bien
engagé, Rébecca revendique sa liberté
artistique : « Le principe n’est pas
de monter des spectacles pédagogiques
en faisant du politiquement
radical correct mon seul curseur de
création. Je ne peux pas tout régler
toute seule, ni répondre à toutes les
questions intersectionnelles. » En
attendant, elle aussi, à sa manière,
elle ouvre la voie.
Le site de Dans le ventre, la compagnie
théâtrale de Rébecca Chaillon :
dansleventre.com
Ouvrir la voix, le documentaire
d’Amandine Gay :
ouvrirlavoixlefilm.fr
20 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 21
Ci-dessus : Mariko Tamaki, page de droite : « Mes ruptures avec Laura Dean » © Éditions Rue de Sèvres
Culture bande dessinée
Échappée belle
Coup de cœur estival : le roman graphique « Mes ruptures avec Laura
Dean » raconte en creux la relation toxique dont tente de se défaire une ado
amoureuse d’une fille qui la mène par le bout du nez. Flashant, profond,
résolument queer et baigné de soleil californien.
Par Annabelle Georgen
Laura Dean, Laura Dean, Laura
Dean... Freddy a 17 ans et elle
est éperdument amoureuse de
Laura Dean, la fille la plus cool du
lycée. Avec sa gueule d’ange, son look
de garçonne et la réputation sulfureuse
qui la précède, Laura Dean n’a
eu qu’à planter ses yeux dans ceux de
Freddy un beau jour et lui balancer
quatre petites phrases bien senties
pour obtenir ce qu’elle voulait : « Je
vais te proposer d’aller au ciné. Et
tu vas dire oui. Et tu sais pourquoi
? Parce que je suis irrésistible. » Cela
fait maintenant un peu plus d’un an
que les deux adolescentes sortent
ensemble, mais Freddy a de plus
en plus de mal à croire à cet « ensemble
», tant leur relation vacille.
On dirait un château de cartes sans
cesse défait et remonté à la hâte. Car
Laura n’arrête pas de quitter Freddy
au gré de ses lubies, puis de refaire
irruption dans sa vie comme si de
rien n’était.
C’est d’une histoire d’amour
toxique dont il est question dans ce
beau roman graphique de la scénariste
de bande dessinée canadienne
Mariko Tamaki, mais c’est aussi celle
d’un affranchissement. Car l’héroïne
de « Mes ruptures avec Laura Dean »,
lasse d’être traitée comme une poupée
parmi tant d’autres dans le
royaume d’une enfant gâtée, taraudée
par la conscience douloureuse
de « la situation de plus en plus ridicule
qu’est la [s]ienne », comme elle
le dit elle-même, va trouver en elle la
force qui lui permettra de mettre fin
à ce cercle vicieux.
Regard fou d’amour
Les planches délicates de la jeune
dessinatrice américaine Rosemary
Valero-O’Connell donnent à ce roman
introspectif une touche tendre
et poétique. Elle a choisi de raconter
l’histoire en noir et blanc, en la
rehaussant de rose pâle de temps à
autre, illuminant certaines scènes,
comme en écho au regard fou
d’amour que pose Freddy sur Laura.
Elle parvient aussi, grâce à d’habiles
séquençages graphiques, à étirer
certains instants, à rendre certains
détails obsédants, restituant le vertige
du sentiment amoureux.
« Mes ruptures avec Laura
Dean » a aussi l’originalité de
faire de l’orientation sexuelle des
deux personnages un détail parmi
d’autres, ne requérant ni explications,
ni traditionnelle scène de
coming out vis-à-vis des parents ou
d’homophobie à l’école. Mariko Tamaki
a préféré se concentrer sur le
caractère universel de cette passion
adolescente. L’histoire peut aussi se
lire comme une ode à l’amitié, cette
autre forme d’amour que Freddy
va peu à peu redécouvrir au fil du
roman. Dans un monde idéal, ce
livre au fort potentiel émancipateur
devrait traîner dans beaucoup
de chambres d’ados. Et il est aussi
à conseiller aux adultes, une piqûre
de rappel ne pouvant pas faire de
mal. Parce qu’on a tout·e·s croisé un
jour une Laura Dean.
« Mes ruptures avec Laura Dean », de
Mariko Tamaki et Rosemary Valero-
O’Connell, éditions Rue de Sèvres, 304
pages.
22 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 23
24 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 25
Culture cinéma
Une romance
rétro signée Ozon
Felix Lefebvre et Benjamin Voisin dans « Été 85 » de François Ozon © DR
Avec « Été 85 », histoire d’amour entre deux garçons en Normandie,
l’éclectique réalisateur français change à nouveau de registre.
Par Edmée Cuttat
Le nouveau film de François Ozon,
« Été 85 », aurait dû être présenté
en compétition sur la Croisette en
mai dernier. Victime du coronavirus, il
est dorénavant labellisé Cannes 2020.
Après « Grâce à Dieu », remarquable
fiction traitant des abus sexuels dans
l’Église catholique qui lui avait valu
le Grand Prix de la Berlinale 2019, le
cinéaste de 52 ans change radicalement
de registre.
C’est une constante chez cet
auteur d’une quarantaine de métrages,
longs et courts. Soucieux de
construire une œuvre en évitant de
se répéter il ne cesse de surprendre
en passant du fantastique au musical,
de la comédie au drame, du thriller
au mélo. Ouvertement gay, aussi
éclectique que prolifique, Ozon fait
de la sexualité, de l’ambivalence, de
la subversion des normes sociales ses
thèmes privilégiés.
« Été 85 » est adapté de « La danse
du coucou » du Britannique Aidan
Chambers, que le cinéaste de 52 ans
avait adoré en le lisant il y a 35 ans.
Il replonge dans l’année de ses 17
ans pour raconter la rencontre entre
deux jeunes gens dont les destins se
croisent sur une plage de Normandie.
Lors d’une sortie seul en mer, Alexis,
16 ans (Félix Lefebvre), est sauvé du
naufrage par David, 18 ans (Benjamin
Voisin). Alexis (désormais Alex),
qui se pose des questions existentielles,
pense avoir trouvé l’ami de ses
rêves. Il va les vivre intensément pendant
six semaines. 60’480 minutes et
3’628’800 secondes qui vont le révéler
à lui-même. Comme il le dit, la seule
chose qui compte, c’est d’échapper à
son histoire.
Frivolité rebelle
Avec la musique de The Cure, les cassettes
audios, les bagarres, les chevauchées
à moto, les fêtes foraines,
les boîtes de nuit et un pacte délirant,
le film sensuel, érotique, évoque une
idylle entre deux garçons sans pourtant
que l’homosexualité soit un enjeu
majeur. Le problème est ailleurs.
Séducteur, désinvolte, frivole, rebelle,
David ne veut appartenir à personne.
Il aime le changement et craint l’ennui,
tandis qu’Alex, intelligent, doué
pour l’écriture mais physiquement
moins à l’aise, ne se rassasie pas de
la présence de l’être aimé. Jusqu’à
l’irruption de Kate (Philippine Velge),
jeune Anglaise très décontractée au
look de garçon manqué.
Mais si la situation peut sembler
classique, banale, l’un aimant
moins que l’autre et l’abandonnant
par caprice, François Ozon laisse
planer le suspense et le mystère dès
le début, entraînant le spectateur
sur de fausses pistes, contrairement
à l’auteur du livre. Côté comédiens,
Benjamin Voisin et Félix Lefebvre
sont excellents. À l’image de Valeria
Bruni Tedeschi en mère de David
extravertie, complice, follement
possessive, inspirée de la dévorante
Katherine Hepburn dans « Soudain
l’été dernier » de Joseph L. Mankiewicz.
Melvil Poupaud en professeur
un rien équivoque et Isabelle
Nanty, dévouée corps et âme à son
fils Alex, complètent le casting de
cette romance initiatique à l’issue
dramatique.
Sortie le 15 juillet.
26 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 27
Culture cinéma
Danseuse
en quête de
libération
Film incandescent
et complexe,
« Ema y Gastón » est
une surprise signée du
Chilien Pablo Larraín.
Culture cinéma
Émancipation
féminine en
Arabie saoudite
Médecin dans une petite ville
d’Arabie saoudite, Maryam
pose sa candidature à un
poste de chirurgien dans un grand
hôpital et doit se rendre à Ryad.
Mais, célibataire et faute d’une autorisation
de son père, on lui refuse le
droit de prendre l’avion. Révoltée, la
jeune femme décide de se présenter
aux élections municipales.
« The Perfect Candidate » est
signé Haifaa al-Mansour. Cette réalisatrice
saoudienne de 45 ans est
notamment l’auteur de « Wadjda »
(2013), premier long métrage officiel
produit par l’Arabie saoudite et
surtout réalisé par une femme. Avec
cette nouvelle histoire d’émancipation
elle témoigne, six ans plus
tard, des changements qui se sont
produits dans son pays. Symbole
de cette transformation, le film
Nora Al Awadh dans « The Perfect Candidate » de Haifaa al-Mansour © DR
Dans « The Perfect Candidate », Haifaa al-Mansour
suit le parcours médical et politique semé d’embûches
de Maryam.
commence avec Maryam, au volant
de sa voiture, l’autorisation
de conduire ayant été délivrée en
2018. Et depuis août 2019, elles ont
entre autres le droit de voyager sans
l’accord d’un tuteur.
Mais en dépit de ces bouleversements,
les Saoudiennes craignent
encore de s’approprier ces nouvelles
libertés. D’où le désir de la cinéaste
de montrer le quotidien d’une
femme représentative de la mentalité
de ses congénères. Traditionnelle,
culturellement conservatrice, elle se
couvre les cheveux et le visage, mais
tentera de s’affranchir des restrictions
sociales pour mieux faire son
travail, tout en encourageant d’autres
femmes à se jeter à l’eau. EC
Sortie le 12 août.
Après sa trilogie sur la dictature
Pinochet et ses biopics sur
Pablo Neruda et Jackie Kennedy,
Pablo Larraín, grand réalisateur
chilien issu d’un milieu aisé et
fils de l’une des principales figures
du parti démocrate-chrétien, revient
au présent avec « Ema y GastÓn ».
Ce film incandescent, féministe, au
récit complexe, se déroule sur fond
de danse salvatrice. Ema (Mariana
Di Girolamo), danseuse, professeur
d’expression corporelle, et GastÓn
(Gael García Bernal), son mari chorégraphe
qui accompagne sa troupe
expérimentale, ont adopté Polo, petit
garçon colombien qui a vécu dix
mois avec eux. Ces deux êtres aux
caractères opposés sont débordés
dans leur tâche de parents. Après
que Polo a mis le feu à la maison,
Ema se résout à le rendre aux services
sociaux. Cet abandon et la tentative
de le récupérer mettent le couple à
rude épreuve.
Mêlant culpabilité, malaise, passion
et tension, Pablo Larraín nous
plonge dans un océan d’images et de
sons. Il nous entraîne dans une expérience
sensorielle en forme de ballet
sexuel et libertaire où la jeune Ema,
héroïne bouillonnante de passion et
d’énergie danse de toutes ses forces,
partant dans une sorte d’odyssée
sauvage à travers la ville en quête de
sa libération personnelle et éventuellement
d’une nouvelle vie. Suivant
Ema, les danseuses investissent les
places publiques, se déhanchant et
se pliant au rythme du reggaeton que
GastÓn déteste. EC
Sortie le 19 août.
28 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 29
Culture livres
Eros et Thanatos
Paul B. Preciado : « Je suis un
monstre qui vous parle » ; Grasset
«La psychanalyse freudienne
a commencé à
fonctionner à la fin
du XIX e siècle comme une
technologie de gestion de
l’appareil psychique « enfermé
» dans l’épistémologie
patriarcale et coloniale
de la différence sexuelle »
dénonce en substance Paul
B. Preciado. Après l’immanquable
Appartement sur
Uranus paru l’année passée,
nous retrouvons avec
délectation la pensée subversive
de Paul B. Preciado
qui publie ici un discours
prononcé devant une assemblée
de 3500 psychanalystes
et qui avait alors
provoqué un séisme dans
l’assemblée. Un petit livre,
mais de grandes idées, à
mettre sans hésiter sur sa
pile de lecture estivale !
Valentine Imhof : « Par les
rafales » ; Rouergue noir
Pour son premier roman,
Valentine Imhof,
s’attaque à un sujet
fort. L’auteure nous montre,
au travers de la fuite éperdue
d’Alex, son héroïne,
que le viol n’est jamais un
épisode dans la vie d’une
femme. Il tue et détruit,
définitivement et irrémédiablement.
Par les rafales
est un texte étonnamment
écrit, profond, rageur, où la
violence flirte avec la poésie,
où les mots ont un poids
incommensurable, et où
les corps en disent encore
plus long. La culture y est
omniprésente, musicale,
littéraire, picturale, mythologique.
Roman noir d’une
grande qualité où l’humain
prend le pas sur l’histoire,
c’est une véritable pépite à
ne pas laisser filer !
Transdessinée
30 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 31
Gaymap théâtre
Trois petits tours
et puis s’en vont…
Le Théâtre de Vidy sort de la pandémie
d’une pirouette magistrale grâce à
« Boîte noire - Théâtre fantôme pour
1 personne », émouvante création
de Stefan Kaegi
Par Katja Baud-Lavigne
Dans la vie, il y a ce que l’on anticipe. Et puis il y a
ce qui nous tombe dessus sans prévenir. Du côté
de Vidy, on avait bien prévu de baisser le rideau.
Au 1er septembre 2020, pour une durée de deux ans. Le
temps nécessaire à un sérieux lifting intérieur, la carcasse
du centre dramatique – construit en 1964 par l’architecte
Max Bill à l’occasion de l’exposition nationale –, devant
être préservée.
Mais voilà. Covid-19 oblige, le couperet tombe le 16
mars: tous les lieux de divertissement se doivent de fermer
leurs portes au public jusqu’à nouvel ordre. Le metteur
en scène Stefan Kaegi se trouve alors à Lausanne, en
train de répéter sa « Société en chantier », dont la première
doit se tenir trois jours plus tard sur les planches
de Vidy.
Compte tenu de la situation, il renonce à rentrer à
Berlin, où il vit habituellement. Comme tout le monde,
il prend son mal en patience. Il lit, cuisine et s’interroge.
Que reste-t-il du théâtre quand on ne peut plus le
partager physiquement ? « Avec ‹ Boîte noire - Théâtre
fantôme pour 1 personne ›, j’ai surtout cherché à recréer
tout ce qui m’a manqué ces trois derniers mois dans le
théâtre », confie le metteur en scène dans l’émission
« Vertigo ». « Parce que le live streaming ne le remplace
pas du tout. C’est trop bidimensionnel et pas du tout ce
que je recherche. J’adore les bons textes. Mais le théâtre,
c’est beaucoup plus que ça. C’est être avec des gens, des
odeurs, des hormones. »
De son côté, Vincent Baudriller, directeur du Théâtre
de Vidy, cherche une manière de continuer à faire vivre le
lieu. Quand Alain Berset annonce que les musées pourraient
rouvrir le 8 juin (date avancée par la suite au 11
mai), il y voit une occasion à ne pas manquer. « Nous
nous sommes dit qu’il fallait inventer quelque chose
qui permettrait d’ouvrir comme les musées, en attendant
qu’on puisse travailler normalement », confie-t-il
au journal « Le Temps ». « Stefan Kaegi était confiné à
Lausanne, je lui ai proposé d’imaginer un circuit pour
nous. »
Et parce qu’à quelque chose, malheur est bon, naît
alors un concept unique, qu’aucun théâtre ne peut se
permettre en temps normal: métamorphoser l’édifice
vide en héros représentatif d’une foule qui manque.
« Stefan Kaegi a visité le bâtiment dans tous ses recoins »,
poursuit Vincent Baudriller. « Il a été sensible à ses
odeurs, aux vestiges de ses créations. »
Si le théâtre est vide, on y croise pourtant beaucoup
de monde. Le foyer, la scène, les loges, la régie lumière,
tout bruisse encore des rires, des larmes et des applaudissements,
des critiques, du trac et des bravos. Qu’il soit
technicien·ne, comédien·ne, agent de sécurité, journaliste,
dramaturge, costumière, spectateur·trice, chaque
protagoniste a marqué les lieux de son empreinte.
Ces gentils fantômes ont d’ailleurs particulièrement
inspiré Stefan Kaegi. En s’appuyant sur un système binaural
– la technique de spatialisation sonore la plus
proche de l’écoute naturelle – il plonge son spectateur
dans un univers d’une réalité saisissante. Casque sur
les oreilles, le visiteur déambule dans les entrailles du
théâtre comme il se promènerait dans le jardin d’Alice
au Pays des Merveilles.
Lumières mouvantes, machine à fumée et petits systèmes
robotisés permettent de l’immerger un peu plus
dans ce monde parallèle où il fait bon flâner. De temps
à autre, quelques interactions lointaines avec d’autres
spectateurs sont possibles. Mais pas suffisamment pour
quitter sa bulle.
Et Vincent Baudriller de conclure sur les ondes de
Couleur 3 : « C’est un spectacle qui est né de ce moment
un peu inédit, qui en fait à la fois un spectacle de réouverture
post crise sanitaire et un spectacle d’au revoir à la
mémoire de ce bâtiment qui a tant de souvenirs depuis
une cinquantaine d’années ».
Au moment de refermer les portes de cette intense
expérience immersive, on ressent un petit pincement au
cœur, identique à celui qui point lorsque l’on referme la
maison de famille après de longues et belles vacances.
On sait que l’on reviendra, mais quand ? Avec qui ? D’icilà,
qu’est-ce qu’elle nous manquera !
« Boîte noire, Théâtre-fantôme pour 1 personne »,
de Stefan Kaegi. Jusqu’au 12 juillet au Théâtre de Vidy
Lausanne. vidy.ch
32 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 33
Gaymap jeu
Le disco quiz
des disco queens !
Dans votre salon, en forêt ou dans votre club préféré,
dansez maintenant ! Mais avant de retrouver
la piste, révisons les classiques du disco.
Par Alexandre Lanz
Survenu dans les années 70, le disco a trouvé son
essor dans les tribus invisibilisées jusqu’alors aux
États-Unis, la communauté afro-américaine et la
communauté LGBTQI+. Un peu comme si, grâce aux
rythmes disco, la résonance de leur voix était d’un coup
amplifiée. Le mouvement a eu son lot d’icônes. Qui sontelles
? C’est l’heure de tester vos connaissances !
Dancing Queen chez Heidi
Après les immenses succès, les tensions en coulisses et
la séparation d’ABBA, la brunette Anni-Frid Lyngstad
est venue s’installer en Suisse. Quel était son premier
domicile dans notre beau pays avant Zermatt ?
Zurich
Verbier
Montana
Fribourg
Disco Manifesto !
Dans son hymne « Your Disco Needs You » (2000), Kylie
Minogue s’égosillait dans la langue de Molière. Que
disait-elle ?
« Laissez-vous faire, suivez-moi sur la piste de
danse. Brûlons ensemble jusqu’au bout de la nuit,
votre disco a besoin de vous ! »
« Vous n’êtes jamais seuls, vous savez ce qu’il faut
faire. Ne laissez pas tomber votre nation, la disco a
besoin de vous »
« La disco a besoin de vous, vous avez besoin de
moi. Réunissons-nous dans la moiteur en rythme
jusqu’au bout de la nuit »
« Ralentissez et dansez avec moi, oui, doucement.
Sautez en rythme et bougez votre corps, oui,
doucement »
Les délires d’Amanda
Sans Amanda Lear, les années 70 auraient manqué de
glamour. Dans son sillage, la star traine une rumeur la
désignant comme une femme trans. Comment est née
l’histoire ?
Suite à sa rencontre avec Salvador Dali, qui lui
aurait payé les frais de son opération de transition
à Casablanca en 1963.
Fasciné par les médias, Andy Warhol adorait
lancer des rumeurs. Il avait affirmé dans une
interview qu’elle était le modèle de la pochette de
l’album « Sticky Fingers » des Rolling Stones. Celle
où le relief d’un jean usé laisse deviner la forme
d’un sexe masculin.
Elle l’a lancée elle-même : « Je l’ai fait non
seulement par pure provocation, mais aussi parce
que j’avais cette voix très grave qui laissait planer
le doute. »
De Coccinelle, une des premières femmes trans
connues du grand public, qui avait débuté sa
carrière sur la scène de Madame Arthur en 1953.
Abbamania
Benny Andersson et Björn Ulvaeus, les deux BB
d’ABBA refusent systématiquement que leur musique
soit samplée, à deux exceptions près.
Mis à part Madonna avec « Hung Up » (2005), qui
a eu cet honneur ?
Amanda Lear avec « Les Femmes » (1986)
Cher avec « Save Up All Your Tears » (1991)
Robbie Williams avec « No Regrets » (1998)
The Fugees avec « Rumble in the Jungle » (1997)
Donna dans tous ses états
En 1975, Donna Summer commettait « Love To
Love You Baby » avec la complicité du producteur
italien Giorgio Moroder, 17 minutes dégoulinantes
de sensualité torride. Quelle était la recette de ses
gémissements ultra suggestifs ?
Plongée dans l’obscurité en studio, elle a
enregistré sa voix allongée, « la main sur le
genou », précisera-t-elle. Pour être convaincante,
elle a pensé très fort à Marilyn Monroe et son
« incroyable » petit ami d’alors, Peter.
Ne parvenant pas à l’effet escompté, Donna
Summer avait accepté de se faire enregistrer
pendant son sommeil en studio. Le résultat est
sans appel.
Ancienne chanteuse de gospel, elle avait un
fétiche pour le costume de nonne qu’elle n’hésitait
pas revêtir en studio pour trouver l’inspiration
divine.
Friande de magazines porno gay, elle en prévoyait
toujours une pile pour se stimuler pendant
les sessions en studio.
La fureur de vivre
Souvent crédité comme l’un des inventeurs de la
musique électronique, Patrick Cowley est décédé à 32
ans chez lui à San Francisco en 1982, victime du sida.
Il laisse derrière lui un héritage disco unique. Quel est
son plus grand hit ?
« D.I.S.C.O »
« Menergy »
« Supernature »
« Pull Up to the Bumper »
The only gay in the Village
Lorsqu’ils décident de monter le projet Village People
à New York, les producteurs français Henri Belolo et
Jacques Morali publient une annonce en 1975.
Que disait-elle ?
Recherchons des stéréotypes de mâles américains
pour monter un groupe disco. Conditions : être
gay et savoir danser.
Recherchons désespérément acteurs porno gay en
quête de reconversion professionnelle dans la
musique.
Young Men’s Christian Association (Y.M.C.A) (ndlr.
Union chrétienne de jeunes gens en français)
recherche des volontaires pour la chorale de sa
crèche de Noël au Heaven.
Recherchons des machos pour un groupe
mondialement célèbre. Conditions : savoir danser
et porter la moustache.
L’écho sous hélium
Les frères Gibb, plus connus sous le nom de Bee Gees,
sont au disco ce que les Beatles sont à la pop : des
monstres sacrés. De la trempe de ceux qui marquent
l’histoire. Parmi les artistes suivants, qui n’a pas repris
leur hit « How Deep Is Your Love » ?
Take That
Beth Ditto
David Hasselhoff
Mina
Une chanteuse venue de l’espace
En 1977, accompagnée de ses trois danseurs B.
Devotion, une chanteuse française donne
le tempo disco dans ses micro shorts à paillettes
et ses combinaisons sexy argentées avec son hit
planétaire « Spacer ». Qui est-elle ?
Amanda Lear
Karen Cheryl
Sheila
Régine
Disco Star
« Le disco aurait mérité une meilleure appellation,
c’est une forme artistique magnifique. Tout le monde
devient une star en dansant sur du disco » Qui a dit
cette phrase ?
Cerrone
Patrick Hernandez
Grace Jones
Barry White
34 360° juillet-août 2020 - N°196
360° juillet-août 2020 - N°196 35
Gaymap jeu
Les réponses
du disco quiz
Dancing Queen chez Heidi
Fribourg
Disco Manifesto !
« Vous n’êtes jamais seuls, vous savez ce qu’il
faut faire. Ne laissez pas tomber votre nation,
la disco a besoin de vous »
Les délires d’Amanda
Suite à sa rencontre avec Salvador Dali,
qui lui aurait payé les frais de son opération
de transition à Casablanca en 1963.
Abbamania
The Fugees avec « Rumble in the Jungle » (1997)
Donna dans tous ses états
Dans la nuit noire dans le studio, elle a
enregistré sa voix allongée, « la main sur
le genou », précisera-t-elle. Pour être
convaincante, elle a pensé très fort à Marilyn
Monroe et son « incroyable » petit ami
d’alors, Peter.
La fureur de vivre
« Menergy »
The only gay in the Village
Recherchons des machos pour un groupe
mondialement célèbre. Conditions :
savoir danser et porter la moustache.
L’écho sous hélium
Beth Ditto
Une chanteuse venue de l’espace
Sheila
Disco Star
Barry White
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© Pacifico Silano, de la série Elegy
to the Void, 2019
Gaymap expo
Photographier
le présent et
préfigurer le futur
© Rochelle Brockington, de la série Skin + Hair
Stock photos, 2018
des 35 ans du musée, reGénération 4 animera une dernière fois les murs de
son bâtiment avant son déménagement en 2021 sur le site de Plateforme
10. Contactés par le Musée de l’Élysée, les 180 photographes des éditions
précédentes ont soumis les candidats de la nouvelle édition. Parmi les
258 candidatures reçues, 35 travaux sélectionnés seront accrochés.
« En plus de découvrir de nouveaux talents et de réactualiser un
projet majeur pour l’identité du Musée de l’Elysée, reGénération 4 avait
pour ambition de nous faire réfléchir à la forme que doit prendre aujourd’hui
notre engagement pour la photographie et de remettre en
question nos pratiques muséales notamment dans les domaines de la
durabilité, de l’égalité et du numérique », explique Pauline Martin, cocommissaire
de l’exposition.
Autour de l’engagement de l’artiste et celui du musée se déploient
trois axes principaux inscrits dans leur époque : l’environnement, le
genre et le numérique. Notons les œuvres de Pacifico Silano qui explorent
l’identité LGBTQI+ à travers la culture du tirage imprimé en s’appropriant
l’imagerie des magazines porno gay des années 1970 et 1980. Des
collages saisissants qui attirent l’attention vers leurs surfaces. Pour celles
et ceux qui auront envie de prolonger l’expérience de l’édition 2020 dans
leur bibliothèque, signalons également le très beau catalogue de
l’exposition.
reGénération 4 – Les enjeux de
la photographie et de son musée
pour demain.
Musée de l’Élysée, Lausanne.
Du 1er juillet au 27 septembre.
Plus d’infos sur : elysee.ch
La 4 e édition de reGeneration au
Musée de l’Élysée à Lausanne questionne
quelques-unes des urgences
d’un monde en pleine mutation.
Par Alexandre Lanz
reGeneration est cet exercice de style qui nous
«
pousse, tous les cinq ans, à nous arrêter un instant
sur une création contemporaine effervescente pour en
extraire les enjeux majeurs, tant chez les artistes photographes
que pour un musée consacré à leur médium »,
se réjouit Lydia Dorner, co-commissaire de la quatrième
édition de l’exposition du nom.
Initié en 2005, le projet dédié à la photographie émergente
internationale est réitéré tous les cinq ans. L’année
38 360° juillet-août 2020 - N°196
360° juillet-août 2020 - N°196 39
Gaymap sorties
« Il b » prend
le large
Figure bien connue de la riviera
lémanique, Gilbert lance un nouveau
concept sur le lac. Hissez haut !
Le vagin star
de la night
et de l’écran
Amies du sexe féminin, une soirée
s’organise pour la sortie du projet
vidéo « vulvavagina ».
Depuis avril 1999, il b* est présent dans des lieux
branchés de la Riviera suisse. On ne peut donc que
se réjouir du lancement du nouveau projet porté
par Gilbert.
Vous avez toujours rêvé de prendre le large avec
capitaine et hôte d’acceuil ? Désormais, c’est possible
avec « the ilB Boat ». Des croisières sur mesure à bord
d’un élégant Nimbus 33 pour vous et 9 de vos ami.e.s
sont désormais accessibles à des prix abordables pour
un tel niveau de service. On retiendra tout particulièrement
l’offre de cet été : les afterwork sur le Léman. Pour
400 francs, vous pourrez aller taquiner les mouettes de
17h jusqu’au coucher du soleil.
Toutes les informations sont sur baretto.ch
Les Klamydia’s organisent le vendredi 17 juillet dès
19h une soirée « vaginight » sur le plaisir féminin en
partenariat avec Lestime*. Ce sera l’occasion pour
les Klamydia’s de fêter leur nouveau projet vidéo « vulvagina
» qui sera mis en ligne fin juin. Ce projet a été
élaboré notamment avec des collaborateurs-trices de
l’UNIGE et des HUG. Il est soutenu entre autres par la
Ville de Genève, Santé sexuelle Suisse, Lestime, et la fondation
Emilie Gourd.
Au programme de la soirée: quizz, modelages,
le film et la fête bien sûr !
Pour en savoir plus, rendez-vous su klamydias.ch
40 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 41
Fête de départ de Gilbert
du 1814@1321 Bar, Vevey
42 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 43
Gaymap plans
Genève
Servette
Les Grottes
Pâquis
Gaymap plans
Lausanne
Beaulieu
Flon
Centre
Sélection agenda
VENDREDI 17.7
Vaginight
Soirée informative et festive consacrée au plaisir féminin,
avec les Klamydia’s 19h @Lestime; 5 rue de l’Industrie
DU JEUDI 10 AU DIMANCHE 13.9
Week-end des fiertés
@Geneva Pride; plus d’infos sur genevapride.ch
REMONTÉE DE FIÈVRE
Avec la réouverture des clubs annoncée fin juin, 360°
Fever pourrait bien faire son retour cet été. Surveillez le
site 360fever.ch pour les prochaines dates !
St-Jean
Jonction
Centre
Plainpalais
Eaux-Vives
Champel
Sélection agenda
DU JEUDI 30.7 AU DIMANCHE 2.8
Bordello Summer Festival
Le mythique week-end de la fête nationale, sa croisière
sur le Léman (le dimanche) et ses dance parties au MAD,
avec mousse (le vendredi) ou sans (les jeudi et samedi),
restent à l’agenda de l’été clubbing helvétique. Mieux
vaut tout de même aller vérifier sur la page Facebook de
l’événement : facebook.com/bordello.gay.party.
Gare
Sous-Gare
Ouchy
Acacias
Carouge
Bars & Cafés
Purple Bar 25, rue de Monthoux
Le Déclic ★ 28, bd. du Pont-d’Arve
Le Phare ★ 3, rue Lissignol
Livresse ★ 5, rue Vignier
Nathan ★ 34, route de Frontenex
La Bretelle 17, rue des Etuves
La Ferblanterie
8, rue de l’Ecole de Médecine
La Petite Reine
15, place de Montbrillant
Clubbing
Chez Jean-Luc ★
Rue de la Cité 9
La Garçonnière
4-8, rue de la Rôtisserie
La Gravière
9, ch. de la Gravière
Restaurants
Le Bzoo 20, rue Voltaire
Café du Marché
16, av. Henri Dunant
Café Gallay
42, bd. de Saint-Georges
Kampai 25, rue de Monthoux
Le Boteco 12, rue Micheli-du-Crest
Le Cheval Blanc 15, place de l’Octroi
L’Appart 36, rue du Faucigny,
Annemasse (F)
Pâtisseries & Tea Rooms
Chez Quartier 24, rue Voltaire
Dubois 4, Carrefour Villereuse
Dubois 49, bd. Carl-Vogt
Saunas & Sex Clubs
Bains de l’Est ★ 3, rue de l’Est
Cruising Canyon ★ 15, rue Dr.
Alfred-Vincent
Sauna des Avanchets ★
av. Baptista, Vernier
Substation ★ 14, rue de Neuchâtel
King Sauna ★ 39, rue Jean-Jaurès -
Ambilly (F)
Octopus Sauna 15, rue de Narvick,
Annecy (F)
Shopping & Services
Case à Max (2nd hand)
19, rue de la Navigation
Fazio & Cie (menuiserie &
agencement) 26, rue des Vollandes
Le Bal des Créateurs (multistore)
25, rue de l’Arquebuse
Monsieur Alain (fashion)
63, bd. Saint-Georges
Vue des Bains (optique)
8, av. du Mail
OZ Wellness (sport-santé)
10, rue d’Italie
Etienne&Etienne (ag. com.)
30, rue St-Joseph, Carouge
Cumulus (BD) 5, rue des Etuves
Garçon Manquée (fashion)
31, rue St-Joseph
Livresse (librairie) 5, rue Vignier
Ciné 17 (cinéma)
17, rue de la Corraterie
Cinérama Empire,
72-74, rue de Carouge
Substation ★(Sex-shop)
14, rue de Neuchâtel
Coiffure, Beauté & Tattoo
Le Bal des Créateurs (multistore)
25, rue de l’Arquebuse
Trajectoire 9 (coiffure & beauty)
13, rue de la Filature
XXL barbier 5, rue de Genève
Annemasse (F)
XXL Coiffure 5, rue Adrien Ligué,
Annemasse (F)
Yashka 5, rue des Etuves (tattoo)
Santé
Checkpoint Genève ★ (hiv & sti
testing) 9, rue du Grand-Pré
Groupe Sida Genève (hiv support)
9, rue du Grand-Pré
AIDES Annemasse (hiv & sti testing)
11 Rue Paul Bert, Annemasse (F)
AIDES Ferney-Voltaire
(hiv & sti testing) 11, rue de Genève,
Ferney-Voltaire (F)
Pharmacie de l’Ecole-de-
Médecine 3, rue de l’E.-de-Médecine
Associations
Association 360 ★
36, rue de la Navigation
Dialogai ★ 5, rue du Levant
Lestime ★ 5, rue de l’Industrie
PVA (hiv support) 35, rue des Pâquis
Think Out ★ facebook.com/
ThinkOutThinkDifferent
Totem ★ federationlgbt-geneve.ch
Le Refuge ★
13, rue de la Navigation
Antenne LGBTI (LAB) ★
31, Avenue du Mail
Asile LGBT ★
36, rue de la Navigation
Parents d’Homos ★ gpeh.org
Epicène ★ epicene.ch
★ = Lieux et institutions LGBT
Bars
Le Saxo ★ 3, rue de la Grotte
GT’s ★ 5, avenue de Tivoli
Le Bar-Tabac 7, rue Beau-Séjour
Pin Up Bar 31, rue Marterey
La Couronne d’Or
13, rue des Deux-Marchés
Bourg 51, rue de Bourg
D3 9, place du Tunnel
Clubbing
GameBoy ★ c/o MAD
23, rue de Genève
GT’s ★ 5, avenue de Tivoli
Les Docks 34, av. de Sévelin
Restaurants
Auberge de Beaulieu
15, av.des Bergières
Café de Grancy
1, av. du Rond-Point
La Tonnelle 16, av. Mon-Loisir
Lausanne-Moudon
20, rue du Tunnel
Le Raisin Les Cullayes
Metropolis
20-22, rue Louis-de-Savoie, Morges
Hotels
Rainbow Inn ★ (guesthouse)
22, av. de Tivoli
Saunas & Sex Clubs
Pink Beach ★(sauna)
9, av. de Tivoli
Top Club ★(sauna)
6, rue Bellefontaine
Trafick ★(sex club)
22A, av. de Tivoli
Shopping & Services
7 e Ciel (sensual store) Galerie de
Bourg, 2 e sous-sol. 11, rue de Bourg
Contact auto moto (Driving)
57, rue de la Borde
Monsieur Alain (men’s fashion)
35, rue du Simplon
Pompes Funèbres (shoes)
8, place de l’Europe
Scorpion 18, rue de la Madeleine
Maniak (fashion)
4, rue du Port-Franc
Globus Voyages 26, rue de Bourg
Lemassage.ch Tazio Minotti,
1, rue Mauborget
Noémie Forlano (réflexologie)
2, place Bel-Air
Pierre Pantillon (massages-épilation),
c/o Sexopraxis,
7, Route de la Clochatte
Des Mélèzes (paysagiste)
18, ch. de la Foule, Croy
Un style de Vie (beauté)
9, av. Samson-Reymondin, Pully
Trafick ★ (sex shop)
22A, av. de Tivoli
Coiffure & Beauté
ABR ★ Rosina Fleury
7, ch. des Charmettes
Yookoso ★ Hair Design
74, rue Marterey
Casting 43B, av. de la Gare
Orange Hair 6, rue de la Barre
Tattoo & Piercing
Drop-In 7, rue du Maupas
Sam’s Piercing 8, Mauborget
Weirdiefox Tattoo ★
5, rue de la Plaine, Yverdon-les-Bains
Santé
Checkpoint Vaud ★
(hiv & sti testing) 22, rue du Pont
SID’Action (hiv support)
12, rue Etraz
Les klamydia’s ★ (santé femme)
klamydias.ch
Associations
Lilith ★ 60, av. Aloys-Fauquez
VoGay ★ 1, rue Pépinet
PlanQueer ★ planqueer.ch
Fondation Agnodice ★agnodice.ch
44 360° juillet-août 2020 - N°196
360° juillet-août 2020 - N°196 45
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Berne
Länggasse
Lorraine
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Sélection agenda
SAMEDI 4.7
King Kong
22h @Gaskessel; Sandrainstrasse 25
MERCREDI 12.8
Willkommen in der Villa Bernau
18h30 @Villa Bernau; Seftigenstrasse 243
SAMEDI 22.8
Sommer Tolerdance (sous réserve)
22h @ ISC; Neubrückstrasse 10
Mattenhof
Centre
Sélection agenda
SAMEDI 11.7 / BÂLE
HRDR#7
23h @Stahlwerk; Hagenaustrasse 29
SAMEDI 1.8 / ZURICH
Hiveahkasha!
23h @Hive Club; Geroldstrasse 5
DU VENDREDI 4 AU DIMANCHE 6.9 / ZURICH
White Party Weekend «Diamonds»
by Angels @X-tra; Limmatstrasse 118
Tous les lieux
sympas de votre
Canton auprès de
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Kirchenfeld
Bars & Restaurants
Blue Cat (café)
Gerechtigkeitsgasse 75
Comeback (bar) Rathausgasse 42
Du Nord (resto) Lorrainestrasse 2
Prima Luna (lounge)
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Lorraine (brasserie)
Quartiergasse 11
Marcel’s Marcili (restaurant)
Marzilistrasse 35
Adriano’s (bar) Theaterplatz 2
3gang (resto) Villa Stucki,
Seftigenstr. 11
Du Théâtre (Lounge Bar)
Hotelgasse 10
Saunas & Sex Clubs
Aqualis ★ Brunnmattstrasse 21
Sun Deck ★ Länggassstr. 65
Publicité
Shopping & Services
Pink Alpine (voyages)
Laubeggstrasse 54
Augenwerk (optic) Marktgasse 52
Créafloristique (fleurs)
Seftigenstrasse 68
Loveland (sex shop)
Gerechtigkeitsgasse 39-41
Planet Love (erotic)
Gerberngasse 36
Coiff your Success (coiffure)
Marktgasse 35 De Angelis (coiffure)
Marktgasse 56
Opera (coiffure) Gotenstrasse 4
Raaflaubs Family
Fashion (coiffure) Kornhausplatz 7
Uncut (Cinéma) C/o Kino Rex,
Schanengasse 9
QueerBooks, (librairie)
Herrengasse 30
Pigdreams.ch ★ (erotic)
Buchserstrasse 34, Aarau
Santé
Checkpoint ★ (hiv & sti testing)
Schwarztorstrasse 11
Associations
HAB ★ (organisation) Villa Bernau,
Seftigenstrasse 243
Pink Cross ★ (organisation)
Monbijoustrasse 73
LOS ★ (organisation)
Monbijoustrasse 73
Parties-Soirées
Frauenraum (Club)
c/o Reitschule, Neubrückstr. 8
ISC (Club) Neubrückstrasse 10
Kapitel (Club) Bollwerk 41, Bern
Du Théâtre (Club) Hotelgasse 10
Hôtels
Allegro Kornhausstrasse 3
Belle Epoque Gerechtigkeitsg. 18
★ = Lieux et institutions LGBT
Fribourg
Associations
Sarigai ★ (organisation) sarigai.ch
LAGO ★ (group) student.unifr.ch/
lago/fr
Santé
Empreinte ★
(hiv support + hiv & sti testing)
57, bd. de Pérolles
Jura
Associations
Juragai ★ (group)
16, rue de l’Eglise, Delémont,
juragai.ch
Santé
Groupe Sida Jura (hiv support)
6, route de Porrentruy, Delémont
Centre de santé sexuelle
(hiv & sti testing)
13, rue Molière, Delémont
Centre de santé sexuelle
(hiv & sti testing) 5, rue des Tanneurs
(Centre le Phénix), Porrentruy
Neuchâtel
Associations
Togayther ★ (group)
48, rue des Sablons, togayther.ch
Asile LGBTI+ ★
facebook.com/asilelgbtneuch
Arc-en-ciel ★
arcenciel-ne.ch
Santé
Générations Sexualités
Neuchâtel (hiv & sti testing)
18, Grand-Rue, Peseux
Valais
Associations
Alpagai ★ (group) 33, av du Ritz,
Sion, alpagai.ch
Santé
Antenne Sida du Valais romand,
8, rue de la Porte-Neuve, Sion
(hiv support)
SIPE Valais Monthey, Martigny, Sion,
Sierre & Susten (hiv & sti testing) www.
sipe-vs.ch
Hôtel
Les Mazots de la Source, Vercorin
La Grande Maison,
route du Sanetsch 13,
Chandolin-près-Savièse
Vevey-Riviera
Aebi Fleurs (fleurs)
1, rue de Lausanne
Chez moi (decoration)
5, rue du Centre
Evasion (boutique) 20, rue du Lac
Mario’s Piercing
& Tattoo Experience(body art)
23, rue du Conseil, Vevey
Le Goût du Voyage 18, rue du Lac,
Vevey (voyages-café bio)
B72 (coiffure) 3 rue du Léman
La Tour-de-Peilz
46 360° juillet-août 2020 - N°196
360° juillet-août 2020 - N°196 47
48 360° juin 2020 - N°195
Monde à l’envers,
tourne de travers, tout
à reprendre une maille
à l’endroit une maille à
l’envers. Envie de dire
la couleur du vent,
de sentir sur ma peau
la douceur de son souffle.
Envie de dire les sons
de l’onde, de me laisser
glisser dans le courant.
Envie de goûter aux
voluptés de l’heure
bleue, infiniment.
À mon Seul Désir
(extraits)
Chants nocturnes
Au Jour
le Jour
Par Greta Gratos
À
l’heure de cet été qui commence,
une simple question,
que j’imagine, de moi à toi, de
toi à moi. Toi que je n’ai vu-e que
virtuellement, depuis longtemps
maintenant, confiné-e-s que nous
étions, plus ou moins sévèrement.
Comment vas-tu ? Comment as-tu
traversé, traverses-tu encore, ces
événements ? Es-tu, comme moi,
fatigué-e nerveusement par ce
retour à ladite normalité, sa frénésie,
ses hurlances, ses vrombissements
? Te dit-on aussi que c’est ta
perception qui a changé, que c’est
évident, que c’est comme avant,
que tu as trop goûté aux voluptés
de ce ralentissement, aux chants
d’oiseaux, à l’air limpide, à ces ciels
si bleus, à ces paisibles instants ?
Avais-tu alors pensé que le Monde
freinerait sa course, ne pourrait
la reprendre comme avant ? Qu’il
allait changer, forcément ? Et moi,
l’avais-je envisagé ? Pas vraiment.
Même pas du tout, à aucun instant.
Observant les humaines
manières depuis longtemps maintenant,
aucune illusion rassurante
de ce genre n’a habité mon esprit.
Il m’était doux ce temps de confinement,
abstraction faite des chagrins,
des pertes, des annulations
d’événements, du manque de ces
magiques instants que je partageais
avec toi quand je montais sur scène.
Ma nature autistique a repris le dessus
et je peine à rejoindre ce Monde
et ce que ma chair perçoit, ressent,
comme une intrusion violente. Dès
mon apparition dans l’humaine
société, dès que mes yeux se sont
ouverts sur ses pratiques, j’ai réalisé
qu’il me faudrait, au même titre
qu’une étrangère hors de sa terre
natale, m’adapter à d’incessantes
contraintes. Mais j’avoue humblement
qu’en ces temps je peine. Et
pour toi, est-ce le cas ou est-ce tout
à fait différent ?
autoportrait d’après Pisanello - portrait d’une princesse d’Este
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