ZESO_04-20_Umschlag_FRANZ_ALLE
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SKOS CSIAS COSAS<br />
Schweizerische Konferenz für Sozialhilfe<br />
Conférence suisse des institutions d’action sociale<br />
Conferenza svizzera delle istituzioni dell’azione sociale<br />
Conferenza svizra da l’agid sozial<br />
<strong>ZESO</strong><br />
ZEITSCHRIFT FÜR SOZIALHILFE<br />
<strong>04</strong>/<strong>20</strong><br />
PAUVRETÉ<br />
Modèle de suivi de la<br />
pauvreté en Suisse<br />
FOYERSBASEL<br />
Un refuge pour les jeunes<br />
femmes en difficultés<br />
AI-RAPPORT<br />
Les conséquences des<br />
révisions AI sur l'aide<br />
sociale<br />
MISSION INTÉGRATION<br />
SOCIALE<br />
Qu'est-ce que signifie cette mission - comment la mettre en œuvre ?
COMMENTAIRE<br />
Une nouvelle stratégie en cette période d‘incertitude<br />
La crise de la Covid continue à dicter notre<br />
quotidien. Elle nous place face à de grands<br />
défis dans notre vie professionnelle et<br />
privée, mais aussi dans la planification des<br />
mois et des années à venir. Actuellement,<br />
il est impossible de définir le nombre de<br />
clientes et clients à prendre en charge par<br />
année et les groupes particulièrement<br />
touchés. Malgré, ou peut-être à cause de<br />
cette situation incertaine, la CSIAS a décidé<br />
de développer une nouvelle stratégie pour<br />
les quatre prochaines années. En octobre,<br />
les membres du Comité directeur se sont réunis<br />
à Zurich, lors de leur session annuelle,<br />
et ont invité sept experts à poser un regard<br />
extérieur sur la CSIAS. Dans l‘ensemble, la<br />
position de l’aide sociale et de la CSIAS est<br />
plus forte qu‘il y a quatre ans. À l‘époque,<br />
plusieurs communes avaient<br />
résilié leur adhésion<br />
et le<br />
canton de Zurich envisageait de se retirer.<br />
Entre-temps, des décisions importantes<br />
ont été prises qui ont étayé le principe de<br />
normes applicables à l’échelle nationale,<br />
notamment le référendum dans le canton<br />
de Berne, en mai <strong>20</strong>19. La CSIAS a donné<br />
des impulsions sociopolitiques importantes<br />
dans les domaines de l‘intégration des<br />
réfugiés, de la sécurité sociale pour les chômeurs<br />
de plus de 55 ans et de la formation<br />
continue. Les normes ont par ailleurs été<br />
modernisées.<br />
La nouvelle stratégie vise à tirer parti de<br />
ces évolutions positives. Elle se concentre<br />
sur le développement de l’aide sociale et<br />
des normes sur le plan méthodologique<br />
et du contenu. De nouveaux modèles sont<br />
nécessaires pour soutenir les travailleurs<br />
indépendants, particulièrement touchés<br />
par la pandémie. L’évolution sociale met à<br />
l‘épreuve des concepts actuels tels<br />
que la contribution de concubinage.<br />
La CSIAS continuera à<br />
s’intéresser aux problèmes sociaux qui surgissent<br />
souvent de prime abord dans l‘aide<br />
sociale et à élaborer des modèles viables<br />
à cet égard. L’objectif prioritaire reste de<br />
fournir aux membres des services pratiques<br />
et de qualité, allant du conseil juridique aux<br />
conférences, en passant par les documents<br />
de base. Les différents intérêts doivent être<br />
pris en compte, qu‘il s‘agisse du service<br />
social d‘une petite commune comme Eschlikon,<br />
par exemple, avec une cinquantaine de<br />
bénéficiaires de l‘aide sociale, ou de l‘Hospice<br />
général, responsable de tout le canton<br />
de Genève, avec près de 30’000 personnes.<br />
Dans les mois à venir, le Comité et les commissions<br />
feront part de leurs commentaires<br />
et requêtes. Les propositions des membres<br />
sont également les bienvenues. La nouvelle<br />
stratégie sera adoptée et publiée en avril<br />
<strong>20</strong>21. Elle fera office de ligne directrice pour<br />
les quatre prochaines années, qui placeront<br />
notre système de sécurité sociale face à de<br />
nouveaux et plus grands défis.<br />
Markus Kaufmann<br />
Secrétaire général CSIAS<br />
4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
5
Comment tenir compte de l'allocation<br />
pour impotent dans l'aide sociale ?<br />
PRATIQUE Toute personne qui perçoit une allocation pour impotent et éventuellement un supplément<br />
pour soins intenses en raison d'un problème de santé doit par principe déclarer ces montants<br />
comme revenu si elle bénéficie en même temps de l'aide sociale. Les frais de santé associés<br />
peuvent être couverts par l'aide sociale sous forme de prestations circonstancielles (PCi). Un<br />
supplément d'intégration (SI) peut également être accordé.<br />
La famille Müller touche l'aide sociale et vit<br />
dans un ménage avec ses deux enfants.<br />
L'un des enfants souffre d’une grave atteinte<br />
à la santé et perçoit à ce titre une allocation<br />
pour impotent et un supplément<br />
pour soins intenses de l'assurance invalidité<br />
(AI). Les soins et l'assistance sont assurés<br />
par les parents.<br />
QUESTIONS<br />
1. Comment tenir compte de l’allocation<br />
pour impotent et du supplément pour<br />
soins intenses dans le calcul de l’aide sociale<br />
économique ?<br />
2. Comment se présentera la situation à la<br />
majorité de l'enfant handicapé ?<br />
3. Dans ce cas, comment faire face aux<br />
frais de santé supplémentaires pour<br />
l'enfant, p.ex. s’il est soigné et gardé<br />
un week-end sur deux par un établissement<br />
spécialisé afin de décharger les parents<br />
?<br />
4. Un supplément d'intégration (SI) peutil<br />
être octroyé à l'un des parents ?<br />
BASES<br />
En vertu de l'art. 9 LPGA, est réputée impotente<br />
toute personne qui, en raison d’une<br />
atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente<br />
de l’aide d’autrui ou d’une surveillance<br />
personnelle pour accomplir des actes<br />
élémentaires de la vie quotidienne. Les allocations<br />
pour impotent de l'AI et de l'AVS<br />
sont donc octroyées afin que la personne<br />
PRATIQUE<br />
Dans cette rubrique, la <strong>ZESO</strong> publie des questions<br />
ex-emplaires de la pratique de l'aide sociale qui ont<br />
été adressées à la « CSIAS-Line », une offre de conseil<br />
en ligne que la CSIAS propose à ses membres.<br />
L'accès pour vos questions se fait dans l'espace<br />
membressur le site interent : www.csias.ch <br />
espace membres (se connecter) CSIAS-Line.<br />
concernée puisse financer l’aide requise. Il<br />
s'agit de prestations qui ne sont pas prévues<br />
dans le forfait pour l'entretien.<br />
En principe, l'allocation pour impotent<br />
est un revenu librement disponible qui<br />
doit être pris en compte dans le calcul du<br />
besoin d'aide sociale (CSIAS-norme D.1).<br />
Toutefois, l'allocation est accordée par une<br />
assurance sociale avec un objectif clair.<br />
Pour des raisons de logique du système, il<br />
n’est pas possible de la considérer comme<br />
revenu de la personne impotente. Si elle est<br />
utilisée pour financer l'aide de tiers, l'allocation<br />
ne peut pas être prise en compte<br />
dans le calcul du besoin d'aide sociale de<br />
l'ayant droit.<br />
Si l'aide est fournie par une tierce personne<br />
dans le même ménage, l'allocation<br />
revient en principe à cette dernière. Si elle<br />
est elle-même impotente, l'allocation doit<br />
être prise en compte comme revenu pour<br />
son unité d'assistance.<br />
Si l'allocation sert à acheter des services<br />
d’aide externes, il existe deux options :<br />
d’une part, l'allocation pour impotent de<br />
la personne indigente est prise en compte<br />
comme revenu. Dans ce cas, l'aide de tiers<br />
doit être indemnisée à titre de prestation<br />
circonstancielle de couverture des besoins<br />
de base (PCi couvrant les besoins de base)<br />
(CSIAS-normes C.1 et C.6.1). D'autre<br />
part, l'allocation n'est pas prise en compte<br />
afin qu'elle puisse directement financer<br />
l'aide de tiers. Dans ce cas, il n'y a pas de<br />
droit à une PCi couvrant les besoins de<br />
base.<br />
Dans certains cas, les parents aidants<br />
peuvent bénéficier d’un supplément d'intégration<br />
(SI) pour récompenser leurs efforts,<br />
bien qu’ils ne contribuent ainsi pas<br />
à leur propre intégration sociale ou professionnelle<br />
(CSIAS-norme C.6.7 Explications<br />
c).<br />
RÉPONSES<br />
1. L'allocation pour impotent et le supplément<br />
pour soins intenses sont pris en<br />
compte comme revenu dans le budget<br />
familial.<br />
2. Lorsque l'enfant atteint sa majorité et<br />
reste vivre dans le ménage des parents<br />
qui continuent à lui fournir soins et assistance,<br />
l'allocation pour impotent et<br />
le supplément pour soins intenses sont<br />
pris en compte comme revenu pour leur<br />
unité d'assistance. Cela s'applique également<br />
si l'enfant adulte continue de dépendre<br />
de l'aide sociale.<br />
3. S’il est nécessaire d’acheter des prestations<br />
externes malgré les soins et l'assistance<br />
des parents, p.ex. si l’enfant est<br />
soigné et gardé dans un établissement<br />
spécialisé un week-end sur deux afin de<br />
décharger les parents, celles-ci doivent<br />
être indemnisées par l'aide sociale à titre<br />
de PCi couvrant les besoins de base. Il<br />
n'est pas possible de faire valoir un droit<br />
aux PCi si les prestations sont directement<br />
financées par l'allocation pour<br />
impotent ou le supplément pour soins<br />
intenses en accord avec l'organe d'aide<br />
sociale.<br />
4. Etant donné que les parents prennent<br />
soin de leur enfant impotent, ils peuvent<br />
bénéficier d’un SI approprié. •<br />
Christoph Hostettler<br />
Membre RiP AG<br />
INFORMATION IMPORTANTE<br />
Les références aux normes CSIAS s’appliquent<br />
à la nouvelle structure des normes valables à<br />
partir de <strong>20</strong>21.<br />
4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
9
L’intégration sociale – la mission clé de<br />
l’aide sociale<br />
L’intégration sociale fait partie de la mission clé de l’aide sociale. Elle figure désormais parmi les<br />
objectifs des normes CSIAS. Les cantons l’ont évoquée implicitement ou mentionnée explicitement<br />
dans leurs lois sur l’aide sociale. Mais que signifie la notion d’intégration sociale pour l’individu et le<br />
mandat des travailleurs sociaux ?<br />
La définition des notions d’intégration et d’intégration sociale est<br />
multiple, notamment :<br />
• « Participation des personnes défavorisées à la société »,<br />
• « Capacité d’agir », càd. possibilités, pour les individus, de se<br />
réaliser, se répercutant sur le bien-être personnel et social. Les<br />
critères englobent l’utilisation des ressources disponibles, la<br />
lutte contre la pauvreté et la privation, ainsi que la recherche de<br />
possibilités pour participer à la société »,<br />
• « Équilibre entre les intérêts, la maîtrise des conflits et la satisfaction<br />
des besoins ».<br />
En ce qui concerne l’aide sociale, l’intégration sociale signifie la<br />
participation à la vie sociale et professionnelle. Cette approche de<br />
l’intégration présume implicitement qu’une personne ne peut pas<br />
être intégrée si elle n’a aucun lien avec le monde professionnel. A<br />
cet égard, l’économiste et philosophe indien Amartya Sen appelle<br />
à un changement de perspective dans son approche par les « capabilités<br />
» : « Il y a de bonnes raisons de considérer la pauvreté comme<br />
un manque de capabilités pour se réaliser soi-même et non pas<br />
comme un manque de revenu ». Cette perspective de la pauvreté<br />
devrait également être adoptée par les sociétés prospères, puisque<br />
l’individu est entravé dans ses libertés, ses initiatives et ses talents.<br />
L’intégration sociale, une mission à part entière de l’aide<br />
sociale<br />
Dans les objectifs de l’aide sociale, les normes CSIAS <strong>20</strong>21 stipulent<br />
qu’elle doit mettre à disposition des offres et programmes<br />
permettant de favoriser l’intégration sociale et professionnelle<br />
(normes CSIAS, <strong>20</strong>21, A.2). La participation à la vie économique,<br />
sociale, culturelle et politique doit être garantie. Dans les commentaires,<br />
il est précisé qu’en plus de l’aide à l’auto-assistance, l’aide<br />
sociale propose une assistance lors de situations individuelles de<br />
détresse et permet de compenser leurs causes structurelles. De tels<br />
programmes doivent correspondre à la formation et au parcours<br />
professionnels, à l’âge, à l’état de santé, à la situation personnelle et<br />
aux capacités de la personne bénéficiaire. En fait partie l’admissibilité<br />
d’une activité indépendante aux seules fins d’une intégration<br />
sociale. Etant donné que l’insertion professionnelle prime sur l’intégration<br />
sociale dans les normes CSIAS, il reste à savoir dans<br />
quelle mesure cette priorisation influence la pratique.<br />
Les efforts d’intégration sociale et/ou professionnelle sont récompensés<br />
par un supplément d’intégration. Selon l’activité fournie<br />
et son importance, les normes CSIAS recommandent un montant<br />
compris entre 100 et 300 francs par personne et par mois.<br />
Le bénévolat, par exemple l’aide de voisinage, n’est souvent pas<br />
reconnu comme une mesure d’intégration sociale.. <br />
Photo : Keystone/G. Bally<br />
Dans l’aide sociale et les normes, la notion d’aide personnelle<br />
est intimement liée à la notion d’intégration sociale. Elle favorise<br />
l’intégration par des offres de soutien ciblées et permet ainsi de<br />
prévenir ou de surmonter des situations de détresse. L’aide personnelle<br />
fait partie intégrante de l’aide matérielle et s’entend comme<br />
un mandat de conseil préventif (sans aide sociale). Les normes<br />
CSIAS <strong>20</strong>21 consacrent désormais un chapitre entier (B) à l’aide<br />
personnelle. Le conseil, l’accompagnement et l’orientation comprennent<br />
le soutien dans la recherche d’emploi et de logement,<br />
l’aide pour la correspondance administrative avec les assurances<br />
sociales, des évaluations complexes, la gestion volontaire du revenu,<br />
ainsi que des conseils en matière de dettes et de désendettement<br />
. En substance, il ne s’agit pas d’une nouvelle mission. Ces<br />
tâches peuvent être déléguées à des instances spécialisées.<br />
16 <strong>ZESO</strong> 4/<strong>20</strong> DOSSIER
INTÉGRATION SOCIALE<br />
Mise en œuvre dans les cantons<br />
La mention explicite du mandat d’intégration sociale fait défaut<br />
dans de nombreuses lois cantonales sur l’aide sociale. Toutefois, ce<br />
mandat peut être déduit implicitement. Des expressions telles<br />
qu’encouragement, autonomie personnelle, aide à l’auto-assistance,<br />
intégration sociale, prévention de l’exclusion et réadaptation<br />
sont définies dans les normes juridiques respectives.<br />
Il est intéressant de noter que la hiérarchisation des termes<br />
d’intégration « professionnelle et sociale » ou « sociale et professionnelle<br />
» se traduit, dans l’aide sociale, par la conception d’un<br />
mandat d’intégration sociale à part entière. Une enquête aléatoire<br />
auprès de certains cantons fait état d’approches intéressantes en<br />
matière d’intégration sociale :<br />
Exemple de Berne<br />
Sous la rubrique « Insertion sociale (IS) » de son concept détaillé<br />
sur les programmes d’occupation et d’insertion proposés dans le<br />
cadre de l’aide sociale, le canton de Berne fournit des prestations<br />
de stabilisation sociale pour les bénéficiaires de l’aide sociale qui<br />
n’ont guère de chances de trouver un emploi à moyen terme. Il<br />
s’agit notamment de programmes collectifs ou d’emplois individuels,<br />
d’activités à l’heure ou à la journée, d’emplois protégés de<br />
longue durée, d’un soutien dans la gestion du quotidien, d’un soutien<br />
dans la maîtrise de problèmes psychosociaux et de bilans réguliers.<br />
L’objectif explicite de ces offres est d’assurer une stabilisation<br />
sociale. Cette démarche permet d’ouvrir des perspectives d’insertion<br />
professionnelle à accès facilité.<br />
Exemple de Zurich<br />
La Ville de Zurich propose des offres spécifiques aux groupes<br />
cibles, structurées sous forme de modules. Le travail d’intérêt général<br />
est explicitement mentionné comme mesure d’intégration (cf.<br />
p. 18).<br />
Exemple de Genève<br />
Le terme « accompagnement social » utilisé à Genève comprend<br />
des prestations à la fois dans le domaine de la prévention, c’est-àdire<br />
sans aide matérielle, et dans le conseil, l’orientation et la mise<br />
en réseau, en complément de l’aide matérielle. Les prestations<br />
d’accompagnement social sont les mêmes dans les deux domaines.<br />
L’objectif de l’accompagnement social est de permettre aux usagers<br />
de retrouver leur autonomie. Dans ce contexte, il n’y aucune<br />
obligation de participer aux programmes.<br />
Exemple du canton de Vaud<br />
Le terme « appui social » utilisé dans le canton de Vaud fait partie<br />
d’un concept d’aide sociale à trois piliers. Il est accessible aux personnes<br />
avec et sans aide matérielle et comprend un travail de<br />
conseil, d’orientation, d’information et de mise en réseau personnalisé.<br />
La prestation d’appui social est subdivisée en dix domaines<br />
de vie : situation financière, droits financiers et démarches administratives,<br />
logement, santé, emploi, famille, capacités de base,<br />
formation, lien social et mobilité. L’insertion sociale est considérée<br />
comme atteinte lorsque tous les domaines convenus ont été traités.<br />
Quant aux mesures d’intégration sociale (MIS), elles sont détaillées<br />
dans un catalogue de 70 offres sur des thèmes variés : MIS<br />
socioprofessionnelles, MIS familles, MIS 50+, MIS transition,<br />
MIS compétences de base, MIS stabilité financière et MIS contacts<br />
sociaux . Ces offres sont réalisées en étroite collaboration avec des<br />
organisations partenaires externes.<br />
Les exemples cantonaux montrent qu’il existe différentes manières<br />
de mettre en œuvre le mandat d’intégration sociale :<br />
• Outre l’insertion professionnelle, l’intégration sociale comme<br />
objectif à part entière des mesures de réadaptation.<br />
• L’intégration sociale par des mesures d’insertion professionnelle.<br />
• L’intégration sociale sous forme d’accompagnement et de<br />
conseil, par opposition à l’aide matérielle.<br />
Il est également intéressant de noter que certains cantons n’incluent<br />
pas les efforts d’intégration sociale personnels tels que le<br />
bénévolat, l’aide de voisinage ou les thérapies dans leur liste d’intégration<br />
sociale. Ces efforts sont donc récompensés par un supplément<br />
d’intégration ou non.<br />
L’intégration sociale, la mission première de l’aide sociale<br />
La primauté du travail rémunéré marque la société moderne et le<br />
statut des individus qui la composent. Ces dernières années, les<br />
attentes sociales et politiques à l’égard de l’aide sociale ont donc été<br />
de « forcer » l’insertion ou la réinsertion professionnelle. Toutefois,<br />
la réalité sociale d’une majorité de personnes tributaires d’une aide<br />
matérielle ne permet pas de satisfaire cette exigence. Le manuel de<br />
Saint-Gall décrit ce dilemme comme suit : « Pour une grande partie<br />
des personnes démunies, les mesures d’insertion purement professionnelles<br />
ne sont pas indiquées ou ne sont pas possibles pour des<br />
raisons de santé ou d’autres motifs personnels : il faut dès lors proposer<br />
aux personnes concernées des mesures d’intégration sociale<br />
qui structurent leur vie quotidienne et renforcent leur confiance en<br />
soi » (Manuel KOS, <strong>20</strong>19, chapitre D.2, p. 81).<br />
Réorientation du mandat d’intégration<br />
Les normes CSIAS ont posé les bases d’un mandat d’intégration<br />
sociale dans l’aide sociale. Toutefois, il convient de s’interroger sur<br />
la possibilité de compléter la notion d’intégration professionnelle<br />
et sociale par celle d’intégration professionnelle ou sociale, ou encore<br />
d’intégration sociale ou professionnelle. En partant du principe<br />
que l’insertion professionnelle est uniquement envisageable<br />
pour environ un tiers des bénéficiaires de l’aide sociale, l’intégration<br />
sociale devrait s’appliquer à la majorité restante. Une réorientation<br />
du mandat d’intégration serait donc indiquée (cf. page 22)<br />
afin que « l’intégration sociale » des bénéficiaires de l’aide sociale<br />
devienne un objectif à part entière dans le domaine de l’aide sociale<br />
publique. <br />
•<br />
Corinne Hutmacher-Perret<br />
Secteur Bases de la CSIAS<br />
DOSSIER 4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
Faire partie (ou non) de la société<br />
L’exclusion sociale et l’isolement peuvent avoir de graves conséquences. Une situation qui s’applique<br />
en particulier aux sans-abris et qui entrave leur retour dans la société. Avec des projets dans huit<br />
villes, l’organisation française La Cloche montre que l’intégration sociale des sans-abris est possible<br />
et efficace.<br />
« Les gens me regardaient différemment. Même s’ils ne pouvaient<br />
pas savoir que je vivais dans la rue, j’avais l’impression de ne pas<br />
appartenir au même monde. Comme s’ils savaient que j’étais différent.<br />
Je n’avais pas ma place dans la société et souffrais du regard<br />
des autres », confie Cédric. Il a passé la moitié de sa vie dans la rue<br />
où il a perdu son amour-propre et son estime de soi. Cédric n’est<br />
pas le seul à éprouver de tels sentiments. Des études montrent<br />
qu’en France, 84% des personnes sans domicile fixe souffrent de<br />
l’indifférence et du rejet des passants, ce qui entrave leur réinsertion<br />
dans la société. Cédric est aujourd’hui bénévole au sein de<br />
l’organisation La Cloche. Il y raconte son passé dans la rue et partage<br />
ses expériences et points de vue. Il apporte ainsi une meilleure<br />
compréhension du sans-abrisme. Son but : aider les autres comme<br />
on l’a aidé, leur transmettre ce qu’il a appris et ce qui l’a sorti de la<br />
rue, l’intégration sociale.<br />
Invisibles et exclus<br />
En Suisse aussi, les passants ne sont pas les seuls à ignorer les sansabris.<br />
Ceux-ci n’apparaissent pas dans les statistiques et études officielles,<br />
et il n’y a aucune discussion sociale à leur sujet. L’une des<br />
raisons réside dans le fait que les sans-abris sont difficiles à recenser.<br />
Nombreux sont ceux qui trouvent un logement temporaire ou<br />
sont hébergés chez des amis, raison pour laquelle ils ne sont pas<br />
perçus comme des SDF. La première personne à fournir des<br />
chiffres fiables, dans notre pays, est Matthias Drilling de la Haute<br />
école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse. Il a publié le « Premier<br />
rapport national sur le sans-abrisme » en janvier <strong>20</strong><strong>20</strong>, en<br />
POUR UNE SOLIDARITÉ LOCALE<br />
Le changement de perspective et l’intégration sociale aident<br />
les sans-abris à sortir de l’isolement social et à retrouver leur<br />
dignité et leur confiance en soi. La Cloche a pour objectif de<br />
faciliter le quotidien des sans-abris et de leur permettre de<br />
nouer des contacts dans le quartier.<br />
Trois programmes permettent d’atteindre ce but : Le Carillon,<br />
Les Clochettes, La Cloche à Biscuit et les médias (Gazette,<br />
radio, podcasts), dans lesquels s’expriment les gens de la rue.<br />
Grâce à de nombreuses activités, formations et événements,<br />
chaque personne, avec ou sans domicile, peut contribuer à<br />
son niveau à rendre la société et son environnement plus<br />
intégratifs.<br />
La conviction de l’organisation : dans la lutte contre l’exclusion<br />
extrême, les liens sociaux et le changement de perspective<br />
sont tout aussi importants que l’aide matérielle.<br />
collaboration avec Esther Mühlethaler et Gosalya Iyadurai. L’étude<br />
fournit des données concrètes sur les personnes sans domicile fixe<br />
dans la région de Bâle et montre que le sujet mérite une attention<br />
particulière.<br />
L’intégration sociale, un besoin vital<br />
Comme Cédric, les sans-abris ne sont en général pas socialement<br />
intégrés, ce qui ne leur permet pas de trouver un soutien dans la<br />
société. L’exclusion et l’isolement social vont de pair avec une espérance<br />
de vie nettement inférieure. Des études en Allemagne et en<br />
France révèlent que les sans-abris ont, en moyenne, une espérance<br />
de vie de 49 ans, alors que la moyenne nationale est de 83 ans. En<br />
Suisse aussi, l’espérance de vie des SDF est bien inférieure à la<br />
moyenne nationale. Une étude de la chercheuse et psychologue<br />
américaine Susan Pinker démontre que le secret d’une longue vie<br />
réside dans l’intégration sociale. La santé mentale dépend non seulement<br />
de l’isolement social, mais aussi de la santé physique. Le<br />
système immunitaire est affaibli et les hormones du stress augmentent.<br />
Selon cette méta-étude, le deuxième besoin primaire est celui<br />
des relations étroites. Les contacts sociaux stimulent la production<br />
d’hormones du bonheur qui influent positivement sur la santé.<br />
L’intégration sociale est donc primordiale pour une longue vie<br />
saine. Le réseau social et les interactions sont essentiels pour l’humain<br />
en tant qu’être social. Ils renforcent notre sentiment d’appartenance<br />
et nous donnent l’impression de faire partie de la société.<br />
En d’autres termes, il ne suffit pas de donner un toit aux sans-abris.<br />
Il est tout aussi important de rétablir l’intégration sociale et le lien<br />
avec la société.<br />
Une tasse de café, la participation à la vie publique<br />
Sans aide, il est difficile d’échapper au sans-abrisme. Le manque<br />
de logements abordables en Suisse n’entraîne pas seulement des<br />
privations matérielles, mais limite aussi fortement la participation<br />
sociale, rapporte Caritas dans un rapport de position de <strong>20</strong>14. Les<br />
aides sont nombreuses, en Suisse : des soupes populaires aux hébergements<br />
d’urgence, en passant par le logement accompagné.<br />
Dans la plupart des cas, ce sont les formes d’aide primaire qui<br />
évitent que les personnes concernées ne restent dans la rue. Le projet<br />
« Housing First » a été introduit avec succès dans différents pays<br />
et est également testé en Suisse. Ce concept, qui consiste à fournir<br />
un logement aux sans-abris, a pour objectif de créer les conditions<br />
leur permettant de retrouver leur place dans la société. L’organisation<br />
française La Cloche poursuit une approche différente. Ses programmes<br />
se basent sur les conclusions de la psychologue Susan<br />
Pinker. Celles-ci ont montré que l’intégration et l’inclusion sociales<br />
constituent les conditions primordiales pour une vie saine. Même<br />
les petits gestes quotidiens améliorent la vie des SDF et contri-<br />
22 <strong>ZESO</strong> 4/<strong>20</strong> DOSSIER
INTÉGRATION SOCIALE<br />
Des participants de l’organisation La Cloche lors d’une balade urbaine dans la ville de Paris. Photo : Julie Bernet<br />
buent significativement à leur intégration sociale. Pour intégrer les<br />
sans-abris dans la société, La Cloche a donc lancé différents programmes<br />
qui favorisent le lien social entre les personnes avec et<br />
sans domicile. Il s’agit d’un effort commun pour lutter contre l’exclusion<br />
des sans-abris. Cette approche du « faire ensemble » a permis<br />
à Cédric de nouer des contacts avec le voisinage et de retrouver<br />
la dignité, l’estime de soi, la confiance en soi et la société. Une démarche<br />
qui lui a permis d’entamer une nouvelle vie.<br />
La réinsertion, un enrichissement mutuel<br />
Le premier projet de l’organisation fondée à Paris a été « Le Carillon<br />
», un réseau local de solidarité entre commerçants et résidents<br />
avec ou sans domicile, qui vise à améliorer la vie quotidienne des<br />
sans-abris et à lutter contre leur isolement. 1'0<strong>20</strong> commerçants<br />
solidaires proposent des services de base (utiliser les toilettes, recharger<br />
le téléphone, boire un verre d’eau, etc.), tandis que les habitants<br />
paient à l’avance des produits (café, pâtisseries, repas, etc.),<br />
remis aux sans-abris sous forme de bons, en échange de services à<br />
fournir dans leur quartier. La Cloche agit dans la conviction que les<br />
individus constituent une société. Toutes les personnes doivent<br />
être acceptées telles qu’elles sont : dans leur unicité, avec leurs<br />
idées et talents, mais aussi avec leur fragilité et leur parcours de vie.<br />
« Les Clochettes » est un programme d’initiatives urbaines visant<br />
à lutter contre l’isolement des sans-abris par la promotion du<br />
« faire ensemble ». Dans un réseau de jardins communautaires, les<br />
personnes du quartier, avec et sans domicile, se réunissent pour<br />
jardiner, faire du bricolage ou partager des repas. Cédric aime le<br />
jardinage, il se sent utile et rencontre de nouvelles personnes. La<br />
Cloche a permis à Cédric de reprendre pied dans la société. Il a pu<br />
nouer des contacts, s’est investi dans le bénévolat et ose entrer en<br />
contact avec d’autres personnes sans éprouver un sentiment d’infériorité.<br />
Il a retrouvé sa confiance en soi, sa joie de vivre et sa place<br />
dans la société et a appris à accepter l’aide proposée. Ce sont les<br />
premières étapes importantes pour échapper à la vie dans la rue.<br />
Entre-temps, Cédric a trouvé un emploi dans la construction et vit<br />
dans son propre appartement. « Aujourd’hui, La Cloche me permet<br />
de rendre ce que l’organisation m’a donné lorsque j’étais dans<br />
la rue. »<br />
•<br />
<br />
DOSSIER 4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
Julie Bernet<br />
26 <strong>ZESO</strong> 4/<strong>20</strong><br />
Photos : Palma Fiacco
Le développement personnel sous<br />
observation<br />
REPORTAGE À la station d'observation de FoyersBasel, des adolescentes en difficulté trouvent une<br />
oreille attentive pour se construire un nouvel avenir. Le chemin à parcourir est parsemé d'embûches.<br />
La masse orange s'écoule de la cuillère qui<br />
extrait consciencieusement les graines<br />
gluantes du cœur de la citrouille. Penchée<br />
en avant, les cheveux noués en chignon,<br />
Alva* s'écrie : « Oh, regardez ! ». Elle fait<br />
partie d'un groupe de six filles assises autour<br />
de la table de la cuisine, au rez-dechaussée<br />
de la station d'observation de FoyersBasel.<br />
C'est la période des vacances et la<br />
plupart des résidentes participent à<br />
l'activité. « Il est important d'offrir une<br />
structure, même lorsqu'il n'y a pas de<br />
cours », précise Karen Schröder,<br />
l'éducatrice sociale chargée du service du<br />
soir. Pour les adolescentes dont l'expérience<br />
est de passer à travers toutes les mailles du<br />
filet, les processus réglementés permettent<br />
de resserrer le cadre. Pour celles et ceux qui<br />
leur viennent en aide aussi. Ida* saisit une<br />
citrouille géante et s'attaque à la peau<br />
épaisse avec des gestes experts, taillant avec<br />
détermination dans la cucurbitacée. Comme<br />
pour les résidentes dont elle s'occupe, il<br />
faut de la patience pour atteindre le cœur<br />
tendre.<br />
« Aujourd'hui est une journée tranquille<br />
», déclare Barbara Jenny, directrice<br />
de l'institution, qui trouve l'ambiance plutôt<br />
détendue. Certains jours, il en va autrement.<br />
Lorsque la station d'observation est<br />
entièrement occupée – ce qui est généralement<br />
le cas – les filles et jeunes femmes<br />
se retrouvent ici avec leur lourd fardeau<br />
personnel. Alva ronchonne et lève les yeux,<br />
piquant les courges avec apathie pour en<br />
extraire péniblement le contenu. A côté<br />
d'elle se tient Christina Uecker, étudiante<br />
en travail social à la Haute école spécialisée.<br />
Aujourd'hui, elle est responsable<br />
du service de nuit qui recoupe pendant<br />
quelques heures, le service du soir. « J'ai<br />
l'impression de retourner en maternelle »,<br />
s'exclame la jeune fille de 17 ans, en lui<br />
jetant un regard de travers. Christina Uecker,<br />
capable de gérer la résistance, semble<br />
savoir gérer la résistance. Elle réagit objectivement<br />
aux provocations, mais répond<br />
Il est important de proposer des structures,<br />
déclare la pédagogue sociale Karen Schröder.<br />
STATION D'OBSERVATION DE<br />
FOYERSBASEL<br />
Avec la station de transit, le groupe résidentiel<br />
et le Foyer Interculturel Formation et Profession,<br />
la station d'observation est l'un des<br />
quatre secteurs de FoyersBasel. L'institution<br />
accueille des adolescentes âgées de 13 à 18<br />
ans, normalement douées, qui ont besoin de<br />
clarifier leur situation personnelle, familiale<br />
et scolaire. Elle comporte huit places de<br />
clarification et deux places de progression.<br />
Pendant le séjour, elle analyse la situation<br />
globale, la structure de la personnalité, ainsi<br />
que la structure du système de référence<br />
des différentes jeunes femmes. L'équipe<br />
interdisciplinaire est composée d'experts<br />
issus des domaines de la pédagogie, de la<br />
psychologie et de la psychiatrie. L'objectif<br />
est d’établir des rapports d'expertise<br />
complets et multidisciplinaires sur les<br />
résidentes et de développer des solutions<br />
pour leurs perspectives d'avenir.<br />
avec sérieux aux questions qui lui sont posées.<br />
« Nous connaissons les histoires des<br />
filles, cette compréhension aide à briser la<br />
glace » ajoute Karen Schröder.<br />
Reprendre sa vie en main<br />
Plus tard, Alva se retrouve dans sa chambre.<br />
Le long couloir blanc, avec sa lumière aveuglante<br />
au plafond, fait penser à une clinique.<br />
La pièce paraît austère, le blanc prédomine,<br />
les étagères abritent quelques<br />
rares objets. Il règne un ordre qui n’existait<br />
nullement dans la vie de la jeune résidente<br />
avant son arrivée à l’institution. « Au début,<br />
je trouvais les règles ici terribles », confie-telle,<br />
affichant une attitude nettement plus<br />
calme que dans l’après-midi. Aujourd’hui,<br />
elle n’a plus une vision de la vie aussi négative.<br />
« A la maison, je ne connaissais pas de<br />
limites, j’étais toujours dehors, je buvais<br />
beaucoup trop d’alcool », dit-elle. « Bien<br />
sûr, l’opposé existe aussi », précise Jenny, la<br />
directrice de l’institution. « D’autres filles<br />
étaient menées d’une main de fer et souffraient<br />
de la situation ». Les troubles psychiatriques,<br />
actes criminels ou difficultés à<br />
gérer sa propre sexualité figurent aussi<br />
parmi les raisons ayant justifié l’admission<br />
dans la station d’observation. Pour ce dernier<br />
point, la psychothérapeute Constanze<br />
Veigel-Maruschke voit un avantage dans le<br />
fait que les adolescentes sont ici entre elles.<br />
« Parfois, elles doivent être protégées<br />
d’elles-mêmes et des autres, surtout au niveau<br />
des actes sexuels. »<br />
Pendant leur séjour, Constanze Veigel-<br />
Maruschke accompagne les jeunes femmes<br />
dans les hauts, mais surtout dans les périodes<br />
de bas extrêmes. Alva occupe l’un<br />
des huit postes de clarification et peut enfin<br />
se projeter à nouveau dans l’avenir. Grâce à<br />
un accompagnement étroit, la reprise d’un<br />
apprentissage semble possible, ce qui n’a<br />
pas toujours été le cas. Le contact avec sa<br />
mère s’est également nettement amélioré :<br />
elle passe un week-end sur deux avec elle.<br />
« J’ai l’impression de reprendre le contrôle <br />
4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
27
de ma vie ». Elle oscille entre les hauts et les<br />
bas au point de revenir, récemment, à la «<br />
Phase Orange », qui correspond à moins de<br />
libertés. Il s’agit de l’avant-dernier niveau<br />
du modèle à six échelons utilisé par la station<br />
d’observation.<br />
Apprendre à accepter l'aide<br />
De retour au rez-de-chaussée, Ida se penche<br />
sur un chat noir, lui caresse la tête et pose<br />
devant lui un bol de nourriture. Après six<br />
mois de clarification et l’espace de quatre<br />
mois supplémentaires, elle s’est attaquée à<br />
ses propres problèmes dans l’une des deux<br />
places de progression. « Ces places ont<br />
pour objectif d’affermir la personnalité<br />
Les activités communes fournissent une<br />
structure de soutien.<br />
« Confrontation,<br />
provocation, autoréflexion,<br />
tout<br />
cela fait partie du<br />
travail. »<br />
afin de pouvoir mieux gérer le quotidien à<br />
l’extérieur de la structure », explique<br />
Constanze Veigel-Maruschke. Cela demande<br />
beaucoup de patience, surtout si les<br />
résidentes ont cumulé les échecs au cours<br />
de leur vie. En attendant, Ida arrive à mieux<br />
accepter l’aide qu’on lui propose. « Si j’explose<br />
à nouveau, je peux directement<br />
prendre rendez-vous », ajoute-t-elle. Une<br />
solution qu’elle a appris à apprécier.<br />
Lorsque le chat se frotte à ses jambes, Ida le<br />
laisse faire. « Même si elle ne le réalise pas<br />
toujours elle-même, Ida a fait de grands<br />
progrès, ici », souligne la directrice de l’institution.<br />
« Le simple fait qu’elle ait pris la<br />
responsabilité des chats de l’institution<br />
montre qu’elle possède des compétences<br />
sociales qu’elle peut développer. »<br />
La confrontation crée la proximité<br />
Mme Uecker, une autre collaboratrice, ne<br />
doute pas non plus des possibilités d'évolution<br />
des résidentes. Dans la cuisine, elle se<br />
retrouve face à des montagnes de chair de<br />
citrouille qu'elle aimerait utiliser plus tard.<br />
La fin de l'après-midi approche et elle aime<br />
quand la nuit tombe. « Le soir, l'ambiance<br />
est souvent très familiale. Il est possible<br />
d'avoir des discussions individuelles qui se<br />
déroulent très bien » dit-elle. Elle apprécie<br />
beaucoup le travail relationnel lié à l'accompagnement<br />
étroit. « Confrontation, provocation,<br />
autoréflexion, tout cela fait partie du<br />
travail », s’enthousiasme-t-elle. « Mais aussi<br />
les moments de proximité où l'on observe<br />
clairement les résultats de notre travail. »<br />
Le salon adjacent est calme. Alva est allongée<br />
parmi les autres résidentes sur l'un<br />
des trois énormes canapés en cuir brun<br />
rouille. Elle étend ses longues jambes, son<br />
téléphone portable à la main. Ida est assise<br />
sur le canapé voisin et tape frénétiquement<br />
des messages sur son mobile. Un peu de<br />
liberté et de temps libre, une pause bienvenue<br />
dans la routine. Le chemin à parcourir<br />
pour retrouver une vie quotidienne<br />
empreinte d'autodétermination est épuisant.<br />
Mais chaque moment passé ici lui<br />
permettra peut-être de s'en approcher un<br />
peu plus.<br />
•<br />
Susanna Valentin<br />
*Nom modifié<br />
28 <strong>ZESO</strong> 4/<strong>20</strong>
Nouveau rapport de recherche sur les<br />
passages de l’AI vers l’aide sociale<br />
ARTICLE SPECIALISE « La réadaptation prime la rente » et le remboursement des dettes de l’AI : ces deux<br />
objectifs ont été poursuivis par les trois dernières révisions de la Loi fédérale sur l’assurance invalidité<br />
(LAI). Entre-temps, diverses analyses ont été publiées sur l’atteinte de ces objectifs. La question de<br />
savoir dans quelle mesure la baisse des rentes de l’AI entraînera une hausse du nombre de cas dans<br />
l’aide sociale reste controversée. Une étude commandée par l’Office fédéral des assurances sociales<br />
(OFAS) apporte enfin un éclairage à ce sujet.<br />
En août <strong>20</strong>19, la conférence des offices AI<br />
a estimé les économies de l’AI de <strong>20</strong><strong>04</strong> à<br />
<strong>20</strong>16 à environ CHF 10 milliards. Elle a<br />
conclu que l’investissement dans l’intégration<br />
professionnelle est utile à tous les<br />
égards – social, sociopolitique et financier.<br />
Dans sa publication « AI : Faits et chiffres<br />
<strong>20</strong>14 », l’OFAS relevait que : « les analyses<br />
ne montrent pas de transfert important de<br />
l’AI vers l’aide sociale.<br />
Les organisations d’aide aux personnes<br />
handicapées, psychiatres et services sociaux<br />
se sont fermement opposés à cette conclusion,<br />
arguant que l’assainissement de l’AI<br />
se faisait aux dépens des assurés et qu’un<br />
transfert important vers l’aide sociale était<br />
observé. En <strong>20</strong>16, la psychiatre zurichoise<br />
Doris Brühlmeier-Rosenthal a analysé plus<br />
de 400 dossiers de confrères et consœurs.<br />
60% des patients auxquels la rente avait été<br />
refusée et 93% du groupe ayant fait l’objet<br />
d’une suppression de rente ont fini à l’aide<br />
sociale. En comparant les statistiques de<br />
l’AI et de l’aide sociale pour la période<br />
<strong>20</strong>05-<strong>20</strong>17, la CSIAS a démontré, dans<br />
la revue de l’aide sociale (<strong>ZESO</strong> 1/<strong>20</strong>19),<br />
que la hausse du nombre de dossiers dans<br />
l’aide sociale évoluait parallèlement à la diminution<br />
des rentes AI. Des représentants<br />
de l’AI et de l’aide sociale ont, chacun pour<br />
leur part, souligné les lacunes des études<br />
et analyses de l’autre partie. La question<br />
de savoir si et dans quelle mesure il y a<br />
un transfert de l’AI vers l’aide sociale reste<br />
controversée, tant sur le plan scientifique<br />
que politique. Le rapport de recherche n°<br />
8/<strong>20</strong> de l’OFAS, publié en novembre dernier<br />
et intitulé « Evolution des passages de<br />
l’assurance-invalidité vers l’aide sociale »,<br />
apporte désormais l’éclairage nécessaire.<br />
Sur le plan méthodologique, l’étude est<br />
très bien conçue et contribue ainsi fortement<br />
à rendre plus objective la discussion.<br />
L’emploi, un facteur de réussite décisif<br />
lors du dépôt d’une demande AI<br />
Depuis <strong>20</strong>05, le nombre annuel de nouvelles<br />
rentes AI a diminué de moitié, tandis<br />
que le nombre de nouvelles inscriptions a<br />
augmenté d’un tiers. Cette contradiction<br />
apparente s’explique par le triplement des<br />
mesures d’intégration. L’objectif des révisions<br />
de la LAI, à savoir intervenir le plus<br />
tôt possible lorsque des problèmes surviennent<br />
sur le lieu de travail, est ainsi atteint.<br />
L’étude confirme le succès de ces<br />
30 <strong>ZESO</strong> 4/<strong>20</strong>
mesures pour les personnes actives au moment<br />
de l’inscription : alors qu’en <strong>20</strong>05,<br />
près d’une personne sur quatre (23,6%)<br />
touchait encore une rente quatre ans après<br />
le dépôt de sa demande AI, cela ne s’appliquait<br />
plus qu’à une personne sur sept<br />
(14,4%) en <strong>20</strong>13. D’autre part, bien plus<br />
de personnes exerçaient une activité lucrative<br />
avec un salaire décent quatre ans après<br />
leur inscription à l’AI. Environ la moitié du<br />
groupe de <strong>20</strong>13 y est parvenue. Dans la<br />
cohorte de <strong>20</strong>05, ils n'étaient que 43%.<br />
Selon divers calculs, 70% de la baisse des<br />
rentes AI s’explique par une intégration<br />
durable sur le marché du travail.<br />
Il en va autrement pour les personnes<br />
qui n’étaient pas actives au moment de<br />
leur inscription à l’AI (fig. 37). Elles percevaient<br />
aussi nettement moins souvent une<br />
La génération actuelle<br />
de personnes en<br />
mauvaise santé doit<br />
payer la dette historique<br />
de l'AI dans 10<br />
ans.<br />
rente AI : en <strong>20</strong>05, 32,5% des personnes<br />
inscrites touchaient une rente ; en <strong>20</strong>13,<br />
elles n’étaient plus que <strong>20</strong>,5%. Toutefois,<br />
seule une très faible proportion (13,9%)<br />
parvenait à réintégrer le marché du travail<br />
après quatre ans. Nombreuses sont celles<br />
qui dépendent de l’aide sociale. Pour la cohorte<br />
de <strong>20</strong>05, elles étaient 13,4%, contre<br />
21,2% en <strong>20</strong>13. « La réadaptation prime<br />
la retraite » semble fonctionner surtout<br />
lorsque l’AI et les employeurs soutiennent,<br />
ensemble, les personnes concernées. Si le<br />
soutien des employeurs fait défaut, l’objectif<br />
d’intégration n’est très souvent pas<br />
atteint. La devise est alors : « En trop bonne<br />
santé pour l’AI, mais trop malade pour le<br />
marché du travail ».<br />
L’effet de transfert s’élève à 4,2%<br />
Selon le rapport de recherche, dans un ménage<br />
sur six bénéficiant de l’aide sociale, au<br />
moins une personne a déposé une demande<br />
AI. En comptant les membres de la<br />
famille, quelque 47'500 personnes sont<br />
concernées. Si les révisions de l’AI n’avaient<br />
pas eu lieu, 21% percevraient aujourd’hui<br />
une rente AI au lieu de l’aide sociale. L’effet<br />
de transfert est estimé à 4,2%. 3,1% dus<br />
aux rentes non octroyées, 1,1% aux rentes<br />
supprimées. Cela correspond à 11'700<br />
personnes (état <strong>20</strong>17). La part des coûts<br />
nets dans l’aide sociale s’élève à CHF 1<strong>20</strong><br />
millions.<br />
Nouveaux défis pour l’aide sociale<br />
Ces dernières années, le transfert cité se traduit<br />
par une hausse du nombre de bénéficiaires<br />
de l’aide sociale, qui souffrent aussi<br />
Résistance aux révisions AI, qui servent<br />
principalement à restructurer le fonds AI.<br />
Photo : Keystone/M.Flückiger<br />
davantage de problèmes de santé. Par<br />
conséquent, ils dépendent plus longtemps<br />
de l’aide sociale et ont moins de chances<br />
d’intégrer le marché du travail. Il s’agit souvent<br />
d’états de santé complexes et diffus<br />
pour lesquels l’AI n’octroie pas de rente et<br />
les mesures d’intégration ne fonctionnent<br />
pas. Les services sociaux de tout le pays sont<br />
en train de s’adapter aux nouveaux défis.<br />
En mai <strong>20</strong><strong>20</strong>, la ville de Berne a, par<br />
exemple, publié son document de base « La<br />
santé dans l’aide sociale » et présenté un<br />
catalogue de mesures. Elle prévoit notamment<br />
une coopération avec les services psychiatriques<br />
universitaires (UPD) et les ligues<br />
de santé.<br />
Un objectif d’intégration visionnaire<br />
pour l’AI<br />
Toutefois, l’aide sociale ne peut pas assumer<br />
seule les tâches résultant du transfert.<br />
L’AI doit prendre des mesures afin de pouvoir<br />
atteindre l’objectif d’intégration pour<br />
les personnes sans emploi au moment de<br />
leur inscription. Des mesures spécifiques<br />
et un objectif clair sont nécessaires pour ce<br />
groupe. Le but doit être d’atteindre un taux<br />
d’emploi qui, après quatre ans, est au<br />
moins la moitié de celui du groupe actif au<br />
moment du dépôt de la demande AI. Pour<br />
ce faire, il faut des mesures d’intégration<br />
spécifiques pour les chômeurs. Il convient<br />
aussi de reconsidérer la limite minimale de<br />
40% d’incapacité de travail pour pouvoir<br />
prétendre à une rente AI. Aujourd’hui, tous<br />
les chômeurs de longue durée ou les personnes<br />
ayant eu un faible taux d’occupation<br />
sont exclus du processus.<br />
L’AI va poursuivre son objectif de désendettement<br />
jusqu’en <strong>20</strong>30, ce qui signifie<br />
concrètement que la génération actuelle<br />
de personnes ayant des problèmes de santé<br />
devra payer la dette historique de l’AI en<br />
10 ans. Cela ne sera pas possible sans des<br />
programmes d’économies rigoureux et un<br />
transfert encore plus important vers l’aide<br />
sociale. Il est grand temps de penser à la<br />
réduction de la dette. <br />
•<br />
Markus Kaufmann<br />
secrétaire général CSIAS<br />
4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
31
Droit humains à l'égalité des droits<br />
sociaux<br />
ARTICLE SPECIALISE La Constitution fédérale laisse beaucoup de liberté aux cantons suisses pour réglementer<br />
leurs régimes d’aide sociale. De grandes différences cantonales subsistent aussi bien entre<br />
les lois cantonales d’aide sociale au sens strict que pour les autres prestations sous condition de ressources<br />
de droit cantonal. Les personnes vivant en Suisse n’ont pas toutes accès aux mêmes prestations<br />
selon leur lieu de domicile. Ces prestations jouent un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté<br />
dans le pays, qui touchait, en <strong>20</strong>18, 7,9 % de la population.<br />
Or, la pauvreté a un impact conséquent sur<br />
la jouissance des droits humains, qui font<br />
l’objet de conventions internationales ratifiées<br />
par la Suisse. Même si celle-ci n’a pas<br />
ratifié la Charte sociale européenne,<br />
d’autres instruments internationaux,<br />
comme la Convention relative aux droits de<br />
l’enfant, s’appliquent en Suisse et doivent<br />
être mis en œuvre sur l’ensemble du territoire.<br />
Les lois cantonales ne sont pas forcément<br />
conformes aux standards internationaux<br />
auxquels la Suisse a accepté d’être<br />
liée. Dans ce contexte, cette thèse s’intéresse<br />
ainsi à la question suivante : « Les garanties<br />
internationales des droits humains<br />
exigent-elles une harmonisation des droits<br />
de l’aide sociale des entités fédérées en<br />
Suisse ? ». Pour y répondre, nous avons<br />
émis l’hypothèse selon laquelle l’importance<br />
de l’aide sociale en Suisse pour la<br />
lutte contre la pauvreté et les garanties internationales<br />
des droits humains impliquait<br />
l’exigence d’une prise de mesures par<br />
la Confédération en vue d’une harmonisation<br />
des lois cantonales d’aide sociale.<br />
En prenant en compte l’autonomie des<br />
cantons, nous avons démontré l’obligation<br />
d’harmonisation de la Suisse selon trois critères.<br />
Premièrement, nous nous sommes<br />
focalisé sur les standards minimaux de différents<br />
droits humains pour tenir compte<br />
de l’autonomie cantonale en la matière.<br />
Nous avons prouvé que l’obligation de<br />
mise en œuvre du noyau dur des droits<br />
humains oblige la Confédération à s’assurer<br />
que les standards minimaux de chaque<br />
droit sont correctement mis en œuvre au<br />
sein des cantons. Si tel n’est pas le cas, la<br />
Confédération a l’obligation de prendre<br />
des mesures en vue d’une harmonisation<br />
des lois cantonales. Nous avons notamment<br />
étudié en détail la dignité humaine,<br />
le droit à l’alimentation et à l’eau, le droit<br />
au logement, le droit à la santé, le droit à<br />
la sécurité sociale, le droit à l’éducation et<br />
les garanties spécifiques qui concernent les<br />
femmes et les enfants.<br />
Les barrières de l'harmonisation<br />
En prenant en compte l’autonomie des<br />
cantons, nous avons démontré l’obligation<br />
d’harmonisation de la Suisse selon trois critères:<br />
• Premièrement, nous nous sommes<br />
focalisé sur les standards minimaux de<br />
différents droits humains pour tenir<br />
compte de l’autonomie cantonale en la<br />
matière. Nous avons prouvé que l’obligation<br />
de mise en œuvre du noyau dur<br />
des droits humains oblige la Confédération<br />
à s’assurer que les standards minimaux<br />
de chaque droit sont correcte-<br />
Cette étude cherche<br />
à démontrer par une<br />
analyse de la protection<br />
internationale<br />
des droits humains<br />
l'obligation de la<br />
Suisse d'harmonisation<br />
des lois cantonales<br />
d'aide sociale<br />
au sens large.<br />
ment mis en œuvre au sein des cantons.<br />
Si tel n’est pas le cas, la Confédération a<br />
l’obligation de prendre des mesures en<br />
vue d’une harmonisation des lois cantonales.<br />
Nous avons notamment étudié<br />
en détail la dignité humaine, le droit à<br />
l’alimentation et à l’eau, le droit au logement,<br />
le droit à la santé, le droit à la<br />
sécurité sociale, le droit à l’éducation et<br />
les garanties spécifiques qui concernent<br />
les femmes et les enfants.<br />
• Deuxièmement, l’interdiction de la discrimination<br />
entre individus de cantons<br />
différents, même si elle ne s’applique<br />
que de manière limitée dans un système<br />
fédéral, a permis d’appuyer l’obligation<br />
d’harmonisation dans certaines circonstances.<br />
Ce principe est considéré<br />
par la doctrine quasi unanime comme<br />
inapplicable dans un contexte fédéral<br />
pour des raisons en partie liées à la préservation<br />
de l’autonomie cantonale et à<br />
la structure fédérale suisse. Malgré cela,<br />
nous avons estimé qu’il était important<br />
de nuancer ce propos dans des situations<br />
très particulières, ce qui permet<br />
d’apporter une dimension de droit<br />
international au débat constitutionnel.<br />
Nous l’avons appliqué uniquement<br />
pour les personnes disposant d’une<br />
liberté de choix limitée de leur domicile<br />
que sont les enfants et les personnes en<br />
situation de pauvreté. Lorsqu’une personne<br />
n’a pas le choix de son domicile<br />
en raison de son âge ou de sa capacité<br />
économique, les standards minimaux<br />
des droits humains doivent être d’autant<br />
plus respectés à son égard, au risque de<br />
violer également l’interdiction de la discrimination.<br />
32 <strong>ZESO</strong> 4/<strong>20</strong>
Le Tribunal fédéral va-t-il faire appliquer l'harmonisation cantonale de certaines règles d'aide sociale ? <br />
Photo : màs<br />
• Troisièmement, nous avons analysé les<br />
régimes juridiques cantonaux par une<br />
étude empirique des lois cantonales.<br />
Nous avons déterminé la conformité de<br />
ces lois cantonales aux exigences internationales<br />
à l’aide de critères inspirés<br />
de la doctrine et de la jurisprudence<br />
internationales. Ces critères d’évaluation<br />
combinent le concept du noyau dur<br />
et celui du caractère raisonnable des<br />
mesures étatiques. Nous avons ainsi pu<br />
mettre en évidence les lacunes de mise<br />
en œuvre des droits humains, ce qui<br />
a permis, d’une part, d’appuyer l’exigence<br />
de l’harmonisation et, d’autre<br />
part, de définir sa portée.<br />
Nous avons conclu cette thèse en présentant<br />
les implications de notre argumentation<br />
en droit suisse. Lorsque la justiciabilité<br />
de droits internationaux est donnée,<br />
le contrôle judiciaire, principalement celui<br />
du Tribunal fédéral, permet de mettre en<br />
œuvre cette exigence d’harmonisation<br />
des lois cantonales de l’aide sociale. C’est<br />
ainsi un moyen prometteur de permettre<br />
à cette exigence d’avoir lieu concrètement.<br />
Lorsque cette exigence n’est pas directement<br />
justiciable, la Confédération dispose<br />
d’autres moyens de contrôle, comme la<br />
surveillance fédérale, pour la mettre en<br />
œuvre. Nous avons montré que le contrôle<br />
judiciaire est non seulement justifié en rapport<br />
avec la nécessité d’une justice constitutionnelle,<br />
la séparation des pouvoirs et<br />
l’autonomie cantonale, mais qu’il est également<br />
plus efficace que la surveillance<br />
fédérale pour obtenir un minimum harmonisé<br />
en matière de droits humains. Une<br />
harmonisation du minimum des droits<br />
humains est d’autant plus indispensable<br />
dans le contexte actuel de pandémie qui ne<br />
s’arrête pas aux frontières cantonales et qui<br />
touche durement les populations précaires<br />
de Suisse. Ainsi, une certaine harmonisation<br />
des lois cantonales d’aide sociale par<br />
une analyse des droits humains permettrait<br />
d’avancer vers une réponse globale à un<br />
problème qui touche et touchera à l’avenir<br />
de nombreux individus de la population<br />
suisse, quel que soit leur domicile : la pauvreté.<br />
•<br />
Raphaël Marlétaz<br />
Université de Lausanne<br />
4/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
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