P R I N T E M P S 2 0 2 1 | H O R S - S É R I E 4 | 4 , 9 9 €
LA MODE
NOUVELLE
S ' I N S P I R E R D U P A S S É
H A N G E R N O T R E F A Ç O N D E S ' H A B I L L E R
C
O U R U N E M O D E P L U S R E S P O N S A B L E
P
P U I S , U N E L E Ç O N D E C O U T U R E E T S O N P A T R O N P O U R D É B U T A N T
Melissa A. Toups, Andrew Kitchen, Jessica E. Light, David L. Reed, Origin of Clothing Lice Indicates Early Clothing Use
[1]
Anatomically Modern Humans in Africa, Molecular Biology and Evolution, Volume 28, Issue 1, January 2011, Pages 29–32,
by
E D I T O
Nous portons tous des vêtements et ce
depuis environ 170 000 ans estiment les
scientifiques[1]. Tout le monde porte des
habits, en achète, en consomme, en use, en
jette... Ce sont des objets de notre quotidien,
et pourtant, nous ne sommes pas forcément
conscients de ce que acheter ou porter un
vêtement implique. En étudiant l’histoire de
l’habillement, des textiles et de la mode, on
remarque que les usages des vêtements, leur
entretien, leur consommation ou encore leur
production ont beaucoup évolué à travers le
temps et sont parfois différents de nos
pratiques actuelles.
A la rédac’ nous sommes comme la plupart
d’entre vous. Nous achetons la majorité de
nos vêtements dans des grandes enseignes.
Nous ne nous renseignons pas
particulièrement sur leur composition et
encore moins sur la façon dont ils ont été
produits. Nous avons bien sûr déjà entendu
parler des conditions de travail
épouvantables dans les ateliers de
productions à l’autre bout du monde ou
encore de la quantité d’eau pharamineuse
nécessaire pour produire des textiles en
coton. Pourtant, dans notre quotidien rien
n’a changé. Que ce soit par manque
d’informations ou par facilité nous
choisissons souvent d’acheter nos vêtements
selon des critères esthétiques, économiques
ou pratiques. Mais rarement en prenant en
compte leur impact social ou écologique.
Ayant de plus en plus entendu parlé des
méfaits de l’industrie textile sans réellement
savoir de quoi il retournait, nous avons
commencé à nous questionner sur
NOUVEL ESCALIER DES MAGASINS DU BON MARCHÉ | ©BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
notre façon de consommer ces articles ainsi
que la façon dont ils étaient consommés
avant. Si aujourd’hui notre consommation
textile est si ravageuse, a-t-elle toujours été
ainsi par le passé ? Comment nos ancêtres
produisaient-ils et utilisaient-ils leur garderobe
? Puisque les vêtements nous
concernent tous, nous vous proposons de
mener ces recherches ensemble.
En débutant notre réflexion plusieurs
questions nous ont traversé l’esprit. En quoi
notre consommation actuelle engendre-t-elle
de la souffrance ou de la pollution ? Et si
c’est réellement le cas, comment pourrionsnous
la faire évoluer, en nous inspirant des
pratiques du passé, pour en limiter au
maximum les impacts négatifs ?
Lucie Molinié
Rédactrice en chef
3
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
https://doi.org/10.1093/molbev/msq234
COUTURIÈRE, GRAVÉE PAR THOMAS CHEESMAN (1760-C. 1834),
LA
PAR JOHN UND JOSIAH BOYDELL, 1787 (GRAVURE EN POINTILLÉ)
PUB.
COUVERTURE: 1900s VICTORIAN FASHION
EN
https://vintageladyofthelowlands.tumblr.com/post/184947235221
S O M M A I R E
7
POURQUOI CHANGER ?
Prendre conscience des enjeux
environnementaux et éthiques
12
QUELS CHANGEMENTS ?
Les usages vestimentaires du passé
pour s'inspirer
La matière première
13
Les teintures
18
Les textures
19
Se procurer ses vêtements
21
Entretenir ses vêtements
26
Reconsidérer le vêtement
29
30
PATRON POUR
DÉBUTANT
Coudre son pantalon droit
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
5
FICHE TERMINOLOGIQUE - mode éphémère. (2012). Office québécois de la langue française.
[2]
http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ErreurInterne.aspx?aspxerrorpath=/ficheOqlf.aspx4
L’impact de la mode : les conséquences de la fast-fashion. (2020, 25 septembre). Oxfam France.
[3]
https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/impact-de-la-mode-consequences-sociales-environnementales/
P o u r q u o i c h a n g e r ?
Prendre conscience des enjeux environnementaux et éthiques
Ecrit par Elżbieta Zielinska
Comme dit précédemment, la majorité des
consommateurs de vêtements achète dans des
grandes enseignes faisant partie du circuit de
distribution « classique » de l’industrie textile.
Lorsque l’on parle aujourd’hui de cette industrie, la
notion de mode éphémère, ou fast fashion, revient
souvent. Cette expression est utilisée pour désigner
l’industrie vestimentaire où la conception de
nouvelles collections, leur confection, leur
distribution et leur mise en vente est rapide,
fréquente et continuelle tout au long de l'année de
manière à fidéliser le consommateur avec des
vêtements à la dernière mode et à prix abordable.
La mode éphémère est principalement adoptée par
des marques reconnues ayant optimisé leur chaîne
logistique de manière à ce que de nouvelles
collections soient mises sur le marché tous les mois,
toutes les deux semaines ou toutes les semaines.
Pourtant, nous avons durant l’année au maximum
quatre saisons. D’un point de vue pragmatique, ce
sont elles qui devraient imposer les changements
de notre garde-robe, seulement quatre fois par an.
Le renouvellement des collections par les
marques tous les mois voire toutes les semaines
nous semble donc aberrant. Cette industrie
éphémère produit une quantité phénoménale de
vêtements. Le problème ne réside pas seulement
dans la quantité produite mais également dans la
façon dont ces vêtements sont confectionnés.
La production des matières premières est
souvent très polluante. Le rapport Oxfam[3] pointe
trois types de matières textiles polluantes. Le
polyester est la matière synthétique la plus
produite. Il est responsable de 31% de la pollution
plastique des océans. Le coton représente quant à
lui 25% de la production mondiale de matière
primaire issue de l’agriculture. L’impact
environnemental de la culture du coton
conventionnel est alarmant.
L’utilisation d’engrais et de pesticides est
abusive. De plus, le coton est une plante qui
nécessite une grande quantité d’eau pour être
cultivée. D’après le magazine GEO, un T-shirt en
coton représente près de 2 500 litres d'eau.
Enfin, les matières animales, telle que la laine, la
fourrure, le cuir et la soie sont fortement
utilisées dans l’industrie du textile. Durant le
processus de fabrication, l’utilisation de
substances chimiques est monnaie courante.
C’est l’une des causes principales de la pollution
des eaux par l’industrie textile. Les eaux usées et
non traitées sont souvent rejetées directement
dans les océans. Bien souvent ce business se
développe aux dépens du bien-être animal à
travers l’élevage intensif.
UNE RIVIÈRE POLLUÉE PAR DES TEINTURES | © RIVERBLUE
La pollution de l’industrie textile continue après
la vente des produits. D’après le même rapport
Oxfam, 12 % de la consommation d’eau d’un
vêtement est réalisé post-achat, lors de
l’entretien du vêtement. Au cours de son lavage
l’équivalent en microfibres (non biodégradables)
de 50 milliards de bouteilles en plastiques sont
7
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
Infographie - Les chiffres du gaspillage vestimentaire à avoir en tête avant de faire les soldes. (2019, 8 janvier). novethic.fr.
[4]
https://www.novethic.fr/actualite/social/consommation/isr-rse/infographie-les-10-chiffres-chocs-du-gaspillage-vestimentaire-a-avoir-en-tete-avant-de-faire-les-soldes-146769.html
Clarisse PEROTTI-REILLE. (2008). Habillement la volonté de remporter la nouvelle révolution industrielle.
[5]
https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/084000121.pdf
déversées dans l’océan chaque année. Ces effets
néfastes sont amplifiés par notre
surconsommation. En Europe, 4 milliards de
tonnes de déchets vestimentaires sont jetés par
an.
LES SOLDES ENCOURAGENT LA SURCONSOMMATION | © RIVERBLUE
Voici comment le site Novethic[4] résume
l'industrie de la mode en quelques chiffres...
114 euros d’habits jamais portés
dans chaque logement
·
Chaque année, un Français achète 9kg de
vêtements et en donne 3 kg
·
En moyenne, les vêtements sont portés
7 à 10 fois
·
L’équivalent d’une benne de vêtements
est jeté chaque seconde dans le monde
Le gaspillage vestimentaire concerne
également les marques. Pour que les prix restent
abordables, elles doivent produire en masse.
Ainsi, il est courant que les entreprises ellesmêmes
jettent leur production ou qu’elles
recourent à l’incinération pour se débarrasser
des invendus. Toujours par soucis de rentabilité,
les firmes multinationales externalisent leur
production. Le marché mondial du textile et de
l’habillement « est marqué par une hégémonie
quasitotale de l’Asie qui assure plus de 80% des
exportations mondiales » (Clarisse PEROTTI-
REILLE, 2008, p.5)[5]. Le rapport Oxfam explique
qu’un jean parcourt en moyenne 65 000 km du
champ de coton au magasin de vente, soit 1,5
fois le tour de la planète. Ainsi, en prenant en
compte les étapes de fabrication et du transport,
les émissions de gaz à effet de serre
générées par l’industrie textile sont égales à
celles des trafics aériens et maritimes
mondiaux réunis.
La pollution n’est pas le seul impact négatif de la
production de vêtement. Sa délocalisation
massive dans un nombre limité de pays, tel que
la Chine engendre également de la souffrance
humaine. Ces pays répondent à des critères
stratégiques : la main d’œuvre y est moins
onéreuse et la réglementation sur l’usage des
pesticides et des engrais n’est pas toujours mise
en place entraînant l’exploitation des enfants et
des femmes, des salaires précaires et des
conditions de travail indécentes. Le rapport
Oxfam cite l’Organisation Mondiale de la Santé
selon laquelle, au Bangladesh, 15% des enfants
issus des bidonvilles de la capitale de Dacca âgés
de 6 à 14 ans exercent un travail à temps plein.
Ils travaillent 64 heures par semaine pour 30
euros par mois dans des ateliers comparables
aux « sweatshops », ateliers du XIXe siècle en
Grande Bretagne et aux Etats-Unis dans lesquels
les employés étaient exploités. Les conditions de
travail y sont semblables : salaire en-dessous du
seuil de pauvreté, surexploitation liée au temps
de travail, précarité du travail (aucune protection
sociale, syndicale et sécuritaire de l’emploi). Les
risques d’intoxications et de maladies, liés à
la transformation des matières premières, sont
élevés.
8 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
WWF. (2017). Changer la mode : l’industrie de l’habillement et des textiles face
[6]
une transformation radicale.
à
https://www.wwf.ch/sites/default/files/doc-2017-10/2017_changer_la_mode_executive
_summary_f_1_1.pdf
Géraldine Dormoy. (2017, 20 avril). Quel est l’engagement éco-responsable d’H&M
[7]
Conscious Exclusive? lexpress.fr.
avec
https://www.lexpress.fr/styles/mode/h-m-conscious-exclusive-quel-engagement-ecoresponsable_1900257.html
Nous l’aurons compris, l’empreinte écologique et
sociale de l’industrie de l’habillement n’est pas
durable. Ce secteur contribue significativement
aux émissions mondiales de gaz à effet de serre,
à la consommation d’eau, à sa pollution et à la
production de grandes quantités de déchets
alors que la consommation mondiale de
vêtements ne cesse de croître.
« En 2017 le WWF prévoyait
une croissance de la demande
jusqu’à 102 millions de tonnes pour
» 2030.
2017, p.1)[6]
(WWF,
Cette hausse prévue de la demande mondiale de
vêtements occasionnera un impact et des
risques supplémentaires pour l’environnement
et les humains. En tant que consommateurs,
nous avons tout intérêt à nous tourner vers une
industrie plus durable.
La mode éthique, éco-responsable, ou slow
fashion, se développe suite à cette prise de
conscience croissante des consommateurs.
Certaines marques ont déjà fait un pas dans ce
sens, à l’instar de H&M et de sa Conscious
Collection lancée depuis 2011 qui propose des
collections de vêtements réalisées à partir de
matériaux durables[7].
Cependant, il nous semble difficile, en tant que
consommateur, de démêler les bonnes
intentions d’un discours marketing pour « surfer
sur une nouvelle tendance ».
A la rédac’ nous sommes convaincus que chacun
porte sa part de responsabilité pour les traces
que nous laisserons derrière nous. Évidemment
ce n’est pas seuls que nous changerons toute
l’industrie mais accepter de remettre en
question ses pratiques et les faire évoluer
individuellement nous semble un premier pas
judicieux pour diminuer notre impact négatif sur
la planète et les autres. Puisqu’il est difficile de
se fier aux discours des marques actuelles, nous
avons décidé de nous tourner vers notre
histoire. La pollution engendrée par l’industrie
du vêtement n’a pas toujours été aussi
désastreuse (évidemment nous étions aussi
moins nombreux). Nous pourrions donc nous
inspirer des pratiques du passé, les
comprendre et peut-être mêmes en adopter
certaines pour rendre notre consommation plus
responsable.
CONSCIOUS COLLECTION 2019 | © H&M
12 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
HAUT EN BAS, DE GAUCHE A DROITE : Costume hindous, Balthazar Solvyns,
DE
| Papou du Havre Dorey (Nouvelle-Guinée), Pannemaker, Adolphe François,
1796
| Majo de Jerez (Mexique), Pannemaker, Adolphe François, 1843-1844 |
1843-1844
Turque, Abraham De Bruyn, 1577
Impérateur
Q u e l s c h a n g e m e n t s ?
Les usages vestimentaires du passé pour s'inspirer
Ecrit par Nazmi Zubair Shadid et Michelle H. Paulsen
Quand nous avons commencé nos recherches
un premier doute est venu s’installer. Pourquoi
s’inspirer des usages du passé alors que ceux-ci
ont évolué vers ce que nous connaissons
aujourd’hui ? On pourrait penser qu’ils ont
disparus car dépassés, pas assez performants,
inutiles, voire même dangereux. Dans certains
cas c’est la réalité. Mais de la même façon que
l’on se tourne vers des remèdes de grandsmères
lorsque l’on a un petit rhume ou que les
médicaments conventionnels n’ont pas l’effet
escompté, on peut se tourner vers les pratiques
vestimentaires de nos anciens pour y
redécouvrir quelques bienfaits. Ces pratiques
ont fait leurs preuves puisque pour la plupart, au
contraire de la fast-fashion, elles ont été de mise
pendant de longues décennies. Il faut également
garder en tête que certains usages ont disparu
au profit de la nouveauté, des innovations
technologiques ou encore à cause de plans
économiques, éclipsant ainsi les avantages des
usages séculaires. Maintenant que nous avons
plus de recul sur ces innovations, nous pouvons
choisir ce que nous souhaitons conserver dans
notre quotidien. Notre objectif n’est pas de dire
que « c’était mieux avant » ou que nous devrions
adopter un mode de vie moyenâgeux. Nous
devrions seulement prendre ce qu’il y à
apprendre et le mixer avec les nouveautés et les
progrès de notre époque.
nous nous sommes restreints à la mode
européenne, et principalement française,
s’étendant du Moyen Âge à nos jours. Bien
évidemment, les hommes n’ont pas attendu le
XXe et la mondialisation pour communiquer,
voyager et échanger entre cultures. Au travers
de l’histoire du costume français, nous
aborderons donc certaines modes étrangères
qui l’ont inspiré et enrichi. Les horizons de la
mode ne se limitent pas au seul territoire
français. Ainsi, nos prochains hors-séries seront
dédiés aux modes vestimentaires d’autres
régions du monde. Pour la suite de cet article
nous nous sommes essentiellement basés sur
l’ouvrage Histoire des modes et du vêtement sous
la direction de Denis Bruna et Chloé Demey[8].
Quand nous en citerons un extrait nous nous
contenterons de donner le numéro de page
accompagné de l’acronyme HDMDV.
Une fois ce point éclairci, nous pouvons
commencer. Mais par où ? L’histoire de la mode
est aussi vaste que le monde et s’étend sur des
millénaires. Trouver des informations
antérieures au Moyen Âge est un véritable défi.
Les sources primaires (manuscrits, gravures,
tableaux… de l’époque concernée) sont rares car
disparues ou trop abîmées voire inexistantes
plus on remonte dans le temps. Pour que cet
article soit concis et percutant pour notre public
francophone
[8] Sous la direction de Denis BRUNA et Chloé DEMEY. (2018). Histoire des modes et du vêtement. Les Editions Textuel.
»
employés.
p.31-34, citation 19)
(HDMDV,
D'HARCOURT PORTANT UNE HOUPPELANDE,
MARIE
19 DE SON LIVRE D'HEURES, 1415
FOLIO
EN LIN VENANT D'ITALIE, XVIE SIÈCLE,
CHEMISE
METROPOLITAN MUSEUM OF ART, NEW YORK
THE
L a m a t i è r e p r e m i è r e …
… dont est constituée le vêtement est un premier
point de départ pour mieux consommer.
Certains matériaux sont davantage polluants que
d’autres de par leur fabrication. Les fibres
artificielles, qui résultent de la transformation
de matières d’origine naturelle comme la
cellulose, ne voient le jour qu’à la fin du XIXe
siècle. Et c’est au cours du XXe siècle que les
fibres synthétiques, produits dérivés du
pétrole (HDMDV, p.452), inondent peu à peu le
marché. Auparavant, les matières auxquelles les
hommes avaient accès étaient purement
naturelles.
Au Moyen Âge tardif, et plus particulièrement
entre 1330 et 1480, la laine était très largement
utilisée, autant pour les hommes que pour les
femmes, afin de confectionner robes, chausses,
houppelandes, chaperons… Le lin, fabriqué
localement, sert pour le linge de maison, les
vêtements de dessous ou encore les voiles pour
les coiffes féminines. Pour les vêtements de
travail les toiles de lin, plus épaisses, sont
privilégiées. Les étoffes sont différentes selon la
classe sociale. Pour les plus pauvres le chanvre
remplace le lin alors que chez les puissants, les
coffres sont garnis de soies, satins, taffetas,
velours. L’usage de peaux et de fourrures est
également très répandu d’une part pour
fabriquer des chaussures et d’autre part pour
border les cols, les ourlets, les revers de
manches ou encore les doublures. Mais déjà à
cette époque les hommes font preuve d’excès et
surconsomment les fourrures. Les comptabilités
princières en révèlent une consommation
vertigineuse. « Ainsi, à l’occasion de Pâques, en
1387, ...
Au cours du XVIe siècle la laine est
progressivement délaissée et la soie se
démocratise. Pour les chemises des toiles fines
de Hollande, du lin, de la batiste ou du
chanvre sont utilisées.
pour fourrer
un mantel,une chape,
deux surcots, et des manches
pour Isabeau de Bavière,
1 872 ventres de vair sont
13
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
À LA FRANÇAISE, SOIE PEINTE À LA MAIN, VERS 1740
ROBE
METROPOLITAN MUSEUM OF ART, NEW YORK
THE
14 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
DE FEMME, COTON PEINT, INDE, DECCAN - VERS 1800 | © Y. BOËLLE / G.
MANTEAU
MUSÉE DE LA COMPAGNIE DES INDES, VILLE DE LORIENT / R. LE GALL - SERVICE
BROUDIC,
de repassages"
pas
15);
(citation
sous-vêtements. »
de
p.374).
(HDMDV,
DU SOIR, EUROPE - VERS 1860
CAPE
METROPOLITAN MUSEUM OF ART,
THE
Gilles Henry. (2010). Petit dictionnaire des mots qui ont une histoire. Editions Tallandier.
[9]
https://books.google.fr/books?id=JOw_DwAAQBAJ&pg=PT169&dq=tissu+jersey+histoire#v=onepage&q=tissu%20jersey%20histoire&f=false
HISTORIQUE DE LA DÉFENSE, LORIENT - MCI
NEW YORK
Au XVIIe siècle, le coton commence à se
répandre en Europe. L’exotisme plaît, les
cotonnades d’Indes et les soieries de Chine
font leur entrée dans les garde-robes à partir
des années 1660 (HDMDV, p.139). Auparavant,
« le coton – produit d’Egypte ou du Moyen-
Orient – est […] peu répandu et surtout très cher
» (HDMDV, p. 30).
Le coton se diversifie et prend de nombreuses
formes. À la fin des années 1790, des robes
inspirées de la mode grecque et taillées dans de
la mousseline de coton (HDMDV, p.200) font
sensation. Fin XVIIIe siècle, « l’usage du jersey,
armure appréciée pour sa souplesse » reflète
une envie « de simplicité et de décontraction
dans les costumes vestimentaires des élites »
(HDMDV, p.188). Le jersey est une maille
aujourd’hui très prisée pour la confection des T-
shirts. Originellement en laine, elle tire son nom
des productions de l’île de Jersey dès la fin du
XVIe siècle[9]. C’est également depuis la fin du
XVIIIe siècle et jusqu’au cours des années 1870
que le cachemire, souvent sous forme de châle
tissé avec le duvet de chèvres sauvages d’Asie
centrale et importé des Indes, devient un
indispensable dans la garde-robe des élégantes
dames pour se protéger du froid (HDMDV, p.294,
citation 1).
Au cours du XIXe siècle, les fibres utilisées sont
encore majoritairement d’origine naturelle et la
manière de les assembler se diversifie,
permettant la création « de toutes sortes de
tissus (taffetas, crêpe, calicot…) qui ont
chacun leurs propriétés et que l’on choisit selon
la circonstance » (HDMDV, p.264).
Néanmoins, les technologies évoluent et
touchent le monde de la mode. « En 1884 le
comte Hilaire de Chardonnet invente la première
soie artificielle » (HDMDV, p.264). Mais
l’avènement des textiles artificiels et de synthèse
prend réellement place au XXe siècle. « D’autres
matières voient le jour et sont de plus en plus
utilisées...
... dans les années 1930:
le Cellophane, fibre artificielle
elle aussi à base de cellulose;
le nylon, qui facilite le travail
de la ménagère
car il est perçu comme
un "textile synthétique
aux propriétés bien connues:
finesse, légèreté, facilité de lavage,
ou encore le latex, apprécié
notamment pour la fabrication
Que ce soit pour des raisons économiques,
pratiques ou liées aux deux Guerres Mondiales,
les silhouettes évoluent. Les métrages de
tissus utilisés pour une tenue diminuent
progressivement. Les matières premières
changent également avec le poids des
restrictions. IMAGE ENSEMBLE 1930 ►
[Citation 15] Paris, archives du Bon Marché, boîte " Argumentation de vente ", " Argumentaire de vente - rayon RO.41 ", années 1930
MÈTRES DE TISSUS ET LES GRANDES ROBES À CRINOLINES NE SONT PLUS À LA MODE...
LES
BUSTIER ET PANTALON, SOIE SAUVAGE IMPRIMÉE, FRANCE, VERS 1930
ENSEMBLE
l’environnement. »
de
p.447).
(HDMDV,
Dans les années 1940, le bois, le liège et la
corde sont utilisés pour les chaussures. Certains
créateurs tentent quelques expérimentations
avec des fanes de haricots, des aiguilles de pins,
des cheveux, des estomacs de bœufs ou des
peaux de poissons. (HDMDV, p.367).
À partir des années 1960, les fibres synthétiques
comme le nylon, le tergal, le polyester,
l’acrylique inondent le marché et participent à
l’essor du prêt-à-porter (HDMDV, p.452-453). Les
industries mettent en avant leur solidité, leur
faible coût ou encore d’autres aspects pratiques
comme leur infroissabilité. Ce sont les débuts de
la consommation de masse : les vêtements
acquis à moindre coût sont jetés et remplacés.
Ces changements sont accompagnés par la
disparition de certains métiers comme celui de
remmailleuse de bas (spécifique aux bas de
soie).
LA MODE DU JOUR, N°1029, 7 AOÛT 1941, P.3 | © BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
Aujourd’hui, les textiles continuent d’évoluer. Les
nouvelles technologies s’intègrent peu à peu
sur les podiums, que ce soit dans les créations
elles-mêmes comme le montre Hussein
Chalayan, ou au cours de la fabrication comme
l’expérimente Iris Van Herpen. D’un autre côté
les esprits s’éveillent à propos de la sauvegarde
de l’environnement et de l’éthique de leurs
achats.
Les chercheurs se demandent
«
sera la fibre de demain
quelle
la fois naturelle,
à
aux besoins
répondant
de la consommation
à grande échelle
et respectueuse
Puisque nous n’allons pas attendre que les
chercheurs trouvent cette fibre miracle nous
nous sommes demandés, quels textiles faut-il
privilégier aujourd’hui ?
MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS, PARIS | © JEAN THOLANCE
15
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
IRIS VAN HERPEN, PRINTEMPS-ÉTÉ 2019 - DR | © 2021 FASHIONNETWORK.COM
Les matières textiles éco-responsables. (2020, 27 juillet). WeDressFair.
[10]
https://www.wedressfair.fr/pages/les-matieres-textiles-eco-responsables
Les matières naturelles ont de nombreux
avantages. Voici quelques textiles utilisés par le
passé et qui mériteraient de revenir dans nos
dressings[10] :
Le lin : léger, résistant,
se déforme peu, absorbant
il peut absorber jusqu’à 20% d’humidité).
Sa capacité absorbante est plus
importante que celle du coton – cela en
fait
une matière de choix pendant l’été.
•
Le chanvre : résistant,
pas de déformation au lavage,
biodégradable, hypoallergénique,
non-allergisant, non-irritant.
La matière naturelle la plus écologique
sur le marché du textile, car elle ne pollue
pas lors de sa culture ni lors
de sa transformation en tissu.
Seul bémol, cette matière peut s’avérer
coûteuse à l’achat.
Plusieurs techniques ont été développées
afin de rendre les fibres de chanvre
souples et douces.
Nous sommes donc bien loin
des tissus rugueux que portent Guethenoc
dans Kaamelott.
•
La laine : thermo-régulatrice
et anti-odorante, facile à nettoyer,
anti-bactérienne, biodégradable.
Les vêtements conçus à partir de
laine ont une durée de vie très longue.
C’est une matière éco-responsable
et éthique si elle provient d’élevages
respectueux des animaux et conscient
de l’impact environnemental des
émissions de CO2 produites.
Il est ainsi conseillé
de choisir de la laine biologique.
Le coton : dans une moindre mesure
et s’il est biologique
car les méthodes qui entourent
la culture biologique du
coton permettent d'économiser de l'eau.
C’est aujourd’hui la matière naturelle
végétale la plus produite et utilisée
dans le monde.
C’est pourtant l’une
des plus consommatrices d’eau,
c’est pourquoi il est nécessaire
d’en réduire son usage.
•
La jute : une plante consommatrice
d’eau mais moins que le coton
et cultivée dans des régions pluvieuses.
Elle a l’avantage d’être solide,
polyvalente, biodégradable, recyclable.
Si vous achetez des matériaux à fort impact
environnemental comme le coton, l’essentiel est
de faire durer votre achat pour ne pas avoir à
en racheter régulièrement et ainsi limiter votre
impact ! De même, si votre article écoresponsable
vous semble plus coûteux que ce
que vous trouvez habituellement dans les
magasins conventionnels, gardez en tête qu’il
sera sûrement plus durable et solide dans le
temps. Là encore, l’objectif est de le faire durer
dans le temps. ► SECTION " ENTRETENIR SES
VÊTEMENTS "
Les textiles cités ci-dessus sont qualifiés de
« textiles éco-responsables ». La majorité de ces
textiles nécessitent peu d’eau pour pousser et
un nombre limité d’étapes de transformations,
réduisant par la même occasion l’usage de
produits de synthèse. On peut également faire le
choix de privilégier des matériaux d’origines
biologiques si l’on souhaite aller plus loin ...
17
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
18 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
VALSE DE L’ARSENIC” OU LA NOUVELLE DANSE DE LA MORT (DÉDIÉE AUX MARCHANDS
“LA
COURONNES ET DE ROBES VERTES)], PUNCH (8 FÉVRIER 1862). WELLCOME LIBRARY, LONDRES.
DE
Les bienfaits de la chromothérapie. (2014, 9 mai). francetvinfo.fr.
[11]
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/modes-de-vie/les-bienfaits-de-la-chromotherapie_1751145.html
...et limiter l’utilisation d’intrants chimiques et
d’OGM. Pour consommer éthique il est
également bon de favoriser les textiles en
provenance d’entreprises respectant leurs
salariés. Vous pouvez les repérer à l’aide de
différents labels tels que Fair Trade ou B-Corp.
Pour mieux contrôler la provenance de vos
achats c’est encore mieux si vous pouvez
privilégier des textiles produits localement, en
France ou au moins en Europe !
De même pour vos accessoires, privilégiez des
matériaux éco-responsables et des produits de
qualités qui dureront dans le temps. Les
accessoires s’usent encore moins vite que les
vêtements. Vous pouvez donc envisager
d’acheter un produit une seule fois et espérer le
garder pour le reste de votre vie.
Découvrir d'autres
matières
éco-responsables :
https://www.wedressfair.fr/matieres
Les labels de la mode
éco-responsable :
https://www.wedressfair.fr/labels
Au Moyen Âge, les couleurs, de plus ou moins
bonnes qualités, sont portées par toutes les
classes sociales. Le noir est vu comme la couleur
des puissants. Le blanc quant à lui a été associé,
à travers les différentes époques, à la propreté, à
l’éducation, à l’hygiène, à la distinction sociale et
comme gage de netteté. On est considéré propre
non pas car on a pris un bain mais parce que
notre linge est propre. Vouloir porter des
vêtements colorés est tout naturel chez
l’homme. Comme le montre la chromothérapie,
« la symbolique des couleurs renseigne sur cet
état [l’état psycho émotionnel des personnes] »[11].
Vous avez déjà dû vous-même expérimenter le
pouvoir des couleurs en enfilant un habit dont la
couleur et le coupe vous ont subitement fait
sentir mieux.
L e s t e i n t u r e s . . .
…sont également très polluantes et dangereuses
pour les ouvriers qui fabriquent nos vêtements.
Avant l’avènement des teintures synthétiques, les
vêtements étaient néanmoins très colorés. Les
couleurs étaient obtenues à l’aide de pigments
naturels, d’insectes comme le kermès (HDMDV,
p.65) ou d’autres substances plus dangereuses
comme les teintures au vert d’arsenic du XIXe
siècle (HDMDV, p.298).
EXEMPLES D'INGRÉDIENTS POUR TEINTER NATURELLEMENT SES TEXTILES | © ROSA TAPIOCA
D'HOMME, SATIN DE SOIE ET DOUBLURE EN LIN, PAYS-BAS BOURGUIGNONS, TROISIÈME
TUNIQUE
DU XVE SIÈCLE | © BERNISCHES HISTORISCHES MUSEUM, BERNE, PHOTO: STEFAN REBSAMEN
QUART
(DOS), SATIN DE SOIE, TAFFETAS DE SOIE, TOILE, BOUGRAN ET FANONS DE BALEINE,
HONGRELINE
DE VAGUELETTE RÉGULIÈREMENT DÉCOUPÉ DANS LA SOIE
MOTIF
Afin de pouvoir porter des couleurs vibrantes
fièrement, sans craindre la souffrance qui a pu
être engendré, nous vous proposons un tutoriel
(testé et approuvé par la rédac' bien
évidemment) pour vous essayer à la teinture de
vos vêtements en toute éthique.
Faire sa teinture
végétale :
Malgré cela, si les teintures et les différents types
de tissus cités dans la section "La matière
première" ne vous suffisent pas vous pouvez
tenter d’expérimenter sur les textures. Dans les
années 1630 – 1640, les étoffes sont unies mais
aux nuances raffinées. Les tissus sont travaillés
en surface, égratignés, découpés, tailladés,
gaufrés ou mouchetés pour créer des nuances
tout en respectant l’interdiction en vigueur
d’arborer broderies ou éléments rapportés
(HDMDV, p.139-140).
Le très connu
tie-and-dye et
le séduisant shibori :
https://www.marieclaire.fr/idees/teint
ure-naturelle-comment-fabriquer-sateinture-vegetale,1188301.asp
https://www.18h39.fr/articles/shiboriou-tie-and-dye-2-methodes-pourteindre-votre-vieux-linge.html
Nous remercions nos confrères et consœurs de Marie Claire et 18h39 pour leur
aimable participation.
L e s t e x t u r e s . . .
Quand on pense aux tissus éco-responsables on
peut avoir l’a priori de tissus rêches, ternes et
peu séduisants. C’était également le cas de
certains à la rédac’. Pourtant, les tissus proposés
aujourd’hui sont loin des étoffes moyenâgeuses
que l’on s’imagine. Et encore, il suffit de jeter un
coup d’œil aux quelques costumes de cette
époque qui nous sont parvenus pour se rendre
compte qu’ils n’étaient pas si terribles.
© VICTORIA AND ALBERT MUSEUM, LONDON
Ce sont en quelques sortes les précurseurs des
jeans troués ! Jouer sur les textures, les jours
ou les superpositions des différentes pièces de
votre dressing vous permettra de ne pas vous
lasser de vos habits, même s’ils vous durent
longtemps. Nous vous conseillons néanmoins, si
vous souhaitez tenter l’expérience de trouer vos
habits, de commencer par des vêtements
auxquels vous ne tenez pas trop.
19
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
TAILLEUR = DER SCHNEIDER, JEAN FRÉDÉRIC WENTZEL, 1847 | SOURCE GALLICA.BNF.FR
LE
NATIONALE ET UNIVERSITAIRE DE STRASBOURG
BIBLIOTHÈQUE
MACHINE À COUDRE DE BARTHÉLEMY THIMONNIER, 1830
PREMIÈRE
MUSÉE DES ARTS ET MÉTIERS, CNAM / PHOTO PASCAL FALIGOT
©
S e p r o c u r e r s e s
v ê t e m e n t s
Pour s’habiller plus responsable plusieurs
options s’offrent à vous. Elles ont toutes été
observées au cours de l’histoire.
Acheter à un artisan (couturier, tailleur…
en circuit-court)
ou faire réparer chez un artisan :
vous aurez la garantie d’avoir un habit
adapté à vos besoins, sur-mesure.
Vous pourrez échanger directement
avec le créateur de vos vêtement
pour vous assurer que votre vêtement
est bien conçu selon vos principes
et envies. Cette option est probablement
la plus coûteuse donc à privilégier pour
les occasions spécifiques.
Faire soi-même :
que ce soit pour de simple ajustements,
quelques raccommodages
ou pour votre garde-robe complète,
on n’est parfois jamais mieux servi
que par soi-même. Le seul coût de
vos vêtements sera les matières
premières achetées et le temps passé
sur vos ouvrages. Attention néanmoins
pour les débutants, cette option
séduisante peut parfois se révéler ardue.
Rien d’impossible néanmoins,
il faudra seulement vous armer de
persévérance. De nombreux tutoriels
sont maintenant disponibles sur le web.
Rendez-vous en fin de numéro
où nous vous proposerons un patron
débutant pour vous lancer dans
vos premières créations. Savoir coudre
peut aussi vous permettre de remettre
à votre goût de vieux vêtements plutôt
que de vous en séparer.
Pour les classes aisées, c’est la méthode la plus
commune de se procurer des vêtements à
travers l’histoire. Au Moyen Âge les différents
corps de métiers sont répartis en corporation
et leur rôle est très segmenté : drapiers,
cordonniers, couturiers, tailleurs… (HDMDV, p.35-
37). AU XVIIIe siècle ces corporations
disparaissent aux profits de métiers, leurs
contraintes liées à chaque rôle sont moins
fortes. (HDMDV, p.226).
À travers chaque époque les classes populaires
se débrouillaient avec ce qu’elles avaient et
faisaient leurs propres vêtements. Mais à partir
des années 1830 et l’invention de la machine à
coudre par Barthélémy Thimonnier la
production domestique de vêtements devient de
plus en plus aisée. Au cours du XIXe siècle la
machine à coudre se développe et conquiert une
grande partie des foyers grâce à des marques
comme Singer. (HDMDV, p.269)
21
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
CRIS DE PARIS : "SOULIERS VIEULX !" (FRIPIER SPÉCIALISÉ DANS LA RÉCUPÉRATION DES CHAUSSURES
LES
GRAVURE SUR BOIS COLORIÉE, FRANCE, DÉBUT XVIE SIÈCLE | © BIBLIOTHÈQUE NATIONALE FRANCE
USÉES),
22 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
CHIFFONNIERS D'EMMAÜS,UN LONG-MÉTRAGE DE ROBERT DARÈNE, PRODUIT PAR COCINOR, LES FILMS DE
LES
NORDIA FILMS, SORTIE EN FRANCE : 23/02/1955 | SOURCE : UNIFRANCE.ORG
L'ABEILLE,
Acheter en fripe :
pour ceux qui n’ont pas envie
de dépenser des fortunes
ou de passer des heures à faire
leurs habits, vous pouvez vous rendre
en fripe ou en boutique
de seconde-main, en ligne
ou près de chez vous.
En plus d’être économiques et éthiques,
les fripes sont depuis quelques années
tendances car elles permettent
de dénicher des pépites « vintage ».
Ce genre de pratique permettent de diffuser les
modes à travers les classes sociales, avec un
certain décalage temporel malgré tout.
Échanger ou donner :
si vous vous trouvez en possession
de vêtements que vous n’utilisez pas,
n’hésitez pas à les donner
ou à procéder à des échanges avec votre
entourage. Vous pouvez donner
vos vêtements à des organismes
comme Emmaüs ce qui profitera
aux plus démunis. Vous pouvez
également choisir de les revendre
comme par exemple sur des plateformes
en lignes ou lors de brocantes.
L’objectif n’est pas de revendre
pour racheter plus mais bien de revendre
ce dont on n’a pas l’utilité et qui pourrait
être utile à d’autres.
Inutile de racheter si nous ne portions
pas déjà les vêtements enfouis dans nos
armoires. Cela permet de participer
à la chaîne du vêtement, à redistribuer
les ressources encore utilisables,
sans gaspillage vestimentaire.
Dès le Moyen Âge, les plus démunis s’habillent
grâce aux dons de vêtements déjà portés ou
en se procurant des habits de seconde-main
chez les fripiers et marchands ambulants. De
plus, à travers les époques on remarque qu’il
n’est pas rare que des personnes aisées lèguent
à leurs domestiques une part de leurs
vêtements.
À TRANSFORMATION, LA FEMME DE FRANCE N°620, ARTICLE "MÉTAMORPHOSES", P.11, 27 MARS 1927
ROBES
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE FRANCE
©
24 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
Et peut-être l’option la plus récente et novatrice…
Louer des vêtements :
pour éviter d’acheter ce qui ne nous sera
utile qu’un temps. Si vous êtes un grand
consommateur de mode cela peut
également être une bonne option pour
continuer d’être à la pointe sans remplir
vos placards de pièces que vous ne
porterez qu’une fois.
Plusieurs entreprises proposent ce genre de
services. Si vous voulez aller encore plus loin
vous pouvez vous adresser à des marques
comme Les Apprêtés qui proposent une box de
location de vêtements masculins et féminins au
mois, exclusivement issus de marques
engagées[12].
Si ces options ne vous convainquent pas... Vous
pouvez alors vous tourner vers les alternatives
aux grands distributeurs conventionnels.
Acheter des marques spécialisées
dans la mode éco-responsable,
éthique ou slow-fashion.
Ce sont souvent des petites marques,
avec peu de visibilité, qui favorisent
les circuits-courts et les matières
premières de qualité.
Il vous faudra être prêt à mettre le prix.
Mais n’ayez crainte, ces habits
vous dureront toute une vie.
Pour vous guider
dans votre quête voici...
Une première
sélection de marques
éco-responsables :
https://www.wedressfair.fr/blog/17-
marques-de-vetements-made-infrance-et-eco-responsables
Les magasins de prêt-à-porter sont bien plus
vieux que l’on ne pense. Dès le Moyen Âge les
merciers proposent des vêtements achevés, bon
marché. La standardisation des tailles n’existe
pas encore mais des accessoires sont proposés
pour ajuster le vêtement (ceintures, lacets,
aiguillettes…) (HDMDV, p.37). Au XVIIIe siècle, la
mode est un pôle économique majeur. Des
vêtements masculins « en kits » sont proposés
par les merciers. Le client achète un vêtement en
pièces à son goût, approximativement à ses
dimensions. Le client les confie ensuite au
tailleur qui les découpe et les assemble à ses
mesures. (HDMDV, p.239). Le prêt-à-porter
émerge réellement au XIXe siècle avec
l’ouverture des grands magasins dans Paris tels
que Le Bon Marché, Printemps ou Les Grands
Magasins du Louvre (HDMDV, p.271).
SAC ALLY MIDI, EXEMPLE DE TENUE PROPOSÉE PAS "LES APPRÊTÉS"(FÉVRIER 2021) | © 2021, LES APPRÊTÉS
[12] Victoire Satto. (2020, 16 décembre). Les apprêtés louent des vêtements de marques éco-responsables. thegoodgoods.fr.
https://www.thegoodgoods.fr/mode/location-vetements-ecoresponsables-les-appretes/
BLANCHISSEUSE - JEAN SIMÉON CHARDIN, ANNÉES 1730, HUILE SUR TOILE, 38 × 48 CM
LA
MUSÉE DE L'ERMITAGE.
©
26 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
NETTOYANT SA ROBE À L'AIDE D'UNE BROSSE (DÉTAIL)
FEMME
SECRET DES SECRETS : BRÉVIAIRE DES NOBLES, TOURS, VERS 1490
LE
E n t r e t e n i r s e s
v ê t e m e n t s
Afin de faire durer au mieux dans le temps ses
vêtements il est nécessaire d’en prendre soin. De
plus, nous savons maintenant que la pollution de
l’industrie textile réside également dans la
pollution des eaux à cause du lavage. En
choisissant des matières premières
biodégradables, qui ne contiennent pas de
microfibres plastiques susceptibles de se
retrouver dans nos océans nous participons déjà
à la réduction de la pollution au cours du cycle
de vie d’un vêtement.
Néanmoins nous pouvons encore nous inspirer
du passé. Les premières machines à laver
mécaniques ont vu le jour qu’après 1850
(L’histoire du lavage, p.5)[13]. Et la première
machine à laver électrique n’a été fabriquée
qu’en 1908 et s’est démocratisée durant le XXe
siècle (L’histoire du lavage, p.6). Auparavant le
gros linge était lavé à la main par les
blanchisseuses et le menu linge par les
empeseuses. Les étoffes délicates n’étaient pas
lavées mais nettoyées par le dégraisseur qui se
contentait d’enlever les tâches en utilisant
différents remèdes (huiles, poudres, potions…).
Pendant longtemps les lessives se sont faites
avec du savon comme du savon de Marseille
puisque les lessives concentrées et les
détergents que nous connaissons aujourd’hui ne
datent que du XXe siècle.
De plus, il n’était pas rare qu’un vêtement (autres
que ceux près du corps comme les chemises) ne
soit jamais lavé. Il était alors entretenu à l’aide de
brosses, des vergettes et des époussettes, pour
dépoussiérer les tissus (HDMDV, p.240).
© BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
Une fois lavé, le linge était étendu sur l’herbe, au
soleil, afin de le blanchir. On sait à présent que
le soleil a également des propriétés
antibactériennes (HDMDV, p.66). Une fois propre
le linge était rangé dans des coffres, du Moyen
Âge jusqu’en 1630 où les armoires se
généralisent (HDMDV, p.158). Les commodes puis
les dressings voient ensuite le jour. L’important
est que le ligne soit maintenu à l’abri de la
lumière et de la poussière pour éviter qu’il ne
s’abîme. Enfin, le linge était repassé à l’aide de
fers chauds, des plaques sans vapeur.
[13] L’HISTOIRE DU LAVAGE. (date inconnue).
http://www.clg-pagnol-pertuis.ac-aix-marseille.fr/spip/sites/www.clg-pagnol-pertuis/spip/IMG/pdf/4EOT_histoire_lavage_linge.pdf
À REPASSER | ©MUSÉE DU LAVAGE
FER
DU REPASSAGE JACQUES LEBRUN
ET
Ce qu’il faut en retenir, si vous ne le faites pas
déjà…
Il est possible de laver son linge
avec des produits moins détergents
et donc moins agressifs pour nos textiles
(et notre peau) que nos lessives actuelles.
Un exemple de lessive
maison à faire
soi-même :
https://www.mieux-vivreautrement.com/preparez-votrelessive-maison-ecologique-eteconomique-en-quelques-minutes.html
•
Si un vêtement n’est pas porté prêt
du corps et ne se salit pas trop vite
on peut l’entretenir et espacer les lavages
en le brossant régulièrement.
•
Si possible, plutôt que d’utiliser
du blanchissant,
étendez votre linge dehors, au soleil.
•
Éviter les étagères ouvertes,
ranger votre linge à l’abri
de la lumière et de la poussière
pour conserver votre linge
plus longtemps.
•
Si vous êtes vraiment motivés vous
pouvez choisir de réutiliser les anciens
fers à repasser qui eux ne consomment
pas d’eaux puisqu’ils ne font pas de
vapeur (bon d’accord, on est bien
conscient que ce n’est pas la principale
source de gâchis de l’eau).
POUR L'ANNÉE M.DCCXXXVI : L'EMPIRE DE LA MODE : [ESTAMPE], FRANÇOIS DESBRULINS, 1736
ALMANACH
NATIONALE DE FRANCE
©BIBLIOTHÈQUE
© The Metropolitan Museum of Art, New York | Tournure queue d'écrevisse, vers 1885 © Ph. Joffre
Unis
Cl. Pignol / Paris Musées, Palais Galliera | Corset Maison Léoty, 1891, France © The Metropolitan
et
of Art, New York | Robe sans corset (robe Sylphide portée avec une brassière et une gaine ou
Museum
un fourreau) par Margaine-Lacroix, vers 1899, SOURCE :
un
| Corps piqué (ou corps à
http://lecostume.canalblog.com/archives/2012/02/05/23356416.html
1780-1789, Angleterre ©Victoria and Albert Museum, London | Crinoline, vers 1860, Etats-
baleines),
https://rbkclibraries.wordpress.com/2013/07/12/margaine-lacroix-and-the-dresses-that-shockedparis/
| Gaine, vers 1924, Royal Worcester Corset Company (Etats-Unis)
R e c o n s i d é r e r l e
v ê t e m e n t
Les usages du passé nous ont amené où nous en
sommes aujourd’hui. En prenant du recul sur ces
pratiques nous sommes maintenant capables de
faire des choix éclairés quant à notre
consommation. Mais changer notre façon de
consommer ne réside pas que dans nos choix à
l’achat. Ce n’est un secret pour personne que la
mode influence notre société et inversement,
que la société influence nos codes
vestimentaires. Apprendre à consommer
différemment revient donc aussi à remettre en
question ces schémas de pensées inculqués par
la société.
Dans l’histoire, l’évolution des silhouettes,
notamment féminines, peuvent nous éclairer sur
l’impact de la société sur nos garde-robes. Selon
les modes, les femmes changent de formes
grâce à leurs dessous structurants. Au XVIe
siècle, les corps piqués et les vertugadins sont
de mises. Quelques décennies plus tard, la mode
évolue et les femmes adoptent des corsages
baleinés accompagnés de crinolines puis de
tournures. Tout au long du XIXe siècle la forme
du corset varie, suivant les modes lancées par
les classes sociales supérieures puis par les
premiers grands couturiers tels que Worth,
Margaine-Lacroix ou Poiret. Ainsi, on voit
apparaître le corset silhouette en « S » puis le
corset empire « pour les tenues sans corset »
(HDMDV, p.314), ensuite remplacé par les gaines
et les guêpières. Dans les années 1920, la
femme doit maintenant avoir l’allure la plus
androgyne que possible. Alors qu’auparavant
les dessous servaient à créer des formes, ils sont
à présent utilisés pour les contraindre et les
aplatir.
GAUCHE A DROITE, DE HAUT EN BAS ►
DE
en tambour (ou en plateau), vers 1610, SOURCE :
Vertugadin
© Brooklyn Museum Costume Collection at The Metropolitan Museum of Art
29
LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
MODES ET LES STYLES VESTIMENTAIRES PERMETTENT DE S’INTÉGRER DANS DES GROUPES SOCIAUX
LES
GAUCHE : Look Bohème, SOURCE : https://miss-boheme.com/products/jupe-longue-style-boheme
A
30 LA MODE NOUVELLE/ PRINTEMPS
Le vêtement n’est pas seulement un outil pour
se couvrir le corps. C’est également un moyen
d’expression, un marqueur social, une façon de
se démarquer ou au contraire de se fondre dans
la masse (comme avec les uniformes) … et bien
plus encore. Chez La Mode Nouvelle nous
n’avons pas la prétention de connaître tous les
tenants et les aboutissants de cette liaison entre
la mode et la société. Ce sujet passionnant
mériterait un numéro à lui tout seul pour
explorer quelles en sont les causes et les ...
conséquences, et comment mieux appréhender
le monde de la mode en ayant répondu à ses
questions. Pour autant, être conscient que la
société nous pousse à consommer certains
produits davantage que d’autres, notamment via
les pubs, doit nous permettre d’esquisser une
réflexion pour faire nos choix en se détachant de
ce poids. C’est bien sûr un chemin à prendre,
long et sinueux, ainsi que lié à notre propre
sensibilité. Tout ne changera pas du jour au
lendemain. Mais amorcer ce discernement et...
« ...remettre en question ses choix
de consommation est un point de
départ nécessaire pour une
mutation du secteur de
l’habillement et plus généralement
de notre société. »
A DROITE : Des Punks à Londres en 1970 | © Erica Echenberg - Getty
P A T R O N P O U R
D É B U T A N T
Coudre son pantalon droit (femme)
Proposé par marieclaire.fr
Le modèle de pantalon sélectionné est
susceptible de convenir également à notre
lectorat masculin, sous réserves de quelques
retouches.
DÉCOLLER LE PATRON►
Pour découvrir le lien du tutoriel pas à pas
ainsi que d'autres ressources pour aller
plus loin.
Suivre le tuto
pas à pas :
https://www.marieclaire.fr/idees/coudr
e-un-pantalon-dans-du-tissu-dameublement,1131507.asp?
fbclid=IwAR1AlrPFAVGcDh8Q2SXkAdq
U4xandqqcTRe_GY9-
vjJJaRJpL6hqsCbQFJQ
Retrouver le patron :
https://www.marieclaire.fr/data/fichie
rs/mci/4s/patron-du-pantalonameublement.pdf
D’autres patrons de
pantalons :
http://bettinaelcreation.com/2019/02/1
5-superbes-patrons-gratuits-pourcoudre-pantalon.html
Coudre ses tops, c’est
top !
http://bettinaelcreation.com/2018/05/
patron-gratuit-top-tee-shirt-tuniqueblouse.html