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AM 416 extrait

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CÔTE D’IVOIRE<br />

LA RÉFORME<br />

PERMANENTE<br />

Un dossier spécial<br />

de 20 pages<br />

COVID-19<br />

La révolution<br />

des vaccins<br />

ARN messager<br />

RENCONTRE<br />

AXELLE FANYO<br />

Tout feu tout flamme<br />

ENTRETIEN<br />

TOUMANI DIABATÉ<br />

« Seule la culture<br />

peut faire bouger<br />

le monde »<br />

DOCUMENT<br />

Barack Obama<br />

par lui-même<br />

C’était BBY<br />

(1928-2021 1928-2021)<br />

Il a marqué l’histoire moderne du continent.<br />

Béchir Ben Yahmed, fondateur de Jeune Afrique,<br />

a vécu des vies multiples. Éditeur, entrepreneur, militant aussi.<br />

Portrait d’un homme qui se voulait libre avant tout.<br />

N°<strong>416</strong> - MAI 2021<br />

L 13888 - <strong>416</strong> - F: 4,90 € - RD<br />

France 4,90 e – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 e – Autriche 6,90 e – Belgique 6,90 e – Canada 9,99 $C<br />

DOM 6,90 e – Espagne 6,90 e – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 e – Italie 6,90 e – Luxembourg 6,90 e – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 e – Portugal cont. 6,90 e<br />

Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 000 FCFA ISSN 0998-9307X0


édito<br />

PAR ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

DEMAIN, APRÈS LE COVID<br />

Les épidémies, les virus, les bactéries font<br />

partie de notre humanité. La lutte est incessante<br />

depuis la nuit des temps. Les civilisations ont dû faire<br />

face à des vagues meurtrières parfois endémiques et<br />

durables. On pense aux grands épisodes de peste du<br />

Moyen Âge européen, venue d’Asie sur les bateaux<br />

de la première mondialisation, et qui décimèrent une<br />

population sans repères scientifiques et qui s’en remettait<br />

à Dieu (ou au diable). On pense aussi au typhus,<br />

aux maladies dites infantiles, comme la rougeole, la<br />

rubéole, aux grippes… Certains de ces vecteurs ont<br />

été éradiqués. D’autres résistent (paludisme/malaria).<br />

De nouveaux agresseurs apparaissent. On pense au<br />

sida, et à la succession d’épidémies à coronavirus<br />

qui nous touchent depuis le début des années 2000 :<br />

SRAS, MERS, et le tout nouveau SARS-CoV-2 – provoquant<br />

le Covid-19 –, qui a mis notre monde à l’arrêt.<br />

Ces pandémies auront souvent induit de<br />

véritables bonds scientifiques, comme la vaccination<br />

(la toute première en 1796, contre la variole),<br />

arme majeure de l’immunité collective et de l’éradication<br />

des agresseurs. C’est le cas avec celle du<br />

Covid-19 et l’apparition de vaccins ARN de première<br />

génération, révolutionnaires dans leur approche.<br />

Toutes les épidémies ne changent pas le<br />

monde de la même manière. La peste noire (1347-<br />

1352) tua entre un tiers et la moitié des Européens. En<br />

moins de cinq ans… Pour de nombreux chercheurs,<br />

le bacille provoqua in fine la chute de l’ordre moyenâgeux.<br />

Et de nouvelles recherches assez stupéfiantes<br />

estiment que ces épisodes de peste dévastateurs<br />

auraient pu atteindre l’Afrique subsaharienne (via<br />

l’Afrique du Nord), provoquant de graves ruptures<br />

démographiques et structurelles tout au long du<br />

XIV e siècle. Les civilisations incas et mayas ont été<br />

détruites aussi par l’arrivée des germes portés par des<br />

conquistadors avides. Le paludisme aura, lui, décimé<br />

les troupes coloniales aux quatre coins du monde,<br />

ralentissant souvent leurs avancées vers l’intérieur des<br />

terres. Les vagues de choléra du XIX e siècle provoqueront<br />

une véritable prise de conscience sanitaire. Et la<br />

grippe dite espagnole (mars 1918-juillet 1921) ravagera<br />

l’humanité (de 20 à 100 millions de décès selon<br />

les études) au lendemain d’une Première Guerre mondiale<br />

déjà particulièrement cruelle. Provoquant dans<br />

la foulée une éphémère valse des « années folles ».<br />

La pandémie de Covid-19 laissera des<br />

marques profondes. Elle a touché au cœur le<br />

modèle de globalisation, d’urbanisation, de densification<br />

des échanges, des mouvements de populations,<br />

du tourisme, qui enrichit l’humanité depuis<br />

des décennies. Elle a percuté le mythe de sociétés<br />

occidentales invulnérables. La Chine, barricadée, en<br />

sort (provisoirement) grandie, mais c’est également<br />

le pays des origines de l’épidémie et des secrets qui<br />

l’entourent. Le Covid a stoppé net l’évolution positive<br />

d’un certain nombre de zones émergentes, l’Afrique<br />

en particulier. Le modèle global a déraillé, entraînant<br />

chômage, dette et désordres multiples. Enfin, surtout,<br />

les vaccins posent une question presque ontologique,<br />

celle d’un partage globale, à l’échelle de la planète,<br />

au-delà des frontières, des règles dictées par la puissance<br />

et la richesse. On ne pourra pas sauver les uns<br />

sans sauver les autres.<br />

L’intensité et la fréquence de ces pandémies<br />

augmentent. Une situation liée aussi à la destruction<br />

des équilibres naturels. Comme jamais dans<br />

l’histoire, nous perturbons l’ordre de la nature, par la<br />

déforestation, l’urbanisation, l’impact de nos modèles<br />

de croissance. En ce mois de mai 2021, personne ne<br />

sait vraiment où va la pandémie (variants, résistance<br />

et adaptabilité des vaccins, nouveaux foyers, comme<br />

en Inde…). Il va falloir que l’on change, que l’on sorte<br />

des carcans conceptuels d’hier. Que l’on pense et<br />

agisse autrement. Que l’on génère du progrès pour<br />

tous avec d’autres méthodes. Les virus, le Covid, la<br />

protection de notre écosystème, le changement climatique,<br />

le mode de vie, le partage, tout est corrélé. ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 3


Un dossier spécial<br />

de 20 pages<br />

France 4,90 e – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 e – Autriche 6,90 e – Belgique 6,90 e – Canada 9,99 $C<br />

DOM 6,90 e – Espagne 6,90 e – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 e – Italie 6,90 e – Luxembourg 6,90 e – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 e – Portugal cont. 6,90 e<br />

Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 000 FCFA ISSN 0998-9307X0<br />

N°<strong>416</strong> MAI 2021<br />

3 ÉDITO<br />

Demain, après le Covid<br />

par Zyad Limam<br />

6 ON EN PARLE<br />

C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE,<br />

DE LA MODE ET DU DESIGN<br />

Mad in Bled, l’ethno-chic<br />

à la marocaine<br />

26 PARCOURS<br />

Jhonel<br />

par Astrid Krivian<br />

29 C’EST COMMENT ?<br />

Terres brûlées<br />

par Emmanuelle Pontié<br />

80 CE QUE J’AI APPRIS<br />

Omar Sosa<br />

par Astrid Krivian<br />

88 LE DOCUMENT<br />

Barack Obama<br />

par lui-même<br />

par Cédric Gouverneur<br />

106 VINGT QUESTIONS À…<br />

Nesrine<br />

par Astrid Krivian<br />

TEMPS FORTS<br />

30 C’était BBY<br />

par Zyad Limam<br />

38 La révolution<br />

ARN messager<br />

par Cédric Gouverneur<br />

DOSSIER<br />

CÔTE D’IVOIRE<br />

48 La réforme permanente<br />

par Zyad Limam<br />

54 Portfolio : Construire<br />

le futur !<br />

par Jihane Zorkot<br />

60 Kherann Yao :<br />

« Il faut sensibiliser<br />

les opinions<br />

aux défis écologiques »<br />

par Alexandra Fisch<br />

62 L’urgence du<br />

développement durable<br />

par Élodie Vermeil<br />

P.06<br />

68 Axelle Fanyo, tout feu tout flamme<br />

par Catherine Faye<br />

74 Toumani Diabaté : « Seule la culture<br />

peut faire bouger le monde »<br />

par Astrid Krivian<br />

82 Gaëlle Prudencio : « J’ai décidé<br />

de vivre ma meilleure vie »<br />

par Astrid Krivian<br />

P.38<br />

CÔTE D’IVOIRE<br />

LA RÉFORME<br />

PERMANENTE<br />

COVID-19<br />

La révolution<br />

des vaccins<br />

ARN messager<br />

RENCONTRE<br />

AXELLE FANYO<br />

Tout feu tout flamme<br />

ENTRETIEN<br />

TOUMANI DIABATÉ<br />

« Seule la culture<br />

peut faire bouger<br />

le monde »<br />

DOCUMENT<br />

Barack Obama<br />

par lui-même<br />

C’était BBY<br />

(1928-2021 1928-2021)<br />

Il a marqué l’histoire moderne du continent.<br />

Béchir Ben Yahmed, fondateur de Jeune Afrique,<br />

a vécu des vies multiples. Éditeur, entrepreneur, militant aussi.<br />

Portrait d’un homme qui se voulait libre avant tout.<br />

PHOTO DE COUVERTURE :<br />

BRUNO LÉVY POUR JA<br />

N°<strong>416</strong> - MAI 2021<br />

L 13888 - <strong>416</strong> - F: 4,90 € - RD<br />

Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande<br />

nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps.<br />

Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement<br />

de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com<br />

DR - DPA/PICTURE ALLIANCE VIA GETTY IMAGES<br />

4 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


FONDÉ EN 1983 (37 e ANNÉE)<br />

31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE<br />

Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93<br />

redaction@afriquemagazine.com<br />

Zyad Limam<br />

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION<br />

DIRECTEUR DE LA RÉDACTION<br />

zlimam@afriquemagazine.com<br />

Assisté de Laurence Limousin<br />

llimousin@afriquemagazine.com<br />

RÉDACTION<br />

Emmanuelle Pontié<br />

DIRECTRICE ADJOINTE<br />

DE LA RÉDACTION<br />

epontie@afriquemagazine.com<br />

Isabella Meomartini<br />

DIRECTRICE ARTISTIQUE<br />

imeomartini@afriquemagazine.com<br />

Jessica Binois<br />

PREMIÈRE SECRÉTAIRE<br />

DE RÉDACTION<br />

sr@afriquemagazine.com<br />

Amanda Rougier PHOTO<br />

arougier@afriquemagazine.com<br />

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO<br />

Jean-Marie Chazeau, Catherine Faye,<br />

Alexandra Fisch, Virginie Gazon, Glez,<br />

Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne,<br />

Astrid Krivian, Jean-Michel Meyer,<br />

Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont,<br />

Élodie Vermeil, Jihane Zorkot.<br />

VIVRE MIEUX<br />

Danielle Ben Yahmed<br />

RÉDACTRICE EN CHEF<br />

avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.<br />

VENTES<br />

EXPORT Laurent Boin<br />

TÉL. : (33) 6 87 31 88 65<br />

FRANCE Destination Media<br />

66, rue des Cévennes - 75015 Paris<br />

TÉL. : (33) 1 56 82 12 00<br />

ABONNEMENTS<br />

Com&Com/Afrique Magazine<br />

18-20, av. Édouard-Herriot<br />

92350 Le Plessis-Robinson<br />

Tél. : (33) 1 40 94 22 22<br />

Fax : (33) 1 40 94 22 32<br />

afriquemagazine@cometcom.fr<br />

P.68<br />

P.48<br />

NABIL ZORKOT - <strong>AM</strong>ANDA ROUGIER - NICOLAS REMENE/REA - DEMARTIN<br />

BUSINESS<br />

92 Le rêve africain<br />

d’Erdogan<br />

96 Le Covid-19 dope<br />

les start-up<br />

dans la santé<br />

97 Vers un rebond<br />

des banques en 2022 ?<br />

98 Le Sénégal face<br />

à ses défis<br />

100 La RDC se rêve en géant<br />

mondial du cobalt<br />

101 L’illusion de la<br />

souveraineté monétaire<br />

par Jean-Michel Meyer<br />

VIVRE MIEUX<br />

102 Arthrose : les solutions<br />

pour moins souffrir<br />

103 Trois plantes qui<br />

améliorent le sommeil<br />

104 Le vrai et le faux<br />

sur le gras<br />

105 Rhinite allergique :<br />

Comment soulager<br />

les troubles<br />

par Annick Beaucousin<br />

et Julie Gilles<br />

P.82<br />

P.74<br />

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ<br />

regie@afriquemagazine.com<br />

<strong>AM</strong> International<br />

31, rue Poussin - 75016 Paris<br />

Tél. : (33) 1 53 84 41 81<br />

Fax : (33) 1 53 84 41 93<br />

AFRIQUE MAGAZINE<br />

EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR<br />

31, rue Poussin - 75016 Paris.<br />

SAS au capital de 768 200 euros.<br />

PRÉSIDENT : Zyad Limam.<br />

Compogravure : Open Graphic<br />

Média, Bagnolet.<br />

Imprimeur : Léonce Deprez, ZI,<br />

Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.<br />

Commission paritaire : 0224 D 85602.<br />

Dépôt légal : mai 2021.<br />

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos<br />

reçus. Les indications de marque et les adresses figurant<br />

dans les pages rédactionnelles sont données à titre<br />

d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction,<br />

même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique<br />

Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction.<br />

© Afrique Magazine 2021.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 5


ON EN PARLE<br />

C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage<br />

DESIGN<br />

Mad in Bled,<br />

l’ethno-chic<br />

à la marocaine<br />

Le volcanique créateur HICH<strong>AM</strong> EL MADI continue<br />

de pousser sa créativité et de se fixer de nouveaux défis.<br />

DR<br />

6 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


Ses créations<br />

sont la plupart<br />

du temps des<br />

pièces uniques,<br />

puisque<br />

fabriquées<br />

à partir<br />

de matières<br />

de récupération<br />

et de tissus tissés<br />

à la main.<br />

En ces moments<br />

si durs d’épidémie<br />

et de distanciation<br />

sociale, une belle<br />

sélection quand même,<br />

pour penser à autre<br />

chose, lire, écouter,<br />

regarder, s’évader.<br />

LE MAROCAIN HICH<strong>AM</strong> EL MADI s’est fait connaître pour sa<br />

façon innovante de réutiliser déchets et résidus de production<br />

dans ses créations contemporaines et uniques. Aujourd’hui, il<br />

gère une belle équipe de production artisanale, performante et<br />

polyvalente, qui lui garantit une liberté créative qu’il n’aurait<br />

nulle part ailleurs : « C’est l’un des points forts du Maroc.<br />

En Europe, il faut des mois pour voir l’aboutissement d’un<br />

projet. Ici, on va à toute vitesse. Au point qu’en ce moment,<br />

on essaye plutôt de brider notre inventivité », explique celui<br />

qui est à la tête de Mad in Bled. Le designer veut se lancer<br />

un nouveau défi : offrir aux clients la possibilité de composer<br />

leur article, en choisissant la taille, la texture et le modèle<br />

de pieds du meuble. Le résultat sera quand même une pièce<br />

unique, puisque le procès de production (à partir de bois,<br />

verre, céramiques et tissus artisanaux de récup ou tissés<br />

à la main) ne peut qu’amener à des créations originales.<br />

Le fil rouge derrière ses collections est toujours là : créer<br />

un modèle pour se faire plaisir, puis le décliner, le faire<br />

évoluer en travaillant les couleurs et la matière pour obtenir<br />

des objets de déco ethno-chic qui donnent de l’énergie à<br />

n’importe quelle pièce. madinbled.com ■ Luisa Nannipieri<br />

DR<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 7


ON EN PARLE<br />

THE UNDERGROUND<br />

RAILROAD<br />

(États-Unis), de Barry Jenkins.<br />

Avec Thuso Mbedu, Joel Edgerton,<br />

Chase W. Dillon. Disponible<br />

sur Amazon Prime Video.<br />

ÉPOPÉE<br />

HISTORIQUE<br />

UN TRAIN D’ENFER<br />

Une femme tente de fuir l’horreur<br />

de L’ESCLAVAGE aux États-Unis<br />

grâce à un réseau ferré sous-terrain.<br />

Une série puissante et douloureuse.<br />

LA SCÈNE EST SAISISSANTE : une famille déjeune dans le<br />

jardin d’une belle propriété de Géorgie, au milieu du XIX e siècle,<br />

et des musiciens jouent pour eux, tandis qu’un homme noir,<br />

suspendu par les bras à un immense gibet, hurle sous les coups<br />

de fouets stridents qui lui lacèrent la chair : son torse est en<br />

lambeaux. Le maître des lieux va ensuite allumer un feu sous<br />

ce corps supplicié, en faisant la leçon à tous les esclaves de la<br />

plantation, obligés d’assister à cet insoutenable châtiment. On<br />

comprend que la production ait fait appel à un psychologue sur<br />

le tournage… Cette épopée en 10 épisodes, inspirée du roman<br />

éponyme de Colson Whitehead (prix Pulitzer 2017 et coup<br />

de cœur de Barack Obama), montre comment Noirs affranchis<br />

et Blancs abolitionnistes ont aidé des milliers d’Afro-Américains<br />

à s’échapper grâce à un réseau clandestin baptisé « chemin<br />

de fer souterrain », car il reprenait un vocabulaire ferroviaire<br />

(passagers, stations, agents…). Les trains à vapeur ne circulent<br />

pas sous terre, mais Barry Jenkins utilise cette métaphore<br />

en montrant des tunnels secrets empruntés par de vraies<br />

locomotives, ajoutant au spectaculaire d’une mise en scène<br />

aussi soignée qu’anxiogène. Après avoir remporté un Oscar<br />

(Moonlight, 2016) puis adapté l’écrivain James Baldwin (If Beale<br />

Street pouvait parler, 2018), le cinéaste lui-même afro-américain<br />

signe une ambitieuse fresque qui suit la traque de Cora (la Sud-<br />

Africaine Thuso Mbedu, magnifique), échappée de la plantation<br />

évoquée au début, mais poursuivie par un redoutable chasseur<br />

d’esclaves. D’État en État, la jeune femme va croiser l’horreur,<br />

l’amour aussi, parfois des Blancs qui veulent trop bien faire,<br />

des Noirs complices des maîtres, sans parler d’une religiosité<br />

étouffante. Et partout, cette cruauté qui est au fondement des<br />

États-Unis, comme le dit un leader noir : « La race blanche croit,<br />

avec tout son cœur, que c’est son droit de prendre leur terre<br />

aux Indiens et de les tuer, et de réduire leurs frères en esclavage<br />

[…]. Cette nation est fondée sur le meurtre. » Plus de cent<br />

ans après Naissance d’une nation de D. W. Griffith, classique<br />

muet et novateur mais qui faisait l’apologie du Ku Klux Klan,<br />

Barry Jenkins répond implacablement. ■ Jean-Marie Chazeau<br />

❶<br />

❷<br />

❸<br />

SOUNDS<br />

À écouter maintenant !<br />

Thaïs Lona<br />

Dancing Again, Mister Ibé<br />

Signée par le label Mister<br />

Ibé, Thaïs Lona est une<br />

chanteuse – également<br />

capable de rapper avec<br />

brio – qui revendique ses origines<br />

plurielles et ses premières amours soul,<br />

lesquelles déteignent sur ce premier EP<br />

de cinq morceaux ensoleillés. Si l’on ne<br />

peut hélas pas encore la voir le défendre<br />

sur scène, on devine le potentiel live<br />

de cette musique anglophone, dans<br />

l’air du temps sans en faire trop.<br />

Samba Touré<br />

Binga, Glitterbeat/Modulor<br />

Située sous le désert<br />

saharien du Mali, la région<br />

de Binga a vu grandir<br />

Samba Touré. Celui-ci<br />

revisite aujourd’hui les mélodies<br />

de ses racines avec la fibre songhoy<br />

qui l’anime depuis ses débuts. Au cœur<br />

du propos sonore, la guitare de Touré,<br />

mais aussi des percussions, du n’goni,<br />

de l’harmonica et de la calebasse. Face<br />

à la violence qui dévaste son pays, il offre<br />

aujourd’hui de magnifiques chansons<br />

acoustiques adoucissant les mœurs.<br />

Neta Elkayam<br />

Muima, CD Baby<br />

Depuis quelques années,<br />

l’Israélienne Neta Elkayam<br />

puise dans ses origines et<br />

dans le patrimoine judéomarocain.<br />

Dans cet EP, elle twiste le beau<br />

« Muima », interprété au départ, dans les<br />

années 1970, par Yasmine Al-Maghribia.<br />

De même pour « Hak a Mama », de Zahra<br />

El Fassia, et « Muhal Nensah », de Sliman<br />

Almagribi. Revigorés par une approche<br />

à la fois pop, jazz et urbaine, ces trésors<br />

sortent de l’oubli. ■ Sophie Rosemont<br />

DR<br />

8 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


Le premier<br />

chapitre,<br />

« Mangrove »,<br />

met en scène<br />

des activistes<br />

jugés<br />

pour incitation<br />

à l’émeute.<br />

SÉRIE<br />

ANTHOLOGIE DU RACISME ANGLAIS<br />

Cinq épisodes magistraux qui racontent la CONDITION DES NOIRS<br />

dans la Grande-Bretagne de la seconde moitié du xx e siècle.<br />

DR<br />

PLUS QU’UNE SÉRIE, c’est une collection de cinq films<br />

qu’a réalisés Steve McQueen (12 Years A Slave, oscarisé<br />

en 2014). Les personnages sont différents d’un récit à l’autre,<br />

mais tous nous racontent ce que vivaient les Noirs dans<br />

la société britannique des années 1960 à 1980. Avec une<br />

bande originale très soul et reggae, particulièrement dans<br />

le deuxième épisode, qui nous immerge, façon Abdellatif<br />

Kechiche, dans une soirée dansante au cœur du « black<br />

London ». Le premier chapitre raconte comment des policiers<br />

de Notting Hill ont harcelé pendant des années le patron<br />

et les clients d’un restaurant caribéen. Les autres épisodes<br />

nous montrent les racines des émeutes de Brixton en 1981,<br />

la difficile intégration d’un policier noir (John Boyega, aussi<br />

à l’aise que dans Star Wars), et la force des mères antillaises et<br />

africaines face à un système éducatif qui exclut leurs enfants.<br />

Parfois démonstratif, mais drôlement efficace. ■ J.-M.C.<br />

SMALL AXE (États-Unis), de Steve McQueen. Avec Letitia<br />

Wright, Shaun Parkes, John Boyega. Disponible sur Salto.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 9


ON EN PARLE<br />

TRADITIONNEL<br />

VOUS AVEZ DIT HYPNOTIQUE ?<br />

Basé à Kinshasa, le collectif KASAI ALLSTARS continue<br />

de réinventer à sa sauce les danses rituelles d’antan.<br />

DEPUIS SON PREMIER ALBUM, In The 7th Moon, The Chief<br />

Turned Into A Swimming Fish And Ate The Head Of His Enemy<br />

By Magic, paru en 2008, Kasai Allstars s’est fait un nom bien<br />

au-delà des frontières congolaises, grâce à l’énergie contagieuse<br />

de leurs chansons mais aussi du spectacle Congotronics<br />

vs Rockers et de la bande originale du film Félicité d’Alain<br />

Gomis (inspiré par la chanteuse du groupe, Muambuyi).<br />

Elle tient encore la barre haute sur ce nouvel album, réalisé<br />

par le guitariste Mopero Mupemba. Le collectif originaire de la<br />

province du Kasaï bénéficie également de la dextérité de Baila<br />

Tshilumba (xylophone), Célestin Kabongo (likembé) ou encore<br />

Tandjolo Yatshi (tambour à fente). Tous ont pour objectif<br />

de rendre accessible la musique<br />

des cérémonies de transe du Kasaï<br />

(notamment des Luba, Songye et<br />

Tetela), désormais considérée comme<br />

pécheresse. S’ils puisent aussi leurs influences dans le rock<br />

et l’électro, ne fût-ce que le titre du disque (« Les fourmis<br />

noires volent toujours en groupe, un seul bracelet ne peut<br />

pas produire de son », en français) revendique l’importance<br />

que revêtent pour eux les mythes et proverbes du Kasaï. ■ S.R.<br />

KASAI ALLSTARS, Black Ants Always Fly Together,<br />

One Bangle Makes No Sound, Crammed Discs/L’Autre<br />

Distribution/Pias.<br />

AFROSURF,<br />

Mami Wata,<br />

300 pages, 52,99 €.<br />

mamiwatasurf.com<br />

PHOTOS<br />

LE BERCEAU DU SURF<br />

CHOSE MÉCONNUE, le premier témoignage écrit sur le surf date du XVII e siècle et ne vient pas<br />

d’Hawaï, mais d’une région qui est aujourd’hui le Ghana. Ce beau livre (en anglais) riche en photos et<br />

histoires fantastiques, véritable petit bijou éditorial, ne cesse de nous le rappeler : que ce soit au Maroc,<br />

au Sénégal, au Congo ou en Afrique du Sud, la pratique du surf a toujours existé. Loin de la culture<br />

californienne, les Africains attrapent les vagues pour se reconnecter avec les traditions et la nature.<br />

Afrosurf est le premier livre à leur donner la parole. Financé grâce à une campagne de crowdfunding<br />

lancé en janvier dernier par la marque de surf captonienne Mami Wata, l’ouvrage a été réalisé avec<br />

l’aide de photographes et de connaisseurs éparpillés sur le continent. Un projet si original que les<br />

New-Yorkais de la Penguin Random House vont le rééditer cet été. Le résultat, un mix d’histoires, de<br />

portraits et de fiches pays évocatrices, donne envie de mettre sa planche à l’eau. Le plus ? Les droits<br />

d’auteur sont reversés à des associations qui pratiquent la surf thérapie avec les enfants. ■ L.N.<br />

BENOÎT VAN MAEL - DR (2)<br />

10 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


VALERIAN MAZATAUD - ÉDITIONS DU SEUIL<br />

LITTÉRATURE<br />

Pour penser les plaies<br />

Au fil d’une narration<br />

foisonnante, l’auteur<br />

congolais Blaise Ndala<br />

ausculte la RELATION<br />

POST-COLONIALE<br />

entre la Belgique<br />

et la RDC.<br />

BLAISE NDALA,<br />

Dans le ventre du Congo,<br />

Seuil, 368 pages, 20 €.<br />

DIFFICILE DE NE PAS SE PRÉCIPITER sur un roman qui invoque,<br />

en exergue, Victor Hugo, James Baldwin et Toni Morrison.<br />

Surtout lorsque son titre, Dans le ventre du Congo, et son propos,<br />

l’histoire douloureuse et singulière entre les Belges et les<br />

Congolais, réveillent en nous les vers emblématiques d’Alfred<br />

de Musset : « Sombre et silencieux, étendu sur la pierre /<br />

Partageant à ses fils ses entrailles de père / Dans son amour<br />

sublime il berce sa douleur. » Il y a dans le romantisme tourmenté<br />

du Pélican l’idée de sacrifice et de rédemption. De malheur<br />

et d’espérance. Comme dans ce récit captivant, qui emporte<br />

le lecteur sur les traces de la jeune Tshala, fille de l’intraitable<br />

roi des Bakuba, exhibée en 1958 dans le « village congolais »<br />

de l’Exposition universelle de Bruxelles – c’était hier –, avant de<br />

disparaître sans explication. Près d’un demi-siècle plus tard, l’une<br />

de ses nièces croise la route d’un professeur de droit à l’Université<br />

libre de Bruxelles, hanté par le fantôme de son père, qui fut l’un<br />

des responsables de l’exposition consacrée aux colonies. Une<br />

succession d’événements et de révélations leur dévoile peu à peu<br />

les secrets emportés dans la tombe. C’est justement en découvrant<br />

les tombes de sept Congolais, morts après avoir été exhibés<br />

dans le parc de Tervueren lors de l’Exposition internationale<br />

de Bruxelles de 1897, qu’est venue à Blaise Ndala l’idée de raviver<br />

la mémoire de ces hommes et femmes oubliés de l’histoire, des<br />

deux côtés de la Méditerranée. Hanté par ces figures éteintes,<br />

le juriste et auteur de deux romans remarqués, J’irai danser<br />

sur la tombe de Senghor (L’Interligne, 2014) et Sans<br />

capote ni kalachnikov (Mémoire d’encrier, 2017),<br />

s’est fixé comme objectif de donner une voix<br />

à cette relation, souvent complexe, entre les<br />

anciens colonisés et la Belgique contemporaine.<br />

À travers trois personnages très forts,<br />

la princesse, son père et sa nièce,<br />

il se fait le chantre des héros<br />

occultés, des 5 millions de<br />

Congolais exterminés par<br />

les travaux forcés imposés<br />

par Léopold II, de toutes<br />

les femmes qui ont joué<br />

un rôle important pendant<br />

la période coloniale. Mais<br />

aussi du royaume Bakuba, l’un<br />

des plus fastueux, qui résonne encore<br />

aujourd’hui à travers l’art statuaire exposé,<br />

à son corps défendant, dans les musées<br />

occidentaux. Sans jamais tomber dans<br />

un manichéisme réducteur. ■ Catherine Faye<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 11


ON EN PARLE<br />

COMÉDIE MUSICALE<br />

LE PLAY-BACK<br />

ENCHANTÉ<br />

Cette série ivoirienne accueille<br />

des GRANDS NOMS du<br />

continent, mais ses audaces<br />

sont bien timides…<br />

BEAU LIVRE<br />

ÉTATS DE GRÂCE<br />

Un livre hommage paru à l’occasion de l’exposition<br />

« Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh » (pour l’instant, entre<br />

parenthèses) à la fondation du couturier, à Paris.<br />

L’UN EST L’ARCHITECTE des corps, celui qui les habille,<br />

les sculpte, l’autre est le révélateur, celui qui met en lumière<br />

l’avers et l’envers. Alaïa et Lindbergh. Deux immenses talents.<br />

Et une connivence, chacune de leur expression se voulant<br />

le reflet de l’autre. De main de maître, l’un et l’autre<br />

subliment mannequins et stars du show-biz, telles Naomi<br />

Campbell, Milla Jovovich, Tina Turner, Madonna ou encore<br />

Dilone, et cultivent le noir, en tirages argentiques ou en aplats<br />

vestimentaires. Comme Richard Avedon et Christian Dior<br />

ou Helmut Newton et Yves Saint Laurent, Peter Lindbergh<br />

et Azzedine Alaïa convergent vers une communauté d’esprit,<br />

où photographie et haute couture dialoguent sans trêve.<br />

Ce livre immortalise un partenariat artistique unique,<br />

qui aura duré quarante ans. Et une quête d’authenticité.<br />

Où l’âme et l’image se fondent dans un même souffle. ■ C.F.<br />

ALAIN GUIKOU CONNAÎT LA CHANSON : le réalisateur<br />

et producteur avait déjà introduit des tubes africains et<br />

français dans sa série Brouteur.com. Cette fois, il se lance<br />

dans la comédie musicale, façon sitcom, avec sentiments<br />

surjoués et cascade d’invraisemblances qui s’étirent sur<br />

12 épisodes. L’enjeu, c’est Mélody, une école de musique<br />

de théâtre et de danse à Abidjan, menacée d’être remplacée<br />

par un luxueux centre commercial. Il y a des méchants,<br />

des couples qui se font et se défont, et des comédiens<br />

qui reprennent avec leur voix (mais dans un play-back<br />

parfois hésitant) des chansons d’Ismaël Lô ou d’Alpha<br />

Blondy, mais aussi de Patrick Bruel, d’Édith Piaf ou d’Amel<br />

Bent. Des séquences souvent dansées, du zoblazo au zouk,<br />

en passant par le hip-hop. Mais surtout, à chaque épisode,<br />

un guest d’envergure internationale vient soutenir l’école :<br />

Meiway, Khadja Nin, Pat Sako, Lokua Kanza ou encore<br />

Jacob Desvarieux jouent leur propre rôle. La série aborde<br />

aussi, bien que parfois maladroitement, des dossiers<br />

difficiles : place de la culture, émigration de la jeunesse,<br />

enfants des rues (Nash, qui s’exprime en noushi, vient<br />

bousculer la francophonie lisse de la série), corruption<br />

généralisée, violence policière, et même homosexualité<br />

– presque normalisée, jusqu’à ce que le personnage gay<br />

de l’école finisse par tomber amoureux d’une femme…<br />

Un peu d’audace, mais pas trop ! ■ J.-M.C.<br />

MELODY, LA VICTOIRE EN CHANSONS<br />

(Côte d’Ivoire), d’Alain Guikou. Avec Polha<br />

Andréa Goure, Landry Gnamba, Franck<br />

Vlehi. Disponible sur TV5MONDEplus.<br />

PETER LINDBERGH,<br />

AZZEDINE ALAÏA, Taschen,<br />

240 pages, 60 €.<br />

DR<br />

12 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


À Philadephie,<br />

des cavaliers soudés<br />

et fiers se retrouvent<br />

autour de valeurs<br />

rédemptrices.<br />

DR<strong>AM</strong>E<br />

LES COW-BOYS NOIRS<br />

Sortir des stéréotypes grâce aux chevaux : un beau WESTERN<br />

DES TEMPS MODERNES emmené par Idris Elba.<br />

« HOLLYWOOD a fait du white washing,<br />

on nous a complètement rayés des livres<br />

d’histoire », déplore une Afro-Américaine,<br />

chapeau de cow-boy sur la tête, auprès d’un<br />

feu de camp dans la banlieue de Philadelphie.<br />

Premier mérite de ce film : nous apprendre<br />

qu’un tiers des cow-boys étaient noirs ou métis !<br />

Et qu’aujourd’hui encore, certains de leurs<br />

descendants vivent auprès de leur écurie un peu<br />

misérable, en milieu urbain. Une communauté<br />

marginale, mais soudée et fière de ses valeurs.<br />

C’est là qu’atterrit un ado paresseux et à fleur<br />

de peau, amené de Détroit par sa mère qui<br />

n’en peut plus. Il se retrouve les pieds dans<br />

le crottin, avec un père taiseux (Idris Elba)<br />

qu’il connaît mal. Au contact des chevaux, il va<br />

s’ouvrir aux autres et se transformer. Un beau<br />

film sur la relation père-fils, et un salutaire pied<br />

de nez aux westerns de John Wayne. ■ J.-M.C.<br />

CONCRETE COWBOY (États-Unis), de Ricky<br />

Staub. Avec Idris Elba, Caleb McLaughlin,<br />

Lorraine Toussaint. Disponible sur Netflix.<br />

La jeune<br />

génération, Caleb<br />

McLaughlin et<br />

Jharrel Jerome.<br />

JESSICA KOURKOUNIS/NETFLIX © 2021 - DR - AARON RICKETTS/NETFLIX © 2021<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 13


ON EN PARLE<br />

AFROBEAT<br />

Tony<br />

Allen,<br />

vivant<br />

pour<br />

toujours<br />

Un an après<br />

la DISPARITION<br />

du batteur nigérian,<br />

cet album donne<br />

la parole à de jeunes<br />

artistes qu’il souhaitait<br />

accompagner de ses grooves<br />

légendaires. Précieux.<br />

TONY ALLEN,<br />

There Is No End,<br />

Blue Note Records.<br />

BERNARD BENANT/NAVIRE ARGO/PHOTOPRESS - DR<br />

14 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


DR<br />

L’ANNONCE DE SA MORT, le 30 avril 2020,<br />

alors qu’il devait fêter ses 80 ans, a été une<br />

secousse. Comment croire que le Tony Allen<br />

que l’on avait eu la chance de rencontrer<br />

quelques mois plus tôt, vu jouer sans faillir<br />

tant de fois, toujours tout sourire et malice,<br />

s’était éteint ? D’autant que le plus grand<br />

batteur du monde avait une foule de projets<br />

en tête. Comme celle de proposer à de<br />

jeunes artistes évoluant au sein des sphères<br />

urbaines de s’exprimer sur des beats<br />

concoctés sur mesure par ses soins. Qu’à cela<br />

ne tienne, les producteurs Vincent Taeger,<br />

alias Tiger Tigre, et Vincent Taurelle ont<br />

décidé que ce disque aurait lieu, quoi qu’il<br />

arrive : « Tous les grooves ont été créés par<br />

Tony avant sa mort, et il avait sélectionné<br />

de nombreux invités parmi les rappeurs<br />

et chanteurs que nous avons utilisés. Les<br />

beats collaient parfaitement quand nous<br />

avons recommencé la production quelques<br />

semaines après son décès, et qu’il a fallu<br />

marier ses grooves avec les voix… »<br />

Ainsi, There Is No End brille par<br />

la richesse de son expressivité, chaque<br />

intervenant étant conscient de l’importance<br />

de sa mission. Avec « Cosmosis », le<br />

romancier et poète nigérian Ben Okri,<br />

aux côtés du rappeur britannique Skepta,<br />

perdure ce que Allen proposait au<br />

monde : une dimension parallèle capable<br />

d’illuminer nos jours moroses, d’avoir<br />

foi en l’avenir. Lui qui voulait « ramener<br />

les jeunes rappeurs à la maison » réussit,<br />

même après sa mort, à fédérer. Ce que<br />

l’on entend effectivement sur le hip-hop<br />

tendance G-funk de « Rich Black » (feat.<br />

Koreatown Oddity), plutôt synthétique<br />

de « Coonta Kinte » (feat. Zelooperz), de<br />

profundis grâce au flow de Danny Brown<br />

sur « Deer in Headlights ». Brillent aussi le<br />

futurisme spirituel de « Stumbling Down »,<br />

porté par la rappeuse Sampa the Great, ou<br />

l’afro-trap en mode swahili sur « Mau Mau »,<br />

avec la chanteuse kenyane Nah Eeto.<br />

Ici, on chante des quatre coins du monde<br />

avec, en tête, le jeu de batterie elliptique,<br />

fantastique et profondément généreux<br />

de Tony Allen. Et en effet, « there is no<br />

end » (« il n’y a pas de fin ») : même après<br />

sa mort, les précieuses leçons du musicien<br />

continuent de porter leurs fruits. ■ S.R.<br />

PREMIER ROMAN<br />

POCHE<br />

NOSTALGIES<br />

D’ENTRE LES MURS<br />

Un récit sur les derniers jours des lieux<br />

de l’enfance, la violence des rapports<br />

familiaux et des interdits sociaux.<br />

ELLE A ÉCRIT cette histoire<br />

entre Tanger, Alger et Alicante.<br />

Un premier roman ancré au bord<br />

de la Méditerranée, dans un village<br />

imaginaire, Tephles – « l’enfant », en arabe. Une manière<br />

pour Hajar Azell, 29 ans, née à Rabat, de revendiquer<br />

une part d’universalité et d’interroger le besoin d’ancrage<br />

du lecteur. Plus encore, de redessiner une géographie.<br />

Les lieux des souvenirs, de l’attachement à un territoire,<br />

à un récit familial, éveillant par trop souvent des blessures<br />

gardées secrètes. Ce qui fascine la primo-romancière est<br />

de voir comment tout ce qui symbolise l’unité d’un collectif<br />

devient, à un moment ou à un autre, l’objet d’une inflation de<br />

récits discordants au sein d’une même famille. De rivalités.<br />

De révélations. À Tephles donc, dans la grande maison<br />

familiale, Gaïa vient de mourir. May, sa petite-fille, qui<br />

a grandi en France, décide d’y passer quelques mois avant<br />

sa mise en vente. C’est l’heure des legs et des dommages.<br />

Malgré la sensualité des lieux de l’enfance. ■ C.F.<br />

HAJAR AZELL, L’Envers de l’été, Gallimard, 176 pages, 16 €.<br />

VOYAGE LUMINEUX<br />

DANS L’ISL<strong>AM</strong><br />

Réédité en format poche, cet ouvrage<br />

éclaire avec la plus grande liberté<br />

une religion par trop souvent méconnue.<br />

« L’ISL<strong>AM</strong> EST <strong>AM</strong>OUR, mais l’islam<br />

dont je parle ici n’est pas seulement<br />

un territoire, une communauté ou un<br />

dogme, il est aussi un univers, une langue, un esprit. » Publié<br />

en 2004, ce dictionnaire s’inscrit dans le plaidoyer plus que<br />

jamais vivant de Malek Chebel (1953-2016), anthropologue<br />

algérien des religions et spécialiste du monde arabe, pour un<br />

islam libéral et moderne. Dans un langage simple et efficace,<br />

l’ouvrage s’impose comme une clé pour comprendre le vécu<br />

de cette religion et la sensibilité orientale. Plus encore,<br />

il aspire à relier musulmans et non-musulmans, dans une<br />

visée de tolérance et de discernement. Face au détournement<br />

de l’islam par ceux qui ont alimenté sa dérive sectaire et<br />

djihadiste, la liberté et la finesse d’esprit de cet humaniste<br />

érudit et éclairé ouvrent le champ des possibles. ■ C.F.<br />

MALEK CHEBEL, Dictionnaire amoureux de l’islam,<br />

Plon, 752 pages, 14 €.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 15


ON EN PARLE<br />

MUSIQUE<br />

Le songwriter<br />

(à gauche) avait<br />

à l’époque distribué<br />

200 cassettes.<br />

ROGÉR FAKHR<br />

OLDIES BUT<br />

GOODIES<br />

Encore une réédition<br />

indispensable<br />

du label Habibi<br />

Funk : le trésor FOLK PSYCHÉ<br />

du musicien libanais, enregistré<br />

en plein âge d’or des seventies.<br />

VIDÉO<br />

MARCEL MOUSSA<br />

DIOUF, L’AUTODIDACTE<br />

Cet étudiant sénégalais a remporté<br />

le GRAND PRIX AFRICA pour<br />

son court-métrage, Je suis Liberté,<br />

lors de l’édition panafricaine<br />

du Mobile Film Festival.<br />

C’EST UN FESTIVAL AU CONCEPT UNIQUE : réaliser un film<br />

d’une minute avec un téléphone. Une contrainte de format<br />

dont Marcel Moussa Diouf a tiré parti avec talent pour aborder<br />

un sujet qui le préoccupe : la dépendance au smartphone.<br />

Sa première réalisation, Je suis Liberté (à voir sur YouTube),<br />

est une métaphore percutante sur les dangers de leur usage<br />

excessif. « Ma génération est trop connectée, elle passe son<br />

temps sur son téléphone. Cela modifie nos comportements,<br />

nos priorités, et nuit à notre liberté », alerte ce cinéaste<br />

en herbe, qui a pensé son film seconde par seconde, avec<br />

une attention rigoureuse à chaque détail, visuel et sonore. Né<br />

en 1998, ce passionné de cinéma depuis l’adolescence a étudié<br />

à l’École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes<br />

de Dakar. Fasciné par les œuvres de Quentin Tarantino, Alain<br />

Gomis, Ousmane Sembène ou encore Mati Diop, il assouvit<br />

sa curiosité en puisant ses connaissances sur le Web et apprend<br />

en autodidacte. Grâce au prix remporté au Mobile Film<br />

Festival Africa, il compte réaliser son prochain court-métrage,<br />

qui s’intéressera aux enfants des rues : « J’aime le cinéma<br />

militant, qui éveille les consciences. » Un regard mature qui<br />

ne manquera pas de faire mouche à nouveau. ■ Astrid Krivian<br />

DEPUIS QUELQUES ANNÉES, le cocréateur du label<br />

berlinois Habibi Funk, Jannis Stürtz, ne cesse de rechercher<br />

des trésors sonores du monde arabe tombés dans l’oubli.<br />

On lui doit, entre autres, la réédition de Mouasalat<br />

Ila Jacad El Ard, du Libanais Issam Hajali – lequel avait<br />

vécu en colocation à Paris avec un certain Rogér Fakhr…<br />

La nouvelle pioche de Habibi Funk, c’est justement l’album<br />

de ce musicien libanais vivant désormais aux États-Unis :<br />

Fine Anyway. Enregistré au milieu des seventies entre<br />

Beyrouth et Paris, distribué via 200 cassettes, ce disque<br />

anglophone sonne comme un classique instantané,<br />

une merveille de folk psyché mâtinée de pop, de rock<br />

californien et de soul. Quelque part entre Simon and<br />

Garfunkel, Stevie Wonder, Neil Young et Fleetwood Mac,<br />

Fine Anyway groove sec sans perdre de vue l’émotion<br />

que peut ressentir n’importe quel exilé… ■ S.R.<br />

ROGÉR FAKHR, Fine Anyway, Habibi Funk.<br />

ARCHIVES DE RAYMOND SABBAH - DR (2)<br />

16 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


DANSETRAVERSÉES<br />

Face à la situation sanitaire<br />

rendant les représentations<br />

impossibles, un film de danse<br />

à voir en ligne, inspiré du solo<br />

de la KÉNYANE WANJIRU<br />

K<strong>AM</strong>UYU, An Immigrant’s Story.<br />

TEL UN FAUVE LÂCHÉ dans l’arène des mezzanines<br />

et du forum art déco du Palais de la Porte dorée, Wanjiru<br />

Kamuyu danse une histoire. Celle de l’humanité tout<br />

entière, qui va, vient, circule, cherche. Esseulé, presque<br />

désarticulé, son corps habité, forme mouvante déployée<br />

en un cri primal, navigue au milieu des fresques,<br />

des bas-reliefs, des parquets géométriques – autant<br />

de témoignages emblématiques de l’histoire coloniale<br />

et de l’immigration. Ce voyage, entre déplacement<br />

et altérité, est au cœur du travail chorégraphique<br />

de la Kényane cosmopolite, dont l’engagement pour<br />

la cause des réfugiées est fondamental. Conçue par le<br />

dramaturge Dirk Korell et le réalisateur Tommy Pascal,<br />

la retranscription filmée de son solo s’en fait l’écho,<br />

mettant l’accent sur l’éloquence du détail. Le langage<br />

de ses mains, de ses expressions, irradie. Et explore<br />

les soubresauts d’identités malmenées, d’émotions<br />

contraintes. Puis, libérées. Comme une peau en<br />

lambeaux qui tombe enfin. ■ C.F.<br />

LA VISITE, d’après des éléments du spectacle<br />

de Wanjiru Kamuyu, An Immigrant’s Story.<br />

À voir sur caminaktion.eu/lavisite.<br />

Extrait<br />

de La Visite.<br />

DR<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 17


ON EN PARLE<br />

FASHION<br />

I<strong>AM</strong>ISIGO<br />

La rencontre avec le spirituel<br />

Plus que des collections, un manifeste : cette marque nigériane<br />

repense la mode à travers le PRISME DES CULTURES,<br />

des histoires et des traditions africaines.<br />

« LAND OF GODS », la terre des dieux.<br />

La designeuse derrière Iamisigo, Bubu Ogisi,<br />

n’a pas choisi le nom de sa dernière collection<br />

au hasard. Cette artiste éclectique qui gravite<br />

entre Lagos, Accra, Abidjan et Nairobi travaille<br />

toujours ses pièces à partir d’un concept créatif<br />

qui va bien au-delà d’une simple idée visuelle.<br />

Dans ses collections, entièrement réalisées<br />

par des artisans éparpillés sur le continent<br />

et à partir de matières premières locales, elle<br />

revendique et met à l’honneur les philosophies,<br />

les tissus et les techniques d’Afrique.<br />

Après avoir creusé le sujet de l’exploitation<br />

de la République démocratique du Congo<br />

avec « Chasing Evil », en 2020, elle s’inspire,<br />

pour les 16 modèles de cette nouvelle ligne, de<br />

la mythologie Yoruba et Edo et explore le concept<br />

de divinité. Le corps est un temple, un paysage<br />

spirituel et vital en mouvement constant, et il<br />

communique en s’habillant. Ses créations rendent<br />

donc hommage à la tradition du adaigho, l’habit<br />

porté par les hauts prêtres et prêtresses. Chaque<br />

motif de la collection rappelle un élément votif<br />

ou cérémoniel, pensé pour lier le corps et l’esprit<br />

à travers une prière contemporaine. Et chaque<br />

couleur envoie un message précis : le rouge<br />

représente le sang, le feu, la provocation, le<br />

sacrifice et la violence, le noir renvoie au sentiment<br />

de honte, et le blanc à la joie et à la pureté.<br />

Lorsqu’elle crée une robe, Bubu Ogisi, qui aime<br />

travailler avec des matières non conventionnelles,<br />

emploie des couches chiffonnées en polyester<br />

recyclé, afin de symboliser l’abondance spirituelle.<br />

Pour une veste, il s’agit de plastique recyclé<br />

aux reflets miroitants, comme un plan d’eau,<br />

qui invite à entrer en transe et à se connecter<br />

avec l’au-delà. En accessoires, elle reconstitue<br />

avec des perles un symbole Edo, le Igha-ede, une<br />

croix accompagnée de cercles aux significations<br />

multiples, du partage du temps à la transmission<br />

d’un message spirituel. Et pour la touche finale,<br />

les chaussures, elle a signé un partenariat<br />

avec le Nigérian Kkerele, qui utilise du cuir<br />

écoresponsable de manière artisanale. ■ L.N.<br />

Ses pièces<br />

sont réalisées<br />

par des artisans<br />

du continent et à<br />

partir de matières<br />

premières locales.<br />

DR<br />

18 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


Chaque couleur<br />

utilisée par Bubu<br />

Ogisi envoie un<br />

message précis :<br />

le blanc renvoie<br />

à la joie et<br />

la pureté.<br />

BANDE DESSINÉE<br />

NAUFRAGÉS<br />

DU DÉSERT<br />

Dans ce roman graphique, Jacques Ferrandez<br />

illustre l’un des textes les plus emblématiques<br />

de l’univers labyrinthique de l’auteur algérien Mohammed Dib.<br />

COMME DANS UN ROMAN À TIROIRS ou un conte philosophique,<br />

nous voici aspirés dans un voyage sans fin. Au centre d’une terre<br />

inconnue. Dans les méandres de l’énigme du monde. Une guerre<br />

vient de se terminer, deux hommes errent dans le désert. L’un,<br />

Hagg Bar, le potentat, l’autre, Siklist, son fidèle valet. Ils disent<br />

marcher vers une source, chercher les traces d’un campement<br />

où ils devraient trouver les restes d’une écriture mystérieuse<br />

à déchiffrer. Les deux personnages sont comme dans un temps<br />

blanc. Une parenthèse. Qu’attendent-ils en réalité ? « Nous n’avions<br />

déjà pas d’histoire. Nous vivions nos jours, les jours que le destin<br />

impartit à chacun, et nous passions. Une fois passés, nous n’avions<br />

pour ainsi dire jamais existé. » Dans ce dédale de la pensée, les<br />

héros de cette fable becketienne, aux faux airs de Don Quichotte<br />

et de Sancho Panza, questionnent interminablement nos<br />

enchevêtrements intérieurs. Et l’attrait des mirages. ■ C.F.<br />

MOH<strong>AM</strong>MED DIB ILLUSTRÉ PAR JACQUES FERRANDEZ,<br />

Le Désert sans détour, Actes Sud, 192 pages, 25 €.<br />

DR<br />

CONFIDENCES<br />

OUI, LA MUSIQUE !<br />

Cinquante ans de tubes inoubliables,<br />

de fous rires et de coups de gueule<br />

dans ce beau livre de Nicoletta.<br />

RAY CHARLES la considérait comme<br />

l’une des plus belles voix de la chanson<br />

française : « La seule Blanche avec<br />

une voix de chanteuse noire. » Une<br />

rencontre décisive pour l’interprète de<br />

« Mamy Blue » et d’« Il est mort le soleil », que l’artiste américain<br />

surnommait sa « soul sister ». Élevée dans la campagne savoyarde<br />

par une grand-mère mélomane, Nicoletta a non seulement le blues<br />

et le gospel dans la peau, mais aussi l’ardeur de celles et ceux qui<br />

entrent par la petite porte. 23 albums, plus de 3 000 concerts et une<br />

apparition au cinéma (Un aller simple, Laurent Heynemann, 2000)<br />

plus tard, ce tempérament de feu peut se targuer d’avoir su saisir<br />

sa chance. Jalonnée de rencontres marquées d’une pierre blanche<br />

– Eddie Barclay, Johnny Hallyday, Jimi Hendrix, mais aussi<br />

l’inénarrable Hervé Vilard –, sa carrière ne manque pas de piquant.<br />

À 77 ans, l’artiste au timbre reconnaissable entre tous nous livre<br />

confidences, anecdotes et souvenirs de scène dans un ouvrage<br />

illustré de photographies et de documents inédits. ■ C.F.<br />

NICOLETTA, Soul Sister : Cinquante ans de scène,<br />

Le Cherche-Midi, 152 pages, 28 €.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 19


ON EN PARLE<br />

PHOTOJOURNALISME<br />

Une année sous le signe du virus<br />

Le WORLD PRESS PHOTO, c’est le concours le plus prestigieux,<br />

une plongée à chaque édition dans le rythme, l’énergie et le chaos<br />

du monde, à travers la focale des reporters d’images.<br />

POUR L’ÉDITION 2021, 4 315 photographes venus de 130 pays<br />

auront soumis plus de 74 470 images. Le jury aura sélectionné<br />

45 d’entre elles. Le prestigieux prix World Press Photo of the<br />

Year (Photo de l’année) a été attribué au Danois Mads Nissen,<br />

déjà vainqueur en 2015 (avec un reportage sur l’homophobie<br />

en Russie). C’est une image forte, sous le sceau du Covid-19,<br />

intitulée The First Embrace. Celle d’une première étreinte<br />

entre une infirmière d’une maison de retraite de São Paulo,<br />

au Brésil, et une résidente octogénaire. Au moment de la<br />

photo, en août 2020, Rosa Luzia Lunardi, 85 ans, profitait<br />

de son premier contact avec un autre être humain depuis<br />

le début de la pandémie en… mars. Un moment d’émotion,<br />

dans l’un des pays les plus violemment impactés par<br />

l’épidémie, un moment particulier, à travers une protection<br />

en plastique, comme un symbole de la fragilité de notre<br />

monde, mais aussi de la force de nos émotions.<br />

Cette année sous le signe du virus se retrouve aussi<br />

dans cette image de Ralph Pace (1 er prix Environnement), prise<br />

au large de la Californie, où un lion de mer, surpris, croise<br />

un masque FFP2 entre deux eaux. Un raccourci graphique où<br />

se rencontrent la pandémie et la lutte pour le développement<br />

durable. L’ensemble du palmarès et du travail des reporters<br />

est à découvrir sur le remarquable site Web de l’organisation<br />

(worldpressphoto.org). ■ Zyad Limam<br />

RALPH PACE, California Sea Lion Plays with Mask, 1 er prix Environnement.<br />

RALPH PACE, USA/WORLD PRESS PHOTO FOUNDATION<br />

20 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


MADS NISSEN, DANEMARK, POUR «POLITIKEN»/PANOS PICTURES/WORLD PRESS PHOTO FOUNDATION<br />

MADS NISSEN (POLITIKEN/PANOS PICTURES), The First Embrace, Photo de l’année.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 21


ON EN PARLE<br />

Le Coq Noir, à Clichy-la-Garenne,<br />

est une véritable institution ouverte<br />

depuis près de quinze ans (ci-dessous).<br />

SPOTS<br />

Le Choukouya<br />

de Côte d’Ivoire du<br />

Moonlignt (ci-contre).<br />

ET SI L’ON<br />

REVENAIT<br />

AUX BASIQUES ?<br />

Ces deux restaurants nous font (re)découvrir<br />

des CLASSIQUES dont on ne se lasse pas.<br />

IL Y A UN PEU PLUS D’UN AN,<br />

une étonnante table gastronomique<br />

panafricaine a ouvert dans le quartier<br />

chinois du 13 e arrondissement,<br />

à Paris : le Moonlight. Le chef et<br />

gérant ivoiro-camerounais, Tillard<br />

Cadevall Diomande, y sert des assiettes<br />

généreuses, comme à la maison.<br />

Dans le top 5 de ses plats préférés,<br />

on retrouve le Choukouya de Côte<br />

d’Ivoire (une épaule d’agneau émincée,<br />

accompagnée de frites de patates douces<br />

et de plantains), le mafé de bœuf du<br />

Sénégal, le sauté de bœuf au gombo,<br />

ou encore l’indémodable poulet<br />

braisé. En ces temps de pandémie,<br />

le Moonlight compte sur les livraisons,<br />

avec des menus pensés pour se faire<br />

plaisir, même au bureau, ainsi que<br />

sur la remise de 20 % sur le click<br />

and collect pour attirer les nouveaux<br />

clients. Parce qu’une fois qu’on<br />

découvre ce restaurant, on l’adopte !<br />

D’une nouvelle table à une<br />

historique : Le Coq Noir est une<br />

véritable institution située à Clichyla-Garenne,<br />

aux portes de Paris.<br />

Ouvert depuis près de quinze ans,<br />

le restaurant peut compter sur une<br />

clientèle fidèle. Avec sa cuisine raffinée,<br />

délicate et parfumée, la cheffe<br />

franco-camerounaise Marie Christine<br />

Riou a su séduire ses habitués et les<br />

curieux qui découvrent les saveurs<br />

africaines. La carte fait la part belle aux<br />

grands classiques camerounais, comme<br />

le Ndolé (viande de bœuf, crevettes ou<br />

encore mixte). À ne pas rater du côté des<br />

entrées : le Soya de bœuf (des brochettes<br />

marinées aux épices du Cameroun)<br />

fait toujours des heureux. ■ L.N.<br />

moon-light.restaurant / lecoqnoir.fr<br />

DR<br />

22 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


HISTOIRE<br />

David Adjaye décolonise l’art<br />

Le célèbre architecte britannico-ghanéen connecte présent et passé dans<br />

la conception de l’EDO MUSEUM OF WEST AFRICAN ART, au Nigeria.<br />

LE FUTUR MUSÉE d’Edo pour l’art ouest-africain<br />

ouvrira dans cinq ans à Bénin City, au Nigeria,<br />

mais le projet fait déjà couler beaucoup d’encre.<br />

En effet, c’est le dernier grand chantier africain<br />

du starchitecte britannico-ghanéen Sir David<br />

Adjaye. Destiné à mettre en avant l’art et les restes<br />

archéologiques de l’ancien royaume du Bénin,<br />

il est le symbole de la coopération entre le<br />

Nigeria et le British Museum sur le terrain<br />

de la revalorisation de la culture africaine.<br />

Un partenariat qui vise à créer une<br />

institution mondialement reconnue<br />

autour d’une collection d’objets pillés par<br />

les colonisateurs. Comme les bronzes<br />

du Bénin, une série de sculptures<br />

en métal et en ivoire, corail et bois,<br />

dont le Nigeria demande le retour.<br />

Le projet du musée, qui surgira<br />

sur une zone de fouilles, prévoit de<br />

connecter présent et passé à travers les restes<br />

archéologiques, mariant harmonieusement<br />

le nouveau bâtiment et les anciennes ruines<br />

avec le paysage. À l’intérieur, le visiteur<br />

se promènera entre jardins ombragés,<br />

galeries flottantes au-dessus de la<br />

végétation et pavillons s’inspirant<br />

de maisons historiques des Edos. Tout<br />

est fait pour remettre les artefacts<br />

dans leur contexte précolonial<br />

et « déconstruire l’objectification<br />

telle qu’elle s’est construite<br />

en Occident ». L’architecture<br />

elle-même assume une fonction<br />

fondamentale dans la fruition<br />

des œuvres, leur restituant<br />

le sens qui leur a été volé.<br />

adjaye.com ■ L.N.<br />

À l’intérieur, les visiteurs<br />

se promèneront sous des répliques<br />

des maisons des Edos. Ici, un toit<br />

faisant référence à la royauté.<br />

DR<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 23


ON EN PARLE<br />

Ci-dessus, à gauche,<br />

Cuba Si, 1961.<br />

Ci-dessus, à droite,<br />

Procession, les ailes<br />

du désir, 1985.<br />

FARID<br />

BELKAHIA,<br />

POUR UNE<br />

AUTRE<br />

MODERNITÉ,<br />

Éditions<br />

du Centre<br />

Pompidou,<br />

160 pages, 24 €.<br />

EXPO<br />

HOMMAGE<br />

À LA QUÊTE DU MONDE<br />

Considéré comme l’un des fondateurs de la modernité artistique<br />

marocaine, et plus largement arabe, FARID BELKAHIA fait l’objet<br />

d’une rétrospective au Centre Pompidou.<br />

IL EST CONNU pour ses œuvres peintes sur du cuir<br />

avec des pigments naturels. Un choix esthétique et intime<br />

entérinant sa rupture avec la peinture occidentale : « J’ai<br />

délibérément opté pour un matériau hautement inscrit<br />

dans la tradition artisanale du Maroc. » La peau devenant<br />

ainsi médium central de son art et support métaphorique.<br />

Par cette démarche, Farid Belkahia (1934-2014) rappelle<br />

que la modernité est multiple et que la création est avant<br />

tout acte de liberté, où la mémoire, le réel et l’imaginaire<br />

se combinent. L’exposition qui lui est consacrée au<br />

Centre Pompidou s’articule autour de la période pragoise<br />

et expressionniste de l’artiste à partir de 1959, puis<br />

de son retour à Casablanca en 1962, avec une salle<br />

spécifiquement consacrée à ses cuivres. Elle se clôt par un<br />

ensemble d’œuvres réalisées à partir de peaux de chèvres :<br />

un dialogue entre avant-garde et culture traditionnelle.<br />

Dédié à l’événement, le catalogue Farid Belkahia, pour<br />

une autre modernité invite à une première visite. Immobile.<br />

En attendant la réouverture des musées. ■ C.F.<br />

« FARID BELKAHIA », Centre Pompidou, Paris (France),<br />

jusqu’au 19 juillet 2021 (les dates peuvent évoluer<br />

en fonction de l’actualité). centrepompidou.fr<br />

DR<br />

24 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


INTERVIEW<br />

Dalila Kerchouche<br />

enquête sur le plaisir féminin<br />

Après Espionnes (2016), la journaliste et autrice française<br />

publie Sexploratrices. Elle y rencontre des femmes<br />

émancipées, résilientes, qui se réapproprient leur puissance<br />

sexuelle, leur désir, en brisant les normes patriarcales.<br />

PASCAL ITO © FL<strong>AM</strong>MARION - EDITIONS FL<strong>AM</strong>MARION<br />

<strong>AM</strong> : Qui sont les « sexploratrices » de votre livre ?<br />

Dalila Kerchouche : Ces femmes inspirantes, de<br />

milieux sociaux et âges différents, sont dans une quête<br />

d’émancipation, explorant avec leur corps et leur esprit<br />

leur sexualité. Selon moi, devenir une « sexploratrice »<br />

– synonyme de panache, d’audace, de liberté –, c’est<br />

mettre sa sexualité en mouvement, sonder ses zones<br />

de fragilité, blessées, se questionner sur notre héritage…<br />

Notamment sur notre « arbre gynécologique », notion<br />

de la gynécologue Danièle Flaumenbaum, qui s’intéresse<br />

à quels schémas sexuels nous sont transmis à travers<br />

les femmes de notre lignée. C’est important<br />

d’en avoir conscience. On sous-estime<br />

l’impact de la sexualité dans la construction<br />

psychique d’un individu. Or, aujourd’hui,<br />

à l’adolescence, elle se réalise dans une<br />

solitude, pétrie de non-dits, de tabous,<br />

un demi-siècle après la révolution sexuelle<br />

des années 1970 ! La clé est de remettre<br />

de la réflexion, de l’introspection, de<br />

la poésie, de la relation, de l’émotion<br />

dans sa sexualité. C’est primordial pour<br />

se sentir complète. Il faut rompre avec<br />

ces féminités amputées, amoindries,<br />

contrôlées, afin de retrouver sa puissance<br />

intime et prendre toute sa place<br />

dans la société. C’est aussi une quête<br />

existentielle et identitaire. L’enjeu,<br />

à la fois intime et sociétal, est colossal.<br />

Vous parlez d’un sexe féminin<br />

DALILA KERCHOUCHE,<br />

Sexploratrices : À la conquête<br />

du plaisir, Flammarion,<br />

320 pages, 19,90 €.<br />

universellement meurtri…<br />

La sexualité féminine s’est construite sur des<br />

traumatismes, une civilisation du viol, rappelle la psychiatre<br />

Muriel Salmona. Le mouvement #MeToo a permis de mettre<br />

des mots sur ces atteintes à l’intégrité que les femmes<br />

ont toutes vécues, traversées, sans en avoir conscience<br />

ni oser le dire. Tourmenté depuis des siècles, le corps<br />

féminin fait l’objet de privation, d’instrumentalisation,<br />

d’objectification. Des clichés maintiennent les femmes<br />

dans une ignorance dangereuse de leur corps. Et non,<br />

elles ne sont pas des réceptacles passifs pour le plaisir<br />

masculin. La plupart de celles que j’ai rencontrées se<br />

sont construites par rapport au regard de l’homme, lequel<br />

les « validerait ». Mais le corps des femmes n’est pas un bien<br />

public que chacun aurait le droit de juger ! Un contrôle<br />

social s’exerce fortement sur elles, encore aujourd’hui, et<br />

définit les limites de la morale et de la pudeur. S’émanciper,<br />

c’est déconstruire ces normes qui entravent la quête de<br />

notre plaisir, la construction et l’expression d’une sexualité<br />

singulière, individuelle. C’est un livre sur les sexualités<br />

féminines. Les affranchies sexuellement<br />

sont encore stigmatisées, car la peur millénaire<br />

du plaisir féminin persiste. Une femme qui<br />

jouit, qui assume sa libido est puissante, libre,<br />

indépendante, insoumise, à l’écoute de ses<br />

désirs. C’est dangereux pour l’ordre social.<br />

Qu’avez-vous découvert à ce sujet ?<br />

La sexualité est un univers très vaste,<br />

à l’opposé de la vision conventionnelle,<br />

normative, assez étriquée et pauvre que j’en<br />

avais – génitale, mécanique, physiologique.<br />

C’est un art, qui prend différentes formes<br />

d’expression. Les représentations classiques<br />

véhiculées par le cinéma ou la publicité<br />

sont très influencées par la pornographie,<br />

le consumérisme, la logique utilitariste :<br />

la course à l’orgasme, la jouissance à tout<br />

prix, utiliser l’autre pour son propre plaisir.<br />

Il manque la rencontre, la relation, la<br />

dimension émotionnelle, spirituelle, créative, lumineuse,<br />

joyeuse… Toutes ces dimensions sont explorées à travers<br />

ces témoignages. Une deuxième révolution sexuelle est<br />

en marche depuis quelques années. On voit se multiplier<br />

les conférences et ateliers dédiés au plaisir féminin, à<br />

l’épanouissement intime, les comptes Instagram autour du<br />

clitoris, de la vulve… Les jeunes femmes sont très mobilisées<br />

et engagées pour revendiquer cette réappropriation de leur<br />

plaisir et de leur sexualité. ■ Propos recueillis par Astrid Krivian<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 25


PARCOURS<br />

Jhonel<br />

LE SL<strong>AM</strong>EUR ET POÈTE NIGÉRIEN, GRIOT 2.0,<br />

a choisi le pouvoir de la parole pour revendiquer la justice sociale<br />

et éveiller les consciences. Armé de son phrasé éloquent et<br />

de ses images fortes, il égrène ses mots au rythme de sa révolte.<br />

par Astrid Krivian<br />

Les mots pour dire les maux. Cette célèbre formule figure bien l’art oratoire<br />

de Jhonel, qui scande en musique ses textes conscients, engagés, dénonçant<br />

les fléaux de la société. D’aucuns le considèrent slameur, lui se présente<br />

comme « fils de la parole », inspiré par la pratique des conteurs et des griots.<br />

« Dans notre culture, basée sur la littérature orale, la parole a une force. Hélas,<br />

cette tradition s’éteint à petit feu. On se dirige vers la marche du grand monde,<br />

mais en rompant avec nos valeurs, nos coutumes, notre identité », regrette l’artiste.<br />

À la différence des louanges et des hauts faits racontés par la tradition<br />

griotique, son verbe est un outil de révolte pour dépeindre les injustices sociales,<br />

éveiller les consciences, porter la voix des opprimés. Né en 1984 au Niger, cet « enfant du voyageur »<br />

a grandi entre son pays natal et la Côte d’Ivoire, où ses parents commerçants ont émigré. Dans son premier<br />

recueil de poésies Niamey, cour commune (L’Harmattan, 2014), celui qui, adolescent, slamait déjà avec<br />

ses amis, raconte son enfance au sein d’une famille élargie, levant le tabou sur la polygamie : « Je décris<br />

la tristesse de ces conditions de vie difficiles pour les femmes et les enfants, l’injustice permanente. »<br />

Après un premier album, Assalam Aleykoum, réalisé au Mali en 2010, il met le cap sur la France<br />

en 2013 et crée un spectacle voix-percussions avec le batteur Jean-Luc Bernard. Avec sa verve éloquente, il sillonne<br />

l’Hexagone lors d’une tournée en 2016, puis les États-Unis, au sein d’universités, en 2017. Par ailleurs, Jhonel<br />

fonde Fish Goni, un festival de slam, d’humour et de colloques dédié aux enjeux de développement, à Niamey.<br />

L’édition 2019 était consacrée à l’inclusion des personnes en situation de handicap. Une question à laquelle<br />

le griot moderne est particulièrement sensible : enfant, il a profondément été marqué par les discriminations<br />

auxquelles sa tante, frappée de mutisme, devaient faire face. Que ce soit en français ou en zarma, l’une des<br />

langues du Niger, sa plume indignée manie habilement l’ironie. Dans « Ils ne sont que des pauvres », morceau<br />

pétri d’outrance et de sarcasme, et titre de son deuxième recueil, il singe un homme politique cynique, véreux.<br />

« Je veux que la société prenne conscience qu’elle est la main-forte du changement, si elle se lève, refuse de se<br />

laisser manipuler, combat sa pauvreté. » La clé pour une société plus égalitaire ? L’éducation. « C’est un droit. »<br />

Vent debout contre la corruption des puissants – « Ma conscience n’est pas à vendre », martèle-t-il –, il met<br />

également le citoyen face à ses contradictions, comme dans la chanson « 1000 poèmes », où les mots sont<br />

les miroirs d’une vérité difficile à affronter. Son leitmotiv « La porte ne peut s’ouvrir de l’extérieur / Mais<br />

seulement de l’intérieur !» invite à incarner soi-même le changement, avant de l’exiger du monde.<br />

Partisan du panafricanisme, il plaide pour une Afrique unie et forte. « Nos dirigeants doivent répondre<br />

à ces questions : comment faire profiter aux populations des richesses du continent ? Transformer nos<br />

matières premières chez nous ? On peut échanger avec l’autre, mais selon un accord gagnant-gagnant.<br />

Ce n’est pas le cas actuellement, donc on ne peut pas se déclarer indépendants. » griotmoderne.com ■<br />

26 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021


LE RÊVE AFRICAIN<br />

« Je veux que<br />

la société prenne<br />

conscience qu’elle<br />

est la main-forte<br />

du changement. »<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 27


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C’EST COMMENT ?<br />

PAR EMMANUELLE PONTIÉ<br />

DOM<br />

TERRES BRÛLÉES<br />

La pandémie de Covid-19 aura relégué la question mondiale de l’environnement<br />

au second plan. Plus de manifestations, pas de COP en 2020. Certes, un des effets<br />

de cette longue période d’arrêt généralisé aura été, indirectement, la diminution des<br />

émissions de CO 2<br />

. En avril 2020 par exemple, au plus fort de la fermeture internationale<br />

des échanges, on mesurait -75 % dans le secteur de l’aviation, -50 % dans le domaine<br />

des transports en général, et -15 % pour l’énergie. Très bien. Mais évidemment, la planète<br />

aspire à la reprise des activités, et la généralisation de la vaccination peut le laisser<br />

espérer pour bientôt. Donc il semble que nous allions droit dans le mur.<br />

Une petite lueur positive s’est allumée aux États-Unis, les 22 et 23 avril, quand Joe<br />

Biden a organisé son sommet virtuel sur le climat, avec de belles annonces, qui montrent<br />

une rupture, enfin, avec les années Trump et le climat bashing américain. Les États-Unis<br />

promettent de réduire leurs vilaines émissions de gaz à effet de<br />

serre de 50 % d’ici 2030, l’Europe de 55 %, et la Chine assure<br />

qu’elle atteindra la neutralité carbone en 2060. C’est bien.<br />

Mais c’est loin. Et l’Afrique semble être la grande oubliée du<br />

système, elle qui n’émet que 4 % des gaz en question, mais se<br />

bat déjà au quotidien contre les effets du réchauffement, entre<br />

sécheresse galopante, inondations, cyclone et invasions de<br />

criquets. Alors, passons sur le fait que seuls cinq chefs d’État du<br />

continent noir, en tout, étaient conviés par Joe à son sommet…<br />

Mais la question du financement archi-urgent dont<br />

nos pays ont besoin n’a jamais été résolue, de COP en COP.<br />

Les fonds verts de soutien se sont multipliés, ont été votés. Et ce,<br />

même avant l’accord de Copenhague de 2009. Fonds spécial<br />

pour les changements climatiques, Fonds d’adaptation, Fonds<br />

pour l’environnement mondial, etc. En gros, plus de 100 milliards<br />

de dollars par an… qui n’ont jamais vraiment été versés. Principalement<br />

pour des raisons techniques de mécanismes hyper compliqués,<br />

dont l’allègement sera d’ailleurs l’un des ordres du jour<br />

de la prochaine… COP, qui devrait (enfin) se tenir en novembre<br />

à Glasgow, sous la houlette conjointe des Britanniques et des<br />

Italiens. C’est top ! En attendant, l’Afrique brûle.<br />

Et si ses dirigeants ne mettent pas la question verte<br />

au centre de leurs politiques d’une part, et ne tapent pas<br />

du poing sur la table internationale très fort d’autre part… le<br />

continent risque d’être englouti par les fléaux naturels et submergé<br />

par la famine. Et comme dit l’adage, c’est déjà demain.<br />

Alors, il faut vraiment bouger ! ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>416</strong> – MAI 2021 29


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