You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
TEXTE MICHEL FONOVICH
PHOTOS JEREMY SUYKER
Ce n’est pas la taille qui compte, et la Bourgogne
le prouve. Ses vins sont célébrés partout dans
le monde et les plaisirs qu’ils procurent sont
intenses alors que son vignoble est minuscule.
Alors, comment expliquer pareille performance ?
Certains évoquent les climats, d’autres invoquent
l’histoire… cela méritait d’aller creuser.
N’a-t-on jamais autant parlé du climat ? Il ne fait rien qu’à se
réchauffer, qu’à se dérégler, tant et si bien qu’il inquiète. Il
faudrait agir pour le remettre d’aplomb, mais de là à tomber
d’accord entre États. De sommets internationaux en lois « climat
», on n’avance pas. Le sujet est brûlant, pourtant on tourne
autour du pot. Pourquoi ne pas prendre exemple sur la
Bourgogne où l’on discute du climat de manière courante et
apaisée depuis fort longtemps. Sa première mention écrite
remonte à 1584, c’est dire. Certes, il y a climat et climat.
Bernard Pivot, grand amoureux des mots et du vin, en sait
quelque chose : « En Bourgogne quand on parle d’un climat, on ne
lève pas les yeux au ciel, on les baisse sur la terre. » Typiquement
la phrase qui ne rassure pas l’honnête amateur de jus de la
treille se baladant pour la première fois entre Côte de Beaune
et Côte de Nuits. Chercherait-on à l’embrouiller ? Cela mérite
un approfondissement. Officiellement, le climat désigne une
parcelle de vignes, progressivement et précisément délimitée
par l’homme, et qui est reconnue par son nom depuis des
siècles, souvent depuis le Moyen Âge. Chaque climat est unique
et son nom raconte l’histoire de sa parcelle, faisant référence à
son origine, à la nature du sol, au relief, à l’exposition, à l’hydrométrie…
Son nom qui devient celui du vin. Ainsi Montrachet,
le meilleur vin blanc du monde selon certains, évoque un mont
au sommet seulement pourvu d’une végétation rachitique, un
mont chauve semblable au crâne tonsuré d’un moine. Entre
ix e et xi e siècles, on en voyait beaucoup de ces crânes lisses au
milieu des vignes, car quand ils ne priaient pas, bénédictins et
cisterciens se faisaient vignerons. À force de travail et d’observation,
ils acquirent une connaissance quasiment millimétrique
du terrain qui leur permit d’identifier les parcelles. En édifiant
des clos, ils achevèrent de poser les bases de la viticulture bourguignonne.
Plus tard, les puissants ducs de Bourgogne s’avèrent
les meilleurs ambassadeurs du vignoble et veillent à sa qualité.
Philippe le Hardi en 1395 fait interdire le gamay au profit du
pinot noir moins productif, mais réputé supérieur. Au fil des
siècles, les climats se généralisent tandis que les vignobles
finissent de passer aux mains des négociants et des viticulteurs
avec le coup de pouce de la Révolution. Qui dit climat, dit
monocépage. Les Bourguignons n’ont en effet pas trouvé mieux
pour révéler la diversité des sols : le pinot noir cher à Philippe
le Hardi pour les vins rouges, le chardonnay pour les vins
blancs. En 1935, les AOC en officialisant les climats (plus de
1200) et les crus consacrent la réussite d’une viticulture bourguignonne
centrée sur le terroir et entérinent la mosaïque des
climats. Ne restait plus pour eux qu’à recevoir l’onction de
l’Unesco avec une inscription sur la liste du patrimoine mondial.
C’est fait depuis 2015.
La grande petite Bourgogne
Partout sur le globe, la Bourgogne est connue pour ses vins
alors qu’ils ne représentent que 3 % de la production nationale.
Parmi eux, les grands crus (Montrachet, Corton, Chambertin,
Échezaux, Romanée-Conti…, 33 en tout) comptent seulement
pour 1 % et les premiers crus pour 10 % ! On voit par là qu’il
n’y en a pas pour tout le monde et l’on se doute que pour avoir
le privilège de tremper ses lèvres dans l’un de ces nectars, il
BOURGOGNE
17