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<strong>FR</strong>ANCE<br />
SEPTEMBRE 2021<br />
HORS DU COMMUN<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec<br />
L’ÉPREUVE<br />
DE FORCE<br />
Dans la fascination<br />
du photographe BEN<br />
THOUARD pour les<br />
tubes de Teahupo’o,<br />
le « mur de crânes »<br />
Tout dans les bras :<br />
le Tahitien Matehau<br />
Tetopata échappe<br />
à la mâchoire du<br />
monstre aquatique.
T-TR1<br />
Robot de téléprésence mobile<br />
commandé à distance<br />
PRÈS DES YEUX,<br />
PRÈS DU CŒUR.<br />
*<br />
*DÉPASSER L’IMPOSSIBLE<br />
Prototype Toyota présenté. Indisponible à la vente. ©2020 Toyota Motor Corporation. Tous droits réservés.
Éditorial<br />
À CHACUN SA<br />
DYNAMIQUE<br />
Ces lignes introductives nous permettent de sentir<br />
et de vous transmettre l’esprit de chaque nouveau<br />
The <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>. Ce qui nous saute aux yeux ce<br />
mois-ci, c’est la notion de dynamique qui réunit<br />
nos invités, malgré leurs réalités diverses.<br />
Celle des vagues que documente Ben Thouard<br />
dans un processus créatif mêlant défi physique<br />
et fascination. Avec le pilote F1 Max Verstappen,<br />
au-delà de l’idée attendue de vitesse, on aborde<br />
un nouvel état d’esprit et son potentiel premier<br />
titre de champion du monde. Chez la chanteuse<br />
Nai Palm, nous apprécions sa capacité à toujours<br />
avancer, malgré l’adversité.<br />
Enfin, sur une roue ou deux, les pneus massifs<br />
de jeunes riders new-yorkais à vélo propulsent<br />
une nouvelle donne culturelle et sociétale aux<br />
États-Unis : la Bike Life.<br />
À chacun sa dynamique, croyez en la vôtre.<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
MARZ LOVEJOY<br />
L’ancienne New-Yorkaise,<br />
désormais installée à<br />
Copenhague, a eu des questions<br />
directes avant d’accepter<br />
de couvrir la culture Bike<br />
Life. « Il est impératif que<br />
les Noirs, les métisses et les<br />
autres personnes marginalisées<br />
racontent nos histoires<br />
à notre manière », déclare<br />
Lovejoy, qui a auto-publié<br />
un livre et écrit pour le<br />
site très tendance office.<br />
En selle avec la Bike Life.<br />
Page 62<br />
BEN THOUARD (COUVERTURE)<br />
Belle lecture !<br />
Votre Rédaction<br />
Le photographe Ben Thouard s’immerge dans son métier – et dans les eaux de Tahiti –<br />
avec son kit photo étanche. « Je veux faire des images intemporelles », dit-il. Page 24<br />
BEN THOUARD<br />
Nous avions sollicité Ben pour<br />
lui dédier un portfolio 100 %<br />
surf, mais le caractère hypnotisant<br />
des vagues dans l’ouvrage<br />
du Français nous a poussés à<br />
aussi publier des photos sans<br />
surfeurs. « L’aspect artistique,<br />
plus personnel de la photo de<br />
vagues m’a tellement attiré<br />
que j’ai plongé dedans, c’est<br />
le cas de le dire », explique-t-il<br />
depuis la Polynésie française<br />
où ce photographe réside et où<br />
il n’a qu’à se jeter à l’eau pour<br />
saisir ces formes aquatiques<br />
qui le passionnent. Page 24<br />
THE RED BULLETIN 3
CONTENUS<br />
septembre 2021<br />
52<br />
Devenu zen, Max<br />
remportera-t-il la<br />
saison de F1 ?<br />
8 Galerie : des performances à<br />
couper le souffle<br />
14 Roulettes ruse : quand le skate<br />
recycle le chewing-gum<br />
15 Pour un espace plus féminin<br />
16 Karishma Ali : la footballeuse<br />
qui change la donne au Pakistan<br />
18 Le télétravail devient mobile<br />
avec ce camping-car de Nissan<br />
20 Robby Naish : le dieu du windsurf<br />
glisse sur son destin<br />
24 Mer forte<br />
Pour le photographe de surf<br />
Ben Thouard, le surfeur n’est<br />
plus forcément au cœur du<br />
sujet.<br />
38 Passez au vert<br />
Pour préserver la nature à<br />
laquelle il doit tant, l’ultratraileur<br />
Xavier Thévenard ne<br />
prend plus l’avion. Et vous ?<br />
44 Sous les cicatrices<br />
Nai Palm, chanteuse du groupe<br />
australien Hiatus Kaiyote,<br />
a transformé en motivation<br />
ses plus rudes épreuves.<br />
52 À son tour de briller<br />
Nous avons rencontré le pilote<br />
de F1 Max Verstappen à Monaco.<br />
Un nouveau Max. Au max.<br />
62 En roue libre<br />
Au rythme de la Bike Life newyorkaise,<br />
où le vélo est bien plus<br />
qu’un moyen de déplacement.<br />
FORMULA 1/ADRIAN GREEN, BEN <strong>FR</strong>ANKE, TRÉ KOCH<br />
6 THE RED BULLETIN
62<br />
Quand la jeunesse<br />
US prend son envol<br />
sur une roue.<br />
75<br />
44<br />
Nai Palm ne laisse<br />
pas les coups durs<br />
gâcher son voyage.<br />
Voyage : faites un saut en<br />
Suisse méditerranéenne pour<br />
grimper les blocs du Tessin<br />
80 Fitness : les bienfaits d’une<br />
bonne baignade en eau froide<br />
81 Fitness 2 : un rameur d’intérieur<br />
qui vous transporte<br />
82 Gaming : les jeux de survie<br />
peuvent-ils nous préparer aux<br />
dangers de l’aventure outdoor ?<br />
84 Minimalisme : si vous suivez<br />
leurs conseils, vous ne garderez<br />
pas ce magazine longtemps…<br />
86 Agenda : sur <strong>Red</strong> Bull TV ou<br />
dans la vraie vie, ce qu’il ne faut<br />
pas manquer<br />
88 Matos : prêt(e) à bouger à moto ?<br />
96 Ils et elles font The <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
97 Photo finale : chute dans le Sud<br />
THE RED BULLETIN 7
LOS ANGELES, USA<br />
Part de rêve<br />
Bluffant, comment le pionnier du freeride<br />
russe Pavel Alekhin s’affranchit des lois de<br />
la physique pour atteindre des sommets, et<br />
les nuages. Évidemment, la photo est arrangée.<br />
Cette image est l’œuvre du photographe<br />
et prodige de Photoshop Denis Klero, aussi<br />
compatriote de Pavel. « Je voulais transposer<br />
le vrai saut de Pavel, exécuté à Los Angeles,<br />
dans un environnement artificiel mais féerique,<br />
explique Klero. Car le talent de Pavel<br />
flirte avec les sommets. »<br />
Plus de photos de rêve : klero.ru<br />
DENIS KLERO/RED BULL CONTENT POOL
9
LANDMANNALAUGAR,<br />
ISLANDE<br />
Beauté en<br />
extinction<br />
« L’histoire est toujours la même, affirme<br />
Chris Burkard. Un paysage magnifique<br />
menacé de disparaître. » À bord d’un<br />
Cessna, le photographe californien<br />
survole le cours des rivières glaciaires<br />
d’Islande serpentant les Highlands telles<br />
les racines d’une gigantesque plante.<br />
Le Piper-Cub jaune (volant 300 m plus<br />
bas) semble n’être qu’un simple puceron.<br />
Retrouvez l’ensemble du projet dans le<br />
livre de Burkard : At Glacier’s End.<br />
chrisburkard.com
GOLFE DE FINLANDE<br />
Tour de<br />
contrôle<br />
Les phares sont plus divertissants<br />
qu’ils n’y paraissent. Le photographe<br />
Victor Sukhorukov le<br />
prouve. Le Russe a dû surmonter<br />
deux obstacles : un épais brouillard<br />
et un drone capricieux pour filmer<br />
le BASE jumper Semjon Lazarev<br />
parti du haut des quarante mètres<br />
de ce phare situé en Russie, près<br />
de Saint-Pétersbourg.<br />
tankizt.com<br />
CHRIS BURKARD, VICTOR SUKHORUKOV/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG<br />
11
RAUNHEIM, ALLEMAGNE<br />
J’ai vu de<br />
la lumière...<br />
Au volant de sa voiture, le photographe Robert<br />
Garo est passé maintes fois devant ce spot situé<br />
sur l’autoroute A3 au sud-ouest de Francfort<br />
sans jamais y prêter attention. Il finit par le remarquer<br />
un jour d’embouteillage. Il y revient de<br />
nuit pour examiner la structure de près. Celle-ci<br />
est, à sa grande joie, illuminée. Un décor idéal<br />
pour mettre en valeur le skateur Milan Hruška.<br />
Et une chance unique de briller lors du <strong>Red</strong> Bull<br />
Illume, le plus grand concours de photographie<br />
pour les sports d’aventure et d’action au monde.<br />
Plus de photos sur : robertgaro.net<br />
ROBERT GARO/RED BULL ILLUME
13
SKATE DURABLE<br />
Mets la gomme<br />
Deux étudiants en design rendent les villes plus propres<br />
avec des roues de skateboard mentholées.<br />
Les adeptes des sports de<br />
glisse sont soucieux de préserver<br />
leurs terrains de jeu. Pour<br />
le surfeur ou le snowboardeur,<br />
un spot abîmé est une source<br />
de plaisir gâché. Aussi, lorsque<br />
Hugo Maupetit et Vivian<br />
Fischer, deux étudiants nantais<br />
en design de 23 ans, réfléchissaient<br />
à un nouveau moyen de<br />
rendre les rues de la ville plus<br />
propres, la communauté des<br />
skateurs est apparue comme<br />
une évidence. Leur projet ?<br />
Récupérer les chewing-gums<br />
usés pour les transformer en<br />
roues de skate.<br />
Contrairement à la rumeur,<br />
un chewing-gum avalé ne reste<br />
pas éternellement dans votre<br />
estomac, votre corps l’expulsera.<br />
Mais sur le trottoir, il y restera<br />
longtemps à cause des<br />
matières plastiques qu’il recèle :<br />
polyéthylène (utilisé dans la<br />
fabrication des sacs plastiques)<br />
et caoutchouc butyle (utilisé<br />
dans les pneus).<br />
Étonné ? Rassurez-vous,<br />
vous n’êtes pas seul. Une étude<br />
réalisée en 2018 par Iceland,<br />
une chaîne de supermarchés<br />
britannique, révèle que 85 %<br />
des personnes interrogées<br />
l’ignoraient. Pire encore, plus<br />
de 80 % des milliards de<br />
chewing-gums mâchés chaque<br />
année atterrissent sur un<br />
trottoir. « Les rues de Nantes<br />
sont parsemées de taches<br />
blanches, explique Maupetit.<br />
Les skateurs constituent une<br />
Adhésion durable : une plaque à chewing-gums.<br />
communauté très sensible à la<br />
protection de l’environnement,<br />
et recycler des chewing-gums<br />
nous a semblé être une excellente<br />
initiative. Le chewinggum<br />
évoque pour nous la souplesse<br />
que requièrent les<br />
roues de skate dont l’usure<br />
est rapide. »<br />
Maupetit et Fischer ont installé<br />
des plaques de collecte<br />
près des skate parks et des<br />
points de ralliement locaux,<br />
invitant les skateurs à y coller<br />
leurs chewing-gums. Les<br />
plaques sont ensuite envoyées<br />
dans une usine où elles sont<br />
broyées avec le chewing-gum.<br />
Le polyméthacrylate de<br />
méthyle, qui compose la<br />
plaque, stabilise la texture.<br />
Celle-ci est mélangée à un<br />
matériau non révélé par Maupetit,<br />
avant d’être moulée par<br />
injection puis usinée. Ainsi,<br />
une roue recycle entre dix et<br />
trente chewing-gums en fonction<br />
de la dureté souhaitée.<br />
Le projet est, pour l’heure<br />
en phase, d’expérimentation.<br />
Maupetit et Fischer espèrent<br />
y associer des marques susceptibles<br />
d’offrir plus de<br />
débouchés à leur initiative.<br />
Ils ont sollicité le fabricant de<br />
chewing-gum Mentos et la<br />
célèbre marque Vans, qui<br />
n’ont pas donné suite à ce jour.<br />
« Mentos est intéressé, mais<br />
Vans n’a pas encore réagi,<br />
confie Maupetit. Les marques<br />
gagneraient à développer des<br />
projets en faveur de l’environnement,<br />
mais ne le font souvent<br />
que sous la contrainte. »<br />
Maupetit fait également<br />
état de réticences de la part<br />
de l’autorité locale, pourtant<br />
principale bénéficiaire du projet.<br />
« Nous avons arrêté l’installation<br />
de nouvelles plaques,<br />
la ville ne nous a pas délivré<br />
d’autorisation pour les emplacements<br />
ciblés. Mais cela<br />
devrait changer prochainement.<br />
Il en va de l’intérêt de<br />
tous. Nantes pourrait ainsi<br />
réduire ses coûts d’entretien<br />
des espaces publics. »<br />
Instagram : @hugo_maupetit ;<br />
@vivian_fischer_<br />
HUGO MAUPETIT, VIVIAN FISCHER LOU BOYD<br />
14 THE RED BULLETIN
THIS IS ENGINEERING/ROYAL ACADEMY OF ENGINEERING LOU BOYD<br />
ROCKET WOMEN<br />
L’espace<br />
universel<br />
Enfant, Vinita Marwaha Madill rêvait de devenir<br />
astronaute. Aujourd’hui, elle encourage les<br />
ambitions des générations futures.<br />
En 1993, Vinita Marwaha<br />
Madill a six ans. Dans la<br />
bibliothèque du coin, elle<br />
découvre un livre sur l’espace<br />
avec, sur l’une des pages, la<br />
photo d’Helen Sharman, première<br />
femme astronaute britannique<br />
et première femme<br />
d’Europe occidentale à aller<br />
dans l’espace. « J’ignorais<br />
alors l’existence d’une astronaute<br />
britannique, explique la<br />
femme de 34 ans, native de<br />
Londres. Le fait de voir à un<br />
jeune âge cette photo a été<br />
un déclic, réaliser mes rêves<br />
devenait soudain possible. »<br />
Cette découverte incite<br />
Marwaha Madill à s’engager<br />
Marwaha Madill a conçu des combinaisons<br />
pour l’espace et rédigé des<br />
procédures pour les astronautes.<br />
dans un parcours qui la mène à<br />
l’Université internationale de<br />
l’espace en France, à un emploi<br />
d’ingénieure des opérations<br />
spatiales au sein de l’Agence<br />
spatiale européenne (ESA) ;<br />
aujourd’hui, elle est chef de<br />
projet pour la société d’exploration<br />
spatiale et de robotique<br />
Mission Control Space Services<br />
à Ottawa (Canada).<br />
Désireuse d’encourager<br />
d’autres jeunes femmes à<br />
entrer dans l’industrie spatiale<br />
et à rejoindre le programme<br />
STIM (sciences, technologies,<br />
ingénierie et mathématiques)<br />
de la NASA, elle fonde en 2012<br />
Rocket Women, une plateforme<br />
mondiale qui relate des<br />
parcours de femmes remarquables<br />
dans les domaines de<br />
l’espace, les sciences et l’ingénierie.<br />
Récemment, le site a<br />
mis à l’honneur Dr Chiara Manfletti,<br />
responsable des stratégies<br />
de l’ESA, et feue Katherine<br />
Johnson, mathématicienne de<br />
la NASA et pionnière afro-américaine<br />
dont les calculs ont été<br />
essentiels à de nombreuses<br />
missions spatiales, notamment<br />
l’alunissage historique<br />
d’Apollo 11 en juillet 1969.<br />
« J’ai également été inspirée<br />
par Sally Ride, la première Américaine<br />
à aller dans l’espace,<br />
confie Marwaha Madill. “On ne<br />
peut pas être ce qu’on ignore’’,<br />
disait-elle. Rien n’est plus vrai. »<br />
En plus d’être un réseau permettant<br />
aux étudiantes en<br />
STIM de rencontrer des professionnelles,<br />
Rocket Women propose<br />
une ligne de vêtements<br />
dont les revenus assurent une<br />
bourse d’études à de jeunes<br />
étudiantes à l’Université internationale<br />
de l’espace — une<br />
étape cruciale dans le parcours<br />
professionnel de Marwaha<br />
Madill. « Je n’aurais pas pu étudier<br />
à l’ISU sans cette bourse »,<br />
insiste-t-elle. Anglaise originaire<br />
d’Inde, Marwaha Madill estime<br />
nécessaire de promouvoir la<br />
diversité dans le domaine des<br />
sciences et de l’ingénierie, une<br />
diversité de genre, mais aussi<br />
d’origine sociale et ethnique.<br />
« Au Royaume-Uni, environ 12 %<br />
des professionnels de l’ingénierie<br />
sont des femmes, et moins<br />
de 9 % sont issues de minorités<br />
ethniques. Statistiquement,<br />
une étudiante en ingénierie ou<br />
en STIM a de fortes chances<br />
d’être l’unique femme dans une<br />
salle de cours, d’où la nécessité<br />
d’une communauté qui vous<br />
soutient… L’ingénierie et les<br />
STIM doivent refléter la société,<br />
on ne le dira jamais assez, car<br />
les systèmes que nous concevons<br />
se destinent à tous. »<br />
rocket-women.com<br />
THE RED BULLETIN 15
Karishma Ali<br />
Droit au but<br />
La star du foot pakistanais parle de ses victoires, de sa lutte<br />
pour l’égalité des sexes et de son combat contre les haters.<br />
Texte ALEXANDRA ZAGALSKY<br />
Photo ABUZAR MIR<br />
beaucoup plus important que prévu.<br />
Elles m’ont montré qu’elles étaient<br />
prêtes à se battre pour leurs droits,<br />
et que je pouvais les aider. Au lieu<br />
d’inviter leurs pères et leurs frères à<br />
assister aux tournois, j’ai convié leurs<br />
mères, qui ont rarement l’occasion<br />
d’assister à de tels événements.<br />
En 2016, Karishma Ali établit un<br />
record à double lecture. Choisie pour<br />
représenter le Pakistan aux Jubilee<br />
Games à Dubaï, la pépite du football,<br />
alors âgée de 19 ans, devient la première<br />
fille de sa ville natale, Chitral,<br />
à participer à un grand tournoi sportif.<br />
Dès l’âge de neuf ans, Ali se passionne<br />
pour le football. Ses années<br />
de lycée à Islamabad, ville plus<br />
ouverte à l’éducation physique des<br />
filles, donnent un coup de pouce à<br />
sa carrière sportive. Elle décroche<br />
une médaille d’argent à Dubaï, et<br />
rentre chez elle avec l’envie d’inciter<br />
les femmes au sport. Pour ce faire,<br />
Ali organise un stage de football<br />
pour lequel elle s’attend à un intérêt<br />
très limité : à sa grande surprise, plus<br />
de cinquante filles s’y inscrivent.<br />
Mais ce succès s’accompagne d’un<br />
revers. Le district de Chitral – région<br />
montagneuse isolée du nord du<br />
Pakistan – est particulièrement<br />
conservateur et patriarcal. Ali est<br />
l’objet d’abus et menaces en ligne.<br />
« Difficile d’être imperméable à la<br />
haine et aux critiques quand on a<br />
18 ans, se souvient-elle aujourd’hui<br />
à 24 ans. Je m’endormais en pleurs. »<br />
Loin de se décourager, la jeune<br />
femme fonde en 2018 le Chitral<br />
Women’s Sports Club, qui propose<br />
aux filles de pratiquer le foot, le volley-ball,<br />
le cricket et même le ski. Le<br />
club compte actuellement plus de<br />
200 licenciées âgées de 8 à 16 ans.<br />
En janvier 2020, elle organise un<br />
stage de football à Islamabad : 37<br />
membres du club y participent, encadrées<br />
par des pros. « Les grands<br />
immeubles, les femmes au volant,<br />
tout cela les a impressionnées,<br />
confie-t-elle. Leur assurance sur le<br />
terrain était belle à voir. »<br />
Quant au club de Karishma, le<br />
Highlanders FC, il a participé cette<br />
année au championnat national<br />
féminin en atteignant les quarts de<br />
finale, avant que la compétition ne<br />
soit annulée après qu’un conflit politique<br />
pousse la FIFA à suspendre,<br />
au printemps dernier, la délégation<br />
pakistanaise de football. Mais la<br />
jeune femme, qui a intégré le 30<br />
Under 30 Asia, classement Forbes<br />
des jeunes entrepreneurs en 2019,<br />
ne recule jamais. Outre son académie<br />
de sport, elle dirige à Chitral<br />
un centre d’artisanat pour femmes,<br />
associé à des créateurs de mode et<br />
qui génère ses propres revenus.<br />
Désormais diplômée en gestion<br />
des affaires à l’université de Londres<br />
d’Islamabad, Ali ambitionne d’améliorer<br />
les infrastructures sportives<br />
de Chitral et de sa région. « Je veux<br />
construire un stade pour les filles et<br />
implanter des clubs dans toutes les<br />
vallées. Le foot est bien plus qu’un<br />
sport, c’est un levier de changement<br />
positif pour les communautés. »<br />
the red bulletin : Jouer au football<br />
n’est pas une mince affaire<br />
pour les filles de Chitral…<br />
karishma ali : Je le dois beaucoup<br />
à mon père. J’ai regardé la Coupe<br />
du monde 2006 à ses côtés. J’allais<br />
dehors et tapais dans tout ce que je<br />
pouvais. Mon père est très libéral<br />
et m’a encouragée à me lancer. Il a<br />
contribué à fonder la première école<br />
anglophone de Chitral en 2002. Les<br />
parents désireux d’y envoyer leurs<br />
fils devaient aussi y inscrire leurs<br />
filles. Mon jeu s’est beaucoup amélioré<br />
au lycée. Je tapais dans le ballon<br />
en Salwar kameez (l’uniforme<br />
traditionnel pakistanais, ndlr) avant<br />
les cours. Je me moquais d’être en<br />
sueur ou pas « jolie ».<br />
Vous attendiez-vous au succès dès<br />
votre premier stage ?<br />
Je n’avais que vingt formulaires<br />
d’inscription, mais les filles les ont<br />
photocopiés, le groupe a fini par être<br />
Comment le stage d’été s’est-il<br />
transformé en club permanent ?<br />
Les joueuses dont je m’occupe<br />
viennent de quarante villages différents.<br />
Même avec un terrain attitré,<br />
de nombreuses filles marchaient<br />
jusqu’à deux heures pour s’y rendre.<br />
Depuis 2019, la subvention Made to<br />
Play (octroyée par Nike et Gurls Talk,<br />
une association pour la promotion du<br />
bien-être psychique des jeunes femmes,<br />
ndlr), nous permet de louer des<br />
Jeeps pour le transport. C’est ainsi<br />
que le nombre d’adhérentes a doublé.<br />
Chitral possède le taux de suicide le<br />
plus élevé du Pakistan, et un grand<br />
nombre de ces suicides concerne les<br />
jeunes femmes. Beaucoup sont issues<br />
de milieux défavorisés. Le football<br />
leur offre une nouvelle perspective.<br />
Il les éduque et les unifie. Le club est<br />
né du bonheur de jouer.<br />
Vos actions vous ont valu de figurer<br />
sur la liste Forbes 30 Under 30<br />
Asia…<br />
Figurer parmi des leaders exemplaires<br />
est une grande fierté. J’ai tout<br />
de suite appelé mon père, qui n’a pu<br />
retenir ses larmes. On me prenait<br />
pour folle parce que je croyais en mes<br />
rêves, mais en devenant la première<br />
Chitrali à figurer dans Forbes, j’ai fait<br />
la une des journaux pakistanais. Cela<br />
a changé la perception que suscitent<br />
les sportives.<br />
Toute cette activité a néanmoins<br />
fini par vous attirer des trolls…<br />
À l’époque, cette haine m’a poussée<br />
à m’éloigner des réseaux sociaux<br />
pendant deux mois, j’étais secouée.<br />
Les insultes n’ont pas cessé, surtout<br />
après les qualifications d’Islamabad<br />
pour le championnat national féminin,<br />
mais vous savez, je n’ai pas<br />
reculé à 19 ans, alors aujourd’hui<br />
encore moins. Nul ne se mettra en<br />
travers de ma route. Je suis en feu.<br />
Twitter : @karishmaAli22<br />
16 THE RED BULLETIN
« Je tapais<br />
dans le ballon<br />
avant les<br />
cours. Je me<br />
moquais de<br />
ne pas être<br />
“jolie”. »<br />
THE RED BULLETIN 17
Mon Vanhattan :<br />
un cocktail sur le<br />
toit quand vous ne<br />
conduisez pas —<br />
pensez au frein<br />
à main.<br />
NISSAN OFFICE POD<br />
Un business<br />
qui roule<br />
Voyage d’affaires ou voyage à faire,<br />
en camping-car, ça roule.<br />
Jusqu’à présent, si vous vouliez<br />
partir à la découverte du<br />
monde sans contrainte, vous<br />
deviez épargner et souvent<br />
démissionner. Mais la pandémie<br />
de l’an dernier a changé<br />
la donne. Le télétravail et les<br />
réunions en ligne ont banalisé<br />
le travail à distance. Une évolution<br />
qui a incité le constructeur<br />
automobile japonais<br />
Nissan à concevoir un camping-car<br />
d’un genre nouveau<br />
intégrant un espace bureau.<br />
Une manière d’allier vie nomade<br />
et vie professionnelle<br />
classique.<br />
Le bureau rétractable via<br />
une application mobile, peut<br />
accueillir une personne, un bureau,<br />
un écran grand format<br />
et une chaise ergonomique du<br />
célèbre fabricant de meubles<br />
américain Herman Miller. Le<br />
sol transparent vous rappelle<br />
entre deux courriels que vous<br />
êtes sur un sentier de montagne<br />
ou au bord d’une plage.<br />
Après l’effort, place au<br />
réconfort : l’appli range le bureau,<br />
le moment est propice<br />
à une randonnée ou à une<br />
séance de surf. À votre retour,<br />
la lampe UV antibactérienne<br />
placée dans la boîte à gants<br />
désinfecte vos effets personnels.<br />
Le toit du véhicule tient<br />
lieu de terrasse avec chaise<br />
longue et parasol, idéal pour<br />
l’apéro. Selon une étude<br />
menée en 2018 par MBO<br />
Partners, une société de solutions<br />
high-tech, 4,8 millions<br />
d’Américains se considéraient<br />
comme des « nomades numériques<br />
», un nombre en forte<br />
augmentation. « Le travail à la<br />
maison pose divers problèmes<br />
à beaucoup d’employés, explique<br />
Nissan à propos de son<br />
concept. En élargissant leur<br />
choix quant au lieu et à la<br />
manière de travailler, nous<br />
les aidons à surmonter ce<br />
problème. »<br />
Présenté cette année lors<br />
de l’édition virtuelle du salon<br />
de l’automobile de Tokyo,<br />
l’Office Pod est encore au<br />
stade de concept qui, toutefois,<br />
s’appuie sur une version<br />
modifiée du fourgon ultracompact<br />
NV350, le projet est<br />
donc pris au sérieux en interne.<br />
« C’est le début d’une<br />
nouvelle ère où concevoir nos<br />
propres modes de vie devient<br />
possible, estime le constructeur<br />
automobile, et où notre<br />
lieu de travail correspond à<br />
notre idéal. »<br />
nissan.fr<br />
NISSAN LOU BOYD<br />
18 THE RED BULLETIN
RED BULL AU<br />
GOÛT DE PASTÈQUE.<br />
<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />
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Robby Naish<br />
Toujours à l’eau<br />
À 58 ans, le plus grand windsurfeur de tous les temps<br />
surfe comme à son habitude et n’est pas prêt à raccrocher.<br />
Texte JÜRGEN SCHMIEDER<br />
Robby Naish naît en 1963 à La Jolla,<br />
en Californie, cinq ans avant que le<br />
premier brevet de la planche à voile<br />
ne soit déposé. En 1976, il devient<br />
champion du monde de la discipline<br />
à seulement 13 ans. Il raflera ce titre<br />
24 fois durant les deux décennies suivantes.<br />
« À aucun moment, je me dis<br />
que je peux en faire mon métier,<br />
confie Naish. L’idée d’une carrière ou<br />
me projeter dans l’avenir ne m’effleure<br />
même pas. Je vis l’aventure<br />
sans me poser de questions. »<br />
Plus de quatre décennies plus tard,<br />
l’aventure dure encore. À 58 ans, Naish<br />
remue toujours sa planche et son<br />
sport, une légende et l’incarnation<br />
vivante de l’évolution des sports nautiques<br />
à travers le monde. En 1968, le<br />
père de Naish, un surfeur passionné,<br />
installe la famille à Hawaï. Robby a<br />
cinq ans. Aujourd’hui, il y vit encore,<br />
mais le paysage autour de lui a bien<br />
évolué, au surf et à la planche à voile<br />
s’ajoute entre autres le kitesurf, le<br />
paddle (SUP), le surf foil. Au milieu<br />
des années 90, il lance sa propre<br />
entreprise, Naish Sails, et crée des<br />
équipements innovants pour ces<br />
sports émergents. « C’est venu naturellement<br />
sans calcul préalable.<br />
Planche à voile, waveboard, planche<br />
de slalom, kite, foil à aile gonflable,<br />
longboard ou SUP, sont des variantes<br />
auxquelles je me suis adapté parce<br />
que j’en avais les compétences et les<br />
moyens. »<br />
En 2016, Joe Berlinger, réalisateur<br />
en 2004 du rockumentaire Metallica:<br />
Some Kind of Monster, contacte Naish<br />
pour un film sur les plus grandes<br />
vagues au monde. Un peu avant le<br />
début du projet, Naish se fracture le<br />
bassin lors d’une figure aérienne mal<br />
négociée et met sa vie en danger.<br />
Le film, sorti cette année, est le poignant<br />
témoignage d’un athlète face<br />
à une onde d’un autre genre, celle<br />
de sa propre mort.<br />
Rétabli, Naish a depuis vieilli et<br />
s’est assagi, mais son optimisme n’a<br />
pas pris une ride. « Mon dernier titre<br />
mondial date de plusieurs décennies,<br />
mais ne comptez pas sur moi pour<br />
ruminer le passé. Je suis aussi actif<br />
qu’il y a trente ans, et heureux d’être<br />
ce vieil athlète qui prend de l’ibuprofène<br />
au réveil, améliore sa technique<br />
ou développe de nouveaux sports<br />
pour inciter les plus jeunes à sortir<br />
et à s’amuser. »<br />
the red bulletin : L’ibuprofène<br />
n’explique pas tout. Comment<br />
entretenez-vous votre forme en<br />
dehors de l’eau ?<br />
robby naish : Mes pairs s’étirent,<br />
font une demi-heure de yoga par<br />
jour. Je déteste le yoga et m’étire peu.<br />
Pour moi, plus c’est raide, plus c’est<br />
fort. Il en va ainsi depuis mes 20 ans.<br />
N’importe quel entraîneur trouverait<br />
cela insensé. Les chutes dans l’eau<br />
ont peu d’impact ce qui n’empêche<br />
pas l’usure des articulations à un<br />
rythme certes bien plus lent qu’avec<br />
des blessures à répétition aux<br />
genoux, aux coudes et aux épaules.<br />
J’essaie d’aller sur l’eau tous les jours,<br />
car avec l’âge, l’inactivité se paie cher.<br />
La blessure reste le principal ennemi.<br />
J’ai travaillé dur pour me remettre de<br />
mes récentes fractures (en 2016, et<br />
une autre au pied droit en 2017, ndlr).<br />
À Hawaï, le fait de pouvoir surfer<br />
toute l’année aide aussi.<br />
Racontez-nous cette blessure…<br />
J’ai cru sur le coup que mon dos était<br />
brisé. La chute n’est pas violente,<br />
mais j’atterris mal, je serais incapable<br />
de la refaire même en essayant des<br />
centaines de fois. Le pied à l’arrière<br />
sort du strap et s’enfonce dans l’eau<br />
derrière moi tandis que la planche<br />
emporte le pied resté calé dans<br />
l’autre strap. L’aile se déplace à vive<br />
allure et je n’arrive pas à basculer<br />
le poids du corps vers l’avant. Je<br />
sens un craquement dans le dos en<br />
tombant à l’eau. Je remue les jambes<br />
pour vérifier si elles répondent et<br />
c’est le cas. Je conclus à un déchirement<br />
de ligament. Je me traîne<br />
sous le vent jusqu’à la plage où ma<br />
mine inquiète visiblement. L’instant<br />
d’après, je suis sur une civière à l’hôpital,<br />
puis dans un avion médicalisé<br />
pour Honolulu. Je venais de vivre<br />
ma première blessure grave, une<br />
expérience instructive, mais très<br />
désagréable.<br />
Certains disent qu’un athlète<br />
meurt deux fois : à la fin de sa carrière,<br />
puis à la fin de sa vie. Vous<br />
n’avez toujours pas rencontré<br />
votre première mort…<br />
Cette affirmation est très vraie. La<br />
plupart des athlètes tournent non<br />
sans peine la page après quelques<br />
années de carrière. Un passage difficile<br />
à vivre lorsque ce qui a le plus<br />
compté pour vous s’arrête soudainement.<br />
J’ai progressivement quitté la<br />
compétition, mais sans prendre ma<br />
retraite sportive. La compétition a<br />
toujours été secondaire, du coup ma<br />
vie a peu changé ; je participais à six<br />
ou sept compétitions par an sans courir<br />
après les points, tandis que le reste<br />
prenait plus de place. Conception,<br />
voyages promotionnels, vidéos, des<br />
journées bien remplies. De plus, mon<br />
éventail de sports s’est étoffé : kite,<br />
paddle, et plus récemment le foil et<br />
le wingsurf. J’ai plus de choses à faire<br />
que de temps pour les accomplir.<br />
CRAIG KOLESKY / RED BULL CONTENT POOL<br />
20 THE RED BULLETIN
« Le plus<br />
bruyant est<br />
rarement le<br />
plus brillant. »<br />
THE RED BULLETIN 21
Robby Naish<br />
Le rêve d’un ado : en 1976, Naish, 16 ans, sur la plage du Diamond Head on Oahu, Hawaï.<br />
Cela peut être préjudiciable à un<br />
sport comme le windsurf ?<br />
Je ne me fais pas de souci pour le<br />
sport, mais cela change la donne. Le<br />
lien spontané avec la nature disparaît.<br />
Avant, on sautait dans un avion<br />
sans savoir quelle météo on aurait à<br />
destination. Maintenant, vous savez<br />
à l’avance quelle houle il y aura aux<br />
Fidji dans deux jours. Je vois beaucoup<br />
de jeunes doués en surf, et ils<br />
semblent s’amuser tout autant que<br />
nous à leur âge. Mais une fois rentrés<br />
chez eux, ils s’empressent de poster<br />
leurs figures au lieu d’apprécier l’instant<br />
et de se réjouir à l’idée de renouveler<br />
l’expérience.<br />
À quel moment vous êtes-vous dit :<br />
« Je peux vivre de cette passion » ?<br />
Ma première compétition de planche<br />
à voile remonte à 1981, j’étais en<br />
classe de terminale. Mon dilemme<br />
était le suivant : soit je passais pro,<br />
soit je restais amateur pour espérer<br />
partir aux Jeux olympiques (en 1984,<br />
la planche à voile intègre les disciplines<br />
pour la première fois, ndlr).<br />
À l’époque, si un athlète perçoit le<br />
moindre dollar, il passe pro de facto<br />
et donc exclu des Jeux réservés<br />
aux seuls amateurs. J’ai fait don<br />
de mes deux premiers gains à mon<br />
lycée. C’est à ce moment que cette<br />
possibilité s’est concrétisée. J’ai été<br />
admis à l’université de Santa Cruz,<br />
en Californie et des sponsors proposaient<br />
de me payer pour faire de la<br />
planche à voile. J’ai repoussé d’un an<br />
mes études pour tenter l’aventure. Je<br />
n’ai pas fait marche arrière depuis.<br />
Nombre d’athlètes au succès<br />
précoce se sont brûlé les ailes.<br />
Pas vous. Pourquoi ?<br />
Cela tient à la chance, au fait de faire<br />
partie des pionniers. Ma personnalité<br />
a joué aussi : j’étais solitaire,<br />
peu sociable et égocentrique. Je<br />
fréquente peu de monde et ne sors<br />
« Les regrets<br />
empoisonnent<br />
la vie. Ma vie,<br />
je l’aime. »<br />
quasi jamais avec des amis ; je suis<br />
un peu bizarre. J’ai ainsi évité les<br />
distractions susceptibles de déconcentrer<br />
un athlète. La lassitude peut<br />
parfois entamer la motivation chez<br />
certains. Je ne suis pas mû par des<br />
objectifs, je ne m’en suis d’ailleurs<br />
jamais fixé. Si l’objectif prend le pas<br />
sur le plaisir, l’envie de réussir finit<br />
par vous quitter. J’aime tout bonnement<br />
ce que je fais.<br />
Vous dites être peu sociable dans<br />
un monde pourtant dominé par les<br />
réseaux sociaux aujourd’hui…<br />
Ils permettent à chacun de se mettre<br />
en valeur et de se faire connaître<br />
sans l’aide d’un agent ou d’un photographe.<br />
Ça, c’est le côté positif.<br />
En revanche, il s’agit moins de devenir<br />
meilleur que d’obtenir des likes et<br />
un million de vues. L’auto- promotion<br />
des athlètes n’a rien de nouveau,<br />
mais ce n’est pas très valorisant —<br />
c’est à celui qui sera le plus bruyant<br />
et en général c’est rarement le plus<br />
brillant. Je déteste les réseaux, mais<br />
impossible d’y échapper.<br />
Avez-vous des regrets au regard de<br />
votre parcours ?<br />
Non, les regrets empoisonnent la vie<br />
et moi j’aime ma vie. Elle n’est pas<br />
parfaite, mais j’ai une sacrée chance<br />
d’être aujourd’hui qui je suis, comme<br />
je suis. D’avoir la liberté de faire ce<br />
que je veux, sans prendre pour acquis<br />
les gens qui financent ma passion.<br />
Cela peut s’arrêter à tout moment –<br />
l’avenir d’un sportif professionnel est<br />
des plus précaires. Alors je savoure<br />
ma vie comme il se doit.<br />
En quête de la vague<br />
la plus longue<br />
Un documentaire accompagne<br />
Naish dans sa dernière aventure.<br />
De la Namibie au Pérou en passant par le<br />
Costa Rica, Robby Naish a passé trois ans<br />
à sillonner le monde, chevauchant les<br />
plus grosses vagues sur son stand-up<br />
paddle. Accompagné du cinéaste Joe<br />
Berlinger, nommé aux Oscars, le surfeur<br />
découvre un nouveau sport, mais aussi<br />
une partie de lui-même. Cette aventure,<br />
probablement la plus émouvante de la<br />
carrière de Naish, est le sujet du documentaire<br />
The Longest Wave.<br />
Disponible sur <strong>Red</strong> Bull TV dès le 10 août ;<br />
infos : redbull.com<br />
THE LONGEST WAVE<br />
22 THE RED BULLETIN
MODÈLE SPEED LIGHT GREY<br />
L UNETTES DE SOLEIL<br />
SPORTS DE VITESSE
La vague de verre, décembre 2015<br />
« Nous sommes sur la côte nord de Tahiti, avec<br />
des houles venant d’Hawaï, voire de plus loin.<br />
Une vague, un shorebreak, se forme juste au<br />
bord de la plage de sable noir, et en le remuant,<br />
cela crée toute cette variété de couleurs. Ici,<br />
c’est le lever du soleil, avec une falaise derrière,<br />
ce qui donne un côté très sombre. Les premiers<br />
rayons du soleil passent par-dessus la falaise<br />
et éclairent cette lèvre d’eau, donnant un fort<br />
contraste, comme s’il s’agissait de verre ou de<br />
dentelle. Je suis au bord de la plage et il ne faut<br />
pas se faire attraper par la vague, car ça peut<br />
faire mal. J’ai déjà perdu mon appareil photo<br />
et mes palmes dans de telles circonstances.<br />
On est comme démembré par l’impact de la<br />
lèvre sur le sable. »<br />
24
MER<br />
FORTE<br />
Le photographe BEN THOUARD<br />
capture des images des tubes<br />
implacables de Tahiti, et de ceux<br />
qui sont assez téméraires pour les<br />
chevaucher. Une passion pour les<br />
vagues devenue fascination.<br />
Texte PH CAMY
Ben Thouard<br />
Sortie de secours, août 2017<br />
« Avec le surfeur australien Adrian Buchan sous la fameuse vague de Teahupo’o<br />
(considérée comme l’une des plus dangereuses au monde en raison de sa taille<br />
et de sa puissance, et parce qu’elle déferle sur un récif corallien acéré. Le nom<br />
du site de Teahupo’o vient du polynésien, et signifie « le mur de crânes », ndlr).<br />
Ici, à plusieurs centaines de mètres au large, les vagues roulent sur un récif<br />
corallien dépourvu de sable et de particules, et nous avons des conditions<br />
exceptionnelles, une clarté extraordinaire. On voit que la vague ne s’ouvre pas,<br />
qu’elle va s’écraser, alors Adrian décide de s’en sortir en la traversant. J’étais<br />
sur le point de filmer Adrian dans le tube, mais il a surgi à travers la vague<br />
au moment où elle se brisait. C’est ce qui donne cette image inhabituelle :<br />
Adrian debout sur sa planche, mais sous l’eau. »<br />
26 THE RED BULLETIN
THE RED BULLETIN 27
Ben Thouard<br />
En aveugle, avril 2016<br />
« J’aime les clichés engagés, au plus près de<br />
l’action. Ici, avec le surfeur français William Aliotti<br />
à Teahupo’o, je suis juste sous le rebord d’une<br />
vague sur le point de s’écraser sur le boîtier étanche<br />
de mon appareil photo. Je suis déjà complètement<br />
sous l’eau, commençant mon plongeon pour échapper<br />
à l’impact, mais mon bras est encore hors de<br />
l’eau pour shooter. Et puis – hop ! – je tire mon bras<br />
sous l’eau. Je dois passer sous la surface pour éviter<br />
d’être projeté. Je shoote en aveugle et je joue<br />
avec le risque, avant que tout n’explose. »<br />
28 THE RED BULLETIN
Chasseur de slabs, avril 2020<br />
« En plus de mon travail de photographe de surf,<br />
je me suis intéressé à des endroits qui ne sont<br />
pas forcément des spots de surf, où les vagues<br />
prennent des formes incroyables. Ici, non loin<br />
de Teahupo’o, se trouve un surplomb de récifs<br />
où les vagues se brisent en tubes. Je suis dans<br />
l’eau avec un objectif de 300 mm (un téléobjectif,<br />
ndlr), ce qui n’est pas courant pour<br />
photographier à la nage, mais qui me permet<br />
de me concentrer sur cette courbe, ce détail.<br />
J’adore la texture de la surface, et cette courbe<br />
gigantesque et majestueuse, de 4 à 5 m de haut.<br />
Ce genre de forme atypique a un nom : un slab. »<br />
« Je shoote en aveugle<br />
et je joue avec le risque,<br />
avant que tout n’explose. »<br />
THE RED BULLETIN 29
L’attente, mai 2019<br />
« Deux photos prises au même endroit, le même jour : Teahupo’o à 6 heures du matin. La brise matinale arrache<br />
l’écume de la lèvre de la vague, la lumière rasante du lever du soleil illuminant ces projections d’eau volante,<br />
avec ces grandes montagnes en arrière-plan. Sur la photo du haut, les surfeurs attendent, les yeux rivés sur<br />
le large. Sur celle du bas, un surfeur s’est élancé avec une vague, et les autres se positionnent pour la suivante.<br />
Je travaille beaucoup en jet ski, car il me permet d’être très mobile, réactif et, surtout, seul et autonome.<br />
Ici, je suis derrière les vagues, le regard tourné vers le rivage. Cela m’offre un angle complètement opposé. »<br />
30 THE RED BULLETIN
Ben Thouard<br />
« Si tu fais une erreur, l’océan ne pardonne pas »<br />
the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a motivé à<br />
plonger votre appareil photo dans l’eau ?<br />
ben thouard : Je suis surfeur depuis tout jeune, mais<br />
je vivais à Toulon, pas la meilleure région pour le surf.<br />
Alors à l’adolescence j’ai commencé à faire de la planche<br />
à voile, puis de la photographie, en faisant un stage avec<br />
Bernard Biancotto, l’un des pionniers de la photo de<br />
windsurf. À 19 ans, j’ai pu aller à Hawaï pour faire des<br />
images de planche à voile. J’avais mon appareil photo et<br />
un boîtier étanche fait maison. Cela m’a conduit à Tahiti<br />
en 2008, et ce fut le coup de foudre. La culture, les gens,<br />
la qualité des vagues, la clarté de l’eau, la lumière changeante<br />
et les différentes atmosphères dans la même<br />
journée… tout était attirant. Je me suis installé ici pour<br />
développer ma photographie de surf. J’avais 22, 23 ans.<br />
À quel moment avez-vous décidé de prendre des<br />
photos de vagues sans surfeurs ?<br />
Environ six ans après mon installation à Tahiti. Il y a eu<br />
une évolution progressive dans mon travail. Cela peut<br />
paraître triste, mais désormais, pour moi, la photo de<br />
surf est davantage un travail ; la photographie de vagues<br />
est devenue une approche personnelle, une rêverie. Je<br />
voulais me libérer des contraintes de la presse ou des<br />
marques qui me passaient des commandes, et montrer<br />
ce qui m’attire dans l’océan, de manière intemporelle.<br />
La tenue, la planche du surfeur datent un<br />
cliché de surf, mais une bonne photo de vague<br />
sera toujours bonne dans vingt ans. J’ai travaillé<br />
dur sur le sujet, photographiant des<br />
vagues dans toutes sortes de conditions, puis<br />
j’ai commencé à vendre des photos en ligne.<br />
J’ai auto-publié mon livre dédié aux vagues,<br />
Surface, en 2018. Cette fin d’année, j’en sortirai<br />
un nouveau, sûrement intitulé Turbulences.<br />
Pourquoi photographier quelque chose<br />
d’aussi insaisissable ?<br />
Ce qui me fascine dans les vagues, c’est de<br />
saisir une image unique, qui peut être<br />
esthétique, graphique ou simplement<br />
belle ; une image qui traduit<br />
la puissance de l’océan : une<br />
forme majestueuse, une explosion,<br />
un vortex qui apparaît<br />
sous l’eau lorsque la vague se<br />
brise. Je trouve fabuleux de<br />
transmettre la beauté de la<br />
nature et de sa force.<br />
Que ressentez-vous dans<br />
les vagues ?<br />
De l’excitation. Et, quand<br />
c’est une grosse vague,<br />
un peu de peur, bien<br />
sûr. Je suis fasciné face<br />
à tant de beauté.<br />
Ce que vous faites exige un haut niveau de forme<br />
physique. Quelle est votre routine côté fitness ?<br />
Je surfe autant que je peux, et j’ai une certaine hygiène<br />
de vie. En outre, je fais des prises de vue plusieurs fois<br />
par semaine et, lorsque les conditions sont bonnes,<br />
je suis dans l’eau trois heures le matin et trois heures le<br />
soir – c’est beaucoup de nage sur place, à attendre avec<br />
mon appareil, pas mal d’apnée aussi. Puis, soudain, une<br />
série de vagues arrive et il faut sprinter, pour échapper à<br />
la vague, ou se placer au bon endroit pour shooter,<br />
avant de plonger – une sorte d’apnée dynamique.<br />
De quel type de matériel avez-vous besoin ?<br />
J’utilise un Canon dans un caisson étanche Aquatech.<br />
C’est un classique des séries professionnelles 1D et 5D,<br />
qui peut prendre des rafales de 15 à 20 images par<br />
seconde avec un autofocus très rapide. J’utilise des<br />
objectifs classiques : fisheye, grand angle, ou autre<br />
lorsque les vagues sont plus grosses. On peut aussi utiliser<br />
un gros téléobjectif qui rentre dans le caisson<br />
étanche. J’ai à peu près 5 kilos de matériel en main.<br />
Comment manipulez-vous tout cela ?<br />
Avec une poignée façon fusil à harpon, ça me sert par<br />
exemple pour saisir les derniers instants d’une action<br />
avec le bras hors de l’eau. J’ai aussi des hublots interchangeables<br />
sur le boîtier étanche pour changer<br />
d’objectif, et des boutons pour régler la caméra<br />
et actionner l’obturateur – je photographie<br />
manuellement. Le tout attaché à mon<br />
bras avec un leash comme celui à la cheville<br />
du surfeur. Tu dois nager, te positionner,<br />
cadrer et faire la mise au point,<br />
et lorsque le surfeur se jette dans la vague<br />
à Mach 12, ne pas le rater. Et si tu fais une<br />
erreur, l’océan ne pardonne pas.<br />
C’est-à-dire ?<br />
Je me suis retrouvé projeté sur le récif<br />
comme si j’étais plaqué à un sol<br />
recouvert de lames de rasoir.<br />
Ça peut arracher tes palmes,<br />
ou bien ton leash te projette<br />
l’appareil au visage. Le but est<br />
d’être au cœur de l’action<br />
sans être enfermé dans la<br />
vague, et d’avoir toujours<br />
une solution de sortie.<br />
Ça n’est jamais lassant ?<br />
Je suis à l’eau depuis plus<br />
de quinze ans, mais je suis<br />
toujours étonné par ce que<br />
j’y vois. C’est toujours en<br />
mouvement et changeant,<br />
ça reste excitant. C’est la<br />
force de la passion.<br />
benthouard.com<br />
THE RED BULLETIN 31
Ben Thouard<br />
Master, mai 2019<br />
« On me demande si j’ai trafiqué<br />
cette photo. Pas du tout, c’est une<br />
lumière complètement naturelle.<br />
Nous sommes une heure avant le<br />
coucher du soleil, avec une montagne<br />
derrière nous, à contre-jour,<br />
avec ce vent offshore qui vient arracher<br />
les embruns de la houle.<br />
Cela crée un jeu de lumière unique :<br />
des gouttelettes d’eau réfléchissant<br />
la lumière et contrastant avec le<br />
fond dans l’ombre. Deux éléments<br />
qui s’affrontent : l’eau et le vent. »<br />
33
Le surfeur inconnu,<br />
mai 2019<br />
« Sous la vague Teahupo’o. Ce jour-là,<br />
l’attente entre les vagues était très longue,<br />
parfois 25 minutes, ce qui m’a offert une<br />
telle clarté d’eau – on peut voir les poissons<br />
et le corail au premier plan. J’ai<br />
tourné toute la matinée pour obtenir deux<br />
ou trois photos, en me plaçant au fond<br />
de l’eau. Il faut anticiper la vague, plonger<br />
au bon moment, se retourner, préparer ses<br />
réglages et son cadrage – tout cela sous<br />
l’eau. On dirait que le surfeur vole, avec<br />
le soleil qui vient frapper le poisson. Cette<br />
image peut être apaisante à regarder,<br />
mais pas à prendre. Et je ne sais toujours<br />
pas qui est ce surfeur. »<br />
34 THE RED BULLETIN
Ben Thouard Surf<br />
Le local,<br />
avril 2015<br />
« Une journée avec des conditions<br />
exceptionnelles : un océan<br />
calme et lisse comme un miroir,<br />
qui nous offre un beau swell de<br />
2, 3 mètres. Et les prouesses<br />
techniques du local, Michel<br />
Bourez, qui se glisse avec aise<br />
sous la lèvre de Teahupo’o ! »<br />
THE RED BULLETIN 35
« Avant cette image,<br />
il y a des années de<br />
photos ratées. »
Ben Thouard<br />
Full speed,<br />
juin 2016<br />
« Matahi Drollet, surnommé le<br />
“Prince de Teahupo’o”, est l’un<br />
des surfeurs les plus doués au<br />
monde. Je l’ai photographié en<br />
utilisant une vitesse d’obturation<br />
plus lente, en attrapant tout ce<br />
qui passe pendant les dixièmes<br />
de seconde où l’obturateur reste<br />
ouvert, ce qui donne ce flou filé.<br />
C’est esthétique mais compliqué,<br />
car il faut avoir quelque chose de<br />
net dans l’image. Il a son regard<br />
fixé sur moi, et sa planche et ses<br />
jambes comme aspirées par<br />
cette machine à laver, ce qui permet<br />
de ressentir la vitesse et la<br />
puissance de la vague. Pour obtenir<br />
une telle photo, il faut de la<br />
chance, mais surtout de la détermination.<br />
J’ai pris des milliers de<br />
photos avant d’obtenir celle-ci –<br />
des années de photos ratées. Je<br />
suis sur un bateau avec d’autres<br />
photographes, tous en train de<br />
photographier la même chose, et<br />
je pense à cette technique en me<br />
disant : “Si tu n’obtiens aucune<br />
photo à la fin, ce n’est pas grave,<br />
mais si tu obtiens quelque chose,<br />
alors ce sera vraiment différent<br />
des autres.” »<br />
Du pur bonheur, avril 2017<br />
« Une photo toute simple, mais un moment magique.<br />
Il doit être 6 heures du matin, je suis parti sous la pluie, et au<br />
moment où j’arrive sur place, il y a cette grande percée de<br />
lumière dans le ciel, avec un grain qui vient de s’évaporer.<br />
Les petits plaisirs de la vie : on se lève tôt, on arrive à l’eau et<br />
on voit ça. La journée commence bien. Du pur bonheur. »<br />
THE RED BULLETIN 37
PASSEZ<br />
AU VERT<br />
Il est l’un des meilleurs ultra-traileurs de<br />
la planète (trois victoires à l’Ultra-Trail du<br />
Mont-Blanc en 2013, 2015, 2018, entre<br />
autres) mais il a cessé de prendre l’avion<br />
pour préserver son terrain de jeu : la nature.<br />
Aucun trophée ne le fera changer d’avis.<br />
Comment suivre ses traces, même si on n’a<br />
pas le même rythme ? Le Jurassien XAVIER<br />
THÉVENARD, 33 ans, parle du déclic nécessaire<br />
pour adopter des comportements<br />
verts simples, et ce qu’il lui a fallu pour<br />
passer des paroles aux actes.<br />
Texte PATRICIA OUDIT<br />
Photos JORDAN MANOUKIAN<br />
Xavier Thévenard, dans la nature où<br />
il s’éclate depuis l’enfance, et où il<br />
est devenu une figure de l’ultra-trail.<br />
38 THE RED BULLETIN
39
Xavier Thévenard<br />
the red bulletin : Xavier, vous venez<br />
de courir la Lavaredo, dans les Dolomites<br />
en Italie, comment vous sentez-vous<br />
pour ce retour aux sentiers ?<br />
xavier thévenard : J’ai abandonné au<br />
33 e kilomètre. Je n’ai pas encore récupéré<br />
de mon Covid, en novembre, j’ai<br />
attrapé une forme très virulente, avec<br />
des gros problèmes de respiration à ne<br />
pas en dormir la nuit. J’ai passé dix jours<br />
au lit, mal, très mal. Au bout d’un mois<br />
et demi, ça allait mieux, mais ce virus,<br />
c’est un peu la roulette russe. Il y a des<br />
moments où ça va à peu près, d’autres<br />
où je souffre d’oppressions au niveau<br />
du thorax. C’est ce qui s’est passé sur<br />
cette course, j’ai eu des sensations<br />
d’étouffements, et toute mon énergie<br />
s’est dégradée. De toutes façons, au<br />
niveau plaisir, c’était zéro, donc ça ne<br />
servait à rien de continuer…<br />
On sait aujourd’hui qu’il existe un lien<br />
entre cette pandémie et la dégradation<br />
des écosystèmes par l’homme. Vous<br />
avez décidé bien avant le Covid de<br />
vous investir pleinement dans la<br />
protection de l’environnement.<br />
Jusqu’à ne plus prendre l’avion…<br />
C’est une décision que j’ai mûrie depuis<br />
des années. L’an passé, je suis allé en<br />
Corse en bateau pour ma tentative de<br />
record du GR 20*. Je n’ai pas fait ça pour<br />
créer le buzz ou la polémique, cela fait<br />
partie de mes engagements depuis tout<br />
jeune. J’ai toujours eu des convictions<br />
écologiques, toujours été un peu militant.<br />
Je me souviens qu’au collège et au<br />
lycée, j’avais déjà des sujets de discussion<br />
sur l’écologie, sur des choses et des actes<br />
qui me révoltaient. Par la suite, j’ai été<br />
influencé par des gens proches des<br />
théories de la décroissance ou de<br />
« On donne<br />
des cours sur<br />
l’écologie à<br />
l’école, c’est<br />
bien, mais il faut<br />
une connexion<br />
physique avec<br />
la nature. »<br />
l’effondrement comme Aurélien Barrau<br />
ou Pablo Servigne, ce sont des personnalités<br />
que je suis sur les réseaux. Ils me<br />
semblent aller dans le bon sens.<br />
*ratée d’une heure et 26 minutes en juillet<br />
2020, battue en juin de cette année par<br />
le Corse Lambert Santelli en 30 heures et<br />
25 minutes, soit 41 minutes de moins que<br />
le record détenu par François D’Haene<br />
depuis 2016.<br />
Aller dans le bon sens, ça commence<br />
par quoi ?<br />
Je ne veux pas donner de leçons, je ne<br />
suis pas un porte-parole, mais je considère<br />
que ça commence par avoir<br />
conscience de ses faits et gestes pour le<br />
bien commun. Aujourd’hui, avec cette<br />
crise sanitaire, on voit qu’on arrive à le<br />
faire : pour le bien commun, on met des<br />
masques, du gel hydroalcoolique, pour<br />
éviter de se mettre en danger les uns les<br />
autres. Pourquoi ne le ferait-on pas pour<br />
l’environnement ? Pourquoi ne pas se<br />
déplacer à pied, à vélo pour aller faire<br />
deux ou trois courses et acheter en vrac<br />
pour éviter les emballages, tout ce plastique<br />
? Il y a 630 000 personnes en<br />
Europe qui décèdent tous les ans des<br />
effets de la pollution, soit 13 % de la<br />
population : sur la durée, ça tue beaucoup<br />
plus que le Covid*. Pourtant, on ne<br />
prend pas la mesure de la catastrophe.<br />
C’est moins immédiat qu’une pandémie,<br />
mais beaucoup plus mortel à terme.<br />
*à titre de comparaison, sur 15 mois,<br />
à compter du 1 er avril 2020 au 30 juin<br />
2021, le Covid a fait 860 000 morts.<br />
Que constatez-vous de ces effets, vous<br />
qui êtes en permanence sur le terrain ?<br />
Il y a le problème des déchets bien sûr,<br />
mais on constate aussi les changements<br />
de comportements parmi la faune, c’est<br />
le cas pour les oiseaux. On voit régulièrement<br />
des moineaux en altitude parce<br />
que les températures augmentent, des<br />
milans noirs qui sont là toute l’année<br />
alors qu’ils partaient migrer en Afrique<br />
pour se mettre au chaud. En montagne,<br />
les orages violents sont de plus en plus<br />
fréquents, en discutant avec les anciens,<br />
c’est flagrant, ils disent ne pas avoir<br />
connu ça. D’un autre côté, quand on<br />
entend les climatosceptiques, on s’aperçoit<br />
qu’ils font plein de raccourcis : par<br />
exemple, cette année, quand on voit les<br />
paquets de neige qui sont tombés, ils en<br />
concluent : le dérèglement climatique<br />
c’est du pipeau ! Sauf que c’est ni plus ni<br />
moins qu’un hiver normal, mais comme<br />
on n’en a pas eu depuis cinq ans, on finit<br />
par penser que c’est exceptionnel. Mais<br />
des – 20 °C dans nos régions, c’est normal<br />
! C’est sur le long terme qu’il faut<br />
analyser le réchauffement, les causes,<br />
les conséquences. Là où je me rassure<br />
un petit peu, c’est que je vois encore<br />
certaines fleurs que je voyais gamin.<br />
Pouvez-vous nous éclairer sur le rapport<br />
bénéfice-contrainte de vos choix ?<br />
Ne plus prendre l’avion, c’est se priver<br />
de compétitions majeures…<br />
Bénéfices ? Que des plus. Et contraintes ?<br />
Franchement, il n’y en a pas tant que ça !<br />
Quand je fais huit heures de route pour<br />
aller courir la Lavaredo dans les Dolomites,<br />
je découvre un univers de fou.<br />
Et quand je vois cette nature-là, magnifique,<br />
je me dis : a-t-on vraiment besoin<br />
d’aller aux États-Unis ? Derrière ta maison,<br />
il y a tellement à faire ! J’ai choisi un<br />
sponsor et des partenaires qui me suivent<br />
dans mes convictions, qui ne m’imposent<br />
pas d’aller à l’autre bout du monde pour<br />
faire des courses. Je ne perds pas mon<br />
énergie dans les aéroports, en plus je<br />
déteste ça, alors pour moi, c’est nickel.<br />
Pour l’anecdote, mon beau-père était<br />
40 THE RED BULLETIN
« Même pour<br />
l’ultra-trail<br />
du siècle, je<br />
resterai fidèle<br />
à mes engagements.<br />
Ou j’irai<br />
à la voile ! »
Sera-t-il à l’heure pour le dîner ? Afin de réduire son empreinte carbone, Xavier peut<br />
enchaîner des dizaines de kilomètres de course rien que pour rendre visite à sa famille.<br />
avec nous en Italie, il n’a jamais pris<br />
l’avion de sa vie, ce n’est pas pour autant<br />
qu’il n’est pas ouvert, pas cultivé, pas<br />
heureux ! On se crée des besoins, comme<br />
absolument aller à l’étranger. Pourquoi<br />
ne pas casser cette symbolique du tout<br />
consommation ?<br />
Comment la casser ?<br />
Pourquoi ne pas faire des lois : au même<br />
titre qu’on n’a pas le droit d’assassiner<br />
son voisin, pourquoi ne pas interdire<br />
les véhicules hyper-polluants qui sont<br />
néfastes pour le bien commun et tuent à<br />
petit feu. Si on va un peu loin, on participe<br />
tous à la destruction des espèces<br />
humaines et animales. Essayons de<br />
ringardiser cette image d’accumulation<br />
de biens de consommation. Dire que<br />
faire son jardin, cultiver ses légumes,<br />
c’est la classe !<br />
Question avocate du diable : on vous<br />
propose l’ultra-trail du siècle à l’autre<br />
bout du globe, vous faites quoi ?<br />
Par rapport à l’avion, je me laisse juste<br />
la possibilité d’une urgence familiale ( les<br />
parents de Xavier vivent en Corse, ndlr),<br />
un problème de santé… Sinon, même<br />
« Je ne suis pas<br />
exemplaire, c’est<br />
impossible de<br />
l’être à partir du<br />
moment où l’on<br />
consomme. »<br />
s’il y a un plateau d’anthologie, je resterai<br />
fidèle à mes engagements. Ou alors,<br />
j’irai à la voile ! Un de mes sponsors,<br />
Julbo, a de bons skippeurs, il y a peutêtre<br />
moyen de goupiller un truc !<br />
Comment réagit la communauté trail<br />
à vos engagements ? Y a-t-il une prise<br />
de conscience ?<br />
Globalement oui de la part des coureurs,<br />
et y compris dans l’organisation des<br />
grandes courses, de plus en plus<br />
propres. Mais il y a encore des comportements<br />
choquants. Sans nommer personne,<br />
quand je vois sur Insta des traileurs<br />
faire les kékés avec leur grosse<br />
BMW, Mercedes ou faire de la moto<br />
trial sur les chemins, je me dis que<br />
l’image véhiculée n’est pas la bonne.<br />
Lorsqu’on pratique un sport comme<br />
le trail, où on est en permanence dans<br />
la nature, on ne peut pas utiliser sa<br />
notoriété à ça.<br />
En termes d’écologie, nul n’est irréprochable.<br />
Quels choix faites-vous<br />
dans votre vie quotidienne pour<br />
consommer moins, mieux ?<br />
Je ne suis pas exemplaire, bien sûr,<br />
c’est impossible de l’être à partir du<br />
moment où l’on consomme. Mais on<br />
peut faire en sorte de se fixer quelques<br />
objectifs faciles à atteindre dans sa vie<br />
de tous les jours. Le problème, c’est<br />
qu’on va forcément se heurter à des<br />
paradoxes, à des méthodes contre-productives.<br />
Par exemple, avec ma copine<br />
qui est architecte, on est en train de<br />
rénover une vieille ferme, avec l’envie<br />
d’en faire une maison autonome, passive,<br />
sans déperdition d’énergie. Il y a<br />
beaucoup de travail en amont sur le<br />
choix et l’utilisation des matériaux, sur<br />
les techniques. Mais pour le terrassement,<br />
on est obligés de faire venir des<br />
pelleteuses, néfastes pour l’environnement…<br />
Ce qui est contradictoire avec<br />
notre projet d’éco-durabilité. Pour faire<br />
du propre aujourd’hui, il faut encore<br />
passer par du sale.<br />
Comment discutez-vous de cette<br />
problématique avec vos sponsors ?<br />
Mon nouvel équipementier, On, veut<br />
bien faire les choses, c’est pour ça que<br />
je me suis engagé avec eux. L’idée est<br />
d’aller vers le 100 % recyclable, ce qui<br />
est déjà le cas avec un modèle de chaussures.<br />
Il y a d’autres démarches en cours<br />
pour limiter le packaging, ce beau<br />
carton… qui va finir à la poubelle.<br />
ON-RUNNING.COM<br />
42 THE RED BULLETIN
Xavier Thévenard<br />
De la même manière, comment un<br />
circuit mondial de trail peut réduire<br />
son empreinte carbone ?<br />
J’avais évoqué l’idée d’un circuit trail<br />
par continent, avec l’idée de rassembler<br />
les meilleurs sur un seul championnat<br />
du monde dans un seul pays. Ce serait<br />
une solution pour limiter les déplacements.<br />
Je pense que ça peut le faire pour<br />
des trails pas trop longs, des 30 ou des<br />
50 km, mais que cela ne fonctionne pas<br />
pour les ultras : dans ce genre de format,<br />
il faut venir avec 100 % de motivation,<br />
avec ses tripes, et on ne peut pas imposer<br />
à un coureur de venir, surtout si c’est à<br />
l’autre bout du monde, dans un désert<br />
ou un spot qui lui déplaira, dans lequel<br />
il aura zéro sensations. L’ultra nécessite<br />
déjà de s’entraîner dans des univers<br />
hostiles, dans la plus extrême difficulté,<br />
si en plus on doit courir 170 bornes<br />
sans prendre aucun plaisir… C’est de<br />
la torture. Il faut que les parcours nous<br />
fassent vibrer, en termes de décor,<br />
d ’atmosphère. Moi, j’ai la chance d’avoir<br />
l’UTMB (Ultra-Trail du Mont-Blanc)<br />
à côté… Mais un Américain va larguer<br />
pas mal de gaz à effet de serre en volant<br />
jusqu’à chez nous.<br />
« J’ai beau être<br />
ultra-traileur,<br />
80 kilomètres<br />
en courant, ça<br />
pique un peu ! »<br />
À propos, connaissez-vous votre<br />
empreinte carbone ? A-t-elle baissé<br />
ces dernières années ?<br />
Très bonne question ! Il faut que je fasse<br />
le point à la fin de l’année. Pour le<br />
moment, on est à sept mois de l’année<br />
2021, et mon plus gros voyage, c’est les<br />
huit heures de voiture que je viens de<br />
faire pour aller en Italie. On peut rajouter<br />
les quelques allers-retours Alpes et<br />
Jura en voiture, mais dès que j’ai pu,<br />
j’y suis allé à vélo, voire à pied. J’ai beau<br />
être ultra-traileur, ça fait quand même<br />
80 kilomètres ! Ça pique un peu. Après,<br />
avec ma copine, on fait un maximum<br />
de co-voiturage.<br />
Parlez-nous de votre engagement<br />
auprès des associations Mountain<br />
Riders et Une Bouteille à la mer, de<br />
vos prises de parole dans les écoles.<br />
Que dites-vous à ces jeunes ?<br />
Ce sont essentiellement des élèves de<br />
primaire et de collège, des publics auxquels<br />
je suis un peu habitué en tant qu’éducateur<br />
sportif. Je préfère montrer que dire, alors<br />
souvent, je les emmène dans la nature.<br />
On fait un peu de plogging (ramassage des<br />
déchets en marchant ou en courant, ndlr)<br />
que je pratique personnellement à chaque<br />
sortie. Je crée des équipes pour rendre le<br />
tout plus ludique, à celles qui ramassent<br />
le plus vite, je leur explique en passant<br />
combien de temps un déchet met à se<br />
dégrader…<br />
Je les amène dans une forêt bien rangée<br />
et bien droite d’épicéas, aménagée par<br />
l’homme et dans une autre zone sauvage<br />
et par la simple observation des sols, ils se<br />
rendent compte que l’empreinte humaine<br />
n’est pas forcément une bonne chose, que<br />
ça appauvrit. Juste à travers une balade,<br />
les sensibiliser à l’environnement, c’est<br />
déjà ça. J’ai des gamins parisiens qui n’ont<br />
jamais vu une vache en vrai et qui s’émerveillent<br />
de tout sur leur chemin… On<br />
devrait fondamentalement revoir notre<br />
rapport à la nature, faire en sorte que dès<br />
le plus jeune âge, on touche la terre de ses<br />
mains : on donne des cours sur l’écologie<br />
à l’école, c’est bien, mais il faut une<br />
connexion physique avec la nature.<br />
Cette nature est votre terrain de jeu<br />
depuis toujours…<br />
J’ai toujours baigné dedans, à faire des<br />
cabanes dans les bois, à soigner le petit<br />
corbeau tombé de son nid et à en faire<br />
un compagnon de jeu, à apprivoiser le<br />
marcassin abandonné et recueilli par ma<br />
mère et qui a fini par s’amuser avec notre<br />
chien. Tout ça m’a ancré dans la terre,<br />
m’a éveillé, émerveillé. Et quand tu es<br />
émerveillé, tu fais tout pour que ça dure,<br />
perdure, que le joyau ne soit pas abîmé.<br />
On ne peut pas se lasser de tout ça.<br />
Tous les mois de juin, l’odeur des foins<br />
me fait retomber en enfance.<br />
Partir du bon pied : pour Xavier, une sortie en forêt ou sur un<br />
sentier peut déclencher une prise de conscience écologique.<br />
À tous les gens qui courent et<br />
marchent dans la nature, où qui souhaitent<br />
s’y aventurer désormais,<br />
qu’avez-vous envie de dire ?<br />
Observez, regardez ! Prendre conscience<br />
de la beauté de la nature, s’imprégner<br />
de tout ça, et se dire qu’on est privilégiés.<br />
Et qu’on va tout faire pour le rester.<br />
Instagram : @xavierthevenard<br />
THE RED BULLETIN 43
Sous les<br />
cicatrices<br />
NAI PALM, chanteuse du groupe australien Hiatus<br />
Kaiyote, a fait face à l’adversité toute sa vie.<br />
Elle révèle ici comment son art et la force de<br />
la nature l’ont aidée à revenir plus forte.<br />
Texte LOU BOYD<br />
Photos TRÉ KOCH
Ils en font des caisses :<br />
(de gauche à droite)<br />
Perrin Moss, Paul Bender,<br />
Simon Mavin et Nai Palm<br />
du groupe Hiatus Kaiyote.<br />
45
Nai Palm<br />
Le<br />
deuxième titre du nouvel album de Hiatus Kaiyote, Mood<br />
Valiant, s’ouvre sur des chants d’oiseaux. Pour la chanteuse<br />
et compositrice du groupe, Nai Palm – de son vrai nom Naomi<br />
Saalfield – il ne pouvait y avoir une toile de fond plus parfaite :<br />
le chant et la compagnie des oiseaux font partie de la vie de<br />
cette Australienne de 32 ans depuis toujours. « Mais ce n’était<br />
pas intentionnel, s’amuse Saalfield lors d’une conversation<br />
Zoom avec The <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>. Ce n’est pas un choix – on finit toujours<br />
avec les oiseaux. J’étais en train de faire l’enregistrement<br />
d’une piste vocale et ils étaient dehors. Ils avaient l’air vraiment<br />
cool, alors on s’est dit : “Pourquoi ne pas les garder en tant que<br />
touche environnementale ?” »<br />
La relation de Saalfield avec les oiseaux et les animaux<br />
sauvages est bien documentée dans la discographie de Hiatus<br />
Kaiyote : elle a jammé avec un hibou sur le deuxième album<br />
du groupe, Choose Your Weapon (2015), et son perroquet,<br />
aujourd’hui disparu, Charlie Parker – nommé d’après la légende<br />
de jazz – était souvent présent dans le studio lors des séances<br />
d’enregistrement du groupe.<br />
Bien que leur musique soit souvent décrite comme étant de<br />
la « future soul », les musiciens de Hiatus Kaiyote préfèrent parler<br />
d’un « truc gangster multidimensionnel et polyrythmique ».<br />
Un genre qui pourrait passer pour inaccessible mais qui s’avère<br />
être tout le contraire : non seulement des chansons des deux<br />
premiers albums de Hiatus Kaiyote ont été en nomination<br />
aux Grammy Awards (Nakamarra, avec Q-Tip et Breathing<br />
Underwater) mais le groupe a également été validé par des<br />
icônes musicales comme Prince et Erykah Badu en plus<br />
d’être samplé par Beyoncé, Anderson .Paak ou encore Drake.<br />
Naomi Saalfield, en compagnie de Paul Bender (basse),<br />
Simon Mavin (claviers) Perrin Moss (batterie), a passé les dix<br />
dernières années à créer une musique qui examine la relation<br />
entre toutes les composantes de la vie, de la science et l’art à la<br />
nation et à la culture, ainsi qu’entre les humains et le reste du<br />
monde naturel. « Nous essayons de faire une musique qui donne<br />
aux gens une multitude de choses différentes à découvrir, ditelle.<br />
Il y a tellement de détails qu’au fil des années, vous pouvez<br />
toujours trouver quelque chose de nouveau et continuer à avoir<br />
une relation avec les titres. »<br />
« Nous essayons<br />
de faire une musique<br />
qui donne aux gens<br />
une multitude<br />
de choses différentes<br />
à découvrir. »<br />
46 THE RED BULLETIN
« Une femme sur cinq vit avec un cancer du<br />
sein, mais je n’ai jamais vu de femmes avec un<br />
seul sein. Si je ne pouvais pas voir d’exemples,<br />
alors j’allais en devenir un pour les autres. »<br />
48 THE RED BULLETIN
Nai Palm<br />
Bien avant la formation du groupe en 2011, les rencontres<br />
spontanées et oniriques avec des animaux sauvages faisaient<br />
partie intégrante de la vie de Saalfield. Née et élevée à Melbourne,<br />
elle a été contrainte de déménager à la campagne à<br />
l’âge de onze ans après la mort de sa mère des suites d’un cancer<br />
du sein. Puis son père est également décédé peu après dans<br />
l’incendie de sa maison. Ce déménagement dans la petite ville<br />
de Mount Beauty, dans l’État de Victoria, au sud-est de l’Australie,<br />
l’a éloignée de tout ce qu’elle avait connu jusque-là, mais<br />
il a également marqué le début d’une relation importante et<br />
durable avec la faune indigène. « J’ai vécu avec des gardiens<br />
animaliers et nous avions un dingo, un aigle royal et des<br />
wombats », se souvient Saalfield.<br />
Pour s’extraire de cette jeunesse dramatique, elle a commencé<br />
à jouer de la guitare et à passer la plupart de son temps<br />
à l’extérieur, se liant d’amitié avec un chiot dingo qui dormait<br />
près de la maison. « Mon installation dans une vallée alpine très<br />
isolée et le temps passé avec la faune indigène ont été de beaux<br />
moments enrichis de vertus thérapeutiques, dit Saalfield. Les<br />
animaux manifestent vraiment de l’empathie, et j’ai souvent<br />
chanté pour eux. Je pense que le rôle de la musique et celui du<br />
musicien consistent avant tout à rappeler aux gens la magie et<br />
l’émerveillement. Pour moi, la nature est le meilleur exemple<br />
de la véritable magie qui existe dans le monde. »<br />
Sur le visage de la chanteuse, de la lèvre au menton, un<br />
tatouage trace la ligne d’une éraflure causée par un ami animal<br />
– un corbeau orphelin qu’elle a sauvé, élevé et libéré lorsqu’elle<br />
avait quinze ans. Pour Saalfield – elle-même orpheline – la relation<br />
avec le jeune oiseau et l’éraflure qu’il lui a laissée étaient<br />
imprégnées d’une signification plus profonde. « J’ai eu l’impression<br />
que c’était une leçon de ma mère. De la laisser aller tout<br />
en continuant de la porter en moi. »<br />
Ces traumatismes précoces constitueraient un défi plus<br />
que suffisant pour quiconque, mais l’adversité a continué<br />
d’attendre Saalfield au tournant. Il y a trois ans, alors que<br />
Hiatus Kaiyote était en tournée aux États-Unis, on lui a diagnostiqué<br />
un cancer du sein – la même maladie qui a emporté sa<br />
mère. La chanteuse dit que le diagnostic l’a secouée d’une<br />
manière qu’elle n’avait pas connue jusque-là. Publiant la nouvelle<br />
sur Instagram à l’époque, elle a dit à ses fans : « Je suis<br />
rongée d’anxiété tout en essayant de pratiquer le courage et la<br />
patience au quotidien face à la merde la plus effrayante et la<br />
plus angoissante que j’ai jamais eu à endurer. » Saalfield s’est<br />
envolée pour l’Australie où elle a subi une opération chirurgicale<br />
vitale. En 2019, elle a heureusement reçu un verdict de<br />
guérison. Avec le recul, elle considère que la musique a été<br />
l’exutoire par lequel elle a pu traiter et comprendre son<br />
expérience.<br />
Tout en se remettant de la mastectomie qui lui a sauvé la vie,<br />
Saalfield a pris contact avec d’autres personnes atteintes de ce<br />
cancer, et elle a pris publiquement position contre les normes<br />
de beauté qui, selon elle, peuvent pousser les femmes ayant<br />
subi une mastectomie à opter sans réfléchir pour une chirurgie<br />
superficielle. Afficher la beauté de son expérience est quelque<br />
chose qui a toujours semblé naturel chez elle. Ainsi, lorsqu’on<br />
lui a proposé une chirurgie reconstructive du sein après l’opération,<br />
elle a refusé.<br />
« J’ai été très ferme dès le départ sur le fait que je ne voulais<br />
pas de chirurgie reconstructive, explique-t-elle. C’est vraiment<br />
invasif et dangereux– vous introduisez un truc géant en silicone<br />
THE RED BULLETIN 49
Nai Palm<br />
« Soyez fier de vos<br />
cicatrices. Elles sont<br />
fortes et belles. »<br />
dans votre corps. » Bien qu’elle soit convaincue de sa décision,<br />
Saalfield a été choquée par la réaction du corps médical qui<br />
n’a guère fait preuve d’empathie et qui lui a recommandé<br />
un suivi psychiatrique. « Le chirurgien plastique m’a dit :<br />
“Vous risquez de le regretter plus tard et cela vous ferait sentir<br />
à nouveau normale”, dit-elle en secouant la tête. J’étais soufflée.<br />
Je me suis dit : “Qui es-tu pour décider pour moi ce que<br />
je vais regretter ? Je ne serai jamais normale. Cela a changé<br />
ma vie pour toujours.“ »<br />
Au lieu de cela, son torse arbore désormais un tout nouveau<br />
tatouage là où se trouvait autrefois son sein en plus d’une décoration<br />
dorée semblable – modelée sur son sein avant son ablation<br />
– qu’elle prévoit de porter sur ses tenues de scène. « Je ne<br />
serai plus jamais ce que j’étais, mais putain que c’est génial,<br />
dit-elle, soudainement animée. On m’a offert la possibilité de<br />
retourner la situation, tu vois ? Non seulement je ne vais pas<br />
avoir de reconstruction, mais je vais m’afficher avec ça. » Sa<br />
prise de position a suscité des centaines de messages de soutien<br />
et de gratitude de la part de femmes qui vivent une situation<br />
semblable. « Une femme sur cinq vit un cancer du sein et pourtant<br />
je n’ai jamais vu de femmes avec un seul sein dans la vraie<br />
vie. Jamais, pas une seule, dit Saalfield en haussant les épaules.<br />
J’ai décidé que si je ne pouvais pas voir d’exemples, j’allais en<br />
devenir un pour les autres. Montrer aux femmes une autre voie<br />
et montrer qu’elles peuvent encore être dans le coup. Portez<br />
vos cicatrices avec honneur – elles sont fortes et belles. »<br />
Après les épreuves et les tribulations de ces trois dernières<br />
années, le Hiatus Kaiyote de 2021 est-il le même groupe<br />
qu’avant, ou Saalfield pense-t-elle que sa propre expérience<br />
et l’épreuve collective causée par la pandémie ont provoqué<br />
un changement de tonalité ? « Chaque chanson que nous faisons<br />
a son propre petit monde en soi, dit-elle, pensive, mais<br />
l’intention reste la même. » Après tout, il s’agit d’un groupe<br />
dont la musique a tendance à ne pas être tournée vers l’intérieur<br />
mais plutôt vers l’extérieur, vers le monde. Le titre phare<br />
de Hiatus Kaiyote, Nakamarra, sorti en 2012, invitait ses fans<br />
à se documenter au sujet de l’artiste aborigène Doreen Reid<br />
Nakamarra. Get Sun, le premier single de Mood Valiant,<br />
comporte un court extrait du documentaire Corumbiara: They<br />
Shoot Indians, Don’t They ? réalisé par le cinéaste brésilien<br />
Vincent Carelli en 2009.<br />
« Vous pouvez écouter Get Sun et vous dire que c’est amusant,<br />
dit Saalfield, ou vous pouvez aller plus loin et découvrir<br />
que c’est plus que cela. C’est un sujet de discussion et cela<br />
peut pousser les gens à s’informer sur ce qui se passe réellement,<br />
en particulier dans les communautés indigènes. En tant<br />
qu’artiste blanche dans l’œil du public, il est important pour<br />
moi de me concentrer sur des choses qui sont dignes d’amour<br />
et d’attention. »<br />
Cela signifie-t-il que Saalfield considère que sa musique<br />
a une ambition politique plus élevée dans le monde ? Elle<br />
secoue la tête. « Tout ce que je veux, c’est apporter de la<br />
beauté et un sanctuaire, parce que c’est ce que la musique<br />
représente pour moi. Quand j’ai l’impression que le monde<br />
va s’écrouler, la chose qui m’apporte la paix, c’est la musique.<br />
Elle m’a sauvé la vie. Si je peux jouer ce rôle pour quelqu’un<br />
d’autre, alors j’ai l’impression de faire davantage partie de<br />
l’univers et que ma vie a de la valeur. »<br />
Aujourd’hui, Saalfield est en forme, Hiatus Kaiyote a un<br />
nouvel album, le monde s’ouvre à nouveau, et le groupe prévoit<br />
d’entamer sa première tournée depuis 2018 – un nombre<br />
restreint de concerts un peu partout en Australie. La chanteuse<br />
dit que, même si elle est heureuse de pouvoir sortir et<br />
de recommencer à jouer avec le groupe, elle allait s’ennuyer<br />
de la vie plus calme qu’elle a mené ces deux dernières années<br />
qui a inclus l’adoption d’un chaton – « Pas un oiseau cette<br />
fois-ci, dit-elle en riant. Retournement de situation ! » – et la<br />
satisfaction procurée par un espace chez elle dédié à la création<br />
de musique et d’art. Saalfield révèle qu’au cours des<br />
douze derniers mois, elle s’est initiée au kintsugi – l’art japonais<br />
de réparation des objets fissurés ou cassés à l’aide d’une<br />
laque spéciale mélangée à de la poussière d’or ou d’argent,<br />
créant une soudure à la fois visible et esthétique – et a pratiqué<br />
cet art sur ses propres tuyaux cassés et ses vases dans sa<br />
maison.<br />
« Dans la vie, quand on casse quelque chose, souvent on le<br />
jette parce qu’il semble trop difficile d’en faire quelque chose<br />
d’autre, explique-t-elle lorsqu’on lui demande ce qui l’a attirée<br />
vers cet artisanat. Mais avec le kintsugi, vous décidez d’en<br />
faire quelque chose de beau d’une manière nouvelle et différente.<br />
La partie cassée est désormais illuminée. »<br />
hiatuskaiyote.com ;<br />
Instagram : @artykarateparty<br />
50 THE RED BULLETIN
À son tour<br />
de briller<br />
En devenant le plus jeune vainqueur<br />
d’une compétition de F1 à l’âge de<br />
18 ans, MAX VERSTAPPEN est vu<br />
comme l’Élu, voué à régner en maître<br />
sur les championnats du monde.<br />
Et l’année 2021 pourrait être celle<br />
du couronnement du Néerlandais.<br />
L’impétueux pilote qui avait tant de<br />
mal à contenir son impatience affiche<br />
à présent un calme olympien.<br />
Un Max de zen…<br />
Texte JUSTIN HYNES<br />
MARKUS BERGER/RED BULL CONTENT POOL<br />
52
Max Verstappen<br />
D<br />
ans un peu plus de 96 heures, ici à Monaco,<br />
les concurrents s’élanceront pour le plus<br />
glamour des Grands Prix de F1. En raison<br />
des restrictions liées à la crise sanitaire, le terrain<br />
de jeu des stars et de la jet-set sur la Côte d’Azur<br />
n’accueillera pas les fastes habituels qui accompagnent<br />
la plus insolente des démonstrations de<br />
consommation ostentatoire dans le monde des<br />
sports mécaniques. Mais le niveau de la compétition<br />
reste spectaculaire. Pour Max Verstappen,<br />
ce week-end est un tournant décisif : à 23 ans, le<br />
pilote <strong>Red</strong> Bull Racing est impliqué dans son premier<br />
véritable duel pour la tête du championnat depuis<br />
ses débuts en 2015. Difficile de le croire quand<br />
on l’aperçoit à la marina du port de Fontvieille,<br />
car le Néerlandais dégage une incroyable sérénité.<br />
Retour sur la course qui a libéré le nouveau Max.<br />
En route vers une victoire<br />
éventuelle, six ans après<br />
l’accident spectaculaire qui<br />
a marqué ses premiers pas<br />
dans la compétition à l’âge<br />
de 17 ans, Max Verstappen<br />
est le favori du Grand Prix<br />
de Monaco 2021.<br />
GETTY IMAGES
55
56 THE RED BULLETIN
Max Verstappen<br />
GETTY IMAGES<br />
On ne s’attendrait pas à une telle<br />
sérénité de la part d’un pilote<br />
automobile qui considère habituellement<br />
que tous les coups<br />
sont permis et accorde peu d’importance<br />
à la réputation prestigieuse de ses rivaux.<br />
Dès son arrivée dans le monde de la F1,<br />
Max Verstappen a remporté des courses.<br />
Il a d’ailleurs battu le record du monde<br />
du plus jeune vainqueur à l’âge de<br />
18 ans, ce qui lui a valu le qualificatif<br />
de « futur champion ». Mais il aura fallu<br />
attendre cette année pour que les étoiles<br />
s’alignent et transforment le poids de<br />
cette destinée en possible réalité.<br />
L’an dernier, de nouvelles réglementations<br />
ont bouleversé le monde de la F1.<br />
Après que le fournisseur de pneumatiques<br />
Pirelli a dévoilé ses inquiétudes concernant<br />
les charges aérodynamiques infligées<br />
aux pneus des voitures de F1 les plus<br />
rapides jamais construites, des modifications<br />
ont dû être apportées aux monocoques<br />
afin de réduire drastiquement la<br />
déportance. Mercedes, septuple champion<br />
des constructeurs, et Lewis Hamilton,<br />
son septuple champion du monde,<br />
ont été les plus affectés, car les obscurs<br />
changements affectant les dimensions<br />
du fond plat et les écopes de frein arrière<br />
ont fait perdre aux Flèches d’Argent leur<br />
avantage historique, plaçant Hamilton<br />
à portée de volant.<br />
Pour l’équipe de Max Verstappen,<br />
ce vent de nouveauté a été plus clément.<br />
Totalement repensé, le groupe propulseur<br />
Honda a métamorphosé la <strong>Red</strong> Bull<br />
Racing RB16 2020 : autrefois capable<br />
de faire monter Max Verstappen sur le<br />
podium, mais rarement à la première<br />
place, cette voiture est devenue une<br />
« La saison va<br />
être longue et<br />
on ne peut pas<br />
se permettre de<br />
faire de grosses<br />
erreurs. »<br />
À gauche : Max Verstappen, contemplatif au port<br />
de Fontvieille (Monaco), quelques jours avant le<br />
début du Grand Prix iconique de la principauté.<br />
concurrente féroce de Mercedes, que ce<br />
soit en termes d’élégance, de puissance ou<br />
de rapidité. Or, si Max Verstappen dispose<br />
désormais d’une arme redoutable pour<br />
renverser le maître incontesté Hamilton,<br />
en ce jour de Grand Prix à Monaco (le<br />
23 mai), le pilote <strong>Red</strong> Bull se trouve toujours<br />
à 14 points du champion en titre<br />
après les premières courses de la saison.<br />
Dès l’ouverture du championnat à<br />
Bahreïn, Max Verstappen a affiché ses<br />
intentions en s’emparant avec panache<br />
de la pole position. Le rusé Lewis Hamilton<br />
a alors manœuvré pour piéger le<br />
jeune pilote dans un dépassement tardif<br />
un peu approximatif qui a assuré la victoire<br />
au Britannique. Max Verstappen<br />
a riposté pendant la course suivante à<br />
Imola, jouant des coudes dès le départ<br />
avec Lewis Hamilton qui avait cette fois<br />
pris la pole position, ce qui a propulsé le<br />
Néerlandais vers une victoire incontestée<br />
tandis que son rival devait se contenter<br />
de la deuxième place.<br />
Cependant, si cette rencontre éprouvante<br />
a montré que le pilote <strong>Red</strong> Bull ne<br />
se laisserait pas facilement intimider, les<br />
deux manches suivantes, qui ont eu lieu<br />
au Portugal et en Espagne, ont été de<br />
véritables master class dispensées par<br />
Lewis Hamilton.<br />
De son côté, Max Verstappen n’a eu de<br />
cesse d’accumuler les erreurs mineures :<br />
un léger dérapage au tour 14 sur le circuit<br />
portugais, puis un moment de confusion<br />
lors d’un appel au stand et une roue<br />
avant droite bloquée pendant son out lap<br />
à Barcelone. Ces petits soucis ont suffi<br />
pour apporter la victoire à l’invulnérable<br />
représentant de Mercedes dans la lutte<br />
la plus acharnée qu’ait connue le championnat<br />
de F1 depuis dix ans.<br />
Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête<br />
à prendre le départ sur le circuit de<br />
Monaco, le jeune Néerlandais n’attend<br />
qu’une chose : la rédemption. Toutefois,<br />
un problème persiste : Max Verstappen<br />
n’a jamais brillé ici et il n’a jamais pu<br />
accéder au podium. Pour garder Lewis<br />
Hamilton à l’œil et éviter qu’un désagréable<br />
écart de 14 points ne devienne<br />
irrattrapable, Max Verstappen doit puiser<br />
au plus profond de lui-même.<br />
« Monaco, c’est un événement unique,<br />
répond Max Verstappen quand on lui<br />
demande ce qu’il attend du week-end.<br />
La piste est vraiment serrée. Il y a<br />
d’autres circuits urbains, mais rien<br />
d’aussi marqué. On ne peut pas se sentir<br />
plus à l’étroit qu’à Monaco. Surtout<br />
pendant les qualifications, lorsqu’on<br />
THE RED BULLETIN 57
Max Verstappen<br />
Devant le virage : Max Verstappen précède Valtteri Bottas, pilote Mercedes AMG Petronas,<br />
au niveau de la fameuse chicane pendant le premier tour de la course.<br />
repousse toutes les limites. » Mais alors<br />
que la vision des murs qui se rapprochent<br />
dangereusement pouvait autrefois l’inciter<br />
à relâcher l’accélérateur et jouer<br />
son va-tout, Max Verstappen arbore un<br />
comportement différent cette année.<br />
Finies les démonstrations régulières de<br />
son tempérament volcanique. Fini l’entêtement<br />
qui l’a conduit à ignorer sciemment<br />
les drapeaux jaunes dans sa course<br />
vers la pole position au Mexique il y a<br />
deux ans, ou encore son obstination qui<br />
l’a relégué à la quatrième position sur la<br />
grille de départ. Tout cela a laissé place<br />
à un nouvel équilibre et une zénitude<br />
axée sur ce qu’il appelle « choisir le<br />
moment où l’on va briller ».<br />
« Vous devez comprendre que si ce<br />
n’est pas votre jour, il n’y a rien à faire.<br />
Il faut se contenter de ce que l’on a,<br />
explique-t-il. Jusqu’à l’an dernier, nous<br />
savions que nous ne pouvions pas remporter<br />
le championnat. Dans ce type<br />
de situation, vous sautez sur toutes les<br />
occasions pour gagner… au risque de<br />
tout perdre. Enfin pas vraiment, mais<br />
vous franchissez les limites pour tenter<br />
d’obtenir un meilleur résultat.<br />
Aujourd’hui, notre voiture peut clairement<br />
concurrencer Mercedes. C’est plus<br />
qu’un miracle occasionnel. Nous devons<br />
veiller à engranger au moins quelques<br />
points chaque week-end, même si nous<br />
ne réalisons pas la course parfaite. C’est<br />
une approche différente. » Cette vision<br />
des choses paraît à des années-lumière<br />
du Max Verstappen connu pour avoir<br />
menacé de frapper son rival Esteban<br />
Ocon après que le Français l’a percuté<br />
pendant le Grand Prix du Brésil en 2018,<br />
ou pour avoir tout risqué lors d’un dépassement<br />
tardif, brutal et ultraserré de la<br />
Ferrari de Charles Leclerc pour s’assurer<br />
la victoire lors du Grand Prix d’Autriche<br />
de 2019. Pour Max Verstappen version<br />
2021, une seule chose compte : l’âpre<br />
lutte qui l’oppose à Lewis Hamilton.<br />
« Je me retrouve face à un septuple<br />
champion qui ne manque pas d’expérience,<br />
mais je dois tout mettre en œuvre<br />
pour le battre. Quand la victoire n’est<br />
pas envisageable, il faut se contenter du<br />
meilleur résultat possible, car la saison<br />
va être longue et on ne peut pas se<br />
permettre de faire de grosses erreurs,<br />
analyse-t-il. Lewis sait lui aussi parfaitement<br />
choisir ses moments et garder la<br />
tête froide quand ce n’est pas le jour et<br />
qu’il faut tout de même aller chercher<br />
des points. »<br />
Jeudi après-midi. Alors qu’il reste<br />
72 heures avant le début de la<br />
course, la probabilité d’une issue<br />
positive est mise à rude épreuve.<br />
Le nouveau coéquipier de Verstappen,<br />
Sergio Pérez, est le plus rapide lors de la<br />
première session d’essais libres du weekend,<br />
mais dans l’après- midi, les deux<br />
<strong>Red</strong> Bull perdent le rythme. Sergio Pérez<br />
termine neuvième. Max Verstappen fait<br />
un peu mieux avec sa quatrième place,<br />
mais il reste toujours à quatre longs<br />
dixièmes de Charles Leclerc qui mène<br />
la danse avec sa Ferrari.<br />
Et surtout, il est juste derrière Lewis<br />
Hamilton. « Nous sommes trop lents,<br />
déplore-t-il. D’habitude, je me sens<br />
assez à l’aise dans la voiture, je trouve<br />
mon rythme rapidement, mais pas cette<br />
fois-ci. Ça ne me plaît pas. C’est le weekend<br />
le plus difficile de la saison. »<br />
Et en alimentant la guerre psychologique,<br />
Lewis Hamilton ne fait rien pour<br />
simplifier les choses. Lorsqu’on l’interroge<br />
sur les duels musclés qui se déroulent<br />
sur le circuit, le pilote Mercedes tente<br />
de prendre l’ascendant. « Je pense avoir<br />
réussi à éviter tout accident éventuel,<br />
affirme-t-il. Mais il nous reste 19 courses,<br />
et un accrochage est toujours possible.<br />
[Max] a peut-être le sentiment d’avoir<br />
beaucoup à prouver. Je ne suis pas dans<br />
GETTY IMAGES<br />
58 THE RED BULLETIN
« À présent,<br />
notre voiture<br />
peut enfin<br />
concurrencer<br />
Mercedes. »<br />
La <strong>Red</strong> Bull Racing RB16<br />
a été modifiée pour la saison<br />
2021 du championnat. Elle<br />
dispose notamment de nouveaux<br />
sidepods et d’un groupe<br />
propulseur Honda amélioré.
« Il existe<br />
d’autres circuits<br />
urbains, mais<br />
on ne peut pas<br />
se sentir plus<br />
à l’étroit qu’à<br />
Monaco. »<br />
Sur le circuit étriqué et tortueux<br />
de Monaco, qui s’étend de Monte-<br />
Carlo jusqu’au quartier voisin de<br />
La Condamine, il est pratiquement<br />
impossible de doubler.
Max Verstappen<br />
GETTY IMAGES<br />
On prend Verstappen de haut : le pilote néerlandais s’en va célébrer<br />
son butin à Monaco. Et envisage déjà la suite, dans un mode apaisé.<br />
la même position que lui. » Max Verstappen<br />
sourit et refuse de mordre à l’hameçon.<br />
« Nous avons combattu avec ardeur<br />
et évité les contacts chacun de notre<br />
côté. Espérons continuer comme ça afin<br />
de rester tous deux sur le circuit et poursuivre<br />
notre affrontement. »<br />
Pendant les qualifications du samedi,<br />
Max Verstappen confirme sa réputation<br />
de futur champion qui le suit depuis qu’il<br />
a été le plus jeune vainqueur dans cette<br />
catégorie lors du Grand Prix d’Espagne<br />
2016. Les qualifications, c’est le moment<br />
où les vrais champions de F1 excellent.<br />
Les courses de F1 modernes sont<br />
des exercices de maîtrise technique qui<br />
englobent des notions extrêmement<br />
complexes de gestion des pneumatiques,<br />
d’économie de carburant, ou encore<br />
de déploiement de l’énergie tactique<br />
des groupes propulseurs hybrides. De<br />
leur côté, les qualifications sont la substantifique<br />
moelle de la course : elles<br />
représentent l’alliance entre l’homme<br />
et la machine, avec la plus petite quantité<br />
de carburant possible, et un engagement<br />
absolu aux limites de l’adhérence.<br />
Or, sur le circuit de Monaco où il est<br />
quasiment impossible de doubler et où<br />
les résultats reflètent régulièrement la<br />
grille de départ, les qualifications sont<br />
primordiales.<br />
Cette étape se solde par l’élimination<br />
des cinq pilotes les plus lents après chacune<br />
des deux premières séances, laissant<br />
au final les dix meilleurs se battre<br />
pour la pole position pendant douze<br />
minutes d’une intensité incroyable. Ratez<br />
vos qualifications, comme Max Verstappen<br />
en 2016, et vous feriez tout aussi<br />
bien de rester au lit le dimanche.<br />
Réussissez-les, et l’un des prix les<br />
plus prestigieux dans le milieu des sports<br />
mécaniques est soudain à votre portée.<br />
À Monaco, où les risques sont sensiblement<br />
accrus du fait de la proximité des<br />
rails et où les erreurs ne pardonnent pas,<br />
Max Verstappen choisit son moment<br />
pour briller… ou presque.<br />
Après avoir réussi haut la main les<br />
deux premières séances, il se maintient<br />
lors de la phase finale des qualifications<br />
et réussit à surpasser le héros local,<br />
Charles Leclerc, qui détenait le meilleur<br />
temps provisoire. Max Verstappen est<br />
1 500 millièmes de seconde plus rapide<br />
que le Monégasque pendant le premier<br />
des trois secteurs du circuit – le retard<br />
de jeudi est de l’histoire ancienne – mais<br />
devant lui, Charles Leclerc heurte violemment<br />
le rail de la piscine. Dès que sa<br />
Ferrari accroche le rail à l’extérieur, le<br />
drapeau rouge est levé. Cela signe la fin<br />
du tour de Max Verstappen et le cantonne<br />
à la deuxième place sur la grille de<br />
départ. Mais s’il éprouve de la frustration,<br />
le jeune Néerlandais n’en laisse rien<br />
paraître. Devant la presse, Verstappen<br />
ne blâme absolument pas le pilote de la<br />
Ferrari, affirmant qu’il n’y avait aucune<br />
raison de révoquer sa pole position.<br />
« Une action intentionnelle mérite<br />
certainement la révocation. Or, ce n’était<br />
pas le cas ici. Charles n’avait rien prémédité,<br />
explique-t-il aux journalistes à l’affût<br />
de la controverse. Nous repoussons tous<br />
les limites, et une erreur est vite arrivée.<br />
Dans l’ensemble, je suis très content. »<br />
On peut dire que Verstappen a un bon<br />
karma. Notons par ailleurs que Lewis<br />
Hamilton, mécontent de sa voiture, se<br />
trouve cinq places plus loin sur la grille.<br />
Dimanche. Il reste trente minutes<br />
avant le début de la course. La<br />
pit lane ouvre et les voitures s’engouffrent<br />
sur la piste pour accéder<br />
à la grille de départ. Alors que Charles<br />
Leclerc monte la côte en direction de la<br />
place du Casino, on entend son cri de<br />
désespoir jaillir de la radio. « Non, non,<br />
non, pas la boîte de vitesses ! » Le pilote<br />
Ferrari se réengage dans la pit lane et<br />
le diagnostic tombe : l’arbre de transmission<br />
a été endommagé par l’accident<br />
de la veille. Max partira donc en tête<br />
de la course.<br />
Lorsque les lumières s’éteignent, le<br />
Néerlandais brille une fois de plus. Après<br />
avoir rapidement fermé la porte à tout<br />
débordement éventuel, il mène la course<br />
avec brio. Et pendant que Lewis Hamilton<br />
se retrouve coincé derrière des voitures<br />
plus lentes et lambine à la septième<br />
place, Max Verstappen prend confiance<br />
et remporte avec élégance et sans coup<br />
férir sa première victoire à Monaco.<br />
En cette fin de week-end, Verstappen<br />
domine la saison 2021, quatre points<br />
devant Hamilton : le champion immortel<br />
vacille. Max Verstappen version 2021<br />
sera peut-être le pilote qui rapportera<br />
enfin un titre à <strong>Red</strong> Bull après huit ans de<br />
disette. Mais en ce dimanche à Monaco,<br />
le Néerlandais ne veut pas trop s’avancer…<br />
Depuis, et au moment où nous bouclons<br />
ce numéro, il a aussi remporté les<br />
GP de France, de Styrie et d’Autriche.<br />
« Je veux juste me concentrer sur la<br />
course à venir, déclare-t-il. Je refuse de<br />
mettre une pression inutile sur quiconque<br />
ou de parler à tort et à travers.<br />
Je n’ai pas besoin de battage médiatique.<br />
Rêver ? Ça ne mène nulle part. »<br />
verstappen.com ; redbull.com<br />
THE RED BULLETIN 61
En roue<br />
libre<br />
Comment la Bike Life s’est<br />
emparée de New York.<br />
Texte MARZ LOVEJOY<br />
Photos BEN <strong>FR</strong>ANKE<br />
62
Jae Milez, un natif du Bronx<br />
vivant à Manhattan, en pleine<br />
démo de l’esprit Bike Life dans<br />
le Washington Square Park.
Bike Life<br />
Si<br />
vous habitez New York, vous avez sans<br />
doute déjà vécu cette scène surnaturelle :<br />
simple marcheur, vous voilà soudain en<br />
train de nager au beau milieu d’un océan<br />
de cyclistes latinos et afro-américains.<br />
Comme une lame de fond, ils déferlent<br />
sur tout un quartier, debout sur leurs<br />
selles ou enchaînant les figures et autres<br />
wheelings défiant les lois de la gravité.<br />
Jae Milez, 23 ans, né dans le Bronx et<br />
élevé de l’autre côté du fleuve à Dyckman,<br />
ne se déplace plus que sur la roue arrière<br />
de son vélo (il a même carrément ôté la<br />
roue avant). À le voir s’élancer avec ses<br />
compagnons de route, on est gagnés par<br />
cette euphorie et cette liberté.<br />
Soudain, ils disparaissent, roulant déjà<br />
vers un autre quartier de New York, l’une<br />
des nombreuses villes américaines à<br />
revendiquer et à mettre en valeur cette<br />
culture marginale. Un phénomène qui<br />
s’étend à Newark, Boston, Philadelphie,<br />
Baltimore, Oakland et Los Angeles. La<br />
Bike Life, c’est un terme qui réunit le vélo<br />
et la vie. Une sous-culture qui, comme<br />
tant d’autres mouvements socioculturels,<br />
est née de la souffrance pour être sublimée<br />
par la créativité. Prolifiques, ces<br />
cyclistes passent leur temps à inventer de<br />
nouvelles figures et à perfectionner leur<br />
talent. C’est leur mode de vie, un mélange<br />
de passion pour le vélo, de positivisme…<br />
et d’une sérieuse envie de s’amuser.<br />
La Bike Life a beau être une culture<br />
majoritairement masculine, les filles ne<br />
sont pas en reste quand il s’agit de raser<br />
le bitume. De plus en plus nombreuses<br />
ces dernières années à grossir les rangs<br />
du peloton, elles alignent les wheelings<br />
et autres figures avec style et dextérité.<br />
C’est le cas de la rideuse Curly. En 2017,<br />
cette jeune fille originaire de la Lower<br />
East Side traîne dans son quartier quand<br />
elle voit un groupe de garçons défiler<br />
Plus new-yorkais,<br />
tu meurs : un petit<br />
groupe de bikers sur<br />
le pont de Brooklyn<br />
avec Manhattan en<br />
arrière-plan.<br />
64 THE RED BULLETIN
« La vie est devenue plus belle sur<br />
une roue. Chaque jour, je fais naître des<br />
sourires sur mon passage. » JAE MILEZ<br />
THE RED BULLETIN 65
Bike Life<br />
devant elle, roue avant en l’air. « C’est ce<br />
qu’on appelle le destin, explique Curly.<br />
Cette sensation qu’une chose est faite<br />
pour toi. Mon seul but désormais est de<br />
garder ma roue en l’air. »<br />
Curly reconnaît qu’il lui a fallu énormément<br />
de temps pour maîtriser ces<br />
figures. « Au début je n’étais pas trop sûre<br />
de moi, du coup je m’entraînais toute<br />
seule sur un parking, raconte-t-elle.<br />
Mais j’ai décidé de sortir de ma zone de<br />
confort. Ce n’est pas seulement un sport<br />
de mecs. » La discipline demande du<br />
temps et du talent. Originaire du Bronx,<br />
Obloxkz, alias O, est adepte de la Bike<br />
Life depuis quatre ans. Au bout de deux<br />
ans de pratique, il s’est fait sponsoriser<br />
par Throne Cycles, une entreprise de<br />
vélos urbains de Los Angeles. Il suffit de<br />
l’observer pour comprendre pourquoi.<br />
Zigzaguant entre les voitures, les pieds<br />
sautant sur les pédales, la main frottant<br />
le sol alors que son vélo est à la verticale,<br />
Obloxkz a clairement les compétences<br />
d’un athlète professionnel. « On nous<br />
juge sur ce qui est visible, dit-il. J’aimerais<br />
juste qu’on nous respecte autant que<br />
les riders BMX. »<br />
La Bike Life devient plus connue, plus<br />
commerciale, plus politisée et malheureusement,<br />
plus contrôlée. Faire du vélo<br />
dans la rue semble une pratique anodine,<br />
mais des problèmes plus larges de justice<br />
sociale et de pratiques discriminatoires<br />
des forces de police ont un impact considérable.<br />
Disons-le tout net : les chiffres<br />
concernant le nombre de jeunes cyclistes<br />
noirs et latinos verbalisés dans la ville de<br />
New York sont très préoccupants. Selon<br />
la direction des transports de New York,<br />
plus de 86 % des cyclistes verbalisés en<br />
ville en 2018 et 2019 étaient noirs et hispaniques.<br />
Près de la moitié de ces contraventions<br />
concernaient des cyclistes âgés<br />
de 24 ans ou moins, et 51 % des cas<br />
impliquaient des jeunes Afro-Américains.<br />
Une attitude hostile qui reflète l’injustice<br />
« Le vélo est fédérateur », assure Milez, 23 ans ; farouche défenseur<br />
de la communauté Bike Life, il prend les wheelings très au sérieux.<br />
ambiante et les carences en matière de<br />
pratiques équitables, notamment envers<br />
les cyclistes noirs et latino-américains<br />
féminins, les jeunes filles, les personnes<br />
non-binaires, les membres de la communauté<br />
LGBTQI ou les personnes issues<br />
des quartiers défavorisés.<br />
Je suis une femme noire, je vais avoir<br />
30 ans et je fais du vélo depuis dix ans.<br />
Être une cycliste noire, c’est se livrer au<br />
danger, à la peur, à l’angoisse. J’en suis<br />
bien consciente, mais c’est la seule<br />
« Le vélo, c’est un exutoire plus positif<br />
que n’importe quel jeu vidéo ou réalité<br />
virtuelle. » JAE MILEZ<br />
manière de faire bouger les choses. À<br />
l’heure actuelle, la discrimination est<br />
encore trop réelle, elle gangrène tous les<br />
éléments d’une culture, et celle du vélo<br />
n’est pas en reste : dans un article examinant<br />
les origines racistes, sexistes et classistes<br />
du cyclisme, l’auteur Taz Khatri énumère<br />
les préjugés encore trop présents en<br />
matière de race, de sexe et de socio-économie,<br />
soulignant que « les clubs cyclistes<br />
excluaient explicitement les Afro-Américains,<br />
les Américains d’origine asiatique,<br />
les pauvres et les Amérindiens ».<br />
Des données consternantes qui en<br />
disent long sur ce que cela représente<br />
d’être un cycliste noir ou latino-américain.<br />
Une seule solution : l’accessibilité. Ce sera<br />
la clé de l’acceptation sociale. Dans des<br />
interviews séparées, Jae, Curly et O<br />
évoquent la liberté, l’amitié, et décrivent<br />
le sens que le vélo donne à leur vie.<br />
66 THE RED BULLETIN
Obloxkz, originaire du Bronx,<br />
a un sponsor, 18 000 followers sur<br />
Instagram… et un désir légitime<br />
d’être respecté pour son talent.
Bike Life<br />
YourBoyFromBK<br />
offre un divertissement<br />
gratuit aux<br />
clients déjeunant<br />
dans le quartier de<br />
Soho à Manhattan.
La Bike Life, c’est être dans le flow<br />
du mouvement, c’est un mode de vie<br />
qui apporte positivité et bien-être.<br />
69
Bike Life<br />
Oui, la Bike Life réunit des petits prodiges qui s’entraînent jour et nuit. Mais le noyau dur<br />
de cette culture est avant tout une communauté soudée de passionnés.<br />
« J’ai vu des membres de gangs<br />
adverses se réunir pacifiquement pour<br />
partager leur amour du vélo. » JAE MILEZ<br />
Amoureux de la Bike Life, Jae cherche<br />
de nouvelles solutions. Il est favorable à<br />
la création d’espaces intérieurs afin de<br />
s’entraîner librement sans se soucier de<br />
la météo, des conducteurs agressifs ou de<br />
la police. Conscient des enjeux politiques<br />
de la situation, il rencontre régulièrement<br />
le chef de police de son quartier. « Le vélo<br />
est fédérateur, dit-il. J’ai vu des membres<br />
de gangs adverses se réunir pacifiquement<br />
juste pour partager leur amour du<br />
vélo. Un exutoire plus positif que n’importe<br />
quel jeu vidéo ou réalité virtuelle. »<br />
Il pense qu’une fois que les autorités<br />
auront compris tous les bénéfices que<br />
représente la Bike Life pour les jeunes,<br />
elles prendront davantage en compte les<br />
initiatives liées au vélo dans leurs politiques<br />
publiques. La législation et les comportements<br />
suivront.<br />
Pour moi, le vélo a longtemps été un<br />
sport solitaire, je n’avais que deux amis<br />
qui en faisaient. Tout a changé en 2016<br />
lorsque j’ai (littéralement) croisé le chemin<br />
de Q dans les rues de New York. Mon<br />
mari et moi, on rentrait du travail à vélo<br />
quand soudain, on s’est retrouvés plongés<br />
dans un océan de bikers. Leur joie était si<br />
communicative qu’on a décidé de faire un<br />
peu de route avec eux. J’en ai profité pour<br />
me présenter à Q, vice-président d’Only<br />
The Rocketz, un club de cyclistes de New<br />
York. Et voilà. Tout d’un coup, j’avais un<br />
lien personnel avec la Bike Life.<br />
Mais la pandémie est venue bouleverser<br />
la vie des cyclistes. Le quotidien a<br />
changé : avec moins de circulation, les<br />
salles de sport fermées, et l’ennui général<br />
provoqué par la pandémie, les Américains<br />
ont commencé à enfourcher leur vélo<br />
comme jamais auparavant. Les ventes<br />
de vélos au printemps et à l’été 2020 ont<br />
augmenté de plus de 80 % par rapport à<br />
l’année précédente. Si la Bike Life a été<br />
touchée par le virus, elle l’a également été<br />
par l’actualité, tout comme beaucoup<br />
d’autres aspects de notre société. Nous<br />
avons subi une prise de conscience lente<br />
et douloureuse en termes de justice<br />
sociale, et ma passion occasionnelle a pris<br />
une nouvelle ampleur : en réponse au<br />
poids d’être une femme noire, confrontée<br />
à la brutalité policière et au sentiment<br />
d’injustice provoqué par les violents assassinats<br />
de George Floyd, Breonna Taylor et<br />
de nombreux autres Afro-Américains, j’ai<br />
participé au lancement de la première<br />
édition annuelle de … And Still We Ride,<br />
une sortie à vélo rendant hommage aux<br />
femmes noires. Épaulée par Q et de nombreux<br />
bénévoles, j’ai organisé une grande<br />
manifestation réunissant des amoureux<br />
de la Bike Life et des gens qui n’étaient pas<br />
monté sur un vélo depuis des années. Jae<br />
Milez s’est joint à nous et a parcouru cinquante<br />
kilomètres en roue arrière.<br />
Notre manifestation a été reprise dans<br />
tout le pays, puis le mouvement s’est propagé<br />
dans le monde entier en signe de<br />
solidarité. Les gens étaient ultra motivés,<br />
solidaires et complètement dingues. Ils<br />
sont sortis dans la rue pour s’exprimer,<br />
leurs corps en mouvement comme<br />
autant d’actes de protestation. La maladie,<br />
le meurtre et le chaos les ont poussés<br />
à l’action, une expérience douce-amère<br />
qui nous a définitivement changés.<br />
Des lueurs d’espoirs sont nées de cette<br />
tragédie: des activistes en herbe prennent<br />
la parole, des gens font appel à la communauté,<br />
des groupes marginalisés se<br />
70 THE RED BULLETIN
« Ce n’est pas seulement<br />
un sport de mecs », déclare<br />
Curly, qui passe des<br />
heures à perfectionner sa<br />
technique du wheeling.<br />
La Bike Life est bien<br />
plus qu’un sport : c’est<br />
une forme d’expression,<br />
un moyen d’affirmation<br />
et une passion.<br />
THE RED BULLETIN 71
Le duo fait monter la<br />
sauce dans le quartier<br />
de Chinatown à New<br />
York. Ici, El Arte saute<br />
au-dessus de son pote<br />
Luis Banks.
Bike Life<br />
Sur sa roue arrière, Luis Banks apporte une énergie dynamisante dans cette zone<br />
piétonne de Manhattan écrasée par la monotonie.<br />
mobilisent, nous allons toujours de<br />
l’avant. Mais comme le souligne O, beaucoup<br />
de jeunes ont peu ou aucun revenus.<br />
Difficile pour eux d’acheter un vélo.<br />
« Si j’avais 100 vélos sous la main, je les<br />
donnerais tout de suite », ajoute-t-il, précisant<br />
qu’un bon vélo peut coûter entre<br />
700 et 1 000 dollars. Euphorique, il nous<br />
explique son projet de collaboration avec<br />
des entreprises privées pour organiser<br />
des remises de vélos et des cours de création<br />
de contenu. C’est tout simple : offrez<br />
des perspectives intéressantes aux jeunes<br />
et ils y consacreront le temps et la concentration<br />
nécessaires. Mais outre l’aspect<br />
financier, c’est aussi l’infrastructure des<br />
quartiers défavorisés qui freine les jeunes.<br />
Pas facile de construire une culture du<br />
vélo au milieu des nids-de-poule, dans<br />
des rues sans pistes cyclables ni panneaux<br />
de signalisation indiquant le droit des<br />
cyclistes à circuler. Pas étonnant que les<br />
cyclistes ressentent le besoin d’envahir les<br />
rues en masse pour se sentir en sécurité.<br />
Je suis née à Minneapolis, l’une des<br />
villes les plus cyclables d’Amérique, et je<br />
vis actuellement à Copenhague, l’une des<br />
villes les plus cyclables au monde. J’ai<br />
remarqué que les villes qui ont investi<br />
dans des infrastructures cyclables ont<br />
beaucoup à nous apprendre. À Copenhague,<br />
les habitants à vélo prennent<br />
« On nous juge sur ce qui est visible.<br />
J’aimerais juste qu’on nous respecte<br />
autant que des riders de BMX. » OBLOXKZ<br />
moins de congés maladie et font économiser<br />
1 euro par kilomètre parcouru à<br />
la sécurité sociale. La Bike Life est une<br />
activité sportive et artistique, mais les<br />
avantages vont bien plus loin : une<br />
société en meilleure santé physique et<br />
mentale, une réduction de l’empreinte<br />
carbone, des économies sur les coûts de<br />
stationnement et les véhicules, une<br />
réduction de la criminalité, des opportunités<br />
de développement économique,<br />
des avantages en termes d’équité sociale.<br />
C’est surtout sur le plan personnel que<br />
ses avantages se ressentent. « Le vélo est<br />
synonyme de communauté et de famille,<br />
déclare Obloxkz. Quoi que tu fasses,<br />
même si c’est autre chose que du vélo,<br />
donne-toi à fond. »<br />
La Bike Life, c’est être dans le flow<br />
du mouvement, une culture et un mode<br />
de vie qui apporte positivité et bien-être.<br />
Alors, la prochaine fois que vous vous<br />
retrouverez plongé dans un océan de<br />
cyclistes, posez-vous cette question :<br />
« Où est ma place ? »<br />
THE RED BULLETIN 73
PRÊT À ATTEINDRE<br />
VOTRE PIC DE FORME ?<br />
Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière. www.mangerbouger.fr
PERSPECTIVES<br />
Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />
GONFLÉ À BLOC<br />
Une visite des blocs<br />
du Tessin en compagnie<br />
du maestro Giuliano<br />
Cameroni en Suisse<br />
méditerranéenne.<br />
STEFAN KUERZI/RED BULL CONTENT POOL SIMON SCHREYER<br />
75
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
« La plus grande<br />
concentration de<br />
passages ardus en<br />
Europe se trouve<br />
dans le Tessin. »<br />
Le pro de l’escalade Giuliano<br />
Cameroni, 24 ans, nous parle<br />
de sa terre natale<br />
Je n’étais pas né que, déjà, j’escaladais<br />
les blocs du Tessin. Ma mère<br />
ne ratait jamais une occasion<br />
de faire du bloc, même lorsqu’elle était<br />
enceinte. Mon jeune frère Diego et surtout<br />
mon père Claudio sont également<br />
connus chez moi en tant que grimpeurs.<br />
Mon père a même écrit quatre guides<br />
reconnus consacrés au Tessin. L’escalade<br />
est donc une véritable affaire de famille<br />
chez nous. Et les zones de blocs de la<br />
région constituaient mon terrain de jeu<br />
alors que je n’avais pas encore soufflé<br />
mes cinq bougies.<br />
Il y a quatre zones importantes de<br />
blocs dans le Tessin : Cresciano, Chironico,<br />
Brione et le col du Saint-Gothard. Elles<br />
sont toutes de première catégorie : les<br />
blocs de granit et de gneiss offrent des<br />
structures compactes qui offrent des<br />
prises. Il arrive rarement que l’une d’elles<br />
se casse. De plus, les blocs se présentent<br />
de telle manière que les mouvements<br />
semblent se décider d’eux-mêmes.<br />
On dirait que la Création a réfléchi<br />
pour nous. Dans le Tessin, il y a une plus<br />
grande concentration de passages ardus<br />
que n’importe où ailleurs en Europe. Et<br />
c’est exactement ce qui stimule les<br />
Chez-soi de pierre : le pro de l’escalade Giuliano Cameroni sur un bloc dans le Tessin.<br />
Tourbillons naturels du<br />
ruisseau de montagne<br />
limpide du Val Verzasca,<br />
dans le Tessin. Un coup<br />
de frais après avoir<br />
escaladé les blocs.<br />
76 THE RED BULLETIN
Comment<br />
s’y rendre<br />
En voiture : depuis Zurich,<br />
vous pouvez rejoindre le<br />
tunnel du Saint-Gothard en<br />
environ 1 h 30 (sans péage).<br />
Une vignette autoroutière<br />
pour dix jours coûte 9,40 € /<br />
10,29 CHF. Nous vous recommandons<br />
d’y faire un<br />
arrêt car le col du Saint-<br />
Gothard est un bloc de rêve.<br />
Si vous empruntez le tunnel,<br />
vous atteindrez Bellinzone<br />
une heure après la sortie.<br />
De là, il ne vous faudra que<br />
quelques minutes pour<br />
gagner Cresciano.<br />
Berne<br />
En train : la durée du voyage<br />
de Zurich à Bellinzone est<br />
d’environ 2 heures. Prix des<br />
billets : 71 € / 77, 8 CHF.<br />
Suisse<br />
CANTON DU TESSIN<br />
Cresciano<br />
Lugano<br />
Zurich<br />
Le village de Lavertezzo du Val Verzasca : pour faire du bloc et se baigner dans la nature.<br />
STEFAN KUERZI/RED BULL CONTENT POOL, EVOLUTIONCENTER.CH,<br />
GETTY IMAGES (2) SIMON SCHREYER<br />
grimpeurs ambitieux. Mon expérience<br />
m’a fait réaliser que chaque pierre possède<br />
sa propre énergie.<br />
Que vous soyez débutant<br />
ou expert, ici tout le monde<br />
peut grimper<br />
Voici trois blocs en détail. Ils sont situés<br />
dans ma région préférée, Cresciano.<br />
Commençons par le plus difficile, le<br />
niveau de difficulté (qui peut s’élever<br />
jusqu’à 9a) est indiqué entre parenthèses<br />
: Dreamtime (8b+/8c), 7 mètres<br />
de long, 3 mètres de haut, est un classique<br />
avec vingt et un mouvements suivis<br />
d’un jeté ou dyno à la sortie. La voie<br />
passe dans un dévers à 50 degrés, se<br />
S’il pleut : centre d’escalade Evolution à Taverne.<br />
Bon à savoir<br />
Hébergement : Barbara et Cornelia<br />
gèrent l’Ostello Cresciano qui devient<br />
de plus en plus populaire auprès<br />
des grimpeurs. Le petit-déjeuner est<br />
inclus, le wifi est gratuit et le salon<br />
confortable. Les alternatives incluent<br />
Airbnb ou trois campings (Al Censo,<br />
Bellinzone ou Agriturismo La Finca)<br />
si vous arrivez en monospace.<br />
Pour les journées pluvieuses,<br />
il y a deux salles de blocs : Alpha<br />
Boulder à Giubiasco et le centre<br />
d’escalade Evolution (photo de<br />
gauche) à Taverne.<br />
Infos : ostello-cresciano.online<br />
THE RED BULLETIN 77
PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
Le Ponte dei Salti, dans le Val Verzasca, invite les casse-cou à se jeter à l’eau.<br />
monte de droite à gauche avant de<br />
revenir par le milieu. Ce que j’aime ici,<br />
c’est la fluidité des mouvements.<br />
La grotte des soupirs (7c), 4 m de<br />
long, 2 m de haut, est un toit caverneux<br />
avec de larges prises. Elle propose<br />
une séquence qui n’est pas trop<br />
difficile, mais qui demande de l’énergie.<br />
Les efforts demandés et l’acoustique<br />
ont inspiré le premier grimpeur,<br />
Fred Nicole, à lui donner ce nom.<br />
Il Cerchio Celtico (6a+), 4 m de<br />
long, 2 m de haut et probablement<br />
un ancien site de culte celtique, est<br />
situé sur une colline qui offre un panorama<br />
incroyable. Cinq voies qui<br />
servent d’échauffement pour les experts,<br />
ou de point de départ pour les<br />
débutants, mènent au bloc.<br />
La plupart des blocs sont cachés<br />
au plus profond du paysage sauvage,<br />
loin de la civilisation. Autre atout de la<br />
région : dans le Tessin, on peut grimper<br />
toute l’année et le soleil est très souvent<br />
au rendez-vous !<br />
« Dans le Tessin,<br />
la roche parle aux<br />
grimpeurs. »<br />
Giuliano Cameroni, 24 ans, pro du bloc<br />
Pour se rafraîchir,<br />
une baignade dans<br />
le Val Verzasca<br />
En outre, il se dégage de la région<br />
une atmosphère paisible. S’il y a trop<br />
d’animation à Cresciano (ce qui arrive<br />
rarement), vous pouvez toujours<br />
aller à Chironico dans le district de<br />
Léventine.<br />
Pour nous rafraîchir, mes amis<br />
et moi aimons nous baigner dans le<br />
Val Verzasca. Le ruisseau de montagne<br />
limpide de cette vallée idyllique<br />
crée des tourbillons naturels avec<br />
des courants agréables. Alternative<br />
attrayante : Ponte Brolla dans la vallée<br />
voisine de la Maggia. Vous pourrez<br />
y sauter dans l’eau depuis des hauteurs<br />
de plusieurs mètres et parfois<br />
observer des plongeurs de falaise<br />
professionnels.<br />
Plus sur Giuliano Cameroni :<br />
Instagram : @giuliano_cameroni ;<br />
redbull.com<br />
GETTY IMAGES, STEFAN KUERZI/RED BULL CONTENT POOL SIMON SCHREYER<br />
78 THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN<br />
Retrouvez votre prochain numéro en août en abonnement avec et avec ,<br />
dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.<br />
LORENZ HOLDER/RED BULL CONTENT POOL
ALLER MIEUX<br />
Bienfaits froids<br />
Piquer une tête dans une eau glacée peut sembler fou, pourtant cela peut<br />
changer votre vie comme le révèle la fondatrice des Mental Health Swims.<br />
En ce 1 er janvier 2019, Rachel<br />
Ashe, 34 ans, participe à son<br />
premier Loony Dook, un événement<br />
consistant à prendre<br />
le jour de l’an un bain de mer<br />
dans l’eau glacée de l’estuaire<br />
du Forth, près d’Édimbourg<br />
(Écosse). « J’étais dans un sale<br />
état, mais j’ai couru avec des<br />
centaines de personnes et j’ai<br />
sauté dans l’eau. » Une eau à<br />
un ou deux degrés. « Après le<br />
choc, j’ai ressenti un calme<br />
profond, cela ne m’était pas<br />
arrivé depuis des années.<br />
Ce fut une révélation. »<br />
Depuis l’enfance, Ashe<br />
souffre de troubles psychiques<br />
; en 2018, elle est<br />
diagnostiquée borderline.<br />
Ce premier bain glacé l’incite<br />
à poursuivre la pratique chez<br />
elle, à Swansea (Pays de<br />
Galles). Et ça marche, son<br />
état mental s’améliore sensiblement.<br />
« En hiver, j’étais<br />
souvent dépressive. Les bains<br />
de mer ont éclairci mon horizon.<br />
Le froid mordant produit<br />
un incroyable effet sur la<br />
peau. J’ai le sentiment que<br />
tout redevient possible. »<br />
Après neuf mois de pratique<br />
sous les orages et la<br />
grêle, Ashe organise la première<br />
édition de la Mental<br />
Health Swim (trad. nage pour<br />
la santé mentale) à Caswell<br />
Bay, à 10 km de Swansea. « Je<br />
tenais à me retrouver dans la<br />
mer avec des personnes qui<br />
m’acceptent comme je suis,<br />
quels que soient mes états<br />
d’âme. » Près de trente personnes<br />
répondent à l’appel,<br />
« Plonger dans<br />
l’eau froide me<br />
force à sortir de<br />
ma tête. »<br />
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
Frisson de joie :<br />
Rachel Ashe<br />
(à droite) et<br />
sa compagne<br />
Cory Hughes.<br />
de quoi encourager Rachel à<br />
rendre cette rencontre mensuelle.<br />
Aujourd’hui, la Mental<br />
Health Swim compte près de<br />
90 groupes à travers le<br />
Royaume-Uni.<br />
En quoi l’eau froide améliore-t-elle<br />
le bien-être mental<br />
? Le Dr Mark Harper, directeur<br />
de Mental Health Swims<br />
et anesthésiste au CHU de<br />
Brighton et de Sussex, étudie<br />
les bienfaits de ce type de baignade<br />
et ses effets sur l’inflammation.<br />
De plus, des tests<br />
montrent que l’exposition au<br />
froid aide à traiter la dépression<br />
et l’anxiété. « L’immersion<br />
en eau froide n’est pas un<br />
remède, précise le Dr Harper,<br />
mais elle procure un ensemble<br />
d’avantages — exercice,<br />
sociabilité, autonomie, réussite,<br />
plaisir — qui, associé à<br />
l’eau froide, est étonnamment<br />
bon pour la santé mentale. »<br />
L’immersion peut<br />
accroître la résilience<br />
« L’eau froide est un facteur de<br />
stress pour le corps, explique<br />
Rachel Ashe. Parvenir à surmonter<br />
le choc de l’immersion<br />
facilite la gestion du stress<br />
quotidien. La méditation<br />
consciente ne m’a pas été<br />
bénéfique, j’avais tendance<br />
à fabriquer ma pleine<br />
conscience. Plonger dans<br />
l’eau froide me force à sortir<br />
de ma tête. Beaucoup d’entre<br />
nous portent leur anxiété dans<br />
la poitrine. Le fait de pénétrer<br />
lentement dans l’eau libère<br />
cette anxiété sous l’effet du<br />
froid qui pénètre par les pieds<br />
et remonte le long du corps. »<br />
En bonne compagnie<br />
« Le confinement a boosté les<br />
Mental Health Swims, confie<br />
Ashe. Le sentiment d’isolement<br />
a touché beaucoup de<br />
personnes au cours de l’année<br />
écoulée, les baignades ont été<br />
un réel soutien, une occasion<br />
de renouer des liens sociaux.<br />
Je veux montrer à ceux qui<br />
luttent pour leur santé mentale<br />
qu’ils sont plus forts qu’ils<br />
ne le pensent. »<br />
Pas d’équipement<br />
spécifique requis<br />
« Portez ce qui vous plaît,<br />
maillot de bain, combinaison<br />
de plongée, tee-shirt et leggings,<br />
qu’importe. L’essentiel<br />
est ailleurs, dans le fait de<br />
plonger dans l’eau froide et<br />
d’en ressentir les bienfaits,<br />
de passer du temps avec ceux<br />
qui vous comprennent. »<br />
Faites trempette,<br />
pas des longueurs<br />
« Soyez toujours à l’écoute de<br />
votre corps. Ne nagez jamais<br />
seul. On ne prépare pas un<br />
triathlon. Parfois, le simple<br />
fait de s’enfoncer dans l’eau<br />
jusqu’à la taille suffit. Les<br />
séances sont encadrées par<br />
des secouristes formés aux<br />
troubles psychiques et aux<br />
règles de sécurité en eau<br />
froide, identifiables grâce à<br />
leur drapeau de pirates rose. »<br />
Instagram :<br />
@mentalhealthswims<br />
LAURA MINNS NINA ZIETMAN<br />
80 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
fitness<br />
HYDROW TOM GUISE<br />
RAMER<br />
Aviron à réaction<br />
En plus de vous mettre en forme, ce rameur d’intérieur<br />
vous transporte sur les cours d’eau du monde entier.<br />
« Je peux vous apprendre à ramer en trois secondes », affirme Bruce Smith. Ce Bostonien<br />
de 51 ans est l’ex-entraîneur de l’équipe nationale d’aviron des États-Unis. Aujourd’hui,<br />
avec Hydrow, sa version révolutionnaire du rameur d’intérieur, Smith se lance dans le<br />
domaine du fitness high-tech. « L’aviron fait travailler 86 % du corps, renforce la densité<br />
osseuse et ménage les articulations, contrairement à la course à pied », explique-t-il. Estimant<br />
les anciens rameurs d’intérieur bruyants et encombrants, Smith voulait procurer la<br />
sensation de fendre l’onde. Hydrow y parvient grâce à un mécanisme électromagnétique<br />
contrôlé par ordinateur qui modifie la résistance jusqu’à 240 fois par seconde pour correspondre<br />
aux entraînements à l’écran, filmés en direct sur de véritables cours d’eau. Les<br />
utilisateurs peuvent se connecter en ligne et ramer en groupe. « Avoir l’impression d’être<br />
sur l’eau et travailler en parfaite synchronisation avec ses coéquipiers procurent une sensation<br />
particulière, dit Smith. C’est méditatif et énergisant. » hydrow.co.uk<br />
Les utilisateurs<br />
de Hydrow se<br />
connectent pour<br />
ramer ensemble,<br />
et aussi partager<br />
leurs questions,<br />
leur motivation et<br />
leurs conseils.<br />
THE RED BULLETIN 81
PERSPECTIVES<br />
gaming<br />
Prenez vos repères<br />
« Dans la zone, interdiction<br />
de se perdre, explique<br />
Nimara, qui vit en Roumanie.<br />
Souvenez-vous des points de<br />
repère et de leur emplacement.<br />
Utilisez une boussole<br />
et ne perdez pas de vue l’endroit<br />
où vous vous trouvez<br />
sur la carte. » Et s’il est trop<br />
difficile de voir devant vous<br />
(comme en cas de blizzard<br />
intense), réfléchissez avant<br />
de continuer.<br />
Dormez malin<br />
Le bon sens devrait toujours<br />
dicter l’endroit où vous dormez.<br />
« Nous n’obligeons pas<br />
les joueurs à camper dans<br />
des endroits spécifiques mais<br />
il est sage d’observer les ressources<br />
à portée de main. Ne<br />
campez pas là où vous n’êtes<br />
pas protégé des éléments, ou<br />
dans un endroit dangereux. »<br />
SURVIVRE<br />
Virtuel ou naturel ?<br />
Quittez la ville pour les grands espaces depuis le confort<br />
de votre fauteuil de gamer. Mais allez-y préparé...<br />
« Quand on veut saisir une<br />
simple chose dans la nature,<br />
on s’aperçoit qu’elle est liée au<br />
reste du monde », écrivit John<br />
Muir, explorateur de légende,<br />
défenseur de l’environnement<br />
et père de l’important système<br />
des parcs nationaux<br />
américains, après avoir vu<br />
pour la première fois les montagnes<br />
de la Sierra Nevada en<br />
1869. Une sensation que les<br />
joueurs d’Open Country, un<br />
nouveau défi de plein air de<br />
l’éditeur de jeux italien 505<br />
Games, partageront sous peu.<br />
En contrôlant un personnage<br />
qui troque sa vie urbaine<br />
pour la nature, vous êtes lâché<br />
dans une gigantesque simulation<br />
immersive de grands<br />
espaces inspirée par les parcs<br />
nationaux de Yellowstone et<br />
de Yosemite. La compréhension<br />
de l’interconnexion de la<br />
nature est ici vitale pour la<br />
survie : le bois permet de<br />
construire des abris et sert de<br />
combustible, les traces<br />
mènent à des animaux et les<br />
rivières vous guident vers une<br />
végétation luxuriante.<br />
« Le jeu vous permet de<br />
vous frotter à la vie en plein<br />
air en utilisant des techniques<br />
de brousse, de chasse et de<br />
pêche pour survivre, explique<br />
Tudor Nimara (photo),<br />
concepteur principal des<br />
développeurs du jeu, FUN<br />
Labs. Mais nous voulions<br />
aussi des moments où vous<br />
pouvez simplement contempler<br />
les vues magnifiques et<br />
reconnecter avec la nature. »<br />
Voici quelques-unes des<br />
compétences en matière de<br />
nature sauvage que vous<br />
découvrirez dans le jeu et qui<br />
pourraient s’avérer utiles pour<br />
votre prochaine aventure dans<br />
la vie réelle...<br />
« Ce jeu peut<br />
combler votre<br />
côté plein air. »<br />
Le bon vêtement<br />
Dans le jeu comme dans la<br />
vie, la météo est imprévisible<br />
et vous devrez vous adapter.<br />
« Les joueurs doivent bien<br />
s’équiper. Vous devez donc<br />
utiliser les bons vêtements,<br />
réagir si vous avez chaud et<br />
soif, ou si vous avez froid.<br />
Nous nous sommes également<br />
penchés sur les techniques<br />
de bushcraft (art des<br />
bois), par exemple, la fabrication<br />
d’un bouclier de feu. Rassemblez<br />
du bois et mettez-le<br />
d’un côté du feu de camp<br />
pour qu’il serve de réflecteur ;<br />
plus efficace. »<br />
Votre meilleur pote<br />
En rase campagne, vous êtes<br />
accompagné d’un ami fidèle.<br />
« Votre chien peut renifler les<br />
traces d’animaux et vous<br />
alerter en cas de danger.<br />
Dans ce jeu, vous ne pouvez<br />
vous déchaîner contre les<br />
grizzlis ou autres prédateurs,<br />
vous devez envisager de vous<br />
éloigner. Ici, la chasse est utilitaire,<br />
il ne s’agit pas de collectionner<br />
les trophées mais<br />
de mettre de la nourriture sur<br />
le feu de camp. »<br />
Open Country sur PS4, Xbox One<br />
et Steam ; opencountrygame.com<br />
STU KENNY<br />
82 THE RED BULLETIN
© Jean Nouvel, Gilbert Lézénès, Pierre Soria et Architecture-Studio / Adagp, Paris, 2021<br />
ALPHATAURI.COM
PERSPECTIVES<br />
Et si… on rangeait ?<br />
Toujours moins :<br />
pour Millburn<br />
(à gauche) et son<br />
pote Nicodemus,<br />
le bas de la photo<br />
est superflu.<br />
Dites adieu<br />
au bazar<br />
Millburn et<br />
Nicodemus<br />
recommandent<br />
cinq techniques<br />
pour s’alléger.<br />
SIMPLICITÉ<br />
Allégez-vous<br />
Vous vous sentez piégé par tous vos biens accumulés ? Les<br />
Minimalistes se libèrent de l’absurdité qu’est le matérialisme…<br />
Pour beaucoup, le minimalisme<br />
évoque l’esthétique :<br />
une pièce blanche dépouillée,<br />
la musique d’un unique instrument,<br />
un gadget dépourvu<br />
de boutons. Mais pour les<br />
amis Joshua Fields Millburn<br />
et Ryan Nicodemus, alias les<br />
Minimalistes, c’est le secret<br />
d’une vie heureuse.<br />
Natifs de Dayton, dans<br />
l’Ohio (USA), ces amis d’enfance<br />
découvrent le minimalisme<br />
en 2009, au moment<br />
où Millburn subit deux grands<br />
bouleversements en l’espace<br />
d’un mois : le décès sa mère<br />
et un divorce. « Ces événements<br />
m’ont forcé à faire le<br />
point et à revoir mes priorités<br />
qui incluaient alors réussite,<br />
statut social et accumulation,<br />
explique le quadragénaire.<br />
Un ménage américain moyen<br />
possède jusqu’à 300 000<br />
objets, et le mien probablement<br />
davantage. »<br />
En se séparant des biens<br />
de sa mère, Millburn décide<br />
d’en faire autant avec les<br />
siens, et plus il se débarrasse<br />
de ses objets, plus il se sent<br />
libre. Déprimé, Nicodemus,<br />
39 ans, rend visite à Millburn,<br />
ce dernier lui suggère de l’imiter.<br />
« Je travaillais 80 heures<br />
par semaine et négligeais des<br />
aspects importants de ma<br />
vie, tels que les relations<br />
humaines. J’ai alors cessé<br />
de faire passer les biens<br />
avant les personnes. »<br />
Podcasts, blog, conférences,<br />
livres et documentaires<br />
Netflix, les Minimalistes<br />
partagent leur philosophie<br />
avec des millions de personnes<br />
à travers le monde. Le<br />
message est simple : le vrai<br />
bonheur ne se trouve pas en<br />
adhérant au capitalisme et<br />
au consumérisme, mais en<br />
y renonçant. « La majorité<br />
d’entre nous passe sa vie à<br />
accumuler des objets au lieu<br />
de la vivre, déclare Millburn.<br />
En possédant uniquement le<br />
strict nécessaire, notre perception<br />
ira au-delà du simple<br />
monde physique et permettra<br />
à chacun de se reconnecter<br />
à l’essentiel. » Ou, pour citer<br />
le titre de leur dernier livre :<br />
« Chérissez les gens, pas les<br />
choses ».<br />
« Les objets ne sont pas<br />
nos ennemis », assure Millburn,<br />
et souligne qu’adopter<br />
ce mode de vie n’implique<br />
pas nécessairement de jeter<br />
tout ce que l’on possède. « Il<br />
ne s’agit pas de renoncer ou<br />
de bannir les objets, mais<br />
de posséder uniquement<br />
ceux qui apportent une réelle<br />
valeur ajoutée à nos vies.<br />
90 % de nos effets personnels<br />
sont des rebuts prétendument<br />
essentiels qui nous<br />
encombrent. Désencombrer<br />
notre monde extérieur ouvre<br />
la voie à l’épanouissement<br />
de notre monde intérieur. »<br />
theminimalists.com<br />
Le pourquoi<br />
« Posez-vous au préalable<br />
la question suivante :<br />
“Comment vivre mieux<br />
avec moins ?” Si vous mettez<br />
quelque chose au rebut<br />
sans savoir pourquoi, celleci<br />
sera vite de retour. »<br />
Objets saisonniers<br />
« Un objet non utilisé depuis<br />
trois mois et qui ne sera pas<br />
utilisé dans les trois mois à<br />
venir, peut être éliminé. »<br />
La règle<br />
des 20/20<br />
« Pour chaque objet que<br />
vous conservez au cas<br />
où, demandez-vous si<br />
vous pourriez l’obtenir<br />
pour moins de 20 euros<br />
en moins de 20 minutes.<br />
Si c’est le cas, dégagez-le.<br />
Cela concerne généralement<br />
deux ou trois objets<br />
tout au plus. »<br />
1 de plus,<br />
10 de moins<br />
« Séparez-vous de dix objets<br />
pour chaque nouvel objet<br />
acquis. Cela rendra vos<br />
achats plus judicieux, tout<br />
en vous obligeant à réévaluer<br />
constamment les possessions<br />
dont vous êtes<br />
prêt(e) à vous défaire. »<br />
Combustion<br />
spontanée<br />
« Imaginez pour un objet<br />
donné qu’il parte soudain<br />
en fumée. Vous seriez surpris<br />
du nombre de fois où<br />
vous vous sentirez soulagé.<br />
Si tel est le cas, défaitesvous<br />
en. »<br />
JOSHUA WEAVER LOU BOYD<br />
84 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
agenda<br />
DÉJÀ DISPO<br />
RISK VS REWARD: A NAZARÉ ANTHOLOGY SERIES<br />
Pourquoi seriez-vous prêt à tout risquer ? Pour la plupart d’entre nous, cette question n’est<br />
heureusement guère plus qu’hypothétique. Mais pour les surfeurs de cette série, elle est<br />
bien réelle. Nazaré, au Portugal, abrite les plus grandes vagues surfables de la planète, où<br />
des records et des corps peuvent être et ont été battus. C’est une légende qui a déjà été<br />
racontée, mais ce qui est rarement couvert, ce sont les enjeux humains : les familles, les partenaires<br />
et les animaux domestiques laissés de côté dans la poursuite de ce prix. Les deux<br />
premiers épisodes de cette série se concentrent sur les vies et les amours de la Française<br />
Justine Dupont et du Brésilien Pedro « Scooby » Vianna, qui risquent tout. redbull.com<br />
17 AU 19 SEPTEMBRE<br />
VÉLO EN GRAND<br />
Si vous aimez le vélo, ce nouveau<br />
rendez-vous est pour vous. Organisé<br />
sur le site (protégé) de l’île de loisirs<br />
de Jablines-Annet, en Seine-et-<br />
Marne (77), Vélo en Grand s’annonce<br />
comme un rendez-vous grand public,<br />
ouvert aux familles comme aux<br />
sportifs, et aux convaincus comme<br />
aux curieux du vélo. Que vous l’aimiez<br />
urbain, électrique, pliant,<br />
cargo, gravel, de route, de voyage ou<br />
nature, votre vélo sera à l’honneur,<br />
lors d’initiations, courses, randos,<br />
animations (multiples) et même de<br />
compétitions, comme les championnats<br />
du monde de Wheeling (Bike<br />
Life), la Coupe du Monde MTB Eliminator<br />
et le Cyclo-Cross International<br />
de la Solidarité C2. Organisé par<br />
les équipes de Vélo Vert, dont on ne<br />
présente plus le magazine de VTT<br />
historique, ce premier festival du<br />
vélo en Île-de-France devrait être<br />
surprenant. veloengrand.com<br />
DÉJÀ DISPO<br />
ACCOMPLICE<br />
L’acquisition de son premier vélo est un moment<br />
important dans la vie de chacun. Ce film est un<br />
hommage à ce billet pour la liberté, au lien qui<br />
s’est tissé entre l’homme et son compagnon à<br />
deux roues. Mais les personnes qui racontent leur<br />
histoire ici ne sont pas n’importe qui – ce sont des<br />
légendes du cyclisme, qui se sont engagées sur<br />
une voie dès le moment où elles ont découvert ce<br />
que permettait un vélo. Pour Brandon Semenuk,<br />
ce parcours a conduit le Canadien à remporter le<br />
<strong>Red</strong> Bull Joyride pour la première fois en 2011.<br />
Pour l’Américain Paul Basagoitia, il s’est traduit par<br />
une chute au <strong>Red</strong> Bull Rampage en 2015 qui l’a laissé<br />
paralysé et a dû réapprendre à rouler. Bien plus<br />
qu’un simple film de vélo. redbull.com<br />
KONSTANTIN REYER/RED BULL CONTENT POOL, VÉLO EN GRAND, LUKE WALKER/SAATCHI GALLERY,<br />
BEN MARR/RED BULL CONTENT POOL<br />
86 THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES<br />
agenda<br />
JUSQU’AU 3 OCTOBRE ‒ LONDRES<br />
JR: CHRONICLES<br />
L’artiste de rue français JR est célèbre pour ses collages de photos à la fois<br />
épiques et intimes, et le monde entier est sa galerie. De 2008 à 2014, son<br />
projet Women Are Heroes a recouvert les toits, les trains et les murs d’Europe,<br />
d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique de photos de femmes vivant<br />
dans des bidonvilles. Pour Giants (photo ci-dessus) en 2017, il a érigé une<br />
imposante photocopie d’un enfant regardant par-dessus le mur de la frontière<br />
entre les USA et le Mexique. Ces œuvres et d’autres sont présentées<br />
dans une exposition événement à Londres qui pourrait bien justifier un<br />
saut en Angleterre si l’actualité le permet.<br />
Saatchi Gallery, Londres ; saatchigallery.com<br />
17 ET 18 AOÛT<br />
PARIS CONQUEST<br />
Enfin, un gros événement de skate<br />
à Paris ! Le <strong>Red</strong> Bull Paris Conquest<br />
est une compétition internationale<br />
de street qui rassemblera 36 riders<br />
pros (24 hommes et 12 femmes)<br />
qui s’affronteront dans un format<br />
head-to-head, au sein d’un skatepark<br />
unique composé de sept spots<br />
parisiens iconiques reconstitués<br />
pour l’occasion au Trocadéro (non<br />
loin du Palais de Tokyo, place forte<br />
du skate dans la capitale). Les noms<br />
du Français Aurélien Giraud, de<br />
Leticia Bufoni (Brésil) et de Nyjah<br />
Huston (USA) sont évoqués à<br />
l’heure où nous bouclons ce numéro.<br />
Une retransmission en direct<br />
vous sera proposée sur <strong>Red</strong> Bull TV<br />
et Twitch, ainsi qu’un replay.<br />
redbull.com<br />
DÉJÀ DISPO<br />
FILER CREEK<br />
Il ne reste finalement que très peu<br />
de rivières à explorer sur la planète.<br />
Lorsque le Canadien Ed Muggridge<br />
a été contacté par son collègue kayakiste<br />
Sandy MacEwan pour effectuer<br />
une première descente de Filer<br />
Creek, un tronçon de 60 kilomètres<br />
d’eau vive qui s’étend de la côte de<br />
la Colombie-Britannique à l’océan<br />
Pacifique, il n’a pas pu laisser passer<br />
l’occasion. Le genre d’expédition<br />
dont il apprécie la « rudesse ». Partagez<br />
leur aventure en compagnie d’un<br />
autre kayakiste, Benny Marr, avec<br />
ce documentaire de 20 minutes disponible<br />
sur <strong>Red</strong> Bull TV. Une source<br />
d’inspiration pour l’esprit alors que<br />
nous recommençons à planifier<br />
nos propres aventures.<br />
redbull.com<br />
THE RED BULLETIN 87
PERSPECTIVES<br />
moto<br />
En route<br />
Parce qu’il y a des virées à rattraper,<br />
chopez le bon matos pour partir à moto.<br />
Photos OPHELIA WYNNE<br />
88 THE RED BULLETIN
Moto DUCATI Monster<br />
1200, ducati.com ;<br />
casque HEDON Bike<br />
Shed Club Racer Carbon<br />
Edition, hedon.com ;<br />
veste de denim SAINT<br />
Unbreakable Shearling<br />
Collar, eu.saint.cc ;<br />
t-shirt manches longues<br />
CYCLE ZOMBIES Basecoat,<br />
cyclezombies.com ;<br />
jeans BELSTAFF Longton<br />
Slim, belstaff.eu ;<br />
chaussettes STANCE<br />
Boyd 4, stance.eu.com ;<br />
chaussures VANS<br />
Sk8-Hi, vans.fr<br />
Ci-contre : moto<br />
HUSQVARNA Svartpilen<br />
125, husqvarna-motorcycles.com<br />
;<br />
veste cuir coquée Pink<br />
et crop top Laurie<br />
EUDOXIE, eudoxie.shop ;<br />
jeans SAINT Unbreakable<br />
High Rise Skinny,<br />
eu.saint.cc ;<br />
casque HEDON Hedonist<br />
Glass Ash, hedon.com ;<br />
lunettes 100 % Barstow,<br />
100percent.com ;<br />
chaussettes STANCE<br />
Slacker stance.eu.com ;<br />
chaussures VANS<br />
Sk8-Hi, vans.fr
Moto MUTT MOTOR-<br />
CYCLES Razorback<br />
125cc, muttmotorcycles.com<br />
; veste Racer<br />
MALLE LONDON ;<br />
mallelondon.com ;<br />
t-shirt EUDOXIE Flor,<br />
eudoxie.shop ; short<br />
LEVI’S 501 Mid Thigh,<br />
levi.com ; casque<br />
HEDON Heroine Classic<br />
HFI, hedon.com ;<br />
lunettes 100 %<br />
Barstow, 100percent.<br />
com ; chaussettes<br />
STANCE Boyd Staple,<br />
stance.eu.com ;<br />
chaussures VANS<br />
Sk8-Hi, vans.fr
PERSPECTIVES<br />
moto<br />
Gauche : moto HUSQVARNA Svartpilen 125, husqvarna-motorcycles.com ; casque HEDON Bike Shed Club Racer Carbon Edition,<br />
hedon.com ; veste de vol MALLE LONDON ML1, mallelondon.com ; surchemise P&CO Ripstop Fatigue, pand.co ; gants GOLDTOP<br />
Short Cuff Bobber, goldtop.co.uk ; pantalon DEUS EX MACHINA Jack Mechanics, shop.eu.deuscustoms.com. Droite : moto DUCATI<br />
Scrambler Icon Dark, ducati.com ; lunettes de soleil ZEAL OPTICS Divide, zealoptics.com ; veste P&CO Wayfare Waxed Canvas, pand.<br />
co ; sweat ASHLEY WATSON Cardington, ashleywatson.co.uk ; casque HEDON Heroine Racer, hedon.com ; gants GOLDTOP Predator,<br />
goldtop.co.uk ; pantalon DEUS EX MACHINA Indigo, deuscustoms.com ; chaussettes STANCE Joven, stance.eu.com ;<br />
DUKE + DEXTER chaussures Drake Tan Hiker, dukeanddexter.com<br />
THE RED BULLETIN 91
Casque HEDON Hedonist<br />
Tux, hedon.com ;<br />
veste en cuir EUDOXIE<br />
Pink, eudoxie.shop
Lunettes de soleil<br />
QUAY Nightfall,<br />
quayaustralia.co.uk ;<br />
veste BELSTAFF Pelham,<br />
belstaff.eu ;<br />
tee-shirt EUDOXIE<br />
Marie, eudoxie.shop ;<br />
jeans LEVI’S Ribcage<br />
Straight Ankle, levi.<br />
com ; casque HEDON<br />
Heroine Racer Two<br />
Face, hedon.com<br />
93
Moto MUTT MOTORCY-<br />
CLES Sabbath 250,<br />
muttmotorcycles.com ;<br />
casque HEDON Epicurist,<br />
hedon.com ;<br />
lunettes de soleil ZEAL<br />
OPTICS Crowley, zealoptics.com<br />
; sac à dos<br />
CHROME INDUSTRIES<br />
Barrage Freight,<br />
chromeindustries.com ;<br />
hoodie DEUS EX<br />
MACHINA Venice<br />
Address, shop.eu.deuscustoms.com<br />
; gants<br />
FUEL MOTORCYCLES<br />
Rodeo, fuelmotorcycles.<br />
eu ; pantalon P&CO 304<br />
Service Fatigue, pand.<br />
co ; chaussettes STANCE<br />
Icon, stance.eu.com ;<br />
chaussures CONVERSE<br />
Chuck 70 Classic High<br />
Top, converse.com
PERSPECTIVES<br />
moto<br />
Moto DUCATI Scrambler Icon Dark, ducati.com ; veste Sidewaze et pantalon Greasy Denim FUEL MOTORCYCLES, fuelmotorcycles.<br />
eu ; tee-shirt à manches longues BOLT Raglan, boltlondon.com ; gants GOLDTOP Quilted Café Racer, goldtop.co.uk<br />
Mannequins RAYANE B et HARRIET ROSE @ Select ; ETHAN DAVEY @ W ; DJ JAMES @ Supa ; coiffure et maquillage CÉLINE NONON<br />
avec des produits Dermalogica et Paul Mitchell<br />
THE RED BULLETIN 95
MENTIONS LÉGALES<br />
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
The <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans six pays.<br />
Vous découvrez ici la<br />
couverture de l’édition<br />
US, dédiée au pilote<br />
mexicain de Formule 1<br />
Sergio Pérez.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
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Suisse, ISSN 2308-5886<br />
Country Editors<br />
Stefania Telesca<br />
Révision<br />
Hans Fleißner (dir.),<br />
Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />
Billy Kirnbauer-Walek<br />
Country Project Management<br />
Meike Koch<br />
Media Sales & Brand Partnerships<br />
Stefan Brütsch (dir.),<br />
stefan.bruetsch@redbull.com<br />
Marcel Bannwart,<br />
marcel.bannwart@redbull.com<br />
Christian Bürgi,<br />
christian.buergi@redbull.com<br />
Jessica Pünchera,<br />
jessica.puenchera@redbull.com<br />
Goldbach Publishing<br />
Marco Nicoli,<br />
marco.nicoli@goldbach.com<br />
THE RED BULLETIN USA,<br />
ISSN 2308-586X<br />
Rédacteur en chef<br />
Peter Flax<br />
Rédactrice adjointe<br />
Nora O’Donnell<br />
Révision<br />
David Caplan<br />
Publishing Management<br />
Branden Peters<br />
Media Network Communications<br />
& Marketing Manager<br />
Brandon Peters<br />
Publicité<br />
Todd Peters,<br />
todd.peters@redbull.com<br />
Dave Szych,<br />
dave.szych@redbull.com<br />
Tanya Foster,<br />
tanya.foster@redbull.com<br />
96 THE RED BULLETIN
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TRBMAG
Pour finir en beauté<br />
Le monde d’après<br />
Plus qu’un plongeon extrême lors de la première étape des <strong>Red</strong> Bull<br />
Cliff Diving World Series, tenue à Saint-Raphaël le 12 juin dernier,<br />
cette image de l’athlète tchèque Michal Navratil est un symbole : celui<br />
d’une liberté bientôt retrouvée pour la France, avec les confinements<br />
et couvre-feux définitivement oubliés, quelques jours seulement après<br />
cet événement sensationnel. Un plongeon vertigineux de 27 mètres,<br />
dans le monde d’après.<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
sortira le<br />
23 septembre<br />
2021<br />
ALEX VOYER/RED BULL CONTENT POOL<br />
98 THE RED BULLETIN
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.